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Full text of "Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers"

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BOSTON     PUBLIC   LIBRARY. 


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ENCYCLOPEDIE, 

OU 

DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES  ARTS  ET  DES  MÉTIERS. 

TROISIEME   EDITION' 

TOME    HUITIEME. 


ENCYCLOPÉDIE, 

O  U 

DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES   ARTS   ET  DES   MÉTIERS, 

PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES. 

Mis   en   ordre  &   publié    par    M.  DIDEROT i    &    quant   à  la    Partie 
Mathématique,   par  M.  D'ALEMBERT. 

Tantàm  ferles  junUura^ue  poîUt , 
Tantîtm  de  medio  Jumptis  aued'u  honoris  /  HoRAT. 

TROISIEME      ÉDITION. 
T  O  M  E   h1j  ÏTI ËM  E. 


A     G  E  N  E   V  E, 

Chez  Jean-Léonard    Pellet  ,    Imprimeur  de  la  République, 

A     NEUFCHATEL, 

Chez    la    Société    Typographique. 


KBMaHtiiuueuBu^saiski^-JuuA.M'ii.  ■âiXssisje.saasBummm 


M.     D  C  C.     L  X  X  ri  I  L 


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ENGYCLOPÉDÎE, 


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DICTIONNAIRE   HAISONNÉ 

DES     SCIENCES  . 


DES   ARTS   ET   DES    MÉTIERS- 


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^^ 


CHU 

■^^  HULULA,  (Ge'og.)  ville 
^^3^  de  l'Amérique  feptentrio- 
nal  e  dans  la  nonvelle  Efpa- 
gne,présdu  lacdeMéxique. 
CHUMPI,  {Hijlnat. 
Miner alog.  )  Alonzo  Bar- 
ba donne  ce  nom  à . un 
minéral  ou  pierre  fernigineufe,  qui  a  beau- 
coup de  rapport  avec  l'émeril ,  &  dont  la 
couleur  efl:  grife,  d'un  brillant  un  peu  obfcur, 
réfraûaire  ,  &  très-difficile  à  mettre  en  fu-, 
fion.  On  la  trouve  au  Potofi ,  ùc.  Elle  eft 
Ibuvent  mêlée  aux  mines  d'argent.  ( — ) 

CHUNDA,  f.  m.  (  HiJ}.  nat.  Botjn.  ) 
cfpece  de  folamim ,  morelle  du  Malabr.r  , 
uès-bien  gravé  avec  la  plupart  de  fes  d^- 
Tome   VIIL 


CHU 


taiîs  pnr  Van-Rheede  ,  dans  fon  ITortus 
Malaharicus  ,vol.  II,  plane.  XXX  VIL  p. 
69.  Les  Brames  l'appellent  doLri.  C'eft  le 
folanum  fpïnofum  MaLbaricum  de  Jean 
Commelin. 

C'eft  une  plante  annuelle  qui  s'élève 
fous  la  forme  d'un  buiflon  fphéroïde  de 
trois  pies'  de  diamètre  ;  à  racine  ligneufe 
brune  ,  de  fix  lignes  environ  de  diamè- 
tre ,  longue  de  quatre  à  cinq  pouces  ,  ra- 
mifiée; à  tige  cylindrique,  moelleufe  au 
centre  ,  ramifiée  ,  à  fix  pouces  au-delTus 
de  fon  origine  ,  en  plufieurs  branches  al- 
ternes ouvertes  fous  un  angle  diê  45  de- 
grés ,  rouge  -  obfcurcs  ,  veloutées,  cou- 
vertes de  poils  épais  étoiles ,   &  hérilTées 

A 


1  CHU 

d'épines  coniques  droites  vertes,  longues 
de  trois  'lignes  ,  une  fois  moins  larges, 
lemées"'à  'des  diflances  de  fix  lignes  Qti— 
Viron.^  ,     ^  .  ' 

Les 'feuilles  fbiir  alternes ,  difpof^éscir- 
jtulairement  au  nombre  de  cinq  à  fept  le 
long  des  branches ,  elliptiques  ,^pôintùes 
*aux  deux  bouts ,  longues  de  trois  à  quâ- 
^tre  pouces  ,  une  fois  moins  larges ,  mar- 
'quees  de  deux  à  trois  ondes  fur  leurs  bords, 
'couvertes  de  poils   ^pais ,  comme  les  ti- 
^gés",  \rerd-foncé  deflus,  plus  claires  def- 
fous ,  relevées  d'une  côte  épailfe  ramifiée 
de  trois  paires  de  nervures  rougeâtres  fe- 
mces  de  quelques  épines  coniques  comme 
!  celles  des  tiges  ,  &  portées  fur  un  pédicii-. 
'le  cylindrique  ,  une  à  deux  fois  plus  court 
'qu'elles  ,  hérifïe  de  poils  &  d'épines  comme 
les  tiges. 

Sur  le  côté  de  l'aifTèlle  des  feuilles  fu- 
périeures  fort'une  fleur  une  fois  plus  courte 
qu'elles ,  bleu  -  clair  ,  ouverte  eh  étoile 
d'un  bon  pouce  de  diamètre ,  &  portée 
fous  un  angle  de  45  dégrés,  fur  un  pédun- 
cule  de  cette  longueur ,  un  peu  renflé  vers 
fon  extrémité  &  fans  épines. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite,  mo- 
nopétale )  régulière  ,  pofée  au  defTous  de 
l'ovaire  Elle  confifte  en  un  calice  verd 
d'une  feule  pièce ,  à  tube  court  évafé  peir- 
fiftent,  à  cinq  divifions  triangulaires  ,  ou- 
vertes inégalement ,  une  â  deux  fois  plus 
longues  que  larges ,  femées  de  quelques 
ëpines  ;  en  une  corolle  bleu-clair^  mono- 
pétale ,  prefque  une  fois  plus  longue  que 
le  calice  ,  â  tube  court  evafé  horizontale- 
ment, partagé  prefque  jufqu'à  fon  milieu 
en  cinq  divifions  égales  triangulaires,  une 
fois  plus  larges  que  longues.  A  la  bafe  de 
ce  tube  font  attachées  cinq  étamines  une 
fois  plus  courtes  que  la  corolle,  à  anthè- 
res,  longues  prefque  fefTiles  jaunes,  rap- 
prochées en  un  cône  qui  enveloppe  entiè- 
rement l'ovaire.  Celui-ci  eft  fphéroi'de  , 
■  porté  fur  un  difque  jaune  avec  lequel  il 
fait  corps  ,  &  furmonté  par  un  ftyle  mé- 
diocre cylindriaue  ,  couronné  par  un  fti- 
*gmate  hémifphérique ,  velouté  &  traverfé 
par  un  fdlon. 

L'ovaire  en  muriftant  devient  une  baie 
fphéro'-de  d'u  i  pouce  de  diamètre  ,  lifîè 
d'abord  verte  defiôus  &' blanche  deflus , 


CHU 

enfui  te  jaune^clair ,  à  chair  vefée,fu<icu - 
lente  ,  ne  Vouvrant  point ,  partagée  -en 
deux  loges  qui  contiennent  chacune  'tine 
centaine  de  graines  lènticulairôs  ,  td'ùne 
ligne  de  diamètre-,  blanches  d'abord  , 
enfuite  jaunes  ,  -attachées  vehicalerrient 
par  deffous  leur  tranchant  ,  &  implantées 
dans  la  chairdu  placenta  qui  eft  *àtcaché 
■au  centre  du  fruit  dont  il  remplit  k  plus 
grande  partie. 

Culture.  Le  cliiinda  Crôîf*âii  ■^îatabar 
dans  les  terres  fablonneufes. 

Qualités.  Toute  la  p}arite^'"¥trfe%<!eur 
fauvage  &  une  faveur  légèrement  -âere  , 
fur-toùt  dans  fes  fruits. 

Ufages.  Sa  racine  pilée&:  bue' dàhs  le 
vin  à  la  dofe  de  deux  onées  ,  purge  les 
humeurs  pituiteufes  ;  à  moindre  dofe , 
elle  fe  boit  dans  le  vin  pour  arrêter  le 
vomiffement.  Sa  décodion  &  celle  de 
toutes  fes  autres  parties  fe  boit  dans  les 
fièvres  caufées  par  l'abondance  du  phle- 
gme  &  des  humeurs,  pour  aider  la  di- 
geftion,  &  l'on  y  joint  le  miel  pour  la 
toux    &    la    pefanteur   d'eftomac.  ( .  M. 

An  AN  SON.  ) 

CHUNG-KiNG  ,  (  Géogr.  )  grande 
ville  de  la  Chine ,  dans  la  province  de 
Suchuen. 

CHUPMESSAHITES,  f.  m, 
plur.  (  Hifl.  mod.  )  fede  de  mahométans 
qui  croient  que  Jefus-Chrift  eft  Dieu  > 
le  vrai  Meffie,  &  le  Rédempteur  du  genre 
humain  ;  mais  qui  n'ofent  lui  rendre 
aucun  culte  public  ,  ni  l'adorer  ouverte- 
ment. Ricaut  aflbre  que  cette  feâe  très- 
nombreufe  eft  compofée  fur-tout  de  per- 
fon nés  de  marque  ,  &  qu'elle  a  des  par- 
tifans  jufque  dans  le  ferrail.  (G) 

CHUQUELAS  ou  CHERCOLCES , 
(  Co/nmerce.  )  voye^  CherconnÉES. 

CHUR  -  WALDEN  ,  (  Géogr.  )  pe- 
tite ville  des  Grifons ,  fur  la  rivière  de 
Raba. 

CHUS  ou  CUOAy  {Bljl.  anc.)  en 
grec  x^^'^i  de  x^ -IV  répandre  j  mefure  de 
liquides  chez  lès  Grecs.  Les  auteurs  né 
s'accordent  point  fur  la  quantité  de  liqui- 
de que  le  chus  contenoit  ;  les  uns  préren- 
dent qu'il  tenoit  quatre  feptiers ,  fexta" 
rios  ;  \es  autres  fix ,  ou  un  congé ,  congiùm. 
Fabri  dit  neuf  livres  d'huile ,/  dix  de  tia^ 


G  H  U 

&;  treize  livres  quatre  onces  de  miel.  Pi- 
tifcus ,  dans  fon  didionnaire  ,  eftime  que 
le  chus  contient  fix  feptiers  attiques  ou 
douze  cotyles  ;  que  cette  mefure  pefoit 
pleine  d'huile  fept  livres  &  demie  ,  & 
huit  livres  &  un  quart  d'eau  ou  de  vin. 

En  générai ,  rien  de  plus  obfcur  que  ce 
qui  regarde  les  mefures  des  Grecs  &  des 
Romains,  leur  variété  en  divers  temps  & 
en  différents  pays ,  leur  inftabilité,  les  mê- 
mes dénominations  employées  pour  expri- 
mer des  chofes  différentes  ,  ont  jeté  fur 
ce  fujet  la  plus  grande  confufion.  Faut-il 
eti  être  furpris  ?  les  mêmes  inconvéniens 
ne  fe  rencontrent-ils  pas  dans  les  poids 
&  \qs  mefures  des  modernes  ?  Nous  n'a- 
vons rien  à  reprocher  aux  anciens  ;  &  les 
nations  européennes  ont  un  befoin  jour- 
nalier d'avoir  perpétuellement  là-deffus 
un  tarif  à  la  main  pour  faire  leur  com- 
merce non-feulement  chez  l'étranger ,  mais 
encore  dans  les  diverfes  provinces  d'un 
même  royaum.e.  Cependant  ceux  qui  dé- 
lireront les  détails  ou  les  conjedures  de 
nos  littérateurs  fur  le  chus  &  fur  le  congé  , 
que  quelques  -  uns  prétendent  être  une 
même  mefure  ,  pourront  confulter  les 
mémoires  de  V académie  des  Infcriptions  ; 
Stuchiusdans  fes  œuvres  in-fol.  L.  B.  1695. 
Eifenfchmid ,  Beverinus ,  &  tant  d'autres 
Jivres  fur  les  poids  &  les  mefures  anti- 
ques, qui  ne  prouvent  que  trop  l'incer- 
titude qui  règne  ici.  Cet  article  ejl  de  M. 
le  Chevalier  DE  JaucOURT. 

CHUS  y  (  Hiji.  facr.  )  premier  fils  de 
Cham  ,  &  père  de  Nembrod  ,  fut  le  fon- 
dateur des  Ethiopiens  ou  des  Abyffms  , 
dont  le, pays  ell  défigné  dans  V Ecriture 
par  le  nom  de  terre  de  Chus.  Nous  ne 
connoiffons  dans  les  livres  faints  qu'un  feul 
homme  du  nom  de  Chus  ;  mais  on  trou- 
ve pluGeurs  pays  qui  portent  ce  nom  , 
foit  que  le  même  homme  ait  demeuré  en 
plus  d'un  endroit  >  foit  qu'il  y  ait  eu  qiiel- 
qu'autre  Chus  qui  ne  nous  foit  pas  connu. 
Les  interprètes  traduifent  ordinairement 
Chus  par  l'Ethiopie  j  mais  il  y  a  plufîeurs 
paflàges  où  cette  traduûion  ne  peut  avoir 
lieu.  Chus  fur  le  Géhon  ne  peut  être  tra- 
duit pax  l'Ethiopie  ,  parce  qu'il  faudroit 
que  le  Géhon  fignifiât  le  Nil ,  &  que  ce 
dernier  fleuve  ell  trop  éloigné  de   l'Eu- 


C  H  U  3 

phrate  &  du  Tigre  ,  pour  que  l'on  puifle 
dire  qu'il  fortoit ,  comme  eux,  du  paradis 
terreilre;  ainii  Chus  fur  le  Géhon  n'eft 
antre  que  l'ancien  pays  des  Scythes  fur 
l'Araxe.  Le  terre  de  Chus  dans  l'Arabie 
pétrée  ,  frontière  de  l'Egypte  ,  d'où  Tha- 
raca  &  Zara  firent  irruption  dans  la  Ju- 
dée ,  ne  peut  non  plus  être  entendue  pat 
l'Ethiopie.  Ainii  voilà  deux  pays  de  Chus 
marqués  dans  V Ecriture  ,  que  les  inter- 
prètes confondent  avec  l'Ethiopie  propre- 
ment dite ,  qui  eft  au  midi  de  l'Egypte. 

(■!-) 

C  H  USAI,  {Hift.  facr.)  l'un  des 
plus  fidèles  ferviteurs  de  David  ,  qui ,  ayant 
appris  la  révolte  d'Abfalon  ,  alla  trouver 
le  roi ,  la  tête  couverte  de  poufïiere  ,  & 
les  habits  déchirés.  David  l'ayant  engagé 
de  feindre  d'entrer  dans  le  parti  d'Abfa- 
lon ,  pour  pénétrer  fes  defîèins  ,  &  s'op- 
pofer  aux  confeils  d'Achitophel ,  Chufaï 
alla  à  Jérufalem ,  gagna  la  confiance  de 
ce  prince  rebelle  ,  &  détourna  par  fa 
prudence  le  confeil  que  lui  donnoit  Achi- 
tophel  de  pourfuivre  David  ,  qu'il  fit  aver- 
tir de  ce  qui  fe  tramoit  contre  lui.  Ce 
fervice  fut  le  falut  de  ce  malheureux  roi ,. 
qui  paflà  promptement  le  Jourdain  pour 
le  mettre  en  fureté.  An  du  monde  2081. 

(■!:) 

CmJSmyRafathaim,  (  Hift.facr.  ) 
Ethiopien  ,  roi  de  Méfopotamie ,  fit  la 
guerre  aux  Ifraélites  ,  &  \qs  réduifit  en 
fervitude  :  Dieu  le  permettoit  ainfi  pour 
les  punir  de  leur  idolâtrie.  Ils  demeurè- 
rent dans  cet  efclavage  huit  ans  ,  à  la  fir^ 
defquels  ,  Dieu  touché  de  leur  repentir  , 
fe  fervit  d'Othoniel  pour  les  remettre  eij 
liberté.  An  du  monde  2.593.  (  +  ) 

CHU  SI,  [Hifl.  facr.)  offici.ç.r  de 
David  y  qj^i  porta  à  ce  prince  la  nouvellQ 
de  la  mort  d'Abfalon.  C'étoit  encore  Iç 
nom  du  père  de  Sophonie  le  prophète. 
Saul  eft  ainll  appelle  à  caufe  de  fa  mé- 
chanceté &  de  l'acharnement  avec  lequel 
il  pourfuivoit  David.  Chufi ,  qui  fignifig 
Ethiopien  ,  peut  défigner  un  homme  mé-^ 
chant.  (-}-). 

CHUSISTANoM  KURISTAN, 
(  Géogr.  )  province  d'Afie  dans  la  Perfe  , 
entre  le  pays  de  Fars  &  celui  de  Balïbra  , 
dont  la  capitale  eft  Soafter. 

A2 


4  CHU 

CHUTE,  f.  f.  en  Phyfiquc,  efl  le  che- 
min que  fait  un  corps  pefant  en  s'appro- 
chant  du  centre  de  la  terre.  Voye\  DES- 
CENTE. 

Galilée  eft  le  premier  qui  ait  découvert 
la  loi  de  l'accélération  des  corps  qui  tom- 
bent; favoir,  qu'en  divifant  tout  le  temps 
de  la  chute  en  inftans  égaux ,  le  corps  fera 
trois  fois  autant  de  chemin  dans  le  fécond 
inftant  de  fa  chute  que  dans  le  premier  , 
cinq  fois  autant  dans  le  troifieme,  fept 
fois  autant  dans  le  quatrième  ,  ^c.  &  ainfi 
de  fuite  ,  fuivant  l'ordre  des  nombres  im- 
pairs. Voye\  un  plus  long  détail  fur  ce  fu- 
jet  à  Vuniclt  ACCÉLÉRATION.  Pour  la 
caufe  de  la  chute  des  corps ,  poye^  PESAN- 
TEUR. 

Pour  les  loixdela  chute  des  corps  ,  poye\ 
Descente.  (  O) 

Chute  de  Vanus  ou  fonde  ment  ^  {Chir.) 
c'eft  un  accident  qui  confiée  en  ce  que 
quand  le  malade  va  à  la  felle  ,  l'inteitin 
redum  lui  fort  fi  considérablement,  qu'il  ne 
peut  plus  rentrer  dans  le  corps ,  ou  que 
s'il  y  rentre ,  il  retombe.  Voye:^^  Regtum. 

C'eft  quelquefois  une  maladie  chroni- 
que ,  fur-  tout  quand  elle  vient  de  paraly- 
fie  :  fes  caufes  font  le  relâchement  des  fi- 
bres du  redum  ou  du  mufcle  fphinder;  ou 
bien  la  conftridion  du  ventre ,  la  diarrhée , 
la  dyfTenterie  ,  ou  le  tenefme. 

On  en  guérit  difficilement  quand  elle 
eft  accompagnée  d'hémorrhoïdes.  Les  mé- 
dicamens  les  plus  propres  pour  la  cure , 
font  les  aftringens.  Il  eft  befoin  auHi  d'une 
opération  manuelle  pour  faire  rentrer  l'in- 
teftin  ,  qui ,  expofé  à  l'air,  ne  manqueroit 
pas  de  fe  tuméfier  &  de  fe  mortifier  ,  s'il 
ne  l'eft  pas  déjà. 

Il  arrive  fouvent  qu'il  retombe  aux  en- 
fans  ,  après  qu'on  l'a  fit  rentrer  ,  princi- 
palement lorsqu'ils  crient  ;  &  dans  le  cas 
cù  il  y  a  diarrhée  il  eft  bien  difficile  de 
le  contenir  en  dedans. 

M.  Suret ,  maître  chirurgien  de  Paris  , 
a  imaginé  un  bandage  pour  la  chute  du 
xeûum  ,  qui  eft  très-ingénieux  ,  &  qui  a 
mérité  l'approbation  des  plus  grands  maî- 
tres de  l'art.  Il  doit  le  préfenter  à  l'aca- 
démie royale  de  Chirurgie ,  &  fa  découverte 
fera  rendue  publique  dans  la  fuite  des  mé- 
moires que  ceue  académie  domiera.   Le 


CHU 
grand  avantage  de  cet  inftrument  eft  de 
contenir  les  parties  au  même  degré  de 
compreiïlon  ;  dans  quelque  attitude  que 
puifte  prendre  le  malade ,  debout ,  cou- 
ché ,  afîis  &c.  le  bandage  comprime  tou- 
jours également.  Ceux  qui  feront  dans  le 
cas  d'en  éprouver  les  effets ,  fentiront  tout 
le  prix  d'un  pareille  invention. 

Chute  de  la  mjtrice  ,  de  la  defcente  de 
cette  partie  en-embas ,  caufée  par  le  relâ- 
chement des  ligamens  deftinés  à  la  retenir 
dans  fa  place.    Voye\  UTERUS. 

Si  la  matrice  eft  tombée  dans  le  vagin  , 
de  manière  qu'on  en  fente  l'orifice  avec 
les  doigts  en  dedans  des  lèvres  de  la  vulve, 
ou  qu'on  le  voie  des  yeux  en  dedans  ,  cela 
s'appelle  un  abaijfementde  matrice.  Si  elle 
eft  tout-à-fait  tombée  ,  de  forte  qu'elle 
traîne  pendante  en  dehors  des  lèvres  , 
mais  de  forte  qu'on  n'en  voie  pas  plus  le 
dedans  que  l'orifice  ,  cela  s'appelle  chute 
de  matrice.  Si  étant  defcendue  elle  eft  re- 
tournée de  manière  que  le  dedans  forte 
par  les  lèvres ,  &  qu'il  pende  une  efpece  de 
fac  charnu  avec  une  furface  inégale  ,  cela 
s'appelle  renverfement  de  matrice. 

Ces  défordres  peuvent  procéder  de  mou- 
vemens  violens,  de  toux  ,  d'éternument , 
de  fleurs  blanches.  Ils  arrivent  le  plus  fou- 
vent  auxfemmens  groftes ,  en  conféquence 
du  poids  qui  porte  &  preflê  fur  l'utérus  \ 
mais  principalement  fi  le  fœtus  eft  mort, 
s'il  eft  dans  une  mauvaife  pofture ,  ou  qu'il 
ait  été  tiré  par  force. 

Le  renverfement  de  matrice  eft  ordi- 
nairement la  fuite  immédiate  de  l'extrac- 
tion d'un  placenta  ,  adhérent  au  fond  de 
cet  organe  :  dès  qu'on  s'apperçoit  de  ce,t 
accident  &  qu'on  a  réufti  à  détacher  l'ar- 
riere-faix  ,  il  faut  faire  promptement  la 
rédudion.  Si  Pon  ne  peut  pas  y  réuftir  \ 
la  vie  de  la  malade  eft  dans  un  grand  dan- 
ger par  la  mortification  qui  eft  l'effet  de 
l'étranglement  du  fond  de  l'utérus  par 
l'orifice. 

Après  avoir  replacé  la  partie  ,  il  faut 
employer  les  aftringens ,  tels  que  ceux  dont 
on  fait  ufage  dans  les  diarrhées  ,  les  liémor- 
rhoides  ,  la  gonorrhée  fimple  ,  érc.  &  re- 
tenir la  matrice  avec  un  pefîaire.  Voye\ 
Pessaire. 

Cliûte  de  la  luette ,  eft  la  defcente  ou  le 


CHU 

relâcherr'ent  de  la  luette  ou  des  amygdales. 
Vojei  LVETTE.  {Y) 

Chute  ,  en  Archneâure  ,  eft  un  orne- 
ment de  bouquets  pendans ,  compofés  de 
fleurs  ou  de  fruits  qu'on  place  afTez  fouvent 
dans  les  ravalemens  des  arriere-corps  de 
chambranles ,  de  pilaftres  de  pierre ,  ou 
panneaux  de  menuiferie.  (P) 

Chute,  terme  d' Horlogerie. 'LoT^c^xi^xmQ 
des  dents  de  la  roue  de  rencontre  eft  par- 
venue à  l'extrémité  de  la  palette  qui  lui 
répond  ^  fon  oppofée  tombe  avec  accélé- 
ration fur  l'autre  palette  ,  &  lui  donne 
un  petit  coup  ;  c'eft  ce  coup  ,  &  l'efpace 
que  la  roue  parcourt ,  qu'on  nomme  chute. 
Elle  eft  néceflaire  pour  éviter  les  accro- 
chemens  qui  naîtroient  infailliblement  du 
jeu  des  pivots  dans  leurs  trous ,  de  l'ufure 
des  parties  ,  &  de  l'inégalité  des  dents  de 
la  roue  de  rencontre.  Voye^  AccROCHE- 

MENT. 

S'il  faut  abfolument  donner  un  peu  de 
chute  à  un  échappement ,  c'eft  en  même 
temps  une  chofe  fort  préjudiciable  à  la 
montre  ou  pendule  où  il  eft  appliqué, 
de  lui  en  laifïèr  trop  ;  les  inconvéniens 
qui  en  réfultent  font ,  beaucoup  moins  de 
liberté  dans  les  vibrations  du  régulateur  , 
plus  d'ufure  de  fes  pivots ,  des  trous  dans 
îefquels  il  roule  ,  des  pointes  de  la  roue  , 
&  de  l'endroit  des  palettes  fur  lequel  elles 
tombent. 

Dans  un  échappement  bien  fait ,  la 
chute  eft  égale  fur  chaque  palette  ;  on  par- 
vient à  cette  égalité  par  le  moyen  du  nez 
ou  du  lardon  de  la  potence.  Voye\  Nez  , 
Lardon  ,  Potence. 

Ciiûte  fe  dit  aufti  dans  un  engrenage , 
an  petit  arc  parcouru  par  la  roue ,  quand 
une  de  fes  dents  quitte  l'aile  du  pignon 
dans  lequel  elle  engrené  ,  &  qu'une  autre 
tombe  fur  la  fui  vante.  Cette  chute  devient 
confidérable  dans  les  pignons  de  bas  nom- 
bre ;  mais  elle  eft  peu  fenfible  dans  ceux 
qui  ont  huit ,  dix ,  ou  douze  ailes  ,  tsc. 
Quand  un  engrenage  eft  trop  fort  ^  il  y  a 
beaucoup  de  chute ,  ce  qui  occafionne 
des  précipitations  dans  le  mouvement  des 
roues.    Voye\  ENGRENAGE.  (  T) 

Chute  d'EAU,  {Hydraul.  )  On  dit 
qu'un  ruifleau  ,  qu'une  rigole  ,  qu'une 
petite  rivière  vient  former  uue  chiite  d'eau 


CHU  5 

fur  la  roue  d'un  moulin,  ou   bien  qu'el'e 
tombe    en   cafcade    dans  quelque  baflin. 

Chute  de  TERREIN  ,  (  Jardin.  )  fe 
dit  d'un  terrein  inégal  &  rampant ,  dont  il 
faut  ménager  la  chute  en  le  coupant  par 
différentes  terrafl'es ,  ou  en  adouciftànt 
la  pente  de  manière  qu'elle  ne  fatigue 
point  en  fe  promenant.   {K) 

Chute  de  voile  ,  (  Marine.  )  c'eft  la 
longueur  d'une  voile.  (  Z  ) 

Chute  ,  ce  mot  eft  encore  employé  dans 
un  fens  moral ,  comme  la  chute  d'Adam. 
(  Voye\  Péché  originel.  )  la  chute 
de  l'Empire  romain  ,  ^c. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  prétendent  que 
Platon  a  eu  connoifTance  de  la  chute 
d'Adam,  &  qu'ill'avoit  apprife  par  la  lec- 
ture des  livres  de  Moïfe.  Eufebe ,  de  pré- 
parât, evangel.  lih.  XII.  cap.  xj.  cite  une 
fable  àQsSympos  de  Platon  ,  dans  laquelle 
toute  cette  hiftoire  eft  rapportée  d'une 
manière  allégorique.   (G) 

CHUTE ,  (  Mufiq.)  agrément  du  chant 
&  des  inftrumens ,  qui  ne  diffère  de  l'ac- 
cent qu'en  ce  qu'il  fe  fait  d'une  note  à 
une  autre  plus  haute  ou  plus  baffe  :  on 
marquoit  ci- devant  cet  agrément  par  un 
petit  crochet.  Fbyq  la  marque  &  l'effet 
de  la  chute  ,  fig.  5  ,  pi.  VIII  de  Muf, 
Suppl.  des  planches. 

D'Anglebert  divife  la  chute  _, 
^  i^.  En  chute  far  une  note  ^  qui  eft  celle 
ci  -  deffus. 

2°  En  chute  fur  deux  notes.  Voye\  fa 
marque  &  fon  effet, /^.  6.  plane  lie  VIII 
de  Mufiq.  Suppl.  des  planches, 

3^*.  En  double  chute  â  un  tierce.  Voye\ 
la  marque  &  l'effet,  fig.  i.  pi.  IX  de 
Mufiq.  Suppl. 

/if.  Enfin  ,  en  double  chute  fur  une  note 
feule.  Voye\  la  marque  &  l'effet,  fig.  2> 
même  pi.  , 

Les  chûtes  y  n^.  2  &c  3 ,  ne  peuvent  fer- 
virque  fur  le  clavefîin  ou  fur  l'orgue  ,  & 
dans  quelques  cas  fur  les  inftriunents  à 
corde  ,  car  les  notes  dont  la  queue  eft  en 
bas  ,  &  qu'on  a  exprès  faites  plus  groffes , 
doivent  être  tenues  tout  le  temps  de  leur 
valeur,  pendant  qu'on  achevé  la  chute. 

Mais  Loulié ,  dans  fes  Elemens  de  Mu~ 
fique  f  décrit   ainfi  cet  agrément  :    «  La 


6  Ç  H  U 

fy  chute  eft  une  inflexion  de  la  voix  ,  d'uit 
>i  fon  fort  ordinaire  à  un  petit  fon  plus 
V  bas  ». 

Voye^pl.  IX de  Mufiq.  Suppl.  des  plan- 
ches ,  la  marque  &   l'effet  de  la  ctiûte  , 
fuivant    Loulié  ,    &    remarquez    que     la 
dernière  mefure  que  j'ai  exprès  marquée 
d'un  a  ,  paroît  la  feule  où  la  liaifon  foit 
bien  placée  ,   &  que  peut-être  il  y  a  une 
faute  d'imprefîion  aux   autres ,  ce  qui  eft 
d'autant  plus  vraifemblable  ,  que  n'ayant 
pas  pu  avoir  les  traités  originaux  ,  j'ai  co- 
pié ces  exemples  d'un  ouvrage  Allemand , 
qui  ajoute  qu'à  ne  confulter  que  le  mot , 
la   chute   de  Loulié  paroît  plus  conforme 
au  nom  que  les  autres.  La  marque  de  cet 
agrément  n'eft  plus  d'ufage  ;  on  le  note 
tout  du  long  quand  on  le  veut.  (F.D.  C.  ) 
CHUTEENS,   {HiJlSacr.)  peuples 
de  Perfe  qu'Afar-addon    envoya  dans  la 
Samarie  en  la  place  des  dix  tribus  qu'il 
avoit  tranfportées   en  Aflyrie.    On  croit 
qu'ils  étoient  ainfî  nommés ,  parce  qu'ils 
furent  tires  d'une  province  nommée  Chuta, 
à  caufe  du  fleuve  Chut.    L'Ecriture  re- 
marque que  les  Chuteens  étant  arrivés  dans 
ce  nouveau  pays ,  continuèrent  à  y  adorer 
les  Dieux  qu'ils   adoroient    au-delà    de 
TEuphiate  ;   Or  il  arriva  qu'au  commen- 
cement qu*ils  habitèrent  là  y  ils  ne  révé- 
rèrent point  V Eternel  y  &  l'Eternel  envoya 
contr'eux  des  lions  qui  les  dévoraient.  2. 
RoisXJ^II.i^.  Le  roi  d' Aflyrie  inftruit 
de  la  caufe  de   cette    punition  ,    manda 
un  àcs  prêtres  du  Dieu  d'Ifrael  pour  leur 
enfeigner  le  culte    du  Seigneur.    C'étoit 
fans    doute  un   des  prêtres    qui  avoient 
fèrvi  les  veaux  d'or  ;   car  tous   ceux  de 
la   race  d'Aaron ,  depuis  le  fchifme  des 
dix  tribus,  s'étoient    réunis  au  royaume 
de  Juda  ,  pour  fervir  dans  le  temple  de 
Jérufalem.   La  crainte  rendit  ces  peuples 
dociles  aux  inftruûions  qu'on  leur  donna  ; 
Èiais  croyant  p^^oir  allier  leurs  ancien- 
nes fuperftitions  avec  la  loi  de  Moïfe  , 
qu'on  les   forçoit   d'embrafler,  ils  adop- 
tèrent le  culte  du  Dieu  d'Ifrael ,  fans  re- 
noncer â  celui  de  leurs  idoles  ;  &  par  un 
mélange  monftrueux  ,  ils  partagèrent  leurs 
adorations    entre    le  Dieu ,  créateur  de 
î*univers ,  &  de  viles  &  impuifl^antes  créa- 
tuie$.  Ces  peuples,  au  temps  d'Efdras,  1 


C  H  Y 

pratîquoient  encore  ce  cuke  mélangé  ;  ils. 
avoient  des  temples  confacrés  aux  fauflèst 
divinités  ;  ^ais  ils  n'en  avoient  pas  encore 
élevé  au  Dieu  d'Ifrael ,  puifque  du  tempsr 
de  Zorobabel  ,  lorfqu'on  travailloit  à  re^ 
bâtir  le  temple  de  Jérufalem  ,  ils  témoi- 
gnèrent beaucoup  d'empreffem-ent  pour 
être  aflbciés  à  l'ouvrage.  Ce  ne  fut  qu'an 
temps  d'Alexandre  le  Grand  ,  qu'ils  bâ- 
tirent un  temple  au  Seigneur  fur  la  mon- 
tagne de  Garizim  ,  où  ils  faifoient  le  fer- 
vice  de  Dieu  comme  à  Jérufalem.  Ils  pré- 
tendoient  l'oppofer  au  temple  de  cette 
dernière  ville  ,  ce  que  les  Juifs  ne  pou- 
voient  fouflrir;  &  de-là  venoit  principa- 
lement l'antipathie  entre  les  Juifs  &  le& 
Samaritains.  (-{•) 

ÇHWASTOW,  (  Géogr.  )  ville  peu  con- 
fidérable  de  la  petite  Pologne  ,  daiis  le  Pa- 
latinat  de  Kiow.  (D.G.) 

C  H  Y 

CHYLAAT ,  f  m.  (  Jfiji.  mod.  )  eA 
pece  de  robe  de  deflus,  que  les  Turcs 
nomment  plus  communément  caftan  :  1q 
grand-feigneur  la  donne  par  diftindion 
aux  miniftres ,  bâchas ,  ou  autres  Officiers 
de  la  Porte,  lorfqu'ils  entrent  en  charge  , 
pour  récompenfe  de  quelque  fervice  ex- 
traordinaire ,  ou  même  pour  quelque  agréa- 
ble nouvelle. 

Les  courtifans  du  fultan  diftinguent 
trois  fortes  de  chylaat  :  le  premier  efl:  le 
chylaat-fagire  y  qu'on  ne  donne  qu'aux 
vilirs  ,  aux  bâchas  à  trois  queues ,  & 
comme  une  faveur  fignalée  ,  à  quelques 
ambaflàdeurs  étrangers  :  le  fécond  fe 
nomme  chylaat  -  ala  ^  c' eu  la  robe  qu'on 
accorde  aux  bâchas  du  commun  ,  aux 
princes  mahométans  &  chrétiens  ,  &  aux 
ambaflàdeurs  .  de  ceux  -  ci  :  le  troifiemQ 
s'appelle  cu\athy  c'eft-à-dire,  moyen,  ou 
edua  ,  moindre  ;  on  l'accorde  aux  officiers 
&  autres  perfonnes  d'un  rang  inférieur. 
Tous  ces  chylaats  ou  caftans  font  d'une 
étofle  plus  ou  moins  riche,  6c  bordés  & 
doublés  de  fourrures  plus  ou  moins  pré-» 
cieufes  ,  félon  leur  degré  &  la  dignité  des 
peifonnes  à  qui  le  grand-feigneur  en  fait 
préfent.  Guer.  mœurs  des  Turcs  y  torne^ 
IL  (G) 


•C  -H  V 

'■  C'H  YiL^E  ,  (  Anat.  ■Phyfiol)  Bans 
l'économie  animale  ,  fuc  blanchâtre 
dans    lequel    les    alimens     fe    changent 

âmmédiatement  par  la  digeftion  ,  ou  , 
pour  parler  plus  proprement  ,  par  la  chy- 
ïification  ,  qui  eft  la  première  partie  de 
la  digeftion.  Voyei  ChilificatiON  , 
Digestion  ,  &c.  Ce  mot  vient  du  grec 

XfAof    ,   fuc. 

Le  dodeur  Drake  obferve  que  le  chyle 
n'eft  autre  choie  qu'un  mélange  des  par- 
ties huileufes  &  aqueufes  de  la  nourriture 
incorporées  avec  des  parties  falines  ,   qui 
pendant  qu'elles    reftent    dans    l'eftomac 
mêlées  avec  des  parties  plus  groflieres  ,  y 
•forment  une  mafle  épailîë  ,  blanchâtre  , 
"'&  en  partie  fluide  ,  qu'on  nomme  chyle  , 
laquelle  aufli-tôt  qu'elle  eft  réduite  à  une 
-confiftance  aftez  déliée  pour  pouvoir  obéir 
â  la  preftion  &   au  mouvement  périftalti- 
•  que  de  l'eftomac  ,  eft  pouffée  par  degrés 
tpar  le  pylore  dans  le  duodénum ,  où  elle 


cm^ 


1 


lange  ;  que  le  feldu  chyle  eft  porté  dans 
le  fang  veineux  ,  &  qu'il  entre  avec  lui 
dans  le  cœur  ;  qu'il  en  fort  en  l'état  de 
chyle  comme  il  eft  entré  ,  par  la  pulfation 
continuelle  des  artères  ;  qu'autant  de  fois 
qu'il  entre  dans  les  artères  émulgentes  ,  il 
y  laifte  après  lui  fa  liqueur  faline  ou  fon 
urine  ,  &  qu'il  perd  par  conféquent  de  fa 
couleur  ;  &  que  lorfqu'il  eft  aftez  purgé  de 
fes  fels  il  devient  lymphe  :  cette  lymphe 
ne  femble  être  autre  chofeque  le  léfvdu  du 
chyle  qui  n'eft  pas  encore  aftez  converti 
en  fang  ,  parce  qu'il  n'eft  point  encore 
aftez  purgé  de  fes  particules  falines.  Voyei 
Lymphe.  (Z) 

^  CHYLIDOQUES  ,  adj.  pi.  (  Anat.) 
epichete  des  vailfeaux  qui  portent  le  chyle. 
On  les  nomme  encore  chylijeres  ou  veines 
laclées.  Fo/^îj  ChyLE  à  VeINES  LAG' 
TÉES.   (Z) 

CHY  LIFERE.  -adj.  (  Anatomie.  ) 
Les  vailfeaux  chilit'eres  font  ceux  qui  por- 

commence  à  prendre  le  nom  de  chyle.    •  tent  le  chyle.  On  les  nomme  au fti  (?/;>'/«•- 
Ainfi  le  chyle  commence  à  fe   former  j  doquis  ou  veines  lactées.  Voye^  à  l'article 

dans  l'eftomac 


il    fe   perfedionne  dans 
'les  inteftins  par  le  mélange  de  la  bile  & 
du  fuc  pancréatique  ,  enfuite  il  entre  dans 
^  les  veines  ladées  ,  qui  le  portent  dans  le 
;  réfervoir  de  Pecquet  ;  de-là  il  pafte  dans 
'le  canal  thorachîque  ,  qui  aboutit  à  la  vei- 
'  ne  fous-claviere  gauche  :  c'eft  dans  cette 
'  veine  que  le  cnyle  commence  à  fe  mêler 
avec  le  fang  ,  dans  lequel  il  fe  convertit 
•  enfuite  par  l'adion  qu'on  nomme  fanguifi- 
'  cation.     V^.  SaNG  &   ChYLIFICATiON. 
Les   anciens  croyoient  que  le  chyle  fe 
'changeoit  en  fang  dans  le  foie  ;  d'autres 
ont  cru  que  c'étoit  dans  le  cœur  :  les  mo- 
dernes penfent  ,  avec  pli  s  de  raifon  ,  que 
ce  changement  fe  fait  par  le  fang  lui-mê- 
me dans  toutes  les  parties  du  corps.  Voye\ 
Samguification. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  prétendent  que 
le  chyle  eft  la  matière  immédiate  de  la 
nutrition. 

Le  dodeur  Lifter  penfe  que  dans  la  di- 
'geftion  des  nourritures  il  fe  fait  une  fépa- 


Vaisseaux  Chyliferes,  les  découver 
tes  importantes  faites  depuis  quelques  an- 
nées fur  ces  vaifteaux. 

CHYLIFICATION,  (P/iy/o/.') 
en  grec  yy^-'^^-^  X'.'^^'^°ti'^'^  j  rédudion 
des  alimens  en  chyle. 

Comme  on  vient  d'expofer  la  nature  du 
chyle  ,  &:  qu'on  trouvera  fous  chaque  mot 
la  defcription  anatomique  àes  organes  qui 
le  forment, nous  en  fuppoferons  ici  îa  con- 
noiflànce  ,  &  nous  nous  bornerons  feule- 
ment à  indiquer  la  manière  dont  fe  farit 
dans  le  corps  humain  l'opération  admira- 
ble  de  la    chylificacion. 

Idée  de  l'élaboration  du  chyle.  Les  pertes 
continuelles  que  notre  corps  fouffre  ,  tant 
par  l'infenfible  tranfpiration  que  par  \qs 
autres  évacuations  ,  nous  obligent  de  cher- 
cher dans  les  alimens  de  quoi  les  réparer. 
Les  réparations  que  les  alimens  reçoivent 
pour  opérer  ce  remplacement ,  fe  peuvent 
réduire  à  trois  principales  ;  la  premiere-fe 
fait  dans  la  bouche  ;  la  féconde  dans  Je 


'ration  ou  folution  des  fels  urineux  ,  de    vcr.tricule  ,  &  la  troifieme  dans  le  premier 


même  que  dans  la  pourriture  des  plantes 

ou  des  animaux  ;  que  le  chyle  eft  fort  im- 

'prégné  de  ces  fels  ;  qu'il  doit  fa  blancheur 

à  la  fermeiitation  qu"*!!  acquiert  par  ce  me-: 


des  inteftins  grêles. 

Les  alimens  font  divifés  dans  la  bouche 
pendant  la  maflieation  ,  tant  par  l'adion 
des  -dents  -çue' par  -leur   mê-lar:ge  avec*4a 


8  CHY 

falive  ;  ils'paflent  enfuite  dans  le  pharînx  , 
où  la  langue  en  s'élevant  &  fe  portant  en 
arrière  ,  les  oblige  d'entrer  ;  par  ce  mou- 
vement l'e'piglotte  eft  abaifTée  ,  &  la  glotte 
fermée. 

La  cloifon  du  palais  ou  valvule  du  gofier 
empêche  en  s'élevant  que  les  alimens  n'en- 
trent dans  les  fofTes  rafales  ,  &  la  luette 
fait  palier  fur  les  côtés  ceux  qui  fe  portent 
diredement  vers  la  glotte. 

Les  alimens  qui  ont  été  pouffes  dans  le 
pharinx ,  font  obligés  de  fuivre  la  route  de 
i'œfophage  ,  d'où  ils  dcfcendent  dans  l'ef- 
tomac  ;  &  cela  moins  par  leur  propre 
poids ,  que  par  les  comprenions  fuccellives 
qu'ils  reçoivent ,  tant  de  la  part  du  mufcle 
œfophagien  qui  eft  au  commencement  de 
ce  conduit  ,  que  par  les  fibres  circulaires 
de  fa  tunique  charnue.  Voye\  DÉGLU- 
TITION. 

Les  alimens  ayant  féjourné  quelque 
temps  dans  le  ventricule  ,  y  font  réduits 
en  une  pâte  molle  ,  de  couleur  grisâtre  ,  & 
dont  le  goût  &  l'odeur  tirent  ordinaire- 
ment fur  l'aigre. 

L'opinion  la  plus  généralement  reçue  de 
la  caufe  de  ce  changement ,  eft  celle  où 
l'on  prétend  qu'il  dépend  non  feulement 
de  la  falive  qui  coule  continuellement  par 
l'œfophage  ,  mais  encore  de  la  liqueur 
gaftrique  fournie  par  les  glandes  de  l'efto- 
mac.  L'expérience  prouve  que  ces  liqueurs 
ne  font  pas  fimplement  aqueufes  ,  mais 
chargées  de  parties  adives  &  pénétrantes  , 
dont  l'adion  ne  fe  borne  pas  aux  molécu- 
les ou  parties  intégrantes  des  alimens  ;  elle 
s'étend  encore  plus  loin  ,  &  va  jufqu'aux 
parties  eftentielles  ou  principes  mêmes  qui 
les  compofent ,  &  dont  elles  changent  l'ar- 
rangement naturel.  Par  cette  décompofi- 
tion  les  alimens  changent  de  nature  ,  & 
ne  font  plus  ,  après  la  digeftion  ,  ce  qu'ils 
étoientj  auparavant.  On  ajoute  ,  avec  rai- 
fon  ,  que  l'adion  de  ces  liqueurs  fur  les 
alimens  a  befoin  d'être  fécondée  de  la  cha- 
leur du  ventricule ,  de  la  contradion  douce 
de  fes  fibres  charnues  ,  de  l'adion  fuccef- 
llve  du  diaphragme  &  des  mufcles  du  bas- 
ventre.  Voyei  Digestion. 

A  mefure  que  la  divifion  des  alimens 
augmente  dans  le  ventricule  ,  ce  qui  s'y 
trouve  de  plus  atténué  s'en  échappe  par  le 


CHY 

pylore  pour  entrer  dans  le  duodénum  ;  la 
fortie  des  alimens  par  le  pylore  fe  trouva 
favorifée  par  la  fituation  oblique  de  l'efto- 
mac  ,  &  par  la  douce  contradion  de  fa 
tunique  charnue. 

Cette  pâte  molle  &  grisâtre  en  laquelle 
je  viens  de  dire  que  les  alimens  font  chan- 
gés dans  l'eftomac  ,  étant  dans  le  duodé- 
num ,  s'y  mêle  avec  là  bile  ,  le  fuc  incefti- 
nal  &  pancréatique  qu'elle  y  trouve  :  par 
ce  mélange  elle  acquiert  une  nouveMe 
perfedion  ;  elle  devient  blanche  ,  douce  , 
liquide  ;  étant  prefTée  par  le  mouvement 
vermiculaire  des  inteftins  ,  &  roulant  len- 
tement dans  leur  cavité  à  caufe  des  valvu- 
les qui  s'y  rencontrent ,  elle  laifle  échapper 
dans  les  orifices  des  veines  ladéesce  qu'elle 
contient  de  plus  fubtil  &  de  plus  épuré,  fa- 
voir  ,  le  chyle  ,  qui  doit  fervir  à  réparer  a 
que  nous  perdons  par  les  évacuations. 

On  conçoit  aifément  que  la  matière  de 
la  nourriture  ou  cette  pâte  alimentaire  , 
ayant  parcouru  toute  l'étendue  des  intef- 
tins grêles  ,  &  s'étant  dépouillée  dans  tout 
ce  chemin  de  ce  qu'elle  contenoit  de  plus 
fluide  &  de  plus  épuré  ,  elle  doit  devenir 
plus  épaifte  à  mefure  qu'elle  paflè  dans  les 
gros  inteftins  ;  ce  n'eft  plus  alors  qu'un* 
matière  grofliere  ,  que  l'on  peut  regarder 
comme  le  marc  des  alimens  ,  &  qui  lui 
laifTe  échapper  dans  les  veines  ladécs  qui 
répondent  au  cœcum  &  au  colon  ,  le  peu 
de  chyle  qui  lui  refte. 

La  valvule  qui  eft  au  commencement 
du  colon  empêche  cette  matière  groftiere 
de  rentrer  dans  les  inteftins  grêles  ;  la  lon- 
gueur ,  la  courbure  ,  &  les  cellules  de  cet 
inteftin  ,  lui  permettent  de  s'y  amafler  en 
quantité  ,  afin  qu'on  ne  foit  pas  oblige 
d'aller  trop  fréquemment  à  la  felle.  Quant 
à  la  lymphe  fournie  par  les  glandes  foli- 
taires  des  gros  inteftins  ,  elle  facilite  le 
paflage  de  cette  matière  groftiere  dans  leur 
cavité  ;  &  le  fphinder  qui  ferme  l'extré- 
mité du  redum  ,  empêche  qu'elle  ne  s'é- 
vacue continuellement.  En  effet ,  elle  ne 
s'échappe  que  lorfque  ce  reftbrt  le  trouve 
forcé  ,  non  feulement  parle  poids  des  ex- 
crémens  ,  mais  plus  encore  par  la  contrac- 
tion de  la  tunique  charnue  du  redum  , 
jointe  à  celle  des  mufcles  du  bas  -  ventre 
&  du  diaphragme. 

te 


C  HY 

Le  cîiyle ,  que  j'ai  dit  être  fourni  paf  la 
matière  alimentaire  dans  les  veines  lac- 
tées ,  s'inlinue  dans  les  orifices  de  ces 
vaiifeaux  ,  qui  répondent  ,  fuivant  M.  Hel- 
vetius  ,  dans  les  mammelons  fpongieux 
de  la  tunique  veloutée  ,  ou  bien  au  bord 
flottant  des  valvules  conniventes ,  félon 
les  oblèrvaiions  de  M.  Duverney  ;  con- 
tinuant fa  route  dans  ces  vaiflfeaux  ,  il 
va  le  rendre  dans  les  glandes  conglobées 
répandues  par  toute  l'étendue  du  me- 
{èntere. 

Le  chyle  ,  après  avoir  traverfé  ces  glan- 
des ,  enhle  la  route  des  veines  laétées  fe- 
condaires ,  pour  fe  décharger  dans  le  ré- 
fèrvoir  de  Pecquet ,  de-là  dans  le  canal 
tliorachique  ,  &  fe  rendre  enfin  dans  la 
veine  fous-claviere ,  où  s'étant  mêlée  avec 
le  fang  qui  y  circule ,  &  circulant  avec 
lui ,  il  en  acquiert  peu-à-peu  le  caractère 
&  les  propriétés ,  en  un  mot ,  fe  convertit 
en  véritable  fang.  Ce  fang  ,  après  plufieurs 
circulations  réitérées  ,  doit  changer  encore 
de  nature  ,  &  former  les  différentes  hu- 
meurs qui  s'en  féparent ,  je  veux  dire  la 
lynaphe  nourricière  ,  la  bile  ,  la  falive , 
&c. 

On  concevra  aifément  la  caufc  qui  fait 
avancer  le  chyle  depuis  les  inteflins  juf- 
qu'à  la  veine  fous-claviere  ,  lorfqu'on  fera 
attention  i°.  que  tous  les  vaiffeaux  qu'il 
parcourt  dans  cette  route  font  munis  d'ei- 
pace  en  efpace  de  valvules  ou  foupapes  , 
dont  la  iFrudure  favorife  le  tranfport  de 
cette  liqueur  vers  cette  veine  :  2,°.  que  ces 
vaifïeaux  font  avoifmés  par  des  organes 
qui  font  fur  leurs  parois  des  compreiiions 
légères  ,  mais  réitérées  ;  tels  font  les  artè- 
res méfentériqucs  par  rapport  aux  veines 
ladées ,  &  l'aorte  par  rapport  au  canal 
thorachique  &  au  refervoir  de  Pecquet  ;  à 
quoi  on  doit  ajouter  Je  diaphragme ,  qui 
comprime  à  chaque  inipiration  le  réfer- 
vt)ir  ;  fans  compter  l'adion  des  mufcles 
du  bas- ventre  ,  dont  on  fait  que  les  con- 
trarions fuccedcnt  à  celle  du  diaphragme  , 
fi  l'on  en  excepte  le  temps  des  efforts.  On 
doit  obferver  enfin  que  les  vaifïeaux  lac- 
tées ne  font  jamais  vuides  ,  la  lymphe  y 
pafïant  toujours ,  foit  avec  le  chyle  ,  foit 
qu'il  n'y  en  ait  point. 
Détails  particuliers  fur  la  chylification 
Tome  VIIL 


CH  Y  9 

Après  la  formation  du  chyle  dans  Teflomac 
&  les  intefiins  grêles ,  il  entre  ,  comme  on 
l'a  remarqué  ci-deffus  ,  au  moyen  du  mou- 
vement périftaltique  &  des  valvules  conni- 
ventes ,  dans  les  vaiffeaux  laâées  du  pre- 
mier genre. 

Ces  vaifl'eaux  ladées  fortent  de  toute  la 
circonférence  des  inteftins  comme  de  pe- 
tits fyphons  ,  &  s'ouvrent  obliquement 
dans  leurs  cavités  :  ils  s'anaftomolènt  en-?^ 
fuite  ;  ils  forment  fous  la  membrane  com- 
mune une  efpece  de  réfeau  très-remarqua- 
ble ,  &  fe  ghfîent  enfin  dans  la  duplica- 
ture  du  méfentere;  le  chyle  qui  s'y  infi- 
nue  eft  pouffé  par  le  chyle  qui  vient  après  , 
par  l'adion  àQs  inteflins  ,  par  la  prefGon 
du  diaphragme  &  des  mufcles  de  l'abdo- 
men :  s'il  n'y  avoit  pas  de  valvules  dans: 
ces  petits  vaifî'eaux  ,  le  chyle  feroit  pou fîe 
également  en  haut  &  en  bas  ;  mais  com- 
me il  n'ert  pas  pofiible  qu'il  revienne  lur 
Çts  pas ,  la  prefïion  externe  l'obligé  à  mon- 
ter vers  les  lombes  ;  les  valvules  fémi- 
lunaires  qui  s'ouvrent  au  nouveau  chyle, 
fe  ferment  à  celui  qui  a  paffé  ;  les  artères 
méferaïques  qui  battent  continuellement , 
le  fouettent  encore ,  &  le  poufl'ent  dans 
le  refervoir. 

Comme  par  une  précaution  admirable 
de  la  nature  ,  les  ouvertures  des  veines 
ladées  font  très-petites  ,  très  -  fubtiles  ,  & 
pas  plus  grandes  que  des  artères  capillai- 
res ,  fuivant  la  remarque  de  Derham  ,  il 
n'y  a  que  la  portion  du  chyle  la  plus  fiuide 
&  la  plus  fubtile  qui  puifîe   s'y  infinucr. 

l^ts  veines  laâées  qui  ont  des  orifices 
que  nos  yeux  ne  fauroient  découvrir  ,  pa- 
roifîent  afîèz  grofïés  dès  qu'elles  font  for- 
ties  de  la  membrane  muiculeufe ,  &  qu'el- 
les font  fous  la  tunique  externe  \  elles  s'u- 
nifîènt  enfuite  ,  &  forment  les  unes  avec 
les  autres  àzs  angles  aigus  ;  elles  fe  fépa- 
rent après  cela  pour  fe  réunir  encore  dere- 
chef ,  après  ces  unions  &  ces  divifions  , 
elles  deviennent  toujours  plus  grofîes  :  tous 
ces  divers  accroifTemens  fervent  à  rendre 
le  chyle  plus  fluide. 

Ces  vaifTeaux  ,  après  plufieurs  anafto- 
mofes  &  plufieurs  divifions  ,  qui  forment 
comme  de  petits  îles  dans  tout  l' efpace  du 
méfentere  ,  aboutifTcnt  à  des  glandes  dont 
la  ûruâure  n'eff  point  encore  connue ,  & 

B 


lo  CHY 

qui  font  répandues  entre  les  deux  htnes 
qui  le  forment  ;  ils  les  environnent  ,  ils 
s'y  infinuent  ;  ils  en  fortent  moins  nom- 
hreux ,  mais  plus  interrompus  par  des 
valvules. 

D'où  il  eu  confiant  que  rien  ne  fe  lepare 
du  chyle  dans  o^s  glandes  ,  mais  au  con- 
traire qu'il  y  cû  délayé  ;  ce  qui  paroîtra 
d'autant  plus  évident  ,  fi  l'on  confidere 
que  CCS  glandes  caverneufcs  font  arrofées 
par  pluiieurs  artères  qui  fe  dillribuent  en 
haut  &  en  bas  ,  rampent  ici  d'une  façon 
t<^)ut-à-fait  fmguliere  ,  &  ne  font  point 
pliées  en  peloton  :  d'ailleurs  ces  mêmes 
glandes  reçoivent  la  lymphe  de  pluiieurs 
vilceres  abdominaux  ,  qui  pénètre  dans  la 
iubfîance  de  ces  glandes  ,  &  délaie  davan- 
tage le  chyle  ;  &  peut-être  que  ces  arté- 
rioles  exhalent  par  leurs  dernières  extré- 
mités leur  humeur  la  plus  tenue  dans  les 
petites  cavités  de  ces  glandes  ;  car  ,  félon 
Cowper  ,  le  mercure  pafîe  de  ces  artères 
dans  les  vaiffeaux  laftées  :  le  chyle  féjour- 
nant  donc  dans  ces  glandes  ,  y  efl  fouette, 
délayé ,  &  peut-être  mêlé  avec  les  efprits 
des  nerfs  qui   s'y   diflribuent. 

Après  que  le  chyle  a  palfé  par  ces  glan- 
des ,  il  en  fort  par  les  vaifîeaux  laélées  du 
fécond  genre  ,  qui  font  moins  nombreux, 
mais  plus  gros  &  plus  unis  :  ces  vaiiTeaux 
vont  fe  rendre  à  la  citerne  laâée  ou  au 
réfervoir  chyleux ,  fi  connu  fous  le  nom 
de  réfen-'oir  de  Pecquet,  qui  l'a  mis  en  évi- 
dence en  165 1  :  là  fe  décharge  une  grande 
quantité  de  lymphe  qui  vient  de  prefque 
toutes  les  parties  fituées  fous  le  diaplirag- 
me  ,  &  qui  eft  apportée  de  toutes  parts 
par  les  vaifTcaux  lymphatiques.  En  effet 
les  valvules,  les  ligatures  ,  les  maladies 
de  la  lymphe  ,  nous  apprennent  que  telle 
cil  la  route  de  cette  humeur. 

Ce  n'efl  pas  ici  le  heu  de  décrire  le 
réfervoir  du  chyle  ,  qui  eft  une  véliçule 
dont  la  figure  &  la  grandeur  varient  beau- 
coup dans  l'homme  même  :  nous  dirons 
feulement  que  le  concours  des  veines  lac- 
tées qui  font  en  grand  nombre ,  deman- 
doit  qu'il  y  eût  un  réfervoir  qui-  reçut  le 
chyle;  fans  cela  ce  fluide  auroit  foufîèrt 
des  retardemens  dans  le  méfentere  • ,  ou 
bien  il  auroit  fallu  qu'il  marchât  avec 
ime  grande  rapidité  dans  le  caoal   thora- 


CHY 

chique  ,  lequel  n'a  pas  une  flrudure  pro- 
pre à  réfifler  à  un  fluide  pouffé  avec  force, 
&    qui  coule  avec  beaucoup  de  vîteffe. 

Le  chyle  ayant  été  délayé  par  la  lym- 
phe dans  le  réfervoir  de  Pecquet ,  efl  porté 
au  haut  de  ce  réfervoir  qui  forme  un  ca- 
nal particuher  connu  fous  le  nom  de  canal 
thorachique.  (  Voyei  CanaL  THORACHI- 
QUE  ,  )  &  les  valvules  dont  ce  canal  ell 
rempli  facilitent  la  progrelfion  de  cette 
hqueur. 

Le  chyle  eft  déterminé  de  ce  canal  dans 
la  fous-claviere  par  le  fecours  de  deux  val- 
vules ,  qui  en  fe  rapprochant  forment  une 
fi  petite  fente  ,  qu'il  ne  peut  entrer  dans 
cette  veine  qu'une  petite  quantité  de  chyle 
à  la  fois ,  &  qu'il  n'en  peut  influer  dans 
la  canal  thorachique. 

On  ne  fauroit  donc  douter  que  la  plus 
grande  partie  du  chyle  ne  monte  à  la 
veine  fous-claviere  ;  mais  on  peut  douter 
s'il  n'y  en  a  pas  une  portion  ,  lavoir ,  la 
plus  tenue  ,  qui  fe  rende  au  foie  par  les 
veines  méféraïques  ,  après  avoir  été  pom- 
pée parles  tuyaux  ablorbans  qui  s'ouvrent, 
dans  la  tunique  veloutée  des  inteflins.. 

Cependant  tout  femble  lever  ce    doute., 
1®.  Le  nombre,  la  grandeur  de   ces    tu- 
yaux abforbans  ,  leur  ftruclure,  leur    na-- 
ture  qui  n'efl  pas  diflPérente  de  celle  que 
les  veines    ont    communément  ,    le    fang 
veineux  qui  de -là   coule  dans    la  veine- 
porte  comme  dans  une  artère,  la   nature 
de  ce  fang  ,  la  grande  quantité  d'humeurs, 
qui-  abordent-  aux    inteflins  ,  tout  cela  fait 
foupçonner  que  la   partie  la  plus  lympha-s. 
;  tique  du    chyle  efl  portée  dans  la    veine-^- 
porte,  où  elle  efl  délayée  pour  fervir  en-, 
fuite   de   nouvelle  matière  à   la   fecrétion 
de    la    bile,    l^^  On    peut    apporter    une 
autre    raifon    de    cette-    opinion  ,     tirée 
de    l'anatomie    comparée    des    ovipares  ,, 
qui  n'ont  point  de  vaiffeaux   labiées  ,  mais , 
dans  leiquels  il  fe  trouve  un  paflàge  de  la, 
cavité    des    inteflins.  aux    vaiflèaux     mé-. 
féraïques.    Bilfius .  a  fait  voir  que  fi  on  lie.- 
les  artères  du  méfentere  dans  un  chien  qui 
vient  de  manger  beaucoup  ,  on  trouve  les 
veines  méféraïques  remphes  d'une  hqueur 
cendrée.  On  s'efl  plaint  que  Bilflus  n'avoit- 
pas  détaillé  la   manière  dont   il  faifoit  fon. 
expérience;  mais    Glilïpn  ne  s'efl  pni  dif-r 


CH  Y 

peiifé  de  la  donner.  Swammerdam  a  con- 
firmé l'opinion  de  Biliius  par  d'autres 
exemples  de  l'anatomie  comparée  :  il  efl  cer- 
tain que  dans  les  oifeaux  il  y  a  un  pafTage 
aux  veines  méféraïques. 

Mais  fi  l'on  doir  Ibupçonner  que  le  chyle 
plus  tenu  pafîe  du  méfentere  dans  les 
veines  méféraïques ,  ne  doit-on  pas  pen- 
fer  la  même  choie  au  liijet  du  ventricule  ? 
Les  parties  les  plus  fubtiles  des  alimens 
ne  peuvent  -elles  pas  être  ablbrbées  par 
des  tuyaux  veineux  ?  L'adion  des  cor- 
diaux ne  paroît  -  elle  pas  en  être  une 
preuve  ? 

On  demandera  préfentement  quelles  font 
les  eau fes  qui  concourent  à  poufTèr 
le  chyle  de  bas  en  haut  ^  qui  le  font  mon- 
ter li  aifément  ,  même  lorfqu'on  eft  de- 
bout ,  dans  des  tuyaux  tels  que  le  réfer- 
voir  de  Pecquet  &  le  canal  thorachique  , 
tuyaux  grêles  ,  comprimés  >  perpendicu- 
laires y  &  qui  s'afFaiflent  aifément. 

Je  réponds  que  ces  caufe  font  en  grand 
nombre ,  &  fe  préfentent  d'elles-mêmes  , 
pour  peu  qu'on  fafîè  attention  i®.  à  la 
force  avec  laquelle  les  intcftins  fe  con- 
tradent  ,  &  aux  caufes  qui  concourent  à 
chafïer  le  chyle  des  intcftins  :  2°.  aux 
valvules  des  vaifleaux  laclées  &  à  celle 
du  réfervoir  thorachique  ,  qui  facihtent 
beaucoup  la  progreffion  du  chyle  :  3®.  aux 
battemens  des  artères  méféraïques  ,  qui 
font  parallèles  aux  vai fléaux  laâées  ,  ou 
les  croifent  :  4°.  à  la  forte  adion  du  dia- 
phragme fur  le  réfervoir  :  5°-  ^ux  puif- 
fantcs  caufes  qui  compriment  le  péritoi- 
ne ,  lequel  forme  cette  fine  membrane 
du  méfentere  où  les  vaiffeaux  ladées  font 
renfermés  :  5°.  à  la  propre  contradion 
àzs  membranes  qui  forment  la  paroi  & 
le  canal  de  Pecquet  ;  contradion  qui  efl 
encore  forte  après  la  mort  :  7°.  aux  fortes 
pulfations  de  l'aorte  ,  qui  eft  voifine  du 
canal  thorachique  :  8°,  au  mouvement 
même  des  poumons  &  du  thorax. 

Tandis  que  toutes  ces  forces  agifTent, 
le  chyle  monte  donc  nécefTr.irement  dans 
le  réfervoir  ,  dans  le  canal  thorachique , 
&  fe  jette  dans  la  veine  fous-claviere  gau- 
che ;  car  les  liqueurs  fe  porteH;it  vers  les 
iieux  où  elles  trouvent  moins  de  réfiflan- 
cc  :  or  les  valvules  des  veines  ladées  offrent 


C  H  Y  II 

un  fpedacîe  infurmontable  ;  le  chyle  doit 
donc  fe  déterminer  vers  la  veine  fous-cla- 
viere ;  là  il  fouleve  Fefpece  de  valvule  ,  ou 
pour  mieux  dire ,  la  digue  qui  ferme  le 
canal  thorachique  ,  empêche  que  le  fnng 
n'entre  dans  le  canal ,  &  permet  le  pafTage 
au  chyle  :  dès  qu'il  efl  entré  dans  la  veine 
fbus-claviere  ,  iipafîè  par  fon  conduit  dans 
la  veine  cave  ,  dans  le  finus  veineux , 
dans  l'oreillette  droite  ,  &  dans  le  pre- 
mier ventricule  du  cœur  ;  où  ayant  été  mêlé 
avec  le  fang  ,  divife ,  fouetté  par  l'adion 
de  ce  vifcere,il  efl  pouffé  dans  l'artère  pul- 
monaire ,  &  y  acquiert  toutes  les  qualités  du 
fang.^ 

Héfumons  en  peu  de  mots  co.^  merveil- 
les. Le  chyle  qui  a  été  préparé  dans  la  bou- 
che ,  broyé  ,  atténué  dans  l'eflomac,  élaboré 
dans  les  inteflins  ,  féparé  dans  les  vaifïeaux 
ladées  ,  délayé  dans  les  glandes  du  méfen- 
tere ,  plus  délayé  encore  &  plus  mêlé  dans 
le  canal  thorachique  ,  mêlé  au  fang  dans  les 
veines  ,  dans  l'oreillette  ,  &  dans  l'antre 
droit  ;  là  plus  exadement  mêlé  ,  diffous  , 
broyé  ,  atténué  ,  étant  fort  prefîë  poflérieu- 
rement ,  &  latéralement  repoufTé  dans  les 
vaifïêaux  coniques  &  cylindriques  artériels 
du  poumon  ,  doit  prendre  la  forme  des 
parties  folides  &:  fluides  qu'il  y  a  dans  tout 
le    corps. 

Il  eff  encore  très-exadement  mêlé  dans 
les  veines  pulmonaires;  peut-être  eft-il 
délayé  dans  les  mêmes  veines  par  la  lym- 
phe. Il  acquiert  principalement  dans  le 
poumon  la  couleur  rouge  ,  qui  cfl  la  mar- 
que efTèntielle  d'un  fang  bien  condition- 
né :  fa  fluidité  &  fa  chaleur  fe  confervent 
par  fa  circulation  ,  &  c'efl  ainfi  qu'il  pa- 
rcît  prendre  la  forme  qui  efî  propre  à 
nourrir.  Cet  effet  efl  produit  parl'adion 
continuelle  du  poumon  ,  des  viiceres  ,  & 
des  vaifîêaux.  Cette  adion  change  infen- 
fiblement  le  fang  chyleux  en  férum  ,  lui 
procure  divers  changemens  femblables  à 
ceux  que  la  chaleur  de  l'inCubation  opère 
fur  le  blanc-d'œuf  ;  car  c'eft  la  même 
chaleur  dans  l'état  fa^n  ,  &  cela  continue 
jufqu'à  ce  qu'une  partie  du  férum  fbit  fub- 
tiliice  autant  qu'il  le  faut  pour  produire 
la  nutrition  :  cependant  cette  partie  du 
f.rum  ainfi  iubtihfée  ,  fe  confumant  per- 
pétuellement par  les  circulations   réitérées  ^ 

Bz 


ri  CHY 

demande  femblableraent  à  êti'e  réparée.  B 
eft  donc  nécefTairc  pour  cette  réparation 
de  renouveller  le  chyle  ,  &  par  conléqucnt, 
de  reprendre  de  nouveaux  alinlens  &  de 
nouvelles  boiiTons. 

On  conçoit  bien  que  les  humeurs  qu'on 
a  perdues  ie  féparent ,  quant  à  la  matière, 
par  les  alimens  ,  la  boiiTon  ,  &  l'air  ; 
mais  quant  aux  qualités  requifes  ,  cette 
opération  s'exécute  par  le  concours  àtts 
actions  naturelles  du  corps  ,  dont  l'expo- 
jîtion  fait  une  des  grandes  &  des  belles 
parties  de  laPhyliologie. 

Fautes  hypothefes  fur  la  chylification. 
Comme  par  le  détail  qu'on  vient  de  lire  , 
tout  ce  qui  arrive  aux  alimens  depuis 
leur  préparation  dans  la  bouche  jufqu'à 
kur  dernière  fubtiliiation  ,  qui  produit 
la  nutrition  des  parties  du  corps  humain  , 
eft  une  Itiite  évidente  de  la  fabrique  & 
de  l'adion  des  vaifleaux  ,  de  la  nature 
connue  des  humeurs  ,  démontrée  par  des 
raifonnemens  méchaniques  ;  falloit  -  il  , 
pour  en  donner  l'expHcation ,  avoir  re- 
cours à  des  fuppofitions  obicures  oudou- 
teufes  ,  &  également  contraires  à  la  rai- 
fon  &  à  l'expérience  ?  falloit  -  il  enfanter 
tous  ces  fyftemes  extravagans  en  méde- 
cine ,  fi  long  -  temps  à  la  mode  ,  &  fi  juf- 
tcment  méprifés  aujourd'hui  ?  Je  parle  des 
fyfiêmes  de  la  chaleur  coûrice  du  ven- 
tricule ,  de  fon  âcreté  naturelle  &  vitale  , 
de  l'archée  de  Vanhelmont  ,  de  la  bile 
alkaline  qui  change  le  chyle  acide  en 
alkalefcent  falé  &  volatil ,  d'une  préci- 
pitation qui  purifie  le  chyle,  des  fermen- 
tations ,  des  eft'ervefcences  du  fang  dans 
le  ventricule  droit  y  du.  nitre  aérien  qui 
le  change  en  rouge  dans  le  poumon  ?  que 
fais  -  je  ,  d'une  infinité  d'autres  hypothefes 
chimériques  ,  qui  pour  comble  de  maux, 
ont  eu  une  influence  pcrnicieufe  fur  la 
pratique  de  leurs  auteurs.  Cet  article  efi 
de  M.    le  Chevalier  DE  Jaucourt. 

CHYLOSE  ,  f.  f.  en  Médecine  ,  l'ac- 
tion par  laquelle  les  alimens  fe  tournent 
en  chyle  ou  chyme  dans  l'eflomac  ,  Ùc. 
foit  que  cela  arrive  par  une  fermenta- 
tion qui  fe  pafle  dans  l'eftomac  ,  foit  par 
la  force  de  contradion  de  ce  vifcere  , 
îbitpar  ces  deux  moyens  tout-à  -la  fois.   V^oy 

Chylification  &  Digestion,  (i) 


CHY 

CHYME,  f.  m.  (  Anat.  Fhyfrolog.  > 
fuc  animal  qui  efl  le  même  que  celui 
qu'on  appelle  ordinairement  chyle.  Voye:{ 
Chile. 

Il  y  a  cependant  àts  auteurs  qui  dii- 
tinguent  entre  le  chyme  &  le  chyle  ,  & 
qui  rcftreignent  le  mot  chyme  à  fignifîer 
la  mafle  de  nourriture  telle  qu'elle  eib 
dans  l'cilomac ,  avant  qu'elle  ioit  affez. 
atténuée  &  fiquéfiée  pour  pouvoir  fran- 
chir le  pylore ,  paiîèr  dans  le  duodénum , 
&  de  là  dans  les  veines  ladécs  ,  pour  s'y 
diflbudre  davantage  &  s'y  imprégner  du 
lue  pancréatique  :  après  quoi  elle  com- 
mence à  être  dans  l'état  de  chyle.  D'autres 
prétendent  toutîe  contraire. 

CHYMIE  ou  CHIMIE  ,  f  f.  (  Ord, 
encyc.  Entend.  Raifon.  Flillof.  ou  Science. 
Science  de  la  nat.  Phyjique.  Phyjiq.  géné- 
rale. Phyjiq.  particul.  ou  des  grands  corps 
&  des  petits.  Phyjiq.  des  petits  corps  ou 
Chymie.)  La  Chymie  eft  peu  cultivée  parmi 
nous  ;  cette  fcience  n'eft  que  très-médio- 
crement répandue^  même  parmi  les  fa- 
vans  ,  malgré  la  préteiition  à  l'univer— 
fahté  de  connoilîànces  qui  fait  aujourd'hui 
le  goût  dominant.  Ces  Chymiiîes  forment 
encore  un  peuple  diflind,  très-  peu  nom- 
breux ,.  ayant  fa  langue  ,  {ts  loix  ,  {^s 
myfleres  ,  &  vivant  prefque  ifolé  au> 
milieu  d'un  grand  peuple  peu  curieux  de 
ion  commerce ,  n'attendant  preique  rrea 
de  fon  induftrie.  Cette  incwiojité  ,  foit 
réelle  ,  foit  fimulée  ,  efl  toujours  peu  phi- 
lofophique  ,  puifque  elle  porte  tout  -  au- 
plus  fur  un  jugement  hazardé;  car  il  efl 
au  moins  poffible  de  fe  tromper  quand  on 
prononce  fur  des  objets  qu'on  neconnoio 
que  fuperficiellement.  Or  comme  il  efl 
précifément  arrivé  qu'on  s'efl  trompé  , 
&  même  qu'on  a  conçu  plus  d'un  préjuge 
fur  la  nature  &  l'étendue  des  connoii^ 
fan  ces  chymiques  ,  ce  ne  fera  pas  une 
affaire  aifée  &  de  légère  difcuflion  ,.  que 
de  déterminer  d'une  manière  incontef- 
table  &  précife  ce  que  c'efl  que  la  Chymie. 

D'abord  les  perionnes  les  moins  inf^ 
truites  ne  diflinguent  pas  le  chymifle  du 
fouffleur  ;  l'un  &  l'autre  de  ces  noms  efl 
également  mal-fonnant  pour  leurs  oreilles, 
.Ce  préjugé  a  plus  nui  aux  progrès  ,  du 
moins  à  la    propagation  de  l'art ,  que  des. 


C  HY 

imputations  plus  graves  prifes  dans  le 
fond  même  de  la  chofc  ,  parce  qu'on  a 
plus  craint  le  ridicule  que  l'erreur. 

Parmi  ces  perfonnes  peu  infiriiites  ,  il 
en  eft  pour  qui  avoir  un  laboratoire,  y 
préparer  des  parfums  ,  des  phofphores  , 
des  couleurs  ,  des  émaux  ,  connoître  le 
gros  du  manuel  chj'mique  &  les  procédés 
les  plus  curieux  &  les  moins  divulgués , 
en  un  mot  ,  être  ouvrier  -d'opération  &c 
pofîèfîeur  d'arcanes  ,  c'efî:  être    chymille. 

Quelques  autres  ,  en.  bien  plus  grand 
nombre  ,  reiîreignent  l'idée  de  la  Chymie 
à  fes  ufages  médicinaux  :  ce  font  ceux  qui 
demandent  du  produit  d'une  opération  , 
de  quoi  cela  guérit-il  ?  Ils  ne  connoifient 
la  Chymie  que  par  les  remèdes  que  lui  doit 
la  médecine  pratique ,  ou  tout  au  plus 
par  ce  côté  &  par  les  hypothefcs  qu'elle 
a  fournies  à  la  médecine  théorique  des 
écoles. 

Ces  reproches  tant  de  fois  répétés  :  les 
principes  des  corps  ajjignés parles  Chymiftes 
font  des  êtres  très-compofes  ;  les  produits 
de  leurs  analy fes  font  des  créatures  du  feu; 
ce  premier  agent  des  Chymiftes  altère  les 
matières  auxquelles  on  l'applique  y  &  con- 
fond les  principes  de  leur  compojition  y 
IGNIS  MUTAT  RES  :  ces  reproches  , 
.dis-Je ,  n'ont  d'autre  fource  que  les  méprifes 
dont  je  viens  de  parler  ,  quoiqu'ils  femblent 
fùppoier  la  connoifîance  de  la  dodrine  & 
des  faits  chymiques. 

On  peut  avancer  affez  généralement 
que  les  ouvrages  des  Chymiftes  ,  des  maî- 
tres de  l'art ,  font  prefque  abfolument 
ignorés.  Quel  phyficien  nomme  feule- 
ment Bêcher  ou  Stahl  ?  Les  ouvrages 
chymiques  (  ou  plutôt  les  ouvrages  fur  des 
fujets  chymiques  ,  )  de  favans  ,  illuftrcs 
d'ailleurs  ,  iont  bien  autrement  célébrés. 
C'eft  ainft ,  par  exemple ,  que  le  traité 
de  la  fermentation  de  Jean  Bernoulli  ,  & 
la  dode  compilation  du  célèbre  Boerhaave 
flir  le  feu  ,  font  connus  y  cirés ,  &  loués; 
tandis  que  les  vues  fupéricures  &  les  chofes 
uniques  que  Stalil  a  publiées  fur  l'une  & 
l'autre  de  ces  matières  „  n'exiftcnt  que 
pour  quelques  chymiftes. 

Ce  qu'on  trouve  de  chymique  chez  les 
phyftciens  proprement  dits  ,  car  on  en 
trouve  chez  plufteurs_,  &  même  des  fyf- 


témes  généraux ,  des  principes  fonda- 
mentaux de  dodrine  :  tout  ce  chymique , 
dis-  je  ,  qui  eft  le  plus  répandu,  a  le 
grand  défaut  de  n'avoir  pas  été  difcuté 
ou  vérifié  fur  le  détail  &  la  comparailon 
des  faits;  ce  qu'ont  écrit  de  ces  matières 
Boyle ,  Newton  ,  Kcil  ,  Freind  ,  Boer- 
haave ,  Ùc.  eft  manifeftement  marqué  au 
coin  de  cette  inexpérience.  Ce  n'eft  donc 
pas  encore  par  ces  derniers  fecours  qu'il 
faut  chercher  à  le  former  une  idée  de  la 
Chymie. 

On  pourroit  la  puifcr  dans  plufieurs 
des  anciens  chymiftes  ;  ils  font  riches  en 
faits  ,  en  connoilïânces  vraiment  chymif- 
tes^ :  mais  leur  obfcurité  eft  réellement 
effi-ayante  ,  &  leur  enthoufiafme  décon- 
certe le  fage  &  grave  maintien  de  la  phi- 
lofophie  des  fens.  Ainfi  il  eft  au  moins 
très  -  pénible  d'apercevoir  la  faine  Chy- 
mie (  dans  l'art  par  excellence  ,  )  l'art  facré, 
l'art  divin ,  le  rival  &  même  le  réforma- 
teur de  la  nature  des  premiers  pères  de 
notre  fcience. 

Depuis  que  la  Chymie  a  pris  plus  parti- 
culièrement la  forme,  de  fcience  ,  c'eft  -  à  -- 
dire  depuis  qu'elle  a  reçu  les  fyftêmes  de 
phyfique  régnans  ,  qu'elle  eft  devenue 
fucceflîvement  cartéfienne  ,  corpufcu- 
laire  y  newtonienne ,  académique  ou  expé- 
rimentale ,  diftérens  chymiftes  en  ont 
donné  des  idées  plus  claires ,  plus  à  portée 
de  la  façon  de  concevoir  dirigée  par  la- 
logique  ordinaire  des  fciences  ;  ils  ont 
adopté  le  ton  de  celles  qui  avoient  été 
répandues  les  premières.  Mais  ces  chymif' 
tes  n'ont  -  ils  pas  trop  fait  pour  fe  rappro- 
cher ?  ne  doivent  -  ils  pas  être  plus  jaloux 
de  conlerver  leur  manière  propre  &  indé- 
pendante ï  n'avoient  -  ils  pas  un  droit 
particulier  ?  cette  liberté  ,  droit  acquis 
par  la  pofTefîîon  &  juftifié  par  la  nature 
même  de  leur  objet  ?  la  hardiefle  (  on  a 
dit  la  fohe  )  ,  l'enthoufiafme  des  Chy- 
miftes diffère -t- il  réellement  du  génie 
créateur  de  l'efprit  fyftématique  ?  &  cet 
efprit  fyftématique  le  faut  -  il  profcrirc  à 
jamais  ,  parce  que  fon  effor  prématuré 
a  produit  des  erreurs  dans  des  temps  moins 
heureux  ?  parce  qu'on  s'eft  égaré  en  s'éle- 
vant  ;  s'élever  eft  -  ce  néccffairement  s'é-' 
garer  ?  l'empire,  du    génie  que  les  grands- 


î4  C  HY 

liommes  cïc  notre  temps  ont  le  courage 
de  ramener  ,  ne  feroit-il  rétabli  que  par 
une  révolution    tunefîe  ? 

Quoi  qu'il  en  foit ,  le  goût  de  fiecle  , 
Tefprit  de  détail  ,  la  marche  lente  ,  cir- 
confpefle  ,  timide  des  (ciences  phyiiques  , 
îi  ablolument  prévalu  jufque  dans  nos  livres 
élémentaires  ,  nos  corps  de  dodrine.  Ces 
livres  ne  Ibnt ,  du  moins  leurs  auteurs 
eux  -  mêmes  ne  voudroient  pas  les 
donner  pour  m.ieux  que  pour  des  col- 
lerions judicieufement  ordonnées  de  faits 
choilîs  avec  foin  &  vérifiés  iévérement, 
d'explications  claires  ,  fages  ,  &  quel- 
quefois neuves  ,  &  de  corredions  utiles 
dans  les  procédés.  Chaque  partie  de  ces 
ouvrages  peut  être  partaite  ,  du  moins 
cxade  ;  mais  le  nceud  ,  l'enfemble ,  le 
fyftême  ,  &  fur-tout  ce  que  j'oferai  appeller 
une  iJTue  par  laquelle  la  Chymie  puiife 
s'étendre  à  de  nouveaux  objets ,  éclai- 
rer les  autres  fciences  ,  s'agrandir  en  un 
mot  ;  ce  nœud  ,  dis-je  ,  ce  (yilême  ,  cette 
ifTue  manquent, 

C'efl  principalement  le  caradere  de 
Tnédiocrité  de  ces  petits  traités  qui  fait 
regarder  les  chymiites  ,  entr'autres  faux 
iifpeds  ,  comme  de  limples  manœuvres  , 
ou  tout  au  plus  comme  des  ouvriers  d'ex- 
périences. Et  qu'on  ne  s'avife  pas  même 
de  foupçonner  qu'il  puifîè  exifler  une 
Chymie  vraiment  philofophique  ,  une 
Chymie  raifonnée  -,  profonde  ,  tranfcen- 
dante  ;  des  chymiftes  qui  ofent  porter  la 
■vue  au  delà  des  objets  purement  fenfibles  , 
qui  afpirent  à  des  opérations  d'un  ordre 
plus  relevé  ,  &  qui  ,  fans  s'échapper  au 
delà  des  bornes  de  leur  art ,  voient  la  route 
du  grand  pliylique  tracée  dans  (on  en- 
ceinte. 

JBoerhaave  a  dit  expreflement  au  com- 
mencement de  fa  Chymie  ,  que  les  objets 
chymiques  étoient  fenfibles ,  grofliers  , 
coercibles  dans  des  vaifTêaux  ,  corpora  fen- 
Jibus  patiila  y  vel  patefaciendj,  vajii  coer- 
tenda  ,  &c.  Le  premier  hiflorien  de 
l'académie  royale  des  Sciences  à  pro- 
noncé le  jugement  fuivant  à  propos  de 
!a  comparaifon  qu'il  a  eu  occafion  de 
faire  de  la  manière  de  philofopher  de 
deux  favans  illuflres  ,  l'un  chymiflc  , 
&  l'autre   phyficien.  i,  La   Chymie^  par 


C  H  Y 

,^  des  opérations  vifibles  ,  r^rout  letf 
,,  corps  en  certains  principes  grofCers  & 
„  palpables  ,  fèls  ,  foutre  ,  ^c.  mais  la 
„  Phyfique  ,  par  des  fpéculations  déli- 
„  cates  ,  agit  lijr  les  principes  comme  la 
„  Chymie  a  fait  fur  les  corps  ;  elle  les  réfout 
„  eux-mêmes  en  d'autres  principes  encore 
,,  plus  fimples ,  en  petits  corps  mus  &  fi- 
,,  gurés  d'une  infinité  de  façons:  voilà  la 
,,  principale  différence  de  la  Phyfique  &  de 
,,  la  CA7/7z:>....L'efpritde  C/zj/tz/c  efl  plus 
,,  confus,  plus  enveloppé  ;  il  refîemble 
,,  plus  aux  mixtes  ,  où  les  principes  font 
„  plus  embarrafTés  les  uns  avec  les  autres  : 
„  refJDrit  de  Phyfique  efl  plus  fimple  ,  plus 
„  dégagé  ,  enfin  il  remonte  jufqu'aux  pre- 
^,  mieres  origines  ,  l'autre  ne  va  pas  juf^ 
,,  qu'au  bout. ,,  Mém.  deVacad.  des  Scien." 
ces,  iS^g. 

Les  chymifles  fèroient  fort  médiocre- 
ment tentés  de  quelques-unes  des  préro- 
gatives fur  lefquelles  efl  établie  la  préémi- 
nence qu'on  accorde  ici  à  la  phyfique  , 
par  exemple  ,  de  ces  fpéculations  délicates 
par  lefquelles  elle  réfout  les  principes 
chymiques  en  petits  corps  mus  &  figurés 
d'une  infinité  de  fliçons  ;  parce  qu'ils  ne 
font  curieux  ni  de  l'infini ,  ni  des  romans 
phyfiques  :  mais  ils  ne  pafîèront  pas  con- 
j  damnation  fur  cet  efprit  confus  ,  enve- 
I  loppé  ,  moins  net ,  moins  fimple  que  celui 
1  de  la  Phyfique  ;  ils  conviendront  encore 
moins  que  la  phyfique  aille  plus  loin  que 
la  Chymie  ;  ils  fe  flatteront  au  contraire 
que  celle-ci  pénètre  jufqu'à  l'intérieur  de 
certains  corps  dont  la  Phyfique  ne  con- 
noît  que  la  furface  &  la  figure  extérieure  ; 
quam  &  boves  Ù  ajini  difcemunt ,  dit  peu 
poliment  Bêcher  dans  fa  phyjiq.  foute rr. 
Ils  lie  croiront  pas  même  bazarder  un  pa- 
radoxe abfolument  téméraire  ,  s'ils  avan- 
cent que  fur  la  plapart  des  queflions  qui 
font  défignées  par  ces  mots  ,  elle  remonte 
jufqiHaux  premières  origines  y  la  Phyfique 
n'a  fait  jufqu'à  préfent  que  confondre  des 
notions  abfîraites  avec  des  vérités  d'exif^ 
tence ,  &  par  conféquent  qu'elle  a  man- 
qué la  nature  nommément  fur  la  compo- 
fition  des  corps  fenfibles  ,  fur  la  nature  de 
la  matière ,  fur  fa  fenfibilité  ,  fur  fa  pré- 
tendue homogénéité ,  fur  la  porofité  des 
corps ,  fur  Fefïènce  de  la  fblidité  ,   de  la 


C  H  Y 

fluidité ,  de  la  moUeflê ,  de  l'élaflicité  , 
iur  la  nature  du  feu  ,  des  couleurs  ,  des 
odeurs  ,  fur  la  théorie  de  l'évaporation^ 
&c.  Les  chymiftes  rebelles  qui  oferont  mé- 
connoître  ainfi  la  Ibuveraineté  de  la  Phy- 
fique,  oferont  prétendre  auffi  que  la  Chymie 
a  chez  foi  de  quoi  dire  beaucoup  mieux  fur 
toutes  les  queftions  de  cette  claiîè,  quoi- 
qu'il faille  convenir  qu'elle  ne  l'a  pas  dit 
aflez  diilinâement ,  &  qu'elle  a  négligé 
d'étaler  tous  its  avantages  ;  &  même  , 
(  car  il  faut  l'avouer  ,  )  quoiqu'il  y  ait  des 
chymiftes  qui  foupçonnent  li  peu  que  leur 
art  puiffe  s'élever  à  des  connoifîances  de 
cet  ordre  ,  que  quand  ils  rencontrent  par 
hazard  quelque  chofe  de  femblable  ,  foit 
dans  les  écrits  ,  foit  dans  la  bouche  de 
leurs  confrères  ,  ils  ne  manquent  pas  de 
le  profcrire  avec  hauteur  par  cette  for- 
mule d'improbation  ,  cela  efi  bien  phyfique; 
jugement  qui  montre  feulement  qu'ils  n'ont 
une  idée  aflez  Jufte  ni  de  la  Phyfique  à 
laquelle  ils  renvoient  ce  qui  ne  lui  appar- 
tiendra jamais  ,  ni  de  la  Chymie  qu'ils 
privent  de  ce  qu'elle  feule  a  peut-ltre  le 
droit  de  pofleder.. 

Quoi  qu'il  en  foit  dé  nos  prétentions 
tefpedives ,  l'idée  que  les  Phyficiens  avoient 
d'eux  -  mêmes  &  des  Chy milles  en  1669  ,, 
cit  précifément  la  même  qu'en  ont  aujour- 
d'hui les  plus  illullres  d'entr'eux.  C'efl  cette 
opinion  qui  nous  prive  des  fufirages  dont 
nous  ferions  le  plus  flattés  ,,  &  qui  lait  à 
la  Chymie  un  mal  bien  plus  réel  ,  un  dom- 
rpage  vraiment  irréparable  ,  en  éloignant  de 
l'étude  de  cette  fcience  ,  ou  en  confir- 
mant dans  leur  éloignement  plusieurs  de  ces 
génies  élevés  &  vigoureux  ,  qui  ne  fauroient 
fe  laifler  tramer  de  manœuvre  en  manœu- 
vre-, ni.  fe  nourrir  d'explications  maigres  , 
féches,  foibles,  ifolées  ;  mais  qui  auroient 
été  néceflairement  des  chymifles  zélés  ,  11 
un  feul  trait  de  lumière  leur,  eût  fait  entre- 
voir combien  la  Chymie  peut  prêter  au 
§énie ,  &  combien  elle  peut  en  recevoir 
à  fon  tour.. 

Il  efl  très-difîicile  fans  doute  de  détruire 
ces  imprefllons  défavorables.  Il  efl  clair 
que  la  révolution  qui  placeroit  la  Chymie 
dans  le  rang  qu'elle  mérite  ,  qui  la  met- 
troit  au  moins  à  côté  de  la  Phyfique  cal- 
Ciliée.  ;  que  cette  réyolutiQn  3  dis-  je  ,  ne , 


C  H  Y 


'T 


peut  être  opérée  que  par  un  chvmifîe 
habile ,  enthoufiafle  ,  &  hardi  ,  qui  fe- 
trouvant  dans  une  pofition  favorable  ,  &- 
profitant  habilement  de  quelques  circonf- 
tances  heureufès ,  fauroit  réveiller  l'at- 
tention des  favans  ,  d'abord  par  une  os- 
tentation bruyante,  par  un  ton  décidé  6c 
affirmatit,  &  enluite  par  ôiQs  raifons  ^ 
fi  fes  premières  armes  avoient  entamé  le 
préjugé. 

Mais  en  attendant  que  ce  nouveau  Para- 
celfe  vienne  avancer  courageufement ,  que 
toutes  les  erreurs  qui  ont  défiguré  la  Phyfique. 
fiont  provenues  de  cette  unique  fource  ;  [avoir  ^ 
que  des  hommes  ignorant  la  Chymie,, /e/o/ir 
donné  les  airs  de  philofopher  &  rendre  rai  fon- 
des chofies  nature  lies  y  que  la  Chymiepunique- 
fondement  de  toute  la  Phyfiique  y  était  feule 
en  droit  a  expliquer  y  ikc.  comme  Jean 
Keill'a  dit  en  propres  termes  de  la  Géo- 
métrie ,  &  comme  M.  Defaguliers  vient, 
de  le  répéter  dans  li^préface  de  fon  cours, 
de  Phyfique  expérimentale  ;  en  attendant  ,. 
dis  -  je  ,.  ces  utiles  déclamations  ,  nous  al- 
lons tacher  de  préfenter  la  Chymie  fous  un 
point  de  vue  qui  puifle  la  rendre  digne 
des  regards  des  Philolophes  ,  &  leur  faire 
appercevoir  qu'au  moins  pourroit-elle  de- 
venir quelque  chofe  entre  leurs  mains. 

C'efHleur  conquête  que  nous  nous  atta—- 
cherons  principalement ,  quoique   nous  lâ- 
chions fort  bien  que  ce  n'ell  pas  en  mon- 
trant la  Chymie  par  fon  côté  philofophique , 
qu'on  parviendra  à  la  mettre  en  honneur  , 
à  lui  faire  la  fortune,  qu'ont  mérité,  à    la 
Phyfique  les  machines  élégantes  ,    l'opti- 
que ,   &  l'éledricité  :   mais  comme    il   efl 
Àqs  chymifîes  habiles   déjà  en  poiïeflion  de 
l'efîime  générale  ,.  &  très  en    état   de  pré-- 
fenter  la  Chymie  au  public  par  le  côté  qui" 
le  peut  attacher ,  fous  la  forme  la  plus  pro- 
pre à  la  répandre  ,   nous  avons  cru  devoir- 
nous  repofer  de.  ce.  fom  fur  leur  zele.&:  fur.- 
leurs  talens.. 

Mais  pour  donnerde  la  Chymie  générale. 
philofophique  que  je  me  propofe  d'annon- 
cer ,  (  je  dis  exprefîément  annoncer  ou  iadi" 
quer ,  &  rien  de  plus  ,  )  l'idée  que  je  m'en^ 
fuis  formée  ;  pour  expofer  dans-  un  jour: 
fufîifant  fa  méthode  ,  fa  doârine  y  reten- 
due de  l'on  objet  ,  &  fur-tout  fes  rapports, 
avec  les  autres  fciences  £hyfiques,  ra£- 


i6  C  H  Y 

ports  par  lefquels  je  me  propofe  de  la  faire 
connoître  d'abord  ;  il  faut  remonter^  juf- 
qu'aux  confidérations.  les  plus  générales 
fur  les  objets  de  ces  fcieiices. 

La  Phyfique ,  prife  dans  la  plus  grande 
étendue  qu'on  puifîe  lui  accorder  ,  pour 
la  fcience  générale  des  corps  &  des  affec- 
tions corporelles  ,  peut  être  divifée  d'a- 
hord  en  deux  branches  primitives  elTen- 
tiellement  diftindes.  L'une  renfermera  la 
connoiiTance  des  corps  par  leurs  qualités 
extérieures ,  ou  la  contemplation  de  tous 
les  objets  phyfiques  confidérés  comme  fim- 
plement  exiftans ,  &  revêtus  des  qualités 
fenfibles.  Les  fciences  comprifes  fous  cette 
divifion  font  les  différentes  parties  de  la 
Cofmographie  &  de  THifloire  naturelle 
pure. 

Les  caufes  de  l'exiftence  des  mêmes  ob- 
jets ,  celles  de  chacune  de  leurs  quahtés 
fenfibks  ,  les  forces  ou  propriétés  internes 
des  corps,  les  changemens qu'ils fubifTent  , 
les  caufes ,  les  loix  ,  l'ordre  ou  la  fuccefTion 
de  ces  changemens ,  en  un  mot  ,  la  vie  de 
la  nature  :  voilà  l'objet  de  ^  la  féconde 
branche  primitive  de  la    Phyfique. 

Mais  la  nature  pjsut  être  conlidérée  ou 
comme  agifiànt  dans  fon  cours  ordinaire 
félon  des  loix  confiantes  ,  ou  comme  étant 
contrainte  par  l'art  humain  ;  car  les  hom- 
mes favent  imiter ,  diriger  ,  varier  ,  hâter , 
retarder  ,  fupprimer  ,  fuppléer,  &c.  plu- 
sieurs opérations  naturelles  ,  &  produire 
.ainfi  certains  effets  ,  qui  ,  quoi  que  très-na- 
iurels  ,  ne  doivent  pas  être  regardés  comme 
dwi  à  des  agens  limplement  obéiffms  aux 
loix  générales  de  l'univers.  Delà  une  divi- 
fion très  -  bien  fondée  de  notre  dernière 
branche  en  deux  parties ,  dont  l'une  com- 
prendra l'étude  des  changemens  entiére- 
înent  opérés  par  des  agens  non-<ntelligens, 
&  l'autre  celle  des  opérations  &:  des  expé- 
riences des  hommes  ,  c'efl-à-dire  ,  les  con- 
noiflânces  fournies  par  les  fciences  phyfi^ 
ques  pratiques  ,  par  la  Phyfique  expé- 
rimentale proprement  dite  ,  &  par  les  difîé- 
rens  ai-ts  phyliques.  Les  Chymiftes  ont  cou- 
.tume  de  défigner  ce  double  théâtre  de 
leurs^éculations  par  les  noms  de  labora- 
toire çle  la  nature  &  de  laboratoire  de  Part. 

Tous  les  changemens  qui  font  opérés 
4i^as  les  corps ,  foit  pax  la  natute  ,  foit  pai" 


CHY 

l'art ,  peuvent  fe  réduire  aux  trois  clafïês 
fuivantes.  La  première  comprendra  ceux 
qui  font  palfer  les  corps  de  l'état  non-or- 
ganique à  l'état  organique ,  &  réciproque- 
ment de  celui-ci  au  premier ,  &  tous  ceux 
qui  dépendent  de  l'économie  organique  , 
ou  qui  la  conflituent.  La  deuxième  ren- 
fermera ceux  qui  appartiennent  à  l'union 
&  à  la  féparation  des  principes  conflituans 
ou  des  matériaux  de  la  compofition  des 
corps  fenfibles  non-organiques  y  tous  les 
phénomènes  de  la  combinaifon  &  de  la 
décompofitioH  des  chymifles  modernes.  La 
troifieme  enfin  embrafîera  tous  ceux  qui 
font  paiîer  les  maifes  ou  les  corps  agré- 
gés du  repos  au  mouvement ,  ou  du  mou- 
vement au  repos  ,  ou  qui  modifient  de 
différentes  façons  les  mouvemens  &  les 
tendances. 

Que  les  molécules  organiques  &  les 
corps  organifés  fojent  fournis  à  des  loix  ef^ 
fentieilement  diverfès ,  (  au  moins  quant  à 
nos  connoiflances  d'à  préfent ,  )  de  celles 
qui  règlent  les  mouvemens  de  la  matière 
purement  mobile  &  quiefcible,  ou  inerte: 
c'efl  une  afîertion  fur  l'évidence  de  laquelle 
on  peut  compter  d'après  les  découvertes 
de  M.  deBufFon  (ï^qyf.^  ORGANISATION,) 
&  d'après  les  erreurs  démontrées  des  mé- 
decins qui  ont  voulu  expliquer  l'économie 
animale  par  les  loix  méchaniques.  Par  con- 
féquent  les  phénomènes  de  l'organifation 
doivent  faire  l'objet  d'une  fcience  elîen- 
tiellement  diftinde  de  toutes  les  autres  par- 
ties de  la  Phyfique.  C'eft  une  conféquencô 
qu'on  ne  fauroit  nous  conteffer. 

Mais  s'il  eff  vrai  aulH  que  les  afïèdions 
des  principes  de  la  compofition  des  corps 
foient  efïèntiellemçnt  diverfès  de  celles  des 
corps  agrégés  ou  des  mafîês,  l'utiHtc  de 
notre  dernière  divifion  fera  démontrée 
dans  toutes  fes  parties.  Or  les  Chymifles 
prétendent  qu'elles  le  font  eij  efïèt  :  nous 
allons  tâcher  d'éclaircir  &  d'étendre  leur 
dodrine  fur  ce  poiiiit;  car  il  faut  avouer 
qu'elle  n'efl  ni  claire  >  ni  précife  ,  ni  pro- 
fonde, même  dans  ceux  des  auteurs  de 
Cfiymie  dont  la  manière  ed  la  plus  philofo.- 
phique ,  &  qui  paroiffent  s'être  le  plus  at- 
tachés aux  objets  de  ce  genre  ;  que  Stahl 
lui-même  qui  plus  qu'aucun  autre  a  le  dou- 
ble caradejrc  que  ûous  veuoo^  de  défigner , 

Si 


C  H  Y 

&  qui  a  très-exprcifément  énonce  cette  dif- 
férence ,  ne  l'a  ni  afîez  développée  ,  ni 
poufTée  aflez  loin  ,  ni  même  confidérée  fous 
fon  vrai  point  de  vue.  Vqye:^  fon  Prodro- 
mus  de  ini^^efiigaùone  chymico-phyjiologica , 
&  fou  obfervation  de  différencia  mixti  _, 
texn  ^  agregati  ,  individui. 

J'appelle  maffe  ou  corps  agrégé ,  tout 
aflêniblage  uniformément  denfe  de  parties 
continues  ,  c'efl-à-dire ,  qui  ont  entr'elles 
un  rapport  par  lequel  elles  réliftent  à  leur 
dilperiion. 

_  Ce  rapport ,  quelle  qu'en  foit  la  caufe , 
je  1  appelle  rapport  de  maffe. 

La  continuiré  efTentielle  à  l'agrégé  ne  fup- 
pofe  pas  nécelTairement  la  contiguité  de 
parties;  c'eft-à-dire  ,  que  le  rapport  de 
malle  peut  fe  trouver  entre  des  parties  qui 
ne  le  touchent  point  mutuellement  ;  quelle 
que  lojt  la  rnatiere  qui  conftitue  leur  nœud  , 
peut-être  même  fans  qu'il  foit  néceflaire  que 
ce  nœud  fbit  matériel. 

Le  rapport  de  maffe  fuppofe  dans  l'agrégé 
1  homogeneifé  ;  car  un  affemblage  de  parties 
hétérogènes  ne  confîitue  point  un  tout  dont 
les  parties  foient  liées  par  ce  rapport  :  ainfi 
une  liqueur  trouble ,  un  morceau  d'argile 
rempli  de  petits  caillous  ,  chacun  de  ces 
corps  étant  pris  pour  un  tout  unique  ,  ne 
dnt  pas  des  agrégés  ,  mais  de  fimples  mé- 
langes par  confulion  ,  que  nous  oppofons 
'dans  ce  Çtns  A  l'agrégation. 

11  elt  évident  par  la  définition ,  que  les 
•tas  ou  amas  de  parties  fimpiement  conti- 
guis  ,  ^  tels  que  les  poudres  ,  ne  font  pas  des 
m^g^s  ,  mais  qu'ils  peuvent  feulement  être 
•des  amas  d'agrégés. 

Qtiand  nous  n'aurions  pas  exprefTcment 
abandonne  les  corps  organiques  ,  il  eft 
clair  aui^  par  la  même  définition  ,  qu'ils 
lont   ablolument   exclus   A(^   la  clafTe   des 


ument   exclus   de 

^f  Pa^fies  de  l'agrégé  font  appellées 
^'^""/T  j  ^'^^^^^"^  modernes  molécJes  ou 
majjes  de  la  dernière  compofition  ou  du 
Uernier  ordre ,  corpufcuies  dérivés  ,  Ùc. 
6^:  beaucoup  plus  exadement  par  des  Phy- 
iic.ens  antérieurs ,  parties  intégrantes  ,  ou 
iiraplement  corpif/ca/f'j- :  Je  dls^plus  exacte- 
ment,  parce  que  c'efl  gratuitement,  pour 
ne  rien  dire  de  plus ,  que  les  premiers  ont 
iQUtenu  que  les  corpufcuies,  qui  parleur 
Tome  VIII, 


C  H  Y  17 

réunion  forment  immédiatement  les  corps 
fenfibles ,  étoient  toujours  des  malTes. 

Les  corpufcuies  coniidérés  comme  maté- 
riaux immédiats  de  l'agrégé  ,  font  cenfés 
inaltérables  ;  c'efl-à-dirc  ,  que  l'agrégé  ne 
peut  perfifler  dans  fon  être  fpécifique  qu'au- 
tant que  Çqs  parties  intégrantes  font  iiialté- 
rées  :  c'efl  par-là  que  les  par:ies  intégrantes 
de  l'étain  décompolees  par  la  caicination  , 
ne  forment  plus  de  l'étain  ,  lors  même  que 
par  la  fufion  on  leur  procure  le  rapport  de 
mafîe  ,  ou  qu'on  en  fait  un  feui  agrégé  ,  le 
verre  d'étain. 

J'admets  des  agrégés  parfaits  &  des 
agrégés  imparfaits.  Les  premiers  font  ceux 
qui  font  afïèz  exadement  dans  les  termes 
de  la  définition,  pour  qu'on  ne  puifîe  dé- 
couvrir par  aucun  moyen  phyfique  s'ils 
s'en  écartent  ou  non.  Les  imparfaits  font 
ceux  dans  lefquels  on  peut  découvrir  quel- 
que imperfedion  par  des  moyens  phyfiques. 
Mon  agrégé  parfait  efl  la  mafîe  fimiliaire 
que  M.  WolfFa  dcfinie ,  (  Cofm.  §.  z^g  ,  ) 
dont  il  a  nié  l'exiflence  dans  la  nature  y 
(  §-  fuiv.  )  &  que  le  même  philolophe  pa- 
roît  admettre  fbus  le  nom  de  textura.  Cof- 
molog.  nat.*^.  j ^. 

L'imperfedion  de   l'agrégé    efl  toujours 
dans  le  défaut  de  denfité  uniforme. 

Les  liquides  purs ,  les  vapeurs  homogè- 
nes ,  l'air ,  les  corps  figés ,  comme  les  ré- 
gules métalliques  ,  les  verres  ;  quelques 
fiibflances  végétales  &  animales  non  organi- 
fées  ,  telles  que  les  huiles  végétales  &  ani- 
males ,  les  beurres  végétaux  &  animaux , 
les  baumes  liquides  ,  ùc.  les  cryflaux  des 
fels ,  les  corps  mous  aiFdilîes  d'eux-mêmes  y 
Ùc.  font  des  agrégés  parfaits.  Les  pierres 
dures  ,  les  terres  cuites  ,  les  concrétions 
pierreufes  compades  ,  les  corps  mous  iné- 
galement prefTés  ,  les  métaux  battus ,  tirés , 
les  extraits  ,  les  grailfes  ,  Ùc.  font  des  ag-é- 
gés  imparfaits. 

Je  me  forme  de  tout  agrégé  parfait , 
l'idée  par  laquelle  Newton  a  voulu  qu'on 
fe  repréfentat  l'expanfibilité  &  la  com- 
prellibilité  de  l'air  ,  (  voye\  Opt.  qiiejh 
xxxj.  )  idée  que  M.  Defaguliers  a  plus  pré- 
cifément  exprimée  ,  (  pojeifa  deuxième  dif- 
fertation  fiîr  l'élévation  des  vapeurs ,  dans 
fon  cours  de  phyjique  y  lef.  xj.  )  c'efl-à- 
dire  ,  que  je  regarde  tout  agré^.é  partait  y 


i8  C  H  Y 

excepté  la  niafie  abfblument  denfc ,  fi  elle 
exille  dans  la  nature ,  comme  un  amas  de 
corpufcules  non  contigus  ,  dirpofés  à  des 
dilîances  égales.  Je  ne  m'arrêterai  point 
à  établir  ici  ce  paradoxe  phyfique ,  parce 
qu'il  peut  auiii  bien  me  fervir  comme  lup- 
poiîrion  que  comme  vérité  démontrée  ,  6i. 
que  je  prétends  moins  déterminer  la  difpo- 
fiiion  intérieure  ou  la  comporition  de  m.on 
agrégé,  c^ue  repréfenter  Icn  état  par  une 
image  lènlible. 

Les  parties  intégrantes  u'un  agrégé , 
confidérées  en  elles-mêmes  ,  &  folitaire- 
apnent ,  peuvent  être  des  corps  fur.ples,  éié- 
inentaires  ,  des  atomes  ,  ou  des  corps  for- 
més  par  l'union  de  deux  ou  plulieurs  corps 
fimples  de  nature  différente ,  ce  que  les 
chymilles  appellent  des  mixtes  ;  ou  des 
corps  formés  par  l'union'  de  deux  ou  de 
plulieurs  diiiérens  mixtes  ,  corps  que  les 
chymiiles  appellent  compofés  ;  ou  enfin  par 
quelqu'autre  ordre  de  combinailbn  ,  qu'il 
ciî  inutile  de  détailler  ici. 

Une  mafîe  d'eau  ell  un  agrégé  de  corps 
llmples  ièmblables  ;  une  maflè  d'or  eit 
un  agrégé  de  mixtes  femblables  ;  une 
amalgame  eft  un  agrégé  de  compofés 
icmbiableo.  Nous  difons  à  defTein  fembla- 
bles y  pour  énoncer  que  l'homogénéité  de 
l'agrégé  fubiilîe  avec  la  non  -  iimplicité 
de  Tes  parties  intégrantes ,  &  qu'elle  ell 
«biblument  indépendante  de  l'homogénéi- 
té de  celles-ci ,  de  même  que  fa  denfité 
uniform.e  eft  indépendante  du  degré  de 
denfité  ,  ou  de  la  diverfe  porofité  de  fes 
parties. 

Ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  de  démontrer 
toutes  les  vérités  que  ceci  (uppofe  ;  par 
exemple,  qu'il  y  a  plufieurs  élémens  ef- 
ientiellement  difiérens  ,  ou  que  l'homo- 
généité de  la  matière  eft  une  chimère-  ; 
que  les  coips  inaltérables  ,  l*^u  ,  par 
exemple  ,  (ont  immédiatement  compo- 
{•es  d'élémens  ;  &  que  le  petit  édifice  Ibus 
rimage  duquel  les  Corpufculaires  &  les 
Newtoniens  veulent  nous  faire  concevoir 
une  particule  d'eau  ,  porte  fur  le  fonde- 
ment le  plus  ruineux ,  fur  une  logique 
très-vicieufe.  Aufli  ne  propofons-nous  ici 
que  par  voie  de  demande  ces  vérités  ,  que 
nous  dédurions  par  voie  de  conclufion  , 
û   au  heu   d'en  compofer   un   article   de 


C  H  Y 

cfiâionnalre  ,  nous  avions  \  en  faire  les 
derniers  chapitres  d'un  traité  général  &: 
fcientifique  de  Chymie.  Les  faits  ,  les  opé- 
rations ,  les  procédés,  les  vérités  de  détail 
qui  rempliifent  tant  d'ouvrages  élémentai- 
res ,  lerviroient  de  fondement  à  ces  notions 
univerfelles  &  à  celîe^  qui  fuivront ,  &  qui 
perdant  alors  le  nom  à.efiLppojitLons  )  pren- 
droient  celui  d'axiomes. 

Ce  petit  nombre  de  notions  peut  fervir 
d'abord  à  didinguer  exadement  dans  un 
corps,  quelconque  ce  qui  appartient  à  La 
partie  intégrante. 

Il  cil  évident ,  par  exemple ,  par  le  feul 
énoncé  ,  que  les  propriétés  mcchaniques 
des  corps  leur  appardennent  comme  malîè  ; 
que  c'eft  par  leur  maffe  qu'ils  poujfeiit , 
qu'ils  pefent  ^  qu'ils  réjifiçnt ,  qu'ils  exer^ 
cent  y  dis-je  ,  ces  aélions  avec  une  force 
déterminée  ,  (  car  il  ne  s'agit  pas  ici 
des  propriétés  communes  ou  efîentielles 
des  corps  ,  de  leur  mobilité  ,  de  leur 
gravité ,  ou  de  leur  inertie  abfolue  ;  )  en 
un  mot ,  que  leur  figure  ,  leur  grandeur  , 
leur  mouvement  &:  leur  fituation  ,  con- 
fidérés  comme  principes  méchaniques  , 
appartiennent  à  la  maffe.  Car  quant  au 
mouvement ,  quoique  les  Phyficiens  efti- 
ment  celui  d'un  tout  par  la  lomme  de^ 
mouvemens  de  toutes  f.s  parties ,  ils  n'en 
conviennent  pas  moins  que  dans  le  mouve- 
ment dont  nous  parlons  ,  toutes  ces  parties 
font  en  repos  les  unes  par  rapport  aux 
autres. 

Tous    les    changemens    qu'éprouve    un; 
agrégé  dans  la  difpofition  &  dans  la  vicinité. 
de  fes  parties  ,  eft  auili ,  par  la  force  des 
termes  ,    une    affedion   de   l'agrégé.    Que 
la  rarefcibiliré ,  l'élafticité  ,  la  divifibilité  y. 
la  dudihté ,  ^c.  ne  dépendent  uniquement 
que  de  l'aptitude  à  ces  changemens,  fans 
que    les    molécules    intégrantes  éprouvent  . 
aucun    changement   intérieur  ,    du    moins: 
qu'il  y  ait  des  corps  dont  les  parties  inté-- 
grantes   font  à  l'abri  de  cçs  changemens  :_ 
&  quels  font  ces  corps  ?  ce  font  des  quef^ 
fions  particulières  qu'il   n'eft    pas  polîibîe- 
d'examiner  ici.  Que   toutes  ces  propriétés 
puilfent  avoir  entièrement  leur  raifon  dans  - 
les  deux  caufes  que  nous  venons  d'affigner  y- 
quoique  la   raifon   du  degré  fpécifique  de.^' 
chacune  de  ces  propriétés  le  trQuvejévideoit— 


C  H  Y 

ment  dans  la  conftitudon  intérieure  ou  l'ef- 
fènce  des  parties  intégrantes  de  chaque  agré- 
gé ,  c'cft  un  fait  démontré  par  la  feule  ob- 
fervation  des  corps  intérieurement  inaltéra- 
bles ,  dans  lefquels  on  obferve  toutes  ces 
propriétés,  comme  dans  l'eau,  p.^.r  exem- 
ple ,  l'air  ,  l'or  ,  le  mercure  ,  6v. 

Nous  pouvons  aflîirer  la  même  chofe  de 
certains  mouvemens  inteftins  que  pluiieurs 
agrégés  peuvent  éprouver  ;    par  exemple , 
de  celui  qui-  conftitue  l'elîénce  de  la  liqui- 
dité ,  lèion  le  fentiment  de  Defcartes  ,  & 
le  témoignage  même  des  fens.  Je  dis  félon 
le  témoignage  des  fens,  parce  que  le  mou- 
vement de  l'ébulUtion  ,   qui  afllirément  efl 
très-iènfible ,  ne  diffère  de  celui  de  la  li- 
quidité que   par    le   degré  ;  &  qu'ainfi ,  à 
proprement  parler,  tout  liquide,  dans  fon 
état  de  liquidité  tranquille  ,    eft   un  corps 
infenfiblement  bouillant  ,    c'eft-à-dire  , 
agité  par  un  agent  étranger ,  par  le  feu  ,  & 
non  pas  un  corps  dont  les  parties  foient 
néceflàirement  en  repos  ,  comme  plus  d'un 
newtonien    l'a   avancé  fur  des  preuves  ti- 
rées  de  vérités  géométriques.   Les  vérités 
géométriques-  font  aiTurément  très-refpec- 
tables  ;   mais  les  Phyiiciens  géomètres  les 
expoferont  mal  adroitement  à  1  irrévérence 
des  Pbyficiens  non  géomètres  ,    tomes  les 
fois  qu'ils  mettront  une  démonflration  à  la 
place  d'un  fait  phyfique  ,    &  une  fuppoii- 
tion   gratuite    ou  fauffe ,    foit  tacite  ,  Toit 
énoncée ,  à  la  place  d'un  principe  phynque 
que  l'obrervation.  peut  découvrir  ,    &  qui 
quelquefois   elt  fenfible  ,    comme   dans  le 
cas  dont  il  s'agit  :  ce  que  n'a  point  balancé 
d'aifurer  M.  d'Alembert ,  que  j'en  croirai 
lA-defîIis   auffi    volontiers    que   j'en    crois 
Sthal   décriant  la  tranfmutation.  Lorfque 
M.  Defîiguliers  ,  par  exemple  ,  pour  éta- 
blir que  toutes  les  parties  d'uii  fluide  ho- 
mogène font  en  repos  ,  a  démontré  à  la  ri- 
gueur ,   &   d'une  façon  fort  fimple ,  qu'un 
liquide  ne  fauroit  bouillir  ;   il  ne  l'a  fait  , 
ce  me  femble ,    que   parce  qu'il  a  luppoié 
tacitement  que  les  parties  d'un  liquide  font 
libres ,  fui  juris  ,  au  lieu  qu'une  obferva- 
tion  facile  découvre  aux  fens  mêmes  que 
le  feu  les  agite  continuellement  ,    &  qu'il 
Ti'eft   point   de  liquidité   fans  chaleur  ;   ce 
q.;e  prefque  tous  les  Newtoniens  femblent 
adorer  ou  oublier  ,  quoique   leur  maître 


C  H  Y  i^ 

l'ait  exprefîement  avancé.  Voye^  Optiq. 
quefî.  xxxj.  Pour  revenir  k  mon  llijet  ,  je 
dis  que  le  mouvement  de  liquidité  ,  6c 
celui  d'ébullition  qui  n'en  efl  que  le  degré 
extrême  ,  peuvent  n'appartenir  qu'à  la 
maffe ,  &  que  ce  n'eft  qu'à  la  maflê  qu'il? 
appartiennent  réellement  dans  l'eau  ,  & 
dans  plufieurs  autres  liquides. 

Les  qualités  fenfibles  des  corps  peuvent 
au  moins  ne  pas  appartenir  à  leurs  partie* 
intégrantes  ;  un  corps  fort  fouple  peut  être 
formé  de  parties  fors  roides  ,    comme  on 
en  convient  afîez  généralement  pour  l'eau  ; 
il  feroit  ridicule   de  chercher  la  raifon  du 
fon   dans   une  modification  intérieure    des 
parties  intégrantes  du  corps  fonore;  la  cou- 
leur  fenfible   d'une    mafTe  d'or ,    c'eff-à- 
dire  ,  une  certaine  nuance  de  jaune ,  n'ap- 
partient point  à  la  plus  petite  particule  qui 
efl  or ,  quoique  celle-ci  foit  nécefïairement 
colorée  ,  &  que  des  faits  démontrent  même 
évidemment  qu'elle  l'eiî: ,  mais  d'une  façon 
difîérente  de  la  mafTe.  Ceci  eft  fufceptible 
de  la  preuve    la  plus   complète.  (   Voye\ 
la  doctrine  chymique  fur  les  couleurs  ,  au 
mot  Phlogistique  :  )  mais  ,   je  le  ré- 
pète ,    ce    n'eft  pas   de    l'établifTement  de 
CGA  vérités  que  je  m'occupe  à  préient  ;   il 
me  fuftit  d'établir  qu'il  eft  au  moins  pof^ 
fible  de   concevoir  une   maiïé  formée  par 
des    particules    qui     n'aient     aucune    des 
propriétés  qui  fe  rencontrent  dans  la  ma-iè 
comme    telle  ;    qu'il   eft    très-facile  de   fc 
repréfenter   une   maifc   d'or ,  c'eft-à-dire , 
urt  corps  jaune,  éclatant,    fonore,  dudi- 
le,  compreiiible,  divifible  par  des  moyens 
méchaniqués  ,  rarefcible  jufqu'à  la  fluidité  , 
condenfiible  ,    élafiique  /  pefanr  dix- neuf 
fois  plus  que  l'eau  ;   de  fe  repréfenter  un 
pareil  corps  ,  dis-je ,  comme  formé    par 
l'affemblage    de  parties   qui   font   de  l'or , 
mais  qui  n'ont  aucune  des  qualités  que  je 
viens  d'expofer  :  or   cette   vérité  découle 
fi  nécefTairement  de  ce  que  j'ai  déjà  pro- 
pofé  ,  qu'une  preuve  ultérieure  tirée  de  l'ex- 
périence me  paroît  aufli  inutile ,  que  l'ap- 
pareil  de  la   Phyfique  expérimentale  A  la 
démonftration  de  la   force    des  leviers.  Si 
quelque   Icdeur   eft    cependant  curieux  de 
ce  dernier  genre  de  preuve  ,   il  le  trouvera 
dans  ce  que  nous  allons  dire  de  l'imitatioa 
de  l'or. 

Ci 


20  C  H  Y 

Toutes  ces  qualités ,  Je  les  appellerai 
extérieures  ou  phyfiques ,  &  j'obfèrverai 
d'abord  qu'elles  font  accidentelles  y  félon  le 
langage  de  l'école;  qu'elles  peuvent  périr 
fîms  que  le  corpufcule  foit  détruit ,  ou  celle 
d'être  un  corps  tel  ;  ou  ,  ce  qui  eft  la  même 
chofe ,  cju'elles  font  exadement  inutiles  à 
la  fpécificarion  du  corps ,  non  feulement 
par  la  circonflance  de  pouvoir  périr  fans 
que  l'être  fpécifique  du  corps  foit  changé , 
mais  encore  parce  que  réciproquement 
elles  peuvent  fe  rencontrer  toutes  dans  un 
corps  d'une  elpece  différente.  Car  quoi- 
qu'il foit  très-difEciie  de  trouver  dans  deux 
corps  intérieurement  différens  un  grand 
nombre  de  qualités  extérieures  femblables  , 
&  que  cette  difficulté  augmente  lorfqu'on 
prend  l'un  des  deux  corps  dans  l'extrême 
de  fa  claife  ,  qu'il  en  efl ,  par  exemple ,  le 
plus  parfait ,  comme  l'or  dans  celle  des 
métaux;  cependant  cette  reflemblance  ex- 
térieure ne  répugne  point  du  tout  avec  une 
différence  intérieure  effenticlle.  Par  exem- 
ple ,  je  puis  difpofer  l'or  ,  6c  un  autre  corps 
qui  ne  fera  pas  même  un  métal ,  de  façon 
qu'ils  fe  relfembleront  par  toutes  leurs  qua- 
lités extérieures  ,  &  même  par  leur  gravite 
fpécifique  ;  car  s'il  efl  difficile  de  procu- 
rer à  un  corps  non  métallique  la  gravité 
fpécifique  de  l'or  ,  rien  n'efl  fi  aifé  que  de 
diminuer  celle  de  l'or  :  celui  qui  aura  porté 
ces  deux  corps  à  une  reflemblance  exté- 
rieure parfaite,  pourra  dire  de  fon  or 
imité  ,  en  aurum  Phyjicorum  ^  comme  Dio- 
gene  difoit  de  fon  coq  plumé  ,  en  homin^ 
Platonis. 

Omtt  toutes  ces  propriétés  que  j'ai  ap- 
pellées  extérieures^  ou  phyfiques  y  j'obferve 
dans  tout  agrégé  des  qualités  que  j'appel- 
lerai intérieures  y  de  leur  nom  générique  , 
en  attendant  qu'il  me  foit  permis  de  les 
nppeller  chymiaues  ;,  &  de  les  diilinguer 
].ar  cette  dénomination  }xirticuliere  ^cs 
autres  qualités  du  même  genre  y  telles  que 
:^bnt  les  qualités  très-communes  des  corps , 
l'étendue  ,  l'impénétrabilité  ^  Tinertie  ,  la 
mobilité ,  Ùc.  Celles  dont  il  s'agit  ici  font 
<\qs  propriétés  intérieures  particulières;  elles 
fpécifient  proprement  le  corps ,  le  conffi- 
tuent  un  corps  tel ,  font  que  l'eau  ,  l'or  , 
le  nitre  ,  &c.  font  de  l'eau  ,  de  l'or,,  Au 
nitrç  j  Ùc.  ù.  non  pas  d'autres  flibflances  ; 


C  H  Y 

I  telles  font  dans  l'eau  la  fimplicîté  ,  la  vola- 
tilité ,  la  faculté  de  difîbudre  les  fels  ,  & 
de  devenir  un  des  matériaux  de  leurs  mix- 
tion ,  &c.  dans  l'or ,  la  métallicité  ,  la  fixité  , 
la  lolubilité  par  le  mercure  &  par  l'eau 
régale  ,  &c.  dans  le  nitre  ,  la  ialinité  neutre  y 
la  forme  de  fes  cryfîaux  ,  l'aptitude  à  être 
décompolé  par  le  phlogifHque  &  par  l'aci- 
de vitriolique  ,  &c.  or  ces  qualités  appar- 
tiennent toutes  effentiellcment  aux  parties 
intégrantes. 

Toutes  ces  qualités  font  dépendantes 
les  unes  des  autres  dans  une  fuite  qu'il  eu 
inutile  d'établir  ici  ,  &  elles  font  plus  ou 
moins  communes  :  l'or  ,  par  exemple  , 
efl  foluble  par  le  mercure  comme  métal  ; 
il  efl  fixe  comme  métal  parfait  ;  il  efi  fo- 
luble dans  l'eau  régale  en  un  degré  d'affi- 
nité fpécifique  comme  métal  parfait  teU 
c'efl-ci-dire  ,  comme  or. 

De  ces  qualités  internes ,  quelques-unes, 
ne  font  eflentielles  aux  corps  que  relati- 
vement à  notre  expérience  ,  à  nos  con- 
noilîances  d'aujourd'hui  :  la  fixité  de  l'or ,, 
la  volatilité  du  mercure ,  l'inarnalgabili- 
té  du  fer  ,  &c.  font  des  propriétés  inter- 
nes de  ce  genre  :  découvrir  les  proprié- 
tés contraires  ,  voilà  la  fource  des  problê- 
mes de  la  Chymie  pratique  la  moins  vul- 
gaire. 

Il  efi  d'autres  propriétés  internes  qui  font 
tellement  inhérentes  au  corps  ,  qu'il  ne- 
fauroit  fubfifler  que  par  elles  :  ce  font  rou- 
tes celles  qui  ont  leur  raifon  prochaine' 
dans  l'être  élémentaire  ,  ou  dans  l'ordre  de 
mixtion  des  corpufcules  fpécifiques  de  clia- 
que  corps  ;  c'efi  ainfi  qu'il  efl  effenticl  an 
nitre  d'être  formé  par  l'union  d^  l'acide 
que  nous  appelions  nitreux  ^  &  de  l'alkalt 
fi.xe;  à  l'eau,  d'être  un  certain  élément  y 
&c. 

Toutes  îes  diflindions  que  nous  avons 
propofées  jufqu'à  préfent  ,  peuvent  n'être 
regardées  ^que  comme  des  vérités  de  préci- 
fion  analytique  ,  puifque  nous  n'avons  con- 
fidéré  proprement  dans  les  corps  que  des. 
qualités  ;  nous  allons  voir  que  les  drftërences 
qu'ils  nous  préfenteront  comme  agens  phy- 
fiques ,  ne  iont  pas  moins  remarquables. 

I".  Les  mafles  exercent  les  unes  fiir  les 
autres  des  aôions  très-diflindes  de  celles 
qui  font  propres  aux  corpufcules  ,  &  cela 


C  H  Y 

félon   des   loix  abfolument   diiîerentcs    de 
celles  qui  règlent   les  afFedions  mutuelles 
des    corpufcules.    Les    premiers    fe    cho- 
quent ,  fe  preiTent ,  fe  réiiilent ,  fe  divifent , 
s'élèvent  ,  s'abaillent ,    s'entourent  ,    s'en- 
veloppent ,  fe  pénètrent  ,  Ùc.  les  unes  les 
autres    à    raifon  de  leur  vitcfîe ,    de   leur 
mafle  ,  de  leur  gravité  ,  de  leur  confiflnnce  , 
de  leurs  figures  relpcdives  ;  &  ces  loix  font 
les  mêmes  ,  foit  que  l'adion  ait  lieu  entre 
des  maiîes  homogènes  ,  foit  qu'elle  fe  pafîe 
entre  des  mafTes  Ipécifiquement  différentes. 
Une  colonne  de  marbre  ,  tout  étant  d'ail- 
leurs égal  ,  foutient  une  mafTe  de  marbre 
comme  une  mafTe  de  plomb  ;  un  marteau 
d'une    matière    convenable     quelconque  , 
chafTe  de    la  même  façon  un    clou  d  une 
matière  convenable   quelconque.    Les    ac- 
tions   mutuelles   de    corpufcules    ne    font 
proportionnelles  à  aucune  de  ces  qualités  ; 
tout  ce  que  les  dernières  éprouvent  les  unes 
par   rapport  aux    autres  ,  fe  réduit  à  leur 
union    &   à  leur   féparation  agrégative ,  à 
leur  mixtion,  -X  leur  décompofition  &  aux 
phénomènes  de  cq^  afFedions    :  or  il   ne 
s'agit  dans  tout   cela  ni  de    chocs  ,    ni  de 
preflions  ;,  ni  de  frottemens  ,   ni  d'entrela- 
cement ,  ni  d'introdudion  ,  ni  de  coin  ,  ni 
de  levier  ,  ni  de  vîtefîe  ,  ni  de  grofî'eur,  ni 
de  figure  ,    6'c.  quoiqu'une  certaine  grof- 
feur  &  une  certaine  figure  foient  apparem- 
ment eflentielles  à  leur  être  fpécifique.  Ces 
adions  dépendent   àts   qualités  intérieures 
des  corpulcules  ,  parmi  lefquelles  l'homo- 
généité &  l'hétérogénéité  méritent  la  pre- 
mière confidération ,  comme  conditions  ef- 
fenticlles  :  car  l'agrégation  n'a  lieu  qu'entre 
des  fiibflances  homogènes  ,    comme  nous 
l'avons  obfervé  plus  haut  ;  l'hérérogénéité 
des  principes   au  contraire  efl  efTèntielle  à 
l'union  mixtu'e.   Voye^  MiXTION  ,  DÉ- 
COMPOSITION, Séparation. 

l**.  Toutes  les  mafîes  gravitent  vers  un 
centre  commun ,  ou  font  pelantes  ;  elles 
ont  chacune  un  degré  de  pefinteur  connu 
&  proportionnel  à  leur  quantité  de  matière 
propre  fous  un  volume  donné  :  la  gravité 
rbfoîue  de  tous  les  corpufcules  n'efl  pas 
démontrée  ,  (  voye^  PRINCIPES  ô'  PhlO- 
CISTIQUE;  )  leur  gravité  fpécifique  n'eff 
pas  connue» 
"    3°.   Les  mafTes    adhèrent    entr'elles    à 


C  H  Y  21 

raifon  de  leur  vicinité ,  de  leur  grofTeur  ,  & 
de  leur  figure  :  les  corpufcules  ne  connoif- 
fent  point  du  tout  cette  loi  ;  c'efl  à  raifoa 
de  leur  rapport  ou  affinité  que  fe  font  leurs 
unions ,  (  J'ojf;^  RAPPORT  ,j  &  réciproque- 
ment les  mafîes  ne  font  pas  foumilés  aux. 
loix  des  affinités  ;  l'adion  menfiruelle  fup- 
pofe  au  contraire  la  deflruclion  de  l'agréga- 
tion, (  7'oj^^Menstrue  ;  )  &  jamais  de 
l'union  d'une  mafîe  à  une  mafie  de  nature 
difiérente ,  il  ne  réililtera  un  nouveau  corps 
homogène. 

4°.  Les  corpufcules  peuvent  être  écartés 
les  uns  des  autres  par  la  chaleur  ,  caufè 
avec  laquelle  on  n'a  plus  befoin  de  la 
répulfion  de  Newton  ;  les  mafTes  ne  s'éloi- 
gnent pas  les  unes  des  autres  par  la  chaleur. 
KojqFEll. 

5^'  Certains  corpufcules  peuvent  erre 
volarili{és  ,  aucune  mafîe  n'efî  volatile» 
Voye^  Volatilité. 

Juiqu'à  préfent  nous  n'avons  oppofé  les 
corpulcules  aux  agrégés  ,  que  par  la  feule 
Circonflance  d'être  confidérés  fohtairement  ^ 
&  nous  n'avons  eu  aucun  égard  à  la  confli- 
tution  intérieure  des  premiers  :  ce  dernier 
aiped  nous  fournira  de  nouveaux  earaderes 
difundifs.  Les  voici  : 

3°.  Les  agrégés  (ont  homogènes  ,  &; 
les  corpufcules  ou  font  fimples ,  ou  font 
compofés  de  matériaux  efTentiellemenr  dif- 
férens.  La  première  partie  de  cette  propo- 
rtion eft  fondée  fur  une  définition  ou  de- 
mande ;  la  féconde  exprime  une  vérité  du 
même  genre  ;  &  elle  a  d'ailleurs  toute 
l'évidence  que  peut  procurer  une  vafîe  ex- 
périence que  nous  avons  ^  ce  fujet.  Voye-;^ 
Mixtion. 

2°.  Les  matériaux  âcs  corpufcules  com- 
pofés ,  différent  non  feulement  e  itr'eux  , 
mais  encore  du  corpufcule  qui  réfulte  de 
leur  union  ,  &  par  conléquent  de  l'agrégé 
formé  par  TafTemblage  de  ces  corpufcules  : 
c'efl  ainii  que  l'alkaU  fixe  &  l'aciac  nitreux 
différent  efîèntiellement  du  nitre  &  d'une 
mafîe  de  nitre  ;  &  fi  cette  divifion  eft 
poufïée  jufqu'aux  élémens  ,  nous  aurons 
toute  la  différence  d'une  maflé  à  un  corps 
fi  m  pie  Voye\  notre  doctrine  fur  les  élé- 
mens y  au  mot  Principe. 

3  .  Les  principes  de  la  mixtion  ou  de  la 
,  compofition   des   corpulcules  ,    font  unis 


22  C  H  Y 

entr'eux  par  un  nccud  bien  diffîrent  de 
celui  qui  opéré  l'union  agrégative  ou  le 
rapport  de  mafîe  :  le  premier  peut  être 
rompu  par  les  moyens  méchaniques,  aullî 
bien  que  par  les  moyens  chymiques  ;  le 
fécond  ne  peut  l'être  que  par  les  derniers, 
favoir  ,  les  menfîrues  &c  la  chaleur ,  &  dans 
quelques  lujets  même  ce  ncEud  eft  indif- 
loluble  ,  du  moins  par  les  moyens  vul- 
gaires :  l'or ,  l'argent ,  le  mercure  &  un 
très -petit  nombre  d'autres  corps,  font 
des  mixtes  de  cette  dernière  claflè.  Vqye^ 
Mixte. 

Les  bornes  dans  lefqu elles  nous  fommes 
forcés  de  nous  contenir,  ne  nous  permettent 
pas  de  poufier  plus  loin  ces  confidérations; 
les  proportions  qu'elles  nous  ont  four- 
nies ,  quoique  fimplement  énoncées  pour  la 
plupart ,  prouvent ,  ce  me  femble  ,  fuffifam- 
ment  que  \qs  aiFcdions  à^s  maffes ,  &  les 
afleâions  àts  dlflerens  ordres  de  principes 
dont  elles  font  formées ,  peuvent  non  ièu- 
lemcnt  être  difîinguées  par  des  confidéra- 
-tions  abftraites  ,  mais  même  qu'elles  dif- 
férent phyiiquement  à  plufieurs  égards  : 
•&  l'on  p^eut  au  moins  foupçonner  dès-à- 
préfent  que  la  phyfique  des  corps  non 
organifés  peut  être  divifée  par  ces  diffé- 
fenccs  en  deux  fciences  indépendantes 
Tune  de  l'autre  ,  du  moins  quant  aux 
objets  particuliers.  Or  elles  exiHent ,  ces 
^eux  fciences  ,  la  divilion  s'eft  faite  d'elle- 
même;  &  l'objet  dominant  de  chacune 
remplit  fi  exaftement  l'une  des  deux 
claflès  que  nous  venons  d'établir  ,  que 
ce  partage  qui  a  précédé  l'obfervation 
raifonnée  de  fa'  néceiUté  ,  eft  une  nou- 
velle preuve  de  la  réalité  de  notre  difîinc- 
îion. 

L'une  de  ces  fciences  efl  la  Phyfique 
ordinaire ,  non  pas  cette  Phyfique  univer- 
lèlle  qui  efl  définie  à  la  tête  des  cours  de 
Phyfique  ,  mais  cette  Phyfique  beaucoup 
moins  vafie  qui  eft  traitée  dans  ces  ou- 
vrages. 

La  féconde  ed  la  Chymie. 

Que  la  Phyfique  ordinaire  ,  que  je  n'ap- 
pellerai plus  que  Phyjique  ,  fe  borne  aux 
iifïcdions  ôits  mafles  ,  ou  au  mciins  que  ce 
foit  là  fon  ob}ét  dominant  ,  c'efl  un  fait 
<que  tout  lecleur  peut  vérifier ,  i°.  fiir  la 
0^\p    ôf.s    chapitres    de    tout    traité    de 


C  H  Y 

Phyfique  ;  2°.  en  fe  donnant  la  peine  de 
parcourir  les  définitions  des  objets  géné- 
raux qui  y  font  examinés  ,  &  qui  peuvent 
être  pris  dans  différentes  acceptions  ,  par 
exemple ,  celle  du  mouvement  ,  &  en- 
fui;e  de  voir  dans  quels  corps  hs  Phyficiens 
confiderent  le  mouvement  ;  3°.  enfin  en 
portant  la  vue  fur  le  petit  nombre  d'objets 
particuliers  dont  s'occupe  la  Phyfique , 
&  qui  nous  font  comimuns  avec  elle  ,  tels 
que  l'eau  ,  Fair ,  le  feu  ,  Ùc.  Ces  recher- 
ches lui  découvriront  que  c'efl  toujours 
des  mafîes  qu'il  efl  quefîion  en.  Phyfique; 
que  le  mouvement  dont  le  Phyficien  s'oc- 
cupe principalement  ,  eil  le  mouvement; 
propre  aux  maffes  ;  que  l'air  efi  pour  lui 
un  fiuide  qui  fe  comprime  &  qui  le  réta- 
blit aifément  ,  qui  fe  met  en  équilibre 
avec  les  hquidcs  qu'il  foutient  à  de  certai- 
nes hauteurs  ,  dans  de  certaines  circonf- 
tances  ,  dont  les  courans  connus  fous  le 
nom  de  vents  ,  ont  telle  ou  telle  vîteflê , 
qui  eft  la  matière  des  rayons  fbnores  ;  ea 
un  mot ,  que  l'air  du  Phyficien  n'efi  uni- 
quement que  l'air  de  fatmofphere  ,  & 
par  conféquent  de  l'air  agrégé  ou  ea 
maffe  ;  que  fon  eau  efî  un  liquide  humide  ^ 
incorapreiiible  ,  capable  de  fe  réduire  en 
glace  &  en  vapeurs  ,  fournis  à  toutes  les 
loix  de  l'hydraulique  &  de  l'hydrofiatique  , 
qui  efl  la  matière  des  pluies  &  des  autres 
météores  aqueux ,  Ùc.  or  toutes  ces  pro- 
priétés font  évidemment  des  propriétés  de 
mafle  ,  excepté  cependant  l'humidité  ; 
aufli  efl-elie  mal  entendue ,  pour  l'oblèr- 
ver  en  palTànt  :  car  je  demande  qu'on  me 
montre  un  fcul  liquide  qui  ne  foit  pas  hu- 
mide ,  fans  excepter  même  le  mercure  , 
&  je  conviendrai  que  l'humidité  peut  être 
un  caraélere  fpécial  de  quelques  liquides. 
Quant  au  feu  &  à  la  qualité  efl'enticlle 
par  laquelle  Bocrhaave  ,  qui  eft  celui 
qui  en  a  le.  mieux  traité  phyfiquement  , 
caraûérife  ce  fluide  ;  favoir  ,  la  faculté 
de  raréfier  tous  les  corps  :  c'efl  évidem- 
ment à  àts  mafîes  de  feu  ,  ou  au  feu 
agrégé  ,  que  cette  propriété  convient  ;  aufîî 
le  traité  du  feu  de  Boerhaave  ,  à  cinq  ou 
fix  lignes  près ,  efl-il  tout  phyfique.  La 
lumière  ,  autre  propriété  phyfique  affez  gé- 
nérale, du  feu  ,  appartient  uniqueniem  sai 
feu  agrégé. 


C  HY 

La    plupart    des    objets    phyfiques    font 
fcnfibles  ou  en  eux-mêmes  ,    ou  au  moins 
par  leurs    effets   immédiats.    Une   mafie  a 
une  figure  fenfible  ;    une  maffe  en  mouve- 
ment parcourt  un  efpace  fenfible   dans  un 
temps  fenfible  ,   elle  ell  retardée  par   des 
obflacles   fenfibles  ,   ou   elle    ell    retardée 
fènfiblement ,  &^c.   une  malTe    élaflique  eft 
applatie  par  le  choc  dans  une  partie  ff'nli- 
ble  de  fa  furface  ,  &c.   cette  circonflaacc 
fbumet    à    la     précifon    géooiétrique     la 
détermination  des    figures  ,    des    forces  , 
des     mouvemens     de     ces     corps    ;     elle 
fournit    au    géomètre    des    principes    fen- 
fibles ,    d'après   leiquels  il    b^itit   ce   qu'il 
appelle    des  théories  ,   qui    depuis  que    Ip 
grand  Newton  a  fait  un  excellent  ouvrage 
en    décorant  la  Phyfique  du  rJiel:  de  ces 
fublimes  connoiflances ,    font  devenues  la 
Phyfique. 

La  Phyfique  d'aujourd'hui  efl  donc 
proprement  la  colLdion  de  toutes  les 
fciences  phyfico  -  mathématiques  :  or  jui- 
qu'à  prêtent  on  n'a  calculé  que  les  forces 
&  les  effets  des  maffes  :  car  quoique  les 
plus  profondes  opérations  de  la  Géométrie 
tranfcendante  s'exercent  fur  des  oh'](!ts 
infiniment  petits  ,  cependant  comme  ces 
objets  pafTent  immédiatement  de  l'abifrac- 
ficn  à  l'état  de  mafîe  ,  qu'ils  (ont  des  mafîes 
figurées  ,  doués  de  forces  centrales ,  &c. 
dès  qu'ils  font  confidéré.s  comme  êtres  phy- 
fiques ,  les  très-petits  corps  du  phyficien 
géomètre  ne  font  pas  les  corpufcules  que 
nous  avons  oppofés  aux  malles  ;  &  les 
calculs  faits  fur  ces  corps ,  avec  cette  fa- 
gacité  &  cette  for.ce  de  génie  que  nous 
admirons ,  ne  rendent  pas  les  caufes  & 
les  effets  chymiques  plus  calculables  ,  du 
moins  plus  calculés  jufqu'à  préfent. 

Les  Phyficiens  font  très-curieux  dé  ra- 
mener tous  les  phénomènes  de  la  nature 
îiux  loix  méchaniques  ,  &  le  nom  le  plus 
honnête  qu'on  puifïe  donner  aux  caufes 
qu  ils  aiiignent ,  aux  agens  qu'ils  mettent 
en  jeu  dans  leurs  explications  ,  c'efl  de 
les  appeller  méchaniques. 

La  Phyfique  nous  avouera  elle-même 
^as  doute  fur  la  nature  des  objets  que 
nous  leur  attribuons ,  &  d'autant  plus  que 
«ous  ne  lui  avons  pas  enlevé  ceux  qu'elle 
a^ufurgés  fur  nous,    &   dont  la  propriété 


C  H  Y  15 

pouvoit  la  flatter  ;  nous  avons  dit  feulement 
que  fon  objet  dominant  étoit  la  contem- 
plation des  mafles. 

Que  la  Chym'ie  au  contraire  ne  s'occupe 
e0ènriellement  que  des  afFeéiions  des  dif-r 
férens  ordres  de  principes  qui  l^orment 
les  corps  iênfibles  ;  que  ce  foit  là  fon  but, 
fon  objet  propre ,  le  tableau  abrégé  de  la 
Chymic ,  tant  théorique  que  pratique,  que 
nous  allons  tracer  dans  un  moment  ,  le 
montrera  lufïîfamment. 

Nous  oblerverons  d'avance  ,  pour  ache- 
ver le  contrafle  de  la  Phyfique  &  de  la 
Çhymic  : 

I*.  Que  tout  mouvement  chymique  efl 
un    mouvement   inteflin  ,    mouvement    de 
digefîion  ,     de    fermentation  ,    d'effervefr» 
ccnce ,  Ùc.   que  l'air   du   chymifte  efl  \in 
des  principes  de  la  compofition  des  corps , 
fur-tout  des  corps  foiides  ,  s'unifTant  avec: 
des  principes  di|-férens  félon  les  loix  d'o/^- 
Jinité  j,  s'en  détachant  par  des  moyens  chy- 
miques ,    la  chaleur  &.  la  précipitation  ; 
qu'il   efl  fi   volatil ,   qu'il  paflè    immédia- 
tement de  l'état  folide  à  l'expanfion  vapo- 
reufc  ,    fans  refier    jamais    dans  l'état   de 
liquidité  fous  le  plus  grand  froid   connu  i. 
vue  nouvelle  qui  peut  lauver  bien  des  peti-r 
XeHes  phyfiques;  que  l'eau  du  chymiiîe  elt' 
^n\  élément  ou  un  corps  fimple ,   indivifi-» 
ble  &  incommutable  ,  contre  le  fentiment 
de  Thaïes  ,  de  Van-Helmont ,  de  Boyle  ,. 
&  de  M.  Eller ,  qui  s'unit  chymiquement- 
aux  fels  ,  aux  gommes  ,  ùc.  qui  efl  un  des  ■ 
matériaux  de   ces  corps  ,  qui  efl  l'infiru- 
mcnr  immédiat   de  la   fermentation  ,    ùc. 
que  le  feu,  confidéré  comme  obj-et  chy-p 
mique  particuher , ,  efl  un  principe  capable  ' 
de  combinaifon  &  de  précipitation  ,   conf- 
tituant  dans  difFérens  mixtes  dont  il  efl  lé' 
principe  ,  la  couleur  ,  l'inflammabilité  ,   la 
métallicité ,    ^c.  qu'ainfi  le  traité  du  feu  , 
connu  fous  le  nom  des  trecenta  de  Stahl  , 
efl  rout  chymique. 

]Nous  avons  dit  le  feu  confidéré  comme' 
objet  chymique  particulier  y  parce  que  le  feu  ' 
agrégé  ,  confidéré  comme  principe  de  la 
chaleur  ,  n'efi  pas  un  objet  chymique ,  mais 
un  infirument  que  le  chymifte- emploie  dans  ■ 
les  opérations  de  l'art ,  ou  un  agent  uni-- 
vcrfel  dont  il  contemple  les  effets  chymi*- 
ques  dans  le  laboratoire  de  la.  nature.  - 


i4 


En   gênerai 


C  f  1  Y 

quoique    le   Chymifle 


ne 
traire  que  des  agrcgés  ,   puifque  les  corps 
ne   fe    prélentent    jamais    à    lui   que   fous 
cette  forme  ,  cqs   agrégés   ne  font  Jamais 
proprement  pour  lui  que  des  promptuaria 
de  fujets  vraiment  chymiques  ,  de   corpus- 
cules ;  &   toutes    les   altérations  vraiment 
chymiques  qu'il  lui  fait  efîiiyer ,  fè  rédui- 
Icnt  à  deux.  Ou  il  attaque  diredement  i^es 
parties  intégrantes ,   en  les  combinant  une 
à  une ,    ou  en  très-petite  quantité  numé- 
rique  avec    les    parties    intégrantes    d'un 
autre  corps   de  nature  différente  ,  &  c'eft 
la  diflblution    chymique    ou    la    fyncrefe. 
Voyei  MeNSTRUE,  SynCRESE  ,    &    la 
fuite   de   cet  article.  Cette   diliolution   eft 
le   feul  changement  chymique  qu'il  puille 
produire   fur  un  agrégé   d'élémens.    Ou  il 
décompofe  les  parties  mtégrantes  de  l'agré- 
gé ,  &    c'eft  là  l'analyfe  chymique  ou    la  I 
diacrefe.  F"ojq  DiaCRESE  ,   ANALYSE  , 
VÉGÉTALE  ,   au  mot    VÉGÉTAL  ,  Ù  la 
fuite  de  cet  article.  En  un  mot ,  tant  qu'il 
ne  s'agit  que  des  rapports  des  parties  inté- 
grantes de  l'agrégé  cntr'elles  ,   le  phéno- 
mène n'efl  pas  chymique  ,  quoiqu'il  puiiîe 
être  dû  à  des  agens  chymiques  ;  par  exem- 
ple ,  la  divifion  d'un  agrégé  ,  pouflee  même 
jufqu'à  l'unité  individuelle  de  fes  parties , 
n'efl:  pas  chymique  ;   c'eft  ainfi  que  la  pul- 
vérifation  même  phiiofophique  ne  l'ell  point 
quant  à  fon  effet  ;  la  diacrefe ,    pour  être 
chymique  ,  doit  féparer  des  parties  fpéci- 
fiquement  difîêmblables. 

Il  faut  obferver  pourtant  que  quoique 
certains  changemens  intellins  que  la  cha- 
leur fait  éprouver  aux  corps  agrégés  ,  ne 
foient  chymiques  à  la  rigueur  que  lorfque 
leur  énergie  efl  telle  qu'ils  portent  jufque 
fur  la  conftitution  intérieure  des  corpufcu- 
les  ,  il  faut  obferver  ,  dis-je  ,  que  cts  chan- 
gemens n'étant  en  général  que  des  effets 
gradués  de  la  même  caufe ,  ils  doivent  être 
conlidérés  dans  toute  leur  extenfion  comme 
des  objets  mixtes  ,  ou  comme  des  effets 
dont  le  degré  phyfique  même  eft  très-fami- 
lier au  chymille.  Ces  effets  de  la  chaleur 
modérée  ,  que  nous  appelions  proprement 
phyjiques  ,  font  la  raréfaéiion  des  corps  , 
leur  liquéfaftion  ,  leur  ébullition  ,  leur  va- 
poration  ,  l'exercice  de  la  force  élaflique 
dans  ks  corps  comprimés  ,    Ùc.  AufC  les 


C  H  Y 

chymifles   font-ils  de  bons  phyficlens  fur 
toutes  ces  quefîions;  du  moins  il  me  paroît 
que  c'efl  en  pouriijivant  fur  ces  effets  une 
analogie  conduite  de  ceux  où  la  caufe  agit 
le  plus  manifeflement ,  (  or  ceux-là  font  des 
objets  familiers  au  feul  chymille ,  )  à  ceux 
où  fon  influence    efl   plus  cachée ,  que  je 
fuis  parvenu  à  rapprocher  plufieurs  phéno- 
mènes    qui    font    généralement    regardés 
comme  très-ifolés  ,  à  découvrir  ,  par  exem- 
ple ,  que  le  méchanifme  de  l'élaflicité  eft  le 
même  dans  tous  les  corps  ,  qu'ils  font  tous 
fufceptibles  du  même  degré  d'élaflicité ,  & 
que  ce  n'efl  que  par  àts  circonflances  pu- 
rement accidentelles  que  les  diflérens.  corps 
qui   nous  environnent    ont  des   différences 
fpécifîques  à  cet  égard  ;  que  l'élaflicité  n'efl 
qu'un  mode  de  la  rareté  &  de  la  denfité  , 
&  qu'au  premier  égard  elle  efl  par  confé- 
quent  toujours  due  à  la  chaleur  auffi  bien 
que  tous  les  autres  phénomènes  attribués  à 
la  répulfion   newtonienne  ,  qui  n'eil  jamais 
que  la  chaleur.  Voye^  Feu  ,  RAPPORT. 

2,'.  Les  objets  chymiques  n'agiffent  pas 
fenfiblement.  L'effet  immédiat  du  feu  & 
celui  des  menflrues  ,  qui  font  les  deux 
grands  agens  chymiques  ,  font  infenfibles, 
La  mixtion  fe  fait  dans  un  temps  incom- 
menfurable ,  in  inftami  ;  aufîi  ces  adions 
ne  le  calculent-elles  point ,  du  moins  n'a-t- 
on fait  là-defTiis  juiqu'à  préfent  que  des 
tentatives  malheurcules. 

3°.  Les   chymifles  ne  s'honorent  d'au- 
cun   agent  méchanique  ,     &  ils   trouvent 
même  tort  fingulier   que   la   feule  circonf- 
tance    d'être   éloignés    fouvcnt    d'un    feul 
degré  de    la    caule    inconnue  ,    ait   rendu 
les  principes  méchaniques  il   durs  à  tant 
de  philolbphes  ,    &   leur   ait    fait    rejeter 
toute    théorie    fondée    immédiatement    fur 
les  caufes  cachées  ,    comme   fi    être-   vrai 
n'étoit  autre  chofe  qu'être  intelligible  ,  ou 
comme  11   un  prétendu  principe  méchani- 
que interpofé  entre   un   effet   &   fa   caufe 
inconnue,  les  raffuroit  contre  l'horreur  de 
ï inintelligible.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  ce  n'efl 
pas  par  le  goût  contraire ,  par  un  courage 
affedé  ,    que    les    Chymifles    n'admettent 
point    de    principes    méchaniques  ,     mais 
parce  qu'aucun  des  principes  méchaniques 
connus  n'intervient  dans  leurs  opérations  ; 
ce  n'çfl    pas  auffi   parce  qu'ils  prétendent 

que 


C  H  Y 

que  leurs  ngens  font  exempts  de  m^chanif- 
me  ,  mais  parce  que  ce  méchanifme  eu 
encore  inconnu.  On  reproche  aufii  très- 
injullement  aux  Chy'T^iftes  de  ie  plaire 
dans  leur  obrcuriré  ;  pour  que  cette  impu- 
tation fur  railbnnable  ,  il  faudroit  qu'on 
leur  montrât  des  principes  évidcns  &  cer- 
tains :  car  enfin  ils  ne  feront  pas  blâmables 
tant  qu'ils  prtléreront  robfcurité  à  l'erreur; 
&  s'il  y  a  quelque  ridicule  dans  cette  ma- 
nière de  philofopher  ,  ils  font  tout  réfolus 
à  le  partager  avec  Ariiliote  ,  Newton  ,  & 
cette  foule  d'anciens  philofophes  dont  M. 
de  Buffon  a  dit  dans  fon  hifloire  naturelle 
qu'ils  avoient  le  génie  moins  limité  ,  & 
la  philofophie  lu  plus  étendue  ;  qu'ils  s'éron- 
noient  moins  que  nous  des  faits  qu'ils  ne 
pouvoient  expliquer  ;  qu'ils  voyoient  mieux 
la  nature  telle  qu'elle  eft  ;  &  qu'une  fvm- 
pathie  ,  une  correlpondance  n'étoit  pour 
eux  qu'un  phénomène  ,  tandis  que  c'ed:  pour 
nous  un  paradoxe ,  dès  que  nous  ne  pou- 
vons le  rapporter  à  nos  prétendues  loix  de 
mouvement.  Ces  hommes  tavoient  que  la 
nature  opère  la  plupart  de  (es  effets  par  des 
moyens  inconnus  ;  que  nous  ne  pouvons 
nombrer  fes  reflburces  ;  &  que  le  ridicule 
réel ,  ce  leroit  de  vouloir  la  limiter ,  en  la 
réduifant  A  un  certain  nombre  de  principes 
d'adion  &  de  moyens  d'opérations  ;  il  leur 
fuffifoit  d'avoir  remarqué  un  certain  nom- 
bre d'effets  relatifs  &  de  même  ordre , 
pour  conlHtuer  une  caufe.  Les  chymifles 
îont-ils  autre  chofe  ? 

Ils  recevroient  avec  empreflement  & 
reconnoiflance  toute  explication  méchani- 
que  ,  qui  ne  feroit  pas  contredite  par  des 
faits  :  ils  feroient  ravis  ,  par  exemple  ,  de 
pouvoir  fe  perfuader ,  avec  J.  Keill  & 
Freind  ,  que  le  méchanifme  de  fefiervef- 
cence  &  de  la  fermentation  confilte  dans 
Faétion  mutuelle  de  certains  corpufcules 
fohdes  &  élafHques  ,  qui  fe  portent  avec 
force  les  uns  contre  les  autres  ,  qui  réjail- 
liflent  proportionnellement  à  leur  quantité 
de  mouvement  &  à  leur  élafticité ,  qui  fè 
choquent  de  nouveau  pour  rejaillir  encore  , 
&c.  Mais  cette  explication  ,  auffi  ingénieufé 

?iu'arbitraire  ,  efl  démentie  par  des  faits  qui 
ont    voir    clairement   que   le   mouvement 
d'effervefcence    &    celui  de   fermentation 
Q}ïlt  dus  au  dégagement  d'un  corps  fubtil , 
Tome    VJIL 


C  H  Y  25 

&  expanfible  ,  opéré  par  les  lolx  générales 
des  affinités  ,  c'ell-à-dire  ,  par  un  principe 
très-peu  méchanique.    Voye^EF^EKYES" 

CENCE  ù  Fermentation. 

Plutôt  que  de  s'avouer  réduits  à  énoncer 
fimplement  qu'une  difîblution  n'eft  autre 
cholê  que  l'exercice  d'une  certîmie  ten- 
dance ou  rapport  par  lequel  deux  corps 
mifciblcs  font  portés  l'un  vers  l'autre  , 
n'aimeroient-ils  pas  mieux  fe  figurer  une 
difî'olution  fous  l'image  très-fenfible  d'un 
menflrue  armé  de  parties  roides  ,  folides  , 
malîives ,  tranchantes  ,  &c.  d'un  côté ,  fous 
celle  d'un  corps  percé  d'une  infinité  de 
pores  proportionnés  à  la  maiîê  &  même 
à  la  figure  des  parties  du  menilrue ,  de  l'au- 
tre ;  &  cnhn  lous  celle  de  chocs  réuérés 
des  parties  du  menilrue  contre  la  mafle 
des  corps  à  difîbudre  ,  de  leur  introduâion 
forcée  dans  i'es  pores  ,  fous  celle  d'un  édi- 
fice long  -  temps  ébranlé  ,  &  enfin  ruiné 
jufque  dans  fes  derniers  matériaux  :  images 
fous  lefquelles  les  Phyficiens  ont  repréfenté 
ce  phénomène.  Ils  l'aimeroient  mieux 
fans  contredit  ,  parce  qu'une  exphcatiorî 
eu  une  richeffe  dans  l'ordre  des  connoif- 
fancc;  ;  qu'elle  en  groiîit  au  moins  la 
fomme  ;  que  le  relief  que  cette  efpece  de 
faite  favant  procure  ,  n'eft  pas  un  bien 
imaginaire;  &*  qu'au  contraire  un  énon- 
cé tout  nu  décelé  une  indigence  peu  ho- 
norable. Mais  fi  l'explication  dont  il  s'agit 
ne  fuppofe  pas  même  qu'on  fe  foit  douté 
des  circonftances  elîentielies  du  phénomè- 
ne qu'on  a  tenté  d'expliquer  ;  fi  cette  del- 
truéiion  de  la  malîê  du  corps  à  diiîbudre, 
dont  on  s'ell  mis  tant  en  peine  ,  ei\  pure- 
ment accidentelle  à  la  dilfolution  qui  a 
heu  de  la  même  façon  entre  deux  hqueurs; 
&  enfin  fi  cette  circonfiance  accidentelle 
a  fi  tort  occupé  le  théoricien ,  qu'il  a  abfo- 
lument  oubhé  la  cir confiance  efi'entielle 
de  la  dillblurion,  favoir,  l'union  de  deux 
lubltances  entre  lefquelles  elle  a  eu  lieu  , 
il  n'elt  pas  polîlble  de  fe  payer  d'une  mon- 
noie  de  fi  mauvais  aîoi.  Boerhaave  lui- 
même  ,  que  nous  fommes  ravis  de  citer 
avec  éloge  lorfque  l'occafion  s'en  préfente , 
a  connu  parfaitement  le  vice  de  cette  expli- 
cation ,  qu'il  a  très  -  bien  réfutée.  Voyei^ 
Boerhaave  ,  de  menfiruis ,  Elément,  Chy- 
miiVf  pan,  JJ.  ■'   ' 

D 


1^  C  HY 

Nous  voudrions  bien  croire  encore  avec 
Freind  que  la  JifTolution  eft  de  toutes  les 
opérations  chymiques  celle  qui  peut  être 
ramenée  le  plus  facilement  aux  loîx  mé- 
ckaniques ,  &  en  admettre  avec  lui  ces  deux 
caufes  fort  limples  ,  favoir  ,  la  plus  grande 
légérel!^  du  dilTolvant  ,  procurée  par  le 
mélange  d'une  liqueur  moins  pefante  ,  & 
l'afiiiiion  d'une  liqueur  peiante  qui  ,  en 
defcendant  avec  effort ,  entraîne  avec  elle 
les  particules  du  corps  diflbus  ,  Ùc.  Mais 
trop  de  faits  démontrent  évidemment  le 
chimérique  de  ces  {iippolitions  11  gratui- 
tes d'ailleurs  en  foi.  Ver  fez  tant  d'efprit- 
de-vin  qu'il  vous  plaira  dans  une  diflolu- 
tion  la  plus  faturée  d'un  fel  neutre  déli- 
quefcent ,  par  exemple  ,  de  la  terre  foliée  , 
vous  n'en  précipiterez  pas  un  atome  ;  un 
corps  difîbus  dans  l'acide  vitriolique  le  plus 
concentré  ,  n'en  fera  que  plus  conftamment 
foutenu ,  fi  vous  ajoutez  de  l'eau  à  la  dif- 
folution  ,  Ùc.  Faites  tomber  avec  telle 
vîtefïe  que  vous  voudrez  ,  la  liqueur  la  plus 
pefante  de  la  nature  ,  le  mercure  ,  dans  telle 
dilTolution  d'un  fel  neutre  à  bafe  terreufe 
Gu  faline  qu'il  vous  plaira,  &  vous  n'en  dé- 
tacherez rien. 

Nous  voudrions  Bien  admettre  avec 
Boyle  que  les  conditions  efï'entielles  pour 
\a  fixité^  font  la  grofTeur  des  parties  conf- 
tituantes-  du  corps  fixe  ,  la  gravité  ou  la 
folidité  de  ces  corpufcules  ,  &  enfin  leur 
inaptitude  à  V avolanon  ^nk  de  leur  figure 
rameufe  ,  crochue,  courbe,  irréguliere  en 
un  mot,,  &  s'oppofiint  à  ce  qu'elles  puif- 
fent  fe  débarraffer  les  unes  des  autres  , 
comme  étant  entrelacées,  Ùc.  &  faire  dér 
pendre  la  volatilité  des  qualités  contrai- 
res ,  &c.  mais  les  faits  dérangent  toutes 
ces  idées  :  des  corps  acquirent  de  la  vo- 
latilité en  acquérant  de  la  grofîeur  ,  com- 
me la  lune  cornée.  Que  fi  Boyle  me  dit , 
&  il  n'y  manquera  pas,  que  l'acide  marin 
lui  donne  àts  ailes  ,  en  étendant  fa  fur- 
facç ,  je  lui  répondrai  que  cela  même  de- 
vroit  nuire  à  Ja  troifieme  condition  y  en 
a  'gmentant  l'irrégularité  de  figure  propre 
à  entrelacer  ,  Ùc.  Des  corps  pefans  ou  fo- 
lides  font  volatils  ,  1  ^  mercure  ;  àes  corps 
légers  ou  rares  font  fives  ,  l'alkali  fixe  ,  6v. 
En  un  mot ,  quant  à  ces  figures  ,  ces  en- 
treiacemens  de  parties ,  ces  /pires  fi  chères 


C  H  Y 

A  Boyle ,  &  fi  ingénieufes ,  il  faut  l'avoueir  , 
nous  les  regrettons  réellement  ;  mais  les 
phénomènes  des  mixtions  ,  des  précipita- 
tions ,  des  rarcfaâions  ,  des  coagulations , 
&c.  nous  démontrent  trop  fenfiblement 
que  toute  union  de  petits  corps  ne  fe  fait 
que  par  juxtapofition  ,  pour  que  nous  puif- 
fions  nous  accommoder  de  C(is  méchanif^ 
mes  purement  imaginaires.  Mais  la  dodri- 
ne  de  Newtop  ,  pofiérieure  fur  ce  point  à 
celle  de  Bêcher ,  comme  je  l'obferve  ailleurs, 
les  a  décredités  affez  généralement ,  pour 
qu'il  foit  inutile  d'infifter  fur  leur  réfutation.. 
En  un  mot ,  les  adions  méchaniques  dont 
il  s'agit  ici  ,  font  mifes  en  jeu  fans  fonde- 
ment; nous  ofons  même  défier  qu'on  nous 
préfente  une  explication  d'un  phénonacne- 
chymique  fondée  fur  les  loix  méchaniques» 
connues ,  dont  nous  ne  démontrions  le  faux 
ou.  le  gratuit. 

Il  ell  clair  que  deux  fciences  qui  confi— 
derent  des  objets  fous  deux  afpeds  fi  dif- 
férens  ,    doivent    non    feulement    fournir 
des  connoiflances  particulières  ,  difiindes  ,. 
mais   même    avoir    chacune    un    certain 
nombre    de    notions   compofées ,   &  une; 
certaine   maqiere    générale    d'envifager  & 
de  traiter  (es  fujets  ,  qui  leur  donnera  un» 
langage  ,  une  méthode  &  Aes  moyens  dif-- 
férens.  Le  phyficien  verra  des  mafles,  des- 
forces ,  des  qualités  ;    le    chym.ifie  verra; 
de  petits  corps ,  àts  rapports ,  dès  princi- 
pes. Le  premier  calculera  rigoureufement ,, 
il  réduira  à  des  théories  des  effets  fenfibles. 
&  des  forces  ,  c'efi-à-dire  ,  qu'il  foumet- 
tra  ces  effets  &  ces  forces  au  calcul ,  (  car- 
c'efi  U  la  théorie  du  phyficien  moderne  )>,. 
&  il  établira  des  loix  que  les  expériences 
confirmeront  à  peu-près  j  je  dis  à-peu-prêsy , 
parce  que  les  mathématiciens  conviennent 
eux-mêmes  que  l'exercice  des  forces  qu'ils 
calculent  fuppofe  toujours  un  modo  nihil' 
obfiet  ^  &   que  le    cas  où  rien  s'oppofe,. 
n'exifte  jamais  dans  k  nature    Les  théo- 
ries du  fécond  feront  vagues  &  d'approxi- 
mation ;    ce    feront   àts  expofitions   clai- 
res de  là  nature  ,  &   àes  propriétés  chy- 
miques d'un-  certain  corps  ,  ou  d'un   cer- 
tain principe  confidéré  dans  toutes  les  com- 
binaifons  qu'il  peut  fubir  par  la  nature  & 
par  l'art  ;  de  (es  rapports  avec  les  corps 
ou  les  principes  d'une  certaine  ckifle,, ôc 


l»ftfin  des.  modifications  qu'il  éprouve  ou 
qu'il  produit  à  raifon  de  ces  combinai- 
jfons  &  de  ces  rapports  ,  le  tout  poié  fur 
des  faits  majeurs  ou  fondamenraux  ,  dé- 
couverts par  ce  que  j'appellerai  un  pref- 
femiment  ex  périme  ntiil ,  lur  des  indices 
d'expériences  vagues  ou  du  tritonnement , 
jDais  jamais  fournis  immédiatement  par 
ces  derniers  fecours.  VhyeT^  PhloGISTI- 
QUE ,  NiTRE ,  Sel  Marin  ,  Vitriol, 
^c.  En  un  mot ,  le  génie  phyiicien  porté 
peut-être  au  plus  haut  degré  ou  l'humanité 
puiflè  atteindre  ,  produira  les  principes 
mathématiques  de  Newton  ,  &  l'extrême 
correfpondant  du  génie  chymide  ,  Icfpeci-. 
rnen  becherianum  de  Stahl. 

Tant  que  le  chymiile  &  le  phyficien 
philofophtront ,  chacun  à  leur  manière  , 
îlir  leurs  objets  rel'pedifs  ,  qu'ils  les  ana- 
îyferont ,  les  compareront ,  les  rapproche- 
ront ,  les  composeront  ,  &  que  fur  leurs 
objets  communs  ce  fera  celui  qui  aura 
le  plus  vu  qui  donnera  le  ton  ,  tout  ira 
tien. 

Mais  {i  quelqu'un  confond  tout  ce  que 
cous  avons  diftingué  ,  foit  parce  qu'il  n'a 
pas  foupçonné  l'exifîence  &  la  néceffité 
de  cette  diilindion ,  à  caufe  de  fà  vue 
courte  ,  ou  parce  qu'il  l'a  rejetée  à  force 
tie  tête  :  fi  le  chymifie  fe  mêle  des  objets 
phyfiques  ,  ne  fâchant  que  la  Chymie  ,  ou 
il  le  phyficien  propofe  des  loix  à  la  Chy^ 
■raie  ,  ne  connoifîânt  que  les  phénomènes 
phyfiques  :  fi  l'un  applique  les  loix  àt^ 
maffes  aux  afFeéiions  des  petits  corps ,  ou 
fi  l'autre  tranfpone  les  afleâions  des  pe- 
tits corps  aux  adions  des  mafiés  :  fi  l'on 
traite  more  chymico  les  chofes  phyfiques  , 
<&  les  chymiques  more  phyjico  ;  fi  l'on  veut 
tiiflbudrc  un  fel  avec  un  coin  ,  ou  faire 
tourner  un  moulin  par  un  menflrue  ,  tout 
àra  mal. 

Le  fimple  chymifte  ou  le  fimple  phyfi- 
cien a-t-il  embrafïe  lui  feul  la  fciçnce  gé- 
nérale des  corps  ,  &  a-t-il  prétendu  afïîi- 
jettir  à  fes  notions  particulières  ,  des  pro- 
priétés communes  ?  la  fcience  générale 
fera  défedueufe  &  mauvaife  ,  lerfqu'il  lui 
î^rrivera  de  defcendre  par  la  fynthefe  :  de 
ces  principes  qu'il  prendra  pour  généraux  , 
&  pour  des  données  fur  lefquelles  il  peut 
^^oraptcr ,  il  faudra  nécefTairement  qu'il  s'é- 


c  H  r  17 

gare.  Or  toutes  les  mctaphyfiques-phyfi- 
ques ,  ou  pour  me  fervàr  de  l'expreiiioa 
de  Wolt ,  toutes  les  Cofmologies  que  je 
connois  font  qqs  ouvrages  de  phyficiens. 
Quelques-unes  marqueront ,  fi  l'on  veut , 
les  plus  grands  eflbrts  du  génie  ;  je  con- 
fens  même  qu'il  y  cri  ait  qu'il  foit  impol- 
fible  de  détruire  &  de  réfuter ,  parce  que 
ce  (ont  <\qs  enchamemens  de  notions  abl^ 
traites  &  de  définitions  nominales  ,  que 
le  métaphylicien  a  déterminées  &  circonf* 
crites  à  la  fantaifie  ;  mais  la  fcicnce  gé- 
nérale des  propriétés  des  corps  rt'en  exif- 
tera  pas  pour  cela  plus  folide  &  plus  réelle  ; 
quand  je  dis  la  fcience  générale  des  corps  , 
j'entends  des  corps  phyfiques  ,  tels  que 
noiis  les  obfervons  dans  la  nature  ,  avec 
toutes  leurs  conditions  ,  &  non  des  corps 
dépouillés  ,  &  prefque  anéantis  par  de« 
diilradions. 

Nous  pouvons  afTurer  de  1^  plupart  des 
prétendues  vérités  générales  qui  fervent 
de  bafès  aux  fyfi:êmes  généraux  fubfifians  , 
lans  en  excepter  les  fameux  principes  de 
Leibnitz ,  ce  que  M.  Merian  a  dit  du 
Spinofifm€  dans  un  mémoire  fur  l'apper- 
ception ,  hifl.  de  l'acad.  de  PruJJe^  t  j\s; 
que  c'elè  dans  le  paffage  de  l'abfiradion. 
«  la  réalité  que  ces  vérités  trouvent  leur 
terme  fatal ,  &  qu'il  n'y  a  qu'à  tenter  ce 
paffage  pour  voir  s'écrouler  de  foi-même 
le  colofîe  qu'elles  foutenoient. 

C'efl  des  différentes  fources  que  nous 
venons  d'indiquer  ,  que  font  forties  mille 
erreurs ,  à  propos  defquelles  nous  pour- 
rions dire  à  ceux  qui  les  avancent  avec 
le  plus  de  confiance  ,  en  parodiant  le  cé- 
lèbre bon  mot  d' Apelle  ,  ParlcT^  plus  bas  ; 
vous  ferie\  rire  nos  porteurs  de  charbon  y 
s'ils  vous  emendoient.  Le  catalogue  exaâ 
de  toutes  les  erreurs  de  ce  genre  qui  font 
venues  à  notre  connoifîânce  ,  fèroit  fans 
doute  très-important  à  l'intérêt  de  la  vé- 
rité &  au  progrès  de  la  bonne  dodrine  ; 
mais  il  feroit  infini.  Il  mérite  bien  d'être 
donné  dans  un  ouvrage  qui  pourroit  avoir 
pour  titre  Inflitmions  de  Phyjique-Chy- 
mique  ,  &  où  l'on  fe  propoferoit  exprefîë- 
ment  de  fubfiimer  des  vérités  à  ces  er- 
reurs. Nous  prierons  le  lecteur  de  fe  con- 
tenter en  attendant  de  celles  que  n  ;us 
avons  eu  occafion  de  citer,  &   de  quel- 


i-S 


C  H  Y 


q  ::<?  nutres  qui  fè  préfenteront  encore.  Je 
IX-  connois  aucun  chymille  d'un  certain 
rom  qui  ait  ofé  faire  des  excurfions  fur 
les  terres  de  la  phyfique  ;  s'il  en  efl  ,  com- 
me nous  les  jugeons  aufli  mal  avifés  & 
auiîî  téméraires  que  les  phyficiens  qui  fe 
font  répandus  fur  les  nôtres  ,  nous  les  blâ- 
mons &  nous  les  abandonnons. 

La  Chymie  efl  une  fcience  qui  s'occupe 
des  féparations  &  àts  unions  des  principes 
conflituans  des  corps  ,  foit  opérées  par  la 
nature,  foit  opérées  par  l'art  ,  dans  la  vue 
de  découvrir  les  qualirés  de  ces  corps  ,  ou 
de  les  rendre  propres  à  divers  ufagcs. 

Les  objets  particuliers  de  la  Chymie  font 
tous  les  phénomènes  ,  foit  naturels  ,  fait 
artificiels  ,  qui  dépendent  des  féparations 
&  des  unions  des  principes  des  corps.  Les 
naturels  font  la  maturation  des  fruits  ,  la 
formation  des  gommes  ,  des  extraits  ,  à^s 
réiines  ,  des  fèls  végétaux  ,  &<:.  l'élabora- 
tion &  les  diverfes  altérations,  des  alimens 
des  animaux,  &  de  leurs  diverfes  humeurs  ; 
la  génération  des  métaux  ,  des  pierres  ,  des 
cryfîallifations  naturelles ,  des  tels  foflîles  , 
du  foufre  ,  des  bitumes  ,  &<:.  l'imprégna- 
tion &  la  chaleur  des  eaux  minérales ,  l'in- 
flammation des  volcans  ,  la  nature  de  la 
lioudre  &  des  autres  feux  allumés  dans 
l'atmofphere  ,  Ùc.  en  un  mot  ,  tous  les 
phénomènes  de  la  Botanique  phyfi- 
que ,  excepté  ceux  qui  appartiennent  à 
l'organifation  des  végétaux  ;  tous  ceux  qui 
appartiennent  à  cette  branche  de  l'écono- 
mie animale  qui  efl  fondée  fur  les  afïèc- 
tions  des  humeurs  ;  tous  ceux  qui  confîi- 
tuent  l'économie  minérale  que  Bêcher  a 
appellée  phyfique  fomerraine  y  ou  qui  font 
dus  aux  changemens  chymiques  furvenus 
dans  ces  corps ,  &  enfin  ceux  que  préfen- 
tent"  dans  l'atmofphere  certaines  matières 
détachées  des  végétaux ,  des  animaux  ,  ou 
des  minéraux. 

Les  phénomènes  chymiques  artificiels 
font  tous  ceux  qui  nous  font  préfentés  par 
les  opérations  chymiques ,  &  ceux  qui 
conflituent  la  théorie  de  ces  opérations 
elles-miêmes. 

Nous  appelions  ope'rations  ,  tous  les 
ttîoyens  particuliers  employés  à  faire  fubir 
uux  fujets  de  l'art  les  deux  grands  change- 
lïiens  énoncés  dans  la  définition  de  la  Chy- 


C  H  Y 

mîe  y  c'efî-à-dirc ,  à  efFeduer  des-  fépara- 
tions &  des  unions. 

Ces  opérations  ou  font  fondamentales  & 
efTèntiellement  chymiques,  ou  elles  font 
fimplement  préparatoires  &  méchaniques. 
Ko)'q  Opérations  Chymiques. 

Les  deux  c^cts  généraux  ,  primitifs  ,  & 
immédiats  de  toutes  les  opérations  chymi- 
ques ,  favoir,  la  féparation  &  l'union  des 
principes  ,  font  plus  connus  dans  l'art  fous 
le  nom  de  diacre fc  &  de  fyncrefe.  La  pre- 
mière ti\  appellée  aufTi  par  plufieurs  chy- 
mifîes  analyfe  _,  décompojuion ^corruption y 
folutioriydefiruBion^^  la  féconde^  mixtion^ 
génération)  fymhefe,  combinai fon,  coagu^ 
îation,  &  même  confufion  par  quelques-uns: 
chacune  de  ces  exprefîions  elt  prife  dans 
un  fens  plus  ou  moins  général  par  divers 
auteurs ,  &  même  en  différens  fèns  par  les 
mêmes.  Lemotdem/xf/on,  dans  ladodrine 
de  Bêcher  &  de  Stahl  ,  fignifie  ,  par 
exemple  ,  tantôt  V union  de  diffe'rens  princi^ 
pes  en  général ,  &  tantôt  V union  des  élémens 
en  particuher  ,  ou  celle  qui  conflitue  les 
mixtes  proprement  dits.  Voye\  MiXTION. 

Les  Homs  les  plus  ufités  parmi  les  Chy- 
mifles  françois  ,  font  ceux  Ci  analyfe  &  de 
décompofition  poqr  le  premier  efiét  générai , 
&  ceux  de  combitiaifon  &  de  mixtion  pour 
le  deuxième. 

Il  efî  très-peu  d'opérations  chymiques 
qui  ne  produifent  qu'un  de  ces  effets  ,  ou 
qui  appartiennent  exactement  à  la  diacrefc 
ou  à  la  fyncrefe  :  la  plupart  au  contraire 
font  mixtes  ,  c'efl-à-dire  ,  qu'elles  produi- 
fent des  féparations  &  àts  unions  qui  font 
entre  elles  dans  un  rapport  de  caufe  & 
d'effet.  Voyei  DiACRESE  ,  SyNCRESE  , 

Opérations  chymiques. 

Les  opérations  chymiques  s'exécutent 
par  deux  agens  généraux ,  la  chaleur  & 
les  menftrues. 

L'adion  de  ces  deux  caufes  fe  compli- 
que diverfcment  dans  les  différentes  opé- 
rations ,  félon  le  petit  nombre  à^s  loix 
fuivantes. 

i**.  La  chaleur  feule  opère  rarement  des 
féparations  pures  ;  &  les  corps  réfifîent 
d'autant  plus  à  fon  aftion  difîbciante  , 
qu'ils  font  d'un  ordre  de  mixtion  moins 
compofé.  Nos  corps  ■  fimples  &  nos  mixtes 
parfaits  font  inaltérables  par  la   chaleur 


C  H  Y 

feule,  du  moins  par  le  plus  haut  degré 
de  chaleur  que  nous  fâchions  leur  appli- 
quer dans  les  vaiffeaux  fermés ,  c'eit-à- 
dire  ,  dans  le  concours  de  l'air ,  de  l'eau  , 
&  du  feu  menftrue  ;  plufieurs  compofés 
même  éludent  abiolument  cette  adion. 
Tels  font  le  tartre  vitriolé ,  le  fel  ma- 
rin ,  &c. 

2®.  La  chaleur  efl  nécelTaire  à  toute 
adion  menllruelle  ,  au  moins  comme 
condition  efîentielle  ;  car  il  eft  impof- 
fible ,  du  moins  il  eft  très-rare  que  cette 
dernière  adion  ait  lieu  entre  deux  corps 
folides  ou  gelés ,  (  ce  qui  efl  proprement  la 
même  choie,  )  &  elle  ne  peut  être  exercée, 
que  l'agrégation  de  l'un  des  deux  corps 
ne  foit  très-lâche  :  or  cette  laxité  (uffilànte 
ne  fe  trouve  ordinairement  que  dans  l'état 
de  liquidité  ,  qui  efl  effentieliement  dépen- 
dant de  la  chaleur.  C'efi  fur  ctito.  obfer- 
vation  qu'eft  foridé  l'axiome  chymique  , 
menfirua  non  agunt  nijifint  foluta. 

3°.  Non  feulement  tout  menltrue  doit , 
pour  agir ,  ctre  fécondé  d'une  chaleur 
abfolue  ,  mais  même  fon  adivité  efl  pro- 
portionnelle au  degré  de  chaleur  dont 
il  ell  animé  ;  ou  ,  pour  parler  fans  figure , 
à  fon  degré  de  rareté  ou  d'expanfion  :  car, 
comme  nous  l'avons-  déjà  obfervé  ,  & 
comme  nous  le  prouverons  au  mot  Mens- 
TRUE  ,  le  méchanifme  de  la  diffolution 
ne  confifle  point  du  tout  dans  le  mouve- 
ment du  menflrue  ;  &  cette  divifion  du 
corps  à  diflbudre ,  par  laquelle  on  fe  figure 
ordinairement  fon  adion  ,  n'en  donne 
qu'une  faufle  idée.  Voye^  MenSTRUE. 

4°.  La  chaleur  appliquée  à  un  corps 
compofé,  non  feulement  délu«it  fès  dif- 
férens  principes  ,  mais  même  les  met  ordi- 
nairement en  jeu  ,  &  favorife  par-là  de 
nouvelles  -combinaifons.  L'extrait  d'une 
plante ,  par  exemple ,  eft  une  fubflance  très- 
compoiée  ,  portant  en  foi  des  principes  de 
réadion ,  ces  principes  dégagés  de  leurs  pre- 
miers liens  par  un  feu  flifHfànt ,  exercent 
l'adion  menÛruelle ,  en  opérant  àts  préci- 
pitations qui  fuppofent  des  dégagemens  & 
des  combinaifons  nouvelles.  Voje^  DISTIL- 
LATION ,    Précipitation  ,    Mens- 

TRUE  ;    l'oyei   ANALYSE   VÉGÉTALE  , 
au  mot  VéGÉT'AL  ;  voye^  Feu. 

Ces  dégagemens  &  ces  nouvelles   com- 


C  H  Y  2p 

binaifons  font  affez  mulripli-cs  pour  qu'on 
n'ait  dû  avoir  que  des  théories  très-fauifes 
des  opérations  qui  les  produifoient  ,  tant 
qu'on  n'a  pas  fu  qu'elles  les  produifoient 
en  effet ,  ou  qu'on  n'a  pas  été  en  érat  de 
les  eflimer.  C'efl  parce  que  quelques 
anciens  chymifles  ont  ignoré  les  vrais 
effets  de  la  chaleur  fur  les  principes  des 
corps  ,  qu'ils  ont  tant  abufé  de  ce  moyen 
chymique  ;  c'efl  parce  que  les  détradeurs 
de  la  Chymie  ont  ignoré  c^u'on  pouvoit 
prévenir  ces  changemens  ou  les  évaluer 
exadement ,  qu'ils  ont  combattu  par  de 
mauvaifes  raifons  l'analyfe  par  le  feu 
feul ,  qui  étoit  l'unique  qui  fût  connue  de 
leur  temps  ,  &  par  conlequent  la  Chymie 
qui  n'étoit  pour  eux  que  l'art  d'exécuter 
cette  analyfe  ,  (r'O)'^;^  dans  l'hiflorique  qui 
terminera  cet  article ,  ï  endroit  de  Boy  le  ;  ) 
c'eH  parce  que  les  chymiffes  modernes 
ont  découvert  une  meilleure  méthode  , 
(avoir  l'analyfe  menllruelle ,  qu'ils  ont 
abandonné  l'analyfe  ancienne  ;  &  c'cfl 
enfin  parce  que  l'art  efl  affez  avancé 
aujourd'hui  pour  évaluer  exadement  le 
jeu  de  tous  les  réadifs  excités  par  la  cha- 
leur dans  le  corps  le  plus  compofé  ,  que 
l'on  pourroit  les  examiner  par  fon  feul 
lecours,  c'efl-à-dire  ,  par  la  diftillation  à  la 
violence  du  feu ,  fans  autre  inconvénient 
que  de  fe  propofer,  à  la  façon  des  Géomè- 
tres &  avec  le  même  degré  d'utilité  ,  ua 
problênae  chymique  très-compliqué. 

Les  chymifles  emploient  dans  leurs 
opérations  divers  inflrumens  :  fourneaux  , 
vaiffeaux  ,  luts  ,  intermèdes  ,  &  autres 
uflenfiles  ,  qui  tous  enfemble  font  le 
fuppellex  chymica  y  les  meubles  d'un  labo- 
ratoire.  Voye\  InstrUMENS   DE  ChY- 

MiE ,  Fourneau,  Lut  ,  Intermède, 

Laboratoire,  Ù  les  articles  particuliers. 
Nous  n'admettons  pas  l'inutile  diflinc- 
tion  de  ces  inflrumens  appelles  particuliers 
&  artificiels  par  la  plupart  èits.  chymifles  ; 
de  ces  inflrumens  ,  dis-je ,  &  des  inflru- 
mens appelles  par  les  mêmes  chymifles 
naturels  &  généraux  ,  favoir ,  le  feu  ,  l'air  , 
l'eau  ,  &  la  terre  :  i°.  parce  que  lorfque 
ces  derniers  corps  agiflent  par  leurs  qua- 
lités intérieures ,  &  qu'ils  éprouvent  maté- 
riellement les  changemens  chymiques  , 
ils  ne  font  plus  des  inflrumens,   mais  des 


30  C  H  Y 

menftrues  ;    l'air   agit    comme   menflnie 
dans  la  calcination  ,  le  feu  dans  la  réduc- 
tion ,  l'eau   dans   la   fermentation  ,    &  la 
ferre  dans  certaines  fixations  ;  l'oy.  Mens- 
TRUE  :  1°.  Parce  que  le  rapport  ou  la  qua- 
lité commune  par  laquelle  ces  quatre  lub^- 
tances  ,    confidérées    comme    agens   mé- 
diats ou  méchaniques,    font  clailëes   fous 
le  nom  commun  ^ infirumens  naturels  , 
n'exifte   point.;    car  quoi  de   plus  forcé  , 
que   d'établir  une  certaine    identité    entre 
le  feu  confidéré  comme  caufe  de  chaleur  , 
la   terre    fourniflant    des   cornues    &  des 
fourneaux  ;    l'eau  un   intermède  ,  &    l'air 
Un  courant  qui  anime  le  teu  de  nos  four- 
fteau)(?   3^.  Parce  que  deux   de  ces   pré- 
tendus   inflrumcns    naturels ,    la  terre   &: 
i'eau  ,    agiilant    comme  fecours  éloignés  , 
par  leur  mafïè  ,  ne  diiferent  en  rien  d'ef- 
fentiel  de  i'inltrument  le  plus  méchânic^ue 
&  le  plus  particulier  ;  que  l'eau  d'un  bam- 
marie  ,   par   exemple ,   n'efl  qu'un    inter- 
mède plus  commmode  ,  dans  diverfes  opé- 
rations ,  qu'un  bain  de  fable  ,  de  cendre  , 
de  limaille  ,  &c.  &  non  pas  un  infiniment 
vraiment  diftind  &:  nécclTairement  requis 
dans  certaines    opérations  ,   ainfi    que    fe 
le    perfuadent    quelques    manœuvres    qui 
regarderoient    uae    diftiliation  faite  à  feu 
nu  ou    au    bain   de  fable ,    comme  très- 
eflentiellement    différente     d'une    diflilla- 
rion  faite    au    bain-marie  ,    par   la   feule 
circonilance  d'être    faite  à  feu  nu   ou   au 
bain  de  fable.  Ainfi  il  faudroit  au  moins 
îibandonner    ces    deux    prétendue    inilru- 
tnens  naturels  ;  quant  à  l'iîir ,  la  propriété 
d'exciter  le  feu   lui  eft    aflêz    particulière 
pour  le  diftinguer  par-là  ,   au  moins  dans 
la.  pratique  ;   mais   cet    agent    efl    fi    peu 
chyraique  à  cet  égard  ,  comme  l'on  voit , 
.que  ce  n'efl   pas   la  peine  d'en   taire  un 
ihftrument  chymique    diftinâ ,  &    encore 
moins  un  inftrument  général.  Ce  fera  donc 
proprement  au  feu  feul  ou  à  la  chaleur  , 
<3ue  le  nom  ^ inftrument  naturel  &  général 
conviendra  :  mais  nous  aimons  mieux  lui 
iaiffer  celui  à^ agent  ou  de  caufe  y  par  lequel 
nous  l'avons  défigné  jufqu'ici. 

L'explication  {uffilâmment  détaillée  de 
Fadion  de  nos  deux  grands  agens ,  du 
fecours  que  nous  tirons  de  nos  inftrumens , 
Ik  théorie  des  opérations   ôc   des   phéno- 


C  H  Y 

Itienes  chymiques ,  voilà  l'art  chymique  ^ 
ou  fon  {yftême  d'inflrumcns  &  de  règles. 
Un  vrai  traité  de  Chymie  pratique  ,  ua 
traité  élémentaire  ,  des  inffitutions  prati- 
ques ,  dcvroient  embralîèr  ce  fyliéme. 
Or  ce  traité  n'cxide  point  ;  prefque  tous 
nos  livres  de  Chymie  font  des  hilteires  pra- 
tiques des  trois  règnes  de  la  nature ,  &  ne 
peuvent  guère  être  comparés  qu'à  no3 
cours  de  Chymie,  où ,  fuivantun  ordre  fore 
arbitraire  &  allez  indifférent  ,  on  enfeignc 
à  des  commcnçans  ce  qu'il  faut  en  efièc 
commencer  de  favoir  ,  l'hiffoire  dts  pro- 
priétés chymiques  d'un  certain  nombre  de 
corps  de  différentes  claiTes  &  de  divers 
genres,^  eipeces,  Ùc.  hifloite  qu'il  n'efl 
pas  poflible  de  faire  fans  offrir  en  même 
temps  la  manière  de  procéder  aux  opéra- 
tions  particulières  ,  &  de  fe  lèrvir  des 
inllrumens.  Cette  étude  dilpolé  l'œil  &  la 
main  à  une  expérience  qu'il  eil  de  la 
dernière  importiince  d'acquérir  ,  par  la 
facilité  qu'on  en  obtient  pour  la  vérifica- 
tion de  ces  propres  idées  ,  &  pour  faifir 
certains  phénomènes  fugitifs  &  folitaires , 
qui  gerrnent  toujours  dans  l'entendement 
du  philofophe  ,  mais  qui  n'y  peuvent  être 
jetés  que  par  des  fens  exercés. 

Malgré  l'utilité  &  la  néceflîté  de  cta 
connoifïànces  particulières  ,  le  chymifle 
qui  les  poffédera  ne  fera  encore  qu'un 
manœuvre  ,  s'il  ne  les  a  combinées  fous 
la  forme  fcientifique  d'un  fyftêrae  ;  forme 
fous  laquelle  nous  achèverons  de  les  préfen- 
ter  dans  ce  Dictionnaire.  Va)'e\  les  dif-^ 
férens  articles  y  CalcINATION  ,  ClMEN- 

TATION  ,  Distillation  ,  Mixtion  , 
Opération  ,    Instrument  ,  ^c. 

Les  trois  règnes  de  la  nanire  dont  nous 
venons  de  faire  mention  ,  font  trois  gran- 
des divifions  dans  lefquelles  nous  avons 
diflribué  les  fùjets  chymiques  ;  les  miné- 
raux ,  les  animaux ,  les  végétaux  ,  remplifîenc 
Cts  divifions.    V,  AnIMAL  ,   VÉGÉTAL  , 

&  Minéral. 

Les  corps  de  chacun  de  ces  trois  règnes 
font  difhngués  entre  eux  par  leur  fimpHcité , 
ou  par  leur  ordre  de  mixtion  ;  ils  font  àts 
corps  fimples  ,  des  mixtes  ,  des  furcom-- 
pofés  ,  Ùc.  caradere  effentiel  relative- 
ment aux  moyens  par  lefquels  le  chymifle 
doit  procéder  à  leur  examen.  V\  MiXTiON, 


CH  Y 

L'anal}^  de  tous  les  corps  conipofes 
nous  a  appris  que  chacun  de  ces  corps 
pouvoir  fe  réfoudre  immédiatement  en 
d'autres  fubilances  eflentieilement  diffé- 
rentes ;  qu'on  pouvoit  divifer  celles-ci  en 
d'autres  fubflances  différentes  auiîi  en- 
tr'elles  ,  qui  pouvoient  être  encore  ou 
iimples  ou  corapofees ,  &  ainfi  de  fuite  , 
jufqu'à  ce  qu'on  fût  arrivé  par  ordre  jus- 
qu'aux élémens  qui  ne  conftituoient  cuî^- 
mêmes  le  premier  ordre  de  compofition 
que  réunis  plulieurs  enfembie  ,  &  différens 
en  nature. 

Ces  différens  corps  dont  nous  venons  de 
parler  ,  confidérés  comme  matériaux  d'au- 
tres corps  plus  compofés ,  les  chymiftes  les 
ont  appelles  en  général  principes  ,  &  ils  ont 
donné  le  nom  de  premiers  principes  aux 
corps  fimples  ,  qu'ils  ont  appelles  aufïî  e'ie- 
mens  ;  &  celui  àe  principes  fecondaSres  ou 
principes  principie'sy  à  ceux  qu'ils  pouvoient 
décompofer  ultérieurement.  Voye:{  la  doc- 
trine des  principes  des  Chymiftes  y  Vhiftoire 
des  erreurs  fur  cette  matière  de  plujieurs 
d'entr'eux  y  &  celle  des  erreurs  plus  grojjîe- 
res  encore  des  Pk^^Jrciens  qui  les  ont  com- 
battues y  au  mot  Principe. 

Si  le  Chymifte  réuflit  à  réunir  par  ordre 
tous  les  principes  qu'il  a  féparés  par  ordre  , 
&  à  recompofer  le  corps  qu'il  avoit  analyfé  , 
il  parvient  au  complément  de  la  démonllra- 
tion  chymique  :  or  l'art  a  atteint  ce  degré 
de  perfeclion  fur  plufieurs  objets  efïentiels. 
Voyei  SynCRESE. 

L'ufage  ,  l'emploi  des  menfîrues  dans 
les  opérations  chymiques ,  nous  a  décou- 
vert dans  Its  petits  corps  une  propriété  que 
je  généralife  îbus  le  nom  de  folubilité  ou 
mifcibilité ,  {voye\  MiSCIBILITÉ  ,  )  & 
que  je  mets  à  la  place  de  l'attradion  de 
.  cohéfipn  àes  Newtoniens  ;  attradion  qui 
ne  fauroit  avoir  lieu  entre  ces  corps  confi- 
dérés comme  matière  ,  puifque  la  ma- 
.riere ,  le  fujet  des  propriétés  des  corps  n'eft 
qu'un  être^bflrait ,  {i'oye\  PRINCIPES  ,  ) 
&  que  les  corps  mifcibles  ne  s'attirent 
entr'eux  que  félon  certains  rapports  ,  qui 
fùppoiènt  néceflairement  l'hétérogénéité  ; 
en  un  mot,  par  une  propriété  relative  ,  & 
nullement  par  une  propriété  zhÇoiue.  Voye\ 
Rapport. 

le  puis  démontrer  auiTi  que  cette. folifc 


CHY  3, 

bilité  en  a(9:e  ^  on  l'union  chymique  ,  (  aulîî 
bien  que  l'union  agrégative  ou  l'attrac- 
tion phyfique  ) ,  cil  fans  celle  contre-ba- 
lancée par  la  chaleur,  &  non  pas  alternée 
par  la  répulfion.  Ainfi  Je  diffère  des  New- 
toniens fur  ce  point  à  deux  égards  ;  i°.  parce 
que  je  connois  la  caufe  de  la  répulfion  , 
qui  eft  toujours  le  feu  ;  2".  parce  qiî"e  je 
confidere  la  cohéfibilité  &la  chaleur  cofnme 
deux  agens  qui  fe  contre-balancent  &  qui 
peuvent  fe  furmonter  réciproquement  ;  au 
lieu  que  les  Newtoniens  confiderent  l'at- 
tradion  &  la  répulfion  comme  deux  phé- 
nomènes ifolés,  dont  l'un  commence  quand 
l'autre  finit-   Voyei  Feu  ,  MiSCIBILITÉ  , 

Rapport. 

Les  rapports  &  la  chaleur  que  nous  avons 
fubfi:itués  à  l'attradion  &  à  la  répulfion  àes. 
phyficiens  modernes  ,  font  les  deux  grands 
principes  de  tous  les  phénomènes  de  la 
Chymie. 

Voilà  les  premiers  linéamens  de  ce  qu'on 
peut  appelier  ,/a/>zf /rria  chymica.  Quelques 
demi-philofophes  feront  peut-être  tentés  dé 
croire  que  nous  nous  fommes  élevés  aux 
généralités  les  plus  hautes  ;  mais  nous  favons 
bien  au  contraire  ,  que  nous  nous  en  fom- 
mes tenus  aux  notions  qui  découlent  le  plus 
immédiatemeht  des  faits  &  àes  connoilîàn- 
ces  particulières  ,  &  qui  peuvent  éclairer  de 
plus  près  la  pratique. 

En  effet ,  il  ne  feroit  pas  impoffible  de 
faire  difparoître  toutes  ces  diflindions  que 
nous  avons  tant  multipliées  ;  tous  ces 
afpeds  différens  fous  lefquels  nous  avons 
confidéré  les  corps ,  en  jetant  là-defîiis  un 
de  ces  coups-d'œil  lupérieurs  ,  dans  lefquels 
on  montre  d'autant  plus  d'étendue  dans  le 
génie,  qu'on  identifie  davantage  les  caufes 
&  les  effets.  Mars  ces  efforts  nuiroient  à 
la  fcience  pratique  dans  fous  ceux  qui  n'au- 
roient  ni  cette  capacité  de  vue  qui  fait  em- 
braffer  &  les  plus  grandes  chofes  &:  les 
plus  petites  ,  ni  cette  aptitude  qu'ont  cer- 
tains hommes  extraordinaires  de  concen- 
trer dans  les  méditations  les  plus  abfîraites 
toutes  leurs  facultés  inteltedueîles  ,  &  de 
fortir  de  cette  efpece  de  léthargie  philofo- 
phique ,  où  tous  leurs  fens  font ,  pour  ainfi 
dire ,  fufpendus ,  pour  en  reprendre  l'ufage 
avec  plus  de  vivacité ,  les  difperfer  avec 
avidité- fur  tous  les  objçts  qui  les  environ- 


32  C  H  Y 

nent,  &  fe  pafïîonner  de  l'importante  & 
curieuie  minutie  des  détails. 

Ce  qui  peut  avoir  quelque  refîemblance 
éloignée  avec  ces  hautes  contemplations  , 
dans  ce  que  nous  avons  expofé  plus  haut , 
n'efl  qu'un  fimple  rél'umé  de  réflexions  Cug- 
gé^Qs  par  l'exercice  immédiat  des  fens  ; 
ce  n'efl  que  l'expérience  de  l'ouvrier  ,  dé- 
corée du  vernis  de  la  fcience.  Exemple  : 
dans  une  opération  chymique  on  a  toujours 
l'agrégation   à  rompre ,    &:  quelquefois  la 
mixtion  de  certains  corps  à  ménager  ;  donc 
une    des    premières  diilindions   indiquées 
par  l'habitude  du   laboratoire ,   c'ell  celle 
qui  établit  les  caraderes  refpedifs  de  Y  agré- 
gation  &    de  la  mixtion  ;  deux  expref- 
îions    premières    &     fondamentales    dans 
l'idiome  chymique  ,   qui  fourniront  feules 
de  quoi  énoncer  fcienrifiquement ,  c'eft-à- 
dire  ,   par  leurs  caufes   prochaines  ,  tous 
Its  effets  de  la  chaleur  employée  dans  le 
traitement  des  difFérens  corps.  Ainfi  la  ma- 
nœuvre dit  :  un  certain  degré  de  i'cu  fond 
l'or ,  diflîpe  l'eau  ,  calcine  le  plomb  ,  fixe 
le   nitre  ,  analyfe  le  tartre  ,  le  favon ,  un 
extrait ,  un  animal ,  &c.  Et  la  fcience  dit  : 
un  certain  degré  de  feu  lâche  l'agrégation 
de  l'or  ,  détruit  celle  de  l'eau ,  attaque  la 
mixtion  du  plomb   &    la  compofition  du 
nitre ,   excite   des  réadifs   dans  le  tartre , 
le  lavon  ,  un  extrait  ,  un  animal.  La  ma- 
nœuvre &  la  fcience  ont  pareillement  leur 
langage  dans  l'expoiition  des  phénomènes 
de  l'adion  des   menftrues.   La  manœuvre 
dit  ;  l'acide  nitreux  trop  concentré  n'atta- 
que point  l'argent  ,  mais  étendu  d'une  cer- 
taine quantité  d'eau  &  excité  par  un  certain 
degré  de  chaleur  ,  il  le  difibut.   La  fcience 
dit  :  l'union  agrégative  de  l'acide  concen- 
tré efl  (îjpérieure  à  fon  rapport  avec  l'ar- 
gent ,  &  l'eau  ajoutée  au  menftrue  relâche 
cette  agrégation  que  la  chaleur  relâche  da- 
vantage   encore ,    Ùc.   La  manœuvre    ne 
générahfera  jamais  ;   mais  la  fcience    dira 
plus  généralement  ici  :  dans  tout  ade  de 
difîblution  ,  la  tendance  à  l'union  mixtive 
furmonte  l'union  agrégative. 

La  Métaphyfique  n'a  rien  dit  d'une  ma- 
nière abllraite  dans  tous  les  principes  que 
nous  avons  pofés  plus  haut ,  qui  ne  puilîê 
être  traduit  pour  les  objets  particuliers  en 


C  H  Y 

'de  l'exécuter  dans  ces  exemples  ,  &  réci- 
proquement ,  ^c. 

Mais  fi  la  Chymie  a  dans  fon  propre  corps 
la  double  langue  ,  la  populaire  &  la  fcienti- 
fîque,  elle  a  entre  les  autres  fciences  natut 
relies  ,  fa  manière  de  concevoir  ;  comme 
il  efî:  évident  par  ce  que  nous  avons  expoië 
ailleurs  fort  au  long ,  &  par  ce  que  nou$ 
nous  étions  réfervé  d'ajouter  ici  pour  ache- 
ver le  tableau  de  la  Chymie  par  ce  qu'elle 
a  de  plus  diftingué  ;  c'elt  que  la  plupart  des 
qunl'tés  des  corps  que  la  Phyfique  regarde 
comme  des  modes  ,  font  des  fubffances 
réelles  que  le  chymifle  fait  en  féparer ,  & 
qu'il  fait  ou  y  remettre ,  ou  porter  dans 
d'autres  ;  tels  font  entr' autres  ,  la  couleur , 
le  principe  de  rinflammabiUté ,  de  la  faveur, 
de  l'odeur,  ôv. 

Quefi-ce  que  le  feu  ,  dit  le  Phyficien  ? 
n'eji-ce  pas  un  corps  échaujfe'à  un  tel  point  ^ 
qu'il  jette  de  la  lumière  en  abondance  ?  car 
un  fer  rouge  6'  bridant ,  qu^efi-ce  autre  chofe 
que  du  feu  .?  Ù  qu'efi-ce  qu'un  charbon  ar- 
dent ^Ji  ce  n'ejl  du  bois  rouge  &  brûlant .? 
Newton,  Opt.  quœft.  9.  Cependant  un 
charbon  embrafé  efl:  aufli  peu  du  feu  , 
qu'une  éponge  imbibée  d'eau  ell  de  l'eau  ; 
car  le  chymifle  peut  auffi  bien  enlever  an 
charbon  ,  &  montrer  à  part  le  principe 
de  l'infîammabilité  ,  c'efî-à-dire  ,  le  feu , 
qu'exprimer  l'eau  d'une  éponge  &  la  rece- 
voir dans  un  vailTeau.  - 

La  couleur  confidérée  dans  le  corps  co- 
loré eft ,  pour  le  phyficicn  ,  une  certaine 
difpofition  de  la  furface  de  ce  corps  ,  qui 
le  rend  propre  à  renvoyer  tel  ou  tel  rayon  ; 
mais  pour  le  Chymifîe  ,  la  verdure  d'une 
plante  efl  inhérente  à  un  certain  corps  réli- 
neux  verd  ,  qu'il  fait  enlever  à  cette  plante; 
la  couleur  bleue  de  l'argile  efl  due  à  une 
matière  métallique  qu'il  en  fait  auffi  féparer; 
celle  du  jafpe ,  qui  femble  li  parfaitement 
une  avec  cette  fubflance  foffile ,  en  a  pour- 
tant été  tirée  &  retenue ,  félon  la  fameufè 
expérience  de  Bêcher.  * 

Une  obfervation  qu'il  efî  à  propos  de 
faire  ,  c'efl  que  dans  l'expofition  des  phé- 
nomènes de  la  couleur ,  le  Phyficien  &  fe 
Chymifle  difent  feulement  des  chofes  dif^ 
férentes  ,  mais  non  contradidoires.  Le 
Chymifle   fait  feulement  un  pas  de  plus  ; 


Jgngage  de  manœuvre ,  comme  nous  venons  .  &  il  en  fera  un  fécond  ,  fi ,  quand  vous 

lui 


Cy  Y 

lui  demanderez  en  quoi  confiée  la  cou- 
leur dans  cette  réfine  verte  de  la  plante  , 
ou  dans  cette  fubftance  métallique  de  l'ar- 
gile ;  il  n'en  ei\  pas  encore  réduit  dans 
fa  réponfe  à  recourir  à  une  certaine  dif- 
pofition  occulte  ,  &  s'il  connoît  un  corps  , 
un  être  phyfique ,  une  fubllance  particu- 
lière qu'il  puiffê  afligner  comme  le  fujet 
ou  la  caufe  de  la  couleur  :  or  il  connoît 
ce  corps  ,  favoir  ,  le  phlogiftique  ;  en  un 
mot  ,  tant  qu'il  eft  queflion  des  propriétés 
des  mixtes  ,  le  Chymide  en  trouve  la 
raifon  dans  leurs  principes  ou  dans  la  mix- 
tion même  ;  &  il  ne  s'arrête  jamais  dans 
cette  efpece  d'analyfe  que  quand  il  en  eft 
aux  élémens ,  c'eft-à  dire,  à  ces  corps  qu'il 
ne  fait  plus  décompofer.  J^qy.  PhlOGTS- 
TiQUE  ,  Feu  ,  Inflammable,  Sa- 
veur ,  Odeur  ,  &c. 

Nous  avons  regardé  jufqu'à  préfent  la 
Chymie  comme  la  fcience  générale  des 
petits  corps ,  comme  une  varte  fource  de 
connoifTances  naturelles  ;  l'application 
particulière  qu'on  en  a  faite  à  dilférens 
objets  ,  a  produit  les  diverfès  branches  de 
la  Chymie  &  les  différens  arts  chymiques. 
Les  deux  branches  de  la  Chymie  qui  ont 
été  cultivées  le  plus  fcientifiquement  ,  & 
qui  font  devenues  par-là  la  bafe  du  tra- 
vail ,  le  vrai  fonds  d'expériences  du  chy- 
lîiille  philofophe  ,  en  même  temps  qu'elles 
ont  été  les  deux  premiers  arts  chymiques , 
font  l'art  de  préparer  les  médicamens , 
(  voyei  Pharmacie  ,  )  &  celui  de  traiter 
les  mines  &  de  purifier  les  métaux  ,  foit  en 
grand  ,  foit  en  petit.  Voye^  MÉTALLUR- 
GIE é  DOCIMASIE. 

Les  connoillances  que  la  Chymie  a  four- 
nies à  la  médecine  rationnelle  ,  peuvent 
faire  regarder  auffi  la  théorie  médicinale 
tirée  de  ces  connoifTances  ,  comme  une 
branche  de  la  Chymie ,  branche  rrès-né- 
cefîaire  au  médecin  dans  l'état  préfent  de 
la  médecine  ,  foit  pour  l'admettre ,  foit 
pour  la  rejeter  avec  connoifîànce  de  caufe , 
puifqu'elle  eft  principalement  fondée  fur 
de  prétendus  changcmens  très-chymiques 
des  alimens  &  des  humeurs.  Nous  avoue- 
rons cependant ,  quoiqu'à  regret ,  que 
ces  connoifTances  font  bien  moins  éten- 
dues ,  &  fur-tout  bien  moins  utiles  à  là 
médecine-pratique  ,  que  ne  l'a  prétendu 
Tome  VIII. 


Boerhaave  ,  (  poyc^  xri  ,f,  ^^^^  jj 
ujus  chymice  in  medendo ,  }  chez  lequu 
on  retrouve  toujours  le  dangereux  projet 
de  déduire  toutes  les  vérités  vraiment  mé- 
dicinales des  connoifTances  phyfiques. 
Voye\  Médecine. 

C'efl:  à  defïcin  que  nous  ne  parlons  pafi 
ici  de  l'Alchymie.  Foye^  PHILOSOPHIE 
HERMÉTIQUE. 

Le  verrerie  ;  la  manufadure  de  por- 
celaine ;  l'art  àts  émaux  ;  la  peinture  fur 
le  verre  ,  qui  n'efl  pas  un  art  perdu  ,  mal- 
gré l'opinion  publique  ;  la  poterie  ;  la 
zimotechnie  ,  ou  l'art  de  difj^ofer  certaines 
fubflances  végétales  à  la  fermentation  ^ 
qui  comprend  l'art  de  faire  les  vins  ,  l'art 
du  brafîeur ,  &  celui  du  vinaigrier ,  la 
halotechnie  ,  ou  l'art  de  préparer  les  fets  ; 
la  pyrotechnie  ^  ou  l'art  àts  feux  d'arti- 
fice ;  celui  du  tanneur  ;  la  manufadure 
du  favon  ;  l'art  des  vernis  ;  celui  de  gra- 
ver à  l'eau-forte  ;  la  teinture  ;  la  prépa- 
ration des  cornes,  des  écailles,  &  àz^ 
poils  des  animaux  ;  l'art  du  diflillateur  , 
celui  du  confifeur,&  celui  du  limonadier, 
qui  font  proprement  trois  branches  de  la 
pharmacie  ;  l'art  du  boulanger  ,  panifi- 
cium  ,'  la  cuifine  ,  Ùc.  font  àt?.  arts  tout 
chymiques.  Voyei^  ces  articles  particuliers. 

Outre  ces  arts  dont  nous  venons  de  par- 
ler ,  &  qui  s'occupent  efïèntiellement  à 
exécuter  certaines  opérations  chymiques  , 
il  efl  d'autres  arts  dont  les  opérations  fon- 
damentales ne  font  pas  chymiques ,  mais 
auxquels  la  Chymie  fournit  des  fecours 
effentiels.  C'efl  dans  les  produits  chymi- 
ques que  la  méchanique  trouve  Çts  prin- 
cipes de  mouvement  les  plus  efficaces  :  la 
poudre  à  canon  ,  dont  tout  le  monde  con- 
noît l'emploi',  la  valeur  de  l'eau  dans  la 
pompe  à  feu  ,  Oc.  les  couleurs  les  plus 
éclatantes  &  les  plus  durables  qu'emploie 
la  Peinture,  font  des  préfens  de  la  CAj-. 
mie\  &c. 

La  branche  la  plus  curieufe  &  la  plus 
magique  de  la  magie  naturelle ,  efl  celle 
qui  opère  fes  prodiges  par  les  agens  &  fur 
les  fujets  chymiques.  Les  phofphores  ,  l'in- 
flammation des  huiles  par  les  acides  ,  les 
poudres  fulminantes  ,  les  èfFervefcenceî 
violentes  ,  les  volcans  artificiels ,  la  pro- 
duction ,  la  deflrudior»  &  le  changement 

E 


34  C  H  Y- 

foudain  ûes  cpul---  ;^-  -«iainc.  Hqueurs  , 
]^^  j,.  j^?pirntions  &  les  coagulations  inel- 
pér<^cs  ,  &c.  en  négligeant  même  les  pré- 
tentions apparemment  ehimériques  fur  la 
divine  pierre  ,  les  rajèuniflemens  ,  le  petit 
homme  .de  "Paracelfe  ,  les  miracles  de  la 
palingénéfie  ,  &c.  tontes  ces  merveilles,, 
dis-jé ,  peuvent  dans-cellecle  éclairé  même , 
étonner  bien  des  gens ,  au  moins  les  amufer. 
iJ^qye^  RÉCRÉATIONS  GHYMIQUES- 

Les  arts  chymiques  étant  liés  àhChy- 
V'TiV  générale  comme  à  an  tronc  commun, 
il  fe  prélente  ici  deux  quellions  trè , -im- 
portantes ,  ce  mefemble.  i^.  Jufqu'à  quel 
point  chacun  de  ces  arrs  peut-il  être  cor- 
rigé &  perfedionné  par  la  icieiice  chymi- 
que  ?  2**.  Combien  la  fcience  phyiique 
peur-eîle-  être  avancée  à  Ton  tour  par  les 
connoifîànces  particulières ,  puifées  dans 
l'exercice  de   chacun  de  ces  arts. 

Quant  à  la  première  quefîion  ,  il  efl 
évident  que  le  chymifle  le  plus  éclairé  ,  le 
plus  inffi'uit ,  dirigera  ,  réformera  ,  per- 
ieclionnera  un  art  ebymique  quelconque, 
«ivec  un  avantage  proportionnel  à  ies  con- 
jioifîances  générales ,  à  fa  Icience  ;  à  con- 
dition néanmoins  que  fur  l'objet  particu- 
lier de  cet  art  il  aura  acquis  cette  faculté 
de  juger  par  fentiment ,  qui  s'appelle  coup- 
A\œil  chez  l'ouvrier  ,  &  que  celui-ci  doit 
«  ritabitude  de  manier  fon  lujet  ;  car  au- 
cun moyen  fcientifique  ne  fauroit  fuppléer 
à  cette  habitude  :  c'efr  un  fait ,  une  vérité 
d'expérience. 

Quant  à  la  féconde  ,  la  néceffité  de  le 
Tciidre  familiers  tous  les  procédés,,  toutes, 
les  opérations,  toutes  les  manœuvres  des 
^rts  chymiques  ,  félon  le  confeil  &  l'exem 
lAs.  du  grand  Sthal  ;  elle  nous  paroit  ab- 
iolument  indifpenfable  pour  'le  chymiffe 
<]ui  àfpire  à  embrafîêr  fon  art  avec  quel- 
que étendue  ;  car  nonrfeulement  c'eft  un 
jpedacle  trèsr curieux  ,  très-philofophique , 
q.ie  d'examiner  combien  les  moyens  chy- 
Tviiques  font  variés  &  combinés'  dans  leur 
application  à  des  ulages  particuliers ,  & 
foiis".  quelle  forme  le  génie  fe  préfente  chez 
les  ouvriers ,  où  il  ne  s'appelle  que  bon 
fens  j  mais  encore  les  leçons  de  ce  bo.; 
i^tas  ,  &  i'induftrie  ,  i'aifance  »  l'expérience 
de  l'ouvrier ,  lont  des  biens  qu'il  ne  doit 
pas    négliger  \   en  us    mot ,  il   faut  être 


C  H  Y 

artifle ,  artîfle  exercé  ^rompu  ,  ne  Çui-ce 
que  pour  exécuter ,  ou  pour  diriger  les 
opérations  avec  cette  facilité  ,  cette  abon- 
dance de  réflources  ,  cette  promptitude  , 
qui  en  font  un  jeu  ,  un  délaflement ,  un 
fpectacle  qui  attache  ,  &  non  pas  un  exer- 
cice long  &  pénible  ,  qui  rebute  &  qui  dé- 
courage néceffairement  par  les  nouveaux 
oblîacles  qui  arrêtent  à  chaque  pas  ,  & 
fùr-tout  par  l'incertitude  des  liiccès.  Tou> 
ces  phénomènes  ifolés  ,  ces  prétendues  bi- 
zarreries des  opérations  ,  ces  variétés  des 
pronuits  ,  toutes  cts  fingularités  dans  les 
refultats  des  expériences  ,  que  les  demi- 
chymilles  mettent  fur  le  compte  de  l'art  , 
ou  des  propriétés  inconnues  des  matières 
qu'ils  emploient  ,  peuvent  être  attribuées 
afïez  généralement  à  l'inexpérience  de  l'ar- 
tifte  ,  &  elles  fe  préfentent  peu  aux  yeux: 
du  chymiile  exercé.  Il  n'arrivera  que  très- 
rarement  à  celui-ci ,  peut-être  même  ne  lui 
arrivera-t-il  jamais  d'obtenir  un  certain 
produit  :  &  de  ne  pouvoir  jamais  parvenir 
à  le  retirer  une  féconde  fois  Ats  mêmes 
matières.  L'artifie  dont  nous  parlons  ne 
s'avifera  jamais  d'eflimer  les  degrés  de  cha- 
leur qu'il  emploie  par  le  moyen  des  ther- 
momètres ,  ou  la  flicceffion  àcs  gouttes 
dans  une  diilillation  ,  par  la  pendule  à  fé- 
condes ;  il  aura  ,  comme  dilent  très-fen- 
fément  les  ouvriers ,  fon  thermomeiie  au 
bout  àts  doigts  ,  &  fon  horloge  dans  la 
tête  ;  en  un  mot ,  il  (e  dirigera  dans  toutes 
les  manœuvres  ordinaires  ,  dans  les-  opé- 
rations journalières  ,  fur  les  indices  grofîiers 
&:  fenfibies  ,  qui  font  toujjurs  préférables 
à  caufe  de  leur  commodité  ,  tant  qu'ils 
font  fuffifans.  Or-  on  parvient  par  l'ha- 
bitude à  eflimer  avec  beaucoup  de  pré- 
cifion  ,  par  leur  feul  fccours  ,  la  plupart 
des  phénomènes  chymiques  ;  &  toutes  les 
mefures  artificielles  qu'on  voudroit  leur 
iubftituer  ,  font  d'un  emploi  très-difîicile  , 
pour  ne  pas  dire  impoflibie  ,  &  notam- 
ment les  thermomètres  ^  aufîi  ridicules 
dans  le  tablier  d'un  chymilk  manœu- 
vrant ,  que  dans  la  poche  d'un  médecin 
vifitant  fes  malades.  Mais  ce  n'eft  pa;^  à 
cet  ava  ifage  que  fe  borne  l'utilité  de  l'ha- 
bitude du  travail  ,  c'efir  dans  les  phénomè- 
nes qui  ea  naiifenr  à  chaque  pas ,  que  le  • 
ch.ymiUe  qui  fait  voir ,    puife  les  connoi(T 


c  H  y 

'fances  les  plus  lumineufes  ,  &:  fouvent  m.e- 
TP.e  les  plus  valles  ;  c'ef}-là  qu'on  trouvera 
de  ces  phénomènes  dont  parle  le  chance- 
lier Bacon  ,  qui  ne  font  rien  en  eux-mê- 
mes &  pour  eux-raâmes  ,  mais  qui  peu- 
vent fervir  de  fondement  ou  de_  germe  ,  de 
point  de  partance  à  une  théorie  importante  ; 
exciter  le  génie  du  chyniifle  ,  comme  la 
chute  d'une  poire  détermina  la  méditation 
de  Newton,  qui  produifit  Ion  magnifique 
CyûèmQ  de  la  gravitation  univerfelle.  Au 
relie  ,  ce  n'eft  que  pour  ceux  qui  n'ont 
jamais  mis  la  main  à  l'œuvre ,  ou  qui 
n'ont  jamais  fu  évaluer  le  mérite  du  chy- 
mifle  ,  formé  par  l'exercice  ,  par  les  ades 
répétés,  qu'il  efl:  nécefîàire  de  célébrer  les 
avantages  de  l'expérience;  car.  quiconque 
a  vécu  iix  mois  parmi  les  fourneaux  ,  ou 
qui  fâchant  ce  que  c'eft  que  la  Chymie  ,  a 
été  à  portée  d'entendre  difcourir  fur  l'art , 
le  plus  profond  fpéculatif  &:  l'aj-tiile  expé- 
rimenté ,  ne  fauroit  fe  méprendre  à  la  fapé- 
riorité  abfolue  du  dernier. 

C'efl  la  néceiïlté  de  toutes  ces  connoif- 
fances  pratiques  ,  les  longueurs  des  expé- 
riences chymiques ,  l'afliduité  du  travail 
^  de  l'obfervation  qu'elles  exigent ,  les 
dépenfes  qu'elles  occalionent  ,  les  dan- 
gers auxquels  elles  expofent  ,  l'acharne- 
ment même  à  ce  genre  d'occupation  qu'on 
rifque  toujours  de  contracter  ,  qui  ont  tait 
dire  aux  Chymilles  les  plus  fenlés  ,  que  le 
goût  de  la  Chymie  étoit  une  paillon  de  tou. 
Bêcher  appelle  les  ChymiOes  ,  cenum  quod^ 
dam  genus  hominum  exceniricum  ,  hecero- 
€litum  ,  heterogeneum .,  anomalum\  quipoi- 
fedc  en  propre  un  goût  fort  fmgulier ,  qiio  fa- 
nîtas  y  pecunia  y  tempus  Ù  vita  pcrdunmr. 
Mais  en  prenant  l'utilité  abfolue  des  Sciences 
pour  une  donnée,  d'après  laquelle  l'opinion 
générale  nous  autorife  à  railonner ,  ces  diffi- 
cultés &  ces inconvéniens-là même,  doivent 
fîiire  regarder  les  Savans  qui  ont  alTez  de 
courage  pour  les  braver,  comme  des  citoyens 
qui  méritent  toute  notre  reconnoiflâncc. 

Mais  cette  paflion  ,  quelque  idée  qu'il 
faille  en  avoir  ,  les  hommes  en  ont-ils  été 
tourmentés  de  bonne  heure  ?  A  quel  temps 
faut-il  rapporter  la  nailTance  de  la  Chymie  ? 
C'eil  un  fait  qu'il  ne  fera  pas  aufii  facile  de 
mjiétermincr ,  que  le  degré  de  confviération 
qVeîle  lïiérite. 


^.6 'H  Y  3  5 

IL  Y  A  PEU  D'ARTS  dont  les  com- 
mencemens  foient  plus  obfcurs  que  ceux 
de  la  Chymie.  Les  Chymiiles  entêtés  de  fou 
ancienneté  ,  loin  de  nous  inftruire  fur. fon 
origine  &  lur  les  premiers  .progrès,  parla 
profondeur  &  l'immenfité  de  leurs  recher- 
ches ,  ne  font  pa-rvenus  qu'à  rendre  tous 
les  témoignages  douteux,  à- force  d'abufer 
de  cette,  critique  curieulement  allomman- 
te  y  qui  confill?  à  enchaîner  des  atomes  de 
preuves  à  des  atonies  de  preuves  ,  &  à  en 
former  une  maflè  qui  vous  entraîne  ou  qui 
vous  effi-aie  ,  '&  contre  laquelle  il  ne  relie 
que  la  reffource  ,  ou  de  la  raéprifer  ,  ou  de 
la  briler  comme  un  verre  ,  uno  icïuy  ou  d'y 
fuccomber  en  la  difcutant. 

Il  vaudroit  mieux  fans  doute  fubflituer  à 
ces  énormes  toiles  que  l'érudition  a'fi  labo- 
rieufement  tilTues  ,  quelque  lylfême  philo- 
fôphique  où  l'on  vît  l'art  lôrtir  comme  d'un 
germe  ,  s'accroître  &  prendre  toute  là 
grandeur.  Il  eft  au  moins  certain  que  fi  ce 
lylfême  ne  nous  rapprochoit  pas  davantage 
de  la  vérité  ,  il  nous  épargneroit  des  recher- 
ches dont  l'utilité  ne  frappe  pas  tous  les 
yeux.  Il  eft  cependant  une  lorte  de  curio- 
fîté  qui  peut  fe  faire  un  amulèment  philo- 
fophique  des  recherches  de  l'érudition  la 
plus  frivole ,  du  férieux  &  de  l'intérêt  qu'on 
y  a  mis  ;  &  ce  fera  dans  cette  vue ,  autant 
qu'il  nous  fera  pofiible  d'y  entrer ,  que  nous 
allons  expoler  aux  autres  &  nous  reprélen- 
ter  à  nous-mêmes  le  labyrinthe  des  anti- 
quités chymiques. 

Nos  antiquaires  chymiffes  ne  le  font  pas 
contentés  de  fouiller  dans  tous  les  recoins, 
de  l'hifloire  fainte  &  de  l'hiffoire  profane  ; 
ils  fe  font  emparés  des  fables  anciennes  ; 
&  c'elî  une  chofe  curieule  que  les  efforts 
prodigieux  &  les  luccès  fmguliers  avec  lef^ 
quels  ils  en  ont  quelquefois  détourné  le 
fens  vers  leur  objet.  Leurs  explications 
font-elles  pkis  ridicules,  plus  forcées,  plus 
arbitraires  ,  que , celles  des  Platoniciens 
modernes ,  de  Voiiius ,  dé  Noël  le  Comte ,. 
de  Bochart ,  dé  Kircher ,  de  Ma",sham  ^ 
de-Lavaur,  deFourmont,  &  autrçs  inter- 
prètes de  la  Mythologie  ,  qui  ont  vu  dansi 
ces  fables  la  théologie  des  ancien^  ,  lei  k 
affronomie,  leur  phyfîque,  leur  agricul- 
ture, notre  hifloire  faintç  défigurée?  Philpa 
deBiblos  ,  Euiebe,  &  d'après  ceux-cfquel- 

E  1 


5^ 


C  H  Y 


ques  modernes ,  ont-ils  eu  plus  ou  moins  f 
de  raifon  que  les  premiers  auteurs  ,  de  pré-  ] 
tendre  que  ce  n'étoient  que  des  faits  hifto- 
riques  déguifés  ,  &  de  reprocher  aux  Grecs 
leur  goût  pour  l'allégorie  ?  Qui  font  les  plus 
fous  ou  de  ceux  qui  difcernent  dans  des 
contes  furannés la  vraie  Théologie,  la  Phy- 
fique  ,  &  une  infinité  d'autres  belles-  cho- 
ies ;  ou  de  ceux  qui  croient  que ,  pour  y 
retrouver  des  procédés  chymiques  admi- 
rables ,  il  ne  s'agit  que  de  les  développer 
&  que  de  les  dégager  de  l'alliage  poétique  ? 
Sans  rien  décider  là-defllis  ,  je  crois  qu'on 
peut  affurer qu'en  ceci,  comme  en  beau- 
coup d'autres  cas  ,  nous  avons  fait  aux 
anciens  plus  d'honneur  qu'ils  n'en  méri- 
toient:  comme  lorfque  nous  avons  attaché 
à  leurs  loix ,  à  leurs  ufages  ,  à  leurs  infli- 
rutions  fuperftitieufès  ,  des  vues  politiques 
qu'apparemment  ils  n'ont  guère  eues.  A 
tout  moment  nous  leur  prêtons  notre  finef- 
fc ,  &  nous  nous  félicitons  enfuirede  l'avoir 
devinée.  On  trouvera  dans  les  fables  an- 
ciennes tout  ce  qu'on  y  cherchera.  Qu'y 
dévoient  chercher  des  Chymilles  ?  des  pro- 
cédés ;  &-ils  yen  ont  découvert. 

Qu'étoit-ce ,  à  leur  avis ,  que  cette  toi- 
fon  d'or  qui  occafiona  le  voyage  des  Ar- 
gonautes ?  Un  livre  écrit  fur  des  peaux  , 
qui  enfeignoit  la  manière  de  faire  de  l'or 
par  le  moyen  de  la  Chymie\  Suidas  l'a  dit  ; 
mais  cette  exphcation  eii  plus  ancienne 
que  Suidas  :  on  la  rencontre  dans  le  com- 
mentaire d'Euflhate  fur  Denis  lePeriegete  ; 
celui-ci  la  rapporte  d'après  un  Charax, 
cité  plufieurs  fois  dans  un  traité  d'Herma- 
lalis  de  Bifanee  ,  dédié  à  l'empereur  Jufti- 
n"en  ;  &  Jean-François  de  la  Mirandole 
prétend  que  le  fcholiafle  d'Apollonius  de 
Rhode ,  &  Apollonius  lui-même  ,  y  ont 
fait  allufion  ;  l'un  dans  cet  endroit  du  fé- 
cond livre  de  fes  Argonautiques  \  l'atitre 
dans  fon  commentaire.. 

Ecfy.îietf.         Hermès  la  fit  d^er. 
Le  fcholiafte  dit  fur  ce  paflâge  ,  hiyiiAt 

^çva-ovv  :  on  dit  qu'Hermès  la  changea  en 
er  en  la  touchant.  Conringius  ,  incrédule 
en  antiquités  chymiques  ,  ofe  avancer- 
qu'il  n'efr  pas  clair  dans  ce?  paflàges  qu'il 


C  H  Y 

Si  Ton  a  vu  l'art  de  faire  de  Vor  dans  \m 
fable  des  Argonautes  ,  que  ne  pouvoit-on 
■  voir  dans  celles  du  ferpent  tué  par  Cadmus, 
dont  les   dents    femées  par  le  confeil  de- 
Pallas,  produifent  Aqs   hommes  qui  s'en- 
tre-tuent  ;    du   facrifice    à  Hécate  ,   dont 
parle  Orphée  ;   de  Saturne    qui  coupe  les 
tefticules  au  Ciel  fon  père,  &  lesjette  dans 
la  mer  ,  dont  l'écume  mêlée  avec  le  fang  de 
ces   teflicules    coupés  ,  donna  naifîànce  à 
Vénus  ;  du  même  qui  dévore  fes  enfans  à 
melure  qu'ils  naiffent ,  excepté  le  roi  &  la 
reine  ,  Jupiter  &  Junon  ;  d'Efculape  qui 
revLi'ifie  les  morts;  de  Jupiter  tranfmué tvt 
pluie  d'or  ;  du  combat  d'Hercule  &  d'An- 
thée  ;  des  prodiges    de  la  lyre  d'Orphée  ,, 
de  Pirrha  &  de  J3eucalion  ;   de  Gorgone 
qui  lapidifie  tout  ce  qui  la  voit  ;  de  Midas  ,. 
à  qui  Bacchus  accorda  le  don  fatal  de  con- 
vertir en  or  tout  ce  qu'il  touchoit;  de  Ju- 
piter qui  emporte  Ganymede  au  ciel,  fous; 
la  forme  d'un  aigle  ;  de  Dédale  &  d'Ica- 
re ;  du  nuage  fc)us  lequel  Jupiter  enveloppé 
jouit  d'Io  ,  &  la  dérobe  à  la  colère  de  Ju- 
non ;  du  Phénix  qui  renaît  de  fa  cendre  ;^ 
du  rajeuniflement  d'^fon  ,  ^c.  auili  Ro- 
bert E)uval ,  R.  Vallenfis  ,  prétend-il  dans- 
un  traité  intitulé  de  veritate  Ù  antiquitate- 
artis  Chymicv  ,  imprimé  en  1602,  qu'il  n'y 
a  aucune  de  ces  allégories  dont  on  ne  trou- 
ve la  véritable  clet  dans  les  procédés  de  la! 
Chymie, 

En  effet ,  qiiel  efl  le  vrai  chymiffe ,  le 
chymifle  un  peu  jaloux  de  ce  qui  appar- 
tient à  fon  art ,  qui  pût  fe  defî'aifir  fans  vio- 
lence de  la  fable  àts  travaux  d'Hercule  ; 
de  l'enlèvement  àts  pommes  du  jardin  Aqs 
Hefpérides,  après  la  défaite  du  dragon  qui 
les  gardoit  ;  de  la  deilruûion  du  lion  de- 
là forêt  de  Némée:  de  la  biche  aux  pies: 
d'airain,  tuée  fur  le  mont  Menale  ,  è'c. 
Oh  ,  fi  les  Chymiites  avoient  été  plus  éru* 
dits,  ou  plutôt  \qs  érudits  ,  (Kirchêr  par 
exemple  )  plus  chymiftes ,  quelle  moiflba 
d'interprétations  à  faire  n'auroient-ils  pas; 
trouvée  dans  les  fentences  de  Zoroaftre  , 
les  hymnes  d^Orphée ,  les  iymboles  de 
Pythagorej  les  emblèmes,  les  hiérogly- 
phes, les  tables  myfiiques  ,  les  énigmes  >: 
les  gryphcs  ,  les  paramies ,  &  tous  les  au- 
tres inllrumcns  de  l'art  de  voiler  la  vérité 


foit  queftion   de   l'art     de  faire  de   l'or,  l  dont  on  fe  fervoit  dans  les  temps  où  elle 


*^ 


C  H  Y 

^toit  autant    refpeaée   qu'elle    mérite  de 
l'être  ,  où  le  peuple  bien  apprécié  étoit  jugé 
indigne  de  la  connoître,  où  l'on  croyoit 
que  c'étoit    la  proftituer  que  de  l'expofer 
toute  nue  aux  yeux  du  vulgaire  ,  &  où  le 
philofophe   jaloux   d'élever    une    barrière 
entre  lui  &   le  refte  des  hommes,    étoit 
moins    à   blâmer  de  la    manie  qu'il  avoit 
de  la  cacher ,  que  de  celle  de  faire  croire 
qu'il  la  cachoit  ;   car  on  peut  regarder  la 
première  comme  infiniment  meilleure  que 
cette  indifcrétion  qui  l'a  divulguée  depuis 
par  tant  de  collèges  ,  tant  de  facultés  ,  tant 
d'académies  plantées  ,    comme   difoit    le 
moine  Bacon  ,  in  omni  cafiro  &  in  omni 
burgo.  Les  douze  clalTes  ou  chefs  d'expli- 
cations dans  lefquels  Kircher  a  divifé    Ton 
gymnajîum  hieroglyphicum  ,  le  feroient  ré- 
duites  par  quelques  connoifl'ances    de  la 
Chymie  ,  à  la  dixième  feule  ,  où  il  auroit 
encore  été  infiniment  moins  court  &  plus 
hardi.  Si  M.  Jablonski  avoit  été  chymifle  , 
il  le  (croit  bien  gardé  de  voir  dans  la  fa- 
meufe  table  d'Ilis  ,  fi  heureufement  fauvée 
par  le  célèbre  cardinal  Pierro  Bembo  ,  du 
fac  de  Rome  par  le  connétable  de  Bourbon, 
la  fuite  des  fêtes  célébrées  en  Egypte  durant 
toute  l'année  ;  (i'ojei  Mifcel.  Berolin ,  tom. 
VI.)    mais     bien  au  lieu    d'un   almanach 
de  cabinet  égyptien ,  un  table-au  du  procé- 
dé divin  de  la   tranfmutation  hermétique. 
Au  refte  ,  ceux  qui  feront  curieux  de  favoir 
comment  les    Chymifles    l'emportent   fur 
les  fimples  érudits  ,  comme  interprètes  de 
l'hiftoire  &  de  la  fable  ,  peuvent  confulter 
principalement  Majeri    arcana  arcanorum 
omniujn  arcanijjlma  )  &  plufieurs  ouvrages 
de  B.  J.  Fabre  de  Caflelnaudari ,  {Faber 
Caftnnovidarienjis ,)  médecin  de  Montpel- 
lier ,  fur-tout  ion  Panchymicum  ,  (on  Her- 
cules Piochymicus,  &  fon  j4lchimifta  chrif- 
tianus. 

Au  lieu  de  ce^étaîl ,  voici  une  de  ces 
explications  qui  pourra  récréer  quelques 
ledeurs  ;  elle  efl:  du  célèbre  Blaife  Vigenere. 
Cet  auteur  prétend  qu'il  faut  entendre  , 
par  la  fable  de  Prométhée  puni  pour  avoir 
dérobé  le  feu  du  ciel ,  que  "  les  dieux  en- 
w  vicrent  le  feu  aux  hommes  y.  pour  ce  que 
»  par  le  moyen  d'icelul  ils  font  venus  à 
»  pénétrer  dans  les  plus  protonds  &  cachés 
7>  lècrets  de  la  nature ,  de  laquelle  on  ne 


CHY  p 

ti   peut  bonnement  découvrir  &  connoître 
y)   les  manières  de  procéder ,  tant  elle  opère 
>j   ratiérement ,  fmon  que  par  fon  contre- 
»   pié  ,  que  les  Grecs  appellent  S'iAKv<Tt%  , 
»  la  réfolution  &  féparation   des    parties 
»  élémentaires  qui  fe  fait  par  le  feu  ,  dont 
«   procède  l'exécution  de  tous  les  artifices 
»   prefque  que  l'efprit  de  l'homme  s'efl  in- 
»   venté.  Si  que  les  premiers  n'avoient  au- 
»  tre  inflrument  &  outil  que  le  feu  ,  com- 
»   me  on  a  pu  voir  modernement  èsdécou- 
»   vertes  des  Indes  occidentales  ;  Homère , 
»   en  l'hymne  de  Vulcain  ,  met  qu'icelui 
«   affiflé  de  Minerve  ,  enfeignerent  aux  hu- 
»   mains  leurs  artifices  &  beaux  ouvrages  , 
»  ayant  auparavant  accoutumé  d'habiter  en 
»  des  cavernes  &  rochers  creux  à  guife  àcs 
»  bêtes  fauvages.  Voulant  inférer  par  Mi- 
»>   nerve   la  déefle  des  Arts  &  Sciences  , 
»  l'entendement  &  induffrie  ,    &  le   feu 
»   par  Vulcain  qui    les   met  à  exécution. 
»  Par  quoi  les  Egyptiens  avoient  coutume 
»   de   marier   ces  deux  déités    enfembje  , 
«    {^mariage   refpeclable ,)  ne  voulant  par- 
T>   là  dénoter  autre  cholê  ,   finon  que  de 
»>  l'entendement    procède    l'invention    de 
»   tous  les   Arts    &:  Métiers  ;  que  le  feu 
»  puis  après  eflèdue  ,  &  met  de  puifîance 
»   en  adion  ;  nam  agens  in  toto  hoc  mun" 
»   do  y  dit  Johancius,  non  ejî  aliud  quàm 
jy   ignis  &  calor  y 


fy  quePallas  &  Vulcain  allumèrent,  exci- 
»  terent ,  dit  Homère  ;  qui  fut  la  caufe  , 
)j  comme  on  peut  voir  dans  Philoftrate  , 
»  en  la  naifîance  de  Minerve  ,  qu'elle 
»  quitta  les  Rhodiens  ,  parce  qu'ils  lui  ia- 
»  crifioient  fans  feu  ,  pour  aller  aux  Athé- 
»   niens.n 

Le  chymifle  le  moins  curieux  des  anti- 
quités de  fon  art  ,  ne  pourra  s'empêcher 
de  recourir  à  Philoflrate  fur  la  citation  de 
Vigenere  ,  &  le  moins  enthouiiafk  ne 
pourra  fe  refufer  à  l'application  qui  le 
préfentera  à  ion  efprit  de  l'allégorie  de 
Minerve  quittant  les  Rhodiens  pour  les 
Athéniens ,  parce  que  ceux-là  lui  facri- 
fioient  fans  feu.  Sacrifier  à  Minerve  fans 
feu  ,  dira-t-il  avec  tranfport ,  c'eff  évidem- 
ment   s'appliquer   aux   recherches   phyii- 


3R  C  H  Y 

que.s ,  en  négligeant  les  fecours  de  k  Chy^ 
mis  ;  &:  combien  ,  en  effet ,  continuera- 
t-il ,  de  facrifices-  modernes  faits  fans  feu 
à  Minerve  phyficienne  ,  portent  le  carac- 
tère d'offrandes  rejetées  par  la  déeiîe  ? 

Quelques  auteurs ,  (  à  la  tête  defquels 
on  peut  placer  ce  Fabre  de  Cafielnaudari 
que  nous  avons  cité  plus  haut,)  dont  la 
manie  de  voir  en  tout  &  par-tout  les  hié- 
.  roglyphes  de  la  Chymie^  ne  s'ell  pas  épui- 
iée  fur  les  tables  greques,  égypti:i  nés  & 
phéniciennes  ,  le  font  encore  Jetés  &  fur 
les  ouvrages  allégoriques  de  l'ancien  &  du 
nouveau  Teflament,  comme  le  Cantique 
des  Cantiques,  &  l'Apocalyple  ;  &  furies 
livre.it  de  fhillorique  le  plus  poiifif:,  tels 
que  le  pentateuque  ,  &  les  Evangéhftes  : 
travers  dans  lequel  on  ne  fait  s'il  y  a  plus 
d'irréhgion  ,  que  de  fohe.  Au  refte ,  li 
c'eft  folie  plutôt  qu'irréligion  ,  il  faut 
avouer  que  la  manière  figurée  propre  aux 
■Orientaux ,  ne  pouvoit  guère  manquer  de 
mettre  en  jeu  des  imaginations  fi  voifines 
du  dérèglement. 

Mais  de  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit 
en  faveur  de  l'antiquité  de  la  Chymie ,  nul 
jie  s'eft  montré  plus  profond,  plus  férieux, 
plus  avide  de  témoignages,  &  plus  adroit 
à  ourdir  ces  longs  tifîlis  ,  ou  à  accrocher 
entr'eux  ces  atomes  de  preuves  dont  nous 
avons  fait  mention  au  commencement  de 
ces  confidérations  hiiloriques,  que  le  cé- 
lèbre chymifle  Olalis  Borrichius  ,  dans  fon 
traité  de  ortu  &  progrejju  Chymiûe.  Il  fe  dé- 
clare ,  fans  héfiter  ,  pour  l'opinion  de  ceux 
qui  font  remonter  l'origine  de  l'art  juf- 
qu'aux  temps  qui  ont  précédé  le  déluge. 
Il  eft  dit  au  quatrième  chapitre  de  la  Ge- 
nefe ,  de  Tubalcain  ,  qu'il  fut  malleator  & 
faber  in  cuncia  gênera,  œris  Ù  ferri.  Tubal- 
cain fut  donc  un  chymifte  ;  "  car  Tubal- 
«  cain  n'a  pu  inventer  ,  forger ,  perfcc- 
»  tionner  ces  ouvrages ,  fans  l'art  de  trou- 
»  ver  les  mines ,  de  les  tirer ,  de  les  gril- 
«  1er  ,  de  les  fondre  ;  toutes  choies  dont  la 
»)  découverte  ne  peut  appartenir  qu'à  un 
»  elprit  divin ,  bien  qu'un  fimple  manœu- 
»  vre  puifîé  les  exécuter,  une  fois  qu'elles 
»)  font  trouvées....  Des  ouvriers  peu  inl- 
»  truits  de  la  Chymie  peuvent ,  à  la  vérité, 
«  traiter  des  mines  fous  la  conduite  d'un 
M   diredeur  :  mais  le  premier  inventeur  a. 


C  H  Y 

»  dû  être  chymifle,  ce  dlredeuf  ne  peut 
»>  le  paflér  de  cet  art....  Le  premier  brû- 
)j  leur  de  charbon  préparera  maintenant 
>j  la  poudre  à  canon  :  mais  (on  procédé 
»  a  coûté  de  profondes  méditations  ,  foie 
j>  à  Barthold  Swartz,  foit  à  Roger  Bacon.  . 
»  C'ell  au  chymifle  Cornélius  Drebbel  , 
»  qu'on  doit  l'ufage  du  thermomètre  &  la 
»  découverte  de  l'écarlate  ,  que  les  ou- 
>j   vriers  les  plus  ignorans  préparent  au- 

«  jourd'hui  ii    parfaitement Ce    n'eft 

)j  qu'après  avoir  conlumé  leur  vie  à  des 
»  expériences  de  toute  efpcce ,  que  les  in- 
>j  venteurs  parviennent  à  établir  les  arts 
»  fur  des  fondemens  folides  &  invaria- 
»  blés.)  Donc  le  malleatorTuhzlc^m  étoic 
un  grand  chymifle.  Le  Vulcain  des  an- 
ciens &  le  Tubalcain  de  l'Ecriture  ,  font 
alfez  unanimement  reconnus  pour  un  feu! 
&  même  perfonnage  :  comment  fe  relufer 
fur  cela  à  l'autorité  de  Voffius  ,  -A  celle 
de  Bochart ,  &  à  la  relîèmblance  des 
noms  ?  Or  l'antiquité  païenne  a  attribué 
à  Vulcain  l'invention  des  ouvrages  en 
1er  ,  en  airain ,  en  or  &  en  argent ,  & 
des  autres  opérations  qui  s'exécutent  par 
le  moyen  du  feu.  L'hilloire  profane  & 
l'hifloire  facrée  font  donc  évidemment 
d'accord  fur  l'exiftence  de  la  Chymie  anté- 
diluvienne. 

On  fe  doute  bien  que  Borrichius  n'a 
négligé  ni  l'or  de  la  terre  d'Hevilat  du 
quatrième  chapitre  de  la  Genefe  ,  ni  les 
témoignages  de  Diodore  de  Sicile  :  d'Ho- 
merè  ,  de  Pindare  ,  Ùc.  ni  celui  de  Philon 
de  Biblos  :  félon  ce  dernier ,  le  Chryfor 
ou  Chryfaor ,  fixieme  fucceflèur  du  Pro- 
togonos  de  Sanchoniathon ,  ou  de  l'Adam 
de  l'Ecriture  fainte  ,  eft  le  même  que  Vul- 
cain ;  mais  quel  fcntimerît  de  reconnoiA 
fance  ,  le  chymifte  Borrichius  n'auroit-ii 
point  eu  pour  un  littérateur  de  fon  temps  , 
s'il  s'en  étoit  rencontré  quelqu'un  d'affez 
inflruit  fur  l'origine  &  la  fucceflion  des 
anciens  peuples ,  pour  lui  annoncer , 
alnfi  que  M.  de  Fourmont  l'a  fait  depuis  , 
que  ce  Chryfiior  exifloit  trois  générations 
avant  Tubalcain ,  à  qui  il  prétend  que 
V Ecriture  n^attribiie  pas  en  propres  termes 
r  invention  des  ouvrage  s  enfer  j  mais  feule- 
ment de  s'être  mêle  du  métier  plus  qu'un 
autre ^Ù  d'iivoir  été  un  illujlre  propagateur 


CHY 

des  ouvrages  enfer.Vi.  de  Fourmont  qui  re- 
connoîr  clairement  dans  rEcriture  tous  les 
perfonnages  du  fragment  de  Sanchonia- 
thon  ,  n'y  retrouve  point  le  Chryfaor  ;.  il  ne 
fait  fi  c'étoit  ou  non  le  même  que  celui 
d'Hefiode  :  mais  n'importe  ,Borrichius  vous 
dira  qu'il  n'en  fut  pas  moins  chymifle  ; 
car  ,  félon  l'étymologie  phénicienne  de  fon 
nom  ,  propofce  par  Bochart  &  adoptée  par 
M.  de  Fourmont  ,  il  fignifie  celui  qui  tia- 
r  aille  ou  au  feu  ou  dans  le  feu;  ou  félon  M. 
Leclerc  (  rem.  fur  Hefiode  ,  )  celui  qui  garde 
le  feu.  Or  la  qualité  de  chymifte  eft  égale- 
ment attachée  à  l'une  ou  l'autre  de  ces  fonc- 
tions ;  car  que  peut-on  avoir  à  faire  au  feu  , 
cans  le  feu  ,  ou  autour  du  feu  ,  finon  de  la 
Chymie  ?Donc  ,  &<:.  C-  q.  f.  d. 

Après  cette  démonllration  fondée  fur 
les  pafîages  de  la  Geneie  ,  que  nous  avons 
rapportés  ci-deffus ,  Borrichius  a  recours 
à  des  autorités  qu'un  auteur  célèbre  a  mifes 
à  Lnjr  jufte  valeur  dans  un  difcours  hil- 
toii  ue  très-eilimé  ,  fur  l'origine  &  les 
progrè.s  delà  Chymie.  "  L'utilité ,  les  con- 
"  noifîances  curieufes  &  étendues,  voilà  , 
»  di  cet  auteur  ,  le  mérite  d'une  fdience. 
})  Mais  ce  n'efl  pas  adèz  pour  les  Chymif- 
>J  tes  :  ils  font  remontes  dans  les  temps  les 
»  plus  reculés  ,  pour  y  chercher  l'origine 
»  de  la  Chymie  ;  jaloux  ,  comme  les  autres 
»  favans  ,  de  leurs  contemporains  ,  ils 
>'  diminuent  toujours  la  gloire  qu'ils  ne 
"  peuvent  leur  enlever  ;  prodigues  à  l'égard 
'>'  des  anciens ,  ils  leur  tranfportent  l'in- 
»'  vention&la  perfedion  de  leur  fcience  : 
n  ils  fcroient ,  ce  femble  ;,  moins  elHma- 
?v  blés  il  des  anciens  n'avoient  penfé  com- 
r   me  eux. 

»  Dans  ces  idées  ,  ils  ont  fouillé  dans 
>)■  les  ficelés  qui  ont  précédé  le  déluge. 
»  Moïfe  dit  dans  la  Genefe  ,  que  les  enfans 
»  de  Dieu  s"^ allièrent  auxfillesdes  hommes  : 
»  là-de(fus  Zofime  Panopolirc  parle  ainfi  ; 
?>  il  efl:  rapporté  dans  les  Livres  faints  qu'il 
>r  y  a  des  génies  qui  ont  eu  commerce  avec 
»-  les  femmes  ;  Hermès  en  fait  mention 
»  dans  fes  livres  fur  la  nature  :  il  n'efl 
f)  prefque  point  de  livre  reconnu  ou 
»  apocryphe  y  où  l'on  ne  trouve  des  vef- 
»  tiges  de  cette  tradition.  Ces  génies 
>r  aveuglés  d'amour  pour  les  femmes  , 
>/'  leur  découvrirerit    les  merveilles  de  la 


CHY  39 

«  nature  ;  pour  avoir  appris  aux  hommes 
w  le  itial  &  ce  qui  étoit  inutile  aux  âmes , 
»  ils  furent  bannis  du  ciel  :  c'efl  dê^  ces 
>y  génies  que  font  venus  les  géans.  Le  livre 
jj  où  furent  écrits  leurs  fecrets  ,  fut  inti- 
yy  tulé  kema  ,  &c  de-là  efl  forti  le  nom  de 
»  Chymie. 

>i  Voilà  un  des  plus  anciens  écrivains 
»  chymifles  ,  félon  le  témoignage  de  Con- 
>5  ringius  :  ce  qu'il  avance  ell  appuyé  d'un 
t)  auteur  beaucoup  plus  ancien.  Ajoutons, 
»  dit  Clément  d'Alexandrie  dans  (es  tapi!'- 
«  feries  ,  que  les  anges  choilis  pour  habiter 
w  le  ciel  ,  s'abandonnèrent  aux  plaifirs  de 
»  l'amour  :  alors  ils  découvrirent  aux  fem- 
»  mes  des  fecrets  qu'ils  dévoient  cacher  ; 
yy  c'efl  d'eux  que  nous  vient  la  connoif- 
«  fance  de  l'avenir  ,  &  ce  qu'il  y  a  de  plus 
)>  relevé  dans  les  Sciences.  Il  ne  manque 
yy  à  ce  témoignage ,  ajoute  Borrichius  , 
»  que  le  terme  de  Chymie.  Mais  la  Chymie 
yy  n'efl-elle  pas  comprife  dans  ce  qu'il  y  a 
)j  de  plus  relevé  dans  les  Sciences  ?  Ce*  qui 
«  embarraflé  cet  auteur  ,  c'efl  la  fource 
?j  d'où  Clément  &  Zofime  ont  tiré  ce 
»  qu'ils  avancent  :  il  décide  cependant 
w  qu'il  y  a  apparence  qu'ils  ont  lu  cesfairs 
«  dans  les  fragmens  des  livres  d'Enoch. 
"  Comment  douter  de  cela  ?  Les  anges  , 
>j  dit  Enoch,  au  rapport  de  Sincel  ,  ap- 
»  prirent  aux  femmes  &  aux  hommes  des 
»  enchantemen-s  &  les  remèdes  pour  leur 
>>  maladie.  Exael ,  le  dixième  des  premiers 
»  anges  ,  apprit  aux  hommes  l'art  de  fa- 
>j  briquer  dts  épées  ,  des  cuirafTes  ,  les 
»  machines  de  guerre,  les  ouvrages  d'or 
>j  &  d'argent  qui  peuvent  plaire  aux  fem-^ 
>>  mes  ,  l'ufage  des  pierres  précieufes  &  du 
yy  fard.  Sincel  ,  félon  Borrichius  ,  efl  un 
)j  auteur  très-digne  de  foi  :  plufieur:>  faits 
»  hifloriques  font  venus  jufqu'à  lui  de 
)î  Manethon  ,  de  Jule  Africain  ,  d'Eufebe  ; 
>>  d'ailleurs  le  pafTàge  qu'on  vient  de  lire , 
>'  n'efl-il  pas  foutcnu  de  l'autorité  de  Ter- 
>j  tullien  ?  Les  anges  qui  ont  péché  ,  dit  ce 
»)  Père  ,  découvrirent  aux  hommes  l'or  ,rar- 
»  gent  ,  l'art  de  les  travailler  :  d'orner  les 
yy  paupières  ,  de  tendre  la  laine  :  c'cf'lpour 
»>  cela  que  Dieu  les  condamina  ,  comme  le 
»j  rapporte  Enoch. 

»  Borrichius  regarde  ces  paffagcs  com- 
?y  me  des  témoignages  authentiques  :  il  dit 


40  C  H  Y 

»  cependant  qu'Enoch  s'ei^  trompd.  d:^ 
»  anges  dont  il  parle  ne  font  pas  de  véri- 
«  tables  anges  ;  ce  n'eil  que  les  defcen- 
t)  dct^s  de  Scih  &  de  Tubalcain  ,  peu 
»  dignes  de  leurs  pères,  Ils  fe  livrèrent  aux 
»  plaiiirs  honteux  avec  les  femmes  qui 
>y  deicendoient  de  Caïn  :  c'eft  parmi  ces 
»  voluptcs  qu'ils  divulguèrent  les  lècrets 
»  que  Dieu  leur  avoit  confiés.  Après  cette 
»  découverte  ,  Borrichius  laifle  paroître 
»  un  remords  ;  ce  n'efl  pas  fans  peine 
r)  qu'il  reconnoît  que  la  Cliymie  ne  vient 
»  pas  des  anges  :  un  pafTage  de  l'Exode  le 
»  confblc.  Dieu  dit  à  Moïfe  :  j'ai  choifi 
>5  Befeléel  ,  de  la  tribu  de  Juda  ,  je  l'ai 
»  rempli  de  l'efprit  du  Seigneur  &  de  fa- 
»  gefle  pour  travailler  fur  l'or ,  l'argent , 
t)  le  cuivre  ,  le  marbre ,  les  pierres  précieu- 
V  Tes ,  le  bois.  »  Nouveau  cours  de  Chymie^ 
félon  les  principes  de  Newton ,  6"  de  Stahl , 
Difc.prélim. 

Borrichius  ,  après  avoir  un  peu  repris 
couriige  ,  ajoute  une  réflexion  qui  eft  d'un 
digne  &  zélé  chymille  ,  c'efl  que  cet  art 
de  traiter  les  métaux  ,  loin  d'être  contrai- 
re à  la  volonté  de  Dieu  ,  "  a  été  infpiré 
w  par  le  foufHe  immédiat  de  Ton  efjprit 
>j  divin  :  &  cela  ,  non  à  un  vilain  de  la 
»  tribu  de  Gad  ou  de  Zabulon  ;  mais  à 
?■)  un  noble  cerveau  de  la  tribu  de  Juda  :  » 
Non  plebeio  alicui  Zabulonitœaut  Gciditce\ 
fed  nobili  ,  exftirpe  regiâ  y  ex  Judce  tribu  , 
cerebro.  Il  efl  certainement  beaucoup  plus 
raisonnable  &  plus  chrétien  d'ennoblir 
Ion  art  par  une  confidération  telle  que  celle 
de  l'honnête  Borrichius  ,  que  de  crier 
avec  l'acariâtre  Hecquet  ,  que  les  miné- 
raux préparés  chymiquement,  &  nommé- 
ment le  kermès  minéral  ,  font  des  remè- 
des pernicieux  ;  parce  que  les  opérations 
chymiques  troublent  les  arrangemens  in- 
troduits dans  les  corps  par  la  main  du  Créa- 
teur y  les  pervertijfent  y  les  altèrent ,  ou  les 
changent  ;  &  qu'ainji  la  Cymie  efl  un  art 
diabolique ,  qui  va  à  mettre  la  créature  à  la 
place  du  Créateur  ou  de  fes  ouvrages. 

Borrichius  prend  un  intérêt  fi  chaud  A 
l'état  de  la  Chymie  ante-diluviennc  ,  qu'il 
fe  feroit  un  forupule  d'en  avoir  fiir  la  réa- 
lité des  monumens  qu'il  accumule  :  il  n'a 
pas  le  moindre  doute  fur  l'authenticité  des 
livres  de  Manethon  de  Sebennys  y  prêtre 


CH  Y 

d'HélopoIis  ,    dédiés  à  Ptolémée  Phlla- 
delphe.    Il  efl  convaincu  que  l'hifloire  de 
cet   ancien    auteur    égyptien    a  été  drefTée 
fur   de   très  -  bons    mémoires  ,   tels ,  par 
exemple  ,   que    les  regiftres  facrés    &  les 
colonnes    pubnques.   Euiebe ,    (  Eufebius 
Pamphili  y)  afîure,   d'après  les  fragmens 
de  cet  auteur  ,   que  Jule  Africain  nous  a 
confervés ,  que    le    premier    Thoït ,    ou 
Mercure   égyptien  ,  traça  fur  âts  colon- 
nes  l'hifioire    des  fciences  qui  fioriffoient 
avant  le  déluge.  Certainement   la  Chymie 
en   étoit  ,  dit   Borrichius  ;    les  caraderes 
de  Thoït   furent  hiéroglyphiques  ,    &   il 
employa  la  langue    (acrée  ,*  après  le  dé- 
luge   là  dodrine   fut    traduite    en    grec  ; 
Agathodsmon    ou   le    fécond   Mercure  , 
peie   de  Tat  ,    l'écrivit  dans  des   hvres  : 
mais    encore    en    lettres    hiéroglyphiques. 
Les   critiques  ont  apperçu  dans  ce  pafTagc 
une  certaine  bizarrerie  ,  qui  le  leur  a  fait 
rejeter  avec   mépris.   Conringius  &  Stil- 
lingfleet    ont    trouvé     contradidoire    que 
Hermès  eût  écrit  dans   une  certaine  lan- 
gue en  caraderes  hiéroglyphiques  ;  parce 
que ,  félon  ces  auteurs  ,  les  caraderes  hié- 
roglyphiques   peignoient   les   chofes  ,    & 
non    des  mots.  L'auteur  de  l'efîài  fur  les 
hiéroglyphes  des  Egyptiens  ,  a  rétabli  la 
leçon  de  ce  pafTage  ,   &  fauve  par  -  là  la 
contradidion  :  il  a  dit  lettres  [acrée s  y  au 
lieu  de  caractères  hiéroglyphiques  ;  &:  il  a 
conclu    delà   que    toute   la  bizarrerie    du 
pafî'age   ne  devoit   plus  réfider   déformais 
que  dans  la  grande  antiquité  attribuée  au 
fait  :  car  les  lettres  alphabétiques   dont  il 
s'agit  ,  dit  cet  auteur  ,    furent   en  ufage 
afTtz  tard  parmi  les  Egyptiens  ;   &   une 
dialede  facrée  fut  introduite  encore  plus 
tard  parmi  eux.  Au  relie  ,  que  les  colon- 
nes de  Thoït  aient    pu   réfifler  aux    eaux 
du  déluge  ,    &   fubfifler  plufieurs  fiecles 
après  cet  événement  qui  changea  la  face 
entière  de  la  terre ,    Borrichius  le  prouve 
par  l'exemple   des    fameufes  colonnes   de 
Seth ,  <lont  une  refloit  encore  debout  dans 
la  terre   de  Seriad    au  temps    de   Jofeph 
qui  en  fait  mention  ,  liv.  I.  ch.  iij.  des 
antiq.  judaïq.    Quant    à    la    tradudion  > 
Borrichius  fe    croit  oMigé  d'avouer  qu'elle 
pourroit  bien  n'être  pas    du  fécond  Mer- 
cure >     père  de  Tat  ,    dont   la  naifîance 

précé<j|f» 


C  H  Y 

précéda^felon  lui ,  celle  de  la  langue  grec- 
que ;  mais  du  cinquième  Mercure  ,  ou 
du  dernier  de  Cicéron  ,  que  perfonne , 
ajoute  fièrement  Borrichius ,  ne  prouvera 
être  mort  avant  la  naiflànce  de  la  langue 
grecque  Un  Urlinus  ,  &  le  lavant  Con- 
ringius ,  beaucoup  plus  connu  que  le  pre- 
mier ,  s'étoient  déjà  élevés  contre  les  co- 
lonnes ,  &  avoient  jeté  des  doutes  lur  la 
bonne  foi  de  Manethon  :  auiîi  Borrichius 
fe  met- il  fort  en  colère  contre  ces  incré- 
dules ,  qu'il  traite  cependant  avec  une 
politefle  qui  n'écoitpas  commune- dans  les 
favans  de  ces  temps  ,  iur-tout  quand  ils 
avoient  tort.  Ceux  qui  feront  curieux  des 
détails  de  cette  difpute  importante  des  fa- 
vans que  nous  venons  de  citer,  &  qui 
prendront  quelque  intérêî:  aux  colonnes  de 
Téioïc ,  n'ont  qu'à  recourir  à  Borrichius, 
de  ortu  i!^  progrejDu  Cliymiœ  ,  &  au  traité 
d'Hermanus  Conringius ,  de  hermeticâ 
^gyptiorum  l'etere ,  6"  P ar ace l forum  no- 
va doclnnâ.  Au  refte  ,  ce  premier  Thoït^ 
ouïe  Mercure ante-diluvien  de  Manethon, 
pourroit  bien  être  le  Seth  de  l'Ecriture,  & 
l'hiftoire  ou  la  fable  des  colonnes  deThoït 
&  de  Seth ,  ne  regarder  qu'un  même  fait  : 
on  le  prendra  aufli,  fi  l'on  veut,  avec  le 
P.  Kircher  ,  pour  l'Enoch  de  l'Ecriture. 

Voilà  le  précis  des  preuves  fur  lefquelles 
on  établit  la  grande  ancienneté  de  la. C/iy- 
mie  :  il  eft  allez  indifférent  de  les  admet- 
tre ou  de  les  rejeter;  &  nous  n'en  parle- 
rions pas  davantage  ,  fi  elles  ne  nous  fug- 
géroienr  une  obfervation  plus  dans  notre 
^enre ,  &  plus  du  goût  général  de  notre 
liecle,  que  la  critique  hiitorique  que  nous 
en  ferions  :  c'eft  qu'il  faut  bien  diftinguer 
dans  tout  ce  qui  précède,  les  faits,  des 
indudions  ;  le  pofitif ,  du  raifonnement. 
Convenons ,  avec  Borrichius,  qu'on  a  tra- 
vaillé les  métaux  avant  le  déluge  ;  mais 
n'allons  pas  en  conclure  que  ces  premiers 
métallurgiftes  fuflènt  des  chymiftes.  Le 
panijicium  eft  certainement  du  relfortde 
Ja  Ciiymie  ,  (  voye\  FERMENTATION  ;) 
la  cuiline  eft  une  efpece  de  Chymie  domel- 
tique  :  cependant  Adam  eût' été  plus  avan- 
-cé  dans  ces  arts  que  nos  meilleurs  boulan- 
gers &  que  nos  plus  parfaits  cuifiniers  , 
queiene  lui  donnerois  pas  le  titre  de  chy- 
mifie.  Rien  n'eft  plus  faux  que  toute  in- 
Tome  VIII. 


C  H  Y  .      .     41 

vention  foit  le  réfultat  d'une  vraie  fcierice; 
quelque  difpolîtion  que  nousayions  à  taire 
honneur  aux  favans  des  découvertes  utiles, 
nous  lbmn.es  forcés  de  convenir  qu'on  les 
doit  prefque  toutes  à  designorans  :  &  pour 
tirer  nos  exemples  de  la  Chymie  y  ce  n'eft 
point  un  chymifte  réfléchiftant  fcientifi- 
quement  fui  les  propriétés  des  corps,  qui 
a  découvert  la  Teinture  ,  la  Vénerie ,  la 
Poudre  à  canon,  le  Bleu  de  Pruflb,  l'imita- 
tion des  pierres  préeieufes,  ô'c.  ces  inven- 
tions nous  viennent  de  manœuvres  non 
chymiftes  ou  de  chymiftes  marœuvrans. 
Combien  d'autres  procédés  curieux  font 
dans  les  mains  de  (impies  ouvriers ,  &  ref- 
teront  peut-être  toujours  ignorés  des 
grands  maîtres.  Les  chymiftes  profonds , 
les  hommes  de  génie ,  font  écartés  par  une 
efpece  de  fatalité  de  toute  recherche  im- 
médiatement applicable  aux  arts  utiles;  la 
chaîne  fcientifiquedes  vérités  les  entraîne 
à  leur  infu  :  occupés  à  en  rapprocher  les 
chaînons  ,  ils  reftent  indifférens  &  froids 
furies  objets  moins  intelltduels,  &  furies 
recherches  ifolées;  &  ce  font  ces  recher- 
ches qui  produifent  des  arts:  elles  demeu- 
rent en  partage  à  des  têtes  heureufement 
étroites ,  que  le  fenfible  feul  touche  &  fa- 
tisfait.  Le  tranfcendant ,  le  curieux,  l'ou- 
tré, le  fubîime,  l'abus  de  la  fcience,  en 
un  mot,  eft  feul  capable  de  fatisfaire  le 
goût  malade  de  ces  génies  prefque  fupé- 
rieurs  à  1  humanité  :  tant  pis  fans  doute 
pour  une  fociété  d'hommes,  tant  pis  mê- 
me pour  leur  propre  bonheur  ;"  mais  quoi 
qu'il  en  foit ,  le  fait  eft  tel ,  &  l'expérience 
eft  pour  moi. 

Ce  quiconftate^  félon  les  hiftoriensde 
la  Chymie^  le  renouvellement  ou  plutôt  la 
naiflancede  la  Chymie  peu  de  temps  après 
le  déluge,  c'eft  qu'on  trouve  dès-lors  des 
arts  chymiques  exiftans  ;  qu'il  eft  parlé 
dans  quelques  auteurs  de  l'art  de  tranfmuer 
les  métaux  ;  que  d'autres  en  ont  écrit  ex- 
preffément;  &  qu'on  apperçoit  dans  plu- 
fieurs  ouvrages  des  veftiges  épars  descon- 
noiftànces  alchymiques. 

La  Métallurgie  a  été  exercée  dans  les 
temps  les  plus  reculés,  ce  fait  eft  sûr;  les 
monumens  hiftoriques  les  plus  anciens 
parlent  de  cet  art ,  &:  d'arts  qui  le  fuppo- 
fent  ;  l'ancienneté  de  l'ufage  des  remèdes» 

F 


4i  C  II  Y 

tirés  des  Tubilances  métalliques,  eft  mani- 
fefle  par  les  écrits  d'Hippocrate ,  deDiû(^ 
coride  ^  de  Pline ,  ùc.  Les  chroniques  des 
mines  d'Allemagne  en  font  remonter  les 
premiers  travaux  jufqu'aux  temps  fabu- 
leux. Les  mines  des  pays  du  Nord  paroif- 
fent  encore  plus  anciennes,  à  en  juger  par 
l'idiome  de  l'art ,  dont  les  mots  employés 
aujourd'hui    par  les  Mérallurgiftes  alle- 
mans,  font  tirés  des  anciennes  langues  du 
Nord.  D'ailleurs  les  peuples  du  Nord  ha- 
bitant des  contrées  peu  propres  à  l'agri- 
culture ,  il  étoit  naturel  qu'ils  fe  tournaf- 
lent  de  bonne  heure  du  coté  à^s  mines  ; 
c'eft  une  obfervation  de  l'auteur  de  l'ef- 
prit  des  loix.  L'art  des  embaumemens,  qui 
eft  certainement  trés-chymique ,  exifte 
chez  les  Egyptiens  dès  l'antiquité  la  plus 
reculée.  Agatarchis  &  Diodore  de  Sicile 
parlent  de  leurs  mines.   La  Zimothecnie 
^anaire  ù  vinaire ,  ou  les  arts  de  faire  du 
pain  avec  de  la  pâte  levée  ,  &  de  mettre 
€n  fermentation  les  fucs  doux  ,  font  des 
temps  qui  fuivent  immédiatement  le  dé- 
luge. Les  arts  de  la  Teinture ,  de  la  Ver- 
rerie ,  celui  de  préparer  les  couleurs  pour 
la  Peinture,  &  raéme  d'en  compofer  d'ar- 
tificielles ,  tel  que  le  bleu  faûice  d'Egypte 
dont  il  eft  parlé  dans  Théophrafte  ^  font 
très-anciens.  Il  en  eft  de  même  de  la  con- 
noiftance  des  mordans.  Voici  à  ce  fujet  un 
pafïàge  de  Pline  qui  eft  très-remarquable  : 
Pingunt  6"  rejies  in  Egypte  inter  pauca 
mirabili  génère  ,  candida  vêla  pqftquam 
attrivere  illinentes  y  non  colorihus^Jedco- 
lorem  forbentibus  medicamentis.  Hoc  y 
cîim  fecere  y  non  apparet  in  velis  ;  fed  in 
coninam  pigmenti  ferventis  merfa  pofi 
momemum  extrahuntur piBa  :  mirumque 
cîimfit  unus  in  cortinâ  colory  exillo  alius 
atque  alius  fit  in  vefie  accipiends  y  medi- 
camenti  qualitate  mutatus;  ncc  poftèâ  ab~ 
lui  poteft,  Ità  cortina  non  dubiè  confufura 
coloresyfipicios  acciptretydigericex  uno, 
pingitque  dum  coquit  :  &  adujîce  veftes  , 
firmions  fiuntquàmfi  non  i/r^rf /imr.Pline, 
nat.  hift.  lib.  XXXV.  cap.  xj.  Il  eft  auffi 
fait  mention  dans  les  plus  anciens  auteurs 
d'opérations  halotechniques.  Ariftotedit 
cjue  l'extraûion  des  fels  de  cendres  eft  en 
wfage  parmi  les  payfans  de  l'Ombrie  ;  & 
y  arron ,  chez  certains  peup^s  des  bord^  du 


C  H  Y 

Rhin.  Pline  parle  d'un  verre  malléable 
offert  à  Néron.  Le  même  auteur  décrit 
aftez  bien  la  manière  de  retirer  l'or  & 
l'argent  des  vieux  habits  par  le  moye'n  de 
lamalgame.  Cette  opération  a  été  décrite 
auffi  par  Vitruve  ,  &c. 

Mais  nous  ferons  fur  ces  preuves  du  re- 
nouvellement de  la  ChymiâylQs  mêmes  ré' 
flexions  que  nous  avons  faites  fur  celle  de 
fon  exiftence  avant  le  déluge  ;  nous  dirons 
que  ces  arts  ne  fuppofent  pas  la  fcience. 
La  théorie  de  la  Teinture  eft  bien  pofté- 
rieure  à  l'art.  Onfondoit  les  métaux  à  tra- 
vers les  charbons  ,  long-temps  avant  que 
Stahl  donnât  l'admirable  théorie  de  cette 
opération.  Ce  n'eft  pas  d'après  les  princi- 
pes de  fon  excellente  \imotechnie ,  qu'on  a 
fait  le  premier  vin.  Ces  fpéculations^quand 
elles  font  juftes ,  peuvent  fournir  des  vi||s 
pour  perfedionner  les  arts ,  &  les  étendre 
à  un  plus  grand  nombf  e  d'objets.  On  cor- 
rigera les  vins  ;  on  fongera  à  mettre  en 
fermentation  des    fubftances  nouvelles. 
Mais  quant  à  l'invention  direûe  &  fyfté- 
matique  des  arts,  de  ceux  fur-tout  qu'on 
peut  regarder  comme  chefs  ,  loin  de  con- 
venir qu'elle  foit  due  aux  fciences  ,  c'eft 
une  queftion  de  favoir  ft  elle  peut  l'être. 
Mais  en  attendant  qu'on  la  décide  ,  nous 
pouvons  affurer  qu'elles  ont  paru  tard;& 
qu'il  y  avoit  des  arts  depuis  long-temps  , 
lorfque  les  progrès  de  la  raifon,  ou  peut- 
être  les  premières  erreurs  de  l'efprit  com- 
binées ,  ont  donné  naiftànce  aux  fciences. 
Quant  à  l'art  de  tranfmuer  les  métaux, 
ou  à  r Alchymie,  on  peut  le  regarder  com- 
me  ayant  toujours  été    accompagné    d« 
fcience ,  &  ne  pas  féparer  le  fyftêmede  la 
pratique  alchymique.  Le  titre  de  philofo- 
phe,defage,  ambitionné  en  tout  temps 
par  les  chercheurs  de  la  pierre  divine  ;  le 
fecret ,  l'étude  ,  la  manie  d'écrire ,  ùc. 
tout  cela  annonce  les  favans  ,  les  gens  â 
théorie.  Les  plus  anciens  livres  alchymi- 
ques  de  quelque  authenticité,contiennen£ 
une  théorie  commune  à  la  Chymie  fecrete 
ou  Alchymie ,  &:  à  la  Chymie  pofitive  ;  & 
quelque  frivole  qtf'on  la  fuppofe  ,  elle  n'a 
pu  naître  que  chez  des  favans ,  des  philo- 
fophes ,  àes  raifonneurs ,    Oc. 

Que  TAlchymie  doive  fa  naiflance  à 
1  E>jypre,  cee  na-w  coranxis  dsifciea- 


CHY 

ces  ,  &  qu'elle  ait  été  cultivée  parles  hié- 
rophantes ou  prêtres  de  la  nation  ;  c'eft  un 
fait  qu'on  avoue  unanimement.  En  voici 
les  preuves  les  plus  fortes:  i''.  L'étymolo- 
;gie  la  plus  naturelle  du  mot  Chymie  ,  eft 
tirée  de  celui  que  PEgypte  portoit  en  lan- 
gue facrée,  C/iem/a,  félon  Pîiitarque.  Des 
commentateurs  prétendent  à  la  vérité  qu'il 
faut  dire  Chamidy  terre  de  Cham,  premier 
—fils  de  Noé  ,  qui  s'établit  dans  cette  con- 
trée après  le  déluge  ;  &  les  Septante  l'ap- 
pellent. C/iarn  ,  (pf'il  lO).)  du  mot  hcbreu 
kam  :  mais  on  lit  dans  Bochart ,  que  les 
Cophtes   l'appellent   encore  aujourd'hui 
Chemi.   iS.  Les  écrivains  les  plus  anciens 
que  nous  ayons  fur  la  Chymie^  font  origi- 
naires d'Egypte;  tels  que  Zofîme  de  Chem- 
nis  ou  Panopolis ,  Diofcorus  ,  Comarius  , 
Olimpiodore,  Etienne,  Sinefius,  &  autres 
dont  nous  parlerons  ailleurs.  3^.  La  maniè- 
re dont  on  a  écrit  de  la  Chymie^  totafcri- 
bendi  &  docendi  ratio .,  eft  entièrement 
dans  le  goût  égyptien  ;  c'eft  une  didion 
tout-à-fait  étrange  &  éloignée  du  tour  ordi- 
naire ,  un  ftyle  énigmatique  &  annonçant 
par-tout  des  myfteres  facrés  ;   ce  font  des 
caraderes  hyéroglyphiques  ,   des  images 
bizarres ,  des  fignes  ignorés  ,  &  une  façon 
de  dogmatilër  tout-à-fait  occulte  :  or  per- 
fonne  ne  parte  pour  avoir  gardé  plus  fcru- 
puleufement  cette  circonfpedion  que  les 
Egyptiens.  Ces  peuples  fe  font  plus  parti- 
culièrement à  envelopper  leurs  connoif- 
fances  dans  des  voiles  ténébreux  ;  &  c'eft 
-delà  qu'ils  ont  pafte  dans  les  ouvrages  des 
Chymiftes.  L'ufage  des  anciens  auteurs  de 
Ctiymie  d*apoftropher  le  ledeur  cornme 
fon  propre  enfant ,  jili  mi  ,  a  bien  l'air  de 
venir  d'Egypte  ,  où  les  fcicnces  ne  fe 
tranfmcttoient  que  des  pères  aux  enfans. 

Mais  quand  il  feroitplus  clairement  dé- 
montré que  l'Egypte  a  été  le  berceau  delà 
Chymie ,  il  n'en  feroit  pas  plus  facile  de 
fixer  la  date  de  fa  naiftance.  L'adoption 
générale  chez  tous  les  Chymiftes  ,  d'Her- 
mès pour  l'inventeur  &  le  père  de  la  Chy- 
mie ,  eft  tout-à-fait  gratuite.  L'exiftence 
même  d'un  Hermès  égyptien,  n'eft  pasen- 
cpre  bien  tirée  au  clair  :  il  y  a  eu  en  Egypte 
dix  à  douze  Taut ,  Thor  ,  Theut ,  Thoyt, 
Thout  :  pour  toi>  ces  noms ,  les  Phéni- 
ciens li'en  avoient  qu'ui»  ,  Taaut  i   les 


CHY  41 

Grec«,  quiîermès  ;  ceux  d'Alexandrie,  que 
Thoor  ;  les  Latins,  que  Mercure  ;  les  Gau- 
lois ,  que  Teautates,  qui  tire  fon  origine 
de  l'égyptien  Taautes  ,  qui  étoit  très-évi- 
demment Hermès  ou  Mercure  :  car  ftloi\ 
Cfclar,  Bell.  gai.  lib.  VU.  les  druides  des 
Gaulois  deum  maxime  Mercurium  coluntf 
hune  omnium  artium  autoremferunt.  Les 
Rabbins  l'appellent  Adris  y  les  Arabes 
Idrisy  un  certain  arabe  Johanithon,  &i\Qs 
Barbares  ,  (  ainfi  qualifiés  par  un  rabbin,  ) 
Murcolis.  Kircher  fort  en  peine  du  nom 
à^Idris  ,  a  découvert  enfin  dans  l'arabe 
Abenephi  que  c'étoit  le  même  qu'Ofiris  , 
que  les  Perfes  appellent  Adras.  Nous 
avons  parlé  plus  haut  d'Agothodemon. 

Ce  n'eft  rien  que  la  confufion  de  ces 
noms ,  en  comparaifon  de  celle  qui  naîd 
de  la  multiplicité  des  perfonnes auxquelles 
ils  ont  été  appliqués.  Sanchoniathon 
compte  deux  Taaut  ou  Hermès  ;  la  plupart 
des  anciens  mythologiftes  y  trois  ;  quel- 
ques-uns quatre  ;  &  Cicéroncinq.  Kircher 
obferve  ,  d'après  plufieurs  auteurs  grecs  , 
juifs  &  arabes  ,  qu'un  très- ancien  Her- 
mès ,  qu'il  regarde  comme  l'Enoch  fils  de 
Jared  de  la  Genefe  ,  s'étant  illuftré  parmi 
les  hommes  ,  .ceux  de  fes  fucceffeurs  qui 
ambitionnèrent  la  réputation  de  réforma- 
teurs ,  d'inventeurs ,  de  légillateurs ,  ^c. 
prirent  tous  fon  nom  ,  &  fe  firent  appel- 
îer  Hermès  trois  fois  grand  ,  trifmégijie  ; 
&  que  Zoroaftre  ,  Ofirb  &  d'autres ,  fu- 
rent tentés  de  ce  titre. 

Les  Chymiftes  fe  font  généreufement 
départis  de  ce  premier  Hermès  ,  placé 
avant  le  déluge  par  ceux  qui  le  métaraor- 
phofent  en  Enoch  ;  &  après  le  déluge  , 
par  Sanchoniathon  &  quelques  autres. 
L'auteur  de  Va/clepius,  qu'on  attribue  à  un 
Mercure  poftérieur  à  cet  Hermès ,  recon- 
noît  lui-même  qu'il  a  eu  un  aïeul  plus 
grand  que  lui ,  confilii  pater  y  omniumque 
dux  ;  c'eft  cet  aïeul ,  ce  premier  Hermès 
dont  il  n'étoit  pas  permis  de  prononcer  le 
nom  facré  ,  quem  nef  as  erat  nominare.  Le 
vrai  trifraégifte  des  Chymiftes  n'eft  poiïiC 
cet  ineffable  ;  ils  fe  font  rabattus  fur  un  des 
féconds  Mercures,  &  ils  ont  eu  beau  cham^ 
à  le  rendre  phénicien  avec  Sanchonia- 
thon ,  Phi  Ion  ,  Eufebe ,  &  P»i,  de  Four- 
mont  \  égyptien  avec  Diodore  de  Sicile  | 

Fi 


44  .      C  W  Y     . 

Strabon  ,  Kircher ,  Borrichius ,  ^c.  greô 
avec  Cicéron ,  dont  il  fera  le  cinquième, 
ou  celui  qui  tua  Argus  ,  avec  tous  les 
Mythologiltes  grecs  ,  &  la  plupart  des 
rnychologiiles  modernes  qui  en  ont  bien 
plus  difcouru  que  d'aucun  autre  ,  quoique 
grâce  à  l'habitude  qu'avoient  les  Grecs  de 
voler  à  leurs  voilins  leurs  héros  ,  il  foit  le 
moins  réel  de  tous  ;  &  enfin  latin  avec  la 
chronique  d'Alexandrie  :  dans  ce  dernier 
cas,  il  s'appellera  Janus.  Us  ne  fe  font  pas 
trouvés  moins  à  leur  aife  fur  les  qualités 
dont  il  pouvoit  leur  convenir  de  le  déco- 
rer :  il  n'a  tenu  qu'à  eux  d'en  faire  un  roi 
d'Egypte  ;  puis  un  dieu  du  même  pays ,  un 
miniftre  ,  un  confeiller  intime  ou  facré 
d'Ofuis  ;  Oiiris  même  ,  un  pédagogue 
d'ifis ,  un  Sii>hoas  prince  poftérieur  ;  Cha- 
naan  très-antérieur;  Zoroailre  que  Kir- 
cher prend  pour  Cham  ,  &  Borrichius 
pour  Mifraïm  ,  le  même  que  le  fécond 
Vulcain  ,  le  Vulcain  égyptien  d  après  le 
déluge  ;  Eliézer  intendant  d'Abraham  , 
avec  M.  de  Fourraont,  (car  le  Chronos  ou 
Saturne  de  Sanchoniathon  étant  évidem- 
ment Abraham,  félon  M.  deFourmont , 
il  eft  clair  que  le  fécond  Mercure  ou  le 
Mercure  de  ce  Sanchoniathon  ,  eft  Elié- 
zer, )  un  Melchifedech  roi  de  Salem  ,  de 
la  famille  de  Chanaan  ;  Jerhro  beau-pere 
de  Moïfe  :  Moïie  même  ;  quoique  Con- 
ringius  dife  qu'on  ne  fait  (i  ce  Mercure  fut 
un  homme  ou  un  diable  ,  ce  qui  met  en 
fureur  Borrichius.  Quelle  fource  dedifler- 
tations  !  il  y  a  là  de  quoi  occuper  la  vie  de 
dix  mille  littérateurs,  &  de  quoi  fournir 
im  ample fujet  à  lexclamation philofophi- 
que  :  O  curas  hominum  !  &:c.  Mais  les  rê- 
veries du  philofophe  feront-elles  plus  ef- 
fentiellesaux  yeux  du  littérateur  ?  hélas  , 
Jion  !  Iiu'icem  prcvbemus  crurafagittis;  & 
nous  prêtons  le  flanc  de  bonne  grâce:  per- 
fuadés  que  s'il  peut  y  avoir  quelque  frivo- 
lité dans  nos  occupations,  elles  n'en  feront 
pas  moins  philofophiques  pour  cela ,  pour- 
xw  que  nous  fâchions  les  eftimer  nous- 
mêmes  leur  jufte  valeur.  D'ailleurs  la  mi- 
nutie de  l'objet  n'ôte  rien  à  la  fa^acité  de 
celui  qui  s'en  occupe.  Celui  qui  fatisfait 
à  une  queftion  très-obfcure  &  très-fuper- 
flue  ,  a  montré  une  force  de  génie  qui  efl 
jjn  DKH  abfolu  ;   &  cette  confidération 


C  H  Y 

doîtpaffer  fans  doute  avant  cellede  notre 
petit  intérêt ,  dans  le  jugement  que  nous 
portons  fur  le  mérite  des  hommes. 

Mais  il  eft  toujours  fort  plaifantdevoir 
nos  chymiftes  antiquaires  s'abimer  dans 
des  difculhons  ,  &  chercher  parmi  tous 
ces  vrais  ou  faux  Hermès  un  inventeur  à 
la  Chymie  i  tandis  que  de  tous  les  anciens 
écrivains ,  à  l'exception  de  l'auteur  de  la 
chronique  d'Alexandrie,  qui  attribue  à  fon 
Mercure  1  honneur  d'avoir  découvert  l'or 
&  d'avoir  fu  le  travailler,  il  n'y  en  a  pas 
un  qui  ait  parlé  de  fon  Hermès  comme 
d'un  chymirte.  Sanchoniathon  n'en  die 
pas  un  mot.  Diodore  de  Sicile  ,  c  ui  s'efl 
tort  étendu  fur  les  connoifTances  d  Her- 
mès ,  ne  parle  point  de  cityràe.  Rien  ne 
feroit  donc  plus  gratuit  que  l'honneur  que 
nous  lui  ferions  de  l'agréer  pour  premier 
patron.  Il  n'y  a  point  de  fcience  à  laquelle 
il  n'ait  beaucoup  plus  de  droit  de  donner 
fon  nom.  C'efl"  à  propos  de  lien  que  notre 
art  s'eft  appelle  Xart  hermétique.  Pour 
trouver  des  titres  au  fécond  Hermès,  Bor- 
richius emploie  le  fecret  avec  lequel  il  en 
cherchoitp.u  premier.  Rencontre-t-il  quel- 
que part  qu'Hermès  a  inventé  les  arts  &  les 
fciences  ,  &  qu'il  a  procuré  aux  hommes 
des  connoidànces miles?  &  pas  conféquent 
la  Ciiymie  ,  ajoute- t-il  :  puis  il  fe  met  à 
quereller  d'avance  tous  ceuxquipourroient 
avoir  du  doute  fur  la  folidité  de  cette  con- 
féquence.  Cependant ,  n'en  déplaife  à  Bor- 
richius ,  la  vérité  eft  que  ce  Mercure ,  quel 
qu'il  foit ,  ne  nous  appartient  pas  plus  qu'à 
aucune  autre  fcience,  &  que  nous  l'aban- 
donnons à  quiconque  en  fera  rente.  La  fa- 
hle  d'érnerdade,  Xafcleptus^  \q pœmandcr 
en  quatorze  chapitres, qui  font  autant  d'ou- 
vrages différens  ;  le  Mineri^a  mundi)  Vlu' 
Lromatkematici  ,  les  fept  chapitres  de  la- 
pidis  pnilofopnici  ou p,'iy /ici  fecretOy  im- 
primé dans  le  tneatrum  cnymicum  ,  ont 
beau  porter  fon  nom  ,  on  convient  afîez 
généralement  aujourd'hui  qu'ils  ont  été 
forgés  les  uns  plutôt,  les  autres  plus  tard, 
àc  qu'aucun  de  ces  livres  n'eît  antérieur 
aux  premiers  fiecles  du  ChriiHanifme. 
Ceux  qui  font  mention  de  la  Cnymie  foss 
le  nom  de  x'/j»'] .'«.«,  font  même  les  moins 
anciens.  V^oye\  là-de^Tus  les  aup.  iy.  *', 
l'j.  de  la  favante  difïertation  de  Conrin- 


CHY 

gius  far  la  médecine  hermétique  ancii^n- 
ne  &  moderne.  Cet  auteur  a  tiès-bien  ce'- 
montré  la  fuppofition ,  le  caractère  &  les 
dates  :  rien  n'eil  plus  vraifemblable  que 
les  conjeclures  par  lefquellesil  prouve  que 
l'un  a  été  écrit  par  un  platonicien ,  l'au- 
tre par  un  chrétien ,  celui-là  par  un  femi- 
chiétien,  celui-ci  parunfemi-platonicien. 
Au  refta ,  qu'on  s'en  rapporte  à  l'incrédule 
(]onringius,  ou  au  crédule  Borrichius,  il 
n'y  a  rien  à  tirer  de  ces  ouvrages  ni  pour 
laPhyfique,  nipourlaC^j'w/^.  Quant  aux 
36525  livres ,  qui  font  attribués  à  Hermès 
par  Jamblique,  qu'Urfinus  littérateur  al- 
lemand &  homme  qui  croit  peu  aux  fa- 
vans  très-anciens ,  traite  peu  poliment  de 
menteur  impudent,  foit  qu'on  prenne  ces 
livres  pour  des  verfets  ou  pour  des  apho- 
rifmes ,  comme  l'explique  Bochart ,  il  n'e^, 
eU  rien  parvenu  jufqu'à  nous  que  le  renom 
dans  quelques  auteurs  affez  anciens ,  & 
fur-tout  dans  Clément  d'Alexandrie  qui  en 
donne  les  titres ,  &  qui  les  réduit  à  qua- 
rante-deux ;  ce  qui  n'empêche  pas  Conrin- 
gius  d'en  avoir  toute  aulîi  mauvaife  opi- 
nion que  de  ceux  qui  nous  relient.  Mais 
nous  favons ,  pour  la  confolation  des  chy- 
mifres  ,  qu'aucun  ne  traitoit  des  chofes 
chymiques ,  à  moins  qu'on  ne  prétende  que 
des  fjx  livres  fur  la  médecine ,  le  quatriè- 
me où  il  étoit  parlé  des  remèdes ,  ne  con- 
tînt des  procédés  chymiques. 

Le  minerpa  mundi  queConringius  trou- 
ve ,  quoique  fuppofé  ^f rugis  ccgypùacœ  ve- 
teris fané  plenus  ,  attribue  l'mvention  de 
la  Cnymie  à  Afclepiusfilsd'Imuîh  ;  &  c'eft 
apparemment  en  vénération  de  la  profon- 
de fcience  de  cette  Imuth  inconnue  ,  & 
en  reconnoifTance  des  grands  avantages 
dont  la  C/zy/72/V  a  gratifié  le  genre  humain , 
queZozime  le  Grand  a  décoré  fon  livre 
far  la  Cnymie  du  nom  ^ Imuth. 

C'eft  dans  le  Mineri^a  mundi  que  la 
Ciiymie  eft  appellée  ttoihIikh  ;  ce  qui  peut 
avoir  donné  lieu  aux  anciens  chymiftes  , 
aux  premiers  philofophes  ou  adeptes ,  de 
s'appeller  K'x.r''i^îyj,T>  yroinlctiy  ouvriers  par 
excellence  ;  &  de  donner  à  leur  art ,  ainfi 
que  le  favantifïime  Xhom^s  Reinefius 
iious  l'afTure ,  variaram  lecl.  l.  II.  c.  v.  le 
nom  de  -my^o-iç  ,  que  Kircher  a  traduit  lit- 
téralement '^zTpo'éfiei  mais  nous  ne  te- 


C  H  Y  ^      45 

nons  pas  tellement  à  cette  qualité  ,  que 
nous  ne  puiifions  la  céder  aux  Poètes  fans 
coup  férir.  Si  la  Ciiymie  perd  le  nom  d'arf 
par  excellence  ,  elle  trouvera  de  quoi  s'en 
dédommager  dans  un  autre  qui  lui  a  été 
donné  dès  les  commencemens,  &  qu'elle 
mérite  bien  de  conferver ,  celui  dTspaf 
;^\  /myAKtji  Ti)yj>\?  ,  d'arf  grand  & 
facré. 

Les  prétendus  veftiges  de  chymie  ,  ap- 
perçus  dans  les  ouvrages  de  Moïfe  &  de 
quelques  philofophes  &  poètes  grecs  qui 
avoient  voyagé  en  Egypte ,  ou  qui  avoient 
du  moins  vécu  avec  des  voyageurs  revenus 
de  ce  pays  ,  font  tels  que  pour  y  voir  notre 
art  _,  il  faut  y  être  bien  réfolu  avant  que 
de  les  ouvrir.  Ce  fait  de  calcination  du 
veau  d'or ,  par  Moïfe,  qui  a  donné  lieu  à 
une  diflertation  de  Stahl  ,  où  la  partie 
critique  n'a  fervi  que  de  prétexte  à  la  par- 
tie phyfique  ,  ne  prouve  nullement  que 
Moïfe  fût  chymifte  ;  une  limple  connoif- 
fance  ou  fecret  d'ouvrier  fuffifoit  pour 
l'exécuter.Cependant  Borrichius  apperçoit 
àQs  traces  très-évidentes  de  chymie  dans 
Orphée  ,  Homère  ,  Héfiode  ,  Pindare  , 
Sapho,  Kippocrate,  &  Platon.  Ctlui-ci , 
dit-il  ,  n'a  pas  ignoré  le  grand  principe 
de  l'art ,  conccrs  concordi  adhixret  ,  dif- 
cordia  rebellant.  Il  trouve  dans  cette  fen- 
tence  du  Banquet  le  fondement  folide  de 
toute  la  dodrme  chymique  ,  &  la  théorie 
de  toutes  fes  opérations,  o\uoiov  0 f^ai et 
ctit  'TTihci^ii  ,  les  femblables  s'approchent 
toujours  des  femblxbles  ;  la  bafe  de  l'art 
le  trouve  encore  ,  félon  lui ,  dans  cette 
autre  fentence  apportée  par  Démocrite 
d  Egypte  ,  où  elle  étoit  gravée  dans  le 
fanduaire  de  Memphis  ,  «  ipyV/f  Tn  <pu(rn 
riç'Tz-t'ia.i ,  lu  nature  aime  la  nature  j  9  (p-Scrti 
T«V  (pjo-tv  viKA  ,  Il  nature  furmonte  la 
njture  ;  n  (p-Jcri^  v.'i'  (pJcnv  Kpcinty  la  na^ 
tu:e  commxnde  à  la  nature.  Il  jureroit  fur 
la  foi  de  Michel  Pfellus,  que  Démocrite 
d'Abdere  fut  initié  aux  myiî:eres  égyptier  s 
avec  les  autres  prêtres,  par  le  grand  Of- 
thanes ,  &  que  les  ouvrages  qu'il  compofd 
fur  la  teinture  du  foleil  &  de  la  lune  ,  ftr 
les  pierres  précieufes  &  fur  la  pourpre  , 
ont  été  le  fruit  de  cette  initiation.  Diogene 
Laerce  ,  qui  nous  a  laifTé  une  li^e  qui  pa- 
roît  exaéle  des  ouvrages  de  Démocrite  , 


4(5  cnY   ^ 

ne  dit  pas  un  mot  des  précedens  ;  mais 
n'importe  ,  Borrichtus  a  pour  lui  Diodo- 
re  de  Sicile  &  Pfellus.  On  croit ,  dit 
Diodore  de  Sicile ,  que  pendant  les  cinq 
ans  que  Démocrite  pallà  en  Egypte  ,  il 
y  profita  beaucoup  dans  l'aftrologie.  Ific 
ne  alLucinemur ,  dit  Borrichius  ,  à  pro- 
pos d^  ce  pafTige ,  intuendam  AJirologiam 
jamolim diiplicemjaijfe fiiperiorem  ilUm 
exfiellarum  cceleftium  deportatis  in  terras 
radiis  penfant;  inferiorum  autem  ex  luctrt- 
tibas  illis  magnœ  matris  telluris  fyderi- 
hiis ,  hoç  ejl  yfplendidis  memllorumglebis 
derivatam.  Et  hoç  efiquod  modo  ex  Ffello 
ohfevatum  nobis,  Democritumfcripjrlfe  de 
tinclura  folis  à  lunje  y  idejiy  ut  expref- 
Jîori  nomen  elatum  reddam  defubtili  co- 
loratoqiie  ex  au.ro  argentoque  liquore.  Et  , 
pour  achever  ce  tableau  de  la  logique  de 
Borrichius  &  des  littérateurs ,  il  déduit  de- 
là l'ancienneté  de  l'ufagedes  mêmes  noms 
pour  les  planètes  &  pour  les  métaux  ;  in- 
dudion  au  fecours  de  laquelle  il  appelle 
&  les  myfteres  de  Mitra  ,  rapportés  par 
Celfe  chez  Origene  ,  &  Philoftrate  ,  qui 
raconte  qu'AppolIonius  de  Thiare  ayant 
philofophé  fecrétement  avec  le  Brachmane 
larchas ,  en  reçut  en  préfent  fept  anneaux , 
fieîlarurn  feptem  nomimbus  inf^nitos  , 
qu'il  mettoitfi  Tes  doigts  félon  les  jours  de 
Ja  femaine ,  &  que  Borrichius  afl'ure  ,  de 
fonchef,  avoir  été  faits  de  divers  métaux, 
qui  portent  aujourd'hui  les  noms  de  planè- 
tes, &  Platon  &  Manilius,  ^c. 

Borrichius  finit  cette  difcuilion  fur  la 
Chymie  des  anciens  Grecs  par  un  aveu  qui 
n'eft  point  de  tout  à  fa  manière ,  &  qui  lui 
a  échappé  je  ne  fais  comment.  Il  croit  que 
}es  anciens  Grecs  ne  s'entendoient  pas  eiu:- 
mémes ,  &  qu'ayant  pris  à  la  lettre  ce  que 
les  Egyptiens  leur  avoient  délivré  fur  le  ton 
d'oracle  ,  ils  l'avoient  r«j^sndu  fans  y  rien 
comprendre  ;  il  lui  pa'oît  que  ces  Grecs 
libajfe  tantumartem  chymicam  ^non  hhu- 
Jiffe  yfipaucifjlmos  excipias;fed  quantum 
in  praxi  chymica  profecerit  yfve  Demo- 
€ritis^Jiye Homerusyfit  Pitagorasyfive 
Pindavusyfive  denique  primus  Orpheus, 
non  difputantibusy  contemi  infcriptis  eo- 
rumdem  manifejh{ce  nianifejia  eft  admira- 
i>Je  )  Chymidcfpfâare  vefiigia  ipfisforfan 
aueqri^Hs  ^14^^  ab  JEg)'ptiif  audierant  non 


,  C  H  Y 

fatis  quandoque  imelUcla.  Il  ne  ferolt  pas 
impoflible  abfolumentque  Borrichius  n'eût 
raifon;  le  foupçondu  merveilleux  fuffifoit 
pour  dét-erminer  les  poètes  grecs  à  orner 
leurs  compofitions  des  logogryphes  égyp- 
tiens :  ce  ^alimathias  une  fois  introduit 
dans  la  poélie  s'y  eft  perpétué  ;  telle  eft  peut- 
être  l'origine  du  rameau  d'or  deVirgile  qui 
a  l'air  très-chymique ,  qui  eft  chanté  d'un 
ton  très-chymique  ,  mais  où  le  poète  n'a 
apparemment  rien  entendu  de  tout  ce  que 
les  Borrichiens  y  voient. 

Au  refte ,  ces  oracles  chymiques  de  l'E- 
gypte ,  tranfmis  juîqu  à  nous  de  poètes 
en  poètes,  ne  forment  pas  une  tradition 
afièz  fûre  pour  prouver  feulement  que  la 
chymie  exiftâten  Egypte  au  temps  ou  Dio- 
dore de  Sicile ,  &  tous  ces  Grecs  dont  on 
ipouve  le  catalogue  dans  Diodore  de  Sici- 
le, y  voyagèrent.  Ni  cet  hiftorien  ,  ni 
Diofroride  fon  contemporin  ,  &  médecin 
de  la  fameufe  Cléopatre  ,  n'ont  rien  dit  de 
relatif  à  c^t  art.  Si  d'un  côté  ladiftblution 
affez  prompte  d'une  perle  confidérable  ne 
pouvant  s'exécuter  fans  un  menftrue  dent 
la  préparation  femble  fuppofer  des  con- 
noiftancesde  C/iy/7z/e pratique,  puifque  le 
vinaigre  n'opère  point  cette  diflblution  ; 
fi  cette  diflôlution  ,  dis  -  je  ,  fuppofée 
vraie ,  prouve  dans  Cléopatre  ou  dans  fon 
médecin  ,  quelque  progrès  dans  l'art  :  d'un 
autre  coté  ,  il  eft  difficile  de  comprendre 
comment  les  Romairs  fefont  rendus  maî- 
tres de  ces  contrées;&  comment  les  Grecs 
y  ont  voyagé  devant  &  après  cette  con- 
quête ,  fans  rien  rapporter  de  cet  art ,  & 
qu'ils  aient  même  ignoré  qu'il  y  exiftâr. 
Nous  pourrions  conclure  de-îà  que  la 
Chymie  n'étoit  pas  encore  enEgypte  ;  mais 
nous  laiftbns  ce  point  indécis.  Pour  en 
Grèce  ,  c'eft  un  fait  démontre  ;  car  il  n'en 
paroît  pas  l'ombre  dans  les  anciens  au* 
teurs ,  foit  médecins ,  foit  pharmacologif- 
tes  ,  tels  que  Théophrafte  ,  Diofcoride  , 
Galien  ,  ni  dans  ceux  du  moyen  âge  que 
nous  appelions  Medicince  principe  s. Qovn-' 
ment  un  art  qui  promettoit  tout  en  naiifant 
de  dévoiler  aux  hommes  les  fecrets  les  plus 
cachés  de  la  natu  e ,  auroit-il  pu  exiftcr  à 
l'infu  des  philofophes  ?  Comment  n'eft-i^ 
pas  arrivé  alors  ce  qui  eft  de  tous  les  temps, 
<Sc  cç  qui  fe  rtmarque  il  feniiblemçnç  dé 


C  H  Y 

nôtre,  que  l'oftentation  des  connoifTances 
n'en  ait  pas  répandu  quelques  mots  techni- 
ques attrapés  au  hafard  dans  les  compoii- 
tions  des  poètes  ,  des  orateurs,  des  roman- 
ciers? les  hommes  anciens  n'étoient-ils 
donc  pas  comme  ceux  d'aujourd'hui  ?  Les 
écrivains  n'employoient-ils  que  les  termes 
dont  ils  fentoient  toute  la  force  ?  Ne  cher- 
choic-on  point  le  relief  des  connoifTances, 
foie  réelles  ,  foit  apparentes?  Maiili  l'on 
ne  rencontre  dans  ces  temps  aucun  mot  de 
Chymle  bien  ou  mal  appliqué;  fi  ce  qui  fait 
dire  aujourd'hui  tant  de  fottifes  n'en  a 
point  fait  dire  plutôt  ;  s'il  n'y  a  pas  une 
expreflîon  chymique  ni  dans  Pline  ,  ni 
dans  Lucrèce  ,  ni  dans  Celfe ,  n'eft-ce  pas 
que  les  Romains  ont  dû  ignorer  ce  que 
les  Grecs  leurs  maîtres  ne  favoient  pas  en- 
core ?  Car  il  faut  compter  pour  rien  ce 
que  Pline  dit  de  l'or  que  Caligula  retira  de 
l'orpiment  ;  ce  peut  n'être  qu'une  opéra- 
tion de  Métallurgie  fur  un  orpiment  natif 
mêlé  avec  de  for. 

On  fonde  une  dernière  preuve  de  la 
Chymie  des  Egyptiens ,  fur  l'immenferi- 
chefTe  de  ces  peuples.  On  prétend  qu'ils  fe 
Tétoient  procurée  par  la  tranfmutation  des 
métaux  ,  par  l'œuvre  divin  ;  comme  s'il 
n'y  avoir  que  cette  voie  d'accumuler  des 
richedès  ,  &  que  l'extrême  difficulté  de 
cette  opération  ,  pour  ne  rien  dire  de  plus, 
ne  dut  point  entrer  dans  le  calcul  de  la 
certitude  d'un  fait  dont  l'authenticité  n'eft 
point  hiftorique.  L'anecdote  rapportée  par 
le  feul  Suidas  ,  que  Diociétien  fît  brûler 
tous  les  livres  de  Chymit  des  Egyptiens, 
parce  qu'ils  tiroientde  cet  art  des  moyens 
de  fe  révolter  ,  efl  de  l'invention  de  quel- 
que chymifle  du  temps ,  j  doux  de  l'origine 
de  fon  art ,  qu'il  ne  pouvoit  reculer  au- 
delà  du  règne  de  cet  emper^îur ,  fans  quel- 
que fuppofjtion  telle  que  celle  qu'on  nous 
cbjeâe.  Rien  nous  empêche  donc  de  pro- 
noncer que  les  antiquités  chymiques  font 
pleines  d'obfcurités  &  de  conjedures  j-uf- 
qu'au  commencement  du  quatrième  fie- 
cle  ;  qu'elles  n'offrent  aucun  monument 
important ,  &  que  le  nom  de  l'art  ne  fe 
trouve  dans  aucun  auteur. 

Julius  Maternus  Firmicus,  qui  écrivoit 
au  commencement  du  quatrième  fiecle  , 
ell  le  premier  qui  ait  fait  mention  exprei- 


e  H  Y  47 

fe  de  X^iChymU^  il  en  parle  comme  d'une 
chofe  connue  ,  Uh.  III.  de  fa  mathemat* 
{Alathefeosj)  encore  Boerhaav^cdoiite-t- 
il  de  1  intfcgiité  du  texce  dans  cer endroit. 
Sur  la  fin  du  même  fîecle ,  JEnea^  Ga- 
zeus  s'explique  clairement  ,  &  fur  l'exif- 
tence  de  l'art,  &  fur  l'objet  qu'il  avoir 
alors,  favoir  la  tranfmutation  des  métaux; 
ecium  apudnosy  dit-il,  qui  maceriœ péri- 
dam  habeiit^  argemum  t^fiaimum  capiunty 
acpriorefpecie  dbolitdyin  augujiius  ^prr- 
tioftus  coin'enUiu ,  aurumque  puîcherri" 
mum  conficiunt.  Il  ne  s'agit  pas  ici  du 
fait ,  qui  peut  être  faux,  mais  du  témoi* 
nage  qui  efl   vrai. 

11  y  a  dans  plufieurs  bibliothèques  de 
l'Europe  un  corps  d'ouvrages  chymiques, 
publiés  fous  les  noms  de  Platon ,  d'Arif- 
tote  ,  de  Mercure  ,  de  Jean  Pontife^  de 
Démocrite  ,  de  Zozime ,  d'Olimpiodore 
le  GratKl  ,  d'Etienne  le  phiîofophe  y  le 
Sophar  Perfs^ ,  de  Synefius  ,  de  Diofcorus 
prêtre  du  grand  Serapis  à  Alexandrie  , 
d'Hoflanés  appelle  VEgypden  ,  quoique 
fon  nom  foit  perfe  ,  dfe  Comarius  égyp^ 
tien  ,  de  Marie  ,  de  Cléopatre  ,  de  Por- 
phire  ,  de  Pebecius ,  de  JPelage  ,  d'Aga- 
thodemon  ,  de  l'empereur  Héraclius  y  de 
Théophrafle  ,  d'Archelaîis  ,  de  Petafius , 
de  Claudien  _,  de  Panferus ,  de  Sergius , 
de  Memnon  le  philofoohe,  ^c.  Il  eft  écrie 
en  note  à  la  fin  de  cette  lifte  ,.dans  lema- 
nufciit  de  la  bibliothèque  du  Roi  ;  Voilà 
les  maîtres  fameux  acuméniques  &  les 
nouveaux  interprètes  de  Platon  ^  d'Arif'* 
I  tote.  Pour  les  pays  dans  lefquels  en  vient 
à  bout  de  perjeclLonner  cet  œuvre  divin  ^ 
j  ce  font  VEgyp.e,  la  Thrace,  Vifiede  Chy* 
,  pre ^Alexandrie ^(3  le  temple  de  Memphis* 
\  Au  refle ,  ce  manufcrit  de  la  bibliothèque 
I  royale  eft  d'une  main  affez  moderne. 
Les  bibliographes  chymifles  comptent 
encore  entré  les  auteurs  œcuméniques  un 
Heliodore  ,  un  Anepigraphus  ,  un  Michel 
;  Pfellus,  un  Nicephore  Blemmidas ,  dont 
la  plupart  font  de  xj.  fîecles  ,  comme 
Pfellus  &  quelques-uns  même  plus  mo- 
dernes.  Maie  ils  mettent  à  leur  titQ  Moïfe 
&  Alexandre  le  Grand,  dont  ils  ont  des 
ouvrages.  Il  eft  vrai  qu'on  les  regarde  gé- 
néralement comme  des  produdions  mo- 
dernes attribuées  par  des  auteurs  inconnus 


48  C  H  Y 

aux  hommes  les  plus  illuftres  de  l'antiqui- 
té, tels  que  Démocrice,  AriftoteiScPiaton; 
Borrichius  lui-même  les  abandonne  com- 
me desreflourcesdela  ehailatannerie  àes 
aftrologues  _,  des  auteurs  de  magie  ,  des 
alchymilèes ,  pour  donner  du  lultre  &  de 
l'cmtiquiré  à  leurs  rêveries.  Le  fentiment 
des  littérateurs  les  plus  iages,  eft  que  ces 
écrits  ont  été  fabriqués  ew  dilFJrens  temps 
à  Alexandrie  &  à  Conltanrinopîe ,  par  des 
moines  6i.  autres  lavans ,  raliemblés  enfuite 
en  un  corps  &  portés  en  Italie,  d'où  ils 
ont  pafî'é  en  France ,  par  les  favans  qui 
fe  répandirent  dans  l'Europe  depuis  le 
commencement  du  '^v.  fiecle  jufqu'à  la 
prife  de  Conftantinople. 

Ceux  qu'on  peut  foupçonner  d'avoir 
réellement  écrit  les  ouvrages  qui  portent 
leur  nom  ,  tels  que  Synetius ,  Héliodore, 
iiteur  du  roman  de  Theagene  &  Cha- 
riclée  ,  où  l'on  trouve  une  defcription  du 
grand  œuvre  ,  &  quelques  autres,  font  au 
moins  poitérieurs  au  règne  de  Conftantin 
le  Grand  ,  &  la  plupart  plus  voilms  en- 
core de  nos  temps.  Au  refte ,  c'ell  de  I  al- 
chymie  pure  qu'on  trouve.danscesauteurs, 
i^  à  prerd:e  le  mot  même  d'aic/iymie  dans 
fa  plus  mauvaife  fignificarion.  N'ayons 
donc  aucun  regret  à  ce  qu'ils  foient  incon- 
nus &  enterres  /72a/iz//cT/fj  dan ^  les  biblio- 
thèques; le  petit  nombre  de  ces  écrits  inin- 
telligibles même  pour  les  philofophes  , 
qu'on  a  traduits  (mal  traduits)  &  impri- 
més ,  n'ont  fervi  de  rien ,  6c  il  n'en  a  été 
fait  mention  que  ad pompim ,  &  pour  le 
relief  de  férudition,  témoins  Boerhaave 
&  Agricola.  Le  premier  s'écrie  du  fécond, 
fiui  ne  fera  frappé  d'étonnement  ,  quis 
fdmperetab  admirutiorie,quQ  cet  auteurqui 
a  écrit  fon  admirable  ouvrage  de  re  me- 
tMicâ  ,  il  y  a  plus  de  deux  cents  ans ,  ait 
ieu  connoiffance  de  tous  ces  écrivains  ? 
Boerhaave  exalte  là  très-mal  adroitement 
I  érudition  d'Agricola.  Agricola  n'avoir 
jamais  vu  que  lalifte  de  leurs  noms,  non 
plus  que  Boerhaave  lui-même  ;  car  plu- 
lieurs  de  ces  auteurs  ont  écrit  en  ver5^ 
&  Agricola  dit   qu'ils  font  en  profe. 

Il  importoitde  réduire  ici  l'autorité  de 
Boerhaave  &d' Agricola  à  leurjuftevaleur, 
jie  fut-ce  que  pour  empêcher  que  fur  ces 
Ifrands  noms  quelque  littérateur,  Chymif- 


C  H  Y 

te  ou  non  ,  n'en  entreprît  une  traduélio» 
avec  note  &  comm.encaire  ,  projet  qu'eut 
autrefois  un  Léon  Allatius ,  qui  heureu- 
fement  étoit  trop  vieux  pour  l'exécuter, 
mais  dont  l'inexécution  n'en  a  pas  été 
moins  déplorée  par  plufieurs  philofuphes 
modernes. 

Voilà  ce  que  nous  avions  à  dire  fur  l'état 
auciendela  cuymie  ;  ceux  qui  trouveront 
que  nous  nous  fommes  trop  étendus,  & 
que  nous  nous  fommes  livrés  avec  excès  à 
cette  curioiité ,  dont  nous  avons  fuit  l'é- 
log'e  en  commençant  cette  hilloire,  peu- 
vent aifément  nous  abréger  ,  en  ne  lifant 
de  tout  ce  qui  précède  que  ce  qui  leur 
conviendra  :  s'il  y  en  a  au  contraire  qui 
penfent  malheureufement  pour  eux  que 
nous  avons  été  rrop  courts  ,  ils  peuvent 
voir  la  bibliothèque  grecque  de  Jean- 
Albert  Fabricius^  les  ouvrages  de Conrin- 
gius  &  celui  de  Borrichius  ,  que  nous 
avons  déjà  t2intc\tés,\Q confpeclus  fcripto- 
rum  Chymije  celebriorwn  du  dernier, & 
fa  dilTèrtation  contre  Conringius.  Ceqiift 
concerne  les  premiers  chymiftes  y  ell  trcs- 
dodement  &  très-prolixement  difcuté.  Au 
refte  ,  l'ennemileplus  déclaré  des  antiqui- 
tés chymiques ,  Conringius  convien»-  mal- 
gré qu'il  en  ait ,  que  cet  art  a  exillé  avant 
le  quatrième  liecie  ;  que  plufieurs  ouvra- 
ges qui  en  ont  été  écrit  peuvent  fe  rappor- 
ter au  moins  au  cinquième  ;  &  qu'il  fut 
enfuite  cultivé  par  les  Grecs  pendant  quel- 
ques liecles ,  jufqir'à  ce  que  les  lettres  & 
les  arts  celferent  chez  eux  par  la  prife  de 
Conftantinople,  l'an  14) 2  ou  53.  Et  nous 
ajouterons  à  cela  que  tout  ce  qu'il  y  a  à 
favoir  fur  ces  auteurs  grecs  ,  c'efl  qu'ils 
ont  éxifté,  &  que  la  chymie  a  été  cultivée  à 
Conflantinople  &  dans  les  provinces  de 
l'empire,  jufqu'à  la  prife  de  Conftantino- 
ple par  les  Turcs ,  qui  nous  fit  hériter ,  nous 
autres  occidentaux  y  des  fciences  &  ^os 
lettres  auparavant  plus  fioriftantes  dans  ce 
pays  que  chez  nous  :  d'ailleurs  on  n'y 
trouve  rien  qui  ait  pu  fervir  a  l'établifîe- 
ment  de  la  chymie  dogmatique  ,  raifon- 
née  ,  n  i  mcn>e  à  l'art  pratique.  Ce  ne  font 
pour  nous  que  des  artiftes  occupés  d'un 
objet  particulier  ,  (  de  la  tranfmutation 
des  métaux  ,  )  dont  nous  ignorons  &  la  ma- 
nière de  procéder  ,  &  les  inflrumens. 

G'efl 


C  H  Y 

CeÛ  cependant  chez  eux  que  s'efl  inf- 
truit  Geber,  dit  Arabe  ou  More  ,  apparem- 
ment parce  qu'il  a  écrit  en  arabe  ,  mais 
que  les  critiques  les  plus  éclairés  prétendent 
grec  ou  perlan ,  &  dont  quelques  auteurs 
ont  fait  un  roi.  Il  étoit  né  chrétien  ,  &  il 
iè  fit  enfuite  mahométan  ,  félon  Léon  Afri- 
cain. C'cil  ce  Geber  qui  a  porté  dans  le  viij 
ûeclelac/iymie  chez  les  Arabes,  dans  le  temps 
que  ceux-ci  adoptèrent  les  lettres  avec  le 
mahoraétifme  ,  un  liecle  après  Mahomet. 
Geber  eil  proprement  le  père  de  la  chymie 
écrite ,  le  premier  auteur ,  ou  plutôt  le  pre- 
mier coUedeur  (  car  tous  ces  premiers  au- 
teurs ne  font  que  coUcdeurs  )  des  dogmes 
chymiques ,  le  premier  qui  ait  rédigé  en  corps 
de  dodrine  ce  qu'on  favoit  avant  lui  :  il  ne 
fé  donne  lui-même  que  pour  un  rtdxcleur  ; 
&  \e  proemium  de  Çonfummaperfeclionls  , 
&c.  commence  ainii  :  Totam  noftram  fcien- 
tiam  quam  ex  diclis  antiquorum  abbrei'iai'i- 
mus  compilatione  diverfa  in  nojîris  volumi- 
nibus  y   Sec. 

Mais  il  a  tout  le  frappant  de  ces  inventeurs- 
colledeurs.  La  fin  alchymiqueà  laquelle  il  di- 
rige toutes  fes  opérations  peut  être  chiméri- 
que ,  ou  pour  le  moins  ne  peut  pas  être  rem- 
plie par  la  plus  grande  partie  de  fes  ledeurs  , 
les  moyens  derniers  ou  prochains  n'étant 
point  révélée;  mais  il  n'en  eft  pas  moins  pofi- 
tif  fur  les  opérations  fondamentales  ,  qu'il 
décrit  avec  une  exaditude  admirable,  &  dans 
un  (wère  méthodique  ,  &:  qu'il  accompagne 
de  confidérations  très-raifonnéesfurleseiiets 
particuliers  des  diverfes  opérations  ,  &  fur 
kurs  ufages  immédiats  ;  eniorte  que  relati- 
vement à  la  (:/2//;2/f-pratique  ,  &  même  à 
une  fuite  deconnoiilances  liées  &  ordonnées 
dans,  un  rapport  fcientifique  fur  les  miné- 
raux, les  plus  illuftreschymiil-es  qui  l'ont  (uivi 
jijfqu'aux  HoUandus  &  à  Bafile  Vahntin  , 
n'ont  fait  aucun  progrès  confidérable ,  fi 
ce  n'ell  la  découverte  des  acides  minéraux 
qu'évidemment  Geber  ne  connoilîbit  pas 
C'efî  donc  à  Geber  que  commence  pour 
nous  la  chymie  philofophique  ou  raifonnée. 
Ce  que  nous  avons  de  lui  palî'e  pour  n'être 
qu'une  médiocre  partie  de  (es  ouvrages. 

Les  Arabej  ont  continué  de  cultiver  la 

chymie  après  Geber.  On  trouve  des  traces 

des  connoiflànces  chymiques  de  cette  nation , 

dans  des  écrits  traduits  en  latin  &  imprimes , 

Tome  VIIJ. 


V . 


C   H  Y  49 

de  leurs  médecins ,  de  Rhafès  ,  d'Avlcenne  ^ 
de  Bulchafim,  de  Méfué ,  de  Rabby  Moy- 
fe,  d'Averroës,  d'HaU  Abbas  ,  d'Aliàravius. 
Les  ouvrages  non  imprimés  de  plulieurs  au- 
teurs qui  ont  écrit  exprellément  fur  la  chy- 
mie ,  &  dont  Robert  Du  val  donne  une  lifte  , 
fontà-peu-près  du  même  temps.  Mais  nous 
obfèrverons  fur  tous  ces  auteurs  ce  que  nous 
avons  déjà  obfervé  ilir  les  chymiftes  grecs  , 
que  le  fait  hiftorique ,  la  connoiffance  iié- 
rilc  de  leur  exiftence  ,  ci\  la  feule  chofe  que- 
nous  puiilions  en  employer  ici  ;  leurs  ou- 
vrages n'ont  point  contribué  aux  progrès  de 
l'art  en  foi  ;    enforte   que  de  Geber  juf-- 
qu'aux  chymilles  européens  dont  nous  allons 
parler,  nous  ne  trouvons  rien  pour  la  fcien- 
ce ,  pas  même  des  copiftes  de  Geber.  Il  eft- 
bon  de  (avoir  que  c'elt  de  la  chymie  phar- 
maceutique qu'il  eft  toujours  queiHon  dans 
les  écrits  des  auteurs  arabes  traduits  que  nous 
venons  de  nommer.  Nous  n'avons  point  le  li- 
vre qu'Avicenne  avoit  écrit  fur  l'alchymie 
(  qui  de  ce  temps-là  étoit  la  même  chofe  que  la 
chymie)  ,  félon  Sorfmus  fon  difciple  ,  qui  a 
écrit  lîi  vie  ,  &  dont  Albert  le  grand  a  fait 
mention.  Celui  qui  efl  imprimé  Ibus  le  nom 
de  célèbre  médecin  arabe  dans  la  bibliothè- 
que chymique  de  Menget ,  a  été  regardé  par 
les  bons  critiques  comme  fijppofé.  Au  refîe 
ce  font  évidemment  les  médecins  arabes  qui 
les  premiers  ont  appliqué  les  préparations 
chymiques  aux  ufages  de  la  médecine ,  ou 
qui  font  auteurs  de  la  chymie  pharmaceuti- 
que. Fbyf;^  PHARMACIE.  Nous  ne  parlerons 
plus  que  de  la  chymie  philofophique ,  fon-^ 
damentale ,  générale  ,  nous  réfervant  de  trai- 
ter Ces  diderentes  branches  dans  des  articles 
particuhers  ;  &  c'efl  pour  fuivre  cet  ordre 
que  nous  omettons  ici  quelques  auteurs  pu- 
rement alchymiftes  de  la  même  nation,  tels 
que  Calid  ,  Morien  dit  le  Romain  ,  &c.   K. 
Philosophie  hermétique. 

Vers  le  commencement  du  xiij^  fiecle , 
la  chymie  pénétra  enfin  en  Europe ,  (bit  que 
le  commerce  que  lescroif-^des  avoient  oc- 
cafioné  entre  les  Orientaux  &  les  Euro- 
péens eût  tranfmis  à  ceux-ci  les  connoi(ran- 
ces  des  premiers ,  ou  que  la  tradudion  que 
l'empereur  Frédéric  II  lit  faire  dans  ce  temps- 
là  ,  de  plufieurs  livres  arabes  en  latin  ,  les  eût 
mis  à  portée  de  puifer  dans  ces  livres.  Bien- 
tôt le  petit  nombre  de  fa  vans  qui  exi(toieut 


5©  C  H  Y 

«lors ,  h  reçurent  avidement ,  comme  chofe 
nouvelle  ,  &  qui  en  promettoir  de  grandes  , 
les  richeffes  &  la  fanté.  Albert  le  grand  ? 
&  Roger  Bacon  ,  tous  deux  moines  ,  le  pre- 
mier dominicain  ,  &  le  fécond  cordelier  y 
font  les  plus  diltingués  de  (qs  premiers  fec- 
lateurs. 

Ces  deux  hommes  appartiennent  à  toutes 
lesfciences,  &  fur-tout  Roger  Bacon.  Ils 
vivoient  dans  àcs  temps  où  l'ignorance  la 
plus  profonde  régnoit  autour  d'eux  ;  ils  pof- 
fëdoient  cependant  une  univerfaiité  de  con- 
rtoillânces  fi  peu  commune  dans  notre  fie- 
cle  éclairé  ,  qu'ils  pafîeroient  encore  aujour- 
d'hui pour  des  prodiges.  On  diroit  au  pre- 
mier coup-d'œil ,  à  voir  la  hauteur  furpre- 
cante  à  laquelle  ils  s'étoient  élevés  au-defllis 
de  leurs  contemporains  ,  ou  qu'ils  étoient 
d'une  autre  organifation  qu'eux  ,  ou  qu'ils 
avoient  eu  d'autres  moyens  &  d'autres  oc- 
cafions  de  s'inftruire  ;  mais  la  vraie  raifon  de 
cette  différence ,  c'eft  que  c'étoient  d eux  hom- 
mes de  génie  ,  dont  la  lumière  plus  forte  que 
les  ténèbres  environnantes,  s'échappoit  en 
tout  (ens ,  par  l'impoûibilité  de  demeurer 
étouffée  ;  mais  elle  n'en  étoit  que  plus  of- 
tenfante  pour  les  autres  hommes  ,  dont  elle 
alloit  frapper  &  bleller  les  yeux  dans  l'obf- 
curité.  Le  propre  du  génie  eff  de  marcher 
par  écarts  ;  ils  en  firent  de  tous  côtés  ;  ils 
s'élancèrent  dans  prefque  toutes  les  régions 
de  la  connoiïîànce  humaine  :  &  la  chymie 
fut  un  des  principaux  théâtres  de  leurs excur- 
lions.  Ils  n'eurent  garde  d'àffeder  pour  cet 
art  cette  efpece  de  mépris  fi  peu  philofophi- 
que  que  nous  avons  reproché  ,  au  commen- 
cement de  ctt  article ,  à  quelques  philofo- 
phes;  mépris  que  n'eut  pas  non  plus  (pour 
l'obferver  en  pafTant,  à  propos  de  la  confor- 
mité de  nom ,  de  patrie ,  &  d'univerfalité)  le 
célèbre  chancelier  Bacon,  qui,  s'il  ne  fut  pas 
im  chymiile  commeRoger ,  peut pafler  pour 
un  amateur  dîffin^ué ,  &  dont  nous  ne  vou- 
ions pas  manquer  de  nous  honorer. 

Albert  parle  en  phyficien  inil.iiit  par  des 
moyens  chymiques  ,  de  la  connoiflance  des 
fubffances  métalliques ,  dans  fes  livres  fur 
les  minéraux,  &  en  homme  qui  connoif- 
fbit  les  alchymiftes ,  leurs  opérations  ,  & 
leurs  livres  ,&  qui  penfoit  qu'on  pouvoircn 
tirer  des  connoiflances  utiles  A  la  phyfique 
des  minéraux.  On  lui  a  attribué  un  livre  iur 


C  H  Y 

la  chymie  qui  eff  imprimé  dans  le  feconcî 
volume  du  théâtre  çhymique  ,  mais  ce  livre 
n'eft  pas  plus  de  lui  que  les  fecrets  du  petit 
Albert. 

Roger  Bacon  naquit  en   12,14  j  il  ^^  fit 
cordelier ,  les  uns  difent  en  Angleterre ,  d'au- 
tres à  Paris.  Il  mit  Ariffote  à  l'écart  pour 
étudier  la  nature  par  la  voie  de  l'expérience. 
C'eft  une  obfervation  prefque  générale  dans, 
tous  les  temps ,  que  ceux  qui  ont  eu  le  cou- 
rage de  s'affranchir  de  la  fervitude  des  mé- 
thodes ,  des  opinions ,  des  moyens  adoptés  , 
fe  font  particulièrement  diftingués  par  leurs 
progrès.  Il  s'appliqua  à  la  philofophie  ,  lors 
même  qu'elle  étoir  profcrite   comme  une 
fcience  dangereufe.  Celle  d' Ariffote  com- 
mençoit  à  fe  répandre  par  les  verfions  de 
Michel  Scot,  de  Gérard  de  Crémone  ,  d'A- 
lured  Anglicus,   d'Hermand  Alemannus  , 
de  Guillaume  Flemingus  ,  mais  avec  toutes 
les  erreurs  de  ces    mauvaifes   traduâions  y., 
erreurs  par  lefquelles  Bacon  ne  palïà  point. 
Il  mépriibit  ces  tradudeurs  autant  qu'il  effi— 
moit  l'original ,  qu'il  regardoit  comme    la 
bafe  de  la  icience.  Il  diftinguoit  dès-lors  le- 
faux  péripatéticifme  qui  a  duré  11  long- temps , , 
de  la  vraie  dodrine  d' Ariffote.  Pour  voir, 
combien  il  s'étolt  élevé  au-deflus  de  fon  fie- 
cle  ,  il  ne-  faut  que  jeter  les  yeux  fur  le  ju- 
gement qu'il  en  portoit.  Nunqwam  ,  dit-il , 
fuit.tanta  apparentiafapientiiSy  nec tantum> 
eaercitiumfiudii  in  totfacuhatibus,  in  tôt  re— 
gionibus  ...  .ubique  enim  doclores  funti^dif- 
pirjiy  in  omni  civitate ,  €?  in  omni  caflro ,  & 
in  omni  bitrgo  ,  qiiod  non  accidit  niji  à  qua- 
draginta  annis  vel  circiter ,  citm  tamen  nun^- 
quamfuit  tanta.  ignorantia  y  tantus  error.  A 
cela  près  que  nous  fommes  dans  le  chemin  de 
l'expérience,  voilà  un  fiecle  qu'on  pourroit. 
trouver  reflembler  un  peu  au  notre.  Bacon, 
ajoute,  pour  finir  la  peinture  de  fon  fiecle  >, 
apparemiaquidem  fola  tenet  eos  ,  &  non  cad- 
rant quid  fciant ,  fed  quid,  videantur  fcire 
coram  multitudine  infenfata. 

Bacon  fit  des  découvertes  furprenantes 
dans  l'affronomie,  dans  l'optique,  la  chymie , , 
la  médecine ,  &  le?  méchaniques.  Il  conçut' 
la  première  idée  de  la  réformation  du  calen- 
drier juhen  ,  &  cela  fur  le  plan  même  qu'on 
fuivit  fous  le  pape  Grégoire  XIII ,  plus  de 
300  ans  après  lui.  Il  a  décrit  exadement 
les  lunettes ,  la  chambre  ôbfcure ,  les  tékf- 


C  H  Y 

copes ,  les  miroirs  ardens ,  Ùc.  Quant  à  la 
</îy /?:/>,  notre  objet  particulier,  l'honneur 
de  l'aVoir  introduite  en  Europe  lui  eft  dû 
félon  Freind  ;  mais  contemporain  d'Albert 
1?  grand ,  il  elt  au  moins  un  des  premiers  qui 
l'aient  cultivée  en  occident.  Bacon  diloit  de 
fon  temps  ,  qu'il  n'y  avoit  dans  tout  le 
monde  que  trois  hommes  qui  y  entendifîènt 
quelque  cliofe  ;  Pierre  de  Marnarncourt  étoit 
un  àts  trois  ;  il  l'appelle  dominas  experimen- 
torum.  Bacon  parle  de  ptefque  toutes  les 
opérations  que  nous  taifons  aujr)urd'hui.  Il 
a  connu  ou  inventé  la  poudre  à  canon. 
Freind  foupçonne  qu'il  en  avoit  pris  la  notion 
dans  un  manulcrit  intitulé  liher  ignium  ,  & 
compofë  par  un  grec  nommé  Marc  ;  manui^ 
crit  que  Freind  avoir  vu  dans  la  bibliothèque 
du  dodeur  Richard  Mead ,  &  que  j'ai  trouvé 
auflî  à  la  bibliothèque  royale.  La  recette  de 
la  poudre  à  canon  n'eft  pas  moins  claire  dans 
ce  manufcrit  que  dans    Bacon. 

Le  continuateur  de  Bayle  prétend  qu'il  ne 
Tortit  point  du  couvent  de  Paris  ,  quelque 
plainte  qu'il  eût  à  taire  des  perfécutions  qu'il 
efî'uyoit  de  la  part  de  Tes  confrères  ;  &  qu'il 
ne  retourna  dans  fa  patrie  que  peu  de  temps 
avant  fa  mort,  qui  arriva  en  1392..  Cepen- 
dant on  montre  vis-à-vis  d'Oxford ,  fur 
l'autre  rive  de  la  Tamife  ,  une  maifon  qui 
lui  fervit  d'afyle  ,  lorfque  l'ignorance  &  la 
barbarie  le  contraignirent  de  fe  fauver. 

Le  dodeur  Jebb  a  donné  Çon  opus  majus 
à  Londres  ,  en  1733-  Cet  ouvrage  efl  bien  di- 
gne d'être  lu  par  ceux  qui  veulent  connoître 
tout  ce  dont  efl:  capable  i'efprit  humain  aban- 
donné à  (es  propres  forces. 

Le  célèbre  difciple  d'Albert  le  grand ,  S. 
Thomas  d'Aquin  ,  a  connu  auffi  la  chymie  ; 
on  trouve  des  vefliges  de  ces  connoiflfances 
dans  ceux  de  fes  ouvrages  qu'on  ne  fàuroit 
lui  contefler. 

En  un  mot  la  plupart  des  auteurs  de  ce 
(iecle  qui  ont  écrit  fur  la  philofophie  natu- 
relle ,  ont  au  moins  décoré  leurs  livres  de 
quelques  mots  chymiques  ,  ou  de  jugemens 
favorables  ou  défavorables  à  cette  fcience. 

On  trouve  fur-tout  dans  les  auteurs  de  mé- 
■decine  de  ce  fiecle  quelque  remède  chymi- 
que.  Voye-{  PHARMACIE. 

Le  plus  célèbre  d''entre  ces  médecins  efl 
Arnauld  de  Villeneuve  ,  dont  on  ne  fait  pas 
exadement  la  patrie ,  mais  qui  étoit  vrai- 


c  H  y  ,t 

femblaWement  de  la  petite  ville  de  Ville- 
neuve fituée  en  Languedoc  fur  le  Rlidne» 
vis-i\-vis  d'Avignon  ,  où  Borrichius  prétend 
avoir  vu  un  baron  de  Montpefar ,  l^  de« 
dcfcendiins  d'Arnauld  de  Villeneuve  ,  qui 
lui  donna  des  preuves  de  fon  habileté  héré- 
ditaire en  <:/iy/«i>.  Le  temps  de  fa  naiffanec 
qui  n'efè  pas  certain  ,  peut  être  fixé  vers  le 
milieu  du  xiij°  ûecle.  On  fait  qu'il  étudia 
vingt  ans  la  médecine  à  Paris ,  &  dix  ans 
à  Montpellier  ,  &  qu'il  employa  dix  ans  3 
vifiter  toutes  les  univerfités  d'Italie. 

Arnauld  de  Villeneuve  pafîe  pour  avoir 
eu  la  pierre  philofophale  ,  &  pour  avoir  con-»- 
vaincu  de  la  réalité  de  la  tranfmutation  Rai- 
mond  Lulle  ,  auparavaat  fort  incrédule ,  par 
une  expérience  faite  devant  lui.  V.  PHILO- 
SOPHIE  HERMÉTIQUE. 

Arnauld  de  Villeneuve  efl  un  ^ts  méde- 
cins chymifles  qui  a  été  le  plus  célébré , 
comme  poffédaut  un  grand  nombre  de  re- 
mèdes admirables  ,  &  bien  fupérieurs  à  ceux 
qu'on préparoit  par  les  opérations  vulgaires: 
c'efl  lui  qui  a  répandu  le  premier  l'uiage  de 
l'eau-de  vie  j  dont  il  a  vanté  les  vertus  mé- 
dicinales ;  mais  dont  il  n'a  pas  donné  la  pré- 
paration ,  qui  étoit ,  dit-il ,  connue  de  plu- 
fleurs  aulli-bien  que  {^"s  vertus  ,  &  dont  tî-r 
fedivement  Taddée  Florentin  avoit  fait 
mention  avant  lui.  Foy^^  PHARMACIE.  Au 
relie  la  chymie  philolophique  ne  doit  à  Ar- 
nauld de  Villeneuve  que  fon  célèbre  difci- 
ple Raimond  Lulle. 

Celui-ci  né  dans  l'île  de  Majorque  d'une 
famille  des  plus  nobles  en  12.35  ,  &  mort 
en  Afrique  en  13  15  ,  efl  un  des  philofophes 
qui  a  fait  le  plus  de  bruit  ,  &  dont  les  aven- 
tures ,  les  moeurs ,  &  la  fcience  ,  ont  le  plu$ 
de  fingulariîés  :  on  en  a  fait  un  hérétique  , 
un  martyr  ;  on  l'a  érigé  en  père  de  toutes 
les  fciences  ;  on  a  extrait  de  fès  écrits  un^ 
logique  ,  une  rhétoriqi^e ,  &  une  cfpece  d'f /»- 
cy  dope  die  ;  il  {ait  cependant  fur-tout  une 
figure  finguliere  dans  Fhifloire  de  la  phi- 
lofophie hermétique ,  (  J'qye;^  PHILOSOPHIE 
HERMÉTIQUE  )  &  dans  la  chymie  médici- 
nale ,  par  la  prétendue  médecine  univert- 
fèlle  qu'il  a   propofée    le    premier.   Voye^ 

Pharmacie. 

Quant  à  la  chymie  pofitive ,  fon  tefiamen- 
mm  novijfimum  Car.  régi  dicatiim ,  efl  plein 
de  coxinoilîànces ,  de  préceptes,  de  règles 

G  2 


51  C  H  Y 

•poiitives,  principalement  fur  l'anal) Te  du  vin  , 
la  difîihition  &  la  rcdification  de  l'elprit- 
de-vin.  Son  traité  intitulé  expérimenta^  eu 
rempli  de  faits   intéreiîans.   Il  a  beaucoup 
employé  dans  tous  Çqs  procédés  l'efprit-de- 
vin ,  &  divers  menftrues  tirés  des  végétaux 
qu'il  a  beaucoup  traités  ,  &  fur  les  fels  dti- 
quels  il  a  des  prétentions  fmgulieres  ,  &  des 
procédés  fort  bien  entendus.  Il  a  connu  & 
employé  avec  intelligence  l'eau  forte  ,  dont 
il  décrit  ex profejjo  plufieurs  préparations, 
dans  fon  traité  intitulé  Clavicula  ou  aperto- 
rium  ;  &  cela  par  des  intermèdes  qui  ren- 
dent ces  procédés  très-dignes  d'être  répé- 
tés par  les  chymilles  qui  lavent  être  curieux  ; 
jl  s'eft  fervi  atilii  de  l'eau  régale  ,  dont  l'u- 
fage  n'a  été  commun  &  appliqué  aux  tra- 
vaux fur  les  métaux  que  près  de  cent  ans 
ïiprès  ià  mort.  V.  DÉPART.  Il  annonce  dans 
fon  elucidatioteftamemi ,  l'athanor,  cujiis  in- 
terpretatio ,  dit-il ,  efi  immonalis  ignis  ,  &  il 
en  célèbre  l'ulage  &  l'avantage  qu'il  pro- 
cure d'avoir  un  feu  toujours  égal.  La   deC- 
cription  de  ce  fourneau  a  été  donnée  dans 
Je  fiecle  iuivant  par  Jean  de  la  Roquetailla- 
de  ,  cordelier  alchyraifte ,  plus  connu  fous 
le  nom   de  RiipeciJJa ,  à  qui  la  chymie  n'a 
que  cette  obligation.  En  un  mot  les  ouvra- 
ges de  Raimond  Lulle  font,  après  ceux  de 
Geber,  le   premier    tréfor  pour  la  chymie 
philofophique  ,  &   contiennent  des  maté- 
riaux précieux  pour  l'établiflement  de  la  théo- 
rie. Au  refîe  ce  bon  efl:  mêlé  à  beaucoup  de 
fatras  alchymique  ,  quoique  peu  confondu  , 
^  ramafTé  en  pelotons  alTez  dillincts. 

Bafile  Valenrin  ç{\  regardé  communément 
comme  un  moine  bénédidin  de  l'abbaye 
d'ErfFort  ,  dans  l'éledorat  de  Mayence , 
quoiqu'on  ait  dit  depuis  qu'il  n^y  avoit  ja- 
mais eu  une  abbaye  de  bénedidins  à  ErfFort , 
&  qu'évidemment  quelque  chymifte  avoit 
Toulu  fe  cacher  fous  ces  deux  noms  ,  Tun 
tiré  du  grec  &  l'autre  du  latin  ;  mais  Jean 
"Maurice  Gudenus  ,  c-ms  fon  hijîoire  de  la 
yille  d'ErJfcn  ,  le  réclame  à  fa  patrie ,  en 
afllirant  que  Bafile  Valentin  avoit  été  moine 
dans  l'abbaye  de  S.  Pierre  ,  &  qu'il  s'étoit 
.diftingi?^  par  une-  connoifîànce  profonde 
de  la  médecine  &  de  la  nature.  Nous  avons 
fous  le  nom  de  Bafile  Valentin  ,  quel  qu'il 
i(>it,  plufieurs  ouvrages  qui  annoncent  un 
chymilte  tiès-laborieux  &  trçs-verlë  dans 


C  H  Y 

la  pratique  de  la  chymie  pofitive ,  &  dirigé 
dans  ihs  opérations  par  une  méthode  rai- 
fcnnée.  La  plupart  des  procédés  connus  fur 
l'antimoine  font  exactement  décrits  dans  le 
traité  fur  ce  minéral ,  qui  porte  le  titre  de 
currus  triumphalis  amimonii ,  qui  a  donné 
lieu  à  plufieurs  commentaires  ,  entre  lefquels 
on  eflime  fur-tout  celui  de  Pierre- Jean  Fabre 
de    Caflelnaudari  ,   &    celui  de  Théodore 
Kerkringius  ;  mais  il  efl  tombé  dans  un  qxccs 
dangereux  lorfqu'il  a  attribué  des  vertus  mé- 
dicinales à  toutes    les  préparations  qu'il  a 
tirées  de  l'antimoine.  C'efî  fon  autorité  qui 
a  fondé  la  vogue  qu'eurent  les  remèdes  an- 
timoniaux  que  les   charlatans  employèrent 
indiflindement  &  fans  précautions ,  &  par 
conféquent  avec  toutes  les  fuites  funcftes  de 
la  témérité ,  jufqu'à  ce  qu'enfin  la  fameufe 
guerre  élevée  dans  le  fein  de  la  faculté  de 
Paris  à  l'occafion  de  ce  demi-métal ,  toute 
ridicule  qu'on  efl  contraint  de  la  trouver, 
occafiona  un  examen  plus  férieux  des  pré- 
parations  antimoniales  ,  étouUa  les  préju- 
gés ,  &  détermina  la  valeur  réelle  de  ceux 
de  ces  remèdes  dont  nous  tirons  le  plus  de 
fecours  ,  aujourd'hui  que  nous  avons  appris  à 
les  manier.  T'-^.MÉDECINE  6'PhARMACIE. 
Bafile  Valentin  paroît  être  l'auteur  des  trois 
principes  chymiques  ;  mais  on  ne  fait  pas 
afîéz  jufqu'à  quel  point  il  partage  cette  dé- 
couverte avec  les  HoUandus  dont  on  ne  con- 
noît  pas  exadement  le  temps  ,  non  plus  que 
celui  de  Bafile  Valentin.  On  peut  pourtant 
placer  le  dernier  vers  la  fin  du  quinzième 
fiecle ,  lorfque  les  maladies  vénériennes  com- 
niençoient  à  être  connues  ;  car  il  indique  des 
remèdes  contre  cette  maladie. 

Kàac  &  Jean-Ifaac  Hollandas  ou  le  hol- 
landois  ,  natifs  de  Stolck ,  petite  ville  de  Hol- 
lande ,  &  que  l'on  regarde  comme  à-peu- 
près  contemporains  de  Bafile  Valentin  ,  ont 
été  de  célèbres  artifles  y  comme  le  prouvent 
leurs  difFérens  ouvrages  ,  dont  les  plus  habi- 
les modernes ,  M.  Stahl  lui-même ,  &  fur- 
tout  Kunckel ,  ont  fait  un  cas  lingulier.  Ils 
ont  particulièrement  travaillé  fur  les  mé- 
taux, &  c'efl  à  eux  qu'efl  due  la  manière 
de  procéder  à  leur  znzlyÇç.  par  la  réverbé- 
ratioa  de  la  flamme,  que  les  chymiftes  Ic^ 
plus  intelligens  ont  regardée  comme  une  voie 
de  procéder  dont  on  pouvoir  fè  promettre 
les  avantages  les  plus  marqués*  V.  RÉYER-* 


C  H  Y 

BERE.  Ces  chyraiftes  paroilTent  avoir  eu  des 
notions  fort  diftindes  de  deux  des  princi- 
pes de  Bêcher.  Ifaac  &  Jean-Ifaac  Hollan- 
dus  ,  qui  palTent  pour  père  &  fils  auprès  de 
quelques-uns  ,  ne  font  regardés  que  comme 
un  feul  &  même  arrille  par  quelques  autres. 
C'eil:  évidemment  de  ce  ou  de  ces  Hollan- 
dus  &  de  Baille  Valentin  ,  que  Paracelie  a 
tiré  une  partie  de  les  connoilîances  chymi- 
ques ,  &  fur-tout  fa  fameufe  dodrine  des 
trois  principes. 

Paracelfe  efl  un  àts  plus  finguiiers  per-- 
fonnages  que  nous  prélente  Thifloire  litté- 
raire :  viiionnaire  ,  fuperrtitieux ,  crédule  , 
crapuleux  ,  entêté  des  chyraeres  de  l'aliro- 
logie ,  de  la  cabale ,  de  la  magie  ,  de  tou- 
tes \t^  fcienccs  occultes,  mais  hardi,  présomp- 
tueux ,  enthoufiafîe ,  fanatique  ,  extraordi- 
naire en  tout ,  ayant  fu  fe  donner  éminem- 
ment le  relief  d'homme  pafîionné  pour  l'é- 
tude de  fon  art  (  il  avoit  voyagé  à  ce  def- 
fein  ,  confultant  les  favans  ,  les  ignorans  , 
les  femmelettes ,  les  barbiers  >  £"c.  )  &  s'arro- 
geant  le  finguHer  titre  de  prince  de  la  mé- 
decine ,  &  de  monarque  des  arcanes ,  ^c. 
Il  a  été  l'auteur  de  la  plus  grande  révolution 
qui  ait  changé  la  face  de  la  médecine  (  i'oye\ 
Médecine  &  Pharmacie)  ,&  il  a  fait 
en  chymie  la  même  figure  qu'Ariliote  a  fait 
en  philofophie.  C'ell  Paracelfe  qui  a  été  le 
propagateur  de  la  fameufe  dodrine  des  trois 
principes  qui  ont  pris  fon  nom  ,  dont  tant 
de  chymiftes  manoeuvres  ont  abuié ,  que  tous 
les  chymilles-philofophes  ou  les  vrais  chymif- 
tcs  ont  toujours  rellreinte  &  redifiée,  & 
que  les  phyficicns  ont  toujours  li  mal  com- 
battue. Voye\  Principes.  Les  écrits  chy- 
miques  &  phyfiques  de  Paracelfe  font ,  ex- 
cepté fon  manuel  &  un  petit  nombre  d'au- 
tres qui  ne  lontpas  encore  fort  clairs  ,  ab- 
fblument  inintell  gibles ,  tant  à  caufe  des  ex- 
preflions  barbares  &  purement  arbitraires 
dont  il  s'eft  fait  un  jargon  particulier  ,  qu'à 
caufe  du  fatras,  du  défordre,  de  l'inconfé- 
quence  ,  &  des  fréquentes  contradidions 
Si  la  fublimité  que  ce  ton  pe«t  préienter  à 
certaines  têtes  ,  &  liir-tout  a  des  têtes  chy- 
milîes ,  a  dû  lui  faire  un  grand  nombre  de 
partifans  ou  de  fujets  (il  s'appelloit  monarque^ 
&des  chymifîes  l'ont  appelle  leur  monarque 
ou  leur  roi)  ,  elle  n'étoit  pas  fi  propre ,  ce 
femble ,  à  lui  faire  de  célèbres  ennemis  ;  à 


CHY  5, 

niluftrer  magnis  odiis.  Il  a  eu  pourtant  aulîî 
cette  iource  de  célébrité.  Sondifciple  Opo- 
rinus,  Eraflus  ion  compatriote  &:  prcfquc 
fon  contemporain ,  Libavius ,  le  favant  Con- 
ringius  plus  récent  que  Paracelfe  d'un  fiecle 
entier,  &  pluheurs  autres  ,  ont  été  fes  en- 
nemis déclarés  parmi  les  chymiftes  (  car  il  a 
été  encore  plus  en  butte  aux  médecins  ;  )  &: 
ils  l'ont  traité  même  affez  injuftement  à  quel- 
ques égards. 

Philippe  Auréole  Théophrade  Paracel- 
fe ,  Bomball:  d'Hoheneim  (  car  cci\  ainfi 
qu'il  le  faifoit  appeller)  ,  naquit  en  1493  ^ 
Éinfiedel,  près  de  Zurich  en  Suifiè  ,  & 
mourutàSaltzbourg  dans  un  cabaret  en  1 541. 

Quel  que  foit  le  mérite  réel  de  Paracelfe , 
il  ell  évident  que  c'efl  à  lui  qu'efl  due  la 
propagation  &  la  perpétuité  de  la  chymie. 
C'efî  le  goût  pour  les  remèdes  préparés  par 
les  fecours  de  la  chymie  ,  que  Paracellè  a 
finguliérement  répandus  &  accrédites  ,  qui 
a  fait  pafTer  cet  art  chez  les  médecins  com- 
me étude  élémentaire  ;  ce  qui  a  produit  une 
quantité  confidérable  de  traités  de  chymie 
pharmaceutique  &  médicinale  ,  qui  ont  été 
pendant  un  fiecle  les  livres  élémentaires  & 
clafîiques  de  la  chymie^  &  fur-tout  tant  qu'elle 
n'a  été  que  l'art  de  préparer  des  médicamens 
plus  agréables  ,  plus  falutaires,  &  plus  lûrs  , 
comme  le  définit  Béguin ,  un  des  plus  anciens 
difciples  de   Paracelfe. 

Les  chaires  établies  dans  les  écoles  de 
médecine  vers  le  milieu  du  dernier  liecle , 
ont  rendu  l'étude  de  la  chymie  plus  propre 
encore  aux  médecins  ;  &  fi  cet  événement 
l'a  trop  circonfcrite ,  &  l'a  même  expofée 
à  une  théorie  arbitraire  &  gratuite ,  par  la 
licence  d'expliquer  trop  ordinaire  aux  méde- 
cins ,  il  faut  convenir  aufli  qu'il  a  été  utile 
pour  la  chymie  philofophique  ,  qu'elle  tom- 
bât en  partage  à  des  gens  de  lettres  munis 
de  toutes  les  reifources  que  les  études  élé- 
mentaires peuvent  fournir  pour  fe  diriger 
avec  goût  &  intelligence  dans  l'étude  des 
fciences.  Auffi  faut-il  rendre  aux  médecins 
cette  julfice  :  tous  les  progrès  éclatans  de  la 
chymie  leur  font  dûs  ,  ainfi  que  laperfedion 
où  font  portées  aujourd'hui  \qs  deux  bran- 
ches les  plus  avancées  de  l'hifloire  naturelle, 
l'anatomie  &  la  i)Otanique.  Ce  n'eil  même 
que  depuis  que  les  fciences  fè  font  répandues 
comme  par  une  forte  de    débordement  > 


54  C  H  Y 

que  la  chymie  philofophique  efl  fortie  du 
fein  de  la  médecine ,  où  font  encore  au- 
jourd'hui le  plus  grand  nombre  des  artiftes , 
les  vrais  gens  du  métier  :  les  autres  (  exxepté 
hs  dircdeurs  des  grands  arts  chymiqucs, 
clafîe  qui  ne  peut  fournir  qu'un  ou  deux  chy- 
mifîes  à  chaque  nation  )  n'étant  proprement 
qu'amateurs. 

Quant  aux  avantages  que  la  chymie  fon- 
damentale &  élémentaire  peut  tirer  de  toutes 
ces  c:/iy/;7/>i' pharmaceutiques  &  médicinales 
dont  nous  venons  de  parler  ,  il  eft  clair  que 
les  introdudions  dont  la  plupart  font  pré- 
cédées font  infuffifantes  aujourd'hui ,  du 
moins  par  leur  brièveté  ,  &  quelques-unes 
même  parce  qu'elles  ne  font  pas  chymiques  , 
où  qu'elles  font  en  très-grande  partie  une 
fuite  d'erreurs  chymiques  ,  &  que  le  fond 
même  de  ces  ouvrages  eft  un  recueil  de  pro- 
cédés fans  (liire  &  fans  liaiion.  Ces  traités 
de  chymie  pharmaceutique  peuvent  cepen- 
dant diriger  utilement  les  commençans  dans 
!e  manuel  d  s  opérations ,  dont  ils  contien- 
nent ks  principaux  exemples  ,  toujours  plus 
utiles  dans  rmîHtution  à  la  pratique  des  arts 
que  les  règles  générales  ,  ou  du  moins  qui 
les  doivent  précéder  :  ils  peuvent  encore  grof^ 
iir  la  récolte  de  faits  y  à  laquelle  le  chymifte 
formé  cft  fi  attaché  ,  &  dont  il  fait  tant  de 
cas  ;  car  on  trouve  d^s  procédés  particuliers , 
des  obfervations  importantes,  des  découver- 
tes de  détail  dans  quelques-uns  de  ces  au- 
teurs j  parmi  lefquels  nos  françois  ,  Béguin , 
Lefevre  ,  Charas  ,  &  Lemery  le  père ,  tien- 
nent un  rang  difîingué  ,  &  particulièrement 
Xefevre  ,  grand  réformateur  en  pharmacie. 
VcA^e:^  Pharmacie. 

Pour  revenir  aux  temps  qui  fuivirent  im- 
médiatement Paracelfe  ,  trois  chymiftes  cé- 
lèbres qui  ne  doivent  rien  à  Paracelfe  ,  la- 
voir ,  George  Agricola ,  Lazare  Ercker ,  & 
Modeftin  Fachs  ,  iilullrerent  une  branche 
de  la  chymie  des  plus  étendues  &  àzs  plus 
utiles ,  je  veux  dire  la  métallurgie  :  le 
premier  peu  d'années  après  la  mort  de  Pa- 
racelle  ;  Ercker  &  Fachs  lui  ont  fuccédé 
d'affez  près.  Voye^  MÉTALLURGIE  6" 
DOCIMASIE. 

Il  exifta ,  dans  le  même  temps  que  ces  cé- 
lèbres métallurgiftes  ,  un  homme  véritable- 
ment fmguHer  :  Bernard  Palifly  ,  Sainton- 
j^pois  ;,  c^ui  a  pris  4  la  tête  de   lès   ouvrages 


C  H  Y 

imprimés  à  Vm$ ,  1580  ,  le  titre  à^ïnvenunr 
des  ruftiquesfigulines  du  roi  &  de  la  reine  fa 
mère.  Cet  homme  qui  n'étoit  qu'un  fimplç 
ouvrier ,  fans  lettres  ,  montre  dans  Ççs  dif- 
férens  ouvrages  un  génie  obfervateur  ,  ac-» 
compagne  de  tant  de  fagacité  &  d'une  mé- 
ditation fi  féconde  fur  les  obfervations  ,  une 
dialedique  fi  peu  commune  ,  une  imagina-. 
fion  fi  heureuie  ,  un  fens  11  droit ,  des  vues 
li  lumineulès ,  que  les  gens  les  plus  formés 
par  l'étude  peuvent  lui  envier  le  degré  même  ' 
de  lumière   auquel  il  eft  parvenu  làns  ce 
fecours  ;   &  cette  tournure  d'efprit  qui  l'a 
fait  réfléchir   avec  fuccès,  non-feulement 
iur  les  arts  utiles  &  agréables  ,  tels  que  l'a- 
,  griculture ,  le  jardinage  ,  la  conduite   des 
eaux ,  la  poterie  ,   les  émaux  ,  mais  même 
fur  la  chymie  ,  l'hiftoire  naturelle  ,  la  phyfi- 
que.  La  forme  même  des  ouvrages  de  Pa- 
lifCy  annonce  un  génie  original.  Ce  font  des 
dialogues  entre  théorique  è^  pratique:,  &  c'eft 
xoU]ouY s  pratique  qui  inftruit  théorique ,  éco- 
here  tort  ignorante  ,  fort    indocile  &  fore 
abondante  en  (on  fens.  Je  le  crois  le  pre- 
mier qui  ait  fait  des  leçons  publiques  d'hif- 
toire  naturelle  (  en  1 575  à  Paris  )  ;  leçons  qui 
n'étoicnt  pas  bornées  à  montrer  des  mor- 
ceaux curieux  dont  il  avoit  une  riche  col- 
leéiion  ,    mais  à  propofer  fur  la  formation 
de  tous  ces  morceaux  des  conjedures  très- 
raifonnables  ,  &  dont  la  plupart  ont  été  vé-  v. 
rifiées  par  des  obfervations  pollérieures.  Les 
auditeurs  de  Pahfîy  étoient  des  plus  docles  & 
des  plus  curieux^  qu' il  avoit  ajfèmblés,  dit-il, 
pour  voir  Ji  par  leur  moyen  il  pourrait  tirer 
quelque  contradiâion  qui  eût  plus  d^ajjurance 
de  véritéque  non  pas  les  preuves  qu'il/nettoie 
en  avant  i  fâchant  bien  que  s'' il  mentoit ,  il  y 
en  avoit  de  grecs  &  de  latins  qui  lui  refifte^ 
roient  en  face  ,  &c.  tant  àcaufe  de  récuqu^il 
avoit  pris  de  chacun  ,  que  pour  le  temps  qu^il 
les  eût  amufé  ^  &c.  Je  n'héfite  point  à  mettre 
cet  homme  au  nombre  ét^  chymiftes ,  non- 
feulement  à  caufe  des  faits  intéreffans  qui  font 
répandus  dans  fes  traités  pratiques  fur  les 
terres  ,  fur  leurs  ufages  dans  la  conftrudion 
des  vaiffeaux ,  fur  la  préparation  du  fel  com- 
mun dans  les  marais  falans  ,  fur  les  glaces , 
fur  les  émaux  ,  &  fur  le  feu  ;  mais  encore 
pour  fes  railbnnemens  fur  l'alchymie  ,  les 
métaux  ,    leur  génération  ,  leur  compofi- 
tion ,  la  nature  de  leurs  principes ,  &  fur  les 


CH  Y 

propriétés  chymiques  de  plufieurs  autres 
corps  ,  de  l'eau  ,  des  fels ,  &c.  toutes  matiè- 
res îur  lefquelles  il  a  eu  à^s  idées  très-raines. 
La  fin  du  même  fiecle  vit  paroître  les 
ouvrages  d'André  Libavius ,  calledeur  labo- 
rieux &  intelligent,  &  défenfeur  zélé  de 
l'alchymie  contre  les  clameurs  des  \oiles  an- 
ti~chymifles  de  fou  temps  (  Libavius  s'efi 
battu  contre  quiconque  a  témoigné  de  l'incré- 
dulité en  fait  de  chymie  ).  C'eft  à  ce  favant 
que  nous  devons ,  outre  beaucoup  de  con- 
noifl'ances  particulières  furies  minéraux  {voy. 
Minéraux  6'  Métallurgie  )  le  pre- 
mier corps  d'ouvrage  de  diymie  que  nous 
ayons  ;  ouvrage  d'autant  plus  précieux ,  que 
les  matériaux  dont  il  l'a  formé  étoient  épars 
&  noyés  dans  un  fatras  fi  rebutant  en  foi ,  & 
fi  révoltant ,  fur-tout  pour  le  goût  philofo- 
phique  d'aujourd'hui  ,  que  notre  ficelé  lui  a 
particulièrement  une  obligation  infinie  ,  lui 
qui  accueille  fi  favorablement  des  compila- 
tions de  compilateurs.  Le  traité  de  Libavius 
intitulé  alchymia  (  titre  qui  lui  a  nui  fans 
doute  )  ,  &  le  commentaire  Iur  ce  traité  qui 
le  fuit  immédiatement  ,  contiennent  une 
chymie  vraiment  fondamentale  ,  divifée 
d'une  façon  très-naturelle ,  &  diftribuée  en 
fès  difîerentes  branches  dans  un  ordre  très- 
fyfiématique  ;  un  tableau  très- bien  ordonné  , 
des  vues ,  des  opérations  ,  &  des  produits  ou 
efpeces  chymiques  ;  un  dénombrement  com- 
plet des  inilrumens  néceflaires  &  même 
curieux  ;  &  un  vrai  fyfiême  de  connoiffances 
liées,  difcutées  avec  alfez  de  dialectique  ,  & 
propoiées  même  d'un  ton  affez  philofophique 
pour  les  temps  où  Libavius  écrivoit.  Enfin 
quoique  Libavius  ait  adopté  expreflement 
cette  vue  chimérique  ,  ou  pour  le  moins 
très-mal  entendue  ,  d'exalter  ,  de  purifier  , 
de  perfectionner  tous  les  fujets  des  opérations 
chymiques ,  que  les  chyrailles  fe  propofoient 
toujours  ;  quoiqu'il  admette  plufieurs  êjres 
imaginaires  ;  qu'on  puifîê  lui  reprocher  quel- 
que obfcurité  &  quelque  licence ^'expfiquer; 
on  ne  lui  a  pas  moins  d'obligation-  d'avoir 
préfenré  la  chymie  fous  fon  afped  le  plus 
général  ;  de  l'avoir  donnée  pour  une  fcience 
phyfique  fondamentale  ;  d'avoir  redifié  la 
dodrine  des  trois  principes  ;  d'avoir  même 
Kconnu  &  rejeté  toutes  ces  erreurs  ,  ces 
ttaches  de  la  dodrine  chymique  que  Boyle 
attaqua  d'un  ton  H  vidorieux  fokante  ans 


après ,  comme  on  peut  le  voir  principalement 
dans  le  traité  de  Libavius  intitulé  Commenta' 
rium  alchymiœ ,  &  dans  la  défenfe  de  l'al- 
chymie contre  la  cenfure  de  la  faculté  de 
médecine  de  Paris  qui  fert  de  proœmium  à  ce 
commentaire.  On  peut  voir  dans  les  ou- 
vrages de  Libavius  que  nous  avons  cités  , 
,  que  dès  ce  temps  les  chymifies  avoient  fur  la 
compoiition  des  corps  des  idées  plus  faines 
que  la  phyfique  n'en  a  jamais  eu  ;  que  les 
vaincs  fubtilités  fcholafiiques  ,  l'abus  de  la 
dodrine  d'Ariftote  ,  ou  n'a  pas  pénétré  chez 
elle  ,  ou  en  a  été  plutôt  chafîé  ;  que  le  goût 
des  expériences  dirigées  à  la  découverte  des 
vérités  générales  a  exifté  en  chymie  avant 
qu'il  fe  foit  établi  en  phyfique  ;  en  un  mot 
que  fur  les  objets  communs  à  la  phyfique  &  à 
la  chymie ,  &  en  général  fur  la  bonne  manière 
de  philofopher ,  la  chymie  efl  d'un  demi- 
fiecle  au  moins  plus  vieille  que  la  phyfique. 
Trente-fix  ans  après  la  mort  de  P  araceîfe , 
en  1577  >  naquit  à  Bruxelles  ,  de  parens 
nobles  ,  le  célèbre  Jean-Baptifie  Vanhel- 
mont ,  qui  tient  un  rang  fi  difiingué  parmi 
les  chymifîes.  Cet  auteur  a  beaucoup  de 
conformité  avec  Paracelfe  ;  comme  ce  der- 
nier il  évalua  les  vertus  des  médicamens  par 
certaines  facultés  occultes  ,  magnétiques  , 
féminales  ,  fpirituelles  ,  fymphatiques  ,  ^c. 
Il  célébra  une  médecine  univerfelle  ,  &  \ç,s 
remèdes  chymiques  qu'il  regardoit  comme 
fouverainement  efficaces  :  comme  lui  il  fe 
fit  un  jargon  particulier  ;  comme  lui  fur-tout 
il  ambitionna  le  titre  de  réformateur.  Van- 
helmont  fut  ennemi  déclaré  du  galénifine ,  de 
l'arifiotélifme  ,  des  écoles  &  de  la  dodrine 
phyfique  &  médicinale  de  Paracelfe  lui- 
même,  duquel  il  différa  eflentiellement  par 
une  fcience  profonde  &  réelle ,  par  une 
imagination- brillante  &  féconde,  par  un 
goût  décidé  pour  le  grand  ,  &  en  beaucoup 
de  points  même  pour  le  vrai  ;  en  un  mot  par 
tous  les  caraderes'  du  vrai  génie ,  qui  ne 
l'empêche  pourtant  point  de  débiter  férieu- 
fement ,  ce  femble  ,  mille  abiiirdirés  ,  qui 
doivent  nous  faire  admirer  comment  les 
extrêmes  qui  paroiflent  \ts  plus  éloignés 
peuvent  s'allier  dans  les  mêmes  xtifi  ,  mais 
non  pas  nous  faire  méprifer  colledivement 
les  ouvrages  marqués  au  coin  d'un  pareil' 
conrraffe.  En  efièt,  rien  n'empêche  que  les 
inepties  les  plus  riiibles  ne  fe  trouvent  A  côté 


5<  CHY 

des  idées  les  plus  lumineufes  ;  &  Ton  peut 
mcme  avancer  aiîèz  généralement  qu'il  eft 
•plus  railonnable  d'elpérer  du  très-bon  fur  la 
loi  de  ces  écarts  qu'on  a  tant  reprochés  à 
Vanhelmont  (  quoique  ces  écarts  ne  conlîi- 
tuent  pas  le  bon  en  foi  ) ,  que  d^être  épou- 
vanté par  cette  marche  ,  fouvent  peu  phi- 
lolophique  :  car  un  original ,  comme  Van- 
helmont en  a  le  vrai  caraclere ,  n'a  pas  les 
beautés  toifces  d'un  compilateur ,  cette  uni- 
formité ,  figne  prefque  univoque  de  la  mé- 
diocrité. Il  efl  vrai  que  par-là  même  il  doit 
n'avoir  que  peu  de  partifans;  la  vue  tendre 
de  ces  demi-philofophes  qui  ont  befoin  d'un 
milieu  qui  brife  l'adivité  des  rayons  primi- 
tifs ,  ne  iauroit  s'accommoder  des  éclairs  de 
Vanhelmont  :  mais  auflî  n'eft-ce  pas  à  de 
pareils  juges  qu'il  taut  s'en  rapporter.  On  a 
cru  devoir  cette  efpece  d'apologie  à  un 
homme  qui  a  été  déprimé,  &  condamné 
avec  tout  l'air  avantageux  que  s'arrogent  les 
petits  Juges  des  talens  fupérieurs,  &  tout 
récemment  encore  dans  un  difcours  hiito- 
rique  &  critique  fur  la  pharmacie ,  imprimé 
à  la  tètQ  de  la  nouvelle  édition  angloife  de  la 
pharmacopée  de  Londres. 

Mais  quoi  qu'il  en  foit  de  l'idée  qu'on  doit 
avoir  de  la  perlonns  de  Vanhelmont  &  du 
critérium  fur  lequel  il  mefuroit  le  degré  d'é- 
vidence de  (es  connoifïances  ,  il  n'en  efl  pas 
moins  vrai  qu'il  s'efl:  élevé  avec  une  force 
furprenante  contre  une  toule  d'erreurs  &  de 
piéjugés  qiii  défiguroientla  théorie  &  la  pra- 
tique de  la  médecine  ;  qu'il  a  au  moins  ou- 
vert une  carrière  nouvelle  aux  plus  grands 
génies  qui  ont  expliqué  l'économie  animale 
après  lui ,  aux  Stahl  ,  aux  Baglivi  ;  qu'il  a 
jeté  les  tondemens  de  cette  dodrine  qui  efl 
fur  le  point  de  prévaloir  aujourd'hui ,  &  qui 
ne  rcconnoît  pour  agens  matériels  dans  l'éco- 
nomie animale  ,  que  des  organes  efîentielle- 
ment  mobiles  &  fenfibles ,  au  lieu  de  pures 
machines  mues  par  un  principe  étranger ,  des 
humeurs  ou  àes  eiprits.  Voyc\  MÉDECINE . 
La  phyfique  lui  doit  la  proicription  ,  ou  du 
moins  des  cris  contre  le  péripatétiime,  dont 
il  a  fenti  tout  le  vuide  ;  &  le  renouvellement 
M'une  hypothcfe  plus  ancienne  &  plus  plau- 
fible  ,  celle  de  Thaïes  de  Milet  fur  l'eau 
donnée  pour  élément  ou  premier  principe  de 
tous  les  corps  ;  fur-tout  la  méthode ,  nouvelle 
alors  (du  moins  quant  à  l'exécution ,  car  le 


CHY 

chancelier  Bacon  l'avoit  célébrée  &*con- 
feillée  )  d'établir  les  opinions  phyliques  fur 
àcs  expériences  ;  &  enfin  ces  expériences 
elles-mêmes,  qui  quoiqu'inutiles  au  but 
pour  lequel  elles  étoient  faites ,  qui  quoi- 
qu'ayant  fourni  de  fauffes  conléquences  à 
Vanhelmont  &  à  Boyle  ,  qui  a  été  fon  dif- 
ciple  en  cette  partie  ,  ne  nous  en  ont  pas 
moins  appris  des  vérités  très-intérefîantes 
fur  la  végétation.    Voye-^  VÉGÉTATION. 

On  n'a  qu'à  lire  le  traité  de  Vanhelmont 
fur  les  eaiix  de  Spa  ,  &  fur-tout  fon  ouvrage 
de  lithiaji  ,  traités  qu'il  a  donnés  lui-même  , 
pour  appercevoir  combien  il  étoit  riche  en 
connoifîànces  chymiques  ,  &  combien  il 
méritoit  le  titre  qu'il  fe  donnoit  de  philofophe 
par  le  feu.  On  trouve  dans  (es  ouvrages 
(avec quelques  erreurs  il  efl  vrai)  des  con- 
noiffances  très-pofitives  &  très-lumineufes 
fur  la  théorie  de  la  coagulation  &  de  la  difîb- 
lution  ,  qui  font ,  lorfqu'on  les  confidere  en 
général ,  les  deux  grands  pivots  fur  lefquels 
roulent  tous  les  changemens  chymiques  tant 
naturels  qu'artificiels  ;  beaucoup  de  connoif^ 
fances  de  détails  fur  les  phénomènes  chy- 
miques les  plus  intéreffans  ,  &  fur  les  prin- 
cipaux effets  de  quelques  opérations  ,  de  la 
redification  fur  les  huiles  animales ,  par 
exemple ,  &c.  plufieurs  faits  importans  ;  une 
analyfè  de  l'urine  aufli  complète  &  aufïï 
exade  que  celle  qu'on  pourroit  faire  aujour- 
d'hui ,  &  qui  a  mené  l'auteur  aulTi  loin  que 
nous  fbmmes  ;  fans  compter  fes  prétentions 
fur  les  vertus  de  fon  difTolvant  univerfel , 
qui ,  s'il  exifloit  réellement ,  fourniroit  le 
moyen  le  plus  efficace  pour  parvenir  à  la 
connoifîance  la  plus  intime  de  la  nature  des 
corps  compofés. 

Cet  homme  véritablement  fingul.er  mou- 
rut à  la  fin  de  l'an  1644. 

Jean  Rodolphe  Glauber  ,  allemand  ,  fixé 
en  Hollande ,  étoit  né  vers  le  commencement 
du  dernier  fiecle  :  c'eft  un  des  plus  infatigables 
&  des  plus  expérimentés  artilles  qu'ait  eu  la 
chjmie  ;  aufiî  l'a-t-il  enrichie  d'un  grand 
nombre  de  découvertes  utiles ,  &  d'un  amas 
de  faits  &  d'expériences ,  que  Stahl ,  qui 
juge  d'ailleurs  Glauber  très  -  févérement , 
appelle  très-beau  ;  &  qui  eu  non-feulement 
précieux  par  l'ufage  immédiat  qu'on  en  peut 
faire  pour  la  pharmacie  ,  la  métallurgie ,  & 
les  autres  iffts  chymiques ,  mais  même  par 

les 


C  H  Y 

les  matériaux  qu'il  fournit  à  l'^tabliflement 
de  la  bonne  théorie  chymique.  C'efl  à  ce 
chymifte  que  nous  devons  la  première  idée 
de  mettre  à  profit  mille  matières  viles  & 
mutiles  ,  &  employées  moins  utilement ,  tel- 
les que  le  bois  mort  des  grandes  forêts ,  en 
en  retirant  du  falpetre  par  des  moyens  faci- 
les &peu  difpendieux  ,  ou  de  faire  des  mines 
de  fàlpêtre  ;  la  méthode  de  concentrer  les 
vins  ou  plutôt  le  moût  &  les  décodions  des 
femences  farineufes  ,  pour  les  faire  fermen- 
ter en  temps  &  lieu  ;  le  foufre  artificiel  ; 
l'invention  de  deux  fels  qui  portent  fon 
nom  ,  favoir  le  Tel  fecret  ammoniac  &  le  Tel 
admirable  ;  la  méthode  de  difiiller  le  nitre  & 
te  fel  marin  par  l'intermède  de  l'acide  vitrio- 
lique  ;  la  redification  des  huiles  par  les  aci- 
des minéraux  (  c'eft  celui  du  fel  marin  qu'il 
employoit)  ;  beaucoup  de  choies  importan- 
tes fur  la  corredion  des  vins  ,  &  lur  tous 
les  travaux  de  la  Zimotechnie ,  &  mille  ob- 
fervations  ,  réflexions  ,  &  méthodes  utiles 
pour  la  préparation  de  plufieurs  remèdes. 
yqy.  Pharmacie.  C'elt  Glauber  qui  a  le 
premier  démontré  le  nitre  tout  formé  dans 
les  plantes  ,  qu'il  a  regardé  comme  la  princi- 
pale fource  de  tout  celui  que  nous  connoii- 
fbns  ,  &  notamment  de  celui  que  nous  re- 
tirons des  animaux  ;  opinion  que  je  regarde 
comme  démontrable  ,  quoique  l'auteur  de  la 
dilîêrtation  fur  le  nitre ,  qui  a  remporté  le 
prix  à  l'académie  de  Berlin  en  1/47  »  n'ait 
-pas  même  daigné  la  difcuter. 

Glauber  efl  fur-tout  admirable  dans  l'in- 
duflrie  avec  laquelle  il  a  réufli  à  abréger  plu- 
iieurs  opérations  ,  &  en  diminuer  les  frais  ; 
vue  très-naturelle  à  un  travailleur.  Son  traité 
des  fourneaux  philofophiques  ,  efl:  plein  de 
ces  inventions  utiles  :  la  diftillation  immé- 
diate fur  les  charbons ,  l'uiàge  des  vaiflêaux 
diftillatoires  tubulés  ,  celui  des  récipiens 
ouverts  par  leur  partie  inférieure ,  le  four- 
neau de  fufion  (ans  foufïlets  ,  la  façon  de 
chauflTer  un  liquide  contenu  dans  des  vaif- 
feaux  de  bois  par  le  moyen  d'une  boule  ou 
poire  de  cuivre  creufe  adaptée  à  la  partie  in- 
térieure &  latérale  de  ces  vaifTeaux  ,  font  des 
învenrions  de  ce  genre  ;  en  un  mot  cet  auteur 
rne  paroîr  être  de  tous  leschymiftes  celui  où 
l'on  trouve  plus  défaits  &  de  procédés  neufs 
qui  font  fouyent  utiles  en  foi  &  abfolument , 
&  qui  au  moins  conduifcnt  à  des  recherches 
Tome  VIIL 


irnpof  tantes ,  &  par  conféquent  un  de  ceux 
qu'on  lit  avec  le  plus  de  profit  :  j'oferois 
même  dire  celui  dont  doit  faire  fon  étude 
la  plus  afiidue  le  chymifte  fuffifamment 
muni  de  bonnes  connoiflances  fondamenta- 
les ,  qui  feul  eft  en  état  de  juger  ,  &  par 
conféquent  de  lire.  C'eft  un  àes  auteurs  dont 
la  ledure  fert  le  plus  efficacement  à  guérir 
de  la  haute  opinion  qu'on  s'eft  formée,  avant 
de  fouiller  dans  les  fources ,  des  connoil^ 
lances  lupérieures  de  plufieurs  chymiftes 
modernes.  Il  faut  lire  Glauber  tout  entier  , 
parce  que  plufieurs  vérités  importantes  font 
diipcrfées  par  lambeaux  dans  (qs  divers  ou- 
vrages. 

Une  lifte  d'arcanes  non  expliqués  ,  & 
dont  l'exiften^e  eft  feulement  annoncée  à  la 
findefes  fourneaux  philofophiques  ,  préfente 
aux  chymiftes  une  ample  matière  de  travail  ; 
&  la  plupart  de  ces  arcanes  ont  un  caraûere 
de  poflîbilité  ,  qui  rend  l'entrcprife  de  ces 
travaux  très-raifonnable. 

M.  Stahl  lui  a  reproché  avec  raifon 
d'avoir  obfcurci  des  notions  fort  claires  que 
fes  expériences  fourniflént ,  par  la  manie  dé 
les  diriger  aux  vues  chimériques  de  l'alchy- 
mie  ,  dont  il  a  été  autant  entêté  que  per- 
fonne  ,  auflî-bien  que  de  la  confiance  aux 
vertus  des  aftres  ,  des  fignatures ,  des  noms, 
Ùc.  qu'il  a  défendu  dans  des  traités  fiiits 
exprès  ;  &  de  n'avoir  tiré  aucun  parti  de  ces 
expériences  pour  les  progrès  de  la  fcieiice  po- 
fitive  ,  àtscuriofités  phylico-^hymiques  y  & 
d'être  par  conféquent  (  en  comptant  ces 
vues  &  ces  explications  alchymiques  pour 
rien  )  très-verle  in  luoii,  dans  le  fait ,  & 
fort  peu  avancé  in  rœ  J'ioti  y  dans  le  pour-' 
quoi.  Il  faut  reconnoître  cependant  ,  pour 
rendre  juftice  à  Glauber  ,  que  Sthal  a  pré- 
cifément  donné  dans  le  vice  qu'il  lui  reproche 
ici,  lorfqu'il  a  embarrafle  dans  Une  hypothele 
fort  recherchée  l'origine  du  nitre  ,  que' 
Glauber  avoir  expofée  d'une  manière  fc)rt 
fimple ,  &  prouvée  par  des  raifonnemens 
fort  bien  déduits  Aqs  obfervations  ;  &  que 
Stahl  a  manifeftement  mal  évalué  ,  ou  du 
moins  trop  généralifé  l'effet  de  la  putréfaâion 
pour  la  génération  du  nitre ,  fur  l'aâion  de 
laquelle ,  foit  erreur ,  foit  vérité  ,  Glauber 
Ta  encore  précédé  :  en  forte  que  Glauber 
&  Stahl  ont  pris  réciproquement  leur  ma- 
nière fur   cette  queftion  auffi  intéreifante 

H 


-5^  C  H  Y 

pour  (ôtï  utilité  que  piquante  par  la  curiofite. 
Voyei  NiTRE. 

On  lui  a  reproché  encore  ,  avec  la  rnême 
jufîice  ,  d'avoir  vanté  avec  la  plus  grande 
emphafe ,  &  fans  la  moindre  circonfpec- 
tion  ,  tous  fcs  prétendus  arcanes  ;  ce  qui  a 
attiré  du  mépris  fur  l'art ,  Tes  promeïîès  n'é- 
tant pas  toujours  {uivies  de  l'effet.  Glau- 
ber  eft  bien  effedivement  le  plus  inconlîdéré 
prometteur  &  le  plus  outré  louangeur  de 
fès  fecrets  ,  de  tous  les  charlatans  qui  font 
ou  qui  furent  :  cette  manière  paroît  iijr'tout 
dans  les  titres  de  Tes  ouvrages  ,  toujours 
écrits  pour  le  falut  du  genre  humain,  pour 
la  conîblationde  plufieurs  milliers  d'affligés  , 
pour  le  foulagcment  des  foufFrans  ,  la  prof- 
périté  de  fa  patrie  ,  qui  feront  comme  une 
chandelle  allumée  mife  fur  le  chandelier  , 
Ùc.  C'eftdans  ces  défauts  que  les  chymifles 
{qs  co'nteraporainsles  plus  illuflres,  tels  que 
Bêcher ,  Borrichius  ,  &  le  célèbre  Stahl  qui 
a  commencé  à  courir  la  même  carrière  peu 
de  temps  après  la  mort  de  Glauber  ,  ont 
trouvé  des  prétextes  pour  le  déprimer  ;  quoi- 
que Stahl  lui-même  ,  qui  parle  toujours  de 
Glauber  comme  d'un  manœuvre  ,  n'ait  pas 
dédaigné  de  fe  parer  de  quelques-unes  de  fes 
idées  philofophiques  ,  que  véritablement 
Glauber  n'avoit  jamais  été  en  état  de  mettre 
en  œuvre  comme  Stahl. 

Glauber  a  beaucoup  célébré  une  médecine 
univerfelle  (  voy.  MEDECINE  )  ,  &  undil- 
folvant  univerièl  qu'on  croit  être  le  nitre  , 
©u  plutôt  les  deux  principes  de  fa  compofi- 
tion  employés  féparément  ;  ce  qui  n'ell  plus 
remplir  la  condition  du  problême  qui  fup- 
pofe  un  feul  corps  ,  auxquelles  conditions 
d'ailleurs  ni  l'acide  du  nitre  ,  ni  le  nitre  fixe 
pe  peuvent  fatisfaire.  Fbj.  Menstrue. 

Glauber  a  continué  d'écrire  jufqu'en  1667. 

Une  époque  confidérable  pour  la  chymie  , 
c'efî  la  conquête  qu'elle  fit  vers  le  milieu  du 
dernier  fiecle  ,  de  la  théorie  de  la  médecine , 
ou  la  naiffance  de  la  fede  chymique  des 
médecins  ^  dont  les  chefs  &  les  propagateurs 
les  plus  connus  font  le  célèbre  profelfeur 
François  Delcboe  Sylvius  ,  Otto  Tachenius 
qui  s'eft  tait  un  nom  dans  la  chy mie-pratique 
par  quelques  procédés  particuliers  fur  la  pré- 
paration des  fels  ;  &  l'ingénieux  Thomas 
Willi.'; ,  ?.uteur  d'un  traité  fur  la  fermenta- 
tion fo'rt  eilimable  ,   6c  inventeur  des  deux 


Ç  H  Y 

principes'  pafîifs  ,  ajoutés  au  tertiaire  dé 
Paracelfe.    Voye'{  MÉDECINE. 

Il  n'ell  pas  ailé  de  décider  fi  cette  conquête 
futplus  funefle  à  la  médecine  qu'à  Inchymie: 
car  fi  d'un  côté  la  chymie  médicinale  deve- 
nue phyiiologique  &  pathologique  ,  remplit 
bientôt  d'hypothefes  monflrueufcs  la  théorie 
de  la  médecine  dont  elle  avoit  enrichi  la  pra- 
tique tant  qu'elle  n'avoit  été  que  pharma- 
ceutique ,  on  peut  avancer  aufli  que  (es  nou- 
veaux fujets  (  les  médecins  théoriciens  )  qui 
bientôt  donnèrent  le  ton  ,  traitèrent  la  chym 
mie  avec  cette  licence  de  raifonnement  , 
cette  exondance  d'explications  qu'on  leur  a 
tant  reprochée  &  à  fi  juite  titre  ,  &  qu'entre 
leurs  mains  la  théorie  chymique  fut  bientôt 
auffi  gratuite  que  celle  de  la  médecine.  La 
dodrine  qu'on  enfeigna  dans  les  chaires  qui 
furent  étabhes  après  dans  les  plus  fameufcs 
univerlités  ,  fe  relient  de  cette  manière  arbi- 
traire de  philofopher ,  &  a  fubliflé  dans  les 
écoles  pendant  tout  le  règne  de  la  {eô.Q 
chymique  des  médecins  ,  &  long-teinps 
même  après  fa  profcription  chez  plufieurs 
nations  ,  cultivanîd'ailieurs  kslciences  avec 
fuccès  ;  notamment  chez  nous ,  où  leilahlia- 
nifine  n'a  pénétré  que  long-temps  après  la 
réforme  de  Stahl ,  &  où  il  faut  même  con- 
venir qu'il  n'eft  pas  encore  afîèz  générale- 
ment répandu. 

Enfin  dans  le  temps  même  où  la  chymie 
efTuyoit  l'efpece  d'échpfe  dont  nous  venons 
de  parler  ,  parut  l'illufire  Jean  Joachim 
Bêcher ,  né  à  Spire  vers  l'an  162.5  ,  d'abord 
profefTeur  de  médecine  &  médecin  de  l'élec- 
teur de  Mayence ,  enfuite  médecin  de  l'élec- 
teur de  Bavière  ,  dans  le  laboratoire  duquel 
il  travailla  beaucoup;  après  cela  fixé  auprès 
de  Tempefeur  ,  de  la  cour  duquel  il  fut 
obligé  de  s'éloigner  par  des  manèges  de  cour- 
tifans  ;  enfin  voyageur  en  Hollande  &  en 
Angleterre  ,  &c.  homme  d'un  génie  véri- 
tablement grand  ,  d'un  jugement  exquis,  & 
très-verfé  dans  prefque  toutes  les  fciences  ; 
le  vrai  Hermès  de  la  chymie philofophique  ; 
le  père  ,  le  créateur  du  dogme  chymique  de 
cette  chymie  y  que  )'ai  donné  au  commence- 
ment de  cet  article  comme  la  bafe  de  l'étude 
de  la  nature.  Sa  phyfique  fouterraine,  que 
malheureufement  nous  n'avons  pas  com- 
plète ,  contient  au  moins  le  germe  de  toutes 
les  vérités  chymiquGS  &  du  fyflême  qui  les 


C  H  Y 

raflemble  en  corps  de  dodrine  ,  te  elle  a 
{Ij.  chymie)  dans  cet  ouvrage  tous  les  carac- 
tères par  lefquels  nous  l'avons  oppofée  à  la 
phyiique  ordinaire.  Il  faut  avouer  cependant 
que  Bêcher  ,  en  cela  plus  heureux  qu'Aril- 
tote  ,  a  l'obligation  à  Stahl  Ton  commenta- 
teur ,  d'avoir  expliqué  &  peut-être  redifié 
plufieurs  de  Tes  dogmes ,  &  que  c'efl:  dans  le 
fpecimen  Becherianum  de  Stahl  ,  que  la 
phyfîque  de  Bêcher  mérite  les  éloges  les  plus 
éclatans  ,  dont  tout  connoilîeur  ne  peut 
s'empêcher  de  la  combler.  Qç.  fpecimen  efl 
le  code  de  la  chymie  y  l'euclyde  des  chymif- 
tes,  (S'c.  Les  éloges  de  Stahl ,  le  meilleur  juge 
qu'on  puilTe  trouver  fur  ces  matières  ,  nous 
tiendront  lieu  du  jugement  que  nous  avons 
à  porter  fur  cet  auteur  :  îllud  noflrumfaci- 
miis  ,  dit-il  dans  la  préface  qu'il  a  faite  pour 
la  phyfîque  fouterraine  de  Bêcher  ,  Beche- 

rum  in  phyjîcâ  hâc/ubterranea itafolidis 

theorisjdrgumentis,  experimemis  ufum  ejje; 
eâfcientiây  induflriâ  y  perituîy  conflantiâ  y 
conneckndi  &  concludendi  circumfpectione 
in  hoc  argumenta  ufum  atque  potitum  effe 
quam  nemo  alius  neque  ante  ipfum  ,  neque 
pofi  ipfum  y  imo  nequidem  per  ipfum  in  ho- 
diernum  ufque  diem.  Le  même  auteur  , 
Stahl ,  qui  n'efl  pas  prodigue  d'éloges  ,  ap- 
pelle le  môme  ouvrage  ,  opusjine  pari  y  pri- 
mum  hxclenus  ac  princeps  ;  &  ailleurs  ,  liber 
undique  Ù  undique primus  :  &  nous  pouvons 
dire  qu'il  l'eft  encore  de  nos  jours,  du  moins 
parmi  les  originaux,  c'eft-à-dire  parmi  les  ou- 
vrages faits  pour  les  chymiftes  légitimes  ,  les 
maîtres  de  l'art.  Je  fais  bien  que  Bêcher , 
quoiqu'écrivain  exad,  méthodique,  &  même 
élégant ,  quoique  fertile  en  préceptes  &  en 
expériences  qui  doivent  être  du  goût  de  tous 
lesledeurs  ,  &  en  éclairs  qui  doivent  frapper 
tous  les  yeux  ,  ne  fauroit  faire  fupporter  au 
plus  grand  nombre  ,  en  faveur  de  ces  qua- 
lités ,  tout  ce  qu'on  trouve  dans  cet  ouvrage 
pour  établir  l'exiflence  de  la  tranfmutation 
des  métaux  &  de  la  mereurlfication  ,  qui  efl 
la  prétention  favorite  de  notre  auteur  ;  ni 
cette  efpece  de  commentaire  phyfique  fur 
l'hifloire  de  la  création  ,  par  lequel  fon  ou- 
vrage débute  ;  ni  en  général  quelques  obf- 
curités  ,  &  un  afTez  grand  nombre  de  notions 
vagu;s  &:  tout  au  plus  métaphoriques  ,  qu'il 
a  mêlées  aux  vérités  les  plus  pofitives  &  les 
jçnieuxliées  :  car  j'aime  mieux  croire  que  c'eft 


C  H  Y  55 

par  ces  défauts  ,  ou  plutôt  par  cet  épouvan- 
tail ,  que  l'incomparable  ouvrage  dont  nous 
parlons  n'eft  ni  connu  ,  ni  par  conféquent  ef- 
timé  des  phyficiens ,  que  de  dire  avec  Stahl, 
que  cela  vient  de  ce  que  les  aflertions  fonda- 
mentales de  l'auteur  font  vraies.  La  dodrinc 
de  Bêcher  ,  outre  les  notions  générales  fur  la 
mixtion  &  fur  lafolutiofl  ,  qui  font  la  bafede 
la  méthode  chymique  ,  eft  fur-'out  connue 
par  l'expoiition  des  principes  de  la  compofi- 
tion  ou  des  matériaux  des  corps ,  &  princi- 
palement des  minéraux  ;  principes  qu'il  a 
fixés  au  nombre  de  trois  ,  &  que  nous  con- 
noifîons  en  chymie  fous  le  nom  des  trois  ter^ 
res  de  Bêcher.  V.  PRINCIPES  ,  MINÉ- 
RAUX ,  Substances  Métalliques, fir 
Terres.  Les  autres  ouvrages  chymiques  de 
Bêcher  (ont  pour  la  plupart  purement  alchy- 
miques  :  tels  font  les  fupplémens  à  fa  phyjî- 
que  fouterraine  y  fa  concordance  chymique  y 
tous  {ts  opufcules  :  à  l'exception  du  labora- 
torium  portatile  y  qui  contient,  outre  un  ta- 
bleau abrégé  des  connoiffances  pratiques  , 
un  précis  très- exad  delà  doctrine  chymique 
de  l'auteur;  fa  morolbphie  &  ion  œdipe  chy- 
mique ,  le  plus  obfcur  de  tous  fcs  ouvrages , 
malgré  fon  titre.  Au  reflc  ces  divers  ouvrages 
alchymiques  (ont  de  la  clafTe  de  ceux  que  le 
chymifle  qui  penfe  &  qui  efl  aflez  patient , 
lit  toujours  avec  profit ,  tant  pour  les  vues  » 
\t^  idées  lumineufes  qu'un  chymifle  tel  que 
Bêcher  doit  nécelTairement  répandre  dans 
tout  ce  qu'il  a  traité  ,  que  pour  les  faits  ,  les 
obfervations  ,  les  expériences  fecondaires  , 
&  même  pour  certains  procédés  qu'on  peut 
regarder  comme  utiles  ,  même  quant  au  fond 
ou  airx  produits  que  l'auteur  promet.  Ses 
prétentions  fur  fa  fameufe  mine  de  fable  per- 
pétuelle ,  palTent ,  par  exemple  ,  pour  très- 
fondées  aujugement  de  plufieurs  grands  chy- 
miffes.  On  retrouve  toujours  Bêcher  dans 
ceux-ci ,  c'eft-à-dire  l'homme  finguliérement 
maître  de  fon  fujet ,  ^c.  Voy.  TRANSMU- 
TATION. Sa  métallurgie  paîTe  pourtroppeu 
travaillée  :  Bêcher  a  d'ailleurs  été  un  très-fer- 
tile écrivain  fur  des  fujets  de  médecine  ,  de 
belles-lettres ,  de  grammaire ,  de  politique , 
de  théologie  ,  de  mathématique  ,  de  mécha- 
nique  ,  ^c.  Il  mourut  à  Londres  en  1682. 
Le  célèbre  phyficien  Robert  Boyle,contem- 
porain  &  ami  de  Bêcher  ,  eft  ordinairement 
compté  parmi  les  chymifles  ;  &  il  a  cffedive- 

H  2 


^o  C  H  Y 

ment  beaucoup  écrit  iur  h  chymie  :  mars  il 
cftfrop  exadementphylicien  corpufculaire- 
méchanicien  ,  ouphyUcien  proprement  dit , 
tpl  que  nous  l'avons  mis  en  contrafte  avec  le 
chymilte  au  commencement  de  cet  article  , 
pour  qu'il  ait  pu  travailler  utilement  pour  la 
dodrine  chymique ,  dont  on  peut  dire  qu'il  a 
entrepris  la  réforme  fans  être  muni  àts  con- 
noilîances  fuffirantes  pour  exécuter  ce  del- 
fein  ,  &  même  fans  avoir  aiîez  d'érudition 
chymique  pour  favoir  ce  que  c'étoit  exade- 
ment  que  cette  dodrinc  qu'il  fe  propofe  de 
redifier.  En  effet  Boyle  paroît  n'avoir  connu 
que  le  peuple  des  chymiiîes  ;  car  il  a  com- 
battu des  principes  que  les  bons  chymiifes 
ne  prenoient  point  du  tout  dans  le  fens  dans 
lequel  il  les  confidere ,  &  il  a  ,  par  une  fiiite 
de  cette  mauvaife  acception  ,  ou  réfuté  des 
erreurs  qui  n'exifloient  point  chez  les  vrais 
maîtres  de  l'art ,  ou  attaqué  des  dogmes  que 
quelques  ancêtres  de  ces  lavans  avoient  réel- 
lement établis,  mais  que  les  chy milles  pollé- 
rieurs  ,  tels  que  Libavius,  Folfinck ,  Van- 
helmont  ,  Rub^us  ,  Billich  ;  &  plufieurs 
autres ,  entre  lefquels  nous  n'oublierons  pas 
de  compter  notre  Palifî'y  ,  avoient  réfutés 
avant  lui  ;  en  forte  qu'il  n'a  fait  qu'étendre 
les  réfutations  bien  ou  mal  fondées  de  ces 
auteurs  ,  &  les  appuyer  quelquefois  d'expé- 
riences précieufes  en  foi ,  mais  prefque  tou- 
jours mal  appliquées  ,  &  fournifïant  conf- 
tamment  à  l'auteur  des  confequences  très- 
précaires  &  très-mal  déduites. 

Boy  le  paroît  avoir  jugé  Vanhelmont ,  par 
exemple  ,  fur  le  fimple  titre  que  ce  chymifte 
fe  donnoit  de  philojophe  par  le  feu  y  lorf- 
qu'il  l'a  accufé  d'être  un  des  chymiftes  qui 
avoient  mal  ellimé  l'aéfion  du  feu  dans  la  dé- 
compofition  des  corps  ,  &  d'avoir  adopté 
la  doctrine  des  principes  dans  le  fens  où  Boyle 
la  prend  ,  &  où  elle  efl  réellement  vicieufe  ; 
cai- Vanhelmont  efl:  diredement  oppofé  à 
cette  opinion. 

Sonchymiflafcepticus où  l'auteur n*a  point 
douté  ,  (  ce  que  Bêcher  lui  a  reproché  dans 
le  même  endroit  de  fa  physique  foute  naine  y 
où  il  tourne  en  ridicule  la  forme  fpirale  des 
particules  de  l'air ,  par  laquelle  Boyle  expli- 
quoit  le  refTort  de  ce  fluide  ;  ee  que  je  re- 
marque en  pafîant ,  pour  faire  voir  que  les 
chymiiles  ont  avant  les  newtoniens  fenti  ! 
riiiLTuffifance  de  ce  méchanifme  }  ,  &  où  on  | 


C  H  Y 

ne  trouve  point  les  paradoxes  annonces  paf 
le  titre  de  la  dernière  partie  de  cet  ouvrage, 
eft  exadement   caradérilé    par  l'idée    que 
nous  venons  de  donner  de  la  manière  géné- 
rale de   Boyle.    Il  s'efl  peint  de  la  même 
façon  dans  fon  ouvrage  intitulé  de  imperfeciâ 
chymicorum  circà  qualitates  docirinâ.  L'on 
voit  d'ailleurs  évidemment  en  Boyle  l'étran- 
ger dans  les  chofes  chymiques  ,  par  le  man- 
que abfolu  de  l'art  d'élaguer  l'expofé  de  fès 
expériences,  qu'il  charge  fou  vent  de  circonf- 
tances  inutiles ,  tandis  qu'il  évalue  fort  mal 
Jes  efï'entielles  ;  notamment  dans  fon  f^/y«r 
les  parties  dunitre  y  où  il  paroît  croire  que 
l'air  hbre  opère  matériellement  dans  les  cryf-- 
tallifations  des  fels  ,  foit  par  fa  propre  fiibf^- 
tance  ,  foit  par  àss  exhalaifons  terreflres  ou: 
même  céleffes  ,  &  où  il  a  connu  fi  peu  l'efïèt 
de  l'évaporation  dans  la  produdion  de  ce 
phénomène  ,  qu'il  témoigne  à  propos  des. 
mêmes  expériences  beaucoup  de  regret  de . 
n'avoir  point  tenté  fi  une  difTolution  denitre- 
enfermée  dans  un  vaifTeau  exadement  bou-.. 
ché  ,  ne  fourniroît  pas  aufli-bien  des  cryl- 
taux  qu'une  pareille  diffolution  expofée  à,' 
l'air  libre.  L'inconféquence  ou  l'inutihté  de.- 
(ts  expériences  pour  les  points  à  l'appui  def^ 
quels  il  les  rapporte  ,  eft  frappante  dans  fon^ 
livre  de  producibilitate principiorum  chymi'- 
corurriy  où  l'on  trouve  pourtant  des  faits  im-. 
portans  en  foi  ;   la  produdion  d'un  foufre  > 
artificiel ,  par  exemple  ,  mais  qui  avoit  déja> 
été  exécutée  par  Glauber  ,  qui  ne  fe  trom- 
poit  pas  plus  que  Boyle  ,    lorfqu'il  croyoit 
l'extraire  des  charbons  ,  au  lieu  que  le  phy- . 
licien  croyoit  le  féparer  de  l'huile  de  vitriol. , 
Nous  pouvons  oblerver  à  propos.de  ce  fait 
même  ,  qui  eft  un  des  plus  intéreffans  de 
tous  ceux  qui  font  rapportés  dans  ce  traité  , 
que  Boyle  efl  fort  peu  circonfped  à  con-^ 
dure  de  ^^s  expériences  chymiques  ;    car- 
celles-ci  ne  préfentant  ,   félon  lui-même  , 
qu'une  extradion  ou  une  féparation  du  fou-» 
fre  ,   ne  fait  rien  ,  ce  femble  ,  à  l'établifTe- 
raent  de  fa   prétention    que  le  foufre    eft 
réellement  producible  ;  car  il  a  bien  défini  : 
fa  producibihté  &  l'a  effèntiellement  diflin-* 
guée  de  la  féparation. 

Ses  efTais  phyfiologiques  contiennent 
quelques  avis  aux  chymifles  ,  qui  font  réel- 
lement utiles ,  mais  point  neufs  ,  d'ailleurs 
rien  que.  des  obfejrvations  6ç  des  confidéri-* 


C  HT 

îïons  communes  &  de  peu  d'importance. 

Ses  expériences  fur  la  pondérabilité  de 
la  flamme  font  faites  avec  peu  d'exaditude 
&  mal  comprifes,  maie  imeUecla;  l'auteur 
n'a  connu  la  nature  de  pas  un  des  maté- 
riaux qu'il  a  employés  ,  &  n'a  point  du  tout 
entendu  les  changemens  qu'ils  lubifToient; 
la  combinaifon  réelle  du  feu  ou  de  la  flamme, 
qu'il  a  très-difl:indement  articulée  ,  eft  pour- 
tant très  -  chymique.  :  quelque  peu  précife 
que  foit  cette  aflertion  ,  on  ne  fauroit  refufer 
à  l'illuflre  phyflcien  l'éloge  qu'il  mérite  pour 
cette  connoilîance,  toute  particulière  &  abfo- 
lument  ifolée  qu'elle  foit  reftée  chez  lui. 
•  Quant  à  la  dodrine  que  Boyle  a  voulu 
fubflituer  à  celle  qu'il  a  combattue  avec 
une  efpece  d'acharnement  &  de.  haine  trop 
peu  philofophique  ,  j'ai  déjà  obfervé  que 
c'étoit  précifément  celle  que  j'ai  mife  en 
oppofition  avec  la  dodrine  que  j'ai  appellée 
chymique  :  elle  eft  éparfe,  cette  dodrine  chy- 
mico-méchanique  ,  dans  tous  fes  ouvrages 
chymiques  ;  &  l'auteur  avoit  commencé  en 
i66^  de  la  rédiger  en  un  corps  fous  le  ti- 
tre de  Chymie  philofophique  ,  dans  le  temps 
que  Bêcher  achevoit  la  fienne  (fa  phyfique 
fouterraine  ).  Outre  le  motif  de.cpnfolation 
fur  l'inexécution  de  ce  projet ,  que  nous 
fournit  la  phyfique  fouterraine  de  Bccher  , 
nous  pouvons  en  trouver  encore  un  plus  di- 
reddans  les  expériences  &  les  remarques  de 
Boyle  ,  fur  l'origine  &  la  produdion  mécha- 
nique  de  la  fixité  ,  de  la  volatilitéi ,  de  lacor- 
rofivité,  ^c.  qu'on  peut  regarder  comme  un 
échantillon  de  cette.  Chymie  philofophique. 

Pour  toutes  ces  raifons ,  en  rendant  à 
Boyle  toute  la  juftice  qu'il  mérite  ,  comme 
un  illuflre  propagateur ,  &  même  comme 
le  père  de  la  phyfique  expérimentale;  comme 
s'étant  exercé  lui-même  avec  un  zèle  intati- 
gable,  une.  induflrie  ,  &  une  fagacité  peu 
communes  fiir  plufieurs  branches  importan- 
tes de  cette  fcience  ;  comme  en  ayant  d'ail- 
leurs bien  mérité ,  en  encourageant  &  en 
aidant  même  le  talent  des  travailleurs 
indigens  ,  &c.  en  reconnoiflant  ,  dis  -  je  , 
toutes  ces  obligations  que  lui  a  la  phyfique  > 
l'intérêt  de  la  vérité  &  le  bien  même  de  la 
cho(è  exigent  que  nous  déclarioas  que 
Boyle  ne  fauroit  avoir  un  rang  parmi  les 
chymiflies  ,  mais  feulement  parmi  les  pby- 
fiçiefis.  v.erba  nojîra  .CQnad%^ 


C  H  Y  ëi 

Jean  Kunckel ,  contemporain  de  Boyle 
&  de  Bêcher  ,  fut  un  travailleur  très-appli- 
qué ,  &  un  obfervateur  fur  la  fagacité  &  fur 
la  fincérité  duquel  on  peut  compter.  Il  fur 
long-temps  à  la  tête  d'une  verrerie;  ce  qui  lui 
fournit  non-feulement  la  commodité  d'ajou- 
ter au  traité  de  Néri  les  remarques  qui  ont 
tait  de  cet  ouvrage  un  corps  complet  de 
verrerie ,  mais  même  de  profiter  du  feu  con- 
tinuel qu'il  avoit  fous  la  main  ,  pour  faire 
plufieurs  expériences  des  plus  curieufes  ,. 
principalement  fur  les  métaux  parfaits.  V. 

Substances  Métalliques,  &  Calci- 
NATION.  Kunckel  s'étoit  fait  furie  feu  & 
fur  les  matières  inflammables  ,  une  théorie- 
aujQl  ridicule  que  font  précieux  les  faits  qu'elle.^ 
noie  dans  (on  laboratorium  expérimentale  ^^ 
où  elle  efl  principalement  mife  en  œuvre.. 
M,  Stahl  s'efl  donné  la  peine  de  la  réfuter  ■ 
dans  fon  traité  dufoufre  ,  dont  cette  réfuta- - 
tion  forme  une  grande  partie. . 

Enfin  immédiatement  après  \ts  trois  der-- 
niers, auteurs  que  nous  venons  dénommer  ^ 
parut  le  grand  George  Ernefl  Stahl ,  né  à 
Anfpach  en  1660  ,  premier  médecin  du  duc 
de  Saxe  Weymar  en  1687  ,   profefïeur  eai 
médecine  dans  l'univerfité  de  Hall  en  1^94  ,, 
où  il  fe  fit  une  très-grande  réputation,.  & 
profefïà  jufqu'à  l'année  171^' ,  qu'il  alla  à; 
Berlin  où.  le  roi  de  Pruffe  l'avoit  appelle  pour  ■ 
être  fon  premier,  médecin  ,   pofle   qu'il  ai 
rempli  jufqu'en  1734  ,,  année  de  fa  mort.. 
Génie  vafle  ,  pénétrant  ,  précis ,  enrichi  par 
les  connoiflances  élémentaires  de  toute  e{^ 
pece;  tout  ce  qu'il  a  écrit  efl:  marqué  au  coi^^ 
du  grand,  &  fourmille  en  ce  genre  d'ima-. 
ges  qui  s'étendent  au-delà  de  l'objet  fenfible,, 
&  qui  finiflent ,  pour  ainfi  dire,  par  un  long 
fillon  de  lumière  qui  brille  aulfi  loin  que  la; 
vue  dé  l'efprit  peut  le  fiiivre.    Il  a  marché 
en  médecine  dans    une    carrière   nouvelle 
[l'oyei  Médecine  )  , ,  &  il  a  porté  la  doc- 
trine chymique  au  point  où  elle  efl  aujour^- 
d'hui:,  &  j'olè  dire  à  un  état  de  perfedion  , 
où  ,  maniée  par  d'habiles  mains,  ellcpourroit 
faire  changer  de  face  à  la  phyfique  ,  la  prér- 
fenter  fous  un  jour  nouveau.    Outre  le  Be- 
cherianifme  qu'il  s'eft  rendu  véritablement 
propre  ,  qu'il  a  revêtu  de  la  forme  philofo- 
phique dans  \e  fpecimen  Becherianum  dont 
nous  avons  déjà  parlé  ,   il  a  enrichi  l'art  dô: 
plufi^eurs  traités  particuliers  j  fervant  tous  Icl: 


èx  C  H  Y 

plus  immédiatement  à  l'établiflement  &  à 
ï'extenlion  de  la  théorie  générale  dont  il  a 
perfedionné  une  branche  entière  des  plus 
étendues  ,  &  qui  a  dû  paroître  la  plus  diffi- 
cile à  ordonner  ;  favoir  les  combinaifons  du 
phlogiftique  ,  du  feu  ,  de  la  deuxième  terre 
de  Bêcher.  Son  traité  de  zimotechnie  me 
paroît  un  chef-d'œuvre.  Les  vrais  fondemens 
àt^  opérations  métallurgiques  n'étoient  pas 
même  foupçonnées  avant  qu'il  eût  donné 
fon  admirable  traité  intitulé  dijjenatio 
Metallargiœ  pyrotechnies  ,  Ù  DocimaJiiX 
metallicce  fundamenta  exhibens.  Les  élé- 
mens  de  chymie  que  nou'  avons  de  Stahl , 
ibusle  titre  àc fundamenta  chymice  dogma- 
.ticœ  experimentalis  y  qu'il  avoit  di&és  dès 
1684  ,  &  qui  font  fesyw^'f /2/7/a^  ne  font  un 
ouvrage  médiocre  qu'en  comparaifon  des 
ouvrages  plus  travaillés  du  même  auteur. 

Stahl  a  écrit  en  général  d'un  ftyle  dur  , 
ferré  ,  embarralTé  ,  &  plus  barbare  ,  du 
moins  en  Litin  ,  que  la  qualité  d'écrivain  mo- 
derne ne  le  comporte.  L'obfcurité  que  ce 
ftyle  répand  Hir  les  matières  d'ailleurs  abs- 
traites &  conlidérées  très-profondément  ,  a 
été  reprochée  à  Stahl  par  quelques  amateurs, 
&  a  été  regardée  comme  très-avantageufe  à 
l'art  par  quelques  autres  ;  par  ceux  qui  n'ont 
Vu  qu'avec  regret  que  l'art  a  proilitué  aux 
profanes  ,  (es  myfîeres  divulgués ,  publiés 
tn  langue  populaire  ,  ou  furie  ton  ordinaire 
des  fciences  (  ce  qui  leur  a  paru  la  même 
ichofe  )  ;  ton  qui  n'a  commencé  proprement 
qu'aux  maîtres  de  Stahl ,  Barner  &  Bohn  ; 
ou  par  ceux  qui  ont  penfé  plus  philofophi- 
quement  que  ce  degré  de  clarté ,  d'ordre ,  de 
liaifon  ,  qui  met  les  fciences  à  la  portée  de 
tous  lesledeurs,  &  même  de  tous  les  gens  de 
iettreSjétoit  nuifible  en  foi-même  aux  progrès 
de  ces  fciences  ;  &  que  le  bien  de  leur  pu- 
blicité n'étoit  préconifé  qu'en  conféquence 
<^'une  de  ces  opinions  adoptées  fans  examen  , 
&  par-là  même  fi  profondément  enracinées , 
que  l'opinion  contraire  a  tout  l'olîènl'ant 
d'un  paradoxe.  Ce  paradoxe  eft  pourtant 
une  vérité  très- réelle ,  lorfqu'on  l'applique 
^n  particulier  au  cas  de  la  chymie;  (i  elle  de- 
vient connue  au  point  que  les  faifeurs  de 
feuilles  ,  de  romans  ,  Içs  poètes  ,  les  écri- 
vains ,  veuillent  orner  leurs  ouvrages  du 
fiam_  de  Srahl ,  comme  ils  fe  décorent  de 
celui  de  Newton  ,  Ùc.  û  la  chymie  devient 


C  H  Y 

à  la  mode  ,  elle  ne  fera  plus  que  petite  ,^mi^ 
nutieufe  ,  jolie  ,  élégante  ;  les  chymiftes  au- 
ront le  public  à  fatisfaire  au  lieu  des  con- 
noiflèurs  ,  ils  voudront  plaire  à  ce  public  ; 
réciproquement  ce  fera  ce  pubhc  qui  déci- 
dera du  mérite  des  auteurs  ,  &  le  médiocre 
fera  fur  le  trône  de  la  fcience. 

Si  cette  obfcurité  relative  que  nous  avons 
reconnue  &  prefque  approuvée  dans  Stahl 
n'eft  pas  blâmable  ,  nous  pouvons  alîurer 
avec  plus  de  confiance  ,  qu'on  ne  peut  lui 
reprocher  aucune  obfcurité  ablblue  ,  &  qu'il 
n'efl  pas  un  de  fes  écrits  profonds  ,  tels  que 
ionfpecimen  Becherianum^  fa  zimotechnie  y 
&  {es  trecenta  y  qui  ne  puifle  avoir  julqu'à" 
cinq  ou  fix  leûeurs  dans  chaque  nation  fa- 
vante. 

Stahl  a  formé  un  grand  nombre  de  dif- 
ciples  5  parmi  lefquels  Meuder  &  Neuman , 
tous  deux  enlevés  par  une  mort  précoce  , 
fc  font  particuhérement  diflingués. 

Jean  Frédéric  Henckel ,  un  peu  plus  mo- 
derne que  Stahl ,  efl  admirable  dans  les  con- 
noilTances  particuHeres ,  toujours  profondes 
&  liées  ,  qu'il  nous  a  données  principale- 
ment fur  les  minéraux  dans  fa  pyrotologie  , 
&  dans  (zflorafaturnifans  y  &  par  la  doc- 
trine chymique  tranfcendante  qu'il  a  expo- 
fée  dans  fon  apprôpriatio. 

Frédéric  HofFman  ,  le  rival  de  Stahl , 
auquel  il  fuccéda  dans  la  place  de  premief 
médecin  du  roi  de  PrufTe  ,  a  voulu  join- 
dre le  rehef  de  la  chymie  à  la  gloire  qu'il 
s'étoit  juflement  acquife  par  fon  habileté 
dans  la  pratique  &  dans  la  théorie  de  la 
médecine.  On  prétend  qu'il  n'eut  d'autre 
vocation  à  la  chymie  y  que  la  célébrité  de 
Stahl  dans  cette  partie;  quoi  qu'il  en  foit, 
il  n'efl  pas  chymillc  ;  (es  obfervations  tou- 
tes petites  &  ifblées ,  ne  font  pas  neuves 
pour  la  plupart  ;  &  (es  diflertations  fur  les 
eaux  minérales  ,  qui  ont  été  fort  admirées 
&  fort  copiées  ,  ne  font  qu'un  mauvais 
ouvrage  bien  fait. 

Lemery  ,  qui  paroit  abfolument  avoir 
ignoré  Stahl ,  nous  donna  au  commence- 
ment du  fiecle  plufieurs  ouvrages  chymi- 
ques  ,  entre  lefquels  fa  chymie  lui  a  fait  lur- 
tout  une  réputation  conlidérable  ,  même 
chez  les  Allemands  ,  qui  l'ont  traduite  mal- 
gré leur  richefTe  en  ce  genre.  Cet  ouvrage 
efî  enèâiveHient  eiliraable  par  l'exaûituda 


C  H  Y 

âès  opérations  ,  &  les  obfei'vations  fré- 
quentes &  judicieufes  de  manuel.  Il  fe 
dillingue  du  commun  des  chymilles  phar- 
maceutiques dans  la  clafîe  deiquels  nous 
Tavons  rangé  ,  par  une  certaine  théorie  de- 
micorpurculaire  ,  dont  il  a  orné  ou  chargé 
fes  opérations.  Il  a  été  le  feul  proprement 
claffique  &  élémentaire  en  France  ,  jufqu'à 
ce  qu'en  1723  le  nouveau  cours  de  chymie  y 
félon  les  principes  de  Newton  &  de  Stahl , 
»ous  apporta  le  flahlianifme  ,  &  fit  la  même 
révolution  dans  notre  chymie  y  que  les  ré- 
flexions fur  l'attradion  que  publia  M.  de 
Maupertuis  dans  Ion  difcours  fur  les  dif- 
férentes figures  des  affres ,  ont  opérée  dans 
notre  phylique  ,  en  nous  faifant  recevoir 
le  newtonianifme. 

Dans  le  même  temps  ,  trois  grands  au- 
teurs adaptèrent  aux  principaux  phéno- 
mènes chymiques  ,  la  théorie  de  l'attrac- 
tion ;  Newton  ,  fur  la  fin  de  fa  carrière  , 
Jean  Keil  ,  qui  en  difputa  modeflement  la 
gloire  à  fon  maître  ;  &  le  célèbre  Freind  , 
qui  les  copia  &  les  gâta  tous  deux  :  nous 
avons  déjà  parlé  de  leurs  fuccès.  Cette  théo- 
rie qui  règne  en  Angleterre ,  comme  il  pa- 
roît  par  les  ouvrages  chymiques  de  M. 
Haies  ,  n'a  jamais  été  adoptée  chez  nous. 
V.  Attraction. 

:  Si  je  ne  fais  pas  connoître  pluiîeurs  fa- 
vans  illu/lres  ,  qui  cultivent  aujourd'hui  la 
chymie  avec  le  plus  grand  fuccès  ,  (L^Çi 
que  je  n'ai  pas  cru  qu'il  me  fût  permis  de 
leur  affigner  de  rangs. 
.  Le  corps ,  le  fonds  de  dodrine  chymique , 
tel  qu'il  exilîe  aujourd'hui ,  efî  connu  dans 
les  tables  de  Junker  ,  ouvrage  précieux  , 
trop  peu  cité ,  &  principalement  tiré  de 
Stahl.  Nos  tréfors  de  faits  font  les  mémoires 
des  académies  ,  &  fur -tout  de  celles  de 
Paris ,  de  Prufîe  &  de  Suéde.  C'eff  dans  ces 
riches  coUedions  que  font  renfermés  les  ma- 
tériaux les  plus  précieux  de  cette  phyfique 
chymique  ,  vraiment  fondamentale  ,  dont 
j'ai  tâché  de  faire  preffèntir  les  avantages 
&  d'infpirer  le  goût.  C'eft  aufïi  dans  ce 
vafle  fonds  qu'on  doit  fe  pourvoir  d'un  nom- 
bre fufïifant  de^connoifîances  chymiques 
particulières  ,,  qui  font  en  foi  une  richeffe 
réelle  ,  &  qui  doivent  au  moins  nécefîaire- 
ment  devancer  les  notions  compofées  & 
générales,  toujours  aufïi  inutiles ,   comme 


C  H  Y  6^ 

fource  d'inflrudîons ,  que  précieufes  &  re- 
commandables ,  comme  étant  le  complé- 
ment, le  faire ,  le  degré  fuprême  àfi  (cienccs. 

Mais  tout  le  fruit  qu'on  peut  tirer  des 
meilleurs  ouvrages  des  chymilles  ,  toutes 
les  inflrudions  écrites  ne  peuvent  être  d'au- 
cun ufage  ,  comme  étude  élémentaire  &: 
première  des  commencemens  :  ce  n'efi  pas 
dans  les  livres  qu'on  peut  prendre  de  chy- 
mie ;  cette  Icience  doit,  comme  toutes  les 
fciences  pratiques ,  être  d'abord  démontrée 
aux  fens  ;  nous  l'avons  déjà  obfervé  ,  &  oa 
en  efl  affez  généralement  convaincu. 

Cette  première  inflitution  ,  cette  étude 
vraim.ent  élémentaire,  cette  inilruclion  com- 
mençant par  l'exercice  des  fens  ,  on  la  doit 
nécelîaîrement  chercher  dans  les  leçons  pu- 
bliques ,  &  dans  les  cours  particuUers  que 
àts  chymiftes  zélés  pour  les  progrès  de  leuf 
art  ont  ouverts  depuis  quelques  années  dans 
les  principales  villes  de  l'Europe. 

Les  cours  que  M.  Rouelle  fait  à  Paris 
depuis  quinze  ans ,  lont ,  de  l'aveu  même 
des  étrangers  ,  ce  qu'il  y  a  de  mieux  en  ce 
genre.  L'ordre  dans  lequel  les  objets  parti- 
culiers y  font  préièntés  ,  l'abondance  &  le 
choix  des  exemples  ,  le  foin  &  l'exaditudc 
avec  lefquels  les  opérations  y  font  exécu- 
tées ,  l'origine  &  la  liaifon  des  phénomènes 
qu'on  y  fait  exadement  obferver  ,  les 
vues  neuves  ,  lumineu fes  ,  étendues  ;  qui 
y  font  iiiggérées  ,  les  exccUens  préceptes  de 
manuel  qui  y  font  enfeignés  ;  &  enfin ,  la 
bonne  ,  la  faine  dodrine  qu'on  y  réfume  de 
toutes  les  connoiflànces  particulières  ;  tous 
ces  avantages  ,  dis-je ,  font  du  laboratoire 
de  cet  habile  chymifle  une  fi  bonne  école , 
qu'on  peut  en  deux  cours  ,  avec  des  dil- 
pofitions  ordinaires  ,  en  fortir  afîez  infiruit 
pour  mériter  le  titre  d'amateur  diflingué  y 
ou  d'artifle  capable  de  s'appliquer  avec 
fuccès  aux  recherches  chymiques.  Ce  juge- 
ment efl  confirmé  par  l'exemple  de  tous 
les  chymifles  françois  ,  dont  le  premier 
goût  de  chymie  efl  pofférieur  aux  premiers 
cours  de  M.  Rouelle. 

Je  n'ai  pas  cru  pouvoir  mieux  finir  cet 
article  ,  que  j'ai  uniquement  defliné  '\  exci- 
ter le  goût  de  la  chymie  y  qu'en  indiquant 
au  ledeur  à  qui  j'aurai  pu  l'infpirer  ,  la 
fource  dans  laquelle  il  pourra  le  fàtisfaire 
avec  le  plus  d'avantage.  (  ^  J  . 


^4-  C  H  Y 

CHYMOSE  ,  f.  f.  l'aôion  de  faire  ou 
-préparer  lacliymie.  V.  Chymie. 

CH  YNDONAX ,  (  Hifi.  anc.  )  c'eft  le 
nom  d'un  de  ces  pontifes  appelles  chez  les 
Gaulois  grand  Druide  you  chef  des  Druides. 
Son  tombeau  fut  découvert  auprès  de  Dijon, 
en  159^'  ^^  y  trouva  une  pierre  ronde  & 
creufè  qui  contenoitun  vafe  de  verre  orné  de 
plufieurs  peintures.  Autour  de  cette  pierre, 
on  lifoit  en  ^rec  l'infcription  fuivante  : 

UçivvctfyjDya  i^vTViCti  ccrry^'X}! y  hvTionKÔvtvopayt. 

w  Dans  le  bocage  de  Mithra,  ce  tombeau 
fy  couvre  le  corps  de  Chyndonax  ,  chef  des 
w  prêtres.  Impie  ,  éloigne-toi  :  les  (Dieux) 
7j  libérateurs  veillent  auprès  de  ma  cendre.  »> 

Le  bocage  de  Mithra  ,  dont  parle  cette 
^pitaphe  ,  étoit  confacré  à  Apollon  que  les 
Gaulois  appelloient   Mithra  ,   lorfqu'ils  le , 
confidéroient  comme  le  foleil.  (  -+-  ) 

CHYPRE  ou  CYPRE,  {Géog.)  en  latin 
Cjprus. 

Le  premier  efl  le  nom  moderne  ,  &  le 
fécond  eft  le  nom  ancien.  Une  des  plus 
grandes  îles  de  la  Méditerranée  ,  fur  la 
cote  d'Afie  ,  entre  k  Cilicie  au  nord  &  la 
Syrie  A  l'orient. 

La  fable  l'avoit  confàcrée  A  Véniis  ;  & 
comme  elle  y  plaçoitle  lieu  de  la  naiflance 
de  cette  déefle  ,  on  l'y  honoroit  d'un  culte 
particulier.  C'eft  dans  cette  île  que  font 
les  lieux  célèbres  d'Amathonte ,  de  Paphos , 
de  Cythere ,  &  de  la  forêt  d'Idalie  ,  fi  van- 
tés par  les  poètes. 

Sa  fertilité  ,  fes  vins  &  {es  mines ,  Pont 
rendue  en  tout  temps  fi  confidérable  que 
les  Grecs  lui  donnèrent  le  nom  de  marca- 
ria  y  c'efl-à-dire  fortunée  ;  mais  il  s'en  faut 
bien  qu'elle  mérite  ce  beau  titre ,  par  les 
malheurs  qu'elle  a  eflûyés  fucceiîîvement 
en  paflant  fous  des  dominations  étrangères. 
Cet  article  ejl  de  M.  le  Chevalier  DE  JaU- 
COURT. 

*  CHYTRES  (FÊTE  des)  ,  Hifl.anc. 
Myth.  troifieme  jour  des  Anthifleries.  On 
offroit  à  Bacchus  &  à  Mercure  toutes  for- 
tes de  légumes  cuits  dans  des  marmites  , 
pour  les  morts.  Deucalion  pafïbit  pour  l'a- 
voir inftituée  &  célébrée. 

CHYTRINDA,  {Hifi.anc.)  jeu  d'en- 
£ms  j  dans  lequel  il  y  en  a  un  ai&s  à  terre 


C    HY 

au  milieu  des  autres  qui  courent  aufour  ,  îe 
pouifent ,  lui  font  des  niches ,  jufqu'à  ce 
qu'il  en  ait  attrapé  un  qui  prend  fa  place. 

CHZEPREG,  (Géog.)  petite  ville  de 
la  baife  Hongrie,  dans  le  comté  de  Sapron, 
iiir  la  rivière  de  Stop. 

C  I 

*  CI ,  adv.  (  Gramm.  )  abréviation  de 
ici  ,   par  exemple  ,  celui-ci. 

CIALIS  ,  (  Ge'ogr.)  royaume  d'Afie  dans 
la  Tartarie  ,  borné  au  nord  par  le  royaume 
d'Eluth  ,  au  midi  par  le  Thibet  ;  à  l'occi- 
dent par  le  Turqueftan.  La  capitale  s'appelle 
aulîi  Cialis  fur  le  Kincker ,  autrement  dit 
l'Yuidz. 

CLAMPA ,  (  Ge'og.  mod.)  petit  royaume 
d'Aiis  dans  les  Indes  ;  il  a  au  midi  &  à 
l'orient  la  mer  d'Orient  ;  au  nord  ,  le  défert 
de  la  Cochinchine;  à  l'occident,  le  royaume 
de  Camboge. 

CIANDU ,  (  Géog.  )  ville  confidérable 
d'Afie  tau  nord  de  la  Tartarie. 
•   CIANGLO  ,  (  Géog  )  ville  de  la  Chine  ■ 
dans  la  province  de  Folkien  ,  fur  la  rivière 
de  Si. 

CIARTIAM ,  (Géog.)  province  d'Afie 

dans  la  Tartarie ,  dépendante  du  grand  Kan 

ou  Cham  ,  dont  la  capitale  porte  le  nom. 

^  CIAUL,  (Géog.)  ville  forte  d'Afie  dans 

l'Inde,  au  royaume  de  Decan,aux  Portugais. 

CIBAUDIERE;  f.  {.  terme  de  Pêche  , 
c'efi:  le  nom  qu'on  donne  fur  les  côtes  de 
Flandre  &  de  Picardie  aux  filets  ,  que  dans 
d'autres  lieux  on  appelle  folles  ,  &  dont  ils 
font  une  efpece.  On  en  difl:ingue  de  deux 
fortes,  les  cibaudiere  s  flottées  &  les  non-flot- 
tées.  Les  cibaudieres  flottées  ont  le  fond  du 
filet  à  la  mer,  &  l'ouverture  du  côté  de 
terre  ;  on  amarre  aux  deux  bouts  du  filet  de 
grofles  pierres  ,  que  les  pêcheurs  nomment 
cabliercs  :  on  en  met  auflî  fur  la  tète  quel- 
ques-unes ,  pour  que  le  filet  ne  fe  puiflè  éle- 
ver par  le  moyen  des  flottes  ,  qu'autant  qu'il 
efi  nécefîaire.  Ce  filet  fait  une  groffe  foliée 
dans  laquelle  fe  trouvent  pris  les  poifTons 
qui  retournent  à  la  mer  avec  le  reflux  :  ces 
fortes  de  filets  font  de  difFérens  calibres  & 
de  fils  de  diverfes  grofTeurs  ,  ils  prennent 
indiflindement  des  poifïbns  des  genres  plats 
&  ronds ,  au  lieu  que  les  folles  n'en  pren- 
nent que  du  genre  des  plats. 

La 


C  I  B 

La  maille  de  la  cibaudiere  efl  d'environ 
vingt-une  lignes  en  quarré  ,  &  d'un  fil  rrès- 
delié  ;  dans  les  lieux  où  les  pierres  font  rares, 
on  amarre  aux  deux  extrémités  du  filet  des 
torches  de  paille  que  l'on  enfouit  dans  le 
fable,  ce  qni  afîujettit  le  filet  auûi  bien  que 
feroient  les  groffes  pierres  dont  on  a  parié 
ci-devant. 

La  Cibaudiere  non-fîottée  dilîere  de  celle- 
ci  en  ce  qu'au  lieu  d'être  garnie  par  le  haut 
de  flottes  de  liège,  dont  Fulage  cil  de  faire 
tenir  le  filet  à-plomb  dans  l'eau  ,  elle  elt 
tendue  fiir  des  perches ,  ce  qui  produit  le 
mûme  effet ,  en  ce  cas  elle  ne  diffère  pas 
beaucoup  des  bas  parcs.  V^oyei  PAP^CS. 

CIBIN  ,  (  Ge'ogr.  )  rivière  du  royaume  de 
Hongrie ,  dans  la  Tranfylvanie  &  dans  la 
partie  de  la  province  Saxone ,  que  l'on  ap- 
^dl^Aidand.  Elle  fe  jette  dansl'Aluta,  après 
avoir  baigné  les  murs  entr'autres  de  la  ville 
d'Hermanflad  ,  qu'elle  fait  appelier  en  latin 
Ciblnium  ,  &  en  hongrois  Sy^ebeni.  {D.  G.) 

CIBOIRE,  f.  m.  {Hift.  ecclefiajiiq.  & 
prof.  )  vafe  facré  où  Ton  garde  les  hoifies. 
Ocû  un  vaiffeau  en  forme  de  grand  cahce 
couvert ,  qui  fert  à  conferver  les  hoflies 
confacrécs  pour  la  communion  des  chrétiens 
dans  l'églife  catholique. 

On  gardoit  autrefois  ce  vafe  dans  une 
colornbe  d'argent ,  fulpendue  dans  les  bap- 
tifleres  &  fur  les  tombeaux  des  martyrs 
ou  fur  les  autels  ,  comme  le  P.  JNiabiilon 
l'a  remarqué  dans  fa  liturgie  de  l'églife  gal- 
licane ;  le  concile  de  Tours  a  ordonné  de 
placer  le  ciboire  fous  la  croix  qui  étoit  au 
haut  de  l'autel. 

Chez  les  anciens  écrivams  ,  Iclon  le  dic- 
tionnaire de  Trévoux  ,  ce  mot  le  diibit 
de  toutes  fortes  de  confiruâions  fr.ires  en 
voûtes  portées  fur  quatre  piliers.  Chez  les 
auteurs  eccléfiafèiques  ,  il  défigne  un  petit 
dais  élevé  &  fufpendu  fur  quatre  colonnes 
fur  le  maître  autel.  On  en  voit  dans  quelques 
églifes  à  Paris  &  à  Rome,  ce  qui  prouve 
que  c'efl  la  même  chôiè  que  baldaquin  ; 
aufli  les  Italiens  appellent-ils  encore  ciborio 
uïi  tabernacle  iiblé. 

Les  connoifîeurs  ne  peuvent  fapporter  que, 
fousune  coupole  comme  celle  du Val-de-G ra- 
ce ,  par  exemple  ,  qui  eff  d'une  beauté  fupé- 
rieure ,  on  voie  au  delfus  de  l'autel  une  petite 
clpece  de  eiboire  qui  efl  mal  conçu  ^  écrafé , 
Tome  VIIL 


C  I  B  ^5 

enterré  ,  recoigné  contre  la  muraille,  &  qui 
n'ajoute  rien  à  la  fplendeur  de  fon  dôme. 

Le  mot  de  ciboire  vient  originairement  des 
Egyptiens.  Ces  peuples  donnèrent  d'abord 
ce  nom  à  une  efpece  de  fève  de  leur  pays  > 
f3.ba  aegyptia  ,  dont  la  gouffe  s'ouvroit  par 
le  haut  quand  le  fruit  étoit  mûr.  Ils  ont 
enlbite  tranfporté  ce  nom  à  cette  goufîè 
même  qui  leur  iervoit  de  coupe.  Cette  gouflê 
efl  fort  ouverte  par  le  haut ,  &  fort  pointue 
par  le  bas.  Les  Grecs  &:  les  Romains  appel- 
èrent ciboria  ,  cibsires  y  toutes  les  coupes 
de  quelque  matière  qu'elles  fuffent  ,  dans 
iefqueiles  on  verloit  des  liquides  ,  &  en 
particulier  le  vin  que  l'on  bnvoit  dans  les 
repas,  Horace  a  employé  ce  terme  dans  ce 
dernier  fens  : 

Obliviofo  levia  Majjico 

Ciboria  expie.  Lib.  II ,  od.  vij. 

yy   Vuidez  les  coupes  de  cet  excellent  vin  de 

«   Mailique  ;  il  efl  fouverain  pour  dilliper 

')   les  foucis.  » 

Enfin  l'églife  romaine  a  retenu  ce  mot  poul- 
ies vafes  où  l'on  mer  les  hoflies ,  &  qui  refient 
conf'acrées  à  l'ufige  de  la  communion.  Art. 
de  M.  le  cheralier  DE  JauCOUR-T. 

CIBOLA,  (  Gt'og.  )  province  de  l'Améri- 
que feptentrionale  au  nouveau  Mexique  ,  ha- 
bitée par  des  fauvages.  Long.  z66 ^  lat.  55. 

CIBOULE,  f.  f.  plante  qui  doit  être  rap- 
portée au  genre  oignon.   V.  OiGNON.  (/) 

Ciboule,  Ciboulette,  cfj3z//a,(/a/-- 
dinage.  )  eil  une  plante  bulbeuie  qui  fe  feme 
cependant  ,  &  qu'on  peut  replanter  fur 
des  planches  en  tirant  des  lignes  au  cor- 
deau ;  c'efl  une  efpece  d'oignon  qui  ,  au 
lieu  de  faire  une  bulbe  en  terre  ,  s'allonge 
&  fait  beaucoup  de  montans  ,  avec  des 
feuilles  allongées  &  rampantes  ;  chaque  pie 
forme  un  montant  en  boule  remplie  de 
graine  que  l'on  feme  tous  les  mois  de  l'année 
dans  de  bonne  terre  :  on  leur  donne  fouvent 
t]-j  l'eau.  Il  y  en  a  trois  efpeces  ,  une  vivace 
qui  ne  produit  point  de  graine  ;  celle  qui 
graine  &:  la  troifieme  eil  la  cive  ,  civette  ou 
ciboulette.  (K) 

Cicatrice  ,  f  f  (  CJùrurgie.  )  c'efl  la 
marque  de  la  plaie  qui  refle  après  la  guéri- 
fon  ,  &  qui  par  fa  bhmcheur  ,  fon  liflê  ,  fon 
luifant,  fait  diffôrer  cette  partie  des  tégumens 
où  étoit  l'ouverture  de  la  plaie  ,  de  la  peau 
voiline. 


u 


C  I  c 


Formation  de  la  cicatrice.  Le  dernier  pé- 
riode d'une  plaie  guérie  efl  celui  de  la  cica- 
trice ;  les  fucs  qui  ont  réparé  la  perte  de  la 
Xubilance  ,  fe  répandent ,  fe  defîechent  lur 
la  rui>erficie  de  la  plaie,  &  formen*-  cette 
petite  pellicule  calleufe  app^llée  cicatrice  y 
qui,  iàns  être  de  la  même  efpece  que  les 
îégumens  emportés ,  fupplée  à  leur  délaut. 

Les  extrémités  tendres  &  pulpeufes  Aqs 
vaifTeaux  rompus  dans  une  plaie ,  s'allongent , 
fe  joignent ,  s'unilfent  enfemble  par  les  loix 
tie  la  nature  ,  pour  réparer  ainfi  la  (ubOance 
perdue  du  corps  ,  &  pour  former  l'incarna- 
tion ;  cnliiiteles  bords  de  la  plaie  qui  étoient 
précédem nent  rouges  &  enfiés  ,  s'abailfent 
€galemcac  :  ils  acquièrent  une  cculeur  d'un 
blanc  tirant  fjr  le  bleu ,  femblable  à  celle 
à.ts  perles  ;  c'eft  de  cette  manière  ^ue  com- 
mence à  naître  la  cicatrice  vers  les  bords , 
&:  qu'elle  augmente  peu-;\-peu  vers  le  cerk- 
tre  ,  jufqu'a  ce  que  la  plaie  foit  entièrement 
refermée. 

S'il  n'y  a  pas  eu  beaucoup  de  fubflance  de 
perdue ,  »Sc  qu'il  n'y  ait  pas  eu  non  plus  beau- 
coup de  pahnicule  adipeux,  &  de  la  peau 
<:onlommée  par  une  trop  forte  fuppuration , 
tout  fe  conlolide  de  façon ,  qu'à  peine  pa- 
roît-il  quelque  différence  entre  l'endroit  de 
la  plaie  &  la  peau  voifme  i  &  à  peine  cela 
peut-il  s'appeller  cicatrice. 

Mais  lorfqu'il  y  a  une  grande  partie  de 
chair  d'enlevée  ,  ou  qu'il  y  a  beaucoup  de  la 
inembrane  graiïîêufe  c^ui  ell  defTous,  decon- 
iômmée  par  la  (ùppuration  ,  l'endroit  de  la 
plaie  parottra  pour  lors  plus  tirant  furie  bleu., 
plus  folide  ,  &  fouvent  plus  enfoncé  que  la 
p  eau  voifine  ;  &  c'eft-Ll  ce  qu'on  appelle  pro- 
f  rement  cicatrice  ,  laquelle  ne  tranfpire 
point,  &  paroît  plus  lifie  que  le  ref:e  de  la 
p?au.  Cela  fe  voit  encore  mieux  lorfqu'il  s'eit 
formé  une  large  cicatrice  après  l'abceflion 
d'un  grand  morceau  de  chair  ,  comme  dans 
l'extirpation  de  la  mamelle  ou  d'un  grand 
iléarome  ;  la  lupcriicie  de  la  pièce  confoiidée 
fe  montre  alors  luiiante  ,.  immobile  ,  iden- 
ti'iée  avec  les  parties  qui  font  deflous. 

Signes  de  la  cicatrice  naijjànte.  Les  bords 
de  la  plaie  ou  de  l'ulcère  qui  doit  fe  confoli- 
der,  ccxnmencent  a  blanchir  &  à  devenir  ■ 
plus  termes;  &  cette  blancheur  s'avance  in- 
i^nfibiement  de  tout  le  contour  de  la  plaie 
vers  ion  centre  ;  cependant  il  com:iience  à 


C  I  c 

naître  ça  &  là  dans  la  fuperfîcie  ouverte  de 
la  plaie  une  pareille  blancheur ,  qui ,  fi  elle 
s'étend  également  dans  toute  la  liiperficie  & 
fur  le  bord  des  lèvres  ,  forme  une  bonne  ci- 
catrice ;  la  plaie  pure  précédemment  humide 
dans  tous  les  points  de  la  fuperfitle ,  fe  feche 
dans  les  endroits  où  l'on  découvre  cette  blan- 
cheur ,  principe  de  la  cicatrice.  C'efl  pour- 
quoi les  renïedes  appelles  cicatrifans  ou  epu- 
lotiqiies  les  plus  recommandables ,  font  ceux, 
qui  deifechent  modérément  &  qui  fortifient.. 
De-là  vient  qu'on  applique  ordinairement 
avec  tant  de  f iccès  les  emplâtres  faits  de, 
plomb  ou  des  différentes  chaux  de  ce  métal ,. 
les  poudres  impalpables  de  colophone  ,  d'o— 
liban ,  de  farcocoUe  ,  &c.  fur  une  plaie  ou; 
fur  un  ulcère  qui  tend  à  fe  cicatrifer. 

La  beauté  de  la  cicatrice  que  le  chirurgien» 
doit  toujours  tacher  de  procurer,  dépend' 
particulièrement  des  trois- conditions  fuivan— 
tes  :  i°..fî  l'on  a  foin  que  les  parties  fe  trou- 
yevït ,  étant  réunies ,.  daris  la  même  fiaiation-, 
où  elles  étoient  avant  la  bleifure  ;  2.°.  fi  la- 
cicatrice  ne  furmonte  pas  l'égale  fuperfîcie  de 
la  peau  voifine  ;  3°.  fi  elle  ne  cave  pas. 

Moyens  de  procurer  une  belle  cicatrice.  On 
fatisfera  à  cette  première  condition ,  li  l'on 
fait  enforte  ,  foit  par  le  moyen  d'emplâtres, 
tenaces,,  de  futures  ,  ou  d'un  bandage  con- 
venable, que  les  lèvres  de  la  plaie  foient 
l'urLe  par  rapport  à  l'autre  dans  la  même  li- 
tuation  où  elles  étoient  ta  état  de  fanré.  On- 
fatisferaà  la  féconde  ,  fi  par  une  preflîon  mo- 
dérée on  fupplée  à  celle  de  la  peau  qui  efl. 
détruite  ,  de  crainte  que  les  vaiffeaux  privés, 
de  ce  tégument ,  étant  diflendus  par  leurs: 
liquides  ,  ne  furmontent  la  fuperfîcie  de  lai 
peau  ;  car  lorfqu'on  néglige  de  le  faire ,  ou; 
qu'on  applique  lùr  la.  plaie  des  remèdes,  trop- 
émolliens  ,  ce  bourrelet  faillant  fait  unt  cica- 
trice ditiorme.  3,**.  On  empêchera  que  la  ci- 
catrice ne  cave  ,.  en  procurant  une  bonne 
régénération.  Or  la  cicatrice  devient  ordi- 
nairement cave  ,  parce  que  la  preflîon  de  la 
peau  voifme  noufiele  pannicule  adipeux  dans 
l'endroit  de  la  plaie ,  &  V  fait  élever  ;  après- 
quoi  dégénérant  en  chair  fongueufe ,  i»l  efî 
confumc  pas  la  ilippuration  ,.  &  ne  renaît 
plus  enfuite.. 

On  vo4.t  par-là  que  fouvenr  on  ne  peut  pas; 
empêcher  qu'il  ne  refte  une  cicatrice  cvQnfQ': 
&  profonde  ^  fi  La  caufe  vulnérante ,  ou  Hi 


C  I  c 

une  fuppuration  confidérable  qui  s'en  eu  en- 
fuivie  ,  a  détruit  la  graille.  Dès  qu'un  abcès  , 
dit  Hippocrate ,  aph.  ^^  ,  feâ.  vij  ,  de  quel- 
que elpece  que  ce  puifle  être,  dure  un  an  & 
davanrage ,  l'os  apofthume  ,  &  il  fe  fait  des 
cicatrices  fort  creufes.  Combien  font  difibr- 
mes  &  profondes  les  cicatrices  que  laiflènt 
après  eux  les  ulcères  vénériens  ,  lorfqu'ilsont 
confumé  le  pannicule  adipeux  qui  éroit  au 
^eflbus ! 

On  comprend  aifément  par  ce  qu'on  vient 
de  dire ,  la  rail'on  pour  laquelle  le  chirurgien 
doit  éviter  les  caulïiques,  les  flyptiques  ,  [ts 
aftringens ,  s'il  veut  procurer  une  bonne  cica- 
trice ;  car  tous  ces  remed-es  ou  détruilènt  les 
vaifTeaux  vivans  ,  ou  les  refTerrent  de  façon 
qu'ils  n€  tranfmettent  plus  de  liqueur-  Or  les 
•extrémités  des  vailîêaux ,  mortes  ou  obf- 
truées ,  fe  fépareront  nécefîairement  par  la 
fuppuration  ;  ce  qui  caufera  une  perte  de  ûibl- 
tance  ,  la  confomption  de  la  graifTe  ,  &  for- 
mera une  cicatrice  plus  ou  moins  cave. 

On  voitauflien  même  temps  combien  peut 
contribuer  à  la  beauté  de  la  cicatrice  une 
égale  preflk)n  qui  empêche  que  les  vaifleaux 
trop  diflendus  ne  s'élèvent.  On  ne  doit  pas 
néanmoins  pour  cela  détruire  la  chair  fon- 
gueufè  chaque  fois  qu'elle  bourfouifle  ,  mais 
feulement  its  bords  près  è^s  extrémités  de  la 
peau  ;  on  y  parviendra  par  de  doux  efcaroti- 
ques  ,  tels  que  la  charpie  trempée  dans  une 
légère  difToIution  de  vitriol,  ou  le  plus  (buvent 
par  l'ufage  fculde  la  charpie  {èche  &  un  ban- 
dage ferme  ;  ce  qui  fuffira  pour  réduire  au 
niveau  la  cliair  fongueufè ,  fi  on  l'applique 
-avant  qu'elle  ait  acquis  trop  d'accroifïêment. 

Obfervations  de  pratique.  Dans  les  gran- 
des plaies  il  efl  inutile  d'appHquer  les  remèdes 
corrofifs  fur  toute  leur  furface ,  parce  que  la 
^hair  fongueufe  ne  s'élève  qu'à  une  certaine 
hauteur  ,  lorfqu'elle  eft  abandonnée  à  elle- 
même  ,  &  qu'elle  s'y  élevé  Ibuvent ,  malgré 
le  fréquent  uiàgc  des  corrofifs  qui  la  détrui- 
(ènt.  Or  comme  tout  l'avantage  qu'on  peut 
recueillir  de  tels  remèdes  ,  eft  uniquement , 
pour  procurer  une  belle  cicatrice  ^  d'applanir 
les  bords  de  la  plaie  ,  on  en  viendra  égale- 
ment à  bout  en  iè  contentant  de  les  tenir 
aflfujettis  ;  &  on  évitera  beaucoup  de  peine 
que  donneroit  la  répétition  continuelle  à&s 
tfcarotiques. 

Il  eft  remarquable  que  la  perte  d'une  par- 


G  I  C  ^7 

tie  du  cofps  ne  fauroit  être  réparée  que  par 
les  fluides  qui  font  propres  à  cette  partie  ; 
&  comme  dans  un  os  caflé,  le  calus  eft  pro- 
duit par  les  extrémités  de  la  fraûure ,  ainfi 
dans  une  plaie  la  cicatrice  vient  du  bord  de 
la  circonférence  de  la  peau.  C'cft  pour  cette 
raiibn  qu'il  eft  néceflaire  de  maintenir  la  fur- 
face  de  la  plaie  unie  par  des  bandages  cora- 
preflils ,  afin  que  l'élévation  des  chairs  ne 
réfifte  pas  aux  fibres  des  vaifleaux  de  la  peau 
qui  tendent  k  recouvrir  la  plaie.  Quand  je  dis 
que  la  perte  d'une  partie  du  corps  doit  néccl^ 
lairement  être  réparée  par  les  mêmes  fluides 
qui  compofeient  auparavant  cette  part'e , 
j'entends  cela  dans  la  fuppoiition  que  la 
nouvelle  formation  foit  de  même  (ubftance 
que  la  partie  bleflee  ,  comme  le  c.lus  eft  par 
rapport  à  l'os  ,  &  la  cicatrice  par  rapport  à  la 
peau  :  car  généralement  parlant ,  un  vuide  ne 
fè  remplit  que  d'une  efpece  de  chair  ,  quoi- 
qu'il y  eût  dans  cet  endroit  ,  avant  la  blel- 
fure  ,  diftérentes  (brtesde  fubftances  ;  favoir 
de  la  membrane  adipeulè  ,  de  la  membrane 
des  mufcles ,  &  celle  du  mufcle  même. 

On  voit  par  les  détails  précédens  combien 
eft  vaine  la  promefl'e  de  ceux  qui  le  vantent 
de  pouvoir  guérir  toutes  lortes  de  pkies  fans 
cicatrice.  Les  chirurgiens  prudens  &  expéri- 
mentés n'ofent  jamais  ,  après  une  grande 
perte  de  fubftance  ou  une  longue  fuppura- 
tion ,  afTurer  que  la  cicatrice  ne  fera  pas  dif- 
forme ,  &  ils  doivent  toujours  en  avertir  le 
blefle  ,  dans  la  crainte  que  l'on  n'attribue  à 
la  négligence  du  chirurgien  la  diffbrmité  de 
la  cicatrice. 

N'oublions  pas  de  remarquer  qu'il  eft  à 
propos  de  fomenter  fou  vent  la  cicatrice  avec 
l'efprit  de  romarin  ,  de  matricaire  ,  ou 
autres  fèmblables  ;  car  tous  ces  efprits  ont  la 
propriété  d'aftermir  les  parties  animales.  Cet 
endroit  refte  long-temps  plus  débile  ,  cou- 
vert feulement  d'une  pellicule  mince  ,  & 
plus  aifé  par  conféquent  à  être  oliénfé  que 
les  parties  voilines.  De-là  vient  qu'il  eft  quel- 
quefois néceffaire  d'appliquer  long-temps  en- 
core fur  cet  endroit ,  quoique  déjà  confo- 
lidé ,  un  emplâtre  doux  préparé  avec  le 
plomb  ou  une  peau  mollette ,  de  peur  que 
le  frottement  des  habits ,  l'air ,  ou  quelque 
accident  ne  renouvelle  la  plaie. 

On  trouve  à  ce  fujet  une  obfervation  eu» 
rieufe  dans   les  mémoires  d'Edimbourg  ^ 

I    2 


6S   ^^-'-^'^   C  I  c 

tom.  II  y  fur  une  portion  du  cerveau  poufle^ 
par  les  efforts  d'une  toux  violente  ,  hors  du 
crime ,  à  travers  la  cicatrice  d'une  piaie  à  la 
tête  oime  fille  âgée  d'environ  treize  ans.  Le 
chirurgien ,  après  avoir  guéri  la  plaie  ,  avoit 
eu  foin  de  recommander  à  la  malade  de  por- 
ter toujours  fur  la  cicatrice  une  comprefle  de 
linge ,  &  fur  la  compreife  une  plaque  de 
plomb  percée  aux  quatre  extrémités  d'autant 
de  trous ,  où  feroient  pafîés  des  rubans  de  fil , 
deux  defquels  fe  iicroient  fous  la  mâchoire 
inférieure  ,  &  les  deux  autres  derrière  la  tête. 
La  malade  fjivit  l'ordonnance  pendant  deux 
mois  ;  mais  enfiiite  elle  cefla  de  fe  fervir  de 
cette  plaque ,  &  continua  àfe  bien  porter  pen- 
dant fept  autres  mois  ,  après  lequel  temps  elle 
fut  attaquée  d'une  toux  convuliive  avec  tant 
de  violence  dans  le  cours  d'une  nuit ,  que  la 
cicatrice  de  fa  plaie  fe  déchira ,  &  que  le  cer- 
veau fut  forjeté  hors  des  tégumens  ;  ce  qui 
lui  eau  fa  la  mort  au  bout  de  cinq  jours. 

La  cicatrice  refie  toujours.  Concluons  qu'il 
€ft  nécefl'aire  de  confoiider  la  cicatrice  ;  mais 
quand  une  fois  la  cicatrice  eft  bien  certaine- 
ment confolidée  ,  ne  pourroit-on  pas  alors  , 
par  le  fecours  de  fart ,  la  corriger  ,  l'effa- 
cer ,  la  détruire  ,  &  rendre  cette  marque 
blanche  qui  refle  dans  l'endroit  de  la  plaie 
guérie  ,  entièrement  pareille  à  la  peau  voi- 
iine  ?  Ce  font  les  dames  qui  font  cette  quef- 
tion  :  je  leur  réponds  que  cette  marque  blan- 
che efi  ineffaçable  ,  &  qu'elle  reflèmble  aux 
effets  de  la  calomnie  ,  dont  après  que  les 
plaies  qu'elle  a  faites  font  refermées  ,  les 
cicatrices  demeurent  toujours.  Cet  article  efi 
de  M.  le  Chevalier  DE  JaucoURT. 

CICERO  ,  f.  m.  (  Fond,  en  caraco,  )  hui- 
tième àes  corps  fur  lefquels  on  fond  les  ca- 
raderes  d'imprimerie  :  l'a  proportion  eff  de 
deux  lignes  mefure  de  l'échelle.  Son  corps 
double  eff  la  palefline  ,  &  il  efl:  le  double  de 
la  nompareille  :  c'efl-à-dire  qu'il  eft  une  fois 
j^lus  grand  que  ce  caradere ,  &  une  fois  plus 
petit  que  la  palefline. 

Le  cicéro  eft  le  caraétere  le  plus  en  ufàge 
a-l'imprimerie.  Voye\  l'exemple  du  cicéro  à 
Part.  Caractères  d'Imprimerie  ,  où 
nous  fommes  entrés  dans  le  détail  fur  la 
grandeur  des  différens  caraôeres. 

CICÉRONE ,  f  m.  (  Hifi.  mod.  )  c'eft 
ainft  qu'on  appelle  en  Italie  ceux  qui  con- 
jioiirent  les  chofes  dignes  de  la  curiofité  des 


C  I  D 

étrangers  qui  peuvent  être  dans  une  ville ,  & 
qui  les  conduii'ent  dans  les  lieux  où  elles  lont. 
CiCLUT  ,  (  Ge'og.  mod.  )  fort  de  la  Dal- 
marie.  Lon?,.  55  ,    A^  ,-  lat.  4.^  ,  2.5. 

CICUTAIRE,  1.  f.  (  Hijl  nat.  bot.  ) 
cicutaria  5  genre  de  plante  à  fleurs  en  roie  , 
difpofécs  en  ombelles.  Les  pétales  font  lou- 
tenues  par  le  calice ,  qui  devient  dans  la 
fuite  un  fruit ,  compolé  de  deux  femences 
renflées ,  longues  ,  voûtées  ,  faites  ù-peu-près 
en  forme  de  croifîànt  ,  &  cannelées  proton- 
dément.  Ajoutez  aux  caraderes  de  ce  genre  , 
que  les  feuilles  font  femblables  en  quelque 
manière  à  celles  de  la  ciguë".  Tournefort , 
infl.reilierh.  Fbyf;(PLANTE.  (/) 

CIDAMBARAM  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie 
dans  les  Indes  ,  au  royaume  de  Gingi ,  liir 
la  côte  de  Coromandel. 

*  CÎDARIS  ou  CITT ARIS ,  f  m.  (  Hijh 
anc.  )  bonnet  pointu  qu'on  portoit  autrefois 
en  Perfe  &  en  d'autres  contrées  de  l'Orient. 
Les  rois  de  Perfe  le  couvroient  d'un  ruban 
bleu  &  blanc  ,  marque  de  la  dignité  royale  ; 
la  pointe  en  étoit  ou  droite  ou  courbéç  en 
devant.  Chez  les  Hébreux  les  prêtres  por- 
toient  aufll  de  ces  bonnets  ;  mais  celui  du 
grand-prêtre  étoit  plus  haut  que  les  autres, 
&  il  avoit  une  lame  d'or  appellée  lamina  co~ 
ronœ  fancfitatis  ,  qui  alloit  d'une  oreille  à 
l'autre  en  paflânt  fur  le  front  :  cette  lame 
étoit  attachée  au  bonnet  avec  des  fils  de  cou- 
leur hiacinthe ,  &  on  y  hfoit ,  kedefck  Jeho- 
vce  y  fanctitas  Jehovœ.  Voyez  hed.  lex. 

\  CiDA YE  ,   (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans 
l'île  de  Java  ,  au  royaume  de  Surubaya. 

*  CIDRE ,  f.  m.  (  Econom,  rufi.  j  ho'iC- 
fon  que  l'on  tire  de  la  pomme.  Elle  eft  trçs- 
ancienne  ;  les  Hébreux  rappelloientyrc/iar, 
que  S.  Jérôme  traduit  parTzcera  ^  d'où  nous 
avons  fait  cidre.  Les  nations  poftérieures 
l'ont  connu  ;  les  Grecs  &  les  Romains  ont 
fait  du  vin  de  pomme.  Parmi  nous  il  eft 
très-commun  ,  fur-tout  dans  les  provinces 
où  l'on  manque  de  celui  de  raiim." 

Li  Normandie  eft  pour  le  cidre  y  ce  que 
font  la  Bourgogne  &  la  Champagne  pour 
le  vin  ;  &  de  même  que  le  vin  n'eft  pas  égale- 
ment bon  dans  tous  les  cantons  de  ces  pro- 
vinces ,  tous  les  cantons  de  la  Normandie  ne 
donnent  pas  du  cidre  de  la  même  qualité.  Il 
s'en  fait  en  abondance ,  &  d'excellent ,  fur- 
tout  dans  le  pays  d'Auge  &  le  Beflin  ,  ou 


C  I  D 

les  environs  d'Ifigny.  Le  fruit  À  couteau  n'y 
vaut  rien.  Le  cidre  fe  tire  de  pommes  rulli- 
ques  de  plufieurs  efpeces  ,  dont  il  faut  bien 
connoitreies  fucs ,  afin  de  les  combiner  con- 
venablement ,  &  de  corriger  les  uns  par  les 
autres.  On  élevé  àcs  pépinières  de  pommiers 
de  cette  espèce  de  pommes  ,  on  les  greiFe 
en  fente ,  on  les  plante  en  quinconce , 
ou  on  en  drelîe  des  allées.  Il  y  a  peut-être 
plus  de  trente  fortes  de  pommes  à  cidre  , 
qu'on  cueille  en  difrérens  temps  à  mefurc 
qu'elles  paroiflent  mûres;  &  elles  mûrif- 
fent  plus  "ou  moins  promptement  ,  félon 
que  les  années  font  plus  ou  moins  avancées. 
On  les  diftribue  en  trois  dafles  dilférentes  ; 
dont  on  fait  la  récolte  fuccefïîvement.  On 
"donne  le  nom  de  pommes  tendres  aux  deux 
'  premières  clalîes  ,  &  celui  de  pommes  dures 
à  la  troifieme.  En  effet  les  pommes  de  la 
troifieme  clafTe  font  dures  ,  &  mûrifîent 
tard  &  difficilement.  Une  règle  générale 
pour  la  récolte ,  c'eft  de  choilîr  un  temps 
{<ec  ,  pendant  lequel  les  pommes  foient 
e^uyées  de  toute  humidité. 

Ce  jour-là  efl  ordinairement  vers  la  fin 
de  feptembre  ou  le  commencement  d'oc- 
tobre ;  on  fe  tranfporte  vers  les  arbres  ;  & 
comme  il  y  auroit  trop  d'ouvrage  à  cueillir 
les  fruits  à  la  main  ,  on  les  abat ,  loit  à  coups 
de  gaules ,  foit  en  fecouant  les  arbres  :  on 
les  ramafîe ,  on  les  porte  fur  le  grenier  :  on 
les  y  met  en  tas  fuivant  leur  clalîe  :  là  ils 
s'échauffent ,  ils  fuent ,  &  ils  achèvent  de  fe 
mûrir. 

S'il  y  a  un  point  de  maturité  à  choifîr 
pour  la  récolte  des  pommes  ,  il  y  en  a  un 
autre  qui  n'efl  pas  moins  important  à  con- 
r»o]tre  pour  les  piler  :  on  laifTe  palTêr  aux 
pommes  qu'on  appelle  tendres  y  de  beaucoup 
le  temps  de  la-  plus  grande  maturité  ,  avant 
que  de  les  piler  pour  les'  cidrer;  les  pom- 
mes dures  au  contraire  fe  pilent  vertes.  On 
juge  du  progrès  de.  la  maturité  des  pom- 
mes entaÔées  dans  les  greniers  ,  par  l'accroif- 
■fement  de  l'odeur  qu'elles  exhalent  ;  quand 
cette  odeur  a  pris  un  degré  de  force  que  la 
ièule  expérience  apprend  à  connoître  ,  il  eff 
temps  de  faire  le  cidre  ^  &  de  porter  le  fruit 
à  la  pile. 

Voici  la  conflrudion  de  la  pile  :  imagi- 
nez une  auge  circulaire  de  pièces  de  bois 
rapportées  à  deux  meules  de  bois  femblables 


C  r  D  ^9 

à  celles  d'un  moulin  à  blé  ,  mais  différem- 
ment pofées  ;  celles  du  moulin  à  blé  font 
horizontales,  celles  de  la  pile  à  cidre  font 
verticales  dans  leur  auge  :  elles  font  appli- 
quées contre  une  pièce  de  bois  verticale  , 
mobile  fur  elle-même ,  &  placée  au  centre 
de  l'efpace  circulaire  de  l'auge  ;  un  long 
eiiieu  les  traverfe  ;  cet  eflîeu  efl  afîemblé 
avec  l'axe  vertical  ;  fbn  autre  extrémité 
s'étend  au  delà  de  l'auge  ;  on  y  attelé  un 
cheval  ;  ce  cheval  tire  l'eflieu  en  ifiarchant 
autour  de  l'auge  ,  &  fait  mouvoir  en  même 
temps  les  meules  dans  l'auge  ,  où  les  pom- 
mes dont  on  l'a  remplie  font  écrafées.  Lorf- 
qu'on  les  juge  convenablement  écrafées , 
c'eli-à-dire  afîèz  pour  en  pouvoir  tirer  tout 
le  jus  ,  on  les  prend  avec  une  pelle  de  bois  , 
&  on  les  jette  dans  une  grande  cuve  voifine. 
On  écrafe  autant  de  pommes  qu'il  en  faut 
pour  faire  un  marc. 

Les  meules  de  bois  font  meilleures  que 
celles  de  pierre.  Il  faut  que  l'auge  Ibit  bient 
clofe ,  &  que  les  pièces  en  foient  bien  afîèm- 
blées  ,  pour  que  rien  ne  fe  perde.  Ceux  qui 
n'ont  pas  de  grandes  piles  à  meules  tour- 
nantes ,  fe  fervent  de  pilons  &  de  maliûes  , 
dont  ils  pilent  le  fruit  à  force  de  bras. 

Alors  on  travaille  à  afTeoir  le  marc  fufv 
l'émoi  du  prefîbir.,  Le  prefîbir  eft  compofé 
d'un  gros  fbmmicr  de  bois  qui  s'appelle  Ici 
brebis  ,  de  vingt-quatre  à  vingt-huit  pies  de 
longueur ,  pofé  horizontalement  fur  le  ter- 
rain ,  &  d'un  arbre  appelle  le  mouton  ^  de 
pareille  figure  ,  &  élevé  parallèlement  fur 
la  brebis  :  le  mouton  eft  foutenu  au  bout 
le  moins  gros  par  une  forte  vis  de  bois  , 
dont  l'autre  extrémité  fe  rend  pareillement 
au  bout  le  moins  gros  de  la  brebis.  Au  mi- 
lieu de  la  longueur  de  ces  deux  arbres  il  y 
a  deux  jumelles ,  i&  à  leur  gros  bout  deux 
autres  jumelles  ;  ce  font  quatre  pièces  de 
bois  plates ,  arrêtées  fixement  par  le  bout 
d'en  bas  à  la  brebis  ,  &  par  en  haut  à  des 
traverfes  qui  les  tiennent  fblidement  unies  , 
&  les  empêchent  de  s'écarter.  Le  mouton 
haufTe  &  baiiTe  entre  les  quatre  jumelles  , 
&  toujours  à-plomb  fur  la  brebis.  On  a  une 
traverfe  que  l'on  met  à  la  main  ibusie  mou- 
ton dans  les  jumelles  du  côté  de  la  vis ,  où 
on  les  a  difpofées  à  la  recevoir  &  à  la  fou- 
tenir  :  à  l'aide  de  cette  traverfe  on  fait  hauf^ 
fer  &  baifîèr  en  bafçule  le  gros  bout  du  ajotf» 


70  Cl  D 

ton.  Pour  les  jumelles  de  derrière  oh  a  des 
morceaux  de  bois  qu'on  appelle  des  ;  ces 
clés  fervent  foit  à  tlipporter ,  Toit  à  faire 
preffer  le  mouton. 

On  établit  entre  les  quatre  Jumelles  fur 
la  brebis  un  fort  plancher  de  bois  qu'on 
appelle  le  chajjîs  d'émoi  ;  ce  plancher  a  un 
rebord  de  quatre  pièces  de  bois  qu'on  nomme 
rofeaux  d'émoi  ;  ce  rebord  contient  le  jus 
de  la  pomme  ;  il  ne  peut  s'écouler  que  par 
un  endroit  qu'on  appelle  le  beron  ,  d'où  il 
tombe  dans  une  petite  cuve. 

On  élevé  perpendiculairement  fur  l'émoi 
le  marc  des  pommes  ,  par  lits  de  trois  ou 
quatre  pouces  d'épaifleur,  féparés  par  des 
couches  de  longue  paille  ou  par  des  toiles 
de  crin ,  jufqu'à  la  hauteur  de  quatre  à  cinq 
pies.  Le  marc  ainfi  difpofé  a  la  forme  d'une 
p}Tamide  tronquée  &  quarrée. 

Quand  le  marc  eft  mis  en  motte  de  cette 
forme,  il  y  a  au  deilbus  dû  mouton  un 
plancher  qui  lui  eft  attaché  ,  qui  ti\  de  la 
grandeur  de  celui  qui  porte  le  marc  ,  & 
qu'on  nomme  le  hec  :  par  le  moyc  n  de  la 
vis  qui  eft  au  bout  de  la  brebis  &  du  mou^ 
ton  ,  on  fait  defcendre  le  mouton  ;  le  hec  eft 
fortement  apphqué  fur  le  n^arc ,  &  la  preiïion 
en  fait  (brtir  le  jus. 

On  laiflê  quelque  temps  la  motte  ajBfàiflee 
fous  le  hec  avant  que  de  le  relever  :  quand  le 
jus  n'en  coule  plus  guère  ,  on  defferre  le 
prefîbir  ,  on  taille  la  motte  quarrément  avec 
le  couteau  à  prefîbir  ,  qui  eîl  un  grand  fer 
recourbé  &  emmanché  de  bois  ;  on  charge 
les  recoupes  fur  la  motte  ,  &  l'on  continue 
A  preffurer  ,  recoupant  &  chargeant  jufqu'à 
ce  que  le  marc  foit  épuifé. 

Au  bas  de  la  vis  du  prefîbir  il  y  a  un  bâti 
de  bois  placé  horizontalement  fur  la  brebis, 
&  cmbrafîânt  la  vis  ;  ce  bâti  efl  une  efpece 
de  roue  dont  les  bras  font  des  leviers  ;  il  y 
a  des  chevilles  fur  la  gente  de  cette  roue  ; 
on  prend  ces  chevilles  à  la  main,  on  tourne 
la  vis  ;  le  mouton  defcend  d'autant  plus  ,  & 
prefîè  le  marc  d'autant  plus  fortement. 

A  mefure  que  la  petite  cuve  qui  efl  fous 
Je  beron  de  l'émoi  fe  remplit ,  on  prend  le 
cidre  &  on  l'entomie.  L'entonnoir  eft  garni 
d'un  tamis  de  crin  qui  arrête  les  parties  grof- 
fieres  de  marc  qui  fe  font  mêlées  au  cidre. 
On  ne  remplit  pas  exadement  les  tonneaux , 
Gn  y  kifTç  k  hauteur  de  quatre  pouces  de 


C  I  D 

vulde  ;  on  les  defcend  dans  la  cave  ,  où  oii' 
les  lailîe  ouverts  ,  car  la  fermentation  du 
cidre  eu  violente  :  là  le  cidre  fermente  &  fe 
clarifie  ;  une  partie  de  la  lie  efl  précipitée  au 
fond  ,  une  autre  efl  portée  à  la  flirface  ;  celle* 
ci  s'appelle  le  chapeau. 

Si  l'on  veut  avoir  du  cidre  fort ,  on  le  laifîê 
repofer  fur  fa  lie ,  &  couvert  de  fbn  cha-. 
peau  :  fi  on  le  veut  doux ,  agréable  &  dé- 
licat ,  il  faut  le  tirer  au  clair  lorfqu'il  com- 
mence à  gratter  doucement  le  palais  ;  ce  cidre 
s'appelle  cidre  paré.  Pour  lui  conferver  fâ 
qualité  ,  on  lui  ajoute  un  fixieme  de  cidre 
doux  au  fbrtir  de  l'émoi  ;  cette  addition  ex-^ 
citç  une  féconde 'ferme  ntation  légère,  qui 
précipite  au  fond  du  tonneau  un-  peu  "de  He , 
&  porte  à  la  flirface  de  la  liqueur  un  léger 
chapeau, 

Quand  on  a  tiré  le  jus  du  marc  qui  efl 
fiir  l'émoi ,  on  enlevé  le  marc ,  &  on  le 
remet  à  la  pile  avec  une  quantité  fufîifante 
d'eau  ;  on  broie  le  marc  avec  l'eau ,  &  l'on 
rapporte  le  tout  à  un  prefToir  où  il  rend  le 
petit  cidre  ,  qui  efl  la  boiiTon  ordinaire  du 
menu  peuple.  Le  premier  fuc  s'appelle  le 
gros  cidre. 

Le  petit  cidre  efl  d'autant  meilleur  que  le 
marc  a  été  moins  prefiuré.  Il  paie  ordinai- 
rement les  frais  de  la  cucillete.  Le  marc 
de  quatre  gros  muids  de  cidre  donne  deux 
muids  de  petit  cidre.  Il  y  a  donc  du  profit 
à  avoir  à  foi  un  preffoir ,  parce  que  le  marc 
refle  au  propriétaire  du  prefToir ,  avec  le 
prix  qu'on  fait  par  motte  quand  on  pref^ 
fure  chez  les  autres.  Quand  le  marc  efl 
toutrà-fait  fec,  il  fert  encore  d'engrais  aux 
cochons  &  aux  arbres  ,  ou  on  le  brùie. 

Quand  le  cidre  a  féjourné  afîéz  long-temps 
dans  les  futailles  pour  y  prendre  le  goût  agréa* 
ble  qu'on  lui  veut ,  on  le  colle  çomrne  le  vin , 
&  on  le  met  en  bouteilles. 

Le  bon  cidre  doit  être  clair  ,  ambré  , 
agréable  au  goût  &  à  l'odorat ,  &  piquant. 
Il  y  en  a  qui  fe  garde  jufqu'à  quatre  ans. 
Les  cidres  légers  ne  pafîènt  guère  la  pre- 
mière année. 

Il  faut  communément  trente  fîx  boifleaux 
ou  fix  mines  de  pommes ,  pour  faire  un  muid 
de  cent  foixante-huit  pots  de  cidre.  Qn  dit 
que  les  meilleurs  cidres  font  fujets  à  la  cappe , 
ou  à  une  efpece  de  croûte  qui  fe  forme  à 
leur  furface  ;  &  qui  venant  à  fe  brifer  quand 


C  I  E 

k  tonneau  efl  a  la  barre  ,  met  tout  le  réile 
du  cidre  en  lie.  Cette  croûte  ne  Te  brifant 
ue  quand  le  tonneau  eft  à  la  barre  ,  il  y  a 
e  l'apparence  qu'il  faut  attribuer  cet  acci- 
dent à  l'extrême  fragilité  de  la  cappe ,  &  à 
ïa  diminution  de  la  furface  horizontale  du 
tonneau  :  à  raefure  que  le  tonneau  fe  vuide , 
la  furface  horizontale  de  la  Uqueur  augmente 
depuis  la  bonde  jufqu'à  la  barre  ;  depuis  la 
barre  jufqu'au  fond ,  cette  furface  diminue 
en  même  proportion  qu'elle  avoit  augmenté. 
Qu'arrive-t-il?  c'eft  que  ,  pafTé  la  barre  ,  la 
cappe  appuie  contre  les  parois  du  tonneau  ,, 
&  refleroit  fufpenduj  en  l'air  fans  toucher 
à  la  furface  du  cidre  qui  feroit  plus  baffe 
qu'elle  ,  fi  elle  en  avoit  la  force  ;  mais 
comme  elle  eft  foible ,  elle  fe  brifè ,  (qs  frag- 
mens  tombent  au  fond  ,  fe  difîblvent  &  trou- 
blent tout  le  refte  du  cidre.  Il  me  femble  que 
Àts  vaifîèaux  quarrés  ou  des  tonneaux  placés 
debout ,  remédieroient  à  cet  inconvénient  ;  la 
cappe  defcendroit  avec  la  liqueur  par  un 
efpace  toujours  égal  ,  &  toujours  foutenue 
par-tout ,  fans  qu'on  pût  appercevoir  aucune 
occafion  de  rupmre- 

On  fait  avec  les  poires  ruiliques  Iq  cidre 
poiré ,  coiTvme  avec  les  pommes  ruftiques  le 
cidre  pommeWoye'^V  OlKt., 

On  tire  encore  àts  cormes  un  cidre  qu'on 
appelle  cor/77^'.  Kq>'e;jCoRME. 

On  tire  du  cidre  pommé  une  ean-de-vie 
dont  on  ne  fait  pas  grand  cas  ;  &  l'on  peut 
en  tirer  un  aigre ,  comme  on  fait  un  aigre 
de  vin. 

Le  cidre  pafle  en  général  pour  pedoral , 
apéritif,  humedant  &  rafraîchiflant.  L'ex- 
cès en  eft  très-nuifible.  On  prétend  que  quand 
on  n'y  eîl  pas  fait  de  jeunelTe ,  il  donne  des 
coliques  ,  qu'il  attaque  le  genre  nerveux , 
&  qu'on  ne  guérit  de  ces  incommodités 
qu'en  quittant  cette  boiflon  &  changeant 
de  climat. 

CIEL ,  f.  m.  (  Phyjiq,  )  fe  dit  vulgaire- 
ment de  cet  orbe  azuré  &  diaphane  qui  envi- 
ronne la  terre  que  nous  habitons  ,  &  au  de- 
dans duquel  paroillent  fe  mouvoir  tous  les 
corps  céleffes.  V'oyeT^  TERRE  ,  Ùc. 

C'efl  là  l'idée  populaire  du  ciel;  car  il 
faut  obferver  que  ce  mot  a  divers  autres 
fens  dans  le  langage  des  philofophes ,  des 
théologiens  &  des  agronomes  ,  félon  loi- 
quels  on  peut  établir  plufisurs  fortes  dç  àçux^ 


C  I  E  71 

comme  le  ciel  empyrée  ou  le  cielfupérieur  ^ 
la  région  éthérée  ou  le  ciel  étoile  ,  &  le  ciel 
planétaire. 

Le  ciel  des  afîronomes  ,  qu'on  nomme 
aufli  le  ciel  étoile  ou  région  éthérée ,  eil  cette 
région  iramenfe  que  les  étoiles ,  les  planè- 
tes &  les  comètes  occupent.  V.  ETOILE  > 
Planète,  ùc 

C'eff  ce  que  Moyfè  appelle  X^z  firmament  y, 
lorlqu'il  en  parle  comme  étant  l'ouvrage  du 
fécond  jour  de  la  création  ,  ainfi  que  quel- 
ques interprètes  renient  cet  endroit  de  la  Ge- 
nefe  ,  quoiqu'en  cela  ils  fe  foient  écartés  un 
peu  de  fon  vrai  fens  pour  favorifer  l'ancien- 
ne opinion  fur  la  folidité  des  deux.  Il  efi 
certain  que  le  mot  hébreu  lignifie  propre- 
ment étendue  ,  term;^  dont  le  pror)hete  s'efl 
fèrvi  avec  beaucoup  de  jufîefTe  pour  expri- 
mer l'impreflion  que  les  deux  font  fur  nos 
ïer\s,.  C'efl  ainfi  que  dans  d'autres  endroits 
de  l'écriture  fainte  le  ciel  eff  comparé  A  ua 
rideau  ,  à  un  voile  ,  ou  à  une  tcnre  drcfïée 
pour  être  habitée.  Les  feptante  furent  les 
premiers  qui  ajoutèrent  à  cette  idée  d'éten- 
due ,  celle  àe  fermeté  ou  àe  folidité ,  en 
rendant  le  mot  hébreu  par  çi'^^aij.et  ,  con- 
formément à  la  philofophie  de  leur  temps  ; 
&  les  tradudeurs  modernes  les  ont  fuivis 
en  cela- 

Les  affronomes  ont  dîflribué  le  ciel  étoile 
en  trois  parties  principales  ;  favoir ,  le  zodia- 
que qui  efl  la  partie  du  milieu  &  qui  ren- 
ferme douze  conifellations  ;  la  partie  fepten- 
trionale  ,  qui  renferme  vingt-une  conflella- 
tions;  &  la  partie  méridionale  qui  en  ren- 
ferme vingf-lèpt ,  dont  quinze  étoient  con- 
nues des  anciens ,  &  douze  n'ont  été  connues 
que  dans  ces  derniers  temps  ,  parce  qu'elles 
ne  font  point  vifibles  fur  notre  hémiîjphere. 
Foyf:[  Constellation. 

Les  philofophes  modernes  ,  comme  Def^ 
cartes ,  &  plufieurs  autres  ,  ont  déir  o  itré 
facilement  que  ce  ciel  n'efl  point  folide. 
Chambers. 

II  n'ell  pas  moins  facile  de  réfuter  cent 
vieille  opinion  des  fedateurs  d'Ariffote  , 
qui  prétendoient  que  les  deux  étoient  in- 
corruptibles, &  de  faire  voir  qu'elle  efl 
abfolument  faufîê  &  dénuée  de  raifons. 
P-ut-être  qu'étant  trop  prévenus  en  faveur 
de  tous  ces  corps  lumineux  qche  nous  voyons 
dausJieaW,  ils  fc  font  laiffé  entraîner  à  dke 


7i  C  I  E 

qu'il  ne  pouvoit  jamais  y  arriver  de  chan- 
gement ;  &  comme  il  ne  leur  en  coûtoir 
guère  plus  de  multiplier  les  avantages  ou  les 
propriétés  des  corps  célcftes  ,  ils  ont  enfin 
pris  le  parti  d'afîlirer  que  la  matière  des 
deux  eft  tout-à-fait  différente  de  celle  dont 
la  ferre  ei\  formée  ;  qu'il  flalloit  regarder  la 
matière  terrcffre  ,  non-feulement  comme 
fujette  A  fe  corrompre  ,  mais  encore  comme 
étant  propre  à  prendre  toutes  fortes  de 
configurations  ;  au  lieu  que  celle  dont  les 
corps  céleilcs  ont  été  formés ,  étoit  au  con- 
traire tellement  incorruptible,  (ju'ils  dévoient 
nous  paroître  perpétuellement  ibus  une  même 
formé ,  avec  les  mêmes  dimenfions  ,  fans 
qu'il  leur  arrivât  le  moindre  changement. 
Mais  les  obl'ervations  nous  apprennent 
que  dans  le  foleil  ou  les  planètes  il  fe  forme 
continuellement  de  nouvelles  taches  ou  amas 
de  matières  très-confidérables ,  qui  fe  dé- 
truifent  ou  fe  corrompent  enfuite  ;  &  qu'il 
y  a  des  étoiles  qui  changent ,  qui  dilpa- 
roiflenr  ou  qui  paroifTent  tout-à-coup.  En 
un  mot  oh  a  été  forcé  depuis  l'invention  des 
lunettes  d'approche ,  de  reconnoître  divers 
changemens  dans  les  corps  céleffes.  Ainli 
c'eff  une  chofe  certaine  que  dans  les  planè- 
tes ,  fur  la  terre  ,  &  pamii  les  étoiles  ,  il  fe 
fait  des  changemens  continuels  :  donc  la 
corruption  générale  de  la  matière  doit  s'éten- 
dre à  tous  les  corps  ;  car  il  y  a  par-tout  l'uni- 
vers un  principe  de  génération  &  de  corrup- 
tion. Infi.  afir. 

Les  cartéfiens  veulent  que  le  ciel  foit  plein 
ou  parfaitement  denfe  ,  fans  aucun  vuide  , 
&  qu'il  foit  compofé  d'un  grand  nombre  de 
tourbillons.  Voyei  Etiier  ,  CartÉSIA- 
:NISME  ,  Ùc. 

Mais  d'autres  portant  leurs  recherches  plus 
'loin  ,  ont  renverfé  le  fyltême  non-feu!ement 
de  la  folidité  ,  mais  auffi  de  la  prétendue  plé- 
nitude des  deux. 

M.  Newton  a  démontré  que  les  deux  font 
à  peine  capables  de  la  moindre  rélifl:ance , 
&  que  par  conféquent  ils  font  preique  dé- 
pourvus de  toute  matière  ;  il  l'a  prouvé  par 
les  phénomènes  des  corps  céleftes  ,  par  les 
moivemens  continuels  des  planètes ,  dans 
la  vîtefie  delquels  on  ne  s'apperçoit  d'aucun 
ralcntifïèment  ;  &  par  le  pafTage  libre  des 
comètes  vers  toutes  les  parties  At?i  deux  p 
quelles  que  puiiTent  être  leurs  diredions. 


C  lE 

En  un  mot  les  planètes ,  félon  M,  New- 
ton, fe  meuvent  dans  un  grand  vuide,  fi 
ce  n'efl  que  les  rayons  de  lumière  &  les  exha- 
iaifbns  des  difFérens  corps  célefles  mêlent  utr 
peu  de  matière  à  àcs  elpaces  immatériels 
prefque  infinis.  En  effet  on  prouve  que  le 
milieu  où  fe  meuvent  les  planètes  peut  être 
fi  rare  ,  que  fi  on  en  excepte  la  maflè  des 
planètes  &  des  comètes ,  aufîi  bien  que  leurs 
atmofpheres ,  ce  qui  refle  de  matière  dans 
tout  l'efpace  planétaire  ,  c'eff-à-dire  ,  depuis 
le  foleil  jufqu'à  l'orbite  de  faturne  ,  doit  être 
fi  rare  &  en  fi  petite  quantité  ,  qu'à  peine 
occuperoit-elle ,  étant  ramaflée,  plus  d'ef^ 
pace  que  celui  qui  efl  contenu  dans  un  pouce 
d'air  pris  dans  l'état  où  nous  le  refpirons.  La 
démonfiration  géométrique  s'en  trouve  dans 
les  ouvrages  de  MM.  Newton  ,  Keiil  & 
Grégori  :  mais  celle  qu'en  a  donnée  Roger 
Cotes  ,  dans  i^Qs  leçons  phyjiques ,  paroît 
plus  fimple  ,  S>i  plus  à  la  portée  des  com- 
mençans.    V.  RÉSISTANCE,  PlanetE  , 

Comète  ,  Tourbillon  ,  ùc  Infl.  aftr. 
de  M.  le  Monnier. 

LeaV/étant  pris  dans  ce  Çqvis  général  pour 
fignifîer  toute  l'étendue  qui  efl  entre  la  terre 
que  nous  habitons  &  les  régions  les  plus  éloi-. 
gnées  des  étoiles  fixes ,  peut  être  divifé  en 
deux  parties  fort  inégales  ,  félon  la  matière 
qui  les  occupe  ;  favoir  ,  l'atmofphere  ou  le 
ciel  aérien ,  qui  elt  occupé  par  l'air  ;  &  la 
région  éthérée  ,  qui  efl  remplie  par  une  ma- 
tière légère ,  déliée  &  incapable  de  réiif- 
tance  fenfible  ,  que  nous  nommons  e'ther. 
Voyei  Atmosphère  ,  Air  ,  Ether. 

Chambers.  (O) 

Ciel  ,  dans  Vaftronomie  ancienne  _,  fi- 
gnifie  plus  particulièrement  un  orbe  ou  une 
région  circulaire  du  ciel  e'théré.  V.  OreE. 

Les  anciens  aflronomes  admettoient  au- 
tant de  deux  difFérens  qu'ils  y  remarquoient 
dt  difîerens  mouvemens,  ils  les  croyoient 
tous  folides ,  ne  pouvant  pas  s'imaginer  qu'ils 
puiîènt ,  fans  ztxit  folidité  ,  foutenir  tous  les 
corps  qui  y  font  attachés  :  de  plus  ils  les  fai- 
foient  de  cryffnl ,  afin  que  la  lumière  pût 
pafîèr  à  travers  ;  &  ils  leur  donnoient  une 
forme  fphérique  ,  comme  étant  celle  qui 
convenoit  le  mieux  à  leur  mouvement. 

Ainfi  on  avoit  fept  deux  pour  les  fèpt 
pknetes  ;  lavoir ,  le  ciel  de  la  Lune  ,  de 
Mercure  ,  de  Vénus ,  du  Soleil ,  de  Mars , 

de 


C  ÎE 

de  Jupxîter,  de  Saturne.  Kbj.  PLANETE,  6v. 

Le  huirieme ,  qu'ils  nommoient  le  firma- 
ment^ étoit  pour  les  étoiles  fixes.  V.  ETOILE 
ù  Firmament. 

Ptolomée  ajouta  un  neuvième  aV/, qu'il 
appella /)r//72w/;2  mobile  ,  le  premier  mobile. 
VoyeT^  Mobile. 

Après  Ptolomée,  Alphonfe  roi  deCaftilie 
ajouta  deux  a>z/x  cryftallins,  pour  expliquer 
quelques  irrégularités  qu'il  avoit  trouvées 
dans  le  mouvement  des  deux.  On  étendit 
enfin  fur  le  tout  un  ciel  empyrée  ,  dont  on 
a  fait  le  féjour  de  Dieu ,  &  ainfi  on  compléta 
le  nombre  àQAoMzt deux.  Voy.  EmpyréE, 
ùplus  bas  Ci-EL  DES  Théologiens. 

On  fuppofoit  que  les  deux  deux  cryfiallins 
étoient  fans  aftres ,  qu'ils  entouroient  les 
deux  inférieurs  ,  étoiles  &  planétaires  ,  & 
leur  comrauniquoient  leur  mouvement.  Le 
premier  ciel  crylkllin  fervoit  à  rendre  compte 
du  mouvement  des  étoiles  fixes  ,  qui  les  fait 
avancer  d'un  degré  vers  l'orient  en  (oixante- 
dix  ans  ^  d'où  vient  lapréceiiion  de  l'équi- 
noxe.  Le  fécond  ciel  cryllallin  lêrvoit  à 
expliquer  les  mouvemens  de  libration  par 
iefquels  on  croyoit  que  la  fphere  célefîe  fait 
des  balancemens  d'un  pôle  à  l'autre.   Voye'{ 

Précession,  Libration,  ùc. 

Quelques-uns  ont  admis  beaucoup  d'autres 
■deux  ^  félon  leurs  différentes  vues  &  hypo- 
theies'.  Eudoxe  en  a  admis  vingt-trois  ;  Ca- 
îippu^,  trente;  Régiomontanus  ,  trente- 
trois  ;'Arjffote  ,  quarante-fept  ,  &  Fracaflor 
en  comptoit  julqu'à  foixante-dix. 

Nous  pouvons  ajouter  que  iesaflronomes 
ne  fe  mettoient  pas  fort  en  peine  fi  les  deux 
■qu'ils  admettoient  ainfî  étoient  réels  ou  non  ; 
il  leur  fufEfoit  qu'ils  pufîènt  fervir  à  rendre 
railon  des  mouvemens  célefles  ,  &  qu'ils 
f ufîent  d'accord  avec  les  phénomènes,  l^oy. 
Hypothèse,  Système,  Phénomè- 
ne ,  &c.  Chambers.  (  O  ) 

Parmi  plufieurs  rêveries  des  rabbins  ,  on 
lit  dans  le  talmud  qu'il  y  a  un  lieu  où  les 
deux  &  la  terre  fe  joignent  ;  que  le  rabbin 
Barchana  s'y  étant  rendu  ,  il  poià  fon  cha- 
peau fur  la  fenêtre  du  ciel ,  &  que  l'ayant 
voulu  reprendre  un  moment  après  ,  il  ne  le 
retrouva  plus  ,  les  aVi/xl'avoient  emporté;  il 
faut  qu'il-attende  la  révolution  des  orbes  pour 
le  rattraper. 

ÇiEL ,  {Théolog.)  le  ciel  des  théologiens , 
Tome  Vni. 


C  I  E  7^ 

qu'on  nomme  auffi  fe  ciel  empyrce  ^  cil  le 
féjour  de  Dieu  &  des  efprits  bienheureux  , 
comme  des  anges  &  des  âmes  des  juiles 
trépafîés.    Voye^  Dieu  ,  Ange  ,  &c. 

Dans  ce  fens  ciel  eft  l'oppofé  de  V enfer* 
Fb>r:(ENFEPv. 

C'elt  ce  ciel  empyrée  que  l'écriture  fainte 
nomme  fouvent  le  royaume  des  deux  ^  le 
ciel  des  deux  ,  &  que  S.  Paul  ,  félon  quel- 
ques-uns ,  appelle  le  troijume  ciel ,  quel- 
quefois le  paradis  ,  la  nouvelle  Jérufalem  , 
&c.  Voye-{  EmpirÉE  ,  &c. 

L'on  fe  figure  ce  ciel  comme  un  endroit 
fitué  dans  quelque  partie  bien  éloignée  de 
l'efpace  infini  ,  où  Dieu  permet  qu'on  le 
voie  de  plus  près  ,  &  d'une  manière  plus 
immédiate  ;  où  il  manifefîe  fa  gloire  plus 
fenfiblement  ;  où  l'on  aune  perception  de 
\^Qs  attributs  plus  adéquate  qu'on  n'en  peut 
avoir  dans  les  autres  parties  de  l'univers, 
quoiqu'il  y  foit  également  préfènt.  î^oye:^ 
Univers  ,  Ubiquité  ,  ùc 

C'efl  auili  eii  cela  que  confifle  ce  que  les 
théologiens  appellent  vijjon  b'éatifique.  Voy. 
Vision.  Quelques-auteurs  ont  nié  fort  légè- 
rement^ (on  ne  fait  pas  pourquoi  )  la  réalité 
d'un  iemblabie  ciel  local. 

Les  auteurs  infpirés,  &  fur-tout  le  pro- 
phète Ifaïe  ,  &S.  Jeitn  l'évangélille  ,  font  de 
fuperbes  defcriptions  du  ciel,  de  (affrufîure, 
de  fcs  ornemens  &  embeiliffemens  ,  &  de  la 
cour  qui  Thabitc. 

Le  philofophe  Platon  dans  fon  dialogue  fur 
rame  ,  parle  du  ciel  dans  des  termes  fi  fem- 
blables  à  ceux  de  l'écriture  fainte,  qu'Eufébe 
n'héfite  pas  de  le  taxer  d'avoir  emprunté 
delà  ce  qu'il  en  dit ,  de  prœpar.  evangel.  lib. 
XI  f  cap»  x:  XI' ij. 

Les  anciens  Romains  ,  dans  leur  lyfîême 
de  théologie  ^  avoient  une  forte  de  <:/>/ qu'ils 
nommoient c/ia/TT/jj-  élifées  y  elyfum.  Voye^ 
Champs  Ei.ysées. 

Le  ciel  ou  le  paradis  des  mahométans  efl: 
une  fidion  très-groiliere,  conforme  au  génie 
de  leur  religion.  Voye^  AlcorAN  é?  Ma- 
HOMÉTISME.  {G) 

Ciel,  (Décor,  théat.)  on  donne  ce 
aux  plafonds  de  l'opéra ,  lorique  le  théâtre 
repréfente  un  heu  découvert  comme  on  dit 
le  ciel  d'un  tableau.  Lorfque  le  ciel  eu  bien 
peint,  qu'on'y  obferve  avec  foin  les  gmda- 
tiens  nécefTaires  ,  &  qu'on  a  l'attentionjdè 

K 


74  C  I  E 

ie  bien  éclairer  ,  c'eft  une  des  plus  agréables 
parties  de  la  décoration.  L'effet  feroit  de  la 
plus  grande  beauté  ,  fi  on  y  faifoit  fervir  la 
lumière  à  rendre  aux  yeux  du  fpedateur  les 
diverfes  teintes  du  jour  naturel.  Dans  la  re- 
préfentation  d'une  aurore  ,  d'un  jour  ordi- 
naire )  ou  d'un  couchant  ,  ces  teintes  font 
toutes  différentes  ,  &pourroient  être  peintes 
à  l'œil  par  le  feul  arrangement  des  lumières. 
Les  frais  ne  feroient  pas  plus  coniidérables, 
peut-être  même  feroient  moindres.  Cette 
beauté  ne  dépend  que  du  loin  &  de  l'art. 

Les  plafonds  changent  avec  la  décoration 
parle  moyen  du  contrepoids.  V.  DÉCORA- 
TION ,  ChangemENS,  PLAFONDS.  {B) 

Ciel  de  Carrière  ,  eil  le  premier 
banc  qui  fe  trouve  au  deffous  des  terres  en 
fouillant  les  carrières  ,  &  qui  fert  de  plafond 
à  mefure  qu'on  les  fouille. 

CIEKANOW  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de 
Pologne  en  Mafovie  ,  dans  le  palatinat  de 
Czersko  ,  capitale  du  Caftellanio   de  même 


nom. 


CIEME ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Chine  dans 
la  province  de  Xantung.  iaf.  56'.  5.J. 

CIERGE  ÉPINEUX  ,  {Hifl.  nat.  bot.) 
plante  qui  doit  être  rapportée  au  genre  ap- 
pelle melocaBus.  Voy.  MeloCACTUS.  (/) 

Ce  cierge  s'appelle  encore  cierge  du  Pe'rou^ 
flambeau  du  Pérou,  cereus  Peruvianus. 

James  a  manqué  de  goût  en  omettant 
dans  Ion  ouvrage  la  belle  &  bonne  delcrip- 
tion  que  M.  de  Jufiieu  a  donnée  en  17 16  du 
cierge  du  Pérou,  [mém.  d.e  Vacad.  des  Se. 
tj  z6,  in-4.^.  pag.  14^?  avecfig.)  ;  je  me 
garderai  bien  de  la  fupprimer  dans  un  didion- 
naire  où  la  botanique  exotique  ,  qui  efî:  la 
moins  connue  ,  doit  tenir  fa  place. 

Defcription  du  cierge  épinzux  du  jardin  du 
Toi.  Deux  fortes  de  gens  ,  remarque  d'abord 
M.  de  Juilieu,  nous  ont  parlé  du  cierge  épi- 
neux ,\es  uns  en  voyageurs  ,  les  autres  en 
botanifles  :  ceux-là  frappés  du  peu  de  reflèm- 
blance  qu'ils  ont  vu  de  cette  plante  à  toutes 
celles  de  l'Europe  ,fe  font  plus  attachés  dans 
l:urs  relations  à  étonner  leurs  lefteurs  par  le 
inerveilleux  du  récit  qu'ils  en  ont  fait ,  que 
par  le  vrai  qu'ils  n'étoient  pas  en  état  de  rap- 
porter ,  faute  d'avoir  quelque  teinture  de 
botanique  :  ceux-ci  ne  nous  en  ont  décrit 
que  des  elpeces  différentes  de  celles  dont  il 
s'agit  ici  ;  ou  H  l'on  prétend  que  ce  foit  la 


C  i  E 

même  qu'ils  aient  décrite  ,  on  ne  pourra  re- 
garder leurs  defcriptions  que  comme  impar- 
taites. 

La  plus  exade  doit  donc  être  celle  gui 
fera  d'après  la  nature  même ,  &  fur  les  obfer- 
vations  qu'aura  permis  de  faire  la  commo- 
dité du  lieu  où  on  a  pu  la  voir  en  toute  forte 

état. 

Cette  plante  ,  qui  fut  envoyée  de  Leyde 
au  commencement  du  llecle  par  M.  Hotton, 
profelfeur  en  botanique  au  jardin  de  cette 
ville-là  ,  à  M.  Fagon  ,  premier  médecin  de 
Louis  XIV  &  lùrintendant  du  jardin  du 
roi ,  y  fut  plantée  ,  n'ayant  alors  que  trois 
à  quatre  pouces  i'ur  deux  &  demi  de  dia- 
mètre. 

Depuis  ce  temps-là  ,  on  a  obfervé  que 
d'une  année  à  l'autre  ,  elle  prenoitun  pié  & 
demi  environ  d'accroilîément;,  &  que  la  crue 
de  chaque  année  fe  diflingue  par  autant  d'é- 
tranglemens  de  fa  tige  ;  en  forte  qu'elle  étoit 
déjà  parvenue  dans  l'année  17 16  à  2,3  pies  de 
hauteur  fur  fept  pouces  de  diamètre,  mefurée 
vers  le  bas  de  fa  tige.     - 

La  figure  droite  &  longue  de  la  tige  de 
cette  plante  par  laquelle  elle  reffemble  à  un 
cierge ,  lui  en  a  fait  donner  le  nom  ;  on  pour- 
ront même  dire  qu'elle  auroit  encore  plus  de 
rapport  à  une  torche  par  les  côtes  arrondies, 
dont  elle  eff  relevée  dans  toute  l'étendue  de 
(a.  longueur. 

Ces  côtes  ,  qui  font  au  nombre  de  huit, 
&  faillent  d'environ  un  pouce ,  forment  des 
cannelures  d'un  pouce  &  demi  d'ouverture , 
lefquelles  vont  en  diminuant,  &  augmentent 
en  nombre  à  proportion  qu'elles  approchent 
du  fbmmet    de  la  plante  terminée  en  cône. 

Des  toupets ,  compofés  chacun  de  fept, 
huit  ,  ou  neuf  épines  écartées  les  unes  des 
autres  en  manière  de  rofetre  ,,  couleur  châ- 
tain ,  fines  ,  fort  affilées ,  roides,  &  dont  les 
plus  longues  font  de  près  de  neuf  lignes  , 
fortent  d'efpace  en  efpace  à  un  demi-pouc« 
d'intervalle  y  de  petites  pelottes  coronneufes, 
grisâtres  ,  de  la  grandeur  &  figure  d'une  len- 
tille ordinaire ,  &  placées  fur  toute  la  lon- 
gueur de  ces  côtes. 

Son  écorce  eft  d'un  verd  gai  ou  verd  de 
mer  ,  tendre  ,  lifîe,  &  couvre  «ne  fubffance  * 
charnue  ,  blanchâtre  ,  pleine  d'un  fuc  glai- 
reux ,  qui  n'a  qu'un   goût  d'herbe  ,    &    a» 
milieu  de  laqueiie  lé  trouve  un  corps  ligneux 


C  I  E 

de  quelques  lignes  d'épailTeuf  ,  auflî  dur  que 
le  cnêne  ,  &  qui  renterme  une  moelle  blan- 
châtre pleine  de  fuc. 

Onze  ans  après  que  ce  cierge  fut  plante  , 
&  étant  devenu  haut  de  dix-neuf  pies,  envi- 
ron ,  deux  branches  forcirent  de  fa  tige  à 
trois  pies  &  quelques  pouces  de  (a  naiffance. 
A  la  douzième  année  ,  il  poulîa  des  fleurs 
qui  fortirent  des  bords  fupérieurs  des  pelo- 
tons épineux  répandus  fur  ces  côtes.  Depuis 
ce  temps  jufqu'en  l'année  1716,  \q  cierge  a 
tous  les  ans  jeté  de  nouvelles  branches  qui 
font  en  fout  femblables  à  la  tige  ,  &  a  donné 
des  fleurs  qui  naiiïent  ordinairement  en  été 
de  diftérens  endroits  Ats  côtes  de  cette  tige, 
quelquefois  jufqu'au  nombre  de  quinze  ou 
feize.  Il  elt  actuellement  très-haut. 

La  fleur  commence  par  un  petit  bouton 
verdàtre  ,  teint  à  la  pointe  d'un  peu  de  pour- 
pre ;  il  s'allonge  jufqu'à  un  demi-pié  ,  & 
groilit  un  peu  plus  que  du  double  à  fon 
extrémité  ,  laquelle  s'cpanouiflant ,  forme 
une  efpece  de  coupe  de  près  d'un  demi-pié 
de  diamètre. 

Elle  efl  compofée  d'une  trentaine  de  péta- 
les longues  de  deux  pouces  fur  un  &  demi  de 
largeur  ,  tendres  ,  charnues  ,  comme  cou- 
vertes de  petites  gouttes  de  rofée  blanchâtre 
à  leur  naiflànce  ,  lavées  de  pourpre  clair  à 
leur  extrémité ,  qui  efl  pointue  &  légèrement 
dentelée. 

Une  infinité  d'étamines  longues  d'un 
pouce  &  demi  ,  blanchâtres  ,  chargées 
d'un  fommct  jaune  de  foufre  ,  partent*  par 
étage  des  parois  intérieures  d'un  calice  de 
couleur  verd  gai  ,  épais  de  .deux  lignes  , 
d'une  lubflaiice  charnue  ,  verdàtre  ,  viîqueu- 
fe  ,&  d'un  goût  d'herbe  ,  cannelé  (iir  fa  f.ir- 
face  extérieure  &  compofée  de  plufieurs  écail- 
Ie*s  longues,  épailîes  ,  étroites  ,  vertes,  teintes 
de  pourpre  à  leur  extrémité  ,  &  appliquées 
les  unes  fur  les  autres  fucceflivemcnt  ;  en 
lorte  que  les  intérieures  qui  font  jointes  à  la 
naiflànce  du  calice  ,  fouticnnent  les  fupé- 
rieures,lefquellesfe  divifent ,  s'allongent,  & 
s'élargifl'ent  à  proportion  qu'elles  approchent 
Àqs  pétales  de  la  fleur  ,  dont  elles  ne  £e  dil- 
tinguentque  parce  qu'elles  font  les  plus  extç- 
rieures,  plus  charnues  ,  d'un  verd  jaunâtre 
vers  le  milieu  ,  &  plus  arrondies  vers  leur 
extrémité  j  quieft  lavée  d'un  rouge-brun. 

Cette  fleur  qui  a  peu  d'odeur ,  cil  portée 


CIE  7, 

fur  un  jeune  fruit  coloré  d*un  même  verd 
que  l'eil  le  calice  à  fa  naifl*ance  ,  auquel  il 
lert  de  bafe  ,  &  lui  efl  fi  intimement  joint , 
qu'ils  ne  font  cnfemble  qu'un  même  continu- 
La  furfacede  ce  fruit  gros  alors  comnie 
une  petite  noix  ,  efl  cannelée  ,  hflé  ,  &  fans 
épines.  Son  intérieur  renferme  une  chair 
blanchâtre ,  dans  le  milieu  de  laquelle  efî 
une  caviré  qui  contient  plufieurs  ièmences. 
\Jn  piflil  long  de  trois  pouces  &  quel- 
ques lignes  fur  un  &  demi  de  diamètre  , 
blanchâtre  ,  divifé  à  là  partie  fupérieure  en 
manière  de  pavillon  ,  découpé  en  dix  laniè- 
res étroites,  longues  de  fi>x  lignes,  prend 
fa  naiflànce  au  centre  de  ce  fruit  ,  que  nous 
n'avons  pas  vu  mûrir  ici ,  &  s'élève  de  fa 
partie  fupérieure  ,  enfile  le  calice  de  la  fleur, 
&  en  occupe  le  centre  ;  là  ,  il  efl  environné 
de  toutes  les  étamines ,  qui  s'inclinent  un 
peu  de  fon  côté  fans  le  furpafler  &:  fans  en 
être  touchées. 

Obfervations  fur  cette  plante,  Les  obfer- 
vationsauxqueHcs  la  defcription  de  ce  cierge 
peuvent  donner  lieu  ,    lônt: 

i"^.  Que  cette  efpece  âe  cierge  n*a  durap* 
port  qu'à  celle  dont  Tabernomonranus  don- 
ne une  figure  ,  qui  a  été  copiée  par  Lobel  , 
Delechamp  ,  &  Swertius.  C.  Bauhin  l'a 
nommée ,  cereiis  Perui'ianus  -tfpinofus^fru- 
clu  ruhroy  iiucis  magnitudine.  Lin.  4.58. 

2-".  Que  cette  efpece  efl  différente  de  cel- 
les rapportées  par  M.  Herman  &  par  le  P. 
Plumier,  parce  que  celle-ci  jette  àcs  bran- 
ches ,  &  que  le  pifîil  de  fà  fleur  efl  de  ni- 
veau aux  étanimes  ;  au  lieu  que  celles-là 
n'ontqu'une  feule  tige  fans  branches,  &  que 
celle  dont  parle  le  P.  Plumier ,  poulîe  du 
milieu  de  fa  fleur  un  piflil  qui  la  furpafl^ 
de  beaucoup. 

3°.  Que  quoique  l'examen  de  la  fleur  & 
du  truit  des  plantes  ait  été  jugé  propre  pour 
en  établir  le  caractère  ,  on  peut  néanmoins  le 
faire  fans  ce  fecours  y  &  par  la  feule  inf^ 
pedion  de  la  figure  extérieure  d'une  plante 
qui  a  quelque  choie  de  particulier  ;  ce  qui 
iè  vériiie  à  l'égard  de  celle-ci ,  qui  efl  afîez 
rcconnoilTable  par  la  longueur  de  fès  tiges 
&  par  leurs  cannelures,  dont  les  côtes  font 
hériflées  de  paquets  d'épines  placées  d'ef- 
pace  en  ef]iace  ;  en  forte  que  comme  il  ne 
porte  des  fleurs  que  fort  tard  ,  &  que  cette 
fleur  pafTe  très-vite ,  &  n'efl:  bien  en  état  .q«c 

K2 


-j^  CIE 

la  nuit  &  vers  le  matin  ,  elle  devient'à  ''égard 
du  botanirte  comme  inutile  pour  juger  du 
genre  dans  lequel  la  plante  qui  la  porte  doit 
ctre  placée. 

4°.  Que  le  cierge  par  la  flrudure  de  {es 
fleurs  ,  par  celle  de  fon  fruit  &  par  fes  pa- 
quets d'épines  ,  a  beaucoup  de  rapport  à  la 
requette  ,  ou  opuntia  ,  &  n'en  diffère  que 
p;irce  que  les  tiges  de  celle-ci  ne  font  point 
cannelées  ;  &  que  ce  qui  eil:  merveilleux 
dans  la  végétation  de  l'une  &"  de  l'autre  de 
ces  plantes  ,  efl  qu'elles  puiffent  pouffer  un 
jet  fi  haut  ,  Il  charnu  ,  &:  durer  auffi  long- 
temps avec  des  racines  fi  courtes  &  avec  auiil 
peu  de  terre. 

Ce  que  l'on  a  obfervé  d'irapartant  pour  la 
culture  de  ce  cïer^^e  par  rapport  au  lieu  où  l'on 
doit  le  placer  ,  c'ell  qu'il  faut  qu'il  ait  une 
cxpofition  favorable  qui  le  mette  à  l'abri  du 
nord  ,  &  où  il  puiffe  recevoir  route  la  cha- 
leur du  foleil ,  de  laquelle  il  ne  peut  jamais 
être  endommagé. 

Que  \ts  pluies  ,  la  trop  grande  fécherefTè , 
&  la  gelée  ,  font  fes  ennemis  mortels  ;  que 
pour  l'en  garantir ,  on  doit  le  tenir  fermé 
dans  un  vitrage  couvert  pardeflus  ,  &  qui 
puiffe  être  élevé  à  mefureque  ce  cierge  croît. 

Par  rapport  aux  (oms  que  l'on  doit  avoir 
de  cette  plante  ,  fexpérience  a  appris  qu'il 
cilnéceffaire  d'entourer  de  fumier  fec  l'ex- 
térieur de  la  boîte  vitx^ée  quiTenferme  ,  &  en 
même  temps  d'avoir  la  précaution  de  mettre 
intérieurement  tous  \qs  foirs  ,  une  poêle  de 
feu  pendant  les  froids  les  plus  rigoureux 

Enfin  on  a  trouvé  que  pour  multiplier  le 
Cierge ,  il  faut  en  couper  pendant  les  plus 
grandes  chaleurs  les  jeunes  branches ,  &  les 
laiffer  fanner  deux  à  trois  jours  ,  en  les  ex- 
pofant  à  l'ardeur  du  foleil  auparavant  que 
•de  les  mettre  en  terre. 

Après  avoir  tranfcrit  la  defcription  du 
beau  cierge  épineux  qui  eft  dans  le  jardin  du 
roi ,  la  botanique  exige  de  caractérifer  cette 
plante  ,  quelque  connoiffible  qu'elle  foit  par 
ion  port ,  &  d'en  indiquer  les  efpeces  /ou- 
tre que  j'ai  quelques  remarques  particulières 
à  y  joindre. 

Les  caractères  du  cierge  épineux.  Sa.  racine 
eft  vivace ,  petite  en  cajnparaifon  de  la  plan- 
te ,  &  très-iibreufe.  ^.a  plante  n'a  point  de 
feuilles  ;  elle  eft  garnie  de  piquans  ,  &  eft 
ajû^uieuiè.  Les  angics  des  ajj.es  toAt  attachés  à 


CIE 

des  épines,  qui  partant  du  centre  des  rayons , 
forment  comme  une  efpece  d'étoile.  La  par- 
tie interne  de  la  tige  eft  ligneufe  :  celle  de 
dehors  eft  blanche ,  fongueufe  ,  &  couverte 
d'une  membrane  femblable  à  du  cuir.  Le 
calice  eft  long  ,  écailleux  ,  &:  fa  partie  fu- 
périeure  eft  garnie  de  longs  rayons  qui  en- 
tourent le  fommet  de  l'ovaire.  La  fleur  qui 
fort  de  l'extrémité  du  fruit ,  eft  corapolée 
d'un  grand  nombre  de  pétales  qui  s'élargif- 
fent  à  mefure  qu'ils  s'éloignent  de  leur  ba— 
fe  ;  elle  eft  ornée  de  plufieurs  étamines,  & 
d'un  trts-beau  piftil.  L'ovaire  qui  eft  à  l'ex- 
trémité du  pédicule ,  forme  le  corps  du  ca- 
lice: il  eft  muni  d'un  tube  ,  &  fe  change 
en  un  fruit  femblable  à  celui  du  poirier  fau— 
vage  ,  charnu  ,  couvert  d'une  membrane  ve- 
lue &  vifqueufe  ,  lequel  contient  un  nom- 
bre infini  de  lemences. 

Ses  efpeces.  Boerhaave  en  compte  treize 
diftérentes  efpeces. 

1  ^ .  Ce  re  us  e  reclus ,  a  ItiJJim  us ,  Syrinamen." 
fis,  Fark.  Bat.  ii6  ,  fpinis  fufcis.  H.  R.  D. 

2^.  Cereus ereclus yaltijfimus^  Syrinamen-- 
fis,  Park.  Bat.  ii6  ,  fpinis  albis.  H.  R.  D- 

3^,  Cereus  maocimus  ,  fructu  fpinefo  y 
ruhro y  Dadu5.  Far.  Bat.  113. 

4^.  Cereui  ereclus ^fruâu  rubro  ,  fpinofo^ 
Par.  Bat.    114. 

5^.  Cereus  ereBus^fruclu  ruhro  ,  nonfpï— 
nofo  ,  lanuginofus  ,  lanugine  flivefcente^ 
Par.  Bat.  115. 

6,  Cereus  eveclus  ,  craffffimus ,  maxime 
angutofus  y  fpinis  albis  ,  pluribus  ,  longiffi- 
mis  y  lanugine  fiavâ.VL.  R.  D. 

7^.  Cereus.  erecius  y  gracilis  y  fpinofifji— 
mus  y  fpinis  fiai'is  y  polygonus  y  lanugine 
albâpallefcente. 

8^.  Cereus  erecius  y  gracilior  ,  fpinofijji— 
mus  y  fpinis  albis  y  polygonus.  H.  R.   D>. 

9^.  Cereus  erecius  y  quadrangulus  ,  cofîis 
alaruminfiar affurgentibus.  Ind.   181. 

10^.  Cereus  fcandens  y  minor  ,  trigonusy. 
articulatusjfruchifuapififlmoVax.  Bat.  118. 

n^.  Cereus  fcandens  y  minor y  polygonus  y 
articuh:us.Târ.  Bat.  120. 

12^.  Cereus  mimmus  y  articulatusy  poly^ 
gonusy  fpinofus,  H.  R.  D. 

13^.  Cereus  erecius  y  polygonus  y  fpino-^ 
fus  y  per  inter-yolla  comprejfus  qua/i  in 
.irtiahs.  H.  R.  D.  Boerhaave  ^  index  alter 
piajuarum  ^Yo\,l* 


C  I  E 

Remarques  fur  ces  efpeces  &  leur  culture.  1 
Voilà  le  catalogue  des  diverfes  efpeces  de 
cierges  du  Pérou.  Le  meilleur  moyen  de  les 
conferver,  eftdelesencaiiferdans  des  boîtes 
vitrées  ,-  &  de  les  tenir  toujours  à  l'abri  de 
l'humidité  dans  une  ferre  ouverte  en  été  , 
&  fermée  en  hiver.  Il  y  a  bien  peu  de  ces 
efpeces  qui  produifent  des  fleurs  dans  nos 
climats.  L'on  ne  compte  guère  que  celles  du 
jardin  royal  à  Paris,  &  des  jardins  de  bo- 
tanique de  Leyde  &  d'Amllerdam  ,  qui 
aient  eu  ce  bonheur. 

Les  deux  premières  efpeces  font  les  plus 
communes  en  Europe  ,•&  Ton  peut  même 
les  conferver  pendant  les  chaleurs  de  l'été 
dans  les  jardins ,  pourvu  qu'on  ait  foin  de 
les  garantir  des  vents  du  nord  ,  du  froid  , 
de  la  pluie ,  &  de  l'humidité  ,  qui  font  les 
plus  grands  ennemis  des  plantes  de  l'Amé- 
rique. 

Les  trois ,  quatre ,  cinq ,  fix ,  fept ,  huit , 
&  neuvième  efpeces,  (ont plus  tendres  ,  & 
requièrent  plus  de  chaleur.  On  les  doit  te- 
nir avec  foin  dans  des  boîtes  vitrées  ,  &  les 
placer  dans  un  lieu  choifi  de  la  ferre  ,  à  une 
chaleur  réglée  par  le  thermomètre  ;  elles 
demandent  très-peu  d'arrofement  pendant 
l'hiver. 

La  dixième  efpeceeft  cultivée  par  les  ha- 
l)itans  des  Barbades  ,  attenant  leurs  maifons, 
par  amour  pour  fon  fruit  qui  efl  de  la  grof- 
feur  d'une  poire  de  bergamote  ,  &  d'une 
odeur  délicieufe. 

Ces  dixième  &  onzième  efpeces  exigent 
encore  plus  de  chaleur  pour  leur  conferva- 
tion  ,  que  les  précédentes.  Si  on  les  place 
contre  les  murs  d'une  ferre,  elles  y  poude- 
ront  des  racines ,  &  s'élèveront  à  une  grande 
hauteur  :  pourvu  qu'on  \qs  attache  à  la  mu- 
raille ,  on  les  portera  jufqu'au  haut  de  la 
ferre,  où  elles  feront  un  trè.s-bel  effet  à  la  vue. 

La  onzième  efpece  parvenue  à  un  cer- 
tain âge ,  produira  de  larges  &  belles  fleurs 
d'une  odeur  admirable;  mais  ces  fleur  fem- 
blables  à  celles  des  autres  efpeces  ,  demeu- 
rent à  peine  un  jour  évanouies;  &:  ii  elles  font 
une  fois  fermées  ,  elles  ne  s'épanouiront  pas 
de  nouveau. 

On  multiplie  cette  plante  par  boutures  : 
pour  cet  eftèt  il  faut  couper  de  ^es  tiges  à 
la  hauteur  qu'on  voudra ,  les  mettre  dans 
ua  lieu  fec  ;  les  y  laUfer  quinze  jours  gu 


.         .        c  1  E  77 

trois  fcmaines  pour  confolidei-  leur  bleflure. 
Ces  boutures  doivent  être  plantées  dans  de 
petits  pots  remphs  d'une  terre  légère  &  fa- 
blonneufe,  avec  un  mélange  de  décombres 
de  batimens.  On  arrangera  au  fond  des  pots 
quelques  petites  pierres,  poreuiés,  pour  boire 
l'humidité  :  enfuite  on  placera  c.&<.  pots  dans 
un  lit  chaud  de  tan  ou  de  fumier  y  pour 
aider  au  développement  des  racines  ,  &  on 
les  arrofera  légèrement  une  feule  fois  par 
femaine. 

La  meilleure  faifon  pour  ce  travail  efl:  au 
mois  de  juin  ou  de  juillet ,  afin  de  leur  don- 
ner le  temps  de  prendre  la  racine  avant  l'hi- 
ver. A  la  mi-août  on  comoiencera  par  leur 
procurer  de  l'air  par  degrés,  pour  les  endur- 
cir contre  le  froid  prochain  ;  mais  il  ne  faut 
pas  les  expofer  entièrement  à  l'air  ouvert  ou 
au  (oleil.  Au  mois  de  fepterabre  ,  il  faut  les 
reporter  dans  lalérre  pour  y  paiîèr  l'hiver  , 
pendant  laquelle  faifon  on  ne  les  arrofera 
que  très-rarement. 

Quand  vous  avez  coupé  les  fbmmités  de 
quelques-unes  de  ces  plantes  pour  les  mul- 
tiplier ,  leur  tige  pouffera  de  nouveaux  re- 
jetons de  leurs  angles  qui ,  quand  ils  au- 
ront huit  ou  neuf  pouces  de  long  ,  pourront 
fervir  à  former  de  nouvelles  plantes  ,  &  de 
cette  manière  les  vieilles  plantes  fourniront 
toujours  de  nouveaux  jets. 

Comme  les  cierges  du  Pérou  font  pleins 
de  fuc  ,  ils  peuvent  fe  conferver  hors  de 
terre.  Ceux  donc  qui  voudront  en  appor- 
ter des  Lides  occidentales  ,  n'ont  autre  chofè 
à  faire  que  de  les  couper  ,  de  les  laiiîêr  fé- 
cher  quelques  jours  ,  les  renfermer  enfuite 
dans  une  boîte  avec  du  foin  lèc  ou  de  la 
paille  ,  \ts  empêcher  de  fe  toucher  de  peur 
qu'ils  ne  s'entre-déchirent par  leurs  épines, 
&  les  préferver  de  l'humidité  :  de  cette  ma- 
nière ils  loutiendront  deux  ou  trois  mois  de 
voyage,  (j^.  M.  Aà^nÇon  ^famille  des  plan- 
tes vol.  lljpag.  Zj^z.  Cet  habile  naturaliffea 
placé  le  cierge  dans  la  i^.  fedion  de  la  famille 
des  pourpiers.  V.  PÉROU.*)  Anicle  commu- 
niqué par  M.  le  chevalier  'D'E  JaUCOURT. 

Cierge  ,  f.  m.  chandelle  de  cire  que  l'on 
place  fur  un  chandelier ,  &  que  l'on  brûle 
(îir  les  autels  aux  enrerremens  &  autres  cé- 
rémonies reiigieufes.  Vcye\  Chandelle. 

On  fait  àts  cierges  de  différentes  gran- 
deurs ^ .  figures.  En  Italie ,  ils  font   c>  lin,- 


7§  CIE 

clriques;dans  la  plupart  des  auffes  paj's  >  en 
France  ,  en  Angleterre  ,  &c.  ils  font  coni- 
ques :  l'une  &  l'autre  efpece  font  creux  à  la 
partie  inférieure  ;  c'eft-là  qu'eft  reçue  la 
pointe  du  chandelier.  Foy.  CHANDELIER. 

L'ufagedes  cierges  dansles  cérémonies  de 
religion  efl  fort  ancien.  Nous  favons  que 
les  païens  le  fervoient  de  flambeaux  dans 
leurs  lacrifices  ,  fur-tout  dans  la  célébration 
des  myfleres  de  Cérès ,  &  ils  mettoient  des 
cierges  devant  les  flatues  de  leurs  dieux. 

Quelques-uns  croient  que  c'efl:  à  l'imita- 
tion de  cette  cérémonie  païenne  ;,  que  les 
cierges  ont  été  introduits  dans  l'églife  chré- 
tienne ;  d'autres  lou tiennent  que  les  chré- 
tiens ont  (uivi  en  cela  l'ufage  des  juifs.  Mais 
pour  en  trouver  l'origine,  ileft  inutile  d'avoir 
recours  aux  fentimens  des  uns  &  des  autres. 

Il  n'efl"  pas  douteux  que  les  premiers  chré- 
tiens ne  pouvant  s'aflembler  que  dans  des 
lieux  fouterrains  y  ne  fuiTent  obligés  de  le 
fervir  de  cierges  &  de  flambeaux  :  ils  en  eu- 
rent même  befoin  depuis  qu'on  leur  eut  per- 
mis de  bâtir  des  églifes  ;  car  elles  étoient 
conflruites  de  façon  qu'elles  ne  recevoient 
que  très-peu  de  jour  ,  afin  d'inlpirer  plus  de 
refpeâ:  par  l'obfcurité. 

C'efl-là  l'origine  la  plus  naturelle  qu'on 
puiile  donnera  l'ufage  des  cierges  dans  les 
églifes.  Mais  il  y  a  déjà  long  -  temps  que 
cet  ufage  introduit  par  la  néceffité  ,  eft  de- 
venu une  pure  cérémonie.  S.  Paulin  qui  vi- 
voit  au  commencement  du  cinquième  fiecle, 
obferve  que  les  chrétiens  de  fon  temps  ai- 
moient  li  fort  les  cierges  ,  qu'ils  en  repréfen- 
toient  en  peinture  dans  leurs  églifes. 

Ceux  qui  ont  écrit  des  cérémonies  de  l'é- 
glife ,  ont  remarqué  que  l'ulàge  d'allumer 
des  cierges  même  en  plein  jour  ,  a  une  fîgni- 
lication  myflique  ,qui  ell  d'exprimer  la  joie, 
là  charité,  &  la  lumière  même  de  la  vérité , 
découverte  aux  hommes  par  la  prédication 
de  l'évangile.  C'eft  le  fentiment  de  S.  Jé- 
rôme contre  l'hérétique  Vigilance.  JPer  to- 
tas  Orientis  ecclejias  ,  dit  ce  père  y  accen- 
duntur lum inaria  ,fole  jam  rutilante  ,  non 
iitique  adfiigandas  tenebras  ,  fcdadjignum 
Icetitiœ  demonflrandum. .  .  Ut  fub  typo  lu- 
minis  corporalis  illa  lux  oftendatur  de  quâ 
in  pfaherio  legimus  :  lucerna  pedibus  meis 
verbumtuum  j  Ù  lumen  femitis  meis.  S. 
Jérôme  ,  tom.  IV.  part.  I)   pag.  2.^4. 


CIE 

II  y  a  deux  manieras  de  faire  des  cierges; 
l'une  à  cuiller  ,  &  l'autre  à  la  main. 

Voici  la  première.  Les  brins  des  mèches 
que  l'on  fait  ordinairement  moitié  coton  & 
moitié  filalfe  ,  ayant  été  bien  commis  & 
coupés  de  la  longueur  dont  on  veut  faire  les 
cierges ,  on  en  prend  une  douzaine  à  dillan- 
ces  égales  ,  autour  d'un  cerceau  de  ïer,  per- 
pendiculairement au  delfus  d'un  grand  bal^ 
lin  de  cuivre  plein  de  cire  fondue  :  alors 
on  prend  une  cuiller  de  fer  qu'on  emplit 
de  cette  cire  ;  on  la  verfe  doucement  fur  les 
mèches  ,  un  peu  au  delîbus  de  leur  extré- 
mité fupérieure  ,  &*on  les  arrofe  ainli  l'unô 
après  l'autre  :  de  forte  que  la  cire  coulant  du 
haut  en-bas  (lir  les  mèches  ,  elles  en  devien- 
nent entièrement  couvertes  ,  &  le  furplus  de 
la  cire  retombe  dans  le  ballm ,  au  delTous 
duquel  efl  un  brafier  pour  tenir  la  cire  en 
fufion,  ou  pour  empêcher  qu'elle  ne  fe  fige. 

On  continue  ainfi  d'arrofer  les  mèches 
dix  ou  douze  lois  de  fuite  ,  jufqu'à  ce  que 
les  cierges  aient  pris  i'épailTeur  qu'on  veut 
leur  donner.  Le  premier  arrofement  ne  fait 
que  tremper  la  mèche;  le  fécond  commence  . 
à  la  couvrir,  &  les  autres  lui  donnent  la  for- 
me &  l'épaiflèur.  Pour  cet  effet  ,  on  a  foin 
que  chaque  arrofement  qui  fuit  le  quatriè- 
me ,  fe  falîe  de  plus  bas  en  plus  bas  ,  afin 
que  le  cierge  prenne  une  figure  conique.  Les 
cierges  étant  ainfi  formés  ,  on  les  pofe  pen- 
dant qu'ils  font  encore  chauds  ,  dans  un  lit 
de  plume  pour  les  tenir  mous  :  on  les  en 
tire  l'un  après  l'autre,  pour  les  rouler  fur  une 
table  longue  &  un'C  avec  un  inlîrument 
oblong  dé  buis  ,  dont  le  bout  inférieur  eît 
poli  ,  &  dont   l'autre  cil  garni  d'une  anfe. 

Après  que  l'on  a  ainfi  roulé  &  poli  les  cier- 
ges y  on  en  coupe  un  morceau  du  côté  du 
bout  épais  ,  dans  lequel  on  perce  un  trou 
conique  avec  un  inlîrument  de  buis  ,  afin 
que  les  cierges  puiiîent  entrer  dans  la  pointe 
des  chandeliers. 

Pendant  que  la  broche  de  buis  efl  en- 
core dans  le  trou  ,  on  a  coutume  d'emprein- 
dre fur  le  côté  extérieur  le  nom  de  l'ouvrier 
&  le  poids  du  cierge  ,  par  le  moyen  d'une 
règle  de  buis  fur  laquelle  on  a  gravé  les 
caraéteres  qui  expriment  ces  deux  choies.^ 
Enfin  on  pend  les  cierges  à  des  cerceaux  , 
pour  les  fécher,  durcir ,  &  expofèr  en  vente. 

Manière  défaire  des  cierges  à  la  main.  Les 


C  I  E 

mèches  étant  difpofées  comme  ci-defTus ,  on 
commence  par  amollir  la  cire  dans  de  l'eau 
chaude  &  dans  un  vaifTeau  de  cuivre  étroit 
&  profond  :  enfuite  on  prend  une  poignée 
de  cette  cire  ,  &  on  l'applique  par  degrés  à 
la  mèche  qui  eft  attachée  à  un  crochet  dans 
le  mur  par  le  bout  oppofé  au  collet  ,  de  forte 
que  l'on  commence  à  former  le  cierge  par 
fon  gros  bout  ;  on  continue  cette  opération 
en  le  faifant  toujours  moins  fort  à  mefure 
que  Ton  avance  vers  le  collet. 

Le  reile  fe  fait  de  la  manière  ci  -  defîlis 
expliquée ,  fi  ce  n'eft  qu'au  lieu  de  les  met- 
tre dans  un  lit  de  plumes  ,  on  les  roule  fur 
la  table  aufli-tot  qu'ils  font  formés. 

Il  y  a  deux  chofes  à  obferver  par ,  rapport 
aux  deux  elpeces  de  cierges  ,•  la  première  , 
eft  que  pendant  toute  l'opération  des  cierges 
faits  à  la  cuiller  ,  on  fe  (ert  d'eau  pour  mouil- 
ler la  table ,  &  d'autres  inrtrumens  ,  pour 
empêcher  que  la  cire  ne  s'y  attache  :  &  la 
féconde  ,  que  dans  l'opératioH  des  cierges 
faits  à  la  main  ,  on  fe  fert  d'huile  d'olive  , 
pour  prévenir  le  même  inconvénient. 

Cierge  PASCHAL,  dans  VégUfe  romai- 
ne ,  efliungros  cierge  auquel  un  diacre  appli- 
que cinq  grains  d'encens ,  dans  autant  de 
trous  que  l'on  y  fait  en  forme  de  croix  ;  il 
allume  ce  cierge  avec  du  feu  nouveau  ,  pen- 
dant les  cérémonies  du  famedi-iaint. 

Le  pontifical  dit  que  le  pape  Zofime  a 
inftitué  cette  cérémonie,  mais  Baronius  pré- 
tend que  cet  ufage  eft  plus  ancien  ,  &  pour 
le  prouver  ,  il  cite  une  hymne  de  Prudence. 
Il  croit  que  ce  pape  en  a  établi  feulement 
l'ufàge  dans  les  églifes  paroiflîales  ,  &  qu'au- 
paravant l'on  ne  s'en  fervoit  que  dans  les 
grandes  églifês. 

Le  père  Papebroch  parle  plus  difhnde- 
mentde  l'origine  du  aVrg-fpacAa/,  dans  fon 
conatus chronico-hijîoriciis.  Quoique  le  con- 
cile de  Nicée  eût  réglé  le  jour  auquel  il  fid- 
loit  célébrer  la  fête  de  pâque  ,  il  iemble 
qu'il  chargea  le  patriarche  d'Alexandrie  d'en 
faire  un  canon  annuel  &  de  l'envoyer  au 
pape.  Comme  toutes  les  fêtes  mobiles  fè  rè- 
glent par  celle  de  pâque  ,  on  en  faifoit  tous 
les  ans  un  catalogue  que  l'on  écrivoit  fur  un 
cierge  ,  &  on  béniflc^it  ce  cierge  dans  l'églife 
avec  beaucoup  de  cérémonie. 

Ce  cierge  ,  félon  l'abbé  Châtelain  ,  n'étoit 
pas  de  cire  ,  ni  fait  pour  brûler  ,  il  n'avoit 


C  I  G  79 

point  de  mèche  ,  &  ce  n'étoit  qu'une  efpece 
de  colonne  de  cire  ,  faite  pour  écrire  deiïùs 
la  lifte  des  fêtes  mobiles  ,  cette  lifte  ne  de- 
vant fubfifter  que  l'efpace  d'un  an  :  carlorf- 
qu'on  écrivoit  quelque  chofe  dont  on  vou- 
loit  perpétuer  la  mémoire,  les  anciens  avoient 
coutume  de  le  faire  graver  fur  du  marbre 
ou  fur  de  l'acier  :  quand  c'étoit  pour  long- 
^temps  ,  on  l'écrivoit  fur  du  papier  d'Egypte; 
&  quand  ce  n'étoit  que  pour  peu  de  temps, 
on  le  contentoit  de  le  tracer  fur  de  la  cire. 
Par  fuccefllon  de  temps  on  commença  à 
écrire  la  lifte  des  fêtes  mobiles  fur  du  papier; 
mais  on  l'attachoit  toujours  au  cierge paf chai ^ 
&  cette  coutume  s'obferve  encore  de  nos 
jours  dans  l'églife  de  Notre-Dame  de  Rouen, 
&  dan^  toutes  les  églifes  de  l'ordre  de  Cli.ni. 
Telle  eft  l'origine  de  la  bénédidion  du  cierge 
pafchal.  Voye\fur  ï article  ClERGE  les 
Dicl.  de  Trei^ouXy  ducommer.  &  Chambers^ 
^  Cierge  ,  (  Hydraulique.)  Ce  font  àc^ 
je"ts  élevés  &  perpendiculaires  ,  fournis  fur  la 
même  hgne  par  le  même  tuyau  ,  qui  étant 
bien  proportionné  à  leur  quantité  ,  à  leur 
louche  &  à  leur  fortie  ,  leur  conferve  toute 
leur  hauteur.  On  a  un  bel  exemple  des  cier- 
ges ou  grilles  d'eau  au  haut  de  l'orangerie  de 
Saint-Cloud. 

On  prétend  que  les  cierges  d'eau  font  plus 
éloignés  les  uns  des  autres  que  les  grilles.  {K) 

CIFUENTES,  (  Géog.  )  village  d'Efpa- 
gne  dans  la  Caftille  vieille  ,  d'ans  un  comté 
de  même  nom. 

CIGALE,  f.  f  cicaday  {Hifl.  nat,  infect.) 
efpece  de  mouche  très-connue  par  le  bruit 
qu'elle  fait  dans  la  campagne  ,  &  que  l'on 
prend  communément  y  mais  mal-à-propos  , 
pour  une  forte  de  chant.  La  tête  de  cet  in- 
fede  eft  large  &  courte  ;  a  deux  yeux  à 
réfeaux  ,  qui  font  placés  l'un  à  droite  & 
l'autre  à  gauche  ,  près  du  boutpoftéricurde 
la  tête ,  &  qui  ont  un  grand  nombre  de  fa- 
cettes ;  entre  ces  deux  yeux  il  s'en  trouve 
trois  autres  qui  ibnt  liffes  &  rangés  en  trian- 
gle. Les  cigales  ont  un  corcelet  compofé  de 
deux  pièces,  ou  plutôt  deux  corcelets  pres- 
que au.fti  larges  que  la  tête  ;  ils  font  pour 
ainfi  dire  fculptés ,  principalement  l'anté- 
rieur ,  fur  lequel  on  voit  ,  entr'autres  figu- 
res ,  une  forte  de  triangle.  Les  ailes  font  au 
nonobre  de  quatre  ,  poi'ées  en  talus  comme 
ks  deux  pans  d'un  loit ,  traniparentes  ,   & 


8o  C  l  G 

attachées  au  fécond  corcelet  ;  les  deux  du 
defTus  font  placées  tort  près  du  premier  ;  leur 
étendue  eft  plus  grande  que  celle  des  deux 
autres  ailes  ;  elles  ont  de  fortes  nervures  qui 
iburiennent  un  tifîù  mince.  Le  corps  eil com- 
poie  de  huit  anneaux  écailleux  ,  y  compris 
la  partie  oblongue  &  conique  qui  le  termine  y 
&  qui  efl  d'une  feule  pièce  dans  les  femelles; 
Je  premier  anneau  elî  le  plus  large ,  chacun 
des  autres  diminue  de  largeur  julqu'au  fep- 
tieme  ,  qui  elt  au  moins  auffi  large  que  le 
(ècond.  Les  cinq  premiers  ont  chacun  à-pcu- 
près  le  même  diamètre  ;  le  refle  du  corps 
forme  une  pointe  qui  eH  plus  allongée  dans 
la  femelle  que  dans  le  mâle. 

On  dillingue  des  cigales  de  trois  gran- 
deurs différentes  ;  les  grandes  ,  les  moyen- 
nes &  les  petitc^s.  Celles  de  la  grande  efpece, 
étant  vues  par-defllis ,  font  les  plus  brunes; 
elles  ont  le  corps  d'un  brun  luifant  prefque 
noir  ;  la  couleur  des  corcelcts  ,  fur-tout  du 
premier  ,  efl  mêlée  d'une  teinte  de  jaune. 
Les  cigales  de  l'efpece  moyenne  ont  plus  de 
jaune  ;  celles  de  la  petite  efpece ,  que  l'on 
nomme  cigalons  aux  environs  d'Avignon , 
ont  moins  de  jaune  que  celles  de  l'efpece 
moyenne  ,  &  on  voit  fiir  quelques-unes  une 
teinte  rougeâtre.  Toutes  les  petites  cigales 
ont  les  ailes  jaunâtres  ,  tandis  que  celles  des 
autres  font  d'une  couleur  argentée.  Les  gran- 
des cigales  ont  le  ventre  d'une  couleur  jau- 
nâtre ,  fale  &  pâle ,  excepté  deux  bandes 
brunes  qui  font  près  des  bords  ;  ces  bandes 
font  formées  par  les  extrémités  âts  arcs  écail- 
leux qui  recouvrent  le  delTus  du  corps  ,  & 
qui  fe  replient  -de  chaque  côté  fous  le  ven- 
tre ,  où  ils  aboutiflent  chacun  à  une  lame 
écailleufe  au  moj^en  de  laquelle  chaque  an- 
neau eu  complet.  En  écartant  ces  lames  les 
unes  des  autres  autant  qu'on  le  peut ,  en 
allongeant  le  ventre  de  l'infede  ,  on  décou- 
vre des  fligmates  ;  il  y  en  a  deux  entre  deux 
lames  ,  un  de  chaque  coté  ,  placé  tout  près 
de  la  jondion  d'une  lame  ,  avec  l'arc  écail- 
leux qui  lui  correfpond. 

En  regardant  les  cigales  par  defTous  ,  on 
apperçoit  deux  petites  antennes  qui  n'ont  que 
quelques  lignes  de  longueur  ,  &  qui  font  po- 
lécs  près  des  yeux  à  réfeaux.  Il  y  a  au  bout 
de  la  tête  une  pièce  triangulaire  qui  refTem- 
ble  en  quelque  façon  à  un  menton  ,  qui  re- 
couvre le  deffus  de  la  tçte  ,  &  qui  s'étend 


CIG 

plus  loin  ;  la  bafe  eff  en  avant  ,  &  le  fommet 
en  arrière  :  il  forme  une  pointe  dont  fort  la 
trompe  avec  laquelle  la  cigale  tire  le  fuc  des 
feuilles  &  des  branches  d'arbres.  Le  four- 
reau de  la  trompe  tient  à  des  parties  mem- 
braneufes  qui  fe  trouvent  au  deflbus  du  men- 
ton ,  vis-à-vis  de  fon  milieu.  Ce  fourreau  s'é- 
tend au-delà  de  la  pointe  du  menton,  comme 
un  fil  de  la  groffeur  &  de  la  longueur  d'une 
petite  épingle.  Lorfqu'on  levé  la  pointe  du 
menton  ,  la  trompe  fort  de  fon  étui ,  &  elle 
y  rentre  lorfque  cette  pointe  fe  remet  dans 
fa  pofitlon  naturelle  ;  quelquefois  la  trompe 
entraîne  fon  fourreau  ,  lorlque  l'infede  le 
fait  mouvoir.  II  eft  fait  en  forme  de  gout- 
tière ,  le  long  de  laquelle  on  voit  une  légère 
fente ,  lorfqu'on  regarde  la  cigale  par  def- 
fous.  Cette  fente  s'élargit  quand  la  trompe 
fort  :  on  peut  la  tirer  de  Ion  fourreau  avec 
la  pointe  d'une  épingle  ,  &  la  diviièr  en  trois 
filets  écailleux.  Les  organes  dont  vient  le 
bruit  que  l'on  appelle  le  chant  de  la  cigale^ 
font  placés  dans  fon  ventre  ;  on  ne  les  trouve 
que  dans  les  mâles  ,  car  les  femelles  ne  font 
aucun  bruit.  Il  y  a  fur  le  ventre  des  cigales 
mâles  de  la  grande  efpece ,  deux  plaques 
écailleufes  qui  font  aflez  grandes  ,  qui  tien- 
nent au  fécond  corcelet ,  &  qui  s'étendent 
prefque  jufqu'au  troiiieme  anneau  ;  elles  font 
pofées  de  façon  que  l'une  recouvre  un  peu 
l'autre.  On  peut  foulever  ces  plaques  par 
leur  extrémité  fupérieure  ;  mais  elles  font 
arrêtées  par  une.  efpece  de  cheville  faite  «n 
forme  d'épines  ,  dont  chacune  tient  par  l'une 
de  Ces  extrémités  à  la  partie  delà  jambe  pof^ 
térieure  qui  s'articule  avec  le  corcelet ,  & 
appuie  par  l'autre  extrémité  fur  l'une  des  pla- 
ques. Ces  épines  empêchent  que  les  plaques 
ne  foient  trop  foulevées  ,  &  les  remettent  en 
fituation.  Lorfqu'on  a  relevé  les  plaques,  on 
trouve  dans  la  partie  antérieure  du  ventre 
une  cavité  qui  elt  partagée  en  deux  loges  ; 
le  fond  de  chacune  de  ces  loges  eff  luifant 
comme  un  miroir  ;  il  y  a  une  membrane 
tendue  &  tranfparente  comme  le  verre  ,  fur 
laquelle  on  voit  toutes  les  couleurs  de  l'arc- 
en-ciel ,  lorfqu'on  la  regarde  obliquement. 
Si  on  enlevé  la  partie  fupérieure  du  pre- 
mier &  du  fécond  anneau  ,  &  fi  on  met  à 
découvert  du  côté  du  dos  l'endroit  qui  cor- 
relpond  à  la  cavité  où  font  les  miroirs  ,  on 
y  trouve  deux  mufcles  qui  font  compofés 

d'un 


C  I  G 

d'un  grand  nombre  de  fibres  droites:  ils  for- 
ment ,  en  s'approchant ,  un  angle  aigu  fur 
les  revers  de  la  pièce  triangulaire  dont  il  a 
déjà  été  fait  mention.  Ces  mufcles  aboutif- 
fent  aux  organes  qui  produifent  le  bruit  de 
la  cigale  ;  ils  font  fitués  dans  deux  réduits 
dont  les  deux  orifices  communiquent  de 
chaque  côté  dans  la  grande  cavité  où  font 
les  miroirs.  On  trouve  dans  chacun  de  ces 
réduits  une  membrane  plifîee  raboteufe  ,  & 
contournée  en  forme  de  timbale.  Elles  font 
placées  de  chaque  côté ,  fous  une  partie  trian- 
gulaire du  premier  anneau  delà  cigale  y  qui 
eft  plus  élevée  que  le  refle  ;  fi  on  enlevé  cette 
partie ,  on  met  la  membrane  à  découvert. 
Dès  qu'on  la  touche  elle  réfonne  comme  un 
perchemin  fec  ,  &  même  comme  une  mem- 
brane ,  encore  plus  fonorc  ;  celle  dont  il . 
i'agit  rend  des  fons  ,  lorlqu'après  avoir  été 
enfoncée  dans  quelques  endroits  elle  fe  relevé 
par  ion  refTort.  Les  mufcles  dont  on  vient  de 
parler  aboutifîênt  à  la  furface  concave  de  ces 
membranes  ,  &  en  l'attirant  en  dedans  par 
leur  contradion  ,  ils  la  mettent  en  état  de 
réfonner,  lorfqu'elles  fe  rétabliflent  par  leur 
^lafticité  ,  en  même  temps  que  le  mufcle  fe 
relâche.  Ce  fon  pafïe  au  dehors  par  les  orifices 
de  deux  réduits  qui  communiquent  dans  la 
grande  cavité  ,  &  peut  être  modifié  par  les. 
volets  écailleux ,  les  miroirs  ,  &  toutes  les 
difîerentes  parties  qui  fe  trouvent  dans  les 
cavités.  Les  c/Va/^j  de  la  petite  efpece&  de 
i'efpece  moyenne  ont  à-peu-près  les  mêmes 
organes  &:  font  prefque  le  même  bruit. 

Le  dernier  anneau  du  corps  des  cigales 
femelles  efî  plus  allongé  que  dans  les  mâles  , 
&  il  renferme  une  partie  à  laquelle  on  a  don- 
né le  nom  de  tarière  ,  parce  que  les  cigales 
s'en  fervent  pour  faire  des  trous  dans  de  pe- 
tits morceaux  de  bois  où  elles  dépofent  leurs 
œufs.  Les  mâles  n'ont  pas  CQZtt  tarière  ,  qui 
efl:  fort  apparente  dans  les  femelles  ,  puif- 
qu'elle  a  environ  cinq  lignes  de  longueur 
dans  celles  de  la  grande  efpece.  Elle  ell  ren- 
ferrnée  dans  un  étui  dont  on  peut  Ig  faire 
fortir  en  comprimant  légèrement  le  ventre 
de  l'infede  ;  elle  eft  à-peu-près  de  même 
grofîeur  fur  toute  fa  longueur  ,  &  terminée 
à  fon  extrémité  par  une  pointe  angulaire  qui 
refîemble  à  un  fer  de  pique  dont  les  bords 
feroient  dentelés.  La  liibilance  de  cette  par- 
tie efl  de  la  nature  de  l'écaillé  ou  de  la  corne , 
Tome   VI IJ. 


C  IG  8i 

àiifG  folide  &  auflî  dure  qu'aucune  autre 
qui  fe  trouve  dans  les  infedes.  En  l'exami- 
nant de  près  on  reconnoît  qu'elle  efl  com- 
pofée  de  trois  parties  ,  c'efl  pourquoi  on  a 
été  tenté  de  changer  le  nom  de  tarière  que 
l'on  avoit  donné  à  cette  partie  ,  &  on  a 
mieux  aimé  dire  qu'elle  ell  compofee  de 
deux  li/nes  &  d'un /apport ,  limes  ou  tarière, 
n'importe  du  nom.  La  partie  dont  il  s'agit  efl 
compofee  de  trois  pièces  ,  dont  deux  font 
pofées  à  côté  de  la  troifieme ,  &  font  engre- 
nées en  façon  de  coulifîc  avec  cette  pièce 
du  milieu  ,  de  manier-e  qu'elles  gliffent  tout 
le  long  fans  s'en  écarter  ,  &  elles  peuvent 
être  mues  alternativement  ;  par  ce  moyen  , 
les  deux  rangs  de  dents  qui  font  fur  les  bords 
de  la  pointe  angulaire  ,  dont  nous  avons 
déjà  parlé  ,  avancent  &  reculent  ,  parce 
qu'ils  tiennent  à  chacune  des  pièces  des  cô- 
tés. Ce  qui  caufe  ce  déplacement  ,  c'efl 
qu'elles  font  repliées  en  dehors  &  en  avant 
par  leur  extrémité  antérieure  ,  relativement 
à  l'infede.  Des  mufcles  ,  en  augmentant  ou 
en  diminuant  cette  courbure  par  leur  con- 
tradionou  leur  relâchement ,  font  glifîerea 
avant  ou  en  arrière  la  pièce  latérale  ,  &  par 
conféquent  mettent  en  jeu  les  dents  qui  font 
à  chaque  côté  de  la  pointe  ,  qui  efl  faite  en 
forme  de  fer  de  lance ,  &  compofee  de  trois 
pièces.  Les  dents  font  pofées  obliquement , 
&  dirigées  du  côté  de  la  pointe  du  fer  de 
lance  ,  de  fbrtequ'elles  déchirent  ce  qui  leur 
fait  obflacle  ,  dans  leur  mouvement  ,  lorf- 
que  la  cigale  fe  fert  de  cette  partie  pour 
faire  des  trous  dans  le  bois  où  elle  dépofô 
{qs  œufs. 

Les  cigales  femelles  font  toujours  ces  trous 
dans  de  très-petites  branches  de  bois  qui  efl 
fec  &  qui  a  de  la  moelle.  On  les  reconnoic 
par  des  fibres  qui  ont  été  foulevées  à  l'en-, 
droit  de  ces  trous  ;  ils  font  rangçs  par  files 
afîèz  régulièrement  pour  l'ordinaire  ;  ils  ont 
chacun  trois  lignes  &  demie  ou  quatre  lignes 
de  longueur.  Ces  trous  peuvent  contenir  huit 
à  dix  œufs ,  &  il  y  en  a  au  moins  quatre  ou 
cinq  dans  chacun  ;  ils  font  blancs ,  oblongs  , 
&  pointus  par  les  deux  bouts.  Laponreell 
fort  abondante  ,  puifqu'on  a  compté  jufqu'à 
fept  cents  œufs  dans  les  ovaires.  Il  fort  de 
chaque  œuf  un  ver  blanc  qui  a  fix  longues 
jambes ,  &  qui  femble  en  quelque  façon 
à  une  puce  pour  la  figure.  Lorfqu'ils  ont 


8x  C  I  G 

abandonné  le  trou  où  ils  font  écîos  ,  ils  | 
fe  logent  dans  la  terre  ,  &  enluite  ils 
fe  transforment  en  nympKes  ,  qui  mar- 
chent &  qui  prennent  des  aliraens  &  de  l'ac- 
croiffement.  Ariilote  les  a  nommées  r^^/i- 
gometres  oi  mères  cigales  y  elles  ne  différent 
pas  beaucoup  du  ver  qui  eft  forti  de  l'œuh 
Ces  nymphes  peuvent  pénétrer  dans  la  terre 
Jufqu'à  deux  ou  trois  pies  de  profondeur. 
On  les  trouve  ordinairetnent  auprès  des 
racines  des  arbres.  Lorfque  le  temps  de  leur 
métamorphofe  approche  ,  elles  fortent  de 
terre  ,  montent  fur  ks  arbres ,  &  s'y  accro- 
chent pendant  les  chaleurs  de  l'été.  C'efl 
dans  ctt  état  qu'elles  parviennent  à  quitter 
leur  fourreau  de  nymphe  ou  de  chryfalide  , 
pour  paroître  fous  la  forme  de  civile.  Mé- 
moires pour  fefvir  à  Vhifloire  des  inftâ. 
tom.  V.{I) 

Cigales  f  J.  {Hifi.  mod.)  Les  Efpa- 
nols  de  l'Amérique  nomment  ainfi  un  petit 
rouleau  de  tabac  de  la  grolîèur  du  petit  doigt 
au  plus  ,  &  long  de  cinq  à  fîx  pouces  au 
rnoins.  Ce  rouleau  eft  compofé  de  plufieurs 
brins  de  tabac  parallèlement  dilpofés  à  côré 
les  uns  à&i  autres ,  &  affujettis  enfemble 
par  une  large  feuille  qut  leur  fert  de  robe 
ou  d'enveloppe.  On  allume  une  des  extré- 
mités de  ce  rouleau  ,  &  l'autre  fe  met  dans  la 
bouche  ,  au  moyen  de  quoi  on  fume  fans 
pipe.  Nos  infulaires  ,  qui  font  un  grand  ufage 
de  ces  cigales ,  les  nomment  liraplement 
bouts  de  tabac. 

Il  n'eft  pas  hors  de  propos  d'ajouter  ici 
que  les  Caraïbes  Aq^  îles  Antilles  ont  une 
finguliere  façon  de  tumer  :  ils  enveloppent 
des  brins  de  tabac  dans  certaines  écorces 
.  d'arbres  très-unies  ,  flexibles  ,  &  m.inces 
comme  du  papier  ;  ils  en  forment  un  rouleau, 
l'allument ,  en  attirent  la  fumée  dans  leur  bou- 
che ,  ferrent  les  lèvres  ,  &  d'un  mouve- 
ment de  langue  contre  le  palais  ,  font  paflèr 
la  fumée  par  les  narines.  Art.  communiqué 
par  M.  DE  Saint-Romain. 

CIGOGNE  ,  f  f  cicoiiia  y  (  Hijl.  nat. 
Ornithol.  )  oifeau  dont  les  pattes  ,  le  cou  & 
le  bec  font  fort  longs.  La  cigogne  dont  M. 
Perrault  a  donné  la  defcription  dans  le  r^- 
cueil  de  Vacad.  des  fciences  ,  avoit  qua- 
tre pies  de  longueur  depuis  le  bout  du  bec 
jufqu'à  l'extrémité  des  pies.  Celle  du  bec 
étoit  de  quatre  trentièmes  parties  de  celle  de 


C  I  G 

tout  le  corps  ;  les  pies  n'avoient  que  trois 
trentièmes  ,  le  cou  cinq  trentièmes  ,  &  les 
jambes  onze  depuis  le  ventre  jufqu'à  terre. 
Le  cou  étoit  beaucoup  plus  gros  par  le  bas 
que  par  le  haut.  Cet  oifeau  avoit  cinq  pies- 
d'envergure.  Le  plumage  étoit  d'un  blanc 
fale  &  un  peu  roulîâtre  prefque  par-tout  le 
corps  &  noir  au  bout  des  ailes.  Il  y  avoit 
aufli  des  plumes  noires,  longues  &  larges 
furies  deux  côtés  du  dos  &  à  la  racine  des 
ailes.  Le  cou  étoit  revêtu  fur  fa  partie  infé- 
rieure ,   jufqu'au  tiers  de  fa  longueur ,  par 
des  plumes  longues  de  fix  pouces ,  larges  de 
dix  lignes  ,   &.  terminées  en  pointe.  Elles 
étoient  entourées  à  leur  racine  par  un  duvet 
très-blanc ,  dont  chaque  petite  plume  avoit 
un  tuyau  de  la  groffeur  d'une  petite  épingle  ,- 
qui  (è  partageoit  en  cinquante  ou  foixante 
autres  plus  petits  que  des  cheveux  ,  dont  cha- 
cun étoit  encore  garni  des  deux  côtés  de  peti- 
tes fibres  prefqu'imperceptibles.  Cette  cigo^ 
gne  n'avoit  iur  le  haut  de  la  véritable  jambe- 
que  de  petits  filets  de  plumes  fort  rares.  L'a— 
lentourdes  yeux  étoit  dégarni  de  plumes  , 
en  n'y  voyoit  qu'une  peau  fort  noire.  Cet 
oifeau  avoit  le  bec  droit  ,  pointu  ,  &  d'un; 
rouge  pale  ,  tirant  iur  la  couleur  de  chair^ 
Le  bas  des  véritables  jambes  étoit  rouge ,  & 
avoit  plus  de  quatre  pouces  de  longueur  ^, 
la  partie  du  pié  ,  qui  s'étend  depuis  le  talon. 
jufqu'aux-doigis  ,  étoit  de  couleur  grife  ,  & 
le  refte  àcs  pies  &  la  jambe  de  couleur  rou- 
ge. Il  avoit  des  écailles  en  forme  de  table* 
fur  les  extrémiités  des  doigts.  Les  trois  de 
devant  étoient  joints  enfemble  à  leur  com- 
mencement ,  par  des  peaux  courtes.  &  épaif» 
Çts.  Il  avoit  le  doigt  d.  derrière  gros  &.  court,, 
les  ongles  blancs  ,  larges  ,    &  courts  à-peu— 
près  comme  ceux  de  l'homme.  La  cigogne 
fe  noiirrit  de  lézards,    de  ferpens  ,  de  gre- 
nouilles ,  &  n'a  point  de  ventricule  comme 
les  oifeaux  de  proie ,  mais  feulement  un  géfier.- 
Elle  mange  aufli  des  vers ,  des  araignées  ^ 
&  d'autres  infedes.  Mémoires  pour  fen^ir 
a  rhifioire  des  animaux  y  tome  III  y  troi" 
fie  me  partie.  (  J) 

CiGOGNENOIRE,  ciconianigra ,  oifeau' 
de  la  groffeur  de  la  cigogne  oï^\nii\re  ,  ou  mê- 
me un  peu  plus  petit.  Le  cou  ,  la  t^iQ  ,  le  dos 
&  les  iales  font  d'un  noir  luifant  ou  mêlé 
devcrd  ;  le  ventre  ,  la  poitrine  &  les  côtés. 
l  font  blancs  \  le  bec  efl  verd  ^  ks  pâtes,  fouir 


C  I  G 

^e  cette  couleur  ,  &  dégarnies  de  plumes 
jufqu'à  l'articulation  du  genou  ;  la  mem- 
brane qui  tient  les  doigts  unis  enfcmble  , 
s'étend  jufqu'à  la  moitié  de  la  longueur  du 
doigt  du  milieu,  feulement  du  côté  extérieur. 
V.  Wiilughby,  ornith.  F".  OiSEAU.  (7) 

Cigogne  ,  (  Mac.  médic.  )  Les  parties 
<ie  cet  oifeau  dont  on  fe  fert  en  médecine , 
font ,  outre  l'oifeau  entier ,  la  véficule  du  fiel , 
le  fiel  ,  la  graiflè ,  la  fiente  &  le  jabot.  Cet 
animal  eftun  grand  alexipharmaque  ,  &pafre 
pour  un  excellent  remède  contre  toutes  for- 
tes de  poifons  ,  &:  fur-tout  contre  la  pefte  ; 
on  en  ufe  aulli  dans  les  aftedions  des  nerfs 
&  des  jointures.  Son  fiel  «ft  recommandé 
dans  les  maladies  des  yeux  ;  fa  grailfe  en  lini- 
ment  dans  les  affedlons  goutteules  &  le  trem- 
blement des  articulations  ;  fa  fiente  prife  dans 
de  l'eau  ,  dans  l'épilepfie  &  dans  les  maladies 
de  la  tête  ;  fon  ventricule  ou  fon  jabot  defic- 
ché  &  pulvérifé  ,  pafTe  pour  un  ipécifique 
admirable  conrre  plufieurs  poifons.  Die},  de 
médecine  ,  Dale  ,  Schroeder  ,  Ùc.  (/>) 

CIGUATEO  ,  (  Géogr.  )  île  de  F Améri- 
>que  feptentrionale  dans  la  mer  du  nord  , 
l'une  des  Lucayes  ou  de  Bahama. 

CIGUË  ,  f  f.  ciciitj  y  (  Hifl.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  à  fleurs  en  rofe  ,  difpofées 
en  ombelle  ,  compofées  de  plufieurs  pétales 
en  forme  de  cœur  ,  inégales  &  foutenues  par 
im  calice  qui  devient  un  fruit  prefque  rond  , 
dans  lequel  il  y  a  deux  petites  femences  ren- 
flées &  cannelées  d'un  côté  ,  &  plates  de 
l'autre.  Tournefort ,  injîit.  rei  herb.  Voyc^ 
Plante.  (/) 

La  cicuta  major  C.  B.  cfl  une  de  celles 
•qu"'on  range  parmi  les  véninieufes  ,  &  la  plus 
renommée  de  fon  genre.  La  mort  de  Socrate 
a  feule  fuffi  pour  en  immortalifer  les  effets. 

Comme  on  ne  lit  point  fans  attendrifîê- 
ment  dans  le  Plie'don  de  Platon  ,  l'hidoire 
circonftanciée  de  ce  qui  précéda  la  mort  de 
ce  philofophe,  qui  avolt  palîe  fa  vie  à  être 
utile  à  {à  patrie ,  &  à  la  fervir  de  tous  {ts 
talens  ;  qui  ne  fe  démentit  jamais  dans  fa 
conduite  ;  qui  témoigna  jufqu'au  dernier 
foupir  une  grandeur  héroïque ,  émanée  de 
la  fermeté  de  fon  ame  &  de  la  confiance  d?ns 
fon  innocence  ;  il  réfulte  néceiTairement  de 
cette  leâure  ,  que  tout  ce  qui  regarde  la  fin 
tragique  d'un  homme  fi  refpedable ,  devient 
wtéreffant ,  jufqu'à  la  plante  même  qui  finit 


c  I  G  Sj 

\çs  jours.  Le  nom  de  cette  plante  fe  joint 
dans  notre  efprit  avec  celui  de  Socrate.  Nous 
là  cherchons  dans  nos  climats ,  nous  voulons 
la  connoître  par  nos  yeux ,  ou  du  moins 
nous  en  hfons  la  defcription  avec  avidité. 

Defcription  de  notre  ciguë.  Sa  racine  eft 
longue  d'un  pié ,  grofle  comme  le  doigt , 
partagée  en  plufieurs  branches  folldes.  Avant 
que  de  pouffer  fa  tige  ,  cette  racine  eft  cou- 
verte d'une  écorce  mince  ,  jaunâtre  ,  blanche 
intérieurement  ,  fongueule  ,  d'une  odeur 
forte,  d'une  faveur  douceâtre  ;  de  plus,  cette 
racine  efl  creufe  en  dedans  quand  elle  poufîe 
fa  tige.  Cette  tige  efl  filiuleufe,  cannelée, 
haute  de  trois  coudées  ,  hffe  ,  d'un  verd  gai , 
parfemée  cependant  de  quelques  taches  rou- 
geâtres  ,%omme  la  peau  des  ferpens.  Ses  feuil- 
les font  ailées  ,  partagées  en  plufieurs  lobes , 
lifîês  ,  d'un  verd  noirâtre ,  d'une  odeur  puan- 
te ,  approchant  de  celle  du  perfil.  Szs  fleurs 
font  en  parafol  au  foramet  (\ts  tiges ,  en  rofes 
compofées  de  cinq  pétales  blancs  en  forme  de 
cœur ,  inégaux  ,  placés  en  rond ,  &  portés  fur 
un  calice  qui  fe  change ,  comme  on  l'a  dit ,  en 
un  truit  prefque  f'phérique ,  compofé  de  deux 
petites  graines  convexes  &  cannelées  d'un 
côté ,  applaties  de  l'autre ,  d'un  verd  pâle. 
Elle  croît  dans  les  lieux  ombrageux  ,  dans 
les  champs ,  au  bord  des  haies ,  dans  les 
décombres  ,  &  fleurit  en  été.  Elle  vient  dans 
les  environs  de  Paris  à  l'ombre. 

Toute  cette  plante  a  une  faveur  d'herbe 
falée,  &  une  odeur  narcotique  &  fétide; 
fon  fuc  rougit  très-peu  le  papier  bleu  ;  d'où 
l'on  peut  conclure  qu'elle  contient  un  fei 
ammoniacal  enveloppé  de  beaucoup  d'huile 
&  de  terre.  Ces  principes  fe  trouvent  à-peu- 
près  dans  l'opium. 

Elle  n'fft  point  aujji  venimeufe  qiî'en 
Grèce.  Prefque  tout  le  monde  convient  que 
cette  plante  prife  intérieurement  efl  un  poi- 
fon  ,  &  perfonne  n'ignore  que  c'étoit  celui 
Aes  Athéniens  ;  mais  quelles  que  fuflent  les 
qualités  mortelles  de  la  ciguë  dont  ils  fe  fci  - 
voient ,  il  efl  certain  que  celle  qui  croît  dans 
nos  contrées  n'a  point  ce  même  degré  dé 
malignité.  On  a  vu  dans  nos  pays  des  pe"- 
f'onnes  qui  ont  mangé  une  certaine  quantiré 
de  fa  racine  &  de  fes  tiges  fans  en  mourir; 
Ray  rapporte  dans  fon  hijhire  des  plantes  , 
d'après  les  obfervatlons  de  Bowle  ,  que  la' 
poudre  des  racines  de  ciguë  y  do-nce  à  Ia 

L  2 


84  C  I  G 

dofe  de  vingt  grains  dans  la  ficvre  quarte  , 
avant  le  paroxyfrae ,  eft  au  deflus  de  tous 
les  diaphorétiques.  M.  Reneaume  ,  médecin 
de  Blois  (  obferi^.  5  &  4  ,  )  ,  diten  avoir  fait 
prendre  ,  avec  beaucoup  de  fuccès ,  une 
demi  d'ragme  en  poudre  dans  du  vin,  & 
jufqu'à  deux  dragmes  en  infiifion  pour  les 
skirrhes  du  foie  &  du  pancréas  :  mais  ce  mé- 
decin n'a  jamais  guéri  des  skirrhes ,  &  fi  Ton 
obfervation  ëtoit  vraie ,  elle  prouveroit  feu- 
lement que  la  racine  de  cigué  n'efl  pas  tou- 
jours nuifible. 

Nous  croyons  cependant  avec  les  plus 
lages  médecins  ,  que  le  plus  prudent  eft  de 
s'abftenir  dans  nos  climats  de  l'ufage  interne 
<le  cette  plante.  Elle  y  eft  alTez  venimeufe 
pour  fe  garder  de  la  donner  intérieurement  ; 
car  elle  caufe  des  ilupeurs  &  autres  accidens 
fâcheux.  Son  meilleur  antidote  eft  le  vinai- 
gre en  guife  de  vomitif,  avec  de  l'oximel 
tiède  en  quantité  fufEfante ,  pour  procurer 
&  faciliter  le  vomiiTement. 

Elle  ne  pajjoit  point  pour  venimeufe  à 
Rome.  Ce  qui  efl  néanmoins  fingulier,  & 
dont  il  faut  convenir ,  c'eft  que  la  ciguë  ne  paf- 
foit  point  à  Rome  pour  un  poifon ,  tandis  qu'à 
Athènes  on  n'en  pouvoit  douter  ;  à  Rome  au 
contraire  on  la  regardoit  comme  un  remède 
propre  à  mod-érer  &  à  tempérer  la  bile. 
Perfe ,  fatyre  V y  vers  14.^  ,  ditlà-deiTus  ; 

hilis 
Jfitumuit ,  quàm  non  extinxerit  urna  clcutce. 

Horace  en  parle  auffi  comme  d'un  remède , 

dans  fa  féconde  épîtrc,  liv.  II  y  vers  55  : 

Sedquod  non  dejit  habentem 

(^dçe  poterunt  unquàm  fatis  expurgare  ci- 

cutce  ? 
iV/    meliùs  dormire  putem  quàm  fcribere 
r'erfus. 

»  Préfentemcni  que  j'ai  plus  de  bien  qu'il 
i->  ne  m'en  faut ,  ma  folie  ne  feroit-elle  pas  à 
?)  l'épreuve  de  toute  la  cigué  ^  fi  je  n'étois 
3J  periuadé  qu'il  vaut  mieux  dormir  que  de 
yj   faire  des  \tx^.  » 

Pline ,  liv,  XlV,  chap.  xxij ,  vante  la 
c/^wépour prévenir  l'ivreffe ,  &  prétend  qu'on 
en  peut  tirer  plufieurs  rem. des.  Lefcale  rap- 
porte quelque  part ,  qu'en  voyageant  en  Lom- 
bardie  ,  on  lui  fervit  de  la  (alade  où'ûy  avoit 
de  la  ciguë,  ce  qui  l'étgûna  fort  ;  mais  qu'il 


C  I  G 

revint  de  fa  furprife  quand  il  fut  que  les  gens 
du  pays  enmangeoient ,  &  qu'ils  n'en  étoienr 
point  incommodés.  Les  chèvres  en  broutent 
la  racine  ,  &c  les  oifeaux  en  mangent  la  graine 
fans  inconvénient  ;  mais  les  etfets  des  plantes 
fur  les  animaux  ne  concluent  rien  pour 
l'homme  ,  &  toutes  les  autorités  qu'on  vient 
de  citer  ne  fauroient  contre-balancer  le  poids 
de  celles  qu'on  leur  oppofc.  Il  relie  toujours 
certain ,  par  le  grand  nombre  d'exemples 
funeftes  rapportés  dans  les  Tranfact.  philof. 
dans  les  Mém.  de  Vacad.  des  Se.  dans  Wep- 
fer  &  ailleurs  ,  que  toutes  les  efpeces  de  ciguë 
font  venimeufes. 

Nous  remployons  exte'rieurement.On  doit 
donc  fe  contenter  de  s'en  fervir  pour  l'appli- 
cation extérieure  ,  &  de  cette  manière  on  en 
fait  ufage  avec  fuccès.  Ses  feuilles  font  adou- 
ciffantes  &  réfolutives  ;  bouillies  avec  da 
lait ,  on  les  applique  fur  les  hémorrhoïdes  & 
fur  les  endroits  où  la  goutte  fe  fait  fentir.  Le 
cataplafme  de  feuilles  de  ciguë  pilées  avec  des 
limaçons  ,  &  malaxées  avec  les  quatre  fari- 
nes réfolutives  ,  eft  vanté  pour  l'inflamma- 
tion des  teflicules ,  les  douleurs  de  goutte  & 
de  fciatique.  Henri  d'Hecr  ,  obfer.  j  ,  les 
recommande  bouillies  dans  l'eau  de  fleurs 
de  (lireau  avec  un  peu  de  camphre ,  pour  Fin- 
fiammation  &  la  tumeur  de  la  verge  qui 
vient  d'échaufïèment.  En  général ,  les  feuilles 
&  les  racines  font  eflimées  pour  amollir  les 
tumeurs  skirreufes  des  parties  externes  & 
des  vifceres  du  bas-ventre  ,  fur-tout  du  foie 
&  de  la  rate.  C'efl  dans  le  même  but  que 
nos  apothicaires  préparent  un  emplâtre  de 
ciguë  y  qui  palTe  pour  un  bon  fondant.  On 
emploie  aufîi  la  ciguë  dans,  l'emplâtre  diabo- 
tanum  de  Blondel. 

Defcription  de  la  petite  ciguë.  Il  y  a  une 
autre  efpece  de  ciguë ,  cicuta  minor  ojfîc. 
qu'on  fubflitue  à  la  précédente  dans  les  bou- 
tiques pour  l'ufage  externe  ;  &  elle  ne  diffère 
de  la  première  qu'en  ce  qu'elle  eft  plus  petite , 
que  fa  tige  n'efl  point  marbrée  de.  taches  rou- 
geâtres,  &  que  fon  odeur  n'eft  poinr  auffi 
forte  ;  du  reflc  elle  a  les  mêmes  propriétés  , 
mais  moindres.  On  a  nommé  cette  dernière 
efpece  de  ciguë  ,  le  perjil  des  fous  ,  par  la 
grande  refTemblance  de  fes  feuilles  à  celles 
du  perfil  :  refîemblance  qui  a  trompé  quel- 
ques perfomies ,  &  les  a  prefque  empoifon- 

iûée«. 


C  I  G 

Ohfervatlonfur  la  coupe  de  ciguë  que  but 
Socrate.  Lorfque  le  bourreau  d'Athènes  vint 
préienter  à  Socrate  la  coupe  de  Tue  de  ciguë, 
il  l'avertit  de  ne  point  parler  ,  pour  que  le 
poifon  qu'il  lui  donnoit,  opérât  plus  promp- 
tement.  On  ne  voit  pas  comment  les  dîets 
du  poifon  pouvoient  être  accélérés  par  le 
filence  de  la  perfonne  qui  le  prenoit  :  mais 
que  ce  fût  un  fait  ou  un  préjugé,  le  bour- 
reau n'agilToit  ainfi  que  par  avarice ,  &  dans 
la  crainte  d'être  obligé  ,  fuivant  la  coutume  , 
de  fournir  à  fes  dépens  une  nouvelle  dofc 
de  ce  breuvage;  car  Plutarque  remarque 
dans  la  vie  de  Phocion ,  tome  VI  de  Dacier  , 
page  4-0^  ,  que  comme  tous  Ces  amis  eurent 
bu  de  la  ciguë ,  &  qu'il  n'en  reftoit  plus  pour 
ce  grand  homme  ,  l'exécuteur  dit  qu'il  n'en 
broieroit  pas  davantage  ,  fi  on  ne  lui  don- 
noit douze  drachmes  (  aujourd'hui ,  1777  , 
environ  neuf  livres  dix  fous  de  notre  mon- 
noie  )  ,  qui  étoit  le  prix  que  chaque  dofè 
coûtoit  :  alors  Phocion  voulant  éviter  tout 
retard ,  fit  remettre  cette  fomme  à  l'exé- 
cuteur ;  "  puifque  ,  dit-il  ,  dans  Athènes  il 
>j  faut  tout  acheter  jufqu'à  fa  mort,  y)  Article 
de  M.  le  chevalier  DE  Ja  uco  UR  T. 

Emplâtre  de  ciguë  de  la  Pharmacopée  de 
Paris  y  édition  de  i  y  ^z:  If  poix-réfine  28 
onces  ;  cire  jaune  20  onces  ;  poix  blanche  14. 
onces  ;  huile  de  câpres  4  onces  ;  de  la  ciguë 
écrafée  4  hvres  ;  faites  cuire  le  tout  félon 
l'art,  jufqu'à  la  confommation  de  l'humi- 
dité ;  pafîez  par  un  linge  ,  en  exprimant 
fortement  l'expreffion  ;  étant  un  peu  refroi- 
die ,  délayez-y  une  livre  de  gomme  ammo- 
niac ,  auparavant  diflbute  dans  du  vinaigre 
fcillitique  &  du  fuc  de  ciguë  ,  &  à  laquelle  on 
aura  donné  par  la  deilîcation  une  confillance 
emplaftrique  ;  ce  qui  étant  exadement  mêlé, 
l'emplâtre  fera  fait. 

CiGUE  AQUATIQUE  ,  (Bot.)  cicuta 
aquatica  vel palujîris  ^  phellandrium  ojf'. 

Cette  efpece  de  ciguë  poulïe  une  tige 
ëpaifTe ,  creufe  ,  cannelée  ,  &  pleine  de 
nœuds  ,  moins  haute  que  celle  de  la  ciguë 
ordinaire  ,  divifée  en  plufieurs  branches  , 
d'où  fortent  des  feuilles  ailées ,  plus  minces 
&  plus  tendres  que  celles  de  la  ciguë.  Sqs 
fleurs  naiflent  en  parafols ,  &  font  fort  petites 
à  proportion  de  la  plante;  elles  font  blan- 
ches, avec  un  œil  rougeâtre.  Sa  racine  eft 
compofée  d'un  grand  nçmbie  de  fibres ,  qui 


C  I  G  8î 

partent  à^s  nœuds  qui  Te  trouvent  au  bas  de 
la  tige.  Lu  ci.guë  aquatique  croît  dans  les 
fofles  &  les  étangs  ,  &  fleurit  au  mois  de 
juin.  Elle  paflè  pour  être  de  la  même  nature 
&  avoir  les  mêmes  qualités  que  la  cv^z/ë  ordi- 
naire ;  mais  on  l'eflime  beaucoup  plus  veni- 
meufe  ,  ce  qui  fait  même  qu'on  l'emploie 
rarement  dans  les  boutiques. 

Les  obfervations  fournies  par  le  hazard  ont 
juftifié  que  fes  effets  font  mortels  ,  &  quel- 
quefois promptement  ;  du  moins  M.  Jaugeon 
a  rapporté  à  l'académie  Aqs  fciences  ,  que 
trois  foldats  allemands  ,  partis  d'Utrecht  au 
commencement  du  printemps  de  17 14, 
moururent  fubitement  tous  trois  en  moins 
de  demi-heure  pour  avoir  mangé  de  la  cicu- 
tariapalufiris  )  qu'ils  prenoient  pour  le  cala- 
musaromaticus  y  propre  à  lOrtifierreftomac. 
Il  y  a  en  effet  une  elpece  de  phellandrium  ou 
ciguë  aquatique  y  à  feuille  d'ache  fauvage  , 
qui  efî  odorante ,  aromatique  ,  &  qui  trom- 
peroit  des  gens  plus  habiles  que  ne  le  font 
communément  des  fôldats.  On  trouva  à  l'un 
de  ceux-ci  les  membranes  de  l'ertomac  per- 
cées d'outre  en  outre  ;  &  aux  deux  autres 
feulement  corrodées.  Dans  tous  l'eftomac 
étoit  plein  d'une  écume  blanchâtre  ;  le  reftc 
des  vifceres  du  bas-ventre  peu  altérés  ;  les 
poumons  &  les  mufcies  du  cœur  flafques  & 
flétris  ;  &  les  vaifleaux  pleins  d'un  fang  tout 
fluide.  Wepfer  (  Jean- Jacques  )  rapporte 
aufli  plufieurs  exemples  ,  moins  prompts  à 
la  vérité  ,  mais  également  funefles ,  des  effets 
de  cette  plante. 

Comme  nous  avons  de  cet  auteur  un  traité 
complet  fur  cette  matière  ,  imprimé  d'abord 
à  Schaftôuze  en  '^^J^  ,  //z-4°.  à  Leyde  en 
1733  ,  z/2-8°.  &  qui  efl  entre  les  mains  de 
tout  le  monde  ^  nous  .nous  difpenferons 
d'entrer  dans  de  plus  grands  détails.  l^oye\ 
Poison.  Article  de  M.  le  chevalier  de 
Jaucovrt. 

Nous  ne  croyons  pourtant  pas  pouvoir 
nous  difpenfer  d'indiquer  les  fecours  les  plus 
efKcaces  contre  ce  poifon  ,  d'après  le  traite- 
ment du  même  Wepfer  ,  dont  le  fuccès  a 
été  confirmé  par  plufieurs  expériences  pol^ 
térieures. 

Cet  auteur  recommande  d'abord  d'éva- 
cuer le  poifon  qui  fe  trouve  dans  l'eftomac 
par  la  voie  la  plus  abrégée  &  la  plus  fure  , 
c'eit-à-dire ,  par  le  vorailTement ,  qu'il  pe 


î$  CIL 

trouve  pas  contre-incîiqiié  dans  ce  cas  par 
une  efpece  crépilcpfie  ,  qui  ef}  un  fymptome 
afî'ez  ordinaire  du  venin  de  la  ciguë. 

Lorfqu'on  a  en aflé  la  a'^wè' des  premières 
voies  au:ant  qu'il  eft  poflible  ,  il  ne  s'agit  plus 
qye  de  remédier  aux  i  npreffions  qu'elle  a  pu 
faire  fur  ces  parties  ,  &  à  raalquer  ra(3;ion 
de  quelques  reftes  de  ce  poifon  qui  peuvent 
avoir  échappé  au  vomilièment. 

On  remplit  cette  double  indication  par 
tous  les  adouciilàns  gras  &  huileux  ,  comme 
le  beurre,  l'huile  d'olive,  celle  d'amendes 
douces  ,  le  bouillon  gras ,  &ç.  le  laitage 
&  les  émulfions  ,  les  farineux  délayés  dans 
de  l'eau  ,  comme  la  crème  de  riz ,  l'orge 
jiiondé,  v-r^'c 

Les  alexipharmaques  ,  les  cordiaux ,  le 
mouvement  &  les  autres  reflburces  contre 
la  coagulation  des  humeurs ,  font  des  fecours 
auili  peu  réels  que  la  caufe  qui  les  a  fait  ima- 
giner ;  le  venin  de  la  ciguë  répurc  froid  &: 
coagulant  prefque  jufqu'au  temps  deWcpfer, 
a  été  enfin  reconnu  pour  irritant  &  caufti- 
que ,  &  il  eft  rentré  par  conféquent  dans 
la  claiTede  ceux  qu'on  ne   combat  qu'en 

f)révenant  ou  en  mafquant  leur  adion  fur 
es  premières  voies.  (3) 

CILIAIRES  ,  adj.  en  amitomie  ,  fe  dit 
de  difFérenres  parties  de  l'œil  :  glandes  cil iai- 
res ,  procès  ciliaires  ,  ligament  çiliaire  ^  les 
nerfs  ciliaires.  Voye\  (E I L . 

Les  glandes  ciliaires  font  des  grains  fitués 
dans  le  tiflîi  cellulaire  des  paupières  ;  Mei- 
bonius  décrivit  leurs  conduits  en  1666 , 
trois  ans  après  les  avoir  découverts. 

Procès  ciliaires ,  ell  le  nom  que  Ruyfch  a 
donné  aux  fibres  de  l'uvée.  V.  UvÉE.  {L) 

ClLIAlRE  {ligament)  appartient  à  l'œil, 
&  a  été  ainli  appelle  à  caufe  de  la  reflem- 
blanee  qu'il  a  avec  les  cils  ou  poils  des  pau- 
pières. ;^oye;^  Ligament. 

Des  fibres  un  peu  épaifTes  partent  de  la 
choroïde  prefque  une  ligne  plus  en  arrière 
que  le  cintre  orbiculo  ciliairc  ,  derrière  l'uvée, 
au  commencement  de  laquelle  elle  a  fa  par- 
tie moyenne.  Elles  vont  de  toutes  parts  trani- 
verfalement  à  la  circonfirence  du  cryflallin  , 
blanches  quand  on  a  lavé  leur  couleur  , 
mêlées  pareillement  de  tuyaux  grands  & 
vermiformes  ;  taifant  un  arc  qui  s'accom- 
mode au  cryflallin  ;  convexes  en  devant  , 
couchées  fijrl'humçur  vitrée,  enfuite  fur  le 


C  I  L 

cryflallin  ,  à  la  partie  antérieure  duquel  elles 
s'infèrent  au  dedans  du  plus  grand  cercle  ; 
tenant  raanifeflement  dans  le  bœuf  à  la  cap- 
lule  vitrée  ,  à  celle  du  cryllallin  ,  &  à  la 
rétine  ;  plus  légèrement  à  la  vitrée  dans 
l'homme. 

Delcartes  a  dit ,  dans  fa  dioptrique  ,  que  la 
contradion  des  ligamens  du  cryflallin  lui 
donnoit  un  mouvement  par  lequel  il  deve- 
noit  plus  convexe  pour  voir  ,  diopt.  ch.  iij  ; 
&  il  a  confirmé  cette  opinion  par  quelques 
expériences.  Grew  ,  dans  fi  cofmolog.  fac. 
CoiWeï.  p. ^o6\  Parifinus,  dijfecl.  deVourfe^ 
p.  m.  j Qi  Bidloo  ,  de  oculis y  qui  affirme  ,/'. 
30  y  qu'on  voit  vifiblement  ce  changement 
de  figure  dans  les  oifeaux  ,  ont  fuivi  ce  grand 
philofophe.  Bourdelot,  fuivant  J3enis ,  con^ 
fer.  4  y  dit  que  la  pupille  s'étant  retrécie  k 
caufe  de  la  proximité  des  objets  ,  le  cryflal- 
lin prenoit  plus  de  convexité  en  fon  milieu 
pour  mieux  voir  les  objets  trop  proches. 
Cependant  Molinetti ,  /?.  «  47  ;  BrifTeau  ,  p. 
y  J  ;  Bohn  ,  p.^GS,  veulent  au  contraire 
que  l'adion  du  corps  çiliaire  Coït  d'applarir  le 
cryflallin.  D.  Phelippeaux  ,  fuivant  Stenon , 
can. carch.  diff.p.  i  04  ;  Wintringham  ,  p.- 
40  /  ,  &  en  dernier  lieu  Santorini ,  ont  em» 
braffé  le  même  fyflême  ;  ce  dernier  ayant 
vu  des  flries  fur  le  cryflallin  d'un  aveugle  , 
&  comme  les  vefliges  du  ligament  çiliaire, 
Ch.  iv ,  n.  Zy 

Porterfields  ,  l.  c.p.  iSj  ^  fuiw.  con- 
tefle  ce  changement  de  la  figure  du  cryflal- 
lin :  en  effet  l'extrême  mollelîe  du  ligament 
n'efl  pas  faite  pour  furpaiî'er  la  ftrudure 
denfe  &  élaflique  de  la  cap  fuie  :  de  plus ,  on 
peut  objeder  l'arc  que  font  ce^  ligamens  ou 
leur  diredion ,  qui  fait  au  cryflallin  un  angle 
fort  obtus  ;  ce  qui  ne  peut  favorifèr  le  chan- 
gement. Hall.  (L) 

^  Çiliaire  , couronne  çiliaire.  (  Anatc- 
mie.  )  C'efl  la  face  intérieure  de  la  choroïde 
continuée  ;  elle  efl  orbiculaire  ,  mais  un  peu 
plus  étroite  vers  le  grand  angle  ;  il  s'élève  fiir 
cène  face  ,  avant  que  l'iris  fe  (épare  de  la  face 
antérieure,  des  plis  qui  s'élèvent  peu  à  peu  , 
&  dont  deux  jufqu'à  quatre  concourent  pour 
faire  un  filet  de  la  couronne;  cqs  plis  ont 
une  cellulofité  entre  les  deux  lames  dont  ils 
fontcompofés  :  une  membrane  fine  les  unit  * 
il  fe  form.e  de  ces  mêmes  plis  un  anneau  qui 
pofe  fur  la  couronne  muqueufç  ;  ils  abandon-^ 


C  I  L 

nenr  la  clioroïde  à  l'origine  del'uvee  ,  paiTent 
le  petit  vaîlon  entre  le  cryfla'lin  &  le  vitré  ; 
po!ent  fur  fa  face  antérieure  ,  &  finilTent  fans 
s'y  attacher. 

La  couronne  ciliaire  ne  tient  au  cr}  flallin 
que  par  la  mucofiré  d'un  brun-foncé  ,  dont 
elle  elî  abreuvée  aufli  bien  que  l'uvée.  Dans 
un  œil  confervé  ^  cette  mucofité  fe  fond, 
rend  l'humeur  aqueufe  noirâtre  ,  &  le  cryf- 
tallin  ,  pr.vé  de  fon  appui  ,  roule  &  perd 
fa  place. 

Les  poilTons  n'ont  pas  de  couronne  ciliaire, 
ïl>  ont  à  fa  place  une  cloche  qui  part  de  la 
choroïde  ,  &  qui  s'attache  au  cryftallin  par 
un  filet  ;  d'autres  poiffons  ont  une  anfe  qui 
pcrt  de  la  même  membrane  ,  &  foutient  le 
cryflaliin. 

Chaque  filet  de  ctixt  couronne  eft  dou- 
ble ;  il  fe  replie  fur  le  cryftaUin  ,  &  fait  une 
^r\Çfd  :  toute  la  furtace  de  ces  filers  efl  cou- 
verre  d'une  villofité  vafculaire  de  la  plus 
grande  beauté  :  les  troncs  font  fupportés  par 
la  convexité  du  filet  :  dans  le  porc ,  ce  réleau 
efî  percé  à  mailles  quarrées  ,  &  formé  par 
une  cellulofité  blanchâtre  :  ces  mailles  quar- 
rées fe  retrouvent  dans  le  canard  fauvage. 

Il  n'y  a  certainement  rien  qui  annonce 
une  ftrudure  mufculairc  dans  la  couronne 
ciliaire  d'aucun  animal  ,  le  microfcope  ne 
découvre  qu'une  villofité  qu'on  peut  injeder. 
(  H.  D.  G.  ) 

CILICE ,  f.  m.  (  Hiji.  anc.  &  mo<L)  vête- 
ment fait  de  poils  de  chèvre  ou  de  bouc  , 
dont  l'ufagjc  eil  venu  des  anciens  Ciliciens 
qui  portoient  de  ces  fortes  de  robes  y  parti- 
culièrement les  foldats  &  les  matelots. 

I^ec  minus  int  r^a  barbas  ,  incanaque  mcntaj 
C  nyphii  îendznt  hirci  ;  feîafquc  cornantes , 
Ufum  in  cajlrorum,  6?  miferis  velamina  nantis. 

Géorg.  liv.  IIL 

Peut-être  le  vrai  fens  de  cts  vers  e/î:-il 
qu'anciennement  les  foldats  &  les  matelots  ' 
fe  fervoient  de  ces  tiffus  de  poil  de  chèvre 
pour  en  fa^e  des  tentes  &  des  voiles  ;  &  c'eft  ' 
ce  que  fembîe  infmuer  Afconius  Pedianus , 
dans  une  remarque  fur  la  troifieme  verrine  y. 
cù  il  dit  :  Cilicia.  tenta  in  cajlrorum  ufum 
atque  nautarum.  {G)  \ 

*  CILTCIE ,  f  f.  (  Géog.  anc.  &  mol  )  ' 
pays  de  l' Afie  mineure ,  berné  au  nord-oueft  , 
par  une  longue  chaLie  du  mont  Taurus  ;  au 


C  î  L  ?7 

ncrd  par  îa  féconde  Cappr.d'cc€  &  la  féconds: 
Arménie  ;  à  l'orient  par  la  Comagene  ;  au 
midi  par  laSyre  &  la  mer  Méditerranée  ;  &: 
au  couchant  par  laPamphilie.  On  la  divifoir 
en  champêire  &  en  montagncufè ,  la  monta- 
gncufe  s'appello^t  chc?:  IcsGr.cs  Trachcrorisy. 
&  fcs  habitans  Trachéotes ,  &  on  la  parta— 
geoit  en  Sélénide  &  en  Céride.  Il  paroît  par 
les  villes  que  cette  contrée  comprenoit  , 
qu'elle  étoit  tiTS- peuplée.  La  CiUcie  fc'it 
maintenant  partie  de  laCaramanie.  Les  Cili- 
ciens av oient  inventé  une  fc-rte  d'étofïè  de  poil 
de  chèvre  ,  dont  on  faifoit  àts  habits  pour  les 
matelots  &  les  foldats.  Comme  elle  étoit  groA 
fiere  &  d'une  couleur  brune  ,  les  Hébreux 
s'en  fervoient  dans  le  deuil  &:  dans  îa  è\Ç~ 
grâce.  Ils  étoient  différens  de  ceux  que  l'eC- 
prit  de  pénitence  a  inventés  depuis  ,  &  qui 
font  tout  de  crin.  Ariftote  dit  qu'en  Cilicte 
on  tondoit  les  chèvres ,  comme  on  tond 
ailleurs  les  brebis. 

CiLIClE  {terre  de) ,  Hifi.  nat.  c'efî,  fùî- 
vant  Théophraile ,  une  efpeee  de  terre  qui 
fe  trouvoir  en  Cilicie.  Cet  auteur  dit  qu'en 
la  faifant  bouillir  dans  de  l'eau  elle  devenoit 
vifqueufe  &  tenace  :  on  s'en  fervoit  pour 
en  enduire  les  ceps  de  vigne  ,  &  les  garantir 
èQs  vers  &  des  autres  inlèdes.  M.  Hiil 
penfe  avec  raifon  que  cette  terre  étoit  une 
terre  bitumineufe  ,  d'une  confidance  folîde  y 
que  la  chaleur  de  l'eau  bouillante  rendoit 
affez  molle  pour  pouvoir  s'étendre ,  &  qui 
par  fa  quaUté  tenace  &  vifqueufe  ^rrê toit 
\qs  infedes  ,  ou  les  chafibit  par  fon  odeur 
forte.  (  —  ) 

CILINDRE  ù  CILINDRIÇUE,  voye^ 
Cylindre  à  Cylindrique. 

CILLEMENT  ,  f  m.  [Anat.^  PhyfwL  ) 
en  latin  niclatio  y  mouvement  vif,  alternatif 
&  fynchronique  èiÇ,s  paupières. 

Elles  ont ,  comme  on  iàir ,  un  très-prompt 
mouvement ,  &  la  paupière  fupérieure  dans 
l'homrne  en  a  beaucoup  plus  que  la  paupière 
inférieure.  Ce  mouvement  ii^s  paupières  fe 
fait  quelquefois  volontairement  ,  fouvenr 
auiîi  fans  y  penfer ,  &  toujours  par  une  extrê-^ 
me  vîrefTe. 

Les  cillemens  qui  arrivent  de  moment  en 
moment  ,  d.ins  les  uns  plus  ,  dans  les  autres 
moins ,  (^  font  à  la  paupière  fupérieure  alter- 
nativement par  le  releveur  prop^^e ,  &  par 
la  portion  palpébrale  fupérieure  du  mufcle 


88  CIL 

orbiculaire  :  ils  fe  font  auffi  alternativement 
&  en  même  temps  à  la  paupière  inférieure, 
par  la  portion  palpébrale  inférieure  du  muf- 
cle  orbiculaire  ,  mais  très-peu  ,  à  caufe  du 
petit  nombre  des  fibres  palpébrales  infé- 
rieures. 

On  voit  déjà  qu'il  y  a  deux  mufcles  qui 
fervent  au  mouvement  des  paupières  ;  mais 
pour  mieux  entendre  leurs  cUlemens ,  il  faut 
fe  rappcller  la  Ifrudure  de  ces  deux  voiles 
qui  font  tendus  fur  les  yeux  :  or  \qs  deux 
paupières  étant  formées  de  membranes  min- 
ces ,  prefquetranfparenres,  à  petits  plis,  très- 
vafculeufes  ,  remplies  d'une  grande  quantité 
de  papilles  nerveufes  à  la  furface  interne , 
toujours  unies  ,  &  bordées  d'un  large  car- 
tilage en  forme  d'arc ,  on  comprend  qu'elles 
peuvent  fe  toucher  mutuellement ,  s'éloigner 
enfuite  ,  s'abaifler  &:  fe  rouvrir  alternative- 
ment. Le  mufcle  élévateur  de  la  paupière 
fiipérieure  ,  né  par  un  petit  principe  charnu 
du  fond  de  l'orbite  oÂTeufe  ,  fe  dilperfe  en 
petites  fibrilles  tendineufes  très-fines ,  &  va 
s'inférer  à  toute  la  partie  fupérieure  du  tarfe 
de  cette  paupière ,  elle  doit  donc  s'élever 
fans  rides  par  le  mouvement  de  ce  mufcle. 
Pour  le  mufcle  orbiculaire  qui  prend  fon 
origine  du  grand  os  du  nez  ,  &  va  parfe- 
mant  fes  fibres  par  les  deux  paupières  ,  il  n'a 
qu'à  fe  contrader,  comme  il  fait ,  en  forme 
de  fphinder  ,  pour  unir  doucement  les  pau- 
pières l'une  à  l'autre  :  s'il  fe  contrade  plus 
fortement ,  il  exprime  les  larmes  ,  en  arrofe 
la  furface  interne  de  l'œil ,  en  nettoie  les 
ordures  ,  &  le  lave.  La  paupière  inférieure 
s'ouvre  par  la  contradion  fpontanée  des 
fibres  mufculaires  diftribuécs  dans  la  joue. 

Mais  de  peur  que  les  paupières ,  à  torce 
de  ciller  &  fe  joindre  l'une  à  l'autre  fans  cefle, 
ne  s'excorient ,  la  nature  a  placé  fur  le  bord 
cartilagineux  de  l'une  &  de  l'autre  de  petits 
grains  glanduleux  ,  où  fe  filtre  une  humeur 
qui  fe  décharge  par  des  orifices  ouverts  ,  & 
fert  de  Uniment  au  bord  des  paupières.  Ces 
orifices  ne  font  autre  chofe  que  les  extrémités 
des  petits  vaifleaux  qui  vont  ferpentant  en 
cet  endroit ,  &  naiffent  continus  avec  les 
artérioles  qui  y  font  diflribuées  ,  fans  flruc- 
ture  glanduleufe. 

Ainfi  dans  les  paupières  douées  d'une  peau 
flexible  ,  de  fibres  nerveufes  ,  mufculeufes  , 
d'une  msmbrane  adipeufe ,  &  d'une  tunique 


C  I  L 

interne  très-lifïê ,  parfemée  de  vailTeaux  fan- 
guins  &  de  glandes  qui  l'abreuvent  fans  cefîe, 
&  entretiennent  la  cornée  tranfparente ,  tout 
concourt  à  l'exécution  des  cillemens  alterna-, 
tifs  de  ces  rideaux  de  la  vue  ,  comme  Cicé- 
roii  mC-me  l'a  remarqué  dans  fon  ouvrage 
de  la  nat.  des  dieux  ^  L  II,  c.  Ivij.  Palpe- 
brœ ,  dit- il ,  funt  mollijfimœ  taBu  ,  ne  lœde^ 
rem  aciem,  Ù  aptijfimce  faclce  ad  claudendas 
ac  aperiendas  pupillas  ;  idque  providit  na- 
tura  ,  ut  identidem  fieri  pojjit  cum  maximâ 
celeritate.  "  Les  paupières  lont  douées  d'une 
»»  furface  douce  &  polie  ,  pour  ne  point  blef^ 
»  fer  les  yeux  :  foit  que  la  peur  de  quelque 
»  accident  oblige  à  les  former  ,  foit  qu'on 
»  veuille  les  ouvrir ,  la  nature  les  a  faites 
»  pour  s'y  prêter  ;  &  l'un  &  l'autre  de  ces 
»  mouvemens  s'exécute  avec  une  prodigieufè 
«  vîtefTe.  »>  C'efl  en  effet  une  chofe  admira- 
ble que  la  promptitude  des  cillemens  ,  leur 
'  répétition  fuccellive  ,  perpétuelle  pendant  le 
cours  de  la  vie ,  fans  dommage ,  fans  ufe- 
ment  du  voile  ni  de  l'œil  contre  lequel  il 
frotte  ,  &  prefque  toujours  fans  volonté. 

Il  arrive  pourtant  quelquefois  que  ce  cille' 
ment ,  ce  clignotement  des  paupières ,  efl 
non  feulement  involontaire  ;  mais  li  prompt 
ou  fi  lent  qu'il  fatigue  &  chagrine  beaucoup 
ceux  qui  en  font  attaqués  ,  &  qu'il  fait  de  la 
peine  à  ceux  qui  les  regardent.  Cette  efpece 
de  trefîaillement  efl  une  vraie  maladie  ,  un 
mouvement  convulfif  des  voiles  de  l'œil ,  pen- 
dant lequel  les  fibres  motrices  du  mufcle  or- 
biculaire deviennent  tendues  ,  roides  ;  &  la 
paupière  après  avoir  demeuré  un  infiant  fer- 
mée ,  fe  relevé  l'inftant  fuivant ,  en  forte  que 
les  malades  jouifïent  ou  font  prives  de  la  lu- 
mière par  intervalles  ;  ce  qui  n'a  pas  heu  dans 
les  cillemens  ordinaires  &  naturels.  II  femble 
donc  que  la  caufe  de  cette  convulfion  efl  un 
mouvement  irréguHer  des  efprits  animaux  , 
qui  fe  portant  avec  trop  de  rapidité  dans  les 
fibres  du  mufcle  orbiculaire  ,  empêchent 
pendant  un  temps  l'adion  du  mufcle  releveur. 

On  guérit  ce  trefTaillement  plus  ou  moins 
difficilement ,  fuivant  fa  fréquence  &  l'an- 
cienneté du  mal.  Quand  il  efl  léger  ,  deux 
moyens  peuvent  fervir  à  fa  guérifon  ;  le  pre- 
mier ,  de  fe  faire  éternuer  pendant  l'accès  ; 
le  fécond ,  de  frotter  doucement  avec  la 
main  le  tour  de  l'orbite  &  des  paupières  » 
ou  plutôt  d'employer  des  fridions  fur  les 

paupières 


CIL 

paupières  &  aux  environs  avec  <^es  eaux  fpîrî- 
tueufes  ,  ou  des  huiles  nervines  mêlées  de 
quelques  gouttes  d'efprit  volatil  huileux , 
dont  on  répétera  l'application  plufieurs  fois 
dans  le  jour.  Lorfque  ces  deux  moyens  ne 
fuffifent  pas  pour  empêcher  les  récidives  de 
la  Gonvulfion  ,  il  faut  y  joindre  prompte- 
raent  les  remèdes  internes  ,  parmi  leiquels 
je  ne  connois  rien  de  raiejx  que  les  antimo- 
niaux ,  pris  long-temps  &  en  petite  quantité. 
Ceft  ainfi ,  par  exemple ,  qu'il  convient  de 
traiter  les  enfans  qui  clignotent  perpétuelle- 
ment les  yeux ,  pour  avoir  été  trop  expofés 
au  grand  jour  ,  en  forte  que  leur  fréquent 
cîllement  fe  tourne  en  habitude  incurable, 
li  l'on  n'a  l'attention  d'y  remédier  de  bonne 
heure. 

Il  ne  faut  pas  confondre  le  cillemem  des 
paupières  avec  leur  clignement.  Voye\  ce 
mot.  ( M.  le  chei'cilier  de  Ja  ucour t.  ) 

CILLER  ,  (  Maréchall.  )  on  dit  qu'w/z 
cheial  cille  y  quand  il  commence  à  avoir  les 
fourcils  blancs,  c'efl-à-dire  quand  il  vient 
fur  cette  partie  environ  la  largeur  d'un  liard 
de  poils  blancs  ,  mêlés  avec  ceux  de  la  cou- 
leur naturelle  ;  ce  qui  eft  une  marque  de 
vieilleffe.  Voye^  Age  &  Cheval. 

On*  dit  qu'un  cheval  ne  cille  point  avant 
l'âge  de  quatorze  ans  ,  mais  toujours  avant 
l'àge  d«  lèize-  Les  chevaux  qui  tirent  fur 
l'alzan  &  ceux  qui  font  noirs  ,  cillent  plu- 
tôt que  les  autres. 

Les  marchands  de  chevaux  arrachent  or- 
dinairement ces  poils  avec  des  pincettes^ 
mais  quand  il  y  en  a  une  H  grande  quan- 
tité que  l'on  ne  peut  les  arracher  iàns  ren- 
dre \ts  chevaux  laids  &  chauves  ,  alors  ils 
leur  peignent  les  fourcils  ,  afin  qu'ils  ne  pa- 
roifTent  vieux.  Chambers. 
■  CILLEY  ,  (Géog.)  petite  ville  d'Allema- 
gne au  cercle  d'Autriche  dans  la  Carniole, 
l'ur  la  Saan ,  capitale  d^un  comté  de  même 
nom.  Long,  j  j  ;,  zo  ;  lat.  ^6  ,  z8. 

CILS,  f.  m.  (Anai.)  fontles  poils  dontle 
bord  des  paupières  eu  garni, fur-tout  celui  des 
lupérieures  ,  qui  efl  plus  gros  &  plus  épais 
qu'à  celles  d'en-bas.   Voye\  PauPTERE. 

Leur  ufage  eft  vraifemblableraent  de  rorn- 
pre  Timpreilion  trop  vive  Aes  rayons  de 
lumière ,  &  de  garantir  l'œil  des  petits 
infeftes  volans  &  (Iqs  atomes  qui  pourroieiu 
y  nuire. 

Tome  VIII 


C  I  M  ^f 

Ces  cifs  prennent  leur  origine  d'une  petite 
rangée  de  glandes  dont  efl:  couvert  un  car- 
tilage mince  &  tendre  qui  borde  chaque 
paupière ,  &  qui  fert  comme  de  tringle  ou 
d'anneau  pour  les  approcher  l'une  de  l'autre. 
(L) 

CIMBERS ,  (Geogr.)  lieu  d'Allemagne  , 
dans  le  cercle  d'Autriche  &  dans  le  comté 
du  Tirol  ,  au  quartier  de  l'Adige  :  c'eft  un 
des  plus  habités  du  vallon  de  Fleimbs  ,  & 
l'un  de  ceux  où  pafîèrent  &  fejournerenc 
autrefois  les  Cimbres,  lors  de  leur  expédition 
en  Itahe.  (D.  G.) 

CIMBRES  ,  f  m.  pi.  {Geogr.  ancien.  & 
mod.)  ancien  peuple  le  plus  feptcntrional 
de  l'Allemagne.  Ce  font  les  plus  anciens 
habitarts  qu'on  connoifîé  à  la  prefqu'île  de 
l'Holifeen ,  du  Slefwig  ,  èc  du  Judand  ; 
&  c'eft  d'elle  qu'elle  a  pris  le  nom  de  Cher^ 
fonnefe  cimbrique.  Les  Grecs  les  ont  quel- 
quefois confondus  avec  les  Cimmériens. 
Après  leur  défaite  par  les  Romains ,  ils  fe 
répandirent  en  difFérens  endroits ,  quelques- 
uns  s'arrêtèrent  dans  les  Gaules ,  s'unirent 
aux  Saxons ,  &  furent  confondus  avec  eux. 

CIME ,  f.  f.  fe  dit  de  la  partie  la  plus 
élevée  des  grands  arbres. 

CIMENT,  f.  m.  (Architec7.)  dans  un 
fens  général ,  efî  une  corapofition  d'une  na- 
ture glutineufe  &  tenace  ,  propre  à  lier , 
unir  &  faire  tenir  enfemble  plufieurs  pie-^ 
ces  diflindes. 

Ce  mot  vient  du  latin  cœmentum ,  dérivé 
de  cœdoy  couper  ,  hacher,  broyer.  M.  Feli- 
bîen  obftrve  que  ce  que  les  anciens  archi^ 
tedesappelloient<:(r;72e/2fu/72,étoittouteautre 
chofe  que  ce  que  nous  appelions  ciment. 
Par  ciment  ils  entendoient  une  efpece  de 
maçonnerie,  ou  une  manière  de  pofer  leurs 
pierres,  ou  bien  la  qualité  même  àes  pier- 
res qu'ils  employoient  ;  comme  lorfqu'ils 
faifbient  des  murs  ou  des  voûtes  de  mot- 
ion ou  de  blocage.  En  effet  il  y  avoit  une 
coupe  de  pierres  propres  pour  ces  fortes 
d'ouvrages ,  pour  lefquels  on  ne  les  faifoit 
point  quarrés  ni  uniformes:  de  forte  que 
cœmema  proprement  étoient  àes  pierres  au- 
tres que  ce  qu'on  appelle  p/err^J"  de  taille. 

Le  mortier  ,  la  foudure ,  la  glu  ,  Ùc.  font 
des  fortes  dt  ciment.  V.  MoRTIER  ,  SOU- 
DURE jGlU,  ^c.  Le  bitume  qui  vient 
du  Levant,  fur,   dit-on,  le  ciment  qu'oa 

M 


^o  C  I  M 

employa  aux  murs   de  Babylone.    Voye\ 
Bitume. 

Un  mélange  de  quantités  égales  de  verre 
en  poudre,  de  fel  marin  &  de  limaille  de  fer , 
mêlés  &  fermentes  enlêmble, fournit  te  meil- 
leur ciment  que  l'on  connoifle.  M.  Perrault 
aiTure  que  du  jus  d'ail  eif  un  excellent  ciment 
pour  recoller  des  verres  &  de  la  porcelaine 
caflec. 

En  terme  it architecture  y  on  entend  par- 
ticulièrement par  ciment,  une  fort^  de  mor- 
ti|^  liant  y  qu'on  emploie  à  unir  enfemble 
àçs  briques  ou  des  pierres  pour  faire 
quelques  moulures  ou  pour  faire  un  bloc 
de  briques  ,  pour  des  cordons  &  des  cha- 
piteaux ,  &c. 

Il  y  en  a  de  deux  fortes  ;  le  ebaud  qui 
e(}  le  plus  commun  ;  il  eft  fait  de  réfine, 
de  cire,  de  brique  broyée  ,  &  de  chaux, 
bouillies  enlêmble.  Il  faut  mettre  au  feu 
les  briques  qu'on  veut  cimenter ,  &  îès  ap- 
pliquer toutesrouges  l'une  contre  l'autre  avec 
du  ciment  entre  deux. 

On  fait  moins  d'ufagc  du'  ciment  froid  ; 
il  efl:  compofé  de  fromage,  de  lait  >.  de  chaux 
vive  &  de  blanc  d'ccuf. 

En  1774 ,  il  parut  un  mémoire  fur  l'art 
de  bâtir ,  imprimé  par  ordre  du  gouverne- 
ment; il  annonçoit  une  découverte  inté- 
refïânte  ,  qui  Irappa  tous  les  efprits  :  effec- 
tivement ,  le  Sr.  Loriot  qui  en  eil  l'auteur , 
lembloit  avoir  deviné  &  démontré  le  pro'- 
cédé  fimple  qu'ont  employé  les  Romains 
dans  des  conllrudions  qui  atteftent  encore 
par  leur  durée  la  parfaite  compofition  des 
cimens  qu'ils  y  employoieiit. 

Les  expériences  faites  par  l'auteur  &■  rap- 
pellées  dans  fon  mémoire ,  fembloient  jul- 
tiiier  complètement  la  vérité  de  fon  afTer- 
tion.  \Jn  grand  nombre  ne  douta  plus, 
qnp  le  nouve-AU  ciment  ou  mortier  n'eût 
toutes  les  qualités  énoncées,  &  que  le  nou- 
veau ciment  ne  Ht  époque  dans  la  pratique 
■de  i'architcciure,  lur-tout  par  la  facilité  de 
le  corapoier  &  de  l'employer.. 
.  ^Eû.  effet ,  tout  eonfiife  à  introduire  dans 
.le  mortier  ordinaire  ,  loriqu'rl  eil  prêt  à  être 
employé  ,  une  certaine  portion  de.chaiix- 
•vive  ,  mile  en  poudre,  déhyée  &  am'al- 
gsmée  par  un  mouvement  aflêz  prompt 
pour  avoir  le  temps  de  ie  fiifir  &  de  le 
;inettre-  en  ufage ,  car  riruroduction.  de  la 


C  I  M 

chaux-vive  Cç  fàture  rapidement  de  toute 
l'eau  du  mélange  ,  en  forte  que  le  nouveau 
mortier  exige  feulement  dans  fon  emploii 
toutes  les  précautions  qu'il  faut  prendre  dans, 
celui  des  gipfes  ou  des  plâtres. 

La  quantité  de  chaux-vive  à  introduire  , 
doit  être  fuivant  les  obfervations  ,  &  luivant 
les  degrés  de  force  de  la  chaux  ,  à-peu-près- 
d'un  quart  en  firs  des  matières  feches  em- 
ployées dans  la  chaux ,  éteinte  d'abord  dans 
l'eau  ;  les  matières  feclies  ne  font  autre - 
chofs  que  le  fable,  la  brique  pilée,  le  mâche- 
fer, ÊTc.  en  général  tous  lès  corps  intermédiai» 
res  employés  dans  le  mortier  ordinaire. 

LTn  procédé  aulii  fimple  étoit  aifé  à  effayer  ;. 
auffi  une  foule  d'expériences  faites  par  les 
gens  de  l'art,  lliivirent  immédiatement  la  pu- 
blication du  mémoire;  on. attendit  pour  pro- 
noncer ,  que  quelques  failons,  &  l'hiver  iur- 
tout-,  eufl'ent  éprouvé  les  difïerens  emploie 
qu'on  en  avoit  fiiits.  La  qualité  fupéricure 
promifè  par  le  mémoire ,  &  fans  doute  la 
piusintércfrante,étoitla  refiffance  aux  gelées; 
mais  ilfallut  renoncera  ce  précieux  avantage, 
fur-tout  pour  les  enduits  dont  l'ufage  pro» 
mettoit  de  fi  grandes  commodités  ;  tous  fe.- 
trouverent  altérés,  décompofés,  feuilletés  ou 
foufflés-par  l'aâion  du  dégel:  le  décou- 
ragement a  nécefî'airement  été  une  fuite  dô 
ce  malheureux  résultat;  mais  on  a  {^t-être 
conclu  trop  rapidement  que  la  découverte 
étoit  nulle  &  fans  uiage. 

Elle  en  a  un  au  moins  démontré  par  l'ex- 
périence,, &c  dont  l'emploi  habituel  peut  êtr& 
de  la  plus  grande,  utilité,  dans  des  cas  affez 
multiphés. 

Toutes  les  fois  que  ïè  ciment  fera  bien  fait  - 
&  employé  à  l'abri  de  l'effet  des  gelées  ,  oa; 
peut  s'attendre  qu'il  devient  impénétrable  ai 
l'eau  ,  lorlqu'on  auraeu  foin  de  l'errer. &  po— 
lirfa  furface  avec  ailbz  d'exaélitude  dans  les 
premiers  momensde  l'emploi.  Les  plafonds 
des  baflirus ,  les  parois  des.  citernes  &  des  rér- 
ièrvoirs ,  la  fiirlace  des  murs  intérieurs  adol^ 
fés  contre  des  terres ,  celle, de  ceux  des  caves 
qui  infiltreroient  des  eaux  incommodes  ou  ; 
mal-faines  ,  fi  toutes  ces  p;irties  font  endui- 
tes d'une  couche  du  nouveau  ciment ,  feule- 
ment de  plufieurs  lignes ,  on  doit  en  attendre 
le  plus  grand  fuccès. 

On  peut  aufîi  dans  les  pays  qui  manquent 
déplâtre,  le  remplacer  a\  antageufement  par 


C  I  M 

le  CçmI  mélange  de§  deux  chauîf  fans  au- 
cun intermède  ,  pour  les  enduits  intérieurs  , 
les  platonds  ,  &c. 

Ce  fera  probablement  les  feuls  aviantages 
■que  l'on  retirera  d'une  découverte  qui  pro- 
niettoit  d'abord  une  applicatkm  générale , 
jnais  qui  effectivement  Te  réd(Bf  à  quelques 
emplois  particuliers  ,  dont  pourtant  la  pra- 
tique de  l'art  peut  faire  un  uiage  habituel  & 
économique.  {Cet  article- efi  de  M.  DE  LA 
Jamariere  p  capitaine  au  corps  royal 
du  Génie,) 

Le  ciment  des  orfèvres,  desgraveurs,  met- 
teurs-en-œuvres ,  dit  un  compofe  de  brique 
mife  en  poudre  &  bien  tamifée  ,  de  réiine  & 
de  cire  :  ils  s'en  fervent  pour  tenir  en  état  les 
ouvrages  qu'ils  ont  à  graver ,  ou  pour  rem- 
plir ceux  qu'ils  veulent  cifeler. 

Ciment  des  chymiftes ,  voye\  CemeNT. 

CIMETIERE,  f.  m.  terme  d' Architectu- 
re'^ l'on  entend  tous  ce  nom  une  grande  place 
découverte ,  Cilîez  généralement  entourée  de 
charniers  {Voye-^  CharnIERs),  où  l'on 
enterre  les  morts ,  &  -où  l'on  élevé  quelques 
fépultures  ornées  de  croix  ,  obéliiques  & 
autres  monumens  funéraires.  (P) 

Cimetière,  (/i^ri/}?.)  chez  les  Ro- 
jnains ,  tout  endroit  où  l'on  inhumoit  un 
mort  ,  devenoit  un  lieu  religieux  &  hors 
du  commerce.  Voye\  aux  inflitut.  de  rerum 
divijione  ,  &  au  di(^efi.  liv.  I  y  tit.  viij  ;  l. 
6  ,  §.  5  ,•  ^  liv.  Il,  tit.  vj  ;1.6,  %fin. 

Parmi  nous ,  il  ne  fùflit  pas  que  quelqu'un 
ait  été  inhumé  dans  un  endroit  pour  que 
ce  lieu  devienne  religieux  &  hors  du  com- 
rnerce  ,  aucun  parnculier  ne  pouvant  de  fon 
«utorité  privée  imprimer  ce  caradere  à  un 
héritage  ;  il  faut  que  l'autorité  du  fupérieur 
çccléiiaftique  intervienne,  que  le  lieu  ait  été 
béni  &  coniàcré  avec  les  folemnités  accou- 
tumées ,  &  deftiné  pour  la  fépulture  des 
fidèles. 

Autrefois  les  cimetières  étoient  hors  lesvil- 
îes  &  lur  les  grands  chemins  :  il  étoit  défendu 
(Tenterrer  dans  les  églifes  ;  cela  fut  changé 
par  la  novelle  820  de  l'empereur  Léon  , 
qui  permit  d'enterrer  dans  les  villes  &même 
dans  les  églifes. 

Les  cimetières  tiennent  ordinairement  aux 
églifes  paroiffiales  :  il  y  en  a  néanm.oins  qui 
font  féparés  ;  les  uns  &  les  autres  Ibnt  tiors 
du  commerce. 


C  I  M  9r 

\  II  arrive  néan'moins  quelquefois  que  l'on 
change  un  cimetière  de  place  ,  ou  que  l'on 
en  retrancha  quelque  portion  pour  l'élar- 
gilTement  d'un  grand  chemin  ;  auquel  cas  , 
avant  dé  remettre  l'ancien  cimetière  dans  le 
commerce ,  il  faut  que  ,  du  confentemenc 
du  curé  &  de  l'évêque  diocéfain  ,  &  par 
permifllon  du  juge  royal,  les  ofi'emxensfoient 
exhumés  &  portes  au  nouveau  cimetière. 

Un  ancien  cimetière  où  perlonne  n'au- 
roit  été  inhumé  depuis  long-temps ,  pour- 
rait être  prefcrit  fans  titre  par  une  longue 
poiTeffion  ,  parce  qu'elle  feroit  préfumer 
que  le  fonds  a  changé  de  nature. 

Il  efl  dérendu  aux  feigneurs ,  aux  curés  , 
&  à  tous  autres  ,  de  permettre  àes  dan- 
fes  dans  les  cimetières  ,  d'y  tenir  àes  foires 
&  marchés ,  &  d'y  commettre  aucune,  in- 
décence. LoHqu'un  cimetière  a  été  poilu  par 
effufion  de  fang  ou  par  quelque  autre  fcan- 
dale  ,  il  faut  le  réconcilier.  Les  canons  qui 
regardent  cette  cérémonie  font  cités  par 
Jean  Thaurnas  ,  dans  fon  didionnaire  au 
mot  cimetière.  Voye;^  le  trai  té  de  mortuis  cœ- 
meterio  refiitiiendis^  perLaurentium  Delum 
romanum  ;  l'hifi.  des  empereurs  de  M.  de 
Tillemond ,  tom.  III ,  p.  zS z  ;  les  me'm. 
du  clergé  y  édir.  de  i/i^;,  t.  III,  p.  2^24. 
Bouvot ,  t.  II j  wQvho  églife,  queft.  7.  Fran- 
cifc.  Marc.  tom.  I ,  quefi.^SS.  Auzanet 
fur  Paris,  tit.  des  ferricudes^Ù  enfes  arrêts  y 
ch.  lix.  Jovet,  \txho  fépulchre,  n.  z  G;  Fer- 
rer ,  tr.  de  Vahus  ,  l.  IV ,  ch.  viij,  n.  z  7. 

Les  perfonnes  de  la  religion  prétendue 
réformée  ont  àes  cimetières  particuliers  qui 
leur  font  affignés  par  le  juge  royal.  Voye\ 
Filleau,  décijions^o,  33 ?  3^^ 3  3Bp  4^- 
Barder  y  t.  II ,  l.  II,  ch.  />.  (A) 

Cimetière  ,  (Médecine.)  La  putréfac- 
tion s'empare  de  nos  corps  dès  qu'ils  celï'ent 
d'être  animés  par  le  principe  vital. 

Ce  mouvement  inteflin  détruit  leur  tifîîi , 
&  par  lui  les  cadavres  deviennent  autant  de 
foyers  d'où  s'exhalent  desmiailnes  déleterres 
capables  de  produire  les  plus  lunefîes  effets , 
en  infeâ:ant  l'air  que  nous  refpirons  &  qui 
nous  environne.  V.  AiR  &  PUTRIDITÉ. 

C'eft  pour  prévenir  les  fuites  de  cette  in- 
feâioQ  qu'on  donne  la  fépulture  aux  morts. 
Si  des  motifs  particuliers  ont  fait  abandon- 
ner l'ufage  de  les  brûler ,  &  ont  fait  pren- 
dre le  parti  de  rendre  nos  corps  à  ia  terre 

M  2. 


5>2  C  I  M 

d'où  ils  font  fortis ,  on  ne  les  fouflrnit  pas 
à  la  putréfadion  en  les  lui  confiante  La  cou- 
«;he  terreufe  ,  qui  les  recouvre  ,  rend  feule- 
ment cette  putrétadion  plus  lente  •,  &  com- 
me la  terre  efî  perméable  ,  les  émanations 
cadavereufes  la  percent  &  fe  mêlent  nécef- 
jairement  à  l'air  qui  touche  la  furface  des 
lieux  confacrés  à  l'inhumation.  L'infedion , 
qui  en  réfulte ,  eft  infiniment  moins  grande 
qu'elle  ne  le  feroit ,  û  les  cadavres  pourrii- 
foient  à  l'air  libre ,  mais  elle  peut  avoir  affez 
d'inrenfité  pour  devenir  pernicieufe  ;  &  l'on 
ne  doit  pas  perdre  de  vue  cette  vérité  ,  lors- 
qu'il eil  queîHon  de  conilruire  un  cimetière. 
Faire  enforte  que  l'air  n'y  foit  jamais  affez 
infedé  pour  erre  dangereux  ,  ou  que  l'infec- 
tion ,  lorfque  l'on  intenfi té  eft  inévitable,  ne 
puifi'e  y  caufer  aucun  funefle  accident  ; 
voilà  ce  que  l'on  doit  fepropofer.  Par  quels 
moyens  réuflira-t-on  à  empêcher  que  cette 
infedion  n'acquière  une  infeniité  redouta- 
ble ?  C'ed  ce  qu^on  découvrira  en  ie  ren- 
dant raifon  de  F  effet  de  la  terre  fur  les  éma- 
nations cadavereules  ,  de  la  formation  des 
vapeurs  qui  réiultent  du  mélange  de  ces 
émanations  avec  l'air  ,  ôc  de  l'adion  de  l'air 
lur  ces  vapeurs. 

Quoique  la  terre  foit  perméable  ,  &  que 
dans  les  cimetières  le  feu  central,  de  concert 
avec  la  fermentation  putride  ,  faffe  exhaler 
de  Çon  iein  les  fubllances  volatiles  qu'elle 
renferme  ,  il  eft  certain  que  ,  par  leur  den- 
fité  ,  les  parties  intégrantes  de  la  terre  gê- 
nent CQtlQ  exhalation  ,  &  qu'agiiîant  comme 
un  filtre ,  elles  fubtiliient  les  écoulcmens  ca- 
davéreux en  s'oppolant  à  fémanation  des 
molécules  animales  les  plus  grolileres. 

Mais  il  eft  également  certain  que  les  fub(^ 
tances  qui  font  volatilifées  ,  partant  de  tous 
\ts  points  de  la  furface  des  cadavres  ,  s'é- 
chappent dans  différentes  diredions ,  & 
^jrtent  de  terre  fous  des  angles  plus  ou  moins 
aj^us ,  de  manière  que  fi  plufieurs  cadavres 
font  rapprochés  les  uns  des  autres,  les  rayons 
d'écoulement  fe  réuniront  nécefïairement. 

Ilfiiitde-Uque  les  exhalations  cadavereu- 
les auront  d'autant  moins  de  denfité ,  que 
ks  cadavres  feront  plus  profondément  en- 
fouis ,  mais  que  pouvant  en  acquérir  par 
If ur  reunion  ,  elles  feront  encore  d'autant 
moins  denfes  ,  qu'il  y  aura  plus  de  diliance 
«ûtre  ces  foyers  putrides. 


C  I  M 

Ces  émanations  au  fortir  de  terre  fe  mê- 
lent à  l'air  fous  forme  de  vapeurs  ,  &  cel- 
les-ci font  d'autant  plus  fenlibles  ,  qu'elles 
ont  plus  de  denfîté. 

L'air  eft-il  fec  &  tient-il  en  difTolution 
peu  de  molécules  aqueufes  ,  il  abforbe  avec 
facilité  les  èwkinations  cadavereufes ,  &  les 
difibut  fi  complètement ,  que  leur  divi- 
lion ,  portée  auifi  loin  qu'il  efî  pofîible  , 
les  fait  échapper  aux  fèns.  Elles  fe  conden- 
fent  &  deviennent  fenfibles  fi  l'air  eft  hu- 
mide ,  &  elles  le  font  même  d'autant  plus, 
que  ce  fluide  étant  plus  chargé  d'eau,  l'union 
de  (qs  molécules  avec  celles  des  émanations 
fe  fait  plus  difficilement. 

Le  volume  de  l'air  influe  également  fur 
le  peu  de  denfité  des  vapeurs.  C'ell  en  cédant 
à  la  force  attradive  des  molécules  aériennes 
&  en  fe  logeant  dans  leurs  interfHces  qus 
les  corpufcules  ,  exhalés  du  fein  de  la  terre , 
forment  ces  vapeurs.  Les  molécules  aérien- 
nes font-elles  très-nombreufes ,  eu  égard 
aux  corpufcules  expofés  à  leur  adivité ,  elles 
fe  les  partagent  &  les  divifent  de  forte  que  , 
répandus  dans  une  mafle  confidérable,  ceux- 
ci  ne  s'uniffent  a  celles-là  qu'un  à  un ,  & 
les  vapeurs  raréfiées  afRdent  foiblement  les 
fens.  Le  contraire  arrive,  li  la  mafîè  aérienne 
efl  moins  volumineufe  ,  chaque  molécule, 
d'air  efl  forcée  de  fe  charger  de  plufieurs 
corpufcules  cadavéreux ,  ^  la  denfité  des 
vapeurs  efi  d'autant  plus  grande  ,  que  le 
volume  d'air  eft  moindre. 

Mais  c'efl  dans  les  couches  inférieures 
que  fe  fait  d'abord  cette  union  ;  &  la  pefan- 
teur  des  fubflances  qui  pénètrent  ces  cou- 
ches ,  faifant  continuellement  obflacle  à  leur 
élévation  ,  leur  difperiion  dans  un  grand 
volume  d'air  ne  peut  avoir  lieu  qu'autant 
que  les  couches  fùpérieures  ou  collatérales 
viendront  fuccefilvement  prendre  la  place 
des  inférieures.  Si  l'air  efl  flagnant  &  im- 
mobile ,  les  couches  inférieures  leront  bien- 
tôt faturées  des  corpufcules  exhalés ,  &  les 
vapeurs  qui  réfulteront  de  cette  diffolution  , 
acquerront  une  denfité  confidérable. 

Ce  ne  feroit  pas  afîêz  que  l'air  des  cou- 
ches inférieures  fût  quelquefois  renouvelle  » 
il  faudra  encore  que  l'agitation  de  la  mafîe 
aérienne  ,  capable  de  produire  cet  eflfet ,  foit 
continuelle ,  ou  du  m.oins  très-fréquente. 
Les  vapeurs  réunies  &  condenfées  par  ^ 


C  I  M 

iâurée  de  la  flagnation  des  couches  inférieu- 
res, ne  feroient  pas  alîez  promptement  dlvi- 
fées  par  le  mouvement  momentané  qui  leur 
feroit  communiqué  ;  &  ces  vapeurs  ,  pouf- 
fées  alors  en  maflè,  pourroient  devenir  d'au- 
tant plus  pernicieufes  ,  que  ce  mouvement 
feroit  plus  fubit  &  plus  rapide. 

Cet  inconvénient  fera  cependant  bien  fou- 
vent  inévitable ,  parce  que  l'humidité  ,  oc- 
cafionée  par  les  pluies  ,  donnera  néceffai- 
rement  de  la  denfité  aux  vapeurs  ,  en  s'op- 
Çofant  à  leur  diifolution  ;  parce  que  la  raré- 
radion  ,  caufee  par  la  chaleur  ,  nécefîitera 
cette  denfité  ,  en  rendant  l'air  immobile  & 
flagnant  ;  parce  qu'enfin  la  réunion  de  ces 
différentes  cau(ès  condenfera  ces  vapeurs. 
Ainfi  l'air  des cimetiereSyparVcfftt des  pluies 
&  de  la  chaleur ,  ou  par  leur  concours  ,  de- 
viendra louvent  capable  d'infecler  ceux  qui 
le  refpireront ,  foit  dans  le  heu  même ,  foit 
dans  le  voifinage ,  fuivant  la  diredion  & 
la  véhémence  des  vents. 

Enterrer  profondément  les  cadavres  ,  & 
mettre  entre  eux  une  diftanca  confidérable  ; 
placer  les  cimetières  dans  des  e^idroits  où 
l'air  foit  le  moins  humide  qu'il  eft  poflibJe  , 
&  jouiiîe  d'une  liberté  qui  puilfe  favorifer 
le  mouvement  de  toutes  les  couches  ;  voilà 
donc  les  moyens  d'empêcher  que  les  écou- 
lemens  cadavéreux  ne  forment  des  vapeurs 
d'une  denfité  dangereufe  ,  &  que  l'air  dans 
les  cimetières  ne  foit  jamais  afïez  infedé  pour 
être  pernicieux. 

Mais  comme  cette  infedion  eft  louvent 
inévitable  ,  il  faut  encore  que  -les  cimetières 
foient  fitués  de  façon  que  les  vapeurs  infec- 
tes qu'ils  fournifîcnt  ne  puiilênt  être  portées 
fur  des  heux  habités,  qu'ils  en  foient  aflez 
éloignés  pour  qu'elles  aient  le  temps  d'être 
diffoutes  avant  d'y  arriver  ,  &  que  la  na- 
ture des  vents ,  capables  de  les  charier  , 
favorife  leur  dilToIution. 

A  quelle  profondeur  faut-il  enterrer  les 
morts?  Quel  efpace  doit-on  affigner  à  chaque 
fépulrure  ?  La  folutlon  de  ces  problêmes  eft 
encore  néceflaire  pour  pouvoir  déterminer 
les  conditions  que  doit  avoir  un  cimetière  , 
afin  que  la  deftrudion  des  morts  ne  nuife 
pas  aux  vivans. 

Il  eft  impoffible  de  calculer  l'adion  des 
couches  terreufes  fur  les  écoulemens  cada- 
véreux ,  &:  la  réfradion  des  rayons  que  ^r- 


C  I   M  5)3 

meront  ces  écoulemens  en  fortant  de  terre. 
Heureuferaent  que  l'exaditude  mathémati- 
que n'eft  point  néceflaire  en  cette  occafion  , 
&  qu'on  peut  fe  permettre  des  fuppofitions , 
pourvu  que  les  obfervations  les  autorifent. 

Or ,  il  eft  conftant  que  les  couches  ter- 
reufes fubtilifent  les  émanations  ,  &  que 
celles-ci  font  d'autant  moins  dénies  ,  que 
les  autres  font  plus  épaifïês  &  plus  compac- 
tes. L'expérience  a  démontré  qu'une  cou- 
che de  terrain  d'un  pié  &  même  de  deux 
pies  d'épaiftéur,  laifïbit  aux  émanations  afîez 
de  denfité  pour  fe  rendre  fenfibles  par  leur 
fétidité. 

Il  eft  également  conftant  qu'en  traverfànt 
un  milieu  denlè,  les  rayons  de  matière,  quelle 
qu'elle  foit ,  s'approchent  de  la  perpendicu- 
laire ;  &  qu'en  pafîant  d'un  mifieu  denfe 
dans  un  qui  l'eft  moins ,  ils  s'en  éloignent 
d'autant  plus  que  la  différence  des  denfités 
eft  plus  confidérable. 

Il  fuit  de-là  ,  premièrement ,  qu'il  faut 
au  moins  recouvrir  les  cadavres  de  trois  ou 
quatre  pies  de  terre ,  &  même  de  beaucoup 
plus  ,  fi  la  nature  du  fol  le  permet ,  pour 
diminuer  autant  qu'il  eft  pollible  la  denfité 
des  écoulemens  cadavéreux. 

Secondement ,  que  fi  en  traverfànt  la  cou- 
che terreufe  ,  les  rayons  d'écoulemens,  par- 
tis des  différens  points  du  cadavre ,  fe  rap- 
prochent de  la  perpendiculaire  ,  de  m.aniere 
à  devenir  prefque  parallèles  entre  eux  au  ior- 
tiV  de  la  terre ,  lorlque  cette  couche  a  quatre 
pies  d'épaiffèur  ,  ils  s'en  éloignent  dans  l'air 
à  raifon  du  peu  de  denfité  relative  de  ce  mi- 
lieu ,  &  divergent  de  façon  que  l'on  peut , 
fans  crainte  d'exagération  ,  fiippofer  que  la 
ligne ,  tirée  du  foramet  du  rayon  fur  le  ter- 
rain ,  tomberoit  alors  à  trois  ou  quatre  pies  ; 
qu'ainfi  les  écoulemens  des  cadavres,  qui  ne 
feroient  diftans  que  de  deux ,  trois ,  quatre , 
même  de  fix  &  fept  pies ,  fe  confondroient 
les  uns  avec  les  autres.  Que  pour  prévenir 
les  inconvéniens  qui  réfulteroient  de  ce  mé- 
lange ,  il  faudroit  mettre  entre  chaque  ca- 
davre un  intervalle  de  fept  à  huit  pies  ,  & 
confacrer  à  la  fépulture  de  chacun  d'eux  un 
efpace  de  terrain  proportionné.  Mais  les 
émanations  qui  fe  feront  des  pies  &  de  la 
tête  étant  beaucoup  moins  confidérables  que 
les  autres ,  il  ne  fera  pas  néceffaire  que  l'in- 
,  tôrvaile  foit  par-tout  égal ,  &  Ton  pourra  le 


5)4  C  I  M 

réduire  à  la  moitié  pour  les  côtés  de  la  tête 
^  des  pies. 

.  Dès-lors  en  donnant  à  chaque  cadavre  fix 
pies  de  longueur  &  deux  pies  &  demi  de 
largeur  ,  &  y  ajoutant  deux  pies  du  côté  de 
la  tèzc  &  autant  du  coté  des  pies  ,  en  -ajou- 
tant pareillement  à  leur  largeur  quatre  pies 
de  chaque  côté,  on  aura  un  elpace  quarré 
<le  dix  pies  d'une  face,  &  de  dix  pies  &  demi 
«le  l'autre  ,  dont  la  l'urface  fera  de  cent  cinq 
pies  quarrés.  Réduire  reîte  furface  à  la  moi- 
tié ,  ce  feroit  pi'obablement  foire  une  réduc- 
tion trop  forte  ;  mais ,  en  s'y  aflreignant  pour 
réparer  autant  qu'il  fera  poflible  l'erreur  où 
pourroit^  expofer  une  évaluation  trop  forte 
de  la  divergence  des  rayons  d'écoulemens  , 
il  reliera  pour  certain  que  l'on  doit  évaluer 
au  moins  à  une  furface  de  cinquante-deux 
pies  &  demi  quarrés  ,  le  terrain  néccifaire 
pour  la  fépulture  de  chaque  cadavre. 

Cela  pofé  ,  quelle  doit  être  l'étendue  du 
cimetière  ?  La  réponfe  à  cette  queftion  for- 
tira  des  remarques  à  faire  fur  le  nombre  des 
morts ,  qu'année  commune  on  lera  dans  le 
cas  d'y  dépofer ,  &  fur  le  temps  que  dure  la 
«kflruâion  complète  des  cadavres. 

Si  les  émanations  cadavereufcs  font  capa- 
bles de  produire  les  plus  funefles  effets ,  en 
perçant  en  détail  une  couche  de  terrain  de 
trois  à  quatre  pies  d'épaifleur,  elles  le  feroient 
beaucoup  plus  encore  ,  fi ,  en  ouvrant  la 
terre  avant  qu'elles  n'eufîènt  été  épuifées  , 
on  les  expofoit  à  for  tir  en  mafle.  Le  mal- 
heur arrivé  à  Montpellier  en  1744  à  l'ou- 
verture d'un  caveau  fépulcral  de  l'églife  No- 
tre-Dame ,  &  raconté  par  M.  Haguenot , 
profeffeuf  en  médecine  de  l'univerfité  de 
cette  ville  (a)  ;  la  mort  récente  d'un  foP- 
foyeur  ,  qui  dans  le  cimetière  de  Montmo- 
renci ,  au  rapport  de  M.  Cotte  ,  prêtre  de 
l'Oratoire ,  a  été  caufée  par  la  vapeur  qui 
Ibrtit  d'un  ondavre  inhumé  depuis  treize 
mois ,  &  près  duquel  il  ouvroit  une  nou- 
velle folle  [b)  ,  font  des  faits  qui  rendent 
la  danger  trop  fenfible  pour  ne  pas  engager 
&  prendre  à  ce  fujet  les  plus  grandes  pré- 
cautions. 

M.  Petit,  doreur-régent  de  la  faculté  de 


C  T  M 

médecine  de  Paris  &  anatomifle  s  mV  91^ 
furé  qu'ayant  été  fouvent  dans  le  cas  d'en» 
fouir  dans  fon  jardin  des  dépouilles  des  ca- 
davres qui  avoient  fervi  à  fes  difledions  ,  il 
avoit  reconnu  que  cts  parties  animales  n'é- 
toient  détruites  qu'au  bourde  trois  à  quatre 
ans.  M.  Cotte ,  que  j'ai  déjà  cité  plus  haut , 
m'écrivoit  que  depuis  fept  ans  qu'il  efl  char^ 
géà  Montmorenci  des  fondions  pallorales , 
il  A  fait  conilamment  la  même  remarque. 
Ce  n'eft  donc  qu'après  quatre  ans  qu'on 
peut  rouvrir  fans  inquiétude  de  nouvelles 
îofiès  ;  &  pour  qu'un  cimetière  foif  le  moins 
dangereux  qu'il  ell  poflible,  il  faut  donc  qu'il 
ait  quatre  fois  autant  d'étendue  qu'en  exi- 
geroitle  nombre  des  morts  année  commune  ; 
&  comme  il  ell  nécefîaire  de  confacrer  4 
l'inhumation  de  chacun  d'eux  un  efpace 
de  cinquante-deux  pies  &  demi  quarrés ,  il 
faudroit  pour  quarante  cadavres  un  terrain 
qui  eût  deux  mille  cent  pies  quarrés  de  fur- 
face  :  mais  ,  eu  égard  à  la  nécefflré  de  rei- 
ter  quatre  ans  fans  ouvrir  les  mêmes  fofîes , 
un  cimetière  defliné-  pour  la  dcflérre  d'une 
^  paroifTè  fur  laquelle  année  commune  il  mour- 
roit  quarante  perfonnes ,  doit  avoir  huit  à 
dix  mille  pies  quarrés  de  frj-face  ,  mais  ja* 
mais  moins  de  huit  mille  quatre  cens. 

Dès  qu'il  eftdonc  évident  que  les  cimetiè- 
res pourroient  devenir  des  foyers  d'une  pu- 
tridité  dangcreufe  ,  fi  leur  étendue  n'étoit  pas 
proportionnéeau  nombre  des  cadavres  qu'on 
y  enrerreroit ,  &  à  la  durée  de  leur  deitruc- 
tion  ,  fi  Its  morts  n'y  étoient  pas  enfouis  de 
quatre  pies  au  moins,  fi  l'humidité  s'yop- 
pofoità  la  difTolution  des  écoulemeps  cada- 
véreux ,  fi  l'air  ne  s'y  renouvelloit  pas  avec 
facilité ,  &  fi  les  vapeurs ,  formées  par  le 
mélange  de  ces  écoulemens  dans  l'air ,  pou- 
voient  être  portées  en  raafle  fur  des  lieux 
habités ,  il  fcut  qu'on  regarde  comme  un 
devoir  indifpeniàble  d'obhger  les  foffoycurs 
à  donner  aux  fofîes  au  moins  quacre  pies 
de  profondeur ,  à  fouler  la  terre  avec  le» 
pies  pour  la  rendre  compaâe ,  &  à  ne  jamais 
rouvrir  des  fofîes  anciennes  avant  quatre 
ans.  Il  faut  que  le  terrain  defliné  pour  \qs 
fépultures ,  ait    beaucoup  de  profondeur  , 


'  /«J  Le  mémoire  dans  lequel  M.  Haguenot  a  configné  cet  ëvénement ,  a  été  lu  dans  une  féance 
jpubliquede  la  fociété  littéraire  de  Montpellier  ,le  z^  décembre  i746,&imprimten  1747  chez  Mdiiei. 
Çk)  Voyez  les  Oi/fervution} ^hyfi^uti  de  M.  i'4bbé  dç  Roïier  ,  aanéç  i-py^y ,  vol.  J,^.  iP>. 


C  I  M 

qn'iî  ne  Toit  point  humide  ,  que  Ton  étendue 
folt  proportionnée  au  nombre  des  morts  ,  & 
quatre  fois  plus  grande  que  ne  l'exige  l'ei- 
pace  ordinaire  pour  l'inhumation  de  chaque 
cadavre  ;  que  tous  les  vents  ,  mais  fur-tout 
ceux  du  nord  &  de  l'efl  y  abordent  avec 
facilité  ,  qu'aucun  arbre  ne  s'y  oppolè  au 
jeu  de  l'air,  que  les  murs  ,  dont  on  l'entoure  , 
n'aient  que  très-peu  d'élévation  ,  &  que 
les  cimetières  foient  toujours  hors  des  lieux 
habités,  &  fitués  au  nord  &  à  l'ert ,  parce 
que  ces  vents, ^ordinairement  fecs  &  froids , 
&  paroilî'ant  fouffler  de  bas  en  haut ,  élè- 
vent les  vapeurs  &  les  dilperfent ,  tandis  que 
ceux  du  fud  &  de  l'oueA  ,  prefque  toujours 
humides  &  chauds,  les  rabairtént ,  s'^op- 
pofent  à  leur  difîolurion  &  à  leur  difperfion  , 
&  peuvent  \qs  porter  en  malîè  fur  les  lieux 
voilins. 

La  fituation  des  cirjietieres  hors  des  villes 
a  été  de  tout  temps  ,  chez  les  peuples  poli- 
cés ,  un  efïet  de  leur  attention  à  écarter  tout 
ce  qui  pouvoit  altérer  la  fanté  àes  hommes. 
Les  Grecs  &  les  Romains  en  avoient  fait 
une  loi  exprefle  ;  Se  cette  loi  ,  fouvent  re- 
nouvellée  par  les  empereurs  ,  même  du  bas 
empire  ,,  fut  long-temps  fuivie  par  les  chré- 
tiens. Ils  portoie.it  le  refpeâ  pour  cette  loi 
jufqu'à  ne   pas  permettre  qu'on  coniîruisît 
des  églifes  dans  les  endroits  où  des  morts 
avoient  été  enterrés  ;  on  peut  voir  à. ce  fujer 
les  lettres  de  fàint  Grégoire  &  la  colle ciion 
éts  conciles  par  les  pères  Labbe&Hardouin. 
Ce  ne  tut  que  dans  le  commencement  du 
IV  ^.  liecle  que  Tuiagc  d'enterrer  dans  les 
villes   commença  à  s'introduire  ,  &  fi  cet 
abus  s'efi:  tellement  multiplié  ,  qu'il  eff  de- 
venu  prefque  univerfel ,  qu'on  s'ed  même 
oublié  jufqu'à  profaner  les  temples,  jufqu'à 
fouiller  le  fanduaire  par  d&s  lépultures  ,.  il 
faut  elpérer  que  les  cris  de  l'humanité  ,  qui 
de  toutes  parts  s'élèvent  contre  cet  abus.,  le 
feront  ceiîèr  ,  &  que  devenus  plus  fenfibles 
îtu  bonheur  de  la  fbciété  qu'à  de  vains  hon- 
neurs que  la  raifbn  réprouve ,  nous  verrons 
cefier  l'ufage  d'enterrer  dans  les  éghfes  & 
dans  les  villes,    &  former  des  cimetières 
d'après  les  vues  que  l'on  vient  d'expofer. 

m- M) 

CIMIER ,  f.  m.  [An  Herald.)  la  partie 
la  plus  élevée  dans  les  ornemens  de  i'écu  ,  & 
qui  efl  au-deffus  du  cafc^^ue  à  fa  (#ime. 


C  I  M  pj 

Le  cimier  efl  l'ornement  du  timbr e,comme 
le  timbre  efl  celui  de  I'écu.  L'ufage  en  efi 
de  l'antiquité  la  plus  reculée  ,  &  l'on  fait 
d'ailleurs  que  les  cimiers  ont  fervide  fonde- 
ment à  plufieurs  fables  de  la  mythologier 
Geryon  pafla  pour  avoir  trois  têtes ,  parce 
qu'il  portoit  un  triple  cimier  ,  dit  Suidas,- 
Hérodote  en  attribue  l'invention  auxCariens. 
Diodore  de  Sicile  parlant  desEgyptiens,  diî 
que  leur  roi  portoit  pour  cimier  des  têtes  de 
bon  ,  de  taureau  ou  de  dragon.  Plutarque  a 
décrit  le  cimier  de  Pyrrhus,  dans  l'éloge  qu'il 
a  fait  de  ce  prince.  Enfin  Homère  ,  Virgile, 
le  Talfe ,,.  &  l'Ariofle ,  ont  fait  dans  leurs 
poèmes  la  defcription  de  plufieurs  cimiers. 

C'étoit  autrefois  en  Europe  une  plus-* 
grande  marque  de  noblefîè  que  l'armoirie  ; 
parce  qu'on  le  portoit  aux  tournois  ,  où  on 
ne  pouvoit  être  admis  fans  avoir  fait  preuve- 
de  nobleffe.  Le  gentilhoram.e  qui  avoit  alîiifé 
deux  fois  au  tournois  folemnel ,  éroit  fufti- 
famment  blafonné  &  publié ,  c'efl:-à-dire 
reconnu  pour  noble  ,  &  il  portoit  deux 
trompes  en  cimier  (ur  Ion  cafque  de  tournois: 
de-là  vient  tant  de  cimiers  à  deux  cornets  , 
que  plufieurs  auteurs  ont  pris  mal-à-propos 
pour  Àts  trompes  d'éléphant. 

Le  cimier  de  plumes  a  été  adèz  univerfel- 
leraent  reçu  de  tous  les  peuples.  On  ne  s'en  ^ 
fertplus  dans  les  armées,  &  nous  n'avons  vu  < 
que  M.  le  maréchal  de  Saxe  qui  en  ait  re- 
nouvelle l'ulage  dans  la  dernière  guerre  , 
mais  feulement  pour  les  dragons  volontaires 
de  fon  nom  ,  qui  portoient  fur  le  fommet  de 
leurs  calques  des  aigrettes  de  crinde  cheval , 
flottantes  au  gré  des  vents.  Le  cimier  neû 
aujourd'hui  qu'un  ornemerit  de-  blafon  de 
quelques  particuliers.  Le  ledeur  trouvera 
dans  le  P.  Meneftrier  ,  homme  confommë 
dans  l'art  héraldique, tous  les  détails  polïibles 
fur  ce  fjjet.  (M.  le  cheu.  nEjA  uco  urt.) 

Cimier,  (Boucherie.)  cciïâlnïiqii^ on. 
appelle  une  portion  de  la  cuifTe  de  -bœuf. 
Cette  portion  fe  divife  en  plufieurs  tranches  ; 
&  chaque  tranche  contient  trois  morceaux-, 
dont  le  premier  s'appelle  la  piece^dnde  ,  le 
fécond  ï^i  femelle  y  &  le  troifieme  \c  tendre.. 
On  donne  le  nom  de  culotte  au  cimier^  à  le 
prendre  depuis  les  tranches  juiqu'à  la  queue. 

Cimier  ,  (  Vénerie.)  c'efl  la  croupe  du 
cerf,  du  daim  &  du  chevreuil,  qui  dans  la 
curée  fe  donne  au  maître  de  l'équipage.  -  , 


5)^  C  I  M 

CIMMÉRIENS,  f.  m.plur.  {Géo^.  anc. 
&  mod.)  peuples  anciens  qui  habitèrent  les 
environs  des  palus  Méotides  &  du  Bofphore 
Cimmérien,  Les  Grecs  en  avoient  une  fi 
faulFe  idée  ,  que  le  croyant  couvert  d'ê- 
paifles  ténèbres  ,  ils  le  plaçoicnt  fur  les  con- 
fins de  l'enfer. 

Il  y  eut  en  Italie  dans  la  Campanle  ,  un 
autre  peuple  du  même  nom  ;  un  troifieme 
en  Afie,  vers  la  Géorgie  &  la  merCafpienne; 
un  quatrième  en  Alie  ,  où  eft  à  prélènt  Sy- 
nope. 

*ClMMÉRlENS,  {Géog.  anc.)  Ho- 
mère dit  qu'Ulyfle  alla  au  pays  des  Cimmé- 
riens.  Quel  eft  ce  pays  ?  Un  favant  Anglois , 
GeorgeCarJeton,  prétend  que  par  le  pays  des 
Cimmériens ,  il  laut  entendre  l'Angleterre  : 
pour  le  prouver  ,  il  établit  ces  trois  princi- 
pes ;  1°.  que  les  Scythes  venant  d'Afie  , 
chaflerent  les  Cimmériens  ou  Cimbres  de 
leurs  pays  ,  &  qu'il  y  en  eut  qui  pafl'erent  en 
Angleterre  ;  2**.  que  ces  peuples  étoient  fort 
adonnés  à  la  magie  ;  3°.  que  Pline  &  Céfar 
ont  dit  que  les  anciens  Bretons  avoient  les 
mêmes  inclinations.  Cela  étant ,  Homère 
qui  avoit  deiîéin  de  conduire  fon  héros  dans 
les  enters  ,  ne  pouvoit  rien  inventer  de  plus 
à  propos  que  de  le  faire  aller  chez  ces  peu- 
ples qui ,  par  leur  art  magicfue ,  pouvoient 
lui  fournir  les  moyens  de  taire  ce  voyage  : 
les  avis  que  Circé  donne  à  Ulyfîe,  font  très- 
propres  à  confirmer  cette  conjedure  ;  elle 
lui  dit  qu'il  faut  qu'il  voyage  fur  l'Océan  , 
&  qu'il  fe  ferve  du  vent  nommé  Bocias  , 
c'eft-à-dire ,  à-peu-près  de  celui  que  nous 
nommons  nord- tfi y  &  qui  ert  tout  propre 
pour  voguer  de  l'Itahe  vers  le  détroit  de  Gi- 
braltar. Homère  dit  enfuire  qu'Ulyfle  ayant 
navigué  fur  l'Océan  occidental,  il  arriva  à 
une  ville  des  Cimbres  ,  habitée  par  des  an- 
ciens peuples,  &  couverte  de  perpétuels  nua- 
ges ,  lans  que  les  rayons  du  ioleil  y  pénè- 
trent jamais:  il  s'agit  de  favcir  qui  il  faut  en- 
tendre par  ces  peuples.  Il  eft  vrai  que  les 
Cimbres  fe  font  établis  en  pkifieurs  endroits 
de  l'Europe  ;  mais  on  ne  peur  entendre  ni 
ceux  d'Eipagne  ,  ni  ceux  des  Gaules ,  parce 
que  pour  aller  d'Italie  en  Efpagne  ou  dans 
les  Gaules,  il  n'eft  pas  nécefTaire  d'entrer 
dans  l'Océan:  on  dira  peut-être  qu'on  peut 
entendre  par  ces  Cimbres  ,  ceux  qui  fe  font 
établis  dans  quelques  endroits  d'Allemagne: 


C  I  M 

maïs  quelle  apparence  qu'UIyife  venant  d'I- 
talie ,  ait  paffé  devant  les  îles  Brytanniques  , 
pour  aller  en  Allemagne  ,  fans  s'y  arrêter, 
puifqu'il  pouvoit  y  trouver  ce  qu'il  eherchoit? 
d'ailleurs  il  y  a  dans  Homère  deux  circonf- 
tances  qui  femblent  prouver  que  par  les  Cim- 
bres dont  il  parle  ,  il  faut  entendre  ceux  qui 
s'établirent  en  Angleterre,  i  °.  Il  efl  dit  que  ces 
peuples  habitoient  à  l'extrémité  de  l'Océan , 
{m  TrtifctraàKiAvvio)  ce  que  ce  poète  dit  par 
rapport  au  lieu  d'où  étoit  parti  Ulyfl'e  ,  & 
qui  convient  fort  bien  à  la  fituation  de 
l'Angleterre;  2.°.  Homère  dit  que  ce* 
peuples  font  couverts  de  perpétuels  nuages , 
ce  qui  convient  encore  parfaitement  à  l'An- 
gleterre qui  ne  jouit  que  de  très-peu  de  jours 
clairs  &  fereins  :  c'eil  delà  que  le  favant  dont 
nous  parlons  ,  croit  qu'eft  venu  le  proverbe, 
tenebrœ  cimmeriœ  ,  pour  dire  des  ténèbres 
épaifles.  EuHathe  qui  accufe  Homère  de 
s'être  trompé  en  plaçant  les  Cimmériens  k 
l'occident,  au  lieu  de  les  placer  vers  le  nord, 
fe  trompe  lui-même ,  &  juge  des  chofes 
du  temps  d'Homère ,  par  ce  qui  étoit  de 
fon  temps. 

Il  y  a  encore  une  difficulté  fur  ce  fujet  dans 
le  même  poëte  :  il  dit  dans  le  livre  XI  de 
VOdyJJe'e  ,  qu'Ulyfle  s'en  retourna  fur  le 
fleuve  Océan.  Hérodote  n'a  pu  comprendre 
ce  que  c'étoit  que  ce  fleuve  ,  &  il  avoue  qu'il 
n'en  connoît    aucun  de   ce  nom. 

Voici  la  conjecture  de  notre  auteur  fur  ce 
fujet:  il  fuppofe  d'abord  que  l'Angleterre  & 
les  pays  voifins  n'étoient  connus  des  anciens 
que  par  les  relations  des  marchands  Grecs 
qui ,  pour  faire  leur  négoce  ,  pénétroient 
dans  rOcéan,  le  plus  avant  qu'ils  pouvoient, 
&  qui  ont  établi  des  colonies  en  Efpagçie  & 
dans  les  Gaules  :  c'efl  de  ces  marchands 
qu'Homère  &  Hérodote  ont  appris  tout  ce 
qu'ils  ont  écrit  de  ces  peuples  :  on  lait  qu'ils 
avoient  pafle  les  colonnes  d'Hercule, &  qu'ils 
avoient  pénétré  jufqu'en  Angleterre  ,  mais 
en  côtoyant  toujours  le  rivage  ,  (elon  l'an- 
cienne manière  de  naviguer  ;  or  ces  mar- 
chands pouvoient  avoir  rapporté  qu'entre  le 
pays  des  Cimmériens  Anglois  &  celui  des 
Celtes  ,  l'Océan  fe  retréciflibit  fi  fort ,  qu'à 
peine  avoit-il  la  largeur  d'un  grand  fleuve: 
cela  étoit  vrai  ,  fur-tout  dans  ce  temps-là, 
puilqu'on  eft  très-perfuadé  que  la  mer  a  de- 
puis gagné  beaucoup  fur  la  terre  ,  &  queje 

canal 


CIM 

canal  d'Angleterre  ell  beaucoup  plus  large 
aujourd'hui  qu'il  ne  l'étoit  autrefois  c'efl  ce 
canal ,  A  peu  près  de  la  largeur  d'un  fleuve  , 
qu'Homère  appelle  {tfleiwe  Océan  :  un  en- 
droit Aqs  commentaires  de  C</ar  peut  appuyer 
cette  conjedure  ;  après  avoir  parlé  d'Angle- 
terre ,  il  ajoute  ;  Neque  enimtemerè  prâc 
ter  mercatores  illb  adit  qiiifquam  :  neque  lis 
èpjis  quidquam  ,  praeter  oram  maritimam 
atque  eas  regiones  qiiiefunt  contra  Galliam , 
notum  efl.  Il  n'y  a  guère  que  des  marchands 
qui  ne  connoîfl^nt  que  la  côte  ,  &  ces  pays 
qui  font  vis-à-vis  de  la  Gaule. 

On  remarque  ,  en  paflant ,  que  les  peuples 
qu'Hérodote  nomme  tf^vvira.i  ,  peuvent  bien 
être  les  mêmes  que  ceux  de  la  province  de 
Kent ,  c'e{l-«-dir€  ,  ceux  qui  habitent  fur  la 
Manche  ,  vis-;\-vis  des  côtes  de  France  ,  & 
que  Céfar  nomme  Cantios. 

CIMOLEE  (  Terre  ) ,  ffifl.  nat.  Miné- 
ralog.  efpecede  terre  dont  parlent  les  anciens 
caturaliftes  :  ils  en  diflinguoient  de  deux 
efpeces  ;  cimolia  alba ,  la  terre  cimolée  blan- 
che ;  àc  cimolla  purpurafcens  y  terre  clmolee 
rougedtre.  Son  nom  lui  venolt  de  l'île  Cirao- 
l-us  que  l'on  appelle  aduellement  Argentaria^ 
l'une  des  îles  de  l'Archipel.  Tournefort , 
dans  Ton  voyage  du  Levant ,  dit  que  la  terre 
cimolée  desanciens  n'efl:  qu'une  craie  blanche 
afîez  pefante  ,  infipide  ,  friable  ,  &  mêlée 
^e  fablon  ;  qu'elle  ne  s'échauffe  point  lorf- 
qu'on    l'arrofe  avec  de    l'eau  ,   feulement 

^u'elle  s'y  diflout  &  devient  affez  gluante  ; 

à  folution  n'altère  point  la  teinture  de  tour- 
oefol  ,  &  ne  fe  remue  point  avec  l'àulle  de 
tartre  :  mais  il  y  a  effervefcence  lorfqu'on  y 
verfe  de  l'efprlt  de  fel  ;  d'où  il  conclut  qu'il 
n'y  a  aucune  différence  entre  la  terre  cimolée 
&  la  craie  ordinaire  ,  finon  .  qu'elle  eft  plus 
grafTe  &  plus  iàvonneufe.  Aulil  les  habitans 
du  pays  s'en  fervent- ils  pour  blanchir  le  linge 
&  les  étoffas  ;  ce  qu'ils  pratiquoient  mên^e 
du  temps  de  Pline.  On  s'en  fervoit  encore 
dans  la  médecine  ,  &  on  lui  attribuoit  la 
l'ertu  de  réfoudre  les  tumeurs  ,  Ùc,  Voye^ 
Pline ,  hlfl.  nat.  llv.  XXXV y  cap.  xvlj.  Cet 
fiuteur  l'a  aufli  regardée  comme  une  efpece 
de  craie  ;  cependant  tous  les  naturaliftes  ne 
font  point  du  même  fentiment  :  il  y  en  a 
plufieurs  qui  penfent  que  la  terre  clmollenne 
étoit  une  armle.  M  Hill  dit  que  c'efl  une 
terre  marneule  ;  ilpenfeque  c'cfj:  mal-à-pro- 
Tome  VIII. 


C  I  N 


5)7 


l 


pos  que  quelques-uns  l'ont  confondue  avec  1» 
terre  à  foulons  ,  &:  prétend  que  de  tous  les 
fofliles  que  nous  connoiiîbns  ,  il  n'y  en  a 
point  avec  qui  la  terre  cimolienne  ait  plus  de 
rapport  que  U  fiéatite.  Le  même  auteur 
ajoute  qu'en  Angleterre  on  entend  par  cimo- 
lia alba  ,  la  terre  dont  on  fait  des  pipes  ;  & 
par  clmolla purpura/cens  ,  la  terre  dont  on  fc 
fert  communément  pour  fouler  les  étoffes. 
Wallerius,  dans  Ca  minéralogie  y  fait  de  la 
cimolée  blanche  une  efpece  de  marne  ,  à  qui 
il  donne  le  nom  de  marne  â  foulons.  Dans 
un  autre  endroit  il  infinue  que  ce  pourroit 
être  une  marne  crétacée.  ( — ) 

*  CLVÎOSSE  ,  W  f.  en  italien  clmojpz  , 
(  Manufacl.  en  foie.  )  liîiere  pratiquée  par  les 
Génois  à  certains  damas  pour  mjuble  ,  les 
plus  parfaits  en  ce  genre.  Cette  lifiereeil  faite 
en  gros-de-tours  ,  non  en  tafetas  ,  &  fou 
travail  eft  très-ingénieux.  Nous  en  parlerons 
àrar//(:/f  DAkAS.  Fb/f:^  Damas. 

CINABRE  ,  voye\  CliMNABRE, 

CINALOA  ,  (  Géog.  )  province  de  l'A- 
mérique feptentrionale  ,  flir  la  côte  de  la  mer 
àe  Californie  ,  habitée  par  des  nations  fau- 
vages  &  idolâtres. 

CIN  AMOME ,  f.  m.  (  Comm.  )  ce  font 
les  jeunes  pouffes  de  l'arbre  cannelier  ,  qui 
donnent  le  vrai  clnamome ,  tel  que  nous  le 
recevons  de  nos  jours  ,  &  les  vieilles  bran- 
ches font  celles  qui  donnent  la  caiîe ,  qui  eff 
plus  dure  &  ligneufe  ,  ■  dont  les  anciens  fai- 
iôientufa^e,  &  que  nous  rejetons  àpréièjit.  Il 
efl  vrai  qu'il  y  a  auffi  d'autres  fortesde  can- 
neliers  ,  &  une  efpece  entr'autres ,  qui  donne 
la  cafîè ,  que  les  anciens ,  ians  doute  ,  re- 
cevoient  des  Arabes ,  &  dont  ils  faifoient 
ufage  ;  mais  ils  font  tous  du  même  genre. 

Le  clnamome^  qui  efl  donc  la  cannelle  d'au- 
jourd'hui ,  qui  ne  vient ,  comme  il  a  toujours 
fait,  que  d'un  feul  endroit  des  Indes  ,  &  feule- 
ment des  jeunes  branches  de  l'arbre  qui  le 
porte  ,  étoit  beaucoup  plus  rare  &  plus  pré- 
cieux dans  les  anciens  temps  ;  les  grands 
feigneurs  d'alors ,  qui  le  recherchoient  &  le 
retenoient  en  le  confervant  dans  des  ton- 
neaux ,  peur  leurs  ufages  les  plus  fomptueux, 
le  rendoient  encore  plus  cher  ,  &  d'un  prix 
au-defïus  de  la  portée  du  commun.  C'efl  ce 
quLdonnoitlieu  de  fe  fèrvir  fouvent  des  dif- 
férentes efpeces  de  cafîe  ligneufe  ,  quiétoienc 
les  moindres  cannelles  ,  parce  qu'elle  étoit 

N 


€>n  ciN 

plus  commune  dans  les  lieux  des  Unies  ,  où 
elle  croiflbit ,  &  qu'elle  étoit  moins  recher- 
chée des  princes. 

Aujourd'hui  que  les  circonftances  font 
changées  &  devenues  plus  favorables  pour 
avoir  la  meilleure  cannelle  ,  qui  eu  le  vrai 
cinamome  ,  ce  dont  nos  boranifles  modernes 
habiles  font  convainais  ,  nous  pouvons  dire 
le  contraire  des  anciens  ,  que  nous  la  con- 
noiflbns  beaucoup  mieux  quelacafïe  ligneufe 
qu'on  apportoit  fi  communément  autrefois. 
Les  Hollandois  ont  foin  de  faire  toujours 
rrier  la  cafle ,  dans  leurs  magafins  de  Co- 
lombo ,  à  l'île  de  Ceylan  ,  lorfque  par  acci- 
dent ou  par  mégarde  ,  il  s'en  trouve  demê^ae 
avec  la  bonne  cannelle  ,  enduite  delà  récolte. 
Ce  triage  fe  fait  en  préfence  de  plufieurs 
perfonnes  ,  établies  fous  ferment  pour  cela  , 
lefquelîes  veillent  à  ce  que  les  ouvriers  ou 
autres  n'en  ghffent  à  l'écart-pour  en  faire  du 
profit.  Cette  cannelle  de  rebut  ou  cafi'e  ,  qui 
efi  la  plus  grofliere  ,  la  plus  épailTe  &  la  plus 
afrringente  ,  parce  qu'elle  vient  de  quelques 
branches  de  canneliers  un  peu  trop  vieilles  , 
que  les  écorceurs  ou  féparateurs  de  cannelle 
ont  dépouillées  mal-à-propos ,  eft  toujours 
brûlée  avec  loin  fous  les  yeux  des  furveillans  , 
&  autres  officiers  infpedeurs  de  la  cannelle. 
Or  celle  qu'on  brûle  n'efî  autre  chofe  qu'une 
el'pece  de  celle  que  les  anciens  appelloient 
cajjîalignea.  D'où  nous  devons  conclure  que 
nous  la  voyons  plus  rarement ,  &  que  nous 
la  connoiiîbns  moins  que  le  cinamome.  V. 
Cannelle,  (-f-) 

CINAN  ,  (  Géog.)  ville  confidérable  de 
la  Chine  dans  la  province  de  Chanton.  Zo/z^. 
l3A-y  50;  lat.  57. 

CINCENELLE  ,  f.  f.  terme  de  rivière  y 
corde  dont  on  fe  fert  fur  les  rivières  pour 
monter  les  bateaux. 

CINCHEU  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Chine 
dans  la  province  de  Quangfi  :  il  y  a  une  autre 
ville  de  ce  nom  en  Chine  ,  dans  la  province 
de  Xantung. 

CINDIADE,  adj.  f.  furnom  de  Diane. 
Polybe  raconte  de  fa  ftatue  un  prodige  bien 
fingulier  ;  c'efl:  que  quoiqu'elle  fût  à  l'air  ,  il 
ne  pleuvoit  ni  ne  ncigeoit  point  deflus.  Cre- 
dat  Jiidœus  Appella. 

'^CINÉRAIRE,  f.  m.(ffifl.anc.)ào- 
meftique  occupé  chez  les  Romains  à  frifèr 
les  cheveux  des  femmes  ,  &  à  préparer  les 


C  I  N 

cendres  qui  entroient  dans  la  poudre  dont 
elles  fe  fervoient.  Il  étoit  appelle  cinerarius , 
de  ces  cendres  ,  ou  de  celles  dans  lefquelîes 
il  faifoit  chauffer  fon  fer  à  frifer. 
_  CINER ATION ,[.(.{  Chymie.  )  réduc- 
tion du  bois  ou  de  toute  autre  matière  com- 
buftile  en  cendres  ,  par  le  moyen  du  feu. 
K. Cendre  ,  Calcination  ,  ùc  Quel- 
ques auteurs  fe  fervent  du  terme  c/W— 
faciion.   {M) 

CÏNETMIQUE ,  f  f.  la  fcience  du  mou- 
vement  en  général  ,  dont  la  méchanique 
n'eft  qu'une  branche. 

CINGLAGE  ou  SINGLAGE  ,  f.  m. 
(  Mar.  )  on  entend  par  ce  mot  le  chemin  que 
fait  le  vailTeau. 

Cingler  ou  Jingler  j  fe  dit  d'un  vaiffeau 
qui  fait  route  ,  &  marche  fous  voiles.  (Z) 

CINGOLI  ,  {Géog.  l  ville  d'Itahe  de 
l'état  de  l'églife  dans  la  marche  d'Ancone  ^ 
fur  la  Mufonc. 

CING  UL  UM  ,  (  Géog.  anc.  )  ancienne 
ville  d'Itahe  dans  le  Picenum  ,  bâtie  aux  dé- 
pens de  Labienus ,  un  des  premiers  lieutenans^- 
de  Céfar  ,  dans  les  Gaules.  Avant  Labienus  >. 
c'étoit  un  petit  bourg  d'où  la  famille  de  La- 
bienus étoit  originaire  ;  fa  fituation  fur  une 
montagne  efcarpée  ,  près  de  la  rivière  de 
Mufone  ,  lui  avoir  fait  donner  le  nom  de 
Cingula  S  axa ,  fuivant  Silius  Italiens  ,  dans 
ionPoëme  de  la  deuxième  guerre  punique.  La- 
bienus employa  une  partiedefes  richefîes  ac- 
quifes  dans  les  Gaules ,  à  augmenter  l'enceinte 
de  Cingulum,  à  y  faireconftruiredesmaifons, 
&  à  la  clorre  de  murs  &  d'ouvrages  capables 
d'en  défendre  l'entrée  :  ce  heu  devint  alors  une 
ville  confidérable  ,  dont  Labienus  fut  le  fon- 
dateur :  Phne  en  nomme  les  habitans  Cingu- 
lani  ;  Frontin  fait  mention  de  leur  territoire  , 
Cingulanus  ager:  Paul  Merula  ,  célèbre  cof- 
mographe  ,  aflùre  avoir  vu  une  médaille  d'ar- 
gent de  Labienus  ,  frappée  à  l'occafion  de  la 
fondation  de  cette  ville  de  Cingulum  _>  dans  le 
cabinet  de  'l'illuftre  Horlsus  fon  ami  ;  mais 
les  bons  connoifîêurs  regardent  cette  mé- 
daille comme  fauife  &  fuppofée. 

Cette  ville  eft  aujourd'hui  Çingoli  ,  dans 
la  marche  d'Ancone  fur  la  Mufonne  ,  à  neuf 
milles  de  Jefi  &  de  San-Severino  ,  &  à  li 
d'Ofimo  ,  dans  l'état  de  l'églife.  Voye^^ 
Mém.  Acad.  infcrip.  toni.  XIX y  in-12.  y 
p.  lOO.  (C) 


C  I  N 
CINNABRE  ,  ou  CINABRE  ,  f.  m, 

f  Hifi.  nat.  minéralogie  &  chymie,  )  On  en 
ciftingue  de  deux  efpeces  ;  l'un  efl  naturel , 
•&  Te  nomme  cinnabaris  natiya  ;  l'autre  cil 
artificiel  ,   cinnabaris  faclitia. 

Le  cinnabre  naturel  efl  un  minéral  rouge  , 
très-pefant  ,  plus  ou  moins  compare  ;  il 
n'aflede  point  de  figure  déterminée  â  l'exté- 
rieur :  cependant  on  le  trouve  quelquefois 
fous  une  forme  Iphérique  ;  intérieurement  il 
^eft  ou  folide  ,  ou  grainelé  ,  ou  ilrié.  Sa  cou- 
leur efl  plus  ou  moins  vive  ,  à  proportion  de 
la  quantité  des  parties  terreflres  ou  hétéro- 
gènes avec  lelquelles  le  cinnabre  efl  mêlé  ; 
c'efl  ce  qui  fait  qu'il  y  en  a  d'un  rouge  très- 
"vif ,  de  pâle  ,  d'un  rouge  mat  comme  la  bri- 
que ,  &  d'un  brun  pourpre  au  rougeâtre 
comme  la  pierre  hématite. 

Le  cinnabre  nafurei  efl  une  combinaifon 
faite  par  la  nature  ,  du  mercure  avec  une 
portion  de  fouire  ;  ou  c'efl  une  iublimation 
de  ces  deux  fubflances  opérée  par  là  chaleur 
du  feu  fouterrain  ,  qui  produit  une  union  fi 
.-étroite  ,  qu'il  faut  avoir  recours  à  l'adion  du 
feu  pour  les  lépar^r  ;  c'efl  ce  qu'on  fait  en 
jnettant  le  cinnabre  dans  une  cornue  ,  pour 
léparer  le  mercure  d'avec  fon  foufre  :  mais 
comme  cts  deux  matières  font  volatiles  ,  on 
efl  obligé  d'y  joindre  un  intermède  ,  fans 
quoi  le  foutre  fe  fublimeroit  avec  le  mercure 
-&  formcroit  un  nouveau  cinnabre.  L'inter- 
mède dont  on  fe  fert  efl  ou  de  la  limaille  de 
fer  ,  ou  de  cuivre  ,  du  régule  d'antimoine  , 
de  la  chaux  ,  ou  enfin  du  fel  alkali  fixe  ;  l'on 
a  la  précaution  de  bien  mêler  &  de  triturer 
l'une  de  ces  matières  avec  le  cinnabre  avant 
que  de  les  mettre  en  diflillatipn.  hç  cinnabre , 
quand  il  efl  bien  pur  ,  contient  yàg  de  mer- 
cure ,  contre  îouj  de  foufre.  H  n'efl  point 
befoin  de  récipient  dans  cette  diflillation';  il 
iufîîtpour  recueillir  le  mercure  ,  que  le  bec  de 
îa  cornue  trempe  dans  un  vaifîeau  plein <3'eau. 
Cette  opération  s'appelle  revivification. 

M.  Henckel  dit  que  [qs  matrices  dans  lef- 
quelles  \t  cinnabre  fe  forme ,  font  aulTi  variées 
<iue  celles  des  autres  métaux.  On  en  trouve 
dans  le  quartz ,  le  ipath  ,  le  mica  ,  la  pierre 
calcaire  ,  le  grès  ,  la  mine  de  fer ,  la  mine 
de  plomb  en  cubes  ou  galène  ,  la  blende  ,  la 
mine  de  cuivre  ,  &:  dans  les  mines  d'or  & 
^'argent  ,  comme  on  le  peut  voir  dans  celles 
d£  Chmnitz  &  de  Kremnitz  en  Hongrie.  Ce 


C  I  N  ^  ^9 

favant  ti-iinéralogîfle  dit  qu'il  a  a  point  ob- 
fervé  s'il  s'en  '^rouve  dans  les  mines  d'étain  » 
de  colbalt  ,  &  d'antimoine. 

Le  cinnabre  a  aufli  des  fiions  qui  lui  font 
particuliers  ;  on  en  trouve  dans  plulieurs  en- 
droits. Les  principales  mines  qui  en  four- 
ni (îent  ,  font  celles  de  Kremnitz  en  Hon- 
grie ,  Hydria  en  Efclavonie  ,  Horowitz  en 
Bohême  :  la  Carinthie  &  k  Frioul  en  don- 
nent beaucoup  de  la  meilleure  efpece  ;  au 
Pérou  il  y  a  la  mine  de  Guancavehca  ;  en 
Normandie  il  s'en  trouve  prèvS  de  Saint-Lo  , 
mais  la  plus  riche  mine  de  cinnabre  efl  celle 
d'Almaden  en  Efpagne  ,  dans  la  Manche  , 
fur  la  frontière  de  l'Eflramadure  ;  elle  étoic 
déjà  célèbre  du  temps  des  Romains ,  &:  Pline 
en  parle ,  liv.  XXXIII  ^  ch.  vij. 

M.  de  Juiïieu  après  avoir  été  fur  les  lieux, 
a  donné  en  17 19  à  l'académie  des  fciences  , 
un  mémoire  très-circonflancié  fur  cette  fa- 
meufe  mine  ,&  fur  la  manière  dont  on  y 
tire  le  mercure  du  cinnabre.  Comme  cette 
méthode  efl  très-ingénieufe  ,  nous  allons  en 
donner  un  précis  d'après  le  mémoire  de  ce 
favant  naturalifle. 

Les  veines  de  la  mine  de  cinnabre  ^K[- 
maden  font  de  trois  efpeces.  La  première  qui 
efl  la  plus  commune,  efl  une  roche griiâtre  , 
entremêlée  de  nuances  ou  de  veines  rouges  , 
blanches  &  cryflallines  ;  on  brife  ces  pierres 
pour  en  tirer  la  partie  la  plus  rouge  , 
qui  fait  la  féconde  efpece  ;  la  troifieme 
efl  dure  ,  compad-e  ,  grainelée  ,  d'un  rouge 
mat  comme  celui  de  la  brique.  Quand 
on  a  fait  le  triage  de  ces  morceaux  de  mi- 
ne ,  on  les  arrange  dans  des  fourneaux  qui 
font  joints  deux  à  deux  ,  &  forment  un 
quarré  à  l'extérieur  ;  'intérieurement  ils  ref- 
femblent  à  des  fours i  chaux,  &  font  ter- 
minés par  une  voûte  ou  dôme.  On  y  place 
les  morceaux  de  mine ,  en  obfervant  de  laiiî'er 
un  vuide  d'un  pié  &  demi  ;  on  allume  le 
bois  qui  efl  fur  la  grille  du  foyer  ,  &  l'on 
en  bouche  exadement  l'entrée.  Le  fourneau 
efl  adofîë  contre  une  terraffe  qu'il  excède 
d'un  pié  &  demi  ;  &  dans  cette  partie  du 
fourneau  qui  déboi'de  ,  il  y  a  feize  ouver- 
tures ou  foupiraux  placés  horizontalement 
les  uns  à  côté  des  autres  ,  ils  ont  fept  pou- 
ces de  diamètre.  La  terrafïè  a  cinq  toifes 
de  longueur  ;  elle  aboutit  à  un  petit  bâti- 
ment ,  dans  lequel  ily  aaufïï  i^  ouverturef 

Ni 


7CO  C  I  N 

i|ui  répondent  h.  celles  qu'on  a  dit  être  à  la 
partie  poftéricuredu  fourneau  ;  cette  terrafle 
vk  en  pente  en  partant  du  côté  de  la  partie 
poftérieure  du  fourneau  &  dé  celui  du  petit 
bâtiment  ;  ce  qui  lui  donne  la  figure  de 
deux  plans  inclinés  qui  fe  toucheroient  par 
leurs  angles  les  plus  aigus.  Cette  terraffe  eft 
faite  pour  foutenir  des  aludels  ou  vaiflèaux 
de  terre  ,  percés  par  les  deux  bouts  ,  qui  s'a- 
daptent les  uns  dans  les  autres ,  &  répondent 
d'un  côté  à  Tune  des  i6  ouvertures  du  four- 
neau ;  &  de  l'autre,  aune  de  celles  du  pe- 
tit bâtiment  qui  eu  à  l'autre  bout  de  la  ter- 
rafle  ,  &  qui  fert  comme  de  récipient  au 
mercure  qui  va  s'y  rendre  ,  après  avoir  païïé 
en  vapeurs  par  un  grand  nombre  d'aludels 
qui  ,  en  s'enfilant  les  uns  les  autres ,  forment 
une  eii:>ece  de  chapelet.  La  rigole  qui  efl:  au 
•milieu  de  la  terraffe  ,  n'eft  que  pour  ralTem- 
bler  le  mercure  qui  pourroit  s'échapper  des 
aludels  lorfqu'ils  ne  font  pas  bien  luttes.  Lorf- 
que  le  feu  a  été  une  fois  allumé  ,  on  le  con- 
tinue pendant  treize  ou  quatorze  heures  ; 
après  quoi  on  laiffe  refroidir  les  fours  pen- 
dant trois  jours  ;  au  bout  de  ce  temps  ,  on 
xalFemble  tout  te  mercure  revivifié  qui  efl 
dans  les  aludels.  Une  feule  cuite  ,  fuivant 
M.  de  Juflïeu  ,  peut  donner  depuis  vingt- 
cinq  jufqu'à  foixante  quintaux  de  mercure. 

Cette  manière  de  traiter  le  cinnabre  eft 
très-ingénieufè  ,  elle  a  des  avantages  réels  , 
&  elle  eft  moins  pénible  que  celle  qui  fe  pra- 
tique au  Pérou ,  où  l'on  ne  fe  fert  que  de 
petits  fourneaux  ,  &  où  l'on  eft  obligé  de 
mettre  de  l'eau  dans  les  aludels  ,  &  de  les 
arrofer  extérieurement  pour  les  rafraîchir 
pendant  Topératron  ,  afin  de  condenfer  les 
vapeurs  mercurielles.  Cette  méthode  efl  auffi 
beaucoup  phjs  abrégée  que  celle  qui  efl  en 
wfage  dans  le  Frioul ,  où  l'on  efl  obligé  de 
tirer  le  mercure  du  cinnabre  par  de  longues 
triturations  dans  l'eau  ,  &  par  des  lavages 
réitérés.  Outre  cela  ,  dans  la  manière  de 
diftiller  qui  s'obfei*ve  à  Almaden  ,  on  n'a 
point  befoin  d'intermèdes  ,  ceii  la  pierre 
elle-même  qui  en  fert;  elle  fuffit  pour  retey- 
nir  les  particules  fulfureufes  qui  fè  font 
minéralyfées  avec  le  mercure  ;  ce  qui  dif-v, 
penfe  d'employer  la  limaille  de  fer  &  les 
autres  matières  communément  ufitées.  On 
pourroit  en  attribuer  la  caufe  à  ce  que  cette 
jRttr\iere  e]ft  calcwe  \  ainlx  on  ^e  doit  point 


C  I  N 

fe  promettre  de  réufîir  en  travaillant  le  c/n- 
nabre  à  la  façon  d'Almaden,  à  moins  qu^ilne 
fût  mêlé  à  de  pierre  calcaire ,  comme  celui 
de  cet  endroit. 

M.  de  Juflieu  indique  dans  le  même  mé- 
moire dont  nous  venons  de  donner  le  pré- 
cis ,  la  manière  de  s'alTurer  fi  un  minéral 
contient  du  mercure  ,  ou  dl  un  vrai  cinna- 
bre. Il  faut  en  faire  rougir  au  feu  un  petk 
morceau  ;  &  lorfqu'il  paroît  couvert  d'une 
petite  lueur  bleuâtre ,  le  mettre  fous  une  clo- 
che de  verre  ,  au  travers  de  laquelle  on  re- 
garde fi  les  vapeurs  fe  condenfent  fous  la 
forme  de  petites  gouttes  de  mercure  ,  en 
s'attachant  au  verre  ou  en  découlant  le 
long  de  Çq^  parois.  Ce  favant  naturalifle  nous 
donne  auffi  un  moyen  de  reconnoître  fi  le 
cinnabre  a  été  falfifié  ;  c'efl  par  la  couleur  de 
fa  flamme  ,  lorfqu'on  le  met  fur  àts  char- 
bons ardens  ;  fi  elle  efl  d'un  bleu  tirant  fur 
îe  violet  &  fans  odeur  ,  c'efl  une  marque 
quele  c:i/2/2aèr<?efl  pur  ^  fi  la  flamme  tire  W 
le  rouge  ,  on  aura  lieu  de  loupçonner  qu'il 
a  été  faliifié  avec  du  minium  ;  fi  le  cinnabre 
fait  une  efpece  de  bouillonnement  fur  les 
charbons  ,  il  y  aura  lieu  de  croire  qu'on  y  a 
mêlé  du  fang-drdgon. 

Les  anciens  connoifîoient  auffi-bien  que 
nous  deux  efpeccs  de  cinnabre  ,  le  naturel 
&  Tartificiel  :  y>^t  cinnabre  naturel  ,  ils  en- 
tendoient  la  même  fubflance  que  nous  ve- 
nons de  décrire  ;  ils  lui  donnoîent  le  nom 
de  minium.  Pline  dit  qu'on  s'en  fervoit  dans 
la  peinture  ;  aux  grandes  fêtes  on  en  frottoit 
le  vilage  de  la  flatue  de  Jupiter  y  &  \ts 
triomphateurs  s'en  frottoient  tout  le  corps  , 
apparemment  pour  fe  donner  un  air  plus, 
fànglant  &  plus  terrible.  Par  cinnabre  arti- 
ficiel ,  ils  entendoient  une  fubflance  très— 
différente  de  celle  à  qui  nous  donnons  ac- 
tuellement ce  nom  ;  c'étoit  ,  fuivant  Théo— 
phrafle  ,  un  fable  d'un  rouge  très-vif  &  très- 
brillant  ,  qu'on  trouvoit  en  Afie  mineure  , 
dans  le  voifinage  d'Ephefe.  On  enféparoit  par 
des  lavages  faits  avec  foin  la  partie  la  plus 
déliée. 

Les  anciens  médecins  ont  encore  donné 
le  nom  de  cinnabre  à  un  fuc  purement  vé- 
gétal ,  connu  parmi  nous  fous  le  nom  de 
fang-dragon;  ilsrappelloient>c./i'i«tf;tp/lV<f/;ccv  ^ 
cinnabre  des  Indes.  Cependant  il  paroît  par 
un  paiïage  de  Diofcoriidie  ,  qu'ils  connoiif» 


C  I  N 

foient  parfaitement  la  différence  qu'il  y  a 
entre  cette  matière  &  le  vrai  cinnabre. 

Aujourd'hui ,  par  cinnabre  artificiel ,  on 
entend  un  mélange  de  mercure  &  de  foufrc 
fublimés  enfemble  par  la  violence  du  feu  ; 
cette  lubdance  doit  être  d'un  beau  rouge 
foncé  ,  compofé  d'aiguilles  ou  de  longues 
ftries  luifantes.  Il  faut  avoir  foin  de  l'acheter 
en  gros  morceaux  ,  &  non  en  poudre ,  parce 
que  quelquefois  on  falfifie  le  cinnabre  avec 
du  minium  ;  ce  qui  peut  en  rendre  l'ufage 
très-dangereux  dans  la  médecine. 

En  Angleterre  ,  à  Venife  ,  &  fur-tout  en 
Hollande,  on  travaille  le  a/2/2a3r£  en  grand  ; 
il  y  a  tout  heu  de  croire  qu'on  obferve  dans 
cette  opération  des  manipulations  toutes 
particuheres  ,  &  dont  on  fait  un  fecret , 
attendu  qu'on  ne  vend  pas  le  cinnabre  artifi- 
ciel plus  cher  que  le  mercure  crud  ,  quoiqu'il 
n'entre  que  fort  peu  de  foufre  dans  fa  com- 
pofition»  Les  livres  font  remplis  de  recettes 
pour  faire  le  cinnabre  artificiel ,  dans  lefquel- 
les  les  dofes  varient  prefque  toujours.  Il  y 
en  a  qui  dilènt  de  prendre  parties  égales  de 
mercure  &  de  foufre  ;  de  bien  triturer  ce 
mélange  ,  &  de  mettre  le  tout  dans  des  vaîf- 
feaux  fublimatoires  ,  en  donnant  un  degré 
de  feu  atîêz  violent.  D'autres  veulent  qu'on 
prenne  trois  onces  de  foufre  fur  une  livre 
de  mercure ,  &c.  On  fait  de  ce  mélange  de 
l'éihiops  minéral ,  foit  par  la  fimple  tritura- 
tion du  mercure  &  du  foufre ,  foit  par  le 
moyen  du  feu.  Voye^  F  article  Etk10?S 
MINÉRAL. 

Voici  la  manière  de  faire  le  cinnabre  arti- 
ficiel fuivant  Stahl.  On  fait  fondre  une  par- 
tie du  foufre  dans  un  creufçt  ou  dans  un 
vailTeau  de  verre ,  à  un  feu  très-doux  ;  lors- 
que le  foufre  eft  bien  fondu  ,  on  y  met 
quatre  parties  de  mercure  ,  qu'on  pafîè  au 
travers  d'une  peau  de  chamois  ,  &  on  a  foin 
de  bien  remuer  le  mélange  jufqu'à  ce  qu'il 
forme  une  maiTe  noire  ;  on  la  retire  de  deÛiis 
le  feu  pour  la.  triturer  bien  exadement  ;  on 
met  eniulte  le  mélange  dans  une  cucurbite 
au  bain  de  fable  ,  pour  en  faire  la  fublima- 
tion  :  fur  quoi  Stahl  obferve  que  fi  au  com- 
mencement de  l'opération  on  donne  un  feu 
très-doux  ,  le  foufre  fe  fublime  d'une  cou- 
leur jaune  très-belle,  quoique  la  mafTè  ait 
été  très-noire  ;  lorfque  toutes  les  fleurs  fe 
font  fublimées ,  fi  on  poufife  fortement  le  feu, , 


C  I  N   ^  lor 

on  aura  un  cinnabre  d'une  très-belle  couleur; 
parce  que  fi  on  a  la  précaution  de  donner 
un  feu  modéré  au  commencement ,  le  fou- 
fre fuperflu  fe  fépare  ;  au  lieu  que  fi  on  dé- 
butoit  par  un  degré  de  feu  trop  violent ,  le 
cinnabre  qu'on  obtiendroit  feroit  noir ,  parce 
qu'il  feroit  trop  furchargé  de  foutre. 

Le  même  auteur  dit  que  pour  faire  le  cin-^ 
nabre  en  grand  ,  on  prend  parties  égales  de 
foufre  &  de  mercure  ;  on  fait  fondre  le  fou- 
fre dans  un  creufet  fur  des  charbons  ;  lorf^ 
qu'il  eff  fondu  ,  on  y  met  le  mercure ,  & 
on  remue  pour  l'incorporer  exadement  avec 
le  foutre  ,  jufqu'à  ce  que  le  mélange  ait  la 
confifbnce  d'une  bouillie  épaifiè  ;  on  laiflè 
la  flamme  fe  porter  defTus  le  mélange,  afin 
qu'elle  confume  le  foufre  qui  efl  de  trop  ; 
mais  lorfque  le  mélange  commence  à  rou- 
gir ,  &  que  le  foufre  fuperflu  efl  confuraé , 
on  éteint  la  flamme  avec  une  fpatule  &  cuil- 
ler de  fer ,  de  peur  que  le  mercure  ne  foit 
emporté  :  alors  on  fait  fublimer  le  mélange 
à  grand  feu ,  &  par  ce  moyen  l'on  obtient 
un  cinnabre  d'une  très-belle  couleur.  Stahl 
dit  que  pour  que  le  cinnabre  foit  exaftemenc 
faturé  ,  il  faut  qu'il  ne  contienne  qu'enviroa 
une  partie  de  foufre  fur  huit  parties  de  mer- 
cure. (  —  ) 

Cinnabre  artificiel  ,  (  Chymie , 
pharmacie  ,  &  matière  médicinale.  )  Le  a'/i- 
nabre  natif  &  le  cinnabre  artificiel  ont  été 
recommandés  pour  l'ufage  médicinal  par 
difFérens  auteurs  ;  il  s'en  eft  trouvé  même 
plufieurs  ,  &  il  efl  encore  aujourd'hui  même 
quelques  médecins  qui  préfèrent  le  cinnabre 
natif  ou  naturel  au  cinnabre  tadice  ;  mais  on 
peut  avancer  fans  héfiter  que  toutes  les  rai- 
ions  de  préférence  apportées  en  faveur  du 
premier  ,  font  abfolument  chimériques ,  & 
que  celles  qui  l'ont  fait  rejeter  enfin  par  la 
faine  partie  des  médecins ,  portent  fur  un 
fondement  très-folide  ;  favoir  ,  fur  ce  qu'on 
a  obferve  aflez  communément  quelques  par- 
ties arfenicales  qui  rendoient  ion  uiàge  très- 
fijfpeâ:. 

Le  cinnabre  fadice  donc ,  auquel  nous 
accordons  la  préférence  avec  jufte  raifon, 
efl recommandé  intérieurement,  principale- 
ment pour  certaines  maladies  de  la  peau  , 
pour  répilepfie  &  les  autres  maladies  con- 
vulfives  ,  pour  les  vertiges  ,  la  palfion  hyf^ 
térique  j  l'althmc  cç^nvulfîf  ^  ^c> 


lot  C  I  N 

Mais  fon  utilité  dans  ces  cas  n*e{I  pas  dé- 
montrée par  afTez  d'obfervarions  pour  détrui- 
re une  opinion  afTez  plaufibie,  qui  conclut  de 
ion  infoîubilité  &  de  fon  inaltérabilité  parles 
humeurs  digelHves  ,  &  de  fon  inlipidité  ab- 
folue  ,  qu'il  ne  lauroit  ni  pafler  dans  la  fti^û'e 
des  humeurs  &  en  altérer  la  conflitution 
{^crajis  )  ,  ni  faire  aucune  impreffion  fàiutaire 
lur  le  fyilême  nerveux ,  par  fon  adion  im- 
médiate iur  les  organes  de  la  digeflion.  Son 
utilité  la  moins  équivoque  efî  celle  qu'il  pro- 
cure employé  en  fufFumigation  ,  foit  dans 
le  traitement  général  de  la  maladie  véné- 
rienne ,  foit  dans  le  traitement  particulier 
de  quelques  -  uns  de  les  fymptomes  exté- 
rieurs ,  comme  chancres  ,  porreaux  ,  &c. 
V.  SUFFUMIGATIOK  Ù  VÉROLE. 

Le  cinnabre  entre  dans  pluneurs  prépara- 
tions officinales  ,  à  la  coloration  defquelies 
ion  utilité  paroît  fe  borner.  Voye^  COLO- 
RATION, (b) 

CINNUS ,  (  Diète.  )  V.  Cyceon. 

CINNYRE  ,  (  Mufiq^.  inftr.  des  Béhr.  ) 
Voye-^  KiNNOR,  [Mujiq.  inftr.  des  Hébr.) 
(  F.  D.  C.  ) 

I  CINQ,  r. m.  {Arithmét.) nova  de  nom- 
bre. Tout  nombre  terminé  par  5  eft  divifible 
|)ar  ')  ;  &  tout  multiple  de  5  fe  termine  par  5 
ou  par  zéro  ,  la  démonflration  «n  efl  facile  à 
trouver. 

Cinq,  [jeux  de  carte.)  efl  une  carte  mar- 
quée de  cinq  points.  Le  point  eft  ou  cœur  , 
<yv\  pique  ,  ou  trèfle ,  ou  carreau.  Ainfi  il  y  a 
quatre  cinq  dans  le  jeu. 

CiNQ-HUITIEMES  ,  f.  m.  pi.  (  Drap.  & 
Comn:.)  efpece  de  petits  camelots  qui  fe 
fabriquent  à  Lille.  Ils  doivent  avoir  onze 
tailles  &  demie  de  large  en  blanc  ,  &  onze 
tailles  en  couleur,  fur  trente-fix  &  cinquante- 
quatre  aunes  de  longueur.  V^oyei  les  régle- 
mens  du  commerce  y  part.  III ^  &  Us  art^ 

Draps  &  Camelot. 
Cinq-ports  ,  f.  m.  pi.  (  Géogr.  mod.) 

en  anglois  cinque-ports  ;  ce  font  cinq  villes 
maritimes  d'Angleterre  avec  ports  de  mer  , 
fur  la  côte  qui  regarde  la  France  ;  à  favoir 
Hartings  ,  Romney  ,  Hythe  ,  Douvre  & 
Sandwich  :  au  premier  des  cinq  appartien- 
inent  auffi  Winchelfca  &  Ryc.  Ces  villes 
ont  de  grands  privilèges  ;  les  députés  qu'elles 
^-envoient  au  parlement  {ont  appelles  barons 
^es  cinqrports,  Phimb&rs.      '  ^ 


C  I  N 

Cinq-quarts,  f  m.  pi  (Drap,  ô 

Comm.  )  el'pece  de  ferge  demi-foie ,  croifée 
d'un  c6:é  ,  à  vingt-buhots ,  à  cinquanterune 
portées ,  à  trois  quartiers  moins  deux  pouces 
&  demi  de  largeur  enTe  .çleux  gardes^  à 
vingt-une  aunes  &  demie  de  long  hors  de 
l'ételle ,  pour  revenir  apprêtée ,  à  vingt  aunes 
un  quart  ou  vingt  aunes  &  demie.  V^qyei  les 
re'glem.  du  commerce  y  tom.  Il,  p.  Z^'j  ^ 
les  art.  DrAP  &  SeRGE. 

CINQUAIN ,  f  m.  (  Art.  milit.  )  efl  um 
ancien  ordre  de  bataille  corapofé  de  cinq 
bataillons  ou  de  cinq  efcadrons.  On  les  dé- 
tache en  ^vant-garde ,  bataille  ,  &  arrière- 
garde.  Quand  ils  arrivent  au  champ  de  ba- 
taille ,  on  les  place  fur  une  même  ligne  fai- 
fant  même  front. 

Pour  les  mettre  en  état  ^e  combattre  ,  on 
fait  avancer  les  féconds  bataillons  des  ailes 
pour  l'avant-garde  ,  les  deux  bataillons  ou 
efcadrons  des  ailes  pour  la  bataille ,  &:  celui 
du  milieu  fait  l'arrierc-garde.  Lafontaine  , 
doctrine  militaire^  (  Q) 

CINQUANTËNIER  ,  f.  m.  (Police.) 
officier  qui  exécute  les  ordres  delà  ville  qu'il 
reçoit  du  quartinier ,  pour  les  faire  favoir 
aux  bourgeois.  Chaque  quartinier  a  fous  lui 
deux  cinquante  nie rs.  Il  y  a  dans  Paris  foi- 
xante-quatre  cinquameniers.  V.  le  Tréi',  & 
le  traité  de  la  police  de  Lamare. 

CINQUANTIEME ,  H  m.  (  Jurifpr.  ) 
efl  une  Impofirion  qui  a  été  levée  dans  cer- 
tains temps  pour  les  befoins  de  l'état. 

En  12.96,  Phi lippe-le-Bel  leva  le  cinquanr- 
tieme  fur  les  eccléiiafliques,  pour  la  conquête 
de  la  Guienne  &  la  guerre  contre  les  Fla- 
mands. Duhaillan,  tom..  lyp.  §S^'  Meze- 
ray  ,  tom.  J,  p.  6*77.  Voyez  la  féconde  des 
lettres  fur  le  clergé  (  ne  rcpugnate  )y  P-J  ^  2 . 

Il  paroît  que  nos  rois  ont  levé  en  divers 
temps  for  leurs  fujets  une  impofition  ,  qui 
étoit  tantôt  du  centième  ,  &  tantôt  du  ci/z- 
quantième.  En  eftet ,  on  voit  dans  des  lettres 
du  roi  Jean  ,  du  mois  de  novembre  135°» 
portant  confirmation  des  privilèges  que  Phi- 
lippe-de-Valois  avoit  accordés  en  1337  aux 
généraux  maîtres  des  monnoies  &  aux  ou- 
vriers du  ferment  de  France  ,  qu'ils  étoient 
exempts  de  tous  droits  de  centième ,  cin- 
quantième ,  &  autres  impofirions. 

Par  une  déclaration  du  5  juin  17^5?  regif^ 
tfée  le  8  du  même  mois,  le  roi  ordonna  la 


C  I  N 

îev^e  du  cinquantième  des  revenus  de  l'état 
fur  tous  Tes  fujets  laïques  ou  eccléfiaftiques 
pendant  douze  années  ,  à  commencer  du 
premier  août  de  la  même  année.  Il  ne  fut 
cependant  pas  perçu  en  VJl')  ,  parce  que  la 
récolte  étoit  trop  inilante  :  on  ne  commença 
à  le  percevoir  qu'en  1726. 

Il  devoit  êtr-j  perçu  en  nature  de  fruits  ; 
mais  par  une  déclaration  du  21  juin  1726  , 
il  fut  converti  en  argent  :  &  par  une  autre 
déclaration  du  7  juillet  1727  ,  il  tut  révo- 
qué &  fupprimé  ,  à  compter  du  premier 
janvier  172B.  {A) 

CINQUIEME  ,  f.  m.{Jurifpr.)  ellune 
împolition  qui  a  été  perçue  en  différentes 
occafions  pour  les  beloins  de  l'état. 

Nous  lifons  dans  la  Genefe,  ch.  xlvij  , 
v.^6j  que  l'on  payoit  le  cinquième  en  Egypte. 

Philippe-le-Bel ,  fuivant  des  lettres  paten- 
tes du  10  odobre  1305  ,  leva  une  double 
décime ,  ou  le  cinquième  fur  toutes  les  églifes 
de  fon  royaume.  Voye^  Patru,  mém.farles 
ajjemblées  du  clergé ,  art.  j,  les  lettres  ne 
repugnate  yfec.  lett.  p.  zo8. 

l.t  cinquième  eil:  auiïî  en  quelques  endroits 
un  droit  de  champart  agrier  ou  terrage  ,  qui 
{k  perçoit  au  profit  du  ièigneur  fur  les  fruits 
en  nature  :  quelquefois  c'ell  un  droit  de  mu- 
tation qui  fe  paie  pour  un  héritage  ,  foit  en 
îief  ou  en  roture  ;  ce  qui  dépend  de  la  cou- 
.turnç' &  des  titres.  En  matière  de  fiefs  ,  ce 
droit  s'appelle  ordinairement  quint  ou  droit 
de  quint.  Voye^  DÉCIME  ,  ChAMPART  , 
LODS  ET   VENTES,    QuiNT.   {A) 

CINTHIA ,  nom  que  ks  poètes  donnent 
à  Diane  ,  du  mont  Cinthies  dans  l'île  de 
Délos  ,  où  elle  avoit  un  temple. 

CINTRE  oM  CEINTRE,  f  m.  {Archit. 
&  coupe  des  pierres.  )  On.  a  donné  dans  le 
tome  précédent  de  cet  ouvrage ,  la  définition 
&  diftindion  du  cintre  en  fait  de  charpen- 
terie  &  coupe  des  pierres.    V^.  Ceintre. 

Les  curieux  qui  voudront  approfondir 
cette  matière ,  &  favoir  comment  on  peut 
Gonnoître  &  calculer  la  force  des  cintres ,  & 
même  de  tout  ouvrage  de  charpente ,  re- 
courront au  mémoire  géométrique  de  M. 
Pitot,  qui  efl  dans  les  me'm.  de  Vacad.  dts 
Sciences  )  année  i  j  zGyp.  zi  6  y  dont  voici 
l'extrait  par  M.  de  Fontenelle. 

Le  cintre  que  les  Italiens  nomment  arma-- 
tura^  eit  un  alTembla^e  de  charpente  propre 


C  I  N  io| 

à  foutenir  tout  le  poids  de  la  maçonnerie 
d'une  voûte ,  avant  que  la  clé  foit  pofée. 

On  fent  par-là  que  rien  n'efi:  plus  impor- 
tant en  fait  de  conflrudion  de  grandes  voû- 
tes ^  dômes  ,  ponts  de  pierre  ,  que  de  faire 
d^s  cintres  affez  torts  pour  porter  tout  le  far- 
deau de  la  maçonnerie  ;  &  qu'on  doit 
admirer  dans  ces  grands  ouvrages  hardis  , 
les  cintres  dont  on  s'eil  lèrvi  pour  les  conf- 
truire  :  car  fi  malheureufement  ils  fe  trou- 
vent trop  foibles  ,  on  voit  dans  un  moment 
périr  tout  l'ouvrage ,  &  quelquefois  plufieurs 
mallieureux  ouvriers. 

Nous  n'entreprendrons  pas  la  defcription 
des  cintres,  &  d'autant  moins  qu'on  les  conf^ 
truit  de  mille  façons  diflSrentes  ,  félon  le 
génie  ou  les  habitudes  des  artiftes.  Mathurin 
Jouffe  en  donne  trois  defiins  :  la  plupart 
des  architedes  en  ont  voulu  inventer  de  par- 
ticuliers ,  mais-  quelques-uns  font  tombés 
dans  des  défauts  très-dangereux.  Il  paroîc 
que  M.  Blondel  n'a  rien  voulu  propofer  du 
fien  fur  cette  matière;  il  s'eft  contenté  de 
donner  dans  fon  cours  d'architedure  les 
deifins  d'Antonio  Sangallon  ,  dont  Michel- 
Ange  s'efl  fervi  pour  conflruire  la  voûte  de 
S.  Pierre  de  Rome. 

Maisfansentrer  dans  l'examen  delà  forme 
la  plus  parfaite  qu'on  puifTe  donner  aux  cin- 
tres ,  ni  dans  le  détail  de  l'aflemblage  des 
charpentes- qui  les  compofent  ,  nous  nous 
contenterons  de  dire  en  général  que  ce  font 
des  pièces  de  bois  qui  ayant  à  Ibutenir  le 
poids  de  la  voûte  dont  elles  font  prefTées  & 
pouffées  en  en-bas  ,  doivent  être  difpofées 
entr' elles  de  façon  qu'elles  s'appuient  les  unes 
les  autres ,  fe  contre-butent  &  ne  puilTent 
céder  :  cela  dépend  de  la  force  abfolue  des 
bois«&  de  la  pofition  des  pièces. 

Une  pfece  de  Bois  étant  pofée  verticale-- 
ment ,  fi  on  attache  à  (on  bout  inférieur  un* 
poids  dont  l'efïèt  fera  de  tirer  ks  fibres  en 
en-bas ,  &  de  tendre  à  les  féparer  les  unes 
des  autres ,  de  façon  que  la  pièce  rompe  , 
elle  foutiendra  un  très-grand  poids  avant 
que  cet  effet  arrive.  La  longueur  de  la  pièce 
n'y  fait  rien ,  il  n'y  a  que  fa  grolîêur  ou  bafe. 
M.  Pitot  a  éprouvé  que  le  bois  de  chêne- 
foutient  environ  foixante  livres  par  ligne 
quarrée  de  la  bafe  ;  &  c'efi  le  bois  de  chêne 
dont  on  fe  fert  le  plus  fou  vent  dans  la  char- 
pente, M.  de  Buffon  a  pouffé  ces  expériences- 


104  C  î  N 

beaucoup  plus  loin.  Les  pièces  dont  un 
cintre  elî  corapofé,  n'ont  pas  à  fou  tenir  un 
effort  qui  les  tire  de  haut  en  bas  ;  mais  au 
contraire  un  effort  qui  les  poufle  de  haut 
en  bas  ,  &.  tend  à  les  écraier  ou  à  les  faire 
plier.  M.Pitot  a  trouvé  qu'elles  tont  encore 
une  réfiftance  un  peu  plus  grande  à  ce  fécond 
efïbrt ,  &  ne  prend  les  deux  réfiftances  que 
pour  égales  ;  car  il  vaut  toujours  mieux  fe 
tromper  en  (lippofant  trop  peu  de  force  au 
cintre. 

Quant  à  la  pofition  des  pièces  ,  dont  la 
plupart  font  nécefl'airement  inclinées ,  ce  qui 
modifie  &  affoiblit  leur  réfiftance  abfolue  , 
félon  que  les  angles  d'inclinaifon  font  difFé- 
rens  ;  M.  Pitot  en  fait  le  calcul  par  la  théorie 
des  mouvemens  compofés  ,  ou  ,  ce  qui  efî 
la  fhême  chofe  ,  par  les  diagonales  de  M. 
Varignon.  Ces  diagonales  font  en  nombre 
d'autant  plus  grand ,  &  fe  compliquent  d'au- 
tant plus,  les  unes  avec  les  autres ,  qu'il  y  a 
plus  de  pièces  dans  le  cintre.  Au  moyen  de 
cette  théorie  ,  la  pefanteur  de  la  voûte  étant 
toujours  connue  ;  fi  de  plus  les  grolfeurs  & 
les  pofitions  àes  pièces  du  cintre ,  c'efl-à-dire 
fi  la  conftrudion  du  cintre  ,  ou  plutôt  le 
cintre  même  ell  donné  ,  on  trouvera  le  rap- 
port de  fa  force  à  celle  de  la  voûte';  &:  cela 
tant  pour  la  voûte  demi-circulaire  que  pour 
la  furbaiflee.  Voye^  SURBAISSÉ. 

Le  ledeur  verra  par  le  mémoire  même  & 
l'extrait  entier  de  M.  de  Fontenelle  ,  com- 
bien la  certitude  &  la  précifion  que  M.  Pitot 
a  mifes  dans  cette  matière  ,  l'emportent  fur 
de  fimples  ufages  toujours  incertains  &  fou- 
vent  faux  ,  que  fuivent  Ls  ouvriers  &  même 
les  maîtres.  {M.  le  ch.  de  Ja  u court.) 

Cintre  ,  (  Décorât,  théatr.  )  On  donne 
ce  nom  à  la  partie  du  plancher  de  la  falle 
de  l'opéra  qui  eft  fur  l'orcheftre.  La  partie 
du  cintre  qui  eft  la  plus  près  du  théâtre , 
n'eil  compofée  que  de  planches  qui  tiennent 
l'une  à  l'autre  par  des  charnières  ;  on  la  levé 
pour  aider  le  paflage  des  vols  qui  fe  font 
au  milieu  du  théâtre  ou  de  fa  partie  la  plus 
éloignée  ,  &  qui  vont  fe  perdre  dans  le  cin- 
tre. Une  baluftradc  de  bois  amovible  fépare 
cette  partie  de  l'autre  ;  on  y  place  de  gros 
lampions  pour  éclairer  le  premier  plafond. 
C'eft  lur  le  cintre  que  font  les  grands  treuils 
avec  lefqueis  on  fait  les  vols  ,  la  defcente 
des  chars.  Voye\  ces  mots. 


C  I  Q 

On  y  a  pratiqué  quatre  petites  loges ,  deux 
de  chaque  côté  ,  qui  fc  louent  à  l'année  ;  elles 
n'ont  vue  que  fur  le  théâtre  en  plongeant,  & 
n'ont  aucune  comrriunication  avec  la  falle. 

La  toile  qui  ferme  le  théâtre  fè  perd  dans 
le  cintre  lorlqu'on  la  levé.  V.  VoiLE.  (  B  ) 

CINXIA  ,{Myth.  )  furnom  que  les  Ro- 
mains donnoient  à  Junon ,  &  fous  lequel 
ils  l'invoquoient  en  faveur  des  jeunes  rha- 
riées  ,  lorfqu'on  leur  ôtoit  la  ceinture  de  vir- 
ginité la  première  nuit  de  leur  noce.  Cinxia 
vient  de  Cingo. 

CIOT  AT  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  ville  mariti- 
me de  France  en  Provence ,  viguerie  d'Aix. 
Long,  zj  ,  ?  5  ;  lat.  4 j  ^  t  o. 

CIPPE ,  f.  m.  (  Hijl  anc.  )  parmi  les  an- 
tiquaires ,  c'eft  une  petite  colonne  peu  haute 
qu'on  élevoit  dans  les*  grands  chemins  ou 
ailleurs ,  &  fur  laquelle  on  mettoit  des  inf^ 
criptions  ,  foit  qu'elle  fût  deflinée  à  appren- 
dre les  chemins  aux  voyageurs  ,  foit  qu'elle 
le  fût  à  fervir  de  borne  ou  à  conferver  la 
mémoire  de  quelque  événement ,  &  en  par- 
ticulier de  la  mort  de  quelqu'un. 

Les  cippes  qui  fe  mettoient  fur  les  routes 
pour  la  commodité  des  voyageurs ,  s'appel- 
loient  plus  proprement  colonnes  milUaires» 
V^oycT^  ce  mot. 

Hottinger  a  fait  un  traité  exprès  àzs  cippes 
des  Juifs ,  de  cippis  Hehr-œcrum  ,  où  il 
prend  le  mot  cippus  pour  un  tombeau  de 
pierre.  Voye\  ToMBEAU. 

Cippe  étoit  aulli  dans  l'antiquité  ,  un  inf^ 

trument  de  bois  qui  fervoit  à  tourmenter  les 

coupables  &    les   efclaves  :  c'étoient   des 

efpeces  d'entraves  ou  de  ceps  qu'on  leur 

,  mettoit  aux  pies. 

On  appelloit  encore  cippes  y  des  pierres 
élevées  qu'on»  plaçoit  d'efpace  en  efpace  fur 
le  terrain  où  l'on  marquoit  avec  la  charrue 
l'enceinte  des  murs  d'une  nouvelle  ville  ; 
on  facrifioit  fur  ces  pierres  ,  &  il  y  a  appa- 
rence que  l'on  bâtiflbit  enfuite  les  tours 
aux  mêmes  endroits  où  fe  rencontroient  les 
cippes.  (G) 

CIQUES  ou  CAXAS  ,  f.  m.  pi.  (  Hifi, 
nat.  Miner.  )  nom  que  les  mineurs  donnent 
au  Potofi  à  des  pierres  qui  fe  trouvent  unies 
aux  minerais  ;  elles  font  peu  compades  & 
folides  ,  ne  contiennent  que  très  -  peu  ou 
même  point  de  métal.  Toye^la  métallurgie 
d'Aloiizo  Barba.  ( — ) 
*  CIR , 


C  I  R. 

CIR  (saint-)  ,  Géog.  mod.  village  de 
France  ,  diocefe  de  Chartres  ,  il  une  petite 
lieue  de  Verfailles  :  il  eft  célèbre  par  une 
communauté  fondée  par  Louis  XIV.  Les 
religieules  font  un  quatrième  vœu  ,.c'eftde 
veiller  à  l'éducation  de  250  jeunes  perfon- 
nes,  qui  ne  peuvent  y  entrer  que  fur  la  preuve 
de  quatre  degrés  de  noblefle  du  côté  pater- 
nel ,  &  qu'après  l'âge  de  fept  ans  &  avant 
celui  de  douze. 

CIRAGE  ,  f.  m.  on  appelle  ainfl  les  ta- 
bleaux de  couleur  de  cire  jaune.  L'on  fe 
ièrt  très-peu  de  ce  terme ,  &  ces  fortes  de 
tableaux  doivent  être  regardés  comme  des 
camayeux  ,  dans  la  clafîc  defquels  ils  font  en 
effet.    Fojt:;  CamaYEU.    {  R) 

CIRAN  (Saint-)  ,  Ge'og.  mod.  petite 
ville  de  France ,  diocefe  de  Bourges  en  Berri , 
fur  la  Claife. 

CIRCASSIE,  (Gf'og-.)  grand  pays  d'Afie 
fitué  entre  le  Wolga  &  le  Don  ou  Tanaïs , 
borné  par  le  Dagheltan  ,  le  royaume  de 
Caret ,  la  Mingrelie  &  la  mer  Noire.  Les 
habita ns  profeflènt  une  religion  moitié  chré- 
tienne &  moitié  mahométane.  Une  partie 
de  ce  pays  cfl  foumife  à  la  Ruffie ,  l'autre  efl 
indépendante.  Le  commerce  principal  de  la 
CircaJJ}^  confifle  en  peliffes  &  fourrures ,  & 
en  femmes  qu'ils  vendent  aux  Turcs  &  aux 
Peri'ans  ;  elles  ont  la  réputation  d'y  être 
plus  belles  qu'en  aucun  pays  de  l'Afie. 

CIRCEE  ,  f  f.  circxa,  {Hifi.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  dont  la  fleur  eft  à  deux  pé- 
tales ,  foutenus  par  un  calice  qui  efl  à  deux 
feuilles.  Lorfque  la  fleur  efl  paflée ,  ce  ca- 
lice devient  un  fruit  en  poire  divifé  ordi- 
nairement en  deux  loges ,  qui  renferment 
chacune  une  femence  un  peu  longue.  Tour- 
nefort ,  inflitunones  rei  herbariiX.  Voye\ 
Plante.  (/) 

CIRCENSES,  {Hifl.  anc.)  les  jeux 
circenfes  ou  les  jeux  du  cirque  y  terme  géné- 
rique fous  lequel  on  comprenoit  tous  les 
combats  du  cirque  ,  de  quelque  nature  qu'ils 
fuifent  ;  à  pié  ,  à  cheval ,  fur  un  char  ,  à  la 
lutte ,  à  coups  d'épées  ,  de  dards ,  de  piques  , 
de  flèches  ,  contre  des  hommes  ou  des  ani- 
maux ,  dans  l'arène  ou  fur  de  grands  réfer- 
voirs  d'eau  ,  tels  que  les  naumachies  ou  re- 
préfentatiqns  de  batailles  navales  :  mais 
dans  leur  origine  cts  jeux  n'étoient  que  dif- 
férentes fortes  de  courfes,  auxquelles  on  joi- 
Tom€  VIIL 


C  I  n  loj 

gnlt  enfuite  les  autres  combats  athlétiques. 

Ceux  &ts  gkdiateurs  étoient  les  plus  ufi- 
tés  y  &  il  n'y  avoit  guère  que  des  nommes 
vils  &  mercenaires  qui  donnaflent  ce  plai- 
fir  au  peuple  :  les  honnêtes  gens  auroient 
cru  fe  déshonorer  en  faifant  le  perlbnnage 
d'adeurs  dans  ces  exercices. 

La  plupart  des  fêtes  des  romains  étoient 
accompagnées  de  jeux  du  cirque ,  &  les  ma- 
giflrats  donnoient  ibuvent  ces  fortes  de  fpec- 
tacles  au  peuple  :  mais  les  grands  jeux ,  nom- 
més proprement  circenfes  y  duroient  cinq 
jours,  &  commençoient  le  15  feptembre. 

L'empereur  Adrien  ordonna  que  ces  jeux 
ferolent  célébrés  à  perpétuité  le  XI  des  calen- 
des de  mai.  Voye\  liiji.  Aug.  ex  nummis  par 
le  P.  Hardouin  ,  in-fol.  page  700,  Le  même 
empereur  inventa  de  nouveaux  jeux  du  cir- 
que qui  furent  nommés  jeux  plébéiens  ;  mais 
\ts  auteurs  qui  nous  en  apprennenf  le  nom  , 
n'expliquent  point  s'ils  étoient  corapofés 
d'exercices  difterens  de  ceux  des  jeux  ordi- 
naires. Voye^  Cirque.  (  G  ) 

CIRCESTER  ou  CIRENCESTER  , 
(  Géog.  mod.  )  ville  d'Angleterre  en  Glo- 
Ceftershire^  furie  Schurn.  Long,  t  S  y  47  y 
lat.  Cl  y    2.4. 

CIRCOLOMEZZO  ,  (  Mufiq.  )  On  ap- 
pelloit  dans  lamufique  des  fiecles  précédens 
circolome^^o  ,  un  agrément  du  chant  ou  di- 
minution de  quatre  notes  de  même  valeur , 
qui  alloient  par  degrés  conjoirrts ,  en  formant 
à-peu-près  la  figure  d'un  demi-cercle  ,  d'où 
cet  agrément  a  tiré  fon  nom  ;  il  y  avoit  deux 
fortes  de  circolome\-{o  ,  l'un  en  montant , 
&  l'autre  en  defcendant.  Voy.fig.  7  6'  5, 
planche  V III  du  fuppl.  des  planches.  Au- 
jourd'hui le  compofiteur  note  lui-même  cette 
figure ,  s'il  la  veut.   (  F.  D.  C.  ) 

CIRCONCELLIONS  ou  SCOTOPI- 
TES  ,  f  m.  pi.  (  Théol.  )  feâe  de  donatif- 
tes  en  Afrique  dans  le  vj^  fiecle ,  ainfi  nom- 
més parce  qu'ils  rodoient  autour  àts  mai- 
fons  dans  les  villes  &  dans  les  bourgades  , 
où  fe  donnant  pour  vengeurs  publics  des  in- 
jures &  réparateurs  des  injufliccs ,  ils  met- 
toient  en  liberté  les  efclaves  fans  la  permif- 
fion  de  leurs  patrons ,  dé^roient  quittes  les 
débiteurs  comme  il  leur  pàifoit ,  &  com- 
mettoient  mille  autres  infolences.  Maxide 
&  Fafer  furent  les  premiers  chefs  de  cts  bri- 
gands enthouiiafles.  Ils  portèrent  d'abord 

O 


ic^  C  I  K 

des  barons  qu'ils  nommèrent  bdions  d^Ifraët, 
pnr  alliifion  à  ceux  que  la  loi  ordonnoit  de 
Tenir  en  main  dans  la  cérémonie  de  la  man- 
ducafion  de  l'agneau  pafchal.  Ils  fe  fervi- 
rent  enfuite  d'armes  contre  les  catholiques. 
Donat  les  appelloit  les  chefs  des  faims  ^  & 
ôxerçoitpar  leur  moyen  d'horribles  vengean- 
ces. Un  faux  zèle  de  martyre  les  porta  à  fe 
donner  la  miOrt  ;  les  uns  le  précipitèrent  du 
haut  des  rochers  ,  ou  fe  jetèrent  dans  le  feu  ; 
d'autres  fe  coupèrent  la  gorge.  Les  évêques 
ne  pouvant  par  eux-mêmes  arrêter  ces  excès 
de  fureur  ,  furent  contraints  d'implorer 
l'autorité  des  raagiflrats.  On  envoya  des  fol- 
dars  dans  les  heux  où  ils  avoient  coutume 
de  fe  répandre  les  jours  de  marchés  publics  : 
il  y  en  eut  plufieurs  de  tués  ,  que  les  autres 
honorèrent  comme  de  vrais  martyrs.  Les 
femmes  perdant  leur  douceur  naturelle  ,  fe 
mirent  à  imiter  la  barbarie  des  circonccllions; 
&  l'on  en  vit  qui  ,  fans  égard  pour  l'état  de 
grolfeife  où  elles  fe  trouvoient ,  fe  jetèrent 
dans  des  précipices.  S.  Auguftin  ,  her.  6^. 
Baronius,  A.  C.  331  y  n.  ^  ^  faiv.  348, 
72.  zff,zj,&cc.  Pratéole,  Philaflre,  &c.  (G) 

CIRCONCISION  ,  f.  f.  {TheoL  )  céré- 
monie religieufe  chez  les  juifs  &  les  maho- 
métans.  Elle  confifte  à  couper  le  prépuce  des 
mâles  qui  doivent  oli  veulent  faire  profef- 
lion  de  la  religion  judaïque  ou  mufulmane. 
V.  Prépuce. 

La  cirœncijion  a  été  &  efl  encore  d'ufage 
parmi  d'autres  peuples  ,  mais  non  comme 
un  aâe  de  rehgion  :  ces  nations  la  prati- 
quent pour  des  fins  &  par  des  raifons  dif- 
férentes ,  comme  nous  le  dirons  après  avoir 
parlé  de  cette  cérémonie  chez  les  juifs  & 
chez  les  mufùlmans. 

La  circoncifion  a  commencé  au-  temps 
d'Abraham  à  qui  Dieu  la  prefcrivit  comme 
le  fceau  de  l'alliance  que  Dieu  avoit  faite  avec 
ce  patriarche.  Voici  le  paBe  que  vous  obfer- 
vere-{)\mà\t  le  Seigneur,  (  Genefe ,  chap. 
ocvij  )  verf  lO))  entre  moi  &  vous  y  &  votre 
pofiérité  après  vous.  Tous  les  mâles  qui 
font  parmi  vous  feront  circoncis  y  afin  que 
cela  foit  une  marque  de  V alliance  entre  moi 
^  vous.  L'enfqm  de  huit  jours  fera  circon- 
cis y  tant  les  en/ans  libres  Ù  domefliques  y 
que  les  efclaves  &  les  étrangers  qui  feront 
à  vous.  L'enfant  dont  la  chair  ne  fera 
pas  circoncife  y  fera  extermine'  de  mon  peu- 


C  I  R 

pie  parce  qu*ila  rendu  inutile  mon  alliance. 
Ce  fut  l'an  du  monde  Z108  qu'Abraham 
âgé  pour  lors  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans 
reçut  cette  loi  y  en  conféquence  de  laquelle 
il  fe  circoncit  lui-même ,  &  donna  à  fon  fils 
Ifmaël  ,  &  à  tous  les  efclaves  de  fa  maifon 
la  circoncifion  y  qui  depuis  ce  temps  a  été 
une  pratique  héréditaire  pour  Çqs  defcendans. 
Dieu  en  réitéra  le  précepte  à  Moyfe  (  Exod. 
xijy44y  48,  &  Lévitiq.  xij y  v.  3)  y  &  la 
circo/zcri/zo/z  tut  depuis  comme  la  marque  dif- 
tinâive  des  entans  d'Abraham  d'avec  les 
autres  peuples,  que  les  juifs  appelloient  par 
mépris  incirconcis  y  comme  n'ayant  point  de 
part  à  l'alliance  que  Dieu  avoit  faite  avec 
Abraham.  Tacite  ,  hifi.  liv.  Vy  reconnoîe 
expreflément  que  la  circoncifion  étoit  une 
efpece  de  fiigmate  qui  difiinguoit  les  Juifs 
des  autres  nations.  Genitalia^  dit-il,  circum-^ 
cidere  inftituêre  y  ut  diverfitate  nofcantur. 

C'efI  auffi  ce  que  témoignent  plufieurs  au- 
teurs eccléfialfiques  ,  &  entr'autres  faint 
Jérôme  fur  l'épître  aux  Calâtes  :  ne  fobolcs 
dilecîi  Abraham  cœteris  nationibus  mifcere^ 
retur  y  &  paulatim  familia  ejus  fieret  in^ 
certa  y  gregem  Ifraëliticum  quodam  circum^ 
cifionis  cauterio  annotavit. 
'  Celfe  &  Juhen  qui  cherchoient  à  détruire 
le  chriftianifiTie  en  fappant  les  fondemens 
de  k  révélation  judaïque  ,  objeftoient  qu'A- 
braham étoit  venu  de  Chaldée  en  Egypte, 
où  il  avoit  trouvé  l'ufage  de  la  circoncifion 
établi  ,  &  qu'il  l'avoit  emprunté  des  Egyp- 
tiens ,  &  par  conféquent  qu'elle  n'étoit  pas 
le  figne  diflindif  du  peuple  choifi  de  Dieu.. 
Le  chevalier  Marsham  &  M.  Leclerc  onc 
reflufcité  ce  fyllême,  fondés  fur  quelques 
paflages  d'Hérodote  &  de  Diodore  de  Sicile. 
Le  premier  de  ces  hiftoriens  ,  liv.  Jly  chap. 
XXV  6"  xxvjy  dit  que  les  Egyptiens  reçoivent 
la  circoncifion  y  coutume  qui  n'eft  connue 
que  de  ceux  à  qui  ils  l'ont  communiquée 
(c'eft-à-dire  des  Juifs)  :  ilajoute que  les  en- 
fans  de  la  Colchide  l'ayant  reçue  des  pre- 
miers ,  l'avoiem  tranimife  aux  peuples  qui  ha- 
bitent les  rives  du  Therraodoon  &  du  Par- 
thenius ,  &  que  les  Syrien-s  &  les  Phéniciens 
la  tenoient  auffi  des  Egyptiens.  Diodore  de 
Sicile  dit  à-peu-près  la  même  chofe. 

Mais  pourquoi  tous  ces  peuples  n'auroient* 


ils  pas  au  contraire  pratiqué  la  circoncifion  y 
à  l'iiniiation  des  Juifs,  quoique  ce  ne  fut 


C  IR 

^as  pour  la  même  fin  ?  car  i*.  h  témoignage 
d'Hérodote  fur  les  antiquités  égyptiennes , 
eft  très-fufped  ;  &  Manethon ,  auteur  égyp- 
tien ,  lui  reproche  bien  des  faufletés  k  cet 
égard  ;  l'autorité  de  Moyfe  ,  en  qualité  de 
(impie  hiftorien  ,  vaut  bien  celle  d'Hérodote 
&  Diodore  de  Sicile.  2<*,  Abraham  qui 
avoit  voyagé  &  fait  quelque  féjour  en  Egypte, 
en  ibrtit  fans  être  circoncis  ;  ce  ne  fut  que 
par  un  ordre  exprès  de  Dieu  qu'il  pratiqua 
îùr  lui-même  &  fur  fa  famille  ïacirconcijionf 
&  l'on  a  plus  de  vraifemblance  à  aflùrer 
que  les  Egyptiens  reçurent  la  circoncijion  des 
entans  de  Jacob  &  de  leurs  delcendans  ,  qui 
demeurèrent  long-temps  en  Egypte ,  qu'à 
le  nier ,  comme  fait  Marsham  ,  lûr  la  feule 
autorité  de  deux  hiiloriens  très-poflérieurs  à 
Moyfe  ,  &  qui  dévoient  erre  infiniment 
moins  bien  inîlruits  que  lui  des  coutumes 


d'Ee, 


;;>'Pte  ; 


mais  Marsham  vouloit  trouver 


toute  la  religion  des  Juifs  dans  celle  des 
Egyptiens ,  &  tout  lui  paroiiïbit  démonfira- 
tif  en  faveur  de  cette  opinion  ab{urde  & 
ruinée  depuis  long-temps.  3^-  Heft  certain 
que  la  pratique  de  la  circoncijion  étoit  fort 
différente  chez  les  Juifs  &  chez  les  Egyp- 
tiens ;  les  premiers  la  regardoient  comme 
un  devoir  efîêntiel  de  religion  &  d'obligation 
étroite  pour  les  mâles  feulement,  fur  lefquels 
on  la  pratiquoit  le  huitième  jour  après  leur 
naiffance  ,  Iqus  les  peines  portées  par  la  loi  ; 
chez  \qs  autres  ,  c'étoit  une  affaire  d'ufage , 
de  propreté  ,  de  raifon  ,  de  fanté  ,  même  , 
félon  quelques-uns  ,  de  néceffité  phyfique; 
on  n'en  faifoit  l'opération  qu'au  treizième 
jour  ,  louvent  beaucoup  plus  tard  ,  &  elle 
étoit  pour  les  filles  aulS-bien  que  pour  les 
garçons.  4°.  Enfin  l'obligation  de  circoncire 
tous  les  mâles  n'avoit  jamais  pafîe  en  loi 
générale  chez  les  Egyptiens  :  St.  Ambroife , 
Origene  ,  S.  Epiphane  &  Jofeph  atteflent 
qu'il  n'y  avoit  que  les  prêtres,  les  géomètres, 
les  aitronomes ,  les  ailrologues  &  les  favans 
dans  la  langue  hiéroglyphique  ,  qui  fufîent 
afîreints  à  cette  cérémonie  ,  à  laquelle  ,  fui- 
vantS.  Clément  d'Alexandrie,  ^roma;.  Z/V. 
/,  Pythagoreen  voyageant  en  Egypte  voulut 
bien  fe  foumettre  ,  pour  être  initié  dans  les 
myfîeres  des  prêtres  de  ce  pays ,  &  appren- 
dre les  fecrets  de  leur  philofophie  occulte. 

Mais  ce  qui  ruine  entièrement  le  fyflême 
de  Marsham ,  c'eft  qu'Artapane  cité  dans 


C  I  R  V07 

Eufebe  ,  préparât,  évangél.  Ui/,  IX,  chap. 
xxviij  ,  afiure  que  ce  fut  Moyfe  qui  commu- 
niqua la  a/ro/2c://zo/z  aux  prêtres  égyptiens. 
D'autres  penfent  encore  ,  avec  beaucoup  de 
vraifemblance,  qu'elle  ne  fut  en  ufage  parmi 
eux  que  fous  le  règne  de  Salomon.  Du  reflc 
ni  alors  ,  ni  même  long-temps  après  ,  le' 
commun  du  peuple  n'étoit  pas  circoncis 
parmi  les  Egyptiens  ,  puifque  Ezéchiel  , 
chap.  XXX j  j  V.  z  5  ,"  &  XXX ij  y  v-  1 9  ;  ^ 
Jéréraie ,  chap.  ixp  v.  Z4.  Ù  ZA  ,  comptent 
ce  peuple  parmi  les  nations  incirconcifes. 
Abraham  n'a  donc  point  emprunté  d'eux 
l'uliige  de  la  circoncijion. 

Chez  les  anciens  Hébreux  la  loi  n'avoit 
rien  prefcrit  de  particulier ,  ni  fur  le  miniff  re , 
ni  fur  l'inflrument  de  la  circoncijion  :  le  perc 
de  l'enfant  ou  un  autre  parent ,  ou  un  chi- 
rurgien ,  quelquefois  même  un  prêtre ,  pou- 
voit  faire  cette  cérémonie.  On  fe  fervoit 
d'un  rafoir  ou  d'un  couteau.  Séphora femme 
de  Moyfe ,  circoncit  fon  fils  Eliézer  ,  avec 
une  pierre  tranchante,  Exod.  iv  ,  v.  z^. 
Jofué  en  ufa  de  même  envers  les  Ifraélites  qui 
n'avoient  pas  reçu  la  circoncijion  dans  le  dé- 
fert,  Jofué V. ,  v.  z.  C'étoit  probablement 
de  ces  pierres  faites  en  forme  de  couteaux  , 
que  les  Egyptiens  fe  fcrvoientpour  ouvrir  les 
corps  des  perfonnes  qu'ils  embaumoient. 
Les  galles  ou  prêtres  de  Cybele  fe  mutiloient 
avec  une  pierre  tranchante  ou  un  têt  de  pot 
caiïe  ,  ne  le  pouvant  faire  autrement  fans 
fe  mettre  en  danger  de  la  vie  ,  fi  l'on  en  croit 
Pline  ,  hijl.  nat.  liv.  XXXV,  ch.xij. 

Chez  les  Juifs  modernes  le  père  doit  faire 
circoncire  Ion  fils  au  huitième  jour ,  &  non 
auparavant;  mais  bien  après  fi  l'enfant  efl 
infirme  ou  trop  foible  pour  fupporter  l'opé- 
ration. Voici  les  principales  cérémonies  qui 
s'y  pratiquent.  Il  y  a  un  parrain  pour  tenir 
&  ajufler  l'enfant  fur  ks  genoux  pendant 
qu'on  le  circoncit  ,  &  une  marraine  pour 
le  porter  de  la  maifon  à  la  fynagogue  ,  & 
pour  le  rapporter.  Cehii  qui  le  circoncit 
s'appelle  en  hébreu  mohel ,  c'efî-à-dire  aV- 
concifeur  ;  &  cette  fonâion  efl  un  grand 
honneur  parmi  \qs  Juifs.  On  reconnoîr  ceux 
qui  l'exercent  ordinairement  parce  qu'ils  ont 
les  ongles  des  pouces  fort  longs ,  pour  l'u- 
fage  dont  nous  parlerons  bientôt.  Le  père 
de  l'enfant  fait  quelquefois  l'office  du  mohel, 
&  même  dans  fa  maifon ,  car  il  n'ell  pas 

0  ^ 


io8  C  I  R 

toujours  ^e  nécefîlté  qu'on  aille  à  la  fyna- 
gogue.  Quand  la  cérémonie  fe  fait  dans  ce 
dernier  lieu  ,  au  jour  indiqué  on  place  dès 
le  matin  deux  fieges  avec  des  carreaux  de 
foie  ;  l'un  de  ces  fieges  efl  pour  le  parrain 
qui  tient  l'enfant  ;  l'autre  demeure  vuide  ; 
éc  eft  deftiné  au  prophète  Elie ,  qui ,  comme 
fe  l'imaginent  les  Juifs  ,  afllfte  invifiblemcnt 
à  toutes  les  circoncijions .  Le  mohel  apporte 
les  inftrumens  néceflaires  ;  favoir  un  plat ,  un 
rafoir ,  des  poudres  aftringcn tes  ,  du  linge , 
de  la  charpie,  &  de  l'huile  rofat,  &  quelque- 
fois une  écuelle  avec  du  fable ,  pour  y  metn-e 
le  prépuce  coupé.  On  chante  quelque  can- 
tique en  attendant  la  marraine  qui  apporte 
l'enfant   fur   les  bras    accompagjiée   d'une 
troupe  de  femmes  ,  dont  aucune  ne  pafïê 
la  porte    de  la  fynagogue.    C'eft-là  que  la 
■marraine  donne  l'enfant  au  parrain  ,  &  aufll- 
tot  tous  les  iiiîiftans  s'écrient  baruth-haba  , 
le  bien  venu.   Le  parrain  s'aliîed  &  ajufïe 
l'enfant  fur  fes  genoux  ;  le  mohel  prend  le 
rafoir  ,    &  dit  :    Béni  foye^-i'ous  y  Sei- 
gneur !  qui  nous  ape:[  commandé  la  circon- 
cijion.   En   prononçant  ces  mots  il  prend 
avec  des  pinces  d'argent  ou  avec  {qs  doigts 
la  groffc  peau  du  prépuce,  la  coupe,  puis 
avec  \cs  ongles  il   déchire  une  autre  peau 
plus  déliée  qui  refle  :  il  fuce  deux  ou  trois 
fois  lefang  qui  abonde,  &  le  rejette  dans  une 
taiîé  pleine  de  vin  ,  enfuite  il  met  fur  la  plaie 
du  fang-dragon  ,  de  la  poudre  de  corail ,  & 
d'autres  drogues  pour  étancher  le  fang  ;  puis 
il  applique  des  compreifes  imbibées  d'huile 
Tofàc  ,  &  il  enveloppe  le  tout.  Il  reprend 
enfuite  la  tall'e  ,  bénit  le  vin  mêlé  de  fang , 
en  m.ouille  les  lèvres  de  l'enfant',  en  difant 
ces  paroles  d'Ezéchiel ,  ch.  xvj  ,  z-',  ^  ;  Et 
j'ai  clic  :  vis  en  ton  fang.   Il  prononce  une 
autre  bénédidion  pour  l'enfant  ,   auquel  il 
impofe  le  nom  qu'on  fouhaite. On  récite  après 
cela  le  pfeaume  128  ,  &  l'on  reporte  l'enfant 
à  la  maifon  de  fes  parens.  R.  Léon  de  Mo- 
denc  ,  des  cérém.  des  Juifs.   Voye\auffile 
grand  diclionnaire  de  la  bible  de  M.  Simon, 
•au  mot  circoncifion  ;  Ù  le  dictionnaire  de  la 
•bible  du  P.  Calmet ,  fur  U  même  mot. 

La  circoncijion  ,  dans  l'amiquité  ,  n'étoit 
•ccrémcnie  religieufe  que  pour  les  Juifs:  mais 
iorfque  d'autres  peuples  qui  la  pratiquoient 
.pour  d'autres  fins  &  d'autres  raifons,  comme 
oiousJ'avons  dit,  vouloient  embralTej:  leju- 


C  I  R 

daïfme  ,  la  réitéroit-on  ?  Dom  Caîmet  aflure 
que  quand  les  Juifs  recevoient  un  profélyte 
d'une  nation  où  la  circoncijion  étoit  en 
ufage  ,  comme  un  famaritain  ,  un  arabe  , 
un  égyptien  ,  s'il  avoit  déjà  reçu  la  circon- 
cijion y  on  fe  contentoit  de  lui  tirer  quel- 
ques gouttes  de  fang  de  l'endroit  où  l'on 
donne  la  circoncijion  ^  &  ce  fang  s'appelloic 
lefang  de  l'alliance.  Il  ajoute  que  trois  té- 
moins aflifloient  à  cette  cérémonie  ,  afin  de 
Ja  rendre  plus  authentique  ,  qu'on  y  béniflbic 
Dieu  ,  &  qu'on  y  récitoit  cette  prière  : 
O  Dieu  !  faites-nous  trouver  dans  la  loi  les^ 
bonnes  œuvres,  &  votre  protection  y  comme 
vous  ave:^  introduit  cet  homme  dans  votre 
alliance. 

Les  juifs  apoflats  s'efforçoient  d'eifacer 
en  eux-mêmes  la  marque  de  la  circoncijion. 
Le  uxtt  du  premier  livre  des  Macchabées  , 
chap.  j  y  V.  îG  y  l'infinue  clairement  :  Fe^ 
cerunt Jibi prceputia  ,  &  recefferunt  à  tefla- 
mento  fanclo  ;  &  S.  Paul  dans  la  prem. 
aux  Corinth.  chap.  vij  ,  v.  z  8  y  lémble 
craindre  que  les  juifs  convertis  au  chriffia- 
niiiTie  n'en  ufaiîènt  de  même  :  Circumcifus 
aliquis  vocatus  ejî,  non  adducat prœputium. 

S.  Jérôme  ,  Rupert  &  Haimont  nient  la 
pofîibihté  du  fait  ,  &  croient  que  la  marque 
de  la  circoncijion  eft  tellement  incfiaçable,que 
rien  n'eit  capable  de  (upprimer  cette  marque 
dans  la  chair  du  circoncis.  Selon  eux  ,  ce 
qu'on  ht  dans  les  Macchabées  doit  s'entendre 
des  percs  qui  ne  vouloient  pas  donner  la  ar- 
concijion  à  leurs  enfans.  Saint  Jérôme  donne 
d'ailleurs  une  cxphcation  forcée  du  pafîàge 
de  S.  Paul,  qu'on  peut  voir  dans  le  P.  Lami , 
IntroduB.  à  V écrit,  f aime ,  liv.  I^chap.  7  , 
pag.  y  :  mais  ,  ajoute  ce  dernier  auteur ,  fi 
l'autorité  de  l'écriture  &  de  Jofeph  ,  liv. 
Xll  y  chap.  vj  y  de  antig.  jud.  ne  fufîifoit 
pas ,  on  pourroit  ajouter  celle  àcs  plus  fa- 
meux médecins  ,  qui  prétendent  qu'on  peut 
effacer  les  marques  de  la  circoncijion.  En 
efîet  Celfe  &  Gaiien  ont  traité  exprès  cette 
matière  ;  &  Bartholin  ,  de  morb.  biblic.  cite 
^ginetcôi  Fallope  ,  qui  ont  enfèigné  le  fc- 
cret  de  couvrir  les  marques  de  cette  opération» 
Buxtorf  le  fils  ,  dans  là  lettie  à  Bartholin  , 
confirme  ce  fait  par  l'autorité  même  des  Juifs. 

Quoi  qu'il  en  foit,  la  circoncijion  telle  qu'on 
la  recevoit  ^__  f.voic  pour  effet  naturel  de  dif» 
tinguerles  Juifs  des  autres  peuples  ;  mais 


C  1  R 

outre  cela  elle  avoir  divers  eîfcts  moraux  ;  I 
elle  fervoit  à  rappeller  aux  Juifs  qu'ils  def- 
cendoient  du  père  des  croyans  ,  du  père  du 
Meflle  félon  la  chair  ;  elle  fervoit  à  les  ren- 
dre imitateurs  de  la  foi  de  ce  grand  homme, 
&  à  croire  au  Meflîe  qui  lui  avoit  été  promis; 
elle  étoit  un  fymboie  de  la  cireoncifion  du 
cœur,  félon  Moyfe  ,  Deme'ron.  xxx  ,  r  ,  6" , 
&  même  félon  Philon  ,  de  circumcijjone , 
elle  obligeoir  le  circoncis  à  l'obfervation  de 
toute  la  loi ,  Galat.  chap.  Vy  verf.  j  ;  enfin 
elle  étoit  la  figure  du  baptême.  Mais  mal- 
gré les  éloges  exceffifs  que  lui  donnent  les 
rabbins,  M.  Fleury,  àànslts  moeurs  des  Jfraé- 
lite's ,  obferve  que  les  Juits  n'avoient  point 
de  lentiment  unanime  far  la  ncceiiité  de  la 
cireoncifion  ;  les  uns  la  regardant  comme 
un  devoir  eflentiel ,  les  autres  comme  un 
fimple  devoir  de  bienféance. 

Les  théologiens  la  confiderent  comme  un 
facrement  de  l'ancienne  loi ,  en  ce  qu'elle 
étoit  un  figne  de  l'alliance  de  Dieu  avec  la 
poilérité  d'Abraham  :  Propter  hoc,  dit  faint 
Thomas,  in  lib.  IV^. /entent,  difi.  i ,  qucefi.j^ 
art.  z  y  adv.  iv  ,  qiuvfî.  quia  in  Abraham 
fides primo  habuit  quaji  notabilem  quamita- 
tem,  ut  propter fidei  religionemab  aliisfepa- 
raretur\  ideoeijignaculum^jivefacramentum 
■fidei  determinatum  fuit  y  fcilicet  circumcijio. 
Mais  quelle  grâce  ce  facrement  conféroit-il  , 
&  comment  la  conféroit-il  ? 

S.  Augufrin  a  prétendu  que  la  cireoncifion 
remettoit  le  péché  originel  aux  enfans.  Voici 
Ïqs  paroles  ,  lib.  IV p  de  nuptiis  Ù  concupif. 
cap.  ij.  Ex  quo  injiituta  efl  circumcifio  in  po- 
pulo De  if  quoderattuncfignaculum  juJîitiiX 
fidei  adjjgnificationem  purgationisvalebaty^ 
parvulis  orginalis  veterifque peccati.  C'efl  ce 
■qu'il  répète  dan5  fes  hvres  contre  Pelage  & 
■Cîleftius ,  contre  Julien  &  contre   la  let- 
tre de  Petilibn.  Saint  Grégoire  le  grand  n'efl 
-pas  moins  formel  dans  fes  traité?  de  morale 
fur  Job  :  Q^uod  apud  nos  valet  gratia  baptif- 
•matis  p  dit-il  ,  lii>.  IV y  chap.  iij  ,  hoc  egit 
apud  l'eteres  velpro  pari'ulis  fola  fides  y  vel 
.pro  majoribus  virtus  facrificii  ,  vel  pro  iis 
•qui  ex  Ahrahic  fiirpe  prodierunt  myflerium 
circumcifi.onis.LQ  vénérable  Bcde,  S.  Ful- 
gence,  S.   Profpcr ,  embrafTent    la    même 
dodrine ,    ainfi    que    plufieurs   théologiens 
•diilingués  ,  tels  que  le  maître  des  fentences, 
oqui  dit  exprefléraent  ifuit  cirçumcifionis fa- 


C  I  R  1C9 

cramentum  dem  conferens  remedîum  contra 
peccatumy  quodnunc  baptifmus  prœfiat.  Ale- 
xandre de  Halès  ,  Scor  ,  Durand,  S.  Bona- 
venture  &  Eftius  ,  penfent  de  même  :  ces 
deux  derniers  ont  même  été  jufqu'à  avancer 
que  la  cireoncifion  conféroit  la  grâce  ex  opère 
operato  ,  comme  parle  l'école  ,  c'ell-à-dire 
de  la  même  manière  que  la  confèrent  les 
facremens  de  la  loi  nouvelle. 

Quelque  rcfpedables  que  foient  toutes  ces 
autorités,  elles  ne  font  cependant  pas  infailli- 
bles; &  le  fentiment  le  plus  commun  des  théo- 
logiens efl,  après  S.  Thomas  ,  que  la  circon- 
ci/ion  n'avoit  point  été  inftituée  pour  fervir 
de  remède  au  péché  originel,  i^.  Le  texte  de 
la  genelé  cité  au  commencement  de  cet  arti- 
cle ,  ne  donne  la  circoncijion  que  comme  un 
figne  d'alliance  entre  Dieu  &  ion  peuple  ,  & 
nullement  comme  un  remède  à  la  tache  ori- 
ginelle. 2°.  S.  Paul  écrivant  aux  Romains  , 
enfeigne  exprelTément  qu'Abraham  reçut  le 
figne  de  la  cireoncifion  ,  qui  étoit  comme  le 
fceau  de  la  juftice  qu'il  avoit  eue  avant  que 
d'être    circoncis  :  Et  figniim  accepit   cir- 
çumcifionis jufiiticv  fidei  y  quœ  efl  in  prœpu- 
tio.Rom.  iv  y  verf.  z  z.  3*^._Tousles  p:?res  , 
avant  S.  Auguflin  ,  ont  foutenu  unanimement 
que  la  cireoncifion  n'avoit  point  la  vertu  d'ef- 
facer le  péché  originel  :  Abraham  ,  dit  S. 
Juflin,  dans  fon  dialogue  avec  Tryphon ,  c/r- 
ciimcifionem  accepit  injignum  non  adjufii-^ 
tiam^  qiiemadmodum  (3  fcripturœ  &resip- 
fcv  nosfateri  cogunt....  6'  quodgenus  mulie- 
bre  cirçumcifionis  carnalis  capax  non  efi,  fa- 
tis  idoflendit  infignum  datam  circumcifio- 
nemiftam^  non  utjuflitiœopus.  S.  Ircnée,//^'. 
iVjch.  xvj,  s'exprime  ainfi:  Circumcifionem 
non  qucifijuftitije  confummatricem^fedinfi- 
gno  eam  dédit  Deus^  ut  cognofcibile  perfeve- 
retgenus  Abrafiœ.  Et  Tertullien  dans  fon  ou- 
vrage contre  les  Juifs  ,  cfi.  ij.  Si  circum.cifio 
purgat  hominem  ,  Deus  Adam   incircumci 
fum  cum  jaceret^  ciir  eum  non  circumcidit  ; 
velpofiquam  detiquu^  fi  purgat  circumcifio} 
S.  Cyprien  ,  Uv.  I ,  contre  les    Juifs  ,  ch, 
viij  ;  faint  Chryfbfiome  ,  homélie     xxvij, 
fur  la    Genef.    S.    Ambroife  y  épît.  jz; 
S.    Epiphane  ,    Jiéref   viij.    Théodoret  , 
Theophilade  ,  (Ecuménius  ,  enfin  une  foule 
de  commentateurs  &  de  théologiens  ,  font 
de  ce  fentiment  :  les  principales  raifons  dont 
ils  l'appuient  i'ont  i^.  que  le  péché  Oiigind 


lïo  C  I  R 

étant  commun  aux  deux  fexes  ,  il  n'eût  été 
ni  de  la    fagefTe  ni  de  la  bonré  de  Dieu  de 
priver  le  fexe  féminin  du  remède  à  ce  péché  : 
2*^.  pourquoi  les  Juifs  auroient-ils  interrom- 
pu l'ufage  de  la. ci rconci/ion  pendant  les  qua- 
rante ans  qu'ils  voyagèrent  dans  le  déiert , 
où  il  efl:  probable  que  plufieurs  moururent 
fans  l'avoir  reçue  ?  pourquoi  eût-il  fallu  atten- 
dre au  huitième  jour,  les  enfans  ne    pou- 
voient-ils  pas  être  furpris  par  la  mort  dans 
cet  intervalle  ?  3°.  ni  Philonle  juif,  ni  les 
rabbins  anciens   &  modernes  qui  afFedent 
d'exalter  la  aV<:o/2c//ro/z  ,  ne  lui  ont  jamais 
attribué  la  vertu  d'effacer  le  péché  originel. 
L'autorité  de    S.  AuguHin  n'eil  donc  ici 
d'aucun  poids  :  il  lifoit  ou  dans  les  leptante 
ou  dans  l'ancienne  vulgate  :  tout  enfant  mâle 
dont  la  chair  n'aura  pas  été  circoncife  le  hui- 
tième jour  y  fera  exterminé  de  fon  peuple  ,• 
parce  quil  a  viplé  mon  alliance.  Alais  ces 
mots  y  le  huitième  jour  y  nt  fe  hfent  ni  dans 
l'hébreu  ni  dans  notre  vulgate  qui  ell  faite  fur 
l'hébreu.   2**.    S.  Augultin  croyoit  que  ces 
mots ,  fera  exterminé  de  fon  peuple  ,  iigni- 
fiokm  fera  condamné  à  P enfer  ;  &  dans  l'u- 
fage de  l'écriture  ,  &  félon  le  fenriment  com- 
mun àcs  interprètes ,  ils  fignifient  fimple- 
ment,  ou  être  puni  de  mort^  ou  être  enlevé  de 
ce  monde  par  une  mort  précipitée  ^    ou  être 
féparé  du  corps  des  Ifraëlites  y  ou  être  prive 
des  grâces  6"  des  prérogatives  attachées  à  l'al- 
liance de  Dieu  avec  Abraham.  3**.  C'efl:  de 
cette  dernière  alliance  qu'il  s'agit  uniquement 
.  dans  ces  mots^  ilaviolémon  alliance ,  &  non 
de  celle  que  Dieu  avoit  faite  avec  nos  premiers 
pères  ,  &  que  nous  avons  tous  violée  dans  la 
la  perfonne  d'Adam  ,  comme  fe  le  perfuadoit 
S.  Auguflin  ,  faute  d'attention  au  texte  du 
chap.  XV ij  de  la  Gen.  où  le  mot  paclum^  al- 
liance^ eit  répété  jufqu'àhuit  fois  ,  mais  tou- 
jours relativement  aux  engagemens  que  Dieu 
impofoit  à  A  braham. 

Quoique  la  circoncifion  ne  remit  pas  le 
péché  originel ,  elle  contéroit  quelques  grâ- 
ces ,  mais  moins  abondantes  ,  moins  effi- 
caces que  les  grâces  de  la  loi  évangélique. 
Elle  ne  les  conféroit  pas  néanmoins  par  fa 
propre  force  ,  mais  par  les  mérites  &  \t^ 
bonnes  difpofitions  de  ceux  qui  la  recevoient 
ou  qui  l'adrainiflroient ,  ex  opère  operantisy 
comme  on  parle  dans  l'école ,  &  non  pas 
ex  opère  operato  ,  ainfi  que  ceux  de  la  loi  1 


c  I  a 

■  nouvelle  ;  c'efl  la  doârine  du  concile  de  Flo- 
rence &  du  concile  de  Trente.  V.  la  differtat, 
deT)QTQ.Qd\.\x\tx.furlés  effets  de  lacircon-^ 
cijion  y  à  la  tête  de  fon  commentaire  fur  l'épi" 
tre  aux  Romains. 

'      L'origine  &  l'ufage  de  la  circoncifion  chez 
d'autres  peuples  que  les  Hébreux ,  eft  facile 
à  démontrer  ;  mais  tous  l'ont  tirée  d'Abra- 
ham &  de  (qs  delcendans.    Ifmaël    chaffc- 
de  la  maiion  de   ce  patriarche  ,  la  commu- 
niqua au  peuple  dont  il  fut  le  père,  c'efl-à- 
dire  aux  Ilrnaélites  &   aux  Arabes  ;  &    de 
ceux-ci  elle  a  été  tranfmife  aux  Sarrafins , 
aux  Turcs  ,  &  à  tous  les  peuples  qui  profef- 
lent  la  dodrine  de  Mahomet.  Les    Phéni- 
ciens &  les  Syriens  la   pratiquoient   aulîi. 
Sanchoniathon  ciré  par  Eufebe  ,    préparât, 
evangél.  liv.  /,  dit  que  Saturne  qui  efl  nom- 
mé Ifmaél  par  les  Phéniciens  ,  n'ayant  qu'un 
fils  nommé  Jeud ,  l'immola  fur   un   autel 
qu'il  avoit  adrefle  à  fon  père  dans  le  ciel  :  & 
qu'ayant  pris  la  circoncifion  ,  il  contraignit 
tous  (qs  foldats  d'en  faire  de  même.  Delà 
eiî  venu  parmi  les  Phéniciens  la   coutume 
qu'avoient  les  princes  d'immoler  leur  fils 
dans  les  plus  prenantes  néceiiités  de  l'état  ; 
&  delà  vient  aufli  apparemment  l'uiàge  de 
\z  circoncifion  parmi  ce  peuple.  Ce  récit  ef! 
viliblement  l'hilioire  d'Abraham  altérée  par 
des  fables  ,  comme  on  en  rencontre  beau- 
coup de  femblables  dans   les  fragmens  de 
Sanchoniathon,  qu'Eufebe  nous  a  confervés. 
Les  Iduméens  ,  quoique  defcendus  d'Abra- 
ham &  d'Laac,  ne  fe  firent  circoncire  que 
depuis  que   Jean  Hircan  \qs  eut  fubjugués 
&  forcés  à  recevoir  la  arco/ici^o/z ,  comme 
Jofeph  le  raconte,  antiq.jud.   liv.  XIII y 
ch.  XV ij. 

\^ts  Turcs  ont  une  manière  de  circoncire 
diiférente  de  celle  des  Juifs  ;  car  après  avoir 
coupé  la  peau  du  prépuce  ,  ils  n'y  touchent 
plus  ,  au  lieu  que  les  Juifs  déchirent  en  plu- 
lieurs  endroits  les  bords  de  la  peau  qui  res- 
tent après  la  circoncifion  :  c'eft  pourquoi  les 
Juifs  circoncis  guériflênt  plus  facilement  que 
les  Turcs.  Ceux-ci  avant  la  circoncifion  prêt 
(ènt  auffi  la  peau  à  plufieurs  reprifes  avec 
de  petites  pinces  ,|)our  l'engourdir  &  dimi- 
nuer la  douleur  :  ils  la  coupent  eniuite  avec 
un  rafoir ,  puis  ils  mettent  fur  la  plaie  quel- 
ques poudres  qui  la  guérifient.  Mais  comme 
ils  ne  croient  pas  cette  cérémonie  néceliàire 


au  fsliu ,  ils  ne  h  font  à  leurs  çnCms.  que 
quand  ceux-ci  ont  atteint  l'âge  de  7  ou  8 
ans.  On  voit  dans  les  mémoires  de  rétoile 
fous  l'année  1581,  qu'Amurat  III  voulant 
faire  circoncire  fon  fils  aiaé  âgé  d'environ 
quatorze  ans ,  envoya  un  ambaffadeur  à 
Henri  III  pour  le  prier  d'affiikr  à  cette  cé- 
rémonie ,  qui  devoit  fe  célébrer  à  Conflan- 
tinople  au  mois  de  mai  de  l'année  fuivante. 
Les  ligueurs,  &  fur-tout  leurs  prédicateurs, 
prcnoient  occalion  de  cette  ambafîàde  d'ap- 
peller  Henri  III  le  roi  turc ,  &  lui  repro- 
choient  qu'il  étoit  parrain  du  fils  du  grand- 
feigneur.  ♦ 

Les  Perfans  ne  circoncifent  leurs  enfans 
qu'à  treize  ans  ,  ainfi  que  les  Arabes  ,  en 
mémoire  d'Ifmaël  qui  ne  fut  circoncis  qu'à 
cet  âge.  Ceux  de  Madagafcar  coupent  la 
chair  à  trois  différentes  reprifcs ,  &  font 
beaucoup  fouifrir  les  enfans  :  celui  des  pa- 
ïens qui  fe  faiilt  le  premier  du  prépuce  cou- 
pé ,  l'avale.  Herrera  parle  d'une  elpece  de 
circoncifion  en  ufage  chez  les  Mexicains  , 
quoiqu'ils  n'euffent  aucune  connoiflance  du 
Judaïfme  ni  du  mahométifme  :  elle  confif- 
toit  à  couper  le  prépuce  &  les  oreilles  aux 
enfans  fi-tôt  qu'ils  étoient  nés.  En  réchap- 
poit-il  beaucoup  de  cette  opération  ? 

A  l'égard  de  la  circoncijion  des  femmes, 
elle  n'a  jamais  été  en  ulage  chez  les  anciens 
Hébreux  ,  non  plus  que  chez  les  Juifs  mo- 
dernes ,  mais  feulement  chez  les  Egyptiens  , 
&  dans  quelques  endroits  de  l'Arabie  &  de 
laPerfe.  S.  Ambroife,  tib.  Il,  de  Abraham, 
cap.  xj.  avance  indéfiniment  que  les  Egyp- 
tiens donnent  la  circoncifion  aux  hommes  & 
aux  femmes  au  commencement  de  la  quin- 
zième année  ;  &  Strabon,  liv.  XVII y  dit 
aulfi  que  les  femmes  égyptiennes  reçoivent 
la  circoncifion.  M.  Huet  dit  à  ce  fujet  des 
chofes  allez  curieufes  ,  dans  une  note  latine 
fur  Origene  que  nous  tranfcrirons  ici  :  Cir- 
camcifio  fœminanim fit  refeclione  T«f  fOjajjK 
(;imo  clitoridis),  quce  pars  in  Aufiralium 
prœfertim  mulieribus  ita  excrefcit  y.utferro 
fit  ccercenda.  Ita  tradunt  medici  infignes  y 
Paulus  j^ginetay  lib.  VI y  cap.  Ixx.  Aetius, 
retrab.  ii-'yjer.  4^  ciij,  quorum  hic  itapergit. 
Quapropter  ^gyptiis  vifum  eft  ,  ut  ante- 
quam  exuberet  (pars  illar*corporis)  ampute- 
tur  y  tumprxcipuè  cum  v irgine s  nubiles  funt 
dlocandce Qitod  igiturnecejfitate.primum 


CIR  Tir 

inventitm  r/?,  religioni  pofimodum  ufurpa- 
twnfuit  :  quod  &  aliqui  de  virili  circumci^ 
fione  opinati  funt.  Porro  hanc  confuetudi" 
nem  circumcidendarum  mulierum  hodieque 
retinere  ^gyptios  ,  ferunt  ii  qui  regiones 
nias  luflraverunt y  ignemque  adcompefcen-" 
dam  partis  hujus  luxuriem  adhiberiy  fcrihit 
Bellon.  lib^  Illyobferi'.  cap.  xxi'iij.  Morem 
hune  fe  ri' are  fœ  minas  in  Perfiây  &  Cophtas 
etiam  in  AEthiopiâ ,  Chrifii  licèt  nomeit 
profeffas.  Léo  Africanus^  lib.  VIII y  nar~ 
rat.  Mahummedi  lege  idprœfcribiy  quamvis 
in  JEgypto  tantum  Ù  Syriâ  obtineac  ;  mu^- 
nufque  id  obire  vetulas  quafdam  per  picos 
Cairiminifierium  fuuni  penditantes, 

Paul  Jove  &  Munfler  difent  que  la  ar^ 
concifion  cÇt  en  uf^ge  chez  les  fujets  du  Prête- 
Jean  ou  les  Abyflins  ,  même  pour  les  fem- 
mes ;  que  c'efl  pour  elles  une  marque  de 
noblelîè  ;  mais  qu'on  ne  la  donne  qu'à  celles 
qui  prétendent  defccndre  de  Nicaulis  reine 
de  Saba ,  celle  qui  vint  vcnr  Salomon.  Il  eft 
fort  probable  que  c'eft  des  anciens  Egyptiens 
ou  des  Arabes  que  les  peuples  d'Afrique  ont- 
reçu  la  circoncifion.. 

l.Qi  Juifs  modernes  ne  font  point  recevoir 
cette  marque  à  leurs  filles  ;  mais  au  com- 
mencement du  mois  ,  après  que  la  mère  efl 
relevée  de  fes  couches  ,  elle  va  à  la  fyna- 
gogue  ;  là  le  chantre  dit  une  bénédidion  en 
faveur  de  la  petite- fille  ,  &  lui  impafe  le  nom 
que  le  père-  ou  la  mère  défirent.  Chez  les 
juifs  d'Allemagne  cette  cérémonie  ne  fe  fait 
point  à  lafynagogue  ,  mais  au  logis  de  Fac- 
couchée  ,011  le  chantre  fe  rend  pour  cet 
effet.  (G) 

Circoncision  de  notre-Seigneur  Je^ 
fus-Chrifl  y  fête  qui  fe  célèbre  dans  l'égHfe 
romaine  en  mémoire  de  la  circoncifion  du 
'  Sauveur  ,  qui  n'étant  pas  venu  ,  comme  il  le 
dit  lui-même  ,  pour  enfreindre  la  loi  ,  mais 
pourl'accomplir,  voulut  bien  s'y  foumettre 
en  ce  point..  On  croit  communément  que  ce 
fut  dans  Bethléem  ,  &  félon  fa'mt  Epiphane^ 
dans  la- grotte  où  il  étoit- né.  Il  reçut  dans 
cette  cérémonie  le  nom  de  Jefus  ,  c'ell-à- 
dire ,  Sauveur.  Luc  ^  ch.  xj  y  v.  z  i . 

On  appelloit  autrefois  cette  fête  VoBavt 
delà  nativité  y  &  elle  ne  fût  établie  fous  le 
nom  àz  circoncifion  que  dans  le  vij^.  fiecle  , 
&  alors  feulement  en  Efpagne.  En  France  , 
Iç  premier  dejanvier,  jour  auquel  elle  tombej^ 


111  C  I  R 

ëtoit  un 'jour  de  pénitence  &  de  jeûne  , 
pour  expier  les  fu perftitions  &  les  dérégle- 
mens  auxquels  on  (e  livroit  en  ce  temps  -  là , 
&  qui  étoient  un  refte  du  paganifme.  A  ces 
divertifîèm ens  profanes  qui  turent, entière- 
ment abolis  ,  fuivant  l'avis  de  la  faculté  de 
théologie  de  Paris  ,  en  1444  ^  on  a  fubilitué 
une  fête  folemnelle  qu'on  célèbre  par  toute 
l'églile  ,  &  qui  ell  aufli  la  véritable  fête  du 
nom  de  Je  fus.  (G) 

CIRCONFÉRENCE,  fubfî.  fém.  fe  dit 
dans  les  élémens  de  géométrie  ,  de  la  ligne 
courbe  qui  renferme  un  cercle  ou  un  efpace 
circulaire  ,  &  qu'on  nomme  aufli  quelque- 
fois j5m/>/îm>.  J^oyf;[ Cercle.  Ce  motefl 
formé  du  latin  circum  ,  environ  &  à^feroy 
je  porte. 

Toutes  les  lignes  tirées  du  centre  à  la  cir- 
conférence du  cercle,  &  qu'on  appelle  rayons , 
ibnt  égales  entr'elies.  V.  RAYONS. 

Une  partie  quelconque  de  la  circonférence 
s'appelle  arc  ;  une  ligne  droite  tirée  d'une  ex- 
trémité de  cet  arc  à  l'autre ,  s'appelle  la  corde 
de  cet  arc.  V.  Arc  6"  Corde. 

\.A circonférence  du  cercle  ef^  fuppofée  di- 
vifée  en  300  parties  égales  ,  qu'on  appelle 
degrés.  V.  De  G  RÉ. 

L'angle  à  la  circonférence  eft  fous-double 
de  celui  qui  eft  au  centre.  Voy.  Angle  6" 
Centre. 

Tout  cercle  eft  égal  à  un  triangle  redi- 
iigne  ,  dont  la  bafe  efl  égale  à  la  circonfé- 
rence &  la  hauteur  égale  au  rayon.  Voye\ 
Triangle. 

Les  circonférences  font  entr'elies  comme 
leurs  rayons.    Voye^  RayoN, 

De  plus  ,  puifque  la  circonférence  de  tout 
cercle  efl  à  fon  rayon  comme  celle  de  tout 
autre  cercle  efî  au  fien  ,  la  raifon  de  la  cir- 
conférence au  rayon  ell  donc  la  môme  dans 
fous  les  cercles. 

Archimede  donne  pour  raifon  approchée 
du  diamètre  à  la  circonférence  ,  celle  de  7 
à  22.  Cette  propofirion  d' Archimede  eft 
démontrée  dansl  a  géométrie  du  P.  Taquet. 

D'autres  qui  approchent  plus  de  la  vé- 
rité ,  la  font  de  iooooooooooooocx)o  à 
31415926^35897932. 

Dans  l'ufage  ,  Viette  ,  Huyghens  ,  fi'c. 
donnent  la  proportion  de  100  à  314  pour 
despetits  cercles,  &  celle  de  loooo,  à  3 14 15 
pour  les  grands  cercles  ;  mais  la  proportica  1 


cia 

la  plus  jufte  en  petits  nombres  eft  celle  de 
Merrius  ,  favoir de  113  à355.  Voy,  DIA- 
METRE. 

D'où  il  fuit  que  le  diamètre  d'un  cercle 
étant  donné  ,  on  ji  auiîi  fa  circonférence  , 
laquelle  multipUée  par  le  quart  du  diamè- 
tre, donne  l'aire  du  cercle.  Voye\  AiRE.. 
Chambers. 

Circonférence,  fe  dit  aufTi  en  général 
du  contour  d'une  courbe  quelconque.  VoyeT^ 
Courbe.  {E) 

CIRCONFLEXE,  adj .  en  terme  de  gram- 
maire  y  ^cc^m  circonflexe.  Voy.  AcCENT. 

CIRCONLOCUTION,  {.(.(Belles-^ 
Lettres.  )  C'eft  une  courte  définition  qui 
s'emploie  à  déligner  la  chofe  qu'on  ne  peut 
ou  qu'on  ne  veut  pas  nommer. 

Cemonflre  à  voix  humaine,  aigle  y  femme 
&  lion.  (Vol.) 

Cet  art  ingénieux  , 

De  peindre  la  parole  &  de  parler  aux  yeux. 

(  Brebeuf.  ) 
.     .     Rudis  indigeflaque  moles, 
Etmalèjunciarum  difcordiafemina  rerum. 

(  Ovid.  ) 

La  circonlocution  annonce  la  pauvreté 
d'une  langue  ,  mais  elle  y  lupplée  avec  avan- 
tage ,  &  fait  elle-même  la  richeffe  du  ftyle  , 
par  les  idées  qu'elle  ralTemble  ou  qu'elle  ré- 
veille en  palTant;  elle  contribue  aufli  quelque- 
fois à  l'élégance  &  à  la  noblefle  ,  en  évitant 
le  voilinage  des  idées  bafîes  ou  rebutantes 
que  le  terme  propre  rappelleroit.  Voy.  dans 
Sémiramis ,  comme  Tidée  des  médicamens^ 
ell  ennoblie  : 

Ces  végétaux    puiffans  qu*en    Perfe  on 

voit  éclore  , 

Bienfaits  nés  dans  fon  fein  de  Vafire. 
qu^elle  adore. 

On  emploie  fouvent  la  circonlocution  à  la 
place  des  termes  que  l'habitude  &  le  préjugé 
ont  avihs  :  qu'(Enone  eût  dit  à  Phèdre  :  // 
y  a  trois  jours  que  vous  nave-{  bu  ni 
mangé  ;  cela  feroit   ignoble. 

Et  le  jour  a  trois  fois  chaffé  la  nuit  obfcure 

Depuis  que  votre  corps  languit  fans 
nourriture. 

Voilà  comment  la  même  idée  ell  ennoblie 
par  un  détour  :  c'eft  le  befoin  qui  a  inventé 
la  circonlocution. 

Indiciifque  in  rébus  egefias. 

Et 


C  I  n 

Et  il  en  cil  des  orneraens  du  flyle  comme 
de  ceux  de  l'afcbitedure. 

Quodqiie  olim  ufus  inops  reperit  ,  nunc 

ipfa  voluptas 
Pofiulat. 

Ainii  la  circonlocution  y  qui  fut  d'abord  un 
figne  de  pauvreté  dans  une  langue  ,  eu  deve- 
nue dans  la  fuite  un  ornement  de  luxe  dont 
on  a  fouvent  abulé. 

Le  grand  ufage  de  la  circonlocution  eu 
dans  les  chofes  de  délicatefïè ,  de  finefïè  ou 
de  décence  ;  car  ces  trois  caraderes  de  la 
penfée  tiennent  aux  foins  qu'on  a  de  la  voiler 
à  demi  par  une  expreffion  myftérieufe ,  & 
d'éviter  par  un  détour  la  trop-  grande  clarté 
du  mot  jufte  &  précis.  V.  FiNESSE  ,  DÉ- 
LICATESSE ,  DÉCENCE,  Esprit  ,  {M. 
Marmontel.  ) 

^  CIRCONPOLAIRE  ,  adj.  (  Aflron.  ) 
étoiles  circonpolaires  y  ce  font  celles  qui  font 
lîtuées  près  de  notre  pôle  boréal ,  qui  tour- 
nent autour  de  lui  fans  fe  coucher  jamais 
par  rapport  à  nous ,  c'eft-à-dire  ,  fans  s'abaif- 
fer  jamais  au  deflbus  de  notre  horizon.  Il  eft 
bien  aifé  de  déterminer  la  partie  du  ciel  qui 
renferme  les  étoiles  circonpolaires ,  par  exem- 
ple pour  Paris.  Comme  Paris  eft  éloigné  de 
î'équateur  de  à^^  5*^'  >  or^  n'a  qu'à  prendre 
depuis  le  pôle  ar6i:ique  de  part  &  d'autre 
de  ce  pôle  48^  50' ,  &  toutes  les  étoiles 
qui  feront  renfermées  dans  cette  zone  de 
49^  40'  ,  ne  fe  coucheront  jamais  à  Paris. 
V.  Etoile  ,  Pôle  ,  Coucher. 

Toutes  les  étoiles  comprifes  dans  l'hémil^ 
phere  boréal  ou  feptentrional ,  font  circon- 
polaires pour  les  habitans  du  pôle  ardique  , 
c'eft- à-dire  ,  ne  le  couchent  jamais  pour 
eux.  (O) 

^  CIRCÇNSCRIPTION,  f.  f.  {Géomét) 
c'efl  l'action  de  circonfcrire  un  cercle  à  un 
polygone ,  ou  un  polygone  à  un  cercle  ,  ou  à 
toute  figure  courbe.   V.  CIRCONSCRIRE. 

La  circonfcription  des  polygones  ne  con- 
fiée que  dans  l'art  de  tirer  des  tangentes  ; 
car  tous  les  côtés  d'un  polygone  circonfcrit 
à  une  courbe  ,  font  des  tangentes  de  cette 
courbe.  V.  Tangente.  {E) 

CIRCONSCRIRE  ,  en  géométrie  élé- 
mentaire y    c'efl  décrire  une  figure  régulière 
autour  d'un  cercle  ,  de  manière  que  tous  fes 
cotés  deviennent  autant  de  tangentes  de  la 
Tome  VIIL 


C  I  R 


115 


circonférence  du  cercle.  Voye\  CeRCLE  , 
Polygone  ,  &c. 

Ce  terme  fe  prend  aufîî  pour  la  defcrip- 
tion  d'un  cercle  autour  d'un  polygone  ,  de 
façon  que  chaque  côté  d'un  polygone  foit 
corde  du  cercle  ;  mais  dans  ce  cas ,  on  dit 
que  le  polygone  eft  infcrit  y  plutôt  que  de 
dire  que  le  cercle  eft  circonfcrit. 

Une  figure  régulière  quelconque  ABC 
D  E  {PL  de  Géomét.fig.  z^.)  infcrite  dans 
un  cercle ,  fe  réfoud  en  des  triangles  fèm- 
blables  &  égaux ,  en  tirant  des  rayons  du 
centre  -F du  cercle  ,  auquel  le  polygone  ell 
infcrit ,  aux  difFérens  angles  de  ce  polygo- 
ne ,  &  fon  aire  ell  égale  à  un  triangle  rec- 
tangle ,  dont  la  bafc  feroit  la  circontérence 
totale  du  polygone ,  &  la  hauteur  une  per- 
pendiculaire F  H  tirée  du  centre  du  polygo- 
ne fur  un  de  fes  côtés  ,  comme  A  3. 

On  peut  dire  la  même  chofe  du  polygone 
circonfcrit  ab  cd e  {fi.g.  z8. )  ,  excepté  que 
la  hauteur  doit  être  ici  le  rayon  FR. 

L'aire  de  tout  polygone  ,  qui  peut  être 
infcrit  dans  un  cercle ,  elt  moindre  que  celle 
du  cercle  ;  &  celle  de  tout  polygone ,  qui 
y  peut  être  circonfcrit  y  eu  plus  grande.  Le 
périmètre  du  premier  des  deux  polygone* 
dont  nous  parlons  ,  eft  plus  petit  que  celui 
du  cercle  ,  &  celui  du  fécond  eft  plus  grand, 
V.  PÉRIMÈTRE  ,   &C. 

C'eil  de  ce  principe  qu'Archimede  efl 
parti  pour  chercher  la  quadrature  du  cercle, 
qui  ne  confifle  etFedivement  qu'à  déterminer 
l'aire  ou  la  furface  du  cercle.  V^,  QUA- 
DRATURE. 

Le  côté  de  l'exagone  régulier  eft  égal  au 
rayon  du  cercle  circonfcrit.  V.  ExAGONE. 

Circonfcrire  un  cercle  d  un  polygone  régu- 
lier donné  y  AB  C  DE  {fi.g.  z8.)  y  Ù  réci- 
proquement. Coupez  pour  cela  en  deux  par- 
ties égales  deux  des  angles  du  polygone  ,  par 
exemple  A  &c  B  ;  &:  du  point  F  y  où  les 
deux  lignes  de  fèdions  fe  rencontrent ,  pris 
pour  centre ,  décrivez  avec  le  rayon  FA  un 
cercle. 

Circonfcrire  un  quatre  autour  d'un  cercle. 
Tirez  deux  diamètres^  ^,  D  E  {fig.  3t  •)  y 
qui  fe  coupent  à  angles  droits  au  centre  C  ; 
&  par  les  quatre  points  où  ces  deux  diamè- 
tres rencontreront  le  cercle  ,  tirez  quatre 
tangentes  à  ce  cercle ,  elles  formeront  par 
l  leur  rencontre  le  quarré  demandé. 


114  C  I  R 

Circenfcrire  un  polygone  régulier  quelcon- 
que ,  par  exemple  un  pentagone  autour  d'un 
cercle.  Coupez  en  deux  parties  égales  la  corde 
A  E  dt  l'arc  ou  de  l'angle  qui  convient  à  ce 
polygone  {fig.  3.8.)  y  par  la  perpendiculaire 
FO  partant  du  centre  ,  &  vous  la  continue- 
rez jufqu'à  ce  qu'elle  coupe  l'arc  en  g.  Parles 
points  A  yT y  tirez  des  rayons  A  E  ,  EF  -^ 
&  par  le  poinrg"  une  parallek  h  A  E  y  qui 
rencontre  ces  rayons  prolongés  en  a  y  e  ; 
alors  a e  fera  le  zoû  du  polygone  circonfcrit. 
Prenez  la  corde  A  B  =  A  E  ;  tirez  le 
rayon  F  B  y  &c  prolongez-le  en  b  jufqu'à 
ce  que  Fb  foit  égal  à  Fe ;  tirez  enfuite  ab y 
ce  fera  un  autre  côté  du  polygone  y  &  vous 
tracerez  tous  les  autres  de  la  même  manière. 

Tnfcrire  un  polygone  régulier  quelconque 
dans  un  cercle.  Divifez  360^  par  le  nombre 
des  côtés ,  pour  trouver  la  quantité  de  l'an- 
gle EF D  ;  faites  un  angle  au  centre  égal 
à  celui-là ,  &  appliquez  la  corde  de  cet 
angle  à  la  circonférence ,  autant  de  fois 
qu'elle  pourra  y  être  appliquée  ;  ce  fera  la 
figure  qu'il  falloit  infcrire  dans  le  cercle. 
Chambers.  (E) 

Circonscrit  ,  adj.  {Géomét.)  On  dit , 

en  géométrie  y  qu'un  polygone  eft  circonfcrit 
à  un  cercle  ,  quand  tous  les  côtés  du  polygo- 
ne font  des-  tangentes  au  cercle;  &  qu*"un 
cercle  efl  circonfcrit  à  un  polygone  ,  quand 
la  circonférence  du  cercle  palîè  par  tous  les 
lommets  des  angles  du  polygone»  J^^ CIR- 
CONSCRIRE. (£) 

Hyperbole  circonscrite  ,  dans  la 
h^ute  géométrie  ^  efl  une  hyperbole  du  troi- 
fîeme  ordre  ,  qui  coupe  fes  afymptotes  ,  & 
dont  les  branches  renferment  au  dedans 
d'elles  les  parties  coupées  de  ces  afymptotes. 
Telle  eu  la  courbe  ou  portion  de  courbe 
C  Ey  DH{fig.  5^  ,  Analyfe.  )  ,  dont  les 
branches  C  E  y  D  H  y  font  chacune  au  de- 
hors dé  leurs  afymptotes  refpedives  A  E  y 
A  G.  Voyei  CoURBE.  (O) 

CIRCONSPECTION  ,  RETENUE  , 
CONSIDÉRATION,  ÉGARDS,  MÉ- 
NAGEMENS  ,  fynonym.  (Gramm.)  Une 
attentioQ  réfléchie  &  mefurée  fur  la  façon 
de  parler ,  d'agir  &  de  fè  conduire  dans  le. 
commerce  du  monde  par  rapport  aux  au- 
tres ,  pour  y  contribuer  à  leur  fatisfadion 
plutôt  qu'à  la  fienne  ,  eft  l'idée  générale 
que  ces. cinq  mots  préfentent  d'abord  ,.fui- 


C  I  R 

vant  la  i-emarque  de  l'abbé  Girard.  Il  me 
paroît  que  voici  les  différences  qu'on  y  peut 
mettre. 

La  circonfpeclion  eft  principalement  dans 
le  difcours  :  la  retenue  eft  dans  les  paroles 
comme  dans  les  adions ,  &  a  pour  défaut 
oppofë  r  impudence  :  la  conjidération  ,  les 
égards  &  les  ménagemens  font  pour  les  per- 
fonnes  ,  avec  cette  différence  ,  que  la  conji- 
dération &  les  égards  font  plus  pour  l'état , 
la  fituation  &  la  qualité  des  gens  que  l'on 
fréquente  ,,&  que  les  ménagemens  regardent 
plus  particulièrement  leurs  inclinations  & 
leur  humeur. 

La  conjidération  femble  encore  indiquer 
quelque  chofe  de  plus  tort  que  ks  égards  ,* 
elle  marque  mieux  le  cas  qu'on  fait  des  per- 
fonnes  que  l'on  voit ,  l'eflime  qu'on  leur 
porte  en  réalité ,  ou  feulement  en  apparence  , 
ou  un  devoir  qu'on  leur  rend.  Les  égards 
tiennent  davantage  aux  règles  de  la  bien- 
féance  &  de  la  politeffe. 

Toutes  ces  qualités  ,  circonfpeclion  y  rete- 
nue y  conjidération  y  égards  y  ménagemens  y 
font  uniquement  les  fruits  de  l'éducation, 
&  l'on  peut  les  pofleder  éminemment  fans- 
etre  plus  vertueux  ;  mais  comme  on  ne  re- 
cherche guère  dans  la  fociété  que  l'écorce  , 
on  a  mis  à  ces  qualités,  bonnes  en  elles-, 
mêmes ,  un  prix  fort  {îipérieur  à  leur  va- 
leur. Les  gens  du  monde  n'ont  pardeflûs 
\ts  autres  hommes  qu'ils  méprifent ,  qu'un; 
peu  de  vernis  qui  les  couvre  ,  &  qui  cache 
à  la  vue  leur  médiocrité .  leurs  défauts  & 
leurs  vices.  Article  de  M.  h  chevalier  de 
Jaucourt. 

*  CIRCONSTANCE  ,  CONJONC- 
TURE ,  f  f.  {Gramm.)  CirconflAnce  efî  re- 
latif à  l'adion  ;  conjonclure  cfl  relatif  au  mo- 
ment. La  circonflance  eft  une  de  fes  parti-, 
cularités  ;  la  conjoncture  lui  çfl  étrangère  ;; 
elle  n'a  de  commun  avec  l'adion  que  la  con-^ 
temporanéité.C'efl  un  état  de»  chofes  ou  des 
perfonnes  coexifîant  à  l'adion  ,  qu'il  rend; 
plus  ou  moins  fâcheux. 

CIRCONVALLATION  ,  {.  {.en  terme 
de  la  guerre  des  fie ge s  y  efl  une  ligne  formée 
d'un  fofré  &  d'un  parapet ,  que  les  afliégcans 
font  autour  de  leur  camp  ,  pour  le  défendre 
contre  les  fècours  qui  peuvent  venir  aux 
aflîégés.  F".  Ligne. 
Ce  mot  eft  formé  du  htlacircum  ^  autour , 


C  ï  R 

^  vallum  y   vallée  ou  élévation  die  terre. 

On  doit  obferver  dans  la  diipofition  de  la 
circoni'allation  : 

1*.  D'occuper  le  terrain  le  plus  avantageux 
des  environs  de  la  place ,  foit  qu'il  fe  trouve 
un  peu  plus  près  ou  un  peu  plus  loin  :  cela 
ne  doit  faire  aucun  fcrupule. 

2°.  De  fe  pofler  de  manière  que  la  queue 
des  camps  ne  Toit  pas  fous  la  portée  du  canon 
de  la  place. 

3°.  De  ne  point  trop  fe  jeter  à  la  campa- 
gne ,  mais  d'occuper  précifément  le  terrain 
nécelTaire  à  la  fureté  du  camp. 

4°.  D'éviter  de  fe  mettre  fous  les  com- 
mandemens  qui  pourroient  incommoder  le 
dedans  des  camps  &:  de  la  ligne  par  leur 
ilipériorité  ou  par  leur  revers.  Lorfque  ces 
détauts  fe  rencontrent ,  il  vaut  mieux  occu- 
per ces  commandemens ,  foit  en  étendant 
les  lignes  jufque-là  ,  foit  en  y  faifant  de 
bonnes  redoutes  ou  de  petits  forts ,  que  de 
s'y  expofer.  On  doit  auflî  faire  lervir  à  la  cir- 
convallacion  ,  les  hauteurs ,  ruilîeaux  ,  ravi- 
nes ,  efcarpemens ,  abattis  de  bois ,  buifîons  , 
&  généralement  tout  ce  qui  approche  de  fon 
circuit ,  &  qui  le  peut  avantager. 

La  portée  ordinaire  du  canon ,  tiré  à-peu- 
près  horizontalement  ou  fur  un  angle  d'en- 
viron dix  ou  douze  degrés  ,  peut  s'eftimer 
A-peu-près  de  noo  toifes.  Cette  portée  , 
fuivant  les  épreuves  de  M.  Dumetz,  rappor- 
tées dans  les  mémoires  de  Saint-Remi ,  eft 
beaucoup  plus  grande  ;  mais  dans  ces  épreu- 
ves le  canon  a  été  tiré  à  toute  volée  ,  c'eft-à- 
dire  fous  l'angle  de  4')  degrés.  Sous  ces  an- 
gles ,  (ts  coups  font  trop  incertains  ;  ainft  on 
doit  établir  pour  règle  générale  ,  que  la  queue 
des  camps  des  troupes  qui  campent  dans  la 
circonvallation  ,  doit  être  éloignée  de  la 
place  au  moins  de  iioo  toifes.  La  profon- 
deur de  ces  camps  eft  d'environ  3*^  toifes  , 
&  la  diilance  du  front  de  bandiere  à  la  ligne , 
de  120;  d'où  il  fuit  que  la  circonvallation 
doit  être  dirigée  à-peu-près  parallèlement  à 
la  place  ,  à  la  diftance  au  moins  de  i3>o 
ou  1400  toifes.  Elle  eft  flanquée  de  diftance 
en  diftance  par  des  angles  faillans  qu'on 
appelle  redans.  V.  Redans. 

La  mefure  commune  des  lignes  de  cir- 
convallation y  quant  au  plan ,  doit  être  de 
120  toifes  d'une  pointe  du  redan  à  l'autre. 
On  doit  obferver  de  placer  les  redans  dans 


CI  R  rry 

les  lieux  les  plus  érainens  ,  ôc  jamais  dans 
les  fonds  ;  comme  auffi  que  les  angles  des 
redans  foient  toujours  moins  ouverts  que  le 
droit ,  afin  que  fes  faces  fe  préfentent  moins 
à  l'ennemi.  V'oye^  le  trace' des  lignes  ,  plan- 
che XIII  de  fortification. 

L'ouverture  du  foflé  de  la  circonvallation 
doit  erre  de  15  ,  16  ou  18  pies,  iur  6  Xy  Se 
demi  de  profondeur  ,  taluant  du  tiers  de  la 
largeur. 

De  cette  façon  le  fofte  aura  18  pics  de 
large  à  fon  ouverture  ;  fa  largeur  au  fond  fera 
de  6  pies ,  ce  qui  donne  12  pies  de  largeur , 
réduite  fur  7  pies  &  demi  de  profondeur, 
revenant  par  toife  courante  A  deux  toifes 
cubes  &  demie  ;  c'eft  l'ouvrage  qu'un  payfan 
peut  faire  en  fept  jours  fans  beaucoup  fe 
fatiguer. 

Sur  ce  pié-là  ,  on  peut  propofèr  les  rae- 
fures  des  fix  profils  fuivans  pour  toutes  for- 
tes de  circonvallation.  On  ne  doit  en  em- 
ployer ni  de  plus  forts ,  ni  de  plus  foibles. 

Premier    profil. 


pies   pOttCi 
O 
O 

6 


Largeur  du  fofle  à  l'ouverture ,  .  .   18 
Largeur  du  même  fur  le  fond  ,  .     6 

Sa  profondeur , 7 

Contenu  du  fblide  de  fon  excava- 
tion ,  >.  . 15     o 

Le  temps  nécefTaire  à  fa  façon ,  .  .     Jjours^ 

Second    profil. 
Largeur  du  fofTé  à  l'ouverture , .  .   i^ 
Largeur  du  fond  du  même  ,  .  .  .     5 
Sa  profondeur  , 7 

Contenu  du  folide  de  fon  excava- 
tion par  toife  courante  ,  ....   12 
Le  temps  néceflaire  à  fa  façon  , .  .     6jours^ 

Troisième   profil. 

Largeur  du  fofîë  à  l'ouverture ,  .  .   14     o 
Largeur  du  même  fur  le  fond ,  .  .     48 

Sa  profondeur  , 6     6 

Contenu  du  folide  de  fon  excava- 
tion par  toife  courante  ,  ....   10     o 
Le  temps  néceflaire  à  fa  façon , .  .     ^joursi 

Quatrième    profil. 

Largeur  du  fofte  à  l'ouverture  , .  .   12    o 
Largeur  du  même  fur  le  fond  ,..40 

Sa  profondeur, 6    q 

Contenu  folide  de  l'excavation  par 

toife  courante ,  .  . 8     2, 


11^  C  1  R 

Le  temps  necefîaire  pour  achever  ,     ^  fours. 
Cinquième    profil. 

Largeur  du  fo fTé  à  l'ouverture ,  .  .   lo     o 
Largeur  du  même  fur  le  fond  , .  .     3     4 

Sa  profondeur  , •   -,  •  •     ^     ^ 

Contenu  folide  de  l'excavation  par 

toife  courante  , 5     7 

Le  temps  neceflaire  à  fa  façon ,  .  .     2  jours 

&  demi. 
Sixième    profil. 
Largeur  du  fofle  à  l'ouverture,  ..80 
Largeur  du  même  fur  le  fond  ,  .  .     20 

Sa  profondeur , 5     ^ 

Contenu  folide  de  l'excavation  par 

toife  courante , 4     ^ 

Le  temps  néceffaire  à  fa  façon  ,  .  .  1  jour  s. 
L'épaifl'eur  du  parapet  du  premier  profil 
efl  de  8  pies  ,  du  fécond  de  7  pies  ,  &  ainfi 
de  fuite  en  diminuant  d'un  pie.  Pour  la  hau- 
teur totale ,  elle  eft  de  7  pies  &  demi.  La 
banquette  a  4  pies  &  demi  de  largeur  ,  &  3 
de  hauteur.  Le  bord  de  la  contrefcarpe  du 
fûffé  efl  un  peu  plus  élevé  que  le  niveau 
de  la  campagne  ,  &  il  forme  une  efpece  de 
glacis  qui  cache  à  l'ennemi  le  pié  du  parapet  ; 
en  forte  qu'il  ne  peut  le  battre  ou  le  ruiner  , 
lorfqu'il  en  eft  éloigné.  V.  ces  diffère :is pro- 
fils y  PI  XlV^defonification. 

Pendant  la  confîrudion  des  lignes,  les 
ingénieurs  fe  partagent  entr'eux  leur  éten- 
due ,  pour  avoir  foin  que  les  mefures  foienr 
auin  exadement  obfervées  qu'il  eft  pofCble. 
La  diligence  du  travail  ne  permet  pas ,  au 
moins  en  France  ,  qu'on  y  apporte  grande 
attention  ;  mais  il  faut  cependant  faire  ob- 
ferver  les  talus  des  fofîes  ,  &  les  profondeurs 
portées  aux  profils  ;  autrement  cet  ouvrage 
fera  très-imparfait. 

On  failoit  autrefois  des  épaulemens  dans 
l'intervalle  des  hgnes  &  de  la  tête  des  camps  , 
environ  à  vingt  toifes  de  cette  tête,  &  de 
trente-cinq  ou  quarante  toifes  de  longueur , 
principalement  dans  les  parties  expofées  à 
quelque  commandement  des  dehors.  Ils 
etoient  difpofes  par  alignement ,  &  paral- 
lèles à  la  tête  des  camps  :  ils  avoient  neuf 
pies  de  haut  fur  dix  ou  douze  d'épaifî'eur, 
mefurés  au  fommet.  La  cavalerie  des  affié- 
.  geans  fe  mettait  derrière ,  quand  on  atta- 
quoit  les  lignes.  Cette  méthode  ne  fe  pra- 
tique plus  à  préfent.  On  fortifioit  aulfî  alors 


C  I  R 

les  lignes  de  circonvallation  par  des  forts  & 
par  de  grandes  redoutes  palilladées  ;  ce  qui 
ne  fe  pratique  plus  guère  ,  la  brièveté  de  nos- 
fieges  n'exigeant  point  tant  de  précautions. 
Voye-^  M.  le  maréchal  de  Vauban ,  attaque 
des  places. 

On  peut  fraifer  les  lignes  ,  &  on  le  fait 
quand  on  prélume  qu'elles  dureront  quelque 
temps  ,  &  que  les  environs  de  l'efpace  qu'el- 
les occupent ,  fournifTent  du  bois  propre  à 
cet  ouvrage. 

On  fait  encore  quelquefois  un  avant-fofîe 
devant  les  lignes,  de  douze  ou  quinze  pies 
de  largeur  par  le  haut  ,  &:  de  iix  ou  lépt  de 
profondeur.  Il  fe  fait  environ  à  douze 
ou  quinze  toifes  du  fofîé  de  la  ligne.  Son 
objet  cfl  d'arrêter  l'ennemi  lorfqu'il  vient 
attaquer  les  lignes ,  &  de  lui  faire  perdre 
bien  du  temps  &  du  monde  en  le  paifant.. 
M.  le  maréchal  de  Vauban  en  défapprou- 
voitl'uiage  ,  fur  ce  que  l'ennemi  étant  arrivé 
à  ce  fofïé  ,  fe  trouve  ,  en  fe  jetant  dedans  ,, 
à  couvert  du  feu  de  la  circonvallation.  Mais 
quelque  déférence  que  l'on  doive  à  ce  grand 
homme  ,  il  femble  néanmoins  qu'on  peut 
dans  plulieurs  cas  fe  fervir  avantageufement 
de  cet  avanr-fofîi.  Il  arrête  néceifàirement 
la  marche  de  l'ennemi ,  &  il  l'expofe  plus 
long- temps  au  feu  de  la  ligne  :  aufii  a-t-oa 
fait  en  dirîérenresoccafions  ,  des  avant-foûés' 
aux  lignes ,  depuis  M.  de  Vauban  ,  &  no- 
tamment a  la  circonvallation  de  Philisbourg, 
en  1734.  •  _  , 

Cette  circonvallation  étoît  encore  fortifiée, 
par  des  puits  d'environ  neuf  pies  de  diamè- 
tre à  leur  ouverture  ,  &  de  fix  à  fcpt  de  pro- 
fondeur. Ils  étoient  rangés  en  échiquier  ,  & 
affez  près  les  uns  des  autres  pour  empêcher 
de  paffer  dans  leurs  intervalles.  Les  Efpa- 
gnols  avoient  pratiqué  quelque  chofe  de  pa- 
reil au  fiege  d'Arras  en  1654  :  lenrcircon- 
vallation  étoit  défendue  par  des  efpeces  de 
petits  puits  de  deux  pies  de  diamètre  fur  un 
pié  &  demi  de  profondeur,  dans  le  milieii 
defquels  étoient  plantés  de  petits  pieux  qui 
pouvoient  nuire  beaucoup  au  paffage  de  la 
cavalerie.  Voye^  le  plan  &  le  profil  d'une 
partie  de  la  circonvallation  de  Philisbourg ,, 
PI.  XV  de  fortification  y  fig.  première. 

Cette  circonvallation  des  Efpagnols  paroîr 
avoir  été  copiée  de  celle  de  Céfar  à  Alexia. 
•  Voici  en  quoi  confiûoit  cette  dernière» 


C  I  R 

«  Comme  les  foldats  ctoient  occupés  en 
ti  même  temps  à  aller  quérir  du  bois  & 
9i  des  vivres  aflez  loin ,  &  à  travailler  aux 
7}  fortifications  ,  Céfar  trouva  à  propos  d'a- 
»  jouter  quelque  chofe  au  travail  des  lignes , 
9)  afin  qu'il  fallût  moins  de  gens  pour  les 
»  garder.  Il  prit  donc  des  arbres  de  médio- 
}>  cre  hauteur  ,  ou  des  branches  fortes  qu'il 
?3  fit  aiguifer  ;  &  tirant  un  fofle  de  cinq  pies 
7>  de  profondeur  devant  les  lignes  ,  il  les  y 
>j  fit  enfoncer  &  attacher  enlèmble  par  le 
9j  pié  ,  afin  qu'on  ne  pût  les  arracher.  On  re- 
7y  couvroit  lefoflé  de  terre  ,  enforte  qu'il  ne 
7J  paroifToit  que  la  tête  du  tronc ,  dont  les 
9)  pointes  entroient  dans  les  jambes  de  ceux 
}>  qui  penfoicnt  les  traverfer  :  c'efl  pourquoi 
77  les  foldats  les  appelloient  des  ceps  ;  & 
7i  comme  il  y  en  avoit  cinq  rangs  de  fuite  qui 
77  étoient  entrelacés  ,  on  ne  les  pouvok  évi- 
77  ter.  Au  devant  il  fit  des  f ofTes  de  trois  pies 
7)  de  profondeur ,  un  peu  étroites  par  le  haut, 
77  &  difpofées  de  travers  en  quinconce  :  là- 
97  dedans  on  fichoit  des  pieux  ronds  de  la 
97  groflêur  de  la  cuifTe  ,  brûlés  &  aiguifés 
77  par  le  bout,  qui  fortoient  quatre  doigts 
»  feulement  hors  de  terre  ;  le  refle  étoit  en- 
»  foncé  trois  pies  plus  bas  que  la  profondeur 
»  de  la  fofTe  ,  pour  tenir  plus  ferme  ,  &  la 
97  fofTe  couverte  de  broufîailles  pour  fervir 
»  comme  de  piège.  Il  y  en  avoit  huit  rangs 
>>  de  fuite  ,  chacun  à  trois  pies  de  diflance 
»  l'un  de  l'autre  ,  &  les  foldats  les  nom- 
»  moient  des  lys  ,  à  caufe  de  leur  refTem- 
»  blance.  Devant  tout  cela  il  fit  jeter  une 
y^  efpece  de  chaufl'e-trapes ,  qui  étoient  des 
»  pointes  de  fer  attachées  à  des  bâtons  de 
97  la  longueur  d'un  pié  ,  qui  fe  fichoient  en 
w  terre  ;  tellement  qu'il  ne  fortoit  que  ces 
w  pointes  ,  que  les  foldats  appelloient  des 
97  aiguillons  y  &  toute  la  terre  en  étoit  cou- 
97  verte.  »  Comment,  de  Céfar  ,  par 
d'Ablancourt. 

Les  lignes  de  circenvallation  ayant  peu 
d'élévation,  elles  n'ont  pasbefoin  de  bâfrions 
pour  être  flanquées  dans  toutes  leurs  par- 
ties comme  l'enceinte  d'une  place  ;  les  re- 
dans qui  font  d'une  conflruftion  plus  fim- 
ple  &  d'une  plus  prompte  expédition  ,  font 
fufîîfans  :  on  fait  feulement  quelques  baf- 
tions  dans  les  endroits  où  la  ligne  fait  des 
angles  ,  qu'un  redan  ne  défendroit  pas  auffi 
avaatageufement.  H  arrive  cependant  qu'on 


CIR  1,7 

fe  fert  auffi  quelquefois  des  baflions  pour 
flanquer  la  ligne  ,  principalement  lorfqu'elle 
a  peu  d'étendue  :  car  les  baftions  augmen- 
tent confidérablement  fa  circonférence.  La 
plus  grande  partie  de  la  circonvallation  de 
Philisbourg  en  1734-,  en  étoit  fortifiée. 

On  élevé  des  batteries  à  la  pointe  des  re- 
dans ,  pour  tirer  le  canon  à  barbette  par- 
defîîis  le  parapet.  On  le  tire  de  cette  ma- 
nière par-tout  où  on  le  place  le  long  de  la 
circonvallation. 

\.Qs  lignes  de  circonvallation  exigent  de 
très-fortes  armées  pour  les  défendre.  Si  l'on 
fuppofe  une  circonvallation  dont  le  rayon 
foit  de  1700  toifes,  ce  qui  efl  la  moindre 
diftance  du  centre  de  la  place  à  la  circon- 
vallation ^  on  aura  au  moins  12000  toifes 
pour  fa  circonférence  ,  en  y  comprenant  les^ 
redans  &  les  détours  ;  ce  qui  fait  à-peu-près 
cinq  lieues  communes  de  France. 

Si ,  pour  border  une  ligne  de  cette  éten- 
due ,  on  donne  feulement  trois  pies  à  cha- 
que foldat ,  il  faudra  24000  hommes  pour 
un  feul  rang  ;  &  pour  trois  de  hauteur  72000, 
lans  rien  compter  pour  la  féconde  ligne , 
pour  les  tranchées  &  les  autres  gardes  y 
qui  demanderoient  bien  encore  autant  de 
monde  pour  que  tout  fût  fùffifammenr 
garni.  Où  trouver  des  armées  de  cette  force  ? 
&  quand  on  dégarniroit  la  moitié  des  lignes 
les  moins  expolées  ,  pour  renforcer  celles- 
qui  le  feroient  le  çlu^  ,  on  ne  parviendroir 
pas  à  les  garnir  fuffifamment  à  beaucoup 
près  ;  d'autant  plus  que  fi  les  places  afïîé- 
gées  font  un  p>eu  confidérables ,  la  circon- 
vallation deviendra  bien  plus  grande  que 
celle  qui  cfl  ici  fuppofée  :  ce  qui  éloigne 
encore  plus  la  poflibilité  de  les  bien  garnir. 
Cette  confidération  a  partagé  les  fentimens 
des  plus  célèbres  généraux,  fur  l'utilité  dé- 
cès fortes  de  lignes.  Tous  conviennent  qu'il 
*^  a  des  cas  où  l'on  en  peut  tirer  quelque 
utilité,  fur-tout  lorfqu'elles  font  ferrées  & 
qu'elles  n'ont  qu'une  médiocre  étendue  ;. 
mais  lorfqu'elles  embrafîent  beaucoup  de 
terrain  ,  il  efl  bien  diflScile  de  les  défendre 
contre  les  attaques  d'un  ennemi  intelligente 

Lorfque  l'ennemi  fe  difpofe  pour  attaquer 
les  lignes  ,  il  y  a  deux  partis  à  prendre  :  le 
premier  de  lui  en  difputer  l'entrée  ,  &  le 
fécond  de  laifîer  une  partie  de  l'armée  pour 
la  garde  des  travaux  du  liege ,  &  d'aller  avec 


îiS  C  I  R    ^ 

le  refîe  nu  devant  de  rennemi  pour  le  com- 
battre. Ces  deux  partis  ont  chacun  leurs  par- 
tifans  parmi  les  généraux  :  mais  il  femble  que 
le  dernier  ell  le  plus  généralement  approuvé. 
L'inconvénient  qu'on  trouve  d'attendre 
l'ennemi  dans  les  lignes  ,  c'cft  que  comme 
on  ignore  le  côté  qu'il  choiiira  pour  Ton  at- 
taque ,  on  eft  oblige  d'être  également  fort 
dans  toutes  les  parties  de  la  ligne  ,  &  que 
lorfqu'elle  eft  fort  étendue  ,  les  troupes  fe 
trouvent  fort  éloignées  les  unes  des  autres 
pour  oppofer  une  grande  réfiftance  à  l'enne- 
mi du  côté  de  fon  attaque.  La  plupart  des 
lignes  de  circonvalladon  qui  ont  été  atta- 
quées ,  ont  été  forcées  :  ainii  le  raifonnement 
&  l'expérience  femblent  concourir  également 
à  établir  qu'il  faut  aller  au  devant  de  l'ennemi 
pour  le  combattre  ,  &  pour  ne  point  le  laifTer 
arriver  A  portée  de  la  circonvallation. 

Cependant  fans  vouloir  rien  décider  dans 
une  queftion  de  cette  importance  ,  il  femble 
que  lorlqu'une  ligne  peut  être  raifonnable- 
ment  garnie  ,  on  peut  la  défendre  avanta- 
geufement. 

Il  eft  inconteftable  que  ft  le  foldat  qui 
défend  la  ligne  ,  veut  profiter  de  tous  (es 
avantages  ,  il  en  a  de  très-grands  &  de 
très-réels  fur  l'affàillant.  Celui-ci  eft  obligé 
d'efluyer  le  feu  de  la  ligne  pendant  un  el- 
pace  de  temps  aflêz  confidérable  ,  avant  de 
parvenir  au  bord  du  foilë.  Il  fafut  qu'il  com- 
ble ce  folié  fous  ce  même  feu  ,  ce  qui  lui 
fait  perdre  bien  du  monde  ,  &  qui  doit  dé- 
ranger nécelTairement  l'ordre  de  Çts  troupes. 
Efl-il  parvenu  à  pénétrer  dans  la  ligne  ,  ce 
ne  peut  être  que  fur  un  front  fort  étroit  ; 
il  peut  être  chargé  de  front  &  de  flanc  par 
les  troupes  qui  font  dedans,  lefquelles  en 
faifiint  bien  leur  devoir  ,  doivent  le  culbu- 
ter dans  le  folîc. 

Suppofbns  qu'il  parvienne  à  faire  plier 
la  première  ligne  d'infanterie  qui  borde  la' 
ligne ,  la  cavalerie  qui  eft  derrière  ,  peur  (  & 
elle  le  doit  )  tomber  fur  l'infanterie  ennemie 
qui  a  pénétré  dans  la  ligne  ;  &  comme  elle 
ne  peut  y  entrer  qu'en  dcfordre  ,  il  eft  aife  à 
cette  cavalerie  de  tomber  defïïis  &  de  la 
culbuter. 
^  Malgré  des  avantages  fi  évidens ,  l'expé- 
rience, dit  M.  le  chevalier  de  Folard,  démon- 
tre que  le  foldat  eft  moins  brave  &  moins 
réfolu- derrière  un  retranchement  qu'en  rafe 


C  I  R 

campagne.  Il  met  toute  fa  confiance  dans  ce 
retranchement  ;  &  lorfque  l'ennemi ,  pour 
éviter  d'être  trop  long-temps  expofé  au  feu 
de  la  ligne  ,  fe  jette  brufquement  dans  le 
foffé  ,  &  qu'il  tâche  de  monter  de  là  fur  le 
retranchement ,  le  foldat  commence  à  per-^ 
dre  confiance  ;  &  il  la  perd  totalement  lorf^ 
qu'il  le  voit  pénétrer  dans  la  ligne.  "  On 
»  croit ,  dit  cei  auteur ,  le  mal  fans  remède , 
"  loriqu'il  n'y  a  rien  de  plus  aife  que  d'y 
j>  en  apporter ,  de  repoulier  ceux  qui  font 
»  entres  ,  &  de  les  culbuter  dans  le  fofîé  : 
»>  car  outre  qu'ils  ne  peuvent  pénétrer  en 
«  bon  ordre ,  ils  font  dégarnis  de  tout  leur 
»>  feu  ;  cependant  l'on  ne  fait  rien  de  ce  que 
'î  l'on  efè  en  état  de  faire  :  l'ennemi  entre  en 
»j  foule  ,  fe  forme  ,  &  l'autre  fe  retire  ;  &: 
»  la  terreur  courant  alors  dans  le  long  de  la 
»  ligne  ,  tout  s'en  va ,  toutfe  débande  ,  ians 
>)   favoir  fouvent  même  où  l'on  a  percé.  » 

On  peut  conclure  de  là  ,  que  lorfque  le 
foldat  connoîtra  bien  tous  les  avantages  que 
lui  procure  une  bonne  ligne  ,  qu'il  fera  dif- 
pofé  à  s'y  bien  défendre  ,  que  toutes  les  par- 
ties pourront  également  en  être  foutenues, 
&  enfin  qu'on  prendra  toutes  les  précautions 
nécefîaires  pour  n'y  être  point  furpris  ;  il 
fera  bien  difficile  à  l'ennemi  de  la  forcer. 

On  en  a  vu  un  exemple  au  fiege  de  Phi- 
lisbourg  en  1734.  Les  bonnes  difpofitions 
de  la  circonvallation  empêchèrent  le  prince 
Eugène  ,  après  qu'il  l'eut  bien  reconnue  , 
d'en  faire  l'attaque.  Il  fut  fimple  fpeâateur 
de  la  continuation  du  fiege  ,  &  il  ne  jugea 
pas  à  propos  ,  dit  l'hiftorien  de  fa  vie  ,  d'ef^ 
fayer  de  forcer  nos  lignes  ,  tant  elles  lui 
parurent  redoutables  &  à  l'abri  de  toute  in- 
fulte.  En  effet  leur  peu  d'étendue  les  mettoit 
en  état  d'être  également  défendues. 

Lorfqu'on  fe  trouve  dans  des  fituations 
femblables  ,  on  peut  donc  attendre  l'ennemi 
tranquillement  :  mais  lorfque  la  grandeur  de  la 
circonvallation  ne  permet  pas  de  la  garnir 
également,  le  parti  le  plus  sûr  eft  d'aller  au 
devant  de  l'ennemi ,  comme  le  fit  M.  le  ma- 
réchal de  Tallard  à  Landau  en  1703  ,  &  M. 
le  duc  de  Vendôme  à  Barcelone  en  1704* 

Tout  le  monde  fait  qu'au  fiege  de  Turin 
en  1705  ,  feu  M.  le  duc  d'Orléans  propofa 
de  prendre  le  même  parti  ;  &  que  pour  ne 
l'avoir  pas  pris  ,  l'armée  françoife  fut  obli- 
gée de  lever  le  fiege ,  parce  que  les  lignes 


C  I  R 

n'étolent  pas  également  bonnes  par-tout: 
rennemi  pénétra  d'un  c6té  qui  avoit  été 
Fiégligé  ,  il  força  les  troupes ,  &  fecourut  la 
ville. 

M.  le  chevalier  de  Folard  prétend  que  fans 
aller  au  devant  de  l'enn€mi ,  il  étoit  aifé  de 
l'empêcher  de  forcer  les  lignes ,  en  ne  fe 
négligeant  point  fur  les  attentions  néceflaires 
pour  les  foutenir  ;  que  pour  cela  il  falloit 
envoyer  affez  de  monde  pour  les  défendre 
du  coté  que  le  prince  Eugène  les  attaqua  : 
qu'elles  ne  valoient  abfolument  rien  de  ce 
côté ,  qui  n'avoit  pour  défenfe  que  la  feule 
brigade  de  la  marine  ,  qui  fut  obligée  pour 
le  garnir  ,  de  fe  ranger  fur  deux  de  hauteur, 
&  qui  dans  cet  état  repoufîa  pourtant  l'en- 
nemi :  mais  que  pendant  l'attaque  le  prince 
Eugène  ayant  remarqué  une  partie  de  la  ligne 
fur  la  droite  ,  où  il  n'y  avoit  qu'une  com- 
pagnie de  grenadiers ,  &  où  on  pouvolt  aller 
à  couvert  d'un  rideau  ou  élévation  de  terre, 
il  y  fit  aller  cinquante  hommes  ,  lefquels  en- 
trèrent par  cet  endroit.  On  s'imagina  d'abord 
qu'il  y  étoit  entré  un  corps  beaucoup  plus 
confidérable  ;  ainfi  ce  pofle  qui  n'étoit  pas 
afiez  garni  de  monde  pour  rélifîer ,  ayant 
été  emporté ,  l'épouvante  fe  communiqua, 
par-tout ,  &  fit  abandonner  la  ligne.  M.  de 
r  olard  ajoute  que  fi  M.  d'Albergotti  ,  qui 
étoit  à  portée  d'envoyer  un  iecours  confidé- 
rable au  pofte  dont  on  vient  de  parler  , 
l'avoit  fait  ;  l'entreprife  du  prince  Eugène 
fur  les  lignes  échouoit  infailliblement. 

L'exemple  de  l'attaque  des  lignes  de  Turin 
entendu  &  exphqué  de  cette  manière  ,  ne 
prouve  point  que  des  lignes  bien  défendues 
foient  toujours  forcées  indubitablement;  il 
montre  feulement  que  lorfqu'il  y  a  eu  quel- 
que négligence  dans  la  circonvallation  y 
qu'elle  n'eil  pas  également  bonne  de  toute 
part,  &  que  l'ennemi  peut  avoir  le  temps 
d'y  forcer  quelques  quartiers  avant  qu'ils 
puifîent  être  fccourus  des  autres  ,  il  ne  faut 
pas  s'y  renfermer  ;  mais  qu'on  le  peut  lorf- 
qu'elle  renferme  alïez  de  troupes  pour  l'abor- 
der de  toute  part.  Attaque  des  places  y  par 
M.  Leblond.  (O) 

CIRCONVOTSIN  ,  adj.  on  dit ,  mphy- 
fiqiie  y  les  corps  circoni'oijins,  pour  défigner 
les  corps  qui  en  environnent  un  autre  ,  ou 
qui  en  font  proche.  (O) 

CIRCONVOLUTION  ,.  f,  f.  l'aftion 


C  I  R  ÏÎ5, 

de  tourner  autour  ,  du  latin  circumvoh'ere  ^ 
tourner  à  Tentour.  Il  fe  dit ,  en  architeclure  , 
de  la  ligne  fpirale  de  la  volute  ionique.  V, 
Volute  ù  Colonne.  (  R  ) 

CIRCONVOLUTION  ,  f  f  terme  de 
Plain-chant.  C'efl  une  forte  de  périélefe  qui 
fe  fait  en  inférant  entre  la  pénultième  &  la 
dernière  noce  de  l'intonation  d'une  pièce  de 
chant ,  trois  aurres  notes  ;  favoir ,  une  au 
delTus  &  deux  au  deffous  de  la  dernière  note  , 
lefquelles  fe  lient  avec  elles  ,  &  forment  un 
contour  de  tierce  avant  que  d'y  arriver  ; 
comme  fi  vous  avez  ces  trois  notes  ,  mifix 
mi  pour  terminer  l'intonation  ,  vous  y  inter- 
polerez par  circonvolution  ces  trois  aurres , 
fa  re  re  y  &  vous  aurez  alors  votre  intona- 
tion terminée  de  cette  forte  ,  mi  fa  fa  re  re 
mi ,  &CC.  V.  PéRIÉLESE  {Mufiq.)  {S) 
^  *  CIRCUIT  ,  f  m.  (  Gram.  )  fe  dit  dans, 
l'ufage  ordinaire ,  par  oppofition  au  chemin 
le  plus,  court  d'un  lieu  dans  un  autre  ,  de 
toute  autre  manière  d'y  a^rriver  que  par  la^ 
ligne  droite.  Ce  terme  a  été  tranfporté  par 
métaphore  du  phyfique  au  moral. 

Circuit,  c'eft  l'enceinte,  le  contour 
ou  le  périmètre  d'une  figure  ou  d'un  corps.. 
Voje^  Périmètre.  (E) 

Circuit  ,,  en  Droit  _,  eft  uneprocédure 
longue  &  compliquée  ,  qui  pourroit  être 
fiippléée  par  une  plus  fimple  ;  comme  fi  dans 
le  cas  où  il  y,  a  lieu  à  la  compenlation  entre 
deux  perfonnes  qui  font  refpedivement  dé- 
biteurs &  créanciers  l'un  de  l'autre ,  on  com- 
mençoit  par  condamner  celui  qui  a  été 
adionné  le  premier ,  &  par  faire  exécuter  la 
condamnation  avant  de  faire  droit  fur  la 
demande  incidente  qu'il  forme  pour  fa  dé- 
fenfe ^tandis  qu'on  peut  par  un  feul  &  même 
jugement  ftatuer  fur  les  demandes  refpeélives 
des  deux  parties.  (H) 

Circuit  ,  {Hifi.  mod.  d'Angl.  )  on  en- 
tend par  ce  mot ,  en  Angleterre  ,  les  diyerlès 
provinces  où  les  juges  vont  rendre  la  jullice 
au  peuple  deux  fois  par  année. 

C'efi  vers  fan  117^  que  Henri  II,  ce 
prince  qui  ne  fut  jamais  raiTafié  de  biens  ni 
d'amour  ,  &  qui  travailloit  continuellement 
à  corrompre  le  beau  fexe  &  à  étendre  fes 
états ,  partagea  l'Angleterre  en  fix  parties 
ou  circuits  y  qui  furent  affignés  à  autant 
de  juges,  pour  y  aller  en  certains  temps 
.  tenir  les  i^h ,  c'efl-à-dire  rendre  la  jufbee, , 


110  C  I  R. 

au  peuple.  C'cft  ce  qui  fe  pratique  encore 
aujourd'hui. 

Immédiatement  après  le  terme  de  S.  Hi- 
laire  &  de  la  Trinité  ,  le  chancelier  envoie 
douze  juges  dans  les  diverfes  provinces  ou 
circuits  qui  leur  ont  été  affignés  ,  pour  y 
rendre  la  juftice.-Ces  douze  juges  vont  aux 
circuits  deux  à  deux  ,  d'où  les  aflifes  qui  ne 
font  tenues  que  deux  fois  l'an ,  font  appellées 
afjifes  de  carême  &  ajjifes  de  Vété.  Voye\ 
mpin  ,  Tindal ,  ^c.  Art.  de  M.  le  cheva- 
lier DE  JaUCOURT. 

CIRCULAIRE,  adj.  (  Géom.  Aftron. 
Navig.  &c.  )  fe  dit  en  général  de  tout  ce 
qui  appartient  au  cercle  ou  qui  y  a  rapport: 
ainfi  on  appelle  mouvement  circulaire ,  le 
mouvement  d'un  corps  dans  la  circonféren- 
ce d'un  cercle  ;  arc  circulaire  y  un  arc  ou 
portion  de  la  circonférence  d'un  cercle.  V. 
Cercle ,  Arc  ,  ^c 

Les  aftronomes  modernes  ont  prouvé  que 
les  corps  céleiîes  ne  fe  mouvoient  pas  d'un 
mouvement  cnculaire  y  mais  elliptique.  V. 
Orbite  ,  Planète  ,  ^c. 

Nombres  circulaires  :  ce  font  ceux  dont 
les  puiiTances  finiflent  par  le  caraftere  même 
qui  marque  la  racine ,  comme  cinq ,  dont 
le  quarré  eft  2.5  ,  &  le  cube  125.  Voye\ 
Nombre.  Charniers. 

Navigation  circulaire  :  c'eft  celle  qui  fe 
fait  dans  un  arc  de  grand  cercle.  V'oye\ 
Navigation. 

La  navigation  circulaire  eft  la  plus  courte 

de  toutes  ;  &  cependant  il  y  a  tant  d'autres 

avantages   à   naviguer  fuivant  les  rhumbs , 

xju'on  prékre  généralement  cette  dernière. 

Vqyei  RhUMB. 

Vitejpe  circulaire  y  en  agronomie ,  ligni- 
fie la  vîtefTe  d'une  planète  ou  d'un  corps  qui 
tourne ,  laquelle  fe  mefure  par  un  arc  de 
cercle  ;  par  exemple  par  l'arc  A  B  { tab. 
afiron.fig.  îo.)  décrit  du  centre  S  ,  autour 
xluquel  le  corps  cft  fuppofé  tourner ,  de  forte 
que  la  vitefîe  circulaire  ert  d'autant  plus 
grande,  que  l'arc  AB  parcouru  dans  un 
temps  donné  par  la  planète  ,  efl  plus  grand 
ou  contient  un  plus  grand  nombre  de  de- 
grés ;  ou  (  ce  qui  eft  encore  plus  exad  )  que 
l'angle  AS  B  ti{  plus  grand.  Car  comme 
les  planètes  ne  décrivent  pas  réellement  des 
cercles ,  elles  ne  parcourent  pas ,  à  propre- 
ment parler  ,  âiQs  arcs  de  cercle  tels  que  A  Bp 


C  I  H 

mais  elles  parcourent  ou  décrivent  les  an- 
gles AS  B  mefùrés  par  cqs  arcs  ;  de  forte 
que  leur  vîtefïè  circulaire  pourroit  fe  nom- 
mer avec  plus  de  juftefle  ,  vîtejfe  angu- 
laire. (O) 

Lettre  circulaire  ,  efl  une  lettre  adreffce 
à  plulieurs  perfonnes  qui  ont  intérêt  dans 
une  même  affaire  ,  comme  pour  une  convo- 
cation d'afTemblée ,  Ùc. 

*  CIRCULATION ,  ï.ï.  {  Gram.  )  fe 
dit  en  général  de  tout  mouvement  pério- 
dique ou  non  ,  qui  ne  fe  fait  point  en  ligne 
droite  :  on  dit  que  le  fang  circule  y  que  Vef- 
pece  circule  y  &c. 

Circulation  du  sang  ,  (  Phyfwl.  ) 

La  circulation  du  fang  eft  un  mouvement 
naturel  du  fang  dans  un  animal  vivant ,  par 
lequel  cette  humeur  eft  alternativement  por- 
tée du  cœur  à  toutes  les  parties  du  corps 
par  les  artères ,  &  rapportée  de  ces  mêmes 
parties  par  les  veines.  Voye-{  Sang. 

Le  principal  organe  de  cette  fonélion  vi- 
tale efl  le  cœur  ,  qui  eil  un  mufcle  creux  aux 
cavités  duquel  toutes  les  veines  viennent 
aboutir ,  &  toutes  les  artères  prennent  leur 
naifîance  ,  &  qui  a  en  même  temps  une 
adion  de  dilatation  ou  de  diaftole  ,  &  de 
contraction  ou  de  liftole.  Voye:^  C(EUR, 
S1ST0LE  &  Diastole. 

Or  l'effet  naturel  de  ce  inouvement  alter- 
natif,  c'eft  que  le  cœur  reçoive  &  chalîè  le 
fang  alternativement  :  le  fang  chaiTé  du  ven- 
tricule droit  doit  être  porté  par  l'artère  pul- 
monaire qui  en  fort  dans  les  poumons  , 
d'où  il  doit  être  rapporté  par  les  veines  pul- 
monaires à  l'oreillette  gauche  ,  &  de-là  au 
ventricule  gauche  :  après  y  avoir  été  rap- 
porté ,  il  ell  poulfé  par  la  contradion  de 
ce  ventricule ,  dans  l'aorte  qui  le  diftribue 
dans  tout  le  refle  du  corps  ,  d'où  il  efl  ra- 
mené enfuite  dans  l'oreillette  droite  par  la 
veine-cave  qui  achevé  la  circulation.  Voyei^ 

Vaisseaux  pulmonaires  ,  veine- 
cave  ù  Aorte. 

On  a  attribué  généralement  la  décou- 
verte de  la  circulation  du  fang  à  Harvey 
médecin  anglois  ,  &  on  en  place  finven- 
tion  en  1628.  Il  y  a  cependant  des  auteurs 
qui  la  lui  difputent.  Janflbn  d'Almeloveen  , 
dans  un  traite' des  inventions  nouvelles  y  im- 
prime en  t  684.  y  rapporte  plufieurs  endroits 
d'Hippocrate  ,  pour  juftilier  qu'il  l'a  connue. 

Walleus , 


C  I  R  - 

"V^alleus ,  epifl.  adBarth.  prétend  qu'elle  n*a 
pas  été  feulement  connue  d'Hippocrate,  mais 
encore  de  Platon  &  d'Ariftote.  On  dit  en- 
core que  les  médecins  chinois  i'enfeignoient 
quatre  cents  ans  avant  qu'on  en  parlât  en 
Europe.  Il  en  efl  qui  remontent  jufqu'à  Sa- 
lomon  ,  croyant  en  trouver  des  vertiges  dans 
le  chap.  xijde  VEcclejiafi.  Bernardin  Genga, 
dans  un  traité  d'anat.  en  italien  ,  rapporte 
des  paflages  de  Réaldus  Columbus  &  d'An- 
dré Céfalpin  ,  par  lefquels  il  prétend  mon- 
trer qu'ils  admettoient  la  circulation  long- 
temps avant  Harvey.  Il  ajoute  que  Fra- 
Paolo  Sarpi ,  ce  fameux  vénitien  ,  ayant 
exadement  confidéré  la  ftruâure  des  valvules 
dans  les  veines ,  a  inféré  dans  ces  derniers 
temps  la  circulation ,  de  leur  conftrudion  & 
de  plufieurs  autres  expériences.  K.  Aris- 
TOTÉLisME ,  Valvule  &  Veine. 

Léoniceus  ajoute  que  Fra-Paolo  n'ofa 
point  publier  fa  découverte  de  peur  de  l'in- 
quifition  ,  &  qu'il  communiqua  feulement 
ibn  fecret  à  Aquapendente  ,  qui  après  fa 
mort  mit  le  livre  qu'il  en  avoit  compofé 
dans  la  bibliothèque  de  S.  Marc ,  où  il  fut 
long-temps  caché  ,  &  que  Aquapendente 
découvrit  ce  (ecret  à  Harvey  ,  qui  étudioit 
fous  lui  à  Padoue  ,  lequel  le  publia  étant 
de  retour  en  Angleterre  ,  pays  de  liberté , 
&  s'en  attribua  la  gloire  :  mais  la  plupart 
de  ces  prétentions  font  autant  de  fables. 
M.  Georg.  Ent  a  fait  voir  que  le  P.  Paul  reçut 
la  première  notion  qu'il  avoit  de  la  circu- 
lation du  fang  y  du  livre  que  Harvey  avoit 
fait  fur  ce  fujet^  lequel  fut  apporté  à  Ve- 
nifc  par  l'ambafladeur  d'Angleterre  en  cette 
république  ,  &  montré  par  le  même  am- 
bafladeur  à  Fra-Paolo  ;  que  celui-ci  en  ayant 
fait  quelques  extraits  qui  parvinrent  après  (à 
mort  entre  les  mains  de  fes  héritiers  ,  cela 
fit  croire  à  plufieurs  perfonnes  que  la  décou- 
verte dont  on  trouvoit  hifloire  dans  fes  pa- 
piers lui  appartenoit.  V.  Douglas  ,  bibliogr. 
anat.  fpec.  p.  zzj^  e'dit.  z  754,-  fi?  le  traité 
du  coeur,  de  M.  Senac.  V.  AnatomiE. 

La  circulation  du  fang  fe  prouve  par  les 
obfervations  fuivantes.  i**.  Si  l'on  ouvre  une 
des  granules  artères  d'un  animal  vivant ,  tout 
le  fang  s'en  va  bientôt ,  &  avec  beaucoup 
de  force ,  par  la  blefTure  ,  comme  on  le  voit 
aux  boucheries,  Ùc.  il  s'enfuit  de-là  que  le 
Ung  a  un  paffage  de  chaque  partie  du  corps 
Tome    VIII. 


C  I  R.  m 

animal  dans  chaque  artère;  &  que  fi  tou:e 
la  maffe  du  fang  fe  meut  dans  cette  occa- 
fion  ,  il  faut  évidemment  qu'elle  fe  mût  aufïï 
auparavant. 

2".  La  grande  quantité  de  fang  que  le 
cœur  poufîè  dans  les  artères  à  chaque  pul- 
fàtion  ;  puifque  fans  cela  il  faudroit  fuppo- 
fer  dans  le  corps  de  l'homme  une  beaucoup 
plus  grande  quantité  de  fang  qu'aucune 
obfèrvation  ou  aucune  expérience  n'y  en  fait 

voir.  V.  Sang. 

3**.  Telle  artère  qu'on  .voudra  étant  liée 
avec  un  fil ,  s'enfle  &  bat  entre  la  ligature 
&  le  cœur  ;  mais  elle  s'applatit  &  devient 
fîafque  entre  la  ligature  &  les  extrémités  du 
corps. 

Si  l'on  coupe  enfuite  l'artère  entre  la  hga- 
ture  &  le  cœur  ,  le  fang  s'en  va  jufqu'à  la 
mort  ;  fi  on  la  coupe  entre  la  ligature  &  les 
extrémités  du  corps,  elle  ne  rendialors  qu'une 
très-petite  quantité  de  fang. 

Le  fang  vital  coule  donc  dans  les  artères , 
&  la  diredion  de  fon  cours  efl  du  cœur  aux 
extrémités  du  corps  :  ce  cours  a  lieu  dans 
tous  les  points  des  corps  internes  ou  externes, 
&  il  va  toujours  de  vaifîêaux  plus  grands  à 
de  plus  petits  ,  du  tronc  aux  branches. 
V.  Artère. 

Si  on  lie  avec  un  fil  une  des  grofTes  vei- 
nes ,  elle  s'enflera  entre  les  extrémités  du 
corps  &  la  ligature  ,  mais  fans  battre  ,  & 
elle  s'aflàifîera  &  deviendra  flalgue  entre  la 
ligature  &  le  cœur  :  fi  on  l'oiifre  dans  le 
premier  endroit ,  elle  donnera  du  fang  juP 
qu'à  la  mort ,  &  dans  le  fécond  ,  à  peine 
fliignera-t-elle.  Le  fang  coule  donc  vive- 
ment de  chaque  partie  du  corps  dans  cette 
veine  ,  &  la  diredion  de  fon  cours  tend  des 
extrémités  du  corps  vers  le  cœur  ,  des  plus 
petits^aifTeaux  aux  plus  grands  ,  des  bran- 
ches au  tronc.   V.  Veine. 

De  tout  cela  il  fuit  évidemment  que  tou- 
tes les  artères  du  corps  portent  continuel- 
lement le  fang  du  ventricule  gauche  du  cœur 
par  le  tronc  des  artères  dans  les  branches  ^ 
de  CCS  mêmes  artères  &  par  ces  branches 
dans  toutes  les  parties  du  corps  intérieures 
ou  extérieures  ;  &  qu'au  contraire  toutes  leS' 
veines  ,  excepté  la  veine-porte  ,  rapportent 
continuellement  le  fang  des  plus  petites  par- 
ties du  corps  dans  les  plus  petites  branches , 
pour  pafîer  enfuite  dans  de  plus  grandes  ^ 

Q 


122  C    I    R 

puis  dans  les  troncs  ,  puis  dans  la  veine- 
cave  ,  &  enfuire  par  le  finus  veineux  ou  le 
tronc  de  cette  veine ,  qui  finit  à  la  cavité 
de  i'orcillette  droite  ,  dans  le  cœur. 

Lorique  le  lang  y  eft  arrivé,  voici  comme 
fa  circulation  fe  continue. 

Les  oreillettes  du  cœur  étant  des  mufcles 
creux ,  gaj-nis  d'un  double  rang  de  fibres 
qui  vont  en  fens  contraire  à  deux  tendons 
oppofés ,  dont  l'un  eft  adhérent  au  ventricule 
droit  &  l'autre  au  finus  veineux  ,  ainfi  que 
d'un  nombre  infini  de  veines  &  d'artères  ;  la 
force  de  contradion  de  ces  oreillettes  pouffe 
èç  chafle  vivement  le  fang  dans  le  ventricule 
droit ,  qui  eft  dii'pofé  à  le  recevoir  ,  &  le 
remplit.  V.  C<SUR. 

Or  fi  le  ventricule  droit  rempli  en  cette 
manière  de  fàng  ,  eft  prefle  de  nouveau  par 
la  contradion  de  {ts  fibres  ,  le  fang  faifant 
effort  contre  les  parois  élèvera  les  valvules 
tricufpidales  ,  qui  font  tellement  liées  aux 
colonnes  charnues  ,  qu'elles  permettent  le 
pnffage  du  fang  de  l'oreillette  au  ventricule , 
&  en  empêchent  le  retour  de  ce  ventricule 
à  cette  même  oreillette  :  le  fang  les  élèvera 
donc  vers  l'oreillette  droite  ,  julqu'à  ce  que 
s'y  étant  joihtes  elles  ferment  parfaitement 
le  paffage  du  fang  ,  &  empêchent  qu'il  ne 
revienne  dans  l'oreillette  ;  par  conféquent  le 
fang  fera  pouffé  dans  l'artère  pulmonaire  , 
&  pretfera  les  valvules  femi-lunaires  qui  font 
placées  à  fprigine  de  cette  artère  ,  &  les 
appliquera  cbntre  (ts  parois ,  en  forte  qu'elles 
ne  s'oppoferont  pas  à  fon  pafîage. 

Àinfi  le  fang  veineux  ,  c'efl-à-dire  le 
fang  de  tout  le  corps  ,  efl  porté  du  finus 
ou  du  tronc  de  la  veine-cave  par  l'oreil- 
lette droite  dans  le:  ventricule  droit ,  d'où 
il  efl:  porté  dans  l'artère  pulmonaire  par 
un  cours  continuel ,  &  dont  il  ne  fauroit 
s'écarter. 

Le  fang  porté  par  cette  artère  dans  les 
poumons  ,  &  difiribué  dans  fes  branches 
dans  toute  l'étendue  de  leur  fubflance  ,  efl 
d'abord  reçu  dans  les  extrémités  de  la  veine 
pulmonaire,  qui  s'appelle  artère  veineufe  y 
d'où  paîTant  dans  quatre  grands  vaifîeaux 
qui  aboutiffènt  à  un  même  point ,  il  efl  porté 
au  finus  veineux  gauche  ou  au  tronc  At& 
veines  pulmonaires  ,  qui  par  fa  firuéïure 
mufcileufe  efl  capable  de  le  chafîêr  ,  &  le 
chaffe  en  elièt  dans  le  ventricule  gauche  , 


C  I  R 

lequel  fe  trouve  alors  relâché ,  &  par  con- 
féquent difpofé  à  le  recevoir  ;  d'autant  que 
les  valvules  mitrales  fituées  entre  le  ventricule 
gauche  &  l'oreillette  du  même  côté ,  laiffent 
au  fang  un  paffage  libre  de  l'oreillette  au  ven- 
tricule ,  &  l'empêchent  de  refluer  dans  cette 
oreillette.  Le  fang  pouffé  par  le  ventricule 
gauche  paffe  donc  de  ce  ventricule  dans 
l'aorte  ,  à  l'orifice  de  laquelle  fe  trouvent 
trois  valvules  femi-lunaires ,  fituées  de  façon 
que  le  fang  ne  puiffe  refluer  de  cette  artère 
dans  le  ventricule. 

Voilà  comme  fe  fait  la  circulation  ;  tout 
le  fang  efl  envoyé  dans  les  poumons ,  &  reçu 
enfuite  dans  le  finus  veineux ,  l'oreillette  gau- 
che &  le  ventricule  gauche  ,  d'où  il  efl  en- 
fuite  pouffé  continuellement  dans  l'aorte , 
qui  au  moyen  de  ^ts  ramifications  le  répand 
avec  force  dans  toutes  les  parties  du  corps. 

Ce  mouvement  efl  accompagûé  dans  les 
animaux  vivans  des  phénomènes  ou  circonf^ 
tances  fuivantes.  i°.  Les  deux  finus  veineux 
font  remplis  &  fe  gonflent  en  même  temps 
l'un  &  l'autre  :  2».  les  deux  oreillettes  s'af- 
faifîênt  &  fe  remplilfent  en  même  temps  du 
fang  que  la  force  contraâive  du  finus  vei- 
neux mufculaire  correfpondant  y  poufl'e  ; 
3''.  chaque  ventricule  fe  contracte  &  fè  vuide 
de  fang  dans  un  même  temps  ^  &  les  deux 
grofîes  artères  fe  remplilfent  &  fè  dilatent 
auffi  en  même  temps  :  4^*.  auffi  -  tôt  que  le 
fang  a  été  chaffé  par  cette  contradion  ,  les 
deux  ventricules  étant  vuides  ,  le  cœur  de- 
vient plus  long  &  plus  large  ,  &  par  confé- 
quent plus  flafque  &  d'une  plus  grande  capa- 
cité :  5"'  ^es  fibres  mufculaires  des  deux 
finus  veineux  fe  remplifîènt  alors  ,  &  expri- 
ment le  fang  qu'elles  contiennent  dans  les 
ventricules  du  cœur  :  6°.  les  finus  veineux 
fe,  remplilfent  en  même  temps  de  nouveau 
comme  ci-defîus  ,  &  les  oreillettes  revien-» 
nent  en  leur  premier  état  :  7®.  ces  chaage- 
mens  alternatifs  continuent  jufqu'à  ce  que 
l'animal  commence  à  languir  à  l'approche 
de  la  mort ,  temps  auquel  les  oreillettes  &  le 
finus  veineux  font  plufieurs  palpitations  pour 
une  contraâion  du  ventricule.  C'e^  ainlî 
que  le  fang  dans  fon  cours  de  chaque  point 
tant  interne  qu'externe  du  corps  ,  efl  pouffé 
par  chaque  point  du  cœur  &  de  fes  oreillet- 
tes dans  le  ventricule  droit ,  de-là  dans  les 
poumons ,  puis  dans  le  ventricule  gauche , 


C  I  R 

&  enfin  dans  toute  l'érendue  du  CQJ"ps ,  d'où 
il  revient  enfuite  au  cœur. 

Quant  à  la  manière  dont  le  fang  pafle  des 
artères  dans  hs  veines  pour  pouvoir  revenir 
au  cœur ,  il  y  a  là-defîùs  deux  fenrimens. 

Suivant  le  premier  ,  les  veines  &  les  artè- 
res font  fupporées  s'ouvrir  les  unes  dans  les 
autres  ,  ou  être  continues  au  moyen  d'anaf- 
Tomoles  ou  inofculations  de  leurs  extrémités. 
Foyq  Anastomose. 

L'autre  fuppofe  que  les  dernières  artères 
capillaires  dépofent  le  fàng  dans  les  pores  de 
la  fubjftance  de  leur  partie ,  où  une  portion 
s'emploie  à  leur  nourriture,  &  le  relie  efl  reçu 
dans  [qs  bouches  des  veines  capillaires. 

On  doit  reconnoître  que  ie  palTage  du  (kng 
des  artères  capillaires  dans  les  veines  capil- 
laires ,  fe  fait  de  Tune  &  l'autre  de  ces  deux 
manières:  en  effet  on  voit  dans  quelques-uns 
des  grands  vaifleaux  des  anallomofes  dont 
on  ne  fauroit  douter  ,  par  exemple  ,  celle 
de  l'artère  de  la  rate  avec  la  veine  du  même 
vifcere  ;  ce  qui  a  fait  conclure  à  plulieurs 
auteurs  que  la  même  ftruâure  avoit  lieu  dans 
de  plus  petits  vaifîèaux  ,  même  dans  les  plus 
petits  filets  des  extrémités  du  corps  ,  où 
cependant  l'œil  ne  le  découvre  point. 

La  féconde  opinion  efl:  fondée  fur  ce  que 
fl  une  portion  du  fang  ne  fe  perdoit  pas  dans 
la  fubflance  des  parties  ,  ces  parties  ne  pour- 
roient  pas  s'en  nourrir  ;  car  tant  que  le  fang 
efl  dans  les  vaiffeaux,  il  porte  à  la  vérité  de 
la  chaleur  dans  les  parties  où  ces  vailleaux 
pafTent ,  mais  non  la  nourriture  ;  les  vaif- 
feaux eux-mêmes  ne  tirant  pas  leur  nourri- 
ture du  fang  qui  palfe  dans  leur  cavité ,  mais 
des  vaifîèaux  qui  compofent  leur  propre 
fiibflance. 

Leuwenhoek  fembloit  avoit  mis  cette  opi- 
nion hors  de  doute  au  moyen  de  Ces  raicrof - 
copes ,  qui  lui  ont  découvert  des  inofcula- 
tions ou  des  continuations  des  extrémités  des 
veines  &  des  artères  dans  les  poifîbns  ,  dans 
les  grenouilles  ^  &c.  mais  il  y  a  des  auteurs 
qui  doutent  toujours  qu'il  y  ait  une  pareille 
inofculation  entre  les  extrémités  des  veines 
&  des  artères  du  corps  huma.n  ,  &  de  ceux 
des  quadrupèdes  ;  les  animaux  où  on  l'a  juf- 
qu'ici  obfervée  étant  ou  des  poifîbns  ou  des 
animaux  amphibies  ,  qui  n'ont  qu'un  ven- 
tricule dai^s  le  cœur  ,  &  dont  le  fang  cfî 
troid  ;  à  quoi  il  faut  ajouter  que  dans  cette 


C  I  R  iî5 

elpece  d'animaux  le  fang  ne  peut  circuler 
avec  la  même  rapidité  que  dans  ceux  qui  ont 
deux  ventricules. 

Cette  différence  dans  les  organes  de  la 
circulation  a  donné  occalion  à  M.  Cowper 
de  faire  des  expériences  -lur  d'autres  ani- 
maux ,  dont  les  parties  ont  la  même  flruc- 
ture  que  celles  de  l'homme  :  il  a  vu  dans 
Vomemiun  d'un  chat  le  fàng  fe  mouvoir  vive- 
ment à  travers  les  inofculations,  &  il  a  trouvé 
la  même  chofe  dans  Vomentum  ,  &  mieux 
encore  dans  le  méfentered'un  chien.  Il  ajoure 
que  la  diminution  des  diamètres  des  extrémi- 
tés des  vaifîèaux  ne  fuit  pas  les  mêmes  pro- 
portions dans  difïerens  animaux. 

Il  a  fouvent  obfervé  dans  la  queue  d'un 
têtard  ,  entre  les  veines  &  les  artères,  plu- 
lieurs communications  ,  à  travers  chacune 
delquelles  deux  globules  pouvoient  pafîer  de 
front.  Dans  de  jeunes  poifîbns ,  &  en  parti- 
culier dans  les  petites  anguilles  ,  la  branche 
communicante  efl  li  petite  ,  qu'un  globule 
de  fang  y  peut  à  peine  pafïèr  en  une  féconde 
de  temps. 

Il  refleroit  ici  bien  des  queflions  à  exa- 
miner fur  les  valvules  des  veines ,  la  diflri- 
bution  d^s  vaifîèaux  lymphatiques ,  la  vîtefîè 
du  fang  ,  fa  circulation  dans  le  toie  &  dans 
quelques  autres  vifceres  ;  mais  nous  ren- 
voyons tout  cela  aux  mots  VeINE  ,  AR- 
TERE ,  Sang  ,  Foie  ,  &c. 

Les  ifarties  qui  fervent  à  la  circulation  ne 
font  pas  tout-à-fait  les  mêmes  dans  le'fœtus 
que  celles  que  nous  venons  de  décrire  ;  la 
cloifonqui  fépare  les  deux  oreillettes  du  cœur 
efl  pei'cée  d'un  trou  qu'on  appelle  le  trou 
ovale  ;  le  tronc  de  l'aroere  pulmonaire  ,  peu 
après  qu'elle  efl  fortie  du  cœur  ,  jette  dans 
i'aorte  defcendante  un  canal  que  l'on  appelle 
canal  de  communication  ;  le  fœtus  étant  ne , 
le  trou  ovale  fè  ferme  peu  -  à  -  peu  ,  &  le 
canal  de  communication  fe  delîèche  ,  & 
devient  un  fimple  ligament.  Voye\  TroU 
ovale,  Ùc. 

Ce  méchanifme  une  fois  connu ,  il  efl  aifé 
d'en  appercevoir  les  ufages  \  car  tandis  que 
le  fœtus  efl  enfermé  dans  le  fèin  de  fa  merc  ,,  . 
i\s  poumons  ne  peuvent  s'enfler  &:  fc  defen- , 
fler  comme  ils  feront  après  fà  naifîance  ,  & . 
après  l'entrée  libre  de  l'air  :  ils  demeurent 
donc  prefque  afîàifîes  &  fans  mouvement; 
car  leurs  vaifîèaux  font  comme  repliés  ea  - 


114  C  I  R 

eux-mêmes ,  &  ne  permettent  pas  que  le  fang 
y  circule  ni  en  abondance  ni  avec  facilité. 
La  nature  a  donc  dû  épargner  aux  poumons 
le  palïàge  de  la  plus  grande  partie  de  la 
mafle  du  fang  :  pour  cela  elle  a  percé  le  trou 
ovale  ,  afin  qu'une  partie  du  fang  de  la  veine 
cave  reçu  dans  l'oreillette  droite ,  pafsât  dans 
l'oreillette  gauche ,  &  par-là  fe  trouvât,  pour 
ainfi  dire  ,  auffi  avancée  que  11  elle  avoit  tra- 
verfé  le  poumon. 

Ce  n'ell  pas  tout  :  car  le  fang  de  la  veine 
cave  qui  de  l'oreillette  droite  tombe  dans  le 
ventricule  droit ,  étant  en  trop  grande  quan- 
tité pour  aller  dans  le  poumon  où  il  ell  poufle 
par  l'artère  pulmonaire  ,  le  canal  de  com- 
munication en  intercepte  une  partie  en  che- 
min ,  &  le  verfe  immédiatement  dans  l'aorte 
defcendante.   Kqyq  FCETUS  ,  &c. 

Tel  eft  le  fentiment  de  Harvey,  de  Lower, 
&  de  plufieurs  autres  anatomilles  :  mais  M. 
Mery  ,  de  l'académie  royale  des  fciences  ,  y 
a  fait  une  innovation. 

Il  donne  un  autre  ufage  au  trou  ovale  , 
&  il  foutient  que  de  toute  la  mafîê  du  fang 
qui  efl  portée  par  la  veine  cave  au  ventri- 
cule droit ,  une  partie  paflè  comme  dans  les 
adultes  dans  l'artère  pulmonaire ,  d'où  une 
partie  ed:  enfuit e  portée  par  le  canal  de  com- 
munication dans  l'aorte  defcendante  ,  fans 
circuler  par  le  poumon  ,  &  la  partie  qui 
traverfc  le  poumon  revient  enfui  te  dans 
l'oreillette  gauche,  fe  partage  encore  en  deux; 
dont  l'une  pafle  par  le  trou  ovale  dans  le 
ventricule  droit,  fans  avoir  circulé  par  l'aorte 
&  par  tout  le  corps  ;  l'autre  efl  poulîée  à 
Fordinaire  par  la  contradioii  du  ventricule 
gauche  dans  l'aorte  ,  &  dans  tout  le  corps 
du  fœtus. 

Toute  la  queftion  fè  réduit  donc  à  favoir 
fi  le  fang  qui  paiTe  par  le  trou  ovale ,  paflè 
du  côté  droit  du  cœur  dans  le  gauche,  félon 
l'opinion  commune ,  ou  du  gauche  dans  le 
droit ,  félon  M.  Mery. 

M.  Duverney  s'étoit  déclaré  pour  l'ancien 
fyftême  ;  il  foutenoit  qu'au  trou  ovale  il  y 
avoit  une  valvule  difpolée  de  façon  à  s'ou- 
vrir lorfque  le  fang  eft  chafle  dans  le  ventri- 
cule droit ,  &  A  fe  former  exadement  lorf- 
qu'il  eft  poufle  dans  le  gauche  :  mais  M. 
Mery  nie  l'exiftence  d'une  pareille  valvule. 

De  pîu> ,  da.i3  l'adulte  l'aorte  devant  rece- 
voir tout^k  fang  de  la  veiae  pulmonaire  ,, 


C  I   R 

fe  trouve  de  même  grolTeur  que  celle-ci  ; 
mais  dans  le  fœtus  l'artère  pulmonaire  & 
l'aorte  rccevoient  des  quantités  inégales  de 
fang  dans  les  deux  fyftêmes. 

Selon  l'opinion  ordinaire ,  l'aorte  qui  re- 
çoit plus  de  fang  que  la  pulmonaire  ,  devroit 
être  la  plus  grofle  des  deux  ;  fuivant  le  fen'i- 
ment  de  M.  Mery ,  l'aorte  pulmonaire  doit 
être  au  contraire  la  plus  grande  des  deux  , 
parce  qu'il  penfe  qu'elle  doit  recevoir  une  plus 
grande  quantité  de  fang. 

Pour  juger  lequel  des  deux  fyftêmes  eft  le 
vrai ,  il  n'y  a  donc  qu'à  voir  lequel  de  ces 
deux  vaifîeaux  ,  l'aorte  ou  l'artère  pulmo- 
naire ,  a  le  plus  de  capacité  dans  le  fœtus. 

M.  Mery  trouva  toujours  que  le  tronc  de 
l'artère  pulmonaire  étoit  environ  moitié  plus 
gros  que  celui  de  l'aorte. 

Et  d'un  autre  cote  M.  Tauvry  ,  élevé  de 
M.  Duverney  ,  fit  voir  deux  fujets  dans  lel^ 
quels  l'artère  pulmonaire  étoit  moindre  que 
l'aorte ,  &  les  faits  fiarent  examinés  des  deux 
côtés  par  l'académie. 

M.  Tauvry  ajoute  que  quoique  l'artère 
pulmonaire  foit  plus  groflè  que  l'aorte  ,  cela 
ne  prouve  pas  péanmoins  qu'il  pafle  plus  de 
fang  dans  la  première  que  dans  la  féconde 
de  ces  artères ,  puifqu'on  peut  attribuer  cette 
ftrudure  à  la  preflion  du  fang  qui  eft  plus 
forte  vers  les  poumons  ,  qu'il  a  de  la  peine 
à  pénétrer ,  &  qui  par  cette  raifon  diftend 
les  parois  de  cette  artère ,  &  l'élargit  très- 
facilement. 

M.  Littre  en  diflequant  un  adulte  dans 
lequel  le  trou  ovale  étoit  toujours  ouvert,  & 
mefurant  les  capacités  des  vaifl!eaux  de  cha- 
que côté  ,  fe  déclara  pour  M.  Mery.  Ainfi 
la  queftion  eft  fort  indécife. 

Quant  à  la  caufe  de  la  circulation  du  fang 
dans  le  fœtus ,  les  anatomiftes  font  encore 
divifés  là-deflus.  L'opinion  commune  eft 
que  pendant  la  grofl^fTe  les  artères  de  la 
matrice  verfent  leur  fang  dans  le  placenta  , 
qui  s'en  nourrit  ;  le  furpluy  de  ce  fang 
entre  dans"  les  racines  de  la  veine  ombili- 
cale ,  qui  fait  partie  du  cordon  ;  de-là  il 
eft  porté  au  foie  du  fœtus  dans  le  tronc  de  la- 
veine-porte ,  d'où  il  pafte  dans  la  veine-cave' 
&  dans  le  ventricule  droit  du  cœur  ^  &  fe' 
diftribue  comme  ci-deflus.  De  plus  ,  le  fang 
qui  fort  des  artères  iliaques  du  fœ'ras  entr« 
dans  le  cordon  par  les  artei-es  ombilicales  j. 


C  I  R 

(îe-là  dans  le  placenta,  où  il efl  repris  par 
les  veines  de  la  matrice  qui  le  reportent  à  la 
mère  ,  &  peut-être  aufli  par  les  racines  de 
la  veine  ombilicale  ,  qui  le  remêlent  avec 
de  nouveau  lang  de  la  mère.  Selon  ce  fyi~ 
terne  ,  c'eft  uniquement  le  fang  de  la  mère 
qui  nourrit  le  fœtus  ,  qui  n'elt  ici  regardé 
que  comme  un  membre  particulier  de  la 
mère  :  le  battement  de  Ton  cœur  lui  envoie 
une  portion  de  fon  fang ,  qui  conferve  le 
degré  d'impulfion  qu'il  faut  pour  entretenir 
cette  circulation  languiflante  dont  le  fœtus 
jouit ,  &  qui  lui  donne  probablement  cette 
foible  pulfation  qu'on  obferve  dans  le  cœur. 

D'autres  anatomiftes  prétendent  que  le 
fœtus  ne  fe  nourrit  que  du  chyle  qui  lui  eft 
fourni  par  les  glandes  de  la  matrice ,  qui  eft 
encore  plus  travaillé ,  fe  change  en  fang  dans 
les  vaifleaux  du  fœtus ,  &  y  circule  fans 
autre  communication  avec  la  mère  ;  ils 
n'admettent  de  circulation  réciproque  qu'en- 
tre le  placenta  &  le  fœtus. 

Mais  la  première  opinion  paroît  la  plus 
plaufible  ;  car  quand  le  placenta  fe  détache 
de  la  matrice  ,  en  quelque  temps  que  ce  fbit 
de  la  grolîelîe ,  il  ne  fort  que  du  fang ,  &c 
jamais  de  chyle.  Outre  que  M.  Mery  a  mon- 
tré que  la  matrice  n'a  point  du  tout  de  glan- 
des pour  en  fournir  ,  deux  autres  obferva- 
tions  de  M.  Mery  ,  rapportées  au  même  en- 
droit, appuient  encore  le  fyftême  commun. 
La  furface  intérieure  de  la  matrice  eft  revê- 
tue de  veines  ;  d'ailleurs  la  furface  externe  du 
placenta  n'eft  revêtue  d'aucune  membrane  ; 
&  comme  c'eft  par  ces  deux  furfaces  que  le 
placenta  &  la  matrice  font  en  quelque  forte 
collés  enfemble ,  ilparoît  qu'elles  ne  l'ont  fans 
membranes  que  pour  une  communication 
immédiate  des  vaiffeaux  fanguins. 

Ajoutez  à  cela  un  tait  dont  M.  Mery  a 
été  témoin  oculaire.  Une  femme  groflê  qui 
touchoit  à  fon  terme  ,  fe  tue  d'une  chute 
très-rude  prefque  fur  le  champ.  On  lui  trouve 
fept  à  huit  pintes  de  fang  dans  la  cavité  du 
ventre  ,  &  tous  les  vaiiTcaux  languins  entiè- 
rement épuifés.  Son  enfant  étoit  mort ,  mais 
fans  aucune  apparence  de  bleiîure ,  &  tous 
fes  vaifleaux  étoient  vuides  de  fang  aufli 
bien  que  ceux  de  la  mère.  Le  corps  du  pla- 
centa étoit  encore  attaché  à  toute  la  furface 
intérieure  de  la  matrice ,  où  il  n'y  avoir  au- 
cun fang  extravafé.  Par  quelle  route  tout  le 


C  I  R  ,1^ 

fang  de  l'enfant  pouvoit-il  s^être  vuidé  dans 
la  cavité  du  ventre  de  la  mère  ?  Il  falloît 
néceiîairement  que  ce  fût  par  les  veines  de  la 
matrice ,  &  par  conféquent  ces  veines  rap- 
portent à  la  mère  le  làng  de  l'enfant  ;  ce 
qui  feul  établit  la  néceflltc  de  tout  le  refte 
du  fyftême  commun.  Si  la  circulation  ne  fe 
faifoit  que  du  fœtus  au  placenta  ,  &  non  pas 
auiC  à  la  mère  ,  l'enfant  mort  auroit  eu  tout 
fon  fang. 

Déplus,  le  fang  des  poumons  du  fœtus 
ne  jouit  d'aucun  des  avantages  de  l'air  ou  de 
la  refpiration  ;  ce  qui  lui  étant  cependant 
néceflTaire  ,  la  nature  prend  fans  doute  foin 
qu'il  en  reçoive  quelques  portions  mêlées 
avec  tout  le  fang  de  fa  mère ,  lefquelles  lui 
font  tranfrnifes  par  les  vaifleaux  ombilicaux 
pour  fe  répandre  dans  fon  corps. 

Ce  qui  confirme  cette  conjedure,  c'eft 
que  fi  le  cordon  ombilical  éft  trop  ferré  , 
l'enfant  meurt  comme  un  homme  étranglé 
ce  qu'il  paroît  qu'on  ne  peut  attribuer  à  d'au- 
tres caufes  qu'à  la  privation  de  l'air  ;  joignant 
fur-tout  à  cela  qu'auffi-tôt  que  la  mère  cefl^ 
de  refpirer ,  le  fœtus  expire. 

Quant  à  la  vîtefl^  du  fang  qui  circule  ,  & 
au  temps  que  demiande  une  circulation  ,  on 
afaitlà-deflùs  plufieurs  calculs.  Selon  le  doc- 
teur Keil ,  le  lang  eft  chafîe  du  cœur  avec 
une  vîtefle  capable  de  lui  faire  parcourir  cin- 
quante-deux pies  par  minute  ;  mais  cette 
vîtefle  eft  toujours  diminuée  à  travers  toutes 
les  nombrélifes  divifions  ou  branches  des 
artères,  de  façon  qu'elle  l'eft  infiniment  avant 
que  le  fang  arrive  aux  extrérnités  du  corps. 
Le  même  auteur ,  d'après  un  rapport  qu'il 
calcule  des  branches  des  artères  à  leur,  tronc, 
prétend  que  la  plus  grande  vîtefl"e  du  fang, 
eft  à  la  plus  petite  dans  une  proportion  plus 
grande  que  looco,  00000,00000,00000 
00000,  00000,  00000,  OOGOO      à   I. 

L'efpace  de  temps  dans  lequel  route  k' 
maflr  du  fang  fait  ordinairement  fa  circula^ 
tion  y  fe  détermine  de  différentes  manières.. 
Quelquefois  des  auteurs  modernes  s'y  pren- 
nent pour  cela  de  cette  forte  ;  ils  fuppofenc 
que  le  cœur  fafle  2oco  pulfations  par  heure ,, 
&  qu'à  chaque  pulfation  il  chaflé  une  once 
de  fang  ;  comme  la  raafle  totale  du  fang  n'eft:" 
pas  ordinairement  eftimée  à  plus  de  vingt- 
quatre  livres  ,  ils  en  concluent  qu'il  fait  fepc: 
à  huit  circulations  par  heure.  Vo^c^Skiîlg*'. 


ii6  C  I  R 

Vqyei  le  traité  du  cœur  ,  <1e  M.  Senac  ,  où 
tous  les  calculs  font  analyfës  &  appréciés. 

On  doit  eonlulter  le  même  traité  ,  pour 
prendre  une  idée  de  la  néccflité  &  des  ulàges 
de  la  circulation  pour  la  vie  ,  de  ceux  que  ià 
connoifTançe  nous  fournit  pour  le  diagnoflic 
&  le  traitement  des  maladies ,  &  de  l'avan- 
tage qu'elle  donne  aux  médecins  modernes 
fur  \&s  anciens.  {L) 

JJousnous  contenteronsd'ajonterici,  que 
pcrlbnne  n'a  encore  mieux  décric  &  mieux 
prouvé  la  circulation  que  Harvey  lui-même  ; 
Ion  traire  efi:  un  chef-d'œuvre.  Il  ne  faut 
cependant  point  oublier  qu'on  tire  un  argu- 
ment invincible  en  faveur  de  la  circulation  , 
de  ce  qu'on  a  dit  depuis  Harvey ,  fur  la  tranl- 
fufion;  j'.  Transfusion  ^Injection, 
Ê'/a$-7;zofj- Pouls  &  Inflammation;  où 
bien  des  quellions  qui  ont  un  rapport  fingu- 
lier  avec  la   circulation  ,   font  examinées. 

Nous  n'avons  prétendii  en  faire  ici  qu'une 
expolition  fimple  ,  qui  peut  luffire  à  ceux 
qui  n'en  ont  point  d'idée;  les  queftions  qu'on 
peut  propofer  à  l'égard  de  ccitQ  fondion , 
tiennent  ;\  toute  la  médecine  ,  qu'il  auroir 
fallu  parcourir  dans  toutes  {qs  parties  pour  les 
examiner  ;  ce  qui  nous  auroit  mené  trop  loin. 

M.  le  baron  de  Haller  acru  devoir  ajouter 
â  cet  article  quelques  ohfervations  fur  la  cir- 
culation qui  a  lieu  dans  le  cœur  du  fœtus,  £' 
fur  la  circulation  de  la  mère  au  fœtus. 

Le  fœtus  n'a ,  dans  les  premiers  mois  de 
fori  exiftence,  qu'une  oreillette  ,c'efl  la  gau- 
che ;  la  droite  eft  alors  très-petite ,  le  iàng 
pafîé  avec  trop  -de  facilité  par  le  trou  ovale  , 
qui  eft  extrêmejnent  ouvert  à  cet  âge. 

Cette  obfervation  fuffit  pour  décider  la 
famcufe  queftion  quia  partagé  l'académie.  Si 
l'oreillette  droite  eft  extrêmement  petite  dans 
les  premiers  temps  du  fœtus ,  le  fang  de  la 
veine-cave  n'y  refte  donc  pas;  s'il  s'y  arrêtoit, 
il  dilateroit  proportionnellement  cette  oreil- 
lette: à  cet  âge,  il  efi  donc  évident  que  le  (àng 
pafle  de  droite  à  gauche  ;  pour  qu'il  renveriât 
fa  diredion,  &  qu'il  allât  de  gauche  à  droite, 
il  faudroit  que  M,  Mery  fût  trouver  une  rai- 
fon  qui  caulât  une  révolution  aufll  éton- 
nante ,  &  il  léroit  impoflible  de  la  trouver  , 
le  poumon  refiant  compare  &  oppofant  au 
fâng  la  même  réfiilanQe  pendant  tout  le 
temps  de  la  grolîêfïè  ,  &  ne  devenant  plus 
açceffible  au  i'ang  que  par  la  refpiration. 


C  I  R 

II  y  a  plus  ;  de  nouvelles  recherches  ont 
démontré  que  le  ventricule  droit  elt  invilible 
&  par  conféquent  très-petit  pendant  près 
d'un  tiers  de  l'incubation  :  le  fang  de  la  veine 
cave  ne  s'y  porte  donc  pas ,  &  l'oreillette  & 
le  ventricule  gauche  ne  recevroient  point  de 
lang  du  tout ,  s'il  n'en  pafïoit  par  le  trou 
ovale  depuis  iDreillette  droite  :  le  poumon 
pendant  tout  ce  temps  ell  invifible  &  ne 
reçoit  que  des  vaifTeaux  invifibles  comme  lui. 

Il  relie  à  trouver  une  réponfe  à  la  feule 
objedion  valable  quefaifoit  M.  Mery.  Dans 
k  fœtus  adulte  &  parfait,  l'artère  pulmonaire 
efi  plus  grande  que  l'aorte  au  fortir  du  cœur  ; 
elle  reçoit  donc  plus  de  fang:  or  fi  le  fang 
de  l'oreillette  droite  pafîbit  par  le  trou  ovale 
à  l'oreillette  gauche  ,  le  ventricule  gauche 
recevroit  plus  de  fang,  &  le  calibre  de  l'aorte 
(èroit  plus  grand  ;  s'il  efi  plus  petit ,  c'eft 
parce  que  l'oreillette  gauche  renvoie  une 
partie  de  fon  fang  à  la  droite  ;  le  ventricule 
gauche  en  reçoit  d'autant  moins  de  fang , 
&  l'aorte  efi  nécefîairement  d'un  plus  petit 
diamètre. 

On  a  voulu  répondre  à  cette  objeâ;ion , 
en  niant  le  fait  &  en  avançant  que  l'aorte  eft 
plus  fimple  que  l'artère  pulmonaire  dans  le 
fœtus  prêt  à  naître. 

On  ne  devoit  pas  nier  un  fait  avéré  ,  & 
qui  d'ailleurs  concourt  à  établir  l'opinion 
reçue:  dans  le  fœtus  prêt  à  naître,  l'oreillette 
droite  &  le  ventricule  de  ce  côté  efi  déve- 
loppé ;  il  efi  pour  le  moins  aufîi  grand  que 
celui  du  coté  gauche;  mais  le  fang  que  reçoit 
le  ventricule  droit ,  ne  parvient  qu'en  partie 
à  l'aorte ,  l'artère  pulmonaire  donne  à  la 
vérité  des  branches  au  poumon  ;  le  fang  que 
Qcs  branches  y  portent  paiTe  par  le  poumon  , 
&  revient  au  ventricule  gauche  ,  mais  ce 
fang  n'efl  pas  la  moitié  de  celui  que  l'orifice 
de  l'autre  pulmonaire  a  reçu;  fon  tronc  qui , 
fous  le  nom  àt  conduit  artériel ,  s'ouvre  dans 
l'aorte  fous  la  grande  arcade  ,  efi  plus  -grand 
que  les  deux  artères  qui  vont  au  poumon  :  fà 
lumière  efi  à  la  fomme  des  lumières  de  ces 
deux  branches ,  comme  184.9  '^  ^34^  • 
l'aorte  ne  doit  donc  pas  être  plus  grande  quç 
dans  l'adulte  ,  puiiqu'elle  ne  reçoit  qu'une 
partie  du  fang  de  l'artère  pulmonaire ,  &  que 
dans  l'adulte  ,  elle  reçoit  ce  fang  eii  entier. 

Mais  l'aorte  reçoit  cependant  le  fang  qui 
pafic  par  Iç  trou  ovalç ,  ôc  dans  l'adulte  ,  il 


C  I  R 

ne  le  reçoit  pas  :  cette  objeiJlion  n'cft  d'au- 
cun poicls.  Dans  l'adulte  ,  tout  le  làng  de 
l'oreillette  &  du  ventricule  droit  ,  pafîe  à 
Taorte  :  il  elt  indifférent  pour  le  calcul  de  la 
lumière  de  cette  artère ,  q»e  ce  fang  y  vienne 
par  le  poumon  ou  par  le  trou  ovale. 

Pour  le  fœtus  toute  la  quellion  fe  réduit  à 
des  mefures  :  fi  le  trou  ovale  eil:  aulli  grand 
que  le  conduit  artériel,  l'aorte  doit  être  égale  à 
l'artère  pulmonaire  :  celle-ci  perd  la  quantité 
qui  paflè  par  le  trou  ovale  ,  &  l'aorte  perd  la 
quantité  qui  pafî'e  par  le  conduit  artériel  ;  or 
ces  quantités  font  égales. 

Mais  fi  le  conduit  artériel  eu  plus  ample 
que  le  trou  ovale  ,  l'aorte  doit  être  plus  petite 
que  l'artère  pulmonaire  :  l'aorte  gagne  à  la 
vérité  fur  fartere  pulmonaire  le  fang  qui 
pafle  par  le  trou  ovale  ,  mais  elle  perd  une 
quantité  plus  confidérable  ,  qui  palfe  par  le 
conduit  artériel  :  or  le  conSuit  artériel  eit 
beaucoup  plus  ample  que  ne  l'efH'ouverture 
du  trou  ovale  ,  il  la  furpafle  dans  la  propor- 
tion de  525  à  249. 

La  (uite  nécefîaire  de  cette  différence  entre 
les  gains  de  faorte  &  (es  pertes  ,  c'efi:  qu'elle 
doit  être  plus  petite  que  l'artère  pulmonaire. 

Circulation  delamere  aufœtus.Ced 
une  des  quelHons  les  plus  difficiles  de  la  phy- 
fiologie  ,  il  efl  vrai  qu'en  gros  cette  circula- 
tion efl  démontrée:  le  fœtus  qui  va  naître  eu  à 
celui  qui  vient  d'être  conçu  comme  dix  livres 
à  une  très-petite  partie  d'un  grain  :  tout  ce 
que  le  fœtus  pefe  de  plus  ,  il  l'a  reçu  de  fa 
mère  ,  &  n'a  pu  le  recevoir  que  d'elle. 

Mais  la  difficulté  eft  de  connoître  les  routes 
par  lefquelles  cette  nourriture  parvient  de 
l'uférus  au  fœtus  :  comme  le  placenta  &  le 
chorion  touchent  feuls  l'utérus  ,  c'eft  par 
Fune  de  ces  parties  ,  ou  par  l'une  &  l'autre, 
que  l'aliment  doit  venir  de  la  mère  au  fœtus. 

La  matière  fluide  injedée  dans  l'utérus, 
paffe  certainement  dans  le  placenta  ;  elle  a 
pafîe  ,  quoique  rarement ,  jufques  dans  le 
fœtus  :  les  artères  de  l'utérus  &  de  fa  mem- 
brane intérieure ,  attachée  au  placenta ,  s*ou- 
vrent  dans  cette  partie  de  Târriere-fai-x  ;  elles 
nagent  dans  le  fang  ;  des  veines  du  placenta 
y  pompent  ce  fang  épanché  ;  d'autres  veines 
qui  appartiennent  à  l'utérus,  y  reprennent 
une  partie  du  fang  des  cellules. 

Il  y  a  deux  circulations  dans  l'utérus  & 
deux  dans  le  placenta  ;  les  artères  de  l'utàus 


C  I   R  127 

communiquent  avec  fes  veines  ,  mais  d'au- 
tres de  ces  artères  communiquent  avec  le 
placenta ,  en  dépofant  leur  fang  dans  fes. 
cellules  ,  &  d'autres  veines  de  l'utérus 
repompent  une  partie  du  fang  de  ces  mêmes 
cellules. 

Dans  le  placenta ,  les  branches  des  artères 
ombilicales  communiquent  avec  les  vemes 
du  même  nom  ,  &  des  veines  du  placenta 
repompent  le  fing  de  la  mère,  que  les  artères 
de  l'utérus  ont  dépofé  dans  les  cellules  du 
placenta. 

Il  y  a  tout  lieu  de  croire ,  malgré  les  ob- 
jedions  de  quelques  modernes,  que  cette  cir- 
culation de  la  mère  au  fœtus ,  &  du  fœtus  à 
la  mère,  fait  paiî'er  de  l'un  des  deux  à  l'autre, 
du  véritable  fang. 

Non-feulement  le  fing  coule  en  abon- 
dance ,  quand  le  fœtus  &  le  placenta  fe  dé- 
tachent de  l'utérus;  mais  on  a  vu,  &  plu- 
'  fleurs  fois  ,  le  fœtus  perdre  tout  fon  fang  par 
les  hémorrhagies  de  la  mère,  &  la  mère  per- 
dre le  ficn  ,  quand  le  placenta  efl  relié  dans 
l'utérus,  &;  qu'on  a  négligé  de  lier  le  cordon. 
Il  ne  paroît  pas  qu'on  puifîc  expliquer  autre- 
ment la  vie  des  fœtus ,  afîez  nombreux  ,  qui 
ont  crû  &  qui  font  parvenus  à  leur  maturité  , 
làns  avoir  de  cœur:  cet  accroiflement  fuppofe 
un  moteur  que  l'on  ne  peut  trouver  que  dans 
la  mère. 

Un  autre  chemin  par  lequel  le  fang  de  la 
mère  communique  avec  le  fœtus ,  c'eft  le 
chorion  :  la  membrane  interne  de  l'utérus  ,. 
remplie  de  vailfeaux  rouges ,  s'unit  au  cho- 
rion ,  &  Ces  vailïêaux  communiquent  avec 
ceux  du  chorion. 

Circulation,  fe  dit  en  parlantd^  la 
fève.   Foyq  SevE  Ù  VÉGÉTATION. 

Circulation  ^  {Chym.)  La  circulation 
eff  une  opération  chymique  qui^  confifte  à 
appliquer  un  feu  convenable  à  des  matières- 
enfermées  dans  des  vaiffeaux  difpofés  de. 
façon  que  les  vapeurs  qui  s'élèvent  de  la  ma- 
tière traitée ,  foient  continuellement  conden- 
Çées ,  &  reportées  fur  la  maiîc  d'où  elles  ont 
été  détachées. 

Les  vaiffeaux  defîinés  à  cette  opération, 
font  les  cucurbites  &  les  matras  de  rencon- 
tre ,  les  jumeaux  &  le  pélican.  Voye-{  ces 
articles  particuliers. 

Les  ufages  de  la  circulation  font  les  mêmes 
que  ceux  de  la  digejftion ,  dont  la  circulation 


iiS  C  I  R. 

n'efl:  proprement  qu'un  degré,  t^qyei  DIGES- 
TION ;  &  fa  théorie  efl  la  mcme  que  celle  de 
la  diflillation.  Voyei  DISTILLATION.  (/?) 

ClRCVLATlO^ yCnG^ome'trie.L.  P.  Gul- 
din  ,  jéfuite  ,  appelle  l'oie  de  circulation  la 
ligne  droite  ou  courbe  que  décrit  le  centre 
de  gravité  d'une  ligne  ou  d'une  furface ,  qui 
par  Ton  mouvement  produit  une  furface  ou 
un  folide.  Voye^  à  V article  CenTROBARI- 
QUE  l'ufage  de  la  voie  de  circulation  pour 
déterminer  les  furfaces  &  les  folides  ,  tant 
curvilignes  que  redilignes.  Cette  méthode 
fort ingénieufe  en  elle-même,  n'efl  prefque 
plus  d'ufage  depuis  la  découverte  du  calcul 
intégral ,  qui  fournit  des  méthodes  plus  aifées 
pour  réfoudre  tous  les  problêmes  de  cette 
efpece.  V.  Centre  de  gravité.  (O) 

CIRCULATOIRE  ,  {chym?)  ed  le  vaif- 
feau  où  on  met  le  fluide  auquel  on  veut  faire 
fouiîj-ir  l'opération  de  la  circulation.  Voye:^ 
Circulation.  Il  y  a  deuxefpecesdear- 
culatoires  ,  favoir  le  pélican  &  les  jumeaux  , 
qui  font  deux  vaifl'eaux  qui  n'ont  chacun 
qu'une  ouverture,  par  laquelle  ils  fe  com- 
muniquent. Des  vailfeaux  de  rencontre  font 
circulatoires:  des  vaifleaux  de  rencontre  font 
par  exemple  deux  matras ,  dans  l'un  defquels 
eft  la  liqueur  qu'on  veut  faire  circuler  ,  & 
l'autre  matras  efl  renverfé ,  de  façon  que  fon 
bec  entre  dans  celui  d'en  bas,  qui  eît  pofé 
dans  le  bain  de  fable.    V.  PÉLICAN.  {M) 

CIRCULER  ,  V.  n.  fe  dit  proprement 
<îu  mouvement  d'un  corps  ou  d'un  point  qui 
décrit  un  cercle  ;  mais  on  a  appliqué  ce  mot 
au  mouvement  des  corps  qui  décrivent  des 
courbes  non  circulaires;  par  exemple  au  mou- 
vement des  planètes ,  qui  ne  décrivent  point 
autour  du  folell  des  cercles,  mais  des  ellip- 
(qs.  Fbjfi^  Plan  ETE.  On  l'a  appliqué  aufiî 
au  mouvement  du  fang  ,  par  lequel  ce  fluide 
efl  porté  du  cœur  aux  artères ,  &  revient  au 
cœur  par  les  veines.  Fbj'f:{ CIRCULATION 
Ê?  Circuler  (C/zy/;zz>.)  En  général  ce  mot 
circuler  peut  s'appliquer  par  analogie  au  mou- 
vement d'un  corps  ,  qui  fans  fortir  d'un  cer- 
tain efpace  ,  fait  dans  cet  efpace  un  chemin 
quelconque  ,  en  revenant  de  temps  en  temps 
au  même  point  d'où  il  efl  parti.  (O) 


C  I  R 

Circuler,  {Chymie.)  y.  ^et.  il  fe  dit  en 
chymie  ,  du  mouvement  des  vapeurs  d'une 
matière  tenue  fur  un  feu  doux  ,  &  enfer- 
mée dans  .des  vailîèaux  fermés  ,  de  forte 
que  les  vapeurs  qu*  s'élèvent  foient  obhgées 
d'y  revenir ,  ne  trouvant  point  d'ifllie  ;  &  le 
feu  continuant  d'agir  ,  de  s'élever  de  nou- 
veau ,  &  de  revenir  encore ,  &  ainfi  de  fuite. 
V.  Circulation  6"  Circulatoire.. 
[Chymie^ 

CIRCUMAMBIANT,  adj.  {Phyfique.) 
eik  la  même  chofè  c^ environnant  :  c'elî  une 
épitliete  (peu  en  ufage)  qui  fe  dit  d'une  chofe 
qui  en  entoure  une  autre.    V.  AMBIANT. 

Nous  difons  Vair  ambiant  ou  circum^ 
ambiant.  Fbj'f;^  AiR,  ATMOSPHERE,  d'c. 

Ce  mot  eft  formé  des  mots  latins  ambio  , 
j'entoure,  &  circiim ,  autour.  (O) 

CIRCUM-INCESSION  ,  {.l  terme  de 
Théologie ,  par  lequel  les  fcholafliques  expri- 
ment l'exiflence  intime  &  mumelle  des  per- 
fonnes  divines,  l'une  en  l'autre,  dans  le  myf- 
tere  de  la  Trinité.  Voye^  PERSONNE. 

Les  théologiens  de  l'églife  latine  ne  font 
pas  les  premiers  inventeurs  de  cette  exprcf- 
fion ,  S.  Jean  Damafcene  qui  vivoit  dans  le 
viij^fiecle,  s'étant  fervi  du  mot  Têfocupej-zf , 
qui  fignifîe  précifément  la  même  chofe  , 
pour  expliquer  ces  paroles ,  ego  in  pâtre  ,  & 
pater  in  me  eft.  Joann.  c.  xiv. 

Cette  circum-incejjlon  des  perfonncs  divi- 
nes vient  de  l'unité  de  leur  nature ,  qui  a  fait 
dire  à  Jefus-Chrifl:  ego  épater  unum  fumus. 
Quelques  théologiens  diflinguent  deux  fortes 
de  circum-incejjions  ,  l'une  parfaite  &  l'autre 
imparfaite.  La  première  efl  celle  par  laquelle 
deux  choies  exiflent  inféparablement ,  de 
telle  manière  que  l'une  n'efl  nulle  part  hors 
de  l'autre.  La  féconde  efl  -celle  où  de  ces 
deux  chofes  co-exiflantes ,  l'une  a  cepen- 
dant une  exiflence  plus  étendue  que  l'autre. 
Telle  eft  la  circum-incejjion  que  quelques 
pères  &  théologiens  admettent  entre  la  nature 
divine  &  la  nature  humaine  dans  Jefus- 
(vhrifl.  Vuitajf.  de  Triait,  part.  Il ,  quœfi, 
l'iij  ,  art.  iv.  (G) 

CIRE  ,  f.  f.  {Hifi.  nat.)  (a)  matière  tirée 
des  végétaux ,   &  élaborée   dans  le  corps 


(a)  De  quelque  poids  que  doivent  être  ,  en  fait  d'hiftoire  naturelle  ,  l'autorité  de  M.  de  Reaumur, 

tour<»c  qu'il  a  dit  fur  l'origine  de  la  cire  eft  regardé  comme  erroné  par  divers  auteurs,  qui  oppofent 

aux  obfcrvations  alléguées  par  M.  de  Reaumur  des  difficultés  &  des  obfervarions  coiuraires.  D'aboid 

«n  a  peine  à  concevoir  comment  la  cire  cjyi\ ,  félon iui,  fe  façonne  dans  le  ffcond  eftomac  ,  peut  en 

V  d'un 


C  I  R 

d'un  animal.  Les  abeilles  transforment  en 
cire  les  pouflieres  des  étamines  des  plantes  \ 
car  les  pelotes  qu'elles  forment  avec  cette 
poufîlere  ,  &  qu'elles  rapportent  dans  îa 
ruche ,  comme  il  a  été  dit  à  V article  de  l'A 
BEILLE  5  &que  l'on  appelle  de  la  cire  Brute, 
n'eftpas  de  la  vraie  cire;  elle  ne  fe  ramollit 
ni  ne  Ce  fond  lorfqu'elle  ett  échauffée  ^  elle 
tombe  au  fond  de  l'eau  ,  au  lieu  de  furna- 
ger  ,  &c.  Il  faut ,  pour  que  cette  matière 
devienne  de  la  vraie  cire  ,  que  les  abeilles  la 
mâchent ,  l'avalent ,  &  la  digèrent.  On  a 
vu  à  ïarticle  AbeiLLE  ,  que  ces  infeétes  ont 
une  bouche  ,  des  dents  ,  une  langue  &  un 
eftomac  ,  c'eft-à-dire  des  organes  propres  à 
toutes  CQ5  opérations.  Lorsqu'une  abeille 
arrive  à  la  ruche  avec  des  pelotes  de  cire  bru- 
te ,  elle  la  mange  quelquefois  avant  que  d'en- 
trer ,  mais  pour  l'ordinaire  elle  va  fur  les  gâ- 
teaux en  battant  des  ailes.  Alors  trois  ou  qua- 
tre autres  abeilles  viennent  auprès  de  celle 
qui  arrive  ,  ôc  mangent  les  pelotes  dont 
elle  eft  chargée.  On  prétend  les  avoir  vu  dif- 
tinôement  mâcher  &  avaler  ^  mais  ce  qui 
eft  encore  plus  certain  ,  c'eft  qu'on  a  trouvé 
dans  leur  eftomac  &  leurs  inteftins  ,  de  la 
cire  brute  bien  reconnoiffabîe  par  les  grains 
de  la  poufîiere  des  étamines  dont  elle  eft 
compofée.  Lorlque  les  abeilles  apportent 
plus  de  cire  brute  qu'elles  n'en  peuvent 
manger ,  alors  elles  la  dépofent  dans  des  al- 
véoles ,  où  il  ;î'y  a  ni  ver  ni  miel  ^  &  dès 
qu'un  de  ces  infeâes  y  a  fait  tomber  les  deux 
pelotes  dont  il  étoit  chargé  ,  i[  en  vient  un 
autre  qui  les  étend  dans  l'alvéole  ,  &  quel- 
quefois c'eft  le  même  qui  les  a  apportées. 
Non  feulement  ils  les  rangent ,  mais  encore 
ils  les  pétrifient,  &  les  imbibent  d'une  liqueur 
qui  paroît  être  du  miel ,  parce  qu'après  cette 
opération  la  cire  brute  en  a  le  goût  j  c'eft 
peut-être  ce  qui  la  conferve  iàns  altération. 


C  I  ïl  119 

On  tronv2  dans  les  ruches  à^s  parties  de 
gâteaux  aflèz  grandes ,  dont  les  cellules  font 
toutes  remplies  de  cire  brute.  II  y  en  a  auffi 
qui  font  difperfées  ou  placées  entre  d'autres 
cellules ,  qui  contiennent  du  miel  ou  des  vers. 
Enfin  les  abeilles  mangent  îa  cire  brute  lors- 
qu'elles l'ont  apportée  dans  la  ruche  ,  où  elles 
la  dépo/ènt  dans  des  alvéoles  pour  la  man- 
ger dans  un  autre  temps  j  mais  on  croit  qu'il 
faut  qu'elles  la  digèrent  pour  la  convertir  en 
vraie  cire  ^  qu'une  partie  fert  à  la  nourriture 
de  rin{è<^e  ,  qu'une  autre  fort  par  l'anus  en 
forme  d'excrémens ,  &  que  le  refte  revient 
par  la  bouche  ,  &  eft  employé  à  la  conftruc- 
tion  des  alvéoles ,  vojfç  Alvéole.  On  a  vu 
mie  liqueur  mouflèufe  ,  ou  une  efpece  de 
bouillie  ,  fortir  de  la  bouche  dans  le  temps 
que  l'abeille  travaille  à  faire  une  cellule  ^ 
cette  pâte  (è  ièche  dans  un  inftant  ^  c'eft  de 
la  vraie  cire.  On  prétend  que  les  abeilles  ne 
peuvent  plus  employer  la  cire  àhs  qu'elle  eft 
entièrement  feche.  Aufli  lor{qu'on  leur  en 
préfente  auprès  de  leur  ruche  ,  elles  ne  s'en 
chargent  pas ,  mais  elles  recherchent  tout 
le  miel  qui  peut  y  être  mêlé  3  elles  hachent 
quelquefois  la  cire  par  morceaux ,  &  ne 
l'abandonnent  que  Ior(qu'elles  en  ont  enlevé 
tout  le  miel  ^  &  s'il  n'y  en  avoit  point ,  elles 
ne  toucheroient  pas  à  la  cire.  Lorsqu'on 
fait  pafter  des  abeilles  dans  une  nouvelle 
ruche  entièrement  vuide  ,  &  qu'on  les  y 
renferme  au  commencement  du  jour ,  avant 
qu'elles  aient  pu  ramaft!èr  de  la  cire  brute  , 
on  trouve  le  fbir  des  gâteaux  de  cire  dans  la 
nouvelle  ruche.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que 
lac/>^  dont  ces  gâteaux  font  formés  eft  venue 
de  la  bouche  de  ces  infeftes  ^  en  ftippofant 
qu'ils  n'ont  point  apporté  de  cire  brute  atta- 
chée à  leurs  jambes.Cette  matière  éprouvedes 
changemens  dans  l'eftomac  ,  puifque  la  cire 
à^s  alvéoles  eft  blanche  ,  quoique  les  pelotes 


reflortir  fans  entraîner  avec  elle  ce  qui  fe  irouveroit  de  miel  dans  le  premier  eftomac  ,  &  fans  s'al- 
térer &  fe  jaunir  par  ce  mélange.  L'objeftion  qu'on  tire  de  ce  que  la  cire  donne  à  l'anatyfe  des  princi- 
pes plus  analogues  à  ceux  des  marieres  animales  ,  qu'à  ceux  qui  compofent  les  matières  végétale» ,  nous 
paroîc  très-foible  :  mais  voici  des  faits  qu'on  donne  pour  avoir  été  vérifiés  par  plufieurs  obfervations. 
M.  Homboftel  palTe  pour  les  avoir  annoncés  le  premier  dans  la  Bibliothec^ue de  Humbourg^  &  plufieurs 
amateurs  d'abeilles  en  Allemagne  ont  dit  les  avoir  vérifiés  par  leurs  obfervations.  Selon  eux  ,  la  cire  eft 
une  matière  animale  qui  fort  du  corps  des  abeilles  par  unefécrétion  analogue  à  celle  de  la  tranfpiration, 
ou  plutôt  à  celle  de  la  cire  des  oreilles  des  grands  animaux  :  les  écailles  du  ventre  fe  couvrent  dans  le 
temps  du  grand  travail,  &  dans  ceux  où  les  abeilles  ont  une  nourriture  abondante ,  d'une  couche 
mince  de  f/re  qui  en  tranfude,  &  qui  forme  ainfi  fous  le  ventre  fix  lames  blanches  &  très-minces  , 
que  les  abeilles  enlèvent  avec  beaucoup  de  célérité.  Voyet,  fur  cela  les  Mémoires  de  la  fociéié  de 
Luftice  f    en  allemand  ,  &  Schirach  ,  Sachfifcher  Bienenvatter ,  &c.  (D) 

Tome  VIIL  R 


I30  C  I JL 

de  cire  brute  que  les  abeilles  apportent  dans 
îa  ruche  foient  de  différentes  couleurs  blan- 
ches ,  jaunes  ,  orangées ,  rougeâtres,  vertes. 
Les  alvéoles  nouvellement  faits  font  blancs , 
&  ils  jaunifTent  avec  le  temps  &  par  diffé- 
rentes caufes ,  mais  lor/qu'ils  font  nouveaux 
la  teinte  efl  à-peu-près  la  même  dans  toutes 
les  ruches  -^  s'il  s'en  trouve  de  jaunâtres ,  on 
peut  croire  qne  cette  couleur  vient  d'une 
jnauvaifè  digeftion  de  la  cire  brute  ,  que  l'on 
a  attribuée  à  un  vice  héréditaire  que  toutes 
les  abeilles  d'une  ruche  tiennent  de  leur  mère 
commune.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft  que 
toutes  les  cires  ne  font  pas  également  pro- 
pres à  recevoir  un  beau  blanc  dans  nos  blan- 
chiiferies.  Mém,  pour  fervir  à  thijîoire  des 
infecles  ,  tome  V,  (I). 

Cire  ,  {Hiji.  anc.  &  mod,)  Les  hommes 
détruifent  les  cellules  pour  avoir  la  cire  qui 
les  forme ,  &  l'on  ne  fauroit  dire  à  combien 
d'ufages  ils  l'ont  employée  de  tout  temps. 
Autrefois  on  sqïï  fer\'oit  comme  d'un  meule 
pour  écrire  ,  invention  qu'on  attribue  aux 
Grecs.  Pour  cet  effet ,  on  faifoit  de  petites 
planches  de  bois  ,  à-peu-près  comme  les 
feuillets  de  nos  tablettes ,  dont  les  extrém.ités 
tout  à  l'entour  étoicnt  revêtues  d'un  bord 
plus  élevé  que  le  refte  ,  afin  que  la  cire  ne 
pût  pas  s'écouler.  On  répandoit  enfuite  flir 
ces  tablettes  de  la  cire  fondue  ,  on  l'appla- 
niffoit  ,  on  l'cgalifoit  ,  &  Ton  écrivoit  fur 
cette  cire  avec  un  poinçon.  C'eft  pourquoi 
Plante  dit,  duvifcribo  expier i  totas  ceras qua- 
tuor. Les  teftamens  mêmes'écrivoient  fur  de 
la  cire  ainfî  préparée,  De-là  vient  qu'où  leur 
donnoit  auffi  le  fimple  nom  de  cera  ,  cire.  V . 
Suétone  dans  la  vie  de  Céfar ,  chap.  Ixxtviij^ 
ù  dans  la  vie  de  Néron  ,  chap..  xvij.  On  fè 
fervoit  encore  de  la  cire  pour  cacheter  des 
lettres ,  &  empêcher  qu'elles  ne  fuffentluesj 
c'eft  ce  qui  paroît  par  ce  joli  vers  d'Ovide  , 
iib.  1 5  amor.. 

Coûtera  fert  blanda  cera  rtotata  manu.. 

L'on  donnoit  à  cette  cire  à  cacheter  toutes 
fortes  de  couleurs,  V.  Hein,  de  Jigill,  veter, 
page  I  y  cap.vj. 

Aujourd'hui  les  particuliers  fè  fervent  de 
lacque  ,  voyei  CiRE  A  CACHETER  ^  mais  les 
princes ,  les  magiibats ,  les  grands  fèigneurs, 
&  tous  ceux  qui  ont  droit  de  fceller  ,  font 
encore  uf^ç  de  la  «W  d'abeille  pour  impri- 


C  I  R 

mer  les  fceaux  ,  &  les  attacher  aux  ordon» 
nances  &  arrêts  qu'ils  publient  ,  comme 
auflî  à  toutes  les  patentes  &  expéditions  en 
chancellerie  ,  que  l'on  fcelle  de  cire  jaune  , 
rouge  ,  verte  ,  dont  la  confommation  à  cet 
égard eft  très-confidérable.  V. CiKE,juriJpr» 
Chauffe-cire,  (S'c. 

La  cire  a  autrefois  aufTi  fervi  dans  la  pein- 
ture ,  en  lui  donnant  telle  couleur  que  l'on 
vouloit ,  &  on  en  faifoit  des  portraits  qu'on 
endurciffoit  par  le  moyen  du  feu  j  mais  il  n'y 
avoir  chez  les  Romains  que  ceux  qui  avoient 
exercé  des  magiftratures  curules  qui  eufîbnt 
le  droit  des  images.  Seneque  nom/neces  for- 
tes de  peintures  cereas  apellineas.  Plus  les 
grands  pouvoient  étaler  de  tels  portraits  dans 
leur  veftibule  ,  plus  ils  étoicnt  nobles.  De  là 
vient  que  les  poètes  fe  moquent  de  cette 
noblefiè  empmutée. 

Nec  te  decipiant  vête  ri  ci  n  cl  a  atria  eera. 

dit  Ovide,  Iib.  i  ^amor ,eleg.  VÏII,  6$.  Et 
Juvenal  encore  mieux. 

Tota  licetveteres  exornent  undique  cerœ 
Atria  :  nobilitas  fola  ejî  atque  unica  virtus» 
Satyr.  VIII ,  19. 

Cet  art  a  été  pouffé  fort  loin  de  nos  jours. 
Tout  le  monde  connoît  le  nom  du  fleur 
Benoit  ,  &  l'invention  ingénieufè  de  ces 
cercles  compofés  de  perfornages  de  cire  y 
qui  ont  fait  fi  long-temps  l'admiration  de 
la  cour  &  de. la  ville.  Cet  homme,  peintre 
de  profeftion ,  trouva  le  fecret  de  former 
fur  le  vifage  des  perfonnes  vivantes  ,  même 
les  plus  belles  &:  les  plus  délicates,  fans  aucun 
rifque  ni  pour  la  fànté ,  ni  pour  la  beauté , 
des  moules  dans  lefquels  il  fondoit  des  maf- 
ques  de  cire  auxquels  il  donnoit  une  efpece 
de  vie  ,  par  des  couleurs  &  des  yeux  d'émail, 
imités  d'après  le  naturel.  Ces  figures  Te\é~ 
tues  d'habits  conformes  à  la  qualité  des 
perfonnes  qu'elles  repréfentoient ,  étoicnt  fi 
reffemblantes  ,  que  les  yeux  leur  croyoient 
quelquefois  de  la  vie  ^  mais  les  figures  ana- 
tomiques  faites  en  cire  par  le  même  Benoît  y 
peuvent  encore  moins  s'oublier  que  la  beauté 
de  fes  portraits. 

Les  modernes  ont  tellement  multiplié  les 
ufages  de  la  cire ,  qu'il  feroit  difficile  de  les 
détailler. 

Us  commencent  avant  toutes  chofes  pou* 


-  C  I  R 

s'en  fervir  ,  à  la  féparer  du  miel  par  expref^ 
fion ,  à  la  purifier  ,  à  la  mettre  en  pains 
que  vendent  hs  droguiftes.  Elle  eil  alors 
allez  folide  ,  un  peu  glutineufe  au  toucher , 
&  de  belle  couleur  jaune  ,  qu'elle  perd  un 
peu  en  vieillilTant. 

Pour  la  blanchir  on  la  purifie  de  nouveau 
en  la  fondant ,  on  la  lave ,  on  l'expofe  à 
l'air  &  à  la  rofée  ^  par  ces  moyens  elle  ac- 
quiert la  blancheur  ,  devient  plus  dure  , 
plus  cafTante  ,  &  perd  prefque  toute  fon 
odeur.  Sa  fonderie  &  fon  blanchllFage  requiè- 
rent beaucoup  d'art  ^  les  Vénitiens  ont  ap- 
porté cet  art  en  France,  f^oyei  Blanchir. 

On  demande  dans  le  Ménagiana  (  tome 
///,  page  iio)  pourquoi  les  cires  de  Châ- 
teau-Gontier  ne  blanchiffeut  point  du  tout. 
C'eft  parce  que  le  fait  n'eft  pas  vrai.  On 
propofe  en  phyfique  cent  queftions  de  cette 
nature.  Le  blanchiment  de  Château-Gon- 
tier  eft  précifément  le  premier  de  tous ,  & 
les  cires  de  ce  blancliiment  font  en  confc- 
quence  choifies  pour  les  plus  beaux  ouvrages. 
11  en  faut  croire  Pomet  &  Savary. 

En  fondant  la  cire  blanche  avec  un  peu 
de  térébenthine  ,  on  en  fait  la  cire  jaune 
molle ,  qu'on  emploie  en  chancellerie.  On 
Ja  rougit  avec  du  vermillon  ou  la  racine 
d'orcanette  ;  on  la  verdit  avec  du  verd-de- 
gris  ,  on  la  noircit  avec  du  noir  de  fumée  : 
ainfi  on  la  colore  comme  on  veut ,  &  on  la 
rend  propre  à  gommer  avec  de  la  poix  gralïè. 

Il  eft  certain  que  cette  fubftance  viiqueufe 
réunit  diverfes  qualités  qui  lui  font  particu- 
lières. Elle  n'a  rien  de  défagréable  ni  à  l'odo- 
rat ni  au  goût  ^  le  froid  la  rend  dure  &  pref- 
que fragile  ,  &  le  chaud  l'amollit  &  la  dif- 
fout  :  elle  eft  entièrement  inflammable  ,  & 
devient  prefque  auftî  volatile  que  le  camphre 
par  les  précédés  chymiques.  F'.  Cire  en 
chymie  ,  pharmacie  ,  matière  médicale. 

Elle  eft  devenue  d'une  fi  grande  nécefiîté 
dans  plufieurs  arts  ,  dans  plufieurs  métiers  , 
&  dans  la  vie  domeftique  ,  que  le  débit  qui 
s'en  fait,  eft  prefque  incroyable  \  fur-tout 
aujourd'hui  qu'elle  n'eft  plus  uniquement 
réfèrvée  pour  l'autel  &  pour  le  louvre,  & 
que  tout  le  monde  s'éclaire  avec  des  bougies , 
l'Europe  ne  fournit  point  affez  de  cire  pour 
*le  befoin  qu'on  en  a.  Nous  en  tirons  de  Bar- 
barie ,  de  Smyrne ,  de  Conftantinople , 
d'Alexandrie ,  &  de  plufieurs  îles  de  l'Archi- 


C  IR  i3t 

peî  ,  particulièrement  de  Candie  ,  de  Chio 
&  de  Samos  \  &  l'on  peut  évaluer  dans  ce  feul 
royaume  la  confommatioude  cette  cire  étran- 
gère à  près  de  dix  mille  quintaux  par  année. 

Auiîi  le  luxe  augmentant  tous  les  jours  en 
France  la  grande  confommation  de  la  cire 
àts,  abeilles  ,  quelques  particuliers  ont  pro- 
pofe d'employer  pour  les  cierges  &  les  bou- 
gies ,  uac  cire  végétale  de  Mifiiiripi  que  le 
hazard  a  fait  découvrir  ,  &  dont  on  a  la 
relation  dans  les  mém.  de  tacad.  des  Se.  aru 
1722  &  1725.  Voici  ce  que  c'eft. 

De  la  cire  de  la  Louifiane.  Dans  tous  leS 
endroits  tempérés  de  l'Amérique  feptentrio- 
nale  ,  comme  dans  la  Floride ,  à  la  Caroline  , 
à  la  Louifiane,  fi'c.  il  y  a  un  petit  arbriffeau 
qui  croît  à  la  hauteur  de  nos  cerifiers ,  qui 
a  le  port  du  myrte  ,  &  dont  les  feuilles 
ont  aufiî  à-peu-près  la  même  odeur.  Ces 
arbres  portent  des  graines  de  la  groifeur  d'un 
petit  grain  de  coriandre  dans  leur  parfaite 
maturité ,  vertes  au  commencement ,  enfuite 
d'un  gris  cendré  ,  ces  graines  renferment 
dans  leur  milieu  un  petit  noyau  ofTeux  ,  alTez: 
rond  ,  couvert  d'une  peau  verte  chagrinée  ^ 
&  qui  contient  une  fèmence.  Ce  noyau  efi 
enveloppé  d'une  fubftance  vifqueufe ,  qui 
remplit  tout  le  refte  de  la  graine  ou  fruit  : 
c  eft  la  cire  dont  il  s'agit.  Cette  cire  eft  lui- 
fante  ,  feche ,  friable  ,  difpofée  en  écailles 
fiir  la  peau  du  noyau. 

Il  eft  très-aifé  d'avoir  cette  cire  :  il  n'y  a 
qu'à  faire  bouillir  des  graines  dans  une 
quantité  fiifîifànte  d'eau  ,  &  les  écrafèr 
groffiérement  contre  les  parois  du  vaiffèau 
pendant  qu'elles  font  fur  le  feu  ^  la  cire  fe 
détache  des  graines  qui  la  renfermoient ,  & 
vient  nager  fur  la  fuperficie  de  l'eau.  On  la 
ramafl^e  avec  une  cuiller ,  on  la  nettoie  en 
la  paiTant  par  un  linge  ,  &  on  la  fait  fondre 
de  nouveau  pour  la  mettre  en  pain. 

Plufieurs  perfonnes  de  la  Louifiane  ont 
appris  par  des  efclaves  fauvages  de  la  Caro- 
line,qu'on  n  y  brûloit  point  d'autre  bougie  que 
celle  qui  fè  fait  de  cette  cire.  Dans  les  pays  fort 
chauds  où  de  la  chandelle  de  fuif  fè  fondroit 
par  la  chaleur  ,  il  eft  fans  comparaifon  plus 
commode  d'avoir  de  la  bougie  j  &  celle-là  fè- 
roit  à  bon  m.arché ,  &  toute  portée  dans  les 
climats  de  l'Amérique  qui  en  auroient  befoin. 

Un  arbriffeau  bien  chargé  de  fruits ,  peut 
avoir  en  fix  livres  de  graines  &  une  Ih  re  die 

Ri 


132  C  I  R 

fruit ,  un  quart  de  livre  de  cire.  Il  eft  diffi- 
cile de  déterminer  au  jufte  combien  un 
homme  pourroit  ramaffer  de  graines  en  un 
jour  ,  parce  que  ces  arbres  qui  croilTent  fans 
culture  &  faus  art ,  fout  répandus  çà  &  là , 
tantôt  plus  ,  tantôt  moins  écartés  les  uns 
des  autres ,  félon  que  différens  hazards  les 
ont  fèmés  :  cependant  l'on  juge  à-peu-prcs 
qu'un  homme  ramalferoit  aifément  en  un 
jour  feize  livres  de  graines  ,  ce  qui  donne- 
roit  quatre  livres  de  cire.  Cette  grande  faci- 
lité ,  qui  deviendroit  beaucoup  plus  grande 
par  des  plantations  régulières  de  ces  arbres, 
&  le  peu  de  frais  qu'il  faut  pour  tirer  la 
cire  ,  fèroit  fort  à  confidérer  fi  cette  ma- 
tière devenoit  un  objet  de  commerce. 

La  cire  qui  fe  détache  par  les  prem.ieres 
ébullitions  eft  jaune  ,  comme  celle  qui  vient 
de  nos  abeilles  j  mais  les  dernières  ébullitions 
la  donnent  vette  ,  parce  qu'alors  elle  prend 
la  teinture  de  la  peau  dont  le  noyau  eft  cou- 
vert. Toute  cette  cire  eft  plus  feche  &  plus 
friable  que  la  nôtre.  Elle  a  une  odeur  douce 
&  aromatique  aflez  agréable. 

Nous  avons  vu  à  Paris  des  bougies  vertes 
de  cette  cire  ,  que  le  miniftre  avoit  reçues 
du  Miflifîîpi  ,  &  qui  étoient  fort  bonnes. 
Le  temps  nous  apprendra  il  l'on  regarde 
la  matière  de  ces  bougies  comme  un  objet 
aflèz  confidérable  de  commerce  ,  pour  nous 
diipenfèr  de  tirer  des  cires  des  pays  étran- 
gers ,  autant  que  nous  le  faifons  pour  notre 
confomraation  de  cierges  &  de  bougies. 

De  la  cire  des  îles  Antilles.  On  trouve 
aux  îles  Antilles  dans  des  troncs  d'arbres 
une  cire  aflez  fînguliere ,  formée  en  mor- 
ceaux ronds  ou  ovales  de  la  groifeur  d'une 
noix  mufcade.  Cette  cire  eft  l'ouvrage  d'abeil- 
les plus  petites  ,  plus  noires  &  plus  rondes 
que  celles  de  l'Europe.  Elles  fè  retirent  dans 
le  creux  des  vieux  arbres ,  où  elles  fe  fabri- 


C  I  R 

quent  des  eljjeces  de  ruches  de  la  figure 
d'une  poire  ,  dans  le  dedans  defquelles  elles 
portent  toujours  un  miel  liquide  de  couleur 
citrine ,  de  la  confiftance  de  l'huile  d'olive  , 
d'un  goût  doux  &  agréable.  Leur  cire  eft 
noire  ,  ou  du  moins  d'un  violet  foncé. 
Nous  n'avons  pas  pu  parvenir  au  fecret  de 
la  blanchir,  de  la  foire  changer  de  couleur  ^ 
de  la  rendre  propre  à  la  fabrique  des 


ni 


bougies  ,  parce  qu'elle  eft  trop  molle.  Les 
Indiens  après  l'avoir  purifiée  ,  s'en  fervent  à 
en  faire  des  bouchons  de  bouteilles  :  ils  en 
font  auflî  de  petits  vaifteaux  dans  lefquels  ils 
recueillent  le  baume  deTolu,quand  il  découle 
par  incifion  des  arbres  qui  le  répandent. 

De  la  cire  de  la  Chine.  La  cire  blanche  de 
la  Chine  eft  différente  de  toutes  celles  que 
nous  connoiftbns  ,,  non  feulement  par  fa 
blancheur  que  le  temps  n'altère  point,  mais 
encore  par  fa  texture  :  on  diroit  qu'elle  eft 
compofée  de  petites  pièces  écailleufes ,  fem- 
blables  à  celles  du  blanc  de  baleine ,  que  nous 
ne  fàurions  mettre  en  pains  aufll  fermes  que 
les  pains  Aecire  delà  Chine.  Autre  fîngularité 
de  la  cire  blanche  de  la  Chine  ,  c'eft  qu'elle 
n'cft  point  l'ouvrage  des  abeilles  :  e\\e  vient 
par  artifice  de  petits  vers  que  l'on  trouve 
fur  un  arbre  dans  une  province  de  cet  em- 
pire.  Ils  fe  nourrilTent  fur  cet  arbre  j  on  \qs 
y  ramalfe,  on  les  fait  bouillir  dans  de  l'eau , 
&  ils  forment  une  e^ece  de  graiife ,  qui 
étant  figée ,  eft  la  cire  blanche  de  la  Chine  , 
fur  laquelle  il  nous  manque  bien  des  détails. 
Art.  de  M.  le  chevalier  DE  Jaucourt. 

Cire  ,  {Chymie  ,  Fharm.  6»  Mat.  médic.\ 
La  première  confidération  chymique  ftir  la 
cire  ,  c'eft  la  théorie  de  fbn  blanchiftage  , 
fondée  fur  la  folubilité  par  la  rofée  ou  par 
l'eau  de  la  partie  colorante  qui  peut  être  aufli 
détruite  ou  volatilifëe  par  les  rayons  du  £q^ 
leil  &  par  l'air.  (  a  ) 


(«)  On  peut  retiier  delà  lavande  &  du  romarin  de  la  cire  pure,  &  on  peut  appercevoir  cette 
fubftance  fur  les  feuilles  de  ces  plantes,  à  l*aidedu  microfcope.  C'eft  ce  qui  fait  voir  l'erreur  de  ceux 
qui  croient  qu'on  ne  peut  retirer  de  la  cire  que  des  étamines  oa  des  pétales  de  la  fleur. 

L'eau  de  la  reine  d'Hongrie  ,  dont  le  principal  ingrédient  eft  h  lavande  ,  a  une  odeur  bien  marquée 
de  cire  :  ce  qui  prouve  clairement  que  la  tire  eft  une  fubftance  végétale ,  &  non  point  uns 
animale. 

La  chymie  ne  fait  point  d'autre  opération  fur  la  tire  ,  que  de  féparer  fon  huile  de  fon  phlegme  & 
de  fon  Tel.  Cette  huile  qui  vient  à  la  première  diftillation,  &  fe  congelé  au  col  de  la  retorte  ,  eft 
appeilée  beurre  de  cire  ,  &  au  moyen  de  la  cohcbation  ,  on  la  réduit  en  huile  belle  Se  coulante-.. 

Le  moyen  employé  à  fa  préparation  ,  eft  de  couper  la  cire  par  petits  •morceaux ,  de  la  faire 
fondre  doucement  dans  une  retorte  de  verre  jufqu'à  ce  que  le  vaiffeau  foit  à  moitié  plein  ,  de  le 
iea>|>U];  enfuite  avec  du  fable  biea  fec  losx  lutte  un  iccipient^  6c  on  diftilleàla  chalcar  du.  bai» 


C  I  R 

La  cire  diftillée  fans  intermède ,  fè  ré  fout 
en  une  matière  huileufe  qui  fe  fige  à  mefure 
qu'elle  tombe  dans  le  récipient ,  &  qui  eft 
connue  fous  le  nom  de  beurre  de  cire ,  &  en  un 
acide  allez  fort  :  ces  produits  ont  une  odeur 
très-forte  &  très-défagréable.  Le  beurre  perd 
une  partie  de  cette  odeur  &  fa  confiliance  , 
par  des  reâ:ifications  réitérées  qui  le  portent 
enfin  à  l'état  de  fluidité  des  huiles  ordinaires  j 
on  fépare  de  ce  beurre  par  chaque  reélifica- 
tion  ,  une  petite  portion  d'acide  ;  d'où  l'on 
peut  conclure  que  c'eft  à  la  préfence  de  ce 
principe  que  le  beurre  de  cire  doit  (à  con- 
îiftance.  La  cire  blanche  diftillée  fans  inter- 
mède ,  ne  laiffe  prelque  point  de  réfidu  j 
c'eft  le  charbon  de  la  matière  qui  colore  la 


rendu  de  la 


C  I  R 

cire  jaune ,  qui  augmente  le 
diftillation  de  cette  dernière. 

On  peut  déduire  aifez  raifonnablement 
de  cette  obfervation  feule,  que  la  cire  eft  uii 
compofé  d'huile  &  d'acide  ^  ce  qui  la  fait 
rapporter  par  quelques  chymiftes  à  la  claffe 
des  matières  balfamiques  <k  réfineufes ,  dont 
elle  diffère  pourtant  par  fon  infolubilité  dans 
i'efprit-de-vin ,  &  par  l'odeur  defes  produits. 

La  cire  diftillée  avec  le  fable  ou  avec  tout 
autre  intermède  terreux ,  préfente  des  phé- 
nomènes bien  dilférens  de  ceux  de  la  diftilla- 
tion fans  intermède  de  la  même  fubftance. 
Cette  différence  a  été  peu  obfèrvée  par  les 
chymiftes ,  qui  n'ont  décrit  la  plupart  que 
l'un  ou  l'autre  de  ces  procédés.  Lémeri ,  qui 


de  fable  par  un  feu  gradué.  Il  s'élève  d'abord  un  efprit  acide  d'une  fort  mauvaifc  odeur  &  d'un 
mauvais  goût,  enfuite  en  augmentant  le  feu,  il  fort  un  corps  huileux  ,  comme  du  beurre  qui  fe 
congelé  au  froid  ,  &  qui  paroît  ordinairement  blane  :  on  doit  remarquer  en  paflant  que  tous  les 
fels  des  corps  mélangés  font  naturellement  acides ,  l'alkali  n'étant  qu'une  altération  du  fel  naturel 
par  le  feu. 

Il  n'y  a  point  de  terre  dans  la  cire  ,  de  manière  que  (i  on  la  diflille  feule  dans  une  retorte  ,  elle 
ne  perdra  rien  de  fa  fubflance  dans  la  diftillation.  On  lui  adjoint  donc  du  fable,  du  bol  ou  des 
cendres,  afin  qu'étant  étendue  &  raréfiée,   fes  principes  foienc  féparés  plus  aifément. 

L'huile  ou  le  beurre  de  cire ,  a  cela  de  fingulier  ,  qu'elle  ne  perd  rien  par  les  diftillations  répé- 
tées :  elle  devient  feulement  plus  fine  &  plus  limpide,  fans  dépofer  aucune  fece.  Les  autres  huiles 
au  contraire  deviennent  conftamment  plus  épaifTcs  ,  &  lailTent  toujours  des  particules  de  terre 
dans  la  cohobation. 

La  confiftance  folide  de  la  cire  vient  d'un  mélange  proportionné  d'eau  ,  de  fel  volatil  &  d'huile. 
Sa  folidité  fe  détruit  donc  félon  que  ces  principes  foufFrent  une  féparation.  On  peut  obferver  cela 
dans  les  redifications  ;  car  dans  chaque  diftillation  il  fe  fépare  une  quantité  confidérable  d'eau,  & 
l'huile  devient  plus  claire. 

De  31  onces  de  cire ,  on  tire  dans  la  première  diftillation  juftement  le  même  poids  de  liqueur; 
favoir ,  ti  onces  d'cfprit  phlegmatique  acide  ,  &  zo  onces  de  beurre. 

De  cette  manière  la  cire  ,  dans  fon  état  concret,  eft  une  humeur  onftueufe  qui  fort  des  pores 
des  végétaux  ,  &  logée  en  petite  quantité  fur  la  furface  de  leurs  feuilles ,  où  le  foleil  î'épaiftît  , 
&  où  les  abeilles  la  ramaflent  pKjut  leur  ufage  particulier.  Ces  infe£les  la  tranfportent  dans. leurs 
ruches  avec  leurs  pattes  ,  fans  la  faire  paffer  dans  leurs  corps  ,  comme  ils  font  du  miel.  Sem- 
blable au  camphre  ,  elle  ne  laiffe  point  de  fèces  dans  la  diftillation  ,  mais  elle  eft  tout-à-fait 
volatile  ,  &  fe  blanchit  en  la  faifant  bouillir  dans  plufîeurs  eaux. 

On  découvre  ,  en  examinant  avec  attention  ,  une  efpece  de  camphre  fur  les  feuilles  de  fauge 
&  du  thym  :  de-là  le  foulagement  que  procurent  quelquefois  ces  végétaux  ,  lorfqu'on  les  applique 
en  cataplafme  fur  les  parties  artè£lées  de  goutte  ,.  lors  de  la  douleur. 

Il  eft  évident  que  les  végétaux  contiennent  des  baumes  ou  des  huiles  que  la  diftillation  peut 
leur  enlever,  fans  que  les  parties  qui  entrent  en  leur  compofition  foient  fépaxées  tout-à-£ait;  c'eft 
ce  qui  nous  inftruit  plus  particulièrement  de  la  nature  du  camphre.  D'un  autre  côté,  ces  huiler 
peuvent  être  contenues  dans  les  végétaux  ,  de  différentes  façons. 

Quant  aux  ufages  médicinaux  ,  le  beurre  de  f/«  fait  un  onguent  extrêmement  doux  &  anodin  ^ 
ëmollient&  relâchant ,  très-agréable  aux  nerfs ,  &  il  eft  d'une  grande  utilité  ,  lorfqu'on  l'emploie 
en  onôion  fur  des  membres  qui  font  contractés.  C'eft  un  très-bon  liniment  pour  les  hémorrhoïdes, 
dont  il  calme  les  douleurs  d^une  manière  prompte  &  furprenante. 

L'huile  de  cire  a  de  plus  une  vertu  fînguliere  pour  la  cure  des  tendons  contraftés  ,  &  pour  rendre 
aux  parties  retirées  &  defTéchées  leur  flexibilité  naturelle.  On  l'emploie  avec  fuccès  pour  réfoudre  les 
engelures,  pour  les  coliques  néphrétiques  ,  les  ulcères  dans  les  reins  &  dans  la  vedîe  ,  la  rétentioa 
d'urine  ,  &  lorfqu'il  s'agit  d'atténuer  les  phlegmcs,  La  doiè  eft  de£uis  deux  gouttes  jufqu'à  dix  dan» 
du  via  blanc ,  ou  dans  q^uelq^ue  eau  diftillée. 


134  C  I  K 

fait  mention  des  deux  ,  ne  l'a  pas  apperçue 
entièrement.  En  un  mot ,  la  théorie  de  la 
diftillation  de  la  cire  &  des  différences  que 
les  intermèdes  &  que  les  autres  circonftances 
abfolument  indéterminées  jufqii'à  préfènt 
portent  dans  les  produits  de  cette  opération  j 
cette  théorie ,  dis-je ,  n'a  pas  été  donnée 
jufqu'à  préfènt.  J^oye^  INTERMEDE. 

Le  beurre  &  l'huile  de  la  cire  font  em- 
ployés extérieurement  avec  fuccès  pour  les 
engelures  ,  les  crevalTes  &  les  gerflires  du 
fèin  5  des  lèvres ,  des  mains  ,  pour  les  dar- 
tres vives  ,  &  fur-tout  pour  les  brûlures. 

Les  ufages  pharmaceutiques  delà  cire  font 
très-étendus  j  elle  entre  dans  la  plupart  des 
onguens  &  des  emplâtres ,  dans  quelques 
baumes  :  c'efl  la  cire  qui  fait  la  bafe  des 
cérats  ,  qui  font  des  préparations  auxquelles 
elle  donne  fou  nom.  royei  Ce  RAT.  (  â  ) 

*  Cire  a  cacheter.  Foyei  Cirier. 

Cire  du  roi  ,  (  Jurifpr.  )  dans  les  an- 
ciennes ordonnances ,  fignifie  le  fceau  ou 
ï émolument  du  fceau.  F'oyei  Telfereau,  AiJ}. 
delà  chancellerie ,  tom.  I.  Nos  rois  ont  hérité 
de  la  cire  jaune  de  la  féconde  race,  aufll 
bien  que  du  droit  de  l'empire.  Ils  fcellent 
en  cire  rouge  comme  les  anciens  barons  , 
aux  droits  defquels  ils  font  pour  certaines 
feigneuries ,  telles  que  la  Provence  &  le 
Dauphiné.  Traité  de  la  pairie  ^  pag.  12 1. 

Les  lettres  de  conceflion  à  perpétuité  doi- 
vent être  fcellées  de  cire  verte  ^  celles  de  con- 
ceflion à  temps ,  fcellées  de  cire  blanche. 
Préface  du  III  tome  des  ordonnances  de  la 
troifteme  race  ,  pag.  8.  Voye[  ScEAU. 

Suivant  une  ordonnance  de  Philippe  V  , 
du  deux  juin  1 3^9 ,  de  toutes  les  ventes  de 
bois  que  faifoient  les  maîtres  particuliers  , 
les  marchands  dévoient  payer  entre  autres 
chofes  une  livre  de  cire  ;  &  toute  la  cire 
provenant  de  ces  ventes  ,  étoit  deftinée  pour 
l'hôtel  du  roi  &  celui  de  la  reine.  Ce  droit  a 
été  révoqué  par  l'ordonnance  des  eaux  & 
forêts  ,  fit.  XV  ,  art.  1 5.  (  y^  ) 

Cire  des  Églises  ,{ Jurifpr. )  c'eft  à  la 
fabrique  des  églifes  paroifliales  à  fournir 
toute  la  cire  néceffaire  pour  la  célébration  de 
l'office  paroifîial ,  &  des  melTes  &  fsrvices 
de  fondation.  Au  défaut  des  revenus  de  la 
fabrique  ,  c'eft  au  gros-décimateur  ,  chargé 
de  la  portion  congrue ,  à  fournir  la  cire  né- 
ceiikire. 


C  I  R 

Les  cierges  que  l'on  allume  â  Tautel,  ceux 
que  l'on  porte  à  l'offrande  ,  que  l'on  met 
fîir  les  pains  bénits ,  &  que  l'on  met  autour 
des  corps  aux  enterremens  &  pompes  funè- 
bres ,  appartiennent  au  curé  ,  à  moins  qu'il 
n'y  ait  quelque  ufage  ou  accord  contraire  , 
pour  les  partager  entre  le  curé  &  la  fabrique. 

Les  parens  ne  peuvent  remporter  la  cire 
qui  fèrt  aux  convois  &  pompes  funèbres , 
à  moins  qu'il  n'y  ait  ufage  &  pofTeflîon  con- 
traires. 

Le  curé  doit  fournir  la  cire  ncceffaire 
pour  les  mefîes  de  dévotion ,  que  la  fabrique 
n'eft  pas  chargée  de  faire  acquitter.  Voye[ 
la  déclaration  de  7,0  juin  \6ç)0  fur  les  por- 
tions congrues  y  èi.  le  diâionn.  de  Brillon  , 
au  mot  cire.  (A)  . 

Cire  ,  (Fonderie ^foit  enfîatue  équejl.foit 
de  cloch.  )  Les  fondeurs  en  bronze  font  un 
modèle  de  leur  ouvrage  en  cire  ,  tout- à-fait 
fembiable  au  premier  modèle  de  plâtre.  On 
donne  à  la  cire  l'épaiffeur  qu'on  veut  donner 
au  bronze  :  car  lorfque  dans  l'efpace  ren- 
fermé par  ces  cires ,  on  a  fait  l'armature  de 
fer  &  le  noyau ,  &  qu'elles  ont  été  recou- 
vertes par-deffus  du  moule  de  potée  &  de 
terre ,  on  les  retire  par  le  moyen  du  feu  qui 
les  rend  liquides ,  d'entre  le  moule  de  potée 
&  le  noyau  \  ce  qui  forme  un  vuide  que  le 
bronze  occupe.  Voye\  Fonderie. 

Les  anciens  ne  prenoient  point  la  précau- 
tion de  faire  le  premier  moule  de  plâtre,  par 
le  moyen  duquel  on  donne  à  la  cire  une 
épaiffeur  égale;  après  avoir  fait  leur  modèle 
avec  de  la  terre  à  potier  préparée  ,  ou  du 
plâtre  ,  ils  l'écorchoient  \  c'eft-à-dire  qu'ils 
en  ôtoient  tout  autour  l'épaiffeur  qu'ils  von- 
loient  donner  au  bronze  ,  de  forte  que  le 
modèle  devenoit  le  noyau  :  &  après  l'avoir 
bien  fait  cuire ,  ils  le  recouvroient  de  cire 
qu'ils  terminoient ,  &  fiir  laquelle  ils  fai- 
foient le  moule  de  potée  dans  lequel  le  mé- 
tal devoit  couler.  On  fe  fert  encore  quelque- 
fois de  cette  méthode  pour  les  bas-reliefs 
&  les  ouvrages  dont  l'exécution  n'eft  pas 
difficile  j  mais  quoiqu'elle  foit  plus  expé- 
ditive  ,  elle  jette  pour  les  grands  ouvrages 
dans,  plufieurs  inconvéniens. 

La  cire  qu'on  emploie  pour  le  modelé , 
doit  être  d'une  qualité  qui  ayant  affez  de 
confifi:ance  pour  fe  foutenir  &  ne  pas  fe  fon- 
dre à  la  grande  chaleur  de  l'été ,  ait  cepeu-, 


C  I  R 

dant  afTcz  de  douceur  pour  qu'on  la  paiflè 
aiféinent  réparer.  On  met  fur  cent  livres  de 
cire  jaune  dix  livres  de  térébenthine  com- 
mune ,  dix  livres  de  poix  graiTe  ,  &  dix 
livres  de  faindoux.  On  fait  fondre  le  tout 
enfemble  à  un  feu  modéré  ,  obfervant  de 
ne  pas  faire  bouillir  la  cire  ,  ce  qui  la  ren- 
droitécumeufe  &  empécheroit  de  la  répa- 
rer proprement.  F^oyei  pour  la  manière 
d'etnployer  cette  compofition  ,  ies  mou 
Bronze  ,  Cloche  ,  &c. 

Cire  des  oreilles  ,  {  Anatom.  )  en  latin 
cérumen  auns  ,  &  par  les  anciens  mé- 
decins ,  aurium  fordes  ;  efpece  de  glu  na- 
turelle qui  fe  trouve  &  s'amalTe  dans  la 
partie  antérieure  &:  cartilagineufe  du  con- 
duit de  l'oreille. 

Dans  la  partie  du  conduit  auditif  collée 
aux  tempes  ,  dans  les  fiffures  ,  &  depuis  la 
partie  qui  eft  couverte  d'un  cartilage  jufqu'à 
la  moitié  du  canal ,  &  félon  Morgagni ,  fur 
la  convexité  fupérienre  de  la  membrane  , 
rampe  un  réfeau  réticulaire ,  celluleux ,  fort, 
fait  d'aréoles ,  où  eft  le  (îege  des  glandes 
jaunes ,  prefque  rondes  ,  ou  ovales  ,  félon 
Duverney  &  VieuiTens ,  le/quelles  glandes 
percent  par  de  petits  trous  la  peau  du  canal. 
Ceft  donc  par  ces  orifices  que  fort  cette 
elpece  de  cire  nommée  cire  de  l'oreille ,  jaune, 
huileufe,  d'abord  fluide,  enfùitc  plus  iblide, 
plus  épaiffe  ,  amere ,  &  qui  prend  feu  lorf- 
qu'elle  eft  pure. 

Duverney  n'eft  pas  le  premier  qui  ait  fait 
mention  des  glandes  cérumineufes  de  l'oreil- 
le j  Stenon  &:  Drelincourt  en  avoient  dit 
quelque  chofe  avant  lui  :  mais  Duverney  en 
adonné  une  defcription  il  claire  &  fiexa£te, 
qu'il  paffe,  avec  aiîéz  de  raifon  ,  pour  en  être 
l'inventeur.  Valfalva  en  a  dépeint  la  figure  ; 
on  les  trouve  aufli  repréfentées  dans  l'anato- 
mie  de  Drake. 

Les  phyficiens  cherchent  à  deviner  les 
iifages  de  la  matière  cérumineufè  que  filtrent 
ces  glandes ,  &  qu'elles  envoient  dans  le 
conduit  auditif  f,  mais  leurs  recherches  fe  bor- 
nent uniquement  à  favoir  que  cette  cire  fert 
à  arrêter  les  ordures  extérieures  &  les  infec- 
tes, qui  en  entrant  dans  l'oreille  ne  manque- 
roient  pas  d'y  nuire. 

Lorfqu'il  s'amaife  trop  de  matière  céru- 
mineufè dans  l'oreille,  les  poils  dont  lacroif 
lance  eft  empêchée  ,  le  plient  ôt  irritent  la 


C  I  R  135 

membrane  du  canal ,  dont  la  démaugeaiibu 
force  à  le  nettoyer. 

Quelquefois  cette  humeur  gluante  s'y 
amalîè  en  trop  grande  abondance ,  s'y  épaif- 
fit  par  fon  féjour,  &  empêche  que  les  trem- 
blemens  de  l'air  ne  parviennent  jufqu'à  l'or- 
gane immédiat  de  l'ouie,  ce  qui  produit  l'ef- 
pece  de  liirdité  la  plus  commune  &  la  plus 
guéri/fable  ^  c'eft  même  prefque  la  (ëule  que 
les  gens  habiles  ôc  finceres  entreprennent  de 
traiter. 

Ils  expofent  pour  la  connoître  l'oreille  du 
malade  aux  rayons  du  foleil  ^  &  quand  ils 
découvrent  le  conduit  bouché  par  l'épaifTif- 
fèment  de  la  cire  ,  ils  Ce  fervent  d'un  inf 
trument  particulier  pour  l'enlever ,  &  font 
enfaite  des  injections  d'eau  dans  laquelle  ils 
ont  fondu  un  peu  de  fèl  &  de  favon  :  ils  iè 
fervent  aulîi  d'injeftion  d'eau  tiède  aiguifce 
par  quelques  gouttes  d'efprit-de-vin  ;,  par  ce 
moyen  ils  nettoient  à  merveille  le  conduit 
auditif,  &  guériffent  parfaitement  cette 
furdité. 

Si  cette  humeur  huileufe  &  fluide  de  (à 
nature  pèche  par  fon  abondance  accompa- 
gnée d'acrimonie',  non  feulement  elle  caufè 
des  démangenifons  importuucs,  mais  encore 
le  mal  d'oreille  :  alors  elle  peut  prendre  dif- 
férentes couleurs  ,  acquérir  de  la  fétidité , 
&  former  un  petit  ulcère  par  fon  fëjour  , 
ià  dégénération  ,  &  fa  quantité  j  ce  qui 
cependant  eft  rare  :  en  ce  cas  toutefois  il 
faut  traiter  ce  mal  accidentel  par  des  injec- 
tions déterfives ,  antiseptiques  ,  &  par  des 
tentes   imbibées  de  légers  balfamiques. 

Quelquefois  cette  cire  fe  pétrifie  ^  c'eft 
alors  qu'elle  caufe  une  furdité  prefque  incu- 
rable ,  en  bouchant  exactement  le  conduit 
ofièux  &  le  conduit  cartilagineux  ,  comme 
Duverney  dit  l'avoir  obf^rvé  dans  plufieurs 
fujetf.  L'on  conçoit  aifément  la  pétrifica- 
tion de  la  cire  des  oreilles ,  parla  conformité 
de  fa  nature  avec  celle  de  la  bile  qui  le  pé- 
trifie fi  fouvent  dans  la  véficule  du  fiel. 

Mais  fi  l'abondance  &  la  pétrification  de 
cette  glu  cérumineufè  font  nuifibles ,  la  pri- 
vation de  fà  fecrétion  dans  les  glandes  pro^ 
duit  à  fon  tour  quelquefois  la  furdité ,  prin- 
cipalement dans  la  vieillefie ,  fiiivantles  ob- 
fervations  de  Duverney  ,  de  Morgagni  &: 
de  Valfalva. 

Les   anciens  anatomiftes,  &  Bartholiu 


13^  CI  R 

entre  autres  (  Anat.  liv.  III ,  cA.  ix,  )  ,  ont 
pris  la  are  des  oreilles  pour  un  excrément 
du  erveau.  Rien  de  plus  abfurdc,  outre 
qu'on  ne  connoît  aucun  pafTage  par  où  cette 
humeur  étant  feparée  du  cerveau  ,  pourroit 
venir   dans  le  conduit  auditif. 

Quant  au  goût  de  cette  cire  ,  CafTerius 
^apporte  des  exemples  de  quelques  animaux 
chez  qui  elle  eft  d'une  faveur  douce  :  dans 
rhom.me  ,  Schelhammer  y  trouve  peu  de 
douceur,  &  beaucoup  d'amertume  j  &  Der- 
ham  ,  un  goût  infipide  mêlé  d'amertume  ; 
ces  dirtërences  doivent  varier  félon  le  temps , 
les  fujets  ,  l'âge  ,  &c. 

Tout  ce  qu'on  dit  des  vertus  de  la  cire  des 
om//c5 eflm-ifcrable:  Paul  Eginctte  lavante 
pour  la  guérifon  des  crevalFes  de  la  peau 
qui  fe  forment  autour  de  la  racine  des  on- 
gles j  Pline  la  loue  contre  la  morfure  de 
l'homme,  des  ferpens  ôcdes  fcorpions^  Van- 
helmont  ,  dans  les  piquures  des  nerfs  j  Et- 
muller ,  dans  les  bleilures  des  parties  nerveu- 
fcs^  Serenus  Sammonicus ,  pour  la  cure  des 
furoncles  ^  d'autres  en  recommandent  l'ufage 
interne  pour  la  colique  j  Agricola  en  fait  un 
onguent  pour  les  tumeurs  des  jointures  & 
les  abcès  ,  &c. 

Les  éphémérides  des  curieux  de  la  nature 
lie  font  remplies  que  de  niaiferies  de  cette 
e/pece.  Parlons  vrai  :  cette  humeur  des  glan- 
des qui  paroït  par  fa  confiftance  &  fon  ainer- 
tume  un  compofé  de  cire  &  d'huile  ,  peut 
avoir  quelque  médiocre  qualité  favoneufe  , 
abftergente  ,  déterfive  ^  mais  manquons- 
nous  d'autres  remèdes  en  qualité  &  abon- 
dance mieux  choifis ,  &  qui  répondront  aux 
mêmes  intentions  ?  Prenons  de  la  cire  com- 
mune ,  de  l'huile  ,  du  favon  '-,  voilà  des  fe- 
cours  que  nous  avons  fous  la  main  pour  une 
infinité  de  cas  ,  &  n'allons  pas  puifer  nos 
recettes  dans  le  bizarre,  le  merveilleux,  dans 
les  contes  des  géans  &  des  bonnes-femmes. 

Papinius  (Nicolaùs)  a  écrit  un  petit  livre 
latin  fur  l'ufage  de  la  cire  des  oreilles  ,  im- 
primé à  Saumur  en  1648  ,  in- ii.  On  peut 
juger  par  ce  que  nous  venons  de  dire ,  du 
cas  qu'on  doit  faire  de  cet  ouvrage.  Cet  ar- 
ticle eft  de  M.  le  chevalier  de  J au  court. 

CIRENZA  ou  ACERENZA,  (Géog.) 
ville  d'Italie  au  royaume  de  Naples ,  capi- 
tale de  la  Bafîlicate ,  fur  la  rivière  de  Bran- 
àuaoi  Long,  3  j  ,  40  j  lac,  40  ^  48. 


GI  R 

CIRIE  ,  (  Géog,  )  ville  d'Italie  au  Pié- 
mont ,  fur  la  Sture. 

CIRIER  ,  f.  m.  ouvrier  qui  travaille  en 
cire.  Les  abeilles  forment  leur  cire  avec  la 
poufîiere  des  étamines  des  fleurs  qu'elles 
recueillent, 

Lorfque  ces  infeétes  ont  fait  ces  récoltes  , 
on  s'en  empare.  Les  uns  font  mi  trou  en 
terre  ,  ils  y  mettent  brûler  du  fbufre ,  &  ils 
préfentent  les  ruches  fur  le  trou  pour  faire 
périr  les  mouches  &  recueillir  enfuite  avec 
facilité  leur  cire  &leur  miel.  Ceux  qui  fui- 
vent  cette  méthode  entendent  peu  leurs  inté- 
rêts ;  ils  perdent  un  nombre  immcnfe  d'ou- 
vrières qui  auroient  donné  le  jour  à  un  gra^nd 
nombre  d'autres.  Une  méthode  mieux  en- 
tendue efl  de  prendre  un  panier  vuide  ,  de 
l'aboucher  fur  une  ruche  pleine  de  mouches 
&  de  provifions ,  &  de  faire  paffer  les  mou- 
ches dans  le  panier  vuide.  De  cette  manière 
on  profite  de  la  récolte  des  mouches  ,  on  les 
conferve  ,  &  elles  travaillent  de  nouveau. 
Lorfque  le  pays  n'eft  pas  affez  abondant  en 
fleurs ,  on  peut  ne  leur  enlever  qu'une  partie 
de  leurs  provifions  :  cette  fage  économie  eft 
des  plus  avantageufès. 

Aufîi-tôt  qu'on  a  enlevé  les  gâteaux  des 
ruches  ,  on  met  à  part  les  plus  beaux  ,  on 
paffe  légèrement  un  couteau  fur  ces  gâteaux 
pour  rompre  les  couvertures  des  alvéoles  , 
&  emporter  le  miel  épais  qui ,  fe  trouvant 
immédiatement  fous  ces  couvertures  de  cire , 
empêcheroit  le  miel  liquide  de  s'écouler  :  on 
rompt  enfiiite  les  gâteaux  en  plufieurs  mor- 
ceaux ^  on  les  met  fur  des  corbeilles ,  fur  des 
claies  d'ofîer,  ou  fur  une  toile  de  canevas 
tendue  fur  un  chafîis  ,  &  on  place  deffous 
un  vafe  bien  net  :  le  miel  qui  en  découle 
naturellement  ,  &  qui  efl  k  plus  blanc ,  le 
plus  parfait ,  fe  nomme  miel  vierge.  Cette 
efjjece  de  miel  fe  grumele  de  lui-même  j  & 
lorfqu'il  eft  d'une  bonne  efpece  ,  il  devient 
grené  comme  le  miel  de  Narbonne  qui  , 
comme  on  fait ,  efl  le  plus  elHmé  à  caufe  de 
fa  faveur  aromatique  produite  par  les  fleurs 
odorantes,  &fiir-tout  par  les  fleurs  de  roma- 
rin ,  fur  lelquelles  les  abeilles  le  recueillent. 

Quand  on  a  retiré  le  premier  miel ,  on 
brife  les  gâteaux  avec  les  mains  fans  les  pétrir, 
&  on  y  joint  ceux  qui  font  un  peu  moins 
parfaits.  Le  tout  enfemble  produit  du  miel 
de  moindre  qualité ,  dont  la  couleur  jaune 

efl 


C  I  R 

cft  càuf^e  par  une  petite  partie  de  cire  hrute , 
mêlée  d'utn  peu  de  miel  dont  pkfieurs  alvéo- 
les fe  trouvent  remplis  :  ce  miel  eft  encore 
afîcz  bon. 

On  met  ces  dlfFérens  miels  diins  des  pots 
que  l'on  tient  dans  des  lieux  frais  fans  être 
humides  :  la  poufliere  des  étamines  ,  ou  le 
peu  de  cire  qui  peut  fè  trouver  mêlé  avec  le 
miel ,  fumage  par  fa  légèreté  ,  &  on  enlevé 
avec  une  cuiller  ces  lûbftances  étrangères. 
Enfin  les  gâteaux  les  moins  beaux ,  qui  con- 
tiennent du  miel  avec  beaucoup  de  cire 
brute ,  fonvmêlés  enfemble  ;  on  les  pétrit ,  & 
on  retire  par  expreJSion  le  miel  qu'on  appelle 
miel  commun.  Fbye;^  PURIFICATION  DE 

LA  Cire. 

Lorfqu'on  a  ôté  le  miel  que  les  gâteaux  de 
cire  contenoient ,  on  met  la  pâte  de  cire  dans 
de  Teau  claire  ,  &  on  a  foin  de  la  remuer 
de  temps  en  temps  pour  laver  la  cire ,  &  dif- 
foudre  le  peu  de  miel  qui  y  refte  adhérent. 
On  prétend  que  la  cire  qui  a  été  ainfi  trem- 
pée dans  de  l'eau  refte  plus  graffe  que  celle 
qu'on  tient  bien  fëchement  :  c'eft  par  cette 
raifon  que  quelques  perfonncs  ,  pour  démê- 
ler la  cire  ,  retendent  prés  des  ruches  au 
fortir  de  la  prefle  :  un  nombre  prodigieux 
d'abeilles  s'alfemblcnt  fur  cette  cire  ,  la 
réduifent  en  petites  parcelles  comme  du  fon , 
&:  en  fucent  tout  le  miel ,  iàns  enlever  la 
moindre  quantité  de  cire. 

La  féconde  &  la  plus  importante  prépara- 
tion de  la  cire  s'exécute  eri  h  failant  fondre 
pour  la  pafler  dans  un  hnge  qui  retient  les 
corps  étrangers.  On  mêle  enfemble  toutes  les 
cires  qu'on  a  recueillies  ,  la  blanche  ,  la 
TJaune  &  la  noire  ;  car  il  faut  obferver  que  , 
iorfque  les  gâteaux  font  nouvellement  faits  , 
les  uns  font  d'un  jaune  clair  &  ambré  ,  &: 
les  autres  font  blancs  ,  mais  ils  jaunifîènt 
tous  avec  le  temps  ,  &  même  ils  noirciffent  ; 
«fFet  occafioné  par  les  vapeurs  qui  régnent 
dans  la  ruche.  Le  blanchiment  dont  nous 
allons  parler,  ne  fait  que  ramener  la  cire  Vi 
fa  première  blancheur  ;  car  celle  qui  originai- 
rement n'étoit  pas  blanche ,  ne  peut  1-e  deve- 
nir. On  met  enfemble  tous  ces  gâteaux  de 
cire  dans  une  grande  chaudière  de  cuivre  , 
que  l'on  remplit  au  tiers  d'eau  ;  l'eau  ,  en 
bouillant ,  fait  fondre  cette  cire  que  l'on  a 
■foin  de  remuer  avec. une  fpatule  de  bois  , 
•afin  d'empêcher  qu'elle  ne  s'attache  au  bord 
Tome  VIIL 


CIK  137 

de  la  chaudière  ,  où  elle  pourroît  fe  brûler. 
Lorfque  la  cire  eft  bien  fondue  ,  on  la  veric 
avec  l'eau  fur  laquelle  elle  nage ,  dans  des 
facs  de  toile  forte  &  claire  ,  qu'on  a  fait 
tremper  dans  l'eau  bouillante  pour  empêcher 
l'adhérence  de  la  cire ,  &  à  l'inftant  on  les 
met  fous  une  prelîe  :  la  cire  qui  coule  efl 
reçue  dans  des  vaiés  ,  où  il  efl  bon  de  mettrf 
de  l'eau  chaude  pour  que  les  ordures  fe  pré- 
cipitent. 

Il  faut  avoir  foin  de  ne  pas  beaucoup  cuire 
la  cire  ,  parce  qu'elle  deviendroit  trop  feche  » 
cafTante  &  brune  ;  cette  couleur  efl  d'autant 
plus  fâcheufe  qu'elle  ne  peut  être  enlevée  nî 
parle  foleil ,  ni  parla  rolée.  Il  ne  faut  pas  s'in- 
quiéter fi  on  ne  rcnre  pas  toute  la  cire  par  la 
première  fonte.  Celle  qui  relie  dans  le  marc  » 
qui  efl  compofé  pour  la  plus  grande  partie 
des  dépouilles  des  nymphes  ,  n'efl  pas  perdue. 
On  remet  ce  marc  tremper  dans  de  l'eau  pen- 
dant quelques  jours,  on  le  fait  fondre  de 
nouveau  ,  &  on  en  exprime  encore  un  peu 
de  cire  ;  fi  on  mettoit  ce  marc  fondre  tout 
de  lliite  on  en  retireroit  moins  de  cire  ,  on 
obfervera  à  cette  occafion  que  ,  fi  l'on  prend 
un  rayon  récemment  formé  par  les  abeilles  , 
&  dans  lequel  il  n'y  a  point  encore  eu  de 
miel ,  on  en  peut  retirer  par  l'eau  ,  &  encore 
mieux  par  jiefprit-de-vin  ,  une  fubflance 
fucrée  &  mielleufe.  Quand  cette  fubflance 
a  été  retirée  de  la  cire  ,  elle  en  devient  plus 
maniable  :  il  efl  probable  qu'en  mettant  la 
cire  dans  l'eau ,  on  lui  enlevé  cette  partie 
étrangère. 

La  cire  en  tombant  dans  l'eau  fè  îigt  & 
fumage  ;  on  l'en  retire  par  morceaux  ,  &  on 
enlevé  avec  la  lame  d'un  couteau  les  ordu- 
res &  les  pouflîeres  d'étami  nés  qui  font  adhé- 
rentes au  defîbus  de  ces  morceaux  ;  ces 
crafîès  qui  peuvent  contenir  un  peu  de  cire 
font  rejetées  dans  les  autres  fontes. 

Pour  former  des  pains  de  cette  cire ,  on  la 
fait  fondre  de  nouveau  dans  une  chaudière 
avec  de  l'eau  ;  lorfqu'elle  efl  fondue  &  qu'elle 
a  été  écumée  ,  on  la  verfe  dans  dts  terrines 
ou  autres  vaiffèaux  dans  lefquels  on.  met  un 
peu  d'eau  ,  dont  on  afperge  auffî  \t5  parois  •: 
ces  vailîêaux  doivent  être  plus  larges  par  le 
haut  que  par  le  fond.  La  cire  fe  fige  en  fe 
relroidifîânt ,  &  elle  fe  moule  en  gros  pains  , 
tels  qu'on  voit  la  cire  jaune  expolée  en  vente 
chez  les  épiciers. 


13S  C  ï  R 

Dans  cette  féconde  fonte  ,  on  doit  encore 
plus  ménager  le  feu  que  dans  les  précéden- 
tes :  &  mouler  la  cire  auffi-tôt  qu'elle  eft 
fondue  ;  car  c'efl  une  règle  générale  que  la 
cire  brunit  à  chaque  fonte  :  &  fi  on  la  lailfoit 
trop  long-temps  expofée  à  l'aûion  du  feu  , 
au  lieu  d'être  ondueufe  ,  elle  deviendroit 
ieche  &  caffante ,  ce  qui  eft  réputé  au  moins 
un  grand  défaut  dans  les  bonnes  manufac- 
tures ;  quoique  ,  dans  quelques  blanchifferies 
où  on  fait  de  la  cire,  commune  ,  on  préfère 
cette  cire  parce  qu'elle  fouiïre  mieux  le  mé- 
lange de  la  graifîe. 

On  reconnoît  que  la  cire  jaune  en  pain  a 
été  fophilHquée  par  le  miêlange  de  graifle  , 
ou  à  la  faveur ,  ou  en  la  mettant  fous  la 
dent.  Après  avoir  mordu  la  cire  ^  li  ,  eu 
féparant  les  dents ,  on  entend  un  petit  bruit , 
c'eft  figne  que  la  cire  n'ert  point  alliée  de 
graifîe  ,  &  le  contraire  fait  juger  qu'on  y  a 
introduit  de  la  graiflé. 

La  cire  jaune  efl  employée  par  les  menui- 
fiers  èc'lts  ébéniiies  pour  donner  du  luftre  à 
leurs  ouvrages  ,  auffi  bien  que  par  les  trot- 
teurs des  planchers  des  appartemens.  On  en 
fait  auffi  des  bougies  pour  la  marine  ,  parce 
que  dans  les  pays  ch*uds ,  le  (ùif  devient 
trop  coulant.  C'eil:  cette  cire^^jaune  qu'on 
emploie  pour  faire  différens  onguens  ,  des 
cérats  &  des  maffics  ;  les  fculpteurs  en  font 
une  corapofition  mêlée  de  graifîe  pour  faire 
leurs  modèles. 

Plufieurs  de  nos  provinces  nous  fbur- 
nifîént  de  la  cire  jaune  ,  favoir ,  la  Cham- 
pagne ,  l'Auvergne  ,  l'Anjou  ,  le  Bourde- 
lois  ,  la  Normandie  ,  la  Bretagne  ,.  la  So- 
logne ,  mais  on  efl  encore  obligé  d'en  tirer 
de  l'étranger  :  on  en  tire  du  Levant.  &  du 
Nord. 

Comme  la  plus  grande  partie  de  la  cire  ne 
s'emploie  qu'après  avoir  été  blanchie  ,,  nous 
allons   préfenter  l'idée  de  cette  opération. 

Les  pratiques  employées  pour  blanchir 
la  cire  jaune  font  à-peu-près  les  mêmes  dans 
foutes  les  blanchifferies  du  royaume..  S'il  y 
a  des  cires  plus  feches  les  unes  que  les  au- 
tres ,  c'eil  parce  que  ceux  qui  les  blanchif- 
lent  les  allieçt  avec  moins  de  fuif ,  ou  qu'ils 
Ti*y  en  mettent  point  du  t-out  :  s'il  y  en  a 
de  plus  blanches  &  de  plus  tranfparentes 
les  unes  que  les  autres  ,  .c'efl  que  les  blan- 
^hiiîewrs  entendent  mieux  leur  art  3  &  qu'ils 


C  I  R 

apportent  plus  d'attention  à  leur  travaiî  ^ 
&  encore  parce  qu'il  fe  trouve  des  cires 
jaunes  qui  blancl^ffent  mieux  &  plus  faci- 
lement les  unes  que  les  autres. 

Les  cires  de  pays  de  vignobles  ne  blan- 
chifTent  que  très-difîicilement  ,  &  même 
elles  ne  blanchiroient  pas  fi  on  ne  les  al- 
lioit  avec  du  fuit ,  qui ,  par  fa  blancheur  ^ 
fait  diiparcître  le  jaune  :  on  y  mêle  ju(- 
qu'à  vingt-cinq  &  trente  livres  de  luif  fur 
un  quintal  de  cire.  Comme  il  y  a  aux  en- 
virons de  Rouen  quelques  manufadures  de- 
bougies  où  l'on  ne  travaille  que  des  cires 
de  cette  efpece  ,  on  connoît  à  Paris  des  ci- 
res communes  &  mélangées  fous  le  nom 
de  cires  de  Rouen  ;  on  les  reconnoît  aifé- 
ment  en  ce  que  la  cire  eft  d'un  blanc  mat  j, 
&  n'efî  jamais  fi  claire  ni  fi  tranfparente 
que  les  belles  bougies.  On  les  acheté  à 
meilleur  marché  que  les  bougies  faites  de 
bonne  cire  ,.  mais  elles  ne  font  pas  le  même 
profit ,  parce  qu'elles  fe  confument  plus 
promptement.  Il  n'y  .a  qiae  quelques  célè- 
bres blanchiiTeries  où  l'on  fabrique  la  cire- 
fans  aucun  alliage.  On  ajoute  d'ordinaire 
dans  les  autres  une  petite  quantité  de  graifîe 
à  la  fonte  de  la  cire  jaune  :  le  mieux  eft 
d'employer  le  fuif  de  mouton  le  plus  ferme  , 
celui  qui  efl  auprès  des  rognons  ;  pour  le 
préparer  à  ce  mélange  y  on  le  fond  &  on  le_ 
bat  avec  du  vinaigre. 

La  cire  ne  doit  fa  couleur  jaune  qu'à. 
une  fubflance  grafTe  :  la  preuve  en  efl  que 
la  cire  jaune  efl  plus  ondueufe  que  la  blan- 
che. Cette  huile  colorante  efl  moins  fixe^ 
que  la  vraie  cire  ,  car  la  rofée  &  princi- 
palement le  foleil  l'enlèvent.  On  s'attache 
feulement  à  divifer  la  cire  ,  de  manière  à 
prcfenter  le  plus  de  furtace  pofEble  ;  pour 
cet  effet ,  on  la  fait  fondre  dans  une  grande 
chaudière  ;  lorfqu'eile  efl  fondue  ,  on  la 
fait  couler  dans  une  cuve  de  bois  ,  élevée 
de  cinq  à  fix  pies  de  terre  ,  que  l'on  cou- 
vre avec  un  couvercle  qu'on  enveloppe 
avec  des  couvertures  ;  on  la  laiffe  pendant 
quelques  heures  dans.cct  état  pour  que  les 
craffes  fe  dépofent  au  fond  ;  on  fait  en- 
fuite  couler  la  cire  fondue  par  un  robinet 
de  bois ,  on  la  reçoit  dans  une  paffoire  cri- 
blée qui.,  en  la  laiffant  échapper  par  (es 
trous  ,  retient  toutes  les  ordures.  La  cire 
tombe  delà  pailbire  dans  la  gr^'/oirtf  ,  qui  efl 


cm 

Xiht  auge  longue  &  étroite  percée  par  le  fond 
d'une  cinquantaine  de  petits  trous  ,  rangés 
fur  une  même  ligne  ,  &  féparés  par  un  efpace 
€gal.  La  cire  diftribuée  par  ces  trous  ,  & 
formant  cinquante  fils  dans  fa  chute  ,  va  fe 
rendre  fur  un  cylindre  de  buis  ou  de  quelque 
autre  bois  dur  &  bien  uni.  Le  diamètre  de 
ce  cylindre  efl  environ  d'un  pié.  Il  plonge  de 
la  moitié  de  fbn  épaiflbur  dans  l'eau  d'une 
longue  baignoire  ,  au  bout  de  laquelle  un 
■enfant  la  fait  tourner  avec  une  manivelle. 
Chaque  fil  de  cire  fondue  fe  fige  &  s'applatit 
en  arrivant  fur  le  tour  qui  trempe  dans  l'eau 
froide  :  le  cylindre  tournant ,  c'efl  une  né- 
ceffité  que  toutes  les  gouttelettes  de  cire  étant 
fuccellîvement  refroidies  &  applaties  ,  il  fe 
forme  un  lacet  mince  qui  fe  détache  par  l'ac- 
tion de  l'eau  en  y  entrant.  La  furface  de  l'eau 
fe  trouve  couverte  en  un  inftant  de  ces  cin- 
ijuante  rubans  jaunes  qui  fe  forment  &  qui 
filent  fans  interruption  delîus  le  tour.  On  les 
enlevé  avec  une  grande  fourche  de  bois  en 
manière  de  trident  :  &  dc-là  on  va  les  étendre 
fur  de  longs  chaffis  élevés  à  deux  pies  de 
terre  &  garnis  de  toile  ,  où  le  tout  bien  épars 
reçoit  les  impreflions  de  la  rofée  &  du  foleil  ; 
on  a  foin  de  les  retourner  afin  de  préfènter 
au  Ibleil  les  furfaces  qui  étoient  d'abord  en 
deflbus. 

Lorfque  la  cire  a  acquis  le  premier  de- 
gré de  blancheur  ,  on  la  relevé  de  defîîis 
les  toiles  pour  la  porter  dans  le  magalin  ; 
on  l'y  met  en  tas  &  on  l'y  laifîe  pendant 
un  mois  ou  lix  femaines  pour  lui  donner 
le  temps  de  fermenter  ;  elle  forme  alors 
une  mafîe  affez  folide  pour  qu'on  foit  obligé 
de  fe  fervir  de  pioches  lorfqu'on  veut  la 
retirer. 

On  refond  de  nouveau  cette  cire  qui  a 
perdu  fon  premier  jaune  ;  on  réitère  la  même 
opération  que  la  première  fois ,  on  la  met-en 
ruban  ,  on  l'expofe  au  foleîl  &  à  la  rofée  fur 
les  toiles  ;  cette  féconde  opération  fe  nom- 
me le  regre'lage.  On  laiffe  la  cire  huit  ou 
quinze  jours  fur  la  toile  ,  fuivant  le  temps 
qu'il  fait  ,  &  la  qualité  de  la  cire  :  on  la 
retourne  comme  on  a  fait  la  jaune  ;  &  lorf- 
que la  cire  a  acquis  fon  blanc ,  on  la  relevé 
pour  la  porter  au  magafm. 

On  refond  cette  cire  pour  la  troifieme  & . 
dernière  fois  :  cette  opération  fe  nomme 
e'culer  ;  elle  confifle  à  mouler  la  cire  en  pe- 


C  I  R.  13^ 

tîts  pains.  En  la  faifant  fondre  ,  queliques 
blanchifleurs  ajoutent  trois  à  quatre  pintes 
de  lait  fur  un  miUier  de  cire  ;  ce  lait  occa- 
fione  à  la  vérité  un  dépôt  ou  un  déchet 
au  fond  de  la  cuve  ,  d'environ  deux  livres 
par  cent  de  cire  ,  de  plus  que  lorfqu'on  n'en 
rner  pas  ;  mais  il  paroît  que  ce  dépôt  conli- 
dérablerend  la  cire  plus  parfaite  &  plus  pure. 

Lorfque  la  cire  eft  fondue  &  repofée, 
on  la  fait  couler  fur  une  table  toute  percée 
de  petits  enfoncemens  ronds  de  la  forme 
des  pains  de  cire  blanche  que  vendent  les 
marchands  épiciers-ciriers  ,  ayant  aupara- 
vant mouillé  les  moules  d'eau  fraîche  & 
nette  ,  pour  qu'on  en  puifîe  plus  facilement 
retirer  la  cire  ;  après  quoi ,  on  l'expofe  en- 
core à  l'air  fiir  les  toiles  pendant  deux  jours 
&  deux  nuits.  Pour  lors  elle  eft  en  état 
d'être  employée  pour  faire  les  cierges  &  là 
bougie. 

Il  y  a  deux  manières  de  faire  des  cierges  : 
l'une  à  la  cuiller  ,  &  l'autre  à  la  main. 

Voici  la  première  :  l'on  coupe  les  brins  des 
mèches  que  l'on  fait  ordinairement  moitié 
coton  &  moitié  filafîe  ,  obfervant  qu'ils 
foient  de  la  longueur  dont  on  veut  faire  les 
cierges  :  on  en  pend  une  douzaine  à  diftances 
égales  autour  d'un  Cerceau  de  fer  perpen- 
diculairement au  deffus  d'un  grand  baflîn 
de  cuivre  plein  de  cire  fondue.  Alors  on 
prend  une  cuiller  de  fer  qu'on  emplit  de 
cette  cire  ,  on  la  verfe  doucement  fur  les 
mèches  au  deffous  de  leur  extrémité  fupé- 
rieure  ,  de  forte  que  ,  coulant  du  haut  en 
bas  fur  les  mèches  ,  elles  en  deviennent 
entièrement  couvertes  ,  &  le  furplus  de  la 
cire  retombe  dans  le  baflin  ,  au  deffous 
duquel  eft  un  brafier  pour  tenir  la  cire  en 
fufion  ,  &  empêcher  qu'elle  ne  fe  fige.  On 
arrofe  les  mèches  dix  ou  douze  fois  de 
fuite  jufqu'à  ce  que  les  cierges  aient  pris 
l'épaifleur  qu'on  leur  veut  donner.  Les  cier- 
ges étant  formés  ,  on  les  pofe  ,  pendant 
qu'ils  font  encore  chauds ,  dans  un  ht  de 
plume  pour  les  tenir  mous.  On  les  en  tire 
l'un  après  l'autre  pour  les  rouler  fur  une 
table  longue  &  unie  ,  avec  un  inftrument 
obi  on  g  de  buis  ,  dont  le  coté  inférieur  eft 
poli  ,  &  dont  l'autre  eft  garni  d'une  anfè. 
Après  que  l'on  a  ainfi  roulé  &  poli  les  cier- 
ges ,  on  en  coupe  un  morceau  du  côté  du 
bout  épais  ,  dans  lequel  on  perce    un  trou 

Si 


^4©  C  I  R 

conique  avec  un  inftrumcnt  Je  huis  ,  afin 
que  les  cierges  puiiTent  entrer  dans  les  chan- 
deliers. Enfin  on  pend  les  cierges  à  dt-s  cer- 
ceaux pour  les  fécher  ,  durcir  &  cxpo(er  en 
vente. 

Pour  faire  les  cierges  à  la  main  ;  lorique 
les  mèches  font  difpofées  comme  ci-dcflijs  , 
en  amollit  la  cire  dans  de  l'eau  chaude  , 
&  dans  un  vaifTeau  de  cuivre  étroit  &  pro- 
fond ;  enfulte  ,  on  prend  une  poignée  de 
cette  clrd ,  &  on  l'applique  par  degrés  à  la 
mèche  qui  cil  attachée  à  un  crochet  dans 
le  mur  par  le  bout  oppofé  au  collet  ,  de 
forte  que  l'on  commence  à  former  le  cierge 
par  fon  gros  bout  ;  on  continue  cette  opé- 
ration en  le  faifant  toujours  moins  fort  à 
mefure  que  l'on  avance  vers  le  collet.  Le 
refîe  fc  fait  de  la  manière  ci-defTus  expliquée , 
fi  ce  n'efî  qu'au  heu  de  les  mettre  dans  un 
lit  de  plumes,  oa  les  roule  fur  la  table 
aufli-tôt  qu'ils  Ibnt  formés. 

Il  faut  obferver  que ,  pendant  toute  l'o- 
pération des  cierges  laits  à  la  cuiller  ,  on  fe 
fert  d'eau  pour  mouiller  la  table  ,  afin  d'em- 
pêcher que  la  cire  ne  s'y  attache  ;  &  que , 
dans  l'opération  des  cierges  faits  à  la  main  , 
on  fe  lert  d'huile  d'olive  pour  prévenir  le 
iTiême  inconvénient. 

La  bougie  de  table  ne  fe  fait  guère  autre- 
■rnent  que  les  cierges  à  la  cuiller  :  on  fait  des 


C  I  R 

â^tt're  travaillée.  Enfulte  ,  on  la  retire  d'entre 
les  draps  ;  on  répand  un  peu  d'eau  fur  une 
table  bien  unie  &  bien  propre  ;  on  la  roule 
fur  cette  table  avec  le  rouLoir  qui  eit  ordi- 
nairement un  outil  de  buis  ,  plat  &  uni  pai»-' 
defTous  ,  plus  long  que  large  ,   ayant  une 
poignée  pardefllis  ,  &  dont  la  forme  ,  quoi- 
que plus  grande  ,  eft   à-peu-pVès   fembla- 
ble  à  ces  morceaux  de  marbre  taillés  que 
l'on  met  fur  les  papiers  dans  les  cabinets. 
Après  l'opération  du  rouloir  ,  on  coupe  la 
bougie  du  côté  du  collet  ;  on  ôte  le  ferret  ; 
on  lui  forme  la  tête  avec  un  couteau  de  bois  » 
&  on  l'accroche  par  le  bout  de  la  mèche  qui 
eft  découvert ,  à  un  autre  cerceau  garni  fur 
fa  circonférence  de  cinquante  crochets  de 
fer.  Quand  le  cerceau  elf  garni  de  bougies  y 
on  leur  donne  trois  demi-jets  par  en  bas  ^ 
puis  des  jets  entiers ,  qu'on  continue  jufqu'à 
ce  qu'elles  aient  le  poids  qu'on  defire.  Après 
le  dernier  jet ,  on  décroche  la  bougie  ;  on  la 
remet  entre  \ts  draps  fous  la  couverture  ;  on 
l'en  retire  pour  la  repafTer  au  rouloir  ;  on  1^ 
rogne  par  le  bas  avec  un  couteau  de  buis  ; 
on  l'accroche   derechef  à  des  cerceaux  de 
fer ,  &  on  la  lailîe    fécher,    La  bougie  de 
table  eft  de  différentes  grofîeurs  ;  il  y  en  a 
depuis  quatre  jufqu'à  feize  à  la  hvre. 

C'eil  de  cette  qualité  du  coton  &  de  la 
proportion  de  la  mèche  ,  que  dépend  en  par- 


mèches     moitié     coton   ,   moitié  fil  blanc  j  tie  la  bonté  de  la  bougie.  Le  coton  ne  îau- 


&;  fin  ;  on  les  tord  un  peu  ;  on  les  cire  avec 
de  la  cire  blanche ,  afin  de  les  égalifcr  fur 
toute  leur  longueur  ;  &  on  les  enferre  par  k 
bout  avec  un  petit  ferret  de  fer  blanc  placé 
vers  le  collet  de  la  bougie  ;  ce  ferret  couvre 
l'extrémité  de  la  mèche  ,  &  empêche  la  cire 
de  s'y  appliquer.  Quand  les    mèches  font 
enferrées ,  on  les  colle  chacune  féparément , 
par  le  côté  oppofé  au  collet ,  à  des  bouts  de 
iicelle  qui  font  attachés  autour  d'un  cerceau 
iufpendu  au  ^effus.de  la  poêle  où  l'on  tient 
là  cire  en  fufibn  pour  coller.  Quand  toutes 
les  mèches  font  appliquées  autour  du  cer- 
veau ,  on  les  ^ette  l'une  après  l'autre ,  jufqu'à 
t  e  que  la  bougie  ait  acquis  environ  la  moitié 
de  fbn  poids  ;  c'efî-à-dire  ,  qu'on   verlè  de 
la  cire  deffus  \ts  mèches  ,  comme  on  le  pra- 
tique aux  cierges  faits  à  la  cuiller.    Puis  on 
retire  la  bougie  du  cerceau  ,  &  on  Ja  met 
entre  deux  draps  avec  une  petite  couverture 
^ardeffus.^  pour    la  jcenir  moUe  &  en  état 


roit  être  trop  beau  y  trop  égal ,  ni  trop  bien 
épluché  ,  lans  quoi  ,  il  fait  couler  la  bou- 
,  gie ,  ainfi  que  lorfqae  la  mèche  n'efl  pas  alfez- 
groffe  ;  car  ,  pour  lors  ,  cette  mèche  ne  con- 
fumant  pas  allez  de  cire  ,  elle  s'extravafchors 
du  godet  qui  fe  forme  autour  de  la  mèche,. 
Il  efl  des  cas  où  une  bougie  ,  même  très- 
bonne  y.  peut  couler  ;  comme  ,  par  exem- 
ple,  lorfqu'elle  efl  agitée  par  un  courant 
d'air  ,  ou  expofée  trop  près  du  feu. 

La  bonne  cire  doit  être  d'un  blanc  clair  y 
un  peu  bleuâtre  ,  &  fur-tout  traniparente  ; 
les  cires  alliées  de  graifî'e  peuvent  être  fort 
blanches ,  mais  elles  font  toujours  d'un  blanc 
mât&  farineux  ;  on  n'y  trouve  point ,  quand 
on  les  touche  ,  la  féeherefîe  de  la  cire  pure  ; 
elles  ne  font  point  afièz  tranfpar entes  ;  elles 
ont  une  mauvalfe  odeur  qui  fe  fait  fentir 
fur-tout  lorfqu^on  éteint  les  bougies  qui  en 
font  faites. 
.  ;  On  reçonnpit  a^^^^ii  gp^t  4c.  feus  les 


C  I  R 

dents  la  cire  alliée.  Un  moyen  de  s'aflurer 
fi  on  y  a  mêlé  de  la  graifTe  ,  c'eit  d'en  faire 
tomber  une  goutte  fondue  fur  un  morceau 


de  drap  ;  loriqu'elle  eil  bien  refroidie  & 
figée  ,  on  verfe  deflTus  un  peu  d'efprit  de 
vin  ,  puis  ,  en  frottant  l'étoffe ,  la  cire  doit 
fe  détacher  entièrement  ;  &  quand  l'humi- 
dité de  l'efprit  de  vin  eft  diffipée  ,  il  n'y  doit 
refter  aucune  tache.  Il  faut  auffi  rompre  les 
bougies  pour  connoître  fi  la  cire  intérieure 
efl  de  même  qualité  que  celle  de  deflus. 

Pour  faire  la  bougie  filée  ,  on  dévide  d'a- 
bord les  écheveaux  de  coton  fur  des  tour- 
nettes  ,  en  nouant  d'un  nœud  plat  ,  qui  n'cft 
pas  beaucoup  plus  gros  que  le  fil ,  les  bouts 
àts  uns  avec  ceux  des  autres  ;  elle  (è  file  à- 
peu-près  comme  le  fil  d'archal ,  par  le  moyen 
de  deux  gros  rouleaux  ou  cylindres  de  bois 
qu'on  nomme  tours  ,  qui  font  placés  de  tra- 
vers fur  des  pies  folides  ,  &  que  l'on  fait  tour- 
ner avec  des  manivelles  ;  ce  qui  fait  pafTer  , 
en  allant  &  venant  plufieurs  fois  de  fuite ,  la 
mèche  dans  la  cire  fondue  qui  eft  dans  une 
baflîne  ou  poêle  de  cuivre ,  &  en  même  temps 
par  les  trous  d'une  filière  auffi  de  cuivre ,  atta- 
chée à  l'un  des  bouts  de  la  bafline  ;  enforte 
que  ,  petit-à-petit  ,  on  donne  à  la  bougie 
telle  groileur  que  l'on  veut ,  fuivant  les  dif- 
férens  trous  de  filière  par  lefquels  on  la  fait 
pafTer.  Cette  bougie  ell  blanche  ou  jaune  , 
îelon  le  prix  qu'on  fe  propofe  de  la  vendre  : 
on  la  phe  en  petits  pains  ronds  ,  ou  de  telle 
forme  que  l'on  veut ,  &  on  la  peint  quelque- 
fois de  diverfes  couleurs  ,  fùr-tout  celle  qui 
a  la  forme  d'un  livre. 

Les  bougies  quarrées  ,  qu'on  nomme  auffi 
lougies  d^huijjiers  ,  parce  que  ce  font  les 
huiffiers  des  appartemens  du  roi  qui  les  por- 
tent devant  Sa  Majcllé  quand  elle  paffe  d'un 
appartement  à  un  autre ,  fe  font  différemment 
des  bougies  rondes  :  eifes  vont  en.  diminuant 
par  le  haut. 

Pour  les  faire  ,  on  jette  la  cire  fur  la  mè- 
che du  haut  en  bas  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient 
à  leur  groffeur.  Lorlqu'un  ouvrier  en  a  roulé 
une  ,  un  autre  ouvrier  la  prend  pour  y  for- 
mer ,  avec  le  gravoir ,  qui  efl  un  infîrument 
de  buis  qui  fevt  à  tracer  les  filets  ï^v  les  cier- 
ges ,  quatre  cannelures  qui  lui  donnent  la 
terme  de  quatre  cierges  foudés  enfemble. 

On  colore  aufli  la  cire  &  on  la  prépare 
pour  divers  ufages.  La  cire  blanche  cft  M- 


C  I  R  141 

ceptible  de  prendre  toutes  fortes  de  couleurs. 
Pour  la  teindre  ,  on  broie  d'abord  à  l'huile 
la  couleur  que  l'on  defire  ;  enfuite  on  fait 
fondre  de  là  cire  blanche  en  pain  ,  &  lorf^ 
qu'elle  efl  en  fufion  ,  on  délaie  dedans  la 
couleur  broyée  à  l'huile  ;  après  quoi ,  on  la 
remet  en  petits  pains  ,  comme  à  la  troifieme 
fonte  du  blanchifTage  :  lorfqu'on  a  befoin 
de  l'employer  ,  on  la  fait  fondre  de  nouveau. 
C'efl  avec  cette  pâte  attendrie  avec  de 
l'efTentede  térébenthine,  qu'on  peut  pein- 
dre les  tableaux  auffi  facilement  qu'avec  les 
couleurs  broyées  à  l'huile. 

Pour  le  fceau  de  la  grande  &  petite  chan- 
cellerie ,  l'on  fait  ufage  de  cire  jaune  ,  rouge 
ou  verte  :  la  jaune- eft  telle  qu'elle  provient 
des  ruches  ;  la  rouge  efl  coloriée  avec  du  ver- 
millon ,  &  la  verte  avec  du  verd-de-gris.  La 
cire  de  commifTaire  cfl  auffi  coloriée  avec 
du  vermillon  ou  cinnabre  très-fins  ,  qu'on  a 
jeté  dedans  lorfqu'elle  étoit  en  fufîon  ,  &  à 
laquelle  on  a  allié  de  la  poix  grafTe  qui  la  tient 
toujours  molle  ;  de  forte  que  pour  l'employer, 
il  eft  inutile  de  la  faire  chaufïèr ,  ou  de  la 
mettre  dans  l'eau  chaude  comme  la  cire  du 
fceau. 

On  prépare  auffi  de  la  cire  pour  tirer  les 
empreintes  des  pierres  gravées  :  on  prend 
pour  cela  ,  par  exemple ,  une  once  de  cire 
vierge  &  un  gros  de  fucre  candi  broyé  très- 
fin  :  on  fait  fondre  le  tout  ,  &  on  y  ajoute 
une  demi-once  de  noir  de  fumée  ,  &  deux 
ou  trois  gouttes  de  térébenthine.  Lorfque 
ce  mélange  eff  un  peu  refroidi ,  on  en  forme 
de  petits  pains.  Quand  on  veut  tirer  une  em- 
preinte ,  on  pétrit  cette  cire  entre  les  doigts 
pour  l'attendrir  ;  on  mouille  un  peu  la  pierre 
gravée  ,  en  y  appliquant  la  langue  ,  &:  on 
l'appuie  fur  la  cire  pour  en  tirer  l'empreinte 
qui  fe  trouve  fake  avec  beaucoup  de  préci- 
fion. 

Cet  art  a  été  pouffé  loin  de  nos  jours.  Le 
fîeur  Benoit ,  peintre  de  profeifion ,  a  trouvé 
le  fecret  de  former  fur  le  vifàge  des  per- 
fonnes  vivantes  ,  des  moules  dans  lefquels  il 
fondoit  àts  mafques  de  cire  qu'il  animoit  en 
quelque  façon  par  des  couleurs  &:  à^s  yeux 
d'émail  imites  d'après  le  naturel.  Ces  figu- 
res ,  revêtues  d'habits  conformes  à  la  qua— 


Hté 


àts  perlbnnes  qu'elles  repréfenfoient  , 
étoient    fi  refî'eniblantes   qu'on    les  prenciic 


I  fouvent  pour  les  perloones  mem^s» 


prens^ç 


i4i  C  I  R 

Les  figures  anatomiques  de  cet  artifle  ,  ne 
Vont  pas  moins  rendu  célèbre  que  la  beauté 
de  Tes  portraits.  -^ 

On  ne  donne  pas  d'autres  préparations  à 
la  cire  blanche  dont  on  veut  faire  des  figu- 
res ou  des  fruits  ,  que  de  la  faire  fondre  , 
&:  de  la  verfer  dans  le  moule  après  l'avoir 
bien  huilé  ;  enfuîte  on  la  colore  au  pinceau. 

Les  ciriers  font  du  corps  de  l'épicerie  ,  qui 
eft  le  deuxième  des  fix  corps  des  marchands 
de  Paris  :  Voyey^  EPICIER. 

Il  y  a  au  fil  des  officiers  ciriers  de  la  chan- 
cellerie qui  furent  fupprimés  fous  Charles  IX 
en  15^1  ,  fous  Louis  XIII  en  1632,  ,  mais 
qui  ont  été  rétablis  fous  Louis  XIV  par  une 
déclaration  confirmative  de  leurs  privilèges  , 
dontileft  fait  mention  dans  plufieurs  ades 
de  1689  &  1697. 

Les  cires  blanches  venant  de  l'étranger 
paient  vingt  livres  de  droits  d'enwée  fuivant 
l'arrêt  du  3  février  1^88  ,  &  quatre  hvres 
de  droits  de  fortie  ,  conformément  au  tarif 
de  i6<)^  :  \qs  droits  d'entrée  pour  la  cire 
jaune  font  de  cinq  livres  ,  &.  ceux  de  fortie 
fix  livres  par  cent  pefant. 

Comme  on  peut  donner  le  nom  de  ciriers 
à  ceux  qui  fabriquent  la  cire  d'Efpagne  ,  nous 
allons  expliquer  ici  en  quoi  conftfie  leur 
travail. 

Fabrique  de  la  cire  d^Ef pagne ,  ou  à  cacheter. 

On  fabrique  des  cires  à  cacheter  de  plu- 
fieurs couleurs.  Pour  faire  la  cire  rouge  ,  on 
prend  une  demi-once  de  gomme-laque  (  qui 
efl  une  vraie  réfine  inflammable  )  de  téré- 
benthine deux  gros  ,  de  colophane  deux 
gros  ,  de  cinnabre  &  de  minium  de  chacun 
une  drachme.  On  fait  fondre  fur  un  feu  doux 
dans  une  chaudière  bien  nette  la  gomme- 
laque  &  la  colophane  ,  on  ajoute  alors  la 
térébenthine  &  enfuite  peu  à  peu  le  cinnabre 
&  le  minium.  On  agite  le  tout  enfemble 
pour  le  bien  mélanger.  On  varie  fouvent  le 
mélange  &  la  proportion  des  matières  qu'on 
emploie  ;  mais  il  faut  toujours  pour  bafe  les 
fubflanccs  réfincufes  inflammables.  Lorf^ 
qu'on  veut  que  la  cire  foit  odoriférante  ,  on 
y  ajoute  un  peu  de  mufc  en  la  roulant  en 
bâtons.  Lorfqu'on  veut  faire  de  la  cire  jaune 
d'or ,  on  prend  deux  onces  de  poix-réfine 
blanche  ,  de  maftic  &  de  fandaraque  une 
once  ,  de  fiiccin  une  demi-once ,  de  gom-  \ 


C  î  R 

me-gutte  deux  gros.  Si  au  lieu  de  mafîic 
&  de  fandaraque  on  prend  de  la  gomme- 
laque  ,  &  qu'on  omette  la  gomme-gutte  , 
on  aura  une  cire  brune  ,  dans  laquelle  on 
pourra  mêler  de  la  poudre  d'or.  Si  c'eft  de 
la  cire  noire  que  l'on  veut  faire  ,  on  fubfli- 
tue  au  cinnabre  le  noir  d'Allemagne.  On 
retire  de  dedans  la  chaudière  la  matière  de 
la  cire  à  cacheter ,  &  lorfque  fa  chaleur  efl 
un  peu  diminuée  ,  une  femme  la  divife  par 
morceaux  &  la  pefe  dans  à^s  balances  afin 
de  les  donner  à  l'ouvrier  pour  en  faire  des 
bâtons  de  poids  égaux. 

L'ouvrier  qui  forme  les  bâtons  de  cire  à 
cacheter  fe  place  devant  une  table  quarrée  , 
percée  dans  fon  milieu  d'une  large  ouvertu- 
re ,  laquelle  eil:  recouverte  d'une  plaque  de 
fer  ou  de  cuivre  bien  unie.  On  tient  fous 
cette  plaque  du  feu  allumé  ,  &  quand  la 
plaque  a  pris  une  chaleur  convenable  ,  on 
l'arrofe  avec  de  l'huile  d'olive  ,  on  y  porte 
la  matière  de  la  cire  à  cacheter  toute  pré- 
parée ;  on  la  roule  avec  la  polijjoire  qui  efl 
une  planche  bien  hfTe ,  &  on  en  forme  des 
bâtons.  Plus  on  la  travaille  fur  la  plaque  , 
plus  on  la  rend  compade  &  de  bonne  qua- 
lité. On  rend  les  bâtons  de  cire  luifans  en 
les  expofànt  à  un  feu  modéré  fur  un  réchaud. 
Il  y  en  a  qui  au  lieu  de  préparer  la  cire  de 
cette  manière  ,  la  jettent  dans  des  moules 
d'où  les  bâtons  foi'tent  tout  polis. 

En  conféquence  du  tarif  de  1664  ,  &  de 
celui  de  la  douane  de  Lyon  pour  l'ancienne 
taxation  ,  la  cire  d'Efpagne  paie  neuf  li- 
vres cinq  fous  par  cent  pefant  pour  droit 
d'entrée. 

§  CiRIER  ,  f.  m.  {Hijl.  nat.  Botan.  ) 
Plukenet  avoit  publié  ,  en  1691  ,  deux  figu- 
res ,  l'une  d'un  individu  à  fleurs  mâles  ,  Tau- 
tre  d'un  individu  à  fleurs  femelles  à  h.  planche 
XL  VIII ,  de  fa  Phywgraphie .n'^.S  Ù s  > 
le  mâlevz".  8  ,  fous  le  nom  de  myrtus  Bra- 
'  h  amie  œ  accède  ns  Af ricana  ,  baccis  ,carens  j 
conifera  ,  ex  America  etiam  infulâ  Bermu- 
denji  allata  ,  ubi  laurus  odora  vulgo  nuncu- 
patur\  &  la  femelle /2°.  S  >  ^o"s  celui  de  rnyr- 
tus  Brabanticce  fimilis  Carolinienjis  y  bacci- 
fera  ,  fruclu  racemofo  fejjili  monopyrene  , 
forte  ambulon  Scaligeri  ex  infulâ  aruchet  €? 
lychno  chrodryophoros.  Almag.  page  z6o» 
Catesbi  en  a  publié  auffi  fous  le  même  nom 
une  figure  enluminée  à  la  planche  XIII  & 


C  I  R 

LXlXàu  volume  de  fon  Hifioire  naturelle 
de  la  Caroline.  En  1767  ,  M.  Linné  à  hpage 
6 ^  l  ,  de  la  dernière  édition  de  fon  Syftema 
natume  ,  l'appelle  myrica  z  y  cerifera  yfoliis 
lanceolads  fubferratis  ,  caule  arborefcente. 
Cet  arbrifleau  s'élève  à  la  hauteur  de  cinq 
à  fix  pies  feulement ,  fous  la  forme  d'unbuif- 
fon  fphéroïde  à  branches  menues  ,  longues  , 
aflez  rares  ,  &  écartées. 

Ses  feuilles  font  alternes  ,  elliptiques  , 
pointues  aux  deux  bouts  ,  longues  de  trois 
pouces ,  trois  à  cinq  fois  moins  larges  ,  mar- 
quées de  trois  à  cinq  dentelures  de  chaque 
c6ié  feulement  vers  leur  extrémité  ,  relevées 
en  deflous  d'une  côte  ramifiée  en  cinq  à  lix 
paires  de  nervures  alternes  &  portées  pref- 
que  horizontalement  fur  un  pédicule  cyhn- 
drique  lix  à  dix  fois  plus  court  qu'elles. 

Les  fleurs  mâles  font  féparées  des  femel- 
les fur  des  pies  ou  des  individus  différens. 
Dans  les  unes  &  les  autres  ,  c'eft  une  efpecc 
d'épi  ovoïde  feffile,  for  tant  de  l'aiffelle  de  cha- 
que feuille,  quatre  à  fix  fois  plus  court  qu'elle, 
compofé  de  vingt  à  trente  fleurs  fefîiles. 

Chaque  fleur  confifle  en  une  écaille  fans 
corolle ,  contenant  dans  les  mâles  depuis  deux 
jufqu'à  hx  anthères  réunies  par  leurs  filets  en 
une  colonne  cylindrique.  Dans  les  fleurs  fe- 
melles ,  au  Heu  des  étamines  ,  c'efl  un  ovaire 
fphéroïde  ,.  furmonté  de  deux  flyles  veloutés 
llir  leur  face  intérieure.  • 

L'ovaire  devient ,  en  mûriflant  ,  une  ef^ 
pece  de  baie  fphérique  verte  d'abord  ,  en- 
fuite  gris-cendré  ,  d'une  ligne  un  tiers  de  dia- 
mètre ,  à  chair  femblable  à  une  graifîè  gris- 
verdâtre  ,  ferme ,  écailleufe  ,  peu  liée  ,  lui- 
fante  ,  friable  ,  à  une  loge  contenant  une 
feule  graine  en  oflelet  fphéroïde  verdâtre» 

Culture.  Le  cirier  croît  communément 
dans  l'Amérique  leptentrionale  ,  aux  îles 
Bermudes  „  mais  plus  particuhérement  A  la 
Louifiane  ,  dans  les  plaines  humides  &  ma- 
récageufes  ,  où  l'eau  féjourne  &  pourrit  pour 
ainn  dire  fans  écoulement. 

Qualités.  Cet  arbrifleau  répand  une  odeur 
aromatique  afTez  agréable. 

Ufages..  Les  naturels  de  la  Caroline  ne 
brûlent  pas  d'autre  bougie  que  celle  qu'ils 
tirent  de  fon  fruit.  Un  cirier  bien  chargé  de 
fruit  en  porte  environ  fept  livres  ,  dont  fix 
pour  fa  graine  ,  &  une  pour  fa  chair  ,  qui 
irsûd  environ  un  quarteron  en  cire,.  Pour  dé- 


C  I R  143 

tacher  cette  cire  de  la  graine  Qu'elle  enveloppe 
il  fuflît  de  faire  bouillir  ces  Truits  dans  l'eau  ; 
alors  elle  fe  fond  ,  &  fumage  à  la  furface  de 
l'eau  ,  d'où  on  la  retire  au  moyen  d'une  cuil- 
ler. On  la  nettoie  enfuke  en  la  faifant  paf- 
fer  à  travers  un  linge  ,  puis  on  la  fait  fon- 
dre de  nouveau  pour  la  mettre  en  pain.  La 
cire  qui  s'élève  la  première  pendant  l'ébul- 
htion ,  efl  jaune  ;  celle  qui  vient  enfuite  ell 
vene  :  elle  a  une  odeur  aromatique  douce  y 
aflez  agréable.  Elle  efl  plus  feche  ,  plus  fria- 
ble &  plus  tranfparente  que  la  cire  des  abeil- 
les. La  bougie  que  l'on  en  fait  efl  d'abord 
plus  blanche  que  celle  de  la  cire  des  abeil- 
les ;  mais  enfuite  elle  jaunit ,  &  finit  par  de- 
venir grife-terne  &  comme  moifie  ;  elle  efl 
plus  caffante  ,  elle  éclaire  moins  ,  &  fera 
toujours  d'un  fervice  inférieur  chez  les  na- 
tions qui  ont  l'ufage  ordinaire  de  la  bougie 
de  cire  d'abeilles  &  de  la  chandelle  de  fuif 
ou  de  graifles  animales. 

Remarque.  On  ne  peut  voir  fans  une  cer- 
taine peine  la  confufion  que  M.  Linné  ré- 
pand (ùr  les  diverfes  parties  de  la  botanique  ^ 
en  s'efForçant  de  changer  tous  les  noms  an- 
ciens ;  &  le  gale  en  efl  un  exemple  bien , 
fenfible  :  ce  nom  efl  celui  que  les  Ecoflbis 
donnent  A  l'efpece  d'curope ,  &  M.  Linné 
a  jugé  à  propos  de  lui  fubflituer  le  nom  de 
myrica  ,  que  les  Grecs  donnent  au  tamaris. 
Le  gale  efl  un  genre  dé  plante  qui  fe 
range  naturellement  dans  la'  féconde  fedion 
de  là  famille  des  piflachiers  ,  où  nous  l'a- 
vons placé.  Voye-{  nos  Familles  des  plantes, 
volume  II ,  page  34 £.  {M.  Adanson.  ) 
Il  y  a  deux  efpeces  de  cirier  très-curieu- 
fes  :  l  une  croît  à  la  Louifiane  ,  où  on  l'ap- 
pelle arbre  de  cire  ;  &  l'autre  efpece  ,  qui 
efl  petit ,  croît  dans  la  Caroline  &  dans 
r Acadie  ,  où  on  trouve  de  femblablcs  ar- 
brifleaux  ;  ils  font  plus  petits.  Il  y  en  a 
aufli  dans  le  Canada  ,  fur  la  frontière  de  Vh- 
cadie  ;  on  les  y  nomme  lauriers  faur âges.  Ils 
ont  encore  une  autre  marque  qui  fert  à  les 
diflinguer  de  ceux  de  la  Louifiane  :  c'efl: 
que  leurs  feuilles  font  plus  larges  ,  &  pro- 
fondément dentelées.  Miller  en  indique  cinq 
efpeces  ,  MM^  Van-Hazea  fept  ,  &  M^ 
Linné  cinq. 

Quoique  ces    arbrifîêaux  {oient   aquati- 
ques ,    ils  ne    laiflent  pas  de    bien   venir 
.  dans  \qs  terrains  fecs  j  à  l'ombre  d'autres 


144  C  T  R 

arbres  ,  comme  au  foleii  &  dans  les  pays 
chauds ,  ainfi  que  dans  les  froids.  Ils  pro- 
fitent cependant  mieux  dans  des  climats 
chauds  :  &  l'on  remarque  qu'au  deflus  du 
trente-neuvième  degré  de  latitude  ,  ils  ne 
font  pas  aufE  beaux  que  dans  une  latitude 
moindre. 

On  alTure  qu'à  la  .Caroline  &  à  la  Loui- 
lîane  ils  le  multiplient  aifément  de  drageons 
enracinés.  Les  bonnes  graines  venues  de 
l'Amérique  lèvent  très-bien  en  Fr?incc  & 
même  en  SuifTe.  Il  faut  les  femer  dès  qu'elles 
Ibnt  arrivées  ,  dans  des  terrines  ou  dans 
des  caifîes  :  la  graine  ne  levé  que  l'année 
fuivante.  On  laifle  les  pots  dans  le  jardin 
en  bonne  expofition  ,  on  les  couvre  d'un 
peu  de  paille  contre  la  rigueur  du  froid. 
Lorfque  le  printemps  efl  venu  ,  on  les  met 
en  couche  pour  faire  lever  la  graine.  On 
tranfplante  enfuite  les  plantes  dans  un  ter- 
rain humide  ,  où  elles  fupportent  le  froid 
le  plus  rigoureux  de  nos  hivers.  C'ell  ainfi 
que  la  culture  s'en  fait  en  SuifTe.  Les  fleuri!^ 
tts  françois  renferment  les  jeunes  arbres  dans 
les  orangeries  ,  car  nos  hivers  leur  font  très- 
Buifibles.  Quand  les  tiges  font  un  peu  grof- 
fes  ,  on  ne  rifque  rien  de  les  mettre  en  pleine 
terre  dans  un  lieu  humide  ,  avec  la  pré- 
caution feulement  de  les  couvrir  d'un  peu 
de  htiere  pendant  le  froid.  Quand  ils  y  ont 
pafle  quelques  années ,  on  peut  compter  qu'ils 
y  fublifleront  ,  &  le  naairaliferont  avec  le 
loi  &  le  climat.  Il  y  en  a  eu  ainfi  en  An- 
gleterre &  à  Trianon  ,  qui  étoient  chargés 
de  fleurs  &  de  fruits. 

Celui  de  l'Acadie  ne  craint  pas  le  froid. 
Celui  de  la  Louifiane  foutient  afTez  bien  nos 
hivers  lorfque  ,  lailîant  fa  tête  fe  former  en 
tête  de  faule  ,  on  l'ébranche  avant  l'hiver 
pour  couvrir  tout  le  haut  avec  de  la  litière. 

Au  refte  ,  ces  arbrifîeaux  ne  rapportent 
prefque  point  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  cinq  ans  ; 
mais  enfuite  leur  produit  va  toujours  en  aug- 
mentant ;  enforte  qu'après  quelques  années  , 
chacun  d'eux  peut  fournir  25  à  30  livres 
de  graine.  Les  martinets  ,  qui  font  en  grand 
nombre  à  la  Louifiane  ,  en  mangent  beau- 
coup :  c'eft  ce  qui  fait  qu'au  lieu  de  trente 
livres  ,  on  n'en  recueille  guère  que  fept  à  huit^^ 

Le  principal  ufage  du  cirier ,  eft  l'efi^ece 
de  cire  que  l'on  recueille  de  fes  baies.  Sept  à 
feuit  livres  rendent  environ  une  livre  de  cire. 


C  I  R 

Quand  la  cire  eft  enlevée  ,  on  appefçoîc 
à  leur  furlace  une  couche  d'une  matière  qui 
eft  couleur  de  laque  :  l'eau  chaude  ne  la 
dilTout  point ,  l'efprit-de-vin  en  extrait  une 
teinture ,  &  l'on  croit  qu'elle  pourroit  être 
de  quelque  utilité  pour  les  arts. 

Manière  de  tirer  la  cire  des  haies.  Les 
ayant  fait  bouillir  dans  de  l'eau  ,  il  fumage 
une  liqueur  graflé  qui  fe  fige  ,  &  qu'on  re- 
cueille jufqu'à  ce  qu'il  n'en  paroilîè  plus. 
Avant  que  la  liqueur  fe  refroidifle  ,  on  ôte 
les  baies  &  leurs  queues  avec  une  écumoire. 
Ce  qui  a  furnagé  eft  d'un  gris-verd.  Les 
bougies  que  l'on  en  fait  ne  rendent  qu'une 
lumière  Ibmbre  &  trifte.  Au  refte  cette  cire 
blanchit  plus  vite  que  la  cire  des  abeilles. 

Depuis  quelque  temps  on  a  pertedionn* 
cette  méthode ,  &  l'on  a  réuifi  à  taire  que 
cette  cire  fût  d'abord  blanche  ou  jaunâtre. 
Ce  nouveau  procédé  confifte  à  mettre  pre- 
mièrement les  baies  &  leurs  queues  dans 
une  chaudière,  où  on  les  couvre  entière- 
ment d'eau  bouillante.  Au  bout  de  quelques 
minutes  ,  on  tire  cette  eau  dans  un  baquet , 
où  la  cire  fe  fige  en  refroidiflant  ,  &  eft 
d'un  "jaune-pâle  ;  mais  fix  ou  fept  jours  d'cx- 
pofition  au  ferein  fuffifent  jpour  la  blanchir 
entièrement.  L'ayant  ramaffée  ,  on  rejette 
l'eau  fur  les  baies  ,  &  on  les  fait  bouillir  à 
difcrérion  julqu'à  ce  que  l'on  juge  que  toute 
la  cire  foit  dillbute.  Cette  cire  eft  beaucoup 
plus  verte  que  fi  l'on  n'eût  pas  retiré  celle 
qui  eft  jaune. 

Si  l'on  met  avec  la  féconde  cire  qui  eft  grof^ 
fiere  &  verte,  à-peu-près  un  tiers  de  fuif, 
&  qu'on  les  jette  dans  une  chaudière  qu'on 
remplit  d'eau  très-chaude  &  prefque  bouil- 
lante ,  au  bout  de  vingt  minutes  qu'on  re- 
tire l'eau  ce  fuif  a  pris  avec  la  cire  une  con- 
fiftance  prefqu'égale  à  celle  de  la  cire  pu- 
re, mai«  eft  très-verd.  Les  bougies  qu'on 
en  fait  éclairent  aufli  bien  que  la  chandelle  , 
&  durent  le  double. 

On  attribue  la  grande  verdeur  de  la  fé- 
conde cire  au  noyau  que  l'ébullition  atten- 
drit afîez  pour  qu'il  teigne  la  matière  grafîe. 
M.  le  Page  croit  que  la  queue  y  contribue 
auffi  ,  &  il  confeille  de  la  féparer  avant 
d'expofer  les  baies  à  aucun  procédé. 

La  cire  de  ces  baies  ,  de  quelque  manière 
qu'on  la  tire  ,  eft  lèche ,  &  fe  réduit  aifé- 
ment entre  les  doigts  en  poudre  grafTe.  C'efl 

pourquoi 


C  I  R 

pourquoi  les  bougies  quel'on  en  fait  durent 
beaucoup  plus  que  celles  de  la  cire  des  abeil- 
les. Auilî  les  préfcre-t-ondans  1^  iles  où 
la  chaleur  du  climat  amollit  nos  bougies  , 
enforte  qu'elles  coulent  comme  des  chandel- 
les. D'ailleurs  ces  bougies  de  la  Louifiane 
répandent  une  odeur  d'anis  en  brûlant. 

M.  Duhamel  a  mêlé  un  peu  de  cire  ordi- 
naire ,  &  une  petite  portion  de  iuif ,  avec  la 
cire  réfmeufe  de  l'arbre  dont  nous  parlons  , 
&  en  a  fait  faire  des  bougies  qui  ont  un  peu 
blanchi  fur  le  pré  ,  beaucoup  moins  cepen- 
dant que  la  cire.  Elles  ont  auffi  donné  une 
odeur  agréable. 

Les  égouttures  de  la  cire  d'arbre  ,  fur-tout 
de  celle  qui  n'eft  pas  verte  ,  ne  tachent 
point  les  étoffes.  On  les  enlevé  par  écailles  , 
&  en  frottant  ,  elles  s'en  vont  comme  de  la 
boue  feche. 

L'eau  qui  a  bouilli  avec  cette  fubftance 
réfineufe  ,  eft  fort  aflringente  :  elle  arrête  les 
diarrhées  ;  &  l'on  dit  qu'en  faifant  fondi-^ 
du  fuif  dans  cette  eau  ,  il  acquiei^t  prefque 
autant  de  coniiftance  que  la  cire. 

Pour  blanchir  la  cire  d'arbre  ,  il  y  a  des 
curieux  qui  l'expofent  en  plein  air  ,  fufpen- 
due  en  paflilles  de  deux  à  trois  lignes  d'épaif- 
ièur.  Elle  blanchit  ainfi  parfaitement ,  mais 
cette  pratique  ell  longue. 

Une  autre ,  plus  aifée  &  plus  expéditive  , 
cft  de  hacher  la  cire  en  petits  morceaux  vers 
la  fin  de  mars  ,  la  mettre  dans  des  vafes  de 
terre  bien  unis  ,  &  l'expofer  de  la  forte  au 
foleil  à  l'abri  du  vent  &  de  la  pluie.  En 
fondant  à  cette  chaleur  ,  la  cire  devient  en 
état  d'être  mife  en  paflilles  d'environ  un 
demi-pouce  d'épaifleur  :  moins  elles  font 
épailTes  ,  plutôt  elles  blanchiffent.  On  les 
lailTe  alors  expoiees  au  ferein  ,  &  le  lende- 
main on  les  retourne  pour  qu'elles  fondent  de 
nouveau.  Ce  procédé  fe  recommence  dix 
à  douze  fois  ;  après  quoi  cette  cire  cfi  paf- 
fablement  blanche  ,  &  l'on  fe  contente  ordi- 
nairement de  l'employer  en  cet  état.  Il  y 
a  lieu  de  préfumer  qu'en  continuant  cette  pra- 
tique, on  ameneroit  la  cire  au  point  de  la 
plus  grande  blancheur. 

On  en  fait  de  la  bougie  après  l'avoir  fait 
fondre  au  bain-marie  ,  enforte  qu'elle  ne 
chauffe  pas  trop  ,  car  elle  jauniroit  ;  on  la 
coule. dans  les  moules  à  travers  un  linge  bien 
Jfin,  fur  lequel  on  met  encore  quelquefois 
Tome    VI  IL 


C  I  R  i4î 

un  peu  de  coton  bien  carde ,  afin  de  la  puri- 
fier entièrement  :  car  moins^  elle  efl  pure  , 
^  plus  la  lumière  qu'elle  jette  eft  fombre. 
Quand  la  bougie  cfl  tirée  des  moulés  ,  on 
achevé  de  la  blanchir  en  la  tenant  fufpen- 
due  en  plein  air  &  au  foleil  ,  ayant  atten- 
tion de  ne  la  laifler  adofféc  contre  quoi  que 
ce  foit ,  ftnon  elle  fondroit.  On  la  retourne 
tous  les  jours  ,  pendant  environ  un  mois , 
afin  qu'elle  blanchifîe  également  de  tous 
côtés.  Plus  on  la  laifîe  long-temps  dans  cette 
pofition  ,  plus  elle  devient  blanche  &  belle. 
Il  faut  obferver  que  le  foleil  auquel  on  l'ex- 
pofe  ne  foit  pas  trop  ardent. 

Cette  cire ,  mêlée  avec  un  tiers  de  fuif, 
toute  compenfation  faite  ,  peut  donner  une- 
lumière  dont  la  dépenfe  ne  fera  que  dou- 
ble de  la  chandelle  :  &  cts  bougies  brû- 
lent une  fois  moins  vite  que  les  chandelles 
ordinaires.  Ainfi  il  n'en  coûteroit  pas  réelle- 
ment plus  pour  les  unes  que  pour  les  autres. 

Les  arbres  de  cire  peuvent  être  cultivés 
en  quelques  pays  ,  fur-tout  dans  les  méri- 
dionaux. M.  Duhamel  en  a  vu  en  Angle- 
terre &  à  Trianon  qui  étoient  chargés  de 
fleurs  &  de  fruits  :  &  il  efl  probable  qu'en 
fcmant  des  graines  de  cet  arbre  dans  des 
caiflès  placées  dans  des  orangeries  jufqu'à 
ce  que  les  plantes  fuflènt  fortes  ,  &  les  ac- 
coutumant peu  à  peu  à  notre  climat ,  on 
réufliroit  à  les  établir  dans  des  pays  plus 
froids  ;  car  il  y  a  diverfes  efpeces  de  plan-' 
tes  qu'on  trouve  dans-  les  pays  chauds  & 
dans  les  parties  froides  de  la  zone  tempérée. 
Telle  efl  l'épine  blanche  &  une  efpecfe  de 
piment  royal  ,  arbufle  odoriférant  qui  fc 
trouve  en  Eipagne  ,  en  Canada  ,  en  France  , 
en  Portugal  &  en  Suéde.  Or  on  trouve  des 
ciriers  à  Fombre  des  autres  ;  on  en  voit  qui 
font  expofés  au  foleil  ,  d'autres  dans  des 
lieux  aquatiques  ,  d'autres  dans  des  terrains 
Çtcs.  Enfin  on  en  trouve  indifFéremmenf 
dans  les  pays  chauds  &  dans  les  pays  froids. 

Il  croît  auffi  à  la  Chine  une  efpece  d'ar- 
bre de  cire  ,  mais  qui  y  eft  très-rare  :  on  l'y 
nomme  pe-la  chu.  (  •+-  ) 

CIRIMANAGE,  f.  m.  {lurifpr.)  ou 
CIRMANAGE  ^même  SIRIMENAGE, 
eft  en  Béarn  un  cens  qui  eft  dû  aux  feigneurs 
par  chaque  habitation.  Il  en  cil  fait  mention 
dans  une  charte  de  Gafton  de  Moncade  ,  de 
l'an  1^84. ,  rapportée  par  M.  de  Marca  en 


14^  C  î  R     ^ 

fon  hifl.  de  Béarn  ,  Uv.  VII  ^  chap.  xv ,  n, 
/\-  yp.  6xj  y  &  dans  [ç.^  preuves  du  chap. 
xxviij  y  du  liv.  V y  de  fon  hifl.  p.  44^  y 
col.  z .  Cenfum  totius  villœ  y  quod  pocatur 
rulgariter cirimanage.  {A) 

CIRITA  ,  f.  m.  (  Hlfi.  nat.  Botaniq.  ) 
Les  Brames  donnent  ce  nom  &  celui  de  ciri- 
tamari  ou  de  negunda  à  un  arbrifleau  du  Ma- 
labar ,  très-bien  gravé  ,  avec  la  plupart  de 
fes  détails ,  par  Van-Rhecde  dans  fon  Hortus 
Malabaricus  _,  volume  V y  planche  XLIX y 
pag.  gj .  Les  Portugais  l'appellent  nochil  y 
les  HollandoisM'a/<rr-X:wyj--^oo/n  ;  Ray  dans 
fon  Hiftoria generalis plantarum^p.  i  ^y^y 
&  J.  Commelin  l'appellent  bacc'ifera  Mala- 
baricafruclu  oblongo  tetracocco  calyculato. 

C'eit  un  arbriilèau  qui  sVleve  à  la  hauteur 
de  lix  pies ,  fous  la  forme  d'un  builTon  fphé- 
roïde  ,  compofé  de  nombre  de  branches 
alternes  &  oppofées  cylindriques  ,  à  écorce 
d'abord  purpurine  y  luifantc^  cnfuite  cendrée. 

Sa  racine  ell  ramifiée  à  bois  blanc  y  re- 
couvert d'une  écorce  jaunâtre. 

Ses  feuilles  font  oppofées  deux  A  deux  & 
trois  à  trois  ,  elliptiques  y  pointues  aux  deux 
extrémités  ,  longues  d'un  pouce  &  demi , 
une  fois  moins  larges  ,  épailTes  y  entières , 
lifîes ,  relevées  en  deffous  d'une  côte  lon- 
gitudinale ,  ramifiée  de  trois  à  cinq  paires  de 
nervures  alternes  ,  &  portées  horizontale- 
ment fur  un  pédicule  demi-cyhndrique  très- 
court  ,  attaché  aux  branches  à  des  difîances 
d'un  à  deux  pouces. 

De  l'aifTelle  de  chacune  des  feuilles  fu- 
périeurcs  fort  un  corymbe  une  fois  plus  long 
qu'elles ,  compofé  de  deux  à  cinq  fleurs  blan- 
ches ,  longues  d'un  pouce  &  demi  à  deux 
pouces ,  fefliks  au  haut  d'un  péduncule  com- 
mun une  fois  pkis  court  qu'elles  ,  mince  & 
purpurin. 

Chaque  fleur  efl  hermaphrodite  ,  mono- 
pétale y  irrégulieredans  fa  corolle  &  ks  éta- 
mines  ,  &  poiée  au  delTous  de  l'ovaire.  Elle 
confifte  en  un  calice  verd-purpurin  ,  per- 
iiflant ,  conique  ,  renverfé  ,  d'une  feule  pie- 
ce  ,  oblong  ,  couronné  de  cinq  dents  ;  en 
une  corolle  blanche  ,  monopétale  à  tube 
tcès-long ,  très-menu  y  partagé  en  cinq  divi- 
fions  deux  à  trois  fois  plus  courtes  que  lui , 
elliptiques  ,  obtufes  ,  concaves  y  prefque 
ëgales  ,  une  fois  plus  longues  que  larges  ;  & 
en  quatre  étamines  une  fois  plus  longues 


C  I  R 

qu'elles  ,  prefque  égales  ,  rapprochées  par 
paires  ,  à  anthères  jaunâtres  arquées;  L'o- 
vaire efl  porté  fur  un  petit  dilque  jaunâtre  , 
élevé  fur  le  fond  du  calice  ,  &  furmonté 
d'un  ftyle  cyhndrique  ,  rougeâtre  ,  terminé 
par  deux  ftigmates  coniques  à  la  hauteur  des 
étamines. 

L'ovaire  ,  en  mûrifîant ,  devient  une  baie 
ovoïde  ,  longue  de  cinq  à  fix  lignes  ;  d'un 
tiers  moins  large ,  verte  d'abord  ,  enfuite 
purpurine  y  luifante  ,  marquée  de  quatre  fil- 
ions &  à  quatre  loges  ,  fe  féparant  en  qua- 
tre quartiers  ,  dont  chacun  forme  une  efpece 
de  pépin  ,  obtus  au  fommet,  pointu  en  bas  , 
une  fois  plus  long  que  large  ,  convexe  par 
le  dos  ,  à  deux  cotés  plats  ,  couverts  de  chair 
pâteufe  ,  cendré-verdâtre  &  contenant  une 
amande  blanche  ,  longue  de  trois  hgnes  , 
deux  à  trois  fois  moins  large  ,  verticale  ,  atta- 
chée par  fa  partie  inférieure. 

Culture.  Le  cirita  croît  au  Malabar  ,  fur- 
tout  autour  de  Cochin  ,  de  Porca  &  de  Pa- 
roe  dans  les  terres  humides  qui  bordent  les 
rivières  ,  &  au  Sénégal  fur  la  côte  maritime 
dans  les  terres  fablonneufes  ,  voilines  de  l'ilc 
de  Corée.  Il  eft  toujours  verd  ,  toujours 
chargé  de  fleurs  &  de  fruits. 

Qualités.  Toutes  ces  parties  ont  une  faveur 
amerc ,  un  peu  acre  &  une  odeur  forte. 

Vf  âges.  Ses  feuilles  féchées  &  pulvérifées 
fe  donnent  tous  les  jours  à  petites  dofes 
dans  l'eau  de  riz ,  infufées  avec  le  fucre  ,  pour 
guérir  les  maladies  vénériennes.  Ces  mêmes 
feuilles  cuites  &  pilées  avec  un  jaune  d'œuf 
forment  un  cataplafme  qui  s'applique  utile- 
ment fur  des  bubons  vénériens.  La  décoc- 
tion de  Çts  racines  &  de  fes  feuilles  fe  prend 
en  bain  dans  la  manie  ,  la  phrénéfie  &  fem- 
blables  afFedions  de  la  tête.  L'huile  dans 
laquelle  on  a  fait  cuire  fa  racine  ,  s'emploie 
en  liniment  pour  frotter  les  parties  attaquées 
de  la  goutte.^— 

Remarques.  Le  cirita  n'a  encore  été  dé- 
terminé par  aucun  botanifle.  Van-Rheede 
s'eft  trompé  en  lui  attribuant  cinq  étamines 
au  lieu  de  quatre.  Il  forme  un  genre  nouveau 
voifindu  volkameria  dans  la  famille  des  ver- 
veines. Voye'{  nos  familles  des  plantes  y 
vol.  II ^ page  zoo.  (M.Adansoj^.) 

CIRKNITZowZIRKNITZA ,  {Geog.) 
bourg  d'Allemagne  ,  dans  lé  cercle  d'Au- 
triche,  &   dans  la  partie   du   duché  de 


CI  R 

Carniole  ,  appcllée  la  moyenne  ou  du  milieu. 
De  très-hautes  montagnes  l'environnent ,  & 
le  fameux  lac  dont  on  va  parler  en  tire  Ton 
nom.  Ce  bourg  eft  de  la  feigneurie  de 
Haasberg  ;  il  a  le  droit  détenir  marché  ,  &  il 
eft  le  grand  entrepôt  des  Tels  que  la  cour  de 
Vienne  fournit  au  pays. 

Le  lac  de  Cirknit\  ,  en  langue  Carnienne , 
Z irknisku-Jeferu  ,  remarquable  par  des  fin- 
gularités  dont  on  s'étonne  de  loin  ,  &  dont 
on  profite  de  près  ,  peut  avoir  un  bon  mille 
d'Allemagne  d'occident  en  orient ,  &  demi- 
mille  du  (eptentrion  au  midi.  Il  eft  au  cen- 
tre de  monts  &  de  rochers  très-élevés  & 
très-arides  au  pié  defquels  fe  trouvent ,  de 
îbn  côté  ,  &  tout  à  la  ronde  ,  deux  châteaux 
habités  ,  neuf  villages  &  vingt   églifes.  Sa 
profondeur  en  général ,  &  indépendamment 
de  celle  des  creux  &  crevaflfes  dont  il  eft  per- 
cé ,  &  dont  la  plupart  ont  des  fonds  très- 
bas  ,  eft  d'une  roife  au  moins  ,  &  d^  quatre 
toifes  au  plus.  Il  contient  trois  ilcs  &  une 
prefqu'île,  dont  les  agrémens  champêtres 
contraftent ,  dit-on  ,  merveilleufement  avec 
l'air  rude  &  fauvage  que  le  refte  de  la  con- 
trée préfente.   L'une  de  ces  îles  fe  nomme 
Vornek ,  &  renferme  un  village  avec  un  tem- 
ple ;  les  deux  autres  ,  appellées  Velka-Go- 
rit^a  &  Mala-Goritia  _,   font  uniquement 
plantées  d'arbres.  Dorvofche\  ou  Dervof- 
chek  y  c'eft  le  nom  de  la  prefqu'île  ,  femble 
toucher  à  Vornek  ,  mais  elle  en  eft  féparée 
par  un  canal.  Les  eaux  de  huit  torrens ,  grands 
&  petits  ,  entrent  dans  ce  lac  ;  &  de  fon  fein 
s'élèvent ,  de  diftance  en  diftance  ,  des  mon- 
ticules en  aflez  grand  nombre.  La  defcrip- 
tion  que  l'on  donne  ici  eft  tirée  des  œu- 
vres ciu  célèbre  D.  Bufching  :  l'on  /ait  com- 
bien peu  l'on  erre  en  géographie  ,    quand 
on   fuit  les  pas  d'un   tel  guide.  Ce  favant 
homme  nous  dit  que  le  lac  de  Cirknit'{  ,  fi 
fameux  par  des   defféchemens  ,    qui   font 
quelquefois  que  dans  le  courant  d'une  an- 
née l'on  y  prend  du  poifibn  ,  Ton  y  fauche 
du  foin,  l'on  y  femc  &  moifTonne  du  mil- 
let ,  &  l'on  y  chafTe  au  fauve  &  au  gibier  , 
que  ce  lac  ,  dis-je  ,  eft  affez  irréguHer  dans 
(es  écoulemens  ;  qu'il  eft  des  temps  où  fon 
delTéchement  n'arrive  que  de  loin  en  loin  , 
de  trois  en  trois  ans  ,  de  quatre  en  quatre  , 
&  même  de   cinq  en  cinq  ;  &  d'autres  où 
cephénomencalieudeux  &  jufques  à  trois  ' 


C  I  R  1 4y 

fois  dans  un  an.  Que  ,  foit  en  été  ,  foit  en 
hiver  ,  mais   plus  communément  en   été  , 
dans  les  mois  de  juin  &  de  juillet ,  cet  écou- 
lement ne  s'opère  jamais  que  par  une  cer- 
taine fuite  de  jours  fecs.  Que  deux  grandes 
cavités  ,  ouvertes   au  niveau  du  lac  ,  dans 
des  rochers  qui  font  à  fon  nord-oueft  ,  don- 
nant effor  à  Çqs  eaux  de  l'autre  coié  de  la 
montagne  ,  forment  ,  quand  il  eft  plein  > 
^Qs  débouchés  ordinaires  ;  mais  que  ,  fùjec 
à  des  écoulemens  inopinés  qui  devancent 
le  temps  où  il  eft  comblé  ,  &  lui  luppofent 
d'autres  canaux  de  fortie  que  ces  deux  cavi- 
tés du  nord-oueft  ,  alors  ce  font   les  creux 
ou  crevafîes  dont  il  eft  percé  ,  &  dont  le 
nombre  eft  de  dix-huit  ,  qui  forment  (es 
débouchés  extraordinaires.  Que  de  ces  l8 
creux  ,  il  en  eft  cinq  que  l'on  peut  confidé- 
rer  comme  fes  principaux  entonnoirs  ,  & 
comme  contribuant  le  plus  à  fon  defîeche- 
ment ,  vu  que  dans  les  temps  d'écoulement 
réglés  ,  ils  fevuident  régulièrement  les  uns 
après  les  autres  ,  chacyn  en  cinq  jouis  ,  & 
qu'ainfi  dans  rcfpace  de  25  ,  tout  le  fond 
du  lac  eft  à  fec.  Qu'au  premier  indice  d'é- 
coulement qu'en  ont  les  pêcheurs  du  voifi- 
nage ,  au  moyen  d'un  lignai  que  leur  don- 
nent \ts  habitans  du  revers  de  la  montagne , 
l'on  voit  des  filets  par  multitude  fe  jeter  avec 
emprefTement ,  mais  cependant  avec  ordre 
&  méthode  ,   dans  les  divers  endroits   où 
l'eau  s'engoufre ,  &  que  là  fè  pèchent  en 
abondance  de  gros  brochets  ,  des  tanches  , 
6'c.  Que  le  droit  d'y  pêcher  appartient  à  fix 
feigneuriesdes  environs  ;  favoir  ,  à  celles  de 
Haasberg ,  de  Steegberg  ,  d'Auersberg  ,  de 
Laas  ,  de  Schneberg  &    du   monaftere  de 
Sittick  ;  que  la  feigneurie  de  Haasberg  cède 
le  fien  à  la  chartreufe  de  Freudenthal  ;  & 
que  moins  les  defîechemens  de  ce  lac  font 
fréquens  ,  &  meilleure  en  eft  la  pêche.  Que 
l'entonnoir  nommé  Rihes-Cajama  s'allonge 
obhquement  en  forme  de  caverne  fouter- 
rainc  ,  dans  laquelle  un  homme  peut  defcen- 
dre  &  marcher  à  fon  aife  :  que  les  creux 
nommés  Narte  &  Piaule  ne   font  jamais 
entièrement  à  fec  ,  maisdejneurent  fangeux , 
&  deviennent ,  au  départ  des  eaux  du  lac , 
l'afyle  d'une  multitude  de  fangfùes  &  des 
poiffons  échappés  aux  filets  des  pêcheurs. 
Cette  dernière  circonftance  eft  remarqua- 
ble ;  elle  explique  naturellement  la  difficulté 

T  2 


148  C  I  R 

qui  pourroit  fe  préfenter  à  l'efprit  au  fujet 
du  prompt  repeuplement  du  lac  à  Ton  re- 
tour :  l'on  voit  que  par  la  réiidence  du  poif- 
fon  dans  ces  deux  creux  conftamment  hu- 
mides ,  il  fe  fait  un  dépôt  &  un  entretien 
de  frai  ,  fécondé  &  répandu  par  les  eaux 
dès  qu'elles  reviennent  à  fourdir.  M.  Buf- 
ehing  dit  encore  que  s'il  arrive  au  lac  de 
fe  deflecher  de  bonne  heure  dans  l'année, 
c'eft  alors  que  fes  merveilles  fe  déploient , 
c'efl  alors  que  l'herbe  y  croît  en  vingt  jours, 
qu'on  la  fauche  y  qu'on  la  cueille  ,  &  que 
préparant  enfuite   le  terrain  avec  la  char- 
rue ,  l'on  y  feme  du  millet  ;  mais  que  tou- 
tes les  années  ne  font  pas  également  favo- 
rables à  cette  double  récolte ,  les  eaux  fe  re- 
tirant quelquefois  trop  tard  pour  que  l'on 
ait  le  temps  de  femer  ;  &  d'autres   fois  re- 
venant trop  tôt  pour  que  Ton  ait  le  temps 
de  moiffonner.  Qu'enfin  dans  les  années  où 
l'abfence  des  eaux  eft  de  quelque  durée  , 
la  métamorphofe  du  lac  eft  complète  ,  en 
ce  que  la  place  eft    alors    le  rendez-vous 
général  du  fauve  y  du  gibier  &  des  chafTeurs 
de  la  contrée.  Relativement  au  retour  des 
eaux  du  lac  de  Cirknif{ ,  l'illuftre  géographe 
iait  obferver  que  de  la  quantité  de  pluie , 
plus  ou  moins  grande  ,  qui  tombe  à  la  fois 
dans  le  canton  ,    dépend  ordinairement  la 
vîtefle  ou  la  lenteur  de  ce  retour  :  pleut-il 
beaucoup  ,  &  le   tonnerre  fe  fait-il  enten- 
dre en  même  temps  avec  un  bruit  dont  la 
terre  tremble  ,  alors  de  toutes  les  crevafles 
du  lac  ,  fans  exception  ,   jaillifîènt  à  gros 
bouillons  des  eaux  qui ,  dans  20  à  i^  ligu- 
res ,  en  ont  abfolument   rempli  le  baflin  : 
la  pluie  au  contraire  n'eft-elle  que  petite  ou 
modérée  ,  les    nues  ne  font-elles  que  mé- 
diocrement épaifTes  ,  ou  foiblement  agitéees , 
alors  ce  n'ed  que  par  quelques-unes  des  bou- 
ches méridionales  que  les  eaux  fortant  de 
terre ,  viennent  de  nouveau  former  le  lac  : 
&   un  fait  confiant  dans  l'un  &  dans  l'au- 
tre des  cas  ,  c'eft  que  le  lac  une  fois  bien 
rempli ,  l'on  en  voit  la  furface  incelfamment 
couverte  d'oies  fauvages ,  de  canards  fau- 
vages  ,  &  de  plufieurs  autres  efpeces  d'oi- 
feaux  aquatiques.  Un  autre  fait  de  ce  gen- 
re ,  &  qui  ne  doit  pas  être  omis  dans  l'énu- 
mération  des  fingularités  de  ce  lac  ,  c'efl 
la  multitude  de  canards  gras  ,  fans  plumes  , 
aveugles  &  tout  noirs  que  les.  ouvertures 


C  I  R 

■â^^tWkQS  S ékadulie  &  Uralnajammay  dè^ 
gorgent  en  automne  avec  leurs  eaux  ,  lors- 
qu'il furvient  quelque  grand  orage  :  ces  deux 
ouvertures  font  au  midi  du  lac ,  &  un  peu 
au  deflus  de  fon  niveau  ;  elles  ont  chacune 
à  leur  entr-ée  une  toife  de  largeur  &  une 
toife  de  hauteur  ,  &  fon  peut  en  temps  fec 
fe  promener  dans  leur  enceinte  ,  &  y  pé- 
nétrer affez  loin  :  en  temps  humide  &  à  la 
bruyante  époque  du  retour  des  eaux  avec 
éclairs  &  tonnerres  ,  il  faut  les  fuir  ;  le  lac 
n'a  pas  de  bouches  aufli  terribles  par  l'a- 
bondance des  eaux  qu'elles  jettent ,  &  fur- 
tout  par  l'impétuofité  qui  les  accompagne  ; 
les  flots  fortant  de  leurs  cavernes  ,  s'élancent 
à  cinq  toifes  loin  de  l'entrée  ,  &  fe  préci- 
pitant au  fond  du  lac  ,  font  tout  le  bruit 
&  produifent  toute  l'écume  des  plus  gran- 
des catarades  ;  c'eft  donc  par  ces  deux  bou- 
ches que  viennent  alors  au  jour  ces  canards 
extraordinaires  ;  ils  naiflent  comme  au  fein 
du  fracas  ,  &  fe  montrent  d'abord  foue  l'ap- 
pareil le  plus  hideux;  mais  bientôt  leur  nudité 
difparoît  avec  leurs  ténèbres ,  &  dans  l'ef- 
pace  de  quinze  jours  ,  fi  les  chafleurs  les 
laiflent  vivre ,  ils  ont  des  plumes  &  voient 
clair-  L'on  finira  cet  article  en  ajoutant 
qu'en  hiver  les  eaux  du  lac  de  Cirknit\  s'élè- 
vent ordinairement  au  point  d'inonder  la  plu- 
part àes  campagnes  adjacentes.  (  D.  G.) 

CIRLE  ou  ZIRL  ,  (  Geog.)  village  d'Al- 
lemagne ,  dans  le  cercle  d'Autriche  &  dans 
le  comté  du  Tyrol  ,  au  quartier  du  haut 
Innthal,  feigneuriedeHertenberg.  C'efl  dans 
fon  voifmage  que  s'élève  le  roc  efcarpé  ap« 
pelié  Maninfwand  ,  au  fommet  duquel  les 
chroniques  du  xv^  liecle  nous  difent  que 
l'empereur  Maximilienl  pourfuivant  un  cha- 
mois ,  fe  trouva  fort  imprudemment  grim- 
pé ,  fans  favoir  comment  en  defcendre  : 
elles  ajoutent  que  pour  fe  tirer  de  ce  mau- 
vais pas  ,  il  fallut  qu'un  ange  même  vînt 
prendre  ce  prince  par  la  main ,  &  le  rame- 
ner au  bas  du  rocher  ;  &  qu'en  mémoire  & 
en  reconnoifîàncc  de  ce  fecours  furnaturel , 
Maximilien  fit  ériger  fur  la  place  une  croix 
de  40  pies  de  haut ,  auprès  de  laquelle  il 
fit  placer  en  grandeur  naturelle  les  ftatues 
de  l'apôtre  S.  Jean  &  de  la  vierge  Marie. 
Quelque  fabuleufes  que  paroifî'cnt  la  plu- 
part des  circonftances  Je  cet  événement  , 
les  auteurs    du   grand    théâtre   hiftorique 


C  I  R 

n'ont  pas  dédaigné  d'en  donner  la  repré- 
fcntation  dans  les  figures  de  leur  ouvrage. 
{D.  G.) 

CIROENE  ,  f.  m.  (  Pharmac.)  eu  un 
emplâtre  réfolutif,  fortifiant,  où  on  fait 
entrer  la  cire  &  le  fafran.  Lemeiy. 

On  appelle  plus  communément  clroene 
un  grand  emplâtre,  c'efl-à-dire  un  grand 
morceau  de  toile  fur  lequel  on  étend  un 
emplâtre  quelconque,  &  qu'on  defiine  à 
couvrir  une  grande  partie  du  corps  ,  comme 
les  reins,  la  cuiflè,  bc.  V.  EMPLATRE,  {b) 

CIRON  ,  f.  m.  (  Hifi.  nat.  )  ciro ,  fyro 
acarus  ,  infcde  fi  petit  qu'on  le  prend  lou- 
vent  pour  objet  de  comparaiibn  ,  lorfqu'on 
veut  donner  l'idée  du  petit  volume  d'une 
choie  prefque  imperceptible.  On  donne  auifi 
vulgairement  le  nom  de  ciron  à  tous  les  in- 
fèdes  les  plus  petits.  En  effet  on  a  peine  à 
appercevoir  un  ciron  fans  l'aide  du  microf- 
cope  :  ce  n'efi  que  par  le  moyen  de  cet  inf- 
trument  que  l'on  peut  diftinguer  les  diflTéren- 
tes  parties  de  cet  infede  ,  &  que  l'on  recon- 
noît  qu'il  reflemble  à  un  poux.  Son  corps  eu 
rond  ,  blanchâtre  ;  le  dos  efi  couvert  d'é- 
caille  :  il  y  a  fur  la  tête  deux  taches  qui 
marquent ,  à  ce  que  l'on  croit ,  l'endroit  des 
yeux ,  parce  que  Tinfede  fe  détourne  lorf- 
qu'on luioppofe  la  pointe  d'une  épingle  con- 
tre ces  taches.  Les  cirons  ont  fix  partes  noi- 
râtres ,  trois  de  chaque  côté,  dont  deux  iont 
placées  auprès  de  la  tête  :  c'efl  avec  ces  deux 
paires  de  pattes  qu'ils  creufent  dans  la  peau  , 
ordinairement  à  la  paume  de  la  main  &  à 
la  plante  du  pié ,  &  qu'ils  y  font  de  longs 
filions  ,  comme  les  taupes  en  font  dans  la 
terre.  C'efi:  par  cette  manœuvre  que  ces  in- 
feâes  caufent  une  grande  démangeaifon  , 
&  des  puftules  auxquelles  on  a  auifi  donné 
le  nom  de  ciron.  Il  y  a  auffi  de  ces  inledes 
dans  la  cire  &  dans  les  fromages  qui  ont  été 
gardés  pendant  long-temps.  Voy.  aB.  eru- 
dit.  ann.  1682.;  pag.  32  y.  Mouffet.' 
theat.  infect.  Voye^  CiRON,  {Médet.) 
Voyei^  auffi  INSECTE.  (I) 

Ciron  ,  {Me'd.)  il  s'ouvre  quelquefois 
partage  entre  la  peau  &  l'épidermc ,  &  il 
caufe  alors  des  démangeaifons  incommodes: 
on  le  rencontre  quelquefois  dans  les  pufiules 
de  la  gale  ,  &  dans  celles  qui  font  occafio- 
nces  par  la  vérole  ;  on  en  a  même  trouvé 
dans  les  dents  cariées.  Les  remèdes  huileux, 


C  r  R.  149 

le  foufre  ,  &  toutes  les  odeurs  fortes  enne- 
mies des  infectes  en  général,  détruifent  cette 
incommode  vermine. 

Leuwenhoeck  a  obfervé  que  la  vapeur  de 
la  noix  mufcade  que  l'on  faifoit  brûler,  les 
fufïoquoit  très-promptement. 

Il  y  en  a  une  autre  efpece  en  Amérique  , 
nommée  nigas ,  qui  ell  plus  incommode 
encore  que  le  ciron  de  notre  pays.  Voye^ 
NiGAS.  Rieger.  {b) 

*  CIRQUE,  f.  m.  {Hift.  anc.)  grand 
bâtiment  toujours  plus  long  que  large  ,  où. 
l'on  donnoit  difterens  fpedacles  :  un  des 
bouts  ,  le  plus  étroit ,  étoit  termiiié  en  ligne 
droite  ;  l'autre  étoit  arrondi  en  demi-cercle, 
les  deux  côtés'  qui  partoient  des  extrémités 
delà  face  droite  ,  &  qui  alloient  rencontrer 
les  deux  extrémités  de  la  face  circulaire, 
étoient  les  plus  longs  ;  ils  fervoient  de  bafe  X 
desfieges  ou  gradins  placés  en  amphithéâtre 
pour  les  fpedateurs  ;  la  face  droite  &  la  plus 
étroite  étoit  compofée  de  douze  portiques 
pour  les  chevaux  &  pour  les  chars;  on  les  ap- 
pelloit  carceres;  là  il  y  avoit  une  ligne  blan che 
d'où  les  chevaux  commençoient  leurs  cour- 
Ces.  Aux  quatre  angles  du  cirque,  fur  le  pour- 
tour des  faces ,  il  y  avoit  ordinairement  qua- 
tre corps  de  bâtimens  quarrés ,  dont  le  haut 
étoit  chargé  de  trophées;  quelquefois  il  y  en 
avoit  trois  autres  dans  le  milieu  de  ce  pour- 
tour ,  qu'on  appelloit  meniana.  Le  milieu  de 
l'efpace  renfermé  entre  les  quatre  façades 
dont  nous  venons  de  parler,  étoit  occupé  par 
un  maffif  d'une  maçonnerie  très-forte,  de  12. 
pies  d'épaifïèur  fur  fix  de  haut  ;  on  l'appelloit 
fpina  circi.  Il  y  avoit  fiir  la  fpina  des  autels  , 
des  obélilques,  despyramides,  des  flatues,  & 
des  tours  coniques  :  quelquefois  les  tours  co- 
niques étoient  élevées  aux  deux  extrémités 
fur  des  maffifs  de  pierre  quarrés  ,  &  féparés 
par  un  petit  intervalle  de  h  fpina  ,  enforte 
qu'elles  partageoient  chacun  des  efpaces  des 
extrémités  de  la/}? //7a aux  façades  intérieu- 
res du  cirque  en  deux  parties  ,  dont  la  plus 
grande  de  beaucoup  étoit  entre  la  façade  & 
les  tours.  Au  deflous  des  gradins  en  amphi- 
théâtre placés  fur  les  façades  du  cirque  ,  on 
avoit  creufé  un  large  fofTé  rempfi  d'eau  ,  & 
deftiné  à  empêcher  les  bêtes  de  s'élancer  fur 
les  fpedateurs  ;  ce  fofTé  s'appelloit  euripe. 
Les  jeux,  les  combats,  les  courfes,  Ùc.  fe  fai- 
foient  dans  l'efpace  compris  de  tout  côté 


150  C  I  R 

entre  l'euripe  &  la  fpina  circi\  cetefpace 
s'appelloit  area.  A  l'extérieur  le  cirque  étoit 
environné  de  colonnades,  de  galeries,  d'édi- 
fices ,  de  boutiques  de  toutes  lortes  de  mar- 
chands ,  &  de  lieux  publics. 

Lesbâtimens  qu'on  appelloit  cirques  à 
Rome,  s'appeiloient  en  Grèce  hippodromes. 
Voy.  Hippodrome.  On  en  attribue  l'inf- 
titutionàRomc  à  Romulus  ,  qui  les  appella 
eonfualia  ,  nom  pris  de  Corifus  ,  dieu  des 
conleils,  que  quelques-uns  confondent  avec 
Neptune  l'équellre.Lesjeux  qui  fe  célébroient 
dans  les  cirques  fe  taiibient  auparavant  en 
pleine  campagne,  enfuite  dans  de  grands 
enclos  de  bois  ,  puis  dans  ces  iûperbes  bâti- 
mens  dont  nous  allons  parler. 

On  célébroit  dans  les  cirques  des  courfes 
de  chars,  aurigatio  (voje^^^CiiAK <&  COUR- 
SES)  ;  des  combats  de  gladiateurs  à  pies  , 
pugna  pedeflris  {i^oyei  GLADIATEURS)  ; 
des  combats  de  gladiateurs  à  cheval  ,  pugna 
equeflris  (^'oyf;(  GLADIATEURS);  la  lutte, 
lu^a  {voye'{  Lutte)  ;  les  combats  contre 
les  bêtes,  venatio  {voye^  BÈTEs)  ;  les  exer- 
cices du  manège  par  de  jeunes  gens  ;  ludus 
Trojcc,  jeux  de  Troye  ;  les  combats  navals  , 
naumachia.   Voye-{  NaumaCHIES. 

On  comptoit  à  Rome  jufqu'à  quinze  cir- 
ques ;  mais  ilsn'étoient  pas  tous  de  la  même 
grandeur  ni  de  la  même  magnificence.  Il 
y  avoit  : 

Le  cirque  d'Alexandre.  Il  étoit  dans  la 
neuvième  région,  où  efl  aujourd'hui  la  place 
Navonne.  On  en  voit  la  figure  lur  quelques 
monnoies  d'Alexandre  Sévère.  On  l'appcl- 
loit  aufli  le  cirque  agonal ,  parce  qu'on  y 
«voit  célébré  les  jeux  de  Janus  Agonius.  On 
prétend  que  c'efi  par  corruption  d'Agonius 
qu'on  a  fait  le  nom -ATavo/zntf .  On  dit  qu'on 
découvrit  des  reftes  de  ce  cirque  en  crei^fant 
les  fondemens  de  l'églife  de  fainte  Agnès. 

Le  cirque  d'Antonin  Caracalla,  ou  peut- 
être  de  Galien.  Il  étoit  dans  la  première  ré- 
gion, à  l'endroit  où  efl  aujourd'hui  la  porte 
S.  Sébaflien,  anciennement  appellée  la  porte 
Capene.  On  croit  en  voir  des  reftes  entre 
réglife  S.  Sébaftien  &  le  çapo  dit  Bove.  Le 
pape  Innocent  X  fit  ériger  fon  obélifque 
fur  la  magnifique  fontaine  de  la  place  Na- 
vonne. Uaire  en  eft  aduellement  une  prai- 
;fie  de  2,23  cannes  de  long  ,  fur  33Î  de  large. 

Le  cirque  d' Aurélien.  Il  étoit  dans  la  cin- 


C  I  R 

quieme  région ,  mais  il  faut  plutôt  l'appeller 
cirque  d'Eliogabale ,  parce  qu' Aurélien  ne 
fie  que  le  réparer.  Voye\  plus  bas  le  cirque 
d'Eliogabale. 

Le  cirque  Caflrenfis.  Il  étoit  devant  la 
porte  LubicclnaouàtVrçv\ti\.& y  aujourd'hui 
la  porta  Maggiore  ,  non  loin  de  l'amphi- 
théâtre Caftrenfis  ,  derrière  fainte-Croix  en 
Jérufalem.  On  prétend  qu'il  n'étoit  qu'à  l'u- 
fage  des  foldats  ,  &  que  c'eit  auffi  le  même 
que  celui  d'Eliogabale. 

Le  cirque  de  Domitia.  Il  étoit  dans  la 
quatorzième  région.  Il  y  a  lieu  de  conjedu- 
rer  que  c'étoit  le  même  que  celui  d'Adrien. 

Le  cirque  d'Eliogabale.  Il  étoit  dans  la 
quinzième  région.  Son  obélifque  ell  regretté 
àts  favans  ;  il  étoit  chargé  d'hiéroglyphes  ; 
on  en  voit  les  morceaux  dans  la  cour  du 
cardinal  François  Barbarin.  Il  reftoit  en- 
core il  n'y  a  pas  long-temps  des  vediges 
du  cirque. 

Le  cirque  de  Flaminius.  Il  étoit  dans  la 
neuvième  région  ,  dans  des  prés  appelles 
alors  prataFlaminia.  Il  fut  bâti  l'an  5  30  par 
Cneius  Flaminius  cenfeur  ,  le  même  qui  fut 
défait  par  Annibal  près  du  lac  Thrafiraene. 
Il  avoit  une  double  galerie  de  colonnes  co- 
rinthiennes. Il  étoit  hors  de  la  ville.  C'étoit 
là  que  commençoit  la  marche  des  triom- 
phes. On  y  donnoit  la  paie  "  aux  foldats.  On 
y  célébroit  les  jeux  Appollinaires  &  les  nun- 
dines.  Quand  il  étoit  inondé  du  Tibre  ,  la 
célébration  des  jeux  fè  transféroit  au  mont 
Quirinal.  On  croit  qu'il  fut  ruiné  dans  la 
guerre  des  Goths  &de  l'empereur  Juftinien; 
&  l'on  prétend  qu'en  i^co  on  en  voyoit 
encore  d^s  veftigesà  l'endroit  où  eft  aujour- 
d'hui l'églife  de  «S".  Nicolo  aile  Calcare. 

Le  cirque  de  Flore.  Il  étoit  dans  lafixie- 
me  région  ,  en  un  enfoncement,  entre  le 
Quirinal  Se  le  Pintius.  C'éroit-là  qu'on  cé- 
lébroit les  jeux  Floraux.  On  prétend  que  ce 
fut  un  théâtre.  Il  s'appelle  aujourd'hui  la 
pia\\a  Grimana. 

Le  circus  intimus.  Il  étoit  dans  la  vallée 
Murcia  ;  mais  comme  le  grand  cirque  s'y 
trou  voit  auffi ,  on  les  confond. 

Le  cirque  de  Jules-Céfar.  On  prétend  qu'il 
s'étendoit  depuis  le  maufolée  d'Augufle  juf^ 
qu'à  la  montagne  voifine  ;  mais  il  y  a  du 
doute  même  ilir  fon  exiftence. 

Le  grand  cirque.  Il  étoit  dans  TonziecM 


C  I  R 

i-égion.  On  l'appellolt  le  grande  parce  qu'on  y 
cëlébroit  Icsgrands  jeux  ,   ou  jeux  confacrés 
diis  magnis ,  ou  parce  qu'il  étoit  le  plus 
grand  des   cirques.    Il  étoit  dans  la  vallée 
Murcia,  entre  les  monts  Palatin  &  Aventin. 
Il  fut  commencé  fous  Tarquin  le  vieux.  Les 
fénateurs  &  chevaliers  s'y  faifoient  porter  des 
Banquettes  de  bois  appellées  fori  ,  qu'on 
remportoit  à  la  fin  des  jeux.  Il  fut  dans  la 
fuite  orné,  embelli  &renouvellé  fous  plufieurs 
empereurs,  mais  fur-tout  fous  Jules-Céfar.Sa 
longueur  étoit  de  troij  ftades  &  demie,  ou  de 
ii8o  pies  ou  environ,  &  fa  largeur  de  quatre 
arpens,  ou  de  970  pies.  Il  pouvoit  contenir 
150000    hommes  ,     félon      quelques-uns 
aèoooo,  ou  même  380000,  félon  d'autres.  Sa 
façade  de  dehors  avoir  deux  rangs  d'architec- 
ture à  colonnes,  au  deffus  defquels  il  y  avoit 
un  plus  petit  ordre.  A  fon  extrémité  circulai- 
re il  y  avoit  trois  tours  quarrées  ,  &  deux  à 
l'autre  extrémité.  Dans  les  derniers  temps  ces 
tours  appartenoient  à  des  fénateurs  &  paf- 
foient  à  leurs  enfans.  Le  bas  de  ce  cirque  en- 
dehors  étoit  un  rang  de  boutiques  ménagées 
dans  les  arcades  les  plus  baflês.  Son  euripe 
avoit  dix  pies  de  largeur ,  fur  autant  de  pro- 
fondeur. La  première  rangée  des  fieges  étoit 
de  pierre ,  les  autres  de  bois.  L'empereur 
Claude  fit  mettre  en  marbre  les  carceres  ou 
endroits  d'où   partoient  les  chevaux  &  les 
chars  ,  &  dorer  les  bornes ,  &  défigna  une 
place  fur  la^pi/ia  pour  les  fénateurs.  Les  car- 
ceres hioitxsx.  à  la  petite  façade  du  côté   du 
Tibre ,  au  nombre  de  douze.  La  première 
chofe  qu'on  trouvoit  en  s' approchant  de  la 
fpina  par  ce  côté,  étoit  le  petit  temple  appel- 
lé  (^des  Murciœ,  ou  autel  dédié  à  Vénus. 
Vers  ce  temple  étoit  celui  du  dieu  Confus\  il 
touchoit  prefque  les  trois  pyramides  rangées 
en  ligne  droite  qu'on  appelloit  metce^  les  bor- 
nes. Il  y  en  avoit  trois  autres  à  l'autre  bout,  ce 
qui  ne  faifoit  quefix  ,  quoique  le  roi  Théo- 
doric  en  ait  compté  fept.  "L^.  fpina  étoit  con- 
tenue entre  ces  trois  bornes  d'un  côté  ,  &  les 
trois  autres  bornes  de  l'autre.  Il  y  avoit  d'a- 
bord fur  h  fpina  l'autel  des  Lares  ^  puis  Vara 
potentiunty  l'autel  des  dieux  puiffans  ;  deux 
colonnes  avec  un  fronton  formant  comme 
l'entrée  d'un  temple;  un  autre  morceau  fem- 
blable  dédié  à  Tuteline  avec  un  autel  ;  une 
colonne   portant  la  fiatue  de  la  Viâoire  ; 
quatre  colonnes  dont  rarchitrave  ,  la  frife  , 


C  I  R  ,51 

la  corniche  ,  étoient  ornés  &  furmontés  de 
dauphins  :  elles  formoient  une  efpcce  de 
temple  à  Neptune  ;  la  fi:atue  de  Cybele  aflife 
fur  un  lion  ;  au  pié  du  grand  obélifque  ,  vers 
le  centre  du  cirque,  un  temple  du  Soleil  ;  un 
trépié  à  la  porte  de  ce  temple  ;  une  ftatue  de 
la  Fortune  fur  une  colonne;  un  bâtiment  à 
colonnes  couronné  de  pierres  rondes,  oblon- 
gues  &  dorées  ,  qu'on  appelloit  les  œufs  des 
courfes ,  ova  curriculorum ,  &  qu'on  ôtoit 
pour  compter  le  nombre  des  courfes  ;  des 
temples,  des  colonnes,  des  flatues,  Ùc.  une 
flatue  de  la  Vidoire  fur  une  colonne;  l'autel 
des  grands  dieux;  un  obélifque  plus  petit  que 
le  précédent  j  confacré  à  la  Lune  ;  enfin  les 
trois  autres  bornes,  metae.  Augufte  fit  fubfti- 
tucr  un  obéh(que  à  un  grand  mât  qui  étoir 
dreiîé  au  milieu  du  cirque^  &  qui  lui  donnoit 
l'air  d'un  vaiflèau.  L'empereur  Confiance  y 
en  éleva  un  fécond  plus  haut  que  le  premier  ; 
celui-ci  eft  maintenant  a  la  porta  del  Popolo', 
l'autre  eft  devant  l'églife    Latéranne.  Aux 
façades  du  cirque  en-dedans,  il  y  avoit, 
comme  aux  amphithéâtres  {poye:^  AMPHI- 
THÉÂTRE) ,  le  podium  ou  places  des  féna- 
teurs ,  au  deflus  les  fieges  des  chevaliers  ro- 
mains ;  plus  haut  une  grande  galerie  régnant 
tout  autour  du  cirque  ;  au  deffus  de  cette 
galerie  de  nouveaux  gradins  continués  les 
uns  par  ordre  au  defïîis  des  autres  jufqu'au 
haut  de  la  façade ,  où  les  derniers  gradins 
étoient  adoffés    contre  l'extrémité  du  petit 
ordre  d'architedure  dont  nous  avons  parlé. 
Dans  les  jours  de  jeux  on  jonchoit  l'arène  de 
fable  blanc.  Caligula  &  d'autres  empereurs 
y  firent  répandre  par  plus  de  magnificence 
jàu  cinnabre  ,  du  fuccin ,  &  du  bleu.  On  y 
avoit  pratiqué  un  grand  nombre  de  portes. 
Il  fut  brûlé  fous  Néron  ,  &  il  s'écroula  fous 
Antonin  le  pieux  ;  mais  on  le  releva  toujours 
jufqu'à  ce   qu'il  fut  rafé  entièrement  fans 
qu'on  fâche  à  quelle  occafion.  Il  n'en  refle 
plus  que  des  veiliges  à  l'endroit  appelle  i^alle 
di  cherchi. 

Le  cirque  de  Néron.  Il  étoit  dans  la  qua- 
torzième région  de  la  ville,  entre  le  Janiculc 
&  le  Vatican,  où  efi  aujourd'hui  l'églife  de 
S.Pierre  de  Rome,  devant  laquelle  Sixte- 
quint  fit  placer  fon  obélifque. 

Lecirque  de  Salulle.  Il  étoit  danslafixiemc 
région ,  près  de  la  porte  Colline ,  vers  le 
Quirinal  &  le  Pintius.  Il  en  refle  des  vefliges. 


152  C  I  R 

quoique  la  plus  grande  partie  en  Toit  comprifè 
dans  les  jardijisLudoviiiens ,  où  l'on  en  voit 
i'obélifque. 

Le  cirque  Vatican.  C'eft  le  même  que  celui 
de  Néron. 

Quoiqu'il  y  eût  flx  prifons  ,  carceres  ,  à 
chacun  des  côtés  du  cirque ,  les  courfes  ne 
pouvoient  commencer  que  de  l'un  des  côtés. 
De  ces  fix  prifons  il  n'y  en  avoit  que  quatre 
dont  on  ouvrît  les  portes ,  pour  les  quatre 
i'adions  ,  jufqu'à  ce  que  Domitien  ajouta 
deux  nouvelles  faftions  ,  afin  qu'il  en  pût 
fortir  lix  à  la  fois ,  &  qu'il  ne  reftat  pas  deux 
portes  fermées.  Ceux  qui  concouroient  à  la 
courfe  ,  avoient  toujours  à  gauche  hfpina 
en  partant. 

Les  fadions  ctoient  difîinguées  par  la  cou- 
leur de  leur  habit  :  il  n'y  avoit  dans  le  com- 
mencement que  la  blanche  &la  rouge;  on  y 
ajouta  la  verte  &  la  bleue ,  enfuite  la  dorée  & 
la  pourprée,  qui  ne  durèrent  pas  long-temps. 
Les  factionnaires  étoient  ou  des  efclaves  ,  ou 
des  affranchis ,  ou  des  étrangers  :  cependant 
quelques  enfans  de  famille ,  des  fënateurs  , 
&  même  des  empereurs ,  ne  rougirent  pas 
dans  la  fuite  de  faire  la  fondion  vile  d'aurige. 
Ces  fadions  divifoient  le  peuple  ;  les  uns 
étoient  pour  une  couleur  ;  les  autres  pour 
une  autre;  ce  qui  cauiafouvent  des  émeutes. 

Voyei  Hippodromes,  Courses,  Lut- 
te^ &c.   Voy.  Antiq.  exp.  Hed.  lex. 

CIRQUINÇON  ,  f  m.  {Hifl.  nat.  qua- 
druped.)  efpece  de  taton  ,  dont  l'origine  eit 
devenue  comme  douteufe  depuis  que  M.  de 
Buffon  a  travaillé  fur  l'hiffoire  des  animaux 
de  ce  genre ,  dont  il  attribue  l'origine  à 
l'Amérique.  Belon  eft  le  premier  qui  ait  parlé 
de  cet  animal ,  dont  il  pouvoit  avoir  vu 
deux  efpeces  vivantes  dans  fon  voyage  en 
Turquie,  favoir  le  czr^M/'/Zj^o/z  G"  l'armadillo  , 
qui  tous  deux  y  font  apportés  du  pays  du 
Sénégal ,  comme  il  le  fait  aiTez  entendre  en 
difant  "pour  ce  que  l'animal  dont  nous 
>y  avons  ci-devant  parlé  ,  qu'on  nomme 
«  taton  y  s'eff  trouvé  entre  leurs  mains,  le- 
»  quel  tor.tefois  efl  apporté  de  la  Guinée  & 
»  de  la  Terre-Neuve  ,  dont  les  anciens 
«  n'ont  point  parle ,  néanmoins  nous  a  fera 
«  blé  bon  d'en  bailler  le  portrait.  »  Obfer- 
vmlons  de  Belon  y  Paris  1 5  5  5  )  P^S^  2.z  z  y 
fiS'P'^S^  ^O^.  Mais  la  figure  qu'il  donne 
fl'olî  pas  celle  du  cirquinfon  ;  c'eft  celle  de 


C  I  R 

l'armadillo  à  treize  bandes.  Le  P.  d'Abbe- 
ville  dans  {es  MiJJîons  au  Maragnon,  impri- 
mées en  i6i^y  page  z^8 ,  l'appelle  taton 
ouinchiim.  Grow,  dans  ion  Mufœum  regium 
focietatis  Londinenjis  y  publié  eni68i,  le 
nomme  the  wejlhe  headed  armadillo  ^  pages 
ZS  Ù  2.O.  C'eft  le  tatu  muftelinus  de  Ray  , 
dans  fon  Synopfis  quadrupedium,  p.  2.5 ^j 
le  cataphraclus  fcuto  unico  cingulis  oclode^ 
cim..  armadillo  de  M.  Brillbn,  règne  animal^ 
publié  en  1756  ,  p.  57  ,•  &  le  Dafypus  t 
unicenetus  tegmine  tripartito  pedibuspenta- 
dach/lisy  de  M.  Linné,  dans  (onfyflemanatu- 
rccy  édition  12,  imprimé  en  1706, ;j.  ^j. 

Il  a  le  corps  long  de  dix  pouces  depuis  les 
épaules  jufqu'à  l'origine  de  la  queue  ;  la  tête 
de  trois  pouces ,  la  queue  de  fept ,  les  jam- 
bes de  deux  à  trois  pouces  de  hauteur,  les 
oreilles  longues  d'un  pouce  ,  le  devant  de 
la  tête  large  &  plat ,  les  yeux  petits  ;  {es  qua- 
tre pies  ont  chacun  cinq  doigts  ,  de  grands 
ongles  longs  aux  trois  doigts  du  milieu  ,  & 
des  ongles  plus  courts  aux  deux  autres. 

Son  corps  eff:  entièrement  couvert  d'é- 
cailles  ,  comme  dans  les  autres  efpeces  de 
taton  ;  mais  ces  écailles  font  féparées  d'une 
manière  différente.  L'armure  du  cou  forme 
un  collier  d'une  feule  pièce  formée  de  petites 
écailles  quarrées.  Celle  des  épaules  forme 
un  bouclier  d'une  feule  pièce  &  compolé  de 
plufieurs  rangs  de  pareilles  petites  écailles 
quarrées  ,  contiguës  &  unies  fermement  les 
unes  aux  autres.  Tout  le  reffe  du  corps  de- 
puis le  bouclier  des  épaules  julqu'à  la  queue, 
eff  couvert  par  dix-huit  bandes  ou  anneaux 
mobiles  unis  enfemble  par  une  membrane 
fouple  ;  les  premiers  de  ces  anneaux  \es  plus 
voifins  des  épaules  font  les  plus  larges  y  & 
compofés  d'écaillés  quarrées  oblongues;  les 
poftérieurs  font  faits  de  pièces  dont  les  unes 
font  quarrées  &  les  autres  rondes;  enfin  l'ex- 
trémité de  l'armure  du  corps  près  de  la  queue 
eff  de  figure  parabolique.  La  moitié  anté- 
rieure de  la  queue  eff  environnée  de  fix  an- 
neaux dont  les  pièces  font  compofées  de  pe- 
tits quarrés  :  fa  moitié  pofférieure  jufqu';\ 
l'extrémité  qui  eff  pointue ,  eff  couverte  d'é- 
caiiles  irrcgulieres.  Sa  poitrine,  fon  ventre, 
&  {es  oreilles  font  nues  comme  dans  les  au- 
tres efpeces.  Les  parties  génitales  du  mâle 
font  grandes   &  très-apparentes  au  dehors. 

M(xws,   Le  çirquin^çn  eff  commun  au 

Sénégal 


C  I  R. 

"Sénégal  dans  le  pays  de  Zequinchor  ou  Sif- 
Icinjon  près  de  Gambie  ,  d'où  il  a  vra-fem- 
blablement  tiré  Ton  nom  ,  comme  l'autre 
efpece ,  qui  ell  particulière  au  Cap- Verd , 
a  donné  Ion  nom  efpagnol  armadilLo  à  la 
pointe  la  plus  avancée  de  ce  cap  ;  car  il 
n'eit  pas  aulli  certain  que  le  tatou  oum- 
chum  vu  au  Maragnon  par  le  père  d'Ab- 
be ville  ,  foit  le  cirquinpvn  d'Afrique  ,  qu'il 
ell  certain  que  c'eil  celui  décrit  &:  figuré  d'a- 
bord par  Belon  ,  eniuite  par  Grew  &:  Ray. 
Au  relie  ,  il  feroit  encore  pofEble  que  ce 
même  animal  fe  trouvât  au  Brefil  &  en  mê- 
me temps  au  pays  de  Gambie ,  dont  le  cli- 
mat ,*  le  terram  &  les  produâions  en  tout 
genre  font  il  analogues.  Nous  avons  vu 
cette  efpece  de  tatou  &  l'armadille  dans  ces 
pays  du  Sénégal,  &  nous  avouons  que  nous 
iommes  très-étonnés  que  M.  de  Bufion , 
qui  d'ailleurs  a  mis  beaucoup  d'exadifude 
dans  les  recherches  ,  ait  voulu ,  malgré 
l'autorité  de  Belon  &  celle  du  rédadeur  de 
Seba  ,  l'attribuer  à  l'Amérique  exclulive- 
ment ,  fondé  fur  ce  que  le  plus  grand  nom- 
bre des  efpeces  de  tatou  fe  trouve  en  Amé- 
rique ,  fur  ce  que  ces  animaux  étoient  incon- 
nus avant  la  découverte  de  cette  partie  du 
monde  ,  enfin  fur  ce  qu'aucun  voyageur 
moderne  (excepté  Belorï  &  nous)  ne  dit 
en  avoir  trouvé  en  Afie  ,  ni  en  Afrique. 

Les  terrains  qu'habite  le  cirquinçon  au  Sé- 
négal font  argileux  &  pierreux ,  fur  des  co- 
teaux peu  éloignés  des  eaux  ,  &  <^çs  forêts. 
îl  y  creufc ,  comme  le  lapin  ,  àts  terriers 
très-profonds  ,  d'où  il  ne  fort  que  la  nuit 
jpoxir:  chercher  fa  fubfiflance  ;  il  y  relie  mê- 
me enfermé  dans  un  fommeil  léthargique 
pendant  les  mois  de  décembre  ,  janvier , 
février ,  mars  &  avril  ,  qui  font  les  mois 
d'hiver  &  de  féchereflfe  au  Sénégal  ,  pen- 
dant iefquels  il  (ort  très-rarement. 

Le  cirqiùnçon' m^rc\\&  allez  vite  à  pies 
alternes  ,  mais  (ans  pouvoir  courir  ,  ni  grim- 
per fur  les  arbres ,  ni  fauter  à  pies  joints  ,  ^^  ^      .  ,    ...^    _    _, 

iembiable  en  cela   au   hériflbn  ,   dont  il  a"^Pws  grande  partie  de  l'hiver.  Les  ferpens 


d'ailleurs  toutes  les  autres  facultés ,  de  forte 
que  pour  échapper  à  la  pourfuite  de  fes 
-ennemis  ,  il  eft  forcé  de  fe  retirer  dans  fon 
terrier  dont  il  s'éloigne  fort  peu  ,  ou  de  s'en 
creuler  un  nouveau  quand  il  en  ell  trop 
éloigné.  Mais  quoiqu'il  fouille  la  terre  aufli 
pxoraptement  que  la  taupe ,  on  l'atteint  fou- 
Tome  VIIL 


€  ï  R  155 

vent ,  &  fi  on  le  prend  par  la  queue  avant 
qu'il  s'y  foit  entièrement  enfoncé  ,  il  sy 
cramponne  avec  une  telle  force  que  rica- 
ne peut  vaincre  là  réfillance  ,  &  que  fou- 
vent  on  lui  calTe  la  queue  fans  en  amener 
le  corps.  Dans  ces  cas  ,  pour  les  prendre 
fins  les  mutiler  ,  les  Nègres  enfoncent  leur 
couteau  ou  un  bâton  au-devant  de  leur  tête 
pour  les  empêcher  de  pénétrer  plus  avant» 
&  les  enlèvent  en  dégradant  la  terre  qui 
les  environne. 

Cet  animal ,  quoique  couvert  d'un  têt 
écailleux  &  extrêmement  dur  ,  eil  d'une 
fenfibilité  étonnante  au  moindre  contad  ; 
alors  il  fe  contrade  en  rond  ,  &  forme  une 
efpece  de  boule  au  moyen  de  fa  cuiraiîé  , 
dans  la  cavité  de  laquelle  fa  tête  &  fa  queue 
fe  trouvent  logées  en  rempliilànt  les  fentes 
qu'elle  laifle  fous  le  ventre.  Dans  CQt  état , 
il  ne  craint  que  l'homme  ou  le  finge ,  qui 
peuvent  l'emporter  ou  le  rouler  comme  une 
boule ,  ce  qui  à  la  fin  l'étourdit  au  point 
qu'il  ell  oblige  de  fe  développer.  Lorfqu'il 
efl  une  fois  au  foild  de  fon  terrier  ,  il  ell 
rare  que  la  fumée  ou  l'eau  ,  dont  on  le 
remplit ,  le  faflè  forrir  ;  il  réfille  à  ces  deux 
agens  ,  &  les  chiens  n'ont  aucune  prife  fur 
fon  têt  lorfqu'il  ell  une  fois  roulé  en  boule. 
Le  feul  moyen  de  lui  faire  la  chalî'e  avec 
avantage  ,  cil  <ie  le  furprendre  avec  àts  lé- 
vriers ,  qui ,  àh'i  qu'ils  le  voienthors  de  fon 
trou  ,  le  devancent ,  l'empêchent  d'y  ren- 
trer ,  &  le  harcèlent  pour  le  faire  plier  en 
boule  &  donner  au  chaiTeur  le  temps  de 
l'enlever.  On  ne  le  force  à  s'ouvrir  fu'en 
l'approchant  du  feu  ,  ou  en  le  tenant  long- 
temps plongé  fous  l'eau  ,  ou  en  le  roulant 
vigoureufement  comme  une  boule  iur  un 
terrain  pierreux  ou  très-dur. 

Le  cirquinfon  multiplie  beaucoup  dans 
certains  cantons  ;  mais  il  n'ell  pas  probable 
que  la  femelle  produife  quatre  petits  chaque 
mois ,  comme  Gumilla  le  dit,  page  3.z^  ^ 
de  celui  de  l'Orenoque  ,  puifqu'il  dort  la 


fe  retirent  fouvent  dans  leurs  terriers  avec 
eux  pendant  cette  faifbn.  Ses  excrémens  font 
moulés  en  petites  crottes  ovoïdes,  pointues, 
rouflâtres",  à-peu-près  comme  celles  du 
hériflbn. 

Qualités.  Cet  animal  efl  très-gras ,  fiir- 
tout  au  commenoement  de  l'hiver  &  de 

V. 


fon  repos  léthargique.  lia,  comme  le  hé- 
riflon ,  la  chair  blanche  ,  tendue  &  em- 
preinte d'une  légère  odeur  de  mufc. 

Ufages.  Les  Nègres  mangent  le  cirquin- 
fon  au  Sénégal ,  comme  le  tatou  fe  mange 
en  Amérique.  Quelques-uns  fe  fervent  de 
fon  têt  antérieur  comme  des  taffes  de  coco 
pour  boire.  Ils  en  prennent  intérieurement 
la  poudre  ,  comme  celle  de  l'os  de  l'oreille 
du  lamjmtin  ,  pour  s'exciter  les  lueurs  dans 
les  maladies  vénériennes.  Les  Américains 
prétendent  que  l'os  de  la  hanche  du  tatou  , 
ainli  pulvérifé ,  a  la  même  vertu  ,  &  que 
le  premier  os  de  la  queue ,  appliqué  fur  l'o- 
reille ,  fait  entendre  les  fourds  :  il  pourroit 
entrer  dans  ces  derniers  effets  un  peu  de 
merveilleux.  Ils  emploient  fon  têt  à  divers 
«utres  ufages ,  ils  le  peignent  de  diverfes  cou- 
leurs, ils  en  font  des  corbeilles,  des  boîtes,  & 
autres  petits  vaifTeaux  aufli  légers  que  folides. 

Remarques.  Le  cirquinçon  ou  Jirkinjon 
cft ,  comme  l'on  voit ,  une  efpcce  de  tatou , 
qui  forme:  un  genre  particuher  d'animal  dans 
la  famille  des  hérilîbns ,  dont  il  a  la  plupart 
des  mœurs  &:  des  facultés. 

Les  gens  lettrés  &  autres  favans  nous  de- 
mandent tous  les  jours  pourquoi  nos  natu- 
ralises modernes  changent  les  noms  reçus 
de  tous  les  êtres  ,  pourquoi  le  tatou  &  le 
cirquinçon  y  11  connus  ibus  ce  nom  depuis 
plus  de  2CO  ans ,  ont  reçu  ,  par  MM.  Klein 
&  Briffon  ,  le  nom  grec  de  cataphraclus  _, 
qui  appartient  à  un  poilTon ,  &  par  M.  Lin- 
né celui  de  dafypus  ^  que  les  Grecs  donnent 
dej^is  Ariftote  au  lapin  ,  cuniculus.  {M. 
Adanson.) 

CIRSAKAS,  (Co/77OT.>étofFedes  Indes, 
foie  &  coton  ,  mais  où  le  rapport  de  la  foie 
au  cotcn  t'}.  très-petit. 

CIRSOCELE,  f  m.  terme  de  chirurgie  , 
fignifie  une  multitude  de  varices  aux  telli- 
cules  ,  qui  en  augmentent  prodigieuferaent 
la  groffeur ,  &  empêchent  que  la  femence  ne 
s'y  prépare  convenablement  ;  à  quoi  oïùÊêi^ 
peut  pas  quelquefois  remédier  autreniOTr 
qu'en  en  venant  à  la  caiiration.  C'efî:  la  même 
ehoiè  que  ce  qu'on  appelle  Aeni/e  variqueufe. 
Voyei  Varicocele. 

Ce  mot  vient  du  grec,  x/ps-o? ,  varice ,  & 
**■>«  hernie.    VoyeT^  HernIE. 

M.  Petit  a  fait  plufieurs  fois  l'opération 
d'emporter  les  vaifleaux  variqueux  en  con- 


C  I  S 

fervant  le  tcfllcule.  On  verra  des  obfèrvatîorvj 
dignes  de  ce  grand  praticien  ,  fur  la  cure  de 
cette  maladie ,  dans  un  traité  de  chirurgie 
qui  doit  bientôt paroître  au  jour.  Qts  obfer- 
varions  fe  trouveront  au  chapitre  du  varico- 
cele. (  Y) 

CISALPIN ,  adied.  {Géog)  qui  efl  en 
deçà  des  Alpes.  Ce  mot  eft  formé  de  la  pré- 
pofitionm,  en  deçà,  &  Alpes.  Quoique  le 
mot  Alpes  déiigne  proprement  les  monta- 
gnes qui  féparent  l'Italie  de  la  France,  il  s'efl 
dit  aufii  cependant  de  quelques  autres  mon- 
tagnes. C'eft  ainli  qu'Aufone  appelle  lef 
Alpes,  proprement  dites,  les  Pyrénées,  l'A- 
pennin ,  &c. 

Les  Romains  diftinguerent  la  Gaule  &  le 
pays  qu'on  nomme  maintenant  Lombardie  , 
en  Gaule  cif alpine  &  en  Gaule  tranf alpine. 

Celle  qui  étoit  cif  alpine  à  l'égard  deRome, 
eft  tranfalpine  à  notre  ég^rd.  Chambers. 

CISAILLE,  f  f.  {Artméch.  en  métaux.^ 
C'eft  un  outil  dont  on  fe  fert  pour  couper  la 
tôle  ,  le  cuivre  ,  le  fer  &  autres  métaux ,. 
quand  ils  font  minces.  C'eft  une  forte  de 
cifeaux  très-forts  ,  à  l'ufage  des  chauderon- 
niers,  ferblantiers,  orfèvres,  chaînetiiws,  Ùc^ 
Une  des  branches  de  la  cif  aille  eft  recourbée 
par  le  bout  ;  cette  partie  recourbée  s'infère 
dans  un  trou  pratiqué  à  un  bloc.  Par  ce 
moyen  la  cifaille  eft  tenue  ferme  ,  un  peu 
inclinée  à  l'horizon,  &  d'un  ufage  très-com- 
mode pour  l'ouvrier  y  qui  met  entre  {ts  lames 
la  matière  à  couper,  &  n'a  plus  qu^à  appuyer 
de  la  main,  dont  l'eftbrt  eft  augmenté  du 
poids  &  de  la  vîtefle  de  tout  le  corps  ,  fur 
l'autre  branche  qui  eft  droite ,  élevée  au- 
defîûs  de  la  branche  recourbée  par  le  bout. 
Quant  à  la  conftrudion  de  ce  cifeau  ,  les 
lames  en  font  courtes ,  larges  &  épaiffes  ;  & 
les  branches  fortes  &  longues.  On  peut  le 
regarder  comme  un  levier  du  premier  genre. 

Le  point  d'appui  eft  au  clou  qui  unit  les 
deux  branches ,  &  par  conféquent  entre  la 
puilîance  &  la  réfiftance  ;  d'où  il  s'enfuit  que 
plus  le  fommet  de  l'angle  que  forment  en- 
tre elles  les  lames  en  s'ouvrant  le  plus  qu'il  eft 
poffible  ,  eft  voifin  du  clou  ,  &  que  plus  en 
même  temps  les  branches  font  longues ,  plus 
la  puifîànce  a  d'avantage.  Il  faut  pourtant 
obferver  pour  la  fohdité  &  la  durée  de  fa 
cifailhy  qui  eft  expoféeàfupporterdegrands 
efforts,  de  ne  pas  trop  afîbiblirla  diftance 


C  I  s 

^e  Touv-eraire  du  clou,  au  fommct  de  l'angle 
de  l'ouverture  des  lames. 

CISAILLES  ,  f.  f.  pi.  à  la  monnoie  y  ce 
font  les  relies  d'une  lajue  d'or,  d'argent  ou  de 
billon,  dont  on  a  enlevé  les  flancs  pour  faire 
des  pièces  de  monnoie.  On  met  les  cifailles 
en  pelotes  pour  les  jeter  dans  le  creufetplus 
facilement.  Voye^  MONNOYAGE. 

CISAILLER,  à  la  monnoie,  c'eft  couper 
avec  des  cifailles  les  pièces  de  monnoie  dé- 
fedueufes ,  de  poids  léger  ,  ou  mal  mar- 
quées, afin  d'empêcher  qu'elles  n'aient  cours 
dans  le  commerce.  Ce  font  les  juges-gardes 
qui  cifailUm  les  pièces  de  rebut  pour  être 
remifes  à  la  fonte. 

A  la  monnoie  ,  au  défaut  de  cifailles  ^ 
comme  dans  les  bureaux,Qn  cifaiUe  les  pièces 
de  rebut  ou  faufles  ,  avec  un  marteau  très- 
pointu  ,  dont  on  les  frappe  fur  une  plaque  de 
plomb. 

*  CISEAU,  f.  m.  {Anméch,)  Il  ya 
deux  efpeces  d'inftrumcns  de  ce  nom ,  d'une 
conflrudion  très-différente.  L'une  efl  d'un 
ufage  prefque  général  dans  les  arts  &  dans 
l'économie  domeflique  ;  l'autre  né  fcrt  guère 
qu'aux  ouvriers  en  bois  &  en  fer.  Ce  font  les 
couteliers  qui  font  la  première  j  ce  font  les 
taillandiers  qui  font  la  féconde. 

Pour  faire  le  cifeau  à  divifer  les  étoffes  , 
prenez  une  barre  de  fer  plus  ou  moins  forte  , 
lèlon  la  nature  des  cifeaux  que  vous  voulez 
forger.  Commencez  par  l'entailler  à  fon  ex- 
trémité ,  &  par  y  former  une  tête  femblable 
â  celle  d'un  piton  ,  ronde  ,  plate  ,  mais  non 
percée.  Coupez  enfuite  ce  piton,  en  y  laiiïànt 
une  queue  plus  ou  moins  longue  ,  félon  la 
longueur  que  vous  vous  propolez  de  donner 
«u  cifeau.  Allongez  cette  queue  en  pointe  ; 
puis  plaçant  cette  enlevure  fur  le  quarré 
de  l'enclume  ,  obliquement,  faites-y  entrer, 
d'un  coup  de  marteau  fortement  appliqué  , 
l'arête  de  l'enclume.  Vous  formerez  ainli 
l'embafe  du  cifeau  ,  qui  doit  être  égale  à  l'é- 
pailfeur  de  la  lame.  Par  ce  moyen  ,  lorfque 
les  deux  embafes  ieront  appliquées  l'une  fur 
l'autre  ,  vous  n'aurez  que  la  même  épaifîêur. 
Percez  le  piton  fur  l'enclume  avec  un  poin- 
çon. Agrandilfez  &  formez  l'anneau  à  Ja 
bigorne, ^près  quoi  faites  recuire  ces  bran- 
ches. Pour  cet  effet ,  mettez-les  dans  un  feu 
decharbon  de  bois  ,  que  vous  laifTerez  allu- 
mer &.  éteindre  feul  ;  ce  recuit  les  attendrit. 


CI  S  15^ 

Donnez-leur  cnfuite  à  la  lime  la  figure  k 
plus  approchée  du  cifeau.  Trempez  ,  émou- 
lez  ,  &  polifléz  à  l'ordinaire.  Clouez  les 
branches  enfemble.  BrunilTez  les  anneaux 
&  les  branches,  puis  vos  cifeaux  feront  faits. 

On  ne  s'attend  pas  que  nous  parlions  ici 
de  tous  les  cifeaux  qui  font  employés  dans 
les  arts  ;  ces  inftru'mens  fcrelïèmblent  fi  fort 
que  nous  ne  ferions  que  nous  répéter  lans 
cefle.  Nous  renverrons  là-deflus  aux  diffé- 
rens  articles  des  arts  ,  où  nous  expofons  les 
manœuvres  qui  exigent  leur  ufage. 

Pour  faire  le  cifeau  à  couper  le  bois, prenez 
un  morceau  de  fer  ,  &  tirez-le  en  long ,  plus 
ou  moins  fort ,  plus  ou  moins  plat ,  plus  ou 
moins  large  ;  que  la  partie  de  ce  morceau 
que  vous  appellerez  la  tête  ,  foit  à-peu-près 
quarrée  \  que  celle  que  vous  appellerez  le 
tranchant,  foit  très-mince  &  très-plate.  Acé- 
rez  cette  partie  mince  avec  du  bon  acier  ; 
rendez-la  tranchante  à  la  lime  &  à  la  meule; 
il  faut  qu'elle  foit  bien  trempée  ,  &  vous 
aurez  un  cifeau  à  couper  le  fer.  Quelquefois 
le  tranchant  eft  en  bifeau  ;  d'autres  fois  , 
au  lieu  de  tête ,  on  y  pratique  une  foie  qui 
efl  reçue  dans  un  manche  de  bois.  En  un 
mot ,  cette  forte  de  cifeau  varie  prodigieu- 
fèment ,  félon  l'ufage ,  la  matière  à  couper  , 
les  formes  à  faire.  Il  y  en  a  ,  &  de  la  plus 
petite  grandeur ,  &  de  la  plus  grande  force- 
Vcye-{  la  fuite  de  cet  article. 

Ciseau  ,  inflrumem  de  chirurgie  y  com- 
pofé  de  deux  branches  égales  en  longueur  , 
tranchantes  en-dedans ,  &  jointes  enfemble 
par  un  clou.  Il  faut  avoir  des  cifeaux  qui  ne 
fervent  qu'aux  appareils  ,  pour  couper  les 
linges  qui  fervent  à  faire  les  bandes  ,  com- 
prefîês  &  autres  pièces. 

Les  chirurgiens  doivent  avoir  ^ioutre  des 
cifeaux  à  incifion  ;  les  uns  font  droits ,  &  \z% 
autres  courbes  ;  il  faut  qu'ils  foient  conffruits 
avec  toute  l'attention  poflible.  Les  pointes 
doivent  être  moufles  ,  pour  qu'en  opérant 
on  ne  foit  point  oblige  de  changer  les  anneaux 
des  doigts ,  pour  mettre  la  branche  bouton- 
née dans  la  plaie  ,  lorfqu'elle  ne  s'y  préfente 
pas  naturellement.  V.  chirurgie  ^pl.I^fig.  z. 

Les  cifeaux  courbes  fervent  à  faire  des. 
inciiions  dans  des  eiKlroits  un  ptu  caves  ;  il 
faut  que  leur  courbure  foit. petite  &  douce  \ 
qu'elleprenne  du  milieu  même  de  l'entablure, 
6c  qu'augmentant  prefque  infènfiblcment  j- 

V  2 


^ 


1^6  CîS 

la  pointe  sVcarte  à  peine  cTe  cinq  lignes  Je 
l'axe  des  ci/eaux.  Cette  ftrudure  rend  les 
ci/eaux  courbes  ,  non-feulement  propres  -k 
toutes  les  opérations  qui  demandent  la  cour- 
bure âes  lames  ,  mais  ils  font  fi  commodes 
&  fi  dégagés  ,  qu'ils  peuvent  exécuter  celles 
qui  femblent  exiger  l'ulage  des  a/f'^war  droits. 
Voye^  la  figure  I,pi.  III.  M.  de  Garengeot 
a  traité  fort  au  long  ,  dans  Ton  livre  d  inl- 
trumens  ,  de  la  coniîrudion  des  cifeaux. 

M.  Petit  a  imaginé  des  a/faua:  particuliers 
pour  l'opération  du  filet.  K.FlLET,  &  lafig. 
4,  pi.  XIX.  {Y) 

Ciseau  d'embas,  morceau  de  fer  acéré 
par  le  bout  tranchant ,  à  l'ufage  de  ceux  qui 
travaillent  à  l'ardoife.   Voye^^  ARDOISE. 

Ciseau  à  Vufage  des  arquehujiers .  Ils  en 
ont  de  plufieurs  fortes,  parmi  lefquelles  on  en 
diilingue  quatre  particulièrement  :  le  cifeaii 
à  bride  y  le  cifeau  à  chaud  y  le  cife^u  de 
côté  y  le  cifeau  à  e'bancher. 

Le  cifeau  d  bride  eft  un  petit  morceau 
d'acier  long  de  fix  ou  huit  pouces ,  quarré  , 
de  l'épaifieur  d'une  ligne  &  demie  en  tout 
lens.  Ce  morceau  d'acier  eft  reployé  aux 
deux  tiers  ,  quarrément ,  &  fe  reploie  encore 
en  devant ,  d'un  petit  bec  de  la  grandeur 
d'une  ligne.  Ce  bec  eft  fort  tranchant ,  les 
arquebufiers  s'en  fervent  pourvuider  &  net- 
toyer une  entaille  ou  une  mortaife  dans  un 
bois  de  fufil. 

Le  cifeau  à  chaud  e(ï  un  morceau  de  fer  ou 
d'acier  quarré  ,  d'environ  huit  pouces  ,  gros 
de  deux,  peu  tranchant,  &  fervant  à  l'arque- 
bufier  pour  partager  un  morceau  de  fer  en 
deux  ,  ou  pour  y  faire  des  entailles-. 

Le  cifeau  de  côté  eu  fait  à-peu-près  comme 
le  bec  d'ane ,  poyei  Bec  d'ane  ;  il  eft  plus 
plat  ;  fo#  tranchant  eft  en  bifeau  ;  il  ne 
coupe  proprement  qu'en  un  fens.  L'arquc- 
tufîer  s'en  fert  pour  graver  des  ornemens. 
Il  en  a  de  très-petits  &  très-déliés... 

Le  cifeau  à  ébaucher  reiTemble  au  fermoir 
des  menuifiers  ,  l'oye'^  FERMOIR,  &  fert  à 
Farquebufier  pour  ébaucher  un  bois  de  fufil, 
&  commencer  à  lui  faire  prendre  fa  forme. 

Ciseau  des  cartiers  y  ce  font  de  grands 
•cifeaux  compofés  de  deux  lames  fort  gran- 
des &  fort  tranchantes  ,  jointes  par  unclou 
à  vis  ,  qui  fe  ferre  au  moyen  d'un  écrou.  Ces 
lames  ont  à  leur  extrémité  oppofée ,  l'une  un 
■anneau  pour  palTer  une  partie  de  la  main., 


C  I  S 

&  celfe-cî  eft  mobile  ;  &  l'autre  un  morceau 
de  fer  recourbé  qui  s'attache  fur  l'établi ,  au 
moyen  d'un  crochet  qui  paffe  à  travers  la 
table ,  &  eft  rendu  immobile  par  un  écrou 
qui  ferre  fortement  la  vis  de  ce  crochet.  Les 
cifeaux  fervent  à  couper  &  rogner  les  cartes 
quand  elles  ont  été  liflées.  C'eft  la  dernière 
façon  que  l'on  donne  aux  cartes  pour  les 
fabriquer. 

Ciseau  ,  outil  de  charron  y  morceau  de 
fer  de  la  longueur  de  deux  pies  ou  environ  , 
rond  par  en  haut ,  de  la  grofléur  d'un  pouce 
&  demi ,  large ,  plat  &  acéré  par  en  bas  , 
de  la  largeur  de  deux  pouces  &  demi ,  & 
épais  de  deux  à  trois  lignes  ,  qui  fert  aux 
charrons  à  former  &  élargir  les  mortaifes. 

Ciseau  a  un  biseau  de  charpentiers. 
Il  reflêmble  au  précédent ,  &  fert  à  drefler 
les  murtaifes ,  les  tenons  ,  Ùc. 

ClSEAV  des  cloutiers.  C'eft  un  inftrument 
dont  ils  fe  fervent  pour  couper  les  clous  à 
mefure  qu'ils  les  fabriquent.  Il  eft  de  fer  , 
acéré  ,  pointu  par  un  bout  par  où  on  l'en- 
fonce dans  le  bloc  ;  il  a  environ  cinq  pouces 
de  hauteur  &  trois  de  largeur  ;  il  eft  applati 
&  tranchant  par  le  haut.  Pour  couper  le  clou, 
l'ouvrier  applique  fa  baguette  de  fer  fur  le 
cifeau  précilément  à  l'endroit  où  il  doit  être 
coupé ,  &  en  la  frappant  d'un  coup  de  mar- 
teau, le  clou  fe  fépare  du  refte  de  la  baguette. 

Ciseau  des  cordonniers.  Ils  font  en  tout 
ièmblables  à  ceux  des  tailleurs. 

Ciseau  de  doreur  fur  bois:,  c'eft  uncifeau. 
or  jinaire  de  fculpteur.  Les  doreurs  s'en  lér- 
vem  à  lever  les  ornemens  de  fculpture  cou- 
verts par  le  blanc. 

Ciseau  de  ferblantier.  Cet  outil  eft  en 
tout  lèmblableà  celui  des  ferruriers. 

Ciseau  de  fourbiffeur.  Ce  font  de  forts 
cifeaux  qui  n'ont  rien  de  particuHer  ,  &  qui 
fervent  aux  fourbiffeurs  pour  rogner  le  haut 
des  fourreaux  quand  ils  lont  trop  longs,     - 

CrSE  AU  de  gainier  :  ils  font  faits  exade- 
ment  comme  ceux  des  couturières  ,  &  fer- 
vent au  gainier  à  couper  le  bois  pour  fes 
ouvrages.  li-en  a  d'autres  qui  font  en  forces. 
Ces  cifeaux  font  beaucoup  plus  grands  ;  ils 
ont  les  lames  rondes:  ils  reflémblent  aux 
forces  des  tailleurs.  Ils  iervent  aux  gainiers 
à  couper  &  tailler  les  peaux  &  cuirs  dont  ils 
couvrent  Lurs  ouvrages. 

Clseau.  de  Jardinage.  Ils  lont  de- 


C  I  s 

beaucoup  plus  forts  &  plus  longs  que  ks  ci- 
feaux  ordinaires.  îls  ont  deux  mains  de  bois, 
ce  qui  facilite  la  tonte  des  buis  &  autres 
arbriffeaux. 

Ciseau  de  maçon  ou  de  tailleur  de  pier- 
re ;  c'ert  un  ouril  de  fer  ,  acéré ,  long  ,  de  la 
forme  d'un  clou  fans  tcte  ,  appiati  &  tran- 
chant par  le  bout.  Il  fert  à  commencer  le 
lit  ou  la  taille  de  la  pierre. 

Ciseau  des  menuijiers\  c'efl  un  outil  de 
fer  &  acéré  par  le  tranchant  ;  il  a  un  bifeau 
&  un  manche  de  bois  ;  il  fert  à  nettoyer  les 
mortaiies  ,    faire  les  tenons ,  6'c. 

Ciseau  d'orfèvre,  voyez  les  CiSEAUX 
'du  ferrurier. 

Ciseau  de  perruquier,  voyez  le  premier 
article  ou  le  Cl  SEAU  .  e  chirurgien. 

Ciseau  de  relieur  j\oyt:^le  premier  arti- 
cle CiSEAU. 

Ciseau  de  fculpteur  en  marteline,  voy. 
Marteline. 

Ciseau,  {ferrurier.)  Ces  ouvriers  ont  le 
cifeau  à  chaud  :  ceû  un  gros  cifcau  à  deux 
bifeaux,  qui  fert  à  couper  le  fer  chaud.  Sa 
forme  n'a  rien  de  particulier  :  c'eft  la  même 
que  celle  d'un  burin  gros  &  long.  On  obfer- 
ve  feulement  de  le  jeter  dans  Teau  quand 
on  s'en  eil:  fervi ,  &  de  le  retremper  quel- 
quefois. On  lui  donne  le  nom  de  cifeau  à 
chaud,  parce  que  ce  cifeau  n'a  pas  plutôt 
lervi  à  la  forge  ,  qu'il  s'amollit  en  (e  détrem- 
pant, &  qu'il  ne  feroit  plus  en  état  de.  cou- 
per du  fer  froid. 

Cifeau  à  froid -^  c'ejflun  a/fOu  qui  ne  dif- 
fère du  précédent  qu'en  ce  qu'il  eft  moins 
long ,  &  qu'il  ne  fert  jamais  fur  le  fer 
chaud. 

Cifeaux  à  ferrer  ;  ce  font  des  cifeaux  à 
deux  bifeaux  ,  mais  dont  le  taillant  eft  très- 
mince  ,  ainfi  que  toute  la  partie  qui  le  pré- 
cède ;  leur  ufage  n'efl  qu'à  couper  du  bois , 
&  préparer  les  endroits  des  fiches  ,  ferrures , 

ClSEAU^<?  tailleur,  roy&z  le  premier  ar- 
ticle Ciseau. 

Ciseau  à  tondre,  (Econom.  ruftiq.)  i>oy. 
i*art.Toi^I>RE  Scie  premier,  an.  Cl  SEAU. 

Ciseau  de  verrerie;  voye\  VERRERIE, 
&  le  premier  article  Cl  SE  AU. 

CISELER,  V.  aâ.  {Artm/ch.  en  métaux?) 
c'eft  former  fur  l'argent  telle  figure  qu'on 
veut  :  on fc  fert  pour  cela  non   de-  burin  , 


C  I  S  Ï57 

mats  de  cifelets.  K.ClSELETS&ClSELURE. 

On  ciieie  les  pièces  de  rehef  comme  celles 
qui  ne  le  font  point  ;  fouvent  même  ces  der- 
nières en  acquièrent  autant  que  les  autres  , 
parce  qu'on  repoufle  leur  champ  en  dehors, 
aux  endroits  qu'on  veut  cifeler.  Cette  ma- 
nière de  cifeler  eil  plus  commune  :  f-putrc 
demande  trop  d'épailîèur  &  trop  de  raatierp. 

On  iè  len  encore  du  terme  cifeler ,  pour 
réparer  les  pièces  qui  ont  été  moulées ,  mais 
dont  les  delîins  n'ont  pu  fortir  du  moule 
parfaitement  marqués  ,  ou  fuÉùfamment 
terminés. 

Cifeler  unt  pièce  en  ce  fens ,  tû  prefque  la 
mcmechofe  que  retouchemu  burin  en  gravure. 

OISELETS ,  f.  m.  ce  font  de  petits  mor- 
ceaux d'acier  ,  longs  d'environ  cinq  ù  fix 
pouces,  &  de  quatre  à  cinq  lignes  de  quarré, 
dont  un  des  bouts  eft  limé  quarrément  ou  en 
dos-d'ane ,  &  l'autre  fert  de  tête. 

Leur  partie  trempée  eft  quelquefois  poin- 
tillée;  mais  leur  ufage  en  général  eft  pour 
cifeler  l'ouvrage  en  rehef.  Dans  les  différen- 
tes occafions ,  entr'autres  celles  où  il  s'agit 
défaire  paroître  des  côtes  concaves,  oniC' 
fert  alors  d'un  des  ounls  dont  nous  venons 
de  parler  :  fi  ces  côtes  doivent  être  unies ,  on 
le  lert  d'un  cifelet  uni  :  fi  l'on  veut  qu'elles 
foient  matées,  on  fe  fert  du  a/<r/ef  pointillé. 

Pour  pointiller  un  cifelet,  on  prend  un 
petit  poinçon  ;  &  fijr  la  partie  qui  doit  être 
trempée,  on  pratique  de  petits  trous  prefîés 
les  uns  entre  les  autres ,  en  frappant  avec  un 
poinçon.  Quand  ces  trous  font  pratiqués,- 
on  enlevé  toutes  les  balevresque  le  poinçon 
a  faites,  &cle  cifelet  eft  pointillé. 

J3'autres  fe    fervent  pour  pointiller ,  de 
petits  marteaux  dont  la  tête  eft  taillée  en 
pointe  de  diamant',  qui  font  la  fondiondu' 
poinçon.  La  tête  de  ces  marteaux  a  un  demi- 
"pouceen  quarré,  &  les  pointes  de  diamant 
y  ont  été  fonnées. a  égale  diftance  ;  &  très- - 
ferrées ,  par  le  moyen  d'une  petite  fime  en 
tiers-point  avec  laquelle  on  a  partagé  la  tète  ' 
du  marteau    comme  en  échiquier  :  mais  • 
comme  la  lime  eft  en  tiers-point ,  toutes  les  - 
petites   divifions    quarrées    deviennent  en  > 
pointe  de  diamant. 

Ces  outils  font  à  l'ufage  du  ferrurier,  du^ 
cifeleur,  de  Forfevre  ,  du  graveur,  de  l'ar-  ■ 
quebufier,    du    bijoutier,  du    metteur-en"- 
c&uvrc,  du  damafquineur  ,  .&Cr  ils  prean^nt  * 


158  c  I  s 

difterens  noms,  fuivant  leurs  formes  &  leurs 
ufages  :  on  les  appelle  bouges,  trafoirs  ,  per- 
loirs  ,  planoirs  y  &c.  Voye-^  ces  mots  à  leurs 
articles. 

CISELURE  ,  f.  f.  c'eiirart  d'enrichir  & 
d'embellir  les  ouvrages  d'or  &  d'argent  &: 
d'autres  métaux  ,  par  quelque  deflin  ou 
fculpture  qu'on  y  repréfente  en  bas-relief. 

V.  Sculpture /ur/w  métaux.  V.  Re- 
lief. 

Pour  cifeler  les  ouvrages  creux  &  de  peu 
d'épaifleur,  comme  font  les  boîtes  de  mon- 
tres,pommes  de  cannes,  tabatières,  étuis, ©"c. 
on  commence  à  defliner  fur  la  matière  les  fli- 
jets  qu'on  veut  rcpréfenter,  &  on  leur  donne 
le  relief  tel  qu'on  le  defire,  en  frappant  plus 
ou  moins  le  métal,  en  le  chalTant  de  dedans  en 
dehors,  pour  relever  &  former  les  figures  ou 
ornemens  que  l'on  veut  faire  en  relief  fur  le 
plan  ou  la  furface  extérieure  du  métal.  On  a 
pour  cela  plufieurs  outils  ou  bigornes  de  dif- 
férentes formes ,  fur  les  bouts  ou  fommets 
defquels  on  apphque  l'intérieur  du  métal,  ob- 
fervant  que  les  bouts  ou  fommets  de  ces  bi- 
gornes, répondent  précifément  aux  lignes  & 
parties  auxquelles  on  veut  donner  du  relief. 
On  bat  avec  un  petit  marteau  le  métal  gue  la 
bigorne  foutient  :  il  cède,  &  la  bigorne  tait  en 
dedans  une  imprelllon  en  creux  qui  forme  en 
dehors  une  élévation  lur  laquelle  on  ciiele  les 
figures  &  ornemens  du  delïln  ^  après  qu'on  a 
rempli  tout  le  creux  avec  du  ciment.  V.  CI- 
MENT. 

On  emploie  quefquefois  les  cifeleurs  à  ré- 
parer les  ouvrages  de  métal  au  fortir  de  la  fon- 
te; commefigures  de  bronze  ,  mortiers  ,  ca- 
nons; toutes  fortes  d'ornemens  d'églife  &  do- 
meftiques,  comme  chandeliers,  croix,  ^c. 
feux,  bras  de  cheminée,  6'c.  V.  BroNZE. 

Les  outils  dont  ils  fe  fervent,  font  les  cife- 
lets  de  toutes  grolfeurs ,  les  matoirs  ,  les 
rifîoirs  de  toute  fojte  de  taille  ,  rudes  & 
doux;  les  difïerens  burins,  les  cifeaux  plats 
&  demi-ronds,  les  marteaux  gros  &  petits  ; 
le  tout  fuivant  l'ufage  qu'ils  traitent. 

CïSMAR,  {Géog)  petite  ville  d'Allema- 
gne dans  ja  baffe  S,axe,  au  duché  d'Holflein, 
près  de  la  rrjer  Baltique. 

CISMONE,  (Géog.)  rivière  d'Italie  qui 
f>rend  là  fource  dans  le  Trentin,  &  qui  fe 
réunit  à  la  Brente  dans  h.  marche  Trevifane. 

jCISQIRLS  ,  {An  médian,  en  métaux.) 


CI  s 

ce  font  de  gros  cifeaux  à  manche  attaché  & 
monté  en  pié  ,  dont  la  branche  fupérieure 
garnie  d'une  menote  de  fer  ,  fert  à  la  lever 
plus  facilement  ;  &  par  le  poids  &  l'effort 
du  levier ,  couper  d'un  feul  coup  des  mor- 
ceaux de  métal  fort  &  épais.  Ces  outils  font 
à  l'ulàge  des  bijoutiers ,  des  orfèvres ,  des 
ferblantiers  ,  des  chauderonniers  ,  des  ou- 
vriers de  la  monnoie ,  &c. 

ClSSOIDE,f  f.  (Géom.)  courbe  algé- 
brique qui  a  été  imaginée  par  Dioclès  ,  ce 
qui  l'a  fait  appeller  plus  particulièrement  la 
ciffoïde  de  Dioclès.  V.  CoURBE. 

Voici  comme  on  peut  concevoir  la  for- 
mation de  la  cijfoïde.  Sur  le  diamètre  A  È 
{pi.  d'anal,  fig.  ^)  du  demi-cercle  A  O  B, 
tirez  une  perpendiculaire  indéfinie  B  Cj  tirez 
enfuite  à  voloi^é  les  droites  A  H ,  A  C  y 
dans  les  deux  quarts  de  cercles  O  B  y  O  Ay 
ôciâkes  A  m  ^=  IH' ,  &  dans  l'autre  quart 
de  cercle  LC=AN,  Sicks  points  m  &c  L 
feront  à  une  courbe  Am  O  L^  qu'on  appelle 
la  cijjoïde  de  Dioclès. 

Propriétés  de  la  cijjoïde.  Il  s'enfuit  de  fa 
génération ,  1°.  que  fi  on  tire  les  droiteâ 
K I y  p  m  ^  perpendiculaires  àABjOn  aura 
A  p  :  K  B  :  :  A  m  :  I H  y  mais  A  m  = 
///",&  par  conféquent^ /)  =iK  B  ;  d'où 
il  s'enliiit  que  A  K  =p  By  &i:  p  m  =  I  K, 

2.**.  Il  s'enfiiitaufîi  que  la  cijjoïde  A  m  O 
coupe  la  demi-circonférence  A  OBen  deux 
également  au  point  O. 

3°.Bep\usAK:KI::KI:KB,eeû- 
à-dire  que  A  K  :  p  N::p  N  :  A  p  ; 
d'ailleurs  A  K  :  p  N:  :  A  p  :  p  m  ;  donc 
p  N  :  A  p  :  :  A  p  :  p  m  -^  &c  par  confé- 
quent^  K^p  N yAp,  &p  m  ,  font  qua- 
tre lignes  en  proportion  continue  ;  &  l'on 
prouvera  de  la  même  manière  que  Ap,p  m, 
A  K  j  &c  K  L  font  en  proportion  continue. 

4*^..  Dans  la  cijjoïde  ,  le  cube  de  l'abfcifîc 
A  p  eu  égal  à  un  folide  formé  du  quarré 
de  la  demi-ordonnée/?  m  ,  &c  du  complé- 
ment p  B  âu  diamètre  du  cercle  générateur. 

Et  par  conféquent  lorfque  le  point  p 
tombe  jîn  5  ,  &  qu'oa  a  p  B  =  o  ,  on  a 
y  =—  >  &   par  conféquent  o  :  i  :  ;  a'  : 

o 

y  ;  c'ef!-à-dire  que  la  valeur  dey  devient 
infinie  :  &  qu'ainfi  la  cijjoïde  A  m  O  L, 
quoiqu'elle  approche  continuellement  &  de 
plus  près  (jue  to.wte  dijftance  donnée  de  1» 


C  I  s 

droite  JB  C  y   ne  la  rencontre  cependant 
jamais. 

<i°.  B  C  eu  donc  rafymptote  de  la  cif- 
foïde.  Voye\  ASYMPTOTE. 

Les  anciens  faifoient  ufage  de  la  cijfoîae , 
pour  trouver  deux  moyennes  proportion- 
nelles entre  deux  droites  données.  En  effet , 
fuppofons  qu'on  cherche  par  exemple  deux 
moyennes  proportionnelles  entre  deux  hgnes 
données  égales  à  ^  iC  &  à  i?  m ,  il  n'y  a  qu'à 
fuppofer  la  cijjoïde  tracée  ;  puis  prenant  fur 
l'axe  A  B  une  portion  =  ^  X  ,  &  tirant 
l'ordonnée  de  la ciJ[Joïde==  p  m  ,  on  trouvera 
les  moyennes  proportionnelles/? iVôc-^/». 
Fbyf;^  Proportionnelle. 

On  trouve  dans  la  dernière  feâion  de 
X application  de  l'algèbre  à  la  géométrie  par 
M.  Guifnée  ,  les  propriétés  principales  de  la 
tijfoïde  expliquées  avec  beaucoup  de  clarté. 

M.  Newton  a  donné  dans  ïes  opufcules 
la  longueur  d'un  arc  quelconque  de  la  cif~ 
foïde.  Ce  problême  fe  réfout  par  le  calcul 
intégral.  (O) 

^  CISSOTOMIES ,  f.  f.  plur.  {Mythol.) 
fêtes  qu'on  célébroit  en  l'honneur  d'Hébé  , 
déefle  de  la  jeunefle.  Elles  étoient  ainfi 
appellées ,  des  feuilles  de  lierre  qu'on  y  cou- 
poit.  Ant.  expl.  tom.  II  y  pag.  zi^, 

CISTE,  r.  m.ciflus,  {Hift.nat.bot.) 
genre  de  plante  à  fleurs  en  rofe.  Le  piftil  fort 
du  calice  ,  &  devient  dans  la  fuite  un  frurt 
arrondi  &  terminé  en  pointe.  Ce  fruit  s'ouvre 
par  le  fommet  :  il  eft  compofé  de  plufieurs 
cap  fuies  ,  &  il  renferme  des  femences  ordi- 
nairement fort  petites.  Tournefort ,  infi.  rei 
herb.  Voyei  PLANTE.  (/) 

§  Ciste  ,  {Botanique.)  en  latin  c//?"^ ^ 
en  anglois  y  rock-rofe  ,  en  allemand  ^  cijlen- 
Toejlein. 

Caractère  générique. 

Un  calice  formé  de  cinq  feuilles  inéga- 
les foutîent  cinq  pétales  ,  minces  ,  larges  , 
étendus  &  arrondis.  Au  milieu  fe  trouve 
une  houpe  d'étamines  déliées  à  fommets 
fphériques  :  elles  entourent  un  crabryon 
arrondi  qui  fupporte  un  ftyle  obtus  terminé 
en  trompe.  Cet  embryon  devient  une  cap- 
fule  tantôt  à  cinq  ,  tantôt  à  dix  cellules  ,  où 
cft  renfermé  un  gra«d  nombre  de  femences 
très-menues. 

M.  Linnscus  a  feparé  de  ce  genre  le  le- 
dum ,  parce  qu'il  n'a  que  dix  étamines. 


159 


C  ï  s 

Efpeces. 

r.  Cifie  en  arbrilîèau  à  feuilles  ovales, 
afîifes,  velues  &  rigides  des  deax  côtés  , 
à  fleurs  terminales. 

Ciflus  arbore  f  cens  ,  foliis  ovatis  _,  fejji- 
libus  y  utrinque  villojis  y  rugojis  y  floribus 
terminalibus.  Miil. 

Rock- rofe  with  aval  le  ave  s  ^    &c. 

2.  Cifie  en  arbriifeau  à  feuilles  alîîfes  , 
velues  &  rigides  des  deux  côtés  ,  dont  les 
inférieures  ,  jointes  par  leur  bafe  ,  font  ova- 
les ,  &  les  fupérieures  flgurées  en  lance. 

Cifius  arborefcens^  foliis  fejjîlibus,  utrin- 
que villofiSy  rugofisf  inferioribus,  ovatis  bafi 
connatis  y  fummis  lanceolatis.  Hort.  Cliff. 

Rock-rofe  with  the  under  leaves  ovaland 
joined  at  their  bafe ,  but  the  upper  fpear 
shap^d ,  &c. 

3.  Cifie  y  en  arbrifTeau  à  feuilles  ovales  en 
lance ,  jointes  par  leur  bafe ,  velues  , 
rigides  ,  &  dont  le  pédicule  des  fleurs  eft 
très-long. 

Cifius  arbore fcens  ^  foliis  ovato-lanceola" 
tis  y  bafi  connatis  y  hirfutis  y  rugofis  y  pe- 
dunculis  fiorum  longioribus.  Mill. 

Rock-rofe  with  longer  foot-fialks  to  ths, 
flowers  y  &c. 

4.  Cifie  en  arbrifîèau  à  feuilles  ovales  y 
obtufes  ,  velues  ,  nerveufes  &  âpres  par- 
defïbus  ,  à  grandes  fleurs. 

Cifius  arboref cens  foliis  ovatis  ^  obtufis  , 
villqfis  y  fubtiisnervojisyrugofîsj  floribus  am* 
plioribus.  Mill. 

Rock-rofe  vith  ovalobtufe  leaves  ^nervous 
and  rough  on  their  under  Jide  y  &c. 

<y.  Cifie  y  arbrifleau  velu  ,  à  feuilles  en 
lance ,  d'un  verd  décidé  ,  jointes  par  leur 
bafe,  à  fleurs  afllfes,  latérales  &  terminales^ 
à  calices  aigus. 

Cifius  arborefcens,  villof us,  foliis  lancée- 
latisy  viridibusy  bafi  connatis  y  fioribus  ala^ 
ribus  y  Ù  terminalibus  fefjîlibus  y  calicibus 
•  acutis.  Mill. 

Hairy  rock-rofe  with  greenfpear^shapedt 
leaves  y  &g. 

6.  Cifie  y  arbriiîêau  à  feuilles  en  lance  ^ 
unies  par-deiïûs  ,  à  pétioles  joints  par  leur 
bafe  en  forme  de  gaines. 

Cifius  arboref  cens  y  foliis  lanceolatis  fuprâ 
ïœvibusy  petiolis  bafi  coalitis  vaginantibus^ 
Hort.  C'Cif. 

Rock-rofe  withfpear-shapsdleavesy  Sec 


1^0  C  I  s 

7.  Ciflej  arbrifîeau  à  feuilles  oblongues  ,  | 
velues ,  blanches  &  cotonneufes ,  jointes  par 
leur  bafe ,  douces  &  unies  en-dellus ,  mais 
ncrvcufes  par-defTous. 

Ci/fus  arborefcensfoliis  oblongls^  tomen- 
tofis  ,  incanis,  bajî  connatis^  fuprâ  Ixi'ibus 
infernè  nervofis. 

Rock-rofe  with  hairy  le  ai' es  3  &c. 

8.  Cijîe  buifïbnnant ,  à  raineaux  diver- 
gens ,  à  feuilles  ovales  ,  pétiolées  ,  &  dont 
le  pédicule  des  fleurs  cù.  nu. 

Cifius  frmefcens  y  ramïs  pitulis  ,  foliis 
d'iitis  p  petiolatis ,  kirfuds,  pedu/iculis  nu- 
dis.  Mill. 

Shrubby  rcck-rofe  ,  &c. 

9.  Cifie  ,  arbrifîêau  à  feuilles  ovales  en 
lance,  velues,  ondées  par  les  bords,  à  fleurs 
:terminales. 

Citons  arbore fcens ,  foliis  ovato^lanceola- 
tisy  hirfatis  ,  margiritx  undulatis  ,  floribus 
terniinalibus.  MiH. 

Rock-rofe  with  le  ares  wave  don  their  bor- 
ders  y  &c. 

10.  CiJIe  buiiîonnant  à  feuilles  très-étroi- 
tes en  lance,  velues,  aflifes  &  à  fleurs  ter- 
minales. 

Cifliisfrmicofas  ,  foliis  lineari-lanceola- 
tiiy  hirfutisp'  fej/ilibus }fl)ribus  terminali- 
biis.  Mil]. 
Shrubby  rock-rofe  with  narrow  leaves^  ècc. 

11.  CiJIe  ,  arbrifîêau  à  feuilles  en  lance  , 
-unies  par-deiTus  ,  à  pétioles  joints  par  Jeur 
:bale  en  [orme  de  gaines. 

Ci  (lus  arborefcens  y  foliis  lanceolatisyfu- 
prà  lœribusj  petiolis  baji  coalitisj  vaginan- 
tibns.  Linn.  Sp.  pi. 

Rcck-rofe  with  fpear shaped leaves., 

12.  C{/?tf  à  feuilles  obiongues ,  cordifor- 
mes,  unies,  à  très-longs  pétioles  &  à  tige 
iigneufe. 

Cifius  foliis  oblonga-cordatis  y  glabris  y 
j>etiolis  longioribusy  caule  fruticofo. 

Rock-rofe  with  heart-shaped  leaves  y  &c. 

13.  Cifie  ,  arbrifleau  à  feuilles  en  lance  , 
allifès  ,  velues  à.Q,s  deux  côtés  ,  à  trois  ner- 
vures &  à  aifîêlles  nues. 

Ciflus  arborefcens  y  foliis  lanceolatis  y 
fcfflibus  y  utrlnque  villofis  y  trinerv.iis  y 
.a'is  nudis.  Hort.   Clijf. 

Rcck-rofe  with  tree  nen-'^d  hairy  leaves  , 

^4«  CiJle ,  arbrilïèau  à  feuilles  très-étroi7 


C  I  s 

tes  en  lance  ,  blanches  par  defTous ,  à  trois 
nervures  ,  à  pétales  arrondis. 

Cifius  arborefcens  y  foliis  lineari-lanceo^ 
latis  y  fiibtiis  incanis  y  trinerviis  y  petaîis 
fuhrotundis.  Mill. 

Rock-rofe  u  it/i  narrow  fpear  shaped  lea^ 
ves  y  &c. 

i<).  Cifie  à  feuilles  en  lance  ,  unies  par- 
deflus  ,  blanches  par-deflous ,  à  trois  ner- 
vures ,  ondées  par  les  bords  ,  à  tiges 
ligneufès. 

Cifius  foliis  lanceolatis  fupernê  glabris  y 
infernè  incanis  ,  trinerviis  y  margine  undu- 
latis y  coule  fruticofo.  Mill. 

Rcck-rofe  with  fpear  shaped  leaves  wav^d 
on  their  borders  y  &c. 

16.  CiJIe  y  arbrifîêau  à  feuilles  cordifor- 
mes  ,  unies  ,  pointues  &  foutenues  par  des 
pétioles. 

Cifius  arborefcensfoliis  cordatis  y  loevi- 
bus  acuminatis.  Linn.  Sp.  pi. 

Rock-rofe  with  heart-shaped  pointed 
leaves. 

17.  Cifie  à. feuilles  ovales  ,  blanches,  dont 
les  inférieures  ont  des  pétioles ,&  les  lùpérieu- 
res  font  jointes  par  leur  bafe,  à  tige  ligneufè. 

Cifius  foliis  ovatisj  incanis^  infernèpetioi- 
latis,  fupernê  coalitis^  aiule fruticofo.  Mill. 
Yellow  Jîowering  rock-rofe  y   &c. 

18.  Cifie  à  feuilles  en  lance  très-érroites  4 
blanclîcs  ,  aflil;s  ,  à  fleurs  en  grappes  ,  u 
tige  Iigneufe. 

Cifius  foliis  Une  ari-lancealatis  y  incanis^ 
fefjilibus  y  floribus  racemoJiSy  caule  fruticofo^ 

Roch-rofe  withflovers growing in  clufiers, 

Miller  dit  qu'en  Angleterre  ,  tous  ces  cif" 
tes  ,  à  l'exception  du  dernier  ,  peuvent  ré- 
fifleren  plein  air  ,  au  froid  des  hivers  com- 
muns :  nous  avons  trouvé  à  cet  égard  une 
grande  diftéi-ence  dans  le  climat  des  Evê- 
chés.  Nous  avons  eu  les  cifies  y  n°.  z  &  n'°. 
^,,  en  pleine  terre  ,  à  une  excellente  expo- 
fition  pendant  deux  ans  ,  &  le  troifieme 
hiver ,  qui  n'étoit  pas  fcrt  rigoureux ,  les 
a  entièrement  détruits. 

Les  cifies  y  n*.  2. ,  n^.  7,  &  /i^.  /  Oy  ont 
pafié  i'hiver  de  1772 en  pleine  terre,  à  une 
bonne  expofition  parée. de  tous  \qs  vents  par 
des  bolquets  d'arbres  verds  ;  ils  étoient 
encore  allez  verds  en  mars  ,  mais  la  neige  de 
ce  mois ,  &  les  gelées  tardives  ont  achevé 
I  de  les  ruiner ,;  nous  .  avons  eflayé  de  les 

jCQuyjir 


CI  s 

coTivrir  avec  des  pailles  ;  mais  à  moins  qu'on 
ne  leur  donne  beaucoup  d'air ,  ils  Ce  pour- 
riflent  fous  ces  couvertures  :  la  privation 
d'air  les  contrarie  fort  aulfi  ,  quand  on  les 
place  dans  les  orangeries ,  &  fur-tout  dans 
îfô  lèrres  qui  ne  font  pas  éclairées  ;  mais 
ils  réuiïiflent  parfaitement  (bus  les  chaiïis 
vitrés,. 

Les  efpeces  n°.  iz  ,  n°.  14,  &  ii°.  25  , 
qui  font  les  plus  belles ,  (ont  auflî  celles 
qui  réiiftent  le  mieux  en  plein  air.  Le  r^. 
14  s'appelle  ordinairement  cifle  à  feuilles  de 
peuplier  ;  j'en  ai  un  pié  qui,  depuis  qua- 
tre ans,  n'a  pas  encore  fouffert  fenfible- 
ment ,  &  qui  fuit  afïèz  de  progrès. 

Une  coque  bien  mûre  de  chaque  efpece 
de  cijle ,  futfit  prefque  toujours  pour  les 
multiplier  en  abondance ,  par  la  prodigieufe 
quantité  de  femences  qu'elle  contient.  Fai- 
tes votre  femis  en  mars  dans  des  cailles 
emplies  de  terre  légère  5  vos  graines  ger- 
meront au  bout  de  quinze  jours.  Les  pe- 
tits cijies  auront  cinq  ou  fix  pouces  de  haut 
pour  le  mois  de  juillet  :  alors  vous  en  tranf- 
planterez  la  plus  grande  partie  ,  chacun 
dans  un  petit  pot  j  vous  les  placerez  dans 
un  lieu  légèrement  ombragé  j  ulqult  la  par- 
faite repriiè ,  &  les  arrolerez  de  temps  à 
autre.  Ces  pors  doivent  pafîcr  l'hiver  dans 
une  caillée  vitrée ,  aufïi-bien  que  les  cijîes 
qui  font  reftés  dans  la  petite  caille ,  &:  qu'on 
tranfplantera  vers  la  mi-avril  avec  les  mê- 
mes précautions.  Letroifieme  printemps  on 
pourra  en  lever  quelques-uns  de  chaque 
eipece  avec  leurs  mottes ,  pour  les  fixer 
en  pleine  terre ,  à  de  bons  abris  j  mais  il  eft 
bon  d'en  laiflér  quelques  individus  en  ré- 
ferve  dans  des  pots  que  l'on  enterrera  l'été 
dans  les  bofquets  parmi  d'autres  arbrif- 
feaux ,  avec  lefquels  ils  formeront  une  va- 
riété très-agréable. 

Les  phrafes  donnent  une  idée  fuififante 
du  feuillage  des  ciJles  ÔC  de  leur  port  ;  nous 
allons  les  fiire  connoître  par  d'autres  parti- 
cularités. 

Le  premier  s'élève  à  trois  ou  quatre  pies 
de  haut ,  &  forme  un  buiflbn  touffu  ;  fa 
fleur  eft  aflèz  grande  &  de  couleur  de  pour- 
pre. Le  fécond  porte  de  plus  grandes  ffeurs , 
&  d'un  pourpre  plus  pâle.  Celles  du  troi- 
fieme  font  attachées  à  de  plus  longs  pédicu- 
hsy  elles iint  plus  petites  de  d'un  pourpre 
Tome  VIIL 


CIS  i^i 

plus  foncé.  Les  fleurs  du  quatrième  font  très- 
grandes  &  d'un  pourpre  très-clair. 

La  cinquième  efpece  s'élance  moins  que 
les  précédentes  :  elle  eft  très-rameufe.  De 
chaque  nœud  par  une  branche  menue  qui 
porte  une  feule  fleur  femblablc  à  celles  du 
n°.  î  y  Se  les  branches  principales  font  ter- 
minées par  trois  ou  quatre  fleurs  afïifès, 
c'eft-à-dire ,  fans  pédicules. 

Le/2°.  6' parvient  à  la  hauteur  de  cinq  ou 
fîx  pies  ;  les  fleurs  naiffent  au  bout  des  bran- 
ches &  font  femblables  à  celles  du  n°.  4.  Le 
n°.  y  a  des  branches  droites ,  velues  Se  blan- 
châtres j  les  fleurs  font  grandes  &  d'un  pour- 
pre brillant.  Le  n°.  8  n'atteint  jamais  qu'à  la 
hauteur  de  deux  pies,  il  a  des  branches 
menues  &  divergentes;  les  fleurs  fortentde 
1  aillèlle  des  feuilles  :  elles  font  blanches  Se 
un  peu  moins  grandes  que  celles  des  efpe- 
ces précédentes. 

Le  fP.  9  croît  de  lui-même  en  Corfe  & 
dans  les  iles  de  l'Archipel.  C'eft  le  cijîe  lada- 
nifere  ;  il  s'élève  à  trois  ou  quatre  pies  de 
haut  j  les  fleurs^  naiflent  à  l'extrémité  des 
branches  ;  elles  font  d'un  poupre  foncé  Se 
à-peu-près  de  la  largeur  d'une  rofe  fimple. 
Le  /2°.  z  o  ne  s*élance  guère  qu'à  la  hau- 
teur de  quatre  pies  ;  fes  feuilles  font  étroi- 
tes, d'un  verd  obfcur,  légèrement  velues, 
glutincufes  ,  ainfî  que  les  tiges.  Se  mar- 
quées pardeffus  d'un  long  fillon  formé  par 
la  cote  inférieure  qui  la  partage  Se  qui 
faille  en  deflbus  ;  les  fleurs  font  d'une  cou- 
leur de  fbufie  pâle. 

La  onzième  efpece  parvient  à  cinq  ou 
fîx  pies  de  haut;  les  fleurs  naiflent  à  l'ex- 
trémité des  branches ,  fur  des  pédicules 
longs  Se  nus ,  qui  fe  divifent  en  petits  pédi- 
cules ,  fupportant  chacun  une  grande  fleur 
blanche  ,  dont  le  calice  eft  velu  ;  les  feuilles 
font  très-glutineufes  dans  les  jours  chauds. 

Le  ciJîe  n?.  îx ,  s'élève  à  quatre  ou 
cinq  pies  fur  des  branches,  dont  l'écorce 
eft  brune  Se  unie  ;  les  feuilles  ont  de  longs 
pédicules  &:  font  unies  des  deux  côtes; 
les  fleurs  naiflent  à  l'extrémité  des  branches  ; 
elles  font  blanches  Se  ont  d'aflèz  longs 
pétioles. 

Le  n°.  zj  n'atteint  qu'à  la  hauteur  de 
trois  ou  quatre  pies;  les  feuilles  font  en 
lance  d'un  verd  très-oblcur  :  pendant  le 
chaud  ilenexfude  une  fubftance  glurineufe 

X 


1^1  C  I  s 

&  fuave  i  les  fleurs  font  Hanches  Se  tmC- 
fent  plusieurs  enfemble  à  l'extrémité  des 
branches  fur  de  longs  pédicules  nus. 

Le  «°.  ^4  s'élève  fur  une  tige  ligneufe  à 
cinq  ou  (ix  pies  ;  les  branches  font  unies 
ôc  couvertes  d'une  écorce  brun-rouge ,  gar- 
nies de  feuilles  en  lance ,  étroites ,  blan- 
châtres en  delîbus,  &c  d'un  verd  obfcur  en 
defliis,  à  trois  nervures  ;  les  fleurs  nailfent 
à  l'extrémité  des  branches  fur  de  petits  pé- 
tioles :  elles  font  compofées  de  cinq  péta- 
les ffès-largess  arrondis,  marqués  à  leur 
bafe  d'une  grande  tache  de  couleur  de  pour- 
pre ;  il  exfude  de  cette  plante  une  fubfl:ance 
glutineufe  Se  très-aromatique  qui  parfume 
Pair  au  loin.  Il  y  a  une  variété  de  cette 
efpece  dont  la  fleur  eft  entièrement  blanche. 

La  quinzième  efpece  s'élève  auffi  haut 
que  la  précédente  :  elle  n'en  diiîere  que 
par  fes  feuilles  qui  font  plus  courtes ,  plus 
larges,  plus  blanches  pardeflbus,  plus  rap- 
prochées ,  ôc  d'une  coniiftance  épaifle  ,  par 
les  branches  latérales  qui  font  plus  courtes  , 
p.^r  les  fleurs  qui  font  plus  grandes,  &  la 
iublknce  glutineufe  qui  eft  plus  abondante 
fur  route  la  plante. 

Le  /2°.  26*  parvient  à  la  hauteur  de  (îx 
ou  fept  pies ,  les  feuilles  font  larges ,  cor- 
diformes,  minces  &c  d'un  verd  clair;  les 
fleurs  font  blanches,  &  deviennent  de  cou- 
leur de  foufre  pâle  en  fe  fanant. 

Le  n°..  ij  s'élance  fur  un  tronc  droit  Se 
rameux  à  quatre  ou  cinq  pies,  &:  forme 
un  buiflbn  touffu  ;  les  branches  font,  can- 
nelées &  velues  :  les  pédicules  des  fleurs  qui 
naiflènt  au  bout  des  branches ,  ont  un  pié 
de  long  ,  &  donnent  naiffance  à  deux  ou 
quatre  petits  pédicules  latéraux  qui  foutien- 
nent  chacun  trois  ou  quatre  fleurs  attachées 
par  de  petits  pétioles  \  les  fleurs  font  gran- 
des &  d'un  jaune  brillant ,  mais  elles  ne 
durent  guère  que  deux  ou  trois  heures. 

La  dernière  efpece  atteint  ordinairement 
à  la  hauteur  de  trois  ou  quatre  pies  ;  les 
feuilles  font  étroites  ,  figurées  en  lance  & 
velues  :  de  l'aiflelle  des  feuilles  fortent  des 
branches  menues  garnies  de  deux  ou  trois 
paires  de  petites  feuilles ,  qui  font  terminées 
par  dse  grappes  de  fleurs  d'un  foufre  fale. 
Cette  efpece  veut  toujours  être  confervée 
dans  les  ferres,  &  ne  peut  foutenir  la  ri- 
gueur de  lamauvaife  faifbn. 


C  IS 

On  vient  de  voir  dans  cette  belle  fa- 
mille la  plus  charmante  variété  :  il  feroic 
très-agréable  de  la  raflembler  en  maffe  dans 
quelques  parties  des  bofquets  d'été;  leurs- 
fleurs  paroiflent  au  mois  d'août  ;  elles  l'ont 
ordinairement  fanées  le  foir ,  mais  elles  fè 
fuccedent  long-temps  ;  elles  s'épanouiflent 
dès  le  grand  matin  :  c'efl  un  vrai  plaiiir 
que  d'aller  contempler  alors  le  brillant  hom- 
mage qu'elles  rendent  au  foleil  levant ,  en 
étendant  leurs  larges  pétales  chîirgcî  ue  glo- 
bules de  ro^éc  :  ces  pétales  font  d'une  con- 
fiftance  fî  légère ,  que  dans  certaines  cfpe- 
ces  ils  confervent  toujours  les  plis  dont  ils 
ont  contraélé  l'habitude ,  étant  renfermés 
dans  le  bouton. 

Les  ci^es  à  feuilles  de  peuplier ,  c'eft-à— 
dire ,  les  n°.î4&c  i^ ,  peuvent  figurer  dans 
les  bofquets  d'hiver  :  ceux  à  feuilles  blan- 
ches &  quelques  autres  y  ajouteroient  de  la 
variété  ,  s'ils  pouvoient  braver  la  mauvaiie-, 
fàifon  ;  tous  ont  un  feuillage  hivernal.  Quel- 
ques efpeces  ,  qui  ne  frudbifient  pas  dans, 
les  climats  froids  ,  peuvent  être  multipliées, 
de  boutures  faites  en  été  dans  des  pots  fur; 
des  couches  ombragées. 

Il  nous  refte  à  parler  de  la  manière  donf, 
on  recueille  le  ladanum  dans  les  îles  de  l'Ar- 
chipel fur  le  cijlc  «°.  q.  On. a  un  inftru- 
ment  femblable  à  un  râteau  fans  dents,, 
appelle  ergajîiri ,  d'oii  pendent  plufîeurs 
lanières  de  cuir  verd  que  l'on  pafle  douce- 
ment fur  les  buiflbns  de  ce  cijîe  :  la  fubi^ 
tance  glutineufe,  mais  liquide  ,  s'attache 
à  fes  lanières,  ôc  on  la  racle  d'après  avec 
un  couteau.  Cet  ouvrage  efl  très-pénible , 
il  fe  fait  dans  les  jours  caniculaires  fur  les 
montagnes,  dans  un  climat  brûlanr.  AulB 
n'y  a-t-il  que  les  moines  Grecs  qui  s'en, 
chargent. 

Le  ladanum  ou  labdanum  fc  recueille 
encore,  en  raclanr  d'après  la  barbe  des 
chèvres  cette  fubflancs  qui  s'y  eft  attachée , 
tandis  qu'elles  broutoient  les  cijîes.  Ce  la- 
danum eft  fort  impur. 

En  Efpagne  on  fait  bouillir  les  feuilles 
des  cijîes  dans  l'eau  ,  le  ladanum  y  fuma- 
ge,  &:  on  l'enlevé  avec  des  cuillers  ;  celui- 
ci  n'eft  moins  bon  que  les  autres.  On  fe  fert 
.peu  du  ladanum  .intérieurement;  cepen- 
dant Ces  teintures  extraires  par  le  moyen 
I  de  l'efprit  de  viu  bien  rectifie ,  pavent  fè 


C  I  T 

><3onner  cle  vingt  à  trente  gouttes ,  comme 
•céphalique ,  fortifiant ,  ftomachique.  L^u- 
(agc  externe  du  ladanumen  maflè  eftplus 
commun;  il  entre  dans  les  emplâtres  forti- 
"lians  &  neuritiques,  &  dans  les  paftilles  odo- 
rantes; fa  réfine  fait  partie  de  la  théria- 
-que  célefte.  Le  Codex  de  Paris  fait  entrer 
cette  gomme-réiine  dans  le  baume  hyftéri- 
-que,  l'emplâtre  contre  les  hernies,  Se  l'emplâ- 
tre ftomacal.  (M.  le  baron  de  Tscjwudi.) 

CISTERCIENS ,  religieux  de  l'ordre  de 
Citeaux.  FojcifCiTEAux. 

CISTERNA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Ita- 
lie en  Piémont,  fur  les  confins  du  marqui- 
fatdV.m. 

CISTOPHORE  ,  f.  m.  (  Antiq.  )  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  les  médailles  ou  plutôt 
les  monnoies  anciennes  où  l'on  voit  des  cor- 
beilles; ces  monnoies étoient  fi  communes , 
que  la  levée  des  tributs  fe  nommoit  quel- 
quefois levée  du  cijîophore.  Antiq.  expl. 

CISTRE ,  {Mufiq.  inflr.  desanc.)  inftru- 
ment  de  mulique  des  Egyptiens. 

"  C'eft  un  inftrument  à  cordes  fort  ufité 
•€n  Italie  :  il  a  prelque  la  figure  du  luth , 
■Triais  Ton  manche  eft  plus  long ,  &-  divifé 
en  dix-huit  touches.  Il  a  quatre  rangs  de 
'Cordes  qui  ont  chacun  trois  cordes  à  l'u- 
îiiflon,  à  la  réferve  du  fécond  rang  qui 
lî'en  a  que  deux.  Ses  cordes  font  ordinai- 
Temeut  de  laiton ,  &  fe  touchent  avec  un 
-petit  bout  de  plume  comme  celles  de  la 
mandore.  Son  chevalet  eft  auprès  de  la 
îofe ,  &  fes  cordes  ibnt  attachées  au  bout  de 
la  table  à  un  endroit  qu'on  nomme  le;?e/- 
gne.  Ses  touches  (ont  de  petites  lames  de 
laiton  fort  déliées.  Il  y  a  aulTi  des  cijîres 
à  fix  rangs  .de  cordes.  Les  Italiens  Rappel- 
lent cyihara.  On  tient  qu' Amphion  a  été  î'in- 
^venteur  du  chai^i  avec  le  cijire.  »>  (  F.  D.  C.  ) 

ÇITADELLA ,  (  Géog.)  petite  ville  forte 
avec  un  poit ,  capitale  del'ile  de  Minorque  , 
•qui  eft  aux  Anglois.  Long.  %i ,  ^f8;lat^^,^S. 

CiTADELLA  ,  (  Gécg.  )  petite  ville  d'Ita- 
lie dans  le  territoire  de  Padoue ,  près  de  la 
trente. 

CITADELLE ,  f.  f.  on  appelle  ainfi  dans 
la  Fortification ,  un  lieu  particulier  d'une 
place  ,  fortifié  du  côté  de  la  ville  &  delà 
•campagne  ,  qui  eft  principalement  deftiné 
a  mettre  des  foldats  pour  contenir  dans  le 
devoir  les  habitons  de  la  place. 


C  I  T  1(^3 

Les  c/V^^c//e50ntordinaircment quatre  ou 
cinq  baftions ,  &  au  plus  fix  ;  elles  font 
preique  toujours  de  figure  régulière,  à 
moins  qu'elles  ne  foicnt  conftruites  fur  des 
lieux  qui  ont  peu  d'efpace  ,  ou  qui  Ibient 
fortifiés  par  des  fituations  inaccelïibles,  com- 
me la  citadelle  de  Befançon  :  elles  font  pla- 
cées fur  l'enceinte  de  manière  qu'une  partie 
eft  dans  la  ville  ,  &  l'autre  dans  la  campagne. 

La  ville  n'eft  peint  fortifiée  du  coté  de  la 
citadelle ,  afin  que  les  habitans  n'aient  rien 
qui  les  mette  à  couvert  de  fbn  canon ,  ôc 
qu'elle  puilïè  commander  par-tout  dans  la 
ville  :  c'eft  pourquoi  elle  doit  être  encore 
fortifiée  avec  plus  de  foin  ;  parce  que  fî  elle 
étoit  plus  foible ,  l'ennemi  comm^enceroit 
par  l'attaquer  ;  &  lorfqu'il  en  feroit  le  maî- 
tre ,  il  le  feroit  aufti  de  la  ville  :  au  lieu 
qu'étant  obligé  de  commencer  fbn  attaque 
par  celle-ci ,  il  faut  après  fa  prife  faire  un 
fécond  fiege  pour  s'emparer  de  la  citadelle. 

Entre  la  ville  &  la  citadelle  on  laifîè  un 
grand  efpace  vuide  de  maifons  dans  l'é- 
tendue delà  portée  du  fufîl ,  que  l'on  nom- 
me Vefplanade.  Cet  efpace  fert  à  empêcher 
qu'on  ne  s'approche  de  la  citadelle  fans  ch 
être  découvert. 

On  ne  fait  point  de  citadelles  aa  milieu 
des  villes  ,  parce  qu'elles  ne  pourroient  être 
fecourues  dans  le  cas  de  rebeUion.  On  en 
conftruit  quelquefois  entièrement  hors  des 
villes  ;  mais  elles  y  ibnt  jointes  par  quel- 
ques lignes  ou  quelque  ouvrage  de  commu- 
nication. 

La  citadelle  doit  être  placée  dans  le  ter- 
rain le  plus  élevé  de  la  ville ,  afin  qu'elle 
en  commande  routes  les  fortifications.  On 
la  place  auffi  de  manière  qu'elle  puiflè  difl 
pofer  des  eaux  de  la  ville ,  de  forte  que  l'en- 
nemi après  s'être  emparé  de  la  ville,  ne 
puifTè  les  lui  ôter. 

Pour  donner  une  idée  de  la  manière  dont 
on  peut  tracer  le  defTîn  d'une  citadelle ,  fbient 
(  Plan^.  IV  de  Fortificat.fig.  6.  )  les  baf- 
tions i,  Ey  N,  le  côté  ou  la  partie  de 
l'enceinte  où  l'on  veut  placer  la  citadelle. 

Ces  baftic«is  ne  feront  point  mis  au  trait 
dans  le  plan ,  mais  au  crayon ,  parce  qu'il 
faudra  en  détruire  un  pour  faire  entrer  la 
citadelle  dans  la  place.  Soir  le  baftion  E 
qu'on  fe  propofe  de  détruire. 

On  prolongera  fa  capitale  indéfiniment 

Xz 


î^4  C  I  T 

vers  la  campagne  &z  vers  la  ville.  On  choi-  ' 
lira  un  point  D  fur  certe  capitale  plus  ou 
moins  avancé  vers  la  ville ,  lelon  la  polition 
qu'on  voudra  donner  à  la  ciiadclle-^  on  élè- 
vera fur  ce  point  D  une  perpendiculaire  A 
S ,  fur  laquelle  on  prendra  D  A  èc  D  B 
chacune  de  90  toifes ,  afin  d'avoir  le  côté 
A  5  de  180. 

Préfenrement  fi  l'on  veut  que  la  citadelle 
foit  un  pentagone  régulier ,  on  cherchera 
par  la  trigonométrie  ou  autrement  le  rayon 
du  pentngone ,  dont  le  côté  eft  de  1 80  toi- 
Tes ,  on  le  trouvera  de  1 51.  On  prendra  aVec 
le  compas  ce  même  nombre  de  toifes  fur 
.téchellei  puis  des  points  A  êc  £  pris  pour 
centre  &  de  cet  intervalle,  on  décrira  deux 
arcs  qui  fe  couperont  dans  un  point  C  qui 
fera  le  centre  de  la  citadelle. 

Du  point  Con  décrira  un  cercle  du  rayon 
C  ^ ,  on  portera  le  coté  A  B  cinq  fois  fur 
la  circonférence ,  &  l'on  aura  le  pentagone 
que  doit  former  la  citadelle  ,  &  qu^on  for- 
tifiera comme  on  Ta  enfeigné  dans  les  conf- 
tru6tions  de  M.  de  Vauban.  Voye^l'article 
Fortification,  E  le  mens  de  fortification , 
par  M.  Leblond. 

Les  citadelles  ne  doivent  avoir  que  deux 
portes  j  Tune  pour  aller  delà  citadelle  dénis 
la  ville  ,  &c  réciproquement  de  celle-ci  dans 
k  citadelle  ;  Pautre  pour  entrer  de  la  cam- 
pagne dans  la  citadelle  :  cette  porte  ne  s'ou- 
vre que  pour  recevoir  dufecours  du  dehors , 
&  pour  cet  effet  on  la  nomme  porte  du 
fecours. 

Les  citadelles  font  jointes  aux  villes  de 
plufieurs  manières  fuivant  la  difpofition  de 
la  ville  &  de  la  citadelle;  mais  celle-ci  doit 
être  toujours  placée  de  manière  que  la  ville 
n'ait  aucunouvrageou  aucun  flanc  qui  puiflè 
battre  la  citadelle ,  ni  aucun  ouvrage  qui  la 
commande.  On  joint  l'enceinte  de  la  place 
à  la  citadelle  par  des  efpeces  de  murs  qui 
aboutiflent  fur  les  capitales  des  baftions  de 
la  citadelle ,  fur  celles  des  demi-lunes ,  ou 
enfin  fur  le  milieu  des  courtines.  Cette  der- 
nière difpofition  eft  la  meilleure.  Ces  murs 
ont  un  rempart  jufqu'à  la  diftance  de  40  ou 
50  toifes  de  la  citadelle  ;  on  les  nomme  lignes 
de  communication  :  elles  ne  font  autre  chofe 
dans  cet  efpacc  qu'un  mur  de  maçonnerie 
(de  quatre  ou  cinq  pies  d'épailïcur ,  &  de 
niême  hauteur  que  le  rempart  de  la  place. 


C  I  T 

Sur  la  partie  fupérieuredece  mur  on  élève 
un  garde-fou  de  deux  pies  d'épaifleur  6c  de 
Cix  pies  de  hauteur  ;  on  le  perce  de  crenaux 
pour  découvrir  dans  la  campagne. 

Qiiand  on  conftruit  des  citadelles  aux 
villes  maritimes ,  on  les  difpofe  de  manière 
qu'elles  commandent  la  ville  ,  le  port  &  la 
campagne.  Celle  du  Havre  de  Grâce  eft 
placée  de  cette  manière  :  elle  peut  fervir 
de  modèle  pour  la  polition  de  ces  fortes  de 
citadelles. 

Les  villes  maritimes ,  outre  les  citadelles, 
font  encore  quelquefois  défendues  par  des 
châteaux  qui  commandent  au  port.  Dâiis 
ces  fortesde  villeson  conftruit  ordinairement 
des  jetées  ,  qui  Ibnt  des  efpeces  de  digues  , 
de  fortes  murailles,  ou  chaullées,  qu^on 
bâtit  auffi  avant  qu'on  le  peut  dans  la  mer  , 
en  y  jetant  une  très-grande  quantité  de  gros 
quartiers  de  pierres.  A  leur  extrémité ,  on 
établit  des  forts  dont  le  canon  empêche  que 
les  vaiflèaux  ennemis  ne  s'approchent  du 
port,  &parconféquentdcla  ville.  La  figure 
de  ces  forts  n'a  rien  de  déterminé  :  on  leur 
donne  la  plus  propre  à  leur  faire  comman- 
der tous  les  cotés  par  on  l'ennemi  peut  le 
préfenter. 

On  conftruit  aulïi  quelquefois  des  réduits 
dans  les  villes,  qui  ont  le  même  objet  que 
la  citadelle.  Voye^  Réduit.  (  Q) 

CITAMBEL  ,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  Botani^ 
que.)  efpece  de  nénuphar  du  Malabar, 
très-bien  gravée  fous  ce  nom  ,  avec  la  plu- 
part de  fes  détails ,  par  Van-Rheede  ,  dans 
Ion  Hortus Malabar icus,  vol.  II.  pi.  XXVII, 
pag2  £2'  Les  Brames  l'appellent  cafiuri  ca^ 
malla ,  8cJ.  Commelin  ,  dans  fes  Notes,  la 
défigne  fous  le  nom  de  nymphéea  Malaba- 
rica  minor folio  ferrato. 

Elle  diffère  du  nénuphar  commun  &  de 
Pambel  par  les  caraéleres  fuivans.  1°.  Elle 
eft  plus  petite ,  haute  feulement  d'un  pié. 
2°.  Ses  feuilles  ibnt  arrondies  ,  entières  , 
fans  dentelures,  longues  de  trois  pouces  & 
demi,  d'un  quart  moins  larges ,  fendues 
jufqu'au  tiers  à  leur  origine  ,  &  portées 
fur  un  pédicule  cylindrique  trois  fois  plus 
court ,  &  d'une  ligne  &  demie  de  diamètre. 
3°.  Ses  fleurs  font  d^abord  rouges  ,  enfuitc 
violettes  ,  puis  bleues ,  ouvertes  en  étoile 
de  deux  pouces  de  diamètre ,  &c  compo- 
fécs  de  feize  feuilles  difpofées  fur  quatre 


CI  T 

rangs ,  dont  les  quatre  extérieures  font  prcf- 
qu  une  fois  plus  grandes  que  les  autres  , 
triangulaires  ,  deux  fois  plus  longues  que 
larges ,  &  imitant  un  calice  ;  le  pédicule  qâi 
les  porte  eft  aufTi  long  que  celui  des  feuilles. 

Culture.  Cette  plante  eft  commune  au  Ma- 
labar comme  au  Sénégal  ,  dans  les  mares 
d^eau  d'un  pié  de  profondeur  qui  reftent 
fur  les  fables  pendant  la  faifon  des  pluies. 

Ufages,  La  décodion  de  fes  fleurs  pilées 
fe  boit  dans  les  difficultés  d'uriner  ;  en  y  joi- 
gnant du  fucre  ,  elle  arrête  le  vomiflèment, 
adoucit  l'âcreté  de  la  toux.  Ses  graines  fe 
mangent  avec  le  fucre. 

Remarques.  Jean  Commelin  fe  trompe 
quand  il  dit  que  les  feuilles  du  chamùel  (ont 
dentelées.  Cette  plante ,  étant  du  genre  du 
nénuphar  ,  doit  fe  ranger  avec  lui  dans  la 
famille  des  ariftolochcs  qui  eft  la  onzième 
de  nos  Familles  des  plantes  ,  volume  II , 
page  j6.  {M.  Ad  AN  SON.) 

CIT-AMERDU  ,  f.  m.  {HJ(l.  nat.  Bo- 
tanique. )  nom  que  les  Malabares  donnent 
à'  une  efpece  de  cocculus ,  très-bien  gravée , 
avec  la  plupart  de  fes  détails  ,  par  Van- 
Rheede ,  dans  fon  Hortus  Malabaricus ,  vo- 
lume VU,  planche  XXI,  page ^^.  Les  Bra- 
mes l'appellent  amerdu-valli. 

D'une  racine  ligneufc ,  cylindrique ,  lon- 
gue de  deux  à  trois  pies ,  fur  un  pouce  de 
diamètre  ,  brune  ,  s'élève  une  tige  cylin- 
drique longue  de  50  à  60  pies  du  diamè- 
tre d'un  pouce  ,  flexible  ,  s'entortillant  au- 
tour des  arbres  \  à  bois  blanc  ,  jaunâtre , 
peu  épais ,  plein  de  moelle  aux  deux  tiers 
de  fon  centre ,  recouvert  d'une  écorce  ver- 
re ,  d'abord  veloutée  de  poils  blancs,  en- 
fuite  cendrée  extérieurement  &,  verte  au- 
dedans ,  peu  ramifiée. 

Les  feuilles-lbnt  alternes  ,  difpofées  cir- 
culairement  le  long  des  tiges ,  taillées  en 
cœur  de  deux  à  quatre  pouces  de  diamè- 
tre en  tout  fens  ,  entières  ,  mais  échan-- 
crées  d'un  fixieme  à  leur  origine  ,  minces , 
molles ,  veloutées  finement ,  &  relevées  en- 
defl'ous  de  cinq  cotes  rayonnantes ,  &  por- 
tées horizontalement  ou  pendantes  fur  un 
pédicule  c/lindrique  égal  à  leur  longueur. 

De  l'aiflèile  de  chacune  des  feuilles  fu- 
périeures  fort  un  épi  égal  à  leur  longueur  , 
compofé  de  40  à  f  o  fleurs ,  verd-blanchâ- 
tres ,  ouvertes  en  étoiles  de  deux  lignes  & 


CI  T 


16 


T 


demie  de  diamètre ,  portées  fur  un  pédicule 
cylindrique  deux  fois  plus  court. 

Ces  fleurs  font  toutes  mâles  fur  certains 
individus ,  &  femelles  fur  d'autres  où  elles 
font  pofées  au-deflous  d'un  difque  qui  fup- 
porte  l'ovaire.  Elles  confiftent  en  un  calice 
verd  à  ilx  feuilles ,  en  une  corolle  blanchâ- 
tre plus  petite  ,  à  fix  pétales ,  &  en  iix  éta- 
mines  blanchâtres  plus  courtes  à  anthères 
jaunes.  Les  femelles  n'ont  pas  d'étamines , 
ni  mêm.e  d'apparence  de  filets  ,  mais  trois 
ovaires  pédicules  ou  portés  chacun  fur  un 
dilque  cylindrique  ,  &  couronnés  par  un 
ftyle  cylindrique  qui  part  du  fommct  de 
leur  côté  intérieur ,  &:  velouté  à  fon  ex- 
trémité. 

Chaque  ovaire  devient ,  en  mûriflànt , 
une  baie  ovoïde  ,  obrufe  ,  longue  de  cinq 
lignes ,  de  moitié  moins  large ,  écartée  ho- 
rizontalement ,  verte  d'abord ,  cnfuite  jau- 
ne ,  puis  rouge  de  corail ,  luifànte,  charnue , 
vifqueufe  ,  à  une  loge  contenant  un  ofle- 
let  ovoïde  un  peu  échancré  en  rein  d'un 
côté  ,  long  de  quatre  lignes  ,  une  fois 
moins  large,  ridé,  mince,,  rendre,  fragile, 
blanc  d'abord  ,  enfuite  noirâtre ,  à  amande 
blanche. 

-  Culture.  Le  cit-amerdu  fe  trouve  au  Ma- 
labar autour  de  Warapoli  &  de  Clouta ,  Se 
au  Sénégal ,  dans  les  terres  argileufes ,  brû- 
lées &  pierreufes.  Il  eft  toujours  couvert 
de  feuilles ,  de  fleurs  &  de  fruits. 

Sa  racine  ou  fes  branches ,  même  dé- 
pouillées de  feuilles  ,  fuipendues  en  l'air  , 
croiflent  ,  comme  font  les  plantes  grafles  , 
fleuriflent  &:  frUdifient. 

Qualités.  Ses  fleurs  n'ont  point  d'odeur. 

Ufages.  Sadécodion  fe  boit  dans  les  fiè- 
vres ardentes  ,  la  goutte  ,  &  la  jauni iTè. 
Son  fuc ,  uni  à  celui  du  coluppa  &  du  tiru- 
tali  ,  fournit  avec  le  lait  ,  un  bain  anti- 
(pafmodiquc.  Ses  jeunes  feuilles  pilées  avec 
celle  de  l'émacciam  &  le  lait ,  s'emploient 
en  liniment  pour  les  phlegmons  &  les  éré- 
fipeles.  Son  fuc  ,  uni  à  celui  du  mulunti 
du  tsjerapuUa  &  del'ulinja  ,  eft  un  puiflànt 
maturatif&  un  vulnéraire  excellent  pour 
guérir  les  ulcères.  Le  fuc  exprimé  de  (ts, 
tiges,  dépouillées  de  leur  écorce ,  cuit  avec 
du  lait  &  de  l'eau ,  puis  évaporé  à  ficcitc  » 
&  mêlé  avec  l'huile  des  feuilles  d'enfermo , 
fournit  un  liniment   fouverain  dans  les 


i6€  C  1  T 

douleurs  de  la  goutte  i  bu  avec  le  fucre  ou 
le  poivre  long  ,  il  diflipe  la  cachexie  ,  la 
pituite  ôc  les  humeurs  goutteufes. 

Remarques,  htcit-amerdu  eft  pne  efpece 
du  cocculus  des  boutiques ,  appelle co/z/ci- 
du  Lèvent ,  5c  forme  un  genre  particulier 
voifin  du  menirpermam  dans  la  famille  des 
anones  qui  eft  notre  46*.  ;  Ôc  il  eft  étomianc 
que  M.  Linné,  qui  doit  avoir  vu  fleurir 
le  menifpermum  ,  l'ait  confondu  avec  lui , 
.<S<:  qu'il  ait  attribué  feize  étamines  à  fes  fleurs 
ftériles  ,  &  huit  aux  fleurs  ferdles ,  tandis 
que  toutes  n'en  ont  que  fix  ;  enfin  qu'il  l'ait 
placé  dans  ladifeciedodecandrie, puifque 
Ces  fleurs  font  toutes  hermaphrodites  avec 
des  étamines  &  des  ovaires ,  mais  de  ma- 
nière qu*il  en  avorte  un  grand  nombre. 
Voye-^  nos  Familles  des  plantes ,  volume  II, 
pape  ':JG4XM.  AdANSON.) 

CiTATION  ,  r.  {.{Gramm.)  c'eftl'u- 
ùge  &  Papplication  que  Pon  fait  en  parlant 
ou  en  écrivant,  d'une  penfée  ou  d'une  ex- 
preffîon  cm^ployéc  ailleurs,  le  toutpourcon- 
firmerfonraifonnementparuneautoritéref- 
pedable ,  ou  pour  répandre  plus  d'agrément 
dans  Ton  difcours  ou  dans  facompofltion.  : 

Dans  les  ouvrages  écrits  à  la  main  ,  on 
fculigne  les  citations  pour  les  diftinguer  du 
-corps  de  l'ouvrage.  Dans  les  livres  on  les 
^ift:i:gue  ,  foit  par  un  autre  caractère  ,  foit 
par  des  guillemets.  Foje;(_ Guillemets. 

Les  citations  doivent  être  employées  avec 
jugement  ;  elles  indifpofent  quand  elles  ne 
iont  qu'oftentation  :  elles  font  blâmables 
-quand  elles  font  faufles.  Il  faut  mettre  le 
jcdeur  à  portée  de  les  vérifier.  En  matière 
^rave ,  il  eft  a  propos  de  citer  l'édition  du 
livre  dont  on  s'eft  fervi. 

Quelquesmodernes-fè  font  fait  beaucoup 
rd'honneur  en  citant  à  propos  lesplus beaux 
inorceaux  des  anciens  ,  &  par-là  ils  ont 
trouvé  l'art  d'em.bellir  leurs  écrits  à  peu  de 
frais.  Nos  prédicateurs  citent  perpétuelle- 
,mcnt  l'écriture  &  les  pères,  moins  cependant 
.qu'on  ne  faifoit  dans  les  iîecles  partes.  Les 
proteftansnecitentguerequel'écrittire.Quoi 
-qu'il  en  foit ,  s'il  eft  d'heureufes  citations ,  s'il 
^ft  des  citations  exades ,  il  en  eft  auffi  beau- 
cou  p  d''ennuyeufes,  des  faufles,  &  d'altérées 
,ou  par  l'ignorance  ou  par  la  mauvaife  foi  des 
iCcrivains ,  fouvent  aufîi  par  la  négligence  de 
fpix  qui  citent  de  mémoire.  La  mauvaife  , 


CI  T 

foi  dans  les  citations  eft  univerfellement  ré- 
prouvée ;  mais  le  défaut  d'exaditude  Se  d'in- 
telligence n'y  eft  guère  moins  repréhenlîble  , 
ôc  peut  être  même  de  conféquence  fuivant 
l'importance  des  fujets. 

LeprcjiCit  ampullas  6c  fefquipedalia  verBa 
d'Horace ,  de  même  que  Xtjcire  tuum  nihil 
efl  de  Perfe  ,  font  cités  communément  dans 
un  fens  tout  contraire  à  celui  qu'ils  ont  dans 
l'auteur.  Cette  application  détournée  qui 
n'eft  pas  d:?ngereu{è  en  des  fujets  profanes 
peut  devenir  abuiive  quand  il  s^agir  des 
pafliiges  de  l'écriture  ,  Se  il  en  peut  réfuker 
des  erreurs  confidérâbles.  En  voici  entr'au- 
tres  un  exemple  frappant  ,  &:  qui  mérite 
bien  d'être  ob'!ervé. 

C'eft  le   multi  vccnti  ,  pauci  vero  elccfi 
{Mat.  ch.  xx.')y  paflage  qu'on  nous  cite  à 
tous  propos  com.me  une  preuve  déciiîve  du 
grand  nombre  des  damnés  &  du  petit  nom- 
bre des  élus  ;  mais  rien ,  à  mon  avis ,  de  plus 
m?î  entendu  ni  de  plus  mal  appliqué.  En 
efftc,  à  quelle  occafion  Jefus-Chrift  dit-il., 
beaucoup  d^ appelles  ,  tnais  peu  d'élus  ?  C'eft 
particulièrement  dans  la  parabole  du  père 
de  famille  qui  occupe  plulieurs  ouvriers  à  fà 
vigne  ,  où  l'on  voit  que  ceux  qui  n'avoient 
travaillé  que  peu  d'heures  dans  la  journée, 
gagnèrent  tout  autant  que  ceux  qui  avoient 
porté  le  poids  de  la  chaleur  &C  du  jour  ;  ce 
quioccaliona  les  murmures  de  ces  derniers, 
lefquels  fe  plaignirent  de  ce  qu'après  avoir 
beaucoup  fatigué  ,  on  ne  leur  donnoit  pas 
plus  qu'à  ceux  qui  n'avoient  prefque  rien 
foit.  Sur  quoi  le  père  de  famille  s'adreflàiit 
à  l'un  d'eux  ,  lui  répond  :  Mon  ami  ^  je  rie 
Vous  fais  pbint  ds  tort  ;  n'étes-vous  pas  con- 
venu avec  moi  d'un  denier  pour  votre  jour- 
née ?  Prene:^ce  qui  vous  appartient ,  &  voiis 
en  allcT^.  "Pour  moi  je  veux  donner  à  ce  dernier 
autant  qu'à  vous.  Ne  m'eji-il  pas  permis  àe 
faire  des  libéralités  de  mon  bien ,  &  faut^il 
que  votre  œil  foit  mauvais ,  parce  que  je  fuis 
bon  ?  C'ejf  ainjî ,  continue  le  Sauveur  ,  que 
les  derniers  feront  les  premiers ,  &  les  premiers 
les  derniers ,  parce  qu'il  y  en  a  Beaucoup  d'ap» 
pelles ,  mais  peu  d'élus.  ' 

J'obfèrve  d'abord  lur  ces  propofitions  du 
texte.  Sic  erunt  noviffmiprimi  &  primi  novif- 
fimi  ,  multi  ENIMfunt  vocati ,  pauci  ver^ 
e/ec7/;  j'obfèrve ,  dis-je ,  qu'elles  fontabfblu- 
ment  relatives  à  la  |)arabole  ;  jSc  c'eft  ce  <ju6 


CI  T 

Von  voit  avec  une  pleine  évidence  par  ces 
conjonâ;ions  connues^c  ,  enim  ,  qui  mon- 
trent il  bien  le  rapport  nécellaire  de  ces  pro- 
pofirions  avec  ce  qui  précède  :  elles  font 
comme  le  réfukat  ik.  le  fommaire  de  la  pa- 
rabole ;  &  fi  elles  ont  quelque  obfcurité  , 
c  cft  dans  la  parabole  même  qu'il  en  faut 
chercher  leclaircilîement. 

J^  dis  rlr».-»^  q-^(.  Iq^  éms  dont  il  s'agit  ici, 
ce  (ont  les  ouvriers  que  le  père  de  flimille 
trouva  fur  le  foir  fans  occupation,  &  qu'il 
envoya  ,  quoique  fort  tard ,  à  fa  vigne  :  ou- 
vriers fortunés ,  qui  n'ayant  travaillé  qu'une 
heure ,  furent  payés  néanmoins  pour  la  jour- 
iiée  entière.  Voilà  ,  dis-je ,  les  élus ,  les  fa- 
voris ,  les  prédeftinés. 
•  Lesfimples  appelles  que  la  parabole  nous 
jMréfente ,  ce  font  tous  ces  mercenaires  q  ue  le 
pcre  de  famille  envoya  dès  le  matin  à  fa 
vigne  ,  &  qui  après  avoir  porté  toute  la  fa- 
tigue du  jour  j  forent  payés  néanmoins  les 
derniers ,  &  ne  reçurent  que  le  falaire  con- 
venu ,  le  même  en  un  mot  que  ceux  qui 
avoient  peu  travaillé.  Ce  font  tous  ceux-là 
qui ,  fuivant  la  commune  opinion  ,  nous 
ngurent  les  non-élus  ,  les  prétendus  ré- 
prouvés. 

Mais  que  voit-on  dans  tout  cela  qui  fup- 
pofe  une  réprobation  ?  Le  traitement  du  père 
de  famille  à  l'égard  des  ouvriers  mécontens , 
a-t-il  quelque  chofc  de  cruel  ou  d'odieux  , 
&  trou ve-t-on  rien  de  trop  dur  dans  le  dif- 
cours  fage  &c  modéré  qu'il  leur  adrefïè  ? 
Mon  ami ,  je  ne  vous  fais  point  de  tort  ;  je 
vous  donne  tout  ce  que  ]e  vous  ai  promis  :  je 
veux  faire  quelque  gratification  à  un  auire^ 
'  pourquoi  le  trouve:^-yous  mauvais  ? 

On  ne  voit  rien  là  qui  doive  nous  faire 
fécher  de  crainte ,  rien  qui  fente  les  horreurs 
d^une  réprobation  anticipée.  J'y  vois  bien 
de  la  prédilection  pour  quelques-uns  ;  mais 
je  n'y  apperçois  ni  injuftice  ni  dureté  pour 
les  autres  :  nul  n'éprouve  un  fore  funefte  ; 
ceux  même  qui  ne  font  qu'appelles  fans  être 
élus  ,  doivent  être  fatisfaits  du  maître  qui 
les  emploie,  puiiqu'il  les  récompenfe  tous, 
&  qu'il  les  traite  avec  humanité.  Mon  ami  ^ 
dit-il  ,  je  ne  vous  fais  point  de  toit  ;  appelle 
au  travail  de  ma  vip:ne ,  yous  aveT^  reçu  le  fa- 
laire de  vos  peines  ;  &  quoique  vous  a:  foye^ 
pas  du  nombre  des  élus  eu  des  favoris  ,  vous 
fl'^ve;^  pourtant  pas  fujet  de  vous  plaindre. 


CIT  1^7 

Paroles  raifonnables ,  paroles  même  affec- 
tueufes  ,  qui  me  donnent  de  l'elpoir ,  &c 
nullement  de  l'épouvante. 

Je  conclus  de  ces  réflexions  fi  fimples,- 
que  le  multi  vocati ,  pauci  vero  eleâi  ,  dont 
il  s'agit ,  eft  cité  mal  à  propos  dans  un  fens 
finiftre ,  de  qu'on  a  tort  d'en  tirer  de.>  •»--, 
""17'^7Z  va^.Ciperantes;  puifqu'enfin ce paf- 
fage  bien  entendu  &  déterminé  comme  il 
convient  par  les  circonftances  de  notre  pa- 
rabole, inlpirera  toujours  moins  d'enroi  que 
de  confiance  en  la  divine  bonté  ,  &c  qu'il- 
indique  tout  au  plus  les  divers  degrés  de 
béatitude  que  Dieu  prépare  dans  le  ciel  à 
les  ferviteurs:  erunt  novijjimi primi ,  ùprimi 
novijji mi.  ihid. 

Le  multi  vocati ,  pauci  vero  elecfi,  fe  trouve' 
encore  une  autre  fois  dans  l'écriture  jc'eH:  au" 
xxij  chap.  de  S.  Matthieu ,  mais  il  n'y  a  rien 
là  de  plus  finiftre  &:  de  plus  concluant  que-' 
ce  qn'on  a  vu  ci-deflus. 

J*âi  aulTî  un  mot  à  dire  fur  le  fameux  6 
alîitudo  de  St.  Paul ,  &  je  montrerai  (ans 
peine  que  l'on  abufe  encore  de  ce  palïige 
dans  les  applications  qu'on  en  fait  :  on  le  cite 
preîque  toujours  en  parlant  du  jugement  de 
Dieu  ,  &  il  femble  que  ce  foir  pour  cou- 
vrir ce  qui  paroît  trop  dur  dans  le  m.yftere 
de  la  prédciVinatioTL,  ou  pour  calmer  les 
fidèles  eifrayés  àz^  celeftes  vengemces.  Mais 
ce  pafiage ,  au  fens  qu'il  eft  cité  ,  loin  d'é- 
clairer ou  de  calmer  les  efprits  ,  inlpire  au 
contraire  une  frayeur  rénébreufe  ,  &  nous 
montre  un  Dieu  plus  terrible  qu'aimable.  • 

Néanmoins  admirez  ici  le  mal-entend-.i» 
de  cette  citation  :  ce  pafiàge  fij)eu  fatisfai- 
lanr  de-la  manière  qu'on  le  prélente ,  eft  vé-  ■ 
ritablem^ent  dans  le  texte  facré  un  fujet  d'ef- 
pérance  ôc  de  confolation ,  puifqu'il  expri- 
me le  ravillement  où  efl  l'apôtre  à  la  vue 
des  tréfors  de  fageiTe  &  de  miléricorde  que 
Dieuréferve  pour  tous  les  hommes. 

Dieu  ,  dit  S.  Paul  aux  Romains ,  a  per- 
mis que  tous  fufiènr  enveloppés  dans  l'in- 
créduliié  ,  pour  avoir  occaficn  d'exercer  fa 
miféricorde  envers  tous.  Conclufii  enim  Deus 
omnia  ininzrédulïtate ,  ut  omnium  mifereatur. 
Sur  quoi  l'apôtre  s'écrie  tranfporté  d'admi- 
ration: "  O  profondeur  des  tréfors  de  la 
y'  lagelîe  &  de  la  fcience  de  Dieu  ^  que  fes 
»  jugemensfont  impénétrables,  &fes  voies 
.»  incompréhenfibles  1  « 


1^8  C  I  T 

s.  Paul  par  conféquent ,  loin  de  nouS an- 
noncer ici  la  rigueur  des  j  ugemens  de  Dieu , 
nous  rappelle  au  contraire  les  effets  ineffables 
de  fa  bonté.  O  ahitudo  divitiarum  fapientice 
ùfcitntiœDti  !  Le  dogme  de  la  prédeftina- 
rion  n'a  donc  rien  d'effrayant  dans  ce  paf- 
fiigc  de  S.  Paul. 

Quoi  qu'il  en  foît ,  certains  prédicateurs 
abufant  de  ces  exprelfions  ,  &  outrant  les 
vérités  évangéliques ,  n'ont  que  trop  fou- 
vent  abrmé  les  consciences  ,  &  jeté  la  ter- 
reur ,  le  défefpoir ,  où  ils  dévoient  infpirer  au 
contraire  les  plus  tendres  fentimensdelare- 
connoillance  pour  le  Disu  des  miféricordes. 
Mais  hélas ,  que  ce  prétendu  zèle  ,  que  ce 
zelc  outré  a  caulé  de  maux  ! 

Les  auditeurs  épouvantés ,  méconnoif^ 
fant  leur  créateur  &  leur  père  dans  le  Dieu 
foudroyant  qu'on  leur  prêchoit ,  ont  fe- 
coué  pour  la  plupart  le  joug  de  la  foi ,  & 
fe  font  livrés  à  l'incrédulité  ;  difpofition  fu- 
ncfte  qui  fappe  le  fondement  des  vertus  & 
qui  allure  le  triomphe  des  vices.  Art.de  M. 
Faiguet  ,  maître  depenjîon  a  Paris. 

Citation  ,  (  Théolog.)  LescitationsCont 
la  bafc  de  la  théologie.  Les  citations  de  l'an- 
cien teftament  qu'on  trouve  dans  le  nou- 
veau ,  ont  donné  lieu  à  des  doutes  ,  des 
difputes  ,  &c  des  obje«5tions  fpécieufes  de 
la  part  des  ennemis  de  là  religion  chrétien- 
ne. Julien ,  Phorphyre ,  les  Juifs  5c  les  ef- 
prits-forts  modernes,  reprochent  aux  chré- 
tiens que  les  apôtres  citent  fouvent  des  paf- 
fiiges  de  l'ancien  teftament ,  Se  des  pro- 
phéties comme  accomplies  dans  la  perlbnne 
de  Jefus-Chrift  5  que  cependant  il  arrive 
fréquemment ,  ou  que  ces  paftàges  ainfi 
cités  ne  fe  trouvent  point  dans  l'ancien 
teftament ,  ou  ne  font  point  employés  dans 
le  fens  Httéral  ôc  naturel  qu'ils  femblent 
préfenter  dans  l'ancien  teftament  j  ce  qui 
paroît  évidemment ,  ajoute-t-on  ,  par  ce 
partage  de  S.  Matthieu  ,  chap.  i]  ,f.  i  j"  , 
£x  ^gypto  vocavijilium  meum  ,  qui  pris  à 
la  lettre  fe  rapporte  à  la  fortie  des  Ifraéli- 
tes  d'Egypte. 

Cette  difficulté  a  paru  infurmontable  à 
quelques  auteurs  ;  d'autres  pour  la  réibudre 
ont  pris  différentes  routes.  Quelques-uns 
ont  recours  à  un  double  accompliflèment , 
&  prétendent  que  quoique  les  prophéties 
aient  été  accomplies  une  première  fois  dans 


CI  T 

certaîns  événemens ,  elles  peuvent  l'être 
encore  une  fois  dans  la  perfonne  du  meffie. 
Mais  d'autres  rejettent  ce  double  accompUf- 
fement ,  à  moins  que  le  prophète  lui-même 
ne  le  déclare ,  rendant  par  ce  moyen  toute 
la  prophétie  inutile. 

Entre  ces  deux  extrémités  prefque  éga- 
lement vicieufes,  quelques-uns  ont  cmbrafîe 
une  opinion  fort  raifonnablc  ,  &  qui 
paroît  fondée  ,  c'eft  de  dire  qu'il  y  a  des 
prophéties  typiques  fur  le  Meflîe  ,  lefquel- 
les  ont  deux  objets  j  l'un  prochain  &  im- 
médiat ,  qui  eft  comme  l'ombre  ou  la  fi- 
gure du  Meflie  contenue  dans  l'ancienne 
loi ,  &  qui  a  eu  un  accomplilTement  im- 
parfait &:  commencé  ;  l'autre  éloigné ,  mais 
principal ,  favoir  le  Mellie  ,  en  qui  ces  pro- 
phéties ont  eu  leur  plein  &:  entier  accom- 
pliflèment :  le  premier  n'étoit  que  le  type 
du  fécond ,  ôc  par  conféquent  celui-ci  étoit 
le  principal  ;  &  de  ce  genre  eft  le  paflàge 
cité  dans  l'objedion ,  qui  pour  avoir  été 
accompli  en  figure  par  la  fortie  des  ifraéli- 
tcs  d'Egypte  ,  n'en  a  pas  moins  été  une 
prophétie  bien  appliquée  &  pleinement  ac- 
complie dans  le  retour  de  J.  C.  d'Egypte 
après  la  mort  d'Hérode. 

Pour  lever  le  refte  de  la  difficulté ,  on 
obfervequeles  Juifs  rabbins  prennent  beau- 
coup de  libertés  en  citant  ou  en  interpré- 
tant les  écritures  ,  &  l'on  fuppofe  que  les 
apôtres  ont  fuivi  la  même  méthode  dans 
leurs  citations  ;  mais  cette  fuppofition  n'eft 
pas  fondée  :  en  effet ,  les  apôtres  inftruits 
immédiatement  par  J.  C.  &  infpirés  par  le 
S.  Efprit  ,  n'avoient  aucun  befoin  de  re- 
courir aux  règles  des  dodeurs  juifs  dans 
leurs  citations. 

Néanmoins  en  conféquencc  de  cette  fup- 
pofition ,  M.  Surenhufîus ,  profefleur  en  hé- 
breu à  Amfterdam ,  a  tâché  de  retrouver 
ces  règles  perdues  depuis  fi  long-temps ,  &: 
a  donné  à  cet  effet  un  favant  traité  inti- 
tulé fepkerhamechawe ,  ou  BIBA02  KATAA- 
A  ATH2,  in  quofecundùm  veterem  theologorum 
hebrceorumformula  mallegandiù  modos  inter* 
pretandi ,  conciliantur  loca  ex  veteri  in  novo 
tejlamento  allegata.  Il  y  remarque  d'abord 
quantité  de  différences  qui  fe  trouvent  dans 
les  différentes  manières  de  citer  ufitécs  dans 
les  écritures  ;  comme  //  a  ké  dit  ;  //  efl 
écrit  f  afin  que  ce  qu'ont  dit  Us  prophète^ 

fût 


C  IT 

fût  accompli  ,  V écriture  dit ,  V(yyf{  ce  qui 
efldit  ^V  écriture  a  pré  dit  ^  iln^eft  pointait  ^ 
&c.  II  ajoute  que  les  livres  de  l'ancien  tef- 
tament  ayant  été  arrangés  différemment  en 
divers  temps  &  fous  difFérens  noms ,  c'eft 
pour  cela  qu'un  livre  ou  un  auteur  font  fou- 
vent  confondus  avec  un  autre. 

Pour  ce  qui  regarde  les  règles  de  citation 
&  d'interprétation  pratiquées   par  \qs  rab- 
bins ,  il  en  rapporte  dix  ,  qu'il  a  recueil- 
lies ,  après  une  étude  profonde  du  tamuld 
&  des  anciens  dodeurs  juifs  ,  dont  il  donne 
des  exemples  tirés  des  écrits  des   apôtres  ; 
&  par  cts  règles  il  tâche  d'expliquer  &  de 
JLiflifier  toutes  les  citations  de  l'ancien  tef- 
tament  employées    dans   le  nouveau.  Ces 
règles  font  i®.   de  lire  les  mots  ,  non  pas 
fuivant  les  points  qui  font  placés  au-defîbus , 
mais  fuivant    d'autres  .qu'on    leur  fublli- 
tue ,  comme  ont  fait  S.  Pierre  ,    aâ.    ch. 
^ij  >  y-  3-  St.  Etienne  ,  ac?.  chap.  viij  ,  v. 
4.J  i  &  S.  Paul  ,     l   Corinth.  chap.  xv  , 
t'.  -5:4  ;  &c  z  Corinth.  chap.  viij  y  v.  i  5. 
La  ièconde  eft  de  changer  les  lettres,  comme 
a  fait  S.Paul  ,  Kom.   ch.  ix -,  v.   JJ  ,*    / 
Corinth.  ch.  z  z  ,  p.  ^  ;  &c  chap,  x  ,  r.  5  ,' 
&  S.  Etienne  ,ac7.  l'ij^v.  4J.  Latroilieme  d\ 
de  changer  les  lettres  &:  les  points  ,  comme 
a  fait  S.  Paul.  acf.  ch.  xiij  y  v.  4Z  ;  &c  2. 
Corinth.  ch.  viij  ,  v.   z  ^.    La  quatrième 
efl  d'ajouter  quelques  lettres  &  d'en  retran- 
cher d'autres.  La  cinquième  eftde  tranfpofer 
les  mots  &  les  lettres.   La  fixiemc    ell  de 
partager  un  mot  en  deux.   La   (èptieme  , 
d'ajouter    d'autres    mots   pour    rendre   le 
fens  plus  clair.  La  huitième   ,    de  changer 
l'ordre  des  mots.  La  neuvième  ,  de  changer 
l'ordre  des  mots  &  d'en  ajouter  d'autres  : 
c'efl  ce .  qu'ont  fait  les  apôtres    ,    dit  M. 
Surenhulius  ,   par   rapport  aux  deux    der- 
nières règles.  Et  la  dixième  enfin  ,  c'efl  de 
changer    l'ordre  des   mots  ,  d'en   ajouter 
quelques-uns  ,  &  d'en  retrancher  d'autres  ; 
&  c'efl  félon  le  même  auteur  la  méthode 
que  S.  Paul  a  fuivie  fort  fouvent. 

D'autres  auteurs  y  comme  l'évêque  Kid- 
der  ,  M.  Leclerc  &  M.  Sike  ,  lèvent  la 
difficulté  d'une  pianiere  fatisfaifante  à  cer- 
tains égards  ,  mais  dangereufe  à  d'autres. 
Selon  eux  ,  cette  forme  ordinaire  de  cita- 
tion dont  fe  fervent  les.  évangélifles  ,  afin 
que  ce  que  les  prophète^  ont  annoncé  fût  ac- 
Tome  VIIL 


C  I  T  i€^ 

compli ,  ne  fignifie  rien  de  plus  qu'une  ma- 
nière d'adapter  les  pafîages   des   prophètes 
au  cas  préfent  par  un  fens  d'accommoda- 
tion :  principe  trop  général  ,  &  qui  demande 
des  exceptions   ;    on  en  verra  un    exem- 
ple ci-deflbus.  Le  raot'^7^Hf«9^( ,  accompli  ^ 
ne  nous  détermine  pas  ,  ajoutent-ils  ,  à  un 
tel  fens  ,  comme  fi  les  évangéliUes  avoient 
dcffein  de  dire  que  la  prédiâion   des  évé- 
nemens  futurs  efl:  accomplie  ;  mais  il  expri- 
me feulement  qu'on  a  ajuflé  les  termes  qu'on 
a  cités.  Si  cent  raifon  avoit  lieu  ,   il  n'y  a 
point  de  prophétie  qu'on  ne  put  nier  avoir 
été  accomphe  à  la  lettre  dans  Jefus-Chrifl. 
Mais  pour  la  faire  palîèr  ,  l'évêque  Kidder 
remarque  qu'on  peut  dire  que  l'écriture  efl 
accomplie  en  deux  manières  ;  proprement , 
comme  quand  lachofè   prédite  arrive  ;    & 
improprement ,  dans  un  l'ens  d'accoaimoda- 
tion  ,  comme  quand  il  arrive  dans'  quelque 
heu  à  quelqu'un    quelque  choie    qui    ell 
déjà  arrivée  quelque  temps  auparavant  ail- 
leurs &  à  une  autre  perlonne.  C'cft  ainfi  , 
ajoute-t-il ,  que  S.  Matthieu  dit  à  l'occafion 
du  maflîicre  des  Innocens  ,  qu'alors  fut  ac- 
compli ce  qui  avoit  été  dit  par  le  prophète 
Jérémie   :    Une  voix  fe  fit  entendre  dans 
Rama  ,  &c.  L'exemple   eil  bien   choilî  , 
mais  le  principe  cft  trop   vague  ,    &  n'eil 
pas  applicable  aux  prophéties  littéralement 
accomphes  dans   Jellis-Chriil  ,    &  il  s'ea 
trouve  un  très-grand  nombre  de  cette  et 
pece  dans  l'évangile. 

Cette  interprétation  de  l'évêque  Kidder 
efl  confirmée  par  M.  Leclerc ,  qui  remar- 
que que  les  Juifs  ont  coutume  de  dire  dans 
leur  langue  ,  qu'un  pafTage  de  l'écriture  efl 
accompli  toutes  les  fois  qu'il  arrive  une  cho- 
fe  à  laquelle  on  peut  l'appliqua"  :  de  forta 
que  S.  Matthieu  qui  étoit  hébreu  ,  &  qur 
écrivit  (  comme  on  le  fuppofe  communé- 
ment )  en  cette  langue  ,  ne  vouloit  dire  au- 
tre chofe  dans  le  paiîage  qu'on  vient  de  ci- 
ter ,  finon  qu'il  étoit  arrivé  une  chofe  k 
laquelle  on  pouvoit  apphquer  ce  que  Jéré- 
mie avoit  dit  dans  une  autre  occaiion.  M. 
Sike  abufant  du  principe  de  M.  Leclerc  ^ 
avance  qu'en  citant  ce  paffage  d'Ifaïe ,  une 
Vierge  enfantera.  ,  &g.  les  évangéhfles  ne 
fe  propofent  que  de  rapporter  ces  mots  du 
projDhete  ,  qui  conviennent  fort  bien,  à  la 
naifiance  de  J.  C.   mais  non  comme  unô 


lyo  C  I  T  C  I  T 

prophétie  de  fa  naifTance.  Ce  fentimcnt  |  où  font  contenues  les  preuves  ,  on  ajoute 
de  M.  Sike  n'efî  pas  nouveau  ;  Grotius  l'a-  ■  in  c.  ce  qui  fignifie  in  corpore  articuli. 
voit  imaginé  ,  &  M.  Richard  Simon  l'a  \  Si  le  paffage  eft  pris  de  la  réponfe  aux 
:foutenu  ;  mais  M.  BoflTuet  en  a  pleinement  objeftions  ,  on  cite  ad  z .  c'eil-à-dire  à  la 
démontré  la  faufïeté ,  auffi-bien  que  le  P.  .  réponfe  ;\  la  première  objedion  ;  ainfi  de  la 
Balthus  jéfuite  ,  dans  le  favant  ouvrage  deuxième  objedion  ,  de  la  troilieme  ,  &c» 
fntkulé  defenfe  des  prophéties  ,  qmpurmea]  A  l'égard  de  la  deuxième  partie  de  la 
1738  ,  &  auquel  nous  renvoyons  le  ledeur.  i  (bmme  de  S.  Thomas  ,  comme  elle  ell  di- 
■On  peut  encore  conlûlter  à  ce  fujet  Maldo-  '  vifée  en  deux  parties  ,  fi  le  palFage  eft  tiré 
nat  ,  dans  (otl  commentaire  fur  le  {ècond  ;  de  la  première  partie  ,  on  met  un  i  &  un 
'chapirre  de  S.  Matthieu  ,  où  il  donne  quatre  '  2.  c'eû-ii-d\re'inprimd  parte  fecundœpartis. 
règles  pour  juger  des  citations  &"difcerner  Si  le  paflfage  eu  tiré  de  la  féconde  partie 
les  prophéties  accomplies  httéralement  dans  :  de  cette  féconde  partie  ,  on  met  //.  z.  c'eft- 
Jefus-Chriil  ,  d'avec  celles  qui  n'y  ont  été  [  à- dire f ecundâ fecundce  ^  dans  la  iubdiviiion 

ou  deuxième  partie  de  la  deuxième  partie  de 


accomplies  que  dans  un  fens  d'accommo- 
.dation  :  règles  iimples  ,  beaucoup  plus 
5Ûres  &  moins  équivoques  que  celles  des 
irois  derniers  auteurs  proteflans  dont  nous 
-venons  de  parler.  (G) 

Il  ne  fera  pas  inutile  de  rapporter  ici  quel- 
w[ucs  ufages  en  matière  de  citations  ,  foit 
théotogiques  ,  foit  de  jurifprudence. 
.  Parmi  les  livres  fapientiaux  de  l'écriture 
fainte  ,  il  y  en  a  un  qui  a  pour  titre  Vec~ 
cléjmjle  ,  »xjtA>iT/j<r»'  ,  concionator  ,  &  un 
autre  appelle  ï e'ccle^iajiique  ,  ikkmjiccçikôî  , 
tcclefiafiicus  y  concionalis  :  quand  on  cite 
le  premier  ,  on  met  en  abrégé  eccle.  au  lieu 
que  quand  on  rapporte  un  paffage  du  fécond , 
on  met  eccli.  eniliitc  on  ajoute  le  cha- 
pitre &  le  verfet. 

-  Commelafomme  de  S.  Thomas  eft  Ibu- 
vent  citée  par  les  théologiens ,  il  faut  ob- 
ferver  que  cette  fomme  contient  trois  par- 
ties ,  &  que  la  deuxième  partie  eft  divifee 
en  deux  parties  ,  dont  la  première  eft  ap- 
pellée  la  première  de  la  deuxième  ,  &  la 
deuxième  s'appelle  la  deuxième  de  la  deuxiè- 
me. Chaque  partie  eft  divifée  en  queftions  , 
chaque  queftion  en  articles  ;  chaque  article 
commence  per  les  objedions ,  enfuite  vient 
k  corps  de  l'article  ,  qui  contient  les  preu- 
ves de  l'alTertion  ou  conclufion  ,  après  quoi 
viennent  les  réponfes  aux  objedions  ,  & 
cela  par  ordre  ,  une  réponfe  à  la  première 
objedion  ,  Ê'c.  Il  eft  facile  maintenant  de 
comprendre  la  manière  de  citer  S.  Tho- 
mas :  il  s'agit  d'un  paffage  de  la  première 
partie  ,  après  avoir  rapporté  le  pafîàge  ,  on 
met  par  ex.  /.  p.  q.  i .  a.  j.  c'efî-à-dire  pri- 
mâ  parte  ,  qucejîione prima  ,  articula  primo. 
Si  le  paffage  eft  tiré  du  corps  de   l'article 


la  fomme  de  S.  Thomas.   (/') 

Citations  de  Droit  ,  {Jurifpmd.) 
font  les  textes  de  droit  que  l'on  indique  pour 
appuyer  ce  qui  eft  avancé. 

Les  citations  fréquentes  en  plaidant  fur 
rent  introduites  fous  le  préfident  de  Thou. 
Pafquier  ,  en  parlant  des  avocats  de  ce 
temps  ,  dit  que  erubefcebantjine  lege  loqui  : 
ils  citoient  non-feulement  des  textes  de  droit, 
mais  auffi  les  hiftoriens  ,  les  orateurs  ,'  les 
poètes  ,  &  la  plupart  de  ces  citations  étoient 
fouvent  inutiles  &  déplacées. 

Les  jurifconfultes  du  xvj^  fiecle  font  tom- 
bés dans  le  même  excès  par  rapport  aux 
citations  ;  leurs  écrits  en  font  tellement  char- 
gés ,  que  l'on  y  perd  de  vue  le  fil  du  diicours  , 
&  l'on  y  trouve  beaucoup  plus  de  citations 
que  de  raifonnement. 

Quelques-uns  tombent  préfentement  dans 
un  autre  excès  ,  foit  en  plaidant ,  foit  en 
écrivant  ;  ils  ont  honte  de  citer  ,  &  fur-tout 
des  textes  latins  ,  qui  femblent  être  aujour- 
d'hui moins  familiers  qu'autrefois.  Ce  genre 
d'érudition  eft  regardé  par  certaines  gens 
comme  un  bagage  d'antiquité  dont  on  ne 
doit  plus  fe  charger  :  c'eft  une  opinion  que 
l'ignorance  a  enfantée  ,  &  que  la  pareffe 
nourrir.  On  ne  doit  pas  recourir  à  des  cita- 
tions peu  convenables  au  fujet ,  ni  s'arrêter  à 
prouver  ce  qui  n'eftpas  contefté  ;  mais  il  efl 
toujours  du  devoir  de  l'avocat  &du  jurif- 
confulte  de  citer  les  loix  &  autres  textes  qui 
établiffent  une  proportion  tontroverfée  ;  il 
doit  feulement  ufer  modérément  des  cita-- 
tions  ,  ne  pas  en  flircharger  fon  difcours  ,  & 
faire  choix  de  celles  qui  font  les  plus  pré- 
cifes  &lesj)lus  frappantes. 


C  I  T 

Comme  les  citations  de  droit  font  ordi- 
nairement écrites  en  abrégé  ,  nous  les  allons 
cxpofèr  ici  pour  en  donner  l'intelligence. 

Citations  du  droit  civil. 

jip.  /z//?z/z.ou//z/?/fiir.{îgnifieauxiLnflitutes. 
D.  ou^auxdigelles. 
Code  ou  c.  au  code. 
Code  the'od.  au  code  théodofien. 
Code  repet.  pialeâ.  repetitx  prcclediones. 
Authent.  ou  aiith.  dans  l'authentique. 
Leg.  ou  /.  dans  la  loi. 
$.  ou  parag.  au  paragraphe. 
Novel.  dans  la  novelle. 
Noi'el,  Léon.  N  ovellcsde  l'cmpereurLéon. 
Argiim.  leg.  par  argument  de  la  loi. 
Glof.  dans  laglolè. 
H.  t.  en  ce  titre. 
Eod.  tit.  au  même  titre. 
.  In  p.  ou  in  princ.  ail,  commencement. 
Jnf.àhûh. 

Citations  du  droit  canon. 

C.  ou  can.  au  canon. 

Cap.  au  chapitre.  I 

Cauf.  dans  une  caufc  de  la  féconde  partie 
du  décret  de  Gratfen. 

Deconf.  dans  latroifîeme  partie  du  décret 
qui  traitt-  de  la  confécration. 

De  pan.  au  traité  de  la  pénitence  qui  eft 
dans  la  féconde  partie  du  décret. 

Difl.  dans  une  diftinâion  du  décret  de 
GratiJiu 

Ex.  ou  extra,  c'eft  dans  les  décrétales  de 
Grégoire  IX. 

A  p.  Greg.  IX.  dans  les  mêmes  décrétales. 

Extrai'.  Joan.  dans  une  des  extravagantes 
ou  conftitutions  de  Jean  XXII. 

Extrav.  comm.  dans  les  extravagantes 
communes.  '"•'  . 

In  fexto.  ou  in  6.  dans  la  colledion  de 
Boniface  VIII  appellée  lefexte. 

Ap.  Bon.  ou  appendix  Bonifacii  y  dans 
lefexte. 

Q.  q.  ou  quœfl.  queftion. 

"j/".  ou  verf.  au  verfet.  {A) 

Citation  en  Jugement  ,  {Jurifp.) 
que  l'onappelloit  chez  les  Romains  injusvo- 
catio^  re\  enoit  à-peu-près  à  ce  que  l'on  appelle 
parmi  nous  ajournement  ou  ajjignation.  Oi 
ne  voit  point  de  quelle  manière  fe  faifoieni 
ces  fortes  de  citaùons  du  temps  des  rois  &;  ' 


C  I  T  i7r 

des  premiers  confuls  ;  mais  on  voit  que  par 
la  loi  des  douze  tables  il  étoit  ordonné  au 
défendeur  de  fuivre  le  demandeur  lorfqu'il 
vouloit  le  conduire  devant  le  juge.  Dans  la 
fuite  cette  procédure  changea  de  forme  ;  car 
long-temps  avant  Judinien  il  n'étoit  plus 
permis  de  citer  verbalement  fon  adverlàii-e 
en  jugement  ;  il  falloit  dès-lors  que  l'afllgna- 
tion  fût  libellée  ,  comme  cela  s'obferve  parmi 
nous  ,  &  l'on  convenoit  du  jour  auquel  on 
devoit  fe  préfenter  devant  le  juge. 

Il  n'étoit  pas  permis  de  citer  en  jugement 
toutes  fortes  de  perfonnes ,  on  en  exceptoit 
les  magiftrats  de  Rome  ,  fur-tout  les  con- 
fuls ,  Its  préteurs  ,  le  préfet  de  la  ville  ,  & 
autres  qui  étoientqualifiés  magijiratasurbani.^ 
Il  en  étoit  de  même  des  magiftrats  de  pro-; 
vince  tant  qu'ils  étoient  en  charge  ,  d'un 
pontife  ,  &  des  juges  pédanées  ,  pendant 
qu'ils  exerçoient  leurs  fonctions  ;  de  ceux  qui 
gardoient  quelque  lieu  confacré  par  la  reli- 
gion :  ceux  qui  recevoient  les  hoiMaeurs  du 
triomphe  ,  ceux  qui  fe  marioient ,  ceux  qui 
faifoientles  honneurs  d'une  pompe  funèbre  , 
ne  pouvoient  être  inquiétés  pendant  la  céré- 
monie ;  enfin  ceux  qui  étoient  fous  la  puif^ 
fance  d'autrui  ,  ne  pouvoient  être  cités  en 
jugement,  qu'ils  ne  fufî'ent  jouiffans  de  leurs 
droits. 

Les  pères  ,  les  patrons  ,  les  pères  &  les 
en  Fans  des  patrons  ,  ne  pouvoient  ,  fuivaric 
le  droit  natuiel ,  être  cités  en  jugement  par 
leurs  enfans  ou  leurs  afïî-anchis  ,  fans  une 
permilïion  du  juge  ;  autrement  le  deman- 
deur étoit  condamné  à  payer  cinquante  {e{- 
terces. 

Il  falloit  même  ,  fuivant  le  droit  civil  , 
une  fèmblable  permilïion  du  préteur  pour 
cirer  en  jugement  quelque  perfonne  que  ce 
fût  ,  fans  quoi  le  défendeur  avoit  adion  k 
ceTujet  contre  le  demandeur  ;  mais  fi  le  pré- 
teur autorifoit  dans  la  fuite  la  citation  ,  il  n'y 
avoit  plus  d'aûion  contre  le  demandeur. 

La  citation  en  jugement  étoit  quelque  chofê 
de  plus  fort  qu'une  fimple  aâ.ion.  VoycT^  le 
titre  du  dig.  de  in  jus  pocando  ;  le  tréfor  de 
Brederode  ,  au  mot  cnare  ;  Phi  fi.  de  lajurif- 
prud.  rom.  par  M.  Terralfon ,  pp.  S 4-  6"  ^  $• 
Citation  ,  (  Junfp  jeitauiii  un  ajour- 
nement qui  fe  donne  par  un  appariteur  ,  pour 
comparoître  devant  un  juge  d  eglife. 

lu^cications  générales  font  abufives  ;  elk* 

y  2. 


17»  .     Ç  I  T 

doivent  être  libellées,  &  les  caufes  expri- 
mées. 

Un  laïque  cité  devant  un  juge  d'églife ,  pour 
une  caulê  qui  n'eft  pas  de  fa  compétence, 
peut  interjeter  appel   comme  d'abus  de  la 
citation.    Voye^  APPARITEUR    6*  IVG^ 
p'ÉGLISE  ;  Tournet ,  let.  c  y  n.  75.Stok- 
mans ,  décif.   z  i6.  Bibliot.  de  Bouchel  , 
ïiux  mots  appellations  ,  citations  ,  violences ^ 
&  roi  des  ribauds.  Biblioth.  canoniq.tom.  I, 
pag.  ^^O  y  col.  z  ;&  2,6'^  y  col.  z.  Dufail , 
liv.  I  y  chap.  cxcvj.  BafTet ,  tom  I,  liv.  I ,  tit. 
S  y  chap.j.  &  il).  Filleau  ,  IV^ part,  qmvjl. 
49;  le  dixième  plaidoyer  de  Gautier,  tom.  II. 
Les  fujcts  du  roi  ne  peuvent  être  cités  en 
cour  deRome.  Mémoires  du  clergé  y  première 
tdit.  tome ly  part.  / ,  p.  $08. Bouchel ,  au 
mot (:/f3rVc»/2. Tournet ,  let.  c ,  n.  j/^ ,  tomel; 
des  preuves  des  libertés  ,  chap.  ix  yn.8.{A) 
*CITÉ  ,  r.  f.  {Politiq.  )  eft  la  première 
des  grandes   fociétés  de  plufieurs  tamilies , 
où  les  aâfes  de  la  volonté  &  l'ufage  des  forces 
font  réfignés  à  une  perfonne  phyiique  ou  à 
un  être  moral  ,  pour  la  fureté  ,  la  tranquillité 
intérieure  &  extérieure ,  &  tous  les  autres 
avantages  de  la  vie.  Voye^  SOCIÉTÉ  &  FA- 
MILLE. La  perfonne  phyfique  ,  ou  l'être  mo- 
ral dépofitaire  des  volontés  &  des  forces  ,  ell 
iWtc  commander  ;  les  perfonnes  qui  ont  réli- 
gné  leurs  volontés  &  leurs  forces  ,  (ont  dites 
^ohéir.  L'idée  de  cité  (iippofc  donc  le  rapport 
d'une  perfonne  phyfique  ou  d'un  être  moral 
public  qui  veutfeul  ,  à  des  êtres  ph)^ques 
privés  qui  nom  plus  de  volonté.  Toute  cité^i 
deux  origines  ,  lune  philolôphique  ,   l'autre 
hiftorique.  Quant  à  la  première  de  ces  ori- 
gines ,  il  y  en  a  qui  prétendent  que  l'homme 
eft  porté  par  fa  nature  à  former .  des  cités  ou 
fociétés  civiles  ;  que  les  familles  tendent  à  fe 
réunir  ,  c'crt-à-dire  à  réfigner  leurs  forces  & 
leurs  volontés  à  une  perfonne  phyfique  y  ou  à 
un  être  moral  :  ce  qui  peut  être  vrai  ,  mais 
ce  qui  n'eft  pas  facile  à  prouver.  D'autres  la 
déduifent  de  la  néceflité  d'une  fociété  civile 
povrr    h.  formation    &    la  fubfiftance  des 
moindres  fociétés  ,  la  conjugale  ,  la  pater- 
nelle ,  &  l'hérile  ;  ce  qui  eft  démontré  faux 
par  l'exemple  d*s  patriarches  qui  vivoient  en 
tamilles  libres  &  féparées.  Il  y  en  a  qui  ont 
recours  ou   à  l'indigence  de  la  nature  hu- 
itaine ,   ou  à  fa  crainte  <iu   mal  ,  ou  -A  un 
«ppétit  violcat  <ies  commodités  de  la  vie  , 


C  I  T 

ou  même  à  la  débauche  ;    ce  qui  fufîiroit 
bien  pour  rafîèmbler  les  familles  en  fociété 
civile  ,  &  pour  les  y  maintenir.  La  première 
ville  ou  c/Vf'fijt  conitruite  par  Caïn.  Nemrod, 
qui  tut  méchant ,  &  qui  aficda  un  des  pre- 
miers la  fouveraineté ,  fut  auffi  un  fondateur 
ào.  cités.  Nous  voyons  naître  &  s'accroître  la 
corruption  &  les  vices  ,    avec  la  naiflance 
&  faccroiiïèment  des  cités.   L'hiftoire  &  la 
philofophie   font  donc   d'accord  fur  leurs 
origines.  Quelles  que  foient  les  loix  de  Incité 
où  l'on  s'en  retiré  ,  il  faut  les  connoître  ,  s'y 
foumettre  ,    &  les  défendre.  Quand  on  le 
repréfente  en  efprit  des  familles  s'affemblant 
pour  former  une  cité ,  on  ne  conçoit  entre 
elles  que  de  l'égaHté.  Quand  on  fe  les  repré- 
fente aflemblées  ,  &  que  la  réfignation  des- 
volontés &  des  forces  s'ell  faite, ,  on  conçoit 
de  la  fubordination  ,    non-feulement  entre 
les  familles  ,  mais  entre  les  individus.  Il  faut 
faire  le  même  raifonnement  par  rapport  aux 
cités  entre  elles.  Quand  on  fe  repréfente  en 
efprit  les  cités  ifolées  ,  on  ne  conçoit  que  de 
l'égalité  entre  elles  ;  quand  on  fêles  repréfente 
réunies ,  on  conçoit  la  formation  des  empires 
&  la  fubordination  des  cités  ,  foit  entr'^elics  , 
foit  à  quelque  perfonne  phj^fique  ,  ou  à  quel- 
que êtremoral.  Que  n'en  peut-on  dire  au- 
tant des  empires  !   Mais  c'eft  par  cela  même 
qu'il  ne  s'eft  point  formé  de  combinaison  des 
empires ,  que  les  fouverains  abfolus  reftent 
égaux  ,  &  vivent  feuls  indépendans  &  dans 
l'état  de  nature.  Le  confentementqui  afïure  ,, 
ibit  la  fubordination  des  familles  dans  une 
cité  ,   foit  celle  des  cités  dans  un  empire  ,  L 
une  perfonne  phyfique  ,   ou  à  un  être  mo- 
ral ,  ell  démontré  par  le  fait  ;  &  celui  qui 
trouble  l'ordre  des  familles  dans  la  cité  efl. 
mauvais  citoyen  ;  &  celui  qui  trouble  l'ordre 
des  cités  dans  l'empire  eft  mauvais  fujet  ;  &c 
celui  qui  trouble  l'ordre  des  empires  dans, 
le  monde  ,  eft  mauvais  fouverain.  Dans  utt 
état  bien  ordonné ,  une  cite'  peut  être  regar- 
dée comme  une  feule  perfonne  ,  &  la  réunion 
des  cités  comme  une    lèule  perfonne  ,  & 
cette  dernière  perfonne  comme  foumife  à  une 
autorité  qui  réfide  dans  un  individu  phyfique , 
ou  dans  un  être  moral  fouvera-n ,  à  qui  il  ap- 
partient de  veiller  au  bien  des  cités  en  gé- 
néral &  en  particulier. 

Le  mot  cité  défignoit  anciennement  un. 
état    ,.     un     peuple,     avec      toutes    les 


C  I  T 

dépendances,  une  république  particulière. 
Ce  nom  ne  convient  plus  guère  aujourd'hui 
qu'à  quelques  villes  d'Allemagne  ou  àcs 
cantons  Suiiîes. 

Quoique  les  Gaulois  ne  fuflent  qu'une 
même  nation  ,  ils  étoient  pourtant  divifës 
0n  plufieurs  peuples ,  formant  prefqu'autant 
d'états  réparés ,  que  CéHir  appelle  cités ,  ciiù- 
tates.  Outre  que  chaque  cité  avoit  Tes  aflem- 
blées  propres ,  elle  envoyoit  encore  des  dé- 
putés à  ÔlQS  aifemblées  générales  ,  où  l'on 
difcutoit  les  intérêts  de  plufieurs  cantons. 
Mais  la  cite\  ou  métropole  ,  ou  capitale  ,  où 
fe  tenoit  l'aflemblée  ,  s'appelloit  par  excel- 
lence cii'itas.  Les  Latins  difoient  civitas 
JEdaorum  y  civitas  Lingonum  ,  cii'itas  Se- 
nonum  ;  &  c'eft  fous  ces  noms  qu'Autun  , 
Langres  &  Sens  font  défignées  dans  l'itiné- 
raire d'Antonin. 

Dans  la  (ùite  on  n'appella  cité  que  les 
villes  épifcopales  ;  cette  diltindion  nefubfifle 
plus  guère  qu'en  Angleterre  ,  où  le  nom  de 
cité  n'a  été  connu  que  depuis  la  conquête  ; 
avant  cette  époque ,  toutes  les  villes  s'appel- 
loient  bourgs.  Chafîane  ,  fur  la  coutume  de 
Bourgogne,  dit  que  la  France  a  104  cités , 
&  il  en  donne  pour  raifon  qu'elle  a  104  tant 
évêchés  qu'archevêchés.  Quand  une  ville 
s'efî  agrandie  avec  le  temps ,  on  donne  le 
nom  à.Qcité  à.  l'efpace  qu'elle  occupoit  pri- 
mitivement ;  ainfi  il  y  a  à  Paris  la  cité  & 
l'univcrfité  ;  à  Londres  ,  la  cité  &  les  faux- 
Ibourgs  ;  &  à  Prague  &  à  Cracovie ,  où  la 
ville  eft  divifëe  en  trois  parties  ,  la  plus  an- 
cienne s'appelle  cité.  Le  nom  de  cité  n'eft 
plus  guère  d'ufage  parmi  nous  qu'en  ce  der- 
nier fens  ;  on  dit  en  toute  autre  occafion,  ou 
ville  ,  ou  fauxbourg ,  ou  bourg ,  ou  pillage. 
'yoje'[  ces  articles. 

Cité  {Droit de  )  ,  Jurifprud.  eft  la  qua- 
lité de  citoyen  ou  bourgeois  d'une  ville  ,  &  le 
droit  de  participer  aux  privilèges  qui  font 
communs  à  tous  les  citoyens  de  cette  ville. 
Chez  les  Romains,  le  droit  àtcité^  c'eft- 
à-dire  la  qualité  de  citoyen  romain  ,  fut  con- 
fidéré  comme  un  titre  d'honneur  ,  &  devint 
un  objet  d'émulation  pour  les  peuples  voifms 
qui  tîîchoient  de  l'obtenir. 

Il  n'y  eut  d'abord  que  ceux  qui  ëtoient 
réellement  habitans  de  Rome  qui  jouirent 
du  titre  &  des  privilèges  de  citoyens  ro- 
mains. Romulus  communiqua  le   droit  de 


CIT  ,75 

cité  aux  peuples  qu'il  avoit  vainais  ,  qu'il 
amena  à  Rome.  Ses  fuccefîeurs  firent  la  même 
chofè  ,  jufqu'  à  ce  que  la  ville  étant  affez  peu- 
plée ,  on  permit  aux  peuples  vaincus  de  refter 
chacun  dans  leur  ville  ;  &  cependant  pour 
les  attacher  plus  fortement  aux  Romains  ,  on 
leur  accorda  le  droit  de  aVou  de  bourgeoi- 
fie  romaine ,  enforte  qu'il  y  eut  alors  deux  for- 
tes de  citoyens  romains  ;  les  uns  qui  étoient 
habitans  de  Rome  ,  &  que  l'on  appelloitc/Wj 
ingenui  ;  les  autres  qui  demeuroient  dans 
d'autres  villes  ,  que  l'on  appeiloit  municipes. 
Les  confuls  &  enfuite  les  empereurs  ,  com- 
muniquèrent les  droits  de  cité  à  différentes 
villes  &  à  difiérens  peuples  foumis  à  leur 
domination. 

La  Loi  7  »  au  code  de  incolis  ,  porte  que 
le  domicile  de  quelqu'un  dans  un  endroit  ne 
lui  attribue  que  la  quahté  d'habitant ,  mais 
que  celle  de  citoyen  s'acquiert  par  la  naif^ 
fance  y  par  l'atFranchifïèment ,  par  l'adop- 
tion ,  &  par  l'élévation  à  quelque  place  ho- 
norable. 

Les  droits  de  cité  confiftoient  chez  lej 
Romains  y  1°.  à  jouir  de  la  liberté  ;  un 
eklave  ne  pouvoir  être  citoyen  romain  ,  & 
le  citoyen  romain  qui  tomboit  dans  l'efcla- 
vage  ,  perdoit  les  droits  de  cité  :  2*.  les  ci- 
toyens romains  n'étoient  point  foumis  à  la 
puifTance  des  magillrats  en  matière  crimi- 
nelle ;  ils  arrètoient  leurs  pourfuites  en  difanc 
cipis  romanusfum  ;  ce  qui  riroit  fon  origine 
de  la  loi  des  douze  tables  y  qui  avoit  ordonné 
qu'on  ne  pourroit  décider  de  la  vie  &  de  l'état 
d'un  ciK)yen  romain ,  que  dans  les  comices 
par  centuries  :  3**.  ils  avoient  le  droit  de 
fufîrage  dans  les  affaires  de  la  république  : 
4°.  ils  étoient  les  feuls  qui  eufîènt  fur  leurs 
enfansia  puifîânce  telle  que  les  loix  romaines 
la  donnent  :  5®.  ils  étoient  aufîi  les  ieuls  qui 
pufTent  exercer  le  facerdoce  &  la  magiflra- 
ture ,  &  avoient  plufieurs  autres  privilèges» 
Le  droit  de  aVfe  perdoit,  1°.  en  fè  fai- 
fam  recevoir  citoyen  d'une  autre  ville  ;  2°.  en 
commettant  quelque  aâion  indigne  d'un 
citoyen  romain  ,  pour  laquelle  on  encouroit 
la  grande  dégradation  appellée  maxima  ca^ 
pitis  diminutio  ,  qui  ôtoit  tout  à  fa  fois  le 
droit  de  c/V  &  la  liberté;  3°.  la  moyenne 
dégradation  ,  appellée  média  capitis  dimi" 
nutio ,  ôtoit  auffi  le  droit  de  cité  :  telle  étoit 
la  peine  de  ceux  qui  ëtoient  ef]&cés  du  t^ 


174  ^   ^   "^^ 

des  citoyens  romains ,  pour  s'être  fait  infcrire 
fiir  le  rôle  d'une  autre  ville  ;  ceux  qui  étoient 
exilés  ou  relégués  dans  une  île ,  foufiroient 
aufll  cette  moyenr>e  dégradation  ,  &  con- 
fequemment  perdoient  les  droits  de  cité. 
V.  rhifl.  de  lajurifp.  rom.parM-  Terrafîbn. 
Parmi  nous  il  n'y  a  que  la  naiflance  ou  les 
lettre?  du  prince  qui  atfribuent  les  droits  de 
cité.  On  confond  quelquefois  le  droit  de  cité 
avec  celui  de  bourgeoifie  ;  cependant  le  droit 
de  citétû  plus  étendu  que  celui  de  bourgeoi- 
fie ,  il  comprend  auiii  quelquefois  l'incolat , 
&  même  tous  les  t&ts  civils. 

En  effet ,  celui  qui  eft  banni  d'un  lieu  ne 
perd  pas  feulement  le  droit  de  bourgeoifie  ,  il 
perd  abfolument  les  droits  de  cité ,  c'efl-à- 
dire  tous  les  privilèges  accordés  auxhabitans 
du  lieu  ;  &  fi  le  banniffemcnt  efl  hors  du 
royaume ,  il  perd  tous  les  ç^qis  civils. 

On  peut  perdre  les  droits  de  cité  fans  per- 
dre la  liberté ,  comme  il  arrive  dans  celui  qu; 
eft  banni  ;  mais  la  perte  de  la  liberté  emporte 
toujours  la  perte  des  droits  de  cité,  voye^ 
Furgole  ,  ces  teflamens ,  tome  I , page  z^8. 
Dunod ,  traité  de  la  main-morte ,  p.  j^  ,  au 
mot  Bourgeoisie.  {A) 

CITEAUX  ou  CiSTEAUX  ,  (  Hifl.  des 
ordres  relig.)C ijleriumou  Cijhricum,  Cifiel- 
lence  monaperium  ,  célèbre  abbaye  ,  chef 
d'ordre  en  Bourgogne  ,  dans  le  Dijonois  , 
diocefe  de  Châions ,  bailliage  de  Nuits ,  fon- 
dée par  faint  Robert  ,  abbé  de  Moleme , 
des  libéralités  de  Raynal ,  vicomte  de  Beau- 
ne  ,  &  d'Eudes  ,  duc  de  Bourgogne. 

Cet  ordre  a  donné  quatre  papes  à  l'églife ,  \ 
Eugène  III ,  Grégoire  VIII ,  Céleflin  IV  , 
Benoît  XII,  &  quantité  de  cardinaux  & 
de  prélats. 


L'abbé  de  Citeaux  a  la  jurifdidion  ordi- 
naire fur  les  quatre  premières  abbayes  appel- 
lées  fes  quatre  filles ,  qui  font  la  ferté-fiir- 
Grone  dans  le  diocefe  de  Chàlons  ;  Ponrigni 
dans  celui  d'Auxerre  ;  Clairvaux  &  Mori- 
montdans  celui  de  Langres.Les  quatre  abbés 
font  les  premiers  pères  de  l'ordre. 

L'abbé  de  Citeaux  eft  le  chef  &  lûpérieur 
général  de  tous  les  monafleres  de  fon  ordre , 
qui  étoient ,  avant  la  prétendue  réforme  , 
au  nombre  de  1800  d'hommes  &  de  1400 
de  filles,  &  auffi  des  ordres  militaires  de 
Calatrava,  d'Alcantara  ,  &  de  Monteze  en 
Elp^gnc  ,  d'Avis^  de  Çhrifî  çn  Portugal.  ' 


CI  T 

Il  a  droit  de  convoquer  le  chapitre  général 
de  fon  ordre  à  Citeaux  :  il  y  prélide ,  &  dans 
l'intervalle  il  en  a  tout  le  pouvoir.  Il  efl  con- 
ieiller  né  du  parlement  de  Bourgogne. 

La  bibliothèque  renferme  plufieurs  ma- 
nu fcrits  précieux  ,  celui  entr'autres  d'une 
Bihle  portée  au  concile  de  Trente  par  l'abbé 
Louis  de  Belfey  ,  qui  fervit  à  en  donner  une 
bonne  édition. 

L'églife  ,  très-belle  ,  efl  ornée  de  tom- 
beaux d'éveques ,  d'abbés ,  de  grands  fei- 
gneurs.  On  difîingue  ceux  de  Gui  de  Ro- 
chefors ,  chancelier  de  France  fous  Charles 
VIII  &  Louis  XII;  de  Philippe  Pol ,  gou- 
verneur de  Bourgogne  ;  de  quatre  fires  de 
Vergi ,  de  deux  Seigneurs  de  Mont-Saint- 
Jean  ,  trois  de  Vienne.  Sous  le  portail  on 
voit  le  tombeau  du  fondateur  de  l'abbaye  & 
des  autres  ducs  de  la  première  race  fes  fuc-. 
cefîeurs  ;  enfin  on  compte  trente  princes  ou 
princefïes  de  Bourgogne  inhumés  à  Citeaux.. 
Le  cœur  du  p?ipe  Calixte  II ,  mort  en  1126  ^ 
eff  derrière  1  autel. 

Alain ,  lurnommé  le  docteur  univerfel ,  fut 
inhumé  à  Citeaux  en  1294. 

Innocent  IV ,  n'étant  que    cardinal    de 
Fiefque ,  fut  l'ami  de  l'empereur  Frédéric  ; 
devenu  pape,  il  fiit  fon  mortel  ennemi,  & 
fiiivit  les  traces  de  l'orgueilleux  Grégoire  IX;. 
obligé  de  fuir  la  colqre  de  l'empereur,  il  fe 
retira  à  Gènes  fa  patrie  :  étant  averti  que  le 
roi  làint  Louis  devoit  le  rendre  â  Citeaux , 
ce  pape  écrivit  au  chapitre  général  une  lettre 
étudiée  ,  par  laquelle  il  prioit  tous  les  abbés 
qui  s'y  trou  voient  de  conjurer  le  roi  à  mains 
jointes  &  à  genoux  ,  de  le  prendre  ^  fuivant 
l'ancienflc  coutume  de  France,  fous  fa  pro- 
tedion,  &  de  le  défendre  contre  Frédiric 
qu'il  nommoit  fils  de  fatan  :  de  plus  il  leur 
infinuoit  qu'ils  lui  feroient  plaiiir  ,  s'ils   en- 
gageoient  le  roi  a  le  recevoir  dans  {ts  états. 
Louis  s'avançoit  en  effet  vers    Citeaux. 
Tous  les  abbés  &  la  communauté ,  qui  éroit 
de  5^9  moines,  ayant  appris  fon  arrivée, 
allèrent  proceffionnellement  au-devant  de  lui 
pour  le  recevoir  &  le  conduire  à  leur  monaf- 
tere.  Le  roi  ayant  été  introduit  dans  le  cha- 
pitre ,  après  s'y  être  afiis  au  milieu  des  abbés 
&  des  feigneurs  ,  fe  recommanda  aux  priè- 
res des  religieux  ;  alors  tous  à  genoux ,  les 
mains  jointes  &  avec  larmes,  lui  firent  la 
prière  que  le  pape  kur  avoit  prefcpite. 


C  I  T 

le  roi  s'étant  mis  à  genoux  devant  eux 
(  que  les  i-ois  font  grands  iorfque  la  piété  les 
'  engage  à  le  rabaifler  !  )  ,  leur  dit  :  >>  Si  je 
puis  fans  blei'ier  l'honneur  de  ma  dignité ,  me 
prêter  à  ce  que  vous  me  demandez  ,  je  dé- 
fendrai le  pape  coritre  l'empereur  Frédéric  , 
&  je  lui  donnerai  même  ,  pendant  fon  exil , 
un  afyle  dans  mes  états  ,  pourvu  que  mes 
barons  me  le  confeillent ,  parce  qu'un  roi  de 
"  France  ne  peut  fe  diipenler  de  luivre  leurs 
avis   ».  (  Parole   remarquable.  ) 

Louis  aflfembla  donc  les  feigneurs  de  fon 
royaume  pour  les  confulter  :  ceux-ci  bien 
^convaincus  que  la  cour  de  Rome  efl  toujours 
à  charge  à  fes  hôtes,  répondirent  qu'ils  ne 
foufFriroient  point  que  le  pape  vînt  s'établir 
dans  le  royaume.  C'eft  ainli  que  fous  le  gou- 
vernement d'un  prince  jeune  &  pieux ,  la 
fagefîê  &  la  prudence  vigilante  des  grands., 
conferve  au  roi  la  fplendcur  de  la  majeiîé 
fans  aucun  mélange  de  l'éclat  d'une  puiflance 
étrangère,  &  aflbre  à  l'état  fa  tranquillité. 

Conformément  à  l'avis  des  lèigneurs  ,  le 
roi  fit  entendre  au  pape  qu'il  ne  devoit  pas 
compter  fur  la  France.  Tout  le  monde  crai- 
gnoit  de  le  pofîéder  ;  il  avoit  auffi  demandé 
en  même  temps  au  roi  d'Aragon  la  permif- 
fion  de  venir  en  (es  états  :  cette  permilîion 
lui  fut  également  refufée  :  dans  fon  embar- 
'ras  ,  le  pape  fongea  à  l'Angleterre  ,  où  il  ne 
fut  pas  plus  heureux  :  »  J3ieu  nous  garde  de 
la  préfence  du  pape ,  répondirent  les  barons , 
il  ne  viendroit  lui-même  que  pour  piller  les 
biens  de  l'églife  &  du  royaume,  w 

On  raconte  que  le  pontife  s'écria  dans  un 
tranfport  de  colère  :  »  Il  fiut  venir  à  bout 
"de  l'empereur ,  ou  nous  accommoder  avec 
lui  ;  après  avoir  écrafé  ou  adouci  ce  grand 
dragon  ,  nous  foulerons  aux  pies  fans  crainte 
les  petits  ferpens.  n 

Ainiî  Innocent ,  refufé  par-tout ,  fe  déter- 
mina à  venir  à  Lyon ,  ville  neutre ,  dont 
l'archevêque  étoit  feigneur  :  c'eft  là  où  il 
tint  un  grand  concile,  où  il  excommunia 
Frédéric  ;  coup  d'éclat  qui  eut  de  terribles 
fuites.  Hiftoire  des  entreprifts  du  clergé  ^ 
féconde  partie^  page    zo,    l?-)   ^7^7- 

Boileau ,  étant  à  la'  (l/ite  de  Louis  XIV  , 
au  voyage  que  ce  prince  fit  à  Strasbourg  , 
paflà  à  Citeaux ,  où  les  moines  le  reçurent 
avec  beaucoup  de  diftindion.  Quand  ils  lui 
çuieat  fait  voir  leur  couvent  /Tua  d'eux  lui 


GIT  .75 

demanda  qu'il  leur  montrât  donc  le  lieu  oi\ 
logeoit  la  mollefîe ,  comme  il  l'avoit  avancé 
dans  fon  lutrin. 

»  Montrez-la  moi  vous-mêmes  ,  mes 
pères ,  leur  répondit-il  en  riant ,  car  c'eft 
vous  qui  la  tenez  cachée  avec  grand  foin.  « 
Récréât,  lut.  Lyon  ,  1765  ,  en  4  vol.  in-fol. 

On  voit  à  Citeaux  une  bible  corrigée  par 
les  foins  de  St.  Etienne  troifieme  abbé , 
précieux  monument  du  zèle  que  ce  St.  abbé 
avoit ,  afin  que  les  religieux  puifaflent  la 
fcience  du  falut  dans  les  fources  les  plus 
pures.  Cet  exemplaire  corrigé  de  la  bible  ell 
de  1109.  Il  aflembla  les  abbés  &  prieurs 
de  l'ordre  en  11 19.  (  déjà   12  abbayes.  ) 

C'eil  le  fécond  chapitre  général.  II  y 
forma  des  ftatuts  appelles  Chanacharitatis  ^ 
approuvés  par  une  bulle  du  pape  Calixtc  II , 
datée  de  Saulieu  en  11 19.  Avant  {a  mort, 
arrivée  en  1134,  il  établit  100  monaileres, 
13  par  Çts  mains  ,  le  refte  par  celles  de  (ts 
difciples.  Il  choifit ,  avec  le  chapitre ,  Gui 
pour  lui  lùccéder  :  c'étoit  un  hypocrite  qui 
fut  dépofé  un  mois  après  ,  &  Rainauld  , 
difciple  de  faint  Bernard ,  mis  à  fa  place. 

La  Charte  de  charité  elî  un  ouvrage  digne 
de  la  piété  de  faint  Etienne  &  des  premiers 
abbés  de  Citeaux.  Cet  écrit  ne  refpire  que  la 
charité ,  prefcrit  les  moyens  de  la  conferver, 
&  réunit  entr'eux  tous  les  monafleres  pour 
n'en  faire  qu'un  corps  fous  un  même  chef. 

Le  chapitre  ,  compofé  de  10  abbés  , 
approuva  cette  charte  de 30  articles ,  adreffée 
à  tous  les  abbés.  En  1226  il  y  avoit  déjà, 
plus  de  éo  abbayes  en  France ,  puilque  Louis 
VIII ,  dans  fon  teftament ,  fait  des  legs  à  60 
maifons  de  l'ordre  de  Citeaux. 

Je  me  fouviens  ,  dit  l'abbé  d'Olivet  dans 
une  lettre  de  1732 ,  à  M.  le  préfid.  Bouhier , 
d'avoir  lu  que  l'ordre  de  Citeaux ,  alîemblé 
capitulairement  au  XIV ^  fiecle ,  fit  un  ftatut , 
par  lequel  il  fut  ordonné  que  ,  vu  le  grand 
nombre  de  leurs  religieux  qui  avoient  été  'mÇ- 
crits  au  catalogue  des  faints ,  ils  n'en  feroient 
plus  canonifer,  &  cela  :  Ne  multitudine fancli 
vdefcerent  in  or dine. Préface  de  la  viedupere 
Vincent  Caraffe,  imprimée  àLyonen  1^52. 
«  C'efipar  le  même  motif,  obferve  l'abbé 
à&s  Fontaines  ,  Tome  V  de  fes  jugemens  y 
page  zj^  ,  qu'un  faint  fut  lùpplié  autrefois 
en  Italie  de  ne  plus  faire  des  miracles.  » 

rojei  Réforme. 


17^  C  I  T 

CITER,  {Jurif.)  c'efl  afllgner  quelqu'un 
devant  un  juge  d'églife.  voyei^  ci-dej-'ant 
Citation.  {A) 

CITERNE  ,  f.  f.  {Arch,  )  rëfervoir  fou- 
terrain  d'eau  de  pluie  fait  par  art  pour  les  di- 
vers befoins  de  la  vie.  On  ne  fauroit  s'en  paf^ 
fer  dans  plujlieurs  pays  maritimes  ,  dans  plu- 
fieurs  endroits  de  l'Afîe  ,  &  d'autres  parties 
du  monde.  Comme  l'eau  de  toute  la  Hollande 
efl  faumache,  toutes  les  maifons  ont  des 
citernes ,  &  il  y  en  a  qui  font  conflfuites 
avec  ur)i  foin  ,  un  goût  &  une  propreté  admi- 
rables, ^îais  on  dit  que  la  plus  belle  citerne 
qu'il  y  ait  au  monde ,  fe  trouve  à  Conftanti- 
nople.  Les  voûtes  de  cette  citerne  portent  fur 
deux  rangs  de  2. 1 2.  piliers  chacun  ;  ces  piliers , 
qui  ont  deux  pies  de  diamètre ,  font  plantés 
circulairement ,  &  en  rayons  qui  tendent  à 
celui  qui  eft  au  centre. 

Ainfi  un  des  plus  grands  avantages  qu'on 
puifîê  tirer  de  l'eau  de  pluie ,  c'eft  de  la  ra- 
maffer  dans  des  réfervoirs  fouterrains  qu'on 
appelle  citerne  ,  où  quand  elle  a  été  purifiée 
en  pafïant  au  travers  du  fable  de  rivière  ,  elle 
fe  conferve  plufieurs  années  (ans  fe  corrom- 
pre. Cette  eau  eft  ordinairement  la  meilleure 
de  toutes  celles  dont  on  peut  ufer,  folt  pour 
boire,  foitpour  l'employer  à  plufieurs  ufages, 
comme  pour  le  blanchilTage  &  pour  les  tein- 
tures ,  parce  qu'elle  n'ert  point  mêlée  d'aucun 
fel  delà  terre  ,  comme  font  prefque  toutes  les 
eaux  des  fpntaines,  &  même  les  plus  ef  Hmées. 

Ces  citernes  font  d'une  très-grande  utilité 
dans  les  lieux  où  l'on  n'a  point  d'eau  de  four- 
ce,  ou  bien  lorfque  toutes  les  eaux  de  puits 
font  mauvaifes. 

Dans  ce  cas ,  ceux  qui  font  curieux  d'avoir 
de  bonne  eau  ,  obfervent  foigneufement  de 
ne  laifTer  point  entrer  l'eau  des  neiges  fon- 
dues dans  la  cite  nie  y  ni  celle  des  pluies  d'ora- 
ges. Pour  ce  qui  eft  des  neiges  fondues ,  on 
a  quelque  raifon  de  les  exclure  àss  citernes  y 
non  pas  à  caufe  des  (els  qu'on  s'imagine  qui 
font  enfermés  &  mêlés  avec  les  particules  de 
la  neige  ,  mais  feulement  parce  que  ces  neiges 
demeurent  ordinairement  plufieurs  jours  ,  & 
quelquefois  des  mois  entiers  fur  Içs  toits  des 
maifons ,  où  elles  fe  corrompent  par  la  fiente 
des  oifcaux  &  des  animaux  ,  &  plus  encore 
par  le  féjour  qu'elles  font  fur  les  tuiles  y  qui 
font  ordinairement  fort  fales. 
Cependant  les  HoUandois  parent  i  ces 


C  I  T 

deux  derniers  inconvéniens ,  en  entretenant 
leurs  toits  avec  propreté  ,  en  en  éloignant  les 
animaux ,  &  en  filtrant  leur  eau  par  des 
pierres  ou  des  fontaines  fablées. 

Ce  feroit  ici  le  lieu  de  parler  de  la  conflruc- 
tion  de  leurs  citernes  ,  de  leur  maçonnerie , 
de  leur  revêtement  de  marbre ,  de  leur  cou- 
verture ,  de  leur  propreté ,  du  choix  des 
matériaux  qu'ils  y  emploient  :  car  ce  n'efl 
pas  afïêz  pour  former  une  citerne  ,  que  d'a- 
voir un  lieu  qui  tienne  bien  l'eau  ,  que  les 
pierres  &  le  mortier  dont  elles  font  jointes 
ne  puilTent  communiquer  aucune  qualité  à 
cette  eau  qui  y  léjourne  pendant  un  temps 
confidérable  ;  il  faut  encore  de  l'art  dans  la 
forme ,  dans  lallrudure ,  dans  lestondemens 
d'une  bonne  citerne  ;  mais  ce  détail  me  me- 
neroittrop  loin  ,  &  feroit  prefque  inintelligi- 
ble   fans  les  figures. 

Comme  toutefois  ce  n'eft  pas  feulement 
dans  des  pays  tels  que  la  Hollande  que  Ïqs 
citernes  font  néceffaires  ;  qu'il  y  a  quantité 
de  villes,  de  lieux  ,  de  châteaux  dans  toute 
l'Europe  ,  &  dans  ce  royaume ,  où  des  ci- 
ternes feroient  d'une  très-grande  utilité  ;  que 
d'ailleurs  l'on  ne  peut  douter  par  toutes  les 
épreuves  qu'on  a  faites  ,  que  l'eau  de  la  pluie 
qui  a  été  purifiée  dans  du  fable  de  rivière , 
ne  foit  la  meilleure  de  foutes  celles  qu'on 
puiffe  employer  :  M.  de  la  Hire  a  imaginé , 
&  a  communiqué  au  public  (  mem.  de  Vacad. 
des  Sciences  ,  z  705.  )  les  moyens  fuivans , 
pour  pratiquer  en  tout  ^^ysd^s  citernes  qui 
fourniroient  à  chaque  maifon  afîez  d'eau 
pour  l'ufage  &  \ts  befoins  de  ceux  qui  y 
demeurent. 

Premièrement ,  il  eft  certain  qu'une  mai- 
fon ordinaire  qui  auroit  en  fuperficic  40 
toiÇts ,  lefquelles  feroient  couvertes  de  toits  , 
peut  ramaffer  chaque  année  2,160  pies  cubi- 
ques d'eau,  en  prenant  feulement  18  pouces 
pour  la  hauteur  de  ce  qu'il  en  tombe ,  qui  eft 
la  moindre  hauteur  que  l'on  obferve  com- 
munément. Mais  ces  2160  pies  cubiques 
valent  75600  pintes  d'eau  ^  à  raifon  de  3Ç 
pintes  par  pié,  qui  eft  la  jufte  mefure  pour 
la  pinte  de  Paris.  Si  l'on  divife  donc  cp 
nombre  de  pintes  par  les  365  jours  de  l'année, 
on  trouvera  2.00  pintes  par  jour.  On  voit 
par-là  que  quand  il  y  auroit  dans  une  mai- 
Ibn  ,  comme  celle  qu'on  fuppofe  ,  vingt- 
cinq  perfonnes,  elles  auroient  huit  pintes 
-  d'eail 


C  ï  T 

tTcau  cKacune  à  dépenfèr  ,   ce  qui  eft  plus 
que  (uliîlknt  pour  tous  les  ufages  de  la  vie. 

Il  ne  faut  pas  négliger  un  avis  de  M.  de 
la  Hire  ,  fur  le  lieu  &  lur  la  manière  de  conf- 
çruire  ces  iortes  de  citernes  dans  les  mailbns 
particulières.  On  voit  dans  pluliCiin;  villes 
de  Flandre,  vers  les  bords  de  la  mer,  où 
toutes  les  eaux  des  puits  font  ialees  &  anie- 
res  ,  à  caule.  que  le  terrain  n*eft  qu'un  iable 
léger  au  travers  duquel  l'eau  de  la  mer  ne  fe 
purifie  pas  ,  que  l'on  fait  des  citernes  dans 
chaque  maifon  pour  fon  ufage  particulier. 
Ces  citernes  ont  lans  doute  de  grands  avan- 
tages ,  &  elles  font  enterrées.  Ce  font  des 
elpeces  de  caveaux  où  l'eau  fe  conferve  mieux 
qu'à  l'air  ;  car  il  eil  vrai  que  l'eau  ,  &  fur- 
tout  celle  de  pluie ,  ne  le  confervepas  àl  air , 
à  cauie  du  limon  dont  elle  efl  remplie  , 
qu'elle  ne  dépofe  pas  entièrement  en  pafî'ant 
par  le  fable  ;  qu'elle  le  corrompt ,  &  qu'il 
s'y  engendre  une  efpece  de  moullè  verte 
qui  la  couvre  entièrement. 

C'eli:  pourquoi  M.  de  la  Hire  voudroit 
qu'on  pratiquât  dans  chaque  maifon  un  petit 
lieu  dont  le  plancher  feroit  élevé  au-defîùs 
du  rez-de-chaufTée  de  6  pies  environ  :  que 
ce  heu  n'eût  tout  au  plus  que  la  quarantième 
ou  cinquantième  partie  de  la  fuperficie  de  la 
maifon  ,  ce  qui  feroit  dans  notre  exemple 
d'une  toife  à-peu-près.  Ce  lieu  pourroit  être 
élevé  de  huit  à  dix  pies ,  &  bien  voûté  ,  avec 
des  murs  fort  épais.  Ce  feroit  dans  ce  lieu 
que  l'on  placeroit  un  réfervoir  de  plomb  , 
qui  recevroit  toute  l'eau  de  pluie  après  qu'elle  ' 
auroit  pafTé  au  travers  du  fable.  Il  ne  fou- 
droit  à  ce  lieu  qu'une  très-petite  porte  bien 
èpaifïè  ,  &  bien  garnie  de  nattes  de  paille  , 
pour  empêcher  que  la  gelée  ne  pût  pénétrer 
jufqu'à  l'eau.  Par  ce  moyen  on  pourroit  dif- 
tribuer  facilement  de  très-bonne  eau  dans 
les  cuifines  &  les  lavoirs.  Cette  eau  étant 
bien  renfermée  ne  fe  corroraproit  pas  plus 
que  fi  elle  étoit  fous  terre  ,  &  iie  geleroit 
jamais.  Son  peu  d'élévation  au-deiîùs  du 
rez-de-chaufî"èe  ferviroit  afiez  à  la  commo- 
dité de  fa  diflribution  dans  tous  les  lieux  du 
logis.  Ce  réfervoir  pourroit  être  placé  dans 
un  endroit  où  il  n'incomraoderoit  pas  par 
fon  humidité ,  autant  que  ceux  d'eau  de  fon- 
taine qui  font  dans  plufieurs  maifbns. 

Enfin  il  y  a  plufieurs  autres  endroits  où 
de  femblables  réfervoirs  artiftement  conf- 
Tome  Vin, 


fruits  fuppléeroicnt  aux  befoins  de  la  vie  , 
par  la  pofition  où  l'on  efl:  de  manquer  d'eau 
&  par  l'éloignement  où  l'on  fe  trouve  des 
fources  &  des  rivières.  Souvent  nous  laifTons 
perdre  les  bienfaits  de  la  nature  ,  faute  d^ 
connoifTances  pour  en  fivoir  tirer  parti.  Art. 
de  M.  le  chevalier  de  Jaucourt. 

CITHARE  , .  f.  f.  (  Hift.  anc.  &  Luth.  ) 
infiniment  ancien  ,  que  quelques  auteurs 
croifnr  avoir  été  le  mên:e  que  la  lyre  à  fept 
ou  neuf  cordes  ;  &  que  d'autres  regardent 
comme  un  inflrument  difterent ,  mais  fans 
en  afiigner  la  ditierence. 

Selon  les  anciens  monumens  &:  les  témoi- 
gnages des  Grecs  &  des  Latins  ,  elle  étoit 
formée  de  deux  côtés  recourbés  ,  «&  imitant 
les  cornes  du  bccut.  Le  bout  des  cornes  ou 
le  haut  écoit  tourné  en  dehors  ,  &  le  btis  ou 
l'origine  des  cornes  ,  en  dedans  ;  le  tnilieu 
ou  la  partie  compriie  entre  les  extrémités 
recourbées ,  s'appelloit  le  hras  ;  les  côtés  ou 
montans  étoient  fycés  fur  une  bafe  creufè  , 
deflinée  à  fortifier  le  fon  des  cordes.  Ils 
étoient  afîèmblés  par  deux  travcrfes  ;  les 
cordes  étoient  attachées  à  la  traverfe  d'en- 
bas ,  d'où  elles  ailoient  f e  rendre  fur  des  che- 
villes placées  à  la  traverfe  d'en-haut.  La  a- 
thare  avoit  une  bafe  plate  &  pouvoit  fe  tenir 
droite  fur  cette  bafe\  c'étoit  Uinffrument  de 
ceux  qui  fe  difputoient  les  prix  dans  les  jeux 
pithiens  ;  ils  s'en  accompagnoient  en  chan- 
tant le  fujet  de  leur  chant ,  donné  par  les 
amphi<9;ions  au  renouvellement  des  fêtes  cé- 
lébrées en  l'hohneur  d'Apollon  ,  &  en  mé- 
moire de  la  défaite  du  ferpent  Pithon.  Il 
étoit  divifé  en  cinq  parties.  La  première  étoit 
un  prélude  de  guerre  ;  la  "féconde,  uiji  com- 
mencement de  combat  ;  la  troifieme ,  un 
combat  ;  la  quatrième ,  un  chant  de  vidoire  ; 
&  la  cinquième  ,  la  mort  de  Pithon  &  lesr 
fifflemens  du  monfîre  expirant.  Il  paroît 
que  la  cithare  &  lef  airs  deftinés  pour  ct^  inf- 
trument ,  font  plus  anciens  que  la  flûte  &  les 
airs  de  flûte.  Les  airs  étoient  en  vers  hexa- 
mètres. Terpandre  plus  ancien  qu'Arch;'- 
loque  ,  joua  de  la  cithare  par  excellence  : 
il  tut  vainqueur  quatre  fois  de  fuite  dans  les 
jeux  pithiques.  Il  y  en  a  qui  prétendent  que 
notre  mot  guitare  '  vient  du  mot  cithare  y 
quoiqu'il  n'y  ait  aucune  reflemblarKe  entra 
ces  iiiflrumens.  voye\  GuiTARE  ,  LyRE, 
1  &  les  mànoires  des  Infcript. 


178  C  I  T 

CITHARÎSTIQUÉ,  f.  f.  (Mw/^î/^-.) 

'genre  de  mufique  &  de  poéfie  ,  approprié  à 
Vaccompagnement  delà  cithare.  Ce  genre, 
dont  Amphion ,  fils  de  Jupiter  &  d'Antiope, 
flit  l'inventeur  ,  prit  depuis  le  nom  de  lyri- 
que. (S) 

CITHAROIDE,(y>A^/:  dsanc.)  chanfon 
qu'on-accompagnoitde  la  cithare,  ou  même 
un  air  propre  ?  cetinftrurr.enr.  {F.  D.  C.  ) 

CITHERON  ,  {Myth.)  roi  de  Flatëe  en 
JBéotie  ,  pafToit  pour  l'homme  le  plus  fage  de 
ion  temps  :  il  trouvi^i  le  moyen  de  réconcilier 
Jupiter  &  Junon.  Cette  dcef^e ,  piquée  de 
quelques  galanteries  de  fon  mari ,  voulut 
rompre  entièrement  avec  lui  par  un  divorce 
public.  Citheron  y  confulté  iùr  les  moyens 
de  faire  revenir  la  déeiîè  ,  confeilla  à  Jupiter 
de  faire  femblant  de  vouloir  s'engager  dans 
vn  nouveau  mariage  ;  le  confeil  fut  fùiri  & 
reuilir  parfaitement.  (  -h  ) 

CÎTIA  ,  f.  m.  {Hit^.  nat.  hot.)  Les  Bra- 
mes appellent  de  ce  nom  ^  de  celui  decnia 
tiuvadi  une  plante  du  Mahbar ,  affez  bien 
gra^»ée,  avec  la  plupart  de  Çqs  détails,  par 
Van-Hheede ,  au  vol.  VIÎT ,  plane.  LIX y 
page  ?  7  7  de  fon  Honus  Malabaricus.  Jean 
Commelin ,  dans  fes  notes  fur  cet  ouvrage  , 
l'appelle  betx  folio  Malabarica  ,  femine 
lappaceo.  Les  habitans  de  Ceylan  la  nom- 
ment uaal-karal  litxbo  ;  c'eft  le  centaurium 
cillare  minus  ,  circece foîiis firmiorihus  fpi- 
catis  florihus  ê  maderafpaian  ,  gravé  en 
p:tit  par  Pîukenet ,  au  n^.  z  delà  planche 
LXXXII  de  fa  pychographiè  ;  le  Rachiar- 
pagophora  de  Vaillant  '  le  blluim  fcandens 
ftuclu  lappaceo  ,  gravé  par  M.  Burmsnn  ,, 
plane.  XVIII  y  n".  2  ;,  de  Ion  Thefanms 
•Zeylanicus  ;  &:  Vaehy  rames  4  lappaeea  y 
caule  fruticcfo  dijfufoyfpicd  interruptajiof- 
culis  lateralibus  utrinque  fafcieulo  fetarum 
ancinato  y  de  M.  Linné ,  dans  fon  Syfiema 
natwûe  y  édit^  2  Zy  impî-imé  en  ^7^7, pag. 

Cette  plante  efl  vivace ,  à  racine  lignetife  , 
de  quatre  lignes  de  diamètre  ,  &  forme  un 
buifîbn  ovoïde  pointu ,  haut  de  trois  pies , 
tme  fois  moins  large ,  à  tige  ramifiée  de  bas 
en  haut  de  branches  oppofées  en  croix ,  cy- 
lindriques ,  verd  -  rougeatres  aux  nœuds  , 
luiiàiues»  aiïcz  ierrées,  écartées  ious  un  angle 
4e  trente,  degrés  au  plus  d'ouverture. 

Ses  feuilles  font  oppoiées  deu:::  ideux  en 


C  I  T 

croix  ,  elliptiques  ,  entières  ,  pointues  au?é 
deux  extrémités  ,  longues  de  trois  à  quatre? 
pouces  ,  prefque  deux  fois  moins  larges, 
aflêz  épaiffes  ,  mais  molles  ,  lilîes  ,  luifantes  , 
rougeatres  d'abord  ,  enfuite  verd-brunes  , 
relevées  des  deux  côtés  d'une  côte  longitu- 
dinale rougefître ,  ramifiée  de  fix  à  huit  paires 
de  nervures  alternes ,  &  portées  prçfqu'hori- 
zontalement  fur  un  pédicule  demi-cyhndri- 
que ,  fix  à  huit  fois  plus  court  qu'elles. 

■Chaque  branche  ell  terminée  par  un  épi  , 
une  à  trois  fois  plus  long  qu'elles ,  portant 
quinze  à  quarante  paquets  de  fleurs  lèflilcs  , 
vcrd-rougeâtres ,  fphériques  ,  de  trois  à  qua- 
tre lignes  de  diamètre  ,  difpofées  d'une  ma- 
nière tort  lâche  fur  toute  fa  longueur  ,  & 
accompagnées  chacune  d'une  écaille  cadu- 
que ,  une  fois  plus  courte  qu'elles ,  chaque 
paquet  ell  compofé  de  trois  fleurs  ouvertes 
en  étoile  de  quatre  lignes  de  diamètre  ; 
lorfqu'il  n'efl  qu'en  bouton  il  efl  d'abord 
rouge  ,  enfuite  verd.    . 

Chaque  fleur  efl  hermaphrodite ,  polypé- 
tale  ,  incomplète ,  a  étamines  réunies  ,  & 
pofée  autour  de  l'ovaire  \  elle  confifle  en  un 
calice  de  fept  à  huit  feuilles  elKptiques  , 
pointues  ,  concaves  ,  vertes  ,  une  fois  plus 
IcTngues  que  liirgzs ,  dont  deux  extérieures 
font  ciliées  de  crochets  en  hameçans  rougea- 
tres ,  fans  corolle  ,  &  en  cinq  étamia es- 
rouges  ,  réunies  par  la  moitié  inférieure  de 
leurs  filets  en  une  membrane  cyhndrique 
qui  environne  &  touche  immédiatement  un 
petit  ovaire  fphéroïde ,  terminé  par  un  flyle 
&  un  fligmate  tronque  ,  velu. 

L'ovaire  en  mûrifîant  devient  une  cap- 
fuie  ov(,ïJe  ,  verdâtre  ,  longue  d'une  ligne 
&:  demie ,  membraneufe  à  une  loge  ,  ne 
s'ouvrant  point  ,  &  contenant  une. feule 
graine  lenticulaire  lifîe,  brun-noire,  luifante, 
attachée  verriciilementaufond  delà  capfùle  ^ 
chaque  caplule  efl  enveloppée  &  cachée  en- 
t  éremcnt  par  k  calice  ,  dont  les  cro/chets 
en  hameçon  font  écartés  ,  de  manière  qu'ils 
form.ent  de  petites  tctes ,  femblables  à  cel- 
les de  la  bardane  ,  lappa  y  &  qui  s'accro- 
chent aux  poils  &  laines  à.QS  animaux  qui 
les  touchent ,  ce  qui  fait  apptller  cette- 
plante  du  nom  de  coufin. 

Culmre.  Le  citia  croit  au  Malabar  &  au 
Sénégal  dans  les  terrr.ins  fablonneux. 

Qualités,  Il  n'a  ni  faveur  j  ni  odeur»  - 


C  I  T 

JJfa^es,  Sa  racine  piiée  dans  le  petit  lait  ' 
s'applique  fur  les  hëmorrhoïdes  :  ia  poudre 
fe  prend  dans  les  coliques  inteflinales. 

Remarques.  Cette  plante  eft  une  efpece 
de  pupal ,  &  doit  former  un  genre  difiércnt 
du  cadelari ,  du  fclierubula  &.  del'ouret  du 
Sénégal  ,  toutes  plantes  que  M;  Linné  a 
confondues  ious  le  nom  <ïachyrantes  ,  nom 
de  nouvelle  fabrique ,  qui  n^^  s'entend  gutre , 
mais  par  lequel  cet  auteur  a  voulu  défigner 
une  plante  pailleufe ,  ou  à  paillettes  &  écail- 
les ,  toutes  idées  qui  ne  fe  préientent  point 
en  voyant  cette  plante  à  laquelle  nous  avons 
cru  devoir  laifler  fon  nom  de  pays. 

Le  pupal  forme  un  genre  particulier  dans* 
la  première  feclion  de  la  famille  des  amaran- 
thes  ,    près  du  cadelari  ,    oxl    nous  l'avons 
placé.  T^oje\T\os  familles  des  plantes  y  i>oL 
II y  page  z€8. 

La  figure  de  M.  Burmann  mnrque  fur  la 
tige  de  cete  plante  ,  au  deiîbus  de  l'épi  de 
fleurs  ,  des  épines  en  crochets  pendans  en 
bas  ,  qui  n'exificnt  nullement  ,  &  qu'il  faut 
fupprimer.  (  M.  Adanson.  ) 

CITOCT^  ,  f.  m.  {Hifi.  nat.  bot.  )  les 
Brames  appellent  de  ce  nom  &  de  celui 
^iindi  y  une  efpece  de  ca/a/'j  du  Malabar , 
très-bien  gravé  ,  par  Van-Rheede  ,  dans  fbn 
Uonus  MalahancusyV.  iV,  pi.  XXX IX , 
page  8  z  y  fous  le  nom  de  tsjeroif  ponna  y 
c'efl-à-dire ,  petit  ponna.  Les  Portugais  l'ap- 
pellent ponnaca  pequeno  ;  les  -Hollnndois 
cleyne  geele  gom  appelen.  J.  Commciin  dans 
ùs  notes  fur  ÏHortus  Malabaricus  y  le  con- 
fond avec  le  kina  de  Ceylan.  M.  Burmann  , 
dans  fon  Thefaurus  Zeylanicus  y  imprimé 
en  1737 ,  le  diflrngue  eu  kina  y  le  regarde 
comme  le  hinkina  de  Ceylan,  qu'il  croît  être 
le  cornus  Malaba)  ica  foliis  nymphéas  de 
Ray.  Hifi.  plantarum  y  page  2  ^JJ  i  le 
calaha  citri  folio  fplendente  de  Plumier  » 
noporum  generum  ,  page  j^,  pi.  XXIII y 
&  le  kalophyllodendron  indicum  folio  Ù 
fruâu  minore  de  Vaillant',  Mtmoires  de 
l'académie ,  année  lyii ,  page  z8^  y  &cn 
donne  une  bonne  figure,  mais  incomplète , 
planche  IX ^  pag.  t  JO  y  fous  la  dénomina- 
tion nourelle  d*inophyllum  Jîore  quadrifdo. 
Inophylbim  lignifie  feuille  (Iriée  parallele- 
vatm  &  d'une  manière  ferrée  comme  dfi 
fibres  mufcuîaires.  M.  Linné  ,  dans  fbn 
^pecies  plantarum  j  imprimé  en  1753 1  P'^ë- 


C  î  T  T79 

$14  >  ^  ^^^^  fon  Syfiema  nat.  éc^ii'on  12 , 
imprimé  en  17^7  ,  paj.  "^Sz  .  adopte  fidc<- 
lement  toutes  les  citations  de  M.  Bunr.anivy 
&  défigne  cette  plante  par  le  nom  de  cj/o- 
phyllutn  y  z  calaba  y  foïiis  cvatis  oh  tufs. 

Le  citoSi  cfc  un  arbre  qui  s'élève  à  la 
hauteur  de  80  à  90  pies  ,  à  trône  cylindri- 
que de  douze  pies  de  diamètre ,  fur  3c  à  40- 
piés  de  longueur,  couronné  par  une  cime 
fphérique,  compofée  de  nombre  de  bran- 
ches alternes  ,  C}  lindriques ,  couries  ,  épri- 
^ts  ,  écartées  fous  un  angle  de  45  degrés  d'a- 
bord ,  enfuite  ouvertes  horizontalement  ,  à 
bois  rougeâtre  très  -  dur  ,  recouvert  d'une 
écorce  épaifiè  lifi'e,  d'abord  verte-, 'enfuite 
noirâtre. 

Sa  racine  a  le  bois  brun  ,  recouvert  d'nneï 
écorce  jaune  dedans,  &  rougeatre  au-dehori. 

Les  feuilles  font  oppo^^es  deux  à  deux 
en  croix  ,  elliptiques  ,  obtufcs  à  leur  extré- 
mité ,  pointues  à  leur  origine ,  longues  de 
deux  A  trois  pouces  ,  une  fois  moins  larges  , 
entières  ,  épaiilcs  ,  luifantes  ,  verd  -  noires 
deflîis ,  plus  claires  dcfibus  ,  jaune  doré  dans 
leur  contour,  relevées  en-deuoas  d'um^ore 
longitudinale  ,  des  deux  côtés  de  laquelle 
partent  30  à  40  paires  de  nervures  ,  comme 
oppofées  ,  artachées  d'abord  fous  un  angle 
de  45  degrés  d'ouverture  ,  enfuite  horizon- 
taL^nent  fans-aucuo  pédicule ,  à  des  diflances 
d'un  pouce  au  plus ,  au  nombre  de  deux  à 
quatre  paires  au  pjus  fur  chaque  branche  : 
chaque  paire  eff  accompagnée  de  deux  grands 
flipules  concaves  ,  elliptiques  ,  qui  tombent 
au  moment  de  leur  épanouilïêment. 

De  l'aiflelle  de  chacune  des  feuilles  fijpé- 
rieures  ,  fort  un  épi  oppofé  aufC  long  qu'el- 
les ,  compoie  dans  fa  moitié  fupérieure  de 
trois  ou  quatre  paires  de  fleurs  oppofées  , 
avec  une  impaire  terminale ,  blanches ,  ou- 
vertes en  étoile,  de  fix  à  fept  Hgnes  de  dia- 
mètre ,  &  portées  horizontalement  fur  un 
pédicule  menu  de  cette  longueur. 

Chaque  Heur  eft  hermaphrodite,  caduque» 
polipétale  ,  régulière  ,  à  étamines  très-nom- 
breulès ,  &  pofée  autour  de  l'ovaire;  elle  con- 
fifle  en  un  calice  à  4  feuilles  &  4  pétales 
blancs  orbiculairec  ou  hémiiphériques  con- 
caves ,  &  en  cent  étamines  une  fois  plus 
courtes  ,  vertes  ,  à  anthères  jaunes ,  rappro- 
chées en  une  tête  fphérique  ,  envelopp;lut 
&  cachant  l'ovaire  qui  cil  petit ,  fprtiérique  , 

Ci  2i 


i8c  C  î  T 

furmonté  d'un  %Ie  blanc  ,  égal  aux^tâmi- 
nes  ,  &  terminé  pfir  un  fligmatc  Iphérique. 

L'ovaire  en  mûriflant  devient  une  baie 
ovoïde  ,  obtule  ,  ailez  lerablable  à  une  cor- 
nouille  ,  longue  de  fept  à  huit  lignes  ,  de 
moitié  moins  large ,  liffe  ,  verte  d'abord  , 
enluite  rougeâtre  ,  à  chair  ferme ,.  en  écorce, 
à  une  loge  ,  ne  s'ouvrant  point ,  &  conte- 
rant  un  oflelet  ou  noyau  dur  ,  ovoïde, 
poinru  par  un  bout  ,  long  de  cinq  lignes  , 
&  prefque  de  moitié  moins  large  ,  à  amande 
b?anc-jaunâtre. 

Culture,  Le  citocîï  croît  au  Malabar  y  {\xt- 
tout  auprès  d'Arogattl ,  dans  les  terr.es  fa- 
blonneufes  ;  il  eft  toujours  verd  ,  vit  très- 
long-temps,  porte  pendant  plus  de  trois  cents 
ans  une  fois  par  an ,  lîivoir  ,  en  août  &  {èp- 
tembre. 

Qualités.  Sa  racine  a  une  odeur  forte  &: 
iine  fayeur  aftrirîgente  ;  fes  feuilles  ont  une 
faveur  acide  ,  &  (ts  fleurs  une  odeur  fau- 
vage  fans  faveur  ;  (ts  baies  une  douce  aci^ 
dite  ,  &  fes  amandes  une  laveur  douce 
d'abord  ,  enfuite  amere.  L'écorce  de  i^ts 
racines  ,  de  fes  branches  &  de  fon  fruit , 
bleil^  ,  rend  une  liqueur  vifqueufe  ,  te- 
nace ,  jaune,  citrlne,  qui  Je,  coagule  bien- 
tôt en  réline. 

Ufages.  Ses  baies  fe  mangent  &  fonttrès- 
aflringentes  ;  de  fes  amandes  féchées  ,  on 
tire  par  expreffion  ,  une'  huile  qui  fe  brûle 
dans  les  lampes;  fès  autres  parties  ne  font 
d'aucun  ufage  en  médecine. 

Remarques.  D'après  cette-  defcription 
bien  çirconflancié  du  ci tocHi  y  il  cû  facile  de 
voir  combien  J.  Coramehn  ,  M.  Burmann 
&  M,  Linné  ,  fe  font  éloignés  de-  la  vérité  , 
en  confondant  cet  arbre  ;  le  premier ,,  avec 
le  kina  de  Ceylan  ,  &  les  derniers  avec  le 
kinkina  de  Ceylan  &  le  calaba  de  TAmé- 
rique. 

D'abord  le  kina  ou  kine  y  apporté  de 
Ceylan  par  Hermann  ,  n'eft  pas ,  comme  le 
penfe  J.  Commelin  ,  la  même  efpece  que 
le  citocti  ;  car,  lélon  M.  Burmann  ,  ce  kina 
ciî  la  même  chofe  que  le  bintangor ,  gravé 
par  Rumphe  ,  à  la  planche  LXXI  y  page 
Zi6 y  du  volume  II  de  fon  Herbarium 
'Amboinicum  y  &  que  le  ponna  ,  gravé  à  la 
planche  XXXVIII  y  du  volume  IV  de 
ÏHonus  Malabaricus.  Or,  le  bintangor  a, 
î®,  les  feuilles  obtufes  aux  deux  extrémités , 


OIT 

mais; davantage  k  leur  origine  ,  longues  de 
huit  pouces',,  une  fois  moins  larges  ,  de 
plus  de  cent  paires  de  nervures  ,  &  portée? 
fur  un  pédicule  cylindrique  ,  dix  à  douze 
fois  plus  court  qu'elles  ;  2.°.  fes  épis  de  fleurs 
font  une  fois  plus  courts  que  les  feuilles,; 
3".  fes  fruits  font  fphériques  ,  de  deux  pon- 
ces de  diameiTé  ,  jaunes ,  à  noyau  fphéri^ 
que  ,  à  une  pointe  d'onze  à  treize  lignes  de 
diamètre  ,  jaunâtre. 

Le  ponna  du.  Miilabar  ne  lui  efl:  pas  pk^s 
fèmblable  &  diflere  encore  du  bintangor. , 
comme  une  autre  efpece  ;  car,  i°.  fes  feuiir 
les  ,  quoique  de  même  grandeur  que  celles 
du  bin ranger  ,  font,  ordinairement  plus  lar- 
ges à  proportion  ,  c'efl-à-dire  ,  à  peine  de 
moitié,  plus  longues  que  larges,  plus  étroites 
à.lçur  origine  qu'à  l'extrémité  ;  2".  fes  épis 
de  fleurs  l'ont  égaux  à  la  longueur  des  feuille^; 
3^*.  fes  fruits  font  i'phériques  ,  d'un  pouce, 
&  demi  de  diamètre  ,  rou0tres  ,  à  noyau- 
fphérique  ,.  blanchâtre  ,  avec  une  pointe  ,. 
mais  de  huit  à  dix  lignes  de  diamètre. 

Si  le  arhor  indica  mali  medicce  ampjiorir- 
bus  foliris  Maderafpatana.y  forte  ponna  feu 
ponnamaram  horti  Malabariti  y  voluminf 
IV y  tabula  38  y  cujus  lacryma  refinofa 
an  fit  fpecies  guttœ  gambi  quaeritur  à  /, 
Commelino  in  notis  y  gravé  par  Plukenet , 
dans  ia  Photographie  y  planche  CXL  VII  y 
n^.  J  y  fans  fleurs  &  fans-fruits  ,  efl  exaéle-? 
ment  defllné  ;  quoique  Plukenet  &  M, 
Linné  le  croient  la  même  efpece  que  Iç 
ponna  ,  il  fera  encore  d'une  autre  efpece  qui 
endifférera  1°.  par  fes  branches  quarrées  ; 
2°.  par  fes  feuilles  également  pointues  aux 
deux  bouts,  &  une  fois  &  demi  à  deux  fois 
plus  longues  que  larges., 

Le  kinkina  de  Ceylan  ,  que  M.Burmana. 
compare  au  citocli  y  en  diffère  beaucoup.. 
1°.  Ses  feuilles  font  également  pointues  aux 
deux  extrémités  ,  de  moitié  feulement  plus 
longues  que  larges ,  flriées.ds  cent  paireç, 
de  nervures  &  portées  fur  un  pédicule  cy- 
lindrique ,  cinq  à.  huit  fois  plus  court  qu'el- 
les. 2°.  Ses  épis  de  fleurs  font  une  foisplu$ 
courts  que  les  feuilles.  3**.  Sts  branches  font 
quarrées. 

Enfln ,  le  calaba  de  l'Amérique  ,  gravé 
par  Sloane  ,  à  la  planche  CC  y  n°.  z  > 
de  fon  Hifioire  de  la  Jamaïque  y  fous  Is 
nom  de  Terebinthus  folio  fingulari  non 


Cï  T 

aîato  y  romndo  y  fucculento  y  flon  tetra- 
petalo  pdllidè  luteo  y  fruclu  majore  mono- 
ipyrenno  y  ne  lui  refîèmble  pas  davantage  ; 
car ,  1°.  fes  feuilles  ,,  quoique  de  même 
forme  &  de  même  nombre  de  nervures  , 
difpoféesde  même  ,  ont  depuis  trois  jufqu'à 
iix  pouces  de  longueur  ^  &  un  pédicule  cy- 
lindrique de  huit  à  dix  fois  plus  court  ;  2°. 
fes  fleurs  font  jaunes  ;  3**.  (ts  fruits  ont  l'of- 
felet'fphéroïde  ,  de  fix  à  fept  lignes  de  dia- 
mètre &  jaunâtre. 

•Le  citoc^L  efl  donc  une  efpece  particulière 
de  calaba  ,  différente  de  toutes  celles  avec 
lefquellcs  les  botanifles  l'ont  confondue  ;  & 
les  noms  rnodernes  kcilophyllodendron  y  ca~ 
lophyilum  ,  &  inophyllum  y  doivent  être 
fupprimés  comme  luperflus  ,  cette  plante 
ayant ,  comme  fes  congénères ,  un  nom  de 
pays  plus  fimple  ,  plus  facile  à  prononcer , 
&  fous  lequel  elles  font  mieux  connues  que 
par  les  botanifles  de  l'Europe,  qui  n'en  ont 
jamais  vu  que  des  morceaux  ou  des  efquifTes 
très-imparfaites.  Le  calaba  le  range  natu- 
r'^Uement  dans  la  famille  des  cifles  où  nous 
l'avons  placé.^  roye\  nos  Familles  des 
plantes  y  volume  II  y  page  /}.J^G.  (  M. 
Adanson.  ) 

CITOLE  ,  (  Luth.  )  efpece  d'inflrument 
de  mufique  ,  dont  le  fon  devoit  être  fort 
agréable,  puifque  Guillaume  Guiart,  poëte 
du  XIII^.  fieclè  ,.  dit  ,. 

Qui  le  Roi  de  France  à  celé  erre 

hnveloppafi  de  paroles 

Plus  douces  que  fons  de  citoles.  {F.D.  C.) 

*  CITOYEN,  f.  m.  {Hifl.  anc.  mod. 
Droit publ.)  c'efl  celui  qui  efl  membre  d'une 
fociété  libre  de  plufieurs  familles  ,  qui  par- 
tage les  droits  de  cette  fociété  ,  &  qui  jouit 
de  (qs  franchifes.  VQye\  SOCIÉTÉ  ,  CiTÉ  , 
Ville  franche  ,  Franchise..  Celui 
qui  réfide  dans  une  pareille  fociété  pour  quel- 
que affaire ,  &  qui  doit  s'en  éloigner,  fon  af- 
faire terminée  ,  n'eft  point  citoyen  de  cette, 
fociété  ;.  c'en  efl  feulement  un  fujet  momen- 
tané. Celui  qui  y  fait  fon  fé jour  habituel  , 
mais  qui  n'a  aucune  part  à  Çts  droits  &  fran- 
chifes ,  n'en  efl  pas  non  plus  un  citoyen. 
Celui  qui  en  a  été  dépouillé ,  a  cefféde  l'être. 
,  On  n'accorde  ce  titre  aux  femmes,  aux 
jeunes  enfans ,  aux  ferviteurs  ,  que  comme 
à  de.s  membres  de  La  faiîiillsd'un  citoyen 


C  I  T  j^î 

proprement  dit ,  mais  ils  ne  font  pas  vrai- 
ment citoyens. 

On  peut  diffinguer  deux  fortes  de  citoyens  y, 
[qs  originaires  &  les  naturalifes.  Les  origi-- 
naires  font  ceux  qui  font  nés  citoyens.  Les 
naturalifes  ,  ce  font  ceux  à  qui  la  fociété 
a  accordé  la  participation  à  Ces  droits  &  à, 
fçs  franchifes,  quoiqu'ils  ne  foient  pas  né^ 
dans  fon  fein. 

Les  Athéniens  ont  été  très  -  réfervés  ;V 
accorder  la  qualité  de  citoyens  de  leur  ville 
à  des  étrangers  ;  ils  ont  mis  en  cela  beau— 
coup  plus  de  dignité  que  les  Romains  :  le 
titre  àc-citoyen  ne  s'eft  jamais  avili  parmi  eux;; 
mais  ils  n'ont  point  retiré  de  la  haute  opi- 
nion qu'on  en  avoit  conçue  ,  l'avantage  le; 
plus  grand'peu;_-être  ,  celui  de  s'accroître  da- 
tous  ceux  qui  l'arabitionnoient.  Il  n'y  avoit 
guère  à  Athènes  de  citoyens  y  que  ceux  quv 
étoient  nés  de  parens  citoyens.  Quand  urii 
jeune  homme  étoit  parvenu  à  l'âge  de  vingç 
ans  ,  on  l'enrégiffroir  fur  [e^ii^tsipyii(.ov  y^stf.- 
fy.a.Tîiov  ;  l'état  le  comptoit  au  nombre  de  fes 
membres.  On  lui  faifoit  prononcer  dans  ceuG 
cérémonie  d'adoption  ,  le  ferment fuivant  à 
la  face  du  ciel.  Arma  non  de  kone/iabo  ;  nec 
adfïantem  y  quifquis  ille  fuerit  y  focium 
relinquam;  pugnabo  quoque  profocis  Ù  aris: 
folus  Ù cum  multis;patriam  nec  turbabo^nec 
prodam  ;  navigabo  contra  quamcumque  def* 
tinatus  fuero  regionem  ;  folemnitates  per-- 
petuas  obfervabo  ;  receptis  confuetudinibus- 
parebo  y  Ù  quafcumque  adhuc.populus  pru* 
àenter  Jhituerit  y  amplecfar  ;  ùji  quis  leges, 
fufceptas  fujîulerit  y  nifi  comprobai'erit  y^ 
non  permittam  ;  tuebor  denique  y  folus  Ù: 
cum  reliquis  omnibus  y  atque  patria  facra 
colam.  DU  Cognitores  y.  Agrauli  y.  Ènya-, 
lius  y  Mars  y  Jupiter  y  Floreo  y  Augefca 
duci./Plut.  in  pe rie.  VoWX  un  prudenter 
qui ,,  abandonnant  à  chaque  particulier  Is 
jugement  des  loix  nouvelles  ,  étoit  capable 
de  caufer  bien  àes  troubles.  Du  refle  ,  ce 
ferment  efl  très-teau  &  très-fage. 

On  deverioit  cependant  citoyen  d'Athènes 
par  l'adoption  d'un  citoyen  y  &  par  le  con* 
fentement  du  peuple-:,  mais  cette  faveur 
n'étoit  pas  commune.  Si  l'on  n'étoit  pas 
cenfé  citoyen  avant  vingt  ans ,  on  étoit  cenfé 
ne  l'être  plus  lorfque  le  grand  âge  empêchoît 
de  vaquer  aux  fondions  publiques.  Il  en 
étoit,  de  même  des  exilés  &  des  banoii ,  à 


i8i  CIT  CTT 

moins  que  ce  ne  fut  par  rodracifme.  Ceux?  fujet  &  le  citoyen  ;  ce  qui  c{[  vraî ,  en  pre- 


qui   avoient  fubi  ce  jugement ,    n'ctoienr 
qu'cloignés. 

Pour  conftituer  un  véritable  citoyen  ro- 
main ,  il  falloir  trois  chofes  :  avoir  fbn  do- 
micile dans  Rome ,  erre  membre  d'une  des 
trente -cinq  tribus  ,  &  pouvoir  parvenir 
aux  dignités  de  la   république.    Ceux  qui 


nant  le  terme  de  fujet  dans  Ton  acception 
llride  ;  &  celui  de  citoyen  dans  Ion  accep- 
tion la  plus  étendue  ;  &  en  confidérant  que 
celui-ci  efl  par  rapport  aux  lolx  feules,  ce 
que  l'autre  efl:  par  rapporta  un  fouverain.  Ils 
font  également  commandés  ,  mais  l'un  par 
un  être  moral ,  &  l'autre  par  une  perfonnc 


n'avoient    que  par  concelilon  &    non  par  fphyfique.  Le  nom  de  a/q/f/i  ne  convient  nia 


naifiance  quelques-uns  des  droits  du  cicoyen, 
n'étoient  ,  à  proprement  parler  ,  que  des 
honoraires.  K.  CiTÉ,  JURISPRUDENCE. 
Lorlqu'on  dit  qu'il  le  trouva  plus  de  qua- 
tre millions  de  citoyens  romains  dans  le  dé- 
nombrement qu'Augufle  en  fit  faire  ,  il  y  a 
apparence  qu'on  y  comprend  &   ceux  qui 


ceux  qui  vivent  fubjugués  ,  ni  à  ceux  qui  vi- 
vent ifolés  ;   d'où  il  s'cniuit  que  ceux  qui 
bfolurrrent  dans    l'état  de   nature . 


vivent  a 
comme  les 


les  fouverains  ;  &  ceux  qui  ont  par- 
faitement renoncé  à  cet  état  ,  cpmme  Ici 
eljlaves  ,  ne  peuvent  point  être  regardes 
comme  citoyens i  à  moins  qu'on  ne  prétende 


rélidoient  aâuellement  dans  Rome ,  &  ceux  \  qu'il  n'y  a  point  de  lociété  raifonnable  où  il 


qui  répandus  dans  l'empire  ,  n'étoient  que 
des  honoraires. 

Il  y  avoif  une  grande  différence  entre  un 
citoyen  &  un  domicilié.  Selon  la  loi  de  in- 
colis  y  la  feule  naifiance  taifoit  des  citoyens, 
&  donnoit  tous  les  privilèges  de  la  bourgeoi- 
iie.  Ces  privilèges  ne  s'acquéroient  point  par 
le  temps  du  féjour.  Il  n'y  avoit  fous  les  con- 
fuls  que  la  faveur  de  l'état ,  &  fous  les  em- 
pereurs que  leur  volonté  qui  pût  fuppléer  en 
ce  cas  au  déftiut  d'origine. 

C'étoit  le  premier  privilège  d'un  citoyen 
romain  ,  de  ne  pouvoir  être  jugé  que  par  le 
peuple.  La  loi  Ponia  défendoit  de  mettre  à 
mort  un  citoyen.  Dans  les  provinces  mêmes, 


n'y  ait  un  ^tre  moral  ,  immuable,  &  au- 
I  deiiiis  de  la  perlonne  phylique  ,  louveraine. 
!  Puliendorff',  fans  égard  à  cette  exception  , 
j  a  divilé  (on  ouvrage  des  devoirs  en  deux 
parties  ,  l'une  des  devoirs  de  l'homiùe  ,  l'au- 
tre des  devoirs  du  citoyen. 

Comme  les  loixd.s  fociétés  libres  de  fa- 
milles ne  font  pas  les  mêmes  par-tout ,  & 
comme  il  y  a  dans  la  plupart  de  ces  fociétés 
un  ordre  hiérarchique  conf  f  itué  par  les  digni- 
tés ,  le  citoyen  peut  encore  être  conlidére  &c 
relativement  aux  loix  de  la  lociété  ,  &  re- 
lativement au  rang  qu'il  occupe  dans  l'ordre 
hiérarchique.  Dans  le  fécond  cas  ,  il  y  aura 
quelque  ditlërence   entre  le  citoyen  magif- 


il  n'étoit  point  foumis  au  pouvoir  arbitraire    irat  &  le  citoyen   bourgeois  ;    &  dai  s  le 


d'un  proconlul  ou  d'un  propréteur.'  lue.ai-'is 
fum  arrêfoit  fur  le  champ  ces  tyrans  fubalte|- 
nes.  A  Rome ,  dit  M.  de  Monrefquieu  , 
dans  fon  livre  de  Vefprit  des  loix  ,  liv.  XI , 
c/ijp.  xix  y  ainfi  qu'à  Lacédémone ,  la  liberté 
pour  les  citoyens  &  la  fervitude  pour  les  ef- 
claves ,  étoient  extrêmes.  Cependant  malgré 
les  privilèges  ,  la  puiffance  &  la  grandeur  de 
ces  citoyens  ,  qui  faifoient  dire  k  Cicéron 
(  or.  pio  M.  Fonteio  )  an  qui  amplijjimus 
Ga  li,v  cum  infimo  cipe  romano  comparan- 
■  dus  efi  ?  il  me  femble  que  le  gouvernement 
de  cette  république  étoit  fi  compofé  ,  qu'on 
prendroit  à  Rome  une  idée  moins  précilé  du 
citoyen  ,  que  dans  le  canton  de  Zurich. 
Pour  s'en  convaincre ,  il  ne  s'agit  que  de 
pefer  avec  attention  ce  que  nous  allons  dire 
dans  le  refle  de  cet  article. 

Hobes  ne  met  aucune  différence  entre  le 


premier  ,   entre  le  citoyen  d'Amllerdam  & 
celui  de  Bâle. 

Arilfote  ,  en  admettant  les  diffinâions  de 
fociétés  civiles  &  d'ordre  de  citoyens  dans 
chaque  fociété  ,  ne  reconnoît  cependant  de 
vrais  citoyens  que  ceux  qui  ont  part  à  la" 
judicarure  ,  &  qui  peuvent  fe  promettre  de 
palier  de  l'état  de  fimples  bourgeois  aux  pre- 
miers grades  de  la  magillratui:  ;  ce  qui  ne 
convient  qu'aux  démocraties  pires.  Il  faut 
convenir  qu'il  n'y  a  guère  que  celui  qui  jouit 
de  ces  prérogatives  ,  qui  foit  -  vraiment 
homme  public  ;  &  qu'on  n'a  aucun  caradere 
dillindif  du  fujet  &  du  citoyen  ,  linon  que 
ce  dernier  doit  être  homme  public  ,  &  que 
le  rôle  du  premier  ne  peur  jamais  être  que 
celui  de  particulier  ,  de  quidam. 

Puffendortf,    en   rellreignant  le  nom  de 
citoyen  à  ceux  qui  par  une  réunion  première 


C  I  T 

de  familles  ont  fondé  l'état  ,  &  a  leurs  f 
fuccefleurs  de  père  en  fils  ,  introduit  une 
diitindion  frivole  qui  répand  peu  de  jour 
dans  ion  ouvrage,  &  qui  peut  jeter  beau- 
coup de  trouble  dans  une  foacté  civile  ,  en 
diftinguant  les  citoyens  originaires  des  naru- 
ralifés,  par  une  noblelîe  mal  entendue.  Les 
citoyens  en  qualité  de  citoyens  y  c'efl-à-dire 
dans  leurs  fociétés  ,  font  tous  également  no- 
bles ;  la  noblefîe  fe  tirant  non  des  ancêtres , 
mais  du  droit  commun  aux  premières  digni- 
tés de  la  magiflrature. 

I/être  moral  (buverain  étant  par  rapport 
au  citoyen  ce  que  la  perlonne  phyfique  de{ 
potique  efl:  par  rapport  au  fujet  ,  &  l'efclave 
Je  plus  parlait  ne  transférant  pas  tout  ion 
être  à  fon  fouverain  ;  à  plus  forte  raifon  le  ; 
citoyen  a-t-il  des  droits  qu'il  fe  réferve  ,  &  | 
(dont  il  ne  fe  départ  jamais.  Il  y  a  des  occa-  j 
lions  où  il  fe  trouve  lur  la  mcme  ligne  ,  je  \ 
ne  dis  pas  avec  les  concitoyens  ,  mais  avec 
Fêtre  moral  qui  leur  commande  à  tous.  Cet 
ctre  a  deux  caractères  ,  l'un  particulier ,  & 
l'autre  public  :  celui-ci  ne  doit  point  trouver 
de  réfiftance  ;  l'nutre  peut  en  éprouver  de  la 
part  des  particuliers  ,  &  fuccomber  même 
dans  la  conteilation.  Puifque  cet  être  moral 
a  des  domaines  ,  des  engageraens  ,  des  fer- 
mes ,  des  fermiers,  &c.  il  faut,  pourainii 
dire  ,  difîinguer  en  lui  le  fouverain  &  le  fujet 
de  la  louveraineté.  Il  eft  dans  ces  occafions 
juge  &  partie.  C'eft  un  inconvénient  fans 
dpute  ;  mais  il  eu  de  tout  gouvernement 
en  général ,  &  il  ne  prouve  pour  ou  contre  , 
que  par  fa  rareté  ou  par  fa  fréquence  ,  &  non 
par  lui-même.  I!  eft  certain  que  les  (ujets  ou 
citoyens  leront  d'autant  moins  expofcs  aux 
injuftices ,  que  l'être  iouverain  phyfique  ou 
moral  fera  plus  rarement  juge  &  partie  dans 
les  occafions  où  il  fera  attaqué  comme  par- 
ticulier. 

Dans  les  temps  de  troubles ,  le  citoyen 
s'attachera  au  parti  qui  eft  pour  le  (yflerae 
établi;  dans  les  difîblutions  de  fv'ftêmes  ,  il 
ftiivra  le  parti  de  fa  cité  ,  s'il  efl  uniinime  ; 
&  s'il  y  a  divifion  dans  la  cité  ,  il  embrafTera 
telui  qui  fera  pour  l'égalité  des.  membres  & 
la  liberté  de  tous. 

Plus  les  citoyens  approcheront  de  l'égalité 
de  prétention  &  de  fortune  ,  plus  l'état  fera 
tranquille  :  cet  avantage  paroît  être  de  la 
démocratie  pure  j  exdulivexnem  à  tout  autre 


C  I  T  185 

gouvernement  ;  mais  dans  la  démocratie 
même  la  plus  parfaite  ,-fentiere  égalité  entre 
les  membres  eu  une  chofe  chimérique  ,  & 
c'ell  peut-être  là  le  principe  de  diflolution  de 
ce  gouvernement ,  à  moins  qu'on  y  remédie 
par 'outesles  injullices  de l'oflracifme.  lien 
efl  d'un  gouvernement  en  général ,  ainfi  que 
de  la  vie  animale  :  chaque  'pas  de  la  vie  efl 
un  pas  vers  la  mort.  Le  meilleur  gouverne- 
ment n'cil  pas  celui  qui  eft  immorrel ,  mais 
celui  qui  dure  le  plus  long-temps  &  le  plus 
tranquillement. 

CITROENVISCH  ,  Cm.  (Hif}.  nat. 
Ichtkyolog.  )  poiflbn  des  îles  Mojuques , 
aflêz  bien  gravé  fous  ce  nom  ,  par  Ruyf ch  , 
planche  VI y  72®.  7  y  page  z  z  de  fa  collée-- 
tion  nouveUe  des  poij/ons  d^Amboine, 
Coyett  l'avoit  fait  graver  &  enluminer  plus 
de  quinze  ans  auparavant ,  au  «®.  t  7 S  de 
la  féconde  partie  de  ion  recueil  des  poijjons 
d'Amboine  ,  fous  le  nom  de  citron  de  la 
côte  VAlforeefe. 

Ces  deux  auteurs  lui  ont  attribué  des  na- 
geoires ventrales  qui  font  de  trop  ;  il  a  Je 
corps  fphéroïde  ,  pointu  aux  deux  extréini* 
tés  ,  long  de  deux  à  trois  pies  ,  du  poids  dé 
qumze  a  vingt  livres  ,  heriî^'é  de  cinquante 
à  foixante  épines  coniques  ,  longue^ ,  droi- 
tes ,  la  fête  &  \es  yeux  petits ,  la  bouche 
conique  pointue. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  cinq  y 
favoir ,  deux  peflorales  médiocres  ,  rondes  \ 
une  dorfale  extrêmement  longue  ,  régnant 
le  long  du  dos  ,  plus  baffe  devant  que  der- 
rière, une  derrière  l'anus  fon  longue  ;  celle 
dé  la  queue  triangiilaire  tronquée.  De  ces 
nageoires  il  n'y  a  que  celle  du  dos  qui  foit 
épmeui'è  dans  fcs  neuf  premiers  rayons.      , 

Son  corps  eft  jaune-citron,  entouré  c'e  fix 
lignes  bleues  circulaires  ,  entre  le^uclles  on 
voit  de  chaque  cote  un  rang  de  cinq  épines 
bleues  coniques  ;  les  nageoire.^  font  vertes , 
excepté  la  dorfale  ,  dont  la  partie  antérieure 
épirs'iuiè  a  fa  membrane  rouge  ;  la  xeie  eft  pa- 
reillement rouge  ;  le  bec  jaune  ,  la  prunelle 
des  yeux  noire  ,  entourée  d'un  iris,  jaune. 

Moeurs.  Ce  poiflbn  ie  pêche  dans  la  mer 
d'Amboine,  autour  de  la  cote  d'Alforeelè  , 
mais  il  n'y  eft  pas  commun. 

Vfagk.  Il  a  le  goût  de  l'alofe  :  on  te  fume 
ordinairement  coiutne  du  fauœoa  j  &  oa 
le  mange. 


iS4  CIT. 

Remarque.  Le  curocnvifch  approche  beau- 
coup du  cofre  orbis  y  mais  il  en  ditlère  adèz 
par  la  longueur  de  la  nageoire .  dorlale  pour 
en  être  diitingué.  (AT.  Adanson.) 

CITRON,  f.  m.  voy.  Citronnier. 

CITRONNIER ,  f.  m.  citreum  ,  (  Hijl 
hat.  bot.  )  genre  de  plante  à  fleur  en  rore. 
Le  pilHl  fort  du  calice  ,  &  devient  dans  la 
fuite  un  fruit  ordinairement  oblong',  qui  a 
une  chair  ferme  qui  eft  divifée  en  plulieurs 
loges  remplies  de  fuc  &  de  vélicuîes.  Ces 
cellules  renferment  aulfi  des  ièmences  cal- 
leufes  :  ajoutez  au  caradere  de  ce  genre,  que 
les  feuilles  font  fimples.  Tournefort  ,  infi. 
Tel  herb.     Voye^    PLANTE.   (I) 

Citronnier,  {Jardin.)  du  latin  c/- 
treurri}  citrumy  malus  medica.  Plin.  Virgil. 

Définition. 

Jllivfum  retineîcitrus  aureafrondis  honorem; 
Malaquejloriferii  hcereiu  pendentia  ramis  , 
Vcris  &  autumni  pukherrima  dona. 

C'eft  en  effet  cet  arbre  admirable  ,  toujours 
verd  ,  que  le  printemps  confondu  pour  ainli 
dire  avec  l'automne  ,  préfente  à  nos  yeux 
chargé  de  fleurs  &  de  fruits ,  dont  les  uns 
tombent  par  la  maturité ,  tandis  que  d'autres 
commencent  à  mûrir  ,  &  d'autres  commen- 
cent feulement  à  paroitre.  Rival  de  l'oran- 
ger ,  &  méritant  peut-être  la  préférence  ,  il 
n'en  diffère  que  par  fon  fruit  &  par  {q^  feuil- 
les ,  qui  font  larges  &  roides  comme  celles 
du  laurier  ,  mais  fans  talon. 

Jpfa  ingens  arbos  ^  faciemque  fimillima 

lauro  : 
Etfi  non  alium  latè  jaBaret  o  dore  m  , 
Laurus  erat  :  folia  haud  ullis  labentia 

vends  : 
Flos  apprimè  tenax  :  animas  &  olentia 
Medi  ~  . 

Orafovent  iîlo  y  Ù  fenibus  medicautur 
anhelis. 

Virg.  IL  Geog.  v.  i,^t. 

5> L'arbre  dont  je  parle  ,  originaire  de  la 

»  Médie  ,  s'élève  fort  haut,  &  refTemble  au 

y>  laurier.  Si  l'odeur  qui  répand  n'étoit  pas 

>j  différente ,  on  pourroit  aifément  le  con- 

w  fondre  avec  le  laurier.  Ses  feuilles  féflf^ 

>5  tent  au  fouffle  des  aquilons ,  &  fa* fleur  efl 

»  fort  adhérente  aux  branches  où  elle  eff 

n  attachée.   Les  Medes  s^a  fervent  pour 


C  IT 

'  »>  mettre  dans  la  bouche  une  odeuf  agréa- 
M  ble  ,  &  pour  fortifier  'les  vieillards  aflh- 
M  mariqu.s.» 
I  *S  a  defcription  (  Geofroi ,  mat.  méd.  )  H 
'  eff  médiocrement  haut  dans  nos  jardins.  Sa 
racine  elt  branchue ,  &  s'étend  en  tout  fens  : 
;  elle  eff  ligneulé  ,  &  couverte  d'une  écorce 
jaune  en  dehors  ,  blanche  en  dedans.  Son 
tronc  n'eif  pa^  tort  gros^  ;  fon  bois  efl  blanc 
&  dur  ;  ion  écorce  eft  d'un  verd  pâle.  Ses 
branches  font  npmbreules ,  longues  ,  grêles 
&  fort  pliantes  ;  les  plus  vieilles  font  d'une 
couleur  verte  jaunâtre  ,  &  garnies  de  poin- 
tes blanchâtres  :  celles  qui  font  jeunes ,'  l'ont 
d'un  beau  verd  gai  ;  i^extrémite  des  bran- 
ches &  des  feuilles  efî  fort  tendre  ,  &  d'ua 
rouge  brun. 

Ses  feuilles  approchent  de  la  grandeur  de 
celles  du  noyer  ;  elles  font  fouvent  moufles , 
quelquefois  pointues  ,  &  prefque  trois  fois 
plus  longues  que  larges  ;  plus  vertes  en 
delfus  qu'en  delfous ,  légèrement  dentelées 
en  Idur  bord  ,  garnies  de  veines^qui  viennent 
de  la  côte  épaifiè  qui  elldans  le  milieu ,  quel- 
quefois ridées  &  comme  bofTelées  ;  elles  (ont 
en  grand  nombre  ,  &  durent  pendant  tout 
l'hiver,  d'une  bonne  odeur,  ameres  :  .elles 
paroifîent  percées  de  trous ,  ou  plutôt  par- 
femées  de  points  tranfparens  quand  on  les 
regarde  au  foleil ,  de.  même  que  celles  du 
millepertuis.  La  plupart  des  fueilles  ont  une 
épine  contiguë  à  laj)artie  fupérieure ,  &  voi- 
fine  du  bourgeon  ;  .  a  pointe  de  cette  épine 
efl  rougeâtre ,  verte  c'ans  le  refle ,  fort  roide , 
&  afTez  longue. 

Sts  fleurs  font  en  grand  nombre  au  fbm- 
met  des  rameaux ,  où  elles  forment  comme 
un  bouquet  ;  elles  font  en  rofe  ,  cornpofées 
le  plus  fouvent  de  cinq  pétales  charnus  ,  dif- 
polés  en  rond  &  réfléchis  ,  parfemés  de 
rouge  en  dehors  ,  blancs  dans  tout  le  refle  ; 
fbutenus  par  un  petit  calice  verd  ,  découpé 
en  cinq  quartiers  ,  renfermant  beaucoup  de 
filets  d'étamines  blanchâtres  ;  &  furmontés  ' 
d'un  fommet  jaune.  Ces  fleurs  ont  une  odeur 
foible  ,  &  font  d'abord  douceâtres ,  eniuite 
ameres  :  les  unes  font  fertiles ,  ayant  au  mi- 
lieu à^s  étamines  ,  un  piffil  longuet  ,  qui 
eff"  l'embryon  du  fruit  ;  &  les  autres  font 
ffériles  ,  étant  fans  pistil  :  celles-ci  tombent 
bientôt ,  &  les  autres  fubfîflent.  * 
■  Ses  fruits  font  fouvent  oblongs ,  quelque- 
fois 


C  IT 

fois  /phérîqiies ,  d'autrefois  pointus  à  leur 
ibmmet ,  quelquefois  moulTes  j  leur  fuper- 
ficie  eft  ridée  &L  parfemée  de  tubercules  : 
fouvent  ils  ont  neuf  pouces  de  longueur  ,  & 
quelquefois  davantage  j  car  ils  varient  en 
grandeur  &  en  pefanteur.  Quelques-uns  pe- 
ïènt  jufqu'à  fix  livres. 

Leur  écorcc  extérieure  eft  comme  du  cuir, 
mince  ,  amerc ,  échauffante  ,  verte  dans  le 
commencement ,  de  couleur  d'or  dans  la 
maturité ,  d'une  odeur  pénétrante.  Leur 
écorce  intérieure  ou  la  chair ,  eft  épaiffe  & 
comme  cartilagineufe  ,  ferme  ,  Llanche  , 
douçàtre,  un  peu  acide  ,  &  légèrement  odo- 
rante ,  partagée  intérieurement  en  plufieurs 
loges  pleines  d'un  fuc  acide  contenu  dans 
des  vélicules  mcmbraneufes. 

Enfin  chaque  fruit  contient  beaucoup  de 
graines.  Quelques-uns  en  ont  plus  de  cent 
cinquante  ,  renfermées  dans  la  moelle  véCi- 
culaire.  Elles  ibnt  oblongues  ,  d'un  demi- 
pouce  de  longueur,  ordinairement  pointues 
des  deux  côtés ,  couvertes  d'une  peau  un  peu 
dure  &  membraneulè,  amere  ,  jaune  en 
dehors,  cannelée ,  &  renfermant  une  amande 
blanche ,  mêlée  d'amertume  &  de  dou- 
ceur. 

Son  origine,  he citronnier.,  comme  le  prou- 
Tent  fès  noms  latins ,  a  été  d'abord  apporté 
de  l'AlIyrie  &  de  la  Médie  en  Grèce  ,  de-là 
«n  Italie  &  dans  les  provinces  méridionales 
de  l'Europe.  On  le  cultive  en  Sicile,  en  Por- 
tugal ,  en  Efpagne ,  en  Piémont ,  en  Pro- 
vence ,  &  même  dans  quelques  jardins  du 
nord  ,  où  il  donne  des  fruits  ,  mais  bien  in- 
férieurs à  ceux  des  climats  chauds.  On  cul- 
tive encore  cet  arbre  à  la  Chine  ,  aux  Indes 
orientales  &  occidentales ,  &  en  Amérique  , 
au  rapport  du  chevalier  Hans-Sloane. -Fbya^. 
ja  la  Jam.  tom,  II ,  pag.  ij6, 
,  Ses  efpeces.  Les  botaniftes  en  diftinguent 
une  dixaine  d'efpeces  principales ,  quoiqu'ils 
n'ignorent  pas  que  les  jardiniers  de  Gènes  , 
qui  en  eft  la  grande  pépinière  pour  l'Europe , 
font  fi  curieux  d'étendre  cette  variété ,  qu'ils 
l'augmentent  tous  les  jours. 

L'efpeee  de  citronnier  la  plus  eftimée  eft 
celle  de  Florence.,  dont  chaque  citron  fe  vend 
à  Florence  même  cinquante  fous  de  notre 
jnonnoie  :  on  en  envoie  en  prélènt  dans  les 
«différentes  cours  de  l'Europe,  Cette  efîjece 
particulière  ne  peut  venir  dans  fâ  perfeîiion 
Tenu  FIIL 


C  I  T  ,î?y 

que  dans  la  plaine  qui  eft  entre  Pife  &  Li- 
vourne  ^  &  quoiqu'on  ait  transporté  ces  for- 
tes de  citronniers  du  lieu  même  en  divers  au- 
tres endroits  choifis  d'Italie  ,  ils  perdent  tou- 
jours infiniment  de  cet  aromate  ,  de  cette 
fineffe  de  goût  que  leur  donne  le  terroir  de 
cette  plaine. 

Son  ufage  cke-^  les  Romains.  On  ne  man- 
geoit  point  encore  de  citron  du  temps  de 
Pline  j  &:  Plutarque  rapporte  qu'il  n'y  avoit 
pas  long-temps  qu'on  en  faifoit  ufage  en  qua- 
lité d'aliment  loriqu'il  vint  au  monde.  Au 
rapport  d' Athénée ,  on  regardoit  alors  les 
citrons  comme  une  chofe  d'un  très-grand 
prix  ^  on  en  enfermoit  avec  des  hardes  pour 
les  garantir  des  teignes ,  &  leur  donner  en 
même  temps  une  odeur  agréable  :  c'eft  de- 
là fans  doute  que  vient  le  nom  de  veftis  ci- 
trofa.  On  mangeoit  déjà  le  citron  du  temps 
de  Galien  ,  &  Apicius  nous  a  confervé  la 
manière  dont  on  Taccommodoit. 

Comme  le  citronnier  eft  enfuite  par-tout 
devenu  très-commun  ,  on  trouve  dans  les 
ouvrages  des  modernes  un  nombre  immeniè 
d'oblêrvations  fiir  \^s  vertus  de  cet  arbre  Sc 
de  fbn  fruit ,  dont  plufieurs  parties  font  d'u- 
fage  en  médecine.  Voye^^  Citron  [Ckymie.) 

Il  y  a  des  citrons  qui  font  en  même  temps 
oranges ,  c'eft-à-dire  que  certain  nombre;  de 
côtes  ou  plutôt  de  coins  ibiides  ,  continués 
jufqu'à  l'axe  du  fruit ,  font  d'orange ,  &  les 
autres  de  citron  :  ce  nombre  de  côtes  eft 
non  feulement  différent ,  mais  quelquefois 
différemment  mêlé  en  différens  fruits.  Eft- 
ce  un  effet  de  l'art ,  ou  font-ce  des  efpeces 
particulières  ?  (  Hijî.  de  tacad\  des  Se.  1711 
&  171 2.  )  Si  c'eft  un  effet  de  l'art ,  feroit-ce 
par  des  pouflîeres  appliquées  à  des  piftils 
étrangers  que  cette  merveille  arrive  ?  On 
pourroit  le  fbupçonner  fur  des  exemples  ap- 
prochaus  qui  s'en  trouvent  chez  quelques  ani- 
maux ,  fi  l'analogie  du  règne  animai  au  végé- 
tal étoit  recevablc  en  phyfique.  Ce  feroit 
bien-là  une  manière  élégante  d'avoir  de  nou- 
velles efpeces  de  fruit  :  mais  il  faut  attendre 
les  expériences  avant  que  de  prononcer. 

Il  eft  parlé  dans  les  éphémérides  d'Alle- 
magne (  Ephém.  N.  C.  dec.  I  ,  ann.  9  ,  oBf.. 
3  ;  de'c.  1 ,  ana.  1 ,  oif.  i  i.j  de  citrons  monf- 
trueux  en  forme  de  main  ;  t)(.leP.  Dentre- 
colles  (  Lett.  édifiant,  tome  XX ,  page  301.  j 
a  envoyé  de  la  Chine  la  figure  d'un  citrou 

Aa 


iS^ 


C  l   T 


nommé  main  de  Dieu  par  les  Chinois  ,  5c 
dont  ils  font  grand  cas  pour  fa  beauté  & 
pour  fon  odeur.  Ce  fruit  eîl  tel  par  fa  forme , 
qu'on  croit  voir  les  doigts  d'une  main  qui 
fe  ferme  \  &  fa  rareté  a  engagé  les  ouvriers 
chinois  à  imiter  ce  fruit  avec  la  moelle  du 
tong-ftao  ,  qu'ils  tiennent  en  raifon  par  di- 
vers fils  de  fer  qui  figurent  les  doigts.  Le 
citron  des  curieux  d'Allemagne  venoit-il  des 
fcmences  de  celui  de  la  Chine  ?  ou  fa  forme 
venoit  -  elle  de  caufes  particulières  qui 
avoient  changé  ion  efpecc  ? 

Voici  une  autre  fingularité  ,  ou  plutôt 
monftruofité  bien  plus  étrange,  dont  parlent 
quelques  auteurs.  C'eft  d'un  citron  qui  naît 
enferme  dans  un  autre ,    citrum   in  citro  : 
inais  d'abord  il  faudroit  l'avoir  vu  ^  &  peut- 
être  quand  on  l'auroit  vu  ,    en  abandonner 
l'explication  :   car  il  ne  s'agit  pas  dans  le 
fa.it  d'un  fruit  double  ou  gémeau  ,    &  qui 
fe  forme  accouplé ,   lorfque  deux  boutons 
naifîent  d'une  même  queue  fi  près  l'un  de 
l'autre  ,  que  les  chairs  fe  confondent  à  caufe 
de  leur  trop  grande  proximité.  C'eft  ici , 
dit-on  ,  un   citron    qui  fort  du  centre   de 
l'autre ,  ou  plutôt  c'eft  ici  peut-être  un  fait 
mal  vu  &  mal  rapporté.  Ceux  ^i  en  don- 
nent l'explication  par  l'abondance  de  la  fevc  , 
n'expliquent   point   le  phénomène ,  parce 
qu'on  ne  com.prend  pas  que  la  force  &  la 
fécondité  de  la  fève  produifent  de  foi  un 
citron  contenu  dans  un  autre  ,  fans  l'entre- 
mifè  de  fa  queue ,  de  fa  fleur ,  &  de  tous 
ks  organes  dans  lefquels  la  matière  de  la 
produâ:ion  ordinaire  du  fruit  eft  préparée. 
Du  Bois  de  citronnier  des  anciens.  Il   me 
refte  à  parler  du  bois  de  citronnier  des  an- 
ciens ,  qui  étoit  très-rare  &  très-eftimé  à 
Rome.  Il  falloit  être  extrêmement  riche  & 
magnifique   pour  en  avoir  feulement  des 
lits  ,  des  portes ,  ou  des  tables  ^  c'eft  pour- 
quoi Pline  a  écrit  :  on  emploie  rarement  le 
bois  de  cet  arbre  pour  les  meubles  ,  même  des 
plus  grands  feigneurs.  Cicéron  en  avoit  une 
table ,  qui   avoit  coûté  deux   mille  écus. 
Afînîus  PoUio  en  avoit  acheté  une  trente 
mille  livres  ,  &  il  y  en  avoit  de  plus  de 
quarante  mille  écus  ^   ce  qui  faifoit  cette 
différence  de  prix ,  c'étoit  ou  la  grandeur 
des  tables  ,  ou  la  beauté  des  ondes  &  des 
nœuds.  Les  plus  eftiinées  étoieat  d'un  feul 
nœud  de  racine»  J 


C  IT 

La  promeffe  qu'Horace  fait  à  Vénus  de 
la  part  de  Maximus ,  lib.  IV ,  od.  j, 

Albanos  prope  te  lacus 
Ponet  jnarmorccm  fub  trabe  citrea, 

»  Il  vous  dreffera  une  ftatue  de  marbre  dans 
)i  un  temple  de  bois  de  citronnier  près  du 
»  lac  d'Albe  «  :  cette  promeffe  ,  dis -je  , 
n'eft  pas  peu  confidérable  ;  car  un  temple 
boifé  de  citronnier  devcit  être  d'une  prcdi- 
gicufc  dépenfe.  Ce  temple  de  Vénus  n'au- 
roit  pourtant  pas  été  le  premier  où  ïoii 
auroit  employé  de  ce  bois  :  on  n'a  qu'à 
lire  pour  s'en  convaincre  Théophrafte , /. 
V,  ch.  V  ;  &  Pline  A  XII ,  cA.  xvj. 

Nous  voyons  par  ce  détail  que  je  dois 
au  P.  Sanadon  ,  qu'il  ne  s'agit  pas  icfdu 
bois  de  notre  citronnier  ;  mais  nous  igno- 
rons quel  arbre  étoit  le  citrea  d'Horace  ,  nous 
ne  le  connoiffons  plus. 

11  eft  parlé  dans  l'écriture  du  bois  almM- 
gim.  (  III  liv.  des  Rois  ,  ch.  :r  ,  v.  xj.  )  , 
qui  a  aufîi  exercé  tous  les  favans  ;,  les  uns 
prétendent  que  c'eft  le  fabinier  ,  d'autres 
l'acacia ,  &  d'autres  enfin  entendent  par 
almugim ,  des  bois  gras  &  gommeux  :  mais 
puifq-je  c'étoit  un  bois  rare  que  la  flotte 
clHiratn  apporta  d'Ophir  ,  &:  qu'on  n'avoit 
jamais  vu  jufqu'à  ce  jour-là  ,  l'opinion  la 
plus  vraifemblable  eft. que  c'étoit  du  bois 
de  thuya  ,  comm.e  l'a  traduit  la  vulgate  , 
c'eft-à-dire  du  bois  de  cèdre  d'Afrique  j 
parce  que  fiiivant  toute  apparence  ,  le  pays 
d'Ophir  étoit  la  côte  de  Sophala  en  Afri- 
que. Ainfi  peut-être  que  le  bois  almugim 
ou  le  cèdre  d'Afrique  ,  pourroit  bien  être 
le  bois  de  citre  d'Horace  ,  fi  rare  ,  fi  re- 
cherché par  fa  bonne  odeur  ,  fes  belles  vei- 
nes &  fa  durée. 

Auteurs  anciens.  Les  littérateurs  peuvent 
confulter  ici  Diofc.  l.I^c.  cxxxj.  Théophr. 
hift.  plant,  liv,  IV .,  ch.  iv.  Athénée  ,  liv» 
III,  ch.  vij,  viij.  Pall.  R.  R.  liv.  IV ^  tit, 
X  ;  liv.  VIII,  tit.  iij.  Plin.  XII ,  iij  ;  XV  , 
xiv,  XXV iij  ;  XVI ,  XXV j  ;  XVII ,  x  .,  XVIII , 
vj.  Geop.  liv.  X  ,  c.  vij ,  viij  ,  jx.  Macrob. 
//  ,  faturn.  xv.  Paulus  ,  lib.  I ,  cap  viij  ; 
l.  VII ,  c.  iij  ,  V.  Sol  in.  c.  xlvj  ;  falma^i 
exercit.  Plin.  666.  Apicius  ,  /.  /  ,  c.  xxj. 

Auteurs  modernes.  Et  parmi  les  modernes, 
Commelinus  (  Joh.  )  in  Hefperidibus  Bel- 
gicis,  Aug.  Vindet  i6j6 ,  foL  en  Jbollaadoi% 


C  I  T 

Ferrarius  (  Joh.  Bap.  )  Hefperides.  Romce , 
1646  y  foi.  cum.  fig.  belle  impreflîon ,  figu- 
res encore  plus  belles ,  ouvrage  excellent , 
édition  originale. 

GcofFroi ,  Mat.  méd.tom.  F7,  très-bon. 

Grube  ("Herman  )  analyfîs  mali  citrei. 
Hafniœ^  166%  ,  //z-8°.  Ham.  i6j/\.  ,  1/1-4°. 
compilation  des  plus  médiocres. 

Jovianus  (  Joh.  )  Aoni  Hefperidum ,  lib. 
II,  Bafiiece,  1538,   //z-8^ 

Lanzonus  (  Jofèph.  )  citrologia  Ferra- 
ri cj^  ^  1690  ,  in-ii.  Ce  petit  traité  fe  re- 
trouve dans  le  recueil  de  fès  ouvrages. 

Nati  (  Pétri  )  obfervatio  de  malo  limo- 
nia  citratâ  aurantiâ ,  vulgo  la  bifarria  dicla. 
Florent.  lôj^^  in-4°.figur. 

Steerbeek  (  Franc.  )  citri  cultura  Antverp. 
168  2  5  iti-^.  en  flamand  ,  avec  de  belles 
figures. 

Wolcliammer  (  Jof.  Chriftoph.  )  Uefpe- 
ridummorib.lib.  IV  ^'Noriberg.  171 3  7  in-fol. 
C'eft  ici  la  traduction  latine  de  l'ouvrage 
de  cet  auteur ,  qui  fut  d'abord  publié  en 
allemand,  &  imprimé  à  Nuremb.  en  1708 
in-fol.  bon. 

On  peut  confulter  Hoffman  (  Frider.  ) 
dans  fes  ouvrages  fiir  l'utilité  du  citron  en 
fanté  &  en  maladie. 

Ferrari ,  entr'autres  bonnes chofes ,  a  trai- 
té avec  beaucoup  d'érudition  8c  de  connoif- 
fance  ,  de  la  culture  du  citronnier  ,  qui  in- 
térefTe  la  botanique  pratique.  Cette  culture 
demande  à- peu-près  les  mêmes  foins  &  la 
même  méthode  que  celle  de  l'oranger ,  com- 
me le  remarque  Miller.  Voye[  Oranger. 

Nebelius  a  donné  l'anatomie  du  citron  : 
&  Seba,  le  fquelette  de  la  feuille  de  l'arbre. 
Ther.  t.  I ,  pi.  4.  D'un  autre  côté  M.  Geof- 
froi ,  maître  dans  fon  art ,  a  enièigné  le 
procédé  de  tirer  le  fel  elTentiel  du  citron  , 
en  faifant  évaporer  le  fuc  jufqu'à  confiftance 
de  firop  clair.  Il  a  aufTi  trouvé  une  troifieme 
manière  de  tirer  l'huile  effentieile  du  ci- 
tron ,  qu'il  met  au  deffus  des  deux  métho- 
des dont  nous  avons  parlé.  Foyf:(  les  mém. 
de  tacad.  des  fcienc.  ann.  172 1  &  1738' 
(  M.  le  chevalier  de  Jaucovrt.  ) 

Citron  NIER.  (  Câym.  Diète.  Mat.  méd. 
Fharmac.  )  la  pulpe  ou  la  chair  &  le  flic 
du  citron  ,  fes  pépins  &  fon  écorce  ,  four- 
jaifFent  différens  remiCdes  à  la  médecine. 

Le  fuc  de  citron  doit  être  rapporté  à  la 


CIT  1S7 

cîalTe  des  fubftances  végétales ,  muqueufes , 
&  au  genre  de  ces  fubftances  qui  contien- 
nent un  excès  d'acide  qui  les  rend  peu  pro- 
pres à  fiibir  la  fermentation  vineufe  lorf- 
qu'on  les  y  expofe  fans  mélange  ,  mais  qui 
peuvent  fervir  très-utilement  à  corriger  des 
liibftances  de  la  même  clafle ,  qui  pèchent 
au  contraire  relativement  à  l'aptitude  à  la 
fermentation  vineufe  par  un  défaut  d'acide  : 
le  fuc  de  citron  eft  même  un  extrême  dans 
cette  efpece.  Voye^  MuQUEUX  ,  VlN ,  6* 
ZiMOTECHNIE. 

Le  fiic  de  citron  eft  employé  à  titre  d'a- 
cide &  comme  précipitant  dans  certaines 
teintures  ^  par  exemple  ,  dans  celle  qui  eft 
faite  avec  le  fafranum  ,  dont  la  partie  colo- 
rante eft  extraite  par  un  alkali  fixe.  Le  fuc 
de  citron  fèrt  encore  dans  le  même  art  à 
arriver  ou  exalter  certaines  couleurs.  Voye[ 
Teinture. 

Ce  fuc  a  des  ufages  plus  étendus  à  titre 
d'aliment  &  de  médicament  j  il  fournit  ua 
afîkifonnement  falutaire  &c  fort  agréable, 
que  les  Allemands  fur-tout  emploient  dans 
prefque  tous  leurs  mets ,  foit  exprimé ,  foit 
plus  ordinairement  avec  la  pulpe  qui  le  con- 
tient ,  &  même  avec  l'écorce ,  &  dont 
l'einploi  eft  beaucoup  plus  rare  dans  notre 
cuifine. 

C'eft  avec  le  fuc  de  ce  fruit  étendu  danf 
une  fliffifante  quantité  d'eau  ,  &  édulcoré 
avec  le  fuc ,  qu'on  prépare  cette  boillon  fi 
connue  fbus  le  nom  de  limonade  ,  qui  efl 
fans  contredit  de  toutes  les  boiiTons  agréa- 
bles celle  qui  peut  être  regardée  comme  le 
plus  généralement  falutaire.  V.  Limonade, 

Le  fùc  de  citron  eft  rafraîchiffant ,  diu- 
rétique ,  ftomachique ,  antiputride  ,  anti- 
phlogiftique,  regardé  comme  très-propre  3 
préfèrver  des  maladies  contagieufes  ^  quoi- 
qu'il faille  avouer  qu'à  ce  dernier  titre  il  eft 
moins  recommandé  que  le  citron  entier  ^ 
qui  eft  cenfé  opérer  par  fon  parfum.  L'u- 
tilité médicinale  la  plus  évidente  du  fiic  de 
citron  confifte  à  prévenir  les  incouvéniens 
de  la  chaleur  extérieure,  dépendante  des  cli- 
mats ou  des  faifoHs.  Les  habitans  des  pays 
très-chauds  retirent  de  fon  ufage  des  avan- 
tages conftans ,  qui  fourniffent  une  obfêr- 
vation  non  équivoque  en  faveur  de  cette 
propriété  :  celle  de  calmer  efticacement  les 
fièvres  inflammatoires  &  putrides ,  n'eft  pas 
Aa  z 


i«8  C  1  T 

il  conflatéc  à  beaucoup  près.  Voye^  FiEVRE. 

Le  icorbut  appelle  fcorbut  de  mer  ,  eil 
guéri  très-promptemeut  par  Tufage  des  ci- 
trons :  toutes  \(^?,  relations  de  voyages  de 
long  cours  donnent  pour  un  fait  confiant 
la  guérifon  prompte  &  infaillible  des  ma- 
telots attaqués  de  cette  maladie ,  même  au 
dernier  degré ,  dès  qu'ils  peuveat  toucher 
à  un  pays  où  ils  trouvent  abondamment 
é.e.%  citrons,  ou  autres  fruits  acides  de  ce 
genre  ,  comme  oranges ,  ùc.  Mais  jufqu'à 
quel  point  cet  aliment  médicamenteux  ope- 
re-t-il  dans  cette  guérifon  ?  Ne  pourroit-on 
pas  l'attribuer  a  plus  jufte  titre  aux  viandes 
fraîches  ,  &  à  toutes  les  autres  commodi- 
tés que  ces  malades  trouvent  à  terre  ,  à  l'air 
de  terre ,  &  fès  exhalaifbns  même ,  félon  la 
prétention  de  quelques  obfervateurs  ?  Tout 
cela  neparoît  pas  affez  décidé.  V.  Scorbut. 

Les  apothicaires  gardent  ordinairement 
du  flic  de  citron  dans  les  provinces  où  ils 
ne  peuvent  pas  avoir  commodément  des  ci- 
trons dans  tous  les  temps  de  l'année.  Ce  fuc 
le  confervefort  bien  fous  l'huile,  étant  tenu 
dans  un  lieu  frais  :  il  fubit  pourtant  une 
légère  fermentation  qui  le  dépure  &  le  rend 
très-clair ,  mais  qui  altère  un  peu  fon  goût  ^ 
Ce  qui  eft  évident  par  l'impofîibilité  de  pré- 
|>arer  avec  ce  fuc  ainfi  dépuré ,  une  limo- 
jfiade  aufTi  agréable  que  celle  qu'on  prépare 
jJtvec  le  fîic  de  citron  récemment  exprimé. 

C'eft  avec  le  fùc  de  citron  dépuré  qu'on 
prépare  le  fîrop  appelle  firop  de  limon  ;  car 
on  ne  diflingue  pas  le  citron  du  limon  dans 
4es  ufàges  pharmaceutiques  :  on  fe  fert 
4nême  plus  ordinairement  du  premier , 
.parce  qu'il  efl  plus  commun. 

Pour  faire  le  fIrop  de  limon  ,  on  prend 
une  paitie  du  fuc  de  citron  dépuré  par  le 
léger  mouvement  de  fermentation  dont  nous 
venons  de  parler ,  &  deux  parties  de  beau 
fucre  blanc  qu'on  fait  fondre  dans  ce  fuc  , 
à  l'aide  d'une  chaleur  légère,  au  bain-oia- 
rie  ,  par  exemple  ,  dans  un  vailfeau  de 
faïence  ou  de  porcelaine.  N,  B.  i°.  qu'on 
peut  employer  un  peu  moins  de  flicre ,  parce 
que  la  confiftance  exadsrement  fîrupeufe 
n'efl  pas  néceffaire  pour  la  confèrvation  des 
fucs  acides  des  fruits  ,  6c  que  cette  moin- 
dre dofc  fournit  la  commodité  de  faire  fon- 
dre plus  aifément  le  fucre  fans  le  fecours 
«le  la  chaleur  j  avantage  ^ui  n'efl  pas  à  né- 


C  I  T 

gliger  pour  la  perfeâion  du  firop  :  i*'.  qu'on 
gagneroit  encore  du  côté  de  cette  perfec- 
tion ,  pour  ne  perdre  que  du  côté  de  l'élé- 
gance de  la  préparation ,  fî  l'on  employoit 
du  fuc  non  dépuré  Se  récemment  exprimé  ,. 
au  lieu  du  fuc  dépuré  qui  ne  peut  être  récent. 

Les  médecins  allemands  &:  les  médecins 
anglois  emploient  affez  communément  l'a- 
cide du  citron  combiné  avec  différentes  ma- 
tières alkalines  :  les  yeux  d'écreviffes  citrés, 
\gs  alkalis  fixes  faoulés  de  fuc  de  citron  , 
font  des  préparations  de  cette  efpcce.  Mais 
nous  ne  connoifTons  par  aucune  obfervatioii 
fuffifante  les  vertus  particulières  de  ces  fèls 
neutres  ,  qui  ne  font  d'aucun  ufage  dans  la. 
médecine  françoife  :  le  premier  paroît  fort 
analogue  au  fèl  de  corail ,  quoiqu'il  ne  faille 
pas  abfolument  confondre  l'acide  végétal 
fermenté  avec  l'acide  végétal  naturel  :  &  le 
fécond  a  précifément  le  mêmie  degré  d'ana- 
logie avec  la  terre  foliée  de  tartre. 

Le  médecin  ,  en  prefcrivant  le  iîic  ou  le 
firop  de  citron  dans  les  mélanges,  ne  doif 
pas  perdre  de  vue  fa  qualité  acide ,  qui  le 
rend  propre  à  fe  combiner  avec  les  matiè- 
res alkalines  ,  foit  terreufes  ,  Ibit  falines  ,. 
&  à  coaguler  le  lait  &  les  émulfions  \  il 
doit  fe  fouvenir  encore  que  les  chaux  d'an- 
timoine ,  l'antimoine  diaphorétique  lui- 
même,  font  rendus  émétiques  par  l'addi- 
tion des  acides  végétaux. 

Meuder  recommande  ,  dans  fon  traité- 
des  teintures  antimoniales  ,  celle  de  CQS  tein- 
tures qu'il  appelle  vraies  ,  qu'on  peut  tirer 
de  ce  demi-métal  par  le  moyen  des  acides 
végétaux  ,  &  particulièrement  celle  qu'on 
prépare  avec  le  fuc  de  citron.  Voy.  Anti- 
moine. 

L'écorce  jaune  de  citron  a  un  goût  amer  y 
vif  &  piquant ,  dépendant  principalement 
de  la  grande  quantité  d'huile  effentielle 
qu'elle  contient  dans  de  petites  véficules 
très-fenfibles  ^  &  en  partie  aufîî  d'une  ma- 
tière extraélive  foluble  par  l'eau.  Cette 
écorce  ,  fbit  fraîche  ,  foit  féchée  ou  confite , 
efl  cordiale  ,  flomachique  ,  antiliyflérique  ,, 
carminative  ,  vermifiige  ,  &€.  on  en  fait  un 
firop  connu  dans  les  boutiques  fous  le  nom. 
de  firupus  flavediimm  citrei.  En  voici  la 
préparation. 

Prenez  des  zeflcs  de  citron  ou  de  limon  , 
cinçr  onces  j  de  l'eau  bouillaiite;^  une  livre  :  fai- 


C  I  T 

tes  macérer  pendant  douze  heures  au  bain- 
marie  dans  un  vailTeau  fermé  ,  &  ajoutez 
à  la  colature  le  double  de  fucre  fin  ,  fur  le- 
quel on  prendra  environ  une  once  pour  en 
faire  un  eUofaccharum  avec  l'huile  eilcntielle 
du  citron  \  eUofaccharum  qu'on  fera  fondre 
au  bain-marie  avec  le  reile  du  fucre  ,  & 
votre  firop  fera  fait. 

Ce  iîrop  ne  participe  que  bien  foiblement 
de  la  vertu  de  lecorce  jaune  de  citron. 

On  tire  l'huile  elfentieile  de  citron  par 
des  procédés  fort  fim.ples,  &:  par  là  même 
fort  ingénieux.  V.  HuiLE  ESSENTIELLE. 

L'huile  elTentielle  de  citron  polTede  émi- 
nemment les  vertus  que  nous  avons  attri- 
buées à  fon  écorce.  La  plupart  de  ces  pro- 
priétés font  communes  à  toutes  les  huiles 
elîéntielles  \  mais  celle-ci  par  la  douceur  & 
le  gracieux  de  fbn  parfum  ,  fournit  à  la  phar- 
macie une  matière  très-propre  à  aromatifer 
certains  médicamens.  On  l'emploie  dans 
cette  dernière  vue  fous  la  forme  d'un  eko- 
faccharum.  Voyez  Eleosaccharum. 

Boerhaave  dit  qu'on  einploie  avec  beau- 
coup  de  fuccès  l'huile  des  écorces  de  citron 
dans  les  palpitations  du  cœur ,  qui  dépen- 
dent d'une  humeur  aqueufe-froide  ,  &  d'un 
muqueux  inaâif ,  ab  aquofo  frigido ,  ù  inerti 
mucofo  ;  caufès  qui  figurent  on  ne  peut  pas 
mieux,  pour  l'obferver  en  pafîant ,  avec  le 
vifqueux  ,  ou  l'alkali  Ipontané  ,  l'acrimonie 
méchanique ,  &c.  Le  même  auteur  célèbre 
beaucoup  aufli  l'eau  retirée  parla  cohobation 
des  écorces  de  citron  ,  contre  les  vents  ,  les 
fyncopes ,  les  langueurs ,  &  les  mouvemens 
irréguliers  du  cœur. 

On  tire  aufll  des  zeiles  de  citrons,  parle 
moyen  de  la  diftillation  ,  une  eau  fimple  & 
une  eau  fpiritueufe  ,  connue  fous  le  nom 
à'efprit  de  citron.  Voye[  Eau  DISTILLÉE  j 
yoyei  aujji  EsPPaT. 

Cette  eau  aromatique  fpiritueufe  ,  fi  con- 
nue fous  le  nom  ^eau  fans  pareille  ,  n'eft 
autre  cliofè  que  de  l'efprit-de-vin  chiirgé 
«d'une  petite  quantité  d'huile  eflentielle  de 
citron  ,  que  l'on  difTout  goutte  à  goutte  & 
en  tâtonnant  ,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  atteint  au 
à&%Té  de  parfum  le  plus  agréable. 

L'autre  partie  de  l'écorce  de  citron  ,  qui 
cft  connue  fous  le  nom  à'écorce  Blanche  , 
-palTe  pour  vermifuge  &  litjiontriptiq^ue  j 


C  I  T  1^5? 

mais  Ton  peut  douter  de  ces  deux  propriétés, 
fiir-tout  de  la  dernière. 

Voici  ce  qu'on  trouve  fur  les  graines  de 
citron  ,  dans  la  matière  médicale  de  M.  Geof^ 
froi.  «  On  croit  que  les  graines  de  citron  font 
alexipharmaques  ;  on  les  emploie  dans  quel- 
ques conférions  alexiteres  :  elles  font  mou- 
rir les  vers  de  l'ellomac  &  des  inteflins  :  qWqs 
excitent  les  règles,  diiTipent  les  vents ,  atté- 
nuent &  divifènt  les  humeurs  vifqueufes.  On 
en  fait  des  émulfions  vermifuges  &  cordia- 
les ,  dans  les  maladies  d'un  mauvais  carac- 
tère &  peflileiitielles.  » 

On  fait  entrer  ordinairement  le  citron 
entier  coupé  par  tranches  dans  les  infufîons 
purgatives ,  connues  dans  les  boutiques  fous 
le  nom  de  tifannes  royales.  V.  PuRGATIF. 

«  On  vante  beaucoup  ,  dit  M.  Geoffi'oi , 
les  citrons  dans  la  pefte  &  les  maladies  con- 
tagieufes ,  pour  détourner  la  contagion  3  on 
porte  continuellement  dans  {ç.s  mains  un 
citron  feul ,  ou  percé  de  clous  de  girofle  ^  on 
le  flaire  &  on  le  mord  de  temps  en  temips  : 
mais  il  faut  avouer ,  ajoute  cet  auteur,  qu'on 
ne  détourne  pas  tant  la  contagion  par  ce 
moyen ,  qu'on  appaifë  \q%  naufées  &  \^%  en- 
vies de  vomir  qui  viennent  des  mauvaifes 
exhalaifbns  des  malades  ,  ou  de  l'imagina- 
tion qui  eft  bleifée  j  ce  qui  afFoiblit  l'eltomac 
&  corrompt  la  digeflion.  n 

Les  différentes  confitures  de  citron ,  telles 
que  les  petits  citrons  entiers  ,  les  zefles  & 
l'écorce  entière  ,  font  d'affez  bons  analepti- 
ques ,  ou  des  alim.ens  légers ,  ftomachiques 
&  cordiaux ,  que  l'on  peut  donner  avec  fuc- 
cès aux  eonvaiefcens  &  aux  perfonnes  qui 
ont  l'efloraac  foible  ,  languilfant  ,  &  en 
même  temps  peu  fenfible.  Il  faut  obfèrver 
pourtant  que  cette  écorce  de  citron  verte  , 
très-épaiffe,  qu'on  nous  apporte  toute  confite 
de  nos  îles  ,  doit  être  regardée  non  feule- 
ment comme  polFéciant  à  un  degré  très-infé- 
rieur \&s  qualités  que  nous  venons  d'attribuer 
aux  autres  confitures  de  citron  ,  qui  font 
pks  aromatiques  que  celles-ci ,  mais  même 
comme  fort  indigefie ,  au  moins  pour  les 
eflomacs  foibles. 

On  trouve  dans  \^^  boutiques  àii  apothi- 
caires un  élc£i:uaire  iblide  ,  connu  fous  le 
nom  ^élicluaire  ou  à^  tablettes  purgatives  de 
citron.  Voici  comme  elles  font  décrites  tUiiiS 
la  pharmacopée  de  Paris»  • 


i^o  C  I  T 

Prenez  écorce  de  citron  confite ,  confèrve 
de /leurs  de  violette ,  de  biiglofe  ,  de  chaque 
dc:rii-oiice  ,  de  la  poudre  diatragacanthe 
froide  nouvellement  préparée  ,  de  la  fcam- 
monée  choifîe  ,  de  chaque  demi-once  j  du 
turbith  ,  cinq  gros  ,  du  gingembre  ,  un 
demi-gros  -^  des  feuilles  de  fcné ,  fix  gros  ^ 
de  la  rhubarbe  choiiie  ,  deux  gros  &  demi  ^ 
des  girofles  ,  du  fantal  citrin  ,  de  chaque  un 
fcrupule  :  faites  du  tout  une  poudre  félon 
l'art  j  après  quoi  vous  ferez  cuire  dans  de 
l'eau  de  roies  dix  onces  de  beau  fucre  en 
conlîftance  requilë  pour  former  avec  les  con- 
ferves  &  la  poudre  ,  des  tablettes  que  l'on 
confervera  dans  un  lieu  fec  ,  parce  qu'elles 
font  fujettes  à  attirer  l'humidité  de  l'air ,  à 
iè  moifir. 

Ces  tablettes  purgent  aflez  bien  à  la  dofe 
d'une  demi-once  ;,  on  peut  même  en  donner 
fix  gros  aux  perfonnes  robuftes.  Mais  l'ufage 
de  ce  purgatif  a  été  abandonné  ,  apparem- 
ment parce  qu'il  eft  fort  dégoûtant,  comme 
toute  préparation  pharmaceutique  qui  con- 
tient beaucoup  de  poudre ,  &  qu'on  ne  peut 
faire  prendre  que  délayée  dans  de  l'eau  j 
mais  on  devroit  au  moins  le  prefcrire  aux 
perfonnes  à  qui  leur  fortune  ne  permet  pas 
d'être  fi  difficiles  ;  car  ce  remède  coûte  très- 
peu  ,  il  purge  très-bien  ,  &  avec  auffi  peu 
de  danger  que  les  médecines  magiilralcs  un 
peu  aciiives. 

Le  citron  entier ,  fon  écorce  jaune ,  fon  fiic , 
Ùl  pulpe ,  Tes  graines ,  fon  eau  diftillée  ,  fon 
e/prit ,  &c.  entrent  dans  un  grand  nombre  de 
préparations  pharmaceutiques  officinales,  (fi) 
CITRON VISCH ,  f.  m.  {H//,  nat.  îchthyo- 
log.  )  Ruyfch  a  fait  graver  encore  fous  ce 
nom  ,  au  /z°  8  de  la  VI*.  planche  de  fa  col- 
leclion  nouvelle  des  poijfons  cTAmboine  ,  un 
autre  poifîbn  des  mêm.es  mers  ,  qui  diffère 
du  précédent-,  en  ce  que  ,  i*^.  fon  corps  n'a 
pas  d'épines  j  2°.  fa  nageoire  dorfalc  eft  plus 
haute  devant  que  derrière ,  &  n'a  que  deux 
épines  à  fa  partie  antérieure  3  3°.  fà  nageoire 
anale  à  deux  épines  au  devant  ^  4°.  fa  queue 
€ft  fourchue  jufqu'aux  trois  quarts  de  fa  lon- 
gueur j  5°.  fon  corps  eft  jaune  ,  marqué  de 
chaque  côté  de  trois  bandes  obliques  bleuâ- 
tres ,  bordées  de  verd. 

Remarque.  Ce  poiffon  fait  encore  un  genre 
différent  du  précédent  dans  la  même  famille 
^es  cofres,  M.  ADAHsoti,  ) 


C  I  T 

CITROUILLE,  f  f  (  Bot.  )  plaate  eu- 
curbitacée  ,  en  latin  citrullus  6c  anguria  ojf, 
&  en  françois  connue  fous  le  nom  de  pafleque. 

Ses  racines  font  menues ,  droites ,  fiijrées  , 
&  chevelues  :  elle  répand  fur  terre  des  far- 
mens  fragiles  ,  velus ,  garnis  de  grandes 
feuilles  découpées  profondément  en  plufieurs 
lanières  rudes  &  hériffées.  Il  fort  desaiffelles 
des  feuilles  des  vrilles  &  des  pédicules  qui 
portent  des  fleurs  jaunes,  en  cloche,  évafées, 
divifées  en  cinq  parties  ,  dont  \<&s  unes  font 
fliériles  &lcs  autres  fertiles  *,  ou  appuyées  fur 
un  embryon  qui  fe  change  en  un  fruit  arron« 
di ,  fi  gros  qu'à  peine  peut-on  l'embraffer. 
Son  écorce  eft  un  peu  dure ,  mais  liffe ,  unie , 
d'un  verd-foncé ,  &  parfemée  de  taches  blan- 
châtres ,  ou  d'un  verd  gai.  La  chair  de  la 
citrouille  ordinaire  eft  blanche  ou  rougeâtre  , 
ferme  ,  &  d'une  faveur  agréable.  Sa  graine 
eft  contenue  dans  une  fubftance  fongueufè 
r|ui  eft  au  milieu  du  fruit  :  elle  eft  oblongue, 
large ,  applatie  ,  rhomboïdale,  jaunâtre ,  ou 
rougeâtre ,  ridée ,  garnie  d'une  écorce  un  peu 
dure  ,  fous  laquelle  fè  trouve  une  amande 
blanche,  agréable  au  goût ,  comme cellede 
la  courge.  On  cultive  la  citrouille  dans  le» 
potagers  ^  fa  chair  eft  bonne  à  manger. 

On  mange  la  chair  de  citrouille  cuite  ,  & 
on  la  prépare  d'une  infinité  de  manières 
dans  les  cuifines  :  on  fait  même  du  pain 
jaune  avec  la  pulpe  de  citrouille  &  la  farine 
de  froment. 

La  citrouille  croît  fans  culture  dans  les 
pays  chauds ,  tels  que  la  Fouille ,  la  Calabre  ^ 
la  Sicile  ,  &  autres  contrées  méridionales. 
On  la  fem.e  dans  les  pays  du  Nord  ,  &  elle  y 
porte  du  fruit  \  mais  il  arrive  rarement  à  une 
parfaite  maturité.  Les  jardins  d'Egypte  font 
remplis  de  citrouilles^  qui  varient  beaucoup, 
&  différent  les  unes  des  autres  :  c'eft  dom- 
mage qu'ellesnepuiffentpas  réuffir  enFrance. 
Profper  Alpin  en  parle.  Belon  fait  mention 
de  quelques-unes  dont  les  fruits  font  extrê- 
mement gros.  M.  Lippi  y  en  a  auffi  obfervé 
plufieurs  e/pcces  fort  particulières.  Mais  il 
n'y  a  point  d'endroits  où  la  citrouille  profite 
mieux  qu'au  Bréfil ,  &  où  fa  pulpe  foitplu* 
douce  &  plus  fùcculente. 

On  appelle  à  Paris  citrouille ^\t pepo  oblon* 
gus^  de  C.  Bau.  &  de  P.  Tournef.  c'eft  pour- 
tant une  autre  plante  cucurbitacée ,  différente 
de  celle  qu'on  vient  de  décrire  j  mais  il  (\d* 


C  I  T 

ïïfa  d'indiquer  ici  les  cara6lercs.  S-s  fleurs 
font  monopétales  ,  découpées  en  forme  de 
clocihe ,  évafées  au  fommet ,  &  échaiicrées 
en  cinq  parties  ^  les  unes  font  mâles  &  les 
autres  femelles  :  les  femelles  croilî'ent  au 
fommet  de  l'embryon  ,  qui  devient  enfuiïe 
un  fruit  ilicculent ,  long-  ou  rond  ,  revêtu 
d'une  écorce  rude  ,  inés^ale  ,  raboteufè ,  lil- 
lonnée  ,  couverte  de  nœuds  &  de  verrues  , 
divifée  fouvent  en  trois  loges  qui  renferment 
àes  graines  applaties  ,  &  comme  bordées 
d'une  manière  d'anneau.  Ce:te  plante  elt 
devenue  très-commune  dans  nos  jardins  , 
&  même  il  n'y  a  pas  de  plante  potagère 
dont  la  (èmence  levé  plus  aifëment ,  ik  fe 
conferve  plus  long-temps  avec  la  faculté  de 
fructifier.  (M.  le  chevalier  de  Javcovrt.  ) 

Citrouille,  {Mat.  méd.)  la  femence 
de  la  citrouille  ,  qui  cil  la  feule  partie  de 
cette  plante  qui  foit  en  ufage  en  médecine  , 
eft  une  des  quatre  femences  froides  majeures. 
Voyei  SExVIENCES  FROIDES. 

L'Jiuile  qu'on  retire  des  graines  de  ci- 
trouille paffe  pour  amollir  la  peau  ,  la  ren- 
dre unie  5  &  en  effacer  les  taches. 

Citrouille,  {Diète.) quelques perfbn- 
iics  mangent  toute  crue  la  chair  de  citrouille 
qui  efl  fous  l'écorce  \  mais  le  plus  fouvent 
on  ne  la  mange  que  quand  elle  eft  cuite, 
tlle  donne  très-peu  de  nourriture  :  elle  pro- 
duit un  fang  aqueux  qui  adoucit  les  inflam- 
mations des  parties  internes ,  &  temjpere 
l'acrimonie  &  l'eifervefcence  de  la  bile.  On 
la  prépare  d'une  infinité  de  manières  dans  les 
cu'ifînes.  On  la  rôtit ,  on  la  frit ,  on  la  fait 
bouillir  ,  on  l'aiî'aifonne  avec  le  beurre  ,  le 
lait ,  le  fel ,  les  oignons  ,  le  fucre ,  &  avec 
des  aromates  ^  &  même  on  fait  du  pain 
jaune  avec  la  pulpe  de  citrouille  mêlée  avec 
de  la  farine  de  froment  :  il  a  une  faveur 
douce  ,  &  il  efl  rafraîchiffant  &;  falutalre. 
GeofFroi  ,  Mat.  médicale,  {b) 

CITTA-DELLA-PIEVE,  (G/o^.)  petite 
ville  d'Italie  dans  TOmbrie. 

CITTA-DI-CASTELLO,  {Géog.)vï\\Q 
d'Italie  dans  l'Ombrie  ,  fur  le  T  ibre»  Long. 
29,  53  ;lat.  43  ,  28. 
^  CITTA-Dl-SOLE,  (  Géog.  )  petite  ville 
d'Italie  fortifiée  ,  dans  la  Tofcane  ,  flir  la 
rivière  de  Fagone. 

CITTA-NUOVA,  C  G/og^,  ;  viUe  d'Italie 
fiir  la  côte  d'Iibrie  :  elle  appartieat  aux  Yénd- 


CIT  191 

tiens.  Il  y  a  un  é  vêché  fuiîrajant  d' Aquilée.  L  2 
mau\ais  air  qui  y  règne  eiî:  caufe  qu'elle  elt 
mal  peuplée.  Long.  37.  23.  lat.  45.  30. 

Il  y  a  encore  une  autre  ville  du  même 
nom  avec  le  titre  de  duché  ,  dans  l'état 
de  l'égliië  ,  marche  d'Ancone ,  fur  le  golfj 
de  Venife  :  elle  appartient  à  la  maifon  Cé- 
iiiriui. 

CITVISCH ,  f.  m.  (HiJI.nat.lchthyolog.% 
poiiîbn  des  Hqs  Mohiques ,  allez  bien  gravé  , 
par  Ruyfch  ,  dans  fa  colkclion  nouvelle  des 
poijfons  £Amboine  ^page  1^^  planche  I^ILL  ^ 
fig.  I.  Coyetî  en  avoit  fait  graver  &  enlu- 
miner une  très-bonne  figure  ,  au  /z".  169  de 
la  féconde  partie  de  ion  recueil  des  poif- 
fons  d'Amboine  ,  fous  le  nom  hollandois 
chietfevifch  ou  la  toile  peinte  ,  du  mot  chiets 
ou  cits  ,  qui  fignifie  toile  peinte  des  Indes. 

Il  a  le  corps  elliptique ,  pointu  aux  deux 
extrémités ,  cxtrcmenient  comprimé  par  les 
côtés  ,  une  fois  plus  long  que  profond  j  la 
tête  &  la  bouche  petites  ,  les  yeux  mcdiO' 
crement  grands. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fêpî  , 
fàvoir ,  deux  ventrales  m.enues  ,  longues  , 
placées  au  delFous  des  [>e£l;orales  qui  font 
rondes  &c  médiocres  ^  une  dorfale  fort  lon- 
gue fendue  en  deux  ,  plus  Laiîe  devant  que 
derrière  ^  une  derrière  l'anus  alTcz  longue  , 
&  une  à  la  queue  arrondie.  De  ces  nageoi- 
res deux  font  épineufes  ,  fàvoir  ,  la  dor- 
fale qui  a  un  rayon  antérieur  /impie  ,  bc 
l'anale  dont  deux  rayons  antérieurs  font  ea 
épine. 

Son  corps  efl  jaune ,  entouré  de. dix  ban- 
des circulaires  rouges  ,  &:  bordé  de  bleu 
en  delfus  Se  en  delTous  ^  fa  tête  eft  entou- 
rée d'un  cercle  bleu  ^  ks  nageoires  font  ver- 
tes ,  à  l'exception  de  ladorfàle  qui  eft  noi- 
re ,  pointillée  de  blanc  ,  avec  fon  rayon 
épineux  bleu  &  fa  membrane  jaune  ,  &: 
celle  de  l'anus  qui  a  à  Ion  milieu  un  demi- 
cercle  jaune  ,  &  un  bleu  entourés  d'un  de- 
mi-cercle rouge.  Les  deux  rayons  épineux 
de  cette  dernière  nageoire  fout  pareiileinen*t 
bleus. 

Mœurs.  Ce  poifFon  eft  très-rare  &  fê  pè- 
che dans  la  mer  d'Amboùie  feulement  ,  au- 
tour de  l'île  des  trois  Frères. 

Ufages.  Il  eft  fort  bon  à  manger  5  maî« 
comme  il  n'eft  pas  fort  commun ,  ou  l'envoie 
paf  curlQilté  ;  à  caufe  de  la  beauté  de  iè» 


i5>i  C  I  V 

couleurs .  à  Batavia  &  ailleurs ,  dans  des  va- 
fes  de  par:elaine  ,  mais  il  rcllfte  difficile- 
ment à  la  longueur  du  voyage. 

Remarque.  Le  citvifch  a  tous  les  caractères 
généraux  &  principaux  du  douwiiig  ,  dont 
il  eil  une  elpece  ,  &  dont  le  genre  appar- 
tient à  la  famille  des  Icares. 

Quoique  fou  nom  fe  rapporte  entière- 
ment à  celui  du  poiilbn  que  nous  avons 
décrit  fous  le  nom  de  cluetfevifch  ,  ces  deux 
poilTons  ne  doivent  pas  être  confondus  \  non 
feulement  ils  ne  fojit  pas  de  même  efpece  , 
comme  on  en  peut  juger  par  les  fix  ou  Icpt 
caraâeres  de  différences  que  nous  avons  mis 
en  caractère  italique  pour  les  rendre  plus 
icnlibles  i  ils  doivent  même  former  deux 
genres  diiTércns ,  comme  nous  l'avons  indi- 
qué ,  vu  la  forme  de  leur  queue  qui  eft 
échancrée  dans  le  premier  &  arrondie  dans 
celui-ci.  C  M.  Adanson.  ) 

CIVADIERE  ou  SIVADIERE ,  fubf.  f. 
(  Mar.  )  c'eft  la  voile  du  mât  de  beaupré. 
Voye^marine^pl.  /,  la  vergue  de  beaupré  & 
la  civadiere  cotée  lo.  Cette  voile  eft  fort  in- 
clinée ,  &  elle  a  deux  grands  trous  à  chaque 
point  vers  le  bas ,  afin  cjne  l'eau  qu'elle  reçoit 
fe  puilfe  écouler  au  même  inftant ,  quand  il 
arrive  qu'elle  touche  à  la  mer. 

La  civadiere  eft  une  voile  d'un  grand  ufage , 
&  fa  fituation,  euégardau  vaiileau,  fait  voir 
qu'elle  femblc  propre  à  tirer  le  vailîèau  lorf- 
que  les  autres  voiles  ne  font  que  le  poufler. 
Cependant  quelques-uns  prétendent  qu'elle 
ièrt  plus  à  fcutenir  le  navire  &  à  le  redrefibr 
vers  le  haut ,  qu'à  le  poufler  en  avant.  {Z) 

CIUDAD  DE  LAS  PALM  AS ,  (  Qéog,  ) 
ville  capitale  de  l'île  de  Canarie ,  avec  un  fort 
&  un  port  très-fréquente.  Long.  3  ;  lat.  28. 

CIUDAD  DE  LOS  REYËS,  {Géog.) 
ville  confidérable  de  l'Amérique  méridio- 
nale dans  la  Terre  ferme  ,  province  de 
Sainte-Marthe  ,  près  de  la  fource  du  Céfar. 

CIUDAL  REAL,  {Géog.)  ville  d'Ef- 
pagne  dans  la  nouvelle  Caftille ,  capitale  de  la 
Manche ,  à  une  lieue  de  la  Guadiana.  Long. 
14,10^  Ict.  39 ,  z.  Il  y  a  encore  une  ville  de 
ce  nom  dans  l'Amérique  méridionale  au  Pa- 
raguai  ,  au  confluent  des  riviefes  d'Itatu  & 
de  Parana. 

CIUDAL-RODRIGO  ,  {Géog.)  ville 
forte  d'Efpagne  au  royaume  de  Léon ,  fur  la 
rivière  d'Aguada.  Long,  n ,  54  j  lat.  40  ,-38.  | 


C  ï  V 

CIVE  01/ CIVETTE ,  f,  f.  c:^;,«/^ ,  (/^r^.l 
il  y  en  a  de  trois  e/peces  \  la  cive  de  Portugal , 
la  groiîe  cive  d'Angleterre,  &  la  petite  qu'on 
nomme  civette:  elles  ne  différent  que  par  la 
groiiéur  de  leurs  feuilles.  Quelques-uns  ap- 
pellent la  civette  appétit.  La  racine  de  la  cive 
eft  un  aflemblage  de  petites  bulbes,  comme 
l'échalote.  Sa  feuille  eft  longue  ,  extrême- 
m.cnt  menue,  &  a  l'odeur  de  la  ciboule.  Ses 
fleurs  font  purpurines ,  faites  en  petit  paquet 
où  fe  forme  une  petite  graine  :  elle  fert  dans 
les  fournitures  de  falade  &  dans  \qs  omelet- 
tes ^  elle  jette  quantité  de  brindilles  balfes , 
que  l'on  coupe  à  fleur  de  terre  :  l'ufage  eil 
de  la  multiplier  par  les  petits  rejetons  de  fon 
pié.  \}\\t.  culture  ordinaire ,  une  bonne  terre , 
eft  tout  ce  qu'il  lui  faut.  {K) 

CIVEDA  ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Italie 
dans  le  Brelcian ,  fur  fOglio,  aux  Vénitiens. 

*CIVELLE,  f.  f.  {Pêche)  forte  de  pe- 
tit poiiTon  que  l'on  pêche  dans  la  Loire ,  de- 
puis la  ville  d'Angers  jufqu'à  la  mer,  &  qu'on 
croit  être  un  frai  d'anguille  ,  à  caufe  qu'il  en 
approche  beaucoup.  Ceux  qui  prétendent  le 
contraire  ,  difent  que  ces  poilfons  ne  vien- 
nent jamais  plus  grands  j  ils  ne  font  pas  plus 
gros  ni  plus  \o\\%%  que  des  aiguilles  ordinai- 
res à  coudre  :  il  s'en  pêche  une  très-grande 
quantité  ,  qui  fe  confomme  par  les  pauvres 
gens  &  \^%  riverains.  Ils  en  forment  des  bou- 
les qu'ils  nomment /»û//2  de  civelle. 

On  fait  cette  pêche  en  mars ,  elle  dure 
deux  à  trois  mois  '^  on  ne  fe  ièrt  que  de  facs , 
tamis  ou  cribles ,  avec  lefquels  hommes ,  fem.- 
mes  &  enfans  prennent  les  civelles  ,  en  écu- 
mantlafuperiîcie  de  l'eau  :  ainfi  c'eft  la  même 
pêche  que  celle  des  pêcheurs  bas-normands 
de  la  rivière  de  l'Orme.  On  la  fait  la  nuit  \ 
les  pêcheurs  ne  iè  fervent  point  de  lanterne  : 
s'il  arrive  que  les  déborde  mens  des  eaux 
aient  rendu  ks  eaux  troubles ,  on  pêche  d« 
jour  fur  la  Loire. 

CIVENCHEU,  (  Géog.  )  viUe  confidéra- 
ble de  la  Chine ,  dans  la  province  de  Fokien. 
Long.  134 ,  40;  lat.  25. 

CIVERAGE,  {Jurifpr.)  eft  une  reda^ 
vance  due  au  feigneur  dans  quelques  pro- 
vinces par  les  tenanciers ,  pour  les  terres  qu'il 
leur  a  concédées.  Gjypape  en  fait  mention 
en  fon  confeil  91.  Selon  M.  Salvaing,  dans 
fon  traité  de  ï  ufage  des  fiefs,  ch.  xcvij.  civa- 
ragium  eft  en  Dauphuié  un  droit  d'avenage  ou 

payable 


C  I  V 

payable  en  avoine,  f^oyei  Chopin  fur  Vani- 
de  IK^  de  la  coutume  d^ Anjou.  Voye-{^  le  tr, 
de  la  pratique  des  t£rriers ,  tom.  II ,  feci.  ix , 
guejl.   z.  {A) 

CIVES ,  f.  f.  (  Kitr.  )  c  ctoient  de  petites 
pièces  de  verre  de  forme  ronde  ,  dont  on 
iaifoit  anciennement  \qs  vitres.  On  s'en  fert 
encore  en  Allemagne. 

CIVET  ,  f.  m.  C  Cuifine.  )  c'eft  un  ragoût 
particulier  ,  fait  d'un  lièvre  coupé  par  mor- 
ceaux ,  &  cuit  en  pot  avec  bouillon,  un  bou- 
quet d'herbes ,  &  un  aiTaifonnementde  vin , 
de  farine ,  d'oignon ,  &  d'un  peu  de  vinaigre. 

CIVETTE,  f:f.  {HiJl.nat.Zoolog.) ani- 
mal -{ibethicum  quadrupède  ,  que  l'on  a  mis 
fous  le  même  genre  que  le  chien ,  parce  qu'il 
lui  rcffemble ,  de  même  qu'au  loup  &  au 
renard ,  par  la  forme  de  la  tête  &  du  mufeau , 
&  par  le  nombre  des  dents  ;,  c'eft  pourquoi 
on  lui  a  au/îi  donné  le  noin  de  catus  [ibethi- 
cus  oufelis  odoratus.  M.  Linné  a  rangé  la  ci- 
vette avec  le  blaii-eau  fous  le  même  genre , 
parce  que  c&s  deux  animaux  ont  chacun  huit 
mamelles ,  deux  fur  la  poitrine  ,  iix  fur  le 
ventre  ,  &  cinq  doigts  à  chaque  pié. 

La  civette  habite  l'Afrique  ,  les  Indes  ,  le 
Pérou  ,  le  Brelil ,  la  nouvelle  Efpagne  ,  la 
Guinée  :  on  en  nourrit  en  Europe.  Quelques 
aTîteurs  la  prennent  pour  l'hyeue  d'Ariftote 
&  de  Pliîie  j  &  ceux-là  l'ont  nommée  alfez 
bien  kyœna  odorifera.  D'autres  l'eûiment 
être  une  efpcce  de  fouine  ou  de  chat  fauvage  \ 
&  ceux-ci  l'ont appellce/t//j  -{ibethina^  parce 
que  la  civette  porte  un  paiifum  que  les  Arabes 
appellent  içdeb  ou  ^ibet ,  d'où  elle  a  été  nom- 
mée en  françois  civette. 

L'hiftoire  de  cet  aniinal ,  celle  de  la  faufte 
origine  de  fbn  parfum  ,  les  contes  qu'on  en 
lit  dans  les  voyages,  les  erreurs  où  font  tom- 
bés les  divers  naturaliftes  qui  en  ont  parlé  ^ 
tous  ces  faits  n'entreront  point  ici  dans  fbn 
article  :  nous  nous  en  tiendrons  uniquement 
à  fa  defcription  anatomique  ,  que  nous  ex- 
trairons des  mémoires  de  f  académie  des  Scien- 
ces ^  les  feules  fburccs  fur  lefquelles  0!i  puifle 
compter  ,  &  avec  d'autant  plus  de  railbn  , 
qu'on  trouve  réuni  dans  un  fè.d  des  anciens 
volumes  de  cette  académie  ,  la  defcription 
de  cinq  de  ces  animaux. 

La  civette  a  environ  deux  pies  &  demi  de 
long,  fa  queue  eftde  quinze  pouces  plus  ou 
moins  j  fes  jambes  font  courtes ,  priucipale- 
Tome  FIII^ 


CIV  T5)3 

ment  celles  de  devant ,  qui  u'avoicnt  depuis 
le  ventre  jufqu'en-bas ,  que  cinq  pouces  ^  les 
pattes ,  tant  celles  de  devant  que  celles  de 
derrière  ,  avoient  chacune  cinq  doigts ,  dont 
le  plus  petit  tenoit  lieu  de  pouce  ,  comme  à 
l'ours  ;  mais  ce  petit  doigt  à  peine  pofoit  à 
terre  ,  &  n'y  touchoit  que  de  l'ongle.  Outre 
ces  cinq  doigts ,  il  y  avoit  un  ergot  garni 
d'un  ongle  comme  les  doigts.  La  plante  du 
piéétoit  munie  d'une  peau  douce  au  toucher. 

Le  poil  étoit  court  fur  la  tête  &  aux  pattes , 
mais  ayant  jufqu'à  quatre  pouces  &  demi  fur 
le  dos,  où  il  eft  le  plus  long.  Ce  long  poil 
qui  étoit  dur  ,  rude  &  droit  ,  étoit  entre- 
mêlé d'un  autre  plus  court ,  plus  doux  ,  & 
frifé  comm.e  de  la  laine. 

L'ouverture  qui  conduit  a::  réceptacle  où 
s'amafTe  la  matière  odorante ,  qu'on  appelle 
vulgairement  civette ,  étoit  au  deffous  de 
l'anus  :  cette  ouverture  étoit  longue  de  trois 
pouces  f,  &  quand  on  la  dilatolt ,  elle  avoit 
plus  d'un  pouce  &  demi  de  large  :  elle  étoit 
l'entrée  d'une  cavité  qui  fervoit  comme  de 
veftibule  pour  réceptacle  de  la  matière  odo- 
rante. 

Ce  veftibule  étoit  garni  par  les  bords  d'un 
poil  tourné  de  dehors  en'  dedans  ,  enforte 
que  la  matière  odorante  n'en  pouvoit  fortir 
qu'à  contre-poil.  Dans  le  fond  de  ce  veftibule 
qui  pouvoit  contenir  un  petit  œuf  de  poule  , 
*il  y  avoit  deux  autres  ouvertures  à  droite  &c 
à  gauche  d'un  pouce  de  diamètre ,  qui  péné- 
troient  chacune  dans  un  iàc  de  ièpt  à  huit 
lignes  de  diamètre. 

La  peau  du  dedans  de  ces  fàcs  étoit  iné- 
gale comme  celle  d'un  oifon  ,  garnie  de 
petits  poils  clair-femés,  &  percée  de  piu- 
lieurs  petits  trous  :  ces  trous  répondoient  à 
des  glandes  de  la  groffcur  d'un  petit  pois  , 
ferrées  les  mies  contre  les  autres ,  &  lices 
par  des  membranes  &  par  des  vaiilcaux,  qui 
étoient  les  ram^eaux  des  artères  &  des  vei- 
nes Ir.^îogaftriqucs  &  honteufcs. 

C'eii  dans  ces  facs  que  s'amaile  la  matière 
odorante  ,  que  les  Arabes  appellent  :(ibct , 
qui  fignifîe  écume.  En  effet  ,  cette  matière 
étoit  écun^.eufe  3  &  cela  fe  reconnoilToit ,  en 
ce  que  peu  de  temps  après  elle  perdoit  la 
blancheur  qu'elle  avoit  en  fortant  :  ce  qui 
arrive  à  toutes  les  liqueîirs  ,  lelqueiles  blar,- 
chilfent  toujours  quand  elles  écument ,  ds; 
quelque   couleur  qu'elles  foient  d'aiileurik' 

Bb 


194  C  I  V 

La  petite  ouverture  qui  pnroifîbit  au  clcfTous 
do  la  grande ,  étoit  l'eutrce  des  parties  de 
la  génération. 

La  forme  àes  poches  où  s'amaiTe  la  ma- 
tière odorante  ,  Te  voyoit  mieux  renverfée 
qae  dans  leur  iituation  naturelle.  Les  glan- 
des de  ces  facs  étoient  du  nombre  des  con- 
glomérées. Au  milieu  de  chaque  glande  ,  il 
y  avoit  une  cavité  oblongue  pleine  de  fiic 
odorant  fort  blanc  ,  qu'elle  rccevoit  par  au- 
tant de  petits  trous  qu'il  y  avoit  de  grains  qui 
compofoient  la  glande  ^  &  cette  cavité  fe 
retréciiFoit ,  &  fcrmoit  un  petit  col  ou  con- 
duit qui  perçoit  la  peau  dont  Je  dedans  des 
poches  étoit  revêtu  ,  &  qui  y  diililloit  la 
matière  odorante. 

Ces  facs  parc^iloient  recouverts  dé  fibres 
charnues  ramalTées  enfemble  ,  mais  venant 
d'endroits  éloignés  &  difii'rens  ;,  de  forte 
qu'ayant  égard  à  leur  différente  origine  ,  on 
pouvoit  compter  jufqu'à  dix  mufcles.  L'ufage 
de  ces  mufcles  eil  d'exprimer  tk.  faire  fortir 
la  matière  odorante  ,  quand  il  s'en  eft  amaifé 
une  certaine  quantité.  Les  veines  &  artères 
hypogaflriques  &  épigaftriques  fourniffent 
Je  fang  qui  produit  cette  matière  dans  les 
glandes  dont  les  facs  font  tapiiîés. 

L'odeur  de  cette  matière  fe  confer\'e  ,  & 
ne  devient  point  mauvaife  par  le  temps  ^ 
mais  il  paroit  que  l'odeur  de  la  civette  n'eft 
pas  feulement  dans  la  liqueur  qui  s'amailc 
dans  les  poches  ,  car  elle  eft  aufîi  répandue 
par  tout  Ion  corps  ^  &  fon  poil  eft  tellement 
parfumé  ,  que  la  main  qui  l'a  touchée  con- 
ièrve  long-temps  une  odeur  fort  agréab|e. 
C'eft  ce  qui  a  fait  croire  à  plufieurs  naturalif- 
tes ,  que  le  parfum  de  la  civette  n'eft  autre 
cliofe  que  fà  fueur  \  enforte  qu'ils  ont  penfé 
qu'on  l'amaffoit  en  faifànt  courir  ces  animaux 
dans  une  cage.  Quoique  cette  fueur  forte  iu- 
dilFéremment  de  tout  le  corps  de  l'aiiimal , 
cependant  la  liqueur  odorante  s'amalfe  véri- 
tablement dans  les  iàcs ,  s'y  forme  Se  s'y 
perfe(^tionne. 

Dans  la  dernière  civstte  dift'cquéepar  MM. 
de  l'académie ,  ils  examinèrent  la  lirudure 
des  inamelks  dont  nous  n'avons  pas  encore 
parlé.  Cette  civette  avoit  quatre  maireLiis , 
dont  deux  étoient  fîtués  au  milieu  du  ventre 
?.  côté  du  nombril ,  &.  les  deux  autres  au  bas 
rie  la  p'jitrinc.  La  grolTeur  des  uns  &  des 
autres  étoit  d'une  ligne  &  demie  j  &  la  loii-  \ 


C  I  V 

gucur  de  deux  lignes.  Sous  chacun  de  ces 
mamelons  il  y  avoit  plufieurs  conduits  com- 
muniquant les  uns  avesc  les  autres .  &  enfer- 
més dans  les  inîégumens  communs.  Ces 
conduits  fem.bîoient  dcftincs  à  porter  le  lait 
aux  mamelons ,  quoiqu'ils  ne  fortiffcnt  d'au- 
cunes glandes  qui  fullent  vifîbles  :  mais  cela 
n'eft  pas  étonnant,  car  ces  animaux  qui  n'a- 
laitcnt  &  n'engendrent  peint  dans  ces  pays- 
ci,  doivent  avoir  ces  glandes  aftez  petites 
pour  être  in:perceptibles. 

Dans  ces  cinq  civettes  il  y  avoit  quelques 
jeux  de  la  nature.  Par  exemple  dans  l'une 
d'elles ,  le  crj'ftallin  étoit  d'une  dureté  ex- 
traordinaire 5  ce  qui  peut  fervir  à  expliquer 
ce  que  Pline  (  liv.  XXXVII  ^  chap.  x.)  dit 
des  yeux  de  l'hyène ,  qu'on  en  tire  des  pierres 
précieufes  appellées  hyenicc.  Cette  particu- 
larité jointe  à  quelques  autres  ,  ferviroit-elle 
à  juftifier  l'opinion  de  Belon,  qui  a  prétendu 
que  la  civette  &  l'hyène  àQ%  anciens  ne  font 
point  ^iii  animaux  difterens  ?  Ily  a  quelques 
raifbns  pour  appuyer  fon  fentiment  j  car  les 
deux  principales  marques  que  les  anciens 
donnent  à  leurs  hyènes ,  fe  trouvent  dans 
la  civette  ,  le  poil  hérifle  le  long  du  dos  ,  & 
une  ouverture  particulière  fous  la  queue  , 
outre  \e^  deux  qu'ont  les  femelles  de  tous  les 
autres  animaux.  Mais  ^\\\\  autre  côté  y 
l'hyène  des  anciens  eft  plus  graride  que  la 
civette  ,  fon  poil  fort  différent  ;  &  ce  qui 
eft  phis  fort  que  tout ,  ils  ne  difent  point 
qu'elle  eut  aucune  odeur ,  caraèèere  qui  les 
diftingue  prefque  de  tous  les  autres  animaux.. 

A  ce  détail  très-inftrué^if  fur  la  civette  y 
il  ne  nous  refte  à  ajouter  que  quelques  nou- 
velles particularités  décrites  par  M.  Mo- 
rand ,  fiir  le  fac  où  cet  aiîimal  porte  fon  par- 
tiun.  Me'm.  de  tacad.  172.8  ,  pag.  403. 

Ce  fac ,  comme  on  l'a  vu  ,  eft  frtué  entre- 
l'anus  &  le  fexe  de  l'animal  ,  à-peu-prèy 
comme  celui  où  \^%  caftors  portent  leur  cafio- 
,  reum.  il  pend  extérieurement  entre  les  cuif^ 
fes  de  la  civette ,  &  eft  aifei  grand.  En 
gros ,  c'eft  une  cavité  e'ÀFcrmée  dans  une  en- 
veloppe épailîc  ,  &  qui  a  une  îcngiie  ouver- 
ture en-  dehors  ,  de  la  figure  d'une  vulve. 

Toute  l'épaiffeur  de  l'enveloppe  eft  fermée 
par  luie  infinité  de  petits  grains  ,  qui  font 
\q%  glandes  où  fe  filtre  la  liqueur  odorante. 
En  regardant  mieux  ces  grains  avec  le  mi- 
crofcope ,  M,  Morand  a  découvert  q^i'iis 


CI  V 

étoient  accompagnés  d'une  iiifinité  de  folli- 
cules ou  petites  bourlss ,  qui  contenoieat  de 
la  liqueur  déjà  filtrée.  Ces  follicules  peuvent 
être  aifément  formées ,  ou  par  la  défimion 
des  deux  lames  d'une  membrane  ,  ou  par 
l'extenfion  des  extrémités  des  vailTeaux  fàn- 
guins.  Mais  ce  qui  eft  beaucoup  plus  fingn- 
lier ,  M.  Morand  a  vu  dans  la  liqueur  des 
follicules ,  de  petits  poils  pofés  fans  ordre  çà 
&  là.  Ils  n'ont  point  de  racines  ,  &  ne  tien- 
nent point  les  utis  aux  autres. 

La  cavité  du  fac  eft  occupée  par  deux 
efpeces  de  pelotons  de  foie  courte  toute 
imbibée  de  la  liqueur  odorante  y  qui  paroît 
comme  un.e  huile  blanche. 

En  comprimant  l'épaiffeur  de  l'enveloppe, 
on  en  fait  Ibrtir  par  les  porcs ,  ou  plutôt  par 
les  canaux  excrétoires  de  iâ  membrane  in- 
terne ,  l'huile  odorante  qui  va,  fe  rendre 
dans  la  cavité  du  fac  ;  elle  fort  non  par 
gouttes  fëparées ,  mais  en  forme  de  jet  con- 
tinu ,  à-peu -près  comme  la  matière  qui  fort 
des  glandes  fébacées  de  la  peau ,  peut-être 
parce  qu'elle  eft  foutenue  &  comme  liée 
par  ces  petits  poils  qu'elle  entraîne  avec  elle. 

Il  paroît  certain  que  les  follicules  de  l'en- 
veloppe font  les  premiers  réforvoirs  de  l'huile 
odorante,  mais  des  réforv^oirs  particuliers  & 
difperfés  ^  delà  elle  paiTe  dans  la  cavité  du 
fâc  ,  focond  réfervoir ,  mais  général ,  où 
elle  s'arrête  &  fè  conferve  dans  les  deux  pe- 
lotons foyeux  :  car  fans  cela  la  grande  ou- 
verture extérieure  du  fac  n'ayant  ni  vah'ule, 
ni  fphinâier ,  l'huile  s'écouleroit  perpétuel- 
lement au-dehors  ,  &  ce  n'eft  pas  là  le  def^ 
fein  de  la  nature.  ' 

II  eft  vrai  que  l'on  ne  connaît  pas  aflèz  la 
civette  pour  favoir  en  quelle  occafion  elle 
jette  fou  huile ,  quel  ufage  elle  en  fait  j  mais 
enfin  on  voit  bien  que  le  méchaniline  eft 
deftiné  à  empêcher  l'écoulement  perpétuel. 
Les  pelotons  foyeux  font  l'office  d'une 
éponge ,  qui  garde  la  liqueur  dont  elle  eft 
abreuvée ,  jufqu'à  ce  que  la  nature  l'exprime 
en  certain  temps  pour  des  ufages  qui  nous 
font  inconnus. 

Cette  liqueur  odorante  mirée  à  la  lumière 
d'une  bougie  ,  rend  d'abord  une  odeur  aflez 
agréable  ^  enfuite  elle  s'enflamme  avec  cré- 
pitation ,  &  le  feu  étant  éteint ,  elle  donne 
une  odeur  de  cheveux  brûlés. 

Tout  ce  qu'on  a  dit  jufqu'ici  de  l'anatoitiic 


de  la  c/rtv/x.',  &  du  ikc  qui  porte  fon parfum^ 
peut  devenir  d'autant  plus  iutéreftant ,  que  la 
civette  n  eft  pas  le  feul  animal  à  qui  ces  détails 
appartiennent ,  ni  le  feul  qui  foit  doué  d'une 
poche  pour  un  parfum  particulier.  Nous 
avons  le  caftor ,  le  mufc ,  le  rat  mu{qué  que 
les  Latins  nomment  pylo ris ,  &  d'autres  qui 
ont  des  follicules  pour  une  matière  odorante , 
d'une  nature  pareille  à  celle  de  la  civette,  ou 
d'une  qualité  différente  ,  comme  le  rat  do- 
rneftique  ,  le  blaireau  ou  taiflbn  ,  &c.  Or 
ces  connoiflhnces  réunies  ,  ne  peuvent  que 
jeter  du  jour  fur  l'anatoraie  cornparée  ,  ôc 
peut-être  fur  la  ftruôure  des  glandes  con- 
glomérées du  corps  humain.  (  M.  le  chevalier 

DE  J AU  COURT.  ) 

Addition  faite  par  M.  Adanson  à  t ar- 
ticle que  ton  vient  de  lire. 

La  civette  a  été  confondue  jufqu'ici  avec 
le  zibet  par  tous  les  naturaliftes  ,  au  point 
que  M.  Linné  le  défigne  encore  dans  fou 
SyJierTia  naturœ ,  édition  il,  imprimé  en 
1766  ,  page  65  ,  fous  le  nom  commun  de 
viverra  5  ybetha ,  caudâ  annulatâ ,  dorfo  ci- 
nereo  nigroque  undatim  variegato.  Mais  quoi- 
que CCS  deux  animaux  donnent  également 
ce  parfum  odoriférant ,  il  y  a  entre  eux  des 
différences  affez  grandes  pour  les  faire  regar- 
der comme  deux  efpeces  diftindes.  1°.  La 
civette  ne  fè  trouve  qu'en  Afrique  ,  &  plus 
communément  en  Ethiopie  &  au  Sénégal , 
où  on  l'appelle  kankcn  ;  au  lieu  qi'c  le  zibet 
eft  particulier  à  l'Afîe  ,  où  les  Arabes  l'ap- 
pellent [ebed  ou  [ebet  ,  d'où  s'eft  formé  le 
nom  de  [ibet.  2**.  Elle  a  le  corps  plus  court 
ou  plus  épais  à  proportion ,  le  poil  plus  long , 
plus  rude  fur  le  dos  ,  où  il  s'étend  &  fè  re- 
dreffe  comme  une  crinière  ,  &  fur  la  queue 
qui  approche  afîèz  de  celle  d'un  renard  ou 
plutôt  d'un  épagneul ,  ou  d'un  chat  angora , 
pendant  que  le  zibet  a  ces  poils  plus  courts , 
plus  doux  ,  plus  égaux  en  longueur.  3°.  Sa 
queue  égale  à  peine  la  longueur  de  fon  dos 
jufqu'aux  épaules ,  au  lieu  que  celle  du  zibot 
eft  un  peu  plus  longue.  4°.  Ses  oreilles  font 
plus  petites ,  exa(^ement  arrondies  en  demi- 
cercle  ,  celles  du  zibet  étant  en  pointe  &  pref^ 
qu'une  fois  plus  longues  que  larges.  5°.  Les 
taches  noires  font  plus  grandes  &  moins 
nombreufes  dans  la  civette  ;  la  queue  n'eft 
pas  fènfîblement  annelée  ,  fa  face  a  une 
grande  tache  noire  dont  les  bords  eiicoa^ 

Bb2 


I5)<5  CIV 

leiit  les  yeux  '^  fan  ccu  a  une  grande  tache 
noire  en  cravate,  ^z  fcs  pattes  font  toutes 
noires.  Dans  le  zibeî ,  au  contraire ,  les  pat- 
tes ,  au  moins  celles  de  devant ,  font  mou- 
clietc'es  de  noir  j  la  queue  eft  unie  &  anne- 
Ice  de  fix  à  fspt  taches  noires ,  comme  celle 
de  la  gcnette  ,  mais  à  bout  blanc  '^  le  cou 
moucheté  de  noir ,  &  les  joues  noires  feu- 
lement vers  le  deiîbus  du  m.enton. 

Remarque.  Nous  remarquerons  ki  ,  avec 
M.  de  Buiîbn  ,  (  hijioire  naturelle  ,  édition 
in-ii  de  1769  ,  volume  VIII^  page  344) , 
combien  la  tombinaifon  des  caraéleres  & 
des  rapports  de  la  civette  a  coûté  à  M.  Lin- 
né ,  &:  combien  ce  naturaliile  a  été  embar- 
rafic  pour  placer  cet  animal  dans  ùi  méthode^ 
qu'il  appelle  Syjlême  naturel  ,  puiiqu'il  a 
varié  à  (o\\  fiijet  à  chaque  édition  de  cet 
ouvrage  ^  car  ,  i  ^.  du  genre  du  blaireau  , 
mêles ^  où  étoit  la  civette  ,  dans  !«  quatrième 
&  la  fixieme  édition  ,  elle  a  paiîe  dans 
ealui  des  furets  viverra.  D'abord  elle  étoit 
feule  avec  le  blaireau  dans  l'édition  qtiatrie- 
ine  ^  enfuite  elle,  fut  réunie  avec  le  blaireau 
&  l'ichneumon  dans  la  fixieme  édition  ^ 
dans  la  dixième  édition  elle  fut  féparée  du 
blaireau  &  réunie  avec  l'ichneumon  ,  la 
mouffette ,  fe  putois  rayé  &  la  geiiette  i  en- 
fin dans,  la  douzième  &  dernière  édition  , 
publiée  en  ij66y  pag.  6$ ,  elle  fe  trouve  réu- 
nie ,  non  feulement  avec  ces  quatre  derniers 
animaux  ,  mais  encore  avec  les  coati.  2°.  Le 
blaireau  qui  étoit  fsul  de  fou  genre  avec 
la  civetti  ,  édition  quatrième  ,  &  avec  l'ich- 
ceumon  ,  &  la  civette  ,  édition  fîxieme  ,  fè 
trouve  éditions  dix  &  douze  avec  l'ours , 
l'ours  blanc  de  Groenland ,  le  louveteau  de 
la  baie  d'Hudfon  ,  &  le  raton  ou  racoon 
d'Amérique.  3'',  L'auteur  a  changé  l'accep- 
tion reçue  du  m.ot  viverra  ,  dont  il  fait  un 
nom  générique  pour  cinq  animaux  ,.  parmi 
lefquels.  on  croiroit  devoir  trouver  au  moins 
le  vrai  viverra  y  c'eft-a-dire ,  le  furet ,  qui 
se  s'y  trouve  pas ,  &  qu'il  faut  aller  cher- 
cher dans  le  genre  des  belettes ,  au  n^.  8  , 
■page  4B  j  fous  le  nom  de  furo.  Nous  ne  ci- 
tons ,  avec  M.  de  Buffon  ,  ces  difparates  de 
nom.enclature  &  ces  affociations  bizarres  d'a- 
nimaux ,  que  pour  faire  fentir  combien  ces 
-prétendus  genres  font  peu  fixes  ,.  &  auiïi  ar- 
bitraires que  les  méthodes  qui  leur  fervent 
4ç,fQ»de,meflt.. 


C  I  V 

En  rafîbmblaiit  fans  préjugés ,  Hins  pré- 
vention pour  aucun  lyRêir^e  ,  tous  les  carac- 
tères qui  fe  remarquent  dans  la  civette  & 
le  zibct ,  on  voit  d'abord  qu'ils  ne  peuvent 
être  ailociés  avec  les  animaux  qui  n'ont  pas 
de  poche  à  m.ufc ,  ni  la  queue  longue  ,  ni 
les  cinq  doigts  à  la  même  hauteur ,  tels  que 
le  fiiret ,  la  fouine  ,  la  belette  ,  le  putois  , 
rhermine ,  la  martre  ;  &  que  parmi  ceux  qui 
ont  comme  eux  le  pouce  à  la  m^ême  hau- 
teur que  les  quatre  autres  doigts ,  il  n'y  a  qiie 
le  blaireau  ,  le  coati  &  l'ours  qiii  aient  quel- 
ques rapports ,  mais  la  queue  de  ces  animaux 
eil  plus  courte  ,  ils  n'ont  point  de  poche  à 
mufc.  La  genette  du  Sénégal  ou  la  foifane 
de  Madagafcar,  eft  le  feulquadnipede  connu 
jufqu'ici  qui ,  ayant  la  queue  longue  ,  ait  en 
même  temps  une  poche  à  mule  ,  près  des- 
parties  génitales,  &  par  conféqucnt  desrajv 
ports  intimes  avec  la  civette  ;  mais  cet  ani- 
mal en  diffère  ,  en  ce  qu'il  a  le  pouce  de 
fes  jambes  placé  un  peu  plus  haut  que  les 
quatre  autres  doigts.  La  civette  forme  donc 
un  genre  particulier  d'animal ,  voifin  de  la 
genette  ou  de  la  foifane,  dans  la  famille  que 
j'appellerai  hi  famille  des  lions  ou  des  chats. 

Civette  ,  {Mat.  méd.)  La  civette ,  Qu. 
cette  matière  ondueufe  &  balfàmique  four- 
nie par  l'animal  qui  porte  le  même  non;! , 
eft  employée  extérieurement  dans  l'ufage 
médicinal  j  elle  eft  réfolutive  ,  anodyne  , 
tonique ,  anti-lpafmodique  ou  nervine  ,  & 
particulièrement  anti-épileptique  &  anti-hyf- 
térique  ^  c'eft  à  ces  deux  derniers  titres  qu'on 
l'emploie  quelquefois  dans  les  accès  d'épi- 
lepfie  ou  de  vapeurs  hyftériques.  Dans  ces 
cas  on  en  frotte  le  nombril ,  la  région  du 
cœur  &  de  l'eftornac  ,  ou  on  en  applique 
même  chez  les  femmes  à  l'orifice  extérieur 
de  la  matrice  ^  mais  on  fè  donne  bien  de 
garde  de  la  leur  porter  au  nez,  parce  que 
Ion  odeur  ,  comme  toutes  les  odeurs  agréa^ 
hles  ,  eft  dangereufe  dans  ce  cas ,  félon  unç 
obfervation  connue; 

On  fait  aufîî  avec  la  civette  ,  le  muf 
&  l'ambre-gris  incorporés  avec  une  huilt 
par  expreftlon  ,  un  onguent  dont  on  frott» 
les  aines  &  les  lombes  pour  exciter  l'aél^ 
vénérien.  * 

La  civett£  palTe  pour  ipécifique  dans  l'i- 
nertie des  organes  de  la  génération ,  fur-tout 
.  chfii  les  fenuEfis  j  &poiir  remédier  à  leur 


CI  V 

ftérilité  lorfqu'elle  provient  de  cette  caufè. 
Oii  la  dit  bonne  aufli  pour  appaifer  les  coli- 
ques &  les  tranchées  des  petits  enfans ,  fi  on 
leur  en  frotte  le  nombril. 

Elle  entre  dans  la  compofition  de  quelques 
baumes  aromatiques ,  décrits  dans  difFérens 
dilpeniàires  fous  \cnomde5aames  apop/ecli- 
gucs,  qui  font  deftinés  à  être  portés  dans  de 
petites  boîtes ,  &  dont  quelques  auteurs  ont 
recommandé  même  l'ufage  intérieur. 

Elle  efl:  un  des  ing^rédiens  des  parfums  or- 
dinaires ,  connus  en  pharmacie  fous  le  nom 
de  paftilli  profumo ,  comme  \ts  oifelets  de 
Chypre  ,  &c.   (b) 

Ceux  qui  s'en  fervent ,  doivent  la  choifir 
nouvelle  ,  de  bonne  confiftance  ,  c'eft-à- 
dire  ni  trop  dure ,  ni  trop  molle ,  d'une  cou- 
leur jaune  tirant  fur  le  blanc  ,  &  d'une 
odeur  violente.  Au  refte  comme  on  la  fo- 
phiftique  aifément ,  &  qu'il  eft  très-difficile 
de  découvrir  la  tromperie ,  le  meilleur  parti 
efl  de  l'acheter  de  bonne  main.  Comme  on 
nourrit  à  Amflerdam  des  civettes  pour  ce 
commerce ,  &  que  la  civette  de  cette  ville  a 
la  préférence  fur  celle  des  Indes  &  du  Le- 
vant ,  c'eft  d'un  honnête  négociant  du  pays 
qu'il  faut  tirer  ce  parfum.  Il  fè  vend  une 
trentaine  de  florins  l'once  ,  plus  ou  moins , 
c'eft-à-dire  foixante  à  foixante-fîx  livres  ar- 
gent de  France  ^  &  je  crois  qu'aujourd'hui 
il  ne  s'en  confomme  pas  cinq  livres  par  an 
dans  tout  le  royaume.  (  M.  le  chevalier  de 

J AU  COURT.  ) 

CIVIDAL-DI-FRIULI,  (  Géogr.  )  petite 
ville  d'Italie  au  Frioul ,  dans  l'état  de  Venifè  , 
iùr  la  Natifone.  Long.  3 1  ^  lat.  46 ,  15. 

♦  CIVIERE ,  f.  f.  (Econ.  rujl.  )  machine 
à  porter  des  fardeaux.  Imaginez  deux  forts 
morceatix  de  bois  larges ,  droits ,  &  équarris 
dans  le  milieu ,  recourbés  un  peu  en  S  vers 
les  extrémités ,  arrondis  par  les  bouts  ,  & 
affetnblés  par  quatre  ,  cinq  ,  fîx  ,  ou  même 
davantage  ,  bâtons  ronds  ou  quarrés ,  &  re- 
çus d'un  bout  dans  des  trous  percés  à  égale 
diflance  à  la  partie  équarrie  &  large  d'un  des 
forts  morceaux  de  bois  qu'on  appelle  un  des 
kras  ,  &  de  ]^utre  bout  dans  d'autres  trous 
percés  de  la  même  manière  à  l'autre  bras  :,  en- 
forte  que  CCS  bâtons  &  les  bras  fbient  paral- 
lèles entre  eux,  &  que  les  bras  foiciît  éloignés 
de  manière  qu'un  homme  puifib  fepîacer  en- 
tre euxj.  foit  à  l'un  des  bouts  j  foit  à  l'ouîre. 


CI  V  197 

'  CIVIL ,  (■  Jurifp.  )  ce  terme  a  différentes 
fîgnifications  :  il  eft  ordinairement  joint  à 
quelque  autre. 

Par  exemple  ,  on  àitfocie'té  civile.  V.  au 
mot  Société. 

On  a  d'abord  appelle  droit  civil ,  le  droit 
particulier  de  chaque  nation  ou  ville ,  quafijus^ 
proprium  ipjius  civitatis ,  pour  le  diÎHnguer 
du  droit  naturel  &  du  droit  des  gens.  C'eft 
pourquoi  Juftinien  nous  dit  en  ïes  injî.  tit» 
^J  5  §•  2. 5  que  les  loix  de  Solon  &  de  Dracon 
font  le  droit  civil  des  Atl>éniens  \  &  que  les 
loix  particulières  obfervées  par  le  peuple  ro- 
main ,  form.ent  le  droit  civil  rom.ain  :  mais 
que  quand  on  parle  du  droit  civil  fîmple- 
mcnt ,  on  entend  le  droit  romain  par  excel- 
lence. 

•On  appelle  corps  civil ,  une  compilation 
des  loix  romaines  ,  que  Tribonien  compofh 
par  ordre  de  Juftinien  ,  qih  comprend  le 
digefle ,  le  code  ,  &  les  inflitutes. 

On  dit  aulTî  dans  le  même  fèns  ,  \ç.s  loi.v 
civiles. 

Le  terme  civil  efl  quelquefois  oppofé  à 
canon  ou  canonique  :  ainfi  l'on  dit  le  droit 
civil  ou  le  droit  civil  romain ,  par  oppofltioiL 
au  droit  canon  ou  canonique  romain. 

Le  droit  ^/v/V  fè  dit  aufïï  quelquefois  par 
oppolîtion  au  droit  coutumier  y  auquel  cas 
il  lignine  également  le  droit  romain  on  droit 
écrit. 

Civil  cfl  encore  oppofe  à  criminel  ;  c'eft 
en  ce  fens  que  l'on  dit  ,  im  juge  civil ,  uiy 
lieutenant  civil ,  un  greffier  civil ,  le  greffe  c% 
vil  ^\q  parc  civil  ^  la  chambre  civile^  \  audience 
civile ,  une  requête  civile ,  prendre  la  voie 
civile. 

Jouir  des  effets  civils ,  c'eft  avoir  les  droits 
de  cité  5  &  encourir  la  mort  civile  ,  c'cfî 
perdre  ces  mêmes  droits. 

En  matière  criminelle^  on  ^q  fert  quelque- 
fois du  terme  civil  :  on  dit ,  par  exemple  , 
une  partie  civile  ,  des  cànclujions  civiles  .y  Aq^ 
intérêts  civils  .  renvoyer  les  parties  kfins  ci- 
viles. Voye^t article  Droit  CIVIL  ,  &  les 
autres  termes  que  l'on  vient  de  rapporter  y, 
chacun  a  fa  lettre.  {A\ 

CIVILISER,  (Tunfprud.)  En  termes  de 

palais  ,  civilifer  une  affaire  ,  iignifîe  recevoir 

un  accu  fé  en  procès  ordinaire -,  ou  rendre  civil 

un  procès  qui^'inftruifoit  aiiparavaiit  comme 

.  criiiîineL 


15'^  c  r  V 

V ordonnance  de  1670 ,  titre  rx ,  de  h  con- 
ver/ion  des  procès  civils  en  procès  crimineh^ 
(f  de  la  réception  en  procès  ordinaire^  dit  que 
s'il  paroît  avant  la  confrontation  des  té- 
moins que  l'affaire  ne  doit  pas  être  pour- 
fliivie  criminellement ,  les  juges  recevront 
Iqs  parties  en  procès  ordinaire  ^  que  pour 
cet  effet  ils  ordonneront  que  les  informa- 
tions feront  converties  en  enquêtes ,  &  per- 
mettront à  l'accufé  d'en  faire  de  fa  part  dans 
les  formes  prefcrites  pour  les  enquêtes  -,  qu'a- 
près la  confrontation  des  témoins ,  l'accufé 
ne  pourra  plus  être  reçu  en  procès  ordi- 
naire ,  mais  qu'il  fera  prononcé  définitive- 
ment fur  fon  abfolution  ou  fur  fa  condamna- 
tion ^  enfin  que  quoique  les  parties  aient  été 
reçues  en  procès  ordinaire  ,  la  voie  extraor- 
dinaire fera  permiiè ,  fi  la  matière  y  eft  dif- 
pofée. 

Ainfi  civilifer  une  affaire  ou  procès  ;  ren- 
voyer les  parties  à  fins  civiles ,  ou  les  rece- 
voir en  procès  ordinaire ,  eft  la  même  chofe. 
Lorfque  les  charges  paroiffant  légères ,  on 
renvoie  quelquefois  les  parties  à  l'audience  ;, 
mais  l'affaire  n'eft  pas  pour  cela  civilifée  , 
les  informations  demeurent  toujours  pièces 
fecretes.  V.  Fins  civiles  ,  Procès  ordi- 

KAIRE.  (  ^  ) 

CIVILITÉ ,  POLITESSE ,  AFFABILI- 
TE jfynonymes^  (  Gramm.  &  Morale.)  ma- 
nières honnêtes  d'agir  &c  de  converfer  avec 
lès  autres  hommes  dans  la  fociété^  mais  V af- 
fabilité qui  coufifte  dans  cette  infinuation  de 
bienveillance  avec  laquelle  un  fupérieur  re- 
çoit fon  inférieur  ,  fe  dit  rarement  d'égal  à 
égal ,  &  jamais  d'inférieur  à  fupérieur.  Elle 
n'eft  fouvent  dans  les  grands  qu'une  vertu 
artificieufè  qui  fert  à  leurs  projets  d'ambi- 
tion,une  baifefîé  d'amequi  cherche  à  (è  faire 
à&s  créatures  (  car  c'eft  un  figne  de  baffeffe.  ) 
J'ignore  pourquoi  le  mot  affabilité wq  plaifoit 

Eas  à  M.  Patru  ^  ce  iercJit  dommage  de  le 
annir  de  notre  langue  ,  puifqu'ileft  unique 
pour  exprimer  ce  qu'on  ne  peut  dire  autre- 
ment que  par  périphralè. 

La  civilité  &  \3,politejfc  font  une  certaine 
bienféance  dans  les  manières  &  dans  les 
paroles ,  tendantes  à  plaire  &  à  marquer  les 
égards  qu'on  a  les  uns  pour  les  autres. 

Sans  émaner  nécelTaircment  du  cœur  , 
elles  en  donnent  les  apparences ,  &:  font  pa- 
roître  l'homiîîe  au-dehors  comme  il  devroit 


C  I  V 

être  intérieurement.  C'eft .  dit  la  Br-i^'cr'î  , 
une  certaine  attention  à  faire  que  par  nos 
paroles  &:  nos  manières  ks  autres  foient  cou- 
tens  de  nous. 

La  civilité  ne  dit  pas  autant  que-  la  po- 
litejfe  ,  &  elle  n'en  fait  qu'une  portion  ; 
c'eft  une  efpece  de  crainte  ,  en  y  manquant , 
d'être  regardé  comme  un  homme  grofiler  ^ 
c'eft  un  pas  pour  être  eftimé  poli.  C'eft  pour- 
quoi hpoliteje  femble ,  dans  Tufage  de  ce 
terme  ,  rélêrvée  aux  gens  de  la  cour  &  de 
qualité  '■,  &  la  civilité,  aux  perfonnes  d'une 
condition  inférieure,  au  plus  grand  nombre 
de  citoyens. 

J'ai  lu  des  livres  fur  la  civilité,  fî  char- 
gés de  maximes  &  de  préceptes  pour  en 
remplir  les  devoirs  ,  qu'ils  m'auroient  fait 
préférer  la  rudeffe  &  la  grofîîéreté  à  la  pra- 
tique de  cette  civilité  importune  dont  ils  font 
tant  d'éloges.  Qui  ne  penferoit  comme 
Montagne  ?  «  J'aime  bien  ,  dit  cet  auteur 
(  ej/àis  ,  liv.  I  ,  cA.  xiij  ,  )  à  enfuivre  les 
loix  de  la  civilité ,  mais  non  pas  fi  couarde- 
ment,  que  ma  vie  en  demeure  contrainte. 
Elles  ont  quelques  formes  pénibles ,  lefquel- 
les  ,  pourni  qu'on  oublie  pardifcrétion,non 
par  erreur  ,  on  n'en  a  pas  moins  de  gracc^ 
J'ai  vu  fouvent  des  hommes  incivils  par  trop 
de  civilité,  &  importuns  de  courtoific.  C'eft 
au  demeurant  une  très-utile  fcience  que  la 
fcience  de  l'entregent.  Elle  eft  comme  la 
grâce  &la  beauté  conciliatrice  des  premiers 
abords  de  la  fociété  &  familiarité ,  &  par 
conféquent  nous  ouvre  la  porte  à  nous  inf- 
truire  par  les  exemples  d'autrui ,  &  à  ex- 
ploiter &  produire  notre  exemple  ,  s'il  a 
quelque  chofè  d'inftruifànt  &  commimica- 
ble.  » 

Mais  la  civilité  cérémonieufè  eft  égale- 
ment fatigante  &  inutile  ',  aufil  eft-elle  hors 
d'ufàge  parmi  les  gens  du  monde.  Ceux  de 
la  cour  ,  accablés  d'affaires  ,  ont  élevé  flir 
iks  ruines  un  édifice  qu'on  nomme  la  poli- 
tejje ,  qui  fait  à  préfent  la  bafè  ,  la  morale 
de  la  belle  éducation ,  &  qui  mérite  par  con- 
féquent un  article  à  part.  Nous  nous  contente- 
rons feulement  de  dire  ici ,  quelle  a'eft  d'or- 
dinaire que  l'art  de  fb  palïèr  des  vertus  qu'elle 
imite. 

La  civilité ,  prife  dans  le  fèns  qa'on  doit 
lui  donner,  a  un  prix  réel  ',  regardée  comme 
un  empreffemcnt  de  porter  du  refpcâ:  &  des 


C  ï  V 

égards  aux  autres  ,  par  uîî  fcntiment  inté- 
rieur conforme  à  la-  raifon  ,  c  eft  une  prati- 
que de  droit  naturel ,  d'autant  plus  louable 
qu'elle  eft  libre  &  bien  fondée. 

Quelques  légiflateurs  inénie  ont  voulu 
que  les  manières  repréfèntaiîent  les  mœurs, 
éi  en  ont  fait  un  article  de  leurs  loix  civiles. 
Il  eil  vrai  que  Lycurgue  en  formant  les 
manières  ,  n'a  point  eu  la  civilité  jîour  ob- 
jet^ mais  c'eft  que  des  gens  toujours  ccrri- 
geans  ou  toujours  corrigés ,  comme  dit  M. 
de  Montefquieu  ,  également  fimples  &  ri- 
gides ,  n'avoient  pas  befoin  de  dehors  :  ils 
exerçoient  plutôt  entr'eux  des  vertus ,  qu'ils 
n'avoient  des  égards.  '    » 

Les  Chinois  ,  qui  ont  fait  des  rits  de  tout 
&  des  plus  petites  actions  de  la  vie  ,  qui 
ont  formé  leur  empire  fur  l'idée  du  gouver- 
nement d'une  famille  ,  ont  voulu  que  les 
hommes  fèntillent  qu'ils  dépendoient  les  uns 
des  autres  ,  &  en  conféquence  leurs  légif- 
lateurs ont  donné  aux  règles  de  la  civilité  hi 
plus  grande  étendue.  On  peut  lire  là-delTus 
le  père  Duhalde. 

Ain  fi  pour  finir  cet  article  par  la  réflexion 
de  l'auteur  de  l'efprit  des  loix.  «  On  voit 
à  la  Chine  les  gens  de  village  obfèrver  en- 
tr'eux des  cérémonies  com.me  Aes  gens  d'une 
condition  relevée  ;  moyens  très-propres  à 
maintenir  parmi  le  peuple  la  paix  &  le  bon 
ordre ,  &  à  ôter  tous  les  vices  qui  viennent 
d'un  efprit  dur  ,  vain ,  &  orgueilleux.  Ces 
règles  de  la  civilité  valent  bien  mieux  que 
celles  de  l^politejje.  Celle-ci  flatte  les  vices 
à&s  autres  ,  &  la  civilité  nous  empêche  de 
mettre  les  nôtres  au  jour  :  c'eft  une  barrière 
que  les  hommes  mettent  entr'eux  pour  s'em- 
pêcher de  fc  corrompre.  (  M.  le  chevalier 

DE   J AU  COURT.  ) 

CIVIQUE  ,  adj,  (  HiJI.  anc.  )  épithete 
qu'on  donnoit  à  une  efpece  de  couronne  qui , 
fc  faifoit  de  feuilles  de  chêne,  &  que  les 
Romains  accordoient  autrefois  à  ceux  qui 
avoient  fauve  la  vie  dans  une  bataille  ou 
dans  un  affaut  à  quelqu'un  de  leurs  conci- 
toyens. Voyei  Couronne. 

La  couronne  civique  étoit  fort  eftimée  , 
&  elle  fut  mêîTie  accordée  comme  un  hon- 
nerr  à  /ugufte,  qui  fit  battre  à  cette  oc- 
cafion  des  moniicijs  avec  cette  deviè,  cb 
cives  fervatos.  Elle  fut  aufli  accordée  à  Ci- 
céroii  3  après  qu'il  eut  découvert  la  conjura- 


CIV  15^5) 

tien  de  Catilina.  Dicl.  de  Tiév.   &  Chatn- 
bers,    (G) 

CIVITA  CASTELLANA,  rC/o^^/-.; 
ville  d'Italie  dans  l'état  de  l'églifè  dans  la 
Sabine ,  lùr  la  Triglia. 

CIVITA  DELLA  PIEVE,  {Géogr.) 
ville  d'Italie  de  l'état  de  l'églilè ,  dans  lo 
Peru£"in ,  fur  la  Trefà. 

CÎVrrA  DI  CASCIA  ,  r  Géogr.)  petite 
ville  d'Italie  ,  dans  l'état  de  l'églifè  ,  en 
Ombrie ,  près  des   frontières  de  l'Abruzze. 

CIVITA  DI  PENNA,  {Géogr.)  ville 
d'Italie  au  royaum.e  de  Naples ,  dans  l'A- 
bruzze ultérieure ,  près  de  Salino.  Long,  31, 
38;  lût.  42  ,  25. 

CIVITA  DI  S.  ANGELO .  (  Géogr.  )  pe- 
tite ville  du  royaume  de  Naples  ,  dans  l'A- 
bruzze ultérieure. 

CIVITA  DUCALE  ,  (  Géogr.  )  ville  d'I- 
talie au  royaume  de  Naples  ,  dans  l'A- 
bruzze ultérieure  ,  près  du  Velino. 

CIVITA  LAVINIA  ,  {Géogr.)  petite 
ville  d'Italie  de  l'état  de  l'églilè ,  dans  la 
campagne  de  Rome. 

CIVITA  NUOVA  ,  (Géogr.)  petite 
ville  d'Italie  dans  la  Marche-d'Ancone , 
près  du  golfe  Adriatique. 
^  CIVITA  REALE ,  (  Géog.  )  petite  ville 
d'Italie  au  royaume  de  Naples ,  dans  l'Abnizze 
ultérieure  ,  près  des  fburces  du  Tronto. 

CIVITA-TURCHINO,  (Antiq.  d'Ita- 
lie )  eft  une  montagne  de  forme  oblongue  , 
à  trois  milles  au  nord  de  Carneto.  Le  fom- 
met  s'étend  comme  une  feule  plaine  con- 
tinuée. Quantité  de  médailles ,  de  ftatues  &c 
d'infcriptions  ,  qu'on  y  a  trouvées  en  difle- 
rens  temps ,  ont  fait  conjecturer  que  c'étoit 
dans  cet  endroit  qu'avoit  été  autrefois  la  ville 
puiiîante  &  célèbre ,  à  laquelle  les  Tarquins 
donnèrent  leur  nom.  Aujourd'hui  ce  n'cft 
plus  qu'une  plaine  labourée.  Vers  le  iud-eft 
s'élève  une  autre  montagne  au  niveau  de  Ci- 
vita-Turchirio  ,  qui  l'unit  à  Corneto  :  le  foin- 
met  en  eft  également  plat ,  &  forme  une 
étendue  de  rois  à  quatre  milles  de  longueur. 
Il  eft  couvert  de  plufieurs  centaines  de  pe- 
tites élévations  faites  de  main  d'hommes  ; 
les  habitans  les  appellent  en  leur  langue 
Monti-Roti.  On  en  a  ouvert  environ  une 
douzaine  à  différentes  reprifes  ^  &  on  a  trouvé 
dans  chacune  des  ajîpartemens  fbuterrains  , 
taillés  daDs  le  roc  vif.  Ces  appaitemciis  va- 


lôo  C  L  A 

rioentpour  la  forme  &  les  dimeiifîons.  Tan- 
tôt c'étoit  une  grande  chambre  d'entrée  ,  au 
bout  de  laquelle  on  trouvait  un  très-petit 
cabinet  ;,  tantôt  la  première  pièce  n  étoit 
qu'une  eipece  cic  veitibule  ,  d'où  l'on  en- 
troit  dans  une  féconde  beaucoup  plus  grande. 
Quelquefois  le  fouterrain  ne  conlîftoit  que 
dans  une  ièiile  pièce  foutenue  par  une  co- 
lonne >  autour  de  laquelle  on  tournoit  par 
une  ouverture  de  vingt  à  trente  pies.  Quanr 
à  l'entrée  de  ces  fouterrains ,  c'étoit  toujours 
une  porte  de  cinq  pies  de  hauteur ,  fur  deux 
pics  &  demi  de  largeur.  Quelques-uns  ne 
reçoivent  de  jour  que  par  l'entrée  :  d'autres 
en  reçoivent  encore  de  la  voûte  par  une 
petite  ouverture  conique  ou  pyramidale  : 
plufieurs  ont  une  efpece  d'amphithéâtre ,  ou 
petit  parapet  qui  règne  tout  autour  de  la 
muraille  ,    &  qui  eft  une  partie  du  rocher 
ainfi  taillé.   Quant  aux  antiquités  qu'on  y 
trouve ,  ce  font  pour  la  plupart  des  vafes  de 
différenîîes  formes  :  on  en  a  trouvé  quelques- 
uns  dans  des  cercueils  avec  des  ofîémens  de 
morts  :    du  refte  ,  les  appartemens  fouter- 
rains font  plus  ou  moins  ornés  de  peintures 
&  d'infcriptions.  Il  y  en  a  trois  fur-tout  dont 
la  partie  fupérieurc  des  murs ,  eft  chargée 
tout  autour  d'un  double  rang  d'infcriptions 
étrulques  ,  avec  des  peintures  au  delfous  , 
ik  plus  bas  une  forte  d'ornement  qui  tient 
lieu  d'architrave.  On  n'y  a  point  encore  dé- 
couvert de  bas-reliefs.  Les  peintures  font  à 
frefque  ,    &  la  m.aniere  eft  à-peu- près  celle 
qu'on  remarque  communément  fur  les  va- 
fes étrufques  ,  quoique  certains  morceaux 
femiblent  de  beaucoup  fupérieurs  à  tout  ce 
qu'on  a  vu  jufques-ici  de  la  peinture  étruf- 
que.  Le  deftin  en  général  eft  léger ,  mais 
bien  conçu  ,  &  prope  à  montrer  que  l'ar- 
tifte  étoit  capable  de  donner  des  ouvrages 
plus  finis.  Il  jugeoit  fans  doute  que  plus  de 
délicatefle  feroit  en  pure  perte  dans  un  lieu 
fouterrain  fi  peu  éclairé.  On  fait  que  chez 
les  Romains ,  dans  l'âge  de  leur  gloire ,  les 
artiftes  employés  à  ces  fortes  d'onvrages  fu- 
néraires ,  dejftinés  à  refter  enfevelis  dans 
l'obfcurité  d'un  tombeau  ,  fe   contentoient 
d'exprimer  fortement  leur  penfée  dans  une 
ébauche  légère  ,  fans  fe  donner  la  peine  d'y 
mettre  la  dernière  main.  Si  l'on  ouvroit  les 
fouterrains  fans  nombre  qu'il  y  a  depuis  Ci- 
vUa-Turckino.  jufqu'à  Corneto ,  il  eft  vrai- 


C  L  A 

femblable  qu'on  y  trouveroit  une  très-grande 
variété  de  monumens ,  peintures  ,  infcrip- 
tions  &  autres ,  dont  on  pourroit  compofer 
un  ouvrage  auiîî  amufant  qu'utile  ,  qui  ne 
fauroit  manquer  d  être  bien  reçu  des  îavans 
&  du  m.onde  curieux.  Il  répandroit  beau- 
coup de  jour  fur  l'antiquité  ,  les  arts  &  l'hif- 
toire  d'une  nation  trop  peu  connue  aujour- 
d'hui. Il  eft  peut-être  étonnant  que  ce  vafte 
tréfor d'antiquités foitpreique  ignoré,  même 
à  RomiC.  M.  Jankins  ,  à  qui  l'on  doit  ces  dé- 
tails abrégés  ,  eft  le  premier  &  le  feul  Anglois 
qui  ait  eu  la  curiofité  de  l'aller  voir.  Tran- 
facîions  philofopkiques  de  lafocieté  de  Lon- 

CIVITA-VECCHIA  ,  (  G^ogr.  )  petite 
ville  forte  d'Italie  dans  l'état  de  l'églilè  ,  fur 
le  bord  de  la  mer.  Long.  29  ,  25  ^  lat.  42  ,  5. 

Il  y  a  encore  une  ville  de  ce  nom  dans 
l'île  de  Malte  ,  que  les  habitans  nomment 
Medine. 

CIVR  AY,  (  Gébgr.  )  petite  ville  de  France 
en  Poitou. 

CL 

CLABAUD,  [Vénerie,)  voy^^  Chien. 

CLACKMANNAN,  [Géogr,  mod.)\\\\c^ 
d'Ecofte  ,  capitale  de  la  province  de  même 
nom.  Long.  54  ^  lat.  57. 

CLADOTERIES,  {Myth.){ètQs  ainfi 
nommées  du  mot  grec  KhâS'of  ,  rameau.  On 
les  célébroit  dans  le  tem.ps  où  la  vigne  ic 
taille.  Voye^  Vantiq.  expliq. 

CLAGENFURT,  [Géogr.  mod.^v'AXo, 
forte  d'Allemagne  ,  capitale  de  la  Carinthie. 

Long.  31,455  l^t'  4^  j  50- 

*  CLAIE,  f.  f.  (  Vannier.  )  eft  un  tiffu 
de  plufieurs  bâtons  menus  &  parallèles ,  phis 
ou  moins  efpacés  ,  &  fixés  par  une  chaîne 
d'ofier  ,  &  d'autres  bâtons  menus  &  flexi- 
bles. Cet  ouvrage  de  mandrerie  plat ,  eft 
d'ufage  dans  le  jardinage  pour  pafler  les 
terres.  On  jette  les  terres  deftlis  ;,  la  bonne 
terre  tombe  d'un  côté  ,  en  paftant  à  travers  j 
les  pierres  font  rejetées  de  l'autre  côté.  Les 
mailles  de  cette  claie  ont  un  pouce  ou  environ. 

On  donne  le  même  nom  à  une  échelle 
qu'on  attache  au  derrière  d'une  charrette ,  & 
fur  laquelle  on  traîne  par  les  rues  ceux  qui 
fe  font  défaits ,  ou  qui  ont  été  tués  en  duel. 

Claie  ,  terme  de  fortification.  Ce  font  des 
ouvrages  faits  avec  des  branches  d'arbre  , 

étroitement 


C  L  A 

étroitement  entreiacées  les  mies  avec  les  au- 
tres ,  pour  pafFer  un  fofîë  qui  vient  d'être 
faignéy  en  les  jetant  fur  la  boue  qui  refte  au 
fond ,  pour  en  affermir  le  paffage  ^  &  auflî 
pour  couvrir  un  logement ,  &  alors  on  les 
charge  de  terre  ,  pour  fe  garantir  des  feux 
d'artifice ,  &  des  pierres  que  l'ennemi  pour- 
roit  j  eter  deifus. 

On  donne  aufli  le  nom  de  claie  à  ce  qui 
fert  aux  bergers  pour  enfermer  leurs  trou- 
peaux quand  ils  parquent.  Chambtrs.  CÇ) 

Claie  ^{Ptche) bouraque ypannier ^  najfe ^ 
&  cajfier ,  termes  fynoaymes  de  pêche.  Voy. 
Nasse. 

Claie  ,  e/z  urme  <£ Orfèvre  ,  font  de  pe- 
tites chambrettes  féparées  l'une  de  l'autre  , 
prefque  comme  \zs  alvéoles  des  ruches  d'a- 
beilles. On  en  met  dans  tous  les  lieux  où 
les  orfèvres  travaillent ,  pour  recevoir  Jes 
paillettes  d'or  ou  d'argent  qui  fè  détachent 
■en  forgeant,  àz^  limailles  &  autres  déchets. 
Elles  font  compofées  de  tringles  de.  bois  qui 
ic  croifent  quarrément.  Chaque  partie  eft 
entaillée  à  ini-épaiifeur ,  &  reçoit  l'autre  : 
ce  qui  rend  toutes  les  tringles  de  niveau  , 
&  forme  de  petits  quarrés  dont  le  vuide 
peut  avoir  à-peu-près  dix-huit  lignes  fur 
chaque  pan.  La  tringle  a  environ  un  pouce 
■d'équarrilfage  ,  &  eft  ébifelée  fous  chaque 
pan  des  viiides  ,  pour  laiiiër  moins  de  fur- 
face.  L'ufàge  des  claies  étant  de  recevoir  les 
parties  d'or  ou  d'argent  qui  tombent  \  moins 
leurs  bords  ont  de  fiirface  en  bois  ,  moins 
\qs  pies  emportent  d'ordures  &  font  de 
déchet. 

CLAIN ,  f.  m.  (  Jurifprud,  )  que  l'on  dit 
auflî  clame  ou  clameur ,  a  différentes  fîgnifi- 
cations. 

Quelquefois  clain  eft  pris  pour  ajourne- 
ment ou  demande ,  comme  dans  la  coutume 
d'Anjou  ,  art.  6<) ,  70  ;  Maine ,  art.  80  ; 
Bourbonnais  ,  art.,   1 59. 

Clain  ,  en  d'autres  endroits  ,  eft  pris  pour 
^amende  du4  par  celui  qui  fuccombe.  f^oye^ 
l'ancienne  coutume  de  Bourges  ,  tit.  ij  ,  art. 
ti  &  22.  C'eft  aufll  dans  certaines  coutu- 
mes l'amende  due  pour  les  bêtes  prifes  en 
délit.  Nivernais  ,  tit.  xv ,  art.  13. 

Clain  &  arrêt ,  eft  la  fàifîe.  Voye\  la 
fomme  rurale, 

Clain  de   cerquemenage  ,  eft  la  demande 
formée  pour  l'infraftiondes  bornes  8climites. 
Tome  VIII, 


Coià..  de  Cambrai  ,  tit, 
Jour- 


C  L  A  lOT 

Clain  de  dégagement ,  eft  la  faifie  &  arrêt 
que  les  domeftiques  &  ouvriers  font  pour 
leurs  gages  &  falaires  fiir  les  meubles  du 
débiteur  ,  que  la  juftice  fait  enlever ,  pour 
le  prix  en  provenant  être  employé  au  paie- 
ment des  créanciers. 
XXV ,  art.  4,5  &  6  ,  &  Pinaiilt  des 
neaux  ,  fur  ces  articles. 

Clain  de  rétabli ffement-^  eft  l'aâiion  ea 
réintégrandc. 

Clain  de  fimple  faifine  ,  eft  l'aôion  ea 
complainte.  (  ^  ) 

Clain  ;  (  Géog.  mod.  )  petite  rivière  de 
France  en  Poitou ,  qui  fe  jette  dans  la  Vienne. 

CLAION ,  f.  m.  (  Vannerie.  )  eft  un  pe- 
tit tilfu  de  gros  bâtons  &  de  menus  bâtons 
d'ofier ,  qui  fc  fait  comme  la  claie.  Voye[ 
Claie. 

Il  eft  à  Tufàge  de  pâtiflicrs  ;  ils  s'en  fer* 
vent  pour  tranfporter  leurs  ouvrages. 

Claion  ,  (  Confifeur.  )  Les  confifcurs  ap- 
pellent ainfi  un  rond  de  fîl-d'archal  q{\ 
treillis  ,  aflez  ferré  ,  fur  lequel  ils  pofèut 
particulièrement  ce  qu'on  tire  au  fec ,  en 
travaillant  le  fucre  pour  le  glacer. 

ClaiONNAGE  ,  f.  m,  (  Maçonn.  &  Jard.  ) 
eft  un  aftèmblage  de  fafcines  ,  de  fagots, 
de  branches  de  faules  arrangées  entre  deux 
piles  de  pieux ,  ou  formant  des  lits  de  fix 
pies  de  large  entremêlés  de  lits  de  terre. 

C'eft  un  travail  très-nécelTaire  dans  \&s 
terres  humides  ou  trop  mouvantes ,  pour 
aftérmir  les  talus  de  gazon ,  qui  fans  cette 
précaution  s'ébouleroient  par  le  pié.  Quand 
ce  font  des  talus  un  peu  roides ,  après  avoir 
mis  de  la  terre  un  pié  de  haut ,  en  commen- 
çant par  le  bas  ,  il  faut  mettre  un  lit  de  faf- 
cines ou  de  claionnagesydeCix  pies  de  large, 
rangés  l'un  contre  l'autre ,  &  faire  enforte 
que  le  gros  bout  &  la  racine  regarde  la  face 
du  talus ,  &  vienne  aboutir  à  un  pié  près 
du  revêtillèmieut.  On  mettra  enfuite  un  lit 
de  terre  par-delfus ,  &  on  continuera  de  mê- 
me jufqu'en  haut.  On  afîîed  le  gazon  deftiis 
ce  claionnage ,  jcn  le  couvrant  auparavant 
d'un  demi-pié  de  terre.  Voyei^  Gazon.  (  K) 

*  CLAIR,  {PAy/iq.)  adjeaif  relatif  à 
la  quantité  des  rayons  de  lumière  qu'un  corps 
réfléchit  vers  nos  yeux  ,  &  quelquefois  à  la 
quantité  de  parties  folides  qu'il  contient. 

Ainfi  on  dit,  des  couleurs  claires ,  une 
eau  claire  ,  un  verre  clair ,  une  étoj^e  claire^ 

C  c 


îoi  C  L  A 

Une  cîOiTb  cir  d'autant  plus  claire  qu'elle 
contient  moins  de  parties  folides  ,  &  qu'elle 
eft  percée  d'un  plus  grand  nombre  de  jours. 
Un  verre ,  mie  eau  font  d'autant  plus  clairs , 
qu'ils  permettent  un  pafi'age  plus  libre  aux 
rayons  de  la  lumière ,  &  que  par  conféquent 
ils  en  renvoient  moins  à  nos  yeux.  Une  cou- 
leur eft  d'autant  plus  claire ,  que  fà  teinte 
eft  plus  foible,  plus  voiline  du  blanc ,  &  que 
par  conréquent  la  quantité  de  rayons  réflé- 
chis eft  plus  grande*  Kojfç  Blancheur. 

Clair  ,  Ba y-clair  ,  (  MaréchalUrie 
&  Manège.  )  nuance  de  poil  bay.  J^oy.  Bay. 

Clair  ,  en  peinture ,  fe  dit  des  parties  les 
plus  éclairées  d'un  tableau  ^  elles  s'appellent 
le  clair  .^  oupourparler  plus  pittorefquc ment, 
ies  parties  lumineufes  ou  éclairées,  {  R) 

CLAIRAN  ,  f.  m.  (  Mareck.  )  efpece  de 
fc)nnette  de  fer-blanc  ou  de  laiton  qu'on 
pend  au  cou  des  chevaux  qui  font  en  pâture , 
pour  pouvoir  entendre  où  ils  font  quand  ils 
s'égarent  dans  les  forêts. 

CLAÏRANGUE  ,  f.  f.  GRATTE  ,  ou 
VERVEUX  EMMANCHÉ  ,  {Pêche.  )  eit 
un  inftrument  dont  on  fe  fèrt  pour  la  pêche. 
On  le  peut  rapporter  à  l'efpece  des  bouteux , 
quoique  par  ià  figure  il  lëmble  appartenir  à 
l'efpece  des  verveux.  La  pêche  de  la  clairan- 
gue  fe  pratique  à  Vayres ,  dans  le  reflbrt  de 
ï'ainirauté  de  Bordeaux. 

Les  pêcheurs  de  ce  lieu  repréfènterent  que 
dans  le  temps  de  la  pêche  ,  les  payiàns  ,  les 
tonneliers  ,  les  charpentiers  ,  les  vignerons 
&  les  métayers  qui  font  bordiers  de  ces  côtes , 
venoient  dans  de  petites  plates  qu'ils  nom- 
moient  gaharots,  faire  la  pêche  ^  &  que  plu- 
fîeurs  d'entr'eux  qui  la  pratiquoient  à  pié  , 
fe  lervoient  d'un  inftrument  qu'ils  appel- 
loieiit  clairangue  ou  gratte  ,  efpece  de  petit 
verveux  -emmanché  d'un  pieu  ou  petite  per- 
che longue  de  dix  à  douze  pies  au  moins, 
dont  le  fac  étoit  fait  de  mailles  aulîi  ferrées 
que  celles  des  rets,  des  avenets  à  efquires  de 
baccalant  de  -Bordeaux  ,  ou  àes  plus  petites 
trulotes  à  pêcher  les  chevrettes  :  ils  ajoutè- 
rent qu'avec  cet  inftrument  ils  pêchoient 
auftî  le  frai  &  les  poiftbns  du  premier  âge  , 
cnforte  qu'ils  en  dépeupfoient  la  Dordogne. 

*  CLAIRE  ,  religieufes  de  fainte  Claire 
OU  Ciarijffe  ,  (  Hifi.  eccl.  )  elles  ont  pour  fon- 
datrice la  faînte  dont  elles  portent  le  nom. 
S.  François  ^l'Aflife  donna  à  feinte  Claire 


C  L  A 

réglîfê  de  S.  Damien.  Les  filles  qui  formolcnt 
alors  cette  communauté  n'avoient  point 
adopté  de  règle  f,  S.  François  ne  leur  en  fit 
wne  qu'en  1224.  Elles  avoient  déjà  des  éta- 
bliftemens  ,  tant  en  Efpagne  qu'en  France  : 
ces  maifons  fuivoient  l'inftitutde  S.  Benoît, 
&  des  conftitutions  particulières  qu'elles 
avoient  reçues  du  cardinal  Hugolin  ^  la  rè- 
gle de  S.  François  ne  fut  que  pour  la  maifon 
de  S.  Damien.  La  vie  de  ces  religieufes  étoit 
trcs-auftere.  Elles  fubfiftent  aujourd'hui 
fous  deux  noms  '.,  les  Damianifles ,  qui  fui- 
vent  les  conftitutions  de  S.  François  dans 
toute  leur  rigueur  \  &  les  Vrbanifles  ,  qui 
n'ont  retenu  ces  conftitutions  qu'avec  les 
tempéramens  qu'y  a   apportés  Urbain  IV^ 

Claire,  f  f.  {Chym.  &  Docim.)  on 
appelle  ainfi  la  cendre  d'os  calcinés ,  lefTi- 
vée  ,  féchée  &  réduite  en  poudre  impalpa- 
ble fur  le  porphyre ,  dont  on  enduit  la  fur- 
face  interne  des  coupelles ,  non  feulement 
pour  en  remplir  les  inégalités,  mais  encore, 
pour  former  fur  cette  fùrface  un^  efpece  de 
crible  à  travers  lequel  le  plomb  &  les  autres 
métaux  vitrifiés  paffent  trcs-aifément,  tan- 
dis que  l'or  &  l'argent  ,  ou  tout  autre  mé- 
tal qui  a  encore  fa  forme  métallique ,  y  font 
an-êtés.  La  claire  a  encore  un  autre  avanta- 
ge ,  c'eft  que  ï\  elle  eft  bien  appliquée  ,  elle, 
empêche  tous  les  accidens  qui  pourroient 
arriver  aux  coupelles  dans  lefquelles  il  fe 
trouveroit  du  fable  ou  d'autres  matières  vi- 
trefcibles  -^  ce  qui  eft  fort  ordinaire ,  fur-tout 
il  on  s'eft  fervi  de  cendres  de  bois  pour  les 
former.  On  voit  parla  de  quelle  conféquence 
il  eft  de  préparer  avec  toute  Tattenticn 
pofîible  les  cendres  dont  on  doit  faire  la 
claire,  yoyei  fart.  CendRÉE. 

On  fait  calciner  les  os  ou  arêtes  dans  un 
creufet  ou  vaifl'eau  de  terre  bien  net  qu'oie 
a  foin  de  couvrir  exaftement  ^  on  donne  un 
feu  très-violent  pendant  quelques  heures  ^ 
on  jette  enfùite  les  matières  calcinées  dans 
de  l'eau  pour  les  lefTivcr  ou  en  tiier  ha  fels  y. 
&  on  les  réduit  en  poudre  impalpable.  On 
remet  fur  cette  cendre  de  nouvelle  eau  qu'on, 
a  foin  de  bien  remuer  ;,  on  donne  le  temps  à 
la  matière  la  plus  groftiere  de  tomber  au  fond 
de  leau  :  après  quoi  on  décante  l'eau  qui 
fumage  ,  tandis  qu'elle  eft.  encore  un  peu 
trouble.  On  biffe  féjourner  cette  eau,  pen- 
dant vingt-quatre  heures  dans  un  vailfeavi 


C  L  A 

propre  &  à  l'abri  de  la  pouHlere.  Au  bout 
de  ce  temps  ,  lorfque  l'eau  eft  entièrement 
•claire  ,  on  la  verfe  doucement  par  inclina- 
tion \  on  laiflè  fécher  la  fécule  blanche  qui 
eft  tombée  au  fond  du  vailfeau  ,  &:  on  la 
réferve  pour  l'ufâge. 

Avant  de  s'en  Icrvir  ,  on  la  calcine  de 
nouveau  dans  un  creufet  ,  &  on  la  puivérife 
encore  une  fois  à  fec  fur  le  porphyre ,  obfer- 
vant  que  le  porphyre  foit  alfez  dur  pour  que 
les  cendres  d'os  n'en  emportent  rien.  On 
prend  cette  cendre  pour  en  répandre  fur  la 
fiiriace  intérieure  ou  concave  des  coupelles , 
lorfqu'elles  font  encore  fraîches ,  &  même 
avant  qu'elles  foient  retirées  du  moule  \  & 
pour  qu'elle  foit  diilribuée  par-tout  le  plus 
également  qu'il  eft  poffible  ,  on  la  met  dans 
un  petit  tamis  de  foie  ,  &:  on  en  faupoudre 
la  coupelle  ,  ayant  foin  de  n'en  faire  tom- 
ber qu'autant  qu'il  en  faut  pour  former  une 
légère  couche  qu'on  achevé  de  rendre  unie 
avec  le  bout  du  petit  doigt ,  s'il  en  elè  be- 
foin ,  &  qu'on  comprime  d'un  coup  de  mar- 
teau frappé  fur  la  partie  fupérieure  du  moule 
appelle  moint ,  que  l'on  a  bien  eflliyé  &  fé- 
-ché ,  s^il  étoit  humàde ,  de  peur  que  la  claire 
ne  s'y  attache  ^  &  ii  les  coupelles  font  gran- 
des ,  &  par  conféquent  faites  fans  moule  ; 
on  comprimera  la  claire  ,  en  faifant  rouler 
dans  leur  cavité  une  boule  d'ivoire  ou  de 
bois  pefant.  V,  Coupelle,  (-h) 

Claire  (  Sainte)  ,  Géog.  mod.  petite  île 
de  l'Amérique  méridionale ,  dans  la  mer  du  ^ 
fud. 

Claire  cSainte),  G/t>f.  mo^. petite  île 
<l'A£rique ,  l'une  des  Canaries. 

Claires ow Parcs  AUX  huîtres,  (P<f- 
che.  )  Voy.  HuiTRES. 


C  L  A  203 

le  c/rz/rf/'pe6loral  de  Thomas  Hoffman  ,  ùc. 
Quelques  auteurs  fubftituent  au  vin ,  dans 
la  compofition  des  clairets ,  l'eau-de-vie  ou 
l'efprit-de-vin  ,  étendu  d'une  certaine  quan- 
tité d'eau  commune  ou  de  diverfes  eaux  dif^ 
tillées.  Le  clairet  fimple  de  Bauderon  ,  celui 
de  fÎK  graines  carminatives  de  la  pharma- 
copée de  Paris ,  le  clairet  cordial  de  Lemeri , 
&c.  font  de  cette  dernière  efpece  :  ceux-ci 
ne  font  proprement  que  des  teintures  com^ 
pofées  &  édulcorées  ,  ou  des  ratafias  mé- 
dicamenteux. VoycT^  Ratafia  6^  Tein-' 
TURE.  {b) 

*  CLAIRETS  (Les)  ,  HiJI.  ecdéf.  maifou 
de  filles  religieufes  de  l'ordre  de  Cîteaux  , 
&  de  la  réforme  de  la  Trappe  ,  fondée  par 
GeofFroi ,  troifieme  comte  de  Perche  ,  & 
érigée  en  abbaye  en  12,21.  Les  religieufes 
de  l'abbaye  des  Clairets  ont  pour  fupérieurs 
immédiats  les  abbés  de  la  1  rappe. 

*  CLAIRE  -VOIE  ,  (  Art  méch,  )  ou 
âh  fait  a  claire-voie  ,  de  l'elpacement  des 
folives  d'un  plancher  ,  des  poteaux  d'une 
cloifon  ,    des  chevrons  d'un  comble  ,   &c. 


Claire-soudure  ,  Claire-étoffe  , 
voyei  Soudure  &  Etoffe. 

CLAIRÉE,  f.  f.  en  terme  derajfineur^eùi 
proprement  le  fucre  clarifié  &  prêt  à  être 
cuit.  F. Cuire  ,  Clarifier  &  Sucre. 

CLAIRET  ,  f.  m.  {Pharmac.)  le  nom  de 
clairet  eft  donné  à  certains  vins  médicamen- 
teux ,  compofés  ,  édulcorés  avec  un  peu  de 
fucre.  V.  Vin  médicamenteux. 

On  trouve  dans  les  diiïerens  difpenfaires 
la  préparation  d'un  grand  nombre  de  ces 
clairets  deftinés  à  remplir  différentes  indica- 
tions, tels  que  le  clairet  laxatif  de  Minfycht, 
le  c/tf/m  anti-apopledique  du  même  auteur, 


lorfque  cet  efpacement  eft  plus  large  qu'if 
n'a  coutume  de  l'être  dans  les  autres  ouvra- 
ges de  la  même  nature ,  foit  qu'on  l'ait  pra- 
tiqué ainfi  par  économie  ,  foit  à  caufe  du 
peu  de  charge.  On  fem.e  à  claire-voie  quand 
les  filions  font  fort  écartés  les  uns  des  autres , 
ou  que  la  quantité  de  femence  qu'on  répand 
étant  peu  confidérable  relativement  à  l'ei- 
pacc  qu'on  enfemence  ,  les  grains  lailibnt 
entre  eux  de  grands  intervalles  vuides.-  Les 
ouvrages  des  vanniers  font  à  claire  -  voie  , 
lorfque  le  tiflli  d'ofier  laiftTe  des  intervalles  à 
jour  ^  &  il  en  eft  de  même  des  ouvrages  des 
tiffutiers.       «• 

CLAIRIER ,  V.  n.  terme  de  Brafferie  ; 
il  défigne  l'état  Aqs  miétiers  dont  on  fait  le 
levain  lorf.ju'ils  font  couverts  de  moufle.  V, 
Brasserie.  ' 

§  CLAIRIERE  ou  Clariere  ,  (  Econ. 
rujl.  )  endroit  d'un  bois  qui  eft  dégarni  d'ar- 
bres. 

Quelques  attentions  qu'on  apporte  à  bien 
faire  le  fèmis ,  il  fe  rencontre  toujours  des 
places  vuides ,  dans  lefqueiles  le  peu  d'arbre« 
qui  y  fubfiftent  fe  montre  lauguilîiint.  Nous 
avons  indiqué ,  dansVarticle  BoiS , le  moyea 
d'y  remédier  dans  les  endroits  aquatiques. 
1  Mais  il  arrive  fouvent  qu'on  ne  fait  à  quoi 

C  c  2 


2  04  C  L  A 

attribuer  les  clairières  :  alors  le  mieux  eft  cî  y 
planter  de  diftanceen  diftaiice ,  &  fans  ordre, 
des  bouleaux  ,  marfàux ,  ou  joncs  marins , 
qui,  parleur  ombre  ,  favoriferont  l'accroif- 
fement  des  chênes  ou  des  châtaigniers  dont 
on  aura  répandu  la  /graine. 

Un  autre  moyen  eîld  en  interdire  l'entrée 
au  bétail  :  car  il  s'élève  dans  les  clairières  , 
d  un  bois  mêmedcfenfable,  de  jeunes  arbres 
de  fèmence,  qui,  par  la  fuite  ,  rempliroient 
Je  vague  j  &ces  petits  arbres  encore  tendres, 
lie  font  que  trop  aifément  foulés  ou  broutés 
jjar  le  bétail ,  qui  fait  que  les  clairières  fub- 
iîftent  fàhs  pouvoir  fe  repeupler. 

On  peut  encore  obfervcr  que  les  bali- 
^^eaux  qu'on  a  laiiTé  parvenir  à  une  grojfTeur 
iîiffifante  pour  former  de  grofles  pièces  de 
charpente  ,  font  périr  autour  d'eux  beau- 
coup de  fouches  ^  enforte  que  ces  gros  bali- 
«eaux  étant  abattus ,  il  ne  refte  plus  au  mi- 
lieu d'une  grande  clairière  qu'une  grofTe  ioM- 
che  ufée  ,  qui  ne  peut  donner  que  de  très- 
foibles  produâiions.  Confiiltez  Xarticle  Ba- 
J.IVEAU.  (4-) 

CLAIRIERES  ,  f.  f.  {Jurifp,)\^xmQ 
d'eaux  &  forêts  qui  fîgnifie  les  endroits  des 
forêts  qui  font  dégarnis  de  bois  ,  ou  dans 
lefquels  il  eft  peu  touffu.  L'ordonnance  des 
«aux  &  forêts  ordonne  le  repeuplement  des 
places  vuides  ou  clairières  qui  fe  trouvent 
dans  les  forêts  du  roi.  {A) 

CLAIR-OBSCUR ,  f.  m.  {Teinture.)  Rien 
ne  peut  donner  une  idée  plus  nette  du  clair- 
Qbfcur^  que  ce  qu'en  dit  M.  de  Piles. 

En  peinture  ,  la  connoiffance  de  la  lu- 
mière ,  par  rapport  à  la  diftribution  qu'on 
en  doit  faire  fur  \qs  objets  ,  eft  une  des  plus 
importantes  parties  &  des  plus  eiTentielles  à 
cet  art.  Elle  contient  deux  choies ,  l'inci- 
dence des  lumières  &  des  ombres  particu- 
lières ,  &  l'intelligence  des  lumières  en  gé- 
néral 5  que  l'on  appelle  ordinairement  le 
jçlair-obfcur. 

Par  l'incidence  de  la  lumière  ,  il  faut  en- 
îendre  la  connoiffance  de  l'ombre  que  doit 
faire  &  porter  un  corps  fîtué  for  un  tel  plan , 
&  expofé  à  une  lumière  donnée  ^  connoif- 
fance qui  s'acquiert  par  celle  de  la  perfpec- 
^ive  y  dont  les  démonftrations  nécefÏÏtent  le 
peintre  à  lui  obéir.  Par  l'incidence  des  lu- 
mières l'on  entend  donc  les  lumières  &  les 
«œiwes  qui  appartiemieiit  aux  objets  parti-  ; 


C  L  A 

cuîicrs  ;,  &  par  le  mot  de  clair-obfcur ,  l'art 
de  diftribuer  avantageufement  les  lumières 
&  les  ombres  qui  doivent  fe  trouver  dans  un 
tableau ,  tant  pour  le  repos  &  la  fatisfaâ:ion 
des  yeux  ,  que  pour  l'effet  du  tout  enlèmble. 

L'incidence  des  lumières  ,  ainfi  qu'on  l'a 
dit ,  force  le  peintre  à  fuivre  les  loix  de  la 
peripeétive  ,au  lieu  que  le  clair-obfcur  dé- 
pend abfblument  de  l'imagination  du  pein- 
tre;, car  celui  qui  choifit  les  objets  eft  maî- 
tre de  les  difjjofer  de  manière  à  recevoir  les 
lumières  &  les  ombres  telles  qu'il  les  defire 
dans  fon  tableau  ,  &  d'y  introduire  les  acci- 
dens  &  les  couleurs  dont  il  pourra  tirer  de 
l'avantage.  Enfin  comme  les  lumières  &  les 
ombres  particulières  font  comprifes  dans  \e% 
lumières  &  les  ombres  générales ,  il  faut  re- 
garder le  clair-obfcur  comme  un  tout ,  8c 
l'incidence  de  la  lumière  comme  une  partie 
que  le  clair-obfcur  fuppofe. 

On  défîgne  par  le  mot  clair ,  non  feule- 
ment ce  qui  eft  expofë  fous  une  lumière  di- 
reéle  ,  mais  aufîi  toutes  les  couleurs  qui  font 
lumineufes  de  leur  nature  ^  &  par  le  mot 
obfcur  ^  non  feulement  il  faut  entendre  tou- 
tes les  ombres  caufées  directement  par  l'in- 
cidence &  par  la  privation  de  la  lumière  , 
mais  encore  toutes  les  couleurs  qui  font  na- 
turellement brunes ,  enforte  que  fous  l'ex- 
polition  de  la  lumière  même  elles  confervent 
l'obfcurité  ^  &  foient  capables  de  groupper 
avec  les  ombres  des  autres  objets.  Tels  font, 
par  exemple ,  un  velours  chargé ,  une  étoffe 
brune ,  un  cheval  noir,  des  armures  polies  , 
&  d'autres  chofes  femblables ,  qui  confer- 
vent  leur  obfcurité  naturelle  ou  apparente , 
à  quelque  lumière  qu'on  les  expofe. 

\\  faut  encore  obferver  que  le  clair-obfcur^ 
qui  renfermie  &  fuppofé  l'incidence  de  la. 
lumière  &  de  l'ombre  ,  comme  le  tout  ren- 
ferme fa  partie ,  regarde  cette  même  partie 
d'une  manière  qui  lui  eft  particulière ,  en 
ce  que  le  clair-obfcur  ajoute  à  la  précifîon  de 
cette  partie ,  l'art  de  rendre  les  objets  plus 
de  relief,  plus  vrais  &  plus  fenfîbles.  Mais 
quoique  le  clair-obfcur  comprenne  la  fcience 
de  diflribuer  toutes  les  lumières  &  toutes 
\qs  ombres ,  il  s'entend  plus  particulièrement 
des  grandes  lumières  &  des  grandes  ombres, 
ramaffées  avec  une  induftrie  qui  en  cachée 
l'artifice.  Trois  moyens  conduifent  à  la  pra- 
tique du  clair-obfcur^ 


C  L  A 

I  moyen.  La  dijiriliution  des  ohjets, 

II  moyen.  Le  corps  des  couleurs, 

III  moyen.  Les  accidens. 

Premièrement ,  la  dipribution  des  objets. 
La  ciiftribution  des  objets  forme  àQ%  maffes 
de  clair-obfcur ,  lorfque  par  une  incîuftrieufe 
économie  on  les  difpofè  de  manière  que  ce 
qu'ils  ont  de  lumineux  fe  trouve  joint  en- 
femble  d'un  côté  ,  &  que  ce  qu'ils  ont  d'obf- 
cur  fe  trouve  lié  enfemble  d'un  autre  côté  , 
&  que  cet  amas  de  lumières  &  d'ombres 
empêche  la  diilipation  de  notre  vuç  \  c'eft 
ce  que  le  Titien  appelle  la  grappe  de  raijîn , 
parce  que  \^%  grains  de  raifin  féparés  les  uns 
des  autres  auroient  chacun  fa  lumière  &  fon 
ombre  également  ^  &  partageant  ainfi  la  vue 
en  plufieurs  rayons ,  lui  cauferoient  de  la 
confiifion  :  au  lieu  qu'étant  tous  ralFemblés 
en  une  grappe  ,  &  ne  faifant  par  ce  moyen 
qu'une  mailé  de  clair  &  qu'une  maflé  d'om- 
bre ,  les  yeux  les  embraflent  comme  un  feul 
objet.  Ce  que  je  dis  ici  de  la  grappe  de  rai- 
iîn  ne  doit  pas  être  pris  grofîicrement  à  la 
lettre  ,  ni  félon  l'arrangement  ni  iêlon  la 
forme  j  c'eft  une  comparaifon  iènfible,  qui 
ne  fignifïe  autre  chofe  que  la  jonction  des 
clairs  &  la  jonôion  des  ombres. 

En  fécond  lieu ,  le  corps  des  couleurs.  La 
diftribution  des  couleurs  contribue  aux  maf- 
les  des  clairs  &  aux  mafTes  d'ombres ,  fans 
que  la  lumière  direâey  faile  autre  chofe  que 
de  rendre  les  objets  vifibles  :  cela  dépend 
de  la  fuppofition  que  fait  le  peintre ,  qui  eft 
libre  d'introduire  une  figiirehabillée  debrun , 
qui  demeurera  obicure  malgré  la  lumière 


C  L  A  105 

dont  elle  peut  être  frappée  ,  &  qui  fera 
d'autant  plus  fon  effet  ,  qu'elle  en  cachera 
l'artifice.  Ce  que  je  dis  d'une  couleur  peut 
s'entendre  de  toutes  les  autres  couleurs  ,  fé- 
lon le  degré  de  leur  ton ,  &  le  befoin  qu'en 
aura  le  peintre. 

Le  troifieme  moyen  de  produire  l'efîèt  du 
clair-obfcur  naît  des  accidens.  Leur  diftri- 
bution peut  fervir  à  l'effet  du  clair-obfcur  ^ 
ou  dans  la  lumière  ou  dans  les  ombres.  Il  y 
a  à^i  lumières  &  des  ombres  accidentelles  : 
la  lumière  accidentelle  eft  celle  qui  eft 
acceflbire  au  tableau  ,  comme  la  lumière 
de  quelque  fenêtre ,  ou  d\jn  flambeau  ,  ou 
de  quelqu'autre  caufe  lumineufe  ,  laquelle 
eft  pourtant  inférieure  à  la  lumière  primitive  : . 
les  ombres  accidentelles  font,  par  exemple, 
celles  des  nuées  dans  un  payfage ,  ou  de 
quelqu'autre  caufè  que  l'on  fuppofè  hors  du 
tableau  ,  &  qui  peut  produire  des  ombres 
avantageufcs  ^  mais  en  fuppofant  hors  du 
tableau  la  caufe  de  ces  ombres  volantes , 
pour  ainfi  parler  ,  il  faut  prendre  garde  que 
cette  caufe  fuppofée  foit  vraiièmblable  ,  & 
non  pas  impoitible.  Voye\  le  cours  de  Peint, 
de  M.  de  Piles. 

On  appelle  un  dejfin  de  clair-obfcur  ,  un 
deflin  qui  eft  lavé  d'une  ièule  couleur ,  ou 
dont  les  ombres  font  d'une  couleur  brune  , 
&:  les  lumières  rehauifées  de  blanc.  On 
nomme  encore  ainfi  les  tableaux  qui  ne  font 
que  de  deux  couleurs  ,  comme  les  freiques 
de  Polydore  qui  font  à  Rome. 

Les  planches  gravées  à  la  manière  noire 
portent  encore  le  nom  générique  de  clair- 
obfcur.  (*)  {R) 


{^)  Pour  bien  comprendre  ce  qu*on  entend  par  ce  terme  çompcfé  de  deux  idées  qui  contraftent , 
il  faut  obferver  que  ,  pour  former  un  tout  harmonique  ,  les  jours  &  les  ombres,  les  couleurs  clai- 
res &  les  couleurs  obfcures  doivent  mutuellement  fe  prêter  du  relief,  &  fe  tempérer.  L'erfet  du 
tout  enfemble,  &  l'harmonie  du  tableau  ne  réfultent  pas  toujours  de  l'eiafte  expreffion  de  la 
lumière  &  des  ombres  ;  il  eft  quelquefois  befoin  ,  ou  d'affoiblir  la  force  des  jours  par  l'obfcurité 
Ans  couleurs  locales  ,  ou  d'éclaircir  les  ombres  par  la  clarté  de  ces  mêmes  couleurs. 

L'intelligence  parfaite  du  clair-obfcur  ,  qui  fait  une  partie  confidérable  de  l'art  du  coloris,  confifte 
donc  dans  l'habileté  .ichoifir  les  couleurs  locales^ciaires  ou  fombres,  les  plus  propres  à  renforcer  ou 
à  mitiger ,  félon  le  befoin  „les  jours  &  les  ombres  naturelles  ;  vue  dans  un  même  jour,  une  couleur 
claire  femble  plus  éclairée  qu'une  couleur  fombre  ;  &  réciproquement  celle-ci  apperçue  dans  l'om- 
bre ,  femble  plus  obfcure  que  ne  le  paroîcrcit  la  couleur  claire  dan*  la  même  pofition.  Delà,  il  eft 
aifé  de  comprendre  comment  le  peintre  ,  après  avoir  exactement  diftribué  les  jours  &  les  ombres  ^ 
félon  le  degré  &  la  direclion  de  la  lumière  incidente  ,  peut ,  fans  manquer  à  la  vérité  ,  au  moyen  des- 
couleurs locales  ,  donner  du  relief  aux  objets  qui  fe  trouvent  dans  l'ombre  la  plus  forte  ,  &  adoucir 
l'éclat  de  ceux  qui  font  placés  dans  le  plus  grand  jour  ,  toutes  les  fois  que  l'harmonie  .&  l'effet  de 
VenfembJe  l'exigeront.  Si  un  objet  qui  naturellement  ne  peut  recevoir  la  lumière  d'aucun  endroit  ^ 
ioic  néanmoins  par  oîite  éclairé  i  on  lui  alîigne  uns  couleur  claire;  û  l'objet  eft  placé,  dans,  oattû^ 


2C^  CLA 

CLAIRON  ,  f.  m.  (Lutherie,)  vieux  inf- 
tniinent  de  l'erpece  des  trompettes  ,  mais 
dont  le  canal  étoit  plus  étroit  &  le  fou  plus 
aigu ,  enforte  que  ces  derniers  inftrumens 
formoient  la  bafTe  du  clairon.  Il  fut  très  en 
ufâgc  chez  les  Mores  ,  qui  le  tranfmirent 
aux  Portugais  :  ceux-ci  ne  s'en  feryirent 
guère  que  dans  la  cavalerie  &  la  marine. 
Il  n'en  refte  aujourd'hui  guère  que  le  nom 
parmi  nous. 

Clairon  ,  {Lutherie.  )  jeu  d'orgue  de  la 
clafTe  de  ceux  qu'on  appelle  jeux  £  anches  , 
qui  ne  diffère  de  la  trompette  qu'en  ce  qu'il 
fonne  l'oi^ave  au-defî'us  d'elle  ,  &  qu'en  ce 
qu'il  eft  plus  ouvert.  Ce  jeu  eft  d'étain  , 
&  fe  met  par  la  partie  inférieure  dans  une 
boite  détoîfe  comme  la  trompette.  Voye-{ 
Trompette. 

Les  delfas  de  clairon  font  très-difficiles  à 
faire  parler ,  aufll-bien  que  les  baifes  de 
■cromorne. 

Clairon  ,  en  terme  de  Blafon  ,  eft  une 
pièce  de  l'art  héraldique.  Il  porte  de  gueule 
à  trois  clairons  de  topaze.  Ce  font  les  ar- 
mes du  comte  de  Bath ,  appelle  Grandville. 


CLA 

Guillim  prétend  que  ces  clairons  ibnt  une 
efpece  de  trompette  ancienne  ^  mais  d'au- 
tres avancent ,  avec  plus  de  raiibn  ,  qu'elles 
repréfentent  le  gouvernail  d'un  navire  ,  ou 
un  arrêt  de  lance.  Voye^  le  diâion.  de  Trév. 
&  Charniers. 

CLAIRVAUX  ,  r  Géog.  mod.  )  petite 
ville  des  Pays-Bas  ,  dans  le  duché  de 
Luxembourg. 

Il  y  a  aufll  en  Champagne  ,  non  loin  de 
Langres  &  de  Chaumont ,  fur  la  rivière 
d'Aube ,  un  lieu  célèbre  par  fon  abbaye  j 
c'eft  la  troifîeme  fille  de  Cîteaxx.  Voye\  Ci- 
te AUX.  Hugues  comte  de  Troies,  &:  Etienne 
abbé  de  Cîteaux ,  en  furent  les  fondateurs  , 
&  S.  Bernard  le  premier  abbé. 

C LAIZE  (  La  )  ,  Géog.  mod.  rivière  de 
France  qui  prend  fa  fource  dans  le  Berri , 
&  fè  perd  dans  la  Creufè. 

CLAM ,  (  Jurifpr.  )  dans  la  coutume  de 
Béarn  ,  tit.  vij.  art.  z  ,  fignifie  ùan  ou  pu- 
blication ,  défenfe.  {A) 

Clam  ,  f.  m.  (  Com.  )  le  plus  petit  des 
poids  qui  foit  en  ufage  dans  le  royaume  de 
Siam  j   c'eft  la   foixante-quatrieme  partie 


grand  jour  ,  on  tempère  cet  écht ,  en  donnant  à  l'objet  une  couleur  plus  fombre.  Il  ne  faut  donc 
.  pas  confondre  ,  comme  on  l'a  fouvent  fait ,  le  clair  &  l'obfcur  ,  qui  dépend  des  jours  &  des  om- 
bres ,  avec  le  clair-oùfcur ,  qui  ne  dépend  que  des  couleurs  locales  ,  quoique  ces  deux  chofes 
très-différentes  peuvent  produire  un  même  effet.  (  Foyez,  ci-après  cou levks  locales.  )  L'harmo- 
nie &  l'effet  de  l'enfemble  dépendent  principalement  de  la  diftribution  de  la  lumière  &  des  ombres, 
&  c'eft  un  des  grands  objets  de  l'étude  du  peintre  ,  mais  il  ne  doit  pas  s'y  borner  ;  il  doit  encorç 
obferver  ce  que  le  choix  des  couleurs  locales  peut  ajourer  à  l'effet ,  la  lumière  &  les  ombres  ref- 
-  tant  les  mêmes.  Pour  faciliter  cette  étude,  il  pourroit  à  l'aide  de  divers  manequins,  faire  d'a- 
bord l'ordonnance  de  fes  grouppes  ,  Se  ladiftribution  des  jours  ,  &  obferver  enfuite  la  différence 
dans  l'effet  de  l'enfemble  que  produiront  les  diverfes  couleurs  des  draperies  qu'il  y  appliquera 
fucce/Tîvement. 

Ce  n'eft  pas  au  refte  que  nous  voulions  confeiller  au  peintre  d*interrorapre  fon  ouvrage ,  pourdécou- 
vrir  le  meilleur  erfet ,  par  ces  effais  peines  &  méchaniques.  De  pareils  dérangemens  ne  ferviroient  qu'à 
léteindre  le  feu  de  l'imagination  ,  d'où  dépend  l'excellence  de  l'ouvrage.  C'eft  dans  les  heures  d'étude 
xju'il  doit  faire  ces  combinaifons,  &  fe  rappeller  l'exemple  de  Léonard  de  Vinci ,  à  qui  rien  de  ce  qui 

{)Ouvoit  enrichir  fon  art  par  de  nouvelles  obfervations  ,  n'étoit  ni  trop  minutieux  ,  ni  trop  pénible.  Que 
'artifte  ne  fc  livre  qu'à  fon  génie  lorfqu'il  eft  queftion  de  travailler  ;  mais  que  dans  fes  études  ,  il  n'é- 
pargne ni  foins  ,  ni  effais ,  ni  recherches  ;  que  tout  s'y  faffe  avec  poids ,  mefure  &  réflexions.  De  cette 
manière  ,  le  génie  acquerra  un  grand  nombre  d'idées  utiles ,  qui  le  guideront  dans  l'exécution. 

Un  habile  connoiffeur(  M.  de  Hagedorn  ) ,  dont  nous  fuivons  ici  les  idées  ,  a  fait  une  remarque  , 
^ui ,  toute  paradoxe  qu'elle  puiffe  paroître ,  ne  laiffe  pas  d'être  exaélement  vraie  ,  c'eft  que  le  graveur 
même  peut  tirer  parti  du  clair-ohfcur ,  quoiqu'il  femble  qu'il  n'ait  d'autre  reffource  que  celle  des  jours 
&  des  ombres.  Ce  favant  homme  a  obfervé  que  les  graveurs  qui  ont  travaillé  fous  la  direélion  de  Ru- 
bens  ,  font  les  premiers  qui  aient  trouvé  lefecret  de  cet  artifice.  Auffi  leurs  chefs-d'œuvre  font-ils  une 
nouvelle  époque  dans  l'art  de  la  gravure.  Aujourd'hui  on  voit  paroîiredes  eftampes  où  le  burin  femble 
égaler  le  pinceau  dans  l'art  du  clair-obfcur.  Il  feroit  à  fouhaiter  que  les  maîtres  de  l'art  vouluffent  dé- 
velopper en  détail ,  par  quel  maniement  diverfifié  du  burin  ils  parviennent  à  exprimer  des  couleurs 
locales  ,  tantôt  claires,  tantôt  fombres  ,  tantôt  douces,  ramôt  tranchantes.  Le  (impie  connoiffeur, 
.^quelque  habile  qu'il  foit ,  ne  fauroit  jamais  découvrir  diftinftement  les  règles  de  ce  procédé  ,  s'il 
.^'a  4'^uti,Ë  fecouts  que  Tctade  des  meilleurs  morceaux  dans  ce  genre.  (  M.  Suiz^r..  ) 


CL  A 

*  '^u  tael.  Voye\  Ta  EL  \  voyci  les  diclhnn. 
du  Comm.  &  de  Trév. 

CLAMABLE  ,  adj.  (Jurifpr.  )  dans  la 
coutume  de  Normandie ,  fignifie  ce  qui  eft 
fujet  a  retrait ,  foit  feigneurial ,  lignager , 
ou  conventionnel.  Voy.  le  tit.  des  retraits  & 
clameurs,  (  v^  ) 

CLAMANT  ,  f.  m.  (  Jurifpr.  )  dans  quel- 
ques coutumes  &  anciens  auteurs  ,  fignifie 
le  demandeur  ;  dans  d'autres  il  fignifie  lefai- 
Jiffant ,  comme  dans  la  coutume  de  Lille  , 
art.  99 ,  ICI  5  ICI ,  103  ,  104  :  en  Nor- 
mandie il  fignifie  quelquefois  le  retrayant , 
anc.  coût.  ch.  xxij  ;  &  au  fiyle  du  pays  de 
Norman,  ù  en  la  nouvelle  coût,  tit.  des  retraits 
&  Clam.  Coût,  de  Solle  ,  tit.  xrxv  ,  art.  19; 
4e  Bearn  ,  tit.  vij  ,  art.  6  &  10  ;  tit.  xviij  , 
art  1  ;  tit.  xxxj ,  art.  10.  Valenciennes  ,  art. 
376'  151.  Seclin  ,    locale  fous  Lille.  (A) 

CLAME,  C  Jurifpr.)  anciennement  figni- 
fîoit  amende.  En  certains  lieux  on  levoit  une 
amende  ainfi  appelîée  fur  les  débiteurs  qui 
étoient  en  demeure  de  payer.  Voye[  le  con- 
feil  de  Pierre  de  Fontaines ,  ch.  xxj ,  p.  1 20 , 
art.  II  fi'  1 5.  Il  y  a  aufii  le  droit  &  peine 
de  clame  ,  c'eft-à-dire  l'amende  qui  eft  due  à 
juftice  pour  la  prife  des  beftiaux  trouvés  en 
délit.  Il  en  eft  parlé  dans  la  coutume  d'Au- 
vergne ,  ck.  XXV a j  ,  art.  6  ,  12,  13,14, 
17  &  fuiv.  &  dans  les  coutumes  locales  dudit 
pays.  (  A  ) 

CLAMECY ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville 
de  France  dans  le  Nivernois ,  au  confluent 
duBeuvron  &  de  Lyonne.  Long.  21 ,  11  , 
li-.lat.^y,  27,  37. 

CLAMER  ,  V.  a.  &  n.  (  Jurifpr.  )  dans 
les  anciens  auteurs  &  dans  quelques  coutu- 
mes ,  fignifie  demander  ,  pourfuivre. 

Clamer  droit ,  c'eft  former  fa  demande  ou 
rendre  plainte  en  juftice.  Voye^  tancienne 
coût,  de  Beauquefne  ,  art.  48.  Clermont  ^  85. 
Hainaut ,  ck.  Ixxviij.  Monsy  ch.  x.  Valen- 
ciennes ,  art.  88  &  109. 

Clamer  garant  jCeiï  agir  en  garantie  con- 
tre quelqu'un.  Coût,  de  Bretagne ,  art.  145. 
Norm.  anc.  coût.  ch.  xxvj  ,  xxxiij  &  IviJ , 
&  au  f  y  le  du  pays  de  Normandie. 

Clamer  en  garieur  ,  c'eft  quand  l'on  fait 
flemande  de  quelque  cliolè  par  voie  pofi!èf- 
foire  ou  propriétaire  ,  ou  que  l'on  fe  plaint 
en  juftice  du  tort  qui  a  été  fait. 

Clamer  en  jujiice  ,  c'eft.  fe  plaindre  de  quel- 


C  L  A  207 

que  trouble  ou  tort  que  l'on  a  reçu.  Coutume 
de  Dunois^  art.  52. 

Clamer  les  biens  de  fon  débiteur  ^  forain  , 
c'eft  faifir  &  arrêter.  Coût,  de  Lille  ,  art.  98, 
104  ,  116.  Lille  ,  art.  c^()^  ICI,  r02  ,  103  , 
104 ,  124.  Afc.  tit.  xvjy  art.  12.  V.  Clain 
ۥ  Clameur. 

Lieu  clame  ,  eft  un  héritage  pour  lequel  il 
y  a  demande  ou  complainte.  Voy.  lafcm.me 
rurale. 

Se  clamer  en  cour  fuferaine  de  cour  infé- 
rieure ,  c'eft  lorfque  celui  qui  eft  ajourné 
devant  un  juge  inférieur ,  s'adrefl^e  à  la  cour 
fupérieure  pour  avoir  plus  prompte  expédi- 
tion ;,  ce  qui  eft  permis  en  jnatiere  de  re- 
trait lignager  dans  \(^%  coutumes  d'Anjou  & 
Maine  ,  afin  que  les  deniers  de  l'acquéreur 
ne  ibicnt  point  retardés. 

Se  clamer  ,  fignifie  aufll  retraire.  Coût,  de 
Normand,  tit.  des  retraits  &  clameurs. 

Clamer  fon  fujet  ,  c'eft  revendiquer  ion 
ferf  ou  moptaillabie  ,  fon  cenfitairc  ou  jufti- 
ciable  ,  qui  fe  veut  avouer  fujet  d'un  autre 
lèigneur.  Boutillier,  en  fa  fomw.e  rurale.  {A): 

CLAMEUR,  f  m.  (Jurifpr.)  en  général* 
fignifie  demande  ^  il  fignifie  aufii  quelque- 
îoisfaife  ,  exécution  ,  contrainte.  C'eft  ainfi 
qu'il  eft  ait  faire  fa  clameur  au  roi ,  en  l'an- 
cienne chronique  de  Flandre  ,  ch.  Ixxxv.  Il 
eft  parlé  de  clameur  ,  ctamor ,  en  l'ordon- 
nance de  Philippe  IV,  de  l'an  1304 ,  &  de 
la  clameur  du  petit  fcel  de  Montpellier  dans 
l'ordonnance  de  Louis  XII ,  art.  i/^i  &  fuiv. 

Clameur  ,  en  Normandie  ,  eft  toute  de- 
mande intentée  par  la  voie  poftèflbire  ou  pé- 
titoire  ,  pour  fè  plaindre  en  juftice  par  ac- 
tion civile  du  dommage  que  l'on  prétend 
avoir  ibulîèrt.  On  y  diftingue  plufîeurs  for- 
tes de  clameurs  ;  favoir  , 

Clameur  de  bourfe  ,  eft  l'aélion  en  retrait- 
lignager  ,  féodal,  ou  autre. 

Clameur  de  bourfe  gagée  ,  c'eft  quand  le- 
défendeur  en  retrait  lignager  ,  féodal ,  ou 
autre,  acquiefce  au  retrait ,  en  lui rembour- 
fànt  le  fort  principal  du  prix  de  la  vente  ,. 
frais  &  loyaux  coûts. 

Clameur  a  droit  conventionnel .,  eft  l'aélion' 
pour  exercer  la  faculté  de  réméré. 

Clameur  à  droit  de  lettre  lue  ,  eft  la  faculté 
qui  appartient  à  un  tiers  acquéreur  qui  a  pof> 
{kàô.  par  an  &  jour  un  héritage  ou  autre  im- 
meuble en  vertu  d'un  titre  authentique  jd»-- 


ic8  C  L  A 

le  pouvoir  retirer  fur  celui  qui  s'en  efl  rendi^ 
adjudicataire  par  décret ,  eu  lui  rembourfanî 
le  prix  de  l'adjudication  ,  frais  &  loyaux 
coûts  dans  l'an  &  jour.  Coût,  de  Normand. 
art.  451. 

Clameur  faujfe ,  eft  quand  on  fe  plaint  a  tort 
à  juftice.  Ane.  coût,  de  Normand,  ch.  vij^  95. 

Forte  Klameur  ,  eft  une  amende  de  deux 
fous  fix  deniers  due  au  roi ,  félon  la  cou- 
tume locale  de  la  châtellenie  de  Montereau , 
reflbrt  de  Meaux  \  lorfque  quelqu'un  a  fait 
ajourner  ini  autre  en  a<Sî:ion  perfonnelle  , 
celui  qui  fuccombe  la  doit  pour  le  premier  ; 
ajournement  ,  fuppofé  que  les  parties  s'ac- 
cordent fans  porter  la  caufe  à  l'audience  j 
car  s'ils  perfiftent  plus  loin  ,  &  que  la  caufe 
foit  conteftée  ,  il  y  a  fept  fous  fix  deniers 
d'amende  :  c'eft  proprement  l'amende  du 
clain  &  clameur  faite  en  juftice ,  xjui  eft  moin- 
dre que  l'amende  du  ni  atteint  6'  vérifié .^  qui 
eft  due  pour  la  conteftation.  V.  le  glojfaire 
</r  M.  de  Lauriere,ûWOTo/ Forte  CLAMEUR. 

Clameur  de  gage  pie ge ,  eft  une  complainte 
contre  le  trouble  fait  en  la  propriété  ou  pof- 
iëflîon  d'un  héritage  ,  par  voie  de  fait ,  vio- 
lence ou  autrement.  Normand,  art.  5. 

Clameur  gagée  ,  eft  le  retrait  confenti  par 
l'acquéreur. 

Clameur  de  haro ,  ufitée  en  Normandie  , 
&  que  Dumoulin  appelle  quiritatio  Normano- 
rum  ,  eft  une  plainte  verbale  &  clameur  pu- 
blique de  celui  à  qui  on  fait  quelque  vio- 
lence ou  injuftice ,  &  qui  implore  la  pro- 
tection du  prince ,  ou  qui  trouvant  fa  partie 
la  veut  mener  devant  le  juge  ,  en  forte  que 
cette  clameur  emporte  avec  elle  une  aftigna- 
tion  verbale. 

L'opinion  la  plus  fuivie  ftir^  l'origine  de 
jCette  clameur  de  haro  ,  eft  que  le  terme  de 
haro  eft  u«e  invocation  du  nom  de  Raoul 
ou  Rollo  ,  premier  duc  de  Normandie  ,  qui 
fe  rendit  reîpeâiable  â  fon  peuple  ,  tant  par 
fes  conquêtes  que  par  l'amour  qu'il  avoit 
pour  la  juftice.  Comme  on  imploroit  fa  pro- 
teâion  de  fon  vivant  par  une  clameur  pu- 
blique ,  en  l'appellant  &  en  proférant  ion 
nom  ,  &  qu'après  fa  mort  fa  mémoire  fiit  en 
vénération  à  fon  peuple ,  on  continua  d'ufer 
delà  même  clameur  &  du  terme  àcharo,^  par 
corruption  de  ha  Kacul.  On  a  donné  plu- 
{leurs  autres  étymologies  du  terme  de  haro , 
Miais  qui  ne  paroilfent  pas  bien  fondées. 


C  L  A 

Le  premier  exemple  mémorable  de  T\S^ 
fage  que  l'on  faifoit  de  la  clameur  de  haro.^ 
eft  celui  que  rapporte  Paul  Emile  en  Ibii 
hiftoire  de  France.  Guillaume  le  Bâtard  dit 
le  Conquérant ,  feptieme  duc  de  Norman- 
die ,  &  roi  d'Angleterre ,  étant  mort  à  Rouen 
au  mois  de  feptembre  1087 ,  fon  corps  fut 
tranlporté  &  inhumé  dans  l'églife  de  faint 
Etienne  de  Caen  qu'il  avoit  fait  bâtir ,  &  qui 
avoit  été  conftruite  en  partie  fur  un  petit 
morceau  de  terre  dont  le  prix  n'avoit  point 
été  payé  à  un  pauvre  homme  de  la  ville  de 
Caen  nommé  Affelin ,  lequel  ofa  arrêter  la 
pompe  funèbre  du  prince  par  une  clameur  de 
haro  en  ces  termes  :  Qui  régna  opprejfit  ar~ 
mis ,  me  quoque  metu  mortis  oppreffit  ;  ego 
injuriœ  fuperjîes  pacem  mortuo  non  dabo  :  in 
quem  infertis  iftum  hnminem  locum  ,  meus  eft: 
in  alienum  locum  inferendi  mortui  jus  nemini 
ejfe  defendo,  Sin  extinclo  tandem  indignitatis 
autore  vivit  adhuc  vis^  Rollonepi  conditorem 
parentemque  gentis  appel  lo  ,  qui  le  gibus  abfe 
datis  5  quam  cujufque  injuria  ^plus  unus  po- 
tejî  ,  polletque. 

Henri  V  ,  roi  d'Angleterre ,  ayant  mis  le 
fiege  devant  Rouen  en  141 7 ,  un  prêtre  fut 
député  pour  lui  faire  cette  harangue  :  Très- 
excellent  prince  &feigneur ,  il  m  eft  enjoint  de 
crier  contre  vous  le  grand  haro  ;  c'eft  ainfî 
que  le  rapporte  Monftrelet.  Il  eft  vrai  que 
Henri  V  ne  déféra  pas  à  la  clameur ,  &  qu'a- 
près un  fiegc  de  fîx  mois  il  fe  rendit  maître 
delavilleparcompofition  ^  mais  cela  prouve 
toujours  i'ufage  qui  a  été  fait  de  cette  cla- 
meur dans  tous  les  temps. 

Depuis  la  réunion  de  la  Normandie  à  la 
couronne  ,  nos  rois  ont  ajouté  dans  toutes 
leurs  ordonnances  ,  édits  ,  déclarations  & 
lettres-patentes ,  cette  claufe ,  nonobftant  cla» 
meur  de  haro  ,  ce  qui  fe  pratique  encore  pré- 
ièntement  :  enforte  que  cette  clameur  a  paru 
avoir  aftcz  d'autorité  pour  faire  obftacle  à 
l'exécution  des  nouvelles  loix  ,  s'il  n'y  étoit 
pas  dérogé  par  une  claufe  exprefl'e. 

L'ancien  coutumier  de  Normandie  con- 
tient un  chapitre  de  haro ,  dont  Terrien  a 
fait  mention  dans  fon  commentaire  ,  liv. 
XII  ,  ch.  xviij.  La  même  chofe  fe  trouve 
dans  l'ancien  ftyle  de  procéder  qui  eft  à  la  fin 
de  ce  coutumier  ,  &  eft  rapporté  par  Ter- 
rien ,  liv.  VIII ,  ch.  xj. 

Suivant  l'ancien  coutumier ,  le  haro  ne 

pouvoit 


_  C  L  A 

poiivoit  être  interjeté  que  pour  cnufè  cri- 
minelle ,  coinme  pour  feu ,  larcin  ,  homi- 
cide ,  ou  autre  péril  évidetit. 

Mais  on  voit  dans  le  ftyle  ancien  de  pro- 
céder ,  que  i'ufage  avoit  changé ,  &  que  la 
pratique  du  haro  étoit  déjà  étendue  au  cas 
où  il  s'agit  de  conferver  la  poiïeflion  des  iiH- 
meubles ,  Se  même  des  meubles  \  c'ert  pour- 
quoi ,  lors  de  la  rédaction  de  la  nouvelle 
coutume  qui  commença  d'être  obfervée  au 
premier  juillet  1583,  les  commilîaires  nom- 
més par  le  roi  &  les  députés  des  trois  états 
inférèrent  dans  le  cahier  de  la  réformation 
un  article  qui  eft  le  cinquante-quatrième, 
portant  que  le  haro  peut  être  intenté  ,  wovl 
feulement  pour  maléfice  de  corps  &  pour 
chofe  où  il  y  auroit  péril  imminent ,  mais 
pour  toute  introduétion  de  procès  poflef- 
foire ,  encore  que  ce  foit  en  matière  béné- 
iiciale  ou  concernant  le  bien  de  l'églife. 

Sous  le  terme  de  maléfice  de  corps  fout 
compris  en  cet  endroit  toutes  fortes  de  dé- 
lits ,  tels  que  vols ,  larcins ,  incendies  ^  ainfi 
préfentement  la  clameur  de  haro  peut  être 
intentée  pour  toutes  fortes  de  délits  &  de 
conteftations  civiles ,  bénéficiales ,  poiîeflbi- 
res  ,  &  provifoires  ,  même  pour  meubles  ^ 
mais  lorfqu'il  s'agit  du  pétitoire,  il  faut  pren- 
dre la  voie  ordinaire  des  aftions ,  &  obfèr- 
ver  les  formalités  prefcrites  pour  les  denîan- 
des.  Il  en  feroit  de  même  pour  le  recouvre- 
ment d'un  effet  mobilier,  lorfque  celui  qui 
le  poflede  eft  un  homme  domicilié  ,  & 
qu'il  n'y  a  point  à  craindre  qu'il  s'évade. 

Il  n'eft  pas  abfolument  néceffaire  que  la 
clameur  foit  intentée  contre  les  coupables 
ou  défendeurs  à  l'inftant  même  que  l'aftion 
dont  on  fe  plaint  a  été  cominife  ^  la  clameur 
peut  être  intentée  etiam  ex  intervallo  ,  iiir- 
tout  lorfqu'il  s'agit  d'un  délit ,  &  que  l'ac- 
cufé  eft  un  homme  non  domicilié. 

On  n'a  pas  befoin  du  miniftere  d'aucun 
officier  de  juftice  pour  intenter  le  haro  ; 
il  fuffit  que  ceki  qui  crie  haro  le  falTe  en  pré- 
fence  de  témoins  ,  &  fomme  fa  partie  de 
venir  devant  le  juge. 

Suivant  l'ancien  coutumier  ,  lorfqu'on 
crioit  haro  ,  chacun  devoit  fortir  ^  &  fi  le 
délit  paroifîbit  digne  de  mort  ou  de  mu- 
tilation de  membre ,  chacun  devoit  aider  à 
retenir  le  coupable  ,  ou  crier  haro  après  lui , 
fous  peine  d'amende.  Ceux  qui  avoicnt  pris  | 
Tome  Fllh 


C  L  A  209 

le  malfai£l€ur  ne  pouvoient  le  garder  qu'une 
nuit ,  après  quoi  ils  dévoient  le  rendre  à  la 
juftice  ,  à  moins  qu'il  n'y  eût  un  danger  évi- 
dent. Il  refte  encore  de  cet  ancien  ufage 
que  quand  quelqu'un  crie  haro  ,  fi  c'eft  con- 
tre quelqu'un  qui  en  veut  outrager  un  au- 
tre ,  ou  qui  veut  voler  un  marchand  ou  vio- 
ler une  fille  j  en  un  mot  s'il  s'agit  d'em- 
pêcher quelque  violence  publique  ou  parti- 
culière faite  a^ec  armes  ou  fans  armes,  tout 
Je  pel^ple  doit  afîifter  le  plaignant  ^  il  n'eft 
pas  même  néceffaire  que  ce  foit  l'offenfé  qui 
interjette  le  haro  ,  un  tiers  peut  le  faire  ,  8c 
il  lui  eîi  également  dû  afîîftance  tant  pour 
protéger  les  innocens  ,  que  pour  faire  châ- 
tier les  coupables.  Voye^  Godefroiywr  /'ar- 
ticle  54  de  la  coutume. 

La  clameur  de  haro  ne  peut  être  intentée 
qu'en  Normandie  ,  mais  elle  peut  l'être  par 
toutes  fortes  de  perfonncs  demeurantes  dans 
cette  province  ,  foit  qu'elles  foient  originai- 
res du  pays  ou  non.  Des  Normands  ne  pour- 
roieut  en  ufer  dans  un  autre  pays  même  en- 
tr'eux. 

Les  femmes  peuvent  intenter  cette  cla- 
meur ;  les  impubères  peuvent  aufîi  y  avoir 
recours ,  même  fans  être  affiliés  de  tuteur  ou 
curateur. 

Elle  peut  être  intentée  contre  des  eccîé- 
fîaftiques ,  fans  qu'ils  puifl'ent  décliner  la  ju- 
rifdiétion  féculiere. 

Elle  ne  peut  être  intentée  contre  le  roi  , 
ni  même  contre  fes  officiers,  pour  les  empê- 
cher de  faire  leurs  fonélions ,  &  notamment 
contre  les  commis ,  huiffiers  &  fèrgens  em- 
ployés pour  les  droits  du  roi.  L'ordonnance 
des  aides  ,  tk.  x,  art..  38,  défend  à  tous 
huiffiers  de  recevoir  de  telles  clameurs  ,  ôc 
aux  juges  d'y  ftatuer. 

Godefroi  excepte  néanmoins  le  cas  où  un 
juge  entrcprendroit  fur  la  jurifdiâiion  d'au- 
trui ,  &  celui  où  un  ofîîcier  abuferoit  de  fon 
pouvoir,  comme  fi  un  fergent  emportoit  le« 
meubles  par  lui  exécutés ,  fans  lailfer  d'ex- 
ploit ^  dans  ces  cas  il  y  auroit  lieu  au  haro, 
.  Les  officiers  de  la  bafoche  ou  régence  du 
palais  de  Rouen ,  ont  été  autorifés  par  divers 
arrêts  à  intenter  la  clameur  de  haro  contre  les 
folliciteurs  qui  fe  trouvent  en  contravention 
aux  réglemens  concernant  la  difcipline  du 
palais. 

L'eiFct  du  haro  efl  qu'à  l'inftant  qu'il  eiE 
Dd 


2IO  C  L  A 

(  rié  fur  quelqu'un  ,  celui-ci  eft  fait  prifon- 
rier  du  roi  j  &  s'il  s'abfente ,  il  eft  toujours 
réputé  prifoimier  en  quelque  endroit  qu'il 
sille  ^  &  quoiqu'il  ne  foit  pas  refféant  de  la 
jurifdiâ:ion  du  lieu  où  le  haro  a  été  crié  ,  il 
peut  être  pourfiiivi  &  pris  en  quelque  jurif- 
dii^ion  qu'il  foit  trouvé  5  pour  être  amené  dans 
les  prifons  du  lieu  où  le  haro  a  été  crié.  Toute 
entreprife  doit  cefTer  de  part  &  d'autre  ,  à 
peine  d'amende  contre  celui  qui  auroit  fait 
quelque  chofe  au  préjudice  ,  &  d'être  con- 
damné à  rétablir  ce  qu'il  auroit  emporté  ou 
défait. 

Les  deux  parties  font  tenues  de  donner 
caution  ;  favoir ,  le  demandeur  de  pourfui- 
"vre  fa  clameur ,  &  le  défendeur  d'y  défendre  j 
&  ces  cautions  font  tenues  de  payer  le  juge. 
C'eft  au  fergent  à  recevoir  ces  cautions ,  de 
même  que  les  autres  cautions  judiciaires.  Si 
les  parties  refufoient  de  donner  caution  ,  le 
juge  doit  \q%  envoyer  en  prifon. 

Après  que  les  cautions  font  données ,  la 
chofe  contenticufe  eft  fequeftrée  ,  jufqu'à  ce 
que  le  juge  ait  ftatué  ilir  la  provifion. 

L'ancien  coutumier  dit  que  le  duc  de  Nor- 
mandie a  la  cour  du  haro  ,  c'eft-à-dire  la 
connoiifance  de  cette  clameur  ,  &  qu'il  doit 
faire  enquête  pour  favoir  s'il  a  été  crié  à  droit 
ou  à  tort. 

La  connoiffance  du  haro  appartient  au 
juge  royal  ,  fans  néanmoins  exclure  le  fèi- 
gnenr  haut-jufticier.  Quand  on  procède  de- 
vant le  juge  royal  en  matière  civile  ,  la  con- 
noiiTance  du  haro  appartient  au  vicomte  en- 
tre roturiers  ,  &  au  bailli  entre  nobles ,  & 
au  lieutenant  criminel ,  en  matière  crimi- 
nelle ,  entre  toutes  Ibrtes  de  perfonnes. 

Si  le  demandeur  ou  le  défendeur  n'inten- 
tent point  leur  adHon  fur  le  haro  dans  l'an  & 
jour  qu'il  a  été  interjeté  ,  ils  n'y  font  plus 
recevabîes  ^  &  fi ,  après  avoir  l'un  ou  l'autre 
formé  leur  action ,  ils  reftcnt  pendant  un  an 
iàns  faire  de  pourfiiite  ,  la  clameur  de  haro 
tombe  en  péremption. 

Le  juge  du  haro  doit  prononcer  une  amende 
contre  l'une  ou  l'autre  des  parties  \  la  quo- 
tité de  l'amende  eft  feulement  arbitraire. 

Les  parties  ne  peuvent  tranfigcr  dans  cette 
matière  \  c'eft  par  cette  raifon  qu'on  leur  fait 
donner  caution  ,  l'un  de  pourfuivre ,  l'autre 
4le  défendre.  Voye\  t ancien  coutumier  &  la 
couvelle  coutume ,  tit,  de  haro,  &  Us  commen- 


C  L  A 

tuteurs  fur  ce  titre  ;  le  journal  du  palais ,  ar- 
rêt du  gr.  conf.  du  iç)  Janv.  169  5  ;  ù  le  re- 
cueil d arrêts  du  parlem.  de  Normandie  par 
M.  Froland  ,  part.  I.  chap.  vj. 

Clameur  ligr.agere  ou  clameur  de  bourfe  y 
c'eft  le  retrait  lignager. 

Clameur  de  loi  apparente ,  eft  l'aâiion , 
mandem.ent  ou  commiftîon  accordée  au  bas 
d'une  requête  par  le  bailli  ou  propriétaire 
qui  a  perdu  la  poflëftion  d'un  héritage  depuis 
quarante  ans  ,  à  l'effet  de  rentrer  en  la  pof- 
fèftîon  de  cet  héritage.  Normand,  art.  3. 

Clameur  feigneuriale ,  eft  le  retrait  féodal 
ou  feigneurial. 

Clameur  révucatoire  ,  eft  une  aôion  pour 
faire  calfer  &:  refcinder  un  contrat  ,  obli- 
gation ,  ou  autre  afte.  Normand,  art.  3. 

Clameurs  ou  rigueurs  ,  font  à&s  commit^ 
fions  expédiées  lùr  des  contrats  pafles  fous 
certains  Icels  appelles  rigoureux  ,  en  vertu 
de/quelles  on  peut  contraindre  le  débiteur 
par  exécution  de  fes  biens ,  &  même  pai" 
emprifonnement  de  fa  perfonne.  f^oye^^^  Ri- 
gueur & SCEL  RIGOUREUX. 

Ouverture  de  clameur  ,  coût,  de  Normand, 
art.  461 ,  c'eft  lorfque  par  la  qualité  du  con- 
trat d'aliénation  il  y  a  lieu  au  retrait  féodal , 
lignager ,  ou  conventionnel. 

Clameur  du  petit  fcel  de  Montpellier ,  eft 
une  commifiion  pour  exécuter  fous  la  ri- 
gueur de  ce  fcel.  Voy.  ci-dev.  CLAMEUR 
ou  Rigueur  ,  &  Scel  rigoureux. 

Clameur  pour  dettes  y  clamor  pro  debitis  ^ 
étoit  une  alfignation  à  cri  public  ufitée  an- 
ciennement dans  le  Languedoc  ,  pour  la- 
quelle le  crieur  public  avoit  des  droits  à  per- 
cevoir &  fur  le  créancier  &  iur  le  débiteur. 
Voye:^  le  recueil  des  ordonn.  de  la  troif.  race  , 
tcme  ni .  pag.  78  ,  aux  notes.  [A) 

CLAMP  ,  GABURON ,  GEMELLE  ,  ^ 
{Marine.)  voye:[  JuMELLE. 

Clamp  ,  «  c'eft  une  petite  pièce  de  bois  en 
»  forme  de  rouet ,  qu'on  met  au  lieu  de 
»  poulie  dans  une  mortaife.  » 

Clamp  ou  clan  de  mât ,  et  c'eft  un  demi- 
»  rond  dans  une  mortaife  appellée  encornail , 
»  qui  eft  au  mât  :  ce  demi-rond  eft  fait  dans 
w  le  bois  du  même  mât,  &:c'eft-làque  paflè 
»  Tétaque.  Voye^^  Encornail.  Il  y  a  deux 
»  clamps  au  grand  mât  de  hune,  parce  qu'il  y  a 
»  deux  étaques ,  eu  un  étaque  &:une  guinde- 
»  refle  ;  mais  aux  petits  ^  il  n'y  en  a  qu'un»» 


CL  A 

Le  clamp  cîe  beaupré  c(l  t:ne  pièce  de  bois 
en  forme  de  demi-rouet ,  que  l'on  met  dans 
une  mortaifè  ,  &  qui  foutient  le  beaupré 
près  de  l'étrave.  Ce  clamp  dans  un  vaifieau 
du  premier  rang,  a  neuf  à  dix  pouces  de- 
pais.  {Z) 

CLAMPONNIER  ou  CLAPONNIER, 
fubft.  m.  (  Maréch.  )  on  appelle  ainfî  un  che- 
val long-jointé,  c'elt-à-dire  qui  a  les  patu- 
rons longs  ,  effilés  &  trop  pleins.  Ce  terme 
eft  vieux ,  &  conviendroit  plutôt  aux  bœufs 
qu'aux  chevaux.  Voyc^^  Paturon. 

CLAMZ  ,  f.  m.  (Commerce.)  petite 
monnoie  quarrée  d'argent  billonné ,  qui  a 
cours  aux  Indes ,  &  qui  fërt  en  même  temps 
de  poids.  Elle  vaut  onze  deniers  argent  de 
France.   Dicl.  du  Comm. 

CLAN  ou  GLAND ,  f.  m.  (  Parchemi- 
fierie.  )  morceau  de  bois  qui  (èrt  à  arrêter  fur 
la  heriè  les  peaux  à  travailler.  Voye'{^  Par- 
chemin ,  Sommier  ,  Herse. 

CLANCULAIRES  ou  OCCULTES  , 
f.  m.  plur.  (  Théol,  )  feâ:e  particulière  d'Ana- 
baptiftes  ,  qui  prétendoient  pouvoir  fans 
crime  déguifer  leur  religion  quand  ils  étoient 
interrogés ,  &  qu'il  fuffifoit  de  favoir  en  par- 
ticulier à  quoi  s  en  tenir.  Voye\  ANABAP- 
TISTES. On  \&%  appelloit  auffi  Frères  jar- 
diniers ,  parce  qu'ils  ne  s'affembloient  point 
dans  des  églifes ,  mais  dans  des  maifons 
particulières  ou  des  jardins.  Chambers.{G) 

CLANDESTIN  ,  adj.  {Jurifpr.  )  k  dit 
en  droit  de  tout  ce  que  l'on  tient  caché  , 
comme  un  mariage  ou  autre  aâ:e.  Les  aûes 
clandefiins  font  naturellement  fiifpeé^s  de 
fraude  &  de  collufion.  La  clandeftinité  eft 
fiir-tout  d'une  dangereufè  conféquence  par 
rapport  au  mariage.  ^oj^:f<2i/ 7720/ Mariage 

CLANDESTIN.  {A) 

CLANDESTINE ,  f.  î.dandeflina ,  (  liiji. 
nat.  bot,  )  genre  de  plante  à  fleur  monopétale 
en  mafque  j  le  deflbus  eft  en  forme  de  tuyau  \ 
le  delîus  eft  divifé  en  deux  lèvres ,  dont  la 
fupérieure  eft  voûtée  ,  &  l'inférieure  divifée 
en  trois  parties  \  le  piftil  fort  d'un  calice  fait 
en  tuyau  comme  la  fleur ,  &  crénelé  \  il 
perce  la  partie  inférieure  de  la  fleur ,  &  de- 
vient dans  la  fuite  un  fruit  oblong,  compofé 
d'une  feule  capfule  qui  s'ouvre  en  deux  par- 
ties par  une  forte  de  reifort ,  &  répand  des 
femences  arrondies.  Tournefort,  infi.  rei 
herb,  Voyei  PlANTE.  ( /) 


CL  A  21  t 

CLAPET,  f.  iv.l{  Méchan,)  efl  uno  cf- 
pece  de  foupape  faite  d'un  rond  de  cuir  , 
fortement  ferré  entre  deux  platines  de  mé- 
tal ,  par  le  moyen  cFune  ou  de  plufieurs  vis. 
Le  rond  de  cuir  tient  par  une  queue  à  une 
couronne  de  cuir  ,  laquelle  eft  fortcmenî 
ferrée  entre  le  collet  du  tuyau  fupérieur  au 
clapet^  &  le  collet  du  tuyau  inférieur  :  c'eic 
fur  cette  queue ,  qu'on  fait  beaucoup  plus 
étroite  que  le  clapet ,  que  iè  fait  le  jeu  du 
clapet  comme  fur  une  charnière. 

La  platine  de  métal  qui  eft  fur  le  cuir  du 
clapet ,  eft  plus  grande  que  l'ouverture  du 
diaphragme  que  le  clapet  doit  couvrir  \  &  la 
platine  de  deftbus  qui  doit  fe  loger  dans  l'ou- 
verture  du  diaphragme  quand  le  clapet  fe 
ferme  ,  eft  un  peu  plus  petite  que  cette  ou- 
verture. 

Le  clapet  étant  ainfi  conftruit ,  îorfqu'il  eft 
fermé,  le  cuir  porte  exaftementfurles  bords 
du  diaphragme ,  &  empêche  l'eau  de  paflèr. 
La  platine  de  métal  qui  eft  fur  le  cuir ,  le 
garantit  du  poids  de  la  colonne  d'eau ,  &  en 
porte  toute  la  charge  que  le  cuir  ne  pourroit 
pas  foutenir.  La  platine  de  métal  cfui  eft  fous 
le  cuir,  fert  à  deux  chofes^  1°.  elle  fert  avec 
la  platine  fupérieure  ,  à  comprimer  le  cuir 
pour  le  rendre  plan  ^  2°.  elle  empêche  que 
l'eau  qui  pourroit  s'infuiuer  entre  la  platine 
fupérieure  &  le  cuir,  n'enfonce  le  cuir  &  ne 
lefafle  pafler  par  l'ouverture  du  diaphragme. 
Voye'^^  hifi.  ù  mém,  acad,  IJI^.  Voye^  auffi. 
Soupape.  (O) 

♦  CLAPIER ,  f.  m.  (  Econ.  rujl.  &  Chajfe.  ) 
c'eft  un  terrain  clos  de  muraille ,  partie  cou- 
vert ,  partie  découvert ,  &  bien  maçonné , 
où  l'on  enferme  &  nourrit  des  lapins.  On  le 
place  dans  un  coin  de  la  garenne  ,  pour  que 
les  jeunes  lapins  puiftènt  aller  du  clapier  dans 
la  garenne^  on  y  conftruit  quelques  loges  de 
planches  &  de  pierres  plates ,  fous  lelquelles 
les  lapins  fc  retirent  :  il  faut  que  les  fondc- 
mens  des  murs  en  foient  profonds ,  &  pour 
ainfi  dire  fortifiés  par-tout  d'un  pavé  qui  ait 
la  pointe  en-haut,  afin  que  les  lapins  qui  ai- 
ment à  creufer  en  terre ,  ne  s'échappent  point 
pardeftbus  les  murs.  Il  eft  bon  que  le  terrain 
en  foit  inégal  :  on  y  jette  de  la  mouftè  &  du 
petit  foin  ,  que  les  lapins  ramalTent  quand 
lis  doivent  faire  leurs  petits.  On  les  y  nour- 
rit en  été  de  ion ,  d'avoine ,  &  de  toutes  for- 
tes de  fruits  j  en  hiver ,  de  fou ,  de  foin ,  ùc* 
Ddz 


211  C  L  A 

Il  feroit  à  propos  que  le  clapier  fiût  partagé 
en  deux  divifions  j  on  renfermeroit  les  mè- 
res pleines  dans  une,  &  on  tiendroit  les  mâ- 
les dans  l'autre.  Quand  les  petits  feront  a/Fez 
grands  pour  lèpaiTer  de  leurs  nieres  ,  on  les 
lâchera  dans  la  garenne  ^  car  c'eft  à  repeu- 
pler les  garennes  que  les  clapiers  font  prin- 
cipalement deftinés.  On  doit  mettre  dans 
ion  clapier  un  mâle  fur  vingt-cinq  à  trente 
femelles,  La  conduite  du  clapier  demande 
quelque  foin  ,  fi  l'on  en  veut  tirer  tout  l'a- 
vantage poflible.  Voyei  Lapin. 

CLAQUES  ,  f.  f.  {Cordonn.)  efpece  de 
pantoufles  ou  fandales  fort  larges ,  que  les 
femmes  portent  dans  les  mauvais  temps , 
pour  confcrver  leur  chaulFure. 

*  CLAQUEBOIS ,  f.  m.  (  Luth.  )  inftru- 
ment  de  perculTion  &  à  touches  :  c'eft  une 
cipece  d'épinette  qui  a  été  en  ufàge  chez  les 
Flamands.  Elle  eft  compofée  de  dix-fept  bâ- 
tons qui  donnent  l'étendue  de  tons  com- 
pris dans  une  dix-feptieme  ^  le  bâton  le  plus 
à  gauche  eft  cinq  fois  plus  long  que  celui  qui 
eft  le  plus  à  droite,  parce  que  les  fons  qu'ils 
rendent  font  entre  eux  comme  531.  Ces 
bâtons  parallèles  font  élevés  &  fixés  au  def- 
fus  d'une  boîte  quarrée  beaucoup  plus  lon- 
g^ue  que  haute  j  ils  ont  chacun  leur  touche  ou 
ïnarche  :  cette  marche  eft  une  efpece  de  mail- 
let à  tête  ronde  par  un  bout ,  &  à  manche 
ou  palette  plate  j  le  méchanifme  par  lequel 
ils  fe  meuvent,  ne  diffère  pas  du  méchanifme 
des  claviers  d'épinette  ou  du  clavecin.  P^oye^ 
Clavier.  On  applique  le  doigt  fur  la  pa- 
lette de  la  touche  ou  marche  j  la  tête  levé  , 
&  va  frapper  un  des  bâtons.  Les  bâtons  font 
de  hêtre ,  ou  de  tel  autre  bois  qu'on  veut , 
réfonnant  par  lui-même,  ou  durci  au  feu. 
L'harmonie  de  cetinftrument  ne  feroitpeut 
être  pas  défagréable ,  fi  on  fubftituoit  des 
verges  de  métaux  aux  bâtons.  Voye[  Vhar- 
Tïtonie  univerfelle  du  père  Merfènne. 

CLAR  (Saint-),  Géog.  mod.  petite 
ville  de  France  dans  le  bas  Armagnac. 

ChhKE,  {Géog.  mod.)  ville  d'Irlande 
dans  la  province  d'Ulfter  ,  capitale  d'un 
comté  de  même  nom  ,  fur  le  Thaunon. 
Long.  38,  35;  lat.  52  ,  44. 

ClARE  ou  ClARENCE,  (Géog.  nod.) 
ville  d'Angleterre  avec  titre  de  duché,  dnis 
la  province  de  Suftblk. 

CLARENCE  oz/  CHIARENZA,  {Géog. 


C  L  A 

'  mod.  )  ville  de  la  Morée  ,  capitale  du  duché 
de  même  nom.  Long.  39,  10;  lat.  :?7,  55. 

CLARENCIEUX ,  f  f.  ou  CLARENCE , 
comme  l'écrivent  nos  anciens  hiftoriens 
françois  ,  [HiJI.  mod.)  nom  affedé  au  fécond 
roi  ou  hérant-d'armes  d'Angleterre.  Il  vient 
d'un  duc  de  Clarence  qui  occupa  le  premier 
ce  pofte.  Voye^^Koi  d'ar.mes. 

Lionel,  troifieme  fils  d'Edouard  III,  étant 
devenu  poiiëfi^eur  de  la  terre  de  Clare  dans 
le  comté  de  Thomond  ,  que  fa  femme  lui 
avoit  apportée  en  mariage  ,  fut  créé  duc  de 
Clarence.  Ce  duché  étant  échu  à  Edouard 
IV ,  il  créa  le  héraut ,  qui  appartcnoit  au  duc , 
roi-d'armes ,  &  le  nomma  clarencieux  en 
françois  alors  d'ufage  ,  &  clarcncius  en  latin. 
Voye-;^  HÉRAUT. 

Son  office  eft  de  régler  &  d'ordonner  les 
cérémonies  des  funéniiilcs  de  la  petite  no- 
bleft'e  ,  comme  des  barons ,  chevaliers ,  gen- 
tilshommes ,  qui  m.eurcnt  en-deçà  de  La  ri- 
vière de  Trent  :  ce  qui  lui  a  fait  aufîi  donner 
le  nom  à^furroy  ou  fudroy ,  par  oppofitioii 
à  norroy.  J^oye^  NoRROY.  (  G  ) 

CLARENDON  ,  (  Géogr.  mod.  )  petite 
ville  d'Angleterre  dans  la  province  de  Wilîs- 
hire ,  avec  titre  de  comté. 

Clarendon  ,  (  Géog.  mod.  )  rivière  de 
l'Amérique  feptenîrionale  dans  la  Caroline  , 
qui  arroiè  une  contrée  qui  porte  le  même 
nom. 

*  CLARENINS  ,  f  m.  pi.  (H//,  eccléf.  ) 
ancienne  congrégation  de  l'ordre  de  S. 
François,  ainfi  appellée  de  Clarene  ,  petite 
rivière  de  la  Marche- d'Ancone.  Ils  ont  eu 
pour  fondateur  Ange  Cordon  ,  religieux  de 
i'Obfervance.  Il  forma  fa  congrégation  en 
1302  I,  elle  ne  fut  approuvée  qu'en  13 17. 
Bientôt  elle  fe  divifa  j  une  partie  s'unit  aux 
frères  Mineurs  ^  l'autre  ,  après  avoir  fubfifté 
jufqu'en  1510  fous  le  nom  de  Clarennins  ^ 
s'incorpora  avec  les  obfen'antins  de  leur 
congrégation.  En  1566  ,  ils  difparurent  en- 
tièrement ,  confondus  par  Pie  V  ,  avec  les 
anciens  profès  de  I'Obfervance. 

CLAREQUET,  f.  m.  en  terme  de  Confi- 
feur  ,  c'eft  une  eipece  de  pâte  transparente  : 
on  en  fait  de  plufieurs  e{peces,  de  pommes , 
de  coings ,  de  grofeilles ,  de  prunes ,  6'c. 

CLARICORDE ,  efpece  de  clavecin  au- 
trement appelle  monocorde.  Voye[  CLAVE- 
CIN 0'  Monocorde. 


C  L  A 

CL  ARIEN  ,  adj.  (  Myth.  )  furnom  d'A- 
pollon :  il  fut  ainfi  appelle  de  Claros  en 
lonie ,  où  il  avoit  un  temple  ,  un  bois  &  un 
oracle. 

CLARIFICATION  ,  f.  f.  (  Pharmacie.  ) 
Le  mot  de  clarification  qui ,  pris  dans  fou 
feus  le  plus  étendu,  paroît  exprimer  une  dé- 
puration quelconque  d'une  liqueur  trouble  , 
a  été  prefque  rellreirrt  par  l'ufage  à  cette  ef- 
pece  particulière  de  dépuration  qui  s'opère 
par  le  moyen  du  blanc  d'œuf  &  des  autres 
fubftances  animales ,  qui  fe  coagulent  à  un 
certain  degré  de  chaleur. 

Cette  opérationeftenufage  en  pharmacie, 
pour  réparer  de  toutes  les  liqueurs  troubles 
qui  peuvent  fupporter  l'ébuUition ,  les  parties 
féculentes  ou  infolubles  ,  qui  par  leur  fuf- 
penlion  dans  ces  liqueurs  en  occallonent  l'o- 
pacité. 

Ces  liqueurs  font  toutes  les  décodions  , 
tous  les  fucs  des  plantes  purement  extraâ:ives 
ou  très-légérement  muqueufes  j  les  firops 
préparés  avec  les  décodions  ,  ou  les  fucs 
dont  nous  venons  de  parler  \  les  diifolutions 
du  fucre  qu'on  deftine  à  la  préparation  des 
tablettes  ,  ou  à  celle  de  certains  iîrops  dont 
les  ingrédiens  ne  doivent  pas  être  expofés  à 
l'ébuUition^  le  petit-lait ,  &  enfin  certaines 
potions  purgatives  connues  dans  les  bouti- 
ques ibus  le  nom  de  médecines  clarifiées.  V. 
Décoction  ,  Suc  ,  Sirop  ,  Médecine 

CLARIFIEE  ,  ÙC. 

Les  fucs  des  plantes  aromatiques  ou  alka- 
li-volatiles  ,  les  infufious  des  différents  aro- 
mates ,  en  un  mot ,  toutes  les  liqueurs  char- 
gées des  parties  volatiles  qui  font  ordinaire- 
ment leur  principale  vertu  médicinale ,  & 
qui  ieroient  diflipées  par  l'ébuUition ,  doivent 
être  exclus  du  nombre  des  fujets  de  la  clari- 
fication. 

On  ne  doit  pas  non  plus  clarifier  par  le 
blanc  d'œuf  les  fucs  doux  ou  acidulés  tirés 
des  différens  fruits ,  comme  celui  de  citron, 
de  berberis  ^  parce  qu'outre  qu'on  dérange- 
roit  leur  compofiîion  par  l'ébuUition ,  on  ne 
réuiîiroft  pas  encore  à  les  rendre  clairs ,  la 
partie  terreufe  légère  quiconftitue  leur  demi- 
opacité  ,  ne  s'en  féparant  qu'à  la  longue  par 
une  petite  fermentation  infènfîble  :  c'eft 
pourquoi  on  fait  dépurer  les  fucs  de  cette  ef- 
pece  par  réiîdence.  V,  Résidence. 

Ce  n'eH  prefque  que  les  blaucs  d'csufs  qui 


C  L  A  îi^ 

ibnt  en  ufàge  dans  l^?,  boutiques  des  apothi- 
caires dans  tous  les  cas  que  nous  avons 
expofés  ^  les  lymphes  animales ,  comme  la 
colle  de  poiilon,  le  fang  de  bœuf,  ^c.  font 
employés  aux  mêmes  ufages  dans  les  travaux 
en  grand ,  comme  les  raffineries  du  fucre,  ê-c. 
V,  Clarifier  ,  en  termes  de  raffineur  de 
fucre. 

Quand  on  veut  faire  la  clarification  d'une 
de  ces  liqueurs  ,  on  prend  un  ou  plufieurs 
blancs  d'œufs ,  félon  la  quantité  qu'on  en  a  à 
clarifier  ,  &  félon  que  \qs  parties  qu'on  fè 
propofe  d'enlever,  font  plus  ou  moins  adhé- 
rentes au  liquide.  On  commence  par  faire 
mouffer  le  blanc  d'œuf  en  le  battant  avec 
une  poignée  de  petites  baguettes  d'ofîer^  on 
y  mêle  d'abord  une  petite  partie  de  la  liqueur 
froide  ,  ou  du  moins  refroidie  au  point  de 
ne  point  coaguler  le  blanc  d'œuf ,  on  mêle 
exactement ,  en  continuant  à  fouetter  jufqu'à 
ce  que  toute  la  liqueur  qu'on  veut  clarifier 
foit  introduite  ,  &  que  le  blanc  d'œuf  foit 
bien  divifé  &  étendu  dans  toute  la  maffe  : 
alors  on  fait  prendre  rapidement  un  ou  deux 
bouillons  ,  on  écume  grofTiérement  ,  &  on 
paffe  à  traverun  blanchet. 

Dans  cette  opération  le  blanc  d'œuf  difTous 
&  répandu  également  dans  toute  la  liqueur  , 
venant  à  fe  coaguler  par  le  degré  de  chaleur 
qu'on  lui  fait  prendre  ,  forme  une  efpece 
de  réfeau  ferré  qui,  en  s'élevant  du  fond  de 
la  liqueur  de  laquelle  il  fè  fépare  ,  &  dont 
il  vient  occuper  la  furface  ,  entrame  avec 
lui  toutes  les  parties  féculentes  qui  la  trou- 
bloient. 

haclarification  des  vins  par  le  blanc  d'œuf, 
le  lait,  la  colle  de  poiffon,  &c.  eCt  une  opé- 
ration très-analogue  à  celle  que  nous  venons 
de  décrire  ',  dans  celle-ci  c'eft  par  l'adliion 
des  parties  fpiritueufes  &  acides  du  vin,  que 
ces  matières  animales  font  coagulées.  Foy. 
Coagulation. 

On  donne  encore  quelquefois  en  pharma- 
cie ,  mais  plus  rarement ,  le  nom  de  clarifi- 
cation à  la  défécation  des  fiics  des  plantes  , 
foit  qu'elle  fe  faffe  par  réfîdence  ,  foit  par 
filtration  ,  foit  enfin  par  ébullition.  Foye^ 
Suc  ,  Défécation  ,  Filtration  &  Ré- 
sidence. {B) 

CLARIFIER  ,  en  termes  de  rafiineur  de 
fucre ,  c'eft  fatlion  de  purifier  les  matières 
de  leurs  fàlctés  parles  écumes.  Voici  comme 


îî4  C  L  A 

on  s'y  prend.  On  jette  dans  une  chaudière  de 
l'eau  de  chaux  moins  forte ,  c'eft- à-dire  moins 
épaifle ,  il  la  matière  qu'on  a  à  clarijîer  a  du 
corps  j  &  plus  forte ,  fi  elle  n'en  a  point ,  ou 
que  peu.  Quand  cette  eau  eft  chaude  ,  on  y 
brafîb  une  quantité  de  fang  de  bœuf  tout 
chaud  ,  ou  des  blancs  d'œufs  :  après  quoi  on 
y  met  la  matière  \  on  la  lailTe  chauffer  dou- 
cement 5  afin  qu'elle  monte  peu-à-peu.  Quand 
elle  efl  montée  ,  on  éteint  le  feu  pour  faire 
repofer  l'écume  qui  demeure  fur  la  furface 
du  fucre  :  on  la  levé  enfijite  avec  une  écume- 
refîb  ^  on  laifTe  rallumer  le  feu  ^  on  y  remet 
un  peu  de  fang  de  bœuf,  ou  des  blancs  d'œufs 
bien  mêlés  avec  de  l'eau  de  chaux  ,  pour 
faire  pouffer  une  féconde  écume,  &  ainfl  de 
iiiite  jufqu'à  ce  que  l'on  voie  la  dernière 
blanche  comme  du  lait.  On  paffe  alors  ce 
llicre  dans  un  blanchet ,  au  deffus  du  panier 
&  de  la  chaudière  à  clairce.  Voy.  Panier  , 
Chaudière  a  clairée  &  Passer. 

CLARINE ,  £E ,  adj.  terme  de  blafon  \  il  fe 
dit  des  animaux  qui  ont  des  fonnettes  au  cou , 
comme  les  vaches  ,  les  moutons  ,  \q%  cha- 
meaux, êr. 

Clarinées  fè  dit  aufîî  des  têtes  de  ces  ani- 
maux détachées  de  leurs  corps ,  lorfqu'elles 
ont  des  fonnettes. 

Ce  terme  vient  de  clarine ,  petite  clochette 
qu'on  met  au  cou  des  beftiaux  qui  paiffent 
dans  les  forêts  ,  &  cette  clochette  eft  ainfi 
nommée  parce  qu'elle  a  un  Ton  fort  clair. 


C  L  A 

Seneret  nu  Gevaudan  ,  d'azur  au  bélier 
paiffant  d'argent ,  accolé  &  clarine  d'or. 
V.  Métaux  Héraldiques. 

CLARINETTE ,  {Luth.)  La  clarinette  efl 
un  inftrument  à  anche ,  inventé ,  à  ce  que  l'on 
prétend ,  au  commencement  de  ce  fiecle ,  par 
un  Nurembourgeois. 

\^2i  clarinette  telle  qu'elle  efl  aujourd'hui  , 
efl  compofée  de  quatre  pièces  ^  la  tête,  deux 
corps  de  milieu  &  le  pic.  Elle  a  douze  trous 
latéraux ,  dont  fept  par  devant  &  un  par 
derrière  fe  bouchent  avec  les  doigts ,  les 
quatre  autres  font  bouchés  avec  àQ%  clés. 
La  tête  de  la  clarinette  efl  faite  de  buis  , 
comme  le  refle  \  elle  fe  termine  par  un  bec  , 
fèmblable  en  dehors  à  celui  d'une  flûte 
clouée  :  mais  au  heu  d'un  bifeau ,  ce  bec  a 
flir  le  plan  fupérieur  un  trou  triangulaire.  Le 
bec  ell  percé  obliquement ,  de  façon  que  le 
trou  intérieur  efl  exaâ:enient  de  la  figure  de 
ce  même  bec.  La  fente  triangulaire  fe  cou- 
vre d'une  languette  de  rofeau  qu'on  amince 
convenableinent ,  &  qu'on  attache  avec  du 
fil  :  enforte  que  l'embouchure  de  la  clarinette 
tient  beaucoup  de  ces  languettes  de  laiton  , 
qu'on  met  dans  les  trompettes  de  bois  des 
enfans  ^  auffi  la  clarinette  a-t-elle  affez  le  fon 
d'une  trompette. 

On  Xvzi\X\2.  clarinette  comme  la  flûte  à  bec. 

La  clarinette ,  telle  que  nous  venons  de  la 
décrire ,  a  trois  oâaves  &:  deux  tons  d'éten- 
due 5  avec  la  plupart  des  femi-tons. 


mi  fa  fol 


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C  L  A 

Les  cadences  ou  trih  fè  font  fur  la  clari- 
nette comme  fur  les  autres  inftmmens  à  vent, 
en  débouchant  le  trou  fupérieur. 

Une  obfervation  importante  qu'il  faut  fai- 
re ,  c'eft  que  te  clarinette  eft  d'une  tierce  mi- 
neure plus  baffe  que  \q%  autres  inftrumens  ; 
c'ett-à-dire ,  que  fon  premier  ut  en  bas  eft 
à  l'unifTon  du  premier  la  du  violon  \  à  ce 
compte  ,  l'étendue  de  la  clarinette  eft  donc 
effeàivement  depuis  Yut  ^  à  l'unaiTon  de  ce- 
lui du  4  pies  ,  ou  du  premier  ut  ^  du  vio- 
loncelle jufqu'au  mi  triple  odave  de  la  tierce 
mineure  de  cet  ut  ^  &  qui  eft  à  l'uniffon 
du  mi  qu'on  prend"  en  démanchant  fur  la 
chanterelle  du  violon.  C'eft  pourquoi  quand 
la  clarinette  eft  accompagnée  d'autres  inftru- 
mens ,  on  note  fa  partie  une  tierce  mineure 
plus  haut  que  celle  des  autres  inftrumens: 
par  exemple  ,   fi  la  pièce  eft  en  la  majeur , 
on  note  la  partie  de  la  clarinette  en  ut  ;  û  la 
pièce  eft  en  re ,  on  la  note  en  fa.  Vu  la  dif- 
ficulté du  doigter ,  on  ne  peut  compofer  des 
parties  obligées  pour  la  clarinette  qu'en   ut 
majeur  (  ou  la  relativement  aux  autres  inf 
trumens  ) ,  ècenfa  majeur  (  ou  re  relative- 
ment aux  autres  inftrumens  )  ^  pour  remé- 
dier à  ce  peu  de  variété  ,  on  a  imaginé  de 
faire  doubler  les  corps  du  milieu.  Moyen- 
nant ces  nouveaux  corps ,  on  élevé  toute  la 
clarinette  d'un  femi-ton  majeur  ,  enforte  que 
l'on  a  deux  modes  de  plus  //  b  ^  mi  b  ma- 
jeurs ,  dans  lefquels  on  peut  compofer. 

Lorfque  l'on  veut  donc  comparer  une 
pièce  en  la  majeur  pour  la  clarinette  ,  on  la 
note  en  ut  majeur,  &  pourra  majeur  eu  ya, 
&  l'on  écrit  au  deftlis  comme  pour  le  cors', 
clarinette  en  ut ,  afin  que  le  muficien  fâche 
quels  corps  du  milieu  il  doit  prendre.  Si 
l'on  veut  compofer  en  fi  b  ^  ou  mi  b  ,  on 
écrit  la  partie  de  la  clarinette  toujours  en  ut 
pour  Ji  b  j  &cenfa  pour  mi  b  ,  èi.  on  écrit 
au  deifus  clarinette  en/J  b. 

Quant  aux  parties  de  rempliffage  ,  où  la 
clarinette  n'a  que  des  tenues  ,  ou  du  moins 
peu  de  notes ,  on  peut  les  faire  dans  tous  les 
modes  j  feulement  il  faut  faire  attention  au 
poigter  ,  &  à  ménager  du  temps  au  joueur 
pour  reprendre  haleine  ,  car  cet  inftrumeut 
en  demande  beaucoup.  On  aura  toujours 
égard  à  ce  que  la  clarinette  eft  d'une  tierce 
mineure  plus  baffe  que  les  autres  inlbumens , 


C  L  A  215 

&  l'on  aura  foin  d'écrire  de  quels  corps  les 
muficiens  doivent  fè  fervir. 

Dans  le  iemps  que  je  faifbis  cet  article  , 
il  pafla  par  Berlin  un  muficien  qui  joUoit 
d'une  clarinette  à  fix  clés,  fîir  laquelle  ilexé- 
cutoit  tous  les  modes.  On  a  déjà  remarqué 
combien  les  quatre  clés  caufent  de  difficul- 
tés ^  ce  doit  être  bien  pis  avec  fix.  (  F. 
D.C.) 

CLARISSIMAT  ,  dignité  du  bas  empi- 
re :  ceux  qui  en  étoient  revêtus  s'appelloient 
clarijfimes. 

^  *  CLARTÉ, f.f.(G/-^m.) au  fimple, c'eft 
l'action  de  la  lumière  par  laquelle  l'exiftence 
des  objets  eft  rendue  parfaitement  fènfible  à 
nos  yeux  :  au  figuré,  c'eft  l'effet  du  choix  & 
de  l'emploi  des  termes  ,  de  l'ordre  félon 
lequel  on  les  a  difpofés  ,  &  de  tout  ce  qui 
rend  facile  &  nette  à  l'entendement  de  celui 
qui  écoute  ou  qui  lit ,  l'appréhenfion  du  fens 
ou  de  la  penfee  de  celui  qui  parle  ou  qui 
écrit.  On  dit  au  fimple ,  la  clarté  du  jour  ;  au 
figuré  ,  la  clarté  dujîyle  ,  la  clarté  des  idées, 
V.  Discours,  Idées  ,  Style  ,  Eloquen- 
ce ,  Diction  ,  Mots,  Construction  , 
Langue  ,  ùc. 

Clarté  ,  (  Beaux-Arts.  )  Nous  nom- 
mons dijîincls  les  objets  de  nos  connoilFan- 
ces  ,  dans  lefquels  nous  démêlons  claiire- 
ment  ce  qiïi  conftitue  leur  genre  ou  leur 
efjjecc  :  un  bâtiment  eft  pour  nous  un  objet 
diftinâ: ,  lorfque  nous  y  appercevons  claire- 
ment les  caraéèeres  particuliers  d'un  temple , 
ou  d'une  maifon ,  ou  d'une  grange  :  fi  le  terme 
fiibftantif  diftinclion  étoit  plus  généralement 
reçu  dans  le  fens  qu'il  auroit  ici ,  nous  l'em- 
ploierions préférablement  à  celui  de  clarté 
qui  lui  eft  réellement  fiibordonné  ,  puifqu'à 
parler  avec  précifion ,  la  diftinâ:ion  du  tout 
réfiilte  de  la  clarté  des  parties  ^  pour  éviter 
l'ambiguité ,  nous  nommerons  clartédifiincle 
celle  dont  nous  parlons  dans  cet  article  ,  & 
qui  eft  oppofée  à  la  confufion  ,  laiffant  le 
terme  fimple  de  clarté  pour  exprimer  l'op- 
pofé  de  ïobfcurité. 

C'eft  donc  parla  clarté  diftinâ:e  d'un  objet 
qu'on  rcconnoît  ce  qu'il  eft  ou  ce  qu'il  ré- 
préfèntç  :  il  y  entre  toujours  quelque  chofè 
de  relatif^  fi  ,  par  exemple,  je  vois  dans  un 
tableau  un  objet  que  je  reconnois  être  un 
bâtiment  ,  fans  pouvoir  dire  néanmoins 
quelle  elpece  de  bâtiment  c'eft ,  wïi  tel  objet . 


n<?  C  L  A 

fera  cliftinâ:  ou  confus ,  félon  la  nature  cîu 
tableau  qui  doit  ou  me  préfenter  fimpleu^ient 
un  bâtiment  quelconque  ,  ou  un  bâtiment 
d'une  efpece  déterminée. 

Remarquons  donc  en  général  que  dans 
les  ouvrages  de  l'art ,  chaque  objet  doit  avoir 
lé  degré  de  clarté  que  fa  connexion  avec  le 
tout  exige  ,  afin  qu'il  foit  reconnu  avecpré- 
cifion  pour  ce  qu'il  doit  repréfenter  :  les  ta- 
bleaux font  de  tous  les  ouvrages  de  l'art  les 
plus  propres  à  expliquer  notre  penfée  ^  dans 
un  tableau  hiftorique ,  les  principaux  perfon- 
nages  doivent  être  fi  diftind:eraent  peints , 
qu'on  puifTe  appercevoir  clairement  tout  ce 
qui  contribue  à  les  faire  reconnoître  pour 
ceux  qu'ils  repréfenîent  ,  &  cela  dans  la  Çi- 
tuation  d'efprit  &  dans  l'attitude  que  l'ac- 
tion fuppofe  :  les  perfonnages  fubaiternes , 
au  contraire,  feront  encore  aifez  clairement 
repréfentés ,  quand  même  on  ne  pourra  pas 
connoître  prccifément  ni  qui  ils  font ,  ni  ce 
qu'ils  {entent  dans  le  moment  de  TadHon  \ 
il  peut  même  fufîire  au  but  du  peintre  qu'on 
puilfe  reconnoître  clairement  de  certains  per- 
îbnnages  ,  qu'ils  furviennent  à  l'aéiion  ,  ou 
qu'ils  fe  retirent ,  quoique  d'ailleurs  on  ne 
diftingue  clairement  ni  ce  qu'ils  font ,  ni  ce 
qu'ils  font. 

Quand  Homère  décrit  un  combat,  il  choi- 
fît  un  petit  nombre  da  perfonnages ,  &  ce 
font  toujours  de  fes  principaux  héros  qu'il 
nous  fait  voir  de  fi  près ,  que  nous  diftin- 
gi'ions  clairement  toutes  leurs  attitudes  & 
tous  les  mouvemens  :  il  ne  nous  montre 
d'autres  perfonnages  que  dans  le  lointain  ;, 
il  fe  contente  de  nous  laifiér  */oir  qu'ils  fé- 
condent vaillamment  les  premiers  coinbat- 
tans  \  enfin ,  il  en  place  des  troifiemes  fi  loin 
de  notre  vue  ,  que  tout  ce  que  nous  pou- 
vons en  dilHnguer ,  c'eft  qu'ils  affiftent  au 
combat  ,  fans  voir  précifément  ce  qu'ils  y 
font  :  chaque  perfonnage  fe  trouve  ainiî 
dans  le  jour  où  il  doit  être ,  pour  que  la 
fcene  entière  faJfTe  un  tableau  diftind:  àL  bien 
terminé. 

L'orateur  en  ufe  de  même  ,  il  ne  déve- 
loppe difi:inâ;ement  que  iesprincipauxchefs , 
enforte  que  toutes  les  notions  qui  doivent 
y  entrer  ,  foient  clairement  expofées  :  les 
idées  accefîbires  ne  reçoivent  que  le  degré 
de  développement  &  de  clarté  que  leur  im- 
portance exige,  c'eft  auffi  là  l'unique  moyen 


C  L  A 

de  rendre  diftindl  \m  tout  qui  eft  compofé 
de  pluficurs  parties  différentes  ^  &;  l'on  peut 
hardim.ent  avancer  le  paradoxe  ,  que  c'eft  la 
confufion  des  parties  ifolées  qui  produit  la 
clarté  diftindte  de  lenfemblc.  Un  payfhge 
ne  fàuroit  repréfenter  une  véritable  contrée, 
à  moins  que  chaque  objet  du  tableau  ne  di- 
minue en  clarté,,  à  proportion  de  fon  éloi- 
gnement  j  car  c'eft  cette  diminution  de  clarté 
diftinâ:e  qui  produit  le  fèntiment  des  loin- 
tains, ScilTeroitabrurde  de  regarder  comme 
un  défaut  la  confufion  d'un  objet  trop  éloi- 
gné pour  être  repréfenté  difiindtement  ^  ileft 
affez  diftinâ:dans  un  tel  éloignement,  s'ilefl 
vifible. 

Ainfi  \?L  clarté  as.  l'enfemble  exige  nécef^ 
fàirement  que  les  parties  principales  foient 
diftinguées  des  acceffoires  ,  &  que  chaque 
objet  particulier  foit  mis  dans  un  jour  pro- 
portionné à  fon  importance  ;  de  cette  ma- 
nière ,  le  tout  acquerra  la  clarté  diftincte 
qu'il  doit  avoir. 

Dans  les  arts  de  la  parole  ,  les  ouvrages 
de  quelque  étendue  ,  \^^  narrations  ,  1^%  def^ 
criptions  ,  les  diUèrtations  acquièrent  cette 
clarté  diftinéfe  ,  par  une  di\'ifion-exaâ:e  des 
divers  objets  ,  par  l'ordre  dans  lequel  ils  le 
fuccedent ,  &  par  la  tractation  détaillée  des 
objets  principaux.  En  particulier ,  l'art  des 
tranfitions  y  peut  contribuer  \  en  marquant 
clairement  la  fin  d'un  article  capital,  le  com- 
mencement du  fuivant  ,  &  l'idée  moyenne 
qui  les  lie  :  \zi  auteurs  françois  excellent  eu 
général  dans  la  c/û/r^'  de  ladi£tion  ,  &  peu- 
vent être  propofés  ici  comme  \^^  meilleurs 
modèles  \  m.ais  il  n'eft  pas  aifé  de  donner 
des  règles  fixes  fur  la  manière  de  divifer  un 
fujet ,  &  d'en  arranger  les  parties ,  pour  que 
l'enfemble  devienne  clair  &  diftinâ:  :  izs 
maîtres  de  l'art  oratoire  ne  nous  donnent  au- 
cune lumière  là-deiîiis  j  leurs  obfèrvations  fe 
bornent  à  l'art  d'exprim^er  clairement  cha- 
que penfée  ifolée,  &  roulent  principalement 
fur  l'efjjece  de  clarté  qui  réfulte  du  choix 
des  expreffions  ,  ce  qui  n'eft  pas  l'article  le 
plus  difficile.  Les  recherches  générales  fur 
la  diftribution  à&s  penfees  &  flir  la  manière 
de  les  difpofer  ,  manquent  encore  totale- 
ment à  la  théorie  des  arts  de  la  parole  ;,  6c 
cependant  ces  deux  points  font  peut-être  ce 
qu'il  importe  le  plus  à  l'orateur ,  au  ,poè'te 
épique  &:  au  dramatique  de  favoirbienfaifir. 

La 


CL  A 

La  règle  la  plus  générale  &  aufii  la  plus 
importante  qu'on  puiiTe  propofer  au  poète  & 
à  l'orateur  ,  fur  ce  fujet  ,  c'eft  de  n'entre- 
prendre aucun  plan  avant  de  bien  connoître 
tous  Jes  matériaux  qu'ils  veulent  employer 
dans  leur  ouvrage  ^  qu'à  force  de  méditer 
leur  fujet,  il  leur  foit  fi  familier,  qu'ils pui{^ 
fent  en  faifir  l'enfemble  d'un  coup  d'œil. 
Celui  qui  aura  vu  fi  fouvent  ,  &:  en  tant 
d'occafions  différentes  ,  une  perfonne ,  qu'il 
pourra  fans  peine  s'en  rappeller  tous  les  traits, 
les  geûes  ,  les  mouvemens  ,  eft  infiniment 
plus  en  état  de  bien  décrire  cette  perfonne  , 
qu'il  ne  l'étoit  à  la  première  vue  :  il  en  eft 
de  même  de  tout  autre  objet  de  nos  percep- 
tions :  le  témoin  d'un  événement ,  qui  fe 
l'eft  fouvent  rappelle  depuis  ,  qui  en  a  cha- 
que circonftance  bien  préfente  à  l'efprit,  eft 
plus  capable  qu'aucun  autre  d'en  faire  un 
récit  affez  clair  ,  pour  que  ceux  qui  l'enten- 
dent aient  une  idée  diftinâ:e  de  cet  événe- 
ment :  quand  une  fois  on  polfede  bien  fon 
fujet,  que  tous  les  matériaux  néceflàires  font 
raffemblés ,  il  ne  faut  plus  à  l'artifte  ,  qu'un 
bon  difcernement ,  pour  faire  la  diftribution 
&  l'ordonnance  i  ce  fécond  point  étant  ré- 
glé ,  il  ne  lui  refte  qu'à  bien  méditer  cha- 
que chef  principal  {eparément,&  cette  opé- 
ration le  conduira  au  troifîeme  point  requis 
pour  la  clarté  ^  favoir  ,  l'expofition  diftinéte 
àzs  notions  capitales. 

En  général ,  l'ordonnance  que  les  plus 
grands  peintres  ont  ftiivie  dans  leurs  meil- 
leurs ouvrages  ,  leur  art  de  diftribuer  les  figu- 
res &  de  \zs  groupper  ,  la  fcience  d'éclaircir 
&  de  faire  fortir  les  principaux  grouppes  : 
voilà  les  modèles  du  poè'te  &  de  l'orateur  , 
pour  ce  qui  concerne  la  clarté  qui  doit  régner 
<ians  leurs  écrits.  (  Cet  article  efi  tiré  dt  la 
Théorie  générale  des  Beaux-Arts  dt  M.  SvL- 
ZER,) 

Clarté  du  discours,  (Littér.)  c'eft , 
comme  on  vient  de  le  voir  ,  la  qualité  par 
laquelle  un  difcours  eft  propre  à  donner  à 
ceux  qui  le  lifent  on  l'entendent ,  la  vraie 
connoiftance  de  ce  que  l'auteur  vouloit  leur 
faire  penfer.  Tout  ce  donc  qui  empêche  de 
bien  faifir  la  penfée  précife  de  l'auteur  ,  eft 
dans  fon  difcours  un  défaut  effentiel  contre 
la  clarté. 

Diverfes  caufes  nuifent  à  la  clarté  ôm  dif- 
cours \  i**.  le  fujet  même  qui  fouvent  eft 
Tome  VllI, 


C  L  A  iif 

hors  de  la  portée  des  leéieurs  ,  &  qui ,  pour 
être  bien  entendu  ,  fuppofè  c'iezceux  à  qui, 
on  l'adreife  ,  des  connoiifances  préliminaires 
qui  leur  manquent  abfolument.  Ainfi  des 
ouvrages  de  philofophie  font  obfcurs  pour 
ceux  qui  n'ont  pas  étudié  les  principes  de 
cette  vafte  fcience  \  &  cependant  il  n'eft 
fouvent  pas  pofTible ,  dans  un  ouvrage  qui 
n'eft  pas  élémentaire ,  d'expliquer  tout  ce 
qui  n'eft  pas  familier  à  tout  le  monde.  Se 
plaindre  de  l'obfcurité  des  difcours  de  cette 
efpece  ,  c'eft:  fouvent  fe  plaindre  de  fa  pro- 
pre ignorance. 

2°.  L'emploi  des  termes  de  l'art  ,  des 
expreftions  fcicntifiques  ,  font  fouvent  auftî 
une  fource  d'obfcurité ,  même  pour  des  lec- 
teurs intelligens  qui  auroient  été  très-capa- 
bles de  comprendre  le  fens  dg  chaque  pen- 
fée ,  &  d'en  fentir  la  vérité ,  fi  l'auteur  s'é- 
toit  fèrvi  des  termes  communs  &  des  exprcf- 
fions  ordinaires. 

C'eft  fouvent  une  afïèftation  déplacée 
chez  certains  auteurs ,  que  l'ufage  des  termes 
d'art  &  d'expreftions  fcientifiques,  auxquel- 
les ils  pouvoieut  aifément  fubftituer  des  ter- 
mes &  des  expreflîons  d'ufage  ordinaire  , 
que  chaque  leéieur  un  peu  éclairé  &  qui  fait 
fà  langue  ,  comprend  aifément.  Souvent 
c'eft  un  jeu  de  la  charlatanerie  des  lettrés  , 
ou  des  artiftes ,  que  l'emploi  de  ces  termes 
barbares  &  étrangers  ,  auxquels  répondent 
parfaitement  des  mots  communs,  &  aux- 
quels peuvent  fiippléer  des  phrafes  ordinaires. 

3°.  La  trop  grande  brièveté  eft  fouvent  un 
obftacle  à  la  clarté.  Quelquefois  un  auteur 
familiarifé  avec  un  flijet  qu'il  étudie  depuis 
long-temps ,  veut  épargner  du  temps  &  de 
la  peine  ,  prévenir  l'ennui  qu'in^irent  les 
détails  néceifaires  à  l'intelligence  d'un  fujet , 
à  une  perfonne  qui  les  fait  trop  bien  \  il  fup- 
pofè que  ces  détails ,  ces  idées  intermédiai- 
res qui  lient  le  principe  à  la  conféquence  , 
font  aufti  familiers  à  fes  lefteurs  qu'à  lui- 
même  \  &  fur  ce  prétexte ,  il  fè  difpenfè  de 
les  donner ,  &  le  lefteur  qui  ne  voit  pas  la 
liaifon  des  idées ,  ne  comprend  plus  ce  qu'il 
lit.  Les  hommes  profondément  favans ,  font 
fujets  à  être  obfcurs  dans  leurs  difcours  par 
cette  raifon.  Cependant  celui  qui  veut  inf^ 
truire,  deyroit  fe  fouvenir  que  lui-même  au 
commencement ,  n'eft  pafl!e  d'une  idée  à  xmQ 
autre  éloignée ,  qu'eu  faifilfant  le  fil  des  idées 

£  e 


2i«  C  L  A 

moyennes  qui  en  forment  la  liaiibn.  Abréger 
un  difcours  ,  eft  ordinairement  retrancher 
ces  détails ,  ces  idées  moyennes ,  ces  liaifons 
inutiles  aux  gens  fort  intelligens  ,  mais  elîbn- 
tiellement  nécefTaires  aux  leâ:eurs  ordinai- 
res. En  forte  que  fouvent,  abréger,  c'eft di- 
minuer la  clarté  d'un  difcours, 

^.  Le  défaut  de  méthode  eft  une  autre 
iburce  d'obfcurité  dans  le  difcours.  Ne  pas 
oiîrir  les  idées  dans  leur  rapport  réel ,  dans 
leur  vraie  dépendance ,  c'eft  prefque  toujours 
jeter  de  la  confulion  dans  l'eiprit  &  rendre 
impofTibîe  l'intelligence  de  ce  qu'on  dît. 

5**.  Le  défaut  de  clarté  du  difcours  vient 
ibuvent  du  défaut  de  clarté  dans  les  concep- 
tions ,  &  de  diftinéèion  dans  les  idées  de 
celui  qui  parle.  Il  eft  bien  rare  que  celui  qui 
conçoit  bien  ce  qu'il  veut  dire  ,  qui  com- 
prend bien  ce  qu'il  doit  exprimer ,  qui  en  a 
une  idée  nette  ,  ne  l'of&e  pas  de  même  , 
quand  il  en  fait  le  iujet  de  fon  difcours. 

6^.  Le  défaut  de  ftyle  produit  ordinaire- 
ment un  défaut  de  clarté  dans  le  difcours. 
Des  tranfpofitions  défavouées  par  la  nature 
de  la  langue  ,  des  phrafes  trop  longues ,  des 
parenthefes  inférées  mal-à-propos  ,  ou  trop 
confîdérables ,  qui  interrompent  la  peinture 
de  la  penfée ,  des  termes  relatifs  trop  peu 
caradérifës  ou  mal  placés,  l'ignorance  delà 
propriété  des  termes ,  en  un  mot  ,  toute 
faute  contre  les  règles  de  la  langue ,  expofè 
Je  difcours  au  danger  d'être  obfcur. 

7*^.  Le  trop  grand  defir  de  montrer  de 
l'eiprit ,  eft  fi  fouvent  une  fource  d'obfcurité  , 
que  l'on  feroit  tenté  de  dire  à  tout  écrivain 
qui  prend  la  plume  :  oubliez  que  vous  pou- 
vez avoir  de  l'efprit ,  pour  ne  vous  fouvenir 
que  de  la  néceflité  d'avoir  beaucoup  de  bon 
iens ,  &  de  l'obligation  où  vous  êtes  de  vous 
faire  bien  comprendre.  Ce  defir  de  montrer 
de  l'efprit  produit  l'affeâiation  du  ftyle ,  l'em- 
ploi des  termes  figurés  •&  des  expreiîions 
recherchées  &  non  naturelles  ,  qui  font 
prendre  la  penfée  d'un  auteur  dans  un  tout 
autre  feus  que  celui  qu'il  avoit  en  vue. 

La  première  qualité  de  tout  difcours,  c'eft 
d'être  clair  ^  la  féconde  ,  c'eft  d'être  vrai. 
(G.  M.) 

CLAS  ou  KALIS  ,  (  Géog.  mod,  )  ville 
de  la  Finlande  près  d'Abo  ,  fur  le  golfe  de 
Bothnie, 

CLASSE ,  f.  f,  (  WJl.  nau  )  La  clajfe  eft 


C  L  A 

^  un  terme  relatif  à  ceux  de  règne  &  de  gerire. 
On  di\'ife  &  on  fubdivife  tous  les  objets 
qu'embraffe  cette  fcience  ^  on  en  fait  pour 
ainfi  dire  plufîeurs  collerions  que  l'on  défî- 
gne  par  les  noms  de  règnes  ,  de  claj/h  ,  de 
genres  &  à'efpeces  ,  félon  que  les  rapports 
fous  lefquels  on  les  confidere  ,  font  plus 
généraux  ou  plus  particuliers.  La  diftribution 
des  objets  de  l'Hiftoire  naturelle  en  trois 
règnes  ,  eft  la  plus  générale  ^  elle  eft  établie 
furies  différences  les  plus  fenfibles  qu'il  y  ait 
dans  la  Rature.  Chaque  règne  eft  divifé  en 
plufieurs  parties  que  l'on  appelle  claU'es  ;  par 
conféquent  les  caractères  qui  conftituent  les 
claffes ,  n'appartiennent  pas  à  un  aufîi  grand 
nombre  d'objets  que  ceux  des  règnes  ^  mais 
ils  font  plus  étendus  que  ceux  par  lefquels  on 
détermine  \qs  genres.  La  clajfe  eft  donc  un 
terme  moyen  entre  un  règne  &  un  genre  ; 
par  exemple  ,  tous  les  animaux  pris  enfem- 
ble ,  &  confidérés  relativement  aux  végé- 
taux &  aux  minéraux  ,  compofent  le  règne 
animal.  Les  quadrupèdes  ,  les  oifeaux ,  les 
poiftbns  ,  &c.  font  rangés  en  différentes 
clajUes  de  ce  règne  \  les  animaux  folipedes , 
les  pies  fourchus  &  les  fîlTipedes  ,  font  au 
tant  de  genres  de  la  clajfe  des  quadrupèdes  : 
ainfi  le  cara6lere  des  quadrupèdes  qui  eft 
tiré  du  nombre  de  leurs  quatre  pies  ,  eft 
moins  général  que  ceux  par  lefquels  on  dif- 
tingue  ces  animaux  des  oifèaux  &  àes  poif- 
fons  ^  mais  il  eft  plus  étendu  que  celui  qui 
réfidedansle  nombre  des  doigts  des  quadru- 
pèdes ,  &  par  lequel  on  les  divife  en  dilïe- 
rens  genres.  On  commence  par  déterminer 
les  caraéieres  effentiels  aux  animaux ,  pour 
en  faire  un  règne  ^  enfiiite  on  confidere  les 
différences  &  les  reffemblances  les  plus  géné- 
rales qui  fe  trouvent  entre  eux ,  pour  en  faire 
des  clajfes.  Les  reflémblances  &  les  diifé- 
rences  moins  étendues  que  celles  des  clajfes , 
déterminent  les  genres  ^  &  enfin  les  efpeces 
font  renfermées  dans  le  genre.  Voilà  quatre 
termes  de  gradation  .  règne  ,  clajfe ,  genre  , 
efpece  ^  mais  il  eft  aifé  de  concevoir  que  l'on 
peut  multiplier  ces  divi fions  autant  qu'on  le 
veut ,  en  laiffant  de  moindres  intervalles 
entre  ces  termes ,  &  en  expofant  une  plus 
grande  fuite  de  caradf  ères ,  foit  pour  les  ref- 
femblances ,  fbit  pour  les  différences  que 
l'on  obfèrve  en  comparant  les  produâioiîs 
de  la  nature  les  unes  aux  autres.  Voijà  d'où 


CL  A 

font  venus  les  ordres ,  les  tribus , les  légions, 
les  cohortes ,  les  familles  ,  que  l'on  a  ajou- 
tées aux  règnes  ,  aux  clajfes  ,  aux  genres  & 
aux  efjjeces  ,  dans  diftërentes  méthodes 
d'hiftoire  naturelle.  Voyei  MÉTHODE  ,  Rè- 
gne ,  Genre,  Espèce,  i^oyei  aujfi  Bo- 
tanique. (/) 

Classe  ,  f.  f.  C  Gmmm.  )  Ce  mot  vient  du 
latin  calo  ,  qu  vient  du  grec  kakuo  ,  &  par 
contraélion  x,«Aa,  appelUr,  convoquer ,  ajfem- 
bler  ;  ainfi  toutes  les  acceptions  de  ce  mot 
renferment  l'idée  d'une  convocation  ou  af- 
ièmblée  à  part  :  ce  mot  lignifie  donc  une 
diftinâion  de  perfonnes  ou  de  chofcs  que  l'on 
arrange  par  ordre  félon  leur  nature  ,  ou  fé- 
lon le  motif  qui  donne  lieu  à  cet  arrange- 
ment. Ainfi  on  range  les  êtres  phyfiques  en 
plulieurs  claJfes  ,  les  métaux  ,  les  minéraux , 
les  végétaux  ,  &c.  Voye[  Classe.  (  Hiji. 
nat.  )  On  fait  auffi  plufieurs  claffes  d'ani- 
maux ,  d'arbres ,  de  fimples  ou  herbes  ,  ^c. 
par  la  même  analogie. 

Clajfe  fè  dit  aufîî  des  différentes  falles  des 
collèges  dans  lefquelles  on  diftribue  les  éco- 
liers félon  leur  capacité.  Il  y  a  fix  clalTes  pour 
les  humanités ,  &:  dans  quelques  collèges 
fept.  La  première  en  dignité  c'eft  la  rhétori- 
que :  or  en  commençant  à  compter  par  la 
rhétorique ,  on  defcend  jufqu'à  la  fixieme 
ou  lèptieme  ;,  &  c'eft  par  l'une  de  celles-ci 
que  l'on  commeace  les  études  cîafîiques.  Il 
y  a  deux  autres  clajfes  pour  la  philofophie  \ 
l'une  eft  appellée  logique  ^  &  Y2i\\txQ  phyfi- 
que.  Il  y  a  aulîi  les  écoles  de  théologie ,  cel- 
les de  droit  &  celles  de  médecine  ^  mais  on 
ne  leur  donne  pas  communément  le  nom  de 
claffe. 

Il  efi:  vrai ,  comme  on  le  dit ,  que  Quin- 
tilien  s'eft  fervi  du  mot  de  claffe  en  parlant 
des  écoliers  ^  mais  ce  n'eft  pas  dans  le  même 
fens  que  nous  nous  fervons  aujourd'hui  de 
ce  mot.  Il  paroît  par  le  paffage  de  Quinti- 
lien  ,  que  le  maître  d'une  même  école  divi- 
foit  {&%  écoliers  en  différentes  bandes ,  félon 
leur  différente  capacité ,  fecundïim  vires  in ge- 
nii.  Ce  que  Quintilien  en  dit  doit  plutôt  fe 
rapporter  à  ce  qu'on  appelle  parmi  nous 
faire  compofer  &  donner  des  places  :  Ita  fu- 
periore  loco  quifque  declamabat  ;  ce  qui  nou^ 
donnoit ,  dit-il ,  une  grande  émulation ,  ec 
nobis  ingens  palmœ  conte ntio  :  &  c'étoir 
une  grande  gloire  d'être  le  premier  de  fa 


C  L  A  2  1^ 

dlvifîon  ,  ducere  veru  clajfem  multo  pulcher- 
rimam.  Quint,  infi.  or,  l»l  ^  c.  /). 

Au  refte  Quintilien  préfère  l'éducation 
publique  ,  faite  ,  comme  il  t entend  ,  à  l'édu- 
cation domeftique  ordinaire.  Il  prétend  que 
communément  il  y  a  autant  de  danger  pour 
les  mœurs  dans  l'une  que  dans  l'autre  j  mais 
il  ne  veut  pas  que  les  clajfes  fbient  trop  nom- 
breufes.  Il  faudroit  qu'alors  la  clajfe  fût  divi- 
fée  ,  &  que  chaque  divifion  eût  un  maître 
particulier  :  Numerus  objlat ,  nec  eo  mitti 
puerum  volo  ubi  negligatur  ;  fed  neque  prae- 
ceptor  bonus  majore  fe  turbâ  ,  quam  utfujli- 

nere  eam  poffit  oneraverit ita  numquam 

erimus  in  turba.  Sed  ut  fugiendœ  fint  magnœ 
fcholœ  ,  non  tamtn  hoc  e))  valet  ut  fugiendœ 
fint  omnino  fcholœ  ;  aliud  ejî  enim  vit  are  eas^ 
aliud  eligere.  Quint,  inft.  or.  l.I^c.  ij. 

Ce  chapitre  de  Quintilien  eft  rem.pli  d'ob- 
ièrvations  judicieuiès  ;  i  1  fait  voir  que  l'édu- 
cation domeftique  a  des  inconvéniens ,  mais 
que  l'éducation  publique  en  a  auffi.  Seroit-il 
impoffible  de  tranfporter  dans  l'une  ce  qu'il 
y  a  d'avantageux  dans  l'autre  ?  L'éducation 
domeftique  eft -elle  trop  folitaire  &  trop 
languiffante  ?  faites  fouvent  des  affemblées  , 
des  exercices ,  des  déclamations ,  &c.  Exci- 
tanda  métis  &  oitollenda  femper  ejf.  Jbid.  L'é- 
ducation publique  éloigne-t-elle  trop  les 
enfans  de  l'ufage  du  monde ,  de  façon  que 
lorfqu'ils  font  hors  de  leur  collège  ils  paroif^ 
fent  auffi  embarraffés  que  s'ils  étoient  tranf^ 
portés  dans  un  autre  monde  ?  t^àâjmentfe  in 
alium  terrarum  orbem  delatos\Pé\YO\\e  )  j 
faites-leur  voir  fouvent  des  perfonnes» raifon- 
nables  ^  accoutumez-les  de  bonne  heure  à 
voir  d'honnêtes  gens  ,  qu'ils  ne  foient  pas 
décontenancés  en  leur  préiènce  :  AJfuefcant 
jam  a  tenero  non  refortnidare  homines.  Quint, 
ibid.  Faites  que  votre  jeune  homme  ne  foit 
pas  ébloui  quand  il  voit  le  foleil  ^  &  que  ce 
qu'il  verra  un  jour  dans  le  monde  ,  ne  lui 
p^roiffe  pas  nouveau  :  Caligat  in  fok<^  omnia 
nova  off'endit.  Ibid.  L'éducation  publique 
donne  lieu  à  l'émulation  :  Firmiores  in  litte- 

ris  profeclus  alit  emulatio ù  licet  ipfa 

vitium  fit  ambitio  ,  fréquenter  tamen  caufa 
virtutum  ejl,  Ibid.  Necejfe  eft  enim  ut  fibi  ni- 
mium  tribuat ,  qui  fe  nemini  comparât.  Ibid. 

Ce  que  dit  Quintilien  dans  ce  chapitre 
fécond  ,  fiir  la  vertu  &  la  probité  que  l'on 


doit  rechercher  dans 


les  maîtres 
E  e  2 


eft  coïit 


110  C  L  A 

forme  à  la  morale  la  plus  pure  '^  &  ce  qu'il 
ajoute  dans  le  chapitre  fiiivant ,  fur  les  pei- 
rxcs  &  les  châtimens  dont  on  punit  les  éco- 
liers ,  eft  bien  digne  de  remarque.  Il  dit  que 
Je  châtiment  abat  l'efprit  :  Refringit  animum 
&  abjicit  lucis  fugam ,  &  tadium  dictât.  Jam 
fi  minor  in  diligendis  prœceptorum  moribus 
fuit  cura  ^ pudet  dicere  in  quœ  probra  nefandi 
homines  ijio  cœdendi  jure  abutantur  ,  non 
morabor  in  parte  hac  ;  nimium  eji  quod  intel- 
ligitur.  Hoc  dixijfe  fatis  ejl,  in  cetatem  infir- 
mam  &  injurias  obnoxiam  nemini  débet  nimium 

licere unde  caufas  turpium  faclorum 

fcepè  exîitijfe  utinam  falfo  jaâaretur.  Quint. 
injî.  1. 1 ,  c.  ij  &  iij. 

Cette  obferv'ation  de  Qu  intilien  ne  peut 
être  aujourd'hui  d'aucun  ufàge  parmi  nous. 

On  ne  peut  rien  ajouter  à  l'attention  que 
les  principaux  des  collèges  apportent  dans 
le  choix  des  maîtres  auxquels  ils  confient 
l'inftruélion  des  jeunes  gens ,  &  les  châti- 
mens dont  parle  Quintilien  ne  font  prefque 
plus  en  ufage.  Voyei  Collège.  (  A  ) 

Classe  ,  f.  f.  {Marine.  )  On  entend  en 
France  par  ce  mot ,  l'ordre  établi  fur  les 
côtes  &  dans  les  provinces  maritimes ,  pour 
régler  le  fervice  des  matelots  &  autres  gens 
de  mer  qui  font  enrôlés  pour  le  fervice  du 
roi  ,  &  diftribués  par  parties  ,  chacune  def- 
quelles  s'appelle  claje.  L'ordonnance  de 
LOUIS  XIV ,  pour  les  armées  navales ,  de 
1689  j  règle  tout  ce  qui  concerne  les  claffes  , 
&  le  déîail?^ivant  en  eft  extrait. 

Il  y  a  un  enrôlement  général  fait  dans  les 
provinces  maritimes  du  royaume ,  àos  maî- 
tres ,  pilotes ,  contre-maîtres  ,  canonniers , 
charpentiers ,  officiers  mariniers ,  matelots, 
&  autres  gens  de  mer. 

Les  provinces  font  divifées  en  divers  dé- 
partemens  ,  en  chacun  defquels  il  y  a  un 
commiiTairc  qui  tient  le  rôle  des  officiers 
inariniers,  matelots  &  gens  de  mer. 

Les  officiers  mariniers  &  matelots  font 
divifés  par  clajfes  ,  favoir  dans  les  provinces 
de  Guiennc  ,  Bretagne  ,  Normandie  ,  Pi- 
cardie &  pays  conquis ,  en  quatre  clajfes  : 
&  dans  les  provinces  de  Poitou ,  Saintonge  , 
pays  d'Aunis  ,  îles  de  Ré  &  d'Oleron  ,  ri- 
vière de  Charante  ,  Languedoc  &  Proven- 
ce 5  en  trois  clajjes  ;  ce  qui  forme  fèpt  clajJeA. 

Chaque  clajfe  doit  fervir  alternativement 
de  trois  ou  quatre  amiées  l'une  ,  fiiivaiu  la 


C  L  A 

divifion  qui  en  aura  été  faite ,  &  le  fervice 
commencera  au  premier  janvier  de  chaque 
année.  Les  officiers  mariniers  &  matelots 
doivent  toujours  porter  fiir  eux  les  bulletins 
qui  leur  font  délivrés  par  les  commilfaires. 

Il  eft  défendu  aux  matelots  de  s'engager 
pour  aucune  navigation  ,  à  moins  qu'ils 
n'aient  été  enrôlés ,  &  n'aient  retiré  leur 
bulletin.  Défenfe  aux  capitaines  &  maîtres 
de  navires  de  les  employer ,  à  peine  de  500 
liv.  d'amende  pour  la  première  fois ,  &  peine 
corporelle  pour  la  féconde. 

Ceux  des  clajfes  qui  ne  font  point  dans 
leur  année  de  fervice  ,  peuvent  s'engager 
avec  les  marchands  &  les  navigateurs  parti- 
culiers ^  mais  il  eft  défendu  aux  maîtres  de 
navires  d'engager  aucun  matelot  l'année  de 
fon  fervice  ,  ni  pour  aucun  voyage  long  qui 
puifle  empêcher  leur  retour  pour  ce  temps. 
Et  pour  cet  effet ,  le  rôle  de  leur  équipage , 
où  l'année  de  la  clajfe  de  fervice  de  chaque 
matelot  fera  marquée ,  doit  être  vifé  par  le 
commiffaire  ou  commis  aux  claffes  établi  en 
chaque  département.  (  Z  ) 

CLASSIQUE  ,  adj.  (  Gramm.  )  Ce  mot 
fè  dit  des  auteurs  que  l'on  explique  dans  les 
collèges  ^  les  mots  &  les  façons  de  parler  de 
ces  auteurs  fervent  de  modèle  aux  jeunes 
gens.  On  donne  particulièrement  ce  nom 
aux  auteurs  qui  ont  vécu  du  temps  de  la  ré- 
publique ,  &:  à  ceux  qui  ont  été  contempo- 
rains ou  prefque  contemporains  d'Auguftc  ^ 
tels  font  Térence  ,  Céfar  ,  Cornélius  Né- 
pos  5  Cicéron  ,  Sallufte  ,  Virgile  ,  Horace  , 
Phèdre ,  Tite-Live,  Ovide,  Valere.Maxime, 
Velleius  Paterculus  ,  Quinte-Curce  ,  Ju- 
vénal,  Martial  &  Frontin  ^  auxquels  on 
ajoute  Corneille  Tacite  ,  qui  vivoit  dans  le 
fécond  fiecle  ,  auffi-bien  que  Pline  le  jeune  , 
Florus  ,  Suétone  &  Juftin. 

Clajfique  fe  dit  auffi  des  auteurs  même 
modernes  qui  peuvent  être  propofés  pour 
modèle  par  la  beauté  du  ftyle.  Tout  écrivain 
qui  penfe  folidement  &  qui  fait  s'exprimer 
d'une  manière  à  plaire  aux  perfonneS  de  goût, 
appartient  à  cette  claife  :  on  ne  doit  chercher 
des  auteurs  clajfiques  que  chez  les  nations  où 
la  raifon  eft  parvenue  à  un  haut  degré  de  cul- 
ture ,  où  la  vie  fociale  &  le  commerce  des 
hommes  ont  porté  l'entendement  &  le  bon 
goût  fort  au-defliis  des  fèns  groffiers  :  ce 
n'eft  que  là  que  les  hommes  commencent  à 


C  L  A 

trouver  dn  pîalfir  dans  des  objets  intellec- 
tuels &  dans  des  fentimens  délicats  :/ alors 
ceux  qui  font  doués  d'un  jugement  &  d'un 
goût  plus  exquis  ,  fe  trouvent  encouragés  à 
confidérer  avec  plus  d'attention  des  objets 
qui  ne  tiennent  pas  immédiatement  aux 
fens  j  ils  découvrent  des  rapports  plus  déliés , 
que  le  vulgaire  n'apperçoit  pas  :  un  nouveau 
champ  de  plaifirs  pour  la  fociété  fe  préfènte 
à  leurs  regards ,  &  l'infinie  variété  des  objets 
rend  cette  iburee  inépuifable  :  le  monde  in- 
telleéhjel ,  les  penfées  ,  les  fentimens ,  for- 
ment pour  eux  une  nouvelle  nature,  un 
autre  univers  fécond  en  événemens  intéref- 
fans  ,  en  heureufes  ccmbinailbns  ,  en  vues 
riantes  ,  &  incomparablement  plus  riche 
en  plaifirs  que  la  nature  grofliere  qui  n'agit 
que  fur  les  fèns  extérieurs:  celui  quia  trouve 
les  avenues  de  ce  monde  invifible ,  porte 
avec  foi  tout  ce  qu'il  faut  pour  une  conver- 
làtion  agréable  &  des  récréations  honnêtes  ^ 
il  développe  dans  le  commerce  de  la  vie 
plufieurs  fceues  de  ce  monde-là  ;  il  s'attire 
l'attention ,  &  un  goût  plus  délicat  com- 
mence à  fe  répandre  de  tous  côtés  ^  on  ap- 
prend à  eftimer  des  chofès  que  jufqu'alors 
on  n'avoit  pas  même  apperçues.  On  regarde 
ceux  qui  ont  découvert  ces  nouvelles  fources 
de  plaifirs  honnêtes,  comme  les  bienfaiteurs 
refpeftables  de  la  fociété  ^  l'honneur  qu'on 
leur  rend ,  redouble  leurs  efforts  ^  ils  font  de 
nouvelles  obfervations  fur  le  monde  moral , 
&  apportent  tous  leurs  foins  à  communiquer 
leurs  recherches  aux  autres  de  la  manière 
la  plus  parfaite  :  le  bon  ton ,  la  raifon , 
Je  goût  s'introduifent  dans  les  fociétés  choi- 
lies  :  les  auteurs  commencent  à  paroître  , 
&  leurs  ouvrages  deviennent  clajfiques  pour 
la  poftérité ,  parce  qu'ils  font  puifés  dans  la 
nature  même  ,  dans  la  fource  inaltérable  du 
beau  &:  du  bon. 

On  eft  tenté  de  croire  que  l'homme  n'a 
reçu  qu'un  degré  déterminé  de  fagacité  , 
pour  pénétrer  dans  la  nature  des  objets 
moraux  ^  qu'il  ne  fauroit  aller  plus  loin ,  & 
que  dans  chaque  nation  les  meilleures  têtes 
ont  atteint  ce  degré-là.  Nous  voyons  du 
moins  que  les  écrits  àes  hommes  de  génie 
^e  tous  les  fiecles  &  de  toutes  les  nations  , 
plaifent  par-tout  où  la  raifon  eft  déjà  par- 
venue à-peu-près  à  ce  dernier  degré  de  cul- 
ture :  ce  fom  là  les  vrais  auteurs  clajfi- 


C  L  A  m 

^i/«  pour  toutes  les  nations  de  la  terre. 

Mais  chez  un  peuple  dont  la  raifon  n'eft 
pas  encore  cultivée  au  plus  haut  point ,  le 
meilleur  auteur  qui  s'y  formera  ,  fora  ap- 
plaudi ,  plaira,  deviendra  célèbre  parmi  fei 
contemporains ,  &  cependant  ne  fora  jamais 
auteur  claffique  :  ce  droit  n'appartient  qu'aux 
.meilleurs  écrivains  de  la  nation  la  plus 
éclairée  &  la  plus  polie. 

La  fimple  culture  de  l'entendement ,  qui 
ne  s'attache  qu'aux  abftraâions  &  à  l'analyfo 
des  idées ,  ne  forme  point  à' auteur  clajfique  ; 
il  n'y  en  a  pas  un  foui  parmi  les  fcholaftiques. 
Une  nation  qui  ne  s'attacheroit  qu'aux  fcien- 
ces  exactes ,  n'en  produiroit  aucun ,  &  n'en 
feroit  pas  moins  de  progrès  dans  ces  fcieu- 
ces-là.  L'entendement  clajfique ,  s'il  eft  per- 
mis de  s'exprimer  ainfi  ,  ne  s'occupe  pas 
d'abftraftions  ç,  il  n'analyfe  point  les  diverfes 
parties  de  l'objet  ^  il  fait  l'énoncer  dans  toute 
fon  étendue  avec  énergie  &  fimplicité  f,  c'eft 
un  tableau  bien  fait  qu'il  préfente  à  l'imagi- 
nation: ce  font  plutôt  des  obfervations  fines , 
qui  foppofent  un  coup  d'œil  perçant ,  que  des 
raifonnemens  exaâs  fondés  fur  le  dévelop- 
pement des  idées  :  le  penfeur  abftrait  dit 
peu  en  beaucoup  de  paroles ,  parce  qu'il  n'a 
en  vue  que  le  plus  haut  degré  de  ccrtimde  : 
le  penfour  clajfique ,  dit  beaucoup  de  chofes 
en  peu  de  mots  j  il  exprime  par  une  fimple 
réflexion  ou  par  une  courte  fentence ,  le  ré-^ 
foltat  d'une  longue  &  profonde  méditation. 

L'elprit  d'obfervation ,  cette  première 
qualité  d'un  auteur  clajfique  ,  ne  s'acquiert 
point  par  des  études  abftraites  &  ne  fo 
forme  pas  au  fond  d'un  cabinet  ;  c'eft  dans 
le  grand  monde  au  milieu  des  affaires ,  & 
par  le  commerce  des  hommes  qui  font 
eux-mêmes  doués  de  ce  talent ,  qu'il  fe  per- 
fed:ionne:  la  fociété ,  celle  for-tout  qui  s'oc- 
cupe de  grands  objets ,  où  toutes  les  facultés 
de  l'entendement  fout  mifes  en  aélion  ,  &c 
fo  déploient  avec  rapidité ,  où  il  faut  d'un 
coup  d'œil  embraffer  une  multitude  de  con- 
fidérations ,  &  penfor  folidement  iàns  avoir 
le  temps  de  réfléchir  avec  méthode  3  cette 
fociété  eft  la  véritable  école  où  l'efprit  ac- 
quiert la  force ,  le  courage  mâle  &  l'affu- 
rance  quf  forment  un  auteur  clajfique  ;  il  n'y 
a  qu'un  heureux  génie  qui  puiffe  réufi^r  fans 
ce  focours ,  &  à  qui  la  ledure  des  bons 
auteurs  puiffe  tenir  lieu  de  tout  le  refte. 


221  C  L  A 

On  remarque  qu'en  tout  pays  le  nombre 
des  poètes  clajfiques  l'a  emporté  fur  celui  des 
bous  profateurs  ^  la  rai  fou  en  eft  aifée  à  trou- 
ver :  le  fentimeut  &  l'imagination  fe  déve- 
loppent lonç-temps  avant  l'entendement  & 
i'eiprit  d'obfcrvation.  Ainli  ces  premières 
facultés  fe  perfcâiionnent  plutôt  chez  une 
nation  que  les  talens  qui  fuppofcnt  la  perfec- 
tion du  jugement.  De-là  vient  ,  comir.e 
Cicéron  l'a  déjà  obfervé ,  qu'il  eft  plus  aifé 
de  trouver  un  grand  poète  qu'un  grand  ora- 
teur. Multb  tamen  pauciores  oratoris  quhm 
poetcc  boni  reperientur.  De  orat.  lib.  I.  (  Cet 
article  efî  tiré  de  la  Théorie  générale  des 
beaux-arts  de  M.  SuLZER.  ) 

En  latin  l'adjeclif  clajficus  n'a  pas  la 
même  valeur  ou  acception  qu'il  a  en  françois. 

1°.  Clajficus  fe  dit  de  ce  qui  concerne  les 
flottes  ou  armées  navales ,  comme  dans  ce 
vers  de  Properce  : 

Aut  canerem  Siculce  clajjica  bella  fugœ. 
L.  II ,  élég.  I ,  v.  28. 

Clajjica  corona  ,  la  couronne  navale  qui  fè 
donnoit  à  ceux  qui  avoient  remporté  la  vic- 
toire dans  un  combat  naval.  Clajficij  dans 
Quinte-Curce  ,4,3,18,  fignifie  les  matelots. 

2°.  ClaJJici  cives  étoient  les  citoyens  de  la 
première  claiîê  ^  car  il  faut  obferver  que  le 
roi  Servius  avoit  partagé  tous  les  citoyens 
romains  en  cinq  clalTes.  Ceux  qui ,  félon 
l'évaluation  qu'on  en  fait,  avoient  mille 
deux  cents  cinquante  livres  de  revenu  , 
au  moins  ,  ou  qui  en  avoient  davantage  j 
ceux-là  ,  dis-je  ,  étoient  appelles  clajfiques, 
ClaJJici  dicebantur primœ  tantîim  clajfis  homi- 
nes ,  qui  centum  Çf  viginti  quinque  millia  œris , 
amplius-ve  ^  cenjî  erant»  Aul.  Gell.  7,  13. 
Clajfici  tejles  fe  difoit  des  témoins  irrépro- 
chables ,  pris  de  quelque  clafFe  de  citoyens. 
Clajfici  te  fies  ^  dit  Feftus  ,  dicebantur  qui  Jig- 
nandis  teftamentis  adhibebantur.  Et  Scaliger 
ajoute  :  qui  enim  cives  romani  erant  ,  omnino 
in  aliqua  clajje  cenfebantur  ;  qui  non  habe- 
bant  clajfem  ,  nec  cives  romani  erant, 

C'eft  delà  que  dans  Aulugelle  ,  1 9  j  8 , 
autores  clajfici  ne  veut  pas  dire  les  auteurs 
clajfiques ,  dans  le  fens  que  nous  donnons 
parmi  nous  à  ce  mot  \  mais  autores  clajfici 
fignifie  les  auteurs  du  premier  ordre  jfcrip- 
tores  primx  notœ  ^  prœjiantijfimi ,  tels  que 
Cicéron ,  Virgile,  Horace  ,  ér.  {F) 


On  peut  dans  ce  dernier  fens  donner  le 
nom  hauteurs  clajfiques  françois  .^  aux  bons 
auteurs  du  fiecle  de  Louis  XlV  ,  &  de  celui- 
ci  \  maii  on  doit  plus  particulièrement  ap-  ; 
pfiquerle  nom  de  clajfques  aux  auteurs  qui' 
ont  écrit  tcut  à  la  fois  élégamm.ent  &:  cor- 
reâ:ement,tels  que  Deipreaux , Racine ,  frc. 
Il  ièroit  à  fouhaiter  ,  comme  le  remarque 
iVI.  de  Voltaire ,  que  l'académie  françoife 
donnât  une  édition  correde  des  auteurs  claf- 
Jiques  avec  des  remarques  de  Grammaire. 

CLATHROISDASTRUM,  f  m.  (Rijl, 
nat.  bot.  )  genre  de  plante  différent  du  cla- 
throïdes ,  non  feulement  parce  que  fon  en- 
veloppe eft  très-peu  apparente  &  a  peu  de 
confiftance  ,  mais  encore  parce  que  fa  tige 
le  traverfe  dans  toute  fa  longueur  de  bas 
en  haut.  Micheli ,  nova  pi.  gen.~  Foye^ 
Plante.  (I ) 

CLATHROIDES ,  f.  m.  (  Hiji.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  dont  les  individus  font  ronds 
ou  eu  forme  de  poires  ,  avant  qu'ils  fortent 
de  leur  enveloppe  |,  mais  dès  qu'ils  en  font 
dehors  ,  ils  deviennent  elliptiques.  Le  cla- 
tkroides  n'eft  pas  creux  coinme  le  clathrus,* 
mais  il  eft  compofé  d'un  tiftii  fort  fin ,  & 
difpofé  en  forme  de  filet.  Ce  tiftù  renferme 
dans  les  espaces  vuides  des  tas  de  femences 
rondes  6c  feches.  Micheli ,  nova  pi.  gen, 
Voye?  Plante.  (/) 

ClfATHRUS,  f  m.  {HiJi.  nat.  bot.) 
genre  de  plantes  dont  les  individus  font  de 
figure  arrondie ,  ou  en  forme  de  poire  creufe 
comme  une  bourfe ,  &  ouverte  en  pluficurs 
endroits  comine  une  grille.  Avant  que  le 
clathrus  forte  de  fon  enveloppe ,  il  fe  forme 
dans  fon  intérieur  une  maffe  compofée  en 
partie  d'une  forte  de  glu  fort  pure ,  &  en 
partie  d'une  matière  grife  femblabie  à  de  la 
farine  ,  un  peu  détrempée  &  fortement 
battue.  Cette  maffe  contient  des  femences 
très-petites  ,  &.  dès  que  le  clathrus  fort  de 
fon  enveloppe  &  s'épanouit ,  elle  fe  réfbut 
en  une  liqueur  fort  puante ,  qui  découle 
goutte  à  goutte.  Micheli  ,/zov./?/.  gen.  f^oye^ 
Plante.  (7  ) 

GLATIR  ,  V.  n.  (  Chafe.  )  Il  exprimje 
le  cri  du  chien ,  lorfque  cet  animal  le  redoux 
ble  ,  &  femblç  avertir  le  chaffeur  que  le 
gibier  qu'il  preffe  à  la  pifte  n'eft  pas  éloigné. 

*  CLATRA  ,    f.   f.    {Mythol.)    étoit 
i  félon  quelques-uns ,  la  déeflè  des  grilles  ôç. 


C  L  A 

Ses  ferrures  j  elle  avoit  à  Rome  un  temple 
eu  commun  avec  Apollon  fur  le  mont  Qui- 
rinal.  Clan  a  n'étoit ,  félon  d'autres ,  qu'un 
iurnom  d'Ifis. 

CLAVAGE,  f.  m.  {Jurifprud.)  étoit  un 
droit  que  payoient  ceux  qui  entroient  en 
prifon.  Il  en  eft  parlé  dans  les  privilèges  ac- 
cordés par  Charles  VI ,  à  la  ville  de  Figeât , 
au  mois  d'août  13945  an.  46.  Solvant  duo- 
decim  denarios  pro  clavagio.  Rec.  des  ordon- 
nances de  la  troifieme  race ,  tom.  Vil ,  pag, 
66%.  {A) 

CLAVAIRE,  f.  m.  {Jurifprud.)  nom 
que  l'on  donnoit  anciennement  à  celui  qui 
avoit  la  garde  des  clés  d'une  ville ,  ou  du 
tréibr  ,  ou  du  chartrier.  Cet  officier  avoit 
en  quelques  endroits  une  jurifdicHon.  Voye^ 
le  recueil  des  ordonnances  de  la  troifieme 
race  ,  tome  VU  ,  page  679 ,  &  thiji.  de 
Dauphiné  j  /'^r  Valbonay.  (A) 

CLAVARIA ,  f.  f.  (  Hift.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  charnue ,  qui  n'a  point  de  rameaux , 
&  qui  relTemble  à  une  maffue.  Il  eft  allez 
rare  d'en  trouver  qui  foient  creufes.  La  fiir- 
face  extérieure  eft  unie  &  parfemée  de  pe- 
tites femences.  Micheli.  nov.  pi.  gen.  Voyei 
Plante.  (/) 

*CLAVARIUM,  {Hiji.anc.)  don  en 
argent  que  les  empereurs  faifoient  diftribuer 
aux  foldats ,  pour  le  fournir  des  clous  ué- 
ceifaires  à  leurs  chaufTures. 

CLAUDE  (Saint-)-,  Géog.  mod.  ville 
de  France  en  Franche-Comté ,  fur  la  rivière 
de  Lifon.  Long.  23  ,  35  ^  lat.  46  ,  20. 

CLAUDIA  ,  (  Hiji.  Rom.  )  veftale  ,  fut 
accufée  d'avoir  laiifé  éteindre  le  feu  iàcré. 
Pendant  qu'on  inftruifoit  fon  procès,  on 
prétend  que  la  déeffe  Vefta  fit  un  miracle 
pour  manifefter  fon  innocence.  L'on  avoit 
fait  venir  de  Phrygie  le  fimulacre  de  la  mère 
des  dieux.  Le  vailfeau  chargé  de  cette  pré- 
cieufc  relique  refta  à  ièc  fur  le  rivage.  La 
confternation  fut  générale  ,  on  craignit  que 
ce  ne  fût  une  punition  de  la  déelfe ,  offenfée 
de  ce  qu'on  l'avoit  tirée  d'un  temple  où  elle 
avoit  de  noinhreux  adorateurs.  Claudia  , 
dit-on  ,  attacha  le  vaifîèau  à  fa  ceinture  , 
&  le  traîna  fans  effort  jufqu'au  milieu  de 
Rome.  Ce  prodige  prétendu  confondit  fes 
calomniateurs,  Scelle  fut  déclarée  innocente. 

Claudia  ,  fœur  de  Claudius  Pulcher  , 
eut  tout  l'orgueil  qu'on  reprochoit  à  fa  fa- 


C  L  A  213 

mille.  Un  jour  qu'elle  travcrlolt  les  rues  de 
Rome  montée  fur  fon  char ,  elle  fut  arrêtée 
par  l'afFiuence  du  peuple  qui  l'obligea  de 
ralentir  fa  marche.  Senfible  à  cette  efpece 
d'affront ,  elle  s'écria  :  <t  Je  voudrois  que 
mon  frère  fût  encore  en  vie ,  &  qu'il  perdît 
une  féconde  bataille  navale  peur  débar- 
rafîèr  Rome  de  cette  canaille  dont  elle  eft 
furchargée.  »  Ce  fouhait  fut  regardé  comme 
une  imprécation  contre  la  patrie.  Claudia, 
fubit  la  peine  décernée  contre  les  crimes  de 
leze-majefté  :  ce  fut  le  premier  exemple  de 
la  punition  de  ce  crime  ,  qui  dans  la  fuite 
fît  perdre  la  vie  à  tant  de  citoyens  innocens. 

(T-N.) 

CLAUDIANISTES  ,  branche  des  Do- 
natifles ,  ainfî  appellée  d'un  certain  Claude 
qu'elle  eut  pour  chef.  Voyei  DONATISTES. 

CLAUDICATION,  f.  f. {Médec.  chir.) 
l'aftion  de  boiter  ,  le  boitement  ;,  mais  ce 
dernier  terme  n'eft  pas  reçu ,  &  le  premier 
n'eft  qu'une  périphrafè.  Le  mot  claudication  , 
pris  du  latin  ,  mériteroit  d'être  adopté  dans 
le  difeours  ordinaire,  puifque d'ailleurs  nous 
n'avons  point  d'autre  terme  à  lui  fubftituer , 
&  que  les  gens  de  l'art  s'en  fervent  tous  dans 
leurs  écrits. 

La  claudication  dépend  de  plufieurs  cau- 
iks  différentes.  Elle  arrive  ou  de  naiffance  , 
ou  dans  l'accouchement  par  le  déboitement 
de  l'os  de  la  cuiffe  avec  les  os  innominés  , 
par  la  mauvaifè  conformation  de  la  cavité 
cotyloïde  de  ces  os  ,  par  la  foibleffe  des 
hanches  ,  par  divers  aceidens  externes  ,  & 
par  maladie. 

La  claudication  de  naifîance  efl  un  vice 
de  conformation  fans  remède  3  mais  il  ne 
pafîë  pas  d'ordinaire  des  mères  aux  enfans  : 
cependant  cela  peut  arriver  quelquefois  par 
des  caufès  difrîciles  à  dé.couvrir.  Zwinger 
a  connu  une  femme  boiteufe  qui  mit  au 
monde  trois  enfans  afFe6f es  de  la  même  in- 
commodité. ■  • 

Dans  toutes  les  efpeces  de  luxatrons  acci- 
dentelles du  fémur  ,  comme  aufîi  dans  fa 
fraâiure ,  l'adion  de  boiter  fuit  nécefîaire- 
ment,  &  ne  fe  guérit  que  quand  larédudion 
a  été  biîHi  faite.  Quelquefois  de  fîmples  coups 
ou  de  légères  chûtes  ont  occafioné  une  ef- 
pece de  luxation  de  los  de  la  cuifîè ,  qui 
donne  un  épanchement  de  fj'novie ,  relâche 
hs  ligamens ,  chaiîè  la  tête  de  l'os  hofs  de 


124  C  L  A 

fa.  place  ,  &  procure  abiolument  la  claudi- 
cation ;  quelquefois  même  le  chirurgien  par 
fon  mauvais  traitement  en  eft  feul  la  caufè. 

Ambroifè  Paré  prétend  que  tous  ceux  qui 
ont  eu  la  rotule  l'radlurée  ,  reftent  néceiiài- 
rement  boiteux  après  la  guérifbn  de  cette 
fracture  ^  cependant  l'expérience  fait  voir 
que  la  rotule  fraâ:urée  fe  guérit,  fans  qu'on 
demeure  ni  boiteux  ,  ni  même  incommodé. 
J'en  trouve  des  exemples  dans  Petit  &  dans 
Palfin. 

Dans  la  luxation  complète  des  os  de  la 
jambe  ,  ce  qui  eft  un  cas  très-rare  ,  le  ma- 
lade devient  boiteux ,  fi  par  hazard  il  ré- 
chappe de  cette  aftVeufe  luxation. 

Plufieurs  praticiens  penfent  auflî  que  la 
luxation  de  l'aftragale  ne  peut  jamais  guérir 
qu'elle  n'entraîne  la  claudication ,  fti  il  faut 
avouer  qu'elle  en  eft  la  fuite  ordinaire. 

Dans  la  rupture  incomplète  du  tendon 
d'achille ,  non  feulement  le  malade  boite  , 
mais  il  ne  peut  marcher  qu'en  paffant  avec 
peine  alternativement  un  pié  devant  l'autre  , 
&  en  pliant  la  jambe  pour  cet  effet. 

La  claudication  ,  qui  eft  une  fuite  de  l'en- 
torfe  ,  ceffe  par  la  guérifon  du  mal. 

La  cuiffe  ,  ou  la  jambe  trop  longue  ou 
trop  courte  ,  par  l'effet  de  quelque  violence 
faite  à  l'enfant  quand  il  eft  venu  au  monde , 
le  rend  boiteux  pour  le  refte  de fes  jours,  fi 
l'on  ne  tente  de  bonne  heure  d'y  remédier  , 
en  effayant  de  remettre  le  baffin  dans  fon 
affiette  naturelle.  On  a  lieu  de  préfumer  que 
Robert  III  ,  duc  de  Normandie  ,  n'étoit 
boiteux  que  par  cette  cau{è. 

La  cuiffe  &  la  jambe  devenues  plus  cour- 
tes par  l'effet  du  deffécheinent  de  ces  parties , 
à  la  fiiite  de  quelque  maladie  ,  produifent 
une  claudication  incurable.  Il  en  eft  de  même 
du  relâchement  des  ligamens ,  lors  par  exem- 
ple que  l'humeur  de  la  fciatiquc  ankilofe 
l'articulation  des  os  innominés. 

S'il  fe  forme  un  skirrhe  dans  l'un  des 
reins  ,  la  cuiffe  du  même  côté  devient  pa- 
ralytique ,  ou  du  moins  boiteufe  ,  mal  in- 
guériffable. 

Souvent  il  arrive  ,  fans  qu'il  y  ait  de  luxa- 
tion ,  que  la  jambe  par  la  feule  contrac- 
tion ou  le  fèul  roidiffement  des  mufcles  qui 
fervoient  à  k$  mouvemens ,  fe  retire  au  point 
qu'on  ne  peut  marcher  fans  boiter.  Le  re- 
mède à  cet  accident ,  eft  d'employer  des 


C  L  A 

fomentations  émollientes  ,  jointes  aux  rélô- 
lutifs  fpiritueux ,  des  bains  de  tripes  gras  8c 
adouciffans  ,  des  douches  d'eau  chaudes  mi- 
nérales ,  &  de  porter  un  foulier  garni  d  une 
femelle  de  plomb  ,  dont  le  poids  foit  pro- 
portionné au  retirement  plus  ou  moins  grand 
de  la  jambe. 

La  foibleffe  des  hanches  produit  la  claudi- 
cation des  deux  côtés.  La  caufe  de  cette  dif- 
grace  vient  quelquefois  des  nourrices  &  gou- 
vernantes qui  laiffent  marcher  leurs  enfans 
feuls  &  fans  aide  ,  avant  que  les  parties  qui 
doivent  foutenir  le  poids  de  leur  corps  aient 
acquis  la  fermeté  néceffaire. 

Pour  corriger  cette  faute  ,  quand  on  s'en 
apperçoit  dans  les  commencemens  ,  on  re- 
courra à  des  ceintures  qui  compriment  tout 
le  tour  du  ventre ,  &  qui  foient  bien  garnies 
vers  les  hanches  :  cette  compreffion  donne 
de  l'alfurance  &  de  la  force  dans  le  mar- 
cher ,  en  raffermiffant  les  hanches.  Il  faut 
outre  cela  les  bafîiner  plufieurs  fois  par  jour 
pendant  plufieurs  mois  avec  des  décodions 
aftringentes ,  &  continuer  de  raffermir  les 
parties  par  l'ufage  du  bandage. 

Il  nous  manque  en  chirurgie  un  traité  fiir 
la  claudication.  Perfbnne  n'en  a  difcuté  les 
diverfes  caufes  &  les  remèdes  ;  &  il  y  en  a 
dans  certaines  circonftances  \  car  enfin  c'eft^ 
une  difformité  fâcheufe ,  digne  de  toute 
l'attention  de  ces  hommes  qui  font  nés  pour 
le  public. 

Les  boiteux  de  naiffance  ,  ou  devenus 
tels  par  accident ,  ne  méritent  que  davan- 
tage d'être  plaints  ,  quoiqu'il  fe  puiffe  trou- 
ver dans  cet  accident  àe%  fujets  légitimes  de 
confolation,  &  quelquefois  même  d'une  con- 
fidération  plus  particulière  qui  en  réfulte.  Ils 
n'échappèrent  point  à  cette  femme  lacédé- 
monienne  ,  qui  dit  à  fon  fils  boiteux  d'une 
bleflure  qu'il  avoit  reçue  en  défendant  fa  pa- 
trie :  <t  Va ,  mon  fils ,  tu  ne  faurois  faire  un 
»  pas  qui  ne  te  faffe  fouvenir  de  ta  valeur  , 
»  &  qui  ne  te  couvre  de  gloire  aux  yeux  de 
»  tes  concitoyens.  »  Voyei  Boiteux.  Cet 
article  eft  de  M.  le  chev.  de  Jav court, 

CLAUDIUS  NÉRON  ,  (  Hift,  Rom,  ) 
étoit  fils  de  Drufus ,  dont  Livie  étoit  encein- 
te ,  lorfqu'Augufte  la  fit  paffer  dans  {on  lit. 
Il  naquit  à  Lyon  fous  le  confulat  de  Jules 
Antoine  &:  de  Fabius  l'Africain.  Il  étoit  à 


peine  fcrti  du  berceau  qu'il  perdit  fon  père 


U 


C  L  A 

II  étoit  {[  mal  orgaiiifé  ,  que  fa  mcre  Anto- 
nie  avoit  coutume  de  dire  qu'il  ctoit  l'ou- 
vrage bizarre  de  la  nature  en  délire.  Calig^ula, 
qui  pouvoit  l'envelopper  dans  le  miCurtrc  du 
refte  de  fa  famille,  cnit  ne  pouvoir  mieux 
punir  les  Romains  ,   qu'en  leur  donnant  un 
pareil  empereur.  Son  éducation  fut  fort  né- 
gligea, parce  qu'on  la  crut  impuiiTante  à  cor- 
riger les  vices  de  la  nature.  Augufle  lui  dé- 
féra les  honneurs  confulaires ,  mais  il  ne  lui 
permit  pas  d'en  remplir  les  fonctions.  Privé 
des  dignités  auxquelles  il  étoit  appelle  par 
fa  nailfance  ,  il  fe  retira  à  la  campagne  ,  où 
confondu  avec  des  hommes  agrelies  &  fans 
mœurs ,  il  fe  livra  aux  excès  de  la  plifs  fale 
débauche ,  &  fur-tout  au  jeu  des  dez.  Quoi- 
qu'il n'eût  aucune  des  vertus  qui  attirent  le 
refpeft  ,  on  lui  rendit  en  public  tous  les  hon- 
neurs qu'on  déféroit  aux  enfans  des  Céfàrs  , 
&  à  force  d'être  plaint,  il  parvint  à  être  aimé. 
Augufte  ,  en  mourant,  le  recommanda  aux 
armées ,  au  peuple  &  au  fénat.  II  lui  légua 
une  fomme  confîdérable  pour  foutenir  fa 
dignité  dans  la  vie  privée.  Son  neveu  Cali- 
gula  le  choifit  pour  collègue  dans  fon  con- 
fulat  ^  mais  il  ne  lui  laifla  que  l'ombre  du 
pouvoir  dont  il  iè  réfèrva  la  réalité.  Ce  ne- 
veu infolent  l'admettoit  à  fa  table  ,   moins 
pour  lui  faire  honneur ,  que  pour  s'amufer  de 
fon  imbécillité.  Après  la  mort  de  Caligula  , 
il  fe  cacha  dans  des  monceaux  de  tapifferie  ^ 
il  fut  découvert  par  un  foldat ,  qui  le  mena 
au  camp  pour  y  attendre  fon  fort.  Le  fénat , 
qui  ne  vouloit  plus  d'empereur  ,  fê  trouva 
partagé  dans  fcs  opinions.  La  lenteur  de  fes 
délibérations  impatienta  le  peuple  ,  qui  exi- 
gea de  donner  promptementunchef  à  l'em- 
pire :  il  fallut  condefcendre  aux  vœux  de  la 
multitude.  Claudius  ,  qui  n'attcndoit  que  la 
mort ,  fut  proclamé  empereur.  L'armée  lui 
prêta  ferment  de  fidélité.  Il  promit  à  chaque 
foldat  quinze  fefterces  ^   &  ce  fut  depuis 
l'exemple  de  cette  libéralité,  que  l'empire 
devint  la  proie  de  celui  qui  favoit  le  mieux 
payer.  Quoiqu'il  fût  trop  foible  pour  foute- 
nir un  fî  grand  poids  ,  il  fit  à  fon  avènement 
plufieurs  aèks  de  bienfaifance  qui  lui  conci- 
lièrent les  cœurs.  Il  abolit  la  mémoire  de 
toutes  les  violences  commifes  pendant  les 
deux  jours  qui  avoient  précédé  fon  élévation. 
Il  ne  punit  que  les  tribuns  &  les  centenicrs 
qui  avoient  trempé  leurs  mains  dans  le  fang 
Tome  FUI, 


C  L  A  î  2  y 

cîe  Caligula.  Sa  piété  envers  fès  pafenslui  fît 
encore  beaucoup  d'honneur.  Plein  de  refpe£l 
pour  la  mémoire  d'Auguftc  ,  il  ne  voulut 
jurer  que  par  fon  nom ,  &  lui  fit  rendre  les 
honneurs  divins.  Il  eut  la  m.ême  piété  pour 
fon  aïeule  Livie ,  à  laquelle  il  déféra  le  titre 
à'AuguJfa  ,  qu'elle  avoit  eu  la  modeftie  de 
refufer  de  fon  vivant.  Il  fit  célébrer  àos  jeux 
en  mémoire  de  fon  père  ,  de  fa  m.ere  &  de 
fon  frère.  Il  donna  des  couronnes  de  viéloire 
à  ceux  qui  remiportercnt  le  prix  dans  les 
combats  livrés  pour  l'honneur  de  fa  famille. 
Pour  lui  ,  il  conferva  la  fimplicité  de  fa  vie 
privée  ,  &  refufa  prefque  tous  les  honneurs 
qu'on  voulut  lui  déférer.   Il   célébra   fans 
éclat  les  noces  de  fa  fille  ,  &  la  naiffance 
d'un  de  fes  neveux.  Aucun  exilé  ne  fut  rap- 
pelle que  par  l'autorité  du  fénat.  Cet  em- 
pereur imbécille  &  fans  talent  pour  gouver- 
ner, fe  concilia  tellement  tous  les  cœurs, 
que  fur  un  faux  bruit  de  fa  mort,   le  peuple 
furieux  fut  fiar  le  point  d'exterminer  tout 
l'ordre  des  chevaliers ,  &  de  traiter  le  fénat 
de  parricide.  L'émeute  ne  fut  calmée  qu'a- 
près qu'on  fut  affuré  qu'il  n'avoit  effuyé  au- 
cun danger.  Quoiqu'il  ne  fît  rien  de  repré- 
henfible ,  il  avoit  trop  d'incapacité  dans  les 
affaires  pour  ne  pas  tomber  dans  le  mépris 
des  âmes  fieres  &  élevées  qui  ne  pouvoient 
iè  réfoudre  à  obéir  à  un  pareil  maître.  Ou 
découvroit  chaque  jour  dans  fon  palais  des 
fénateurs  &  des  chevaliers  armés  de  poi- 
gnards pour  lui  ôtcr  la  vie.  Il  s'éleva  une  ré- 
volte dans  la  Dalmatie ,  qui  fut  éteinte  aufîî- 
tôt  qu'allumée.  Il  exerça  cinq  confulats  avec 
une  parfaite  intégrité.  Fidèle  à  la  loi ,  il  ne  fè 
décida  que  par  elle ,  &  n'ufa  de  fon  pouvoir 
que  pour  mitiger  les  peines  &  les  amendes  ; 
mais  quelquefois  il  rendoit  des  jugemens  fi 
bizarres ,  qu'il  devenoit  l'objet  des  dérifions 
du  public.   Par  exemple  ,   ayant  ordonné 
d'effacer  les  placards  qui  notoient  un  fameux 
adultère  ,  il  ajouta  :  à  condition  toutefois 
que  la  rature  n'empêchera  point  de  lire  la 
condamnation.  Quelques  mouvemens  fédi- 
tieux  l'appellerent  en  Angleterre  ,   où  il  ne 
trouva  pas  de  rebelles  à  punir.  Quoiqu'il 
n'eût  point  tiré  l'épée ,  il  ambitionna  les  hon- 
neurs du  triomphe  ^  &  à  fon  retour  à  Rome  , 
il  étala  dans  fà  marche  \qs  dépouilles  d'un 
ennemi  imaginaire.  Sa  femme  Meffaline  , 
montée  fiir  un  magnifique  charriot,  l'accom- 

Ff 


ii6  C  L  A 

pagna  dans  fa  pompe  triomphale.  On  fît  le 
dénombrement  des  citoyens  Romains  ,  qui 
ie  trouva  monter  après  de  neuf  millions.  Le 
najubre  des  fénatcurs  étoit  extrêmement  di- 
minué. Les  profcriptions  avoient  éteint  les 
plus  illullrcs  familles ,  &  l'on  ne  voyoit  pref- 
■que  plus  aucun  àes  dcfcendans  de  ceux  que 
■Romuîus  &  Eiutus  avoient  créés.  Il  en  re- 
trancha un  grand  nombre  ,  dont  la  vénalité 
6c  les  mœurs' ctoient  décriées  :>  &  ce  vuide 
fut  rempli  par  des  homm.es  d'une  probité 
éprouvée.  Ce  fut  en  reconnoiflance  de  ce 
bienfait,  que  le  condil  Vipfanius  propofà  de 
lui  déférer  le  titre  de  père  de  la  patrie  :  mais 
Claudius  l'ayant  repris  de  flatterie ,  fut  affez 
rnodefte  pour  rejeter  ce  nom.  Méfiai ine  don- 
noit  au  milieu  de  Rome  le  icandalc  de  la 
prollitution  :  fans  frein  &  fans  pudeur  dans 
îjs  inipudicités ,  elle  varioit  fans  ceife  fes 
débauches  pour  empêcher  its  defirs  de  s'é- 
teindre. Elle  profita  d'un  voyage   de  fon 
mari  à  Oftiepour  fe  marier  avec  Silius,  che- 
valier Ron:iain.  Ce  mariage  effronté  s'ac- 
complit avec  la  plus  grande  pompe.  On  con- 
iiilta  \qs  arufpices  ,  on  olTrit  des  fàcrifices  , 
on  fit  \\\\  banquet  fomiptueux  ^  &  \qs  deux 
nouveaux  époux  furent  conduits  avec  céré- 
monie dans  la  couche  nuptiale.  Claudius  , 
inllruit  de  ce  fcandaie ,  fut  dans  la  nécelîité 
de  le  punir.  Meifaline  ce  put  fe  difiimuler  le 
danger  qui  la  menaçoit.  Elle  apprit  le  retour 
de  Claudius  dans  le  temps  qu'elle  céiébroitla 
fëte  des  vendanges  ,  fuivie  d'une  troupe  de 
bacchantes  couvertes  de  peaux  de  tigres  &; 
de  panthères.  Elle  paroifibit  au  milieu  de 
cette  troupe  ,  le  cothurne  aux  pies  ,  le  thirfe 
à  la  main ,   é<:  à  iiç's  côtés  Silius ,  entortillé 
de  lierre  &  bondiiîant  avec  des  ménaiies. 
Des  niifléaux  de  vin  couloient  de  tous  côtés , 
ti.  l'ivreiTe  du  vin  &  de  la  joie  étoit  générale. 
Aleflaline  voyant  fondre  fur  elle  la  tempête 
du  côté  d'Oflie ,  fe  retira  dans  les  jardins  de 
Lucullus  ,   fe  flattant  de  fléchir  ,  par  fes 
larmes  &  de  feintes  careiîès  ,   un  époux 
qu'elle  avoit  tant  de  fois  outragé.  Elle  em- 
ploya le  miniikre  de  la  plus  ancienne  des 
veftales.  Elle  lui  confia  fes  enfans ,  &  la  pria 
de  \es  conduire  à  leur  père.  Elle  traverfa 
Komie  fans  avoir  d'autre  efcorte  que  la  po- 
pulace, qui  l'accabla  de  fonm.épris.  Claudius 
refuia  de  la  voir  &;  de  rcutendre.  Il  le  ren- 
dit au  cSnip  j  où  les  foldats  demandèrent  la  , 


C  L  A 

punition  do,^  coupables. Tous  ceux  qui  étoient 
attachés  à  Mefl"aline,  furent  condamnés  à  la 
mort.  Silius  ,  fon  amant  adultère  ,  follicita 
fon  iiipplice ,  &  il  fut  exécuté  le  premier. 
Tant  de  fang  répandu  fèmbloit  avoir  fatis- 
fait  le  ftupide  Claudius  ;  Meflaline  ne  celîbit 
de  lui  écrire ,  tantôt  avec  tendrcil'e  &  tantôt 
avec   miCnace.   Narcifib ,   qui  préveiyoit  fa 
ruine,  s'il  ne  la  prévenoit ,  détermina  Clau- 
dius à  conferitir  à  fa  mort.  Il  s'avance  à  la 
tête  de  fes  fatellites  vers  les  jardins  de  Lucul- 
lus :  à  leur  vue  ,  Meflaline  effarée  fè  faifit 
d'un  poignard  pour  s'en  frapper  ^  mais  fà 
main  tremblante  fut  fans  force  j  &  pendant 
qu'elle  héfite  ,  un  tribun  lui  plongea  fon  épée 
dans  le  corps.  Sa  mère  ,  qu'elle  avoit  dédai- 
gnée dans  fa  grandeur ,  fut  à  fes  côtés  jufqu'à 
ce  qu'elle  eût  rendu  le  dernier  fbupir  ,  &  ce 
fut  elle  qui  prit  loin  de  ià  fépulture.  Claudius 
en  reçut  la  nouvelle  à  table  ,  fans  donner 
aucune  marque  de  joie  ni  de  triftefl^e.  Il  \it 
avec  la  même  indifférence ,  Ces  enfans  pleu- 
rer leur  mère,  &  fes  accufateurs  s'en  réjouir., 
Après  la  mort  de  Meifaliiie  ,  toutes  les- 
beautés  de  Rome  briguèrent  l'honneur  de  la 
remplacer  dans  fon  lit.  Ce  n'étoit  point  le 
vœu  de   l'amour ,  toutes  n'écoutoient  que 
l'ambition.  Agrippine  fut  préférée^  &  commue 
elle  étoit  nièce  de  l'empereur  ,   cette  union: 
parut  inceiLueufe.  Claudius,  fier  de  s'être  élevé 
au-deifus  des  loix ,  fe  rendit  au  fénat ,  où  ces; 
fortes  de  mariages  furent  autcrifés.  Rome  ,, 
depuis  ce  moment ,  devint  fefclave  d'une- 
femme  aufli  ambitieufe  qu'impudique  ,   qui 
fit  plier  les  hammes  &  l^Bloixibus  fès  volon- 
tés. Quelques  aéiions  de  démence  lui  conci- 
lièrent d'abord  l'îiffediion  des  Romains.  Sé~ 
neque  rappelle  de  fon  exil  pour  lui  confier 
féducation  de  Néron  ,.  fut  revêtu  de  la  pré- 
ture*.  Ellefeiervitde  fon  efjjrit  pour  applanir 
les  obfl:acle3  qui  fènibloient  éloigner  fon  fils, 
de  l'empire.  Cette  mère  , .  aveuglée  par  fà. 
tendreflè  ,  fàcrifia  ion  bonheur  à  fon  ambi- 
tion» Elle  lit  époufer  0^a\'ie  à  Néron ,  hon- 
neur qui  le  rendit  égal  en  tout  à  Britannicus.. 
Ses  delleins  furent  favcrifés  par  l'intrigue  des- 
courtifàns  ,  qui ,  complices  de  la  mort  de 
Meflaline ,  avoient  à  redouter  le  reirentim.ent 
de  fon  fils  s'il  parvenoit  à  l'empire.  Agrip- 
pine ,  deveiiue  l'arbitre  des  deliinées  publi- 
ques &  particulières ,  fit  chafler  de  Rome  Se 
de  l'Italie  celles  qiii  pouvoient  lui  diiputer  le 


C  L  A 

fceptre  de  la  beauté.  Pallas ,  favori  de  Clau- 
dius^  avoit  été  l'artifan  de  fon  mariage  avec 
Agrippine  qui  en  fît  rinftrument  de  fon  am- 
bition. Néron  adopté  p:ar  fcs  confeils ,  jouit 
dès  ce  moment  des  prérogatives  attachées  à 
l'héritier  de  l'empire.  Briîaniiicus  négligé ,  fît 
éclater  fbn  mécontentement ,  qu'on  attribua 
aux  conieils  de  lès  fèrviteurs ,  qui  tous  furent 
punis  par  l'exil  ou  la  mort.  On  leur  liibllitua 
des  e'pions  qui  rendirent  un  compte  infidèle 
des  démarches  les  plus  innocentes  de  ce  prince 
infortuné.  Le  fuccès  des  complots  d'Agrip- 
jîine  dépendoit  des  difpolîtions  de  l'armée. 
Elle  fît  donner  le  commandement  à^i^i  cohor- 
tes prétoriennes  à  Burrhus ,  capitaine  eflinié. 
qui  n'oublia  jamais  qu'elle  étoit  fa  bienfai- 
trice. Cette  femme,  enivrée  de  fà  grandeur, 
fe  faifoit  porter  fiir  un  char  jufques  dans  le 
capitule,  privilège  dont  \q%  feuls  miniftres  de5> 
dieux  avoient  joui  jufqu'alors  :  mais  c'étoit 
pour  la  première  fois  que  les  Romains  ref- 
pedoient  dans  la  même  perfbnne ,  la  mère , 
la  fœur ,  la  fille  &  la  femme  d'un  empereur. 
Il  s'éleva  des  féditions  dont  Claudius  fut  fur 
le  point  d'être  la  viâiime.  L'Italie  fut  frappée 
du  fléau  delà  flérilité.  On  imputa  à  fa  négli- 
gence \zs  maux  que  l'on  avoit  foufferts  ,  & 
ceux  dont  on  étoit  menacé.  Le  péril  qu'il 
courut  dans  les  émeutes  populaires  ,  lui  fit 
chercher  les  moyens  d'entretenir  l'abondance 
dans  la  capitale.  Il  encouragea  ,  par  des  ré- 
compenfes ,  des  négocians  à  tirer  des  grains 
des  pays  étrangers  :  il  promit  des  dédomma- 
gemens  à  ceux  qui  effuieroient  des  pertes  ou 
des  naufrages.  Il  fournit  des  vaiffeaux  &  de 
l'argent  pour  cette  entreprife.  La  loi  qui  dé- 
fendoit  de  fe  marier  après  foixante  ans  fut 
abolie  \  il  fut  permis  à  tout  âge  de  donner  des 
citoyens  à  l'état.  Il  offrit  enfuite  ,  au  champ 
de  Mars  >  le  fpeâacle  d'un  combat  naval. 
Plufieurs  arrêts  furent  lancés  contre  les  aftro- 
îogues  &  les  devins  \  mais  de  fî  fages  loix 
relièrent  fans  exécution.  Claudius  ne  pretoit 
que  ion  nom  à  tout  ce  qui  étoit  ordoiuié 
dans  Rome  &lcs  provinces.  Toute  la  réalité 
du  pouvoir  réfidoit  dans  NarcifTe  &  Pallas , 
hommes  nouveaux  qui  commandoient  aux 
defcendans  d'un  peuple  de  rois.  Narciile  , 
rebuté  par  l'impérieufe  Agrippine,  fe  repen- 
tit d'avoir  perdu  MefTaline.  Il  fe  jeta  dans 
le  parti  de  Britanuicus ,  qu'il  promit  de  fervir 
contre  Ion  co.icurrent  à  l'empire,  La  cour 


C  L  A    ^  117 

étoit  agitée  de  factions  ,  lorfque  Claudius  , 
tombé  malade, fe  fît  tranfporter  à  Sinueilë , 
où  il  fe  flattoit  que  la  pureté  des  eaux  &  de 
l'air  lui  rendroit  fcs  forces.  Agrippine  profita 
de  fbn  éloignement  de  Rome  où  elle  étoit 
environnée  de  f})e£t:iteurs  ^  elle  crut  qu'un 
lieu  fblitaire  étoit  favorable  à  l'exécution  de 
fcs  horribles  defléins.  Elle  fut  long-temps 
incertaine  fur  les  moyens  de  fe  débarrafTcrdfr 
Claudius.  Elle  craignoit  qu'en  lui  donnant  uu 
poifon  lent ,  elle  ne  lui  lailfât  le  temps  de  ré- 
fléchir d'avoir  préféré  Néron  à  fon  propre 
fils.  D'un  autre  côté ,  il  étoit  à  craindre  qu'en 
ufant  de  trop  de  précipitation  ^  elle  ne  prît 
point  allez  demefùres  pour  voiler  fon  crime* 
Enfin ,  elle  eut  recours  au  miniftere  d'une 
fameufb  empoifouneuie  ^  qui  lui  fournit  lui. 
poifon  fubtil  qu'elle  fit  fervir  à  fon  mari  dans 
un  plat  de  champignons.  Claudius  ,  dont  les' 
organes  étoient  ufés  à  force  de  débauches  ^ 
réfîfta  à  la  violence  du  poifon,  qui  ne  fit  qi.e 
le  provoquer  au  vomillement»  Agrippine  , 
tremblante ,  eut  recours  à  Xénophon ,  vdi- 
decinde  l'empereur , qui  .depuis  long-temps  , 
lui  proflituoit  le  fecours  de  fon  art.  Ce  mé-- 
decin  ,  fous  prétexte  de  faciliter  le  vomifFe- 
ment ,  lui  enfonça  dans  le  gofier  une  plume 
empoifonnée ,  dont  il  mourut,  Agrippine 
tint  pendant  quelque  temps  fa  mort  cachée 
pour  alfurer  le  trône  à  Néron.  Elle  afFecla  la 
plus  vive  douleur  pour  mieux  tromper  Bri- 
tanuicus &  izs  fœurs.  Quand  elle  eut  pris  fbs 
sûretés ,  elle  fit  ouvrir  les  portes  du  palais  ^ 
&:  Néron ,  accompagné  de  Burrhus  à  la  tête 
des  cohortes  prétoriennes ,  fut  conduit  an 
camp ,  où ,  après  avoir  fait  des  largelfes  aux 
foldats  ,  il  fut  proclamé  empereur,  Claudius 
fut  plus  méprifé  pour  fa  ftupidité  que  pour 
fes  vices  :  ce  n'ell  pas  qu'il  n'eût  un  fonds  de 
cruauté  ,  &  ce  caractère  fanguinaire  fè  ma- 
nifefloit  dans  le  plaifir  qu'il  prenoit  à  voir 
donner  la  queftion  aux  coupables.  Il  afTiftoit 
aux  fupplices  y  &  fur-tout  à  celui  des  parri-» 
cides.  Il  aimoit  à  voir  la  figure  &  le  mou- 
vement de  vifage  de  ceux  qui  expiroient ,  & 
jamais  il  ne  manquoitde  fe  trouver  àlhcure; 
de  midi  au  combat  des  gladiateurs  contre  les 
bêtes  fauvages.  Cet  empereur,  qui  fe  plaifoit 
à  voir  couler  le  fang ,  étoit  le  plus  lâche  de 
tous  les  hommes.  Il  fut  empoiibnné  à  la  £ou 
xante-quatrieme  année  de  fon  âgé  ,  &  à 
la  quatorzième  de  fon  règne.  Lep^upic.ôc 
F  f  i 


2iJ  CL  A 

le  fénat  curent  la  lâcheté  de  le  mettre  au 
nombre  des  dieux.  Cet  honneur  fut  aboli 
par  Néron  &  rétabli  par  Vefpafien.  (  T-n.  ) 
Claudius  (Flavius  ),  Hijf.  Romaine^ 
iccond  du  nom  ,  parvint  à  l'empire  après  la 
mort  de  Galiien  ,  l'an  66ç).  A  fon  avéncincut 
à  l'empire  ,  il  trou\a  toutes  les  frontières 
envahies  &  dcfolées  par  les  barbares.  Il  mar- 
cha contre  les  Sarmatcs  ,  les  Gctes,  les  Scy- 
thes &  les  Quades ,  dont  il  fit  un  horrible 
carnage  dans  différcns  combats.  Quoique 
toujours  vi£loricux,  &  qu'il  ne  dût  Tes  fuccès 
qu'à  fes  talens  pour  la  guerre ,  il  s'acquit  en- 
core plus  de  gloire  par  la  fageiFe  de  ion  ad- 
ininiltration ,  qui  rendit  à  la  république  fa 
tranquillité  &  fon  éclat.  Le  fcnat,  par  re- 
connoiifance  ,  lui  confacra  une  ftatuc  d'or 
dans  le  capitole.  On  prétend  qu'il  étoitfiisde 
l'empereur  Gordien  ,  dont  il  avoit  le  carac- 
tère doux  &  bienfaifant  :  Galiien ,  par  amour 
pour  la  république  ,  l'avoit  défigné  fon  fuc- 
ccifeur  en  mourant  j  il  lui  avoit  même  en- 
voyé tous  les  ornemens  de  la  dignité  impé- 
riale :  le  peuple ,  le  fénat  &  l'armée  ne  con- 
tefterent  point  cette  nomination,  &  tous fè 
félicitereut  dans  la  fuite  d'obéir  à  un  empe- 
reur qui  ne  s'occupoit  que  du  foin  de  perpé- 
tuer la  félicité  publique.  Il  ne  gouverna  que 
deux  ans.  C/ûz/i/'^j,'fentantfa  fin  approcher, 
voulut  encore  être  le  bienfaiteur  de  la  pofté- 
rité  en  recommandant  Aurélien  au  fénat  &  à 
l'armée.  Cette  recommandation  lui  valut 
l'empire,  &  l'on  refpeâia  les  volontés  de 
Claudius  jufques  dans  fon  tombeau.  Il  lailfa 
lin  frère  nommé  Quintillus  Aurdius ,  que  le 
fénat  proclam.a  Céiar  Augufte  ,  mais  ce  fut 
un  fantôme  palFager  fur  le  trône.  Auréliea  , 
à  la  tête  des  légions,  marcha  vers  Rome 
pour  y  faire  valoir  fes  droits.  Quintillus  fe 
icntant  trop  foible  pour  lui  rêfifter ,  s'ouvrit 
les  veines  ,  &  mourut  dix-ièpt  jours  après 
qu'il  eut  été  déclaré  Céfar.  Claudius  fit  re- 
naître \<à%  beaux  jours  de  Trajan  ,  dont  il  eut 
Ja  modération  &c  l'équité.  Une  femme  per- 
fuadée  de  fa  dreiture  ,  l'aborda  ,  en  lui  di- 
fant  :  Prince  ,  un  officier ,  nommé  Claude , 
s'eft  approprié  mon  champ  fous  le  règne  de 
Galiien.  Je  n'ai  que  ce  bien  pour  fiibfiHer  \ 
puifque  vous  êtes  empereur  ,  ufez  de  votre 
autorité  pour  me  le  faire  reftituer.  Claude  re- 
connut qu'il  étoit  l'officier  dont  cette  femme 
parloit  5  il  lui  répondit  avec  boute  :  Votre 


CL  A 

bien  voua  fera  rendu  \  il  eft  jufte  que  Claude 
empereur  reftitue  ce  que  Claude  particulier  a 
ufurpé.  (  T-iv.  ) 

Claudius  Pulcher  ne  doit  fa  célébrité 
qu'à  Ïq.^  défaites  &  à  fon  mépris  pour  la  re- 
ligion dominante.  C'étoit  un  de  ces  hommes 
qui ,  foulant  aux  pies  l'abfurdc  idolâtrie  , 
n'avoient  pas  affez  de  lumière  pour  rendre 
gloire  au  fcul  Dieu  vivant  &  véritable.  Il 
perdit  une  bataille  navale  en  Sicile  contre  les 
Carthaginois.  Il  voulut  avoir  {:à  revanche 
avec  Afdrubal ,  qu'il  fe  fiattoit  de  furprendre 
à  l'embouchure  du  port  de  Trepani.  Les 
aruipices  ,  dit-on ,  voulurent  le  détcurner  de 
cette  entreprife,  en  lui  repréfentant  que  les 
préfàges  éîoient  finiflres.  Il  les  tourna  en  ri- 
dicule, £;iperfi{tadans  faréfoiution.  Comme 
il  Iqrtoit  de  P».ome  ,  le  chef  des  arufpices  fè 
préfenta  fur  fbn  pafTage ,  &  lui  montra  la 
cage  où  les  poulets facrés  étoicnt renfermés^ 
Se  comme  on  lui  fit  connoître  qu'ils  ne  vou- 
loient  pas  manger,  ce  qui  étoit  un  mauvais 
préfage  ,  il  les  prit  Se  les  jeta  dans  le  Tibre 
en  difiint  :  Puifqu'ils  ne  veulent  pas  manger 
il  faut  les  faire  boire.  Les  prêtres  fcandalifés , 
vomirent  des  imprécations  contre  lui.  Leurs 
prédirions  furent  accomplies.  Sa  flotte  fut 
engloutie  fous  les  eaux.  Le  peuple  faperili- 
tieux  attribua  ce  défordre  à  fon  mépris  pour 
la  religion.  Le  fénat ,  pour  fatisfaire  la  mul- 
titude &  l'ordre  des  prêtres  ,  dégrada  Clau^ 
dius  de  toutes  {^s  dignités.  Il  fut  condamné  à 
une  amande,  &  forcé  de  nommer  lui-même 
un  diâ:ateur.  Claudius^  qui  méprifoit  autant 
fes  concitoyens  que  les  dieux  ,  nomma  \\\\ 
certain  Glaucia^  cipcce  d'imbécille  qui  étoit 
l'objet  des  dérifions  publiques.  Ce  choix  re- 
doubla l'horreur  que  les  Romains  avoient 
pour  lui.  Claudius  fe  confola  dans  la  retraite 
&  les  plaifirs  de  fa  dégradation  &.  de  fon  in- 
famie. Il  étoit  riche  ,  il  ne  manqua  point 
d'amis,  ou  plutôt  de  complices.  (  T-^.  ) 

Claudius  (Publius)  eut  l'orgueil  &: 
les  vices  de  fes  ancêtres  fans  avoir  aucune  de 
leurs  vertus.  Son  courage  audacieux  le  m.it  à 
la  tête  de  tous  les  tumultes  populaires  qui 
préparoientla  ruine  de  la  république.  Amant 
de  toutes  les  femmes ,  il  n'airaoit  à  les  fubju- 
guer  que  pour  infulter  à  leur  foiblelTe.  Pom- 
peia  ,  femme  de  Céfar  ,  alluma  fa  paffion. 
Il  s'introduifit  fecrétement  chez  elle  déguifé 
en  joueufc  d'iiiHrumeat.  Ayaat  été  décou- 


C  L  A 

vert ,  il  fut  falfi  &  cité  au  tribunal  des  loix 
pour  être  ]ugé  &  puni.  Cicéron  ,  qui  fut  ion 
accufateur,  lança  contre  lui  tous  les  foudres 
de  fon  éloquence  ^  mais  les  juges  retenus  par 
le  crédit  de  fa  famille,  &  peut-être  corrom- 
pus par  iès  larg:elîês ,  le  renvoyèrent  abfous. 
S'étant  fait  élire  tribun  par  fà  fad:ion ,  il 
îibufa  du  crédit  de  fa  place  pour  condamner 
Cicéron  à  l'exil.  11  réduilit  en  cendres  la 
maiibn  &  les  métairies  de  cet  orateur.  Il 
mit  à  l'encan  tous  fes  biens ,  mais  il  ne  fe 
trouva  perfonne  pour  les  acheter.  C/audius, 
flétri  par  la  débauche ,  fut  tué  par  iMilon  , 
dont  l'orateur  Romain  prit  la  défenlc.  La 
harangue  qu'il  pronojiça  eft  un  chef-d'œuvre 
ce  l'éloquence  oi.  du  raifonnement  ^  mais 
elle  n'empêcha  point  que  Milon  ne  fût  exilé 
à  IVlarfeille.  Le  nom  de  ce  Claudius  ne  feroit 
jam^ais  fbrti  de  l'oubli,  il  l'éloquence  de  Ci- 
céron n'eût  immortalifé  i^s  vices.  (  T-^n.  ) 

Claudius  (  Appius  ) ,  décemivir  ,  s'e 
rendu  honteufemiCnt  célèbre  par  fa  pafîion 
pour  Virginie,  jeune  Romaine  ,  contre  la- 
quelle il  exerça  toutes  foi  tes  de  violences. 
Cette  innocente  victime  de  la  brutalité  fit 
avertir  fon  père  des  attentats  faits  à  fa  pudi- 
cité.  Ce  vertueux  vieillard ,  chef  de  cohorte , 
quitte  fur  le  champ  l'armée ,  £i  fuivi  de  qua- 
tre cents  hommes  qui  partageoient  fon  ou- 
trage ,  il  fè  rend  à  Rome  pour  arracher  fa 
£lle  des  bras  de  fon  corrupteur.  Il  obtient  la 
permillion  de  la  voir  ;,  ils  s'embralfent  &  con- 
fondent leurs  larmes.  Il  lui  miontre  enfuite 
un  couteau  ,  Se  lui  dit  :  Ma  chère  Virginie , 
voilà  ce  qui  me  relte  pour  venger  ton  hon- 
neur &  le  mien.  II  lui  enfonce  à  l'inftant  le 
couteau  dans  le  fèin.  Il  fè  dérobe  à  la  fureur 
de  la  multitude  ,  remplie  d'horreur  &:  d'ad- 
miration. Virginius  rejoint  l'armée  ,  qu'il 
trouve  difpofee  à  le  venger  de  fon  ravillèur. 
Elle  s'approche  de  Rome  ,  &  campe  fur  le 
mont  Aventin.  Le  peuple  fbulevé  fc  joint  à 
l'armée.  Claudius  efl  traîné  ignominieufc- 
ment  dans  un  cachot ,  où  il  prévint  la  honte 
de  fbn  fupplice  en  fè  donnant  la  mort.  Ce 
crime  fît  abolir  les  décemvirs  ,  qui  avoicnt 
tyrannifé  Rome  fous  le  titre  de  protecteurs 
de  la  liberté  publique.  (  T-n.  ) 

CLAVEAU,  f.  m.  (  Archnccl.)  efl  une 
des  pierres  en  forme  de  coin  ,  qui  fervent  à 
fermer  une  plate-bande.  Lat-cuneu 

Claveau  à  crojfçtu  j  efl  celui  dont  la  tête 


CLA  225 

retourne  avec  des  afîîfès  de  niveau  pour 
faire  iiaifbn. 

ilts  claveaux  font  ordinairement  ornés  de 
fculpture  ^  je  dis  ordinairement ,  car  il  arrive 
fouv  eut  qu'on  en  fait  un  trop  fréquent  ufage. 
Ces  orneniens  ne  devroient  être  employés 
que  dans  le  cas  où  l'ordonnance  femible  l'exi- 
ger ,  comme  dans  les  façades  des  bâtimens 
de  quelque  importance ,  où  l'architeûure  & 
la  fculpture  annonçant  la  magnificence  ,  il 
paroîtroit  à  craindre  que  les  claveaux àts  ar- 
cades ou  croifées  étant  lifîès  ne  fulfent  un 
défaut  de  convenance  :  mais  d'en  admettre 
jufquc  dans  les  maifons  à  loyer ,  dcitinées 
au  commerce  &  au  logement  àcs  artifans  , 
c'eft  prodiguer  ce  qui  doit  fcul  diltinguerlcs 
maiibns  àQS  grands  d'avec  la  demeure  des 
particuliers. 

Le  dcftut  de  convenance  n'ell  pas  le  fèul 
que  l'en  puifîè  reprocher  dans  le  cas  dont  il 
s'agit  aux  décorateurs  de  nos  jours  ^  le  ridi- 
cule de  donner  à  ces  claveaux  àQS  formes 
pittoreiques  &de  travers ,  efl  bien  pluscon- 
dairiiiable.  ^oye^  ce  que  nous  en  avons  dit 
en  parlant  des  agrajfes.  (P^ 

Claveau  ,  (  Art  vétérin,  )  maladie  âiCs 
brebis  &  des  moutons  '^  eu  latin  clavola  j 
fém.  pufula  ,  fém.  Colum,  Elle  fe  fait  con- 
noître  dans  fon  commencement  par  de 
petites  élevûres  ou  taclies  rouges  qui  fe 
voient  aux  endroits  où  la  laine  garnit  le 
moins  la  peau  :  ces  taches  ou  élevûres  fe 
changent  eniùite  en  boutons  ^  l'animal  touf- 
fe ,  &;  porte  la  tête  bafîè  ^  fon  nez  devient 
morveux  &  galeux  \  enfin  il  meurt  au  bout 
d'un  petit  nombre  de  jours.  Si  pour  lors  on 
le\'e  la  peau  ,  on  la  trouve  toute  remplie  de 
pullules ,  &  communément  les  poumons  & 
\qs  reins  plus  gros  &  plus  enflés  qu'ils  n'é- 
toient  naturellement.  Cette  maladie  fi  fré- 
quente &  fi  contagieufè  parmi  les  brebis  & 
les  moutons ,  a  beaucoup  de  rapport  à  la 
petite  vérole  qui  règne  parmi  les  hommes  : 
auiîi  a-t-elle  de  tout  temps  fait  des  ravages 
prodigieux  dans  les  troupeaux  \  &  c'eil  peut- 
être  de  là  qu'elle  tire  fon  nom.  L'étymolo- 
gie  importe  fort  peu,  mais  ce  fèroit  une  dé- 
couverte à^%  plus  utiles  que  de  trouver  un 
remède  à  ce  mal ,  ou  du  moins  une  méthode 
de  le  traiter  qui  diminuât  la  mortalité  du 
bétail  qu'il  attaque.  Article  de  M.  le  c/u'va" 
lier  D s  Jaucqvut, 


ijo  C  L  A 

CLAVECIN  ,  f.  m.  (  Luth.)  iiiftrument 
de  mélodie  &  d'harmonie  ,  dont  on  fait 
parler  les  cordes  en  preflant  les  touches  d'un 
clavier  femblable  à  celui  de  l'orgue.  Il  eft  , 
comme  Ton  fait  ,  compofé  d'une  cailfe  de 
bois  de  lîx  pies  &demi  de  long,  fur  laquelle 
font  tendues  des  cordes  de  métal.  Les  cor- 
des du  delîiis  font  de  Hl  de  fer  très-fin  ,  & 
celles  des  balTes  qui  font  plus  greffes ,  font 
de  fil  de  laiton.  Il  y  a  fur  le  devant  du  cla- 
vecin un  clavier  qui  a  autant  de  touches  que 
l'inftrument  a  de  cordes.  Quand  on  appli- 
que le  doigt  fur  l'extrémité  antérieure  d'une 
de  ces  touchés ,  fon  extrémité  poftérieure 
s'élève  &  fait  élever  dans  la  même  propor- 
tion une  lame  de  bois  nommiée  fautereau  , 
qui  eft  armée  d'une  petite  pointe  de  plume 
de  corbeau.  Ce  petit  morceau  de  plume 
reacontre  la  corde ,  il  la  frappe  &  lui  fait 
rendre  un  fon  comme  (î  elle  étoit  pincée 
avec  l'ongle. 

Les  caiffes -qui  forment  le  corps  des  cla- 
vecins peuvent  être  faites  de  toutes  fortes 
deboisindiftinôement^  mais  la  table  d'har- 
monie ,  qui  eft  celle  fur  laquelle  les  cordes 
font  tendues ,  eft  toujours  conftruite  du  fa- 
pin  le  plus  uni  &  le  plus  vieux  qu'on  puilfe 
trouver.  Les  fadteurs  de  clavecins  font  venir 
de  la  Lorraine  ou  de  la  Suiffe  le  fapin  qu'ils 
emploient  pour  la  conflruftion  de  ces  ta- 
bles ,  d'où  dépend  principalement  la  bonté 
d'un  clavecin.  Pour  les  écliffes  ,  c'eft-à-dire 
les  contours  de  la  caifle  du  clavecin  ,  ils  fe 
fervent  de  planches  minces  de  tilleul,  de 
chêne  ,  même  quelquefois  de  noyer  '^  mais 
ce  dernier  bois  n'eft  plus  en  ufage  depuis 
qu'on  ven.iit  le  dehors   à^i  clavecins  avec 
autant  de  propreté  ,  de  richeffe  &  de  goût 
qu'on  le  fait  à  Paris.  La  carcaflé  du  dedans , 
qui  foutient  tout  le  corps  du  clavecin ,  eft 
de  bois  de  fapin  ou  de  tilleul  :  les  deux  che- 
valets du  diapafon  ,  ainfi  que  les  autres  qui 
font  près  des  chevilles ,  font  ordinairement  de 
bois  de  chêne  •.,  avec  la  différence  que  celui  de 
foâave  eft  beaucoup  plus  bas ,  &  beaucoup 
plus  près  des  chevilles  que  l'autre,  hefom- 
mier  ,  qui  eft  l'endroit  où  les  chevilles  font 
adaptées ,  eft  d'un  bois  dur  ,   comme ,  par 
exemple  ,  du  chêne ,  de  l'orme  ou  du  fy- 
comore ,  &  il  eft  très-folidement  affermi  par 
les  deux  côtés  pour  pouvoir  foutenir  la  tente 
des  cordes ,  qui  dans  un  clavecin  à  grand 


CL  A 

ravalement  &  à  trois  regiftres  contenant 
cent  quatre  vingt-trois  cordes  tendues  avec 
toute  la  force  requife  ,  équivaut  à  un  poids 
de  dix-huit  cents  livres. 

Le  bois  intérieur  des  daviers  eft  de  tilleul 
le  plus  uni;,  les  placages  qui  font  collés  artif- 
tenient  fur  les  touches  du  clavier ,  font  d'é- 
benc  pour  les  touches  du  genre  diatonique  , 
&  d'une  petite  palette  d'os  de  bœuf  pour 
celles  du  genre  chromatique.  On  faifoit  au- 
trefois d'ivoire  ces  palettes  j  mais  comme  elles 
étoient  fujettes  à  jaunir  au  bout  d'un  certain 
temps  ,  on  a  mieux  aimé  employer  l'os  de 
bœuf  qui  refte  toujours  blanc.  Les  regijfres^ 
ainii  que  les  guides  intérieurs  qui  y  ont  rap- 
port ,  font  de  bois  de  tilleul ,  &  les  regiftres 
font  garnis  de  peau  pour  empêcher  le  cli- 
quetis des  fautereaux  qui  font  faits  de  poirier 
le  plus  liffe  &  le  plus  uni.  h.dibarre  quiregle 
l'élévation  des  fautereaux ,  &  par  conféquent 
l'enfoncement  des  claviers ,  eiè  une  planche 
étroite  ,  très-maffive  de  bois  de  tilleul  ou 
d'orme  :  elle  eft  garnie  en  deffous  de  deux 
ou  trois  bandes  de  drap  qui  empêchent  d'en- 
tendre le  choc  des  fautereaux  contre  la  barre: 
elle  eft  affermie  par  les  deux  bouts  avec  àQi 
crochets ,  de  fort  fil  d'archal. 

Le  fàvoir  d'un  bon  fafteur  de  clavecins 
confifte  à  donner  à  fon  inftrument  un  fon 
mâle ,  fort  argentin  ,  moelleux ,  &  égal  dans 
tous  les  tons.  La  plus  grande  partie  de  ces 
bonnes  qualités  dépend  de  la  bonté  de  la 
table  ,  de  la  jufteffe  du  chevalet  du  diapafon , 
&  du  ménagement  d'un  contrechevalet  in- 
térieur qui  eft  collé  contre  la  table  de  l'har- 
monie, entre  les  deux  chevalets  du  diapafon, 
&  qu'on  appelle  boudin  en  termes  de  l'art. 
Ce  boudui ,  ainfi  que  les  barres  de  traverfe 
placées  du  côté  des  balles  du  clavecin  ,  entre 
l'écliffe  terminante  ou  la  planche  droite  qui 
eft  du  côté  des  baffes  fur  le  derrière  du  cla- 
vecin ,  &le  diapafon  ou  chevalet  de  l'oâave, 
contribuent  beaucoup  à  la  belle  qualité  du 
fon  lorfque  ces  pièces  font  ménagées  félon 
les  vrais  principes  de  l'art. 

L'aifance  du  clavier  &  l'égalité  de  la  force 
à  l'égard  de  chaque  touche  ,  eft  auili  un  des 
points  qu'un  fadleur  de  clavecins  doit  nécef- 
fairement  obferver ,  en  donnant  le  juftc  con- 
trepoids relatif  à  la  force  du  doigt  qui  anime 
le  clavier  ,  &  en  évitant  que  le  clavier  n'en- 
fonce pas  trop ,  ce  qui  le  rend  incommode 


C  L  A 

a  jcuer  ,  ni  trop  peu  ,  ce  qui  le  rend  coriace 
&  diminue  le  volume  du  fbn. 

Les  meilleurs  clavecins  qu'on  ait  eus  juf- 
qu'ici  pour  le  beau  fon  de  l'harmonie  ,  font 
ceux  des  trois  Ruckers  (Hans,  Jean  &  An- 
dré )  ainfi  que  ceux  de  Jean  Couchet ,  qui , 
tous  établis  à  Anvers  dans  le  lîecle  pafié ,  ont 
fait  une  immenfe  quantité  de  clavecins  , 
dont  il  y  a  à  Paris  un  très-grand  nombre 
d'originaux  ,  &  reconnus  pour  tels  par  de 
vrais  connoifleurs.  Il  s'eft  trouvé  de  notre 
temps  des  faâ:eurs  qui  ont  copié  &  contre- 
fait les  clavecins  des  Ruckers  à  s'y  mépren- 
dre pour  l'extérieur ,  mais  la  qualité  du  (on 
a  toujours  découvert  la  fupercherie.  Cepen- 
dant ces  incomparables  clavecins  d^s  trois 
Ruckers  &  de  Couchet ,  tels  qu'ils  font  fortis 
des  mains  de  ces  maîtres ,  deviennent  ab- 
iblument  inutiles  aujourd'hui  ^  car  ces  grands 
artiftes  ,  qui  ont  entendu  fupérieurement 
bien  la  partie  de  l'harmonie  ,  ont  très-mal 
réuflî  dans  la  partie  du  clavier.  Outre  cela 
tous  ces  clavecins  Flamands  font  fi  petits  que 
les  pièces  ou  fonates  qu'on  fait  aujourd'hui 
ne  peuvent  point  y  être  exécutées  :  c'eft  pour- 
quoi on  les  met  à  grand  ravalement  ^  en  leur 
donnant  foixante  6c  une  touches  au  lieu  de 
cinquante  qu'ils avoient  autrefois.  D'ailleurs , 
au  lieu  de  cent  cordes  (  car  la  plupart  de  ces 
clavecins  dQS  Ruckers  n'ont  été  faits  qu'à 
deux  cordes  par  touche  )  on  les  charge  de 
cent  quatre-vingt-trois  cordes ,  en  y  ajoutant 
lui  grand  unilîbn ,  moyennant  lequel  l'har- 
monie devient  encore  plus  mâle  &  plus  ma- 
jeftueufe. 

C'eft  dans  cet  art  d'agrandir  les  clavecins 
des  Ruckers  ,  que  feu  Blanchet  a  réuffi  in- 
comparablement bien.  Il  faut  pour  cet  effet 
les  couper  du  côté  des  delîùs  &  du  côté  des 
balles^  enfuite  élargir  ,  &  même  allonger 
tout  le  corps  du  clavecin  ^  enfin  ajouter  du 
fapin  vieux  ,  fonore  ,  &  le  plus  égal  qu'on 
puiile  trouver  ,  à  la  table  de  l'harmonie  , 
pour  lui  donner  fà  nouvelle  largeur  &  lon- 
gueur. Le  grand  fommier  fe  fait  tout  à  neuf 
dam  ces  fortes  de  clavecins ,  qui  ,  tout  bien 
confîdéré ,  ne  conièrvent  de  leur  premier  être 
que  la  table  &  environ  deux  pies  &  demi 
de  leurs  vieilles  écliiîes  du  côté  droit.  Les 
parties  acceffoires ,  comme  claviers,  fawte- 
reaux  ,  regiftres ,  fe  font  à  pré fent  avec  beau- 
coup plus  de  jufteiié  &  de  précifîon  que  les 


CL  A  23, 

maîtres  Flamands  ne  les  ont  faites  dai-is  'e 
iiecle  paffé.  Un  clavecin  des  Ruckers  eu  de 
Couchet ,  artiftement  coupé  &  élargi ,  avc'C 
des  fautereaux  ,  regiftres  &  claviers  de 
Blanchet ,  devient  aujourd'hui  un  inftrumicnt 
très-précieux. 

Le  prix  ordinaire  des  clavecins  ornés  d'un 
fimple  vernis  propre ,  fortant  des  mains  du 
faéteur  ,  &  fait  par  un  artifie  de  Paris ,  va 
aujourd'hui  à  cinq  ou  ftx  cents  livres  :  les 
meilleurs  fe  paient  fept  cents  livres ,  mais  ce 
n'eft  que  lorlque  l'harmonie  eft  fi  moelleuie 
qu'elle  approche  de  la  bonté  de  celle  des  cla- 
vecins Flamands  dont  nous  venons  de  parler. 

Les  faveurs  de  clavecins  empîument  &: 
accordent  ces  inftrum.ens  dans  les  maifons  , 
&  ce  n'eft  pas  le  point  le  moins  intérefiant 
de  leur  art ,  lorfqu'ils  veulent  donner  un  em- 
plumage  léger,  tranchant, -& par-tout  égal. 
Pour  l'accord  ,  il  faut  qu'ils  faft~ent  ce  qu'on 
appelle  h  partition  ;  elle  confifte  à  accorder 
de  quinte  en  quinte  ,  en  partant  de  la  note 
qu'on  a  mife  au  ton  ,  jufqu'à  ce  qu'il  y  ait 
une  oé^ave  entière  avec  fès  demi  tons  qui  foit 
d'accord  ^  il  eft  facile  d'accorder  enfuite  tout 
le  refte  du  clavecin  lur  cette  oclavc.  Mais 
cette  partition  a  fa  diiïiculté  ,  ik  ne  peut 
être  bien  faite  que  par  un  homme  qui  en  a 
l'habitude.  Cette  difficulté  vient  de  ce  que 
dans  le  clavecin  ,  &  en  général  dans  tous 
les  inftrumens  à  clavier  ,  on  ne  doit  point 
accorder  les  quintes  juftes  ,  parce  qu'alors, 
comme  c'eft  une  même  note  qui  fèrt  de 
quinte  à  un  ton  &  de  tierce  à  un  autre  ,  fi 
les  quintes  étoient  juftes  les  tierces  ne  le  ie- 
roient  pas  ,*  &  tout  le  clavecin  feroit  faux. 
On  eft  obligé ,  pour  éviter  cet  inconvénient , 
d'affoiblir  un  peu  toutes  ou  preique  toutes 
les  quintes ,  de  manière  cependant  qu'elles 
foient  fupportables  à  l'oreille  ;  on  diminue 
par  ce  moyen  le  faux  des  tierces  autant  qu'il 
eft  poffible  ,  fur-tout  dans  les  tons  naturels  : 
c'eft-là  ce  qu'on  appelle  le  tempérament.  Il 
faut  une  application  particulière  &  une  oreille 
très-fine  pour  bien  accorder  un  clavecin  , 
enforte  qu'il  paroifté  jufte  dans  tous  les  tons, 
quoique  réellement  il  ne  le  foit  jamais. 

Les  faveurs  de  clavecins  font  aufii  des 
épinettes  qui  font  des  demi-clavecins  à  une 
corde  par  chaque  touche  \  ou  bien  des. épi- 
nettes  en  oftave  de  c/ûrt'c//?5,  qui  ne  font 
d'aucun  ufage  pour  une  muiique  réglée. 


ijî 


C  L  A 


Les  monocordes ,  appelles  auiiî  clancordes , 
méritent  plus  de  conlldération.  Ils  font  fort 
agréables  quand  ou  les  joue  tout  iêuls  )  leur 
fbn  eft  extrêmement  doux  ,  vu  que  ce  n'eft 
pas  le  pincement  d'une  plume  ,  comme  un 
clavecin  ,  qui  fait  frémir  la  corde ,  mais  une 
petite  lame  de  laiton  fichée  dans  la  partie 
poftérieure  du  clavier ,  qui  ,  en  élevant  la 
corde  ,  le  fait  fbnner.  On  peut  exécuter  fur 
cet  inftrument  toutes  les  pièces  de  clavecin  ; 
il  fert  aufîî  très- bien  pour  l'accompag-nement 
d'une  voix,  flûte  ou  violon.  C'eft  dommage 
que  ces  fortes  d'inftrumens  ne  foient  pas 
connus  en  France.  On  en  fait  d'excellens 
dans  la  haute  Allemagne  ,  ainlî  que  des  cla- 
vecins à  deux  claviers ,  for-tout  dans  les  vil- 
les de  Drefdc ,  Berlin ,  Dantzick  &  Ham- 
bourg. Dans  ces  mêmes  villes  on  fait  aufîî 
des  clavecins  en  obélifque  ow  pyramide  :  leurs 
cordes  étant  placées  perpendiculairement  au 
delTus  du  clavier ,  ils  tiennent  moins  de  place 
dans  les  appartemens ,  &  font  un  meuble 
aiTez  agréable  \  mais  pour  les  concerts  ,  ils 
deviennent  inutiles ,  à  caufe  de  la  difficulté 
de  les  placer  avantagenfcment  avec  tout  l'or- 
cheftre. 

Depuis  un  certain  temps  on  fait  venir  à 
Paris  des  clavecins  a  marteau^  appellés^or/r- 
piano^  travaillés  très-artiftement  à  Strasbourg 
par  le  fameux  Silbermann.  Ces  clavecins, 
dont  l'extérieur  eft  tout  en  bois  de  noyer  le 
plus  propre  &  le  plus  luifant ,  font  faits  en 
forte  que  chaque  clavier  fait  lever  une  efpece 
de  marteau  de  carton  enduit  de  peau  ,  qui 
frappe  contre  deux  cordes  unilTonnes ,  ou 
contre  une  feule  fi  l'on  veut.  Ils  ont  cet  avan- 
tage ,  que  l'appui  du  doigt,  plus  fort  ou  plus 
foible ,  détermine  la  force  ou  la  foibleife  du 
fon.  Ils  font  fort  agréables  à  entendre ,  fur- 
tout  dans  des  morceaux  d'une  harmonie 
pathétique ,  &  ménagés  avec  goût  par  celui 
qui  l'exécute  ^  mais  ils  font  plus  pénibles  à 
jouer  ,  à  caufe  de  la  pefanteur  du  mar- 
teau ,  qui  fatigue  les  doigts ,  &  qui  même 
rend  la  main  lourde  avec  le  temps. 

Clavecin  a  roue  ,  {Luth.  )  j'appelle 
ainfi  un  clavecin ,  dont  probablement  l'in- 
venteur a  tiré  l'idée  de  la  vielle. 

Comme  le  clavecin  ordinaire  n'a  ni  tenue  , 
m  piano  ,  m  forte  ,  ou  du  moins,  point  de 
différens  degrés  de  piano  &  de  forte  ,  plu- 
iîeurs  perfonnçs  ont  cherché  à  remédier  à 


C  LA 

î  CCS  défauts.  Ces  recherches  ont  mené  utî 
bourgeois  de  Nuremberg  ,  nommé  Jean 
Huyden  ,  qui  vivoit  au  commencement  du 
dix-feptieme  fiecle ,  à  l'invention  de  l'inftru- 
ment  fuivant  :  cependant  Galilée  &:  d'autres 
auteurs  prétendent  que  cette  invention  eft 
plus  ancienne. 

Le  clavecin  à  roue  eft  ,  quant  au  corps  , 
exaâ:ement  fomblable  au  clavecin  ordinaire  ; 
mais  au  lieu  de  fautereaux  il  a  cinq  ou  fix 
roues  d'acier  ,  fur  chacune  desquelles  eft 
collée  une  bande  de  parchemin  bien  unie  ; 
on  frotte  ce  parchemin  de  colophane  comme 
les  archets ,  ou  ,  ce  qui  vaut  inieux ,  avec 
de  l'huile  d'afpic  ,  où  l'on  a  fait  diflbudre  de 
la  colophane  :  ces  roues  d'acier  font  mifes  en 
mouvement  par  une  grande  roue  qui  eft 
dans  le  corps  de  l'inftrument  &  par  quel- 
ques cylindres.  Le  muficien  fait  aller  lui- 
même  la  grande  roue  avec  le  pié  ,  comme 
celle  du  rouet ,  ou  bien  un  homme  la  fait 
aller  avec  la  main. 

Les  cordes  font  toutes  d'acitr  ,  celles  qui 
donnent  les  fons  les  plus  graves  font  envi- 
ronnées de  parchemin,  en  forte  que  les  plus 
grofles  font  à-peu-près  comme  les  cordes 
d'une  contre-bafle.  Les  cordes  qui  donnent 
les  fons  aigus ,  ne  font  point  garnies  de  par- 
chemin. 

Toutes  ces  cordes  font  tendues  commc^ 
dans  un  clavecin  ordinaire  ,  mais  chacune 
palfe  de  plus  dans  un  petit  anneau  qui  tient 
à  la  touche  correfpondante  ,  enforte  que 
quand  on  baiflé  cette  touche  ,  la  corde  vient 
frotter  la  roue  ,  &  produit  un  fon  fembla- 
ble  à  celui  du  violon  ou  plutôt  de  la  vielle  ; 
il  eft  clair  que  tant  qu'on  tient  la  touche 
baiflëe ,  la  corde  frotte  &  le  ton  a  de  la  te- 
nue ;,  il  eft  encore  également  clair  qu'en  ap- 
puyant plus  ou  moins  fort ,  on  peut  produire 
le  piëno  ,  le  forte  &  le  crefcendo. 

J'ai  vu  un  inftrument  de  ce  genre  à  Ber- 
lin ^  celui  qui  l'avoit  conftruit ,  avoit  fubfti- 
tué  des  cordes  de  boyaux  ,  aux  cordes  d'a- 
cier ,  &  une  efpece  d'archet  aux  roues  cou- 
vertes de  parchemin  :  cet  archet  étoit  une 
large  bande  formée  par  un  alfemblage  de 
nombre  de  crins  de  cheval  ,  noués  à  un 
bout  \  cette  bande  de  crins  qui  formoit  un 
anneau ,  paflbit  fur  deux  cylindres  ,  enforte 
que  quand  ces  derniers  tournoient  ,1a  bande 
de  crins  marchoit  continuellement  comme 


CL  A 

un  archet  ,  mais  toujours  dans  le  même 
feus  ^  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  ingénieux  , 
c  etoit  la  manière  dont  le  facteur  de  cet  ini- 
.  trument  avoit  évité  le  choc  que  dévoient  natu- 
rellement produire  les  nœuds  des  crins  en 
paiFant  fur  les  co /des  ]  car  il  avoit  arrangé 
ces  nœuds  cuiorte  qu'ils  faifoient  une  ligne 
oblique  &  par  coniéquent  ne  paflbient  que 
fucceilivement  fur  les  cordes ,  de  manière 
que  quand  un  de  ces^nœuds  paifoit  fous  les 
cordes  ,  le  mauvais  effet  qu'il  auroit  pu  pro- 
duire étoit  étouffé  par  le  fon  que  produi- 
foieut  tous  les  autres  crins  entiers. 

A  une  des  extrémités  de  l'archet ,  étoit  un 
petit  fachet  de  moufl'eline  ou  de  quelque  au- 
tre tilfu  clair ,  plein  de  colophane ,  qui  frot- 
toit  continuellement  les  crins. 

Cet  inftrument ,  aufTi  bien  que  tous  ceux 
de  cette  efpece ,  produit  un  fon  rude  &  dur  , 
comme  quand  on  racle  du  violon  ^  il  feroit 
cependant  à  fouhaiter  que  quelqu'un  pût  lui 
ôter  ce  défaut.  (  F.  D.  C.  ) 

Clavecin  brisé, (Z://-;^.)  clavecinqul  (è 
démonte  ôc  remonte  fort  aifément ,  en  forte 
qu'on  peut  le  porter  en  voyage.  (  F.  D.  C.  ) 

Clavecin  vertical  ,  {Luth.)  en  Italien 
cembato  verticale  ,  en  Latin  clavici  therium  , 
efpece  de  clavecin  que  quelques-uns  appel- 
lent xv.-A-bi-T^xO'^os pantalon.  V,  Pan TALON, 
(Luth.)  Le  clavecin  vertical  n'eft  autre  chofc 
qu'un  clavecin  dont  le  corps  un  peu  plus 
étroit  que  celui  d'un  clavecin  ordinaire  ,  cft 
vertical  au  lieu  d'être  horizontal  ,  &  prend 
par  confcquent  beaucoup  moins  de  place. 
Comme  ici  les  fauteraux  ne  font  pas  verti- 
caux ,  &  ne  peuvent  pas  retomber  d'eux- 
mêmes  ,  ils  font  repoulîés  par  lui  fil  élafti- 
que.  (  F.  D.  C.) 

*  Clavecin  oculaire.  (Mu/lq.  &Opt.) 
inftrument  à  touches  analogue  au  clavecin 
auriculaire  ,  coinpofé  d'autant  d'ochives  de 
couleurs  par  tons  &  demi-tons ,  que  le  cla- 
vecin auriculaire  a  d'o£taves  de  fous  par  tons 
&  demi-tons ,  deitiné  à  donner  à  l'amc  par 
les  yeux  les  mêmes  fènfations  agréables  de 
mélodie  8c  d'harmonie  de  couleurs  ,  que 
celles  de  mélodie  &  d'harmonie  de  fons  que 
Je  clavecin  ordinaire  lui  communique  par 
l'oreille. 

Que  faut-il  pour  faire  un  clavecin  ordi- 
jiaire  ?  des  cordes  diapafonnées  félon  un  cer- 
tain fvftême  de  mullque  ,  &  le  moyen  de 
Tome  FUI, 


C  L  A  i}3 

faire  raifbnner  ces  cordes.  Que  faudra  t-d 
pour  lui  clavecin  oculaire  ?  des  couleurs  dia- 
pafonnées félon  le  mêm.c  fyftême  que  les 
fons ,  &  le  moyen  de  les  produire  aux  yeux; 
mais  l'un  eft  auflî  polfible  que  l'autre. 

Aux  cinq  toniques  de  fous  ,  ut ,  // ,  mi  , 
fol ,  la ,  correlpondront  les  cinq  toniques  de 
couleurs ,  bleu  ,  verd ,  jaune  ,  rouge  ,  6c 
violet  ^  aux  fept  diatoniques  de  fons  ^  ut  y 
ré  ^  mi  ^  fa^  fol ,  la  ,  // ,  ut  ^  les  fept  dia- 
toniques de  couleurs ,  bleu  ,  verd  ,  jaune  , 
aurore  ,  rouge  ,  violet ,  turquin ,  bleu-clair  ; 
aux  douze  chromatiques  ou  femi-diatoni- 
ques  de  fons,  ut^ut^y^  ;  ré ,  r/,  M^^  miy 
fa, fa,  )^,fol,fol,:^,la,la,y^,fy 
ut  ;  les  douze  chromatiques  ou  femi-diato- 
niques  de  couleurs  ,  bleu  ,  céladon ,  verd  ^ 
oli\'e  ,  jaune  ,  aurore  ,  orangé  ,  rouge  , 
cramoifi  ,  violet ,  agate  ,  turquin  ,  bleu  , 
&c.  D'où  l'on  voit  naître  en  couleurs  tout  ce 
que  nous  avons  en  fons  ^  modes  majeur  6c 
mineur ,  genres  diatonique ,  chromatique  , 
enharmonique  ,  enchaînemens  de  modula- 
tions ;  confonnances  ,  dilfonances  ^  mélo- 
die ,  harmonie  ',  enforte  que  fi  l'on  prend 
un  bon  rudiment  de  muiîque  auriculaire  , 
tel  que  celui  de  M.  d'Alembert ,  &  qu'on 
fubftitue  par-tout  le  mot  couleur  au  motfony 
on  aura  àcs  élemens  complets  de  mufique 
oculaire ,  clss  chants  colorés  à  plufîeurs  par- 
ties ,  une  balTe  fondamentale  ,  une  balîe 
continue  ,  des  chiffres  ,  des  accords  de  toute 
efpece  ,  même  par  fuppofîtion  &  par  fufpen- 
fion  ,  une  loi  de  liaifon ,  des  renverfemcns 
d'harmonie,  &c. 

Les  règles  de  la  mufique  auriculaire  ont 
toutes  pour  fondement  la  production  natu- 
relle &  primitive  de  l'accord  parfait  par  un 
corps  fonore  quelconque  :  foit  ce  corps  ut  : 
il  donne  les  fons  ut  ,fol ,  m/,  auxquels  cor- 
refpondront  le  bleu  ,  le  rouge  ,  le  jaune  9 
que  plufieurs  artiftes  &  phyficiens  regardent 
comme  trois  couleurs  primitives.  La  mufique 
oculaire  a  donc  dans  £es  principes  un  fonde- 
ment analogue  à  la  mufique  auriculaire.  F". 
Couleur. 

Qu'eft-ce  que  jouer?  C'eft  ,  pour  le  cla- 
vecin ordinaire  ,  fonner  &  fe  taire  ,  ou  pa- 
roître  ^  difparoître  à  l'oreille.  Que  fèra-cç 
que  jouer  pour  le  clavecin  oculaire  ?  fe  mon- 
trer &  fc  tenir  caché  ,  ou  paroître  &  difpa- 
roître à  l'œil  5  &  comme  la  mufique  auricu-, 

Gg 


134  C  L  A 

laire  a  vin^  ou  trente  façons  de  produire  les 
fous  ,  par  des  cordes,  des  tuyaux,  des  voix  , 
des  violons  ,  des  huiles  ,  des  lyres ,  des  gui- 
tares ,  des  clavecins ,  des  épinettes ,  des  haut- 
bois ,  des  flûtes ,  des  fifres  ,  des  flageolets , 
des  baflbns  ,  des  ferpens  ,  des  trompettes  , 
des  orgues  ,  &c.  la  mufique  oculaire  aura 
autant  de  façons  correi|X)ndantes  de  pro- 
duire les  couleurs,  des  boîtes ,  des  éventails , 
des  foleils ,  des  étoile* ,  des  tableaux ,  des 
lumières  naturelles  ,  artificielles ,  ùc»  Voilà 
la  pratique. 

Les  objections  qu'on  a  faites  contre  la  mu- 
fique &  l'inftrument  oculaires  fe  préfcntent 
fi  naturellement ,  qu'il  eft  inutile  de  les  rap- 
porter :  nous  ofons  feulement  affurer  qu  elles 
Ibnt  fi  parfaitement  ,  finon  détruites ,  au 
inoins  balancées  par  les  réponfes  tirées  de 
la  coinparaifon  des  deux  mufiques ,  qu'il  n'y 
a  plus  que  l'expérience  qui  puilfe  décider  la 
queftion. 

La  feule  différence  importante  entre  les^ 
deuK  clavecins  qui  nous  ait  frappée ,  c'eft  que 
quoiqu'il  y  ait  fur  le  clavecin  ordinaire  \m 
grand  intervalle  entre  fa  première  &  fa  der- 
nière touche  ,  l'oreille  n'apperçoit  point  de 
difcontinuité  entre  les  fons  ^  ils  font  liés  pour 
elle  comme  fi  les  touches  étoient  toutes  voi- 
fines ,  au  lieu  que  les  couleurs  feront  diftantes 
&  disjointes  à  la  vue.  Pour  remédier  à  cet 
inconvénient  dans  la  mélodie  &  Tharmonie 
■oculaires  ,  il  faudroit  trouver  quelque  expé- 
dient qui  liât  \t^  couleurs ,  &  les  rendîtcon- 
tinues  pour  l'œil  ;,  finon  ,  dans  les  airs  d'un 
mouvement  extrêmement  vif  ,  l'œil  ne  fâ- 
chant quel  intervalle  de  couleurs  on  va  faire , 
ignorera ,  après  avoir  vu  un  ton ,  oii  il  doit  fe 
porter  pour  apperccvoir  le  ton  fuivant ,  &  ne 
làifira  dans  une  batterie  de  couleurs  que 
quelques  notes  éparfes  de  tout  un  air  coloré , 
ou  fè  tourmentera  fi  fortpour  les  faifir  toutes, 
qu'il  en  aura  bientôt  la  berlue  \  &  adieu  la 
mélodie  &  l'harmonie.  On  pourroit  encore 
ajouter  que  quand  on  les  faifiroit ,  il  ne  fèroit 
pas  poffible  que  Ton  retînt  jamais  ,  &  qu'on 
eût  la  mémoire  d'un  air  de  couleurs  ,  comme 
on  a  celle  d'un  air  de  fbns. 

Il  fèmble  que  les  couleurs  d'un  davtcin 
oculaire  devroient  être  placées  fur  une  feuk 
iande  étroite  ,  verticale  &  parallèle,  à  la 
-hauteur  du  corps  du  muficien  5  au  lieu  que 
4es  cordes  d'un  clavecin  auriculaire  font  pia- 


C  L  A 

cées  dans  un  plan  horizontal  &  parallèle  à  I^ 
largeur  du  corj)s  cki  mulicien  auriculaire. 

Au  reile  ,  je  ne  prétends  point  donner 
à  cette  objedion  plus  de  valeur  qu'elle  n'eu  a  : 
pour  la  rélbudre ,  il  ne  faut  que  la  plus  petite 
partie  de  la  fagacité  que  l'invention  du  cla- 
vecin oculaire  fiippofè. 

On  ne  peut  imaginer  une  pareille  machine 
fans  être  très-vcrfé  en  mufique  &  en  optique^ 
on  ne  peut  l'exécutef  avec  fuccès  fans  être 
un  rare  machinifte. 

Le  célèbre  P.  Caftcl  jéfuite  en  efi:  l'inven- 
teur ^  il  l'annonça  en  172-5.  La  faéture  de 
cet  inilrument  eft  fi  extraordinaire  ,  qu'il 
n'y  a  que  le  public  peu  éclairé  qui  puiflè  fe 
plaindre  qu'il  fe  fafle  toujours  &  qu'il  ne 
s'achève  point. 

*  CLAVETTE  ,  f.  f .  (  Arts  méck.  )  c'eft 
communémient  un  morceau  de  fer  plat ,  plus 
large  par  un  bout  que  par  l'autre  ,  en  forme 
de  coin ,  que  l'on  infère  dans  l'ouverture  d'ua 
boulon  en  cheville  de  fer  pour  le  fixer.  Il 
arrive  quelquefois  à  la  clavette  d'être  fendue 
en  dens.  par  fbn  bout  étroit  ^  alors  on  écarte 
ces  deux  parties  dont  la  divergence  empêche 
la  clavette  de  fbrtir  de  l'ouverture  du  boulon  : 
quelquefois  ce  coin  plat  étant  fait  d'un  mor- 
ceau de  fer  mince  ,  replié  en  double  fur  lui- 
même  ,  le  bout  étroit  n'a  pas  befbin  d'être 
fendu  jxjur  arrêter  la  clavette  ;  il  fuffit  d'é- 
carter par  le  petit  bout  les  deux  lames  de  fer , 
qui  appliquées  l'une  fur  l'autre  forment  le 
corps  môme  de  la  clavette.  Les  clavettes Cont. 
employées  dans  une  infinité  d'occafions.  Les 
tourneurs  en  fer  donnent  ce  nom  ,  &  aux 
coins  de  fer  qui  fervent  à  ferrer  les  poupées 
&  les  fùpports  fur  les  jumelles  du  tour  ,  8c 
aux  chevilles  de  fer  qui  fixent  les  canons 
fiir  la  verge  quarréc  de  l'arbre  du  tour  en 
ovale  ,  &  aux  chevilles  en  bois  ou  aux  fiches 
de  fer  qu'ils  placent  de  diftance  en  diftance 
fur  la  barre  d'appui.  V.  ToUR. 

CLAVICORDE.  Foyei  Clavecin. 

CLAVICULE  ,  f.  f.  terme d'anatamie,  eu  le 

nom  de  deux  os  fîtués  à  la  bafe  du  cou  &  au 

haut  de  la  poitrine.  F",  les  planches  d'Anat» 

{OJléol.)v.auJfiles  articles  Cou,THORAX,(S'r, 

Elles  font  un  peu  courbées  à  chaque  bout , 
mais  en  fcns  oppofés  ,  cnfbrte  qu'elles  ref^ 
fèmblent  à-peu-près  à  uoc  S  qui  fèroit  cou- 
chée. Ou  les  a  appellées  clavicules ,  parce 
iqu'Uk^  ^iit  coiianie  \ç.%  c)é$  du  thorax. 


C  L  A 

"Leur  fubflaiice  interne  eft  fyongleuCe  ,  ce 
qui  fait  qu'elles  caffent  aifément.  Elles  fe 
joignent  d'un  bout  par  fyncliondrofe  à  l'a- 

Ïjophyfe  acromion  de  l'omoplate  ,  &  de 
autre  par  arthrodie  à  un  linus  (ituc  à  droite 
&:  à  gauche  de  la  partie  fupérieure  du  fier- 
nu  m. 

Leur  ufàge  eft  de  tenir  les  omoplates 
fixes  &  arrêtées  dans  le  même  endroit,  & 
d'empêcher  qu'elles  ne  glilTeiit  trop  en  de- 
vant vers  la  poitrine. 

On  a  remarqué  depuis  long-temps  que 
dans  les  hommes  les  clavicules  font  commu- 
ném.ent  plus  courbées  que  dans  les  femmes  , 
c'eft  pourquoi  ils  ont  le  mouvement  des  bras 
plus  libre  :,  les  femmes  au  contraire  en  qui 
ces  os  font  plus  droits  ,  ont  la  gorg*»  plus 
belle  ,  plus  élevée  ,  &  moins  remplie  de 
foiTes. 

Toutes  fortes  d'animaux  n'ont  pas  des 
'Clavicules  ,  il  n'y  a  que  ceux  qui  le  fervent 
de  leurs  pies  de  devant  comme  nous  faifons 
de  nos  mains  ,  qui  en  aient  :  tels  font  les 
iînges ,  \i^^  rats  ,  les  écureuils  ,  &  autres. 

L'ui^ge  des  clavicules  eft  d'affermir  les 
«omoplates  dans  leur  fituation  naturelle  ,  & 
par  conféquent  de  tenir  les  bras  écartés  :  elles 
-empêchent  donc  que  les  omoplates  ne  tom- 
bent trop  en  devant  avec  les  bras  ;  de-là 
vient  que  la  poitrine  eft  plus  large  dans 
l'homnie  que  dans  les  autres  animaux. 

Comme  les  clavicules  ne  font  recouvertes 
'que  de  fîmples  tégum.cns  , -elles  font  fort 
fiijettes  à  fe  fradlurer  par  la  violente  impref- 
fîondescaufes  extérieures  ^  &  après  la  réduc- 
tion faite  ,  il  eft  très-difficile  que  les  pièces 
de  l'os  réduit  demeurent  dans  la  fituation 
où  on  a  les  mifes ,  le  moindre  mouvem.ent 
du  bras  étant  capable  de  les  déranger  :  il 
refte  toujours  à  l'endroit  de  la  frafture  un 
calus  phis  ou  moins  diftbrme ,  malgré  toutes 
\qs  machines  qu'ont  pu  inventer  les  plus  habi- 
leschirurgicns  pour  tenir  ces  os  fradturés  dans 
un  parfait  repos  après  leurréduôion.  Quand 
donc  cette  fraéture  arrive  à  des  femmes  cii- 
rieufès  de  la  beauté  de  leur  gorge  ,  cette  ré- 
duéiion  n'eft  preique  jamais  trop  honorable 
au  chinirgien  :  auffine  négîige-t-il  guère  alor^ 
d'avertir  de  la  difformité  qui  peut  en  réfulter  , 
avant  que  d'entreprendre  de  la  remettre. 

Les  clavicules  font  encore  expofées  aux 
luxations ,  mais  raremeiit  j  à  caufe  de  ia  force 


C  LA  235 

de  leurs  ligamcns  :  la  cure  fera  d'autant  plus 
difficile  ,  qu'on  différera  la  réduction  ^  car 
les  luxations  des  clavicules  font  prefque  tou- 
jours incurables ,  quand  elles  font  une  foiî 
invétérées  ^  la  réuftlte  dépend  des  bandages , 
qu'il  faut  appliquer  avec  tout  le  foin  pofîi- 
h\Q  ,  après  avoir  réuni  les  parties  difloquées 
dans  leur  fituation  naturelle.  Galien  s'efl  une 
fois  démis  la  clavicule  en  luttant,  &  les  deux 
os  fè  réunirent  par  un  bandage  qu'il  porta 
pendant  quarante  jours.  (  M.  h  Chevalier  de 

J AU  COURT.  ) 

§  Clavicule  ,  (  Chirurgie.  )  Ifouveau 
moyen  de  favorifer  la  curatioà  des  maladies 
de  la  clavicule.^  torfqu  elles  font  compliquées 
defradure  ou  de  luxation.  L'anatomie  nous 
apprend  que  trois  mufcles  très-forts  s'atta- 
chent en  partie  à  la. clavi.cu le,  fàvoir ,  le  del- 
toïde ,  le  grand  pedèoral ,  &  le  fterno-maf- 
toïdien  :  que  leurs  allions  fuivent  toujours 
une  direfticn  contraire  lorfque  la  clavicule 
eft  caffée  ,  ou  défarticulée ,  parce  qu  elle  ne 
peut  plus  leur  ièrvir  de  point  d'appui. 

Ces  mufcles  donc  fè  rapproclient  dô  leur 
infertion  en  déterminant  l'épaule  en  avant , 
pendant  que  le  malade  d'un  autre  côté  a 
beaucoup  de  difficulté  à  relever  le  bras.  Cela 
pofe  ,  ii  fiiit  que  ce  dérangement  occafîone 
pour  l'ordinaire  le  gonflement  avec  la  com- 
preffion  de  la  trachéc-artere  ,  de  la  jugu- 
laire ,  de  la  fous-claviere  &  de  la  plus  grande 
partie  de  la  huitième  paire  des  nerfs  j  d'où 
la  difficulté  de  refpirer ,  la  rougeur  des  yeux  y 
les  étourdifTemens ,  l'anxiété  ,  avec  dépra- 
vation de  l'adlion  du  brss  &  de  Tépaule,  &c. 

Les  parties  étant  ainfî  léfées  ,  il  n'efî  pas 
douteux  qu'on  doit  chercher  à  y  remédier  le 
plutôt  poffible  ,  en  les  remettant  dans  leur 
fituation  ordinaire;  Aais  cojnme  cette  partie 
eft  très-expofée  à  être  cafTée  ou  luxée ,  il  efl 
confiant  que  ces  maladies  peuvent  être  com- 
pliquées de  quelque  accident  ^cheux. 

Aujourd'hui  la  difficulté  n'eft  pas  de  ré- 
duire la  clavicule  ;  tous  les  moyens  employés 
jufqu'à  préfent  font  confacrés  dans  les  trai- 
tés àcs  maladies  des  os,  &  rempliffent  par- 
faitement leurs  vues  ;  le  point  le  plus  era- 
barraffant  dans  la  curation  de  ces  maladies  ^ 
eft  de  maintenir  les  parti  2s  réduites  dans  leur 
fituation  naturelle  pour  en  obtenir  le  plu? 
convenablement  la  réunion. 

Il  m'a  paru  toujours  très-difficile  de  rem* 


^y^  C  L  A 

plir  cet  objet ,  lorfqiie  fbr-tout  la  luxation  ou 
la  fracture  eft  compliquée  de  plaie  d'arme 
à  feu ,  ou  de  toute  autre  nature  qui  exige  des 
panfëmens  fréqueiis.  Dans  ces  cas  l'on  juge 
bien  que  la  guérifon  qui  en  réfulte  eft  tou- 
jours imparfaite  ,  parce  que  Ton  efl  malheu- 
reufement  forcé ,  faute  de  moyen  pour  con- 
traindre \zs  parties ,  fur-tout  à  farmée  ,  d'a- 
bandonner la  gucrifon  au  foin  de  la  nature , 
en  recominandant  au  malade  d'évafer  les 
épaules  le  plus  en  arrière  qu'il  peut  pour  n'ê- 
tre pas  eftropié  :  l'on  {ç.nt  parfaitement  que 
la  guérifon  du  malade  ne  fauroit  vaincre  à 
chaque  inftant  la  réfiftance  des  mulcles  & 
la  difpofition  où  ils  font  continuellement  de 
porter  l'épaule  en  avant. 

C'cfl  pour  éviter  de  pareils  inconvéniens , 
cfue  j'ai  fimplifié  leur  traitement  en  fubfti- 
tuant  un  moyen  plus  sûr  que  ceux  qui  font 
décrits  par  Xts  auteurs  ,  &.  en  même  temps 
plus  facile  à  exécuter  par-tout  &  en  quelque 
lieti  que  l'on  puiiîë  être ,  qui  enfin  a  l'avan- 
tagé de  contenir  les  parties  toujours  en  fitua- 
tion  ,  en  lailfant  en  mê:ne  temps  la  liberté 
des  panfèmens  imiifpenfàbles  dans  le  cas  de 
plaie  ,  de  tumeur ,  ou  d'abcès. 

Pour  réduire  la  clavicule ,  ou  la  remettre 
lorfqu'elle  eft  frafturée,  l'on  fe  munit  de 
deux  bourlets  d'un  pouce  de  diamètre  ,  faits 
d'une  peau  mince  quelconque  ,  ou  à  fou  dé- 
faut de  bazin  ou  de  toile  ,  rempli  de  crin  , 
de  laine  ,  ou  de  quelque  autre  matière.  Le 
tour  de  ces  bourlets  excédera  la  rondeur  des 
épaules ,  d'environ  une  ligne  feulement  dans 
toute  leur  circonférence ,  parce  qu'ils  s'aifaif- 
lènt. 

Les  choies  ainfi  prcjjarées  ,  on  les  palîè 
dans  chaque  bras  pour  les  fixer  environ  iur 
l'extrémité  des  clavicule  &  autour  de  l'arti- 
culation des  épaules  \  alors  l'on  paffe  une 
courroie  garnie  d'une  boucle ,  pardelibus 
les  bourlets  ,  vis-à-vis  le  derrière  àz^  épau- 
les j  pour  léi  rapprocher  pendant  le  temps 
que  l'aide-chirurgien  évaie  leurs  extrémités 
pour  faire  la  rédu£l:ion  des  parties  MUds,! 
L'on  doit  concevoir  maintenant  que  c'eft 
par  le  moyen  de  fon  aélion  qu'on  ferre  en 
raifon  de  l'efî^ece  de  la  luxation  ou  de  la 
fra£èure  que  l'on  a  à  réduire. 

Il  eft  évident  que  par  cette  méthode ,  l'on 
contraint  les  parties  de  manière  qu'on  n'a 
plus  rien  à  appréhender ,  ulpoiu:  le  déplace- 


C  L  A 

ment ,  ni  pour  la  fituation  très-pénible  du 
malade  pendant  toute  la  guérifon.  Par  cette 
méthode  aufll,  l'on  peut  ferrer  en  raifon  que 
les  bourlets  s'afl'aiifent  afin  de  tenir  les  parties 
dans  le  même  état  qu'on  le  defire  \  lorfque 
les  bourlets  font  des  im.prefîîons  à  la  peau  juP 
qu'à  déterminer  des  écorchures ,  l'on  y  re- 
médie faciÎCTnent  en  glilTant  une  ou  plu- 
fieurs  petites  compreffes  de  l'épailTeur  de 
trois  ou  quatre  lignes  fous  le  bourlet ,  &  à 
côté  de  l'endroit  écorché.  Par  cet  expédient , 
l'on  a  l'avantage  de  foulager  la  peau  du  ma- 
lade &  de  panier  avec  facilité  \q^  endroits 
écorchés  avec  quelque  petite  pommade 
adoucilfante  ,  ou  defîicative  ,  puifqu'il  ré- 
fulte de  cette  manœuvre  qu'on  n'eft  pas  forcé 
de  difcoutinuer  le  traitement ,  comme  dans 
les  autres  méthodes  ,  lorfque  les  bandes 
écorcheut  &  coupent  les  parties  de  la  peau 
fur  lefquelles  elles  pofent. 

Ces  chofes  étant  ainfi  diipofées ,  un  aide 
applique  fon  geuou  contre  le  dos  du  malade 
entre  les  épaules  qu'il  prend  avec  les  mains 
pour  les  évalèr  en  dehors ,  tandis  qu'avec  le 
genou ,  il  pouffe  le  corps  en  avant ,  d'où  ré- 
fulte l'extciifion  &  la  contre-extenfion  ,  que 
l'on  fait  plus  ou  moins  forte ,  fuivant  l'inten- 
tion de  fopérateur  avant  de  remettre  les 
pièces  rompues  &  détachées  dans  leur  finia- 
lien  reii^ective.  L'on  lent  parfaitement  que 
les  chofes  étant  ainfi  aflùjetties ,  il  n'eft  plus 
queftion  que  d'appliquer  les  topiques  conve- 
nables avec  un  appareil  très-léger  &:  le  plus 
fimplc  pofTible  ,  fans  aucunement  déranger 
les  parties  luxées  ou  fradhjrées. 

Par  cette  méthode  ,  i°.  L'on  n'aura  plus 
befoiu  de  bandage'  roulé  ni  d'appareil  com- 
pliqué. 2°.  On  n'aura. plus  à  crahidj-e  le  che- 
vauchement des  bouts  de  l'os ,  parce  qi;e  les 
parties  font  toujours  en  extenfion  égale.  3^. 
L'on  verra  chaque  jour  les  progrès  des  pan- 
femens ,  &  les  bandages  ne  feront  plus  fu- 
jcts  à  fc  relâcher  j  ou  les  comprcifes  à  glifler, 
4^.  S'il  y  a  des  opérations  à  pratiquer  ,  on 
les  fera  avec  toute  l'aifance  poffible  ,  &  la 
chaleur  &  les  démaugeaifons ,  qui  fcntprel- 
que  infoutenables  pendant  le  traitement ,  fe- 
ront calmées  facilement  par  les  moyens 
connus  pour  les  com.battre. 

De  plus  ,  en  fuppolànt  qu'on  n'eut  point 
fous  la  main  la  matière  propre  à  faire  les 
bourlets ,  comme  après  une  affaire ,  ou  uii© 


C  L  A 

retraite  ,  à. l'armée  ,  l'on  fè  fert  de  quelque 
corps  que  ce  foit  en  attendant  qu'on  puillè 
mieux  faire  ;  le  grand  point  q£^  de  ne  pas  per- 
dre de  Vue  tévafwn  des  épaules  6'  le  moyen  de 
les  retenir  ainfi  que  nous  f avons  expligué. 
Par  exemple ,  daus  un  cas  prelTant ,  l'on  a 
deux  mouchoirs  pour  faire  des  bourlets  ,  & 
des  jarretières  pour  ferrer  en  g-uife  de  cour- 
roie ^  ou  bien  Ton  coupe  la  chemife  du  ma- 
lade pour  en  former  les  trois  pièces  nécelTai- 
res  ,  afin  de  pouvoir  commodément  tranf- 
porter  ,  ou  faire  marcher  fon  blcffé  fans 
courir  aucun  danger.  Il  eft  certain  que  c'efl: 
par  cette  manœuvre  que  j'ai  maintenu  des 
parties  extrêmemient  maltraitées  ,  8c  que  je 
fiiis  parvenu  à  guérir  des  malades  plus  sûre- 
ment que  par  les  autres  méthodes.  (  Cet  arti- 
cle ejl  de  M.  Chabrol  ,  chirurgien  -  major 
du  corps  du  génie  ,  ajfocié  correfpondant  du 
collège  royal  de  chirurgie  de  Nancy ,  détaché 
a  t école  royale  du  corps  du  génie  a  Me^ieres.) 
CLAVIER  ,  f.  m.  (  Luth,  )  c'eft  la  partie 
d'une  orgue  fur  laquelle  l'organifte  pofant  fès 
doia;-ts  ouvre  les  foupGpes ,  qui  étant  ouvertes 
laiiFent  aller  le  vent  aux  tuyaux.  C'ell  cet 
ufage  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  clavier  y_ 
comme  étant  compofé  de  toutes  les  clés  qui 
ouvrent  le  paflage  au  vent  qui  fait  parier  les 
tuyaux.  Foyei  Clavecin  &  Orgue. 

Le  clavier  fe  prend  aufll  pour  la  portée 
générale  ou  fomme  de*s  ions  de  tout  le  fyi- 
tême  qui  réfulte  de  la  polîtion  relative  des 
trois  clés.  Cette  pofition  donne  une  étendue 
de  douze  lignes  &  par  conféquent  de  vingt- 
quatre  degrés  ou  de  trois  octaves  &  une 
quarte  :  tout  ce  qui  excède  en  haut  ou  en 
bas  cet  efpace  ,  ne  peut  fe  noter  qu'à  l'aide 
de  pîufieurs  lignes  poftiches  ou  accidentelles 
ajoutées  aux  cinq  qui  compofènt  la  portée 
d'une  clé.  Voye^  planche  i  de  mufique  j 
figure  5  ,  l'étendue  générale  du  clavier, 
■  Les  notes  ou  touches  diatoniques  du  cla- 
vier ,  leiqueîîes  font  toujours  conftantes  , 
s'expriment  par  des  lettres  de  l'alphabet,  à 
la  différence  des  notes  de  la  gamme ,  qui 
étant  mobiles  &  relatives  à  la  modulation  , 
portent  des  noms  qui  expriment  ces  rapports. 
Voye:{^  GamME  ^  SoLFIER. 
.  Chaque  oftave  du  clavier  contient  treize 
fons  ,  îept  diatoniques  &  fix  chromatiques 
repréfentés  fiir  le  clavier  inilrumental  par 
autant  de  touches.  Autrefois  ces  treize  tou- 


C   L   A  137 

ches  rcpondoicnt  à  quinze  cordes  \  favoir 
une  de  plus  entre  le  ré  diefè  &  le  mi  naturel  5 
l'autre  entre  \Q.fol  diefe  &  le/2z,  &  ces  deux 
cordes  qui  formoient  àt%  intervalles  enhar- 
moniques ,  &  qu'on  faifoit  fonr.er  à  volonté 
au  moyen  de  -deux  touches  brifccs  ,  furent 
regardées  alors  comme  la  pcrfeétion  du 
fyftéme  :  mais  en  vertu  de  nos  régies  de  \\\q~ 
dulation  ,  ces  deux  ont  été  retranchées 
parce  qu'il  auroit  fallu  en  mettre  par-tout. 
Kojf^  Clé,  Portée. 

Clavier,  en  terme  d'épinglier  ^  n'eft 
autre  chofe  qu'un  morceau  de  fîî-de-fer  ou 
de  laiton  plié  de  manière  qu'un  brin  fornie 
une  efpece  d'anneau  vers  le  milieu  qui  lui 
fert  d'attache.  On  n'emploie  point  d'autre 
outil  pour  le  faire  que  àts  bequettes.  Voye:^ 
BeQUETTES  d'épinglier, 

CLAUSE  ,  f.  f.  C  Jurifprud.  )  eft  une  par- 
tie d'un  contrat  ,  d'un  tellament  ou  de  quel- 
que autre  aâe  ,  foit  public  ou  privé  ,  quicour 
tient  quelque  diipofition  particulière.  Ce 
terme  vient  du  latin  claudere.  Ainfi  les  claufes. 
d'un  aéte  font  les  conventions,  dilpofiticns  ; 
ou  conditions  renfermées  dans  cet  aâie  :  'i\ 
^peut  renfermer  plus  ou  moins  de  claufes  y 
Htiivant  que  la  matière  y  eft  difpofée  ,  &:  ce 
que  les  parties  ont  jugé  à  propos  de  mettre 
dans  l'acle.  Il  n'y  a  régulièrement  dans  un 
acic  que  ce  que  l'on  y  met  ^  cependant  il  y 
a  certaines  claufes  qui  font  tellement  de 
l'ellcnce  des  aéles,  qu'on  les  regarde  comme 
de  iiyle  ,  &  qu'elles  font  toujours  fous-en- 
tendues: comme  Fhypotheque  des  biens  xlans 
les  ades  paffés  devant  notaires  ,  qui  eft  de 
droit ,  quoiqu'on  ait  omis  de  la  ftipuler.  Il  y 
a  quelques  autres  claufes  qui  font  pour  ainii 
dire  de  ftyle  ,  parce  qu'on  a  coutume  de  les 
ftipuler ,  mais  qui  néanmoins  ne  font  pas  de 
droit ,  telles  que  le  préciput  dans  l^pbontrats 
de  mariage  ,  lequel  n'eft  pas  dû  fans  une 
convention  expreffe.  Une  claufe  obfcure 
s'explique  par  celles  qui  précèdent  ou  par 
celles  qui  fiiivent ,  félon  le  rapport  qu'elles 
ont  entr'eiles  ^  &  dans  le  doute  elle  s'inter- 
prète contre  celui  qui  a  parlé  d'une  manière 
obfcure  ,  parce  que  c'éîoit  à  iiii  d'expliquer 
plus  clairement. 

Dans  les  bulles  &  fignatures  de  cour  de 
Rome  ,  il  y  a  différentes  claufes  ufitées ,  que 
l'on  diftingne  chacune  par  quelques  termes 
particuliers  qui  les  caradérifcDt ,  tels  que  la 


13?  C  L  A 

claiîfcf2/ot7'jr  modo.  On  peut  voir  le  détail  & 
l'explication  de  ces  claufes  dans  îc  traité  de 
tuGige  &  pratique  de  la  cour  de  Rcme  ,  de 
Pcrard  Caitel. 

Clause  codidllaire  ,  eft  une  clcufe  appo- 
féc  dans  un  teftament ,  par  laquelle  le  tefta- 
teur  déclare  que  ii  fon  teftament  ne  peut  va- 
loir comme  teftament,  il  entend  qu'il  vaille 
comme  codicille. 

L'origine  de  cette  claufe  vient  de  ce  que 
dans  les  pays  de  droit  écrit ,  les  teftamens 
exigent  beaucoup  plus  de  formalités  que  les 
codicilles  ;,  c'eft  pourquoi  elle  n'eft  d'ufage 
que  dans  les  pays  de  droit  écrit ,  &  non  dans 
les  pays  coutumiers,  où  l'on  dit  communé- 
ment que  les  teftamens  ne  font  que  des  co- 
dicilles ,  parce  qu'ils  ne  demandent  pas  plus 
de  formalités  qu'un  fimpîe  codicille. 

On  fuppléoiî  quelquefois  cette  claufe  chez 
les  Romains ,  lorfque  l'intention  du  teftateur 
paroilToit  être  que  fa  volonté  fût  exécutée 
de  quelque  manière  que  ce  pût  être  j  mais 
parmi  nous  on  ne  fupplée  point  cette  claufe. 

La  claufe  codidllaire  ne  peut  produire  Ion 
effet  que  le  teftament  ne  foit  au  moins  revêtu 
des  formalités  requifcs  dans  les  codicilles. 

L'inftitution  d'héritier  portée  au  tefta- 
ment ,  étant  répudiée  ou  devenue  caduque 
par  prédécès  de  l'héritier  inftitué  ,  l'héritier 
ab  inteffat  eft  tenu  ,  en  vertu  de  la  claufe  codi- 
dllaire ,  de  payer  les  legs. 

Cette  claufe  opère  aufii  que  l'inftitution 
d'héritier  '&  toutes  les  autres  difpofttions  qui 
font  conçues  en  termes  direâis  &  impératifs, 
font  confîdérées  comme  des  fidéicommis  , 
de  forte  que  l'héritier  ab  intejîat  eft  tenu  de 
rendre  l'hérédité  à  l'héritier  inftitué  par  le 
teftament  ;,  mais  aufîî  il  a  droit  de  reteuir  la 
quarte  ^bellianiquc. 

Comme  la  claufe  codidllaire  n'a  pour  ob- 
jet que  de  ftippléer  les  formalités  omifes  dans 
le  teftament ,  elle  ne  peut  valider  un  tefta- 
ment qui  eft  nul ,  par  quelque  autre  caufè, 
comme  pour  fuggcftion. 

Il  eft  parlé  de  la  claufe  codidllaire  dans 
plwfieurs  titres  du  code  ,  &  dans  phifieurs 
auteurs  ,  entr'autres  Dolive ,  Ricard ,  Cam- 
bolas,  Henr)'s. 

La  nouvelle  ordonnance  des  teflamens ,  art. 
57  ,  porte  que  fi  l'héritier  inftitué  par  un  tef- 
tament qui  contient  la  claufe  codidllaire ,  n'a 
prétendu  faire  valoir  la  dili^ofition  du  tefta- 


C  L  A 

tCur  que  comme  codicille  feulement ,  ou  ^iX 
n'a  agi  qu'en  confcquence  de  ladite  claufe , 
il  ne  fera  plus  reçu  à  foutenir  ladite  ^ifpofi- 
tion  en  qualité  de  teftament  \  m.ais  que  s'il  » 
agi  d'abord  en  vertu  du  tcftam.ent ,  il  pourra 
iè  iervir  enft:ite  de  la  claufe  codidllaire. 

Clause  de  confHtut  &  précaire ,  voyf^ 
CONSTITUT  &  l^RÉCAIRE. 

Clause  dérogatoire  ,  eft  celle  qui  déroge 
à  quelque  afte  précédent.  Ce  terme  étdit 
ufitc  principalement  en  matière  de  teftamens, 
où  les  claufes  dérogatoires  étoient  certaines 
fentenccs  ou  autres  phrafes  auxquelles  on 
devoit  reconnoîtrc  le  véritable  teftament.  Par 
exemple  ,  le  teftateur  difoit  :  «  je  veux  que 
»  mon  teftament  fbit  exécuté ,  fans  qu'il 
»  puifle  être  révoqué  par  tout  autre  que  je 
w  pourrois  faire  dans  la  fuite,  à  moins  qu'il 
»  ne  contieiuie  la  claufe  fuivante ,  mon  Dieu  : 
«  aye:^pitiéde  moi  ».  Il  eft  parlé  de  ces  clau- 
fes dérogatoires  dansplufieurs  loixdudigefte, 
&  dans  divers  auteurs  j  mais  toutes  les  quef- 
tions  qui  y  fout  traitées  deviennent  préfente- 
ment  inutiles  parmi  nous ,  au  moyeu  de  \art, 
j6  de  Cordonnance  des  teflamens ,  qui  abrogé 
totalement  l'ufage  des  claufes  dérogatoires 
dans  tous  lç.s  teftamens ,  codicilles  ,  ou  dii^ 
pofitions  à  caufe  de  mort. 

.  Clause  irritante  ,  eft  celle  qui  annulle 
tout  ce  qui  fèroit  fait  au  préjudice  d'une  loi 
ou  d'une  convention  ,  comme  lorfqu'il  eft 
dît  a  peine  de  nullité. 

Quand  la  loi  eft  conçue  en  termes  prohi- 
bitifs négatifs  ,  il  n'eft  pas  befoin  de  claufe 
irritante  pour  annuller  ce  qui  eft  fait  au  pré- 
judice de  la  loi  ^  mais  la  claufe  eft  néceft~aire 
quand  la  loi  enjoint  Amplement  quelque 
cho/c.  Le  g.  non  dubium ,  cod.  dz  legib. 

Clause  pénale ,  eft  celle  qui  impofe  une 
peine  à  quelqu'un  ,  au  cas  qu'il  ne  faffe  pas 
quelque  chofe  ,  ou  qu'il  ne  le  fafte  pas  dans 
un  certain  temps  \  par  exemple  ,  qu'il  fera 
tenu  de  payer  une  fomime  ,  ou  qu'il  fera 
déchu  de  quelque  droit  ou  faculté. 

Ces  fortes  de  claufes  ne  ibnt  que  commi- 
natoires lorfqu'elles  font  inférées  dans  des 
conventions  \  la  peine  n'eft  jamais  encourue 
de  plein  droit  ,  à  moins  que  l'on  n'ait  été 
mis  juridiquement  en  demeure  d'accomplir 
la  convention  ;,  &  il  dépend  toujours  de  la 
prudence  du  juge  de  modérer  le  peine  ,  & 
même  d'en  décharger  s'il  y  a  lieu. 


C  L  A 

Dans  les  <îi(pofîtions  de  dernière  volonté , 
les  claufcs pénales  ajoutées  aux  libéralités  doi- 
vent être  exécutées  à  la  rigueur  ,  à  moins 
qu'elles  ne  renferment  des  conditions  impof- 
iibles  ou  contre  les  bonnes  mœurs.  Voye^ 
Henrys  -,  t.  l  ^  Uv,  IV ,   ch,  vj  ,  çuejf.  68. 

Clause  réjblutoire  ,  eft  celle  par  laquelle 
on  convient  qu'un  afte  demeurera  nul  & 
réfolu  ,  au  cas  qu'une  des  parties  n'exécute 
point  ce  qu'elle  a  promis. 

■  Ces  fortes  de  claufes  peuvent  s'appliquer  à 
différentes  conventions.  De  ce  nombre  eft  le 
pa6te  de  la  loi  commllFoire  ,  dont  il  icra 
parlé  à  t article  Pacte. 

Pour  mettre  à  effet  une  claufe  réfolutoire , 
il  faut  d'abord  que  celui  contre  qui  on  veut 
s'en  fervir  ,  foit  mis  juridiquement  en  de- 
ineure  de  remplir  Tes  engagemens  ,  &  en- 
fuite  faute  par  lui  de  l'avoir  fait ,  demander 
&  faire  ordonner  en  juftice  la  réfolution  de 
l'aéie. 

En  effet ,  il  en  eft  des  claufes  réfolutoires 
à-peu-près  comme  à^s  claufes  pénales^  c'eft- 
à-dire  qu'elles  ne  fc  prennent  point  à  la  ri- 
gueur ,  mais  font  réputées  comminatoires  ^ 
c'cft  pourquoi  le  juge  accorde  ordinairement 
Mil  délai  pour  fatisfiîire  à  ce  qui  eft  demandé, 
À  moins  que  la  chofo  ne  pût  fouffrir  de  retar- 
dement. Voyei  Louet  6'  Brodeau  ,  let.  V , 
fom.  50,  Soefve,  tome  11^  cent,  i  ,  ck,  vj  ;  & 
Resolution  de  contrat. 

Clause  des  fixmois^  s'entend  d'une  c/ûw/f- 
que  l'on  appofe  dans  quelques  baux  à  loyer, 
pour  ré  foudre  le  bail  avant  le  temps  qu'il 
devoit  durer  ,  en  avertiftant  fix  mois  d'a- 
vance. Cette  faculté  eft  ordinairement  réci- 
proque. {A) 

CLAUSEN,  (  Géogr,  )  ville  d'Allemagne 
dans  le  Tirol ,  près  de  la  rivière  d'Eiak. 

CLAUSENBOURG ,  {Géogr.)  ville  de  la 
Traniilvanie ,  où  s'aftemblent  ordinairement 
les  états  du  pays.  Long.  40.  20.  lat.  46.  53. 

CL  AUSENTH AL ,  (  Géogr.  )  petite  ville 
d'Allemagne  en  Franconie  ,  famcufe  par  fes 
mines. 

CLAUSION,  f.  f.  {Jurifpr.)  dans  cer- 
tains parlemens  Signifie  appointement.  Ce 
tcrm«  vient  du  \2^mcaufa  conclufa;  ce  qu'on 
appelle  au  parlement  de  Paris,  dans  les  pro- 
cès par  écrit ,  appointement  de  condufion.  Au 
parlement  de  Toubiife,  claufon  iè  dit  de 
tout  appoiiit^nieiit  ou  réglemeat  qui  uitex- 


C  L  A  235 

vient  {ut  les  demandes  &  défeuics  des  par- 
ties. Voyei^  i^fiy^^  du  parlement  de  Touloufe  , 
/;arCairon,/'.477,483,  504,  510,  519, 
5^9  î  535  î  584,  6'59  ,  Çf  66$.  On  fe  fert 
auftî  de  ce  terme  au  parlement  de  Grenoble. 
Voyei  Guypape ,  décif.  zo  i ,  £"  i!>id.  not.  (A) 

CLAUSOIR ,  f.  m.  en  bâtiment ,  eft  le 
plus  petit  carreau  ou  la  boutillé  qui  ferme 
une  aflife  dans  un  mur  contixiu ,  ou  entre 
deux  piédroits.  (P) 

CLAUSTHAL,  (Géogr.)  ville  d'Alle- 
magne dans  le  Hartz,  dans  la  principauté 
de  Grubcnhagen  ,  à  i'élc£i:eur  d'Hanovre  , 
fameufo  par  ics  mines. 

CLAUSTRAL  ,  adj.  {Jurifp.)  fe  dit  de 
tout  ce  qui  appaiticnt  à  un  cloître  de  reli- 
gieux. 

Le  Yix  leur  cl  au  frai  eft  un  religieux  qui  a  le 
gouvernement  du  moiuiftere  :  on  l'appelle 
claufral ,  pour  le  diftingucr  du  prieur  com- 
mendataire  qui  n'eft  pas  régulier. 

On  ap}x:lle  o^ces  claufraux  dans  Icsmo- 
nafteres  d'hommes  ,  certaines  fonctions  qui 
n'étoient  autrefois  que  de  fimples  offices ,  & 
qui  par  fucccftîon  de  temps  ont  été  coniidé- 
récs  comme  de  vrais  titres  de  bénéiices  |,  tel* 
font  les  ofnces  de  chambrier ,  d'aumônier , 
d'infirmier, de  célerier,  defacriiiain ,  &  au- 
tres femblables.  L'abbé  nomme  à  cesoffices. 

Dans  les  maifons  où  on  a  introduit  la  ré- 
forme ,  la  plupart  de  ces  offices  ont  été  fup- 
primés  ,  &  réunis  avec  tous  leurs  re\  enus  à 
la  nianfè  des  religieux. 

Dans  l'abbaye  de  Saint-Denis  en  France 
il  y  avoit  \x\\  grand-prieur  ,  un  fous-prieur  , 
un  chancelier  garde  des  focaux  ,  grand- 
aumônier ,  grand-confeflèur  ,  grand  bou- 
teiller  ,  grand-panuetier  ,  grand-prévôt , 
grand  maréchal  féodal ,  &  un  grand- veneur 
de  l'abbé  ,  qui  étoient  tous  offices  clauf- 
traux  poiîédés  par  des  religieux.  {A) 

CLAVUS  ,  f.  in.  terme  de  médecine ,  eft 
le  nom  que  les  médecins  donnent  à  une 
douleur  lancinante  à  la  tête  ,  où  elle  fo  fait 
fentir  ordinairement  au  delTus  des  yeux  , 
c'eft-à-dire  au  iînus  frontal ,  de  telle  forte 
qu'il  fembfe  au  malade  qu'il  lui  entre aétuel- 
lenient  dans  la  tête  une  vrille  ou  un  })oin- 
çon  ^  ce  qui  a  fait  donner  à  cette  maladie  J2 
nom  de  clavus.  Quelquefois  le  clavus  n'af- 
feéèe  qu'un  côté ,  quciquefais  auifi  tous  les 
deux* 


140  CLE 

On  regarde  cette  inalaclle  comme  «ne 
erpece  de  fièvre  intermittente  ,  parce  qu'en 
ellet  elle  reprend  &  quitte  le  malade  à  des 
périodes  réglés.  Elle  eiï  quelquefois  quoti- 
dienne ,  quelquefois  elle  n'clt  que  tierce. 
Voyei  Fièvre. 

On  la  guérit  en  donnant  au  malade  un 
émctique  un  peu  avant  &  un  peu  après  l'ac- 
cès ^  à  quoi  on  ajoute  ,  pour  plus  d'effica- 
cité ,  une  dofe  convenable  de  quinquina  , 
comme  pour  les  fièvres  intermittentes.  Quel- 
quefois auffî  la  faignée  &  les  diaphoréti- 
ques  opèrent  la  cure  ,  fans  qu'il  fbit  befoin 
d'autres  remèdes.  Chambers. 

Quelquefois  les  hyftériques  ont  au  fbm- 
met  de  la  tête  une  douleur  femblable,  que 
Sydenham  appelle  clavus  hyjiericus.  Voye\^ 
Passion  hystérique.  (/5) 

Clavus,  f.  m.  dans  t antiquité ^h^màe 
ou  filet  de  pourpre  que  les  fénateurs  &  les 
chevaliers  romains  portoient  fiir  la  poitrine  , 
&  qui  étoit  plus  ou  moins  large  ,  félon  la 
dignité  de  celui  qui  le  portoit.  C'cft  de  ces 
différentes  largeurs  qu'ell  venue  la  différence 
de  la  tunique  angufiidavia ,  &  de  la  tunique 
latidavia.  Voyei  LatICLAVIA. 

Cet  ornement  étoit  appelle ,  félon  quel- 
ques-uns ,  clavus ,  cîou ,  parce  qu'il  étoit 
femé  de  petites  plaques  rondes  d'or  ou  d'ar- 
gent, femblables  à  des  têtes  de  clou.  Le  P. 
Cantel ,  jéfuite  ,  foutient  que  le  clavus  ne 
confifloit  qu'en  des  efpeces  de  fleurs  de  cou- 
leur de  pourpre ,  coufues  fur  l'étoffe.  Dicl.  de 
Trev. 

CLAZOMENE  ,  (  Géogr.  anc,  )  ville 
d'Afie  dans  l'Ionie ,  &  l'une  àes  douze  an- 
ciennes de  cette  province  \  elle  avoit  Smyrne 
à  l'orient ,  &  Chios  à  l'occident. 

*  CLÉ  ,  f.  f.  C  Serrurerie.  )  infiniment  de 
fer  qui  fert  à  ouvrir  &  fermer  une  ferrure. 
On  y  diflingue  trois  parties  principales , 
l'anneau  ,  la  tige ,  &  le  panneton  :  l'anneau 
eit  la  partie  évuidée  en  cœur  ou  autrement, 
qu'on  tient  à  la  main  quand  on  ouvre  ou 
ferme  la  ferrure  ^  la  tige  eft  le  petit  cylindre 
compris  entre  l'anneau  &  le  panneton  \  le 
panneton  eft  cette  partie  fàillante  à  l'autre 
extrémité  de  la  clé  ^  &  placée  dans  le  même 
plan  que  l'anneau.  On  voit  que  le  panneton 
étant  particulièrement  deftiné  à  faire  mou- 
voir les  parties  intérieures  de  la  ferrure,  doit 
chauler  de  forme  felou  le  nombre ,  la  qua- 


CLE 

\\th ,  la  difpofition  de  ces  parties.  Voye^  Ser- 
rurerie ,  Panneton,  &c. 

Clé  dans  un  feus  moral  ^  théologique  ^ 
marque  àepuijfance ,  comme  lorfqu'il  efl:  dit, 
Ifaie  xxij  i)  V.  Il:  Je  donnerai  a  mon  fervi^ 
teur  Eliacem  la  clé  de  la  maifon  de  David  j  il 
ouvrira  6*  nul  ne  fermera  ....  il  fermera  6» 
nul  n  ouvrira  ....  de  prééminence  \  comme 
lorfque  Jefus-Chrift  donne  à  Pierre  la  clé  du 
royaume  des  cieux  ....  ^intelligence  ,  com- 
me dans  l'endroit  où  Jefiis-Chrift  reproche 
aux  pharifiens  d'avoir  pris  la  clé  de  la  fcien- 
ce ,  &  de  ne  point  entrer  dans  le  royaume 
des  cieux ,  &  de  n'en  pas  ouvrir  la  porte  aux 
autres ,  ùc. 

Clé  ,  caractère  de  mupque  ,  qui  mis  au 
commencement  d'une  portée  ,  détermine 
le  degré  d'élévation  de  cette  portée  dans  le 
fyftême  général ,  &  indique  les  noms  de 
toutes  les  notes  qu'elle  contient. 

Anciennement  on  appelloit  clés  les  lettres 
par  lefquelles  on  défîgnoit  les  fons  de  la 
gamme  ^  ainfi  la  lettre  A  étoit  la  clé  àe  la  , 
C  la  clé  ^ut ,  &c.  A  mefure  que  le  fyflême 
s'étendit ,  on  apperçut  bientôt  l'embarras  Se 
finutilité  de  cette  m.ultitude  de  clés.  Guy 
d'Arezze  qui  les  avoit  inventées.,  marquqit 
une  lettre  ou  clé  au  comm.enc^ment  de  cha- 
cune des  lignes  de  la  portée ,  car  il  ne  plaçoit 
point  encore  de  notes  dans  les  efpaces  :  on 
voit  des  exemples  de  cela  dans  plufieurs  an- 
ciens manufcriîs.  Dans  la  fuite  on  ne  marqua 
plus  qu'une  des  fèpt  clés  au  commencement 
d'une  des  lignes  de  la  portée  ,  celle-là  fuffi- 
fant  pour  fixer  la  pofition  de  toutes  les  au- 
tres {elovL  l'ordre  naturel.  Enfin  de  ces  ièpt 
lettres  ou  clés  on  en  a  choifî  trois  qu'on  a 
nommées  clavcs  fignatœ  ou  clés  marquées^ 
parce  qu'on  fe  contente  d'en  marquer  une 
des  trois  au  commencement  des  lignes ,  pour 
donner  l'intelligence  des  autres.  En  effet  Kec 
pler  prétend  que  fi  étant  au  fait  des  ancien- 
nes écritures ,  on  examine  bien  la  figure  de 
n3S  clés  ^  on  trouvera  qu'elle  fe  rapportent 
chacune  à  la  lettre  un  peu  défigurée  de  la 
note  qu'elle  repréfente  \  ainfi  la  clé  de  foi 
étoit  originairement  un  G;  la  clé  d'z//  ,  ua 
C  ,  &  celle  de  fa  ,  une  F. 

Nous  avons  donc  trois  clés  à  la  quinte 
l'une  de  l'autre  \  la  clé  àf- ut-fa  ^.  ou  de 
fa  y  qui  efl  la  plus  balle  ,  Se  qui  fè  marque 

aluli 


CLE 

ainfi  y-r  h  la  ^^^  cî'"^  »  o"  ^^  c-foi-uc,  qui 

fe  marque  aiufi  -jd-  ,  &  qui  eft  une  quinte 

au  deiTus  de  la  première  j  &:  la  clé  àe  fol  ou 

deg-ré-fol,  qui  fe  marque  ainfi  *^  ?  &qui 

eft  une  quinte  au  deffus  de  celle  d'ut  dans 
l'ordre  marqué  (  Planche  première  de  mufi- 
que ^figure  5.)  Sur  quoi  il  faut  obfèrver  que 
la  clé  fe  pofe  toujours  fur  une  ligne ,  &  ja- 
mais dans  un  efpace. 

En  ajoutant  quatre  lignes  au  deffus  de  la 
clé  de  fol ,  ce  qui  fait  le  plus  grand  nombre 
Hfité  ,  &  trois  lignes  au  deffous  de  la  clé  de 
fa  ,  ce  qui  eft  aulTi  le  plus  grand  nombre  , 
on  voit  que  le  fyftême  total  des  notes  qu'on 
peut  placer  fur  les  degrés  déterminés  par  ces 
clés ,  fe  monte  à  vingt-quatre  ,  c'eft- à-dire 
trois  oâ:aves  &  une  quarte  depuis  lefa  qui 
fc  trouve  au  deifous  de  la  première  ligne  , 
jufqu'au/  qui  fe  trouve  au  deifus  de  la  der- 
nière \  &  tout  cela  forme  enfèmble  ce  qu'on 
appelle  le  clavier  général  :  par  où  l'on  doit 
juger  que  cette  étendue  a  dû  faire  long-temps 
celle  du  fyftéme.  Aujourd'hui  qu'il  acquiert 
fans  ceife  de  nouveaux  degrés ,  tant  au  grave 
qu  a  l'aigu  ,  on  marque  ces  degrés  fur  des 
lignes  accidentelles  qu'on  ajoute  en-haut  ou 
en-bas ,  félon  le  befoin. 

Au  lieu  de  joindre  enfcmble  toutes  les 
lignes ,  comme  nous  avons  fait  ici  pour 
montrer  le  rapport  des  clés^  on  les  fépare  de 
cinq  en  cinq ,  parce  que  c'eft  à-peu-près 
aux  degrés  qui  y  font  compris  qu'eft  bornée 
l'étendue  d'une  voix  ordinaire.  Cette  collec- 
tion de  cinq  lignes  s'appelle /orr^-V  ,  &  l'on 
y  ajoute  une  c//pour  déterminer  le  nom  des 
notes ,  &  pour  montrer  <iuel  lieu  la  portée 
doit  occuper  dans  le  clavier. 

De  quelque  manière  qu'on  prenne  cinq 
lignes  de  iiiite  dans  le  clavier  ,  on  y  trouve 
une  clé  comprife  ,  6c  quelquefois  deux  j  au- 
quel cas  on  en  retranche  une  ,  comme  inu- 
tile :  l'ufage  a  même  déterminé  laquelle  il 
falloitretrancher ,  &  laquelle  il  falloit  polêr  ^ 
ce  qui  a  donné  lieu  de  fixer  le  nombre  des 
pofitions  de  chaque  clé. 

Si  je  fais  une  portée  des  cinq  premières 

lignes  du  clavier  en  commençant  par  le  bas , 

j'y  trouve  la  clé  de  fa  fur  la  quatrième  ligne  ; 

voilà  donc  une  pofition  de  clé ,  &  cette  po- 

Tomc  riIL 


CLE  '241 

fîtion  Tippartient  évidemment  aux  fons  les 
plus  graves. 

Si  je  veux  gagner  une  tierce  en-haut ,  if, 
faut  ajouter  une  ligne  ^  il  en  faut  donc  re- 
trancher Une  en-bas ,  autrement  la  portée 
auroit  plus  de  cinq  lignes  :  alors  la  clé  de  fa. 
fè  trouve  tranfportée  de  la  quatrième  ligne 
iiir  la  troifieme  ^  la  clé  d^ut  fè  trouve  auilî 
fur  la  cinquième  ligne  :  mais  comme  deux 
clés  font  inutiles ,  on  retranche  ici  celle  d'i/r. 
On  voit  que  la  portée  de  cette  clé  eft  d'une 
tierce  plus  élevée  que  la  précédente. 

En  abandonnant  encore  une  ligne  en-bas 
pour  en  gagner  ime  nouvelle  en-haut ,  on 
a  une  troifieme  portée  où  la  clé  de  fa  fe  trou- 
veroit  fîir  la  deuxième  ligne  ,  &  celle  uut 
fur  la  quatrième  :  ici  on  abandonne  la  clé 
de  fa  &  on  prend  celle  d'ut.  On  a  encore 
gagné  une  tierce  à  l'aigu. 

En  continuant  ainfi  de  ligne  en  ligne  ,  on 
paflê  fiicceftivement  par  quatre  pofitions 
différentes  de  la  clé  d'ut  :  arrivant  à  celle  de 
fol ,  on  la  trouve  pofee  d'abord  fur  la  deu- 
xième ,  &  puis  fiir  la  première  ligne  ^  &  cette 
dernière  pofition  donne  le  diapafon  le  plus 
aigu  que  l'on  puiffe  établir  par  les  clés. 

On  peut  voir  ( PI.  I,fg.  6.  )  cette  fuccef^ 
fîon  des  clés  du  grave  à  l'aigu ,  avec  toutes 
leurs  pofitions  ^  ce  qui  fart  en  tout  huit  por- 
tées ,   clés  ou  pofitions  de  clés  différentes. 

De  quelque  caraâ:ere  que  puiffe  être  une 
voix  ou  un  inftrument ,  pourvu  que  fbn  éten- 
due n'excède  pas  à  l'aigu  ou  grave  celle  du 
clavier  général ,  on  peut  dans  ce  nombre  lui 
trouver  une  portée  &  une  clé  convenable  ; 
&  il  y  en  a  en  cfîèt  de  déterminées  pour  tou- 
tes les  parties  de  la  mufique.  Voye^  Par- 
TiES.Sil'étendue  d'une  partie  eft  fort  grande, 
&  que  le  nombre  de  lignes  qu'il  faudroit 
ajouter  au  deffus  ou  au  deffous  devienne  in- 
commode ,  alors  on  change  la  clé  :  on  voit 
clairement  par  la  figure  quelle  clé  il  faudroit 
prendre  pour  élever  ou  abaiffcr  la  portée  , 
de  quelque  clé  qu'elle  foit  armée  actuelle- 
ment. 

On  voit  aufTi  que  pour  rapporter  une  clé 
à  l'autre  ,  il  faut  les  rapporter  toutes  deux 
fur  le  clavier  général ,  au  moyen  duquel  on 
voit  ce  que  chaque  note  de  l'une  de  ces  clés 
eft  à  l'égard  de  l'autre  :  c'eft  par  cet  exercice 
réitéré  qu'on  prend  l'iiabitude  cte  lire  aife- 
ment  les  partitions. 

Hh 


^4^  CL  E 

Il  fîiit  de  cette  méchàniqiie  j  qu'on  peut 
placer  telle  note  qu'on  voudra  de  la  gamme 
iùr  une  ligne  ou  dans  un  efpace  quelconque 
de  la  portée  ,  puifqu'on  a  le  choix  de  huit 
poiitions  différentes  ,  qui  eft  le  nombre  des 
fous  de  l'oétave  :  ainli  on  pourroit  noter  un 
air  entier  fur  la  même  ligne  ,  en  changeant 
la  c/e  à  chaque  note. 

Lafig.  7  ,  planche  1 ,  montre  par  la  fuite 
des  cléi  la  (iiite  des  notes  ,  ré  ^fa^la^  ut  ^ 
mi  ^fol  ^fi ,  ré  ^  montant  de  tierce  en  tierce  , 
^  toutes  placées  fur  la  troifieme  ligne. 

La  figure  fuivante  (  8.  )  repréfente  fur  la 
fiiite  des  mêmes  clés  la  note  ut  ,  qui  paroît 
defcendre  de  tierce  en  tierce  flir  toutes  les 
lignes  de  la  portée  &  au  delà ,  &  qui  cepen- 
diuit  ,  au  moyen  des  changemens  de  clés  , 
garde  toujours  l'uniribn. 

Il  y  a  deux  de  ces  pofitions  ,  fàvoir  la  clé 
ùe  fol  fur  la  première  ligne  ,  &  la  clé  ôa  fa 
lur  la  troilicme  ,  dont  l'ufage  paroît  s'abolir 
de  jour  en  jour.  La  première  peut  fembler 
moins  nécelfaire,  puifqu'clle  ne  rend  qu'une 
pofîtion  toute  fèmbliible  à  celle  de  fa  fur  la 
quatrième  ligne  ,  dont  elle  diffère  pourtant 
de  deux  oâaves.  Pour  la  clé  àzfa  ,  en  l'ô- 
îant  tout-à-fait  de  la  troifieme  ligne  ,  il  eft 
évident  qu'on  n'aura  plus  de  pofition  équi- 
valente ,  &  que  la  compofition  du  clavier 
qui  eft  com.plete  aujourd'hui ,  deviendra  dé- 
iedueufe  en  cela.  (  S  ) 

Clé  Transposée  ,  eft  en  Muf  que  toute 
clé  accompagHee  de  diefès  ou  de  bémols. 
Ces  figues  y  fervent  à  changer  le  lieu  des 
deux  fèmi-tons  de  l'oôave ,  comme  je  l'ai 
dit  au  mot  BÉMOL  ,  &  à  établir  l'ordre 
naturel  de  l'oftave  fur  tous  les  différens  de- 
grés de  l'échelle. 

La  néceftité  de  ces  altérations  naît  de  la 
fimilitude  des  modes  dans  tous  les  tons  j  car 
comme  il  n'y  a  qu'une  formule  pour  le  mode 
Viajeur ,  il  faut  que  tous  les  Ions  de  ce  mode 
dans  chaque  ton  iè  trouvent  ordonnés  de  la 
même  manière  fur  leur  tonique  j  ce  qui  ne 
peut  Iè  faire  qu'à  l'aide  des  diefes  ou  des  bé- 
mols. Il  en  ç.ii  de  même  du  mode  mineur  j 
mais  comme  la  même  combinaifon  de  Ions 
qui  donne  la  formule  pour  un  ton  majeur  , 
la  donne  aufîi  pour  le  mode  mineur  d'un 
sutre  tonique  (  voye[  MoDE  )  ,  il  s'enfuit  que 
pour  les  vingt-quatre  modes  il  fuffit  de  douze 
toinbinailbns.  Or  fi  avecla gamine  naturelle j 


CLE 

on  compte  fix  modifications  par  die/es  (voy, 
dièse),  &  cinq  par  bémols  [voy.  Bémols), 
ou  fix  par  bémols  &  cinq  par  diefes,  on  trou- 
vera ces  douze  combinaifons  ,  auxquelles  le 
bornent  toutes  les  variétés  poflîbles  des  tons 
dans  le  iyftêmc  établi. 

Nous  expliquerons  aux  mets  DiESE  i^' BÉ- 
MOL ,  l'ordre  félon  lequel  ils  doivent  être 
placés  à  la  clé.  Mais  pour  tranfjjorter  la  clé 
convenablement  à  un  ton  ou  mode  quelcon- 
que ,  voici  une  formule  générale  trouvée  par 
M.  de  Boifgelou ,  confeiller  au  grand  con- 
fcil ,  &  qu'il  a  bien  voulu  me  communiquer. 

Je  commence  par  le  mode  majeur. 

Prenant  la  note  ut  pour  terme  de  compa- 
raiibn  ,  nous  appellerons  intervalles  mineurs 
la  quarte  ut  fa ,  &  tous  les  intervalles  ù'ut 
à  une  note  bémolifée  quelconque  •■,  tout  autre 
intervalle  eft  majeur.  Remarquez  qu'on  ne 
doit  pas  prendre  par  diefe  la  note  fiipérieurc 
d'un  intervalle  majeur  ,  parce  qu'alors  on 
feroit  un  intervalle  fiiperflu  ^  mais  il  faut 
chercher  la  même  chofe  par  bémol ,  ce  qui 
donnera  un  intervalle  mineur.  Ainfi  on  ne 
compofera  pas  en  la  diefe  ,  parce  que  la 
fixte  ut-la  étant  majeure  naturellement  ,  le 
diefe  de  la  la  rendroit  fuperflue  :  mais  ou 
prendra  la  note  //  bémol ,  qui  donne  la 
même  touche  par  un  intervalle  mineur  ,  ce 
qui  rentre  dans  la  règle. 

Voici  donc  comment  le  mode  majeur  doit 
s'appliquer  fur  chacun  des  douze  fous  de 
l'oârave ,  divifé  par  intervalles  majeurs  ÔC 
mineurs. 


S    2   S     2    2    2 

n      n      n         <^      n      "> 

c     5     =        5     =     5 


2     2    2   2    2 


=     5        M       =     t:     c     5 
Ut,  ré  b,  rr'j  mi  b,  mi,  fa,  fa  ^  ,fol,  la  h,  la,  fi  h, /i^ 

Q      ïr>    r-.   cr.      n.-Q   -Q      -o       =-,   ^^   r^    r» 


3  hS    S    ^ 

^  q  3   g  s 

jj  3    ft        o 

-.  fî    • 

3  n 


3     3 


Pour  tranfporter  la  clé  convenablement  à 
une  de  ces  douze  notes  prife  à  volontéjConmie 
tonique  ou  fondairxntale  ,  il  faut  dVbord 
voir  û  l'intervalle  qu'elle  fait  avec  ut  eft  ma- 
jeur ou  mineur  :  s'il  eft  mineur  ,  il  faut  des 
bémols. 

Pour  déterminer  maintenant  combien  il 
faut  de  dielès  ou  de  bémols,  foit  a  le  noir»- 
bre  qui  exprime  l'intervalle  à' ut  à  la  note  ea 


CLE 


tjiîeftlon  j  la  formule  par  diefes  fera  i: 


&  le  refte  donnera  le  nombre  de  die- 
fes  qu'il  faudra  joindre  à  la  clé  ;  la  for- 
mule par  bémols  fera  i--'^''  ^ ,  &  le  refte  fera 

7    ^ 

le  nombre  des  bémols  qu'il  faut  joindre  à 
la  dé. 

Je  veux ,  par  exemple  ,  compofer  en  la 
mode  majeur  \  il  faudra  des  diefes ,  parce 
que/afaitun  intervalle  majeur  avecz/r.  L'in- 
tervalle eftune  fixte  dont  le  nombre  eftfix  : 
j'en  retranche  un  \  je  multiplie  le  relce  cinq 
par  deux  \  Se  du  produit  dix  rejetant,  ièpt 
autant  de  fois  qu'il  fe  peut ,  le  refte  trois  eft 
le  nombre  des  diefes  qu'il  faut  à  la  clé  pour 
le  ton  m.ajeur  de  la. 

Que  11  je  veux  prendre /à  mode  majeur  , 
je  vois  que  l'intervalle  eft  mineur  ,  &:  qu'il 
fiîut  par  conféquent  des  bémols.  Je  retran- 
che donc  un  du  nombre  quatre  de  l'inter- 
valle j  je  multiplie  par  cinq  le  refte  trois  ;, 
&  du  produit  quinze  rejetant  fèpt  autant  de 
fois  qu'il  fe  peut ,  j'ai  un  de  refte ,  c'eft  un 
bémol  qu'il  faut  à  la  clé. 

On  voit  par-là  que  le  nombre  de  dièlès 
ou  de  bémols  de  la  cléwo.  peut  jamais  paflër 
fix  ,  puiiqu'ils  doivent  être  le  refte  d'une  di- 
vifion  par  fept. 

Pour  les  tons  mineurs  il  faut  appliquer  la 
même  formule  des  tons  majeurs,  non  fur  la 
tonique ,  mais  iùr  la  note  qui  eft  une  tierce 
mineure  au-deftlis  de  cette  même  tonique  , 
c'eft-à-dire  flir  fa  médiante. 

Ainfi  ,  pour  compofer  en  fi  mineur ,  je 
tran{p)oferai  la  clé  comme  pour  le  ton  ma- 
jeur de  ré  ;  pour/û  diefe  mineur ,  je  la  tranf- 
poferai  comme  pour /«  majeur^  pour/b/  mi- 
neur, comme  pour/ bémol  majeur,  Ér. 

Les  muficiens  ne  déterminent  les  tranfpo- 
jfitions  qu'à  force  de  pratique  ou  en  tâton- 
nant \  mais  la  règle  que  nous  donnons  eft 
démontrée  générale  &  ïm\s  exception.  {S) 

On  voit  aifémentpar  la  méthode  que  nous 
propofons  ici ,  que  l'oa  doit  mettre  un  bé- 
mol à  la  clé  dans  le  mode  mineur  de  ré , 
quoique  prelque  tous  les  muikiens  françois, 
fi  on  en  excepte  M.  Rameau  ,  ne  mettent 
rien  à  la  clé  dans  ce  mode.  La  méthode  de 
M.  Rameau  eft  pourtant  fondée  fur  cette 
règle  très-fîmple  &  très-vraie  ,  que  dans  le 
mode  majeur  il  faut  mettre  autiiiit  de  die- 


,  que  féchelle  du 


CLE 

fes  ou  de  bémols  à  la  clé 
mode  en  contient  en  miOntant  j  &;  que  dans 
le  mode  mineur  il  faut  mettre  autant  de  die- 
fes ou  de  bémols  à  la  clé ,  que  l'échelle  du 
mode  en  contient  en  defcendaut.  V.  Mode, 
6'  Echelle  ou  Gamme.  {0) 

Clé  ,  terme  de poly graphie  à-  de  ftégano- 
graphie ,  e'eft-à-dire  de  l'art  qui  apprend  à 
faire  des  caradteres  particuliers  dont  on  (è 
fèrt  pour  écrire  des  lettres  qui  ne  peuvent 
être  lues  que  par  des  perfonnes  qui  ont  la 
connoiftance  des  caractères  dontons'eftfervi 
pour  les  écrire  \  c'eft  ce  qu'on  appelle  lettres 
en  chiffres.  Foy.  CHIFFRE  &  DECHIFFRER. 

Or  \q^  perjfbnnes  qui  s'écrivent  de  ces  for- 
tes de  lettres  ont  chacune  de  leur  côté  un 
alphabet  où  la  valeur  de  chaque  cara£lere 
convenu  eft  expliquée  :  par  exemple  ,  ii  l'on 
eft  convenu  qu'une  étoile  lignifie  a ,  l'alpha' 
bet  porte  * , . . .  a  f,  ainfi   des  autres  figues. 

Or  ces  fortes  d'alphabets  qu'on  appelle 
clés  ,  en  terme  de  ftéganographie  ,  c'eft  une 
métaphore  prilè  des  clés  qui  fervent  à 
ouvrir  les  portes  des  maifbns ,  des  cham- 
bres ,  des  armoires  ,  &c.  &  nous  don- 
nent ainfi  lieu  de  voir  le  dedans  ;  de  même 
\qs  clés  ou  alphabets  dont  nous  parlons  don- 
nent le  moyen  d'entendre  le  fens  des  lettres 
&  chiiFres  j  elles  fervent  à  déchiffrer  la  lettre , 
ou  quelque  autre  écrit  en  carad:eres  lingu- 
liers  &  convenus. 

C'eft  par  une  pareille  extenfion  ou  méta- 
phore qu'on  donne  le  nom  de  clé  à  tout  ce 
qui  fèrt  à  éclaircir  ce  qui  a  d'abord  été  pré- 
fènté  fbus  quelque  voile  ,  &:  enfin  à  tout  ce 
qui  donne  une  intelligence  qu'on  n'avoit  pas 
fans  cela.  Par  exemple  y  s'il  eft  vrai  que  la 
Bruyère ,  par  Ménalque ,  Philémon ,  ôc,  ait 
voulu  parler  dç  telle  ou  telle  perfonne  ,  la 
lifte  où  les  noms  de  ces  perfonnes  font  écrits 
après  ceux  fous  lefquels  la  Bruyère  les  a  ca- 
chés :  cette  lifte,  dis-je ,  eft  ce  qu'on  appella 
la  clé  de  la  Bruyère.  C'eft  ainfi  qu'on  dit , 
la  clé  de  Rabelais  ,  ta  clé  du  catholicoit 
d'Efpagne ,  &c. 

C'eft  encore  par  la  même  figure  que  l'on, 
dit  que  la  logique  eft  la  clé  des  fciences ,  parce 
que  comme  le  but  de  la  logique  eft  de  nout 
apprendre  à  raifonner  avec  juftelTe ,  &  à  dé- 
velopper les  faux  raifonnemens ,  il  eft  évi- 
dent qu'elle  nous  éclaire  &  nous  conduit  dans 
l'étude  des  autres  fciences  :  elle  nous  en  ou- 

Hhî 


244  CLE 

vre  ,  pour  ainfi  dire,  la  porte,  &  nous  fait 
voir  ce  qu'elles  ont  de  iblide  ,  &  ce  qu'il 
peut  y  avoir  de  défectueux  ou  de  moins 
exaa.  (F) 

Clé  d'Or  (  gentilshommes  de  la  ) , 
hijf.  mod.  ce  font  de  grands  officiers  de  la 
cour  d'Efpagne  ou  de  celle  de  l'empereur  , 
qui  portent  à  leur  ceinture  une  clé  d'or ,  figne 
du  droit  qu'ils  ont  d'entrer  dans  la  chambre 
de  ces  princes. 

Clé  ,  terme  de  blafoti  :  on  dit  cle's  en  pal 
ou  enfautoîr ,  couchées  ou  adojfées ,  félon  que 
les  pannetons  font  difpofés.  Dictionnaire  de 
Trévoux. 

Clé  ,  (  Vénerie.  )  clés  de  meute  ;  ce  font 

les  meilleurs  &  les  plus  sûrs  de  la  meute. 

Clés  ,  {Fauconn.  )  ce  font  les  ongles  des 

doigts  de  derrière  de  la  main  d'un  oifèau  de 

proie. 

Clé  ,  terme  cC architecture  ;  clé  d'un  arc , 
d'une  voûte  ou  croifé  ^  plein  cintre  ,  ou  au- 
trement ,  eft  la  dernière  pierre  qu'on  met 
au  haut  pour  en  fermer  le  cintre  ,  laquelle 
étant  plus  étroite  par  en-bas  que  par  en-haut , 
prefTe  &  affermit  toutes  les  autres.  La  clé , 
îèlon  Vignole ,  eft  différente  félon  les  ordres  : 
au  tofcan  &  au  dorique  ,  ce  ii'eft  qu'une 
fîmple  pierre  en  faillie  ou  boffage  :  à  l'ioni- 
que ,  la  clé  eft  taillée  de  nervure  en  m.aniere 
de  confole  avec  un  roulem.ent  :  au  corin- 
thien &  au  compofîte  ,  c'eft  une  confole  ri- 
che defcuîpture,  avecenroulemens  &  feuil- 
lages de  refend.  En  cela  les  anciens  étoient 
plus  prudens  que  nous  ,  &  affeftoient  tou- 
jours de  rendre  les  fculptures  analogues  à  i'ar- 
chiteékure.  Voy.  l'abus  que  les  modernes  en 
font, fl^r^mW^^ Claveau, Agraffe.  (F) 
*  §  Clés  ,  {Architeâure  navale.  )  pièces 
de  bois  qu'on  établit  dans  les  mailles  des 
varangues  &  des  couples  ,*  de  diftance  en 
diftance  ,  pour  l'affei  miffement  des  fonds  du 
vaiffeàu  ^  les  clés  qu'on  met  dans  les  mail- 
les des  varangues ,  font  différemm.ent  tra- 
vaillées que  celles  qu'on  met  entre  les  mail- 
les des  couples  ^  les  premiers  doivent  avoir 
pour  hauteur  verticale  ,  celle  depuis  le  def 
fus  de  la  contre-quille  jjjfqu'au  bord  fiipé- 
rieur  des  varangues  ,  moins  cependant  l'é- 
paiiîeur  ou  hauteur  verticale  de  l'arête  de  la 
carlingue  entre  les  varangues^  ellesontpour 
largeur  horizontale  celle  de  la  contre-quille, 
^  ellçs  occupent  tout  le  vuide  d'une  var^- 


C  L 


n 


gi:e  à  l'autre.  On  fait  à  ces  désime  coupure 
dans  la  partie  qui  eft  liir  la  contre-quille 
pour  faii'e  écouler  les  eaux  au  canal  des  an- 
guilliers ,  &  delà  à  l'archipompe  :  cette  cou- 
pure fe  fait  ainfi  dans  toute  la  largeur  de  la 
clé  ;  on  donne  à  cette  coupure  cieux  pouces 
de  hauteur  &  deux  pouces  &  demi  de  lon- 
gueur dans  les  plus  gros  vaifleaux  ,  &  à  pro- 
portion dans  le«  inférieurs. 

Dès  que  toutes  les  clés  des  varangues  font 
prêtes ,  on  les  préi'ente  &  on  les  chalîë  en- 
ièmble  &  avec  force  dans  les  mailles. 

Les  clés  qu'on  met  entre  les  mailles  des 
couples  pour  leur  procurer  un  pareil  atfer- 
mifîêment  ,  font  établies  de  diftance  en  dif^ 
tance  ,  depuis  la  bauguicre  du  premier  pont 
jufqu'aux  varangues.  Elles  ont  pour  longueur 
deux  fois  l'épailTeur  des  membres  ,  &  on  ne 
doit  leur  donner  pour  épaifleur  que  l'efpace 
du  vuide  ou  la  maille  comprifè  entre  chaque 
couple  f,  on  leur  laiife  quelquefois  fur  la  par- 
tie intérieure  des  m.embrcs  du  vaifîeau  ,  un 
rebord  d'un  pouce  ou  deux  ,  fuivant  la  di- 
menfion  des  membres  du  vaiffeàu  ,  &  cette 
arête  s'empatte  de  àeux  côtés  f  ir  un  des 
membres  de  deux  couples  voifins  qu'on  en- 
taille à  cet  effet  ç,  on  chalfe  également  &en- 
fèmble  toutes  ces  clés.  (  Injlrucliou  élémen- 
taire &  raifonnée  fur  la  conjîruclion  pratique 
des  vai[feauz  ^'^■axNï.  Durant!  de  Lironcourt.  ) 
Clé  ,  en  terme  de  bottier  ;  c'eft  un  mor- 
ceau de  bois  plat ,  &  plus  mince  en-bas 
qu'en-haut ,  que  Ion  enfonce  à  force  dans 
Tembouchoir  pour  en  faire  prendre  la  forme 
à  la  botte. 

Clé  ,  c'eft  le  nom  que  les  bourreliers  fet- 
licrs  ,  ik  carrojfiers  donnent  aux  manivelles 
dont  ils  fe  fervent  pour  démonter  les  écrous 
des  efîîeux  à  vis  ,  ou  pour  tourner  les  roues 
&  pignons  à  crémaillère ,  fur  lef<|uels  ils  ban- 
dent  les  foupentes  qui  portent  le  corps  des 
carroflès.  Une  des  extrémités  de  cette  clé 
eft  une  ouverture  quarrée ,  &  l'autre  une  ou- 
verture oâiogone  5  elles  fervent  l'une  &  l'au- 
tre pour  ferrer  les  écrous  des  mêmes  formes. 
Il  y  en  a  de  différente  grandeur. 

Clé  ,  en  terme  de  brajfcrie  ,  eft  une  plan- 
che d'un  pié  de  long  frr  huit  à  neuf  pouces 
de  large ,  percée  d'un  trou  femblable  à  celui 
du  fond  de  la  cuve  &  de  la  maîtreffe  pièce 
du  faux- fond  ^  de  façon  que  le  trou  de  la 
maitreife  pièce  &  celui  de  la  clé  foieut  uu 


CLE 

peu  plus  grands,  pour  que  la  râpe  puifTe  par- 
ier aiiemcnt,  &  boucher  exactement  le  trou 
du  fond  de  la  cuve. 

Clés  petites  &  grandes  y  outil  de  charron'^ 
c'eft  un  morceau  de  fer  qui  eft  plus  ou  moins 
gros  &  long  ,  ièlon  l'iifage  de  la  clé.  Par 
^lemple  ,  pour  une  clé  à  cric ,  le  fer  efl  de 
cinq  à  fîx  pies  de  long  fîar  deux  pouces  d'é- 
pailfeur:  &  pour  une  dé  à  vis  ordinaire  ,  il 
y  en  a  depuis  un  pié  &  au  delTus. 

C'eft  un  morceau  de  fer  rond  par  le 
corps ,  un  peu  applati  des  deux  bouts ,  & 
large  dans  le  milieu  ,  où  il  eft  percé  d'un 
trou  quarré  de  la  groiFeur  des  vis  que  l'on 
veut  ferrer  dans  l'écrou. 

Cette  clé  fert  aux  charrons  pour  ièrrer  les 
vis  dans  les  écrous ,  pour  monter  &  tendre 
les  foupentes  d'un  carroffe  fur  les  crics ,  & 
enfin  pour  viifer  tous  leurs  ou\Tages. 

Clés   {Grojfè s  forges.  )  Voy.  cet  article. 
Clé  du  trépan  ,  inièrument  de  chirurgie 
qui  fert  à  monter  &  démonter  la  pyramide 
du  trépan  couronné.  Voye^  TrÉPAN. 

Clé  ,  (  F  ont  ai  nier.  )  ce  font  de  grofles 
barres  de  fer  cintrées  ,  dont  on  fourre  la 
boîte  dans  le  fer  d'un  regard  pour  tourner 
les  robinets.  Ce  fer  eft  montant ,  &  fe  divifè 
en  parties  plates  qui  embraifent  les  branches 
d'un  robinet ,  au  moyen  d'un  boulon  cia- 
veté  qui  palFe  à  travers.  (  K  ) 

Clé  ,  en  terme  de  formier  ,  c'eft  un  mor- 
ceau de  bois  un  peu  aigu  par  un  bout  en  for- 
me de  coin ,  qu'on  introduit  dans  la  forme 
brifée  pour  l'ouvrir  autant  que  l'on  veut. 

Clé  ou  Accoudoir  :  les  faifeurs  d'inf- 
trumens  de  mAifique  ont  des  clés  pour  mon- 
ter &  dellerrcr  les  chevilles  auxquelles  font 
attachées  les  cordes  des  clavecins  j  pfalté- 
rions ,  épinettes  ,  &c.  Ces  clés  font  compo- 
iees  d'une  tige  de  fer  ou  de  cuivre  ,  percée 
par  en-bas  d'un  trou  quarré ,  dans  lequel  on 
fait  entrer  la  tête  des  chevilles^  &  elles  lont 
furmontées  d'un  petit  marteau  de  fer  ou  de 
cuivre  qui  tient  lieu  de  poignée ,  &  qui  fert 
à  frapper  les  chevilles  &  à  les  affermir 
quand  elles  font  montées. 

Il  y  a  de  plus  aux  accordoirs  ^  clés ^  ou 
marteaux  des  clavecins  ,  épinettes  ,  pfalté- 
rions ,  un  crochet  qui  fert  à  faire  les  anneaux . 
par  le  moyen  defqucls  on  accroche  à  leurs 
chevilles  les  cordes  de  laiton  &  d'acier.  Pour 
■feiie  wcs  anneaux ,  on  cciiiineiicx  p-ir  ployer 


CLE  245 

le  bout  de  la  corde  enforîe  qu'elle  forme 
une  anfe ,  que  l'on  tient  avec  les  doigts  pol- 
lex  &  indicator  de  la  main  gauche  j  on  fait 
palier  enfuite  le  crochet  du  marteau  que 
l'on  tient  de  la  main  droite  dans  l'anfe  de 
la  corde  ,  &  on  tourne  la  tige  du  marteau 
pour  faire  entortiller  l'extrémité  de  la  corde 
qui  forme  l'anfe  autour  de  cette  m.ême  cor- 
de ,  laquelle  fe  termine  ainfi  en  un  anneau  , 
par  le  moyen  duquel  on  peut  l'actrocher  où 
l'on  veut. 

Clé  des  étains ,  (  Marine.  )  «  c'eft  une 
w  pièce  de  bois  triangulaire  qui  fe  pofe  fur 
))  le  bout  des  étains  &:  qui  les  entretient 
»  avec  l'étambord  :  on  l'appelle  aulfi  contre- 
)x  fort  ».  Voyeiyà  forme  de  cette  pièce  de 
bois  ,  pi.  VI ,  Marine  ,  fig.  1 2. 

ce  La  clé  ^iù%  étains  a  un  pouce  d'épaiftcur 
M  moins  que  l'étrave  ;  elle  eft  renforcée  de 
»  deux  courts  bâtons ,  &  jointe  à  l'étrave 
»  par  quelques  chevilles  de  fer  qui  paflènt 
»  au  travers  dans  fon  milieu  ^  &:  il  y  en  a 
»  quatre  autres  à  chaque  côté.  »  (Z) 

Clés  du  guindas.,  (Marine.)  »  ce  font 
î)  de  petites  pièces  de  bordage  entaillées  en 
»  rond ,  qui  tiennent  les  bouts  du  guindas 
»  fur  les  côtes,  n  {Z) 

Clé  de  fond  de  mât^  clé  de  mât  de  hune  , 
{Marine.  )  «  c'eft  le  bout  d'une  barre  de  fer  , 
»  ou  une  groiTe  cheville  de  bois  qui  entre 
»  dans  une  mortaife  ,  au  bout  d'en  bas  du 
»  mât  de  hune ,  &  qui  fort  à  le  foutenir  de- 
»  bout ,  &  que  l'on  ôte  chaque  fois  qu'il 
»  faut  amener  ce  mât  ;,  ou  bien  c'eft  une 
»  cheville  quarrée  de  fer  ou  de  bois ,  qui 
»  joint  im  mât  avec  l'autre  vers  ks  barres  de 
»  hune ,  &  que  l'on  ôte  quand  il  faut  ame- 
»   ner  le  mât.  »  Diction,  de  marine.  (  Z  ) 

Clé  ,  ( Menuiferie.  )  c'eft  un  m.orccau  de 
bois  large  &  mince,  que  l'on  infère  dans  dts 
mortaifès  faites  à  des  planches  ,  pour  les 
joindre  enfemble. 

Clé  ,  fe  dit  aufti  de  pièces  de  bois  en 
forme  de  coin ,  que  l'on  fait  entrer  dan-S  des 
mortaifes  faites  au  bout  des  tenons  qui  excé- 
dent l'épaiffeur  du  bois ,  dans  lefquels  ils 
font  afîemblés  j  com^miC  on  voit  aux  tablet- 
tes de  bibliothèques ,  Gc. 

Clé  ,  en  termes  d' orfèvre-bijoutier  ^  eft  un 
morceau  de  bois  plat ,  quarré ,  large  par  ua 
bout ,  &:  qui  vg  en  retrécifii"»^  juk^u'à  l'au- 
tre bout  j  il  s^fêtc  KS  poupées  lùr  ie  J?caiQ  j 


i<^S  CLE 

eu  pafTant  dans  leur  tenon.  Voyei  Banc. 

Clé  (Plombier.  )  ce  font  de  grofles  ma- 
nivelles de  fer  :  l'ouverture  s'applique  aux 
robinets  des  regards  quand  il  s'agit  de  don- 
ner ou  de  foullraire  l'eau  aux  fontaines  j  la 
queue  fait  la  tbndtion  de  levier  ,  &  donne 
au  plombier  la  facilité  de  tourner  les  robinets. 

Clé  ,  {Relieur)  ces  ouvriers  en  ont  une 
qui  leur  fert  à  defferrer  ou  à  ferrer  leur 
couteau. 

Clé  ,  C  Manufaci.  en  foie.  )  ces  ouvriers 
ont  une  clé  qui  n'a  rien  de  particulier.  Voye':^ 
fon  ufage  à  ïanicle  Velours  CISELÉ. 

Clé  ,  (  Tourneur.  )  coin  de  bois  placé 
fous  les  jumelles  &  dans  la  mortaife  prati- 
quée à  la  queue  des  poupées ,  qu'il  tient 
fermes  &  folides.  Voye:{^  ToUR. 

Clés  ,  (  Jurifpr.  )  mettre  ou  jeter  les  clés 
fur  la  fojfe  du  défunt ,  étoit  une  formalité 
extérieure  qui  fe  pratiquoit  anciennement 
par  la  femme  après  la  mort  de  fon  mari , 
en  figne  de  renonciation  à  la  communauté. 
Chez  les  Romains ,  dont  nos  pères  imitè- 
rent les  mœurs ,  la  femme  avoit  le  foin  des 
clés  :  c'eft  pourquoi ,  dans  le  cas  du  divorce 
le  mari  ôtoit  à  la  femme  les  clés ,  fuivant  la 
loi  des  douze  tables  ^  &  la  femme  qui  fe  fé- 
paroit  de  fon  mari ,  lui  renvoyoit  fes  clés. 
î:{n  France ,  il  n'y  avoit  anciennement  que 
les  femmes  des  nobles  qui  avoient  la  faculté 
de  renoncer  à  la  communauté  ^  ce  qui  leur 
fut  accordé  en  conlidération  des  dettes  que 
leurs  inaris  contractoienî  la  plupart  aux  voya- 
ges &  guerres  d'outre-mer  ^  &  en  ligne  de 
cette  renonciation  ,  elles  jetoient  leur  cein- 
ture ou  bourie  ci.  les  clés  fur  la  folTe  de  leur 
inari.  Cet  ufage  eft  remarqué  par  l'auteur  du 
grand coutumier ,  cA.  xlj.  Marguerite ,  veuve 
de  Philippe  duc  de  Bourgogne  ,  mit  fur  la 
repréfentation  du  défunt  fa  ceinture  avec  fo 
bouriè  &  les  clés.  Mouftrelet  ,  ck.  xvij. 
Bonne  ,  veuve  de  Valeran  comte  de  Saint- 
'Pol ,  renonçant  aux  dettes  &  biens  de  fon 
mari ,  mit  fur  fa  repréfentation  fà  courroie 
&  fa  bourfe.  Monftrelet ,  chap.  cxxxix.  Dans 
la  fuite  ,  le  privilège  de  renoncer  à  la  com- 
munauté fut  étendu  aux  femmes  des  rotu- 
riers ,  &  établi  par  pluiieurs  coutumes  qui 
ont  prefcrit  la  même  formalité ,  c'eft-à-dire 
de  jeter  les  clés  fur  la  folfe  du  défunt  en  ligne 
que  la  femms  quittoit  l'adminiftration  des 
biens  de  iQn  mari  j  6c  ia  weig.ture  qu  bourfe  2 


CLE 

pour  marquer  qu'elle  ne  retenoît  rien  des 
biens  qui  étoient  comm.uns.  C'eft  ce  que  l'on 
voit  dans  la  coutume  de  Meaux,  art.  xxxiij 
&  lij.  Lorraine  ,  tit.  1  ,  art.  iij.  Malines  , 
art.  viij.  L'ancienne  coutume  de  Melun  , 
art.  clxxxiij.  Chaumont ,  vij.  Vitri ,  xcj. 
Laon  ,  xxvj.  Châlons  ,  xxx.  Duché  (te 
Bourgogne ,  art.  xlj.  Namur ,  art.  liv. 

Préfentement  la  femme  ,  foit  noble  ou 
roturière ,  a  toujours  la  faculté  de  renoncer 
à  la  communauté  \  mais  on  ne  pratique  plus 
la  vaine  cérémonie  de  jeter  la  bourië  ni  lei 
clés  fur  la  foffe  du  déflint.  (  A  ) 

CLECHÉ  ,  (  Blafon.  )  On  croit  que  ce 
mot,  qui  eft  françois ,  eft  formé  de  clé ^  les 
extrémités  de  la  croix  ayant  quelque  reflem- 
blance  avec  les  anneaux  des  anciennes  clés  ^ 
il  fe  dit,  fuivant  Guillim,  d'une  pièce  d'ar- 
moirie  percée  à  jour  ou  traverfée  par  luie 
autre  de  même  figure  qu'elle  ^  par  exemple , 
d'une  croix  chargée  d'une  autre ,  de  même 
couleur  que  le  champ  qui  paroît  à  travers 
les  ouvertures   qu'elle  laifî'e. 

Mais  la  Colombiere  &  quelques  autres 
auteurs  prétendent  que  ces  ouvertures  ne 
font  qu'une  circonftance  de  la  croix  ckchée , 
qu'ils  appellent  vuidée  ^  elle  ne  mérite ,  fui- 
vant eux,  le  nom  de  clechée  ,  que  lorfqu'elle 
s'élargit  du  centre  vers  iës  extrémités ,  qiii 
font  vuidées  &  terminées  par  un  angle  dans 
le  milieu. 

Le  P.  Meneftrier  dit  qu'on  fe  fert  du  mot 
cleché  en  parlant  des  arrondilîémens  de  la 
croix  de  Touloufe ,  qui  a  fes  quatre  extré- 
mités faites  en  forme  d'anneaux  de  clé. 

Théard  de  Cotiere,  à  Paris  ,  de  gueules 
à  la  croix  vuidée ,  clechée ,  pommetée  &  aie- 
fée  d'or.  Voye^^  le  P.  Meneftrier ,  le  diction, 
de  Trév,  &  Chambers.  (  ^  ) 

CLECKUM,  {Géogr.  )  ville  du  duché 
de  Lithuanie  dans  le  palatinat  de  Mcizlaw. 

CLEDONISME  ,  f.  m.  dedonifmus  , 
(  Divinat.  )  clpece  de  divination  qui  étoit  en 
ufage  parmiles  anciens.  Voy.  Divination. 

On  n'eft  pas  d'accord  iiir  l'objet  &  la 
manière  de  cette  forte  de  divination  \  parce 
que  le  mot  grec  KKiiov,  duquel  eft  formé  cl'e- 
donifme^  fê  prend  en  pluiieurs  fens  :  i°.pour 
un  bruit ,  rumor  ;  i^.  pour  un  oifeau ,  avis  ; 
8c  3°.  pour  un  dérivé  du  verbe  aa*»,  & 
par  contraction  Kha ,  qui  fignifie  évoquer. 

Cela  les  auteurs  donnent  diverfes  iigni- 


CLE 

fîcations  au  mot  clédonifme.  Les  uns  préten- 
dent que  c'étoit  une  efpece  d  aUj^ure  ou  de 
préfage  tiré  des  paroles  qu'on  avoit  enten- 
dues :  car  au  rapport  de  Cicéron ,  les  pytha- 
goriciens obfervoient  avec  une  attention 
fcrupuleufe  ,  non-feuleinent  les  paroles  des 
dieux  ,  mais  encore  celles  des  hommes  ,  & 
étoient  perfiiadés  que  certaines  paroles  por- 
toieut  malheur ,  comme  de  prononcer  le 
mot  incendie  dans  un  repas  -^  ainlî  ilsdifoient 
domicile  au  lieu  deprifon  ;  &,  les  euménides 
au  lieu  de  furies.  Le  clédonifme  pris  en  ce 
feus  ,  revient  à  une  autre  efpece  de  divina- 
tion nommée  onomancie.  V.  OiMOMANCIE. 
D'autres  foutiennent  que  par  clédonifme  , 
il  faut  entendre  un  augure  tiré  du  chant  ou 
du  cri  des  oifeaux  \  &  que  cett  en  ce  feus 
qu'Horace  a  dit  : 

Impios  parrce  recinentis  omen. 
Et  Virgile  : 

Cava  prœdizit  ab  ilice  cornix.  Eclog. 
ce  qui  ne  diffère  point  de  la  divination  ap- 
pellée     ornithomancie.     Voye\    ORiNITHO- 
MANCIE. 

Enfin  quelques-uns  difent  que  le  clédo- 
nifme pris  dans  le  troifieme  feus  ,  étoit  la 
même  chofe  que  l'évocation  des  morts.  C'eft 
le  fëntiment  deGlycas  :  ((  ISam  KK<iê'ov^  dit- il , 
)j  vocari  geniorum  per  excantationes  certes 
))  attraclionem ,  6'  éfublimi  deduclionem.  De- 
»  duclâ  voce  a  xA(y,  quod  idem  fit  cum  Kheta  ^ 
»  evoco.  »  Voyei  EvOCATIOxN  (S*  NECRO- 
MANCIE. (G) 

CLEF,  Foy^î  Clé. 

CLÉIDOMANCIE  ,  f.  f.  (Divinat.)  ef- 
pece de  divination  qui  fè  pratiquoit  par  le 
moyen  des  clés.  Ce  mot  vient  de  KKm  ,  clé  ^ 
&  de  |<-*;7s.*,  divination. 

On  ignore  quel  nombre  &  quel  mouve- 
ment des  clés  exigeoient  les  anciens  pour  la 
cléidomancie  ,  ni  quel  genre  de  connoilfance 
pour  l'avenir  ils  en  prétendoient  tirer.  Dei- 
rio  ,  qui  fur  toutes  ces  matières  a  fait  des 
recherches ,  ne  donne  aucune  lumière  fur 
celle-ci ,  pour  ce  qui  conceriîe  l'antiquité  \ 
il  nous  apprend  feulement  que  cette  fuperf- 
tition  a  eu  lieu  dans  le  ehriftianiiine  ,  & 
qu'on  la  pratiquoit  de  la  forte  :  c<  Lorfqu'on 
»  vouloir ,  dit-il ,  découvrir  lî  une  peribnne 
»  foupçonnée  d'un  vol  ou  de  quelque  autre 
i>  mauvaife  adion  eu  étoit  coupable ,  ou 


CLE  147 

w  prenoitune  clé  autour  de  laquelle  on  rou- 
»  loir  un  papier ,  flir  lequel  étoit  écrit  le  nom 
n  de  la  peribnne  f.ifpeéLC  \  enfuite  on  lioit 
»  cette  clé  a  une  bible  ,  qu'on  donnoit  à 
))  tenir  à  une  vierge  ;,  puis  on  prononçoit 
»  tout  bas  certaines  paroles ,  entre  lefquelles 
»  étoit  le  nom  de  l'accufé  ;  &:  à  ce  nom  , 
M  l'on  voyoit  fenfiblcment  le  papier  fe  re- 
))  muer.  »  Delrio ,  difquift,  magie,  lib.  IV ^ 
cap. ij ^qucvf.  VU  - /ec7.  / './'.  548.  (G) 

CLÉLIE  ,  [Hijîoire  Rom.")  fut  une  des 
clames rom.aines  données  en  otage  à  Porfenna 
qui  ,  proteéleur  des  Tarquins  ,  exigeoit  à 
main  armée  leur  rétabliflènient  ^  fa  fierté 
fiit  indignée  d'être  dans  la  dépennance  d'un 
roi ,  tandis  que  Rome  libre  ,  n'cbéiffoit  qu'à 
/es  loix  :  elle  ne  crut  pas  manquer  à  la  foi 
des  traités  en  fortant  d'une  efpece  d'eicla- 
vage  qui  bleiîbitla  dignité  du  nom  romain  ^ 
rarmée  des  l'ofcans  étoit  campée  fiir  les 
bords  du  Tibre  ,  &  l'on  veiiloit  avec  foin 
à  la  garde  des  otages.  Clélie  aflemble  toutes 
les  dames  romaines  qui  partageoientiiî  def- 
tinée  :  on  l'écoute  avec  traniport  :  elle  fe 
met  à  leur  tête  &  traverfant  le  camp  fans 
être  reconnue ,  elle  s'élance  dans  le  fleuve 
avec  fes  compagnes  qu'elle  reiid  à  leur  fa- 
mille. Rome  applaudit  à  cette  généreuié  ré- 
fblution  :  mais  fidelk  au  traité  ,  elle  les  ren- 
voie à  Poriènna  qui  les  redemande  pour  tirer 
vengeance  de  leur  parjure.  Clé/ie  quicroyoit 
en  avoir  fait  aiTez  pour  fa  gloire  ,  retourna 
fans  crainte  dans  le  camp  d'un  ennemi  qui 
avoit  droit  de  la  punir.  Sa  confiance  défarma 
le  monarque  Tofcan  qui  ,  faifi  d'admira- 
tion ,  avoua  que  i'aâion  de  Clélie  avoit 
quelque  chofe  de  plus  héroïque  que  le  fana- 
tifme  de  Mutius-Scevola  ,  &  la  témérité  dé- 
/è{pérée  d'Horatius  -  Codes.  Les  Romains 
lui  érigèrent  une  flatue  équeftre  flir  la  voie 
Sacrée.  C'efl  le  premier  monument  de  cette 
efpece  qu'on  ait  élevé  aux  femmes.  Les 
mœurs  étoient  promptes  à  s'alarmer.  On 
avoit  cru  jufqu'alors  qu'il  y  avoit  de  l'indé- 
cence dans  le  fpeâacle  d'une  femme  achevai. 

{T-N.\ 

CLEMATITE  ,  f.  f,  dematitis ,  en  an- 
glois ,  virgins  Bower;  en  allerriand  ,  Wal- 
drebe  ,  (  iiifl.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à 
fleurs  en  rofè  ,  qui  font  compofées  ordinai- 
rement de  quatre  î>éta les ,  &  qui  n'ont  point 
de  calice.  Le  piilii  fort  du  milieu  d«  k  fleur  j 


248  ■  CLE 

Se  devient  dans  ia  iuite  un  fruit  dans  lequel 
les  femences  font  raifemblécs  en  bouquet  , 
&  font  terminées  par  un  filament  fembiable 
en  quelque  forte  à  une  petite  plume.  Tour- 
nefort  /«/.  rei  herb.  Voye^  Plante.  (1) 

Clématite  ,  {Jard.)  11  y  a  quelques  ef 
peces  de  clématite  qui  ne  font  que  des  plan- 
tes vivaces  :  les  autres  en  plus  grand  nom- 
bre ,  font  des  arbriiTeaux  grimpans  ,  dont 
quelques-uns  par  l'agrément  de  leurs  fleurs , 
méritent  de  trouver  place  dans  les  plus  beaux 
jardins.  Ce  qui  peut  encore  engager  à  les  y 
admettre ,  c'cfl  que  tous  ots  arbriifeaux  font 
très-robuftes ,  à  l'exception  d'un  feul  ^  qu'ils 
croiffent  très-promptement  \  fleuriflènt  très- 
long-temps  ,,  &  qu'ils  réufîîfTent  dans  les  ter- 
rains les  plus  médiocres ,  &  aux  expofitions 
les  moins  favorables.  Une  autre  qualité  doit 
encore  leur  donner  faveur  ^  c'eft  qu'ils  ne 
font  jamais  attaqués  des  infectes  ^  ce  qu'on 
peut  attribuer  au  fuc  cauftique  de  leurs  feuil- 
les qui  brûlent  la  bouche  lorfqu'on  les  mâche. 

Arbri^eaux  grimpans.  La  clématite  com- 
tjiune  ou  i herbe  aux  gueux  ^  eft  ainfi  appellée 
de  ce  que  les  mendians  de  profelfion  iè  fer- 
vent de  ces  feuilles  pour  fe  former  des  ul- 
cères ,  &  exciter  la  compafîîon  du  peuple  : 
mais  dans  la  balfe-Bourgogne  on  l'appelle 
viorne  ,  quoique  ce  nom  ne  foiî  propre  qu'à 
un  autre  arbriffeau  qu'on  appelle  mancienne 
dans  le  mêtne  pays.  Cette  efpece  de  cléma- 
tite eft  fort  commune  dans  les  bois ,  dans  l^s 
haies  ,  &  dans  les  anciennes  ruines  de  bâti- 
mens ,  oii  (qs  longues  tiges  rampent  &  cou- 
vrent tout  ce  qui  l'avoifîne.  Ses  fleurs  blan- 
châtres qui  viennent  en  bouquet  au  mois  de 
juin  5  &:  qui  durent  pendant  tout  l'été, font 
plus  finguîieres  que  belles ,  &  ont  une  odeur 
agréable  ^  les  graines  qui  leur  fiiccedent  ont 
des  aigrettes  barbues ,  blanches,  &  raffem- 
blées  de  manière  à  les  faire  prendre  de  loin 
pour  de  flocons  de  laine  :  elles  couvrent 
î'arbrifTeau  pendant  tout  l'automne ,  &  une 
grande  partie  dé  l'hiver.  La  bouture  lêroit  le 
plus  court  moyen  de  multiplier  cet  arbrif- 
feau ,  fi  on  lui  connoiflbit  d'autre  utilité  que 
d'être  propre  à  faire  des  liens  &  des  ruches 
de  mouches  à  îniel. 

La  clématite  à  feuille  entière;  c'eft  une  va- 
riété de  la  précédente  ,  dont  elle  ne  diftere 
que  parce  que  fès  feuilles  ne  font  pas  dé- 
coupées. 


CLE 

La  clématite  du  levant  ;  û\  feuille  qui  eft 
lifte  ,  d'un  verd  foncé  6c  fort  découpée  ,  a 
quelque  rellemblance  avec  celle  du  perfil. , 
Sa  fleur  qui  eft  petite  ,  d'un  verd  jaunâtre  , 
ne  paroît  qu'en  automne  j  mais  elle  n'a  nulle 
beauté.  Si  on  peut  tirer  quelque  agrément  de 
cet  arbriftèau,  ce  n'eft  que  de  fon feuillage, 
qui  étant  bien  garni ,  peut  fcrvir  à  faire  des 
paliffades  &  des  portiques  de  verdure  dans 
les  plus  mauvaifes  places ,  où  beaucoup  d'au- 
tres arbriifeaux  ne  pourroicnt  réuflîr.  Cette 
clématite  eft  d'ailleurs  très-robufte  ^  fe  mul- 
tiplie aifément ,  &  s'élève  moins  que  les  pré- 
cédentes. 

La  clématite  du  Canada  ;,  c'eft  encore  une 
variété  de  notre  clématite  commune  ,  dont 
elle  n'eft  différente  qu'en  ce  que  fa  feuille 
n'eft  conftamment  compofée  que  de  trois 
lobes ,  au  lieu  que  dans  l'efpece  commune  , 
les  feuilles  ont  plus  fouvcnt  cinq  lobes  que 
trois. 

La  clématite  à  fleur  bleug  \  cet  arbriftèau 
de  fon  naturel  rampe  par  terre ,  ce  qui  le 
diftingue  d'une  autre  clématite  à  fleur  bleue 
qui  fera  rapportée  ci-après ,  &  qui  n'eft  qu'une 
plante  vivacc. 

La  clématite  a  fleur  bleue  double  ;  c'eft  l'un 
des  plus  beaux  arbriftèaux  fleuriifans  que  l'on 
puiffe  employer  dans  un  jardin  pour  l'agré- 
ment. Son  feuillage  d'un  verd  brun  &  conf- 
tant ,  eft  très-propre  à  varier  les  nuances  de 
verdure.  Sa  fleur  ,  quoique  d'un  bleu  obf- 
cur ,  eft  très-apparente  ^  on  eft  dédommagé 
de  ne  la  voir  paroître  qu'à  la  fin  de  juin,  par 
fa  durée  qui  vafouvent  à  plus  de  deux  mois  ; 
&rarbrifîeau  en  produit  une  fi  grande  quan- 
tité ,  qu'elles  cachent  fon  feuillage  :  mais 
elle  eft  fi  double ,  que  ne  pouvant  s'épanouir 
tout-à-la-fois ,  les  pétales  extérieurs  tombent 
peu-à-peu ,  pour  laifler  aux  plus  prochaines 
la  liberté  de  s'ouvrir  &  de  iè  détacher  à  leur 
tour  'j  enforte  que  pendant  tout  l'été  le  ter- 
rain au  deftbus  eft  jonché  de  fleurs.  On  peut 
le  multiplier  de  boutures  ou  de  branches 
couchées ,  c'eft  la  plus  courte  voie  &  la  plus 
sûre  :  mais  comme  l'arbriftèau  commence  à 
pouifer  de  très-bonne  heure ,  &  fouvent  dès 
la  fin  de  janvier ,  il  faudra  coucher  fes  bran- 
ches qui  feront  de  bonnes  racines  dans  l'an- 
née j  au  lieu  que  fi  l'on  couchoit  du  vieux 
bois  ,  il  feroit  rarement  des  racines  ^  &  s'il 
en  produifoit ,  elles  ne  feroient  fuffilàntes 

pour 


CLE  CLE  249 

pour  la  tranfplantatioii  qu'au  bout  de  deux  9  encore  celles  qui  font  rouges  &  incarnates: 


ans.  Les  boutures  prifès  fur  les  jeunes  bran- 
ches, réuflliTent  beaucoup  mieux  auffi  que 
celles  faites  de  vieux  bois  -^  ciles  donneront 
même  des  fleurs  dès  la  lêconde  année  :  mais 
il  vaudra  mieux  attendre  les  deux  ans  révo- 
lus pour  les  tranfplanter.  Comme  cet  arbrif- 
feau  pouffe  vigourcufement  ,  &  qu'il  pro- 
duit de  longues  tiges  qui  s'élèvent  fbuvent  à 
douze  ou  quinze  pies  ,  la  moitié  de  ces  re- 
jetons fè  defîèche  &  meurt  pendant  l'hiver  \ 
non  feulement  on  doit  ôter  ce  bois  mort  , 
mais  il  faut  aufli  tailler  le  bois  vif  au  àci^'ds 
d'un  œil  ou  deux  ,  fans  craindre  de  nuire 
aux  fleurs  :,  l'arbriffeau  étant  fî  difpofe  à  en 
donner  qu'il  en  produit  toujours,  quoiqu'on 
lie  lui  ait  laiffé  que  du  bois  fort  vieux  ^  & 
quand  même  on  en  vient  jufqu'à  retrancher 
Ja  plus  grande  partie  des  jeunes  rejetons  , 
lorfqu'il  eft  prêt  à  fleurir ,  il  pouffe  de  nou- 
velles tiges ,  &  doHue  autant  de  fleurs  qu'il 
auroit  fait  fans  cela  ^  avec  cette  différence 
ièulement ,  qu'elles  paroiffent  cinq  ou  fîx 
femaines  plus  tard  ,  &  qu'elles  durent  toute 
l'automne  :  facilité  qui  n'eft  pas  fans  mérite 
par  l'avantage  qu'on  en  peut  tirer  pour  l'or- 
nement des  jardins,  dont  on  n'a  à  jouir  que 
dans  cette  faifbn.  Il  fouffre  également  le  re- 
tard de  la  taille  au  printemps  ^  je  l'ai  fbuvent 
fait  couper  gufqa'auprès  des  racines  ,  lorf- 
qu'il avoit  déjà  pouflë  des  tiges  d'un  pie  de 
long,  fans  que  cela  l'ait  empêclié  de  repouf- 
ièr  avec  vigueur ,  ni  de  fleurir  à  l'ordinaire. 
Ce  bel  arbriffeau  qui  croît  promptcment , 
Tfui  réîlfte  aux  plus  cruels  hivers  ,  qui  réuf^ 
lit  dans  tous  \cs  terrains ,  qui  s'accommode 
des  plus  mauA'aifès  expoiîtions  ,  qui  fe 
inultiplic  aifément ,  qui  n'eft  jamais  atta- 
qué des  infectes  ,  efl  fî  traitable  à  tous 
égards,  qu'il  ne  demande  aucune  culture  : 
aufîî  n'y  en  a-t-il  point  de  plus  convenable 
pour  garnir  de  grandes  palilfadcs  ,  des 
portiques,  des  cabinets  ,  des  berceaux,  & 
d'autres  femblabîes  décorations  de  jardins  . 
dont  il  fera  l'afpeâ:  le  plus  agréable  pen- 
dant tout  l'été. 

La  clématite  à  fleur  pourprée  ,  la  clématite  \ 
h  fleur  double  pourprée  ,  la  clématite  à  fleur 
rouge  ,  la  clématite  afl.eur  double  incarnate  : 
<:es  quatre  dernières  efpeces  de  clématite 
font  encore  de  beaux  arbriffeaux  fleuriiians, 
fiir-tout  les  efpeces  à  fleur  double,  &  mieux  , 
.Terne  FIJL 


mais  elles  font  fort  rares  ,  même  en  Angle- 
terre. On  peut  leur  appliquer  ce  qui  a  été 
dit  au  fujet  de  la  clématite  à  fleur  bleue  dou- 
ble ,  elles  ont  les  niêxnes  bomies  qualités  %, 
elles  font  aufîi  aifées  à  élever  ,  à  conduire  , 
&  à  cultiver  :  l'agrément  qu'elles  ont  de  plus 
par  la  vivacité  des  couleurs  rouges  &  incar- 
nates de  leurs  fleurs ,  devroit  bien  engager- 
à  les  tirer  d'Angleterre. 

La  clématite  toujours  verte  OU  la  clématite 
d^Efpagne  :  cet  arbrilîèau  qui  eft  originaire 
des  pays  chauds ,  fe  trouvant  un  peu  déli- 
cat ,  eft  fùjet  à  être  endommagé  du  froid 
dans  les  hivers  rigoureux ,  ce  qui  doit  enga- 
ger à  le  placer  aux  meilleures  expofitions  ^ 
qui  ne  l'empêchent  pas  fouvent  d'être  gelé 
jufqu'aux  racines.  Mais  malgré  qu'on  vante 
la  beauté  de  fon  feuillage ,  qui  efî  d'un  verd 
tendre  &  brillant ,  &  plus  encore  la  rare 
qualité  de  produire  au  cœur  de  l'hiver  fes 
fleurs  qui  font  faites  en  clochette  &d'un  verd 
jaunâtre ,  ce  n'eft  tout  au  plus  qu'un  arbrif- 
feau du  refîbrt  des  curieux  en  coUeciions  , 
lî'ajrant  pas  affez  de  tenue  ni  d'apparence 
pour  être  admis  dans  leï  jardins  d'ornement. 
On  peut  aifément  le  multiplier  de  branches 
couchées  &  de  boutures,  qui  font  de  bonnes 
racines  dans  l'année. 

On  peut  aufîî  multiplier  de  graine  toutes 
les  efpeces  de  clématite  qui  font  à  fleurs  fîm- 
ples  ^  mais  comme  elle  eft  une  année  en  terre 
fans  lever  ,  on  ne  fe  fêrt  guère  de  cç 
moyen  qu'au  défaut  des  autres  plantes  vi> 
vaces. 

La  clématite  h  fleur  bleue  ,  la  clématite  à 
fleur  blanche  ,  la  petite  clématite  d'Efpagne  : 
ces  plantes  périfl'ent  tous  les  hivers  jufqu'aux 
racines ,  repouflcnt  chaque  année  de  bonne 
heure  au  printemps ,  Scfieuriffenten  été.  Lci 
deux  premières  s'élèvent  à  trois  ou  quatre 
pies ,  &  l'autre  feulement  à  un  pié  &  demi  j 
&  c'eft  la  feule  circonftance  qui  la  diftinguc 
de  la  féconde  plante.  Ojii  peut  les  élever  de 
graine ,  ou  en  divifant  leurs  racines ,  qui 
donnent  des  fleurs  l'année  fuivante  :  on  ne 
manque  pas  de  préférer  ce  dernier  moyen 
comme  le  plus  court. &  le  plus  fîm.ple  ,  la 
graine  ne  levant  ordinairement  que  la  féconde 
année  ;,  &  il  lui  en  faut  encore  deux  autres 
pour  donner  des  fleurs.  Du  refte  ces  plantes 
font  très-robaftes ,  viennent  par-tout ,  &  ac 

il 


150  CLE 

demandent  aucune  culture  particulière.  (  c  ) 

Clématite,  ou  herbe  aux  gueux  , 
(  Mat.  méd.  )  la  fbur  ,  la  femence ,  fon 
écorce  &  fa  racine  font  cauftiques ,  &  ne 
doivent  pas  être  employées  intérieurement  \ 
mais  elle  eft  bonne  à  l'extérieur ,  pour  ronger 
les  chairs  baveufes  qui  empêchent  les  plaies 
de  fe  cicatrifer.  On  l'appelle  herbe  aux 
gueux  ,  parce  que  (±s  fortes  de  gens  fè  fer- 
vent du  fiic  cauftique  de  cette  plante  pour  fc 
déchirer  \qs  jambes  &  autres  parties  du 
corps ,  &  infpirer  par  cette  manœuvre  de 
la  compaffion  à  ceux  qui  les  voient  dans  cet 
état ,  qui  n'eft  pas  de  longue  durée  ni  bien 
fâcheux ,  car  lorfqu'ils  veulent  faire  pafî'er 
CCS  marques,  ils  n'ont  beiôin  que  de  les  étu- 
ver  avec  de  l'eau  coinmune. 

CLEMENCE  ,  f.  f.  r  Droit  polit.  ) 
Favorin  la  définit  un  acîe  par  lequel  le  fou- 
verain  fe  relâche  à  propos  de  la  rigueur  du 
droit  ;  &  Charron  l'appelle  une  vertu  qui  fait 
incliner  le  prince  à  la  douceur ,  à  remettre 
&  relâcher  la  rigueur  de  la  juflice  avec  juge- 
ment &  difcrétion.  Ces  deux  définitions  ren- 
fermant \qs  mêmes  idées  qu'on  doit  avoir 
de  la  clémence  ,  font  également  bonnes. 

En  effet ,  c'efl  une  vertu  du  fbuverain  qui 
l'engage  à  exempter  entièrement  les  coupa- 
bles des  peines ,  ou  à  les  modérer  ,  fbit  dani> 
l'état  de  paix ,  foit  dans  l'état  de  guerre. 

Dans  ce  dernier  état  ,  la  clémence  porte 
plus  communément  le  nom  de  modération  . 
&  efl  une  vertu  fondée  fur  les  loix  de  l'hu- 
manité ,  qui  a  entr'autres  l'avantage  d'être 
la  plus  propre  à  gagner  les  efprits  :  i'hiftoirc 
nous  en  fournit  quantité  dexem.ples,  comme 
aufll  d'aâions  contraires  ,  qui  ont  eu  des 
fuccès  tout  oppofés. 

Dans  l'état  de  paix  ,  la  clémence  eonfiiie 
à  exempter  entièrement  de  la  peine,  lorfqife 
Je  bien  de  l'état  peut  le  permettre  ,  ce  qui 
eft  m^êmc  Une  des  règles  du  droit  romain: 
ou  à  adoucir  cette  peine  ,  s'il  n'y  a  de  très- 
fortes  raifons  au  contraire  ,  &  c'efî:  là  la 
féconde  partie  de  la  clémence. 

Il  n'eft  pas  nécefl'aire  de  punir  toujours 
fans  rémiflîon  ies  crimes  d'ailleurs  punillh- 
bles  ^  il  y  a  des  cas  où  le  fbuverain  peut 
faire  graôe  ,  &  c'eil  de  quoi  il  faut  juger 
■  par  le  bien  public  ,  qui  efl  le  grand  but 
ées  peines.  Si  donc  il  fe  trouve  des  circonf- 
taaccs  Quciifwiiàntgraeej  on  procure  autant 


CLE 

ou  plus  d'utilité  qu'en  punifî'ant ,  le  fbuve- 
rain doit  néceffairement  ufer  de  clémence. 
Si  le  criine  eft  caché  ,  s'il  n'eft  connu  quô 
de  très-peu  de  gens ,  s'il  y  a  des  inconvé-^ 
nicns  à  l'ébruiter  ,  il  n'eft  pas-  toujours  né- 
ceflhire  ,  quelquefois  même  il  fêroit  dan- 
gereux de  le  publier,  en  le  punifî'ant  par 
quelque  peine.  Solon  n'avoit  point  fait  de 
loi  contre  le  parricide.  L'utilité  publique , 
qui  eft  la  mefijre  des  peines ,  demande  en- 
core quelquefois  que  l'on  fafîè  grâce  à  caule 
des  conjonèfures  ,  du  grand  nombre  des 
coupables,  des  caufès,  des  motifs  qui  les 
ont  animés  ,  des  temps  ,  des  lieux  ,  &c.  car 
il  ne  faut  pas  exercer  .  au  détriment  de 
l'état ,  la  jultice  qui  eft  établie  pour  la  con- 
fèrvation  de  la  fbciété. 

S'il  n'y  a  point  de  fortes  &  prelfantes  rai- 
fons au  fouvcrahi  de  pouvoir  faire  grâce  , 
il  doit  alors  pencher  plutôt  à  mitiger  la  peine 
(  à  moins  que  des  raifons  valables  &  juftes 
ne  s'y  oppofènt  entièrement,  comme  quand 
il  s'agit  de  crimes  qui  violent  les  droits  de  la 
nature  &  de  la  fociété  humaine  ) ,  parce 
que  toute  peine  rigoureufe  a  quelque  chofe 
de  contraire  par  elle-même  ,  fînon  à  la  juf- 
tice ,  du  moins  à  l'humanité.  L'empereur 
Marc-Antonin  le  penfoit  ainfi ,  &  y  confcr- 
moit  fk  conduite, 

La  clémence  eft  contraire  à  la  cruauté  ,  à 
la' trop  grande  rigl^eur ,  non  à  la  juftice,  de 
laquelle  elle  ne  s'éloigne  pas  beaucoup., 
mais  qu'elle  adoucit  ,  qu'elle  tempère  ;  & 
la  clémence  eft  néceliàire  à  caufe  de  finfir- 
mité  humaine  ,  &  de  la  facilité  de  faillir  , 
comme  dit  Charron. 

Suivant  ies  principes  généraux  qu'on  vient 
d'établir,  on  peut  voir  quand  le  ibuveraiu 
doit  punir  ,  quand  il  doit  mitiger  la  peine  , 
&  quand  il  doit  pardonner.  D'ailleurs  , 
lorfque  la  clém.ence  a  des  dangers  ,  ces  dan- 
gers font  très-vifibîes  ^  on  la  diftingue  aifé- 
ment  de  cette  foibJcfiè  qui  mené  le  prince 
au  mépris  ,  &  à  limpuiffance  même  de 
punir  ,  comme  le  remarque  l'illuflre  auteur 
de;  l'efprit  des  loix. 

Voici  ce  qu'il  ajoute  fur  cette  matière 
dans  cet  ouvrage  ,  liv.  VI ,  chap.  xxj. 

((  La  clémence  eiï  la  qualité  diftindive  des 

m.onarqucs.  Dans  la  république  où  l'on  a 

pour  principe  la  vertu ,  elle  eli  moins  nécef- 

;  faire*  Vaiii  l'état  ^elipotic^ue  qù  jregne.  ]a. 


CLE 

oranite  ,  elle  efl  moins  ea  iifage, parce  qu'il 
•faut'  contenir  les  grands  de  l'état  par  des 
exemples  de  févérité.  Dans  les  monarchies 
où  l'on  eft  gouverné  par  l'honneur  ,  qui 
foavent  exige  ce  que  la  loi  défend ,  elle  ell 
plus  néceflaire.  Ladifgrace  y  eft  équivalente 
à  la  peine  ^  les  formalités  même  des  juge- 
mens  y  font  des  punitions.  C'eft-Ià  que  la 
honte  vient  de  tous  côtés  pour  former  des 
genres  particuliers  de  peines, 

c<  Les  grands  y  font  fi  fort  punis  par  la 
difgrace,  par  la  perte  fouvcnt  imaginaire  de 
kur  fortune  ,  de  leur  crédit: ,  de  leurs  habi- 
tudes ,  de  leurs  plaifirs,  que  la  rigueur  àleur 
égard  eft  inutile  '^  elle  ne  peut  fervir  qu'à  ôter 
aux  fujets  l'amour  qu'ils  ont  pour  la  perfonne 
du  prince ,  &  le  relpe£l:  qu'ils  doivent  avoir 
pour  les  places. 

<c  On  difputera  peut-être  aux  monarques 
quelque  branche  de  l'autorité  ,  prefque 
jamais  l'autorité  entière  ^  &  fi  quelquefois 
ils  combattent  pour  la  couronne  ,  ils  ne 
combattent  p3int  pour  la  vie. 

«  Ils  ont  tant  à  gagner  par  la  clémence  , 
elle  eft  fiiivie  de  tant  d'amour ,  ils  en  tirent 
tant  de  gloire  ,  que  c'eft  prefque  toujours  un 
bonheur  pour  eux  d'avoir  occafîon  de  l'exer- 
cer ,  &  ils  le  peuvent  prefque  toujours  dans 
nos  contrées.  » 

C'eft  une  héureufe  prérogative  dont  ils 

jouiifent ,   &  le  caraâere   d'une  belle  ame 

quand  ils  en  font  ufage.   Cette  prérogative 

leur  eft  utile  &  honorable  ,   fans  énerver 

leur  autorité.  Je  ne  connois  point  de  plus 

beau  trait  dans  l'oraifon  deCicéron  pour  Li- 

giarius ,  que  celui  où  il  dit  à  Céfar ,  pour  le 

porter  à  la  clémence  :  «  Vous  n'avez  reçu  rien 

»)  de  plus  grand  de  la  fortune  ,  que  le  pou- 

»)  voir  de  cçnfèrver  la  vie  ;,   ny^icn  de  meil- 

)>  leur  de  la  nature  que  la  volonté  de  le 

»  faire.  »  (  M.  le  chevalier  de  Ja  ucovrt.  ) 

*  Clémence  ,  (  Myth.  )  Les  anciens  en 

avoient   fait  une  divinité  ^  elle  tenoit  lîtie 

Ijranche  de  laurier  d'une  main ,  &  une  lance 

de  l'autre.  Le  pié  de  fa  ftatue  fut  un  afyle 

dans  Athènes.  On  lui  dédia  dans  Rome  un 

temple  &  des  autels  après  la  mort  de  Jules 

Çéfar.  Sa  figure  le  voit  fur  les  monnoies  de 

Tibère  &  de  Vitellius.  Elle  eft  là  bien  mal 

placée. 

.  ^  CLEMENTE  (  Sr.  ) ,  Géogr.  mod.  ville 
.d'E {pagne  dans  la  mancîîe. 


CLE  25T. 

CLÉMENTIN  ,  fi  m.  (  lîifloire  cccléf.  ) 
terme  en  ufiige  parmi  les  auguftins  ,  pour 
défigner  un  religieux  qui  après  avoir  été  neuf 
ans  fupérieur,  ceflè  de  l'être,  &  redevient 
fimple  religieux ,  foumis  comme  les  autres 
à  l'autorité  d'un  fupérieur. 

Ce  mot  vient  de  ce  qu'un  pape  du  nom  ■ 
de  Clément ,  défendit  par  une  bulle  qu'aucun 
fupérieur  des  augufcins  confervât  fon  emploi 
plus  de  neuf  ans  de  fuite.  Dicl»  de  Trév.  {G) 
CLÉMENTINES  ,  adj.  fémin.  prisfjbf. 
(  Jurifp.  )  On  entend  ordinairement  fous  ce 
nom  un  recueil  des  décrétales  du  pape 
Clément  V ,  fait  par  l'autorité  du  pape  Jean 
XXII  fon  fucq||^ur. 

Clément  V  avoit  fait  une  compilation  , 
tant  des  décrets  du  concile  général  de  Vien- 
ne, auquel  il  avoit  p'réfidé ,  que  de  fès  épi- 
tres  &  conftitutions  ;,  mais  fa  mort  arrivée 
le  20  avril  1 3 14,  l'ayant  empêché  de  publier 
cette  colleftion  ,  Jean  XXII  fon  fucceffeur 
la  publia  en  1317  fijus  le  nom  à^  clémenti- 
nes ,   &:  l'adrella  aux  univerfités. 

E.lles  font  divifées  en  cinq  livres  ,  où  les 
matières  du  droit  canonique  font  diftribuées 
à-peu-près  fiiivant  le  même  plan  que  les  dé- 
crétales de  Grégoire  IX.  V.  Dechetales. 
Clémentines  eft  aufti  le  nom  que  l'on  donne 
quelquefois  à  un  recueil  de  plufieurs  pièces 
anciennes  ,  qui  font  de  prétendus  canons  & 
conftitutions  des  apôtres ,  &  autres  pièces 
apocr^'phes  attribuées  faullèment  à  St.  Cla- 
ment ,  évêque  de  Rome.  Voye^  Cotelier, 
en  fon  recueil  des  ouvrages  des  pères  ^  des 
temps  apoftoliques  j  Dupin  ,  biblioth.  des 
auteurs  eccléfiaftiques  ;  Ceiller  ,  Aijl.  des 
ant.  facr.  &  eccléf.  {A) 

CLEMPENOW ,  (  Gécgr,  mod.  )  petite 
ville   d'Allemagne  dans  la  Poméranie. 

CLÉOBIENS  ,  fi  m.  plur.  {Tkéolog.) 
fefte  àQs  fimoniens  dans  le  premier  fiecle 
de  réglife.  Elle  s'éteignit  prefque  dans  fii 
naiflànce.  Hegelippe  &  Théodoret ,  qui  en 
parlent ,  ne  Ipécitient  point  par  quels  îènti- 
mens  lescléoèiens  fe  diftinguerent  des  autres. 
On  croit  qu  ils  ont  eu  pour  chef  un  nommé 
Cléobe  ,  compagnon  de  Simon  ,  &  qu'il 
avoit  compofé  avec  cet  héréfiarque  divers 
livrer  fous  le  nom  deJefiis-Chrift  pour  trom- 
per les  chrétiens.  Hegefippe  ,  apud  Eiifeb, 
liv.  IV^ ,  ckap.  xzij  ,  ant.  conjiit.  apoji.  M. 
'   Dupin ,  hibliot,  des  auteurs  eccléf.  des  trois 

I  i  2 


3L  5 1  CLE 

fremîers  Jieclù\  hs  diâ,  de  labiale^  de  Triv. 
&  Chainbers. 

CLÉOMENE  I  du  n«m  ,  (  Hifi.  de  La- 
eédémone.  )  Deux  rois  fpartiates  ont  porté  le 
nom  de  Ctéomene  ;  Je  premier  étoit  nls  d'A- 
naxandridc  ,  dont  il  fiit  rhéritier  au  trône  , 
fiins  en  avoir  eu  hs  talens  &  la  gcnéroiîté. 
Dans  les  prerr.iers  jours  de  fou  règne ,  il 
tourna  les  armes  csntre  l'Argolide,  qu'il  fc 
jîropora  plutôt  de  dévaftcr  que  de  conqué- 
rir. Guerrier  fans  principe  &  fans  généro- 
iîté,  il  exerça  les  plus  affreufes  cruautés  con- 
tre les  Argiens.  Ces  peuples ,  après  leur  dé- 
faite 5  fe  réfugièrent  dans  une  épaiifc  forêt , 
où  ils  furent  bientôt  invei^HI^  Cléomerx  ne 
vouloit  leur  accorder  aucune  capitulation  ;, 
&  dans  le  temps  qu'ils  imploroient  fa  clé- 
mence ,  il  fit  mettre  le  feu  à  la  forêt ,    où 
tous  ces  infortunés  furent  la  proie  des  flam- 
mes. Quoique  Cléomem  ,  fans  génie  &  fans 
vertu  ,  fût  regardé  comme  un  imbécillc  fu- 
rieux qui ,  dans  certains  momens  ,  avoit  la 
férocité  d'une  bête  lauvage  ,  il  eut  la  gloire 
d'affranchir  Athènes  du  joug  des  Pififtrati- 
des  j  mais  après  en  avoir  été  le  libérateur  , 
il  voulut  en  régler  la  defîinée  :  fept  cents  des 
principales  familles  furent  bannies.  La  ty- 
rannie ,  à  peine  détruite  ,  fut  remplacée  par 
une  plus  humiliante.  Un  certain  Ifagoras, 
flétri  par  fes  crimes  &  fès  débauches ,  avoit 
fîi  plaire  à  Cléomcnc  ;  cet  homme  vil  &  fans 
capacité,  voulut  tout  régler  dans  le  fenat  & 
dans  les  afferablées  du  peuple.  Les  dignités 
furent  le  prix  de  la  corruption  ,   &  les  plus 
vertueux  citoyens  furent  profcrits.  Les  Athé- 
niens ,  dont  les  uns  étoicnt  opprimés  &  les 
autres  craiguoient  de' l'être  ,  s'alîemblercnt 
furaultuairement  -^  toute  la  ville  retentit  du 
bruit  des  armes.  Un  peuple  ne  fent  jamais 
mieux  fa  force  que  quand  il  fort  de  i'op- 
preiïîon.  Cléomene  effrayé ,  fe  réfugie  dans  la 
citadelle ,  où  les  cris  des  partifans  d'ifàgpras 
f{u'on  égorge  ,  lui  font  craindre  une  môme 
'^deflinée.  Les  Athéniens  ,  moins  cruels  que 
lu* ,  confentent  à  lui  faciliter  une  retraite. 
Dès  qu'il  fe  vit  en  fureté  ,  il  arma  pour 
fe  venger  de  ceux  qui  l'avoient  réduit  à 
trembler.  Il  entre  dansl'Attique  qu'il  ravage , 
après  avoir  égorgé   tous  les  habitans  qui 
tombent  entre  fes  mains.  Athènes  du  haut 
de  {es  remparts  apperçoit  les  flammes  qui 
4éyoreut  ïes  moiHbi^s  y  les  habitans  lueiia-  \ 


CLE 

ces  de  vivre  efcîaves  ,  prennent  les  armes  , 
réfclus  de  mourir  libres.  Les  àe\\^  armées 
étoient  en  préfence ,  lorfque  les  alliés  de  La- 
cédémOne  le  reprochèrent  de  ver(er  un  fang" 
innocent  pour  affcuvir  les  vengeances  d'un 
forcené.  Ils  fe  retirèrent  fans  combattre  , 
&  Démocrate  ,  collègue  de  Cléomene ,  fiii- 
vit  leur  e?<emplc.  Cette  défection  engagea 
les  éphores  à  porter  une  loi  qui  défcndoit 
aux  deux  rois  de  Sparte  de  fe  trouver  en- 
fembîe  dans  la  même  armée ,  }>our  éviter 
les  haines  qui  naillent  du  partage  du  pou- 
voir. Cléomene  abandonné  de  fes  alliés  & 
de  fon  collègue ,  étoit  trop  borné  &  trop  pré- 
fomptueux  pour  prévoir  le  danger  :  il  com- 
battit &  fut  vaiîîcu.  Sa  défaite  ,  qui  devoit 
l'hum.ilier  ,  ne  fit  qu'aigrir  fes  fureurs  j  H 
fiif:ita  des  ennemis  aux  Athéniens  dans  fou- 
tes les  contrées  de  la  Grèce  :  &  prodigue 
dans  fes  largeifes  ,  il  fit  parler  la  prêtreffe 
de  Delphes  ,  qui  prédit  à  toutes  les  villes 
une  opprefîlon  afîlirée  ,  fi  elles  ne  mettoient 
.des  bornes  à  la  puiirance  d'Athènes.  Mais 
une  fàine  politique  triompha  des  menaces 
de  la  fùperflition  ,    Se  les  Grecs  pour  la 
première  fois  crurent  être  plus  éclairés  fur 
leurs  propres  intérêts ,  qu'une  prêtrelle  fourbe 
&  vénale. 

Ariftagore ,  gom-Tsmeur  de-  Milet  ,  mé- 
content de  la  cour  de  Perfc  ,  fè  tranfporta 
à  Sparte  ,  pour  y  repréfenter  qu'il  étoit  dés- 
honorant pour  un  peuple  auffi  belliqueux 
de  laiffer  l'Ionie  fous  la  domination  de  Da- 
rius,  &  il  découvrit  les  moyens  de  l'arra- 
cher à  fès  anciens  maîtres.  Il  eut  de  fré- 
quens  entretiens  avec  Cléomene  qui ,  étonne 
de  la  difitance  de  Sparte  à  Suze  ,  rejeta  fès 
propofitions.  Il  crut  que  fes  préfens  lèroient 
plus  puiffans^ue  (es  raifons  ,  Si  il  lui  offrit 
jufqu'à  cinquante  talens  pour   l'engager  à 
tenter  cette  conquête.  Gorgo  ,  fille  de  Cléo- 
mene ^  étonnée  d'une  offre  fi  éblouilfante  ^ 
s'écria  :   «  Mon  père  ,  renvoyez  prompte- 
raent  cet  étranger  ,  c'eft  un  ufiirpatcur  qui 
vous  féduira.  -n  Ariflagore  rebuté  à  Sparte  , 
fut  favorablement   écouté   des  Athéniens. 
Cette  conjuration  étouffée  dans  fà  naiffance, 
fournit  un  prétexte  à  Darius  de  tourner  fès, 
armes  contre  la  Grèce.  Leshabitaiis  d'Egine 
étoient  les  plus  expofés  à  ies  vengeances  ^ 
ils  crurent  devoir  les  prévenirpar  une  promptes 
ibijimiffion  :  Clément  fe  uanfporta.  daj^ 


C  L  Ë 

leur  île  pour  les  punir  d'avoir  donné  un 
exemple  qui  pourroit  entraîner  les  autres 
vUles  menacées.  Crius  ,  un  des  principaux 
de  ces  iniiilaires  ,  eut  l'audace  de  lui  dire 
que  ,  s'il  ofoit  maltraiter  le  dernier  des  ci- 
toyens ^  il  le  feroit  repentir  de  fa  témé- 
rité. Cléonune  fe  retira  en  menaçant  Crius  , 
dont  la  hardieffe  étoit  excitée  par  Démarate, 
gutre  roi  de  Lacédémone  ,  qui  traverfoit 
fècrétement  les  defTeins   de  fon  collègue. 
Cléomene  inftruit  de  ^on  infidélité  ,   le  cita 
devant  k  peuple  pour  fe  juftifier.  Outre  le 
crime  de  trahifon  ,   il  lui  imputoit  encore 
d'être  le  fruit  d'un  adultère  ,  &  que  fa  naif- 
fance  prématurée  avoit  donné  occafion  à 
ion  père  de  dire  qu'il  n'étoit  pas  fon  fils.  La 
pythoniife  fut  confultée ,  &:  fa  réponfe  fut 
conforme  aux  defirs  de  Cléomene  ,  qui  l'a- 
voit  féduite  par  la  magnificence  de  fes  pré- 
fens.  Démarate  fut  dégradé ,  &  fa  couromie 
fut  mife  fijrla  têtede  Léotichide.  Mais  quel- 
que temps  après ,  là  fourberie  avec  la  Pytho- 
Diife  fut  découverte  ^  il  fut  regardé  comme 
un  profanateur  qui  avoit  abufé  de  la  reli- 
gion pour  corrompre  fès  miniftres.  Le  peu- 
ple demandoit  hautement  £à  mort  pour  ven- 
ger les  dieux  outragés  ^  &  ce  fut  pour  fe 
ibullraire  à  fès  fureurs  qu'il  fe  retira  chez  les 
TucHaliens  ,   dont  il  fut  exciter  la  compaf- 
fîon.   Ces  peuples  féduits  fe  réunirent  aux 
Arcadienj  ,  pour  le  rétablir  fur  le  trône  de 
{ks  ancêtres.  Les  Spartiates  ,  occupés  dans 
une  guerre  importante ,  craignirent  de  fe 
faire  de  nouveaux  ennemis.  Ils  confentirent 
à  le  faire  rentrer  dans  fes  prérogatives,  mais 
il  n'en  jouit  pas  long-temps  ^  ii  tomba  dans 
une  démence  furieufc  qui  obligea  de  ren- 
fermer :  un  jour  qu'il  étoit  reflé  avec  unfeul 
de  fès  gardes  ,  il  lui  arracha  fon  épée  qu'il 
fè  paifa  à  travers  du  corps  ,  l'an  492  avant 
Jefus-Chrift.  {T-N.) 

Cléomene  II ,  {Hifi.  de^  Lacédémone)  fils 
de  Léodina ,  fîit  fon  fucceifeur  au  trône  de 
Sparte.  Son  père  ,  dévoré  d'avarice  ,  lui 
avoit  fait  époufer  Agiatis ,  îiprè^  la  mort  d'A- 
^s  fon  premier  mari.  Cette  union  formée 
par  l'intérêt  parut  néceifaire  à  fa  politique  ^ 
car  outre  que  la  jeune  veuve  étoit  la  plus 
opulente  de  la  Laconie,  eWt  étoit  la  feule 
qui  pût  calmer  les  haines  des  factions  qui 
,déchiroient  l'état.  L'exemple  d  un  père  avare 
i^  *oiuj3tueux  a'avoit  ^oiht  corrompu  l«i 


CLE  255 

trempe  du  cœur  de  fou  fils.  Cléomene  fut 
fortifié  dans  {qs  heureux  penchans  par  fa  vcr- 
tueufe  époufe  \  le  récit  qu'elle  lui  faifeit  da 
défiutérefpjmeut  d'Agis ,  le  remplit  d'admi- 
ration pour  ce  roi  citoyen.  Dès  ce  moment  , 
il  réfoîut  de  faire  revivre  l'ancienne  difei- 
pline  de  Lycurguc  &  d'exécuter  ce  que  l'au- 
tre  avoit  maîheureuicment   eifayé.    Ceux, 
qu'il  choifit  pour  être  les  dépofitaireî  de  fou 
fecret  en  furent  les  cenfeurs  ;,  il  craignit  d'ê- 
tre trahi  par  des  amis  infidèles ,  &  dès  ce 
moment ,  il  réfolut  de  ne  prendre  plus  d© 
confèil  que  de  lui-mêm.e  :  il  n'avoit  encore 
rien  exécuté  de  grand ,  &  il  ne  pouvoit  inf- 
pirer  cette  confiance  néceffaire  aux  arîifàns 
des  grandes  révolutions.  La  guerre  qu'Ara- 
tus  porta  dans  l'Arcadie  ,   lui  fournit  uue- 
occafion  de  développer  fcs  talens  pour  la 
guerre.  If  fe  mit  à  la  tête  de  l'année  qui  ré- 
prima l'invafion  des  Achéens  d^ns  l'Arca- 
die. Ce  jeiuîc  prince  ,  grand  capitaine  far.^ 
le  fècours  de  rcxpcrieace ,  triompha  tle  l'ha- 
bileté d'Aratus  ,  dont  la  vie  n'avoit  été  juf^ 
qu'alors  qu'un    enchaînement  de  viétoires,. 
Cléomene  fut  aiTêtcdans  le  cours  de  fes  prol- 
périîés  par  les  intrigues  d'une  faclion  qui 
aima  mieux  foufcrii'e  aux  conditions  d'une 
paix  déshonorante  ,    que   de  fùppcrter  le 
poids  d'une  guerre  glorieufe.  Ce  fut  pour  fe 
fortifier  contre  cette  faélion  turbulente ,  qu'il 
rappella  Archidamas ,  frère  d'Agis ,  pour  la 
faire  afieoir  fur  le  trône  avec  lui  :  mais  ceux 
qui  avoient  trempé  leurs  mains  dans  le  fàna^ 
d'Agis ,  craignoient  les  jufîes  vengeances  dct 
fon  frère,  &;ccfuîpour  les  prévenir  qu'ils  ic 
firent  allkfiîner. 

Cléomene  touché  de  la  deflinée  de  fbii 
ami ,  n'en  fut  que  plus  ardent  à  pourfuivre 
iki  defièins.  Les  âmes  vénales  furent  gagnées 
par  fès  préfèns ,  &  les  gens  de  bien  ,  qui 
ferment  toujours  le  plus  petit  nombre  ,  lui 
promiirent  leur  afiiflance.  Sa  mère  Crateiilée 
épuifa  fès  immenfès  trélbrs  pour  lui  acheter 
Aqs  partifàns.  Les  éphores  dont  l'avarice  fut 
flitistaite  ,  confièrent  à  lui  fènl  le  foin  de.  ■ 
continuer  la  guerre.  Quoique  tous  l^s  jours 
de  fon  commandement  fufTent  marqués  par 
de  brillnns  fùccès  ,  il  excita  moins  l'admira- 
tion que  \ts  fcupçons  d'un  peuple  prompt 
à  s'alarmer  fur  iou  indépendance.  1  audis. 
qu'il  triomphoit  au  dehors ,  fès  plus  dar.- 
gereux  einiemis  ^  reuièiinés  diuis  Sparte  ,  la 


154.  CLE 

peignoient  comme  un  ambitieux  trop  faml- 
liarifé  avec  le  commandement, pour iè  con- 
tenir dans  les  bornes  de  fes  devoirs.  Ces 
bruits  calomnieux  parvinrent  jufqu'à  lui  & 
ce  fut  pour  les  dilTiper  qu'il  revint  à  Sparte, 
où  étudiant  le  caraftere  de  ceux  qui  étoient 
le  plus  acharnés  à  lui  nuire  ,  il  eut  la  politi- 
que de  les  emmener  avec  lui  à  l'armée  ,  pour 
les  avoit  fous  fes  ordres  :  mais  ces  hommes, 
nourris  dans  les  fattions  ,  furent  aufll  mau- 
vais foldats  qu'ils  étoient  fjtjets  indociles  ^ 
ils  ne  purent  fupporter  les  fatigues  du  camp , 
&  on  fut  obligé  de  les  licencier.  Des  qu'il 
fiit  débarraffé  de  ce  fardeau  inutile ,  il  n'eut 
dans  fon  armée  ni  rebelles ,  ni  murmura- 
teurs.  Les  ennemis  furent  battus  &  difper- 
fés  ^  mais  quand  fa  patrie  n'eut  plus  rien  à 
craindre  ,  il  eut  tout  à  redouter  .pour  lui. 
Les  éphores  &  leurs  complices  éblouis  de 
fa  gloire  ,  en  ternirent  l'éclat  par  des  impu- 
tations calomnieufes  ^   il  crut  devoir  les  en 
punir  :  il  marché  vers  Sparte  ,  &  fes  mou- 
vemens  font  fi  fecrets  &  fi  bien  concertés  , 
qu'il  y  eft  entré  avant  qu'on  foupçonne  qu'il 
foit  en  marche.  Les  éphores ,  artifans  de 
tous  les  troubles ,  furent  les  viftimes  fur  qui 
tombèrent  fes  premiers  coups  ;  quatre  fu- 
rent égorgés ,  au  milieu  de  la  débauche  de 
la  table  qu'il  fe  propofoit  de  profcrire  ^  dix 
de  leurs  convives  furent  enveloppés  dans 
leur  ruine.  Agéfilas  qui  étoit  le  plus  coupa- 
ble,  fauva  fa  vie  en  eontrefaifant  le  moft. 
Cette  fcene  langlante  lui  parut  néceliaire 
pour  n'avoir  pas  la  même  deftinée  qu'Agis 
qui  avoit  été  la  viâime  de  fa  modération 
ik  de  fa  clémence.  Mais  le  fang  de  l'inno- 
cent ne  coula  point  avec  celui  du  coupable. 
Les  chaires  des  éphores  furent  enlevées  du- 
forum,  &  leur  pouvoir" fut  aboli.  Cet  aâ:c 
du  pouvoir  arbitraire  étoit  un  attentat  con- 
tre la  fureté  du  citoyen.  Cléomene  fit  afi'em- 
hler  le  peuple  pour  lui  faire  entendre  fa  jui- 
tification  ^  il  s'appuya  fiir  la  nécefîlté  qui 
eft  la  première  des  loix  ,    &  fur  rexem^ple 
de  Licurgue  qui  dans  les  mêmes  circonflan- 
ces  en  avoit  donné  lexemple.  Son  éloquence 
ébranla  les  elprits  ,  &  il  acheva  de  les  fub- 
juguer  ,  en  déclarant  qu'il  n'avoit  d'autre 
but  que  de  délivrer  Sparte  des  perturba- 
teurs qui  s'oppofoient  à  l'abolition  des  det- 
tes &  au  partage  des  terres.  Ces  motifs  fu- 
rent iuftifiés  par  le  facrifice  qu'il  fit  de  tous 


C  LE 

ks  biens.  Son  beau- père  Mégefton  &  tous 
fès  amis  fuivireut  cet  exemple  de  modé- 
ration. L'ancienne  difcipline  fut  rétablie 
dans  toute  fa  vigueur.  Perfonne  ne  fut  dif- 
penfé  de  fe  trouver  aux  repas  publics  , 
&  la  milice  fpartiate  tombée  dans  Je  relâ- 
chement redevint  aufiî  redoutable  aux  en- 
nemis que  dans  le  temps  de  fa  première 
fpiendeur.  Les  Achéens  humiliés  par  des 
défaites  multipliées ,  fe  dépouillèrent  de 
leur  fierté  infultante  ,  &  s'abaifTerent  à  de- 
mander la  paix  à  Cléomene.  Il  ne  leur  im- 
pofa  d'autre  condition  que  d'être  déclaré  le 
chef  de  leur  ligue.  Ces  peuples  charmés  de  fà 
modération,  furent  flattés  de. le  voir  mar- 
cher à  leur  tête. 

Aratus  dépouillé  d'un  titre  qu'il  avoit  porté 
avec  gloire  ,  ne  put  fouffrir  d'être  fupplanté 
par  ce  jeune  rival.  Il  intéreflè  les  Macé- 
doniens dans  Ça.  caufe  ,  &  leur  ouvre  les 
barrières  de  la  Grèce.  Une  guerre  nouvelle 
fe  rallume  :  Clémene  en  foutint  tout  le  poids 
avec  des  forces  dont  l'inégalité  ne  iërvit  qu'à 
mieux  développer  la  fupériorité  de  fès  talens. 
Ses  premiers  fuccès  en  annonçoient  de  plus 
éclatans,  lorfqu'il  fut  trahi  par  un  de  fes 
principaux  officiers  ,  que  l'or  d'Antigone  , 
roi  de  Macédoine  ,  avoit  corrompu.  Six 
mille  Spartiates  périrent  près  de  Sillafie,  dans 
des  embûches  où  le  traître  Damotelès  \t% 
avoit  conduits.  Cléomene  qui  n'étoit  qu'à 
plaindre  ,  rentra  dans  Sparte  qui  fut  alTez 
ingrate  pour  lui  reprocher  fon  malheur.  Il 
ne  put  le  réfondre  à  fbuffrir  les  outrages 
d'un  peuple  dont  il  étoit  le  bienfaiteur  \  il  fe 
retira  en  Egypte,  auprès  de  Ptolémée  Ever- 
gete ,  dont  l'amitié  lui-  faifoit  efpérer  un  dé- 
dommagement de  {es  difgraces.  La  mort 
inopinée  de  ce  monarque  l'expofa  à  la  çen- 
liire  d'une  jeune  cour  plongée  dans  le  luxe 
&  la  mollelfe.  Cléomene  qui  avoit  l'aufiérité 
d'un  fpartiate  ,  étoit  trop  fier  pour  diflimu- 
1er  ;  il  exhala  fes  mépris  contre  les  courti- 
fans  efféminés  qui  le  regardoient  commiC  un 
lion  féroce  qui  venoit  s'introduire  parmi  un 
troupeau  d'agneaux  doux  &  dociles,  il  fè 
vengea  de  leurs  dédains ,  par  les  farcafmes 
les  plus  amers.  Il  en  fut  puni  par  la  prifon. 
C'éîoit  le  plus  grand  outrage  qu'on  piit  faire 
à  un  i})artiate  qui  regardoit  la  vie  comme 
un  opprobre  ,  dès  qu'il  celfoit  d'être  libre. 
l\  rompt  les  partes  de  fa  prifon  ,  ik  fui\^  d© 


CLE 

douze  fpartiates  ,  compagnons  de  fon  in- 
fortune ,  il  fe  répand  dans  les  rues  d'Ale- 
xandrie ,  où  n'écoutant  que  fon  défefpoir , 
il  oublie  qu'il  eft  prefque  fèul  au  milieu  d'une 
multitude  armée.  Malgré  la  fureur  dont  il 
eft  enivré ,  il  n'étend  fes  vengeances  que  fur 
les  auteurs  de  fa  détention  :  c'étoit  un  fpec- 
tacle  d'héroïfme  &  d'extravagance  ,  de  voir 
treize  forcenés  s'ériger  en  arbitres  de  la  ville 
la  plus  peuplée  du  monde.  Cléomene  devenu 
plus  calme  ,  eft  étonné  de  fe  voir  entsuré 
de  victimes  qu'il  vient  d'immoler.  Il  fe  tranf- 
porte-dans  la  place  publique  oîi  le  peuple 
s'étoit  ralTemblé  ^  il  lui  promet  de  fe  mettre 
à  fa  tête  pour  le  rétablir  dans  la  jouilfance 
de  lès  privilèges.  Les  Egyptiens  familiarifés 
avec  leurs  chaînes ,  furent  infenfibles  à  lès 
promefTes.  Cléomene  indigné  de  leur  infen- 
iibilitc  ,  s'écrie  :  peuple  lâche  &  flétri  ,  tu 
ne  mérites  que  d'être  gouvirné par  des  fem- 
mes. Il  tire  i^Qn.  épée  &  invite  {qs  compa- 
gnons à  fuivre  fon  exemple  ,  &  tous  en  i'i- 
mirant  tombent  expirans  fiir  leurs  épées.  La 
liberté  &  la  Iplendeur  de  Sparte  s'éclipie- 
rent  avec  lui  ;,  cette  ville  eut  encore  des  iia- 
bitans ,  mais  on  n'y  compta  plus  de  citoyens. 
(  T-N.) 

CLEOPATRE  ,  (  Hifi,  des  Egyptiens.  ) 
Cléopatre  ,  fille  d'Antiochus  ,  roi  de  Syrie  , 
fut  mariée  à  Ptolémée  Epiphane.  Cette 
union  ne  produifit  pas  \<î:,%  effets  que;  fon  père 
en  avoit  efpéré  pour  fon  agrandiilêment  \ 
devenue  reine  d'Egypte  ,  elle  en  embraila 
.  vivement  les  intérêts  :  ce  fut  par  les  confeik 
qu'Epiphane  follicita  les  Romains  de  porter 
la  guerre,  en  Syrie.  Après  la  mort  de  fon 
mari ,  elle  prit  la  tutelle  de  fon  fils  Philo- 
métor,  qui  n'étoit  âgé  que  de  fix  ans.  Son 
adminiftratioii  prudejite  garantît  l'Egypte 
des  guerres  &  des  révoltes  \  tandis  que  tous 
les  peuples  jouiiîoient  du  retour  de  la  prof- 
périté  5  une  mort  prématurée  l'enleva  à  la 
nation.  (  T-s..  ) 

Cléopatre  ,  C  Hifloire  des  Egyptiens.  ) 
fœur  &  femme  de  Piiilométor ,  en  eut  un 
fils  qu'elle  voulut  placer  fur  le  trône.  L'E- 
gypte fut  déchirée  par  deux  faâions  rivales. 
Les  uns  vouloient  un  jeune  roi  ,  pour  pou- 
voir gouverner  fous  fon  nom  ^  les  autres 
craignoient  que  leur  patrie  ne  fût  frappée 
.  par  de  nouvelles  calamités ,  fi  l'on  dcféroit 
le  fcep.tre  à  dss  moins  trop  foibles  poLir  le 


CLE  255 

porter  i  rambafladeur  rom.ain ,  choifi  pour 
arbitre  ,  décida  que  Phifcon  époulëreit  Cléo- 
patre ,  dont  le  fils  feroit  déclaré  héritier  du 
royaume  :  le  jour  des  noces  fut  un  jour  de 
deuil.  Le  jeune  prince  fut  égorgé  par  l'crdra 
de  Phifcon  dans  les  bras  de  fa  inere.  Cléo- 
patre répudiée  eut  encore  l'humiliation  de 
fè  voir  remplacée  par  la  fille  qu'elle  avoit 
eue  de  Philométor ,  que  le  tyran  avoit  violée 
avant  de  lui  donner  le  titre  d'époufo.  Sou 
malheur  arma  l'Egypte  pour  elle  :  les  ftatues 
de  Phifcon  furent  renverfées  ,  &  Cléopatre 
fut  proclamée  reine  dans  Alexandrie.  Le 
tyran  dénaturé  ne  crut  pouvoir  mieux  fe 
venger ,  qu'en  faifant  égorger  un  fils  qu'il 
avoit  eu  d'elle  ,  dont  il  lui  envoya  la  tête 
avec  ordre  de  la  faire  fcrvir  fur  fa  table ,  le 
jour  du  feftin  qu'elle  préparoit  pour  célé- 
brer fou  anniverfaire  :  enfoite  il  levé  une 
arm.ée ,  &  vainqueur  par  fes  lieutenans ,  il 
oblige  Cléopatre  à  quitter  l'Egypte  ,  &  à  fe 
réfugier  auprès  deDémétrius  qui  avoit  épou- 
fé  fà  fille ,  à  qui  elle  promit  la  couronne 
d'Egypte ,  pour  î'intéreifer  à  fa  vengeance. 
Le  monarque  ,  ébloui  par  l'éclat  de  cette 
promeiTe  ,  étoit  aufii  detefté  dans  les  états  , 
que  Phifcon  l'étoit  dans  les  fiens  :  il  fut  aliaf- 
liné  dans  Tyr ,  avant  d'avoir  exercé  Ces  vcn- 
:reances.  Cléopatre ,  privée  de  fon  appui  , 
fo  réfugia  auprès  de  fa  fille,  montée  au 
trône  de  Syrie  depuis  la  mort  de  (on  m.ari  : 
elle  y  vécut  obfcure  &  fans  confidération  , 
dévorée  de  la  foif  de  la  vengeance  qu'elle  ne 
pouvoit  aflbuvir.  (  T-N.  ) 

Cléopatre  \Hift-oire  des  Egyptiens.^ 
femme  de  Phifcon  ,  fut  élevée  fur  le  trône 
d'Egypte ,  conformément  au  teftament  de 
fon  époux ,  à  conditiîion  qu'elle  partageroit 
fon  fceptre  avec  celui  de  io.'S.  fils  qu'elle  croi- 
roit  le  plus  digne  de  le  porter.  Son  penchant 
la  décida  pour  le  plus  jeune  ,  qui  s  appelloit 
Alexandre  ,  dont  le  cara(ficre  flexible  pro- 
m.ettoit  qu'il  lui  abandonneroit  la  plénitude 
du  pouvoir.  Les  Egj'ptiens ,  ne  confuitant 
que  le  droit  de  la  nature  ,  lui  dictèrent  un 
autre  choix ,  &  la  forcèrent  de  s'afîbcier 
l'ainé,  qui  prit  le  fornomi  de  Soter.  L'oppo- 
fition  de  leur  caraftsre  fut  une  femence  de 
troubles  domefiiques  :  la  mère  ,  gouvernée 
par  fes  miniilres ,  voulut  envahir  toute  l'au- 
torité: le  fils,  honteux  de  n'être  qu'un  fan- 
tôme'courpmié ,  pcrfecuta  les  ininifiies  ^gjii 


»5^  CLE 

Ji'oulolent  faflervlr.  La  rivalité  du  pouvoir 
aigrit  les  haines.  Cléopatre  ,  pour  fe  débar- 
raiîèr  d'uu  collègue  importun ,  lui  fuppofa  le 
crime  d'avoir  voulu  l'aflafliner.  Des  eunu- 
ques tout  fanglans  fe  préfenterent  dans  la 
place  publique  ,  &:  dirent  au  peuple  aHcm- 
b!c  qu'ils  a  avoiciit  été  maltraités  que  pour 
a\  oir  défendu  la  mère  contre  un  fils  parri- 
cide :  cette  impofture  eut  un  plein  fuccès. 
Soter  5  devenu  un  objet  d'exécration  ,  ne 
<téroba  £a  vie  à  la  fureur  du  peuple  que  par 
la  fuite.  Cléopatre^  inflexible  dans  fa  haine, 
lie  ceffa  de  pourfuivre  fon  fils ,  qui ,  après 
avoir  eifuyé  beaucoup  de  revers ,  redevint 
affez  puilTant  pour  la  punir  ^  mais  il  n'en  fut 
que  plus  tendre  &  plus  fournis  ^  fatigué  d,u 
iardeau  des  affaires,  il  iè  reprocha  la  honte 
<le  tourner  fes  armes  contre  fa  mère  :  elle 
n'eut  pour  lui  que  les  fèntimens  d'une  marâ- 
tre ;  &:  confiante  dans  fa  haine ,  elle  ne  put 
lui  pardonner  d'avoir  autant  de  modération 
clans  la  profpérité ,  qu'elle  avoit  d'orgueil 
dans  les  revers.  Alexandre ,  qui  profitoit  des 
crimes  de  fa  mère ,  &  qui  par  la  dégra- 
dation de  fon  frère  ,  avoit  été  replacé  fiir  le 
trône  ,  crut  avoir  tout  à  redouter  d'une 
femme  familiarifée  avec  les  atrocités  ^  il 
s'impofa  un  exil  volontaire  j  &  tandis  que 
Cléopatre  fe  félicite  de  régner  fans  partage , 
le  peuple  lui  impofe  la  loi  de  fe  choifirun 
collègue  :  Alexandre  efl  rappelle  j  &  fur  de 
la  faveur  du  peuple ,  il  ne  le  borne  plus  à 
jouir  de  l'ombre  du  pouvoir ,  il  en  veut  la 
réalité:  fâraere  acheté  des  afTafTîns,  pour  fe 
débarralfer  de  ion  collègue ,  qui  la  prévient 
&  la  fait  mourir.  (  T-n.  ) 

Cléopatre,  [Hifioire  des  Egyptiens.) 
Ptolémée  Aulete  ,  fentant  fa  fin  appro- 
cher ,  défigna  pour  lui  fuccéder  fon  fils 
Ptolémée  ,  furnommé  le  jeune  Denis  &  fa 
fille  ainée ,  connue  fous  le  nom  de  Cléopa- 
tre, Le  fénat  Romain ,  qui  fut  établi  pour 
tuteur  ,  déféra  cet  honneur  à  Pompée  qui , 
trop  occupé  de  fes  propres  affaires ,  confia 
l'adminiflration  de  l'Egypte  aux  foins  d'Ar- 
chillas  &  de  l'eunuque  Photin,  miniftres  qui 
avoient  des  talens  ,  &  à  qui  il  ne  manquoit 
que  des  mœurs.  Cléopatre  ,  qui  avoit  autant 
d'élévation  dans  l'efprit  que  fon  cœur  avoit 
de  foiblelfe ,  lailTa  Archilîas  &  Photin  jouir 
4'un  vain  titre  ,  &  s'arrogea  tout  le  pouvoir. 
Leur  vanité  humiliée  calomnia  cette  prin- 


CLE 

celTe  ;  ils  publièrent  que  ,  voulant  jouir  du 
trône  fans  partage ,  elle  tenoit  fon  frère  dans 
une  dépendance  aviliffante ,  le  peuple  prit 
les  armes ,  &  Cléopatre ,  pour  fe  fouftraire 
à  fes  fureurs,  fe  retira  en  Syrie ,  où  elle  leva 
une  armée.  Elle  fc  préparoit  à  faire  une  in- 
vafiondans  l'Egypte,  lorfquc  Pompée,  vain- 
cu à  la  journée  de  Éharfalc  ,  alla  chercher 
un  afyle  chez  un  peuple  qu'elle  avoit  droit 
de  punir.  L'aflaflinat  de  cet  iJlullre  romain 
fut  vengé  par  fon  propre  ennemi.  Céfar  vou- 
lant encore  être  le  pacificateur  de  l'Egypte , 
ordonna  à  Ptolémée  &  à  Cléopatre ,  de  licen- 
cier leurs  armées ,  &  de  venir  difcuter  leurs 
droits  à  fon  tribunal  ,  fous  prétexte  que  , 
repréfentant  le  peuple  romain  qu'Aulete 
avoit  établi  tuteur  de  ks  enfans  ,  il  pouvoit 
s'ériger  en  arbitre ,  fans  violer  les  droits  de 
leur  indépendance.  Cléopatre  pleine  de  con- 
fiance dans  le  pouvoir  de  {es  charmes ,  fc 
perfuada  que  fa  beauté  feroit  plus  éloquente 
que  les  plaidoyers  des  orateurs.  Elle  fe  rend 
fecrétement  à  Alexandrie  j  & ,  à  la  faveur 
des  ténèbres ,  elle  pénètre ,  fans  être  recon- 
nue ,  dans  l'appartement  de  Céfar.  Elle 
étoit  trop  tendre  &  trop  belle ,  pour  ne  pas 
intéreifer  la  reconnoilîhnce  de  fon  juge. 
Céfàr  étoit  trop  galant ,  pour  ne  pas  rendre 
hommage  à  fa  beauté  :  il  fit  appeller  Ptolé- 
mée qu'il  invita  à  fe  réconcilier  avec  fon 
époufè  :  le  prince ,  fcandalifé  de  la  trouver 
dans  là  maifon  d'un  homme  qui  avoit  la  ré- 
putation d'être  le  mari  de  toutes  les  femmes, 
en  parut  moins  difjjofè  à  la  reprendre  ;  &  , 
voulant  fe  venger  de  fa  décifion  ,  il  dépofe 
fon  diadème  ,  &  le  met  en  pièces  aux  yeux 
d'une  multitude  qu'il  avoit  fait  affembler 
pour  être  le  témoin  de  fa  dégradation.  Le 
peuple  d'Alexandrie ,  touché  de  fon  mal- 
heur ,  court  aux  armes ,  &  inveftit  le  palais 
de  Céfar  qui,  fans  s'émouvoir  ,  fe  montre 
aux  féditieux  :  il  prend  un  ton  d'autorité  , 
&  leur  parle  en  maître  qui  diéle  des  loix  :  il 
fait  lire  le  teftament  d' Aulete ,  &  en  prefcrit 
l'exécution.  Le  peuple  calmé  applaudit  à  fà 
décifion ,  &  Cléopatre  eft  aflbcié  à  fon  frère 
dans  le  gouvernement. 

Cette  émotion  fut  fuivie  d'une  autre  plus 
dangereufe.  Archilîas  qui  craignoit  d'être 
puni  par  Cléopatre  ,  fe  met  à  la  tête  d'une 
foldatefque  familiarifée  avec  tous  les  crimes. 
Céfar  5  afliégé  dans  Alexandrie,  eut  bcfoin 


CL  E 

de  toutes  les  reflburces  de  fbn  génie  pour 
enfanter  une  armée.  Les  artifàns  &  les  en- 
claves furent  métamorphofés  en  foldats.  On 
combattit  fur  terre  &:  fur  le  Nil  :  la  fortune 
ne  trahit  jamais  Céfar  ^  &  toujours  vain- 
queur ,  il  fe  délalTa  de  fes  fatigues  dans  les 
bras  de  l'amour.  Cléopatre  lui  donna  un  fils 
qui  porta  le  nom  de  Céfarion  ,  &  qu'Au- 
gufte  eut  l'inhumanité  de  faire  égorger  :  l'a- 
mour qu'elle  avoit  infpiré  à  Céfar  ,  étoit  fi 
violent ,  qu'il  forma  le  deflein  d'établir  une 
loi  qui  permettroit  à  tout  citoyen  romain  , 
d'époufèr  autant  de  femmes  qu'il  lui  plairoit , 
pour  avoir  lui-même  le  privilège  d'aflbcier 
à  fon  lit  fon  amante.  Il  remonta  le  Nil  avec 
elle  :  &  elle  l'eût  accompagné  dans  l'expé- 
dition qu'il  méditoit  contre  l'Ethiopie ,  fi 
fon  armée  n'eût  murmuré  d'aller  porter  la 
guerre  dans  ces  climats  brûlans. 

Cléopatre^  favorifée  de  Céfàr  ,  fut  afîiirée 
de  l'impunité  de  tous  les  crimes  :  le  jeune 
Ptolémée  ,  qu'on  lui  avoit  aiTocié  au  gou- 
vernement ,  alarma  fon  ambition  :  il  fut 
empoifonné  par  l'ordre  de  cette  fœur  bar- 
bare ,  qui  jouit  paifiblement  d'un  trône  dont 
ion  fratricide  auroit  dû  l'exclure.  Après  que 
Céfar  eut  été  aflafilné ,  Cléopatre ,  incertaine 
&  flottante  ,  favorifa  fuccefiivement  les  deux 
partis.  La  journée  de  Philippe  décida  du  fort 
de  Rome  &  des  rois  fes  alliés  :  Antoine  paifa 
^ans  l'Afie  ,  &  Cléopatre  fut  citée  à  fon  tri- 
bunal 5  pour  fe  juftifier  de  ce  que  les  gou- 
verneurs de  la  Phénicie  qui  étoit  foumife  à 
l'Egypte  ,  avoient  fourni  du  fecours  aux  en- 
nemis du  Triumvirat.  Duellius ,  qui  fut  en- 
voyé en  Egypte ,  fut  fi  ébloui  de  l'éclat  de 
fa  beauté  ,  qu'il  lui  prédit  qu'elle  auroit  bien- 
tôt fon  juge  à  {.ts  genoux  :  elle  partit  pour 
la  Cilicie  :  fon  vaifleau ,  chargé  de  richefl!es , 
étoit  auiîî  magnifique  que  fa  fuite  étoit  vo- 
luptueufè  :  la  poupe  étoit  d'or  ,  les  rames 
d'argent ,  &  les  voiles  de  pourpre  :  le  fon 
des  flûtes ,  des  guitares  ,  &  de  tous  les  inf^ 
trumens  propres  à  infpirer  de  douces  lan- 
gueurs ,  frappoit  les  oreilles ,  &  réveilloit 
les  {èns.  La  reine  étoit  parée  de  tous  les  at- 
tributs de  Vénus.  Des  enfans  repréfcntoient 
de  petits  cupidons  ,  &  de  jeunes  filles  les 
grâces.  L'odeur  des  difFérens  parfums  qu'on 
brûloit ,  fe  répandit  fur  tout  le  rivage  :  le 
bruit  ferépandoit  que  Vénus  arrivoit  à  Tarfe, 
pour  avoir  une  entrevue  avec  Bacchus  \  elle 
Tomt  VIIL 


CLE  257 

avoît  vingt-cinq  ans  j  l'expérience  qu'elle 
avoit  déjà  faite  du  pouvoir  de  fes  charmas 
lui  fit  eipérer  un  triomphe  nouveau. 

Antoine  ,  âgé  de  quarante  ans ,  avoit  en- 
core tout  le  feu  des  partions.  Il  l'envoya  com- 
plimenter ,  &  la  fit  inviter  à  fouper  j  mais 
elle  le  fit  prier  de  fe  rendre  lui-même  au  ri- 
vage ,  où  elle  avoit  fait  préparer  ,  fous  une 
magnifique  tente  ,  un  feîlin  où  elle  étala  ua 
luxe  &  une  élégance  dont  les  Romains ,  ac- 
coutumées à  la  délicateffe  ,  n'avoient  pas 
même  une  idée.  Antoine  n'oublia  rien  pour 
la  fiirpaflèr  le  lendemain  ^  mais  il  s'avoua 
vaincu  :  ils  devinrent  bientôt  ainans  :  leurs 
cœurs  également  dominés  par  l'amour  & 
l'ambition ,  entretinrent  leurs  feux  par  le 
rafinement  de  toutes  les  voluptés  :  aux  pîai- 
firs  de  la  table  fuccédoient  ceux  de  l'amour, 
Antoine  lui  ayant  contefté  la  pofiibilité  de 
dépenfer  un  million  dans  un  feul  feftin  ,  elle 
ne  fit  fervir  que  des  mets  ordinaires  ^  &  fur 
la  fin  du  repas ,  on  lui  préfenta  un  vafe  rem- 
pli de  vinaigre  ,  dans  lequel  elle  fit  difibu- 
dre  une  perle  eftimée  un  million  de  notre 
monnoie  ,  &  elle  l'avala.  Chaque  jour  elle 
donne  un  nouvel  exemple  de  fes  profufions  : 
fi  elle  invite  fon  amant  à  un  feftin  ,  elle  lui 
fait  prcfent  des  vafes  &  coupes  d'or  qui  bril- 
lent fur  la  table  :  les  applaudifTemens  qu'elle 
reçoit  la  jettent  dans  de  nouvelles  prodiga- 
lités 3  &  elle  eft  aufli  follement  magnifique 
envers  tous  les  officiers  Romains  ,  qu'envers 
fon  amant. 

Après  quelques  jours  pafles  dans  une  ivrefie 
continuelle  de  plaifirs  ,  ils  quittent  Tarfe  , 
pour  aller  goûter  les  délices  d'Alexandrie  : 
tandis  qu'ils  s'aiToupilTent  dans  des  voluptés 
voifincs  de  la  débauche  ,  le  fénat  ordonne 
à  Antoine  de  marcher  contre  les  Parthes  : 
il  part ,  &  fbn  amante  trouve  bientôt  le  fe- 
cret  d'adoucir  les  maux  de  l'abfence.  Sans 
frein  dans  fes  penchans ,  elle  s'abandonne 
aux  hommes  les  plus  vils  *,  ils  lui  paroifiènt 
alfez  nobles  ,  dès  qu'ils  font  aiîèz  robufles. 
Plufieurs  achetèrent ,  au  prix  de  leur  vie ,  le 
plaifîr  d'une  nuit  j  &  cette  reine  lafcive ,  par 
un  refte  de  honte  ,  fe  débarralFoit ,  par  un 
alFaffinat ,  des  complices  de  fon  incontinence. 
Antoine  triomphant ,  vint  chercher  le  prix 
de  ks  conquêtes  dans  l'Egypte.  Le  roi 
d'Arménie  ,  chargé  de  chaînes.,  fut  traîné 
dans  les  rues  d'Alexandrie  ^  &  Cléopatre  eut 

Kk 


15»  C  LE 

4a  gloire  de  voir  à  fès  pies  un  monarque  , 
dont  le  vainqueur  étoit  fon  captif.  Enivrée 
de'ia  profpérité  ,  elle  alpire  à4'cmpire  du 
monde  :  fon  amant  lui  en  fait  la  promeffe  , 
iôc  il  ordonne  la  cérémonie  de  Ton  couron- 
nement. Au  jour  indiqué  ,  il  monte  fur  un 
trône  ,  le  front  ceint  d'un  diadème ,  &  por- 
tant dans  fa  main  un  fceptr'e  d'or.  Cléopatre 
aiîife  à  fa  droite  ,  eft  proclamée  reine  d'E- 
gypte ,  de  Chypre ,  de  Lybie ,  &  de  la  Célé- 
Syrie,conjointem.ent  avec  ion  fils  Céfarion. 
Les  trônes  du  refte  du  monde  furent  parta- 
gés entre  \qs  fils  qu'elle  avoit  eus  d'Antoine , 
&  ils  prirent  le  titre  de  roi  des  rois.  Ge  fpec- 
tacle  fcandaleux  fouleva  tous  les  Romains  : 
Oâiave  fait  des  préparatifs  pour  venger  l'af- 
front fait  au  nom  Romain.  Antoine  lui  op- 
pofe  fes  forces  nombreufes.  Il  fe  rend  à 
Ephefè  ,  où  il  fut  fiiivi  de  Cléopatre  :  les 
vieux  foldats  furent  indignés  de  voir  leur  chef 
dominé  par  une  femme  qui  étaloit  dans  le 
camp  le  luxe  d'une  cour  voluptueufe.  Ce  fut 
à  Samos  que  Cléopatre  jouit  de  la  plénitude 
de  fa  gloire  :  tous  les  rois  qui  s'y  trouvèrent , 
ne  parurent  que  fes  ilijets.  Dès  que  la  faifbn 
permit  de  commencer  les  hoftilités  ,  on  en 
vint  aux  mains  près  du  rivage  d'A6lium.  A 
peine  l'aftion  étoit  commencée  ,  que  Cléo- 
patre ,  effrayée  du  bruit  des  armes  ,  prit  la 
fuite.  Antoine  ,  infidèle  à  la  gloire ,  ne  con* 
fuite  que  les  intérêts  de  fon  amour  :  il  fuit 
l'exemple  de  fon  amante  ,  &  abandonne  la 
viôoire  à  fon  rival.  Cléopatre  rafTembla  dans 
Alexandrie  les  débris  de  fa  grandeur  :  deve- 
nue inquiète  &  foupçonneufe ,  elle  immole , 
à  une  politique  timide,  tous  ceux  qui  pou- 
voient  allumer  des  féditions.  Antoine  trahi 
par  fon  armée  de  terre  ,  vient  rejoindre  fôn 
amaiite  qu'il  trouve  entourée  de  viâimes  ^ 
il  lui  devint  indifférent  dès  qu'il  fut  malheu- 
reux '-,  &  cette  reine  ,  dont  l'ambition  tenoit 
toutes  fès  autres  pafîions  afTervies  ,  forma  le 
deifein  de  lui  fubflituer  fon  vainqueur  :  elle 
envoie  fecrétement  à  Oélaveune  couronne  & 
'  un  fceptre  d'or ,  pour  lui  faire  connoître  que 
tous  les  droits  de  la  fbuveraineté  réfîdoient 
en  lui.  Il  lui  promit  l'impunité,  pourvu  qu'elle 
fît  mourir  Antoine  :  tandis  que  Cléopatre 
négocie  fa  paix  avec  Od:ave  ,  elle  redouble 
fes  careffes  à  fon  erédule  amant ,  dont  l'an- 
niverfaire  fut  célébré ,  avec  une  magnifi- 
çeuce  que  l'état  préfènt  auroit  dû  profcrirc. 


CLE 

Au  milieu  de  toutes  ces  fêtes ,  elle  contî- 
nuoit  f^  négociations  avec  Céfiir  f,  &  bien- 
tôt fon  amiral  avec  fa  flotte  palTa  du  côté 
de  Céfar.  Après  cet  éclat  ,  elle  avait  tout  à 
craindre  du  reffentiment  de  fon  époux  ou- 
tragé &:  trahi  :  ce  fut  pour  en  prévenir  le 
jufle  reffentiment  qu'elle  fe  retira  dans  le 
toirbeau  des  rois  ,  fès  ancêtres  ,  oij  elle  fit 
traufJ3orter  fes  tréfors.  Le  bruit  de  fa  mort 
fè  répandit  dans  Alexandrie,  &  Antoine  ne 
pouvant  fe  réfbudre  à  lui  furvivrc  ,  le  fit 
donner  la  mort  par  un  de  fes  affranchis  : 
tandis  qu'il  refpire  encore  ,  il  apprend  que 
fon  époufe  efl:  vivante  :  il  ordonne  à  fes  qC- 
claves  àe  le  tranfporter  dans  le  tombeau  où 
elle  s'efl  réfugiée.  Cléopatre  qui  craignoit  une 
trahifon  ,  défendit  d'ouvrir  les  portes  ,  &  fe 
lèrvit  de  cordes  pour  le  guinder  en  haut  : 
leur  réunion  fut  touchante  :  Antoine  tout 
fanglant  &  refpirant  à  peine  ,  tourne  fes 
yeux  mourans  vers  elle ,  &  paroît  mourir 
fans  regret ,  puifqu'il  meurt  dans  Ces  bras  ; 
tandis  qu'ils  confondent  leurs  larmes ,  & 
qu'elle  nettoie  fa  plaie,  il  expire  dans  fes  bras. 
L'amibition  de  Céfar  étoit  de  fe  failîf  de 
Cléopatre  vivante.  Proculeus ,  à  la  faveur 
d'une  échelle  ,  eut  l'adreffe  de  s'introduire 
dans  le  tombeau  :  dès  qu'il  l'apperçut ,  elle 
tira  fon  poignard  pour  s'en  percer  le  fein  : 
il  le  lui  arracha ,  en  lui  difant  :  Princeffe  , 
c'efl  outrager  Céfar  ,  que  de  lui  ravir  la 
gloire  d'étendre  flir  vous  fa  générofité.  La 
première  grâce  qu'elle  demanda  fut  d'enfe- 
velir  le  corps  d'Antoine  j  &  elle  s'en  acquitta 
avec  une  magnificence  qui  rappella  fan  an- 
cienne fplendeur  :  la  fièvre  dont  elle  fut  at- 
taquée lui  fournit  un  prétexte  de  s'abftenir 
de  manger  ,  &  de  prendre  des  potions  qui 
pouvoient  la  délivrer  du  fardeau  de  la  vie. 
On  pénétra  fon  deffein  ,  &  Céfar  lui  fit 
dire  qu'elle  devoit  vivre  pour  fes  enfans. 
Il  alla  lui  rendre  une  vifite ,  où  elle  le  reçut 
couchée  fur  un  lit ,  avec  une  fimplicité  étu- 
diée &  plus  féduifante  que  les  ajuflemens 
les  plus  recherchés.  Le  défordre  de  fes  che- 
veux ,  fes  regards  triftes  &  languiffans  fèm- 
bloient  promettre  un  nouveau  triomphe  à 
l'amour  :  fa  voix  exprimoit  toutes  les  paf^ 
fions  j  &  en  décelant  les  mouvemens  de 
fon  am.e  ,  les  tranfmettoit  dans  le  cœur  de 
celui  qui  pouvoit  l'entendre  :  fès  yeux  aidés 
,  de  la  magie  de  fa  voix  touchante  commu- 


CLE 

nîquoient  un  feu ,  dont  elle  paroi/Toit  elle- 
même  embrafée  :  dès  qu'elle  apperçut  fon 
vainqueur  ;  Recevez  ,  lui  dit-elle ,  mon  hom- 
mage :  je  fus  autrefois  fouveraine  ^  c'eft  à 
vous  que  la  viâ:oire  ftc  les  dieux  ont  déféré 
ce  titre  :  tandis  qu'elle  parloit ,  Ces  regards 
mendioieut  ceux  de  Céfar ,  qui  n'ofoit  les 
fixer  fiir  elle  :  fon  infenlibilité  la  rendit  fù- 
rieufe  -^  elle  fè  jeta  une  féconde  fois  à  fes 
genoux,  en  lui  difant  :  Je  détefte  la  vie,  & 
ma  gloire  me  défend  de  la  confen'er.  Cé- 
iàr  en  la  quittant  lui  fit  les  plus  flatteufes 
promelîès  j  &  ,  quelque  temps  après  ,  il 
chargea  le  jeune  Dolabella  de  lui  annoncer 
de  fè  tenir  prête  à  partir  avec  fes  enfans  dans 
trois  jours.  A  cette  nouvelle  ,  elle  fe  repré- 
fenta  toute  l'horreur  de  fa  deftinéc  j  &  fe 
tranfportant  dans  le  tombeau  d'Antoine , 
elh  l'apoftropha  comme  s'il  eût  été  vivant. 
Après  qu'elle  eut  arrofé  le  tombeau  de  fes 
larmes  ,  elle  fè  fit  fervir  un  magnifique  re- 
pas j  enfuite  elle  écrivit  à  Céfar ,  pour  lui  de- 
mander la  faveur  d'être  enfevelie  avec  fbn 
cher  Antoine  :  elle  fe  revêtit  de  fes  plus  ri- 
ches habits  ,  comme  fi  elle  eût  dû  afllfter  à 
une  fête  ^  &  fc  jetant  fur  fon  lit ,  elle  de- 
manda une  corbeille  de  fruits  qu'un  payfan 
venoit  de  lui  apporter.  Il  y  avoit  un  afpic 
caché  fous  les  feuilles  ;  ellefè  fit  une  incifion 
au  bras ,  &  préfenta  fa  plaie  à  lécher  à  l'a- 
nimal dont  la  morfure  fit  circuler  le  poi- 
fbn  dans  fes  veines,  &  lui  procura  une  mort 
prompte  &  fans  douleur  :  telles  furent  la  vie 
&  la  mort  démette  reine  célèbre ,  qui  éprouva 
l'ivreffe  de  l'amour  &  les  tourmens  de  l'am- 
bition ,  qui  allia  le  goût  des  arts  à  celui  des 
voluptés ,  &  la  délicateffe  à  la  débauche.  Le 
temps  defirufteur  de  la  beauté  fèmbla  ref- 
pe(^er  £es  traits ,  &  l'expérience  lui  prêta  des 
armes  pour  fubjugucr  les  cœurs  les  plus  re- 
belles. Quoique  tendre  Se  fènfible ,  elle  étoit 
iàns  frein  dans  fès  vengeances ,  &  prodigue 
envers  fès  amans  :  elle  verlbit  fans  remords 
le  fang  des  rivaux  de  fon  ambition.  (  T-n.  ) 
CLÉOPHAS,  {HiJI.  eccléf.  )  fi-ere  de  S. 
Jolèph  y  &  fils  comme  lui  de  Jacob ,  époufa 
Marie ,  fœur  de  la  fainte  Vierge,  &  fè  trou- 
va ainfi  oncle  de  Jefùs-Chrifl  ^  il  ne  comprit 
bien  le  myflere  de  la-  croix ,  que  lorfque  Je- 
fiis  reffufcité  lui  apparut  fur  le  chemin  d'Em- 
maiis  où  il  alloit  avec  fon  fils  Siméon  5  alors 
4cs  yeux  s'ouvrirent ,  Ôcil  crut.  Il  avoit  en- 


C  L  E  '259 

core  trois  autres  fils ,  Jofeph ,  Jacques  le  mi- 
neur &  Judas ,  autrement  Thadée. 

CLEPSIAMBE  ,  f.  m.  {Hijf.  anc.  )  Hef- 
chius  &  les  lexicographes  grecs  nomment 
ainfi  quelques  chanibns  d'Alcman. 

CLEPSIANGOS ,  (  Mujiq.  inft,  des  anc.  ) 
Athénée  dit  qu'Ariftoxene  mettoit  le  cUp» 
fiangos^  au  nombre  des  inftrumens  étrangers 
aux  Grecs,  aufîi  bien  que  le  phœnix,  le  pec- 
tis ,  la  magade ,  la  fambuque ,  le  trigone ,  le 
fcindapfè  &  l'ennéacorde.  Je  penfe  que  le 
clepfiangos  &  le  clepfiambe  pourroient  bien 
être  le  même  inflrument.  {F.  D.  C.  ) 

CLEPSYDRE,  {Mu^q.  injir.  des  anc.) 
On  trouve  dans  Athénée  (  Libro  IV  Deipno- 
foph.  ) ,  qu'il  y  avoit  un  inflrument  de  mufi- 
que  à  tuyaux  ,  appelle  ctepfydre  ,  inventé 
par  Cléfibius,  barbier  de  profefTion,  mais 
favant  dans  l'art  de  conftruire  Aes  inflru- 
mens  hydrauliques ,  &  qui  même  a  laiffé 
un  traité  fur  cet  art.  Voici  la  defcriptioa 
qu'Athénée  donne  du  clepfydre. 

<c  Cet  inflrument ,  affez  femblable  par  fk 
figure  à  un  autel  rond ,  doit  être  mis ,  non 
au  nombre  des  inftrumens  à  cordes  qu  oa 
pinçoit ,  mais  au  nombre  des  infbrumens  à 
tuyaux  j  les  orifices  des  tuyaux  étoient  tour- 
nés vers  l'eau ,  en  forte  que  quand  on  l'agi- 
toit ,  le  veut  que  cette  eau  produifoit ,  fai- 
foit  rendre  un  fon  doux  aux  tuyaux  :  il  y 
avoit  des  efjjeces  de  balanciers  qui  paffoieiit 
au  delà  de  l'inftniment.  » 

Il  paroît  par  cette  defcription  que  c'étoit 
une  véritable  orgue  hydraulique.  Athénée 
conclut  fà  defcription  par  dire  :  a  Voilà  ^ 
»  Oulpian!  tout  ce  que  je  peux  dire  de  l'or- 
»  gue  hydraulique ,  »  mais  cela  ne  prouve 
rien ,  car  les  Grecs  appelloient  les  inflru- 
mens  en  général or^aw ,  organa.  (  F.  D.C.  ) 

Clepsydre  ,  f.  f.  (  Phyjko-Mathém.  ) 
efpece  d'horloge  à  eau  9  ou  vafe  de  verre 
qui  fèrt  à  mefiirer  le  temps  par  la  chute  d'une 
certaine  quantité  d'eau.  V.  Horloge  ,  &c, 

Cemot  vient  de  KKi'^rla ,  condo ,  je  cache  , 
&  udfflf ,  aqua.  eau. 

II  y  a  aufîi  des  cUpfydres  de  mercure.  Les 
Egyptiens  mcfiiroient  par  cette  machine  le 
cours  du  fbleil.  Tichobrahé  en  a  fait  ufagô 
de  nos  jours  pour  mefiirer  le  mouvement 
des  étoiles  ,  &c.  &  Dudley  dans  toutes  les 
obfèrvations  qu'il  a  faites  à  la  mer. 

L'ufàge  des  depfydres  eft  fort  ancien  j  ell^ 

KkA 


%6o  CLE 

■ont  été  inventées  en  Egypte  fous  le  règne  des 
Ptolémées  ^  on  s'en  fervoit  fur-tout  l'hiver , 
les  cadrans  folaires  étant  plus  d'ufage  l'été. 
Elles  ont  deux  grands  défauts ,  l'un  que  l'eau 
coule  avec  plus  ou  moins  de  facilité ,  félon 
fjue  l'air  eft  plus  ou  moins  denfe  ^  l'autre  , 
que  l'eau  s'écoule  plus  promptement  au  com- 
mencement qu'à  la  fin. 

M.  Amontons  a  propofé  une  depfydre  qui 
ii'eft  fiijette  ,  félon  lui ,  à  aucun  de  ces  deux 
inconvéniens ,  &  qui  a  l'avantage  de  fervir 
d'horloge  comme  les  cUpfydres  ordinaires  , 
de  fervir  en  mer  à  la  découverte  des  lon- 
gitudes ,  &  de  mefurer  le  mouvement  des 
artères  :  mais  cette  depfydre  n'eft  point  en 
ufage. 

Confhuclion  d'une  depfydre.  Il  faut  pour 
cela  divifer  un  vaiiTeau  cylindrique  en  par- 
ties qui  puilFent  fe  vuider  dans  des  divifions 
de  temps  marqués  \  les  temps  dans  lefquels  le 
vaiiTeau  total  &  chaque  partie  doivent  fe 
vuider  étant  donnés.  Suppofons  par  exemple 
un  vaiifeau  cylindrique ,  tel  que  l'eau  to- 
tale qu'il  contient ,  doive  fe  vuider  en  1 2 
■heures  j  &  qu'il  faille  divifer  en  parties  dont 
chacune  mette  une  heure  à  fe  vuider.  1°.  Di- 
tes :  comme  la  partie  du  temps  i  eft  au  temps 
total  1 2  ,  ainfi  le  même  temps  1 2  eft  à  une  4e 
proportionnelle  144.  2°.  Divifez  la  hauteur 
du  vaiifeau  en  144  parties  égales ,  &  lapartie 
Supérieure  tombera  dans  la  dernière  heure  , 
les  trois  fuivantes  dans  l'avant-deniiere  ,  les 
cinq  voifines  dans  la  dixième ,  ùc.  enfin  \qs 
vingt-trois  d'en-bas  dans  la  première  heure. 
Carpuifque  les  temps  croilfent  fuivant  la 
iérie  des  nombres  naturels  i ,  2  ,  3  , 4, 5 ,  &<?. 
^  que  les  hauteurs  font  en  raifon  des  quarrés 
des  nombres  impairs ,  3  5  5  ?  7  ?  9  5  «S'a.  pris 
dans  un  ordre  rétrograde  depuis  la  12»  heu- 
re, les  hauteurs  comptées  depuis  la  1 2«  heure 
feront  comme  les  quarrés  des  temps  ,1,4,9, 
16,  25 ,  àc.  d'où  il  s'enfuit  que  le  quarré  144 
du  nombre  de  divifions  du  temps ,  doit  être 
égal  au  nombre  des  parties  de  la  hauteur  du 
vaiifeau  qui  doit  fe  vuider.  Or  la  liqueur  def- 
cend  d'un  mouvement  retardé  ,  &.  l'expé- 
rience prouve  qu'un  fluide  qui  s'échappe  d'un 
Vafe  cylindrique  ,  a  une  vîteife  qui  eft  à-peu- 
près  comme  la  racine  quarrée  de  la  hauteur 
du  fluide  ;,  de  forte  que  les  efpaces  qu'il  par- 
court en  temps  égaux  décroiifent  comme  les 
nombres  impairs.  Donc  >  Çic> 


C  L  E 

M.  Varignon  a  généralile  ce  problême 
fuivant  fa  coutume  ,  &  a  donné  la  méthode 
de  divifer  ou  graduer  une  depfydre  de  figure 
quelconque ,  enforte  que  les  parties  du  fluide 
contenues  entre  les  divifions,  s'écoulent  dans 
des  temps  donnés.  L'académie  propofa  les 
loix  du  mouvement  des  depfydres ,  pour  le 
fiijet  du  prix  de  l'année  172  5.  Il  fut  remporté 
par  M.  Daniel  Bcrnoulli;,  &  fa  pièce  eft  im- 
primée dans  le  recueil  des  pièces  des  prix  de 
l'académie.  Quoiqu'elle  foit  fort  ingénieufe  , 
l'académie  nous  avertit ,  dans  une  eipece  de 
programme  qui  eft  à  la  tête ,  qu'il  lui  a  paru 
que  la  queftion  propofée  n'avoit  pas  encore 
été  liiifiiàmment  approfondie. 

Une  des  grandes  difficultés  qu'on  rencon- 
tre dans  la  théorie  des  depfydres  ,  c'eft  de 
déterminer  avec  exadHtude  la  vîteife  du 
fluide  qui  fort  par  le  trou  de  la  depfydre, 
Lorfque  le  fluide  eft  en  mouvement ,  & 
qu'il  eft  encore  à  une  certaine  hauteur,  cette 
vîteiîè  eft  à-peu-près  égale  à  celle  que  ce 
même  fluide  auroit  acquife  en  tombant  par 
fa  pefanteur  d'une  hauteur  égale  à  celle  du 
fluide.  Mais  lorfque  le  fluide  commence  à 
fè  mouvoir ,  ou  lorfqu'il  eft  fort  peu  élevé 
au  deifus  du  trou  ,  cette  loi  n'a  plus  lieu,  & 
devient  extrêmement  fautive. 

D'ailleurs  ,  il  ne  fuffit  pas  ,  comme  on  le 
pourroit  penièr  d'abord  ,  de  connoître  à 
chaque  inftant  la  vîteife  du  fluide  qui  s'é- 
coule ,  pour  favoir  le  temps  dans  lequel  doit 
fe  vuider  la  depfydre  :  car,  fans  parler  ici  de 
l'adhérence  des  particules  du  fluide  ,  &  du 
frottement  contre  les  parois  du  vafe ,  les  par- 
ticules du  fluide  ne  fortent  point  du  vafe  fui- 
vant des  direftions  parallèles.  M.  Newton  a 
obfërvé  que  ces  particules  ont  des  dire£tions 
convergentes  ,  &  que  la  veine  du  fluide  qui 
ibrt  va  en  diminuant  de  groifeur  juiqu'à  une 
certaine  diitance  de  l'ouverture  j  diftance  qui 
eft  d'autant  plus  grande  ,  que  l'ouverture 
elle-même  eil  plus  grande.  De-là ,  il  s'eniùit 
que  pour  trouver  la  quantité  de  fluide  qui 
ibrt  à  chaque  inftant ,  tl  ne  faut  pas  prendre 
le  produit  de  la  grandeur  de  l'ouverture  par 
la  vîteife  du  fluide  ,  mais  le  produit  eft  la  vî  • 
teife  du  fluide ,  dans  l'endroit  où  la  vehie  eit 
le  plus  contrariée ,  par  la  largeur  de  la  veine 
en  cet  endroit.  J^oyei  (hydrodynamique  de. 
M.  Daniel  Bernoulli ,  feci,  3  ,  &  tardcU 
HïDRODYNAMKiUE* 


CLE 

Clepfydre  fê  dit  auiïi  d'un  fablier.  Voyei 
Sablier.  (O) 

CLERAC  oz/CLAIRAC  ,  (Géog.  mod.) 
ville  de  France  en  Agenois ,  fur  ÏQlot.Long. 
l8  ,  8  ;  lat.  44  ,  28. 

CLÉRAGRE,  f.  f.  (Fauconn.)  efpecede 
ÇGutte  qui  vient  aux  ailes  des  oifeaux  de 
proie. 

CLERC,  (Jurifp.)  on  comprend  fous  ce 
nom  tous  ceux  qui ,  par  état ,  font  confacrés 
au  fervice  divin  ,  depuis  le  fimple  tonfuré 
jufqu'aux  prélats  du  premier  ordre. 

Ce  terme  vient  dugrec)cÂni>of ,  qui  fignifie 
fort ,  partage ,  héritage.  Dans  l'ancicH  tefta- 
ment ,  la  tribu  de  Lévi  eft  appeUée  itA«p''<î 
c'eft-à-dire  le  partage  ou  l'héritage  du  fei- 
gneur.  Du  grec  ,  on  en  a  fait  en  latin  derus  ; 
&  l'on  a  donné  ce  nom  au  clergé ,  parce  que 
le  partage  des  eccléfiaftiques  eft  de  fervir 
Dieu.  De  clerus  ,  on  a  fait  ckricus  ,  clerc. 

La  diftinftion  des  clercs  d'avec  le  refte 
des  fidèles  fè  trouve  établie  dès  le  commen- 
cement de  l'églife  ,  fu  ivant  ces  paroles  de  S. 
Pierre ,  neque  dominantes  in  cleris.  Pétri  j , 

>•  3- 

Les  clercs  ou  eccléfiaftiques  ,  confidérés 
tous  enfemble  ,  forment  un  corps  qu'on  ap- 
pelle le  clergé ,  &  l'état  des  clercs  s'appelle 
la  cléricature. 

Il  y  a  parmi  eux  differens  degrés  qui  les 
diftinguent. 

Le  premier  degré  de*la  cléricature  eft  l'é- 
tat de  fimple  tonfuré. 

Les  degrés  fuivans  font  les  quatre  ordres 
mineurs  ,  de  portiers  ,  Ieâ:eurs ,  exorciftes 
&  acolytes. 

Au  deifus  des  ordres  mineurs ,  font  les 
ordres  facrés  ou  majeurs  , de  fous-diaconat, 
diaconat  &  prêtrifo. 

L'épifcopat  &  \<à^  autres  dignités  eccléfiaf- 
tiques font  encore  des  degrés  au  defliis  de  la 
prêtrife. 

Ces  differens  degrés  parmi  les  clercs  , 
compofent  ce  que  l'on  appelle  la  hiérarchie 
eccléfiajiique. 

Autrefois  les  moines  &  religieux  n'étoient 
point  clercs  ;  ils  ne  furent  appelles  à  la  cléri- 
cature qu'en  383  ,  par  S.  Sirice  ,  pape. 

Ceux  qui  fe  préfentent  pour  recevoir  la 
tonfuré ,  ou  quelque  ordre  majeur  ou  mineur , 
doivent  recevoir  cet  état  de  leur  propre  évê- 
^ue ,  à  moins  qu'ils  n'aient  de  lui  uu  détnif- 


CLE  i6i 

foire  ,  c'eft-à-dire  des  lettres  de  pcrmiftion 
pour  être  tonfiirés  ou  ordonnés  par  un  autre 
évéque.  Can.  Lugdunenf.  causa  c)^  Ç^^Ji-  2.  ; 
&  conc.  Trid.  fejf.  23  ,  dereform.  cap.  8, 

Les  clercs  ont  certaines  fondions  dans 
l'églifo  qui  leur  font  propres  :  celles  desévê- 
ques  ,  archevêques  ,  prêtres  &  diacres ,  ne 
peuvent  être  remplies  par  des  laïques ,  même 
à  défaut  de  clercs. 

Ils  jouilfent ,  en  qualité  de  clercs  ,  déplu  - 
fieurs  exemptions  êc  immunités ,  qu'ils  tien- 
nent de  la  piété  de  nos  rois. 

Il  leur  eft  défendu  de  rien  faire  qui  foit 
contraire  à  la  pureté  &  à  la  dignité  de  leur 
état  ;  &  par  conféquent  de  faire  aucun  trafic 
ou  commerce  ,  d'exercer  aucun  art  mécha- 
nique  ,  ni  de  fe   mêler  d'aucunes  affaires 

temporelles.  Can.  pervenit credo Cy- 

prianus  ,  guœji.  3. 

Leurs  habits  doivent  être  fimples  &  mo- 
deftes ,  &  ils  ne  peuvent  en  avoir  de  couleurs 

hautes ,  telles  que  le  rouge.  Can.  ornais 

nullus....  epifcopi  ,  quœft.  4. 

La  chaife  à  cor  Ôc  à  cri ,  ou  avec  armes 
oftenfives  ,  leur  eft  défendue.  Can.epifcoputn 
«...  6'  can.  omnibus  extra  de  clerico  venatore. 
Ceux  qui  contreviennent  à  ces  défenfes  de- 
viennent irréguliers. 

Les  clercs  ont  le  privilège  de  ne  pouvoir 
être  traduits  en  défendant  que  pardevant  le 
juge  d'églife ,  dans  les  matières  perfonnelles. 

En  matière  criminelle ,  ils  font  d'abord 
jugés  par  le  juge  d'églife  pour  le  délit  com- 
mun ;  mais  ils  ne  peuvent  encore  être  jugés 
par  le  juge  royal  pour  le  cas  privilégié.  Voy. 
c/-^/»r^^CLERGÉ,  Ecclésiastiques,  Dia- 
cre ,  Sous-diacre  ,  Prêtre  ,  Mineurs, 
Ordre^veque.  {A) 

Clei^,  (  Jurifprud.  )  eft  auffi  un  titre 
commun  à  plufieurs  offices  ,  commiftîons  & 
fondtions  qui  ont  rapport  à  l'adminiftratioii 
de  la  juftice  &  police.  Nous  allons  expliquer 
ce  qui  concerne  ces  différentes  fortes  de  c/er« 
dans  la  fubdivifion  fuivante  ,  par  ordre  al- 
phabétique. 

C'eft  un  abus  que  l'on  a  fait  du  terme 
clerc ,  qui  fignifie  eccléfiajiique.  Comme  dans 
les  fiecles  d'ignorance  il  n'y  avoit  prefquc 
que  les  clercs  ou  eccléfiaftiques  qui  euffent 
confervé  la  connoiffance  des  lettres,  onétoit 
obligé  d'avoir  recours  à  eux  pour  remplir 
toutes  les  fonctions  dans  lefquelles  il  falloit 


loi  CLE 

favoir  lire  &  écrire ,  ou  être  inftruit  des  loix  \ 
de  forte  qu'alors  clerc  ou  homme  favant ,  & 
lettré  étoient  des  termes  fynonymes  ainfi 
qu'il  paroît  par  cette  belle  répoufe  de  Char- 
les V ,  roi  de  France  ,  à  quelqu'un  qui  mur- 
muroit  de  l'honneur  qu'il  portoit  aux  gens 
de  lettres ,  appelles  alors  clercs,  «  Les  clercs 
à  fapience  l'on  ne  peut  trop  honorer ,  &  tant 
que  fapience  ièra  honorée  en  ce  royaume  , 
il  continuera  à  profpérité  ^  mais  quand  dé- 
boutée y  fera ,  il  déchéera.  w  II  eft  arrivé  de 
cette  acception  du  mot  clerc ,  que  l'on  a 
donné  le  titre  de  clerc  à  des  laïques  ,  parce 
qu'ils  étoient  gradués  ou  lettres  ,  ou  qu'ils 
rempliiToient  quelque  fonâion  qui  étoit  au- 
paravant remplie  par  des  eccléfiaftiques  ^  & 
cette  dénomination  s'eft  conlbrvée  jufqu'à 
préfènt. 

Clercs  des  aides  :  cette  qualité  étoit  quel- 
quefois donnée  au  receveur  des  aides ,  quel- 
quefois au  greffier  de  ceux  qui  rendoient  la 
juftice  fur  le  fait  des  aides.  Il  en  eft  parlé 
dans  les  lettres  de  Charles  VI ,  du  dernier 
février  1388  ,  recueil  des  ordonnances  de  la 
troijîeme  race  ^  tome  VU  ^  page  228.  Voyez 
Clercs-grejfiers. 

Clercs  des  arrêts  ;  c'eft  le  nom  qu'on  don- 
noit  anciennement  au  greffier  du  parlement. 
Il  eft  ainfi  appelle  dans  un  éditpour  le  lende- 
main de  l'Epiphanie  de  l'an  1277.  Il  en  eft 
fait  mention  dans  Fleta,  lié.  II ,  cap.  xij  ,^. 
3 1 ,  qui  le  nomme  clericus  placitorum  auLv. 
V.  le  glojp.  de  Ducange ,  au  mot  clericus. 

Clercs-auditeurs  ,   voyez  ci-après  au  mot 

Comptes,  a  t article  de  la  Chambre  des 
Comptes. 

Clerc  d'avocat,  eft  celui  qui  travaille  habi- 
tuellement chez  un  avocat  à  copio^fes  con- 
lîiltations  ,  &:  autres  écritures  du^iniftere 
d'avocat.  Les  clercs  d'avocats  affiftent  ordi- 
nairement aux  audiences  de^iTiere  le  barreau, 
pour  donner  aux  avocats  les  facs  des  caufes 
que  l'on  appelle  pour  être  plaidées.  Ce  font 
eux  auffi  ordinairement  qui  portent  &  qui 
vont  retirer  les  facs  que  les  avocats  fe  don- 
nent en  communication.  Ils  font  quelquefois 
des  extraits  des  pièces  pour  fbulagerles  avo- 
cats \f  mais  ceux-ci  doivent  vérifier  l'extrait , 
pour  voir  s'il  eft  fidèle  &  exaâ:.  Dans  les 
arbitrages  8c  commiffions  du  confeil  dont 
les  avocats  font  chargés  ,  on  configne  les 
vacations  entre  les  mains  du  clerc  de  t avocat 


CLE 

plus  ancien ,  &  le  clerc  du  plus  jeune  avocat 
dépofe  la  fentence  arbitrale  chez  un  notaire. 
Lorfqu'on  veut  compiilfcr  des  pièces  qui 
font  chez  un  avocat ,  le  ccmpulfoire  fe  fait 
entre  \qs  mains  de  fcn  clerc ,  lequel ,  en  cette 
partie  ,  fait  fonftion  de  perfonne  publique. 
Il  eft  défendu ,  par  les  réglemens ,  mxïiclercs 
d'avocats  de  porter  des  épées ,  ni  des  cannes 
&  bâtons.  Il  y  a  très-loug-temps  que  les 
avocats  au  parlement  de  Paris  font  dans 
l'ufage  d'avoir  des  clercs  ,  puifque  l'ordon- 
nance ,  faite  par  la  cour  en  1344,  défend 
aux  clercs  des  avocats  de  faire  leurs  écritures 
en  la  chambre  du  parlement.  Cette  ordon- 
nance eft  rapportée  dans  le  recueil  des  or- 
donnances de  la  trcijîeme  race  ,  tome II, page 
225. 

Clercs  des  baillis  ,  fé né  chaux  &  prévôts: 
on  appelloit  ainfi  les  fècretaires  ou  greffiers 
des  juges.  Des  lettres  de  Charles  V  ,  du  $ 
mai  1357  ,  font  mention  du  clerc  du  bailli 
de  Coutances.  D'autres  lettres  du  roi  Jean  , 
du  mois  de  décembre  1363  ,  parlent  du  clerc 
du  prévôt  de  Langres  ,  &  règlent  ce  qu'il 
pourra  prendre  pour  chaque  mémorial  , 
écriture  &  foel  ^  ce  qui  fait  voir  qu'il  faifoit 
la  fonâ:ion  de  greffier  &  de  fcelleur.  Une 
ordonnance  du  roi  Jean  ,  d'environ  l'an 
I3(5i,  défend,  art.  15  ,  aux  baillis  &  féné- 
chaux  ,  &  à  leurs  clercs ,  de  prendre  de  per- 
fonne dons  ,  penfions  &  robes ,  fi  ce  n'étoit 
par  aventure  des  vins  &  viandes  qui  fe  peu- 
vent confommer  en  peu  de  jours  :  il  eft  aifé 
de  fontir  l'abus  que  l'on  pouvoit  faire  de 
cette  exception.  V.  le  recueil  des  ordonnances 
de  latroijieme  race ,  tome  IV.pag.  412. 

Clercs  de  la  chambre  des  Comptes.  V.  ci-après 

Comptes  ,  à  l'article  de  la  Chambre  des 
Comptes. 

Clerc  &  changeur  du  tréfor durai:  c'étoit 
le  receveur  du  change  du  roi.  Il  eft  ainfî 
nommé  dans  une  ordonnance  du  roi  Jean  , 
du  16  Septembre  13  51  •'  clerico  &  cambiatori 
thefauri  noftri  Parifius.  Voye[  CHANGE  & 
Changeur. 

Clercs  des  commijffaires  du  roi  ou  du  parle- 
ment :  c'étoient  les  greffiers  de  la  commifîîon. 
L'ordonnance  de  Philippe  de  Valois ,  du  1 1 
mars  1344,  concernant  la  difcipline  du  par- 
lement ,  porte  que  les  gens  du  parlement 
qui  feront  envoyés  en  commiflion ,  ne  pour» 
ront  prendre  que  pour  fix  chevaux  au  plus; 


CLE 

les  gens  êes  enquêtes  ou  requêtes  du  palais , 
pour  quatre  chevaux  j  que  dans  ce  nombre 
feront  comptés  les  chevaux  que  chevauche- 
ront leurs  c/ercs  qui  travailleront  à  l'audition. 
Un  peu  plus  loin ,  il  eft  parlé  des  cas  où , 
pour  caufe  du  fait  de  la  compiflîon ,  il 
conviendroit  mener  notaire  ou  clerc.  Il  eft 
dit ,  article  3  ,  que  chaque  clerc  des  commif- 
faires  ne  pourra  prendre  des  parties  que  cinq 
fous  feulement ,  chaque  jour  qu'il  travaillera, 
tournois  ou  parifis  ,  {èlon  le  pays  011  il  fera , 
tant  pour  parchemin  ,  écriture ,  copie,  grof 
foiement  d'enquêtes  de  procès  ,  &  de  toutes 
autres  écritures  qu'il  fera. 

Clercs  des  commiffaires  au  châteht  &  autres 
commijfaires  de  police  ,  font  des  elpeces  de 
commis  ou  aides  qui  écrivent  fous  la  diâ:ée 
du  commiifaire ,  &  font  des  expéditions  des 
aétes  qui  font  de  fon  miniftere. 

Clerc  de  la  commune  de  Rouen  :  c'étoit  le 
greffier  de  l'hôtel-de-ville  de  Rouen.  Voye[ 
f  ordonnance  de  Charles  V  .^  du  <)  novembre 
1373  j  ûr/^.  5  6»  6  ,  &  ci- après  ,  Clercs  des 
villes  de  commune. 

Clercs  du  confeil ,  fîgnifîoit  anciennement 
les  gens  du  confeil  du  roi,  quelquefois  lesfe- 
cretaires  ou  greffiers  du  confeil.  Il  en  eft  parlé 
dans  une  ordonnance  de  l'an  1285  ,  portant 
règlement  pour  l'hôtel  du  roi  &  de  la  reine. 
Voyei^  le  glojf  de  Ducange  ,  au  mot  de ricus. 

Clercs  du  confeil  des  officiers  &  ouvriers  de 
la  monnaie ,  étoient  les  officiers  de  la  cham- 
bre des  monnoies  de  Paris.  Il  fut  pourvu  à 
leur  fàlaire  par  des  lettres  de  Charles  V ,  du 
6  juin  13 64.  y'oye'^  le  recueil  des  ordonnances 
de  la  troifieme  race  5  tome  /F",  p(ig^  441* 

Clerc  dx  confeiller  ou  préfident  :  c'étoit  le 
fècretaire  du  préfident  ou  confeiller,  ou  bien 
le  greffier  de  la  commiffion  dont  le  magif- 
trat  étoit  chargé.  Il  eft  parlé  des  clercs  des 
préftdens  6»  confeillers  au  parlement ,  dans 
une  ordonnance  de  Charles  V ,  alors  régent 
du  royaume  ,  du  mois  de  mars  1366  ,  arti- 
cle 11.  f^oyeiauifi  ce  qui  eft  dit  au  mot 
Clercs  des  commijfaires  du  roi  ou  du  parlement. 
Dans  l'ufage  préfènt ,  on  qualifie  de  fecre- 
taires  ceux  qui  font  la  fonftion  de  clercs  au- 
près des  magiftrats ,  &  ils  font  commis  pour 
greffiers  en  quelques  occafîons  ^  on  les  qua- 
lifie de  greffiers  de  la  commiffion. 

Clerc  du  confulat  :  c'étoit  le  greffier  d'un 
confulat  ou  juftice  municipale  d'une  ville. 


CLE  16^ 

C'eft  en  ce  fêns  que  les  clercs  du  confulat  de 
la  ville  de  Graffe  fè  trouvent  nommés  au 
nombre  des  officiers  de  ce  confulat  dans 
des  lettres  du  roi  Jean ,  du  mois  de  mars 
IIS$.  Recueil  des  ordonnances  de  la  troi- 
fierne'  race  ,  tome  IV ,  page  340. 

Clercs  des  élus  ,  étoient  les  greffiers  de 
ceux  qui  étoient  élus  anciennement  poiur 
régler  la  perception  des  aides  &  finances. 
Lg  6  avril  1374,  Charles  V  nomma  deux 
réformateurs  pour  punir  ces  clercs  &  autres 
officiers  des  mal^'erfations  qu'ils  avoient 
commifès  dans  leurs  fondions. 

Clercs  d'embas ,  voyez  ci- après  au  mot 
Comptes,  à  l'article  de  la  Chambre  des 
Comptes. 

Clerc-examinateur  :  on  dônnoit  ancienne- 
ment ce  titre  aux  examinateurs  du  châtelet 
de  Paris ,  auxquels  ont  fuccédé  les  commif- 
faires. Les  ftatuts  de  la  confrérie  des  mar- 
chands drapiers  de  Paris  furent  publiés  en 
préfènce  d'un  clerc-examinateur  ,  le  3  mai 
1371  ,  comme  on  le  voit  dans  le  recueil  des 
ordonnances  de  la  troijieme  race  ,  tome  IV  9 
page  536. 

Clercs-experts  :  on  donnoit  anciennement 
ce  titre  de  clercs  aux  experts ,  pour  dire  qu'ils 
étoient  favans  &  verfés  dans  la  matière  pour 
laquelle  ils  étoient  commis.  On  en  voit  un 
exemple  dans  la  déclaration  du  mois  d'odo- 
bre  1577  ,  qui  contient  un  règlement  pour 
les  fonèiions  de  clercs-jurés  &  prud'hommes 
de  la  ville  &  prévôté  de  Paris. 

Clerc  des  foires ,  clericus  nundinarum  ;  ce- 
toit  le  notaire  ou  greffier  des  foires.  Il  en  eft 
parlé  dans  Fleta  ,  lib.  II ,  cap.  Ixiv  ,  §.  24. 

Clercs  de  la  chambre  des  comptes  {  grands  )  , 
voyez  ci-après  au  mot  COMPTES  ,  à  t article 
delà  Chambre  des  Comptes. 

Clercs-greffiers  ou  fecretaires  :  ils  étoient 
anciennement  nommés  clercs ,  &  leurs  fonc- 
tions étoient  différentes  de  celles  des  notai- 
res ,  même  de  ceux  qui  étoient  attachés  au 
fèrvice  des  jurifdiftions.  En  effet  ceux-ci 
tenoient  d'abord  les  regiftrcs  des  cours  & 
autres  jurildiâions ,  écoutoient  les  témoins  , 
&  délivroient  copie  des  dépofitions  &  en- 
quêtes ^  au  lieu  que  les  clercs  faifoient  plus 
particulièrement  la  fonèlion  de  fecretaires 
ou  greffiers  du  juge.  Il  en  eft  fait  mention 
dans  une  ordonnance  de  S.  Louis  ,  du  mois 
de  février  1254,  faite  pour  le  Languedoc, 


2(?4  CLE 

où   il  eft  dit  que  les  clercs  des  fénéchaux 
ou  leurs  écrivains,  ne  pourront  prendre  plus 
de  fix  deniers  tournois  pour  chaque  lettre 
pateiue  ,  &  quatre  deniers  pour  les  lettres 
clofes.  On  voit  par-là  que  ces  clercs  avoient 
d'autres  écrivains  qui  leur  étoient  fubordon- 
lïcs.  Il  y  avoit  au  châtelet  des  clercs  en  titre 
d'office  pour  le  prévôt  de  Paris  &  pour  les 
auditeurs ,    qui  furent  fupprimés  par  Phi- 
lippe-le-Bel  par  une  ordonnance  du  i  mai 
13 13  ,  voulant  qu'ils  prilTent  pour  eux  tels 
chrcs  qu'ils  jugeroient  à  propos  ,    &  qu'ils 
les  puflent  ôter  toutes  &  quantes  fois  il  leur 
plairoit ,  nonobftant  toutes  lettres  que  ces 
clercs  eulTent  du  roi ,  lefquelles  furent  révo- 
quées. Ainfî  ces  clercs  aroient  d'abord  des 
lettres  ou  provifions  du  roi  \  enfuite  ils  de- 
vinrent à  la  nomination  du  prévôt  de  Paris 
&  des  auditeurs,  &  étoient  alors  amovibles. 
Dans  une  autre  ordonnance  de  Philippe-le- 
Long ,  du  mois   de  février  1320,  on  voit 
qu'il  y  avoit  au  châtelet  des  notaires  defti- 
nés  à  faire  certaines  écritures  &  expéditions , 
&  qu'il  y  avoit  outre  cela  des  clercs  ;  il  fut 
ordonné  qu'à  l'avenir  le  prévôt  de  Paris  en 
auroit  feulement  deux  pour  faire  les  regif- 
tres   &  fes  commiffions ,  &  fecrettes  befo- 
gnes  ;,  que  ces  deux  clercs  dévoient  payer  le 
quart  de  ce  qu'ils  auroient  de  leurs  écritures  ^ 
èc  que  a  le  prévôt'de  Paris  avoit  befoin  d'un 
plus  grand  nombre  de  clercs  pour  faire  fon 
office  ,  il  prendroit  les  notaires  qui  lui  con- 
viendroient  le  mieux  ,  &  non  d'autres  per- 
sonnes. La  même  ordonnance  porte  ,    que 
les  deux  auditeurs  n'auront  point  de  clercs  , 
&  qu'ils  feront  faire  dorénavant  toutes  leurs 
befognes  par  la  main  des  notaires.  L'ordon- 
nance de  Charles  V  ,  du  mois  de  novembre 
1364,  art.  10,  appelle  clerc  des  re<juêtes  du 
palais ,  celui  qui  y  faifoit   la   fonction  du 
greffier. 

Clercs  du  greffe ,  font  des  commis  qui  tra- 
vaillent aux  expéditions  du  greffe  fous  les  or- 
dres du  greffier.  Une  ordonnance  de  Char- 
les V  ,  alors  régent  du  royaume  ,  du  mois 
de  mars  1356,  fait  mention,  art.  7,  des 
greffiers  &  clercs  du  parlement.  L'édit  du 
mois  de  mai  1 544 ,  créa  des  clercs  du  greffe 
du  parlement  de  Paris  j  &  la  déclaration 
dii  12  juillet  fliivant,  contient  un  règlement 
pour  leurs  fondions.  Par  édit  du  mois  de 
riécembfe  1577  5  il  y  eu  eut  encore  de  créés. 


CLE 

Par  édit  du  mois  de  décembre  1 5^5 ,  il  fut 
créé  deux  offices  de  clercs  du  greffe  dans  tou- 
tes les  cours  fouveraines ,  bailliages  &:  féné- 
chauffées ,  &c,  L'édit  du  mois  de  décembre 
1609  ,  créa  quatre  offices  de  clercs  commis 
au  greffe  du  confeil  privé  du  roi.  Dans  la 
plupart  des  tribunaux  ,  ces  clercs  du  greffe 
ont  pris  le  titre  de  greffier ,  &  celui  qui  por- 
toit  auparavant  feul  le  titre  de  greffier  ,  s'eft 
fait  appeller  ^rt;^zVr  en  chef\  pour  le  diftingucr 
des  autres  greffiers  qui  lui  ibnt  fu bordonnés. 
Clercs  des  greniers  à  fel  ^  étoient  ceux  qui 
tenoient  le  regiftre  de  la  diftribution  du  fel. 
Il  en  eft  parlé  dans  une  inftru6l:ion  faite  pour 
le  fel  du  temps  du  roi  Jean.  Voye^  le  recueil 
des  ordonnances  de  la  troifeme  race  y  tome 
IV  ^  page  ICI. 

Clerc  de  la  halle  de  Douay ,  c'eft  le  greffier 
de  l'hôtel-de-ville  de  Douay ,  le  terme  de  //û/- 
le  fignihant  lieu  d'ajpmlflee.  V.  l'ordonnance 
de  Charles  V  ^du  ^  feptembre  1 368  ,  art.  20. 

Clercs  d'honneur.  Philippe-de7Valois  , 
dans  des  lettres  du  6  avril  1345  ,  donne  à 
révêque  de  Beauvais ,  qu'il  établit  fon  lieu- 
tenant général  dans  le  Languedoc ,  le  pou- 
voir de  créer  des  clercs  d'honneur,  M.  Se- 
couflè ,  dans  fa  note  fur  ce  mot  clercs  ,  dit 
qu'il  n'a  rien  trouvé  fur  ces  clercs  d'honneur  , 
&  croit  qu'on  a  voulu  dire  chevaliers  d'hon- 
neur. Il  renvoie  au  gloffaire  de  Ducange , 
au  mot  milites  honorarii.  Ne  pourroit-on 
pas  auffi  conjeôurer  que  ce  terme  clercs 
d'honneur  ,  fignifie  en  cet  endroit  confeiller 
d'honneur ,  d'autant  plus  que  ces  mêmes  let- 
tres lui  donnent  le  pouvoir  d'inftitucr  & 
de  deftituer  tous  officiers  de  juftice? 

Clercs  des  juges  .^  voyez  Clercs-greffiers  , 
Clercs  des  arrêts  ,  des  baillis ,  des  commif- 
f aires ,  des  confeillers ,  du  confeil ,  du  confu- 
latj  des  foires  ,  des  greniers  h  fel ,  de  la  mar- 
chandife  de  l'eau  ,  des  monnoies  ,  de  la  pré- 
vôté ,  de  roi  ,  des  villes. 

Clerc  C  maitPÊ  )  chez  les  procureurs  &  no- 
taires ,  fè  dit  abufivement  pour  premier  & 
principal  clerc.  Voye[  Clercs  des  notaires  Çf 
des  procureurs. 

Clerc  de  la  marchandife  de  Paris  quant  au 
fait  de  l'eau  ;  c'eft  ainfi  qu'on  appeïloit  an- 
ciennement celui  qui  faifoit  fondion  de  fë- 
cretaire  ou  de  greffier  dans  la  confrérie  des 
marchands  fréquentant  la  rivière  de  Seine. 
Il  lui  étoit  défendu  de  fe  mêler  diredement 


CLE 

ni  indireélemcnt  de  la  marcliandire  par  eau , 
m  être  ïiffocié  avec  des  commerçans ,  à  peine 
de  perdre  fes  marchaiidifes  ,  &  d'être  puni 
grièvement  à  la  f  olonté  du  roi.  Suivant  une 
ordonnance  du .  roi  Jean  ,  du  28  décembre 
1355  ,  la  connoifTance  du  commerce  qui 
fe  fait  par  eau  pour  la  providon  de  Paris , 
a3/aat  été  attribuée  au  bureau  de  la  ville  ,  le 
greffier  de  ce  bureau  a  fuccédc  au  clerc  dont 
on  vient  de  parler. 

C'ercs  de  monnoies  de  France  ,  étoient  les 
greffiers  des  maîtres  ou  juges- gardes  des 
monnoies.  Il  en  eft  parlé  dans  des  lettres  de 
Pliilippe-de-Valois  ,  du  mois  d'avril  1337, 
concernant  les  privilèges  des  généraux  des 
monnoies  &  des  ouvriers  des  monnoies  j  & 
dans  des  lettres  du  roi  Jean,  du  mois  de  no- 
vembre 1 3  5O5  confirmatives  des  précé^lentes. 

Clercs  ou  notaires  ,  étoient  autrefois  de 
deux  fortes  ^  favoir  les  clercs  du  roi  ou  notai- 
res du  roi ,  qui  faifoient  à-peu-près  les  mê- 
mes fonôèions  que  font  aujourd'hui  \qs  fe- 
cretaires  du  roi.  Il  y  avoit  aufil  des  clercs  ou 
notaires  des  fénéchaux  ,  baillis  &  prévôts  , 
qui  faifoient  près  d'eux  la  fonftion  de  fc- 
cretaires  &  greffiers.  Il  y  avoit  outre  cela 
d'autres  notaires  deftinés  feulement  à  rece- 
voir les  contrats  ,  &  dont  l'office  étoit  diffé- 
rent de  celui  des  clercs-notaires  des  juges. 
Cette  diftinâ:ion  fc  trouve  bien  établie  dans 
une  ordonnance  du  roi  Jean  ,  du  mois  d'ocf  0- 
bre  13  51  ,  article  37. 

Clercs  des  notaires  du  roi  ,  c'étoient  les  ai- 
des ou  commis  des  fecretaires  du  roi.  Il  en 
eft  parlé  dans  «ne  ordonnance  du  roi  Jean  , 
donnée  vers  le  7  décembre  1^61 ,  qui  por- 
te ,  art.  1 5  que  les  notaires  du  roi  feront 
ferment  de  ne  rien  prendre  ,  ni  qu'ils  ne 
fbuffi-iront  point  prendre  ^^r  leurs  clercs  ious 
couleur  de  parchemin  ou  de  groffoyer  les 
lettres  ,  une  fois  ou  plufîeurs  ,  li  ce  ri'eft  des 
Chartres  ou  des  lettres  criminelles  ,  le  droit 
accoutumé.  Préfentement  les  fecretaires  du 
roi  qualifient  de  commis  ceux  qui  travaillent 
fous  eux  à  faire  leurs  expéditions  j  &  la  qua- 
lité de  clerc  de  notaire  ne  fe  donne  qu'à  de 
jeunes  gens  qui  travaillent  chez  un  notaire  & 
fous  fes  yeux  à  rédiger  ou  expédier  les  aéies 
qu'il  reçoit  comme  notaire. 

Clercs  de  la  chambre  des  Comptes  {petits  ), 
V05^ez  ci-après  au  mot  COMPTES,  à  l'article 

de  la  Chambre  des  Comptes. 
TomerUh 


CL  E  î<>j 

Clerc  de  la  prévôté  de  Paris  ;  c'étoit  le  gref- 
fier du  prévôt  de  Paris.  Il  eft  ainfi  nommé 
daus  une  ordonnance  de  Hugues  Aubriot  , 
prévôt  de  Paris,  par  laquelle  on  voit  que  ce 
clerc  recevoit  ceux  qui  dévoient  dépofcr  en 
l'information  de  vie  &  mœurs  des  courtiers 
de  chevaux,  &  que  la  caution  qui  étoit  don- 
née pour  eux  ,  devoit  être  enrégiftrée  par- 
devers  le  clerc.  V.  les  ordonnances  de  la  troi~ 
fieme  race  ,  tome  II  y  page  381. 

Clercs  de  procureurs  ,  (ont  des  aide»^  que 
,  les  procureurs  ont  chez  eux  pour  faire  ou 
tranfcrire  les  expéditions  qui  font  de  leur 
miniftere.  Les  procureurs  au  parlement,  qui. 
étoient  anciennement  en  fort  petit  nombre, 
ne  pouvant  faire  feuls  toutes  leurs  expédi- 
tions à  mefure  que  le  nombre  des  affaires 
augmentoit ,  obtinrent  en  1303  du  parle- 
ment la  permiffion  d'avoir  chez  eux  de  jeu- 
nes gens  pour  leur  fervir  d'aides  ,  lefquels 
furent  nommés  clercs  ,  parce  qu'alors  les 
eccléfiaftiques  étoient  preique  les  lèuls  qui 
euffent  la  connoift'ance  des  lettres  ,  &  que 
les  gens  de  pratique  s'en  fèrvoient  pour  fane 
écrire  leurs  adèes  :  c'eft  pourquoi  l'on  donna 
auffi  le  titre  de  clercs  aux  laïques  qui  étoient 
lettres. 

Les  clercs  de  procureurs  font  ordinaire- 
ment de  jeunes  gens^  c'eft  pourquoi  le  lieu 
où  ils  travaillent  s'appelle  V étude  du  procu- 
reur ;  parce  qu'en  effet  ceux  qui  font  chez 
les  procureurs  en  qualité  de  clercs ,  y  font 
pour  apprendre  la  pratique  judiciaire  ,  dont 
la  connoiftance  eft  nécelfaire  à  tous  ceux  qui 
concourent  à  l'adminiftration  de  la  juftice  : 
auflî  voit-on  tous  les  jours  chez  les  procu- 
reurs en  qualité  de  clercs ,  de  jeunes  gens 
deftinés  à  remplir  des  places  diftiuguées  de 
judicature. 

Ceux  qui  fè  deftinent  à  la  fonâion  de  pro- 
cureur dans  les  villes  oîi  les  clercs  forment 
entre  eux  une  communauté  ,  doivent  s'inf- 
criro  fur  les  regiftres  de  la  communauté  pour 
faire  courir  leur  temps  de  cléricature  ou 
étude  ,  qui  eft  de  dix  années.  Celui  qui  eft 
le  premier  de  l'étude  ,  prend  le  titre  de  mai- 
tre-clerc. 

A  Paris.  &  dans  plufîeurs  autres  villes  du 
royaume,  la  communauté  des  c/^ra  s'appelle 
bafoche,  La  communauté  des  clercs  au  pai;- 
Isment  a  une  jurifdiélion  fjr  fes  membres 
qu'on  appelle  auffi  ba[^che ,  &  qui  lui  a  été 


Ll 


■  i-.. 


1^^  CLE 

jiccordée  par  Piiilippe-le-Bel ,  de  l'avis  & 
eonfeil  de  Ton  parlement. 

A  Rouen  ,  cette  cominiînaiité  s'appelle 
auflî  bafoche  ou  régence  du  palcis  ,  parce 
qu'elle  eft  chargée  du  foin  de  maintenir  une 
bonne  difcipline  dans  le  palais  par  rapport  à 
la  population. 

La  communauté  des  clercs  de  procureurs 
de  la  chambre  des  comptes  ,  s'appelle  le 
haut  ^  fouverain  empire  de  Galilée,  V^oye^ 
Basoche  &  Empire  de  Galilée. 

Au  parlement  de  Paris  &  dans  la  plupart 
è<ts  tribunaux,  les  clercs  de  procureurs  n  ont 
point  caraâ:ere  de  perfonncs  publiques  :  ce- 
pendant à  Lyon  Si.  dans  quelques  autres 
lieux  jles  clercs  de  procureurs  ibnt  en  poflef 
fîon  de  faire  desrequifitoires  &  remontran- 
ces devant  le  juge  à  l'audience  &  en  l'hôtel, 
lis  reçoivent  les  fignifications  que  l'on  ap- 
porte chez  leur  procureur  ,  &  en  donnent 
leur  reconnoiflance  ,  &  fignent  en  ajoutant 
leur  qualité  de  clerc  d'un  tel  procureur. 

11  eft  défendu  aux  clercs  de  procureurs  de 
porter  dans  le  palais  aucune  épée  ,  canne  , 
ni  bâton ,  8c  de  porter  l'épée  même  hors  du 
palais.  Mais  les  réglemens  qui  ont  été  faits 
à  ce  fiijet ,  &  renouvelles  en  différens  temps , 
font  afîèz  mal  obfervés  de  la  part  d'un  grand 
nomble  de  clercs.  Voye\  les  réglemens  des  1 6 
février  &  14  mai  1671 ,  19  juillet  1689,  6 
février  &  \^  juillet  1698  ,  &  f arrêt  du  3 
août  17 18. 

Il  eft  auflî  défendu  aux  procureurs  de 
donner  aucuns  gages  ni  appointemcnsàleurs 
clercs.  Arrêt  du  z%  juillet  1698. 

Voy'e[  Duperier ,  tome  II ,  pag.  273.  Bo- 
jiiface,  tom.  /,  liv.  I ,  tit.  ziz,  n°,  3  &  lO. 
biblioth.  de  Bouchel  ,  au  mot  préfentation  ; 
la  déclaration  du  10  juillet  16S5  ,  qui  défend 
aux  procureurs  d'avoir  des  clercs  de  la  reli- 
gion prétendue  réformée  ^  la  délibération  de 
la  communauté  des  avocats  Ci' procureurs ,  du 
30  avril  16^9 ,  «S*  t arrêt  du  i%  juillet fui^> ont 
^ui  l'homologue  ^  î arrêt  de  règlement  du  14 
noût  i6ç)i  au  journ.  des  aud.'çovLT  la  récep- 
tion des  clercs  en  l'office  dç  proaireur ,  & 
portant  aufli  défenfè  à  eux;d'acheter  aucune 
pratique  fojas  avoir  acheté  une  charge  de 
procureur^ 

•  Clerc  du  roi;  <m  donnort  ancieraîement 
ce  titre  aux  quatre  maîtres  des  requêtes  de 
ïtiQtd  du  roi  ,^  comme  il  paroît  p^  mic  or- 


CL  E 

donnance  du  roi  Jean ,  du  10  mars  1 3  511  ;  )?- 
de  les  clericos  magijiros  Stephanum ,  &  magif- 
tros  requejlrarum  hofpiiii  noflri.  Ce  titre  ii- 
gniiîoit  aufîi  quelquefbisco/;/^ /V/c  r  du  ro/.C'eft 
ainft  que  dans  l'épitaphe  de  Guillaume  de 
Maçon  ,  évêque  d'Amiens ,  il  eft  qualifié  cle- 
ricus  régis.  V.  le  gloff.  de  Ducange ,  au  mot 
clericus^  &  ci- devant  clercs  du  eonfeil. 

Clercs  du  roi ,  eft  auiîi  le  titre  que  l'on 
donnoit  autrefois  aux  notaires  du  roi  ,  ap- 
pelles préicntement/fcrf/û/'/^^  du  roi,  Voy. 
Notaires. 

Clerc  du  roi  juge.  Anciennement  quelques 
juges  royaux  étoient  qualifiés  clercs  du  roi 
&  juges  j  comme  le  juge  d'Uzès  dans  des 
lettres  du  maréchal  d'Audenant ,  lieutenant 
pour  le  roi  dans  le  pays  de  Languedoc  ,  du 
16  avril  1364:  clcricus  rcgius  &  judez  vice- 
comitatus  Ucetici.  Voyc:^  le  recueil  des  or- 
donnances de  la  troifieme  race ,  tome  IV^^  P^§-^ 
230. 

Clercs  dufecret ,  eft  le  nom  que  l'on  don- 
noit anciennement  à  ceux  d'entre  les  iècre- 
taires  du  roi  qui  faifoient  les  fondions  que 
font  aujourd'hui  les  fècretaires  d'état.  Au 
commencement  de  la  troifieme  race,  le- 
chancelier  réuniftbit  toutes  les  fondions  des 
notaires  &  fècretaires  du  roi.  Frère  Guerin  , 
évêque  de  Senlis  ,  étant  devenu  chancelier 
de  France  fous  Louis  VIII ,  en  1228  ,  aban- 
donna totaleinent  la  fon<^ion  du  fecreta- 
riat  aux  notaires  &  fècretaires  du  roi ,  & 
fè  réferva  ièuIe.Tient  fiir  eux rin{pe<ftion.  En- 
tre les  notaires- fècretaires  ,  ceux  qui  appro-- 
choient  du  roi  s'étant  rendus  plus  confidé- 
rables  ,  il  y  en  eut  quelques-uns  d'entre  eux 
que  le  roi  diftingua  A^s  autres ,  &.  qui  fu- 
rent nommés  clercs  du  fecret  :  c'eft  la  pre- 
mière origine  des  fècretaires  d'état.  Philip- 
pe-le-Bel,  eu  1309,  déclara  qu'il  y  auroit 
.  près  de  £à  perfonne  trois  clercs  dufecret ,  & 
vingt-fèpt  clercs  ou  notaires  fbus  eux.  Les 
clercs  dufecret  forent  fans  doute  ainfi  nom- 
més 5  à  caufe  qu'ils  expédiaient  les  lettres 
qui  étoient  fcellées  du  fcel  -dp^llé  fcel  dufe- 
cret ,  qui  étort  celui  que  portoit  le  cham- 
bellan. 11  parok  par  des  regiftres  de  la  c^am- 
Iwe  àes  comptes  ,  de  l'an  1 343  ,  que  les 
clercs  du  fecret  avoi^nt  alors  le  titre  ésfecrtr- 
t air  es  des  finances,. 

Clerc  du  roi  receveur.  On  a  autrefois  donné 
.le  titre  de  çlgrc  du  rei  à  cettaiiis.  recevais* 


CLE 

des  émolutnens  procédans  des  expéditions 
de  jiiilice.  C'eft  aiufi  que  Phiiippe-le-Long , 
par  Ion  ordonnance  du  mois  de  février  1 3  2.0 , 
an.  1 5 ,  ordonna  qu'il  y  auroit  pour  lui  un 
c/erc  qui  demeureroit  continuellement   au 
châtelet ,  ^  qui  feroit  avec  le  fcelleur  ^  qu'il 
recevroit  le  quart  des  écritures  &  le  tiers  des 
examinations  des  témoins  ,  &  l'apporteroit 
au  tréfor  du  roi  chaque  vendredi  ou   fa- 
raedi  ^  qu'afin  qu'on  ne  pût  y  faire  fraude  , 
il  écriroit  en  parchemin  ou  en  papier  lafom- 
me   que  chaque  notaire  &:  clerc  prendroit 
de  chaque  lettre ,  félon  l'inflruéiion  qui  lui 
ièroit  donnée  en  la  chambre  des  comptes  ^ 
.  que  quant  aux  examinations  ,  lefquelles  fe 
faifoient  parles  examinateurs  &  par  les  no- 
taires ,  il  mettroit  en  écrit  combien  chacun 
auroit  gagné  dans  la  (èmaine ,  &  de  qui , 
afin  qu'on  n'y  pût  faire  fraude  ^  que  ce  clerc 
auroit  deux  fous  fîx  deniers  parifîs  de  gages 
par  jour  ^  qu'il  pourroit  faire  lettres  de  châ- 
telet comme  un   autre  notaire  ;   &  qu'au 
commencement  de  l'année  il  compteroit  de 
ce  qu'il  auroit  reçu  &  payé  des  écritures  & 
examinations  des  témoins. 

CUrcs-fecretaires  ou  greffiers ,  voyez  clercs- 
greffiers ,  clercs  du  grejf'e ,  clercs  de  confeil- 
lers  ,  clercs  des  commij) aires. 

Clercs  des  villes  de  commune  ;  c'eft  ainfi 
que  l'on  appelloit  anciennement  les  Secré- 
taires ou  greffiers  des  villes  de  commune  , 
c'eft-à-dire ,  qui  avoient  droit  de  commune 
&  de  mairie.  II  en  eft  fait  mention  dans  une 
ordonnance  de  S.  Louis ,  donnée  vers  l'an 
1256  ,  touchant  les  mairies,  où  il  eft  dit 
qu'il  n'y  aura  que  le  maire ,  ou  celui  qui 
tiendra  Ca  place  qui  pourra  aller  en  cour  ou 
ailleurs  pour  les  affaires  de  la  ville ,  &:  qu'il 
ne  pourra  avoir  avec  lui  que  deux  perfonnes , 
avec  le  clerc  de  la  ville  &c  celui  qui  portera 
la  parole.  Des  lettres  de  Charles ,  duc  de 
Normandie  ,  du  mois  d'avril  1361 ,  parlent 
du  clerc  de  la  ville  de  Rouen  ,  qui  s'eft  qua- 
lifié monfieur  Gautier  le  fage^  clerc  de  la  ville^ 
V.  ci-devautc/^rcf/e/tf  commune  de  Rouen,  {A) 
Clercs  de  chapelle  ,  (  Hifi.  moderne.  ) 
dans  les  raaifons  des  rois  &  àes  prhices , 
ibnt  des  eccléiîaftiques  qui  ièrvent  l'aumô- 
nier ou  le  chapelain  à  la  meiiè ,  &  qui  ont 
ibin  de  la  décoration  de  la  chapelle. 

En  Angleterre ,  on  appelle  clerc  ducabi- 
ftut  y  le^oiifeUeur  du  roi. 


CLE  1(^7 

Clercs  de  la  chambre,  à  Pvome, 
font  des  officiers  de  la  chambre  apoftolique , 
confeillers  &  affeflèurs  du  camerlingue  ,  au 
nombre  de  douze  ,  qui  font  juges  de  cer- 
taines caufcs  qui  leur  font  diftribuces  ,  lef- 
quelles reviennent  par  appel  devant  la  cham- 
bre. 

Ces  charges  coûtent  ordinaireinent  qua- 
rante-deux mille  écus  romains,  qui  font  21 
mille  piftoles  de  notre  valeur  aâuelle  de 
France ,  l'écu  romain  valant  environ  cinq 
livres  de  notre  monnoie  ^  &  ces  charges  rap- 
portent à  leurs  propriétaires  environ  dix 
pour  cent,  ce  qui  fait  plus  de  quatre  mille 
écus  romain  par  an. 

Parmi  ceux-là ,  l'un  eft  toujours  préfet  ou 
commilFaire  àes  grains  ou  greniers  publics  j 
car  à  Rome ,  &  même  dans  toutes  les  villes 
impériales  d'Allemagne ,  il  y  a  des  greniers 
publics  pour  fubvcuir  à  la  difèttc  &  à  la 
cherté  des  blés ,  ce  qui  fait  que  rarement  là 
famine  s'y  fait  lèntir.  Il  y  a  deux  villes  en 
France  où  cet  ufage  fè  pratique  ,  iavoir  à 
Strasbourg,  ce  qu'ils  ont  retenu  du  temp,s 
que  la  ville  étoit  impériale  ^  l'autre  ville  eli 
celle  de  Lille  en  Flandre ,  où  ,  depuis  la 
paix  de  1714  ,  on  a  établi  un  grenier  pu- 
blic, à  l'imitation  des  villes  impériales. 

Un  autre  clerc  de  la  chambre  apoftolique 
eft  chargé  des  autres  vivres  '^  un  troifieme  a 
le  foin  des  prifciis  ^  &  un  quatrième ,  des 
rues  de  la  ville  de  Rome. 

La  jurifdiûion  àes  clercs  de  la  chamJjre 
apoftolique  s'étend  fur  les  matières  où  il 
s'agit  d'intérêts  de  la  chambre  ,  contrats  de 
fermes  des  revenus  du  faint  liège  j  des  tréfo- 
riers  de  l'état  eccléiiaftique  ^  des  caulès  de 
communautés  ^  des  dépouilles  des  prêtres 
morts  hors  la  réfidence  de  leurs  bénéfices  j 
des  caufes  des  comptes  &  calculs  avec  les 
officiers  &  miniftres  d'état  j  fur  les  monnoies 
&  leur  cours  ;  fur  les  appels  des  fontences 
rendues  par  les  maîtres  des  rues  ^  ftir  les 
matières  des  gabelles,  taxes,  impofitions  8c 
autres  fomblables  objets  d'intérêt.  Par-là  y 
on  voit  que  ces  charges ,  fous  le  fimple  nom 
de  clercs ,  ne  lailTent  pas  d'être  fort  impor- 
tantes, {a) 

Clerc  du  guet,  {Marine.)  celui  qui 
aflemble  le  guet  fur  les  ports  de  mer  &  for 
les  côtes ,  &  qui  en  fait  à  l'amirauté  foa 
Ta£j>ort, 

L  1  2 


i6S 


CLE 


Clerc.  On  appelle  aiufi ,  dans  les  /îx 
corps  des  marchands  de  Paris  ,  &  dans  les 
coiniminautés  des  arts  &  métiers ,  une  per- 
ibnne  prépofée  par  les  maîtres  &  gardes ,  & 
par  les  jurés ,  pour  faire  les  commifllons  & 
les  courfes  nécelTaires  pour  les  affaires  du 
corps.  C'eû  le  cierc  qui  a  foin  d'avertir  les 
maîtres   des  jours  qu'il  y  a  des   alîèmblées 

■  extraordinaires  f,  &c  dans  quelques  commu- 

■  nautés  d'artifàns  ,  c'ell  au  cierc  que  doivent 
s'adreiTer  les  compagnons  qui  cherchent  de 
l'ouvrage.  Diclion.  du  Comm. 

CLERGÉ,  f.  m.  {HiJI.  eccl.)  c'eft  le 
coips  àts  perfonnes  confhcrées  à  Dieu  par 
la  cléricature  ou  par  la  profefîîon  religieufe , 
d'où  le  clergé  fè  diviiè  en  féculier  &  en  ré- 
gulier. 

Ce  mot  eft  dérivé  du  grec  >/ îfpof ,  ou  du 
latin  cleriis  ,  qui  fignifient  part  ou  portion  ; 
parce  que  quoique  tous  les  chrétiens  puif- 
îënt  être  appelles  /a  portion  de  Dieu^  cepen- 
dant ceux  d'entre  les  chrétiens  que  Dieu  a 
choifis ,  fëparés  des  autres  &  confacrés  à  fon 
fervice  ,  font  la  portion  diftinguée  &  chérie 
de  l'héritage  du  Seigneur.  On  peut  dire  en- 
core que  le  corps  des  eccléfiaitiques ,  infti- 
tué  pour  enfcigner  aux  peuples  la  religion , 
pour  adminiftrer  les  facremens  &  célébrer 
l'office  divin  ,  eft  ainiî  appelle  parce  qu'il  a 
choifi  le  Seigneur  pour  fa  portion  ,  luivant 
ce  verlèt  que  prononcent  les  clercs  lorfqu'on 
les  toniiire  :  Dominas  pars  àcereditatis  meœ 
&  calicis  mei  ;  tu  es  qui  rejiitues  hœreditatem 
mtam  mihi.  Pf.  1 5. 

Le  dergé  a  toujours  été  dans  l'état  un 
corps  diftingué  par  des  honneurs ,  des  im- 
munités ,  àes  revenus ,  &  autres  droits  ou 
honorifiques  ou  utiles ,  qui  lui  appartiennent 
de  droit  eccléfiaftique ,  ou  qui  lui  ont  été 
attribués,  foit  par  la  concelîion  des  princes, 
Ibit  par  la  piété  des  fidèles. 

Parmi  nous ,  le  clergé  eft  reconnu  pour  le 
preiràer  corps  &  le  premier  des  ordres  du 
royaume,  &  en  cette  qualité  il  eft  maintenu 
dans  tous  les  droits ,  honneurs ,  rangs ,  féan- 
ccs ,  préfidences  Se  avantages  dont  il  a  joui 
ou  dû  jouir  jufqu'à  préfent  j  ce  font  les  ter- 
mes de  redit  du  mçis  d'avril  i<595  ,  art.  45. 
Long-temps  avant ,  nos  rois  s'en  étoient 
expliqués  de  même  dans  la  déclaration  du 
10  février  1580  ,  &  dans  leurs  lettres-paten- 
tes du  premier  mai  1596,  du  9  déceiiibre 


CLE 

i6c6 ,  du  10  août  161 5,  &  du  1$  juin 
i6z8.  Voye:^^  les  nouveaux  mém,  du  clergé  ^ 
tomes  VI  &  FUI. 

Quant  aux  honneurs ,  le  clergé  a  réguliè- 
rement le  pas  &  la  préféance  fur  les  laïques , 
les  parlcmens ,  ou  autres  cours  féculieres , 
dans  les  églifes ,  les  proceflions ,  &  dans 
toutes  les  cérémonies  de  la  religion.  Divers 
arrêts  du  confeil  privé  ,  rapportés  dans  le 
tome  Vdcs  nouveaux  mémoires  du  clergé ,  ont 
réglé  des  conteftations  qui  s'étoient  élevées  à 
ce  fujet  entre  l'archevêque  &  le  parlement 
de  Rouen ,  entre  l'évêque  de  Metz  &  le  par- 
lement de  cette  ville  :  ces  arrêts  ont  main- 
tenu le  clergé  dans  le  droit  de  préféance. 

Dans  les  aflemblées  politiques  ,  telles 
qu'étoient  autrefois  en  France  les  états-géné- 
raux ,  &  qui  font  encore  aujourd'hui  les  af- 
lemblées des  états  en  Languedoc  ,  en  Breta- 
gne ,  en  Bourgogne  ,  en  Artois ,  le  corps  du 
c/fr,^/ précède  la  noble/Te  &  le  tiers-état,  & 
porte  le  premier  la  parole  dans  les  députa- 
t'ons  au  roi.  L'archevêque  de  Narbonne  eft 
prélident-né  des  états  de  Languedoc  ,  & 
l'évêque  d'Autun  jouit  de  la  même  préroga- 
tive dans  ceux  de  Bourgogne.  Aux  aflem- 
blées des  états-géneraux ,  le  clergé  fuivoit 
l'ordre  politique  du  royaume  ,  &  nommoit 
fes  députés  par  gouvernemens  &  par  baillia- 
ges ,  comme  les  autres  corps  de  l'état.  En 
Suéde  ,  malgré  le  changemeirt  de  religion , 
le  clergé  précède  dans  les  états  généraux  les 
deux  ordres  du  royaume.  En  Pologne ,  les 
évêques  n'ont  leur  rang  aux  diètes  qu'en 
qualité  de  fénateurs ,  excepté  dans  \qs  in- 
terrègnes &  dans  la  diète  d'éleétion  où  le 
primat  du  royaume  préfide  de  droit.  En 
France ,  les  évêques  comtes  ou  ducs  &  pairs 
ont  féance  au  parlement  de  Paris.  Quelques 
autres  font  confeillers-nés  au  parlement  dans 
le  reilbrt  defquels  font  fitués  leurs  évêchés. 
Les  évêques  &  archevêques  d'Angleterre 
font  membres  de  la  chambre  haute.  Ceux 
d'Allemagne  ont  place  &  voix  dans  la  diète 
de  l'Empire,  dans  le  collège  des  princes». 
Voyei  Collège  &  Diète.    • 

Pour  le  corps  du  clergé ,  comme  les  cha- 
pitres &  les  communautés  régulières  ,  leur 
rang  entre  eux  &  avec  les  corps  fëculiers  y 
fe  règle  fùivant  les  anciens  ufàges.  Il  en  eft 
de  même  à  proportion  des  eccléfiaftiques- 
particuliers ,  s'ils  a'oiu  mi  certain  rang  ,  à 


I 


CLE 

caufe  de  leurs  bénéfices  ou  de  leurs  charges. 
En  Angleterre  ,  on  diftingue  le  haut  &  le 
bas  clergé  :  le  haut  clergé  eli  compofé  des 
archevêques  &  évêques  \  le  bas  clergé com- 
prend  tous  \qs  autres  eccléfiaftiques.  Nous 
avons  en  France  la  même  diftinftion ,  mais 
fous  àQS  noms  différens  :  on  dit  le  premier 
^  le  fécond  ordre.  Le  terme  de  bas-clergé  eii 
pourtant  en  ufàge  dans  les  chapitres  pour 
lignifier  iQsfemi-prébendés , chapelains^  chan- 
tres^ mujiciens ,  ou  autres  officiers  gagés  qui 
n'ont  pas  voix  en  chapitre.  V.  Chapitre. 

Les  immunités  ou  exemptions  dont  jouit 
le  clergé  font  de  temps  immémorial  :  nos 
rois  les  ont  confirmées  par  leurs  ordonnan- 
ces. On  a  fur  ce  fujet  celles  de  S.  Louis ,  de 
Philippe-le  Bel  ,  des  rois  Jean  ,  Charles  V , 
Charles  VII,  ^c.  Voye[  les  mémoires  du 
clergé  ,   tome  VI. 

Les  évêques  &  les  conciles  ont  marqué 
dans  tous  les  temps  la  plus  grande  fermeté 
pour  les  maintenir  &  les  conferver.  On  peut 
voir  fur  cette  matière  la  lettre  que  les  pro- 
vinces de  Rheims  &  de  Rouen  écrivirent  en 
858  à  Louis  II.  Il  y  a  même  des  exemples 
d'interdits  &  d'excommunications  pronon- 
cés contre  les  juges  laïques  qui  violent  les  im- 
munités eccléfiafliques.  En  1207  j  le  chapi- 
tre de  Rouen ,  pendant  la  vacance  du  Ç\e^Q  , 
jeta  un  interdit  général  fur  toutes  les  églifes 
de  Rouen,  parce  que  le  maire  de  cette  ville 
avoit,  de  fon  autorité  privée ,  fait  empri- 
ibnncr  le  domeftique  d'un  chanoine.  Dans 
un  des  regiflres  du  parlement  de  Paris  ,  on 
lit  qu'en  l'année  1359  l'évêque  de  Chartres 
&  fes  officiers  mirent  en  interdit  la  ville  de 
Mantes  ,  parce  qu'on  ne  voulut  pas  leur  ren- 
dre deux  clercs  détenus  prifonniers.  Il  efl 
parlé  de  femblables  interdits  en  une  conlli- 
turion  inférée  dans  un  ancien  recueil  des 
llatuts  fynodaux  de  l'égliiè  de  Rhei^is,  faits 
par  l'archevêque  Guillaume  de  Tryes  ,  en- 
viron l'an  1330.  Voy.  les  mémoires  du  clergé  , 
tome  VI  &  VII,  &  l'a  tradition  des  faits. 

L'immunité  eccléfîaflique  eft  de  deux  for- 
tes j  la  perfonnelle ,  qui  concerne  la  perfonne 
des  clercs  j  &:  la  réelle  ,  qui  concerne  les 
biens  ou  revenus  de  l'églife.  La  première 
tend  à  conferver  aux  eccléfiafliques  le  repos 
néceffaire  pour  vaquer  à  leurs  fondions  j  la 
féconde  regarde  plus  la  confervatiou  de  leurs 


CLE  1^9 

Les  exemptions  perfonnelles  font  premiè- 
rement celles  de  la  jurifdicf:ion  :  régulière- 
ment un  eccléliaftique  ne  peut  être  pourfùivi 
devant  les  tribunaux  féculicrs,  ou  du  moins  , 
dans  certains  cas ,  il  faut  que  le  juge  ecclé- 
fîaflique inflruife  leur  procès  conjointem.ent 
avec  le  juge  laïque.  Les  eccléfiafliques  font 
exempts  de  charges  municipales ,  de  tutelle 
&  curatelle  ,  s'ils  ne  l'acceptent  volontaire- 
ment. Dès  le  temps  de  S.  Cyprien  ,  la  règle 
étoit  ancienne  ,  que  fî  quelqu'un  nommoit 
un  clerc  pour  tuteur  dans  fou  teflament ,  oa 
n'ofîriroit  point  pour  lui  le  faint  facrifice 
après  fa  mort.  Les  eccléfiafliques  font  aufîl 
exempts  de  la  contrainte  par  corps  pour  det- 
tes civiles.  Ils  font  difpenfés  du  iervice  de  la 
guerre  qui  fè  devoit  autrefois  pour  caufe  de 
fief ,  &  n'a  plus  lieu  qu'à  la  convocation  de 
l'arriere-ban.  DécL du  roi,  du%  février  5657. 
Ils  ne  font  pas  même  obligés  à  fournir  d'au- 
tres perfonnes  pour  faire  le  fervice ,  ni  de 
payer  aucune  taxe  à  cet  effet.  Ils  font  exempts 
de  guet  &:de  garde,  &  de  logement  de  gens 
de  guerre  :  on  ne  peut  leur  impofer  aucune 
taxe  pourraifon  de  logement,  uflenfile  ,  ou 
fourniture  quelle  qu'elle  foit.  Les  eccléfiafli- 
ques ne  doivent  point  être  auffi  compris 
dans  aucune  impofition  pour  la  fubfiftancsr 
des  troupes  ou  fortifications  diQS  villes  ,  ni 
généralement  pour  aucuns  odlrois ,  fubven- 
tions,  ou  autres  emprunts  de  communautés. 
En  pays  de  tailles  perfonnelles  ,  ils  en  font 
exempts ,  foit  pour  leur  patrimoine  ,  fbit 
pour  leurs  dîmes  \  mais  ils  font  compris 
dans  les  tailles  négociales,  c'efl-à-dire  impb- 
{é.^%  pour  les  dîmes  qu'ils  font  valoir  ,  qui 
ne  font  pas  attachées  à  leur  bénéfice.  En  pays 
de  tailles  réelles  ,  les  biens  appartenans  à 
l'églife^fbnt  francs  commue  les  biens  nobles. 
Ils  font  auffi  exempts  des  droits  d'aides  pour 
les  vins  de  leur  crû ,  foit  bénéfice  ou  patri- 
moine, du  moins  ils  ne  paient  que  des  droits 
fort  médiocres.  Tels  font  les  principaux  pri- 
vilèges dont  jouit  le  clergé,  en  confidération 
des  contributions  particulières  qu'il  paie  au 
prince  fous  le  titre  de  décimes  ,  de  fubven- 
tions ,  aidons  gratuits ,  &e.  V.  DÉCIMES. 

L'immunité  réelle  qui  concerne  les  biens 
donnés  aux  é%\\[ts ,  ou  par  la  munificence 
Aqs  rois  ,  ou  par  la  piété  des  fidèles  ,  eft 
fondée  fur  ce  principe ,  qu'ils  font  fpécialer- 
ment  voués  tsn  coufàcrés  à  Dieu  pour  le 


\yo  '        CLE 

roulagemêtit  des  pauvres ,  pour  l'entretien  8c 
la  décoration  des  temples  &  des  autels ,  & 
pour  la  fiibfillance  des  miniftres  du  Seigneur. 
On  a  depuis  peu  agité  vivement  cette  <iuQf- 
tion ,  &  nous  pourrons  entrer  à  cet  égard  dans 
des  détails  iutérefTans  à  ïan.  Immunité. 

Nous  nous  contenterons  d'obferver  ici , 
que  ces  biens  ne  font  ni  fi  exceflîfs  ni  il 
exempts  de  charges  publiques  que  l'ont  pré- 
tendu les  adverfaires  du  clergé.  Outre  les 
droits  d'amortiiFement  qu'il  lui  en  a  coûté 
pour  les  retirer  du  commerce  ,  ignore-t-on 
que  les  impofitions  ordinaires ,  connues  fous 
le  nom  de  décimes ,  &  les  impofitions  ex- 
traordinaires ou  dons  gratuits  ,  font  très- 
fortes  j  qu'elles  vont  communément  au 
dixième  ,  fouvent  au  feptieme,  quelquefois 
même  au  cinquième  du  revenu  des  bénéfi- 
ces ?  c'eft  ce  qu'il  feroit  aifé  de  démontrer  , 
fi  c'en  étoit  ici  le  lieu.  Qu'il  nous  fuffife  de 
remarquer  que  la  religion  ne  pouvant  fe  ibu- 
tenir  fans  miniftres  ,  il  faut  qu'il  y  ait  dans 
l'état  des  fonds  àflurés  pour  leur  fiibfiftauce  j 
&  d'ajouter  avec  M.  l'abbé  Fleury  ,  «  que 
puiique  le  public  les  entretient  &  les  récom- 
pense de  leur  travail ,  il  eft  jufte  au  moins 
de  leur  conlèrver  ce  revenu ,  &  de  ne  pas 
reprendre  d'une  main  ce  qu'on  leur  donne 
d'une  autre.  » 

Les  droits  honorifiques  du  clergé  font  les 
honneurs  &  prérogatives  attachées  aux  fei- 
gneuries  ,  terres  ,  fiefs  ,  &c.  que  polTcdent 
certains  bénéficiers ,  chapitres  ou  commu- 
nautés ,  tels  que  les  droits  de  haute  ,  baffe 
&  moyenne  juftice  ,  de  chaffe  ,  de  pêche  , 
d'c.  Ses  droits  utiles  confiftent  ou  en  revenus 
fixes  &  affurés ,  attachés  à  chaque  bénéfice , 
chapitre  ,  ou  communauté  religieufe ,  &  en 
rétributions  ou  offrandes  cafuelles.  Fleury  , 
injîitut,  au  droit  eccléf.  tome  7,  part,  I ,  ck. 
xxxix  ^  pag,i^%,&fuiv. 

En  France ,  le  clergé  s'affemble  fous  l'au- 
torité du  roi ,  ou  pour  traiter  des  matières 
eccléfiaftiques ,  ou  pour  ordonner  des  im- 
pofitions. Ces  afîèmblées  font  ou  ordinaires , 
ou  extraordinaires.  Les  ordinaires  font  ou 
particulières  de  chaque  diocefe  ,  ou  provin- 
ciales de  chaque  province  eccléfiaftique*,  oa 
générales  de  tout  le  clergé  de  France.  A  ces 
dernières  affemblées  on  fait  les  députations 
par  métropoles ,  qu'on  appelle  provinces  tc- 
xléjiajiiqms,  Voye^  MÉTROPOLE, 


C  LE 

Les  affemblées  générales  du  clergé  font  de 
deux  fortes  ;,  les  grandes  ,  auxquelles  cha- 
que province  eccléfiaftique  envoie  deux  dé- 
putés du  premier  ordre  &  deux  du  focond  ; 
on  les  appelle  les  affemblées  du  contrat  ;  &  les 
petites  affemblées ,  auxquelles  les  provinces 
ne  députent  qu'un  eccléfiaftique  du  premier 
ordre  &  un  du  fécond  j  on  les  nomme  les 
ajfemblécs  des  comptes.  Celles  qu'on  appelle 
du  contrat ,   ou  les  grandes  affemblées  ,  fè 
tiennent  tous  les  dix  ans  ^  &  cinq  ans  après 
la  convocation  de  l'aftèmblée  du  contrat , 
on  convoque  une   affemblée   moins  nom- 
breufe ,  dans  laquelle  les  comptes  du  receveur 
général  font  examinés.  Toutes  les  affemblées 
ordinaires  font  indiquées  dans  l'ufage   au 
15  de  mai  ^  mais  elles  ont  été  quelquefois 
avancées ,  &  quelquefois  remifos ,  fuivant 
les  circonftances.  Uart.  24  du  règlement  de 
i6i  5  ,  porte  que  les  grandes  affemblées  ne 
pourront  durer  plus  de  fix  mois ,  &  \qs  affem- 
blées des  comptes  plus  de  trois  mois.  Le  roi 
fixe  le  lieu  pour  chaque  afl'emblée  ,  &  pour 
l'ordinaire  elles  fe  tiennent  à  Paris  ,  dans  le 
couvent  des  grands  Auguftins.  Il  s'en  eft  ce- 
pendant tenu  autrefois  à  Melun ,  à  Saint- 
Germain-en-Laye  &  ailleurs.  Af/z/z.  du  clergé j 
tome  VIII.  Les  députés  aux  affemblées  doi- 
vent être  dans  les  ordres ,    &  pourvus  d'un 
^bénéfice  dans  la  province  qui  les  députe.  Le 
rochet  &  le  camail  font  l'habit  des  députés 
du  premier  ordre  j  &  ceux  du  fécond  y 
afiiftent  en  habit  long  &  en  bonnet  quarré. 
Ces  députés  ont  le  privilège  d'être  tenus  pré- 
kns  ,    pendant  le  temps  de  l'affemblée  ,  à 
leurs  bénéfices  qui  demandent  réfîdence  ,  & 
celui  de  faire  furfèoir  auffi  pendant  le  même 
temps  les  pourfuites  des  procès  &  des  diffé- 
rends intentés  contre  eux ,  avant  la  convoca- 
tion ou  pendant  le  temps  de  l'affemblée. 
Ils  ont^  aufti  une  rétribution  ou  taxe  pour 
leur  féjour  ou  leur  voyage  ,  que  leur  paie  la 
chambre  eccléfiaftique  de  leur  province.  Les 
préfidens  font  toujours  choifis  dans  le  pre- 
mier ordre  ,  foit  évêques ,  foit  archevêques. 
L'aifemblée  nomme  aufii  des  promoteurs  Sc 
focretaires  tirés  des  députés  du  fécond  ordre. 
Enfin  il  eft  d'ufàge  qu'au  commencement  & 
à  la  fin  de  chaque  afl'emblée  on  nomme  une 
députation  pour  aller  complimenter  le  roi. 
Voye:^  les  mémoires  du  clergé ,  tome  VIII. 
On  diftingue  encore  dans  le  clergé  des 


CLE 

afTemblées  extraordinaires ,  &  il  y  en  a  de 
deux  fortes  ;  les  uiies  font  générales ,  &  font 
convoquées  dans  la  forme  ufitée  pour  la 
convocation  des  affeiiiblées  ordinaires  ;  les 
autres  ,  qu'on  peut  appeller  des  ajjïmblées 
extraordinaires  particulières  ,  fe  font  fans 
folemnités  \  les  provinces  n'y  envoient  point 
leurs  députés ,  &  les  prélats  qui  les  com- 
pofent  n'ont  fouvent  ni  l'erdre  ni  la  per- 
miilîon  du  roi  de  s'alfemblcr.  La  convoca- 
tion des  affemblces  extraordinaires  particu- 
lières fe  fait  dans  cette  forme  :  lorfqu'il  i'z 
préfente  quelque  cas  extraordinaire  qui  inté- 
reffe  l'églife  ,  les  agens  en  donnent  avis  aux 
évêques  qui  font  à  Paris  ou  en  cour;  le  plus 
ancien  des  archevêques  ou  évêques  ,  s'il  ne 
s'y  trouve  point  d'archevêque  ,  dopnô  fes 
ordres  aux  agens  d'envoyer  des  billets  de 
convocation  à  tous  ces  prélats.  Cette  forme 
eft  expliquée  dans  le  procès  verbal  de  l'aflèm- 
blée  de  1650.  Celle  de  1655  a  réglé  que  les 
évêques  inpanibus  ne  feroient  point  appelles 
à  ces  fortes  d'aifemblées ,  mais  feulement 
les  coadjuteurs  d'évêques  ,  &  les  anciens 
évêques  qui  fe  font  démiis.  Elles  peuvent 
faire  des  députations  au  roi  ,  &  être  d'une 
très -grande  utilité,  quoiqu'elles  ne  puiffent 
pas  ftatuer  fur  bien  des  chofes  avec  la  même 
autorité  ni  la  même  plénitude  de  pouvoir 
que  les  aifemblées  ordinaires  du  clergé.  Voy. 
Agens  du  Clergé.  Voye^auffi  les  mém.  du 
clergé  5  tom.  Vlll;  fi*  M.  Fleury,  mém,  des 
affaires  du  clergé  de  France ,  inféré  a  la  fuite 
de  tinjîit*  au  droit  eccléfiafl.  tome  II ,/».  264 
&fuiv,  (G) 

Referions  tirées  de  tefprit  des  loir  fur  la 
puijfance  eccléfiaflique.  i.  Autant  le  pouvoir 
éxxclergé'Q^i.  dangereux  dans  une  république , 
autant  eft-il  convenable  dans  une  mDnar- 
chie ,  fur-tout  fi  elle  tend  au  defpotifrae.  Où 
en  feroient  i'Elpagne  &  le  Portugal  depuis  la 
perte  de  leurs  ioix  ,  fans  ce  pouvoir  qui 
arrête  (èul  la  puifTance  arbitraire  ?  barrière 
toujours  boruie  quand  il  n'y  en  a  point  d'au- 
tre :  car  comme  le  defpotifme  caufè  à  la 
Hature  des  mauK  effroyables ,  le  mal  mime 
i[ui  le  limiteroit  fèroit  un  bien. 

2,.  Dès  les  cominençemens  de  la  première 
race ,  on  voit  les  cliefs  de  l'églife  arbitres 
^s  jugemens  ^  ils  affiftent  aux  ailèir^lées  de 
la  nation  ^  ils  influent  puiifairanent  fiir  les 
ïéfalutioiis  às&  rois  \  on  kur  avok  accordé 


C  L,  E  271 

des  privilèges  \  ils  étoient comblés  de  biens. 
L'auteur  que  nous  citons  rend  raifon  de  cette 
autorité. 

3.  Lq  clergé  a  tant  reçu  pendant  les  trois 
races  ,  qu'on  a  été  jijfqu'à  dire  qu'on  lui  a 
donné  la  valeur  de  tous  les  biens  du  royaume  : 
mais  fi  la  nation  lui  donna  trop  ^lors ,  elle 
trouva  depuis  les  moyens  de  lui  reprendre. 
Le  clergé  a  toujours  acquis  ^  il  a  toujours 
rendu  j  il  acquiert  encore.  V.  tefprit  des  loix^ 

Clergés  ,  (  Jurifp.  )  dans  quelques  an- 
ciennes ordonnances ,  fignifie  les  gens  dejuf- 
tice ,  comme  en  l'ordonnance  de  Charles  V , 
de  fan  1356  ,  art.  j.  On  les  appelloit  ainfi 
comme  étant  gens  lettrés  ^  car  ancienne- 
ment les  clercs  ou  eccléfiaftiques  étant  pref-  ' 
que  les  feuls  qui  enflent  quelque  connoiifance 
des  lettres ,  on  appelloit  clerc  tout  homine  de 
lettres,  &  la  fcience  fe  nomipoit  clergie.  (A)^ 

CLERGIE,  {Jurifprud.)  anciennement 
fignifioityc/V/2Cf ,  à  caufe  que  les  clercs  étoient 
alors  les  feuls  qui  fiilfent  fàvans  :  &  comme 
toute  écriture  étoit  confîdérée  comme  une 
feience  ,  &  que  ceux  qui  écrivoient  étoient 
la  plupart  clercs  ou  qualifiés  tels  ,  &  fingu- 
liérement  ceux  qui  faifoient  la  fonction  de 
greffiers  i,  on  appella  aufli  ckrgies  les  greffes 
des  jurifdiitions.  C'efl:  ainfi  qu'ils  font  nom- 
més dans  les  anciennes  ordonnances.    Phi- 
lippe-de-Valois ,    par    des  lettres    du   10 
feptembre  1 3  3 1  ,  rappelle  une  ordonnnance 
précédente  ,  portant  que  les  écritures  ,  cler- 
gies^  &  notaires  de  toutes  îesfénéchauffées, 
bailliages  &:  prévôtés ,  feroient  réunies  à  fou 
domaine  ,  &  vendues  par  cris  &  fiibhafta- 
tions ,  c'eft-à-dire  données  à  ferme  au  plus 
offrant ,  comme  les  autres  fermes  du  do- 
maine. Le  même  prince  ordonna  ,  par  un 
mandement  du  i^  mai  1347,  que  les  clergies 
des  b;ailli9ges  &  hs  prévôtés  royales  feroient 
données  eii  garde  ,  &  que  les  clergies  des 
prévôtés  feroient  ajoutées  aux  prévôtés ,  & 
données  aux  prévôts  en  diminution  de  leurs 
gages.  Charles  V ,  étant  régent  du  royaume  , 
fit  une  ordonnance  au  mois  de  mars  1 3  5<^  t 
portant  e^tre  autres  chofes  que  les  clergies  i>e 
feroient  plus  vendues  ni  données  â  ferme 
comme  par  le  pafle ,  parce  que  les  fermiers 
commçttoient  des  exaâions  fiir  le  peuple  ^ 
mais  qu'elles  feroient  données  à  garde  ,  par 
le  confejl  des  gens  du  pays  &  des  environs. 
Cet  article  ne  fiit  pas  long-teajps  obiecïs  9 


171  CLE 

car  le  ir.êjr.e  prince  ordonna ,  le  4  feptembre 
1357,  aux  g^eiis  des  comptes ,  d'affermer  les 
prévôtés ,  écriture?  &  tabelîioiiages  ^  or  ces 
termes  écritures  ctoientfynonymes  de  cUrgies 
ou  greffes.  Il  eft  dit  qu'on  les  donnera  au 
plus  offrant ,  mais  néanmoins  à  des  perfonnes 
idoines.  Qn  pratiquoit  encore  la  même 
chofè  en  1370,  même  pour  les  greffes  de 
villes,  fliivant  une  autre  ordonnance  de  Char- 
les Vy  du  6  février  ^  portant  que  les  éehevins 
de  Tournai  donneront  les  offices  de  la  ville 
en  la  forme  ufitée  anciennement,  excepté  la 
clergie  des  échevms ,  qui  fera  donnée  à  ferme 
au  profit  de  la  ville.  Le  greffe  de  la  ville  de 
Paris  eft  auffi  nommé  clergie  dans  une  ordon- 
nance de  Charles  VI  ^  du  zj  janvier  1382  , 
qui  réunit  la  prévôté  des  marchands  &  cler- 
gie de  la  ville ,  à  la  prévôté  de  Paris.  Dans  la 
fuite  le  terme  de  greffe  a  pris  la  place  de  ce- 
lui ÀQ  clergie.  Voy.  GREFFE.  (A) 

CLERI,  CG^o^r.)  petite  ville  de  l'Orléa- 
nois  ,  éleâion  de  Baugenci  fur  le  Doure ,  à 
quatre  lieues  d'Orléans,  avec  une  collégiale. 
Louis  XI  y  a  un  beau  monument  ,  que  les 
Calviniftes  profanèrent ,  &  que  le  chapitre  a 
rétabli  magnifiquement.  c<  On  voit,  difoitia 
Fontaine ,  dans  une  de  Tes  lettres ,  en  1663  , 
ce  prince  à  genoux  fur  fon  tombeau ,  quatre 
enfaiis  aux  quatra  coins  \  ce  feroient  quatre 
anges  ,  fi  on  ne  leur  avoi*.  point  arraché  les 
ailes  :  le  bon  apôtre  de  roi  fait  là  le  faint- 
homme,  &  eft  bien  mieux  pris  qu'à  Péronne , 
quand  le  Bourguignon  le  mena  à  Liège. 

Je  lui  trouvai  la  mine  d^un  matois  ; 
Aujfi  tétoit  ce  prince  dont  la  vie 
Doit  rarement  fervir  £  exemple  aux  rois\f 
Et  pourrait  être  en  quelque  point  fuivie. 

A  fes  genoux  font  iès  heures  &  fbn  cha- 
pelet ,  la  main  de  juftice  ,  fon  fceptre ,  fon 
chapeau  &  là  "Notre-Dame.  Je  ne  fais  com- 
ment le  ftatuaire  n'y  a  point  mis  le  prévôt 
Triftan  '  lé  tout ,  d'un  marbre  blanc  ,  ii^'a 
ièmblé  de  bonne  main.  r>  (C.) 

CLÉRICATURE ,  (Jurifprud.)  Ce  qui 
concerne  l'état  de  cléricature  eft  expliqué  aux 
mots  ChEKC&  Clergé,  &  ci-après  ^://wor 
Ecclésiastique^  on  parlera  feulement 
ici  des  privilèges  de  cléricature.  Ces  privilè- 
ges confiftent  : 

1°.  En  ce  que  le  clergé  forme  le  premier 
prdrc  du  royaume  j  il  eft  ainfi  quaUfié  dans 


CLE 

Védit  du  mois  d'avril  169 5.  Quant  au  rang  ds 
chaque  eccléfiaftique  en  particulier  vis-à-vis 
des  laïques  ,  lorfqu'un  eccléfiaftique  fait 
quelque  fonftion  de  fon  miniftere  ,  il  pré- 
cède tous  les  laïques  j  mais  lorlqu'il  n'eft 
point  en  fonétion  propre  à  fon  caradtere  , 
fon  rang  vis  à-vis  des  laïques  fe  régie  par  la 
qualité  des  perfonnes  &  autres  circonftances. 
Voyei  Domat  ,  tr.  du  Dr.  publ.  liv,  1 ,  tit. 
ix  ,  feâ.  iij  ,  /z.  47  6»  fuiv. 

2°.  En  matière  criminelle ,  les  clercs  peu- 
vent demander  leur  renvoi  pardevant  le  juge 
d'églife  ,  pour  être  jugés  par  lui  fur  le  délit 
commun  ^  &  lorfque  ce  renvoi  «ft  ordonné  , 
le  cas  privilégié  ne  peut  être  jugé  que  par  le 
juge  royal ,  attendu  qu'il  n'eft  pas  d'ufàge 
que  les  juges  d'églife  inftruifent  conjointe- 
ment avec  les  juges  des  feigneurs ,  mais  feu- 
lement avec  les  baillis  &  fénéchaux  royaux. 
Ils  ne  font  fujets  en  aucun  cas  à  la  jurifdic- 
tion  du  prévôt  des  maréchaux  ,  &  les  préfî- 
diaux  ne  peuvent  les  juger  qu'à  la  charge  de 
l'appel  ;,  &  lorfque  l'affaire  fe  trouve  portée 
au  parlement ,  foit  par  appel  ,  ou  en  pre- 
mière inftance,  ils  peuvent  demander  d'être 
jugés  eu  la  grand-cliambre  ,  &  non  à  la 
Tournelle  ,  afin  que  les  confeillers-clercs  , 
qui  ne  font  point  de  fervice  à  la  tournelle , 
puiffent  alîifter  à  leur  jugement.  Voye-^  t or- 
donnance de  Moulins ,  art,  41  ;  celle  de  1 670 , 
art.  21  ^  tédit  et  avril  1595  ,  art,  41  ;  &  /a, 
déclaration  du '^février  173 1 ,  art.  1 1.  <S'  1,5., 

3°.  En  matière  civile ,  lorsqu'il  s'agit  d'ac- 
tions perfonnelles ,  les  eccléfiaftiques  ont  le 
privilège  de  ne  pouvoir  être  traduits  que  par- 
devant  le  juge  d'églife ,  finon  le  défendeur 
peut  demander  fon  renvoi ,  quand  même  le 
demandeur  feroit  un  laïque.  Voye\  les  loix 
eccl,  de  d'Héricourt ,  part.  I.  ch.  xix.  n,  8. 

Ils  ont  aufti  le  privilège  de  ne  pouvoir  pas 
être  contraints  par  corps  pour  dépens  ou 
autres  dettes  purement  civiles  ,  fi  ce  n'eft 
qu'il  y  ait  ftellionat  ou  autre  délit  qui  les. 
faffe  juger  indignes  de  jouir  des  privilèges  de 
cléricature,  Voye\  le  traité  dt  lajurifdicliort 
eccléfiaftique  de  Ducalfe  \  tédit  de  1606^  art, 
123  ;   &l  la  déclaration  du  ^O  juillet  17 10» 

4**.  Les  eccléfiaftiques  font  exempts  de 
taille  dans  tous  les  pays  où  elle  eft  perfon- 
nelle ,  &  ils  jouiftènt  du  même  privilège 
pour  faire  valoir  une  ferme  de  quatre  char- 
rues ,  pourvu  qu'elle  foit  du  patrimoine  de 

leiir 


CLE 

leur  bénéfice ,  ou  fi  c'eft  un  bien  de  famille 
qui  leur  fbit  échu  en  ligne  dire£le. 

Les  curés  peuvent  même  prendre  à  ferme 
les  dîmes  de  leur  paroiiFe ,  fans  être  pour 
cela  fujets  à  la  taille  j  mais  leurs  fermiers 
font  taillables.  Voye^  les  réglemens  rapportés 
dans  le  code  des  tailles. 

5°.  Ils  font  exempts  des  charges  per/bn- 
nelles  ,  telles  que  tutelle ,  curatelle  ,  colleâie 
des  impôts  ,  guet  &  garde  dans  les  villes. 
\h  font  auflî  exempts  du  logement  des  gens 
de  guerre ,  fi  ce  n'efl:  en  cas  d'urgente  né- 
cefiité.  Ils  font  pareillement  exempts  des 
corvées  perfonnelles  ^  mais  ils  font  tenus  des 
féelles  ,  qu'ils  peuvent  faire  par  un  tiers.  Ils 
ne  font  pas  fujets  à  la  bannalité  du  four , 
mais  IÎ3  le  font  à  celle  du  moulin  &  du  pref- 
foir.  Voye^la  Jurifprud.  can.  de  de  la  Combe, 
au  mot  privilège  clérical ,  fecl.  viij, 

6^,  En  matière  d'aides  ,  ils  font  exempts 
des  nouveaux  cinq  fous  pour  les  vendanges 
&  le  vin  du  crû  de  leur  bénéfice.  Ils  peuvent 
vendre  en  gros  le  vin  du  crû  de  leur  bénéfice 
&  de  leur  titre  fàcerdotal ,  fans  payer  aucun 
droit  de  gros  &  d'augmentation.  Ils  font 
aufli  exempts  du  droit  de  jauge  &  courtage  , 
à  la  vente  en  gros  &  à  l'entrée  pour  le  vin 
du  crû  de  leur  bénéfice  ^  &  du  droit  de 
fubvention,  à  l'entrée  du  vin  du  crû  de  leur 
bénéfice  ,  pour  ce  qu'ils  en  confom nieront 
dans  leur  maifon  ,  pour  leur  provifion. 
Voye:^  t ordonnance  des  aides  j  &  les  recueils 
de  règlement  concernant  cette  matière. 

Pour  jouir  de  ces  differens  privilèges ,  il 
faut  que  les  clercs  foient  conftitués  aux  ordres 
facrés ,  ou  bénéficiers  ou  attachés  actuelle- 
ment au  fervice  de  quelque  églife. 

Ils  font  déchus  des  privilèges  de  clérica- 
ture ,  lorfqu'ils  cefTent  de  vivre  cléricalement  ^ 
ce  qui  arrive  lorlqu'ils  portent  des  habits  fé- 
culiers  ,  ou  qu'ils  exercent  quelque  fon£lion 
Micompatible  avec  l'état  eccléfiaftique. 

Au  refte  il  eft  eflêntiel  d'obfèrver  que  les 
privilèges  accordés  aux  eccléfiaftiques  par 
les  papes ,  ne  font  point  reconnus  parmi 
nous.  Il  en  eft  de  même  de  ceux  qui  leur  ont 
été  accordés  par  les  empereurs  romains  ,  à 
l'exception  néanmoins  des  empereurs  qui 
étoient  en  même  temps  rois  de  France. 

Les  clercs  font  fujets  du  roi  comme  les 
autres  particuliers  ^  ainfi  leurs  perfonnes  & 
les  biens  de  leurs  églifes  ,  de  même  que 
Tome  VIII, 


CLE  273 

leurs  biens  propres  &  perfonnels ,  font  fou- 
mis  aux  loix  du  royaume  ,  &  doivent  con- 
tribuer aux  charges  perfonnelles  &  réelles  , 
faufles  privilèges  qui  leur -ont  été  accordés, 
qu'ils  tiennent  tous  de  la  libéralité  de  nos 
rois,  lefquels  peuvent,  de  la  même  auto- 
rité ,  étendre  quelques-uns  de  ces  privilèges , 
les  interpréter ,  les  reftreindre  &  modifier  , 
même  révoquer  ceux  qu'ils  jugeroient  à  pro- 
pos ,  lorfque  le  bien  de  l'état  le  demande. 
A^oj^:{  d'Héricourt ,  loc.  cit.  le  Diclionn.  des 
arrêts ,  au  mot ,  clerc  ;  &  la  Jurifprud.  can» 
de  de  la  Coinbe  ,  au  mot  privilège.  (  A  ) 

§  CLERMONT  en  Auvergne ,  (  Géogr.  ) 
Claromons ,  Claromontum  ,  capitale  de  l'Au- 
vergne i  elle  fut  appellée  urbs  Arverna ,  oii 
Arvernorum ,  cnfuite  Auguftonemetum  ou 
Augufionomofum  ,  à  quatre  lieues  de  Gergo- 
ria ,  qu'affiégea  Céfar  :  cette  ville  &  la  pro- 
vince furent  réunies  à  la  couronne  par  Phi- 
lippe Augufte  ,  en  1212  ,  ayant  étéconfif- 
quées  fur  le  comte  Guy. 

C'eft  dans  cette  ville  riche  &  peuplée  que 
Charles  V  tint  les  états  du  royaume  en  1 374. 
Le  pape  Urbain  II  y  tint  ||ii  concile  en  1 09  5 , 
où  il  publia  la  première  croifade.  Saint  Auf- 
tremoine  ,  dont  les  reliques  repofent  à  Mo- 
fac ,  eft  regardé  comme  l'apôtre  du  pays. 
Depuis  ce  Saint  jufqu'à  M.  de  la  Garlaye  , 
on  compte  93  évêques,  dont  25  font  recon- 
nus pour  fàints. 

Etienne  Aubert ,  Limofin  ,  évêque  de 
Clermont  en  1341  ,  devint  pape  fous  le  nom 
d'Innocent  IV ,  en  1352  ^  les  cardinaux  Char- 
les de  Bourbon ,  Duprat  &  de  la  Rochefou- 
cault ,  ont  auflî  fait  honneur  au  fiege  épifoo- 
pal  de  Clermont  ;  mais  fur-tout  le  célèbre 
J.  B.  Mafllllou  de  l'oratoire  ,  mort  en  1742. 

Clermont  fe  glorifie  d'avoir  été  le  berceau 
de  Savaron ,  d'Audigier  ,  de  Blaife  Pafcal 
&  de  Domat. 

Il  y  a  dans  cette  ville  trois  collégiales ,  un 
beau  collège ,  une  fociété  littéraire  établie 
en  1741  ,  &  l'abbaye  de  Saint- Alyre ,  mile 
en  commende  en  1764. 

On  y  remarque  une  fontaine  ,  dont  lei 
eaux  qui  fè  pétrifient  ont  formé  à  vingt  pat 
de  la  foMrce  ,  un  petit  pont  de  pierre  incrus- 
tée. Long.  20.  45.  7.  lat.  45.  46.  4S'{C) 

Clermont  en  Argone  ,  (  Géog.  mod."^ 
petite  ville  de  France  ,  avec  titre  de  comté, 
en Verdunois.  Long.  22 ,  44 ,  20  j lat^  49, 64, 

Mm 


174  CLE 

§  ClERMONT  en  Beauvoifis^  (Géogr.) 
ville  fur  la  Brèche  ,  à  cinq  lieues  de  Beau- 
vais  &  cinq  de  Senlis  ^  c'eft  la  capitale  d'un 
comté  que  Philippe  Augufte  acquit  en  1219. 
Saint  Louis  le  donna  à  fon  fils  Robert,  tige 
de  la  maifon  de  Bourbon  ,  laquelle  a  pof- 
{iàé  ce  comté  jufqu'au  connétable  de  Bour- 
bon ,  dont  les  biens  furent  confifqués  ôc  réu- 
nis à  la  couronne. 

La  dévotion  à  Saint  Jengou  ou  Gengoux 
(  Gengulfus  ),  patron  des  bons  maris,  attire 
à  Clermont  yn  grand  concours  de  peuple ,  au 
mois,  de  mai. 

Près  de  Clermont ,  eft  Worty,  érigé  en  du- 
ché-pairie ,  fous  le  nom  de  Fif{-James ,  en 
1710,  en  faveur  de  Jacques  ,  duc  de  Ber- 
wick.  Long.  20.  4.  15.  lat,  49.  22.  45.  {C) 

Clermont,  {Géog.mod.)  petite  ville  de 
France ,  au  bas  Languedoc  ,  entre  Lodeve 
&  Pczenas.  Il  y  a  encore  une  ville  de  ce 
nom  en  France,  dans  TAgénois. 

CLÉROMANCIE  ,  f.  f.  efpece  de  divi- 
nation qui  fe  faifoit  par  le  jet  des  dés  ou  des 
offelets  ,  dont  on  confidéroit  les  points  ou 
les  marques ,  pou^en  inférer  des  chofes  in- 
connues ou  cachées.  Voye^  DIVINATION. 

Ce  mot  vient  du  grec  kk^os  ,  fort ,  &  de 
fjLavnicc  ,  divination. 

On  trouve  des  traces  de  la  cléromancie 
dans  le  chapitre  premier  du  prophète  Jonas , 
où  pendant  la  tempête  qui  s'étoit  élevée ,  le 
pilote  du  vailTeau  &  {qs  compagnons ,  pen- 
fant  que  quelque  paifager  leur  avoit  par  {es 
crimes  attiré  cet  orage  ,  jetèrent  les  dés ,  & 
confulterent  le  fort  pour  connoître  qui  ce 
pouvoit  être  j  &  le  fort  tomba  fiir  Jonas , 
ajoute  le  texte  fàcré  :  «  Et  dixit  vir  ad  col- 
»  legam  fuum  :  venite  ,  &  mittamus  fortes  , 
»  &  fciamus  quare  hoc  malum  fit  nobis.  Et 
»  miferunt  fortes  ^  &  ceciditfors  fuper  Jo- 
w  nam.  Jon.  cap.j^  7.  »  C'étoient  des  païens 
qui  pratiquoient  cette  fuperftition  ^  mais 
Dieu  la  permettoit  pour  punir  la  défobéif- 
fance  de  fon  prophète  ,  &  lui  faire  accom- 
plir fes  delTeins  fur  Ninive. 
:  Il  y  avoit  à  Bura ,  ville  d'Achaïe ,  un  tem- 
ple &  un  oracle  célèbre  d'Hercule.  Ceux  qui 
confultoient  l'oracle  après  avoir  fait  leurs 
prières  à  l'idole  ,  jetoieut  quatre  dés  ;,  &  fé- 
lon les  points  ou  nombres  qu'on  avoit  ame- 
nés ,  le  prêtre  rendoit  fa  réponfe.  D'autres 
oracles  fameux  étoient  connus  fous  le  nom 


CLE 

Ae  forts ,  tels  que  ceux  de  Prenefte  ,  d'An-' 
tium  ,  de  Lycie  ,  de  Delos  ,  &c.  Voye^i 
Sorts.  (G) 

CLERVAL,  (Géog.  mo^.^petite  ville  de 
France  en  Franche-Comté  ,  fur  le  Doux, 
Long.i^,  32^  /at.46,  35. 

CLERVAUX ,  voyei  Clairvaux. 

CLERY ,  (  Géog.  mod.  )  ville  de  France 
dans  rOrléanois  ,  iiir  la  rivière  de  Loire. 

CLETJiRA ,  (  Botanique.  )  cet  arbriifeaii 
n'a  point  de  nom  particulier  dans  les  autres 
langues. 

Caractère  générique. 

La  fleur  confifte  en  un  calice  de  cinq  feuil- 
les ovales ,  creufées  en  cuilleron ,  en  dix  éta- 
mines  environnées  de  cinq  pétales  ,  alongés  , 
&  en  un  piftil  compofé  d'un  embryon  ar- 
rondi ,  &  d'un  ftyle  terminé  par  un  iîigmate 
divifé  en  quatre.  L'embryon  devient  une 
capfiile  oblongue  à  trois  loges  ,  remplie  de 
petites  femences  anguleufes. 

On  ne  connoît  encore  qu'une  eipece  de  ce 
genre. 

Clethra  ,   Gron.  FI.  Virg. 

Le  clethra  eft  indigène  de  la  Virginie  & 
de  la  Caroline,  où  il  s'élève  à  la  hauteur  de 
huit  ou  dix  pies  j  il  y  croît  dans  les  terres 
humides  ,  &le  long  des  ruiifeaux  dont  il  fait 
l'ornement.  Il  faudroit  le  placer  dans  des  po- 
fitions  femblables ,  pour  le  voir  végéter  aulîî 
vigoureufement  dans  nos  jardins  ^  mais  du 
moins  qu'on  lui  choifiife  les  parties  les  plus 
huinides  &  les  plus  fertiles  des  bofquets  d'été , 
dont  il  fera  une  des  plus  belles  décorations  j 
fes  rameaux  font  droits  &  convergens ,  pres- 
que tous  termines  par  de  longs  épis  de  fleurs 
blanches ,  d'une  odeur  très-gracieufe  ,  qui 
s'épanouifTent  dès  le  commencement  de  juil- 
let ,  &  fe  fùccedeut  quelquefois  jufqu'en  fep- 
fembre.  Ses  feuille's  font  oblongues  ,  allez 
fermes  ,  relevées  en  deflus  de  nervures  rap- 
prochées &  faillantes,  &  placées  alternati- 
vement fur  les  branches  ^  celles-ci  font  re- 
couvertes d'une  écorce  mince  &  rougeâtre  ; 
comme  elles  font  très-caifantes  ,  il  faut  met- 
tre ces  arbuftes  à  l'abri  des  grands  vents. 

Du  refte ,  ils  réfiftent  fort  bien  au  froid  de 
nos  climats  feptentrionaux ,  lorfqu'ils  ont  ac- 
quis une  certaine  force  ^  feulement  il  con- 
vient de  plaquer  de  la  mouife  à  leur  pié 
pendant  les  chaleurs,  pour  prévenir  le  deifé- 
chement  de  la  terre  j  &:  de  la  menue  litière  , 


CLE 

tîurant  le  temps  froid ,  pour  parera  la  gelée. 
Si  l'hiver  étoit  rigoureux,  on  pourroit  les  en- 
vironner de  pailIaiFons  ou  de  grandes  bran- 
ches de  pin  ,  dont  on  les  couvriroit  en  ber- 
ceau. 

Ce  charmant  arbufte  fe  multiplie  de  mar- 
cottes ,  qu'on  doit  faire  en  avril  ou  en  juillet, 
fuivant  la  méthode  détaillée  aux  articles 
Alaterne  &  Clématite  :  la  féconde 
a'itomne,  /i  elles  ont  été  bien  foig-nées ,  elles 
feront  {îiiiifamment  pourvues  de  racines  -^ 
maison  fera  mieux  d'attendre  jufqu'à  latroi- 
fîeme  ,  pour  les  enlever;,  alors  on  pourra  les 
planter  à  demeure  ,  ou  les  cultiver  encore 
<îuelque  temps  en  pépinière  ,  dans  quelque 
bonne  partie  d'un  potager  fermé. 

En  vain  j'ai  eflayé  jufqu'à  préfènt  d'en 
faire  des  boutures  ;,  celles  même  que  j'ai  mi- 
iès  iiir  couche,  n'ont  pas  réufli  ^  mais  on  ne 
peut  rien  établir  fur  un  petit  nombre  de 
faits,  &  il  ne  faut  quelquefois,  pour  obtenir 
un  bonfaccès ,  qu'une  attention  iimple  qu'on 
apprendra  en  variant  les  expériences ,  félon 
les  faifons ,  les  terres,  les  pofitions,les  foins, 
le  choix  des  ramicaux ,  leur  coupe ,  les  abris , 
^c.  Une  feule  de  ces  circonftances  eft  fouvent 
<lécifive. 

J'ai  aufîî  tenté  de  me  fêrvir  de  la  graine  , 
■mais  celle  que  j'ai  femée  avoit  été  recueillie 
en  France  j  apparemment  qu'elle  n'a  voit  pas 
mûri  j  car  vue  à  la  loupe  ,  elle  paroiifoit 
inaigre  &  ridée  j  aufli  n'a-t-elle  pas  germé  : 
il  peut  arriver  cependant  que  cet  arbufte 
mieux  naturalifé  dans  notre  climat,  &  profi- 
tant d'une  température  favorable, nous  donne 
m\  jour  de  bonnes  fèmences  :  je  n'en  ai  pas 
encore  employé  de  celles  qui  fe  recueillent 
en  Angleterre  ,  ni  de  celles  qu'on  y  apporte 
d'Amérique.  (M.  te  baron  de  Tschovdj.) 

CLETTENBERG  ,  (  Géo^.  mod.  )  ville 
d'Allemagne  dans  le  comté  de  Hohenftein  , 
au  roi  de  PrulTe. 

CLETTGOW  ,  (  Ge'og,  mod.  )  petit 
pays  d'Allemagne  en  Suabe  ^  près  de  la  forêt 
Noire. 

CLEVELAND  ^  (G^g.  mo^.)  petit  pays 
d'Angleterre  avec  titre  de  comté ,  dans  la 
province  d'Yorck. 

CLEVES  ,  (  Ge'og.  mod.  )  ville  alTez 
Igrande  d'Allemagne  au  cercle  de  Weftpha- 
iie ,  capitale  du  duché  de  même  nom  ,  re- 


C  L  E  275 

marquable  par  fes  eaux  minérales. Zo/i.  23, 
45  hj^^'  51 9  48. 

CleVES  (  duché  de  )  ,  Ge'og.  mod.  J^ays 
d'Allemagne  au  cercle  de  Weftphalie  ,  arrofé 
par  le  Rhin  ,  appartenant  au  roi  de  Pruiîé. 

CLIBANAIRES,  f.  m.  ^\.{Hifî.  anc.) 
foidats  romains  ainfi  nommés ,  dit  Saumaife 
dans  (es  notes  fur  Lampride  ,  du  mot  latia 
clibanum  ,  qui  fignifioit  une  cuirajfe  de  fer  , 
&:  venoit  de  clibanus  ,  c'elt-à-dire  four  ; 
parce  que  ces  fortes  de  cuirailes  étoient  con- 
caves en  dedans  &  convexes  dans  leur  partie 
extérieure  ^  ce  qui  avoit  quelque  analogie , 
quoiqu 'éloignée ,  avec  la  calotte  ou  le  deflus 
d'un  four.  (G) 

CLICH  ,  {y4rt  milit.  Armes)  c'eft  le 
nom  d'un  fabre  à  l'ufage  des  Turcs. 

CLIENT  ,  f.  m.  (  Hijt.  anc.  )  parmi  les 
romaine,  c'étoit  un  citoyen  qui  fe  mettoit 
fous  la  proteftion  de  quelque  autre  citoyen 
de  marque  ,  lequel  par  cette  relation  s'ap- 
pelloit  fon  patron  ,  patronus.  V.  PatRON. 

Le  patron  affiftoit  le  client  dans  fes  be- 
foins  ,  &  le  client  donnoit  fon  fufFrage  au 
patron  quand  il  briguoit  quelque  magiftra- 
ture  ou  pour  lui-même ,  ou  pour  fes  amis. 
Les  cliens  dévoient  relpeéèer  leur  patron  , 
&  le  patron  de  fon  côté  devoit  à  iës  cliens  fa 
proted:ion  &.  fon  fècours.  Ce  droit  de  patro- 
nage fut  inftitué  par  Romulus,  dans  le  defléin 
de  réunir  les  riches  &  les  pauvres  ;,  de  façon 
que  \^%  uns  fufîént  exempts  de  mépris ,  &  X^i 
autres  de  l'envie.  Mais  la  condition  des  cliens 
devint  peu-à-peu  une  efpece  d'efclavage 
adouci. 

Cette  coutume  s'étendit  enfuite  plus  loin  ; 
non-feulement  les  familles,  mais  les  villes  & 
\q%  provinces  entières ,  même  hors  de  l'Ita- 
lie, la  fuivirent  :  la  Sicile,  par  exemple,  fe 
mit  fous  la  proteûion  de  Marcellus. 

Lazius  &  Budée  rapportent  l'origine  des 
fiefs  aux  patrons  &  cliens  del'ancieniie  Rome^ 
mais  il  y  a  une  grande  différence  entre  la  re- 
latioji  du  vaffal  à  k)n  feigneur  ,  &  celle  du 
client  à  fon  patron.  V.  Vassal  ,  Seigneur  , 
Ç^c.  Car  les  cliens ,  outre  le  refpcâ:  qu'ils 
dévoient  rendre  ,  &  les  fuifrages  qu'ils  dé- 
voient donner  aux  patrons  ,  étoient  obligés 
de  \qs  aider  dans  toutes  leurs  affaires  ,  & 
même  de  payer  leur  rançon  ,  s'ils  étoient 
faits  prifonniers  à  la  guerre  ,  en  cas  qu'ils 
n'euffènt .  pas  affez  de  bien  pour  la  payer 
Mm  2 


i-jG  C  L  I 

eux-mêmes.  V.  Fief  6'MouvANCE.  Dict, 

de  Trév.  &  Chambers.  {G) 

:    Cliens  ,  {Jurifpr.)  On  donnoit  autrefois 

ce  nom  aux  vaflaux  par  rapport  à  leurs  fei- 

gneurs  dominans ,  fous  laprotedlion  defquels 

ils  étoient. 

En  termes  de  pratique  ,  client  fe  dit  de 
celui  qui  a  chargé  un  avocat  ou  un  procu- 
reur de  la  défenfè  d'une  affaire  ,  ou  qui  va 
Solliciter  fon  juge. 

II  eft  défendu  aux  avocats  &  procureurs 
de  faire  avec  leurs  cliens  aucune  padèion  pour 
avoir  une  portion  du  bénéfice  qui  pourra  re- 
venir du  gani  d'un  procès.  V.  Pacte  de  quota 
litis. 

Ils  ne  peuvent  aufîi  recevoir  de  leurs  cliens 
aucune  donation  entre-vifs ,  pendant  le  cours 
des  caufes  &  procès  dont  ils  font  chargés  pour 
eux.  V.  Ricard ,  part.  J ,  cà,  ii;,  fecl.  9  ,  n. 
504  ,  &  Lemaître  fur  Paris,  titre  des  dona- 
tions ,  câ,  j  ,  fecl,  I.  (A) 

CLIGNEMENT ,  f.  m.  {Ahat.  Phijiol.) 
froncement  des  deux  paupières  qu'on  tient 
volontairement  à  demi-rapprochées  l'une  de 
l'autre ,  fbit  pour  regarder  un  objet  plus  fixe- 
ment en  tenant  un  œil  fermé ,  ibit  pour  em- 
pêcher l'œil  à  demi-fermé  qui  regarde ,  d'ê- 
tre h\QÏ![é  par  un  très  -  grand  nombre  de 
rayons.. 

Cette  aif^ion  de  clignement  s'exécute  parla 
contraftion  volontaire  de  toutes  les  portions 
du'mufcle  orbiculaire,  dont  je  fuppofè  ici 
l'attache  ,  la  diftribution  &.  la  terminaifon 
connues  ^  car  fes  fibres  demi-circulaires  fe 
diftribuant  aux  deux  paupières  jufqu'à  leur 
cartilage ,  peuvent  les  fernier  à  moitié  ou 
entièrement.  Dans  cette  aâ:ion  les  fourcils 
fe  bailTent  aufll  avec  la  paupière  fupérieure , 
parce  que  diverfes  portions  du  mufcle  orbi- 
culaire font  adhérentes  à  la  peau ,  &  fe  por- 
tent depuis  le  fourcil  jufqu'au  haut  de  la 
joue.  Voilà  la  raifon  des  plis  de  toutes  ces 
parties  qui  paroiffent  dans  le  clignement  y  & 
qui  font  différens  félon  la  différence  de  la 
direftion  des  fibres  du  mufcle  orbiculaire. 
On  en  voit  comme  rayonnes  autour  de  l'an- 
gle temporal  ^  il  y  en  a  peu  entr^  le  fourcil 
&  la  paupière  fupérieure.  Il  y  en  a  plufieurs 
au  deffousde  la  paupière  inférieure,  lefquels 
defcendent  très-ol^liquement  de  devant  en 
arrière. 

On  cligne  les  paupières  pourregarder  un 


C  L  I 

objet  éloigné  ,  en  comprimant  l'hénniphere 
antérieur  du  globe  de  l'œil  ,  &  l'on  dilate 
les  paupières  pour  voir  un  objet  de  près , 
non  pas  que  ces  deux  états  des  paupières 
foient  abfolument  néceffaires  pour  donner 
au  globe  les  figures  qu'il  doit  prendre  dans 
les  deux  cas  propofés.  Ces  figures  du  globe 
ont  d'autres  caufes  plus  puiffantcs  ^  &  l'on 
peut ,  fans  déranger  leurs  effets ,  cligner  les 
paupières  dans  l'un  &  l'autre  cas  :  on  le  fait 
effedivement  toutes  les  fois  qu'on  double 
d'efforts  pour  mieux  voir  ,  foit  de  loin  , 
foit  de  près.  Mais  cette  efpece  de  clignement 
n'a  aucun  rapport  à  la  figure  du  globe  ^  tout 
fon  méchanifme  aboutit  à  rétrécir  les  pau- 
pières ,  pour  empêcher  les  rayons  de  tomber 
en  trop  grande  quantité  fur  la  furface  polie 
de  la  cornée  ,  d'où  ils  fe  réfléchiffent  ,  s'é- 
parpillent à  la  ronde ,  &  nuifent  à  la  pureté 
des  rayons  qui  entrent  dans  l'œil  :  c'eft  pour- 
quoi machinalement  nous  clignons  les  yeux, 
afin  de  ne  laiffer  prefque  que  le  paffage  du 
cône  de  lumière  qui  porte  l'image  ,  &  afin 
que  cette  image  ne  foit  point  troublée  ,  fa- 
lie  ,  fi  l'on  peut  le  dire  ,  par  des  rayons 
étrangers.  C'eft  ainfi  qu'on  voit  mieux  un 
objet  par  un  tuyau ,  qu'on  ne  le  voit  en  plein 


air. 


Quoique  les  paupières ,  iûivant  la  remar- 
que judicieufe  de  M.  Lecat ,  fervent  comme 
l'iris  à  conlèrver  le  cône  lumineux  qui  entre 
dans  l'œil ,  plus  pur  &  à  rendre  les  images 
plus  nettes  ,  cependant  fi  on  regarde  une 
chandelle  en  clignant  &  en  approchant  les 
paupières  fi  près  l'une  de  l'autre  ,  qu'elles 
ferment  en  partie  la  prunelle  ,  &  qu'elles 
interceptent  une  portion  du  corps  lumineux 
qui  y  doit  entrer ,  alors  on  ne  voit  plus  la 
lumière  nettement ,  mais  avec  de  grands 
traits  lumineux  dirigés  vers  le  haut  &  le  bas 
de  cette  lumière  ,  &  ces  grands  traits  font 
les  portions  du  cône  réfléchies  par  chaque 
paupière  ^  mais  les  paupières  ne  troublent 
ainfi  la  vue  que  quand  on  les  ferme  exprès  , 
&  encore  l'objet  n'a  ces  grands  traits  de  lu- 
mière qu'en  deffus  &  en  deffous  ,  parce  que 
les  paupières  dans  cet  état  de  clignement  in- 
terceptent les  rayons  du  cône  lumineux  de 
la  chandelle.  La  vue  eft  un  fens  qui  fe  trompe 
lui-même  ,  &  qu'on  trompe  perpétuelle- 
ment. Article  de  M.  le  chevalier  DE  Jau^ 
COURTi 


C  L  I 

CLIMACTÉRIQUE  (Année),  adj. 
Divination  ,  année  critique  ou  période  de 
l'âge  de  l'homme  ,  dans  laquelle  les  aftro 
logues  prétendent  qu'il  fè  fait  dans  le  corps 
une  altération  confidérable  qui  conduit  à  des 
maladies  ,  à  la  mort ,  ou  qui  iîgnale  cette 
année  par  des  accidens  jftineftes. 

Nous  ajoutons  cette  dernière  ciauiè ,  parce 
que  Evelius  qui  a  fait  un  volume  entier  /bus 
le  titre  de  annus  climaclericus  ,  y  décrit  la 
perte  qu'il  fit  par  le  feu  qui  prit  à  fon  obfer- 
vatoire  ,  &  que  cet  accident  lui  arriva  dans 
ià  plus  grande  climaclérique. 

Ce  mot  vient  du  grec  K?jfxetK7îf ,  ou  kxi- 
fjMKrn§tmi^  dérivé  de  kkiiax^^  degré  on  échelle; 
parce  qu'on  monte  de  fept  en  fept  ou  de 
neuf  en  neuf  ans  ,  pour  arriver  à  l'année  qui 
s'appelle  climaclérique, 

Ainfi  la  première  année  climaclérique  de 
la  vie  de  l'homme ,  c'eft  ,  félon  quelques- 
uns  ,  la  lèptieme  :  les  autres  font  des  multi- 
ples de  celle-ci^  favoir  14,  21  ,  28  ,  35  , 
42  ,  49  ,  56 ,  63  ,  70  ,  77 ,  84.  Mais_  les 
années  63  &  84  font  nommées  en  particu- 
lier grandes  climaclériques ,  &  l'on  croit  que 
le  danger  de  mort  y  eiî;  beaucoup  plus  grand 
que  dans  les  autres. 

Selon  d'autres  auteurs  ,  l'année  climaclé- 
rique fe  compte  de  neuf  en  neuf  ^  c'eft  pour 
cela  ,  difent-ils  que  la  foixante-tit)ifieme 
&la  quatre^  vingt-unième  font  les  plus  dan- 
gereufes ,  parce  que  dans  l'une  le  nombre  de 
fept ,  &  dans  l'autre  le  nombre  de  neuf,  fe 
trouvent  répétés  neuf  fois. 

Cette  opinion  eft  fort  ancienne  :  Aulu- 
gelle  l'attribue  aux  Chaldéens ,  qui  pouvoient 
l'avoir  reçue  de  Pythagore  ,  fi  peut-être  dans 
{qs  voyages  ce  philofophe  ne  l'emprunta  pas 
d'eux  ;  car  on  fait  que  fa  philofophie  étoit 
fondée  en  grande  partie  fur  les  rapports  & 
les  propriétés  des  nombres ,  &  qu'il  attri- 
buoit  fur-tout  au  nombre  fept  une  vertu 
particulière. 

Marfile  Ficin  penfe  en  avoir  trouvé  le  fon- 
dement ,  en  dilànt  qu'il  a  été  afllgné  à  cha- 
que planète  une  année  pour  dominer  fur  le 
corps  de  l'homme  chacune  à  fbn  tour  ^  & 
que  comme  de  toutes  les  planètes  Saturne 
eft  la  jjlus  malfaifante ,  toutes  les  ièptiemes 
années  qui  lui  appartiennent ,  doivent  être 
par  cette  raifbn  très-dangereufes  ,  &  fiir- 
lout  les  49  ,  56  &  63  années  où  l'on  eftrféja 


C  L  I  277 

avancé  fur  l'âge  :  mais  peut-être  eut- ou  fort 
embarrafié  Marfile  Ficin ,  en  lui  demandant 
pourquoi  les  planètes  dominoicnt  fur  le  corps 
de  l'homme  ,  &  pourquoi  les  influences  de 
Saturne  étoient  plus  fuucftes  que  celles  des 
autres  planètes. 

Cependant  des  hommes  fort  éclairés  ont 
eu  foi  à  ces  influences.  Augufte  ,  fi  l'on  en 
croît  Suétone  ,  fe  réjouiflbit  d'avoir  paAie 
fans  danger  fà  grande  climaclérique ,  c'eft- 
à-dire  fa  foixante  &  troifieme  année  ,  car 
il  mourut  âgé  de  76  ans.  Quelques-uns  ont 
prétendu  que  \q^  années  climaâériques 
étoient  aufli  fatales  au  corps  politique  ^  & 
on  pourroit  en  convenir  ,  s'il  étoit  prouvé 
qu'elles  le  font  au  corps  naturel. 

On  en  étoit  afiez  perfuadé  il  n'y  a  pas 
deux  fiecles  ,  c'eft-à-dire  du  temps  de  la 
ligue  j  car  M.  de  Thou  &  Mézerai  racon- 
tent que  Jean  Bodin ,  fi  connu  par  fa  démo- 
nomanie,  &qui  étoit  avocat  du  roi  àLaon, 
voulant  faire  déclarer  cette  ville  en  faveur 
de  la  ligue  &  contre  Heiu-i  III ,  fit  un  dif- 
cours  aux  habitans  aifemblés  ,  où  il  s'atta- 
cha à  lever  leurs  fcrupules  j  &  après  s'être 
déchaîné  contre  le  roi  qu'il  ofa  traiter  de 
traître  &  d'hypocrite  ,  «  il  tira  ,  dit  M.  de 
Thou  ,  des  circonftances  préfentes  un  pré- 
fage  alFez  funefte  à  la  fuccefiîon  à  la  cou- 
ronne j  car  il  dit  que  l'année  foixante  &  troi- 
fieme de  l'homme  étoit  ibn  année  climaâé- 
rique  ,  &  ne  manquoit  guère  de  lui  être  fu- 
nefte '•)  qu  'ainlî ,  comme  on  comptoit  parmi 
nous  foixante  &  trois  rois  depuis  Pharamond 
jufqu'à  Henri  III,  il  ièmbleit  que  ce  prince 
dut  être  fatal  à  la  France ,  &  que  ce  fut  par 
lui  que  la  couronne  dût  fortir  de  fa  maifon.  » 
De  Thou  ,  Hift.  l,  XCIV ,  Mézerai  dit  à- 
peu-près  la  même  chofè  dans  fon  abrégé 
chronologique  ^  fous  l'an  1589.  De  pareils 
raifonnemens  ne  furprenuent  pas  de  la  part 
de  Bodin  ,  H.  les  impreflîons  qu'ils  firent  ne 
doivent  pas  paroître  étranges  dans  un  fiecle 
infatué  de  l'aftrologie  judiciaire. 

Au  refte  plufieurs  auteurs  célèbres  ont 
écrit  fiir  Vannée  climaclérique  j  entr 'autres 
Platon  ,  Cicéron  ,  Macrobe  ,  Aulugelle , 
auxquels  on  peut  ajouter  faint  Auguftin  , 
fàint  Ambroiiè  :  le  vénérable  Bede  ,  Boece , 
ùc.  &  parmi  les  modernes  ,  Argol ,  Magir , 
&  Saumaife  ,  de  annis  cHmaclericis.  (G.) 

CLIMAT  ,  f.  m.  (  Géogr,  )  portion  ou 


278  CL  I 

zone  de  la  fiirface  de  la  terre  ,  terminée  par 
deux  cercles  parallèles  à  l'équateur,  &  d'une 
largeur  telle  que  le  plus  long  jour  dans  le  pa- 
rallèle le  plus  proche  du  pôle ,  furpallè  d'une 
certaine  quantité  ,  par  exemple, d'une  demi- 
heure  ,  le  plus  long  jour  dans  le  parallèle  le 
plus  proche  de  l'équateur.  Voye:^  Terre  , 
Parallèle  ,  &c. 

Les  climats  fè  prennent  donc  depuis  l'é- 
quateur jufqu'aux  pôles ,  &.  font  comme 
autant  de  bandes  ou  de  zones  parallèles  à 
l'équateur  :  mais  il  y  a  à  la  rigueur  pluficurs 
climats  dans  la  largeur  de  chaque  zone.  Un 
climat  n'elt  différent  de  celui  qui  ell  le  plus 
proche  de  lui ,  qu'en  ce  que  le  plus  grand  jour 
d'été  cft  plus  long  ou  plus  court  d'une  demi- 
heure  dans  l'un  que  dans  l'autre.  Chambers, 

L'intervalle  du  premier  climat  eft  de  8^ 
30' ,  &  celui  du  dernier  n'a  pas  plus  de  ^. 
Pour  concevoir  la  raifon  de  cette  inégalité  , 
-qui  procède  d'une  propriété  de  la  fphere  ,  il 
faut  s'imaginer  que  dans  la  fphere  droite  la 
moitié  du  tropique  du  cancer  ,  qui  eft  au- 
defTous  de  l'horizon,  eft  divifée  en  quarante- 
huit  parties  égales  ,  chaque  partie  étant  de 
3<l  45' ,  qui  valent  un  quart  d'heure  :  de  plus , 
•qu'il  y  a  une  de  ces  parties  vers  l'orient ,  &. 
une  vers  l'occident,  les  plus  proches  del'ho- 
,  qui  toutes  deux  enfemble  font  une 


rizon 


demi-heure  de  temps  ,  qui  répond  à  l'inter- 
valle d'un  climat.  Cela  pofé  ,  on  voit  xjue  la 
•raifon  de  l'inégalité  des  climats  procède  de 
la  fc(ftion  plus  ou  moins  oblique  du  tropique 
par  l'horizon ,  félon  les  différentes  élévations 
du  pôle  ,  qui  font  que  l'horizon  coupant 
inoins  obliquement  le  tropique  aux  parties 
«gales  de  3^  45'  prifes  du  côté  d'orient  & 
d'occident  proche fhorizon  immobile,  il  en 
réfulte  une  plus  grande  différence  des  hau- 
teurs du  pôle  ,  que  lorfque  le  tropique  eft 
.coupé  plus  obliquement  par  fhorizon  aux 
mêmes  points  de  jd  5'  Aiufi  cette  diffé- 
rence des  hauteurs  du  pôle  ,  qui  corref- 
pond  à  la  demi-heure  des  premiers  r//>7z<3r5, 
étant  plus  grande  vers  l'équateur  que  vers 
les  cercles  polaires  où  font  \q^  derniers 
climats  ,  cela  rend  leur  intervalle  très-jné- 
gal ,  &  bien  plus  grand  vers  l'équateur  que 
vers  les  pôles. 

Comme  les  climats  commencent  à  l'équa- 
teur ,  le  premier  climat  dans  fon  commence- 
ment a,  pai-  cette  raifon ,  préciféraem  douze 


C  LI 

heures  de  jour  à  fon  plus  grand  jour;  &  à  fa 
fin  il  a  douze  heures  &  demie  à  fon  plus 
grand  jour.  M.  Formey. 

Le  fécond  climat  qui  commence  où  le 
premier  finit  ,  a  douze  heures  &  demie  de 
jour  à  ion  plus  grand  jour  ,  &  à  fà  fin  il  a 
treize  heures  de  jour  à  fon  plus  grand  jour  ^ 
&  ainii  des  autres  climats  d'heures  qui  vont 
jufqu'au  cercle  polaire  où  fe  termine  ce  que 
les  géographes  appellent  les  climats  d'heures  , 
&  où  commencent  les  climats  des  mois. 
f^oyei  Heure. 

Comme  les  climats  d'heures  font  des  ef- 
paces  compris  entre  deux  cercles  parallèles 
à  l'équateur ,  qui  ont  leur  plus  grand  jour 
plus  long  d'une  demi-heure  dans  leur  fin  que 
dans  leur  cominencement  j  de  même  les  cli- 
mats de  mois  font  des  efpaces  termiinés  par 
deux  cercles  parallèles  au  cercle  polaire  ,  fi- 
tués  par-delà  ce  cercle ,  &  dans  lefquels  le 
plus  grand  jour  eft  plus  long  d'un  mois  ou 
de  trente  jours  à  la  fin  qu'au  commence- 
ment, f^oyei  Mois.  Chambers. 

Les  anciens  ne  donnoient  le  nom  à&  climat 
qu'aux  enchoits  de  la  terre  qu'ils  croyoient 
iiabitabies.  Ils  eftimoient  qu'une  partie  delà 
zone  torride  vers  l'équateur  ,  &  une  partie 
de  la  zone  tempérée  par-delà  le  50^^  de  la- 
titude, ^étoient  inhabitables,  &:ils n'avoient 
que  fèpt  climats.  Ils  pofoient  le  commence- 
ment du  premier  7kl^^  41'  de  latitude  ,  où 
le  plus  long  jour  d'été  eft  de  douze  heures 
trois  quarts  ^  &  la  fin  du  feptieme  climat 
alîoit  vers  les  50*1  de  latitude  ,  où  le  plus 
long  jour  eft  de  1(5  heures  20'.  Pour  mieux 
diftinguer  leurs  climats  ,  ils  en  faifoient 
paifer  le  milieu  par  les  lieux  les  plus  confi- 
dérables  du  vieux  continent  :  favoir  ,  le  pre- 
mier par  Meroé  en  Ethiopie ,  le  fécond  par 
Sienne  en  Egypte  ,  le  troifieme  par  Alexan- 
drie aufîi  en  Egypte  ,  le  quatrième  par  fîle 
de  Rhodes ,  le  cinquième  par  Rome ,  le 
fixieme  par  le  Pont-Euxin  ,  &  le  feptieme 
&:  dernier  par  l'embouchure  du  Borifthene. 
A  ces  fèpt  climats  on  en  ajouta  depuis  encore 
deux  autres  j  favoir  le  huitième  ,  pallantpar 
les  monts  Riphées  dans  la  Sarmatie  afiati- 
que  ,  &  le  neuvième  par  le  Tanaïs.  Les  an- 
ciens comme  les  modernes ,  ont  encore  di- 
vifé  la  terre  en  de  plus  petits  efpaces  ,  que 
l'on  nomme  parallèles  des  climats  ,  afin  de 
\ç.%  diftinguer  des  autres  parallèles  de  l'équa- 


C  Lï 

teur.  Ces  parallèles  ne  font  que  des  demi- 
climats ,  desquels  l'efpace  ne  contient  qu'un 
quart-d'heure  de  variation  dans  les  plus  longs 
jours  d'été  de  chacun  de  ces  parallèles. 

Les  modernes ,  qui  ont  voyagé  bien  plus 
avant  vers  les  pôles ,  ont  mis  trente  climats 
de  chaque  côté  ^  &  quelques-uns  d'entr'eux 
ont  fait  les  différences  d'un  quart  d'heure 
ièulement ,  au  lieu  d'une  demi-heure.  M. 
Formey, 

Lorsqu'on  détermine  les  climats^,  on  n'a 
point  égard  ordinairement  à  la  réfraction. 
Voyei  Réfraction. 

On  donne  vulgairement  k  nom  de  cli- 
mat à  une  terre  différente  d'une  autre  ,  par 
rapport  aux  fa  ifons,  aux  qualités  de  la  terre, 
ou  même  aux  peuples  qui  y  habitent ,  fans 
aucune  relation  aux  plus  grands  jours  d'été. 
Abulfeda  ,  auteur  arabe  ,  diftingue  la  pre- 
mière eipece  de  ces  climats  par  le  nom  de 
climat  réel ,  &  l'autre  par  celui  de  climat 
apparent. 

On  compte  ordinairement  vingt-quatre 
climats  de  demi-heure  &  douze  de  demi- 
mois.  Chacun  des  e^aces  de  ces  derniers 
comprend  quinze  jours  de  différence  entre 
les  plus  longs  jours  d'été  de  l'un  &  de  l'autre 
de  ces  c///7z^« ;  car  fous  les  cercles  polaires, 
le  plus  long  jour  d'été  eft  de  vingt- quatre 
heures  ou  d'un  jour  aftronomique^  &  le 
plus  long  jour  fous  les  pôles  contient 
1 80  jours  aftronomiques ,  qui  font  fi»  mois  : 
de  forte  qu'après  avoir  établi  la  différence 
de  ces  climats  de  la  quantité  de  quinze  jours, 
il  eft  évident  qu'il  en  faudra  douze  depuis 
les  cercles  polaires  jufqu'aux  pôles  ^  le  pre- 
mier defquels  commencera  aux  cercles  po- 
laires ,  &  le  dernier  finira  aux  pôles.  Et  pour 
diftinguer  l'étendue  de  ces  douze  climats  , 
il  faut  encore  imaginer  douze  cercles  pa- 
rallèles à-  l'équateur  par  le  commencement 
&  la  fin  de  chacun  de  ces  intervalles  ^  le 
premier  defquels  fera  le  cercle  polaire ,  oîi 
eft  le  commencement  du  premier  de  ces 
■climxits  ;  &  le  dernier  fera  éloigné  au  pôle 
de  2<l  59' qui  déterminera  le  commence- 
ment du  dernier  climat ,  dont  le  pôle  fora 
la  fin.  Les  tables  foivantes  feront  connoître 
l'étendue  de  tous  les  climats^  avec  leurs 
degrés  de  latitude,  &  l'iutervalle  compris 
cutr'eux.  M.  Formey, 


1 


$>■■ 


C  L   I  lyp 

Table  des  climats  de  demi-heure. 


il  "        " 


Climats. 


Leur 

nombre. 


9 

10 

II 

li 


j6 

17 
18 


19 

20 
21 


22 

2-4 


12 

0 

12 

30 

M 

0 

15 

30 

H 

G 

14 

50 

15 

0 

15 

30 

16 

C 

16  30 

17  G 

17  30 

18  0 


r8 

30 

.19 

0 

19 

30 

2G 

0 

20 

30 

21 

G 

21 

3P 

22 

0 

22 

30 

Latitude. 


24 

IC 

30 

46 

36 

8 

41 

21 

45 

i9 

48 

S9 

57  57 
54  ^8 
56  36 

58  25 


59  57 
61  16 
61     24 


63  20 

64  8 
62     24 


65     20 

65  46 

66  64 


23        o 

23  30 

24  o 


66     19 

66     27 
66      30 


Intervalle 
des  climats, 


M. 


O  O 

8     34 
8       9 


7     17 
6     36 

5     41 


4     55 
4       8 

3     30 


2  58 

2  31 

2  8 

I  49 


I 

3^ 

I 

19 

I 

8, 

0 

f^ 

0 

48 

0 

40 

0 

3^ 

0 

16 

t 

0 

20. 

13 

8 


I  ~~r      — r  ^         '-"^        yy_       ^  )      (I 

T/2i5/e  û?e^  climats  des  demi-mois. 


1 


i 


Climats. 


Lear  no/Tzl^. 


Plus  longs 
jours. 


Mois.      Jours. 


I 

o 

15 


10 
II 

12 


2 

0 

2 

15 

3 

0 

■* 

) 

15 

4 

0 

4_ 

15 

15 

o 


Latitude. 


D. 


M. 


66  30 

66  44 

67  20 

68  23 


69     48 

71     34 
73      37 


75  57 
78  30 
81      14 


Intervalle 
des  climats. 


D.       M. 


O  O 

0  14 

G  36 

1  3 


I 

if 

I 

46 

2 

3 

2 

57 

2 

56 

2 

44 

i 


84 

5 

i  57 

87 

I 

2  56 

90 

0 

2   9 

I 


m •-dïs»-^-»4&—»i9Îîw* «-*<&»--"  -< ''irï^^^^â^^- 


iSo  C  L  I 

Il  ne  faut  pas  croire  au  refte  que  la  tem- 
pérature (bit  exactement  la  même  dans  les 
pays  fitués  fous  le  même  climat  :  car  une 
infinité  de  circonftances  ,  comme  les  vents , 
les  volcans ,  le  voifinage  de  la  mer ,  la  po- 
iîtion  des  montagnes,  £e  compliquent  avec 
l'aéHon  du  foleil ,  &  rendent  fouvent  la  tem- 
pérature très- différente  dans  des  lieux  placés 
fous  le  même  parallèle. 

Il  en  eft  de  même  des  climats  placés  des 
doux  côtés  de  l'équateur  à  diftances  égales  : 
de  plus ,  la  chaleur  même  du  foleil  eft  dif- 
férente dans  ces  climats.  Ils  font  plus  près 
du  foleil  que  nous  dans  leur  été ,  &  plus 
loin  dans  leur  hiver.  Voye^  Chaleur. 

L'illuftre  auteur  de  Vefprit  des  loix  exa- 
mine dans  le  XI y  livre  de  iJon  excellent 
ouvrage ,  l'influence  du  climat  fur  les  mœurs , 
le  caraâere ,  &  les  loix  des  peuples. 

Après  les  détails  phyfiques  fur  les  effets  du 
froid  &  du  chaud ,  il  commence  par  ex- 
pliquer la  contradiâion  qui  fe  trouve  dans 
le  caraèlere  de  certains  peuples.  La  chaleur , 
dj^-il ,  donne  d'un  côté  un  corps  foible,  & 
de  l'autre  une  imagination  vive  :  voilà  pour- 
quoi les  Indiens  ont  à  certains  égards  tant 
de  courage ,  &  à  d'autres  tant  de  foibleffc. 
La  foibleffe  du  corps  rend  naturellement  pa- 
reffeux  ;,  de-là  l'attachement  de  ces  peuples 
à  leurs  ufages  :  cette  foibleffe  portant  à  fuir 
les  travaux  même  néceffaires ,  les  légiflateurs 
iàges  doivent  au  contraire  par  leurs  loix  en- 
courager le  travail,  au  lieu  de  favorifer  l'in- 
dolence. C'eft  à  la  dévotion  fpécuiaîive  des 
pays  chauds  qu'on  doit  la  naiffance  du  Der- 
vichifme.  L'ivrognerie  eft  un  vice  des  pays 
froids.  La  loi  de  Mahomet  en  défendant  aux 
Arabes  de  boire  du  vin  ,    étoit  en  cela  con- 
forme à  leurs  coutumes.  Les  loix  contre  les 
maladies  qui  ne  font  pas  particulières  à  un  cli- 
mat ,  mais  qui  y  font  tranfplantées ,  comme 
la  pefte ,  la  lèpre  ,  la  vérole ,  &c.  ne  fau- 
roient  être  trop  féveres.  Le  fuicide  en  An- 
gleterre eft  l'effet  d'une  maladie  ^  &  fi  les 
loix  civiles  de  quelques  pays  peuvent  avoir 
eu  des  raifons  pour  flétrir  le  fuicide  ,  du 
moins  en  Angleterre  on  n'a  dû  le  regarder 
que  comme  un  effet  de  la  démence  ;,  dans 
ce  même  pays  oii  le  peuple  fe  dégoûte  fi 
aifément  de  la  vie ,  on  fent  bien  que  le  gou- 
vernement d'un  feul  eût  été  pernicieux,  & 
que  les  loix  doivent  gouverner  plutôt  que  les 


C  L  T 

hommes.  Ce  caraélere  d'impatience  &  d'in- 
quiétude eft  comme  le  gage  de  leur  liberté. 
Nos  pères ,  \qs  anciens  Germains  qui  habi- 
toient  un  climat  froid ,  avoient  des  loix  très- 
peu  féveres  fur  la  pudeur  des  femmes.  Ce 
fut  autre  chofè  quand  ils  fe  virent  tranfjior- 
tés  dans  le  climat  chaud  d'Efpagne.  Chez  un 
peuple  féroce  comme  les  Japonois ,  les  loix 
ne  f auroient  être  trop  dures ,  &  le  font  en 
effet  :  il  en  eft  &  il  en  doit  être  autrement 
chez  des  peuples  d'un  caraéèere  doux , 
comme  les  Indiens. 

Voilà  en  peu  de  mots  ce  que  dit  l'auteur 
fur  les  effets  du  climat  ,  &  dont  quelques 
écrivains  lui  ont  fait  des  reproches,  comme 
s'il  faifoit  dépendre  tout  du  climat  ;  tandis 
qu'au  contraire  fbn  ouvrage  n'eft  deftiné  qu'à 
expofèr  la  multitude  prefque  infinie  de  caufcs 
qui  influent  fiir  les  loix  &  fur  le  caraâere  des 
peuples ,  &  dont  on  ne  peut  nier  que  le 
climat  ne  foit  une  des  principales.  C'eft-là 
l'idée  qu'on  doit  avoir  de  ce  qu'on  lit  à  ce 
fujet  dans  cet  ouvrage,  dans  lequel  il  peut 
s'être  gliffé  quelques  propofitions  qui  ont  be- 
foin  d'être  éclaircies  ,  mais  où  l'on  voit  bril- 
ler le  philofophe  profond  ,  le  citoyen  ver- 
tueux. Notre  nation  lui  a  donné  les  applau- 
diffemens  qu'il  méritoit,  &  les  étrangers 
le  regardent  comme  un  ouvrage  qui  fait 
honneur  à  la  France.  {  O  ) 

Climat,  ( Méd.  )  Les  médecins  ne 
confîderent  les  climats  que  par  la  tempéra- 
ture ou  le  degré  de  chaleur  qui  leur  eft  pro- 
pre ;  climat ,  dans  ce  fens ,  eft  même  exac- 
tement fynonyme  à  température  ;  ce  mot  eft 
pris  par  conféquent  dans  un  fens  beaucoup 
moins  vafte  qi-e  celui  de  région ,  pays  ou 
contrée  ,  par  lequel  les  médecins  expriment 
la  fomme  de  toutes  les  caufes  phyfiques  gé- 
nérales ou  communes ,  qiîi  peuvent  agir  fur 
la  fanté  des  habitans  de  chaque  pays  3  favoir 
la  nature  de  l'air,  celle  de  l'eau,  du  fol, 
des  alimens ,  &c.  Voyei  Eau  ,  Sol  ,  Ré- 
gime. Toutes  ces  caufes  font  ordinairement 
fi  confufément  combinées  avec  la  tempéra- 
ture des  diverfes  contrées,  qu'il  eft  aftèz  dif- 
ficile de  faifir  quelques  phénomènes  de  l'é* 
cohomie  animale ,  qui  ne  dépendent  uni- 
quement que  de  cette  dernière  caufè.  Ce 
ne  fera  pas  cependant  une  inexactitude  blâ- 
mable ,  que  de  lui  attribuer  certains  effets , 
dont  elle  eft  vraifemblablement  la  caufe 

prédominante. 


c  L  r 

prédominante.  Aiiilî  on  peut  avancer  avec 
beaucoup  de  fondement  ,  que  c'eft  du  cli- 
mat que  dépendent  les  différences  des  peu- 
ples ,  prifès  de  la  complexion  générale  ou 
dominante  de  chacun  ,  de  fa  taille  ,  de  ià 
vigueur ,  de  la  couleur  de  fa  peau  &  de  lès 
cheveux ,  de  la  durée  de  ia  vie  ,  de  fa  pré- 
cocité plus  ou  moins  grande  relativement  à 
l'aptitude  de  la  génération ,  de  fa  vieillelTe 
plus  ou  moins  retardée  ,  &  enfin  de  ks  ma- 
ladies propres  ou  endémiques. 

On  ne  fauroit  contefter  l'influence  du  cli- 
mat fur  le  phyfique  des  pallions ,  des  goûts  , 
des  mœurs.  Les  plus  anciens  médecins 
avoient  obfervé  cette  influence  j  &  les  con- 
fidérations  de  cette  clafTe  font  des  objets  fi 
familiers  aux  médecins ,  que  fi  l'auteur  de 
Vefprit  des  loix  avoit  pu  fuppofer  que  leur 
dodlrine  fur  cette  matière  filtt  allez  répan- 
due ,  il  auroit  pu  fe  contenter  d'alFurer  que 
les  loix  ,  les  ufages  ,  le  genre  de  gouverne- 
ment de  chaque  peuple,  avoient  un  rapport 
néceflkire  avec  fes  paflîons ,  fes  goûts  ,  fes 
mœurs ,  fans  fe  donner  la  peine  de  déter- 
miner le  rapport  de  ces  panions ,  de  ces 
goûts  ,  de  ces  mœurs ,  avec  fa  conftitution 
corporelle  dominante  &  l'influence  du  cli- 
mat. Les  lumières  fupérieures  de  l'auteur 
l'ont  pourtant  fauve  de  l'écueil  prefque  iné- 
vitable, pour  \q%  talens  même  les  plus  diftin- 
gués  qui  s'exercent  fur  des  fujets  qui  leur 
ibnt  étrangers.  La  partie  médicinale  des  ob- 
fcrvations  de  l'auteur  de  ce  livre  fur  les  cli- 
mats ,  mérite  l'éloge  des  médecins.  J^oye^ 
le  XI y^  livre  de  fefprit  des  loix. 

Mais  en  nous  attachant  principalement 
aux  affeôions  corporelles  de  chaque  nation 
relativement  au  climat  fous  lequel  elle  vit  , 
les  principales  queftions  de  médecine  qui  fe 
préfentent  fur  cette  matière ,  fe  réduifent  à 
celles-ci-,  i°.  quel  eft  le  tempérament,  la 
taille  ,  la  vigueur  ,  &  les  autres  qualités 
corporelles  particulières  à  chaque  climat? 
Uneréponfe  détaillée  appartient  proprement 
à  l'hilloire  naturelle  de  chaque  pays.  Voye^ 
les  articles  particuliers.  On  a  cependant  alTez 
généralement  obfervé  que  les  habitans  des 
climats  chauds  étoient  plus  petits ,  plus  fecs , 
plus  vifs  ,  plus  gais ,  communément  plus  ipi- 
rituels ,  moins  laborieux ,  moins  vigoureux^ 
qu'ils  avoient  la  peau  moins  blanche  ^  qu'ils 
étoient  plus  précoces  ^  qu'ils  vieillilloiemplu- 
Tome  VUL 


C  L  î  igî 

tôt,  &  qu'ils  vivoient  moins  que  les  habi- 
tans des  climats  froids  ^  que  les  femmes  des 
pays  chauds  étoient  moins  fécondes  que  cel- 
les des  pays  froids  j  que  les  premières  étoient 
plus  jolies  ,  fnais  moins  belles  que  les  der- 
nières ^  qu'une  blonde  étoit  un  objet  rare 
dans  les  climats  chauds  ,  comme  une  brune 
dans  les  pays  du  nord  ,  &c.  que  dans  les 
climats  très-chauds  l'amour  étoit  dans  les 
deux  fexes  un  defir  aveugle  &  impétueuï  , 
une  fon£bion  corporelle  ,  un  appétit ,  un  cri 
de  la  nature ,  in  furias  ignefque  ruunt  ;  que 
dans  les  climats  tempérés  il  étoit  une  pafiion 
de  l'ame,  uneafFedîion  réfléchie  ,  méditée  y 
analyfée  ,  fyftématique  ,  un  produit  de  l'é- 
ducation \  &  qu'enfin  dans  les  climats  gla- 
cés, il  étoit  le  fontiment  tranquille  d'un  bs- 
foin  peu  prelTant. 

Au  refte  ,  tant  de  caufes  phyfiques  &  mo* 
raies  coopèrent  dans  tout  ceci ,  que  les  ob- 
fervations  que  nous  venons  de  faire  ,  ne  doi- 
vent pas  être  regardées  comme  générales  & 
confiantes. 

Par  exemple  ,  à  Paris ,  fous  un  climat 
beaucoup  plus  froid  que  celui  des  provinces 
méridionales  de  France  ,  les  filles  font  plu- 
tôt formées  (  pubères  )  que  dans  ces  provin- 
ces ,  &  devancent  fur-tout  de  beaucoup 
celles  des  campagnes  des  environs  de  Paris , 
qui  vivent  fous  la  même  température.  Cette 
prérogative  de  la  capitale  dépend  de  plu- 
fieurs  caufes  fenfibles,  entre  lefquelles  celle 
qui  me  paroît  la  plus  particulière  ,  &  par 
conféquent  la  plus  évidente  ,  c'eft  que  Paris 
eft  une  elpece  de  foyer  de  connoilTances 
&  de  vices  ;  or  que  la  précocité  dont  nous 
parlons  ,  la  précocité  corporelle ,  puilTe  être 
due  à  l'exercice  précoce  des  facultés  intel- 
leduelles ,  c'eft  une  vérité  d'expérience.  Les 
écoliers ,  les  petites  demoifelles  bien  élevées  , 
fortent  de  l'enfance  avant  les  enfans  de  la 
campagne  &  du  peuple  \  c'eft  un  fait  :  mais 
que  cette  adolefcence  bative  puilfe  être  hé- 
réditaire ,  c'eft  un  corollaire  de  cette  oblèr- 
vation  ,  que  les  fondions  animales  &  l'ap- 
titude à  les  exercer  ,  fe  perfeftionnent  de 
génération  en  génération  jufqu'à  un  certain 
terme ,  &  que  les  dilpofitions  corporelles  & 
les  facultés  de  l'ame  font  cntr 'elles  dans  un 
rapport  qui  peut  être  tranfmis  par  la  géné- 
ration ,  6'c. 

2°.  Quel  eft  [le  régime ,  la  manière  de 
N  11 


agi  CLI 

vivre  la  plus  propre  à  chaque  climat  ?  Cette 
quefîion  eft  fort  générale  \  elle  s'étend  à  l'u- 
fàge  des  diverfës  choies  que  les  médecins 
appellent  non-naturelles  ;  l'air ,  les  alimens , 
le  fommeil ,  l'exercice ,  l'aéte  vénérien ,  les 
affections  de  l'ame. 

Il  eft  fort  inutile  de  donner  des  préceptes 
iiir  les  incommodités  de  l'air  ;,  on  peut  s'en 
rapporfer  aux  habitans  de  divers  climats  du 
foin  de  fe  prémunir  contre  l«s  injures  du 
froid  &  du  chaud  :  c'eft-là  un  de  ces  be- 
ibins  majeurs  fur  lefqueh  les  leçons  de  la 
nature  la  plus  brute  font  ordinairement  fuf- 
fifantes  aux  hommes ,  ou  du  moins  que  les 
premiers  progrès  de  la  raifon  apprennent  à 
ïiitisfaire. 

En  général  on  doit  moins  manger  dans 
les  climats  chauds  que  dans  les <://>nflr.ç froids, 
&  les  excès  dans  le  manger  font  plus  dan- 
gereux dans  les  premiers  que  dans  les  der- 
niers. Mais  la  faim  fe  fait  auflî  moins  fcntir 
lorsqu'on  efl'uie  de  la  chaleur  ,  que  lorf- 
qn'on  éprouve  du  froid  :  ainfi  cette  règle  de 
diète  fera  facilement  obfèr\'ée. 

La  médecine  rationnelle  ou  théorique  qui 
"fe  trompe  fi  fouvent ,  a  dit  que  la  partie 
aqueufe  de  notre  iàng  étant  diffipée  par  la 
chaleur  dans  les  climats  chauds  ,  il  falloit 
réparer  cette  perte  par  la  boiiîbn  abondante 
d'un  liquide  femblable  ^  &  que  dans  les  cli- 
mats froids ,  les  liqueurs  fpiritueufes  étoient 
plus  falutaires.  La  médecine  pratique  ou 
l'obfervation  dit  au  contraire  que  les  li- 
queurs fpiritueufes ,  aromatiques  ,  acides , 
les  épiceries ,  Tail ,  l'oignon ,  en  un  m.ot  les 
alimens  &  les  boifTons  qui  font  diredem.ent 
oppofés  à  la  qualité  relâchante  &  inaôive 
(  iners  )  de  l'eau  ,  f^nt  d'un  excellent  ufage 
dans  les  climats  chauds  ,  &  que  la  boiiîbn 
de  l'eau  pure  y  eil  très-pernicieufë  j  qu'elle 
jette  les  corps  accablés  de  chaleur  dans  un 
abattement ,  une  langueur  ,  un  épuifement 
■qui  les  rend  incapables  des  moindres  fati- 
gues 5  &  qui  peut  devenir  même  dangereux 
&  mortel.  Auffi  les  payfans  de  nos  provin- 
ces méridionales  ,  occupés  des  travaux  les 
plus  pénibles  de  la  campagne  pendant  les 
plus  fortes  chaleurs ,  fe  gardent  bien  alors 
de  boire  une  feule  goutte  d'eau  ,  boillbn 
qu'ils  fe  penriettent  pendant  leurs  travaux 
de  l'hiver.  Les  boilTons  aqueufes  tiedes ,  le 
ihé  ,  ik  autres  légères  infulîons  de  quelques 


CLI 

feuifles  de  plantes  aromatiques ,  fonr  fort 
ufitées  dans  les  climats  froids  ,  où  elies  ne 
font  pas  fort  falutaires  apparemment ,  mais 
où  elles  ne  font  pas  à  beaucoup  près  fi  dan- 
gereufes  qu'elles  le  feroient  en  Efpagne ,  où 
le  chocolat  le  plus  aromatifé  &  par  confé- 
quent  le  plus  échauffant ,  efî;  d'un  ufage  aufïi 
fréquent  que  le  thé  l'eft  en  Angleterre. 
Quant  aux  liqueurs  fortes  que  les  peuples 
des  pays  du  nord  boivent  habituellement  , 
il  faudroit  que  la  dofe  journalière  moyenne 
d'un  manœuvre  ou  d'un  payfan  de  ces  pays , 
fût  bien  forte  pour  être  équivalente  à  quatre 
ou  cinq  pintes  de  vin  très-violent  que  tout 
payfan  languedocien  ou  provençal  boit  au 
moins  par  jour  ,  fur-tout  en  été. 

Il  ne  feroit  pas  difficile  de  donner  de  très- 
bonnes  raifons  de  l'utilité  du  régime  que 
nous  approuvons  ^  mais  l'obTervation  fuffit , 
elle  efl  confiante.  Il  n'en  efl  pas  moins  vrai 
que  les  excès  de  liqueurs  fortes  font  plus  per- 
nicieux dans  les  climats  chauds  que  dans 
les  climats  froids  j  c'elt  encore  un  fait.  Les 
crapuleux  ne  font  que  s'abrutir  dans  les 
pays  du  nord  ^  au  lieu  que  dans  nos  colo- 
nies de  la  zone  torride  ,  l'abus  des  liqueurs 
fortes  efl  une  des  caufes  qui  fait  le  plus  de 
ravages  parm.i  les  colons  nouvellement  trant 
plantés. 

Le  jufle  milieu  pour  les  perfonnes  qui  ne 
font  pas  obligées  aux  travaux  pénibles  ,  ine 
paroît  confifler  en  ceci  :  d'abord  il  faut  laif- 
fer  à  chaque  peuple  le  fond  de  nourriture 
auquel  il  efl  accoutumé  ;,  le  riz  à  l'oriental , 
le  macaron  à  l'italien ,  le  bœuf  à  l'anglois  , 
&c.  Nous  ne  fbmmes  pas  affez  avancés  fur 
le  bon  &  le  mauvais  effet  de  chaque  ali- 
ment ,  pour  pouvoir  prefcrire  fur  ce  point 
des  règles  de  détail.  On  peut  avancer  ce- 
pendant en  général ,  que  les  fruits  ,  les  lé- 
gumes ,  &  les  viandes  légères ,  conviennent 
mieux  aux  habitans  des  climats  chauds  ,  & 
qu'on  doit  animer  un  peu  ceux  de  ces  ali- 
mens qui  ont  befoin  de  quelque  prépara- 
tion ,  par  l'addition  des  épiceries  &  de  cer- 
taines plantes  aromatiques  indigènes,  comme 
le  thyn  ,  le  baume  ,  l'hyfbpe  ,  le  bafilic  , 
le  fenouil ,  &c.  Quant  aux  boifTons ,  on  doit 
faire  ufàge  aux  repas  pendant  les  grandes 
chaleurs  ,  des  liqueurs  vineufes  légères  , 
comme  la  petite  bierre,  les  vins  acidulés  plus 
ou  moiijs  trempés ,  les  gros  vins  acerbes  de 


C  LI 

certains  climats  chauds  plus  trempés  encore. 
Toutes  ces  boiïTons  doivent  être  prifes  très- 
fraîches  ^  &  même  à  la  glace ,  quand  ce  dé- 
liré de  froid  n'incommode  pas  iènfiblement. 
Les  liqueurs  glacées  aigrelettes  &  les  glaces 
bien  parfumées  prifes  entre  les  repas  ,  font 
auflî  d'une  grande  reflburce  dans  les  climats 
chauds  :  la  plus  grande  partie  des  médecins 
en  ont  condamné  ïwÙl^q  \  mais  ce  font  en- 
core ici  des  clameurs  théoriques.  F.Glace. 
(MédecinCé) 

Les  farineux  non-fermentés  ,  les  laitages  , 
les  groffes  viandes  ,  les  poiiTons  féchés ,  fu- 
més, falés  ,  \qs  viandes  fumées  &  falées  , 
font  des  alimens  qui  paroiflent  propres  aux 
tabitans  àzs  climats  froids  ^  la  moutarde ,  la 
racine  du  raifort  fauvage  ,  certaines  fubf- 
tances  végétales  &  animales  à  demi-putré- 
fiées ,  comme  le  fauer-kraut ,  &c.  peuvent 
fournir  aux  habitans  de  ces  contrées  des  af- 
iàifonnemens  utiles.  Les  liqueurs  fortes , 
c'eft-à-dire  les  liqueurs  ipiritueufes  diftillécs 
&  dépouillées  ,  par  cette  opération ,  d'une 
fiibftance  tartareufe  &  extraétive  ,  qui  eft 
dans  les  vins  un  correctif  naturel  de  la  par- 
tie fpiritueufb  j  c<^s  liqueurs  ,  dis-je  ,  con- 
viennent éminemment  aux  pays  froids  :  le 
café  à  grande  do  le,  la  boiifon  abondante 
du  thé  &  des  autres  liqueurs  aqueufes  qui 
^  prennent  chaudes  ,  font  aufli  très-utiles 
dans  ces  climats^  fur- tout  parla  circonftance 
d'être  prifes  chaudes ,  &  peut-être  unique- 
ment par  cette  qualité. 

Les  excès  avec  les  femmes  font  aufîî  très- 
pernicieux  dans  les  climats  chauds.  Les  ha- 
bitans de  nos  îles  de  l'Amérique  &  de  nos 
comptoirs  dans  les  grandes  Indes  ,  y  fiic- 
combent  fort  communément.  Les  habitans 
des  climats  froids  n'en  font  pas  ,  à  beaucoup 
près  ,  fi  incommodés  ;  au  moins  l'excès  ne 
commence-t-il  pas  fi-tôt  pour  eux  ,  comme 
nous  l'avons  déjà  obfervé. 

Les  exercices  doivent  être  plus  modérés 
dans  les  climats  chauds  que  dans  les  climats 
froids.  Cette  loi  découle  tout  fimplement 
de  l'obfervation  de  la  moindre  vigueur  des 
habitans  des  premiers. 

Le  fommeil  eft  fort  falutaire  aux  corps 
accablés  par  la  chaleur  :  les  habitans  des  cli- 
mats froids  foutiennent  mieux  les  veilles. 

Pour  ce  qui  regarde  la  dernière  de  nos 
iu  cho&s  non  naturelles ,  les  aâèâions  de 


C  L  I  183 

l'ame  ,  animi  pathemata  ;  quand  même  la 
médecine  foroit  venue  à  boiit  de  déterminer 
exaftement  celles  qui  font  propres  à  chaque 
climat ,  &  m.ême  qu'elle  auroit  gradué  fur 
l'échelle  de  thermomètre ,  ce  qui  peut  s'exé- 
cuter très-facilement,  l'intenfité  falutaire  de 
chacune  ,  il  refteroit  encore  à  découvrir  la 
façon  du  hs  exciter  &  de  les  entretenir  fous 
les  diverfes  températures  j  ce  qui  eft  très- 
polTible  encore  ,  quoique  d'une  exécution 
peu  commode  :  mais  la  morale  médici- 
nale n'en  eft  pas  encore  là  ,  malgré  [qs 
progrès  qu'elle  vient  de  faire  tout  récem- 
ment. Koyei  Passion  (  Médec,  )  ;  voye:^ 
Régime. 

Au  refte ,  la  plupart  des  obfervations  que 
nous  venons  de  faire  fur  le  régime  propre 
aux  climats  ,  convient  à-peu-près  dans  le 
même  fèns  aux  fàifons.  V.  Saison. 

3*^.  Quelles  font  les  maladies  particulières 
aux  différens  climats ,  &  leurs  caufès  ?  ^oy. 
Maladies  endémiques  ,  au  mot  Endé- 
mique. 

4*^.  Les  maladies  générales  ou  communes 
à  toutes  les  nations  ,  varient-elles  fous  les 
différens  climats  dans  leur  progrès  &  dans 
leur  terminaifon  ,  ou  dans  l'ordre  &  la  fuc- 
cefTion  de  leurs  accidcns  &  de  leurs  crifes  ? 
en  un  mot  ont-elles  un  type  différent  ?  le 
traitement  de  ces  maladies  doit-il  varier 
aufîî  dans  les  divers  climats  ;  ou  ,  au  con- 
traire ,  une  maladie  générale ,  une  pleuré- 
fie  ,  une  fie\Te  putride  ,  eft-elle  la  même  à 
Londres  &  à  Rome  ?  les  defcriptions  d'Hyp- 
pocrate  peignent-elles  exactement  une  ma- 
ladie de  Paris  ?  & ,  ce  qui  ell  bien  plus  ef^ 
fontiel ,  faut-il  traiter  une  même  maladie 
par  la  même  méthode  dans  tous  les  climats? 
V,  Crise  ,  voy,  Tipe  {Médec)  voy.  Mé- 
thode curative. 

Le  climat  agit  pins  fenfiblement  for  les 
corps  qu'il  affède  par  une  imprefîîon  fou- 
daine  ,  c'eft-à-dire  que  les  hommes  nouvel- 
lement tranlplantés  font  plus  expofés  aux  in* 
commodités  qui  dépendent  du  climat ,  que 
les  naturels  de  chaque  pays ,  &  cela  d'autant 
plus  que  leur  climat  naturel  diffère  davantage 
de  la  température  du  nouveau  pays  qu'ils 
habitent. 

C'eft  une  observation  conftante  &  con- 
nue généralement,  que  les  habitans  des  pays 
chauds  peuvent  palfer  avec  moins  d'incou* 
Nui 


2^        c  L I 

^'é^ie^s  cîans  les  régions  froides  ,  que  les 
habitans  de  celles--ci  ne  peuvent  s'habituer 
dans  les  climats  chauds,  (h) 
CLIMATÉRIQUE,r.CLIMACTÉRIQUE. 

CLIMAX  ,  (  Belles  -  Lettres  )  du  ^rec 
yWiuct^  ,  gradation  ;  figure  de  réthoriqiie 
par  laquelle  le  difcours  s'élève  ou  defcend 
comme  par  degrés  :  telle  clï  cette  penféc  de 
Cicéron  contre  Catilina  :  NiAil  agis ,  ni/iil 
moliris ,  niAil  cogitas ,  çuod  ego  non  audiam^ 
non  videam  ,  planeque  fentiam  ;  tu  ne  fais 
rien ,  tu  n'entreprends  rien  ,  tu  ne  penfes 
rien  ,  que  je  n'apprenne ,  que  je  ne  voie  , 
dont  je  ne  (bis  parfaitement  inftruit  :  ou  cette 
invitation  à  fon  ami  Atticus  :  Si  dormis ,  ex- 
pergifcefe  ;  fi  pas  ,  ingredere  ;  fi  ingrederis  , 
curre  :  fi  curris  ^  advola  :  ou  ce  trait  contre 
Verres  ^  C efi  un  forfait  que  de  mettre  aux  fers 
un  citoyen  romain  ;  un  crime  ,  que  de  le  faire 
battre  de  verges  ;  prefquun  parricide  ,  que  de 
le  mettre  a  mort  ;  que  dirai  -  je  de  le  faire 
crucifier  ?  (G) 

Climax.  {Mufiq.)  On  a  tranfporté  dans 
quelques  écrits  ce  mot  de  la  réthorique  à  la 
muiîque  ,  &  on  lui  fait  fignifîer  : 

i**.  Un  trait  de  chant  où  les  deux  parties 
vont  par  tierce  en  montant  &  defcendant 
diatoniquement. 

2".  Un  trait  de  chant  qui  eft  répété  plu- 
iîeurs  fois  de  (iiite ,  &  toujours  un  ton  plus 
haut  ^  dans  ce  cas  ,  c'eft  exadfement  une 
rofalie.  V,  RoSALIE  ,  (  Mufiq,  ) 

3°.  Enfin  5  une  forte  de  canon.  F.  Canon, 
(Mufiq.)  (F.  D.  C.) 

CLINCART,  f.  m.  (Af^rwe.)  on  appelle 
ainfi  certains  bateaux  plats  qui  fbntenufage 
en  Suéde  &  en  Danemarck.  Diâ.  de  Trév. 
€'  du  Comm. 

*  CLINCHE  ,  f.  m.  {Serrur.)  c'eft  dans 
iine  ferrure  une  pièce  appliquée  au  deffus 
du  pefle  &  de  fa  longueur  ^  elle  a  une  tête 
qui  fort  hors  du  palatre  &:  entre  dans  le 
mautonet  ^  elle  eit  arrêtée  avec  un  étochio 
par  l'autre  bout  au  bas  du  palatre ,  au  delfus 
il  y  a  un  relfort  double  qui  tient  toute  la 
longueur  du  palatre  ,  &  qui  fert  à  faire  tom- 
ber le  clinche  dans  le  mantonet  :  quand  on 
ou^re  la  porte  ,  le  clinche  s'ouvre  avec  une 
f>etite  clé ,  pour  éviter  de  porter  la  groffe 
^lé  ^  mais  quand  on  ouvre  avec  la  grofîe  clé , 
la  groffe  clé  ouvre  le  clinche^  qu'elle  attrape 
^ac  uuÊ  barbe  qu'on  y  a  pratiqiice»  On  pra- 


CL  î 

tique  un  clinche  aux  ferrures  des  portes- en- 
chères. 

CLINGEN  5  (  Géog.  mod.  )  petite  ville 
d'Allemagne  dans  la  1  huringe. 

CLINGEN  AU ,  (  Géog.  mod.  )  ville  de 
Suille  dans  le  canton  de  Bade,  fur  l'Aar. 

CLINIQUE  ,  adj.  (  Médecine.  )  épithete 
commune  à  la  médecine  &:  aux  médecins  , 
à  l'art  &  aux  artiftes  ,  fe  donnant  également 
à  l'un  &  à  l'autre. 

On  appelle  médecine  clinique  ^  la  méthode 
fuivie  de  voir  &  de  traiter  les  malades  alités  5 
&  l'on  nomme  médecins  cliniques ,  ceux  qui 
affilient  auprès  du  lit  des  malades  pour  trai- 
ter leurs  maux.  C'étoient  principalement  les 
médecins  des  empereurs  auxquels  on  donnoit 
anciennement  ce  nom. 

On  employoit  chez  les  Romains  les  efcla- 
ves  au  foin  de  garder  les  malades  ,  ce  qui 
fit  qu'on  les  appella  rnedici  ad  niatulam  ;  & 
pour  leur  faire  plus  d'honneur  ,  quelques  au- 
teurs leur  donnèrent  aufîl  le  nom  de  medici 
clinici  ,  parce  qu'ils  ne  bougcoient  point 
d'auprès  du  lit  des  malades.  Mais  c'étoit-là 
détourner  ironiquement  la  fignification  du. 
m.et  clinicus  ,  qui  défignoit  dans  fon  vrai 
fèns  un  médecin  proprement  dit  ,  un  homme 
éclairé qm  voyoit  les  malades  au  lit,  &leur 
prefcrivoit  des  remèdes. 

Martial ,  lib.  I ,  epigramm.  xxxj ,  détourne 
au/Ti  la  véritable  fignification  de  clinicus , 
dans  ime  épigrammc  où  il  parle  d'un  pauvre  - 
chirurgien,  en  latin  vejpillo ,  qui  faute  d'em-: 
ploi  s'étoit  mis  à  porter  les  morts  en  terre  ou 
fur  le  bûclier  : 
Chirurgus  fuerat ,  nunc  efi  vefpillo  Diaulus  y. 
Capit  quo  potuit ,  clinicus  ejfe  modo. 

La  pointe  de  cette  épigramme  confifie- 
dans  féquivoque  qui  naît  du  double  fens  du' 
mot  yh.m  ,  d'où  clinicus  a  été  formé  ,  &  qui' 
fignifie  également  un  ///  &  une  bière. 

Pline  fait  Hippocrate  auteur  de  la  méde--; 
cine  clinique  :  il  n'y  a  pas  toutefois  de  vrai- 
fcmblance  que  l'on  ait  tardé  fi  long-temps  à 
vifiter  les  malades  dans  leur  lit  \  mais  ce  qui 
diflingua  fi  fort  à  cet  égard  l'ami  de  Démo- 
crite,  c'eft  comme  le  remarque  le  même  au-^. 
teur ,  qu'il  a  été  le  premier  qui  ait  claire- 
ment enfcigné  la  médecine.  Génie  ftipérieur^ 
il  profita  des  lumières  de  fon  fiecle  ,  &  fit 
fervir ,  comme  Boerhaave  a  fait  de  nos  jours,, 
la  philofopliie  à  la  médecine  j  &:  la  médecijûfi 


C  L  I 

à  la  philofophie.  «  Il  faut ,  difoit.  ce  grand 
3)  homme ,  réunir  avec  foin  ces  deux  fcien- 
»  ces  ^  car  un  médecin  qui  eft  philofbplie 
»  eft  égal  à  un  dieu.  » 

Cependant  c'eft  Efculape  qui  eft  le  véri- 
table inventeur  de  la  médecine  clinique ,  ce- 
lui qui  le  premier  l'a  pratiquée  ;  les  méde- 
cins avant  lui  ne  vifitoient  point  les  malades 
au  lit ,  on  les  portoit  dans  les  carrefours  pour 
recevoir  les  avis  des  paftans.  Le  centaure 
Chiron  fe  tenoit  dans  fa  grotte ,  attendant 
qu'on  l'y  vînt  confulter.  Quant  aux  méde- 
cins de  moindre  importance ,  il  eft  proba- 
ble que  femblables  à  nos  empyriques  mo- 
dernes ,  ils  couroient  les  foires  pour  débiter 
leurs  remèdes  fans  s'avifer  d'idler  voir  les 
malades  pour  obferver  les  changemens  qui 
arrivent  dans  les  maladies ,  &:  y  apporter  les 
iècours  néceflaires. 

Cette  coutume  introduite  par  Efculape  , 
fit  que  les  médecins  qui  l'imitèrent  furent 
appelles  cliniques ,  afin  de  les  diftinguer  des 
coureurs  de  marchés.  Sa  méthode  clinique 
lui  réuiîit  au  point  qu'on  ne  parla  plus  que 
de  la  médecine  d'Efculape  &  de  ks  mira- 
cles. Les  jumeaux  Caftor  &  Pollux,  le 
voulurent  avoir  avec  eux  au  fameux  voyage 
des  Argonautes  -,  &  quelques  cures  furpre- 
nanîes  qu'il  avoit  faites  de  certains  malades 
défeipérés ,  firent  que  l'on  crut  qu'il  gué- 
riiroit  les  morts.  La  fable  ajoute  que  iiirla 
plainte  rendue  par  Pluton  que  iî  on  laiiîbit 
agir  Efculape ,  perfonne  ne  mourant ,  les 
enfers  fèroient  bientôt  vuides  ,  Jupiter  tua 
d  un  coup  de  foudre  le  célèbre  médecin  d'E- 
pidaure ,  &  Hippolyte  que  ce  médecin  avoit 
refl'ufcité.  Aujourd'hui  les  iêdateurs  d'Ef- 
culape n'ont  pas  à  craindre  le  fort  du  fils 
d'Apollon.  Article  de  M.  le  chevalier  DE 
Jaucourt. 

Cliniques,  f  m,  pi.  terme  (THifl.  eccUf. 
c'eft  le  nom  qu'on. donnoit  anciennement  à 
ceux  qui  avoient  été  baptifés  dans  leur  lit  & 
en  maladie  ;,  du  grec;^;;A(i'^  ,  lit^ 

Cela  étoit  affez  fréquent  dans  les  premiers 
fiecles ,  où  plufieurs  différoient  ainfi  leur 
feaptême  jufqu'à  l'article  delà  mort,  quelque- 
fois par  humilité,  fouvent  auftî  pour  pécher 
avec  plus  dé  liberté.  L'empereur  Conftau- 
tin  ne  fut  baptifé  que  quelques  jours  avant  fa 
mort.  On  appelloit  ces  ibrtes  de  perfonnes 
diiiifuis  ^  comme  qui  dirciî  chrétittis  du  lit , 


C  L  I  igj 

&  on  \ts,  regardoit  comnie  foibîes  dans  la 
foi  &  dans  la  vertu.  Les  pères  s'élevèrent 
contre  cet  abus ,  &  le  concile  de  Néocéfarée  , 
canon  1 2,.  déclare  les  cliniques  irréguliers  pour 
\Qi  ordres  facrés  ,  à  moins  qu'ils  ne  foient 
d'un  mérite  diftingué  ,  &  qu'on  ne  trouve 
pas  d'autres  miniftres  \  parce  qu'on  croyoit; 
qu'il  n'y  avoit  qu'une  crainte  fervile  qui  avoir 
déterminé  les  cliniques  à  recevoir  le  bap- 
tême. Et  le  pape  S.  Corneille,  dans  une  let- 
tre rapportée  par  Eufebe  ,  dit  que  le  peuple 
s'oppofa  à  l'ordination  de  Novatien  ,  parce 
qu'il  avoit  été  baptilé  dans  (bn  lit ,  étanr 
malade.  ThomalL  difcipline  de  téglife^part, 
IV y  liv.  II ,  cAap.  xiij.  (  G  ) 

CLINOIDES  ,  adi.  en  anat.  fe  dit  des 
quatre  apophyfes  de  l'os  fphénoïde,  &  qu'on 
nomme  ainiî ,  fuivant  quelques-uns ,  à  caufe 
de  leur  reflèniblance  avec  \t%  pies  d'un  lit. 
V.  Sphénoïde.  ; 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  x>v^v ,  lit ,  & 
îTJ'of ,  forme  ,  foit  à  caufè  de  la  reftèmblance 
que  ces  trois  os  ont  avec  les  pies  d'un  lit ,  foit 
qu'Usaient  tiré  ce  nom  de  la  cavité  qu'ils  for- 
mant, laquelle  relFemble  àun  lit  même.  (Z  ) 

CLINOPODIUM  ,  {HiJL  nat.  bot.) 
bafilic  fauvage,  genre  de  plante  à  fleur  mo- 
nopétale, labiée  .dont  la  lèvre  fupérieureeft 
relevée ,  arrondie,  &  le  plus  fouvest  échan- 
crée  ;,  l'inférieure  eft  divifée  en  trois  parties  : 
il  fort  du  calice  un  piftil  qui  eft  attaché 
comme  un  clou  à  la  partie  poftérieure  de  la 
fleur ,  &;  entouré  de  quatre  embryons  qui 
deviennent  dans  la  iuite  autant  de  fèmenccs 
cblougues  enfermées  dans  une  capfule  qui  a 
fervi  de  calice  à  la  fleur.  Ajoutez  aux  carac- 
tères de  ce  genre  que  les  fleurs  font  rangées 
par  étages  &  par  anneaux  autour  des  bran- 
ches &  des  tiges.  Tournefort,  injl,  rei  herb^ 
Fojq  Plante.  (/) 

CLINQUANT  ,  f.  m.  {Manufad,  en 
foie  ;  ruban ,  &c.  )  eft  une  petite  lame  plate 
d'or  ou  d'argent ,  fin  ou  faux ,  qui  fe  met 
dans  les  galons  ou  nibans  pour  leur  donner 
'  plus  d'éclat  par  leur  brillant.  Le  cliquant  eft 
toujours  ftir  une  navette  féparée ,  dont  oii 
paife  feulement  quelques  coups  de  diftance 
en  diftance ,  lîiiVant  que  le  deftîii  l'exige.. 
Les  levées  pojr  le  fixer  dans  l'ouvrage  font 
les  moins  confidéraoks  qu'il  eft  pofïïble  y 
afin  de  laifl'er  le  clinquant  plus  à  découvert, 

CLIOj  {Mjth.)  la  première  des  m.Efçs, 


iî6  C  L  î 

efl:  regardée  comme  l'inventrice  de  la  gui- 
tare ;  on  la  repré  fente  tenant  une  guitare 
d'une  main  ,  &  de  l'autre  un  pleétre,  au  lieu 
d'archet.  Comme  on  la  fait  aufîi  prélîder  à 
rhiftoire,on  lui  donne  quelquefois  la  trom- 
pette à  une  main ,  &  à  l'autre  un  livre  d'hif- 
toire  ^  fon  nom  fîgnifîe  g/oirt ,  renommée. 
Elle  ofa  un  jour  faire  des  remontrances  à 
Vénus,  fur  fon  intrigue  avec  Adonis.  La 
déeffe  la  punit ,  en  lui  infpirant  les  foiblef^ 
£es  de  l'amour ,  &  .elle  devint  mère.  (•+-) 

CLIPEUS  ou  CLIPEUM  ,  bouclier  , 
(  Hiji.  anc.  )  pièce  de  l'armure  dcfenfive  que 
les  anciens  portoient  fur  le  bras  pour  fe  ga- 
rantir des  coups  de  l'ennemi.  Voye^^  Ecu  & 
Bouclier. 

Sa  figure  étoit  ronde  ou  ovale ,  ou  circu- 
laire ou  exagone  j  il  y  avoit  au  milieu  une 
bo/iette  de  fer  ou  de  quelque  autre  métal  qui 
finilToit  eu  pointe.  Les  grands  boucliers  ou 
targes  qui  avoient  trois  pies  &  demi  ou  qua- 
tre pies  de  hauteur  ,  &  couvroient  prelque 
tout  le  corps  du  fantaflîn ,  étoient  en  quarré 
long,  &  demi-cintrés  ,  comme  les  tuiles 
qu'on  nomme  imbrices.  (  G) 

CLIQUART  ,  f.  m.  (  Arckit.  &  Mac.  ) 
pierre  anciennement  connue  fous  le  nom  de 
pierre  de  bas  appareil  ;  c'eft  une  des  meilleu- 
res elpeces  qu'on  tire  des  carrières  des  envi- 
rons de  Paris.  On  prétend  qu'elles  en  font 
épuifëes.  Voyei  Disk. 

CLIQUET  ,  dans  t horlogerie  ,  eft  une 
efpece  de  petit  levier ,  toujours  déterminé 
dans  une  certaine  pofition  au  moyen  d'un 
relTort  qui  appuie  fur  l'une  de  fes  extrémités. 
On  l'emploie  ordinairement  lorfqu'on  veut 
qu'une  roue  tourne  dans  un  fens,  fans  qu'elle 
puiiTe  retourner  dans  le  fens  contraire.  Sa  fi- 
jçure  efî:  différente,  félon  les  différentes  par- 
ties où  il  eil  employé.  F. Fusée,  Rochet, 
Encliquetage.  {T) 

Cliquet  ,  en  terme  de  metteur  en  œuvre  , 
eft  la  partie  fiipérieure  de  la  brifure  qui  en- 
tre &  fort  de  la  charnière.  Voye^  Brisure 
6»  Charnière. 

Cliquet  ,  f.  m.  (  Éeon,  rujî.  )  c'eft  une 
pieae  du  moulin  à  grain  ;  elle  tient  à  la  tré- 
mie ,  d'oîi  elle  fait  defcendre  peu-à-peu  le 
grain  llir  les  meules.  V.  Moulin  a  grain. 

CLIQUETIS  ,  fubft.  m.  {Médec.)  efpece 
de  bruit  ou  craquement  ^  il  fe  dit  des  os  dans 
•ertaines  circoiiftances  ou  maladies. 


C  L  I 

Le  cliquetis  ou  la  crépitation  des  os  ,  eft 
un  bruit  que  les  os  font  dans  certains  mou- 
vemens  &  dans  certains  cas  ,  dont  la  caufe 
eft  la  dégénération ,  &  plus  ibuvent  encore 
la  difette  de  la  fynovie  ,  cette  liqueur  muci- 
lagineufè  que  Cloptou  Havers  ,  auquel  on 
doit  tant  de  belles  découvertes  fur  le  mécha- 
nifine  àes  os  ,  a  parfaitement  connue.  Voy,^ 
Synovie. 

Or  toutes  les  fois  que  la  fècrétion  de  cette 
liqueur  eft  trop  peu  abondante  ,  l'articula- 
tion devient  roide  ^  &  lorfqu'on  veut  mou- 
voir l'os,  on  entend  un  craquement ,  comme 
\e%  vieillards  l'éprouvent  fort  fouvent  ^  ce  qui 
provient  chez  eux,  en  partie  de  la  difette  de 
cette  humeur  gluante  deftinée  à  la  lubrifica- 
tion des  os ,  en  partie  de  la  callofîté ,  & 
quelquefois  de  l'ofllfication  des  ligamens. 
Ou  remarque  la  même  chofe  dans  les  hom- 
mes qui  ont  été  occupés  à  àet  travaux  vio- 
lens  avant  que  d'arriver  à  un  grand  âge  ; 
l'excès  du  mouvement  mufculaire  a  endurci 
dans  ces  hommes  robuftes  les  parties  fermes 
du  corps ,  &  a  difiipé  l'humeur  huileule 
néceffaire  à  leur  mouvement. 

Le  craquement  des  os  accompagne  auftî 
quelquefois  le  feorbut  ,  &  autres  maladies 
des  os  oii  la  fynovie  manque  ;  comme  auflî 
celles  qui  donnant  de  plu#  grandes  furfaces 
à  à^s  os  emboîtés  enfemble  ,  les  collent  par 
une  humeur  accidentelle. 

Quelques  perfonues  font  craquer  à  plaifir 
&  à  volonté  les  jointures  de  leurs  doigts  en 
les  tirant  d'une  certaine  manière  ^  c'eft  qu'a- 
lors ils  allongent  les  ligamens  élaftiques  des 
jointures  ,  &  féparent  avec  vîtefle  deux  fiir- 
faces  oflèufes  qui  fe  touchoient  immédiate- 
ment. 

Lorfqwe  le  cliquetis  des  os  eft  produit  par 
la  vieillellè  ,  il  eft  incurable  ^  lorlqu'il  vient 
de  la  difette  ,  de  l'excès  ,  de  la  dégénéra- 
tion ,  de  l'épaiftiiTement  du  mucilage  d'Ha- 
vers  ,  il  ceife  ièulement  par  la  guérifon  de 
la  maladie  dont  il  eft  l'efi^èf. 

Tous  les  remèdes  extérieurs  ,  comme  les 
huiles  pénétrantes  ,  &  les  fomentations 
émoUieutes  quand  la  fynovie  manque  j  ou 
les  réfolutifs  fpiritueux  en  forme  d'embroca- 
tion,  quand  l'humeur  fynoviale  pèche  par 
fon  excès ,  fon  épailîilfement ,  fa  dégéné- 
ration ^  tous  ces  remèdes  ,  dis-je  ,  ne  feront 
que  des  palliatifs  peu  fecourables  ^/aus  les  • 


C  L  î^ 

rerpecles  internes  diverfinés  luivantles  eaiifes: 
ce  feroit  fe  tromper  foi- même  que  d'imagi- 
iier  le  contraire.  Si  dans  les  méthodes  cura- 
tives  on  ne  remonte  aux  fources  du  mal , 
comment  détruira-t-on  les  effets  qui  en  dé- 
coulent ?  {M.  le  chevalier  DE  Jaucourt.  ) 

Cliquetis,  f.  m.  pi.  {Pêche.)  pierres 
trouées  que  les  pêcheurs  attachent  au  ver- 
veux  pour  le  faire  defcendre.  V,  Verveux. 

GLISSA  ,  (  Géogr.  mod,  )  fortereiFe   de 
Dalmatie  appartenante  aux  Vénitiens.  Long.* 
35^/ar.  44. 

CLISSON,  {Marine.)  Voyei.  Clokon 
&  Fronteau. 

Clisson  ,  (Comm.)  toile  de  lin  ni  fine 
ni  g^roiFe  propre  à  faire  des  chemiiès  ,  qui 
Ce  fabrique  en  Bretagne.  V.  le  dicl.  du  comm. 

Clisson,  (Géogr. mod.)  petite  ville  de 
Bretagne  au  pays  Nantois ,  fur  la  Seure. 
Long.  16  ,  10  ;  lat.  47  ,  6. 

CLISTRER  ,  une  poêle  ,  (  Sal.  )  c'eft  , 
après  avoir  établi  une  poêle  fur  fon  four- 
neau ,  fermer  les  joints  des  platines  avec  des 
étoupes  ,  &  enduire  le  fond  de  chaux  dé- 
trempée. Voye[  l'art.  Sel. 

CLITHERA ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  d'An- 
gleterre dans  la  province  de  Lancashire. 
Long.  14  ,    18  ;  lat.  53  ,   50.  ^ 

CLITORIS  ,  f.  m.  terme  d'anat.  corps 
rond  &  long  fitué  à  la  partie  antérieure  de 
la  vulve  ou  des  parties  naturelles  des  femel- 
les ,  en  qui  il  eft  un  des  principaux  organes 
de  la  génération. 

Le  mot  yKii7o?)i  eft  dérivé  du  verbe  x^^'"^ 
je  ferme.  Sa  figure  relFemble  ordinairement 
à  celle  d'un  gland  ^  il  eft  pour  l'ordinaire 
proportionné  à  la  grandeur  de  l'animal  ^  ce- 
pendant il  y  a  des  femmes  qui  l'ont  fort 
gros  &  fort  long.  Il  refFemble  en  beaucoup 
de  chofes  à  la  verge  du  mâle  ,  ce  qui  fait  que 
quelques-uns  l'appellent  la  verge  de  la  femelle. 

En  effet  il  eft  compofé  des  mêmes  parties  : 
il  a  deux  corps  caverneux ,  un  gland  à  l'extré- 
mité couvert  d'un  prépuce ,  mais  qui  n'eft 
pas  percé  comme  le  membre  viril  ;,  il  a  iéu- 
lement  la  marque  du  trou.  yoye[  Gland  , 
Prépuce  ,  &c.  voyei  auffi  Nymphes. 

Il  a  auffi  deux  muicles  qui  le  font  drefFer 
dans  le  coït  \  alors  il  enfle  &:  durcit.  Quel- 
ques anatomiftes  lui  donnent  auifi  deuxmuf- 
cles  éjaculateurs.  V.  auffi  les  art.  EjACULA- 
TEUR  ,  ErECTEUR  ,  (^  ERECTION. 


C  L  I  187 

C'eft  une  partie  extrêmement  fbnfible  , 
&  qui  eft  le  fiege  principal  du  pîaifir  dans  la 
femelle  j  raifon  pour  laquelle  quelques-uns 
lui  ont  donné  le  nom  à'afrum  Veneris  , 
aiguillon  de  Vénus.  Il  s'eft  trouvé  des  fem- 
mes qui  en  ont  abufé. 

Lorfqu'il  avance  trop  en  dehors  dans  la 
femme  ,  on  en  retranche  une  partie  ,  & 
c'eft  en  quoi  peut  confifter  la  circoncifîon 
àQ%  femmes.  Il  eft  quelquefois  fi  gros  &  fi 
long,  qu'il  a  tout-à-fait  l'air  d'un  membre 
viril;  &  c'eft  de- là  feuvent  que  l'on  qualifie 
àQ%  femmes  d'être  hermaphrodites.  Voye-^^ 
Hermaphrodite  &  Circoncision. 

Les  corps  fpongieux  du  clitoris  naift"ent 
diftinâs  de  la  partie  inférieure  de  l'os  pubis  ; 
&:  approchant  par  degrés  l'un  de  l'autre  , 
forment  en  s'unilFant  le  corps  du  clitoris. 
Avant  leur  union  on  les  appelle  cuiffes  du 
clitoris  ,  crura  clitoridis  ,  &  ils  font  deux 
fois  auffi  longs  que  le  clitoris  mêmiC.  Voye[ 
Cuisse  ù  Caverneux. 

Ses  mufcles  naifFent  de  la  tubérofité  4^ 
l'ifchium^,  &:  s'infèrent  dans  \t%  corps  fpon- 
gieux. Les  veines  &  les  artères  viennent  des 
hémorrhoïdales  &  des  honteufes  ,  &  les 
nerfs  des  intercoftaux. 

Mufcles  du  clitoris  j    voye^  EreCTEUR 

du  Clitoris.  (I) 

CLITUNNO  ,  (  Géograph.  mod.  )  rivière 
d'Italie  dans  la  principauté  de  Spolette  ,  en 
Ombrie ,  dans  l'état  de  l'é^^life. 

CLIVER ,  en  terme  de  diamantaire  ,  c'eft 
féparer  undiam.ant  en  deux  ou  plufieurs  par- 
ties ,  en  le  mettant  fur  un  plomb  où  il  entre  à 
moitié,  &  frappant  avec  un  marteau  fur  un 
couteau  fixé  fur  le  point  où  l'on  veut  feparer 
le  diamant.  Il  n'y  a  que  ceux  dont  on  fuit  le  fil 
qui  fe  clivent  de  cette  m.aniere  ;  encore  pour 
peu  que  la  pièce  foit  de  conféquctice  on  la  fcie 
plutôt  que  d'encourir  les  rifques  du  clivage.. 

C  L  O 

CLOAQUE  ,  f.  m.  {Rifl.  anc.  &  Arch.  ) 
aqueduc  fbuterrain  qui  reçoit  les  eaux  &  les 
ordures  d'une  grande  ville  :  m.ais  le  mot 
cloaque  n'eft  guère  du  bel  ufage  que  pour  les 
ouvrages  des  anciens  ;  en  parlant  des  ouvra- 
ges inoderncs  ,  on  dit  ordinairement  égoût. 
Le  mot  latin  eft  cloaca  ,  mot  que  quelques 
étymologiftes  dérivent  de  duo  ,  faiir ,  infec- 
ter par  ià  inauvaife  odeur. 


i88  C  L  O 

Le  chaque  eft  allez  exadlement  défini  par 
le  célèbre  jurifconfulte  Ulpien ,  un  Heu  fou- 
terrain  fait  par  art  pour  écouler  les  eaux  & 
les  immondices  (Tune  ville. 

Denis  d'HalycarnafFe  nous  apprend  que  le 
roiTarquin  le  vieux  eft  le  premier  qui  com- 
mença à  faire  des  canaux  fous  la  ville  de  Ro- 
me ,  pour  en  conduire  les  immondices  dans 
le  Tibre.  Les  canaux  de  cette  efpece  augmen- 
tèrent infenfiblement,  &  fe  multiplièrent  à 
mefureque  la  ville  s'agrandit ,  &  furent  enfin 
portés  à  leur  perfedlion  fous  les  empereurs. 

Comme  les  Romains  dans  les  premiers 
temps  de  la  république  travailloient  à  ces 
canaux  ,  ils  trouvèrent  dans  un  d'eux  la  fta- 
tue  d'une  femme  \  ils  en  furent  frappés  :  ils 
en  firent  une  déeffe  qui  préfidoit  aux  cloaques , 
&  qu'ils  nommèrent  Cloacine.  S.  Auguliinen 
parle  au  liv.  IV  de  la  cité  de  Dieu  ,  c,  xxiij. 

Il  n'en  failoit  pas  tant  pour  engager  des 
peuples  de  ce  caraéîere  à  la  multiplication 
de  ces  fortes  d'ouvrages  :  leur  religion  s'y  vit 
ïntércfTée  j  car  ils  mêloient  une  efpece  de 
fentiment  religieux'à  leur  attachement  pour 
la  ville  de  Rome  ^  cette  ville  fondée  Tous 
\qs  meilleurs  aufpices  ^  cette  ville  dont  le 
capitole  devoit  être  éternel  comme  elle ,  & 
la  ville  éternelle  comme  fon  fondateur  ,  le 
delir  de  l'embellir  fit  fur  leur  efprit  une  im- 
prefTion  qu'on  ne  fauroit  imaginer. 

L'exemple,  l'émulation  ,  l'envie  des'iiluf- 
trer ,  de  s'attirer  les  fuffrages  &  la  confidéra- 
tion  de  Çqs  com.patriotcs ,  &  plus  que  tout 
cela  ,  l'amour  pour  le  bien  commun  ,  que 
nous  regardons  aujourd'hui  comme  un  être 
de  raifon  ,  produifirent  ces  édifices  fiiperbes 
&  néceflkires  qu'on  admirera  toujours  ^  ces 
chemins  publics  qui  ont  réfifté  à  l'injure  de 
tous  les  temps  j  ces  aqueducs  qui  s'étendoient 
quelquefois  à  cent  milles  d'Italie,  qui  étoient 
percés  à  travers  les  montagnes  ,  qui  fournif- 
ibient  à  Rome  cinq  cents  mille  muids  d'eau 
dans  vingt-quatre  heures  ^  ces  cloaques  im- 
menfes  bâtis  fous  toute  l'étendue  de  la  ville 
en  forme  de  voûte,  fous  lefquels  on  alloit  en 
bateau ,  où  dans  quelques  endroits  des  char- 
rettes chargées  de  foin  pouvoient  palfer,  & 
qui  étoient  arrofés  d'une  eau  continuelle  qui 
empêchoit  les  ordures  d'y  pouvoir  féjourner 
(  il  y  en  avoit  un  entre  autres  qui  fe  rendoit 
dans  le  Tibre  de  tous  les  côtés  &  de  toutes 
les  parties  de  la  ville  )  3  c'étoit ,  dit  Pline , 


C  L  O 

le  plus  grand  ouvrage'que  des  mortels  eulTent 
jamais  exécuté. 

Cafiiodore  qui  vivoit  en  470  ,  qui  étôit 
préfet  du  prétoire  fous  Théodoric  roi  des 
Goths  ,  &  bon  connoifieur  en  architeâiire  , 
avoue  dans  le  racueil  de  fès  lettres  ,  epijï. 
XXX  ,  lib.  V ,  qu'on  ne  pouvoir  confidérer 
les  cloaques  de  Rome  làns  en  être  émerveillé. 

Pline  ,  lib.  XXXIII ,  cap.  xv  ,  dans  la 
defcription  qu'il  donne  des  ouvrages  que  l'on 
voyoit  de  fon  temps  dans  cette  capitale  du 
monde  ,  remarque  encore  que  l'on  y  admi- 
roit  pardeflTus  tous  les  aqueducs  fouterrains 
de  ce  genre  ,  ceux  que  conftruifit  Agrippa 
à  {ks  dépens  pendant  fon  édilité  ,  &  dans 
lefquels  il  fit  écouler  toutes  les  eaux  &  les 
ordures  de  cette  ville  immenfe.  Il  s'agit  ici 
d'Agrippa  favori  &  gendre  d'Augufte  ,  qui 
décora  K.ome  non-feulement  des  cloaques 
dont  parle  Pline,  mais  de  nouveaux  chemins 
publics  &  d'autre  ouvrages  aufîi  magnifi- 
ques qu'utiles  ,  en  particulier  de  ce  fameux 
temple  qu'il  nomma  le  panthéon  ,  conftruit 
en  l'honneur  de  tous  les  dieux,  &  quiiub^ 
fifte  encore  à  quelques  égards  fans  fes  an- 
ciennes ftatues  &  fès  autres  ornemens ,  fous 
le  nom  de  Notre-Dame  de  la  Rotonde. 

Le  foin'&rinfpeâ:ion  des  c/oa^:/ej  appar- 
tinrent, jufqu'au  temps  d'Augufte  ,  aux  édi- 
les, qui  nommoient  à  cet  effet  des  officiers, 
ibus  le  titre  de  curatores  cloacarum» 

Voilà  quel  étoit  l'efprit  dont  les  Romainr 
étoient  animés  :  en  lifant  leur  hiftoire ,  nous 
les  voyons  d'autres  hommes  que  nous  ^  car 
ils  ignoroient  ce  que  nous  connoiflbns  trop  , 
l'indifférence  pour  la  patrie.  M.  de  Voltaire 
fuppofe  que  dans  les  premiers  tem<ps  de  lâ 
république  ,  un  citoyen ,  dont  la  paffioii 
dominante  étoit  le  delir  de  rendre  fon  pays 
floriifant  ,  remit  au  conful  Appius  un  mé- 
moire dans  lequel  il  repréfentoit  les  avan- 
tages qu'on  retire'roit  de  réparer  les  grands 
chemins  &  le  capitole,  de  former  des  mar- 
chés &  des  places  publiques ,  de  bâtir  de 
nouveaux  cloaques  pour  emporter  les  ordures 
de  la  ville ,  fource  de  maladies  qui  faifbient 
périr  plufieurs  citoyens  :  le  conful  Appius 
touché  de  la  leôure  de  ce  mémoire ,  &  pé- 
nétré des  vérités  qu'il  contenoit ,  immorta- 
lifa  fon  nom  quelque  temps  après  par  la  voie 
Appienne  j  Flaminius  fit  la  voie  Flami- 
iiicune  y  lui  autre  embellit  le  capitole  j  un 

autre 


CLO 

autre  établit  des  marchés  publics  ^  &  d'au- 
tres conflruifirent  les  aqueducs  &  hs  égoûts. 
L'écrit  du  citoyen  obfcur  ,  dit  à  ce  fujet 
rilluftre écrivain  déjà  cité,  fut  une  fènience 
qui  germa  bientôt  dans  l'efprit  de  ces  grands 
hommes  ,  capables  de  l'exécution  des  plus 
grandes  chofes.  Cet  article  eji  de  M,  le  cheva- 
lier DE  Javcourt. 

CLOC A ,  (  Mufiq.  des  anc,  )  furnom  d'un 
nome  propre  aux  joueurs  de  flûtes ,  comme 
le  rapporte  Pollux ,  Onomaji.  liv.  IV ^  ck.  x. 
(F.D.G.) 

*  CLOCHE  ,Cî.{  Kijl,  anc.  mod.  Arts 
méchan.  )  c'eft  un  vafe  de  métal  qu'on  met 
au  nombre  des  inftrumens  de  percufîion ,  & 
dont  le  fou  eft  devenu  parmi  les  hommes 
un  figue  public  ou  privé  qui  les  appelle. 

On  fait  venir  le  mot  François  cloche  de 
cloca ,  vieux  mot  gaulois  pris  au  même  ièns 
dans  les  capitulaires  de  Charlemagne. 

L'origine  des  cloches  eft  ancienne  :  Kir- 
cher  l'attribue  aux  Egyptiens ,  qui  faifoient, 
dit- il ,  un  grand  bruit  de  cloches  pendant 
la  célébration  des  fêtes  d'Ofîris.  Chez  les 
Hébreux,  le  grand-prêtre  avoit  un  grand 
nombre  de  clochettes  d'or  au  bas  de  fa  tuni- 
que. Chez  les  Athéniens ,  les  prêtres  de  Pro- 
ièi-pine  appelloieat  le  peuple  aux  facrifices 
avec  une  cloche ,  &  ceux  de  Cybele  s'en 
fervoient  dans  leurs  myfteres.  Les  Perles  , 
Jes  Grecs  en  général ,  &  les  Romains ,  n'en 
ignoroient  pas  l'ulàge.  Lucien  de  Samofate , 
x|ui  vivoit  dans  le  premier  fiecle ,  parle  d'une 
horloge  à  (bnnerie.  Suétone  &  Dion  font 
mention  dans  la  vie  d'Augufte ,  de  tintinna- 
hula  ,  ou  cloche ,  fi  l'on  veut.  On  trouve  dans 
Ovide  les  termes  de  œra ,  pelves ,  kbetes ,  &c. 
auxquels  on  donne  la  même  acception.  Les 
anciens  annonçoient  avec  des  cloches  les 
heures  des  aifemblées  aux  temples  ,  aux 
bains ,  Se  dans  les  marchés ,  le  paflage  des  cri- 
minels qu'on  menoit  au  iupplice ,  &  même  la 
mort  des  particuliers  ;  ils  fonnoient  une  clo- 
'<:hette  afin  que  l'ombre  du  défunt  s'éloignât 
de  la  maifon  :  Temefœaque  concrepat  œra  , 

-  dit  Ovide ,  (S'  rogat  ut  teâis  exeat  umbrafuis. 
Il  eft  queftion  de  cloches  dans  Tibulle ,  dans 
Strabon  &  dans  Polybe,  qui  vivoit  deux 
cents  ans  avant  Jefus-Chrift.Jofeph  en  parle 

-  dans  fes  antiquités  judaïques  ,  liv.  III.  On 
trouve  dans  Quintilien  le  proverbe  aola  in 
€ubiculo;  ce  mot  nola ,  clocha,  a  faitpcnfer 

.Totne  FUI. 


CLO  289 

que  les  premières  cloches  avoientétc  fondues 
à  Noie,  où  S.  Paulin  a  été  évêque,  &  qu'on 
les  avoit  appellées  campance  .-p-drce  que  Noie 
eft  dans  la  Campanie.  D'autres  font  hon- 
neur de  l'invention  des  cloches  au  pape  Sabi- 
nien  qui  fuccéda  à  S.  Grégoire  ;  mais  ils  (e 
trompent^  on  ne  peut  revendiquer  pour  le 
pape  Sabinien  &  faint  Paulin ,  que  d'en 
avoir  introduit  l'ulàge  dans  l'églife  ,  foit 
pour  appeller  le  peuple  aux  offices  divins , 
foit  pour  diftinguer  les  heures  canoniales. 
Cet  uiàge  palfa  dans  les  églifes  d'Orient  5 
mais  il  n'y  devint  jamais  fort  commun ,  & 
il  y  cefTa  preiqu'entiérement  après  la  priiê 
de  Conftantinople  par  les  Turcs ,  qui  l'aba- 
lirentnon  fous  le  prétexte  que  le  bruit  des  clo- 
ches troubloit  le  repos  des  âmes  qui  erroient 
dans  l'air  ,  mais  par  la  crainte  qu'il  ne  fût  à 
ceux  qu'ils  avoient  fubjugués  un  fignal  en 
cas  de  révolte  j  cependant  il  continua,  au 
mont  Athos  &  dans  quelques  lieux  écartés 
de  la  Grèce.  Ailleurs,  on  fuppléa  aux  clo- 
ches par  un  ais  appelle  fymandre,  &  par  des 
maillets  de  bois  ,  ou  par  une  plaque  de  fer 
sppellée  le  fer  facré  ,  àyiov  a-Un^av,  qu'oa. 
frappoit  avec  des  marteaux. 

Il  en  eft  de  la  fonderie  des  grclTes  cloches 
ainfi  que  de  la  fonderie  des  canons  ,  de  l'art 
d'im.primer ,  de  l'invention  des  horloges  à 
roue  ou  à  foleil,  de  la  bouffole  ,  des  lunet- 
tes d'approche ,  du  verre ,  &  de  beaucoup 
d'autres  arts ,  dûs  au  hazard  ou  à  des  hommes 
obfcurs^  on  n'a  que  des  conjectures  fur  l'o- 
rigine des  uns ,  &  on  ne  fait  rien  du  tout  fur 
l'origiue  des  autres ,  entre  lefquels  on  peut 
mettre  la  fonderie  des  grofles  cloches.  On 
croit  que  l'ufage  dans  nos  églifes  n'en  eft  pas 
antérieur  au  fixieme  fiecle  :  il  y  étoit  établi 
en  610 -,  mais  le  fait  qui  le  prouve,  lavoir  la 
difperfion  de  l'armée  de  Clotaire  au  bruit 
des  cloches  de  Sens  ,  que  Loup,  évêque 
d'Orléans  ,  fit  fbnner  ,  prouve  aufîi  que  les 
oreilles  n'étoient  pas  encore  faites  à  ce  bruit. 

L'églife ,  qui  veut  que  tout  ce  qui  a  quel- 
que part  au  culte  du  fouverain  Etre  foit  con- 
facré  par  des  cérémonies ,  bénit  les  cloches 
nouvelles  ^  &  comme  ces  cloches  font  pré- 
(entées  à  l'églife  ainfi  que  les  enfans  nou- 
veau-nés, qu'elles  ont  parrains  &  marraines, 
'éc  qu'en  leur  impofe  des  noms ,  on  a  donné 
le  nom  de  baptême  à  cette  bénédiction. 

Le  baptême  des  cloches ,  dont  il  eft  parlé 
Oo 


29<!)  C  L  O 

dans  Alcuin ,  difciplede  Bedc ,  &  précepteur 
de  Charlemagiie ,  comme  d'un  ufage  anté- 
rieur à  l'année  770,  fe  célèbre  de  la  manière 
fuivantc ,  félon  le  pontifical  romain.  Le  prê- 
tre prie  j  après  quelques  prières ,  il  dit  :  Que 
cette  cloche  foit  fanciifiée  &  confacrée ,  au  nom 
du  Père  ,  du  Fils  &  du  S,  Efprit  :  il  prie 
encore  ^  il  lave  la  cloche  en-dedans  &  en- 
dehors  avec  de  l'eau-bénite  ^  il  fait  defîiis 
fept -croix  avec  l'huile  des  malades ,  &  qua- 
tre dedans  avec  le  chrême  ^  il  l'encenfe  ,  & 
il  la  nomme.  Ceux  qui  feront  curieux  de 
tjut  le  détail  de  cette  cérémonie  ,  le  trou- 
veront dans  les  cérémonies  religieufes  de  M. 
Tabbé  Bannier. 

Nous  parlerons  de  la  fonte  des  cloches  à 
T article  PoNDEUR.  Voye\  la  defcription  des 
Arts  ù  métiers ,  par  M.  Bertrand ,  m-4°. 

Cloche.  (  Jurifpr.  )  Quoique  les  cloches 
foient  déjà  bénites  ,  le  fondeur  qui  en  a 
fourni  le  métal  peut  les  faire  vendre  faute 
dé  paiement.  Arrêts  du  xy  février  1603. 
Cnrondas  ,  liv.  XJlJy  rép,  vij. 

Dans  les  églifes  cathédrales  ,  l'évêque  ne 
peut  communément  faire  fonner  les  cloches 
que  de  concert  avec  le  chapitre  \  cela  dé- 
pend uéamnoins  des  ftatuts  &  de  l'ufage. 
Chenu  ,  tit.  j ,  ch.  ij, 

L'émiOlument  de  la  fonnerie  dans  les  pa- 
roiffes ,  appartient  de  droit  commun  à  la 
fabrique ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  ufage  &  pof 
felîion  contraire  au  profit  du  curé.  Arrêt  du 
21  mars  1660  ,  pour  la  fabrique  de  Beau- 
vais,  qui  lui  attribue  l'émolument  de  la  fon- 
derie ,  &  néanmoins  ordonne  que  les  cloches 
ue  pourront  être  fonnées  pour  ceux  qui  font 
inhumés  dans  la  paroiife  ,  que  le  curé  n'en 
ait  été  averti.  Jurifpr.  can.  de  l^^Combe  , 
au  mot  cloche. 

Il  eft  enjoint  par  un  arrêt  du  grand- con- 
feil ,  du  7  janvier  175 1 ,  à  toutes  perfonnes 
qui  auront  foigné  les  bénéficiers  jufqu'à  la 
mort,  ou  chez  leiquelles  ils  feront  décédés, 
d'avertir  les  prépoies  à  la  ibnnerie  des  clo- 
thes  5  de  fonner  à  finftantpour  les  eccléiiafti- 
tjues  qui  viennent  de  décéder. 

Les  monafteres  ne  doivent  point  avoir  de 
cloches  qui  puiflent  einpêcher  d'entendre 
celles  de  l'églife  principale  ou  paroifTiale  du 
lieu  ;  &  en  général ,  les  églifes  doivent  ob- 
icrver  entre  elles  certaines  déférences  pour 
la  foiînerie ,  feion  le  rang  qu'elles  tieiment 


CLO 

dans  la  hiérarchie  eccléfiaftique.  Henrys  , 
tome  I ,  liv,  I  ^  ch,  iij ,  queji.  16. 

L'entretien  &  la  réfeftion  des  cloches^  de 
la  charpente  qui  les  ioutient,  &  des  cordes 
qui  fervent  à  les  fonner ,  font  à  la  charge 
des  habitans ,  &  non  des  gros  décimateurs. 
Arrêt  du  3  mars  1690 ,  contre  le  curé  d'Azay. 
Voyei^  les  loix  de  bâtimens  ;  part.  II ,  page 
77  ,  aux  notes.  (A  ) 

Cloche  ,  (  Médec.  )  ampoule  ou  vefîie 
pleine  de  férofité  ,  qui  vient  aux  pies ,  aux 
mains  ,  ou  autres  parties  du  corps ,  par  d^s 
piquures  d'infeftes  .pr.r  le  violent  frottement, 
par  la  brûlure ,  ou  pour  avoir  trop  marché. 

Au  moyen  d'une  longue  macération  de  la 
peau  dans  l'eau  ,  on  en  peut  détacher  avec 
i'épiderme  tous  fes  alongemens ,  de  façon 
qu'ils  entraînent  avec  eux  les  poils  &  leurs 
racines.  Cette  remarque  fert  à  expliquer 
comment  les  cloches  ou  ampoules  qui  s'élè- 
vent fur  la  peau  ,  reftent  gonflées  pendant 
un  temps  confidérable ,  fans  laiffer  la  férofité 
extravafée  échapper  par  les  trous ,  qui ,  en 
ce  cas  ,  devroient  être  agrandis  par  la  dif- 
traélion  &:  la  tenfion  de  I'épiderme  foulevé  j 
car  quand  I'épiderme  fè  détache  ainii  du 
corps  de  la  peau ,  il  arrache  auffi  &  entraîne 
des  portions  de  ces  petits  tuyaux  entamés  , 
qui  étant  comiprimés  par  la  férofité ,  fe  plif- 
fent  &  bouchent  les  pores  de  répidern:e 
foulevé  ,  à-peu-près  comme  les  tuyaux  des 
balons  à  jouer. 

Les  cloches  fe  guériffent  d'elles-mêmes , 
ou  par  l'application  de  quelques  ré folutifs  , 
ou  par  la  ceffation  des  caufes  qui  les  ont 
prodaites.  Article  de  M.  le  chevalier  DE 
Javcourt. 

Cloche  ,  {Marine.)  en  donne  ce  nom  à 
une  machine  dans  laquelle  un  homme  efl 
enfermé ,  &  au  moyen  de  laquelle  il  peut 
reflcr  quelque  temps  fous  l'eau  ^  on  s'en  fert 
pour  retirer  du  fond  de  la  mer  ou  des  ri- 
vières des  chofes  pcries  par  naufrage  ou  au- 
trement. La  defcription  qu'on  en  donne  ici , 
efè  tirée  d'un  auteur  hoilandois. 

Cette  machine,  qui  a  la  figure  6\me  clo- 
che dont  le  fbmmetlêroit  pointu,  doit  avoir 
cinq  à  fix  pies  de  haut ,  &  au  moins  trois 
pies  de  large  par  le  bas ,  qui  efl  armé  Ciun 
gros  cercle  de  fer  en-dedans  :  il  fert  à  main- 
tenir la  cloche  &  réfifler  à  la  force  de  l'eau  y 
qui  fans  cela  pourroit  enfoncer  les  côtés  de 


CLO 

îa  machine.  On  la  peut  faire  de  bois  ,  de 
plomb  ,  de  fer  ,  ou  de  cuivre  j  la  matière 
la  plus  pefante  eft  la  meilleure  ,  tant  pour 
réfîfter  au  poids  de  l'eau  ,  que  pour  plonger 
mieux ,  &  defcendre  plus  aifément  au  fond. 

La  cloche  eft  furliée  de  cordes  tout  autour, 
dont  quelques-unes  defcendent  jufqu'au  bas, 
&  auxquelles  font  attachées  des  plaques  de 
plomb  d'un  pie  en  quarré  ,  &  de  deux  pou- 
ces d'épais  au  moins  \  à  chaque  coin  de  ces 
plaques  il  y  a  un  trou  par  lequel  les  cordes 
pafTent ,  &  ces  plaques  pendent  deux  pies 
au  defTous  de  la  cloche. 

L'homme  qui  eft  dans  la  cloche  &  qu'on 
a  defcendu  fous  l'eau ,  poiè  ies  pies  for  ces 
plaques  &  y  met  auftî  les  uftenftles  dont  il 
a  befoin  pour  fon  travail  ,  foit  tenailles  ou 
grapins ,  fuivant  la  nature  des  chofes  qu'il 
veut  enlever  du  fond  de  l'eau. 

La  pointe  de  la  cloche  eft  terminée  par  un 
fort  crochet ,  où  l'on  attache  un  bon  cor- 
dage qui  eft  pafte  dans  une  poulie  proche 
de  l'étrave  du  vaifteau  d'où  l'on  coule 
J'homine  &  la  cloche  dans  l'eau  ,  &  l'on  fe 
fert  du  cabeftan  pour  lâcher  ou  retirer  la 
corde. 

Toutes  \t%  parties  des  jambes  de  l'homme 
qui  defcendent  plus  bas  que  le  bord  de  la 
cloche  ,  &  qui  font  appuyées  fur  les  plaques 
de  plomb  ,  fo  mouiÙent  en  entrant  dans 
i'eau  ,  &  deux  pouces  pardeffus  ,  parce 
qu'il  entre  environ  cette  quantité  d'eau  dans 
la  cloche  ,  lorfqu'elle  commence  à  en  tou- 
cher la  fuperficie. 

Il  faut  laiffer  couler  la  cloche  fort  douce- 
ment dans  l'eau ,  &  que  le  bas  foit  chargé  & 
fort  pefant  ,  autrement  elle  pourroit  tour- 
ner fur  le  côté  j  mais  quand  on  la  retire  ,  il 
faut  le  faire  le  plus  vite  qu'on  peut. 

On  fait  ,  par  ceux  qui  ont  été  fous  l'eau 
dans  une  de  ces  machines ,  qu'un  homme 
peut  y  demeurer  une  demi-heure  ,  quelque- 
fois un  peu  moins.  La  vue  y  eft  fort  libre  ^ 
&  l'homme  qui  touche  au  fond  ,  peut  voir 
diftinftement  l'eau  qui  monte  peu  à  peu 
dans  la  machine  \  &  lorfqu'elle  lui  vient 
jufqu'à  la  gorge  ,  &  qu'il  fe  voit  en  danger 
fi  elle  montoit  plus  haut ,  alors  il  tire  une 
corde  qui  eft  attachée  autour  de  fon  corps 
&  qui  répond  dans  le  vaifteau  ;  au  fignal , 
on  le  retire  promptement  -^  &  à  mefure  qu'on 
l'enhve,  l'i-ir  augmente  dans  la  machine  &: 


CLO  i5>i 

ï'eau  y  bâîfle,  de  forte  qu'elle  fo  trouve  tout- 
à-fait  vuide  lorfqu'elle  vient  fur  l'eau. 

Plus  le  plongeur  demeure  fous  l'eau  ,  &: 
plus  l'air  de  la  cloche  devient  chaud  ,  fi  bien 
que  quelquefois  même  le  plongeur  fiiigne 
du   nez. 

Loriqu'il  veut  changer  de  place  ,  fiiivant 
que  fon  travail  l'exige ,  &  faire  pour  cet  effet 
avancer  fa  cloche  d'un  côté  ou  d'un  autre  ,  il 
fait  des  fignaux  par  des  cordes  qui  font  atta- 
chées au^bord  de  la  cloche  par  le  bas  ,  & 
dont  l'autre  bout  répond  au  vaiflêau. 

Pour  faifir  les  fardeaux  &  autres  effets  qui 
font  au  fond  de  l'eau  ,  comme  canons  , 
ancres,  balles  de  marchandifes ,  6»c.  on  a  de 
grandes  &  fortes  tenailles  dont  les  branches 
font  attachées  à  des  cordes  qui  fervent  à  les 
ferrer  &  fermer,  &  dont  l'autre  bout  qui 
répond  dans  le  navire  s'attache  au  cabeftan^ 
&  par  ce  moyen  on  enlevé  les  plus  gros  far- 
deaux. (Z) 

Cloche  ,  (Jardinage.  )  eft  un  vafe  de 
verre  de  dix-huit  pouces  fur  tous  fous  ,  de 
la  figure  d'une  cloche ,  dont  les  jardiniers 
couvrent  \z%  melons  &  les  plantes  délicates 
qu'ils  élèvent  fur  couche  :  elle  concentre 
beaucoup  de  chaleur ,  &  avance  infiniment 
les  plantes.  On  dit  fort  bien  un  melon  cloché. 

Il  y  a  encore  une  efpece  de  cloche  de 
paille  qui  fort  à  garantir  \q^  fleurs  du  foleil; 
fo  chaleur  ,  qui  perce  au  travers  du  verre , 
corrige  ce  que  peut  caufer  à  la  jeune  plante 
la  vapeur  du  fumier ,  qui ,  au  moyen  d'un 
demi-pié  de  terreau  qu'on  met  defliis  ,  fo 
condenfe  fur  la  couche.  L'air  y  eft  encore 
fort  néceftaire  ,  &  on  a  des  fourchettes  de 
bois  pour  élever  les  cloches.  {K) 

Cloche  ,  en  termes  d'orfèvre  en  grojferie  y 
eft  un  ornement  de  monture  de  chandelier  , 
qui  fe  place  le  plus  fouvent  fous  le  vafe. 
Voyei  Vase.  Il  prend  fon  nom  de  fa  figure  j 
qui  reftemble  bien  à  une  cloche. 

CLOCHE ,  fl  f.  campana  ,  ^  ,  (Slafon.) 
meuble  d'armoiries  qui  repréfeute  une  cloche. 

On  nomme  le  battant,  i>atail ,  d'où  on  a 
fait  bataillée'^  on  ne  nom.me  le  batail  en  bla- 
fonnant  ,  que  lorfqu'il  eft  d'un  autre  émail 
que  la  cloche.  Voye[  BataillÉE. 

Trimond  de  Puimichel ,  à  Aix  en  Pro- 
verxe  ^  d'azur  à  la  cloche  d argent ,  accom- 
pagnée en  chef  (Tune  croifette  treflée  d'or. 
(  t.  D.  L.T.) 

OO   2 


23?i  CLO 

CLOCHEPIÉ,  f.  î,{Mara/faa.  en  foie.) 
orgnncin  à  trois  brins ,  dont  deux  font  d'a- 
bord moulinés  enfèmble  ,  puis  une  féconde 
fois  avec  un  troifîcme  brin.  Voye^  les  dicl. 
du  Comm.  de  Trév.  Disk.  &  t article  SoiE. 
CLOCHER,  f.  m.  (  Archit.  )  eft  un  ou- 
vrage d'archiîeâure  qu'on  élevé  erdinaire- 
ment  audefli:s  de  la  partie  occidentale  d'uiîe 
églife  ,  pour  y  placer  les  cloches.  La  foruie 
des  clochers  leur  donne  différens  noms.  Ceux 
quis*élevent  en  diminuant ,  comme  un  cône , 
&:  dont  le  plan  eft  circulaire  ,  s'appellent  ai- 
guilles ^  ceux  dont  le  plan  eft  de  forme  qua- 

'drang-ulaire  ,  pentagonale  ou  exa<^onale,  & 
qui  diminuent  toujours  de  leur  diamètre  en 
approchant  de  leur  fommct,  fe  nomment 

■pyramides.  Dans  \ts  uns  &  les  autres  on  pra- 
tique çk::^  ouvertures  ^  ces  ouvertures  font 
garnies  d'abavents ,  qui  ne  font  autre  chofe 

*qiie  àts,  chaflis  de  charpente  inclinés ,  cou- 
verts d'ardoifo  ,  qui  iérvent  à  renvoyer  le 
fôn  des  cloches  en  contre-bas. 

On  appelle  clocher  de  fond  ^  une  tour  qui 
prend  naiffance  du  fol  du  pavé  &  s'élève  de 
toute  la  hauteur  de  l'églife,  comme  celles 
de  faint  Euftache  ,  de  faint  Sulpice  ,  ùc. 
Quelquefois  cç.s  tours,  le  plus  ordinairement 
quarrées  par  leur  plan ,  font  terminées  par  des 
aiguilles  ou  flèches ,  comme  celle  du  portail 
de  Rheims  ,  ou  par  un  petit  comble ,  comir.e 
celle  de  faint  Jean  en  %xQ.\Qy  ou  enfin  en  plate- 
forme ,  comme  celle  de  Notre-Dame  à  Paris. 
Mafius  ,  dans  fon  traité  des  cloches  ,  rc- 

'  maixîue  qire  le  clocher  de  Pife  eft  le  plus  fîn- 

■  gulier  qui  foit  au  monde  ;,  il  penche  ,  dit-il , 
tout  d'un  côté  &  paroît  toujours  prêt  à  tom- 
ber :  cependant  ilalfure  que  cette  difpofîtion 
extraordinaire  n'eft  point  l'effet  d'un  trem- 

•  blement  de  terre,  commue  quelques-uns  fo  le 
font  imaginé  5  mais  que  c'a  été  l'intention 

'  de  l'arcliitefte  qui  l'a  élevé,  ainii  qu'on  le 
voit  évidemment  par  les  planchers  ,  les  por- 
tes &  les  croifëes  ,  qui  toutes  font  px)fëes 
de  niveaumalgré  cette  incîinaifon.  (P) 

Clocher  ,  [Jurifprud.  )  En  parlant  du 
droit  des  cijrés  par  rapport  à  la  dîme,  on  dit 
communément  que  leur  clocher  eft  leur  titre  y 
ee  qui  s'entend  de  leur  qualité  de  curé  ,  dont 
le  clocher  matériel  a'eft  qu'un  attribut  exté-^ 
rieiîF.  ..      .;. 

Q^raud  Je  clocher  d'une  églife  pai'oifïïale 

cftçatiQrciJieiitpofé  Hix  1q  cKcew  d'unî.  églife 


C  LÔ 

paroi/Tîalc  ,  il  doit  être  réparé  par  les  gros 
dccimateurs  ;,  mais  s'il  eft  bâti  fur  la  nef  ou  à 
côté  ,  il  eft  à  la  charge  des  habitans. 

S'il  eft  pofé  entre  le  chœur  &  la  nef,  il 
doit  être  entretenu  par  moitié  entre  les  gros 
décimateurs  &  les  habitans. 

Les  cloches  font  toujours  à  la  charge  des 
habitans.  Koyei  ci-devant  Cloches. 

L'éditde  ï6()$  concernant  la  jurifdiéiion 
eccléfiaftiquc  ,  ne  parle  point  des  clochers» 
L'ufàge  que  l'on  obforve  à  cet  égard ,  n'eft 
fondé  que  fur  la  jurifprudence. 

Quand  les  clochers  font  conftruits  avec  des 
flèches  de  pierre,  &  qu'ils  fout  d'une  trop 
grande  élévation  ,  on  permet  quelquefois 
aux  gros  décimateurs  &  habitans  d'en  dimi- 
nuer la  hauteur  autant  que  cela  fe  peut  ,  6c 
d'y  faire  conftruire  des  flèches  de  charpente, 
couvertes  d'ardoife  ou  de  plomb  ,  au  lieu 
de  flèches  en  pierre,  f^,  les  loix  des  bâtimcns  y 
part.  II  y  pages  75  «S»  76 ,  aux  notes.  {A) 

CLOCHETTE  ,  f.  ï.  {Fonderie.  )  petite 
cloche  ou  fonnette  qu'on  peut  tenir  &  fonner 
à  la  main.  On  fait  des  clochettes  d'argent  ,, 
de  cuivre  &  de  métal  compofé  :  ces  dernières 
font  du  nombre  des  ou\  rages  de  fondeurs 
en  terre  &  fable ,  &  les  autres  de  l'orfèvrerie. 

Clochettes,  royf^  Gouttes. 

Clochette,  {Bot.)  K.  Campanule. 

CLODION  ow  Clogion  ,  11^  roi  de 
France  ,  f  Hijl.  de  France.  )  ce  prince  eft 
furnommé  le  chevelu  ou  de  la  grande  quan- 
tité de  {es  cheveux,  ou  de  ce  qu'il  les  laiJÎoit 
croître  par-tout  également  ,  contre  l'ulage 
des  princes  Francs  qui,  fuivant  la  remarque 
de  Sidonius  ,  ne  les  laiffoient  croître  que  fiir 
les  côtés,  &  fe  rafoient  le  derrière  de  J a  tête. 
Les  Francs ,  fous  fon  règne ,  prirent  Tournai, 
Cambrai,  ôcréduifirent  tout  le  pays  jufqu'à 
la  Somme.  Aétius  leur  livra  plufîeurs  com- 
bats ,  où  l'art  militaire  &  la  difcipline  à(xs 
légions  romaines  triomphèrent  de  la  valeur 
&  de  l'intrépidité  àes  Francs.  Cependant 
Aétius  conçut  une  fi  haute  idée  de  cette  iia- 
tisn  ,  que  ,  quoique  vainqueur  ,  il  recher- 
cha la  paix.  Il  préféra  l'alliance  &  l'amitié 
des  François  à  fa  gloire  de  les  forcer  d'aban- 
donner leurs  conquêtes*  Ils.  refterent  paifî- 
bles  pofTeilèurs  de  Cambrai  &  de  Tournai. ,, 
ainfi  que  du  territoire  de  ces  villes  :.  il  paroît 
mêmxC  qu'ils  pofléderent  quelques  places  dans. 
XArtoi^..  La  mort  de  ClQdiQtL.ik  r.appQrtc.  àt 


C  L  O 

Tan  447  ,  après  un  règne  de  vingt  ans  :  on  ' 
croit  qu'elle  fut  occalionée  par  la  douleur 
que  lui  caufa  celle  de  fou  fils  aine.  Cette 
opinion  attefte  faiènfibilité  &  fait  l'éloge  de 
fon  cœur.  L'hiftoire  varie  fur  le  nom  &  fur 
le  nombre  de  fes  enfans  :  les  uns  prétendent 
qu'il  en  eut  deux  qu'ils  nomment  Claudebaut 
éi.  Clodomir  ;  d'autres  lui  en  donnent  trois  , 
Renaut ,  Auberon ,  &  Keynacaire  ;  c'eil  de 
cet  Auberon  que  l'on  fait  defcendre  Pépin  , 
premier  roi  de  la  icconde  race.  On  ne  (au- 
roit  rien  dire  de  pclltif  à  cet  égard  ^  tk  grâce 
à  l'obfcurité  des  chroniques  de  ces  temps  , 
on  ne  fait  fi  Mérouce  qui  fut  ion  fuccefieur, 
ctoit  fon  fils  :  le  nom  de  fa  femme  eil  ignoré. 
(  M-r.  ) 

CLODONES  ,  f.  m.  pi.  {MytA.  )  nom 
que  l'on  donnoit  aux  femmes  du  pays  de 
Macédoine  ,  qui  fe  plaifoient  ^efque  tou- 
tes à  célébrer  les  orgies  &  fêtes  niftiîuécs  à 
l'honneur  de  Bacchus  :  c'étoient  des  e/peces 
de  bacchantes. 

:  CLOFIE  ,  f.  m.  (  Ornnk.  )  oifeau  d'Afri- 
que ,  noir  Se  gros  comme  l'étourneau  :  fon 
chant  eft  de  mauvais  augure  parmi  les  Nè- 
gres f,  quand  ils  menacent  qnclqu'iui  d'iuie 
mort  funefte ,  ils  difcnt  que  le  ciojie  a  chanté 
fiir  lui.  J^oy.  le  àicl.  de  Trév^  &  les  voyageurs^ 
d'où  cette  mauvaifè  defcripîion  eft  tirée. 
:  CLOCHER,  {Géog.  niod.)  ville  d'Ir- 
lande dans  la  province  d'Ulfter  ,  au  comté 
de  Tyrone. 

CLOIS  ,  { Gcog.  mod.  )  petite  ville  de 
France  dans  le  Dunois. 

CLOISON  ,  f.  f.  terme  d^Atxkueâure , 
ouvrage  de  charpente  j  du  latin  craticii pa- 
rietes  ^  félon  Vitruve  ,  ou*  de  crates  ^  \xm 
claie  ^  parce  que  les  poteaux  debout  des 
■  cloifons  5  leur  fommier  &  leur  travcrfe ,  imi- 
tent les  menues  perches  dont  \qs  premiers 
hommes  fe  fervircnt  pour  clorrc  leurs  caba- 
nes. Lxes  poteaux  de  ces  claifons  font  eii)acé3 
de  dix  ou  douze  pouces  :  ces  efpaces  font 
remplis  de  plâtre  feulement  quand  ou  veut 
.lailfer  les  bois  apparens ,  &  hourdis  des 
deux  cô  tés  iorfqu'on  veut  les  recouvrir  j  alors 
ces  cloifons  font  appeliécs />/^/Vî^5.  L'on  ap- 
pelle cloifons  creufes ,  celles  qui  font  ièule- 
•ment  hourdies  des  deux  côtés* 

On  nomme  cloifon  de  menai ferie  ,  celre.de 

planches  alfemblces  à  rainures  &  languettes 

.  pQj^es  à  coiiUiTcs  j  pi.  entre  ccnues  pur  des 


C  L  Ô  2^3 

entretcifes ,  à  l'ufage  des  retranchemens  que 
l'on  veut  pratiquer  dans  de  grandes  pièces. 

On  appelle  cloifon  de  maçonnerie  ,  tout  le 
mur  de  refend  qui  ne  monte  pas  de  fond  ,  & 
qui  n'a  pas  l'épailleur  requife  fuivant  l'art  , 
n'étant  pour  l'ordinaire  confiruit  que  de  bri- 
f{ues,  déplâtras,  ou  de  moilons  non  gif- 
ians',  liaifonués  néanmoins  avec  du  plâtre 
ou  du  mortier.  {P) 

Cloison,  (Fontainier.)  on  nommé  ainfi 
des  féparatious  de  cuivre,  de  plomb  ,  ou  de 
fer-blanc  ,  qu'on  place  dans  les  cuvettes  des 
fontaines  &  des  jauges.  On  en  difringue  de 
àQ.iiK  fortes  :  celle  de  calme ,  appellée  lan- 
guette 5  eft  placée  près  de  l'endroit  où  tombe 
i'eau  j  fans  interrompre  fa  com.muuication 
dans  toute  la  cuvette ,  elle  ne  fait  qu'en  rom- 
pre le  fiot,  qui  dérangeroit  le  niveau  de  l'eau 
en  même  temps  qu'il  en  auginenteroit  la 
dépenlè  :  l'autre  cloifon  eft  celle  du  bord 
où  s'attachent  \qs  baffineîs  pour  la  diftribu- 
tion  de  l'eau.  Voye^  Bassinets.  (iv) 

Cloisons  ^  ce  font  des  planches  qu'on 
attacJiç  cnfèmble  dans  une  écurie ,  depuis  les 
poteaiix  jufqu'au  râtelier ,  &  qui  en  bouchent 
tout  l'intervalle ,  afin  que  les  chevaux  ne 
puifTent  point  fe  battre ,  &  qu'ils  loient  plus 
tranquilles  en  leurs  place?.  Lorfqu'on  met 
des  claifons  dans  une  écurie  ,  il  faut  que  les 
poteaux  foient  plus  éloignés  les  ims  des  au- 
tres que  quand  il  n'y  a  que  des  barres ,  afin 
qu'ils  aient  affez  d'efpace  pour  fè  coucher. 
Voyei  Barre  ,  {Man.)  Poteau  ,  &c.  (F.) 

Cloison  ,  (  Marine^  )  c'eft  mi  rang  de 
poteaux  efpacés  environ  à  quinze  ou  dix-huit 
pouces  ,  &  qui  étant  remplis  de  panneaux 
ou  couverts  de  planches ,  forment  &  fcpa- 
reut  les  chambres  dans  les  navires.  Voyeila 
pi.  IF  ^  Marine  j  fig,  i  ,  la  grande  cloifon 
des  foutes  cotée  53  ,  &  les  mcnraas  de  ccîto. 
cloifon  cotés  54.,  la  cloifon  de  la  fainte- 
barbe  cotée    108.  (Z) 

Clois,on  ,  {Sirrur.)  c'eft  dansnne  ferrure 
ce  qui  entoure  le  palatre  &  forme  la  iîirface 
extérieure  des  côtés  dq|^  forrure.  La  cloifon 
eft  arrêtée  fur  le  palatre  par  des  étochios. 

Cloison,  en  Anatomie  ,  nom  de  diffé- 
rentes parties  qui  font  roffice  de  iniix  mi. 
toyen  entre  deux  autres.. 

La  faux  &  îct  preifoir  d'Hérophile  îienueiît 
lieu  d'une  cloifon  ,  dont  la  première  feparc 
les  deux  irémiiplicres  du  cerveau  ^   Se  ia 


3L94  C  L  O 

{ecoiide  le  cerveau  du  cervelet,  ^oyei  Faux 
&  Pressoir. 

La  cloifon  traiifparente  eft  fituée  direâie- 
mciit  fous  la  couture  du  corps  calleux  dont 
elle  eft  la  continuation  ,  &  comme  une  ef- 
pece  de  duplicature.  On  l'appelle  aufll  fep- 
tum  lucidum. 

Les  deux  finus  fphenoïdaux  &  les  deux 
finus  frontaux  font  féparés  chacun  par  une 
cloifon  oifeufe  ;,  les  foffes  nafales  font  fépa- 
rées  par  une  cloifon  formée  par  l'os  vomer , 
la  lame  verticale  de  l'os  ethmo'ide  ,  &  un 
cartilage. 

Les  deux  ventricules  du  cœur  font  diftin- 
gués  par  une  cloifon  charnue. 

Le  diaphragme  fait  l'office  d'une  cloifon 
qui  fépare  la  poitrine  du  bas-ventre. 

Ledarthos  forme  une  cloifon  quidiftiugue 
les  deux  tefticules  l'un  de  l'autre.  V.  Cœur  , 
Diaphragme,  ùc.{L) 

Cloison  du  palais  ,  (  Anatom,  )  en  latin 
vélum  palati.  La  cloifon  du  palais  ,  dont  la 
luette  eft  regardée  comme  une  partie  ,  pour- 
roit  également  être  appellée  la  cloifon  du  nei, 
du  gofer. 

Elle  eft  terminée  en  en-bas  par  un  bord 
libre  &:  flottant  qui  repréfente  une  arcade 
particulière  fituée  tranfverfalement  au  deffus 
de  la  bafe  ou  de  la  racine  de  la  langue.  Le 
fommet  de  cette  arcade  porte  un  petit  corps 
glanduleux  ,  mollaffe  ,  irrégulièrement  co- 
nique ,  que  nous  appelions  la  luette,  f^oyei 
Luette. 

On  trouve  dans  tous  les  livres  d'anatomie 
la  dcfcription  de  la  cloifon  ou  du  voile  du 
palais  ;,  mais  comme  la  meilleure  eft  à  mon 
fens  celle  qu'en  a  donnée  M.  Littre  ,  dans 
les  mémoires  de  facadémie  des  Sciences  ,  ann. 
1718  ,  page  300,  je  dois  m'en  fervir  ici  par 
préférence. 

C'eft  ,  dit  ce  célèbre  anatomifte  ,  une 
eipece  de  membrane  qui  eft  d'une  confiftance 
inolle  5  de  couleur  blanchâtre  ,  gluante  au 
taô  ,  convexe  par-delfus  &  concave  par- 
deifous  ^  elle  eft  eî#iron  d'une  demi-ligne 
d'cpaiifcur  ,  de  quinze  lignes  d'un  côté  à 
l'autre,  &  d'un  pouce  de  devant  en  arrière  : 
fa  fituation  eft  à  la  partie  poftérieure  de  la 
voûte  du  palais ,  &  elle  eft  plus  antérieure , 
plus  haute  &  plus  élevée  que  celle  de  l'épi- 
glotîe  de  trois  k  quatre  lignes  :  fon  attache 
eli;  par  devant  à  la  partie  poftérieure  des  os 


C  L  O 

du  palais ,  par  les  côtés  aux  parties  latérales 
&  Hiternes  des  mêmes  os  &:  des  apophyfès 
ptérigoïdes  ^  par  fa  partie  poftérieure  ,  elle 
n'eft  attachée  à  rien  ,  excepté  par  les  deux 
côtés ,  étant  lâche  &  comme  pendante  par 
fon  milieu. 

Cette  cloifon  eft  éloignée  de  la  glotte  d'en- 
viron quatre  lignes  ^  cependant  toujours 
prête  à  changer  de  fituation  dans  les  corps 
vivans  ,  lorfque  ces  parties  font  en  aftion  , 
tantôt  s'approchant  ,  &  tantôt  s'éloignant 
les  unes  des  autres  :  elle  forme  par  fa  face 
inférieure  la  partie  poftérieure  de  la  voiite 
du  palais  ,  &  par  fa  face  fiipérieure  la  par- 
tie poftérieure  &  inférieure  du  nez. 

On  remarque  du  côté  de  la  face  inférieure 
de  cette  cloifon  deux  manières  d'arcs  muf- 
culeux ,  l'un  &  l'autre  un  peu  féparés  au 
milieu  de^a  partie  fiipérieure  ,  fitués  tranf- 
verfalemwit  l'un  vers  le  devant  &  l'autre  fur 
le  derrière.  L'aâe  antérieur  eft  un  peu  incliné 
par  en-bas  &  en  devant  f,  il  s'attache  par 
une  de  ks  branches  à  la  partie  poftérieure 
&  inférieure  d'un  des  côtés  de  la  langue  , 
&  par  l'autre  branche  au  même  endroit  de 
l'autre  côté.  L'arc  poftérieur  eft  incliné  par 
en-bas  &  en  arrière  ,  &  il  s'attache  par  une 
branche  à  un  des  côtés  du  pharynx  ,  &  par 
fautre  branche  au  même  endroit  de  l'autre 
côté.  On  obfèrve  entre  fès  deux  arcs  ou  ar- 
cades les  deux  glandes  dites  amygdales ,  qui 
font  placées  l'une  au  côté  droit  ,  l'autre  au 
côté  gauche.  Enfin  la  cloifon  du  palais  eft 
compofée  de  deux  membranes  ,  de  quantité 
de  glandes  ,  &.  de  plufieurs  mufcles  ,  qu'il 
fera  toujours  impofïïble  de  bien  décrire. 

On  appcrçoit  dans  les  corps  vivans  dont 
la  bouche  eft  beaucoup  fendue  ,  &  qui  ont 
la  langue  petite  ,  que  cette  cloifon  fe  porte 
en  en-haut ,  tantôt  en  devant ,  tantôt  même 
en  arrière  ,  &  qu'elle  fè  porte  en  en-bas  , 
tantôt  aufll  en  devant ,  &  tantôt  aufli  en 
arrière  ;,  d'où  l'on  peut  conclure  qu'elle  peut 
fermer  tantôt  le  paflàge  du  gofier  à  la  bou  - 
che  ,    &  quelquefois  aulfi  couvrir  la  glotte. 

Mais  outre  que  la  cloifon  du  palais  fait  1^ 
fonction  de  valvule  aux  narines  &  au  gofier  , 
en  empêchant  de  revenir  par  les  narines  ce 
qu'on  avale,  principalement  la  boiflbn,  elle 
a  d'autres  uiàges  que  M.  Littre  a  palfés  fous 
filence,&qui  ne  méritoient  de  n'être  pas  omis. 
D'abord  elle  fort  à  conduire  daas  le  pharynx 


C  L  O 

lâ  lymphe  lacrymale  &  la  lymphe  mucila- 
gincufe  qui  s'amalTe  continuellement  ilir  la 
voûte  du  palais  ^  de  plus ,  e'ell  une  macliine 
qui  aide  à  poulTer  en  en- bas  les  matières  de 
la  déglutition ,  qui  fert  aux  modulations  de 
lavoixjfbitque  les  fons  &  lavoixpafTeutpar 
la  bouche  ,  par  les  narines  ^  ou  par  l'un  & 
par  l'autre  :  c'eft  encore  une  machine  qui  , 
avec  l'aide  de  la  luette  ,  préicrve  les  pou- 
mons des  matières  qui  pourroient  entrer  par 
la  glotte  ^  enfin  ,  qui  induit  &  lubrifie  la 
furface  des  alimens  qu'on  eft  fur  le  point 
d'avaler. 

Je  voudrois  bien  auflî  donner  les  ufages 
des  diiîerens  muicles  de  la  cloifon  du  palais^ 
mais  ils  ne  fout  pas  alTez  diftinâement  con- 
nus ,  ni  m.ême  les  diffcrens  mouvemens 
dont  cette  cloifon  eft  capable  :  voilà  comme 
Tanatomie  trouve  fes  limites  dans  les  objets 
qui  fèmblent  tomber  le  plus  fous  les  fens  &: 
l'art  du  fcalpel.  Mais  eft-il  de  partie  dans  le 
corps  humain  dont  la  méchanique  &  le  jeu 
ne  tendent  à  confondre  notre  préfomption 
6c  notre  fcience  imaginaire?  (  M.  h  chevalier 

DE  J AU  COURT.) 

Cloison  d'Angers,  ou  Clouaison, 
{Jurifpr.)  eft  une  impofition  que  les  anciens 
dr.cs  d'Anjou  avoient  oftroyée  aux  maire  & 
échevins  d'Angers,  pour  entretenir  les  forti- 
fications de  leur  ville  &du  château.  Ce  droit 
fut  nommé  cloifon ,  parce  qu'il  étoit  deftiné 
à  la  cloifon  ou  clôture  de  la  ville.  En  1500  , 
il  y  eut  un  règlement  au  fujetde  la  cloifon  àQ 
la  ville  d'Angers  ,  qui  eft  imprimé  à  la  fin  de 
plufieurs  coutumes  d'Anjou  ,  où  l'on  peut 
voir  fur  quelles  marchandifes  onlevoit  cette 
impofition.  V.  auffi  Choppin/Lf/-  tart.  50  de 
la  coutume  d'Anjou  ,  tome  1 ,  page  482, ,  de 
la  troifieme  édition  de  Sonnius.  M.  Pérard  , 
page  ^17,.  {A) 

*  CLOISONNAGE  ,  f.  m.  {Archited.  ) 
a  deux  acceptions  ;,  il  fè  dit  de  tout  ouvrage 
de  meuuiferie  ou  de  charpente  fait  en  entier 
à  la  manière  des  cloifbns  ^  &  dans  un  ou- 
vrage de  menuiferie  &  de  charpente  où.inj 
partie  feulement  eft  faite  en  cloiibn ,  ol  les 
autres  d'une  autre  manière  ;,  il  iè  dit  de  la 
partie  faite  en  cloifon  qu'on  appelle  le  cloi- 
fonnage.  V.  ClOISON. 

CLOITRE  ,  f  m.  terme  dtarchiteâure  ^ 
du  latin  clauflrum  ,  &  du  françois  clos  :  fous 
c-2  nom  ou  comprend  &:  les  galeries  ou  por- 


C  L  O  i^f 

tiques  couverts  dans  un  monaftere  où  Ce  pro  • 
mènent  les  religieux ,  &  l'efpace  découvert 
nommé  préau  que  ces  portiques  entourent 
ou  environnent.  On  appelle  auift  cet  efpace 
jardin  ,  parce  qu'il  eft  ordinairement  garni 
de  verdure  ,  de  gazon  ,  de  plate-bandes  de 
fleurs  ,  <S'c.  comme  on  le  remarque  dans 
toutes  les  communautés  religieuses.  Le 
cloître  àQS  chartreux  à  Rome  ,  du  defiin  de 
Michel  Ange ,  eft  un  des  plus  réguliers  pour 
fon  architecture  ^  &  celui  des  chiU'treux  de 
Paris  eft  le  plus  eftimé  par  les  ouvrages  de 
peinture  du  célèbre  le  Sueur,  peintre  fran- 
çois ,  qui  attirent  l'admiration  de  tous  les 
connoiifeurs  en  cet  art.  (P) 

Cloître  ,  {Hif,  eccléfiaji.)  Dans  un  ièns 
plus  général ,  cloître  fignifie  un  monafiere  de 
perfonnes religieufes  de  l'un  &;  l'autre  iexe ,  ôc 
quelquefois  il  fe  prend  pour  la  vie  monafti- 
que  :  c'eft  en  ce  fens  qu'on  dit  qu'o/2  ne  fait  pa^ 
toujours  fon  falut  dans  le  cloître^  mais  quonle 
fait  plus  dijjicilement  dans  le  monde.  La  plu- 
part des  cloîtres  ont  été  autrefois  non  feule- 
mens  des-  maifons  de  piété  ,  mais  aufii  àe,s 
écoles  où  l'on  enièignoit  les  langues  &  les 
arts  libéraux.  C'eft  pour  cette  raifôn  qu'Of- 
wald  roi  d'Angleterre  ,  comme  nous  l'appre- 
nons de  Bede ,  {hijl.  liv.  III ,  ck.  iij.)  donna 
plufieurs  terres  &  poiTeflions  aux  cloîtres  , 
afin  que  la  jeunclfe  y  fût  bien  élevée.  Les 
cloîtres  de  S.  Denis  en  France ,  de  S.  Galcn 
Suilîs  ,  &:  une  infinité  d'autres  ,  avoient  été 
non  feulement  richement  dotés  à  cette  fin  , 
mais  encore  décorés  de  plufieurs  privilèges, 
&  principalement  du  droit  d'afyle  pour  ceux 
qui  craignoient  la  rigueur  de  la  juftice.  Ils 
fervoient  aulTi  de  prifcns ,  &  principalement 
aux  princes ,  foit  rebelles ,  foit  malhcuieux , 
exclus  ou  dépofés  du  trône.  L'hiftoire  by- 
zantine &  celle  de  France  en  fournilieut  de 
fréquens  exemples.  (G) 

Cloître  ,  {Comm.)  nom  qu'on  donne  au 
comptoir  ou  raagafin  que  quelques  villes 
d'Allemagne  ont  à  Kerg. 

C'étoit  autrefois  le  palais  épifcopal  &  la 
demeure  des  chanoines.  Les  rois  de  Dane- 
marck  donnèrent  ce  vafte  bâtiment  aux  mar- 
chands de  Hambourg,  Lubek,  Brème  &  aii- 
tres  villes  anfëatiques ,  après  en  avoir  chalïë 
i'évêqiie  &  les  chanoines. 

Il  a  conièrvé  le  nom  de  cloître  :  les  ncgo- 
cians  qui  rocc'-îpqr.t  5  ^x:  qui  ne  foiit  con> 


25>^  C  L  O 

merce  que  du  poifTon  (èc  ou  falé  ,  portent 
celui  de  moines.  Ils  ne  fbuffrent  point  d'hom- 
mes mariés  parmi  eux  \,  ceux  qui  veulent 
prendre  femme  font  obligés  de  fortir  du 
cloître  :  ils  peuvent  cependant  trafiquer  & 
entretenir  corrcfpondanceavec  leurs  anciens 
confrères.  Voye^  Us  diclionn.  du  Comm.  &  de 
Trév.  (G) 

Cloître  ,  (Jardin.)  fè  dit  dans  unbof- 
quet ,  d'une  falle  verte ,  quarrée  ,  à  doirbles 
paliffades  ,  autour  de  laquelle  on  tourne 
comme  on  fait  dans  les  cloîtres  des  couvens. 
[K) 

GLONEFORT ,  (Géo^.  mod.)  petite  ville 
d'Irlande  au  comté  de  Galloway  ,  dans  la 
province  de  Connaug^ht. 

CLONISSE ,  f.  f.  (H//?,  nat.  Conchjliolog.) 
efpece  de  came  ,  ainfi  nommée  à  Mar/èille  : 
arfella  à  Gènes  \  armilla  en  Eipagne  \peloris 
&  ckametrachea  chez  \ts  Grecs  :  chama  afpera 
chez  les  Latins ,  félon  Belon  ,  qui  en  a  fait 
graver  une  figure  aiîèz  médiocre ,  dans  fbn 
ouvrage  de  aquatilihus  ,  imprimé  en  1553. 
En  1554  Rondelet  l'a  fait  graver  ,  tejîaceo- 
rum  5  page  i6  ,  fous  le  nom  de  conchula  ru- 
gata  ou  coquille  ridée  \  &  Rumphe  ,  en 
1705  .  dans  fon  Mufœum  ,  page  160,  plan- 
che XLVllî  ,  jig.  5 ,  fous  le  nom  de  chama 
'wyfs-fchulp  dicla.  Klein  .dans  fon  Tejïament, 
■imprimé  en  1753  ,  page  146, /pec.  2,  lin 
donne  diiTéreiiics  délignations  ,  Ibusle  nom 
de  cricomphalos  Lujiranica  alho  cortice  teéla^ 
quamfubminius  ciireus  purpureus  &  palecris 
color  dijlinguunt ^bonanni  ;  il  l'appelle  encore 
tjuadrans plicata  ^  page  155  >  efpecc  5.  J'en 
ai  fait  graver  trois  figures  avec  l'animal , 
dans  m.on  Hijloire  naturelle  du  Sénégal ^\n\- 
bliée  en  1757  ,  page  116  ,  planche  Xf^I , 
figure  I.  Les  V^énitiens  l'appellent  èiverone, 
piverone  ou  piperone  ;,  les  habitans  de  Ritni- 
iii ,  Ravenne  ■&  Ancone  ,  autrefois /or^ra- 
jos ^  félon  Belon",  &  aujourd'hui /j^vérjc- 
cia ,  ièlon  M.  Plancus  j  &  les  naturels  du 
Sénégal  bouckch. 

Cor/ t.'/7/f.La  coquille  delac/oTz/^eftépaiffc, 
prefque  ronde ,  large  d'environ  deux  pouces , 
&  un  peu  moins  longue  |,  elle  eft  convexe  , 
fort  renflée ,  &  d'une  profondeur  prefqu'une 
fois  moindre  que  fa  longueur  :  fa  furface  eft 
relevée  d'une  quarantaine  de  cannelurestranl 
verfales ,  demi-circulaires  &  ridées ,  qui  s'ef- 
facent &  dirparoilTent  à  médire  qu'elles  ap- 


C  L  O 

prochentdu  fommet  \  là  elles  femblent  quel- 
quefois traverfées  par  d'autres  cannelures 
longitudinales  pre(que  infenfibles. 

Les  deux  battans  font  exactement  fem- 
blables ,  aiTez  tranchans ,  mais  épais  fur  leurs 
bords  ,  qui  font  marqués  intérieurement 
d'une  centaine  de  dents  infiniment  petites. 

Ils  portent  chacun ,  un  peu  au  deflbus  du 
milieu  de  leur  largeur ,  un  fommet  peu  éle- 
vé ,  tourné  en  bas  en  volute  ,  &  qui  touche 
prefque  fon  voifin  par  les  côtés  \  au  defluus 
de  ce  fommet  ou  voit  une  petite  cavité  ap- 
platie  en  forme  de  cœur  ,  ronde  dans  les 
coquilles  plus  renflées ,  une  fois  plus  longue 
que  large  dans  celles  qui  font  plus  applaties, 
&  toujours  couverte  de  rides. 

Le  ligament  qui  joint  les  battans ,  fort  en- 
tièrement au  dehors  où  il  paroît  convexe  j  il 
eft  deux  fois  plus  court  que  la  largeur  de  la 
coquille ,  &  placé  au-defliis  du  fommet  au- 
quel il  vient  fe  terminer^  il  fembîe  qu'il 
quitte  plus  facilement  le  battant  droit  que  le 
gauche  :  ces  deux  battans  font  applatis  & 
comme  creufés  obliquement  autour  de  lui. 

Deux  grofTes  dents  à-peu-près  triangulai- 
res ,  obtules  &  fort  proches  l'une  de  l'autre , 
forment  la  charnière  du  battant  droit  \  elles 
ont  deux  cavités  fur  les  côtés  j  &  une  troi- 
fieme  entr'elles ,  qui  reçoivent  les  trois  dents 
du  battant  gauche. 

Sur  la  fin  face  interne  de  chaque  battant  , 
on  voit  vers  fes  extrémités  les  attaches  de 
daix  gros  mufcles  ronds ,  dont  le  fupérieur 
eft  fort  peu  plus  grand  que  l'inférieur  \  un 
trait  demi-circulaire  ,  tracé  vers  le  miilieu  , 
marque  le  lieu  où  les  lobes  du  manteau 
étoient  attachés  aux  mêmes  battans. 

Le  périoftc  ,  s'il  y  en  a  un  fiir  la  face,  ex- 
térieure ,  n'eft  pas  fènfibîe. 

Cette  coquille  eft  quelquefois  blanche  au 
dehors  comme  au  dedans  ,  mais  pour  l'or- 
dinaire fa  furface  extérieure  eft  de  couleur  de 
chair  ou  jaunâtre  ,  quelquefois  coupée  dans 
fa  longueur  par  trois  bandes  fauves ,  ou  cou- 
verte de  petites  marbrures  très-fines  ,  en 
zigzags  bruns  ou  fiîuves  ,  ou  grins-de-lin. 

Variétés.  Les  variétés  qu'on  obferve  dans 
cetie  coquille.  {Jowt  fi  nombreufes  &ficon- 
ndérables^  que  je  n'aurois  ofé  entreprendre 
de  les  fixer ,  fi  je  n'en  euftè  obfèrvéplufieurs 
fois  les  animaux  qui  le  font  trouvés  parfaite- 
ment fèniblables  dans  toutes.  Ces  variétés 

confiftent. 


C  L  O 

confîi1:ent  ,  non  feulement  dans  fà  forme  , 
mais  encore  dans  le  nombre  de  fès  canne- 
lures ,  les  unes  approchent  de  la  figure  ronde, 
&  d'autres  de  la  forme  triangulaire.  Dans 
Iqs  premières ,  le  fommet  s'applatit ,  &  il 
devient  pointu  dans  les  dernières  ^  il  y  en  a 
de  plus  renflées  &  de  moins  renflées.  Leur 
profondeur  furpalfe  quelquefois  la  moitié  de 
leur  longueur  ,  mais  elle  n'eft  jamais  moin- 
dre ^  leur  fommet  eft  toujours  placé  au  dei- 
ibus  du  milieu  de  leur  largeur. 

A  l'égard  des  cannelures  ,  les  jeunes  co- 
quilles les  ont  ordinairement  liflés ,  &  beau- 
coup moins  nombreufes  que  les  vieilles  ^  il 
s'en  trouve  même  dans  leiquelles  on  n'en 
compte  que  fèpt  ou  huit  au  lieu  de  quarante. 
Dans  quelques-unes ,  ces  cannelures  fe  ter- 
minent par  une  petite  pointe  autour  de  la 
cavité  qui  paroît  auprès  du  ligament ,  comme 
dans  la  came  que  d'Argenville  a  fait  graver 
à  la  lettre  B  de  la  j}/anc/!e  XX ir  de  fa  Con- 
chyliologie  ^  &  que  je  n'ai  pas  citée  à  cauie 
cie  l'étrange  courbure  que  prend  cette  co- 
quille ,  qui  d'ailleurs  ne  diffère  pas  fenfible- 
ment  de  la  nôtre.  La  comparaifon  que  j'ai 
Ihite  dupaveraccia  de  Rimini ,  envoyé  par 
M.  JanusPlancus ,  m'a  confirmé  dans  le  foup- 
çon  où  j'étois  que  la  clonijfe  de  Belon  &  de 
Rondelet  pourroit  bien  être  la  came  obfer- 
vée  au  Sénégal  ,  &  elle  ne  m'a  pas  per- 
mis de  trouver  aucune  différence  notable  en- 
tre ces  deux  coquilles.  La  clonijfe  deRimini, 
e(l  de  celles  que  j'ai  ditapprocher  de  la  forme 
triangulaire  ,  qui  font  moins  renflées  ,  dont 
les  cannelures  font  liffes ,  au  nombre  de  qua- 
rante ou  environ ,  &  à  fond  blanc  ,  marbré 
de  zigzags  bruns  ou  gris-de-lin. 

Animal.  La  coquille  de  la  came  n'eft  pas 
toujours  ouverte  ou  béante  ,  comme  fèmble 
l'exprimer  fon  nom  '■,  l'animal  qui  l'habite 
l'ouvre  &  la  ferme  à  fon  gré ,-  comme  font 
toutes  les  autres  bivalves  ,  dont  les  battans 
ferment  exa<âement  ^  lorfqu'elle  eft  entr'ou- 
verte,  on  apperçoit  fon  manteau  ,  comme 
une  membrane  fort  mince  divifée  dans  toute 
fa  longueur  en  deux  lobes  égaux  ,  qui  recou- 
vrent chacun  les  parois  intérieures  de  chaque 
battant  ^  leurs  bords  font  légèrement  ondes 
eu  crénelés  ,  &  s'étendent  fur  ceux  de  la 
coquille  fans  fbrtir  au  dehors. 

De  l'extrémité  fupérieure  du  manteau  for- 
tent  deux  trachées  en  forme  de  tuyaux  char- 
Tome  FUI. 


C  L  O  197 

nus  cylindriques ,  dont  la  Ion;!;:ueur  égale  la 
fixieme  partie  de  celle  de  la  coquille.  Ces 
tuyaux  font  aufti  élc4gnés  du  fomn-îct  de  la 
coquille  que  du  milieu  de  fa  circonférence  , 
&  joints  enfemble  prefque  jufqu'au  milieu 
de  leur  longueur  ,  par  une  mem.brane  fri- 
fée,en  forme  de  crête ^  ils  font  quelquefois, 
inégaux  &  quelquefois  d'égale  grandeur , 
félon  qu'il  plaît  à  fanimal  d'allonger  ou  de 
groftlr  davantage  l'un  ou  l'autre.  Cependant, 
j'ai  remarqué  qv;e  dans  les  adultes ,  le  tuyau 
poftérieur  ell  le  plus  grand  :  fa  longueur  fur- 
palfe de  moitié  la  largeur,  &  d'un  tiers  fau- 
tre  tuyau  -,  il  eft  couronné  à  Ion  extrémité 
par  une  mem.brane  fort  mince  &  tranfpa- 
rente,  de  l'origine  de  laquelle  fcrtent  envi-, 
ron  quarante  petits  filets  cylindriques  tron- 
qués à  leur  extrémité  \  ces  filets  font  une 
fois  plus  longs  que  la  membrane,  &  diipofés 
fur  un  feul  rang  qui  règne  tout  autour  d'elle 
en  dehors. 

Le  tuyau  antérieur  n'a  pas  plus  de  lon- 
gueur que  de  largeur  ^  fon  extrémité  ne  porte 
point  de  membrane  ,  elle  eft  feulement  cou- 
ronnée d'environ  foixante  filets  femblables  , 
dont  trente  font  alternes  plus  courts  ^  tous 
ces  filets ,  tant  dans  l'un  que  dans  l'autre 
tuyau  ,  font  mobiles  &  jouent  félon  la  vo- 
lonté de  l'animal ,  fans  doute  pour  détermi- 
ner certains  corps  à  envelopper  leur  canal 
avec  feau  qu'ils  y  font  entrer  ^  le  tuyau  pof- 
térieur rend  les  excrémens  arec  l'eau  que  le 
tuyau  antérieur  a  pompée. 

Le  pié  de  l'animal  prend  autant  de  formes 
différentes  qu'il  plaît  à  l'animial  ^  mais  lorf- 
qu'il  fe  tient  tranquille ,  il  paroît  ordinaire- 
ment fous  la  forme  d'un  croiffant,  dont  la 
largeur  eft  prefque  égale  à  celle  de  la  co- 
quille ^  fanimal  s'en  fert ,  non  pour  marcher 
en  rampant ,  mais  pour  pouffer  en  avant  foa 
corps  avec  fa  coquille. 

La  couleur  du  corps  de  la  doniffe  eft  blan- 
châtre ^  la  frange  de  fes  tuyaux ,  &  fefpece 
de  crête  qui  les  unit  enfemble ,  font  rou- 
geâtres.  • 

Mœurs.  Ce  coquillage  eft  fort  commun 
fur  toute  la  côte  du  Cap-Vcrd  ,  il  fè  tient 
enfoncé  verticalement  dans  les  fables ,  les 
deux  tuyaux  reftant  toujours  au  defîlis  pour 
communiquer  avec  l'eau, 

Ufages.  Les  Nègres  en  mangent  la  chair 
cuite  fiir  les  charbons  qu  fous  les  cendres  ; 


298  C  L  O 

elle  efc  for  t  bonne ,  très-délicate  &  très-faine. 

Remarques.  La  came  eft ,  comme  l'on 
fait ,  un  genre  de  coquillage  qui  fè  range 
naturellement  dans  la  famille  des  bivalves 
où  nous  l'avons  placée.  Voye[  notre  Hif- 
toire  naturelle  du  Sénégal ,  page  2, 1 6.  (  M. 
Adanson.  ) 

CLONMELL,  (  Géog.  mod,  )  ville  forte 
d'Irlande ,  capitale  du  comté  de  Tipperary. 
Long.  9  ,   58  ^  lat.  52  ,  28. 

CLOPEUR  ,  f.  m.  (Raffinerie  defucre.) 
eft  une  efpece  de  petit  battoir  quarré  avec 
r.nc  poignée ,  le  tout  faifant  neuf  à  dix  pou- 
ces de  long  :  il  ièrt  à  frapper  iiir  le  cacheur  , 
iorfque  le  cercle  ne  coule  pas  affez  aifément 
à  l'endroit  où  l'on  veut  qu'il  foit  arrêté. 

CLOPPENBOURG,  (  Géog.  mod.  )  pe- 
tite ville  d'Allemagne  au  cercle  de  Weftpha- 
lie  ,  dans  l'évêché  de  Munfter. 

CLOPORTE  ,  f.  m.  {HiJI.  nau  Infeclol.) 
afellus  ,  cutio  ,  porcellio  ;  infeâe  de  couleur 
grifc  approchante  de  celle  de  l'âne  ,  c'eft 
pourquoi  les  Grecs  lui  ont  donné  le  nom 
d'o/205.  Les  plus  grands  cloportes  ont  à  peine 
wn  travers  de  doigt  de  longueur ,  &  un  de- 
mi-doigt de  largeur.  Ceux  que  l'on  trouve 
dans  les  fumiers  &  dans  la  terre  ,  font  de 
couleur  livide ,  noirâtre  ^  mais  ceux  qui  font 
dans  les  lieux  humides  &  fous  différens 
abris ,  comme  l'écorce  des  arbres  ,  les  pier- 
res 5  &c.  ont  une  couleur  grife.  Les  cloportes 
ont  quatorze  pattes  ,  fopt  de  chaque  côté  ^ 
il  n'y  a  dans  chacune  qu'une  feule  articula- 
tion ,  &  on  a  peine  à  l'appercevoir.  Ces  in- 
ièéies  ont  deux  antennes  courtes  ^  dès  qu'on 
les  touche  ils  fe  replient  en  forme  de  globe  j 
on  les  a  comparés  dans  cet  état  à  une  fève  : 
les  côtés  du  corps  font  dentelés  comme  une 
fcie.  MoufFet.  théat.  infect.  V.  Insecte.  (/) 

Cloporte  ,  (  Mat.  méd.  )  \qs  cloportes 
font  très -recommandés  dans  la  cachexie, 
l-'faych-opifie  ,  les  embarras  lymphatiques  du 
poumon ,  les  obftruôions  à.QS  glandes  ,  le 
calcul  &  la  goutte. 

Junker  qui  rapporte  ces  vertus ,  ajoute  que 
nous  manquons  encore  de  preuves  aflèz  au- 
thentiques pour  que  nous  puifïlons  nous  y 
fier  abfolument  :  &  comme  d'ailleurs  ces  in- 
ièâres  portent  beaucoup  vers  les  voies  uri- 
naires  qu'elles  irritent  aflèz  vivement ,  cet 
auteur  confeille  d'être  fort  circonfped  dans 
leur  adininiftratioii. 


CL  O 

On  peut  s'en  fervir  pourtant  utilement 
comme  d'un  diurétique  affez  efficace ,  pourvu 
qu'on  ne  perde  pas  de  vue  la  fage  précau- 
tion de  ménager  les  voies  urinaires  ,  Se 
principalement  Iorfque  ce  ménagement  eft 
plus  particulièrement  indiqué  par  quelque 
vice  de  ces  organes. 

Des  praticiens  célèbres  ont  confeille  d'en 
ufer  long-temps  &  en  petite  dofe ,  pour  dé- 
truire les  cataraftes  commençantes  ,  & 
même  en  général  pour  toutes  les  maladies 
des  yeux. 

On  donne  les  cloportes ,  ou  écrafés  vivans 
dans  du  vin  ,  à  la  dofe  de  dix  ou  douze  ^  ou 
féchés  &  mis  en  poudre  dans  un  véhicule 
approprié  ,  à  la  dofe  d'un  demi-fcrupule  jus- 
qu'à un  fcrupule. 

Les  cloportes  en  poudre  font  un  des  ingré- 
diens  des  pilules  balfamiques  de  Morton.  (b) 

CLOQUE ,  f.  f.  en  terme  de  blanchifferie 
de  cire  ,  fe  dit  d'un  ruban  de  cire  qui  fe  noue , 
pour  ainfi  dire  ,  &  qui  fe  forme  en  bouton 
quand  le  cylindre  n'eft  pas  chargé  d'eau  éga- 
lement par-tout.  Voye[  CYLINDRE  j  voye:^ 
Blanchissage  des  cires. 

CLORRE  ,  v.  aft.  eft  fynonyme  2i  fermer. 

Clorre  ,  (  Jurifpr.  )  il  y  a  différentes  rè- 
gles à  obferver  par  rapport  au  droit  ou  à 
l'obligation  dans  lefquels  chacun  peut  être 
de  clorre  fon  héritage. 

Il  eft  libre  en  général  à  chacun  de  clorre 
fon  héritage  ,  foit  de  haies  ,  foffés  ou  mu- 
railles ,  fi  ce  n'eft  dans  quelques  coutumes 
qui  exigent  pour  ce  une  permiftion  du  fei- 
gneur ,  comme  celle  d'Amiens ,  art.  197.  Il 
faut  auffi  excepter  les  héritages  enclavés  dans 
les  capitaineries  royales  ,  que  l'on  ne  peut 
enclorre  de  murailles  làns  une  permiiîîoii 
particulière  du  roi.  Ordonn.  des  chajfes  ,  c/i. 
xxiv ,   art.  24. 

Suivant  les  réglemens  de  police  ,  on  eft 
obligé  de  fe  clorre  dans  les  villes  julqu'à 
neuf  pies  de  hauteur;,  mais  cela  ne  s'obferve 
point  dans  les  bourgs  &  villages,  ni  daiis  \iis^ 
campagnes ,  non  pas  même  pour  des  prés 
communs. 

On  eft  feuleinent  obligé  dans  \^%  campa- 
gnes ftc  par-tout  ailleurs ,  de  contribuer  à 
l'entretien ,  réparation  &  reconftruâion  des 
murs  mitoyens.  Voy.  MuR  MITOYEN. 

Clorre  un  compte ,  c  eft  le  fixer  ,  l'arrêter. 
Cli^rt  un  inventaire  ,  c'eft  déclarer  que  l'o» 


CLO 

ji*a  plus  rien  à  y  ajouter  ,  &  faire  mention 
de  cette  déclaration  à  la  fin  de  l'inventaire. 
Voy.  ci-aprèsCOMPTE  ,  COMMUNAUTÉ  DE 

BIENS,  è Inventaire.  {A) 

CloRRE  ,  en  terme  de  Vannier^  c'eft  paf- 
fer  l'ofier  entre  les  pés  ,  &  emplir  ainfi  tout 
l'efpace  qu'il  y  a  depuis  le  fond  jufqu'au 
bord  d'une  pièce  de  vanuiere. 

CLOS  ,  (  Agric.  )  e/pace  enfermé  d'une 
clôture  ,  &  cultivé  j  terrain  que  le  proprié- 
taire eft  en  droit  de  tenir  fermé  ,  fans  qu'il 
foit  permis  à  d'autres  d'y  envoyer,  en  aucun 
temps  ,  pâturer  leurs  beftiaux.  Ce  terme 
s'einploie  fur-tout  par  oppofition  aux  terres 
afTujetties  au  parcours ,  &  que  le  propriétaire 
eft  obligé  de  laifTer  ouvertes  au  bétail  de  la 
communauté  ,  après  la  première  récolte  fi 
ce  font  des  prés  ,  &  fi  ce  font  des  champs , 
pendant  qu'ils  font  en  jachère.  V,  CoMMU- 
>;es.  Jachères  ,  Parcours. 

Dans  les  pays  où  \qs  terres  font  aflTujetties 
au  parcours ,  on  fè  délivre  de  cette  forvitude 
&  on  obtient  le  droit  de  clôture  ,  en  payant 
à  la  communauté  une  portion  de  la  valeur 
du  fonds  ,  quelquefois  le  fixieme  denier. 
Dans  le  canton  de  Berne ,  fuivant  les  derniè- 
res ordonnances ,  on  paie  le  vingtième  de- 
nier. Il  eft  fiirprenant  que  cette  fervitude  iè 
foitconfèrvée  fi  long- temps ,  parmi  des  peu- 
ples qui  jouiflènt  d'ailleurs  de  la  plus  grande 
liberté  j  cependant  l'on  n'eft  véritablement 
libre  ,  par  rapport  à  fos  fonds  ,  que  lorf- 
qu'on  a  fur  eux  une  propriété  entière  Se 
exclufive. 

Les  avantages  de  la  clôture  des  prés  font 
fenfibles.  i''.  On  ne  peut  arrofer  ,  dans  les 
temps  convenables ,  \qs  prés  fur  lefquels  on 
n'a  pas  ce  droit.  2°.  On  ne  peut  y  établir 
des  prairies  artificielles.  3°.  On  ne  peut  les 
ouvrir  lorfque  la  néceflîté  i'exigeroit.  4°.  On 
n'y  fait  pas  les  améliorations  dont  ils  font 
fiifceptibles ,  lorsqu'on  n'en  doit  pas  tirer 
tout  le  profit.  5°.  Si  on  avoit  feul  le  droit  de 
pâtnre,  on  n'y  mettroitle  bétail  qu'en  temps 
fec  &  lorfqu'il  ne  faudroit  pas  l'arrofer  ,  & 
on  n'y  enverroit  que  peu  de  bêtes  à  la  fois. 
<5^.  On  ne  fauroit ,  fans  clôture ,  planter  les 
arbres  qui  conviendroient  au  terrain. 

La  clôrure  des  champs  ne  foroit  pas  moins 
favorable  à  l'agriculture.  1°.  La  terre  ameu- 
blie par  les  premiers  labours  n'eft  plus  expo- 
fée  à  être  pétrie  ,  foulée  &  durcie  par  ks 


CLO  299 

noinbreux  troupeaux  dent  on  la  charge , 
quelque  temps  qu'il  faflè.  2°.  On  pouiroit 
tirer  parti  des  champs  l'année  de  repos  ,  en 
y  femant  certains  grains ,  des  légumes ,  &c. 
3^.  On  les  amélioreroit  par  la  culture  alter- 
native. 4°.  On  laboureroit  de  la  façon  la 
plus  convenable  à  la  nature  du  terrain  ,  & 
l'on  ne  foroit  plus  forcé  de  s'aflujettir  à  l'u- 
fage  ,  fou  vent  très-déraifonnable.  5**.  Dans 
\qs  pays  où  l'on  manque  de  foin  &  où  l'on  a 
befoin  de  fumier ,  on  établiroit  des  herbages 
artificiels  ou  des  prés  naturels ,  fuivant  la  na- 
ture du  terrain. 

La  clôture  des  bois ,  for  -  tout  pendant 
qu'ils  font  jeunes ,  eft  aufiî  d'une  abfolue  né- 
cefiité  :  dès  qu'on  a  fait  un  taillis ,  ou  que 
la  forêt  eft  coupée  à  net ,  on  ne  doit  y  per- 
mettre l'entrée  au  bétail  ,  que  lorique  les 
jeunes  plantes  font  aflez  hautes  ,  pour  que 
les  bêtes  ne  puiflent  atteindre  &  brouter  les 
jeunes  crues  ou  plier  les  arbres.  Si  la  coupe 
fe  fait  en  jardinant ,  &  qu'on  fc  propofe  de 
laifl'er  le  terrain  en  bois  ,  il  faut  en  exclure 
le  bétail  qui  brouteroit  infailliblement  les 
jeunes  plantes.  D'ailleurs  la  clôture  des  bois 
eft  le  feul  moyen  d'en  prévenir  les  dépréda- 
tions ,  &  d'établir  des  bois  par  la  transplan- 
tation. 

Enfin  les  montagnes ,  que  Ton  fait  pâtu- 
rer, &  où  l'on  ne  feme  point ,  devroient  être 
fermées ,  fans  cela  la  propriété  eft  incom- 
plète, &  le  terrain  foulé  &  ravagé  ne  peut 
entretenir  qu'une  moindre  quantité  de  bef- 
tiaux. Les  bois  n'y  fauroient  croître  ,  &  le 
produit ,  à  tous  égards  ,  en  eft  diminué. 

Il  réfulte  donc  que  les  terres  qui  ne  font 
point  ferinces,produifent  moins  ,  ce  qui  fait 
une  diminution  réelle  &  fort  confidérrMe 
de  la  richeffe  nationale.  La  valeur  des  fomls 
eft  par  conféquent  diminuée  aufiî  pour  le 
propriétaire.  Le  fouverain  ,  le  feigneur ,  ou 
tous  ceux  qui  tirent  les  dîmes,  les  cenfès, 
ou  le  prix  des  lods  &  ventes ,  perdent  par  la 
diminution  de  la  valeur  du  fonds  ou  celle 
de  fon  produit.  Dans  les  pays  où  il  y  a  des 
taxes  for  les  terres ,  elles  doivent  être  moin- 
dres ,  ou  le  cultivateur  eft  forchargé  ,  &  ne 
peut  plus  faire  les  avances  néceilaires  pour 
la  meilleure  culture.  En  un  mot  ,  il  n'eft 
perfonne  qui  ne  perde  ,  &  aucun  ne  ga- 
gne par  cette  défenfe  de  clômre.  La  per- 
iniflîon  achetée  pour  certains  terrains  ,  de 
Ppz 


300  C  L  O 

le  fermer ,  multiplie  trop  les  haies  &'  les 
clôtures ,  au  lieu  qu'une  pennijfTion  ou  un 
ordre  général  les  rendroit  moins  nécei- 
làires.  II  ièroit  donc  de  l'intérêt  général  du 
fbuverain  &  des  propriétaires ,  que  tous  les 
domaines  fuilént  libres  &  fermés ,  que  les 
héritages  grands  ou  petits  fulîcnt  réunis  ,  ar- 
rondis tSc  à  c/os  ;  &  il  le  fouverain  paroif- 
foit  d'abord  faire  quelque  facrifice  eu  faveur 
des  propriétaires ,  il  en  feroit  amplement 
dédomjnagé  par  l'augmentation  de  la  va- 
leur des  fonds  Se  par  celle  des  piodudiions. 

CLOSERIE  ,  f.  f,  (Jurifprud.  )  en  quel- 
ques provinces,  (igm^^Q  un  petit  bien  de  cam- 
pagne compofé  d'une  maifon  &  autres  bâti- 
nieiis,  &  de  quelques  terres  adjacentes  qui 
eii  dépendent.  On  appelle  ces  fortes  d'héri- 
tages cloferies^  parce  qu'ils  ibnt  ordinaire- 
ment clos  de  foliés  &  de  haies.  Ces  Clofenes 
Ibut  quelquefois  louées ,  &.  forment  de  pe- 
tites fermes.  {A) 

CLOiilFJE  ,  f/2  terme  de  Vannier ,  figniiîe 
cette  eljîece  d'ouvrage  qu'ils  font  en  pie  in 
fur  des pés  de  lattes,  de  cerceaux,  ou  d'au- 
tres chofes  Icmbliiblcs. 

CLOS^l  S,  f.  m.  pi.  terme  de  Pêche  :  les 
cîofets  ou  cuhaujfcts  font  des  efjjeces  de  hauts 
parcs  ,  qui  ne  diilbrent  de  ceux  dont  on  don- 
nera la defcription  kXarticlc  Parcs  ,  qu'en 
ce  que  la  crolfe  eu  extrémité  recourbée  ell 
quarrée  ,  au  lieu  que  celle  des  parcs  eft  ar- 
rondie :  ces  rets  dont  la  maille  a  dix- huit 
lignes  en  quarré  ,  font  tendus  fur  des  fonds, 
des  roches  :  ces  pêcheries  n'ont  fouvent  que 
dix  ou  douze  perches  pour  les  forn-iCr  j  ainfi 
elles  ne  diifereiit  prefque  de  celles  des  hauts 
parcs-,  qu'en  ce  que  les  clofets  font  beaucoup 
plus  petits.  On  ne  prend  dans  les  clofets  que 
le  poilion  qui  fc  maille  ,  puifque  le  fond  en 
eft  ouvert  ,  c'e 11- à-dire  que  le  filet  n'eft 
point  enfablé ,  ni  le  bas  du  parc  fermé  d'un 
clayonnage. 

CLOTAIREII,  dixième  roi  de  France , 
(Hiji.  de  France.)  naquit  en  584  ,  de  Chil- 
eeric  fon  prédécelfeur  ,  Se  de  la  fameufe 
Frcdegonde.  Ce  prince  n'avoit  que  quatre 
mois  lorlqu'il  perdit  fon  père  ,  qui  mourut 
aflafliné  :  il  fut  élevé  fous  la  tutelle  de  Fre- 
degondc  &  de  Contran ,  roi  de  Bourgogne , 
fon  oncle  paternel.  Le  commencement  de 
iço  iQ^iXQ  fut  agité  par  iine  infinité  d'orages  j 


C  L  O 

Chîldebert ,  roi  d'Auftrafie ,  fon  coufin ,  af^ 
piroit  à  le  dépouiller  ,  fous  prétexte  de  ven- 
ger la  mort  de  Sigcbert  I  ,  fon  père ,  que 
Iredegonde  avoit  fait  afîaffiner  ^  il  entroit 
dans  fa  treizième  année  lorfqu'il  fut  aban- 
donné à  lui-même  ,  par  la  mort  de  fa  mè- 
re ,  princcffe  plus  capable  que  digne  de  ré- 
gner :  il  avoit  perdu  ,  plufieurs  années  au- 
paravant ,  Contran  ,  fon  principal  appui , 
après  elle.  Childebert ,  fou  ennemi ,  avoit 
tranfmis  fa  haine  contre  lui  à  Théodebert  II 
&  à  Thierri ,  fes  fils ,  qui  lui  avoient  fuc- 
cédé ,  l'un  dans  fes  états  d'Auftraiîe  ,  l'au- 
tre dans  ceux  de  Bourgogne  :  Clotaire  n'eût 
pu  fè  foutenir  fur  le  trône  ,  fi  ces  deux  prin- 
ces ,  ligués  pour  l'en  faire  defcendre  ,  fuf- 
fënt  toujours  reftés  unis.  Plufieurs  batailles 
qu'il  fbutint  contre  eux  ,  l'avoient  mis  à  deux 
doigts  de  fa  perte:  heureufement  pour  lui  la 
divilionfe  mitentre  eux,  &  ils  employèrent 
à  fe  détruire  ,  les  armées  qu'ils  avoient  le- 
vées à  deiiein  d'opérer  fa  ruiné.  Théode- 
bert 5  vaincu  par  fon  frère  ,  fut  allafiiné  peu 
de  temps  après  fa  défaite  ,  6ê  Thierri  n'eut 
pas  le  temps  de  jouir  de  fà  vidoire  ^  ce 
prince  miOurut  de  dylîcnterie  l'année  d'après. 
Clotaire  fe  rendit  maître  de  toute  la  monar- 
chie ,  mais  il  abufà  cruellement  de  fa  puif- 
lance  :  moins  roi  que  t}'ran  ,  il  fit  attacher 
Bruneliaut  à  la  queue  d'un  cheval  indomté- 
Tcile  fut  la  fin  d'une  princelfe  ,  fille ,  femme 
&  mère  d'une  infinité  de  rois  ;  de  quatre 
enfans  que  laiiioit  1  hierri  ,  le  barbare  en 
maifacra  deux  ,  il  confina  le  troifieme  dans 
un  cloître  ;  le  quatrième  chercha  fon  falut 
dans  l'obfcurité  ,  bi  iè  cacha  fi  bien  ,  que 
l'hiftoire  n'a  pu  nous  apprendre  quelle  fut  fa 
deftinée. 

Clotaire  gouverna  avec  une  extrême  foi- 
bleilè  \  &  fi  l'on  fait  confiller  la  puiiiance 
dans  l'autorité ,  jamais  prince  n'en  eut  moins 
que  luii  il  fut  toujours  liibordonné  à  fes  mi- 
nifires ,  qui  tous  tranchèrent  du  monarque» 
Ce  fut  fous  fon  règne  que  les  m.aires  du  pa- 
lais jetèrent  les  fondemens  de  cette  énorme 
puilfance  qui  tint  celle  des  rois  à  la  chaîne  , 
&  finit  par  l'anéantir,  lladou  qui  l'étoit 
d'Aufirafie,obtintdG  ne  pouvoir  être  deftitué^ 
cette  inamovibilité  s'étendit  aux  pofièilëurs 
des  grandes  charges  de  l'état ,  &  dès-lors  le 
trône  chancela  Ibus  les  légitimes  maîtres. 

Clotaire  II  mourut  eu  6z8  ,  6c  fut  en- 


C  L  O 

terré  dans  l'églife  de  Saint  Germain-dès-  \ 
prés  ^  il  étoit  âgé  de  45  ans  ;,  fon  règne  éga-  ■ 
loit  prefque  fon  âge.  On  peut ,  dit  l'auteur 
de  \ Abrégé  chronologique  ,  reinarquer  trois 
chofes  fur  ce  prince  :  il  eft  le  troifieme  roi 
qui  ait  réuni  toute  la  monarchie  ^  il  eft  le 
fécond  du  nom  \  &  par  une  deftinée  atta- 
chée à  ce  nom  ,  ayant  eu  pour  partage  le 
royaume  de  Soiirons ,  le  moins  confidéra- 
ble  de  tous,  il  réunit  tous  les  autres,  ainfi 
qu  avoit  fait  Clotaire  I  ,  fon  aïeul.  Il  avoit 
eu  trois  femmes  ,  Haldetrude  ,  Bertrude  & 
Sichilde  :  il  laiifa  deux  enfans  ,  Dagobert 
qui  lui  fuccéda  ,  Se  Charibert  qui  eut  une 
partie  de  l'Aquitaine  ,  mais  plutôt  comme 
apanage  que  comme  royaume. 

De  tous  \t%  hiftoriens  qui  ont  traité  de 
riiiiloire  de  Clotaire  11 ,  aucun  n'en  a  parié 
avec  plui  de  vérité  que  M.  Velly  \  voici  le 
tableau  qu'en  fait  cet  excellent  écrivain  : 
«  c'eft  en  vain  ,  dit-il  ,  que  les  hiftoriens  de 
fon  temps  ou  trop  eiclaves  ,  ou  trop  com- 
blés de  £qs  bienfaits ,  repréfentent  ce  monar- 
que comme  un  prince  juite  cl  débonnaire  ^ 
iès  actions  nous  le  peignent  fous  d'autres 
couleurs  ;,  rufurpation  du  trône  de  Thicrri , 
le  malfacre  des  petits-fils  de  Brunehaut ,  la 
mort  cruelle  de  cette  reine ,  celle  tb  Bofon , 
celle  de  Godin,  iils  de  Garnier^  tout  prouve 
qu'il  n'avait  ni  cette  inflexible  équité ,  ni 
cette  incroyable  douceur  que  lui  donnent 

iQs  panégyriftes  . ce  font  àcs  taches  fi 

contraires  à  l'efprit  d'équité ,  aux  loix  de 
l'honneur  ,  aux  maximes  du  chriftianifme  , 
qu'il  eft  impolîîbie  de  les  excufcr.  Il  eft  hon- 
teux pour  l'humanité ,  que  le  liecle  de  Clo- 
laire  II  n'y  ait  vu  ni  injuftice  ,  ni  cruauté  ; 
au  refte  ,  on  ue  peut  difconvenir  qu'il  n'ait 
été  un  prince  vaillant  &  brave  j  habile  dans 
l'art  de  gouverner  ,  populaire ,  affable ,  cha- 
ritable pour  les  pauvres  ,  libéral  envers  les 
égliies ,  zélé  pour  Tobièrvation  des  faints 
canons  j  ami  &  proteâeur  ardent  de  tous 
les  lérviteurs  de  Dieu .  . .  c'eft  à  lui  que  nous 
devons  le  code  des  loix  allemandes  ;,  elles  fu- 
rent rédigées  &  mifes  par  écrit  dans  un  par- 
lom.ent  de  33  évêques  ,  &  de  34  ducs  aflèm- 
blés  fous  fes  ordres  :  il  avoit  Te  (prit  orné  , 
lamoit  les  belles-lettres,  fc  piquoit  de  poli- 
tefle  &  de  galanterie  '-,  fa  complaifance  pour 
le  beau  fèxe  alloit  à  lexcès  j  on  lui  repro- 
che fon  extrême  paffion  pour  la  chalfe.  w 


C  L  O  301 

Clotaire  III ,  treizième  roi  de  France , 
(  première  race.  )  fils  &  fucceffeur  de  Clovis 
II,  fut  couronné  en  655  ^  il  étoit  âgé  de 
cinq  ans  ou  environ.  Il  vécut  fous  la  tutelle 
&  fous  l'empire  de  Batilde,  fa  mère  ,  & 
d'Erchinoalde  ou  Archambault ,  maire  du 
palais  I,  quoiqu'il  eût  deux  frères  ,  Chiide- 
ric  II  &  Thierri  II  ^  qui ,  fuivant  l'ufagc  , 
dévoient  être  admis  au  partage  de  la  monar- 
chie ,  il  la  poliéda  toute  entière  ,  il  régna 
feul ,  ou  plutôt  il  fut  fèul  fur  le  trône  juf- 
qu'en  660  :  ce  fiit  à  cette  époque  qu'il  remit 
à  Childeric  II ,  fon  frère ,  le  fceptre  d'Auiira- 
Hq  j  il  fe  contenta  de  celui  de  Neuftrie  & 
de  Bourgogne  qu'il  conferva  jufqu'à  iamort , 
qui  iè  rapporte  à  l'an  668.  lï  reçut  les  hon- 
neurs funèbres  au  monaliere  de  Chelles  , 
où  la  reine  Batilde  s'étoit  confacrée  :  fon 
règne  n'eft  marqué  par  aucun  événement 
mémorable  -^  &  l'hiitoire  ne  nous  a  point 
révélé  quelle  fut  fa  vie  privée  :  ii  avoit  dix- 
neuf  à  vingt  ans  lorfcju'il  mourut  ,  ck  ce 
n'eft  pas  à  cet  âge  que  l'on  peut  avoir  fait 
de  grandes  chofès.  D'ailleurs  les  rois  de  la 
première  race  ,  depuis  Dagobert  I ,  ne  lu- 
rent point  deftinés  à  jouer  un  rôle  bien  inté- 
reftaut.  Thierri  II ,  fon  frère  ,  qui  juiqu'a- 
lors  avoit  vécu  obfcur  ,  lui  fuccéda  ,  par 
\qs  foins  d'Ebroin  ^  mais  la  haine  qu'on 
portoit  à  ce  miniftre  rejaillit  fur  lui  ,  &  le 
roi  en  fut  la  victime  ^  oii  le  confina  dans 
l'abbaye  de  Saint  Denis ,  d'où  ii  ne  fortit 
que  long-temps  après.  (M-r) 

CLOTHO ,  voyei  Parques. 

CLOTURE  ou  ENCLOS  ,  f.  f.  terme 
(£ Architeclure  ,  mur  de  maçonnerie  ou  grille 
de  fer  qui  enferme  une  eipace ,  tel  que  l'en- 
ceinte d'un  monaftere  ,  l'étendue  d'un  parc-^ 
d'un  jardin  de  propreté ,  fruitier  ,  potager  y 
&c.{P) 

Clôture^  (7wr/7^.) dans  lesmouafteres 
de  filles  ,    a  deux  fignifications  différentes. 

L'une  a  rapport  au  vœu  que  les  religieu- 
fès  font  d'obferver  la  clôture  perpétuelle  , 
c'eft-à-dire  de  ne  point  fortir  du  monafèerc 

L'autre  eft  pour  ejcprlmer  les  murs ,  por- 
tes tx.  grilles  ,  qu'il  n'eft  pas  permis  auxrcli- 
gieulès  de  palier  ,  &.dans  l'intérieur  defquels 
les  étrangers  ,  fbit  liommes  ou  femmes  ,  ne 
peuvent  ,  fuivant  l'û/r.  31.  de  l'ordonnance 
de  Blois, entrer  fans  permiflion  du  fupérieur 
eccléfialiiqiie  ,  permilTioii  qui  ue  s'accorde 


301  C  L  O 

point  fans  nécefilté ,  comme  aux  médecins, 
chirurgiens,  &c.  Suivant  le  droit  commun  , 
c'eft  à  1  evêque  diocéiàin  à  donner  ces  per- 
niifîions. 

Il  en  faut  excepter  les  monafteres  exempts 
de  la  jurifdidlion  de  l'évêque ,  où  ces  per- 
mifîîons  peuvent  être  données  par  leur  iùpé- 
rieur  eccléfiaftique  ,  fiiivant  Vart.  19  de 
redit  de  1^95. 

Ce  même  article  fùppofè  qu'il  y  a  des  cas 
oîi  on  peut  permettre  aux  religieufes  de  for- 
tir  ,  comme  pour  aller  aux  eaux ,  lorfque 
cela  eft  nécelTaire  pour  leur  iânté  ^  mais 
c'eft  à  l'évêque  feul  à  donner  ces  permir- 
fîons  ,  même  dans  les  monafteres  exempts  : 
c'eft  ce  que  décide  Yan.  1  de  la  déclaration 
du  ro  février  1742. 

Toutes  ces  permifîions  pour  ibrtir  du  mo- 
naftere,  ou  à  des  laïques  pour  y  entrer, 
doivent  être  données  par  écrit. 

Le  roi  &  la  reine  ont  feuls  le  droit  d'en- 
trer dans  les  maifous  cloîtrées ,  fans  permif- 
iïon  du  iiipérieur  eccléfiaftique. 

Les  évêques  &  autres  fapérieurs  eccléfîal^ 
tiques ,  en  faifant  leur  vifîte  dans  les  monaf- 
teres ,  examinent  fi  la  clôture  y  eft  bien  ob- 
fèrvée  ^  &  fî  elle  ne  l'eft  pas ,  que  les  murs 
ne  foient  pas  afTez  hauts ,  que  les  portes  & 
les  grilles  ne  foient  pas  bien  clofes  ni  fi'ires , 
ils  peuvent  ordonner  ce  qui  eft  néceifaire 
pour  faire  obferver  la  clôture.  [A] 

Clôture  d'un  compte ,  d'un  inventaire  ; 
c'eft  l'arrêté  &:  l'état  final  d'un  inventaire  ou 
d'un  compte  fait  par  des  afTociés  en  quelque 
commerce,  ou  par  un  négociant  qui  fe  rend 
compte  à  lui-même  de  fes  affaires.  P^oye^ 
Compte  ,  LnveiNtaire.  (  G  ) 

Clôture  ,  en  terme  de  Vannier^  voyei 
Closerie. 

*  CLOU  ,  f.  m.  (  Art.  méch.  )  petit  ou- 
vrage en  or,  ou  argent,  ou  fer,  ou  cuivre  , 
à  pointe  par  un  bout  &  à  tête  par  l'autre  , 
dont  le  corps  eft  rond  ou  à  face,  mais  va  en 
diminuant  de  la  tête  à  la  pointe,  &  dont  la 
tête  eft  d'un  grand  nombre  de  forme  difîc- 
rentes ,  félon  les  ufages  auxquels  on  le  def- 
tine.  Les  clous  en  fer  fe  forgent ,  les  autres  fe 
fondent  \  la  fabrication  de  ces  derniers  n'a 
rien  de  particulier ,  c'eft  un  ouvrage  de  fon- 
deur très -commun.  Nous  allons  expliquer 
comme  on  fabrique  les  clous  en  fer  :  nous 
pbferverons  d'abord  qu'il  y  en  a  de  deux 


C  L  O 

fortes ,  les  clous  ordinaires ,  &  les  clous  d'é- 
pingles. 

Des  clous  ordinaires.  On  donne  le  nom  de 
clomier  tout  court ,  aux  ouvriers  qui  font 
ces  clous.  Les  outils  du  cloutier  font  en  pe- 
tit nombre  :  ils  confîftent  en  une  forge  ,  au- 
tour de  laquelle  on  pofe  des  blocs  ou  billots 
qui  fervent  de  bafe  au  pis  d'étape ,  à  la 
clouycre  ou  cloutiere  ,  &:  au  cifeau. 

Les  métaux  dont  on  fe  fèrt  le  plus  ordi- 
nairement pour  faire  des  clous ,  font  l'or  , 
l'argent ,  le  cuivre ,  &  principalement  le  fer. 

Les  clous  de  fer  fe  forgent  au  marteau 
fur  une  enclume  ;,  les  autres  fè  fondent  par 
les  orfèvres  ou  les  fondeurs. 

Pour  faire  un  clou  ,  on  prend  une  verge 
de  fer  plus  ou  ijioins  longue  \  on  la  chauffe 
par  un  bout  dan^  la  forge  ^  &  ,  quand  elle 
eft  rouge ,  on  Xamorce  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'on 
forme  la  lame  du  clou  fur  l'enclume  avec  ua 
marteau.  Quand  la  lame  eft  formée  ,  orx. 
coupe  le  clou  de  la  longueur  néceffaire  avec 
le  marteau,  fur  un  morceau  d'acier  tran- 
chant appelle  cifeau. 

Le  clou  étant  coupé ,  on  le  pafTe  dans  la 
clouyere  par  le  bout  pointu ,  &  on  y  forme 
la  tête  à  coups  de  marteau.  La  clouyere  eft 
un  morceau  de  fer  long  d'environ  trois  pou- 
ces ,  attaché  près  de  l'enclume,  &  à  l'extré- 
mité duquel  il  y  a  un  trou  proportionné  à 
la  grofTcur  du  clou  qu'on  yeut  faire. 

Après  cette  opération ,  on  fait  fortir  le 
clou  de  la  clouyere ,  &  on  en  recommence 
un  autre  ,  ainfi  de  fuite ,  jufqu'à  ce  que  la 
verge  de  ferfoitufee. 

Le  clous  fe  fabriquent  fî  promptement , 
qu'on  en  fait  deux  de  fuite  fans  être  obligé 
de  rechauffer  le  fer.  Nous  allons  dire  un  mot 
des  différentes  fortes  de  clous. 

Il  y  a  de  la  hroquette  d'un  quart  ou  de 
quatre  onces  le  millier ,  de  demi-livre ,  de 
trois  quarts ,  d'une  livre ,  de  cinq  quarts  , 
de  fîx  quarts ,  &:  de  fept  quarts. 

Les  clous  a  couvreurs  &  h.  maçons  doivent 
être  à  tête  plate.  On  les  nomme  clous  de  bou" 
che^  parce  que  les  ouvriers  qui  les  emploient 
les  tiennent  plus  communément  à  la  bouche 
pour  les  avoir  plus  à  leur  portée  en  travail- 
lant. Us  font  de  deux  fortes  j  les  clous  à  ar- 
doifc ,  &:  les  clous  à  latte  :  les  premiers  font 
de  deux ,  de  deux  &  demie ,  &  de  trois  li- 
vres au  millier,  Içs  autres  de  quatre ,  &  de 


C  LO 

quatre  livres  &  demie  :  ces  derniers  font  plus 
longs  que  les  autres ,  parce  qu'ils  s'emploient 
pour  clouer  la  latte  fur  de  vieux  bois.  Ils  s'a- 
chètent à  la  fomme. 

Les  dous  à  parquet  ont  la  tête  longue  afin 
qu'elle  puiffe  entrer  dans  le  bois  &  s'y  per- 
dre. Il  n'y  a  guère  que  \qs  menuifiers  qui 
s'en  fervent.  k 

Les  clous  à  crochet  font  ainfi  appelles  , 
parce  qu'au  lieu  de  tête  ils  ont  une  pointe 
de  fer  ,  qui  5  s'élevant  en  angle  droit  fur  le 
clou  ,  ferme  un  véritable  crochet. 

Il  y  a  de  plufieurs  fortes  de  clous  afoul'urs  ; 
les  uns  qui  s'achètent  à  la  fomme  &  les  au- 
tres au  compte  :  ceux  à  la  fomme  pefent 
deux  livres  &  demie ,  trois  livres ,  trois  livres 
&  demie  ,  &  quatre  livres  au  millier  :  les 
trois  premières  fortes  font  clous  légers  ,  les 
autres  font  clous  au  poids. 

Ceux  au  compte  font  encore  de  deuxefpe- 
ces ,  des  clous  à  fouliers  à  deux  têtes ,  Se  des 
clous  à  fouliers  à  caboche  j  ou  à  pointe  de 
diamant  -^  les  uns  &  les  autres  font  fort  ma- 
tériels &  par  cette  raifon  ne  s'achètent  point 
au  poids.  Les  porteurs  de  chaifes  &  croche- 
teurs  de  Paris  font  prefque  les  feuls  qui  s'en 
fervent  à  caufe  qu'ils  travaillent  &  marchent 
iàns  ceife  far  le  pavé. 

Les  clous  àfouflet ,  font  àes  clous  faits  com- 
me des  clous  à  fouliers  ,  mais  plus  longs  & 
avec  une  tête  plus  large.  On  s'en  fertpour  les 
gros  foufflets  des  forges  ,  &  c'eft  avec  ces 
clous  que  le  cuir  s'attache  autour  àes  bois. 

Les  clous  à  river  font  encore  à-peu-près 
comme  des  clous  à  fouliers ,  avec  cette  dif- 
férence que  leur  pointe  n'eft  point  aiguë  , 
mais  aufli  groife  au  bout  qu'au  deffous  de  la 
tête.  Ce  font  les  chauderonniers  qui  s'en 
fervent. 

Les  clous  à  cheval  font  des  clous  qui  fer- 
vent à  attacher  les  fers  qu'on  met  fous  les 
pies  d^s  chevaux  pour  confèrver  leur  corne. 
Il  y  en  a  de  deux  fortes  ^  les  uns  ordinaires , 
&  les  autres  à  glace.  La  feule  différence 
confifte  dans  la  tête  que  les  preiniers  ont 
prefque  plate ,  &  les  autres  en  forme  de  pe- 
tite pointe  de  dard  ,  afin  que  dans  les  temps 
de  gelée  ,  en  s'enfonçant  dans  la  glace  ,  ils 
rendent  les  pas  des  chevaux  plus  fermes. 

Outre  les  clous  de  toute  forte  que  font  les 
maîtres  cloutiers  de  Paris ,  ils  ont  encore  le 
droit  de  forger  des  gourmettes  de  chevaux , 


C  LO  303 

des  tourets  ou  gros  clous  tournés  eîi  rond  , 
qui  ont  une  tête  arrêtée  dans  «ne  partie  de  la 
branche  du  mords  appellée  la  gargouille ,  qui 
doivent  être  mis  deux  fois  au  feu  ,  bien  ôc 
duement  étamés  ^  des  anneaux  de  toutes 
grandeurs  ,  des  barres  ,  chaînettes  d'avaloire, 
boucles  à  dojjieres  ,  boucles  de  foupente,  & 
enfin  tous  les  pet?ts  ouvrages  de  fer  qu'on 
peut  faire  avec  le  marteau  &  l'enclume , 
{ans  avoir  befoin  de  lime  ni  étau  ,  &  qui 
font  à  l'ufage  des  felliers ,  carrofllers  ,  bour- 
reliers ,  coffretiers  &  malletiers. 

Il  y  a  deux  fortes  de  cloutiers  ,  dont  les 
uns  portent  fimplement  le  nom  de  cloutiers , 
&  les  autres  celui  de  cloutiers  ^épingle,  La 
communauté  des  premiers  eft  compofée  au- 
jourd'hui à  Paris  de  foixante-huit  maîtres  \ 
elle  eft  régie  par  quatre  jurés ,  dont  deux  font 
élus  tous  les  ans  \  favoir  ,  un  d'entre  les  nou- 
veaux maîtres ,  &  un  d'entre  les  anciens. 

Les  cloutiers  d'épingle  font  ceux  qui  font 
de  petits  clous  de  fer  ou  de  laiton,  de  diffé- 
rentes groffeurs  &  longueurs  ,  dont  un  bout 
eft  aiguifé  eu  pointe  ,  &  l'autre  refoulé  ou 
applati. 

On  commence  par  f^r  le  fil  de  fer,  c'eft- 
à-dire  qu'on  le  prélènte  aux  efpaces  circu- 
laires de  l'inftrument  appelle  ejfe  ,  pour  con- 
noître  fon  calibre.  Cet  inftrument  eft  ainfi 
appelle  parce  qu'il  eft  compofé  d'un  fil  de 
fer  contoiu-néen  S  fur  lui-même,  pour  for- 
mer de  petits  anneaux  de  diftercns  diamè- 
tres. On  pafle  enfuite  le  fil  de  fer ,  pour  le 
dreffer ,  à  travers  les  rangs  des  pointes  de 
Yengin  ou  petite  planche  fur  laquelle  font 
clouées  des  pointes  en  zigzag  ;  puis  on  le 
coupe  &  on  l'affile  fur  une  meule  par  cin- 
quantaine de  brins.  Quand  ils  font  affilés  , 
on  les  met  au  mordant  qui  eft  une  eipece 
d'étau  compofé  de  deux  morceaux  de  fer  , 
dont  les  têtes  font  acérées.  Lorfqu'on  veut 
que  leur  tête  foit  plate  ,  on  frappe  un  ou 
deux  coups  de  marteau  fur  le  bout  qui  ex- 
cède le  mordant  j  fi  on  veut  qu'elle  foit  ron- 
de ,  on  la  commence  coinme  fi  on  la  vouloit 
plate ,  on  ne  frappe  qu'un  coup  ^  on  la  finit 
enlliite  avec  le  poinçon  à  efiamper ,  qui  eft 
une  pièce  d'acier  qui  fort  à  frapper  les  têtes. 
Quand  les  clous  font  de  laiton  ,  car  on  en 
fait  d'or  ,  de  fer  &  de  cuivre  ,  on  les  blan- 
chit en  les  découvrant ,  c'eft- à-dire  ,  en  les 
lailTant  fëjourner  quelque  temps  dans  une 


304  C  L  O 

dKïblution  de  tartre  ou  de  cendre  ^avelée 
&  d'eau  commune  :  oîi  les  porte  en  fuite  ni! 
vannoir  ,  où  Oîi  les  ag-ite  d;ui3  du  fou  ou  du 
tan,  jufqu'àce  qu  ils  foicKtfecs  &  plus  jaunes. 
Quand  on  veut  les  étamer ,  on  fait  foudre 
de  Fctain  fin  avec  du  lèl  ammoniac  qu'on 
met  dans  \m  vailîëau  plus  étroit  à  chacun  de 
iës  deux  bouts  qu'au  milieu  ,  &;  où  on  les 
agite  jufqu'à  ce  qu'ils  fbient  devenus  {uf[\- 
iàmment  blancs. 

Les  meilleurs  ouvriers  font  par  jour  juf- 
qu'à dix  ou  douze  mille  de  ces  petits  clous 
dont  les  layetiers  ,  les  fculpteurs  ,  les  gaî- 
iiiers  fe  fervent  ordinairement. 

Dans  leurs  ftatuts ,  ils  prennent  la  qualité 
de  maîtres  cloutiers ,  larmiers,  étameurs  & 
inarchands  ferronniers. 

Chaque  maître  ne  peut  avoir  que  deux 
apprentis  qui  doivent  faire  cinq  ans  d'ap- 
prentifîage ,  &  enfuite  (èrvir  les  maîtres  deux 
autres  années,  pour  avoir  droit  à  la  maîtrife. 
Les  apprentis  de  province ,  ainfî  que  ceux 
de  Paris ,  font  tenus  au  chef-d'œuvre ,  ex- 
cepté les  fils  de  maîtres.  Quant  aux  ftatuîs 
des  cloutiers  d'épingle ,  voye:^  Epinglier. 
§    Une  obfervation  edentielle    à    Faire 
pour  les  perfonnes  qui  emploient  \qs  clous  ^ 
c'ell  qu'avant  d'en  acheter  de  groflbs  par- 
ties ,  il  faut  les  effiyer  ^  car  on  en  fait  de 
métal ,  fi  aigre  ou  caifaut ,    que   fiir  c^nt 
clous  qu'on  emploie  ,   il  s'en  caffera  peut- 
être  plus  d'un  quart  \  &  quoique  la  perte 
ne  fbit  pas  conîidérable  ,  rien  ne  chagrine 
plus   un  ouvrier    qui   perd   (on  temps    & 
une  partie  de   ia  marchandifè.    Cet    ou- 
vrier a  calculé  ,  par  exemple  ,    que   dans 
une  garniture  qu'il  fait ,    il  lui  faut  mille 
clous  &  qu'il  doit  relier  une  heure   pour 
les  employer  '-,  il   fait  fon  marché  fuivant 
cela ,  mais  il  fe  trouve  trompé ,  fi  \qs  clous 
ne  font  pas  bons  ^  car  il  mettra  un  quart  de 
temps  de  plus  ,  &  emploiera  un  quart  plus 
de  marchandifè  ,  outre  que  fon  ouvrage  de- 
viendra défeôueux ,   parce  que  les  pointes 
de  clous  qui  fe  font  caifés  ,  ne  lui  permet- 
tront plus  de  les  placer  dans  des  endroits 
nécelfaires  ^  cela  découragera  l'ouvrier  avec 
raifon.  Ce  détail  n'eft  point  inutile  ,  parce 
que  fi  c'eft  un  homme  du  métier  que  life  ce 
paragraphe  ,  il  efpérera  que  les  marchands 
qui  font  ce  commerce  de  clouterie  en  gros , 
profiteront  de  l'avis  qu'on  leur  donne  ici  , 


C  L  O 

qu'ils  etfaieront  les  clous  avant  que  d'en 
conclure  les  marchés ,  &  qu'ils  obferveront 
qu'ils  foient  faits  d'une  matière  capable  de 
ibuvenir  le  coup  de  marteau.  Si  l'on  fe  donne 
CCS  foins  pendant  quelque  temps  ,  &  qu'on 
rebute  tous  ceux  qui  ne  lëront  j^as  de  bonne 
qualité  ,  les  fondeurs  de  ces  clous  fe  con- 
formeront ncccll^remeut  aux  règles  requi- 
Çes  pour  faire  de  bonne  marchandifè  ,  en 
employant  de  boniie  matière ,  qui  ait  un 
corps  Tuffifant,  pour  les  uiàges  auxquels  elle 
efl:  deftinée.  Cette'matiere  doit  être  com- 
pofée  de  cent  livres  de  laiton  très-doux  ,  & 
de  trois  livres  d'étain  ou  environ  fiiivant  la 
prudence  de  l'ouvrier  ,  le  tout  fondu  & 
moulé  proprement  &  fans  fbuflure.  Pour  les 
éviter ,  &  pour  que  tes  fondeurs  aient  foin 
de  bien  fecher  leurs  chafiîs ,  avant  que  d'y 
couler  la  matière  fondue  ,  il  faut  qu'ils  ob- 
fèrvent  encore  d'y  lailfer  des  évents  conve- 
nables ,  &  que  la  matière  foit  fondue  li- 
quide comme  de  l'eau.  On  voit  qu'au  moyen 
de  quelque  légère  attention  ,  on  peut  fè  met- 
tre à  l'abri  de  tant  de  fripponneries  qui  fe 
cominettent  journellement  dans  ce  genre  de 
commerce. 

Il  en  efl  de  même  de  toutes  les  autres 
qualités  àz  clous  ;  ainfi  \m  marchand  qui 
fait  le  commerce  de  cew^i  de  fer  ,  doit  exa- 
miner foigneufement  la  qualité  du  fer  ,  avec 
lequel  ils  font  fabriqués ,  qui  doit  être  fi- 
breux ,  &  par  une  fuite  néceifaire  doux  & 
très-flexible.  En  caflknt  quelques  clous  on 
connoît  fi  les  fers  avec  lefquels  ils  ont  été 
faits  font  de  la  qualité  qu'ils  doivent  être. 
S'il  paroît  à  la  cafTure  de  ces  clous  des  grains 
&  des  lames ,  le  fer  a  été  mauvais ,  &  les 
c/oi/j  le  feront  par  conféquent,  &  très-fra- 
giles ^  fi  au  contraire  on  a  de  la  peine  àlw 
cafFer,  &  qu'il  paroifTe  fur  leurcafFure  un 
grain  fibreux ,  pareil  à  celui  qu'auroit  un 
morceau  de  bois  qu'on  auroit  caflé  éh  le 
forçant  des  deux  mains  ,  cet  indice  démon- 
trera la  bonté  du  fer  &  celle  des  clous. 

Les  inconvéniens  qui  réfultent  de  l'em- 
ploi de  cette  mauvaife  marchandifè  font  in- 
nombrables \  on  n'a  qu'à  réfléchir  fur  les 
difierens  ufages  auxquels  elle  eft  employée , 
&  à  l'importance  des  travaux  qu'on  ne  peut 
perfedtionner  fans  le  fècours  des  clous ,  ^pour 
convenir  de  la  vérité  de  ce  qu'on  vient  de 
dire,  (+) 

Clou  , 


CL  O 


CL  O 


Clou  ,  {Hijî.  anc.  )  Tite-Live  rapporte  [  s  étant  avancée  en  dehors  ,  s'endurcit 


&  fe 


que  les  anciens  Romains  ,  encore  grofllers  J  reiTerre  à  la  bafe  de  la  tumeur  qu  elle  forme; 


&  fauvages  ,  n  avoient  pour  annales  &  pour 
faftes  que  des  clous  ,  qu'ils  attachoient  au 
mur  du  temple  de  Minerve.  Il  ajoute  que 
les  Etruriens  ,  peuple  voilîn  de  Rome  ,  en 
fîchoient  à  pareille  intention  dans  les  murs 
du  temple  de  Nortia  leur  déeffe.  Tels  étoient 
\qs  premiers  monumens  dont  on  fe  fervit 
pour^onferver  la  mémoire  des  événemens  , 
ail  moins  celle  des  années  ^  ce  qui  prouve 
qu'on  connoilîbit  encore  bien  peu  l'écriture 
à  Rome ,  &  rend  douteux  ce  que  les  hifto- 
riens  ont  raconté  de  cette  ville  avant  fa  prife 
par  les  Gaulois.   D'autres  prétendent  que 
c'étoit  unefîmple  cérémonie  de  religion, & 
fe  fondent  aufli  iiir  Tite-Live ,   qui  dit  que 
fe  diftateur  ou  un  autre  premier  magiftrat 
attachoit  ce  clou  myftérieux  aux  ides  de  fep- 
tembre ,  idibus  feptembr.  clavum  pungat  ; 
mais  ils  n'expliquent  ni  le  fens  ni  l'origine 
de  cette  cérémonie  ,  &  Ja  regardent  feule- 
ment comme  un  fecours  à  l'ancienne  chrono- 
Jogie,  iiirabondamment  ajoutée  aux  annales 
par  écrit. 

On  avoit  encore  coutume  à  Rome  ,  dans 
\q^  calamités  publiques  ,  d'attacher  un  clou 
dans  le  temple  de  Jupiter.  Dans  une  pefte 
qui  défola  Rome ,  le  clou  facré  fut  placé  par 
le  diftateur  ,  &  la  contagion  cefla.  En  cas 
de  troubles  inteftins  &  de  féceflion  ,  c'eft- 
à-dire  de  fchifme  de  la  populace ,  on  avoit 
recours  à  ce  clou.  Et  dans  une  circonftance 
iînguliere  où  les  dames  romaines  donnoient 
à  leurs  maris  des  philtres  qui  les  empoifbn- 
noient  ,  on  penfa  que  le  clou  qui  dans  {qs 
temps  des  troubles  avoit  affermi  les  hommes 
dans  le  bon  fens  ,  pourroit  bien  produire  le 
même  effet  fur  l'eiprit  des  femmes.  On  ignore 
fes  cérémonies  qu'on  employoit  dans  cet 
aôe  de  religion.  Tite-Live  s'étant  contenté 
de  remarquer  qu'il  n'appartenoit  qu'au  diéèa- 
teur  ,  ou  à  fon  défaut  au  plus  confidérable 
des  magiftrats  ,  de  placer  le  clou.  Manlius 
Capitolinus  fut  le   premier  diâ:atcur  créé 
pour  cette  fondHon.  Mém.  de  t acad.  des  bdl. 
Ut.  tome  VI.  (G) 

Clou  ,  {Méd.)  maladie  de  l'œil  ;  efpece 
de  ftaphylome  ,  en  grec  ÏKoi ,  en  latin  clavus 
oculi. 

On  donne  le  nom  de  clou  au  ftaphylome , 
quand  par  un  ulcère  de  la  cornée ,  l'uvéc  ' 
Tome  Vllh 


ou  lorfque  la  cornée  s'endurcit  pareillement, 
&  fe  reiîerre  de  telle  manière  que  la  bafe  de 
la  tumeur  étant  fort  retrécie  ,  la  tumeur  en 
paroît  éminente  &  arrondie  en  forme  de 
tête  iphérique  d'un  clou.  Cette  tumeur  dé- 
truit la  vue  ,  &:  ne  fe  guérit  point ,  parce 
qu'aucun  ftaphylome  n'eft  guériflable.  Voy. 
Staphylome.  Voyei  aujfi  tan,  Clavus, 
(  M.  le  chevalier  DE  Jaucourt.) 

CLOUÉ  ,  adj.  (  Maréchall.  )  être  cloué  k 
cheval ,  fignifie  être  très-ferme  &  ne  fe  point 
ébranler ,  quelque  violens  que  foient  io.^ 
mouvemens. 

Cloué  ,  terme  de  blafon  ,  qui  fe  dit  d'un 
collier  de  chien  ,  &  des  fers  à  cheval  dont 
\qs  clous  paroiffent  d'un  autre  émail. 

Montferrier  ,  d'or  à  trois  fers  de  cheval  de 
gueules ,  cloués  d'or.  {JV) 

CLOUET  ,  f.  m.  efpece  de  petit  cifeau 
mouff!e  de  fer  ,  à  l'ufage  des  tonneliers  :  ils 
s'en  fervent  pour  enfoncer  la  neille  dans  le 
jable  d'une  pièce  de  vin ,  à  l'endroit  où  elle 
feinte  j  il  a  environ  un  demi-poiice  de  lar- 
geur par  en-bas ,  &  a  par  en-haut  une  tête 
fer  laquelle  on  frappe  légèrement  avec  le 
maillet ,  afin  de  faire  entrer  la  neille. 

CLOUIERE  ou  CLOUVIERE  ,  ou 
CLOUTIERE  (  le  plus  ufité  eft  clouiere  ,  > 
f  f.  inftrument  de  fer  qui  fert  au  clouîier  , 
principalement  à  former  la  tête  du  clou  quoi- 
que le  clou  foit  rond  ou  quarré ,  félon  que 
le  trou  de  la  clouiere  eft  rond  ou  quarré. 
^oye';^  f  article  Clou.  On  a  des  clouieres  de 
différentes  formes  &  de  toutes  fertes  de 
grandeurs.  Les  ferruriers  les  forgent ,  &:  ils 
en  ont  auffî  pour  former  la  tête  de  leurs  vis 
&  autres  ouvrages.Les  clouieres  des  ferruriert 
font  des  elpecesd'eftampes  en  creux,  rondes, 
quarrées ,  barfelongues ,  ùc. 

Clouiere,  {Serrurerie  &  Clouterie.)OeH 
une  pièce  de  fer  quarrée  ,  à  l'extrémité  de 
laquelle  on  a  pratiqué  un  ou  plufieurs  trous 
quarrés  ou  ronds ,  dans  lefquels  on  fait  entrer 
la  tige  du  clou  de  force  j  de  forte  que  la  par- 
tie qui  excède  la  clouiere ,  fe  rabat  &  forme 
la  tête  du  clou. 

Les  maréchaux  ont  leurs  clouieres  :  ces 
clouieres  fent  montées  fer  des  billots,  6c 
fervent  pour  les  clous  de  charrette. 

Siiis  la  clouiere  y  l'ouvrier  ne  pourroit  que 

Qq 


3G(î  C  L  O 

très-diiKcilenient  former  la  tête  des  clous  au 
marteau.  Voye'^^ïartich  CloU. 

GLOVïS  -  U  -  Grand  ,  cinquième   roi  de 
France  ,  (  HiJIoire  de  France.  )  naquit  vers 
l'an  468  de  Chikleric  fon  prédéceifeur  ,  & 
de  la  reine  de  Tliuringe  qui  ,   n'ayant  pu 
vaincre  fa  pafllon  ,   avoit  quitté  le  roi  Bazift 
£on  mari ,  &  étoit  venue  trouver  ce  prince 
Cil  France.  Si  l'on  en  croit  Fredegaire ,  Chil- 
deric  eut  un  ibngc  qui  préfageoit  la  gran- 
deur de  ce  HI5 ,  &  Içs  malheurs  de  fa  pof- 
tcrité.  Les  cinq  premières  années  du  règne 
de  Clovis  furent  employées  à  des  exercices 
conformes  à  fon  inclination  :  il  fomentoit 
\c  courage  de  fes  foldats ,  les  accoutumoit  à 
la  fatigue  ,  &  s'y  endurciifoit  lui-même  :  il 
donnoit  fréquemment  des  jeux  publics  ;  & 
c'éîoieut  à^s  courfes  de  chevaux ,  des  com- 
bats d'homme  à  homme  ,  &  contre  des  bê- 
tes féroces  :  il  leur  montroit  fans  ceffc  l'image 
de  la  guerre  ,  à  laquelle  il  avoit  confacré 
ion  règne.  Ses  états   étoient   trop  bornés 
pour  un  cœur  auffi  ambitieux  que  le  Çiqh  : 
il  ne  vouloit  fouffrir  dans  les  Gaules  aucune 
puilfance  rivale  de  la  fienne  ,    &  il  afpi- 
roit  à  en  chafler  ,  ou  à  afFujettir  les  Ro- 
mains ,  les  Vifigodis  &:  les  Bourguignons 


C  LO 

père  ce  Gilon  q>;i  avoit  occupé  le  trône  de 
France  pendant  l'exil  de  Chilperic  \  Clovis 
lui  fit  trancher  la  tête  ,   &  l'imimola  ainfi  à^ 
ià  iùreté  &  à  fon  relîéntiment.  Cependant 
ce  qui  prouve  que  cette  rigueur  étoit  autant 
dans  fa  politique  que  dans  fon  humeur  ,  ce 
fut  fa  clémence  envers  les  Gaulois  &  les  Ro- 
mains qui  avoient  obéi  à  Siagrius  :  il  leur 
laifîà  à  tous  leur  religion  ,  leur  pays  ,  leurs 
coutumes ,  leurs  loix  ,  &  ne  voulut  d'autre 
prix  de  fa  viûoire ,  que  la  gloire  de  leur 
commander.  Cette  douceur  affeÔée   atta- 
cha ces  peuples  à  fa  domination  :  &  il  n'eut 
pas  bcfoin  d'une  autre  magie  peur  les  main- 
tenir fous  fapuiilance.  Les  Rom>ains  avoient 
trop  d'embarras  en  Italie  peur  fonger  -à  re- 
conquérir ce  qu'ils  avoient  perdu  dans  les 
Gaules.  L'entière  foumiflion  du  Soilfonnois , 
fruit  de  la  viftoire  des  François  fur  Siagrius , 
flit  fuivie  de  la  guerre  de  Thuringe  '.une  in- 
valîon  ,  vraie  ou  fuppofée ,  fur  les  terres  des 
Francs  au  delà  du  Rhin  ,  en  fut  la  caufe  ou 
le  prétexte.  Clovis  accufbit  les  Thuringiens 
d'avoir'excercé  fur  fes  fujets  les  plus  monf- 
trueulès  cruautés:  {qs  armes  furent  fécondées 
par  le  plus  heureux  fuccès  '^  tout  fut  mis  à 
feu  &  à  làng  dans  la  Thuringe  ^  &  ce  royau- 


qui  en  partageoient  l'empire  avec  lui.  Ses    me  alloit  être  réduit  en  province  fujette 


premiers  regards  iè  tournèrent  vers  les  Ro- 
mains ^  foit  que  fa  fierté  fût  flatée  de  fe  me- 
furer  avec  les  anciens  rois  du  monde  ,  foit 
que  fà  politique  fût  intéreffée  à  les  chalfer  , 
plein  de  confiance  dans  izs  talens  ,  dans  la 
valeur  &  l'intrépidité  de-  fon  armée  ,  il  en- 
voya Ibminer  Siagrius ,  lieutenant  de  l'em- 
pire romain  dans  les  Gaules  ,  de  convenir 
du  jour  &  du  lieu  d'une  bataille.  Les  Fran- 
çois furent  long-temps  fidèles  à  cet  uiàge  , 
qu'ils  apportèrent  de  la  Germanie  ,  qui  fut 
le  berceau  de  leur  nation.  :  ilsj:iédaignoient 
toutes  les  rufes  de  guerre  ,  8l|.n'eftimoient 
que  les  viftoires  où  la  valeur  avoit  préfidé. 
Vainqueur  de  Siagrius  qui  accepta  le  défi  , 
Clovis  pourfuivit  ce  général  ^  &  n'ayant  pu 
l'atteindre  ,  il  envoya  des  ambafiadeurs  à 
Touloufe ,  fbmmer  Alaric  ,  roi  des  Vifigoths, 
aiiprès  de  qui  il  s'éîoit  réfugié  ,  de  le  lui  li- 
vrer ,  Se  lui  déclarer  la  guerre  en  cas  de  re- 
fus. Alaric  ne  voulant  point  s'expofer  à  fon 
relTentiment  ,  hîi  envoya  le  général  vaincu  , 
malgré  les  droits  de  Thofpitalité  qui  ren- 
doient  fa  pcrfoune  facrée.  Siagrius  avoit  pour 


lorfque  l'illuftre  Théodoric ,  roi  des  Oftro- 
goths  en  Italie ,  défarma  Clovis  ,  &  l'enga- 
gea à  fe  contenter  d'un  tribut  annuel.  One 
paix  de  plufieurs  années  fuccéda  à  ce  traité  'y 
les  premiers  mois  furent  confacrés  aux  noces 
de  Clovis  avec  Clotilde.  Cette  princeilè  , 
nièce  de  Gondebaut,  roi  de  Bourgogne  , 
jouilfoit  d'une  réputation  qui  féduiiit  le  mo- 
narque François  :  Clotilde  étoit  belle ,  fpiri.- 
tuelle  ,  ôc  joignoit  à  ces  heureufès  qualités 
toutes  les  grâces  &  toutes  les  vertus  de  fon 
fexe.  Il  efl  cependant  à  croire  que  le  mérite 
de  Clotilde  ,  tout  grand  qu'il  étoit  ,  ne  fut 
pas  l'unique  motif  quidcîerminaC/ov/.î  à  cette 
alliance  :  &  ce  n'ell  pas  trop  préfumer  de  la 
politique  de  ce  conquérant,  que  de  penfer 
qu'il  regarda  ce  mariage  comme  un  titre  qui 
l'autorjlbit  à  dépouiller  Gondebaut  du  royau- 
me de  Bourgogne.  Chilperic  ,  père  de  Clo- 
tilde ,  avoit  péri  par  l'ordre  de  Gondebaut  , 
&  fa  qualité  de  gendre  fèmbloit  exiger  qu'il 
fût  fon  vengeur.  La  nouvelle  époufe  avoit 
été  élevée  dans  le  fein  de  la  religion  :  elle 
multiplia  fes  efforts  pour  déterminer  Clovis ^ 


CL  O 

à  Ce  pîîer  au  joug  de  la  foi.  Ses  premières 
tentatives  furent  iiifruâueufes  :  le  monar- 
que permit  cependant  que  ies  enfaus  fulièut 
lavés  iur  les  fonts  ^  mais  la  mort  d'Inguio- 
met ,  fbn  aine  ,  qui  mourut  peu  de  teinps 
après  la  cérémonie  ,  &  la  maladie  de  ion 
f^  joad  ,  qui  fut  aux  portes  à.i  tombeau  , 
s'cppjièrcnt  aux  vœux  ardsîis  de  cette  prin- 
ceiib  ,  ils  ne  furent  accomplis  qu'aprè:i  la 
bataille  de  Tolbiac  contre  les  Allemands. 
On  prétend  que  C/ovis^  fur  le  point  de  per- 
dre cette  fameufè  bataille ,  oc  fatigué  d'in- 
voquer inutilement  fes  dieux ,  fè  tourna  \-ers 
celui  des  chrétiens ,  qui  couronna  fes  efforts. 
Les  hilloriens  lui  prêtent  une  alTez  longue 
prière  ,  que  fuivant  eux  il  fit  en  préfence  de 
fou  armée  :  mais  c'eût  été  une  indifcrétion 
incompatible  avec  le  caraélere  d'un  aufîi 
grand  général  ^  ce  n'étoit  pas  en  montrant 
fon  défefpoir  &  en  parlant  d'abandonner  les 
dieux  de  fa  nation  qu'il  pouvoit  fe  flatter  de 
ranimer  le  courage  de  les  ibldats ,  qui  tous 
étoient  idolâtres.  Si ,  comme  l'ajoutent  ces 
écrivains  ,  il  parvint  à  exciter  de  cette  forte 
l'ardeur  des  Francs  ,  cette  ardeur  doit  être 
regardée  comme  un  miracle.  La  déroute  des 
Allemands  &  des  Sueves,  leurs  alliés,  fut 
complète ,  leur  pays  fut  ravagé  j  &  tous  les 
habitans  auroient  été  chaffés  ou  exterminés  , 
û  le  môme  Théodork ,  qui  avoit  déjà  obtenu 
la  grâce  des  Thuringiens  ,  ne  fût  parvenu  à 
calmer  le  reffentiment  de  Clovis.  Les  vain- 
cus fe  fournirent ,  le  roi  leur  permit  le  libre 
exercice  de  leur  religion  ,  &  leur  conferva 
leurs  loix^  mais  il  feréfèrva  le  droit  de  con- 
firmer l'éleélion  de  leurs  fouverains  ,  aux- 
quels il  fut  défendu  de  prendre  le  titre  de 
roi  ,  mais  feulement  celui  de  duc.  Cette 
conquête,  qui  ne  coûta  aux  François  qu'une 
feule  campagne  ,  donne  une  haute  idée  de 
leur  valeur.  Les  Sueves  feuls  avoient  été 
long-temps  le  défefpoir  des  Romains  :  Céfar 
avoit  même  regardé  comme  fort  glorieux 
d'avoir  pu  mettre  le  pié  dans  leur  pays.  Clo- 
vis à  fon  retour  fê  montra  fidèle  au  vœii 
qu'il  avoit  fait  d'embraiTer  le  chriftianifme  : 
il  reçut  le  baptême  par  le  miniftere  de  S. 
Rémi ,  qui  dans  cette  augufte  cérémonie  lui 
parla  avec  une  magnanimité  finguliere.  «  Si- 
cambre  ,  dit  ce  prélat  en  lui  adrelTant  la  pa- 
role ,  autrefois  fi  fier,  fi  farouche,  &  que 
la  grâce  rend  aujourd'hui  fi  humble  ,  fi  fou- 


C  L  O  307 

mis  5  plie  le  col ,  adore  ce  que  tu  as  brûlé  , 
&  brûle  ce  que  tu  as  adoré.  •»  Rémi  eût  parlé 
avec  plus  d'exactitude ,  s'il  eût  recommandé 
à  Clovis  d'adorer  ce  qu'il  eft  impofîible  de 
brûler^  mais  la  religion  lui  pardonne  en 
faveur  du  faint  enthouliafme  quil'animoiî. 
L'exem]jle  c^2  CIcvis  fut  i'iùvi  par  une  iiifî-  , 
ni:é  de.François  qui  dema.iclGrènî  le  bap- 
tême. La  con\erfion  de  ce  monarque  nenui- 
fit  point  à  i^Qs  dQ&'m^  :  elle  lèrvit  au  con- 
traire à  en  accélérer  Texccution.  L'cglifè 
ctoit  infeéfée  de  plufieurs  (q^qs  :  le  roi  des 
Vifîgoths  &  celui  des  Bourguignons  éto'ent 
Ariens  ^  &  leur  héréfie  excitoit  la  haine  des 
orthodoxes ,  qui  form.oient  le  parti  le  plus 
puifîànt ,  tous  dévoient  fe  déclarer  en  fà  fa- 
veur contre  les  fèdèaires.  Tout  le  clergé  ca- 
tholique ,  même  celui  de  Rome ,  s'emprefîk 
de  lui  donner  des  marques  d'eftime  &  -d'a- 
mour. Le  pape  ,  ou  plutôt  i'évêquc  de  Ro- 
me ,  fuivant  le  ftyle  en  ufage  alors ,  lui  par- 
loit  fans  cefTe  d'un  dieu  qui  devoit  donner 
à  {ks  armes  les  fiiccès  les-  plus  éclatans  :  il 
l'invoquoit  dès-lors  comme  le  protcâ:eur  de 
fon  églifè.  «Très-cher,  très-glorieux,  très - 
illuflre  fils ,  lui  difoit-il ,  donnez  cette  fatis- 
faclion  à  votre  fainte  mère;  foyez  pour  elle 
une  colonne  de  fer  j  continuez  ,  afin  «[ue  le 
tout-puifî'ant  protège  votre  perfbnne  bc  vo- 
tre royaume  ,  qu'il  ordonne  à  ks  anges  ^e 
vous  guider  dans  toutes  vos  enîrepriies  ,  & 
qu'il  vous  donne  la  viétoire.  »  Une  fembla- 
ble  épître  eût  été  capable  d'opérer  la  conver- 
fion  de  Clovis,  Il  ne  tarda  pas  à  entrepren- 
dre une  nouvelle  guerre  j  il  chercha  tous  les 
prétextes  pour  attaquer  Gondebaut,  dont  les 
états  avoient  allumé  fa  cupidité  :  les  fouve- 
rains en  manquent  rarement.  Gondebaut 
n'avoit  qu'une  petite  partie  de  la  Bourgo- 
gne ^  Gcdigifile  ,  ion  frère  ,  en  partageoit 
l'empire  avec  lui.  Ces  deux  frères  nourri!^ 
foient  l'un  contre  l'autre  une  fecrete  inimi^ 
tié  :  cette  inimitié  ,  pli^s  puifTante  fur  Godi- 
gifile  que  les  nœuds  du  fang  ,  le  détermina 
à  folliciter  le  roi  de  France  d'entrer  en  Bour- 
gogne ^  ce  qui  fut  bientôt  exécuté.  Gonde- 
baut n'ayant  pu  arrêter  l'impétuofité  fran- 
çoifè,  fut  vaincu  &  pourfuivi  jufques  dans 
Avignon  :  il  ne  conferva  fes  états  qu'en  s'af- 
fujettiffant  à  un  tribut.  Clovis  avoit  conjuré 
fa  ruine  ^  il  ne  fe  fût  pas  contenté  de  ce  tri- 
but 3  il  fit  dans  la  fuite  plufieurs  tentatives 

Qq  Z 


3o8  C  L  O 

pour  le  perdre  ,  &  il  eût  réufii  dans  ce  pro- 
jet fans  Théodoric  qui  ne  vouloit  pas  l'avoir 
pour  voiiin.  La  fbumiffion  des  villes  Armo- 
riques,  c'eft-à-dire,  de  la  Bretagne  ,  fuivit 
l'expédition  de  la  Bourgogne  :  il  ne  fut  plus 
permis  aux  Bretons  d'avoir  des  rois  pour 
les  gouverner ,   mais  feulement  des  ducs  j 
ainfî  tous  les  peuples  établis  dans  les  Gau- 
les ,   étoient  ou  îujets  ,  ou  tributaires   de 
notre  monarchie.  Les  Vifigoîhs  feuls  avoient 
confervé  leur  indépendance.   Alaric   ayant 
jugé  à  propos  de  priver  un  é\'éque  de  ion 
fiege  ,  C/ovis  affefta  un  faint  zèle  ,  &  fei- 
gnit de  croire  qu'il  ne  pouvoit  fe  difpen- 
iër  de  prendre  la  défenfe  de  l'évêque  dépof- 
fédé,  Alaric  craignoit  d'entrer  en  lice  avec 
ce  monarque  :  fes  fujets  abâtardis   par  le 
calme  d'une  longue  paix ,  n'étoient  pas  en 
état  de  fe  mefurer  avec  les  François  :  il  eut 
recours  à  la  négociation  ^   mais  il  éprouva 
qu'un  prince  armé  par  la  politique  ,  eft  im- 
placable. C/ovis  l'accufa  d'avoir  voulu  l'af- 
fafîîner  :  il  étoit  bien  plus   capable   de  lui 
fuppofer  ce  crime  qu'Alaric  ne  l'étoit  de  le 
commettre.  Rien  ne  put  calmer  l'indigna- 
tion feinte  ou  véritable  du  monarque  fran- 
çois.  Théodoric  ,  qui  régnoit  avec  tant  de 
gloire  en  Italie,  &  dont  le  roi  des  Vifigoths 
avoit  époufé  la  fille  ,  lui  écrivit  les  lettres 
les  plus  preiTantes ,  qui  toutes  furent  infruc- 
tueufes.  Les  François  en  partant  pour  cette 
expédition  ,  firent  un  vœu  qui  étoit  ordi- 
naire aux  Cattes  ,  l'une  des  principales   ti- 
ges de  leur  nation  ^  c'étoit  de  ne  fe  couper 
les  cheveux  &  la  barbe  que  fur  les  dépouil- 
les fanglantes  des  Vifigoths.  C/ovis  qui  ne  laif 
ibit  échapper  aucune  occafion  de  fe  rendre 
agréable  aux  orthodoxes ,  fit  vœu  de  bâtir 
une  églife  dans  Paris,  fous  l'invocation  de 
S.  Pierre  &  de  S.  Paul.  On  publia  les  plus 
expreifes  défenfcs    de  commettre  aucunes 
violences  contre  les  perfonnes  dévouées  au 
culte  des  autels  ;,   o^  n'a  point  d'exemple 
de  la  diicipline  qui  fut  exercée  dans  cette 
guerre  j  C/ovis  tua  de  fa  propre  main  un  fol- 
dat  pour  avoir  pris  un  peu  de  foin  fur  terre 
ennemie.    Les   orthodoxes    intéreifés   aux 
profpérités  de  fes  armes  ,  érigèrent  en  mi- 
racles tous  les  événemens  de  cette  campagne: 
une  biche ,  làns  doute  effrayée  par  le  bruit 
de  la  multitude  ,  traverfe  la  Vienne  à  l'inf- 
taiit  que  l'armée  fe  préparoit  à  paffer  cette 


CLO 

rivière  ^  c'étoit  une  biche  envoyée  par  îe  ciel 
pour  leur  indiquer  un  gué  :  l'air  paroiiToit 
enflammé  du  côté  de  l'églife  de  Saint-Hi- 
laire  de  Poitiers  ;,  c'étoit  une  marque  de  la 
protcftion  du  faint  qui  avoit  conjuré  la  ruine 
des  Vifigoths  ,  parce  qu'ils  étoient  Ariens. 
Cependant  C/ovis  avançoit  toujours  ,  pré- 
cédé par  le  bruit  de  ces  miracles  qui  pro- 
bablement ne  furent  pas  les  fèuls.  Alaric  ne 
fè  diffimuloit  point  fon  infériorité  devant  des 
troupes  continuellement  exercées  &  aguer- 
ries par  une  infinité  de  combats  &  de  yic- 
toires.  Il  eût  bien  voulu  tirer  la  guerre  en  lon- 
gueur: il  faifoitune  retraite  vers  l'Auvergne  j 
mais  ayant  été  forcé  de  s'arrêter  dans  les 
plaines  de  Vouillé  ,  fon  armée  fut  taillée  en 
pièces  ,  &  lui-mêm.e  périt  de  la  main  de 
C/ovis,  après  avoir  fait  la  plus  belle  déf eulè. 
La  foumiiïion  de  l'Albigeois ,  du  Rouergue, 
du  Querci ,  de  l'Auvergne ,  du  Poitou ,  de  la . 
Saintonge  &  du  Bourdelois ,  fut  le  fruit  de 
cette  victoire  j  il  ne  refta  plus  aux  Vifigoths 
de  leur  domination  ,  en  deçà  des  Pyrénées 
que  la  ville  &  le  territoire  de  Narbonne  , 
où  ils  proclamèrent  Gefalic  ,  fils  du  feu 
roi.  C/ovis  dans  tout  le  cours  de  fon  règne  , 
qui  ne  fut  qu'un  enchaînement  de  guerres  , 
n'éprouva  qu'une  feule  défaite  ;,  &  ce  fut 
Ibba  ,  général  de  Théodoric ,  qui  eut  la 
gloire  de  la  lui  faire  effuyer. 

C/ovis  reçut  à  Tours  des  ambaffadeurs  de 
l'empereur  d'Orient  :  ils  venoient  le  félici- 
ter de  la  part  de  leur  maître  ,  fur  la  gloire 
de  fon  règne.  Anafl:afe  lui  envoyoit  les  6r- 
nemens  de  patrice  ,  &  des  lettres  qui  l'invi- 
toient  à  en  prendre  le  titre  ^  on  lui  donna 
dès-lors  les.  noms  pompeux  de  co/i/i//  &d'ûz/- 
guj/e,  C'efi:  ainfi  que  les  empereurs ,  trop 
foibles  pour  dominer  dans  les  Gaules  ,  ne 
négligeoient  rien  pour  y  conlcrver  un  refte 
de  reipeâ:  pour  leur  dignité  ,  en  y  faifant 
revivre  les  mêmes  titres  qu'avoient  portés 
ceux  qui  les  avoient  gouvernés  dans  le  temps 
de  fon  plus  grand  état. 

Julqu'ici  C/ovis  a  figuré  en  prince  auquel 
on  ne  peut  reprocher  qu'un  excès  d'ambi- 
tion. Maintenant  il  va  paroître  en  allié  bar- 
bare &  fans  foi ,  en  parent  dénaturé.  Les 
François  étoient  encore  divifés  en  plufieurs 
tribus:  C/ovis  étoit  bien  le  général  commun 
de  toute  la  nation  '^  mais  il  n  étoit  pas  l'uni- 
que roi.  Regnacaire  régnoit  dans  le  Cam- 


C  L  O 

brefis ,  Si^ebert  dans  Cologne  ;,  Riguiomer  , 
dans  îe  Mans  ç,  Cararic ,  dans  une  partie  de 
"  la  Flandre  :  plufîeurs  autres  parens  de  Clovis 
pofledoient  ,  en  pleine  fouveraineté  ,  des 
états  moins  confidérables.  Clovis  avoit  vécu 
jufqu'alors  dans  la  plus  grande  intimité  avec 
tous  ces  princes  \  il  en  avoit  tiré  de  puif- 
fans  fecours  \  la  réfolution  fut  formée  de 
les  iàcrifier  à  la  grandeur  de  fes  flis.  Il  en- 
gagea le  fils  de  Sigebert  à  rafTafliner  ,  &  le 
fit  airafliner  lui-même  lorfqu'il  eut  confommé 
cet  horrible  parricide.  Devenu  maître,  par 
trahifon  ,  de  la  perfonne  de  Cararic  ,    il 
l'obligea  de  iê  faire  prêtre  lui  &  fou  fils  , 
&  les  fit  auffi-tôt  maffacrer  ,  fur  le  foup- 
çon  qu'ils  méditoient  une  vengeance.  Il  en- 
tra cnfuite   dans  le  royaume  de   Cambrai , 
où  Regnacaire  lui  fut  livré ,  pies  &  poings 
liés  ,  par  des  traîtres  qu'il  avoit  corrompus. 
«  As-tu  fait  ce  tort  à  ta  race,  dit-il  en  apof- 
trophant  ce  prince  ,  de  te  lailTer  ainfi  lier 
comme  un  efclave ,  &  ne  devois-tu  pas  pré- 
venir cette  honte  par  une  mort  honorable?  » 
II  n'avoit  pas  fini  ces  mots  qu'il  lui  ouvrit 
le  crâne  d'un  coup  de  hache.  «  Et  toi ,  ajou- 
ta-t-il  en  fe  tournant  vers  Riquier,  frère  de 
ce  prince  ,  fi  tu  avois  défendu  ton  frère  ,  on 
jie  l'auroit  pas  lié  de  cette  forte.  »  Il  lui  fen- 
dit également  la  tête.  Riguiomer  &  tous  \^% 
autres  qui  avoient  quelques  prétentions  au 
titre  de  roi ,  périrent  par  ces  lâches  moyens. 
Voilà  quelles  furent  les  principales  a<ftions 
de  Clovis  ,  premier  roi  chrétien  :  la  religion 
s'honoreroit  plus  d'avoir  fait  fa  conquête  s'il 
fe  fût  montré  m^oins  féroce  &  moins  bar- 
bare ,  &  l'on  auroit  plus  de  foi  aux  mira- 
cles dont  \ç.s  hiftoriens  ont  cru  devoir  em- 
bellir fon  hiHoire.  On  a  demandé  la  raifon 
pourquoi  ce  prince  commit  plus  de  crimes 
après  fa  converfion  qu'auparavant  ?  Si  l'on 
fait  attention  qu'ils  étoient  moins  un  effet  de 
fon  caractère  que  de  fa  politique,  on  pour- 
roit  croire  que  cette  raifon  vient  de  ce  qu  il 
n'avoit  point  encore  les  mêmes  motifs.  Peut- 
être  cependant  la  religion  mal  entendue  y 
eut-elle  quelque  part  ;  le  chriilianifme  an- 
nonce un  dieu  qui  punit  \  mais  un  dieu  qui 
pardonne.  Un  feul  mot  d'un  de  fes  miniftres 
liiffit  pour  effacer  les  Ibuillures  de  la  vie 
la  plus  longue  &  la  plus  criminelle  ,  mais 
feulement  à  ceux  qui  ibnt  touchés  d'un  fin- 
cere  repentir.  L'idolâtrie  n'oiïroit  pas  cette 


C  L  O  305^ 

confblation  \  un  païen  pouvoit  trembler  dans 
fa  vieillcilè  ,  dans  la  crainte  d'être  puni  pour 
des  crimes  commis  dans  fon  enfance.  Clovis 
mourut  l'an  511,  âgé  de  quarante-cinq  ans , 
dont  il  avoit  régné  trente  :  il  laiffoit  fix  en- 
fans  \  deux  de  fà  première  femme ,  Thierri, 
qui  fut  roi  d'Auftrafie  ^  &  Teudichilde  qui 
fut  inariée  au  roi  de  Vofiies ,  nation  faxonne, 
qui  fijbfiftoit  alors  &  qui  ne  fubfifte  plus. 
De  ceux  que  lui  donna  Clotilde  fa  ieconde 
femme  ,  quatre  lui  fiirvécurent  ,  Clodo- 
mir,  Childebert  ,  Clotaire,  &  Clotilde, 
Son  corps  fut  porté  dans  la  nouvelle  égiifê 
qu'il  avoit  fait  bâtir  pour  accomplir  le  vœu 
qu'il  fit  en  partant  pour  la  guerre  contre 
les  Vifigoths.  On  lui  doit  plufieurs  fon- 
dations pieufes  :  il  les  fit  pour  duninuer 
l'horreur  que  la  poftérité  pouvoit  conce- 
voir de  {^s  crimes.  {M-y.) 

Clovis  II,  douzième  roi  de  France  ,fiîs 
&  fiiccefléur  de  Dagobert  I.  Voye\  Sige- 
bert II.  (  liijh  di France.) 

Clovis  III ,  /èizieme  roi  de  France , 
fils  &  fuccelîéur  de  Thierry  II ,  occupa  le 
trône  depuis  l'an  691  jufqu'en  695  ,  qui  fut 
l'époque  de  fà  mort.  Pépin  ne  l'y  plaça  que 
parce  qu'il  voyoit  encore  du  danger  à  s'y 
placer  lui-même  j  mais  il  ne  lui  laiffa  que 
l'ombre  de  la  royauté  ,  dont  il  fe  réfèrva 
toutes  \&?,  prérogatives.  Il  lui  étoit  d'autant 
plus  facile  de  /è  revêtir  de  {^^  dépouilles  , 
que  le  jeune  monarque  n'étoit  point  en  état 
de  \q.%  défendre  :  il  avoit  dix  à  onze  ans 
lorfqu'il  parvint  au  trône  ,  &  quatorze  à 
quinze  lorqu'il  mourut.  Voye-{^  PepIxN  {Hip' 
toire  de  France,  )  (  M-Y,  ) 

CLOUSEAUX  ,  f.  m.  pi.  (  Jurifprud.  ) 
dont  il  e{t  parlé  dans  la  coutume  d'Orléans , 
ankle  145  ,  (ont  les  jardins  &  enclos  qui 
font  proche  &  autour  de  chaque  bourgade 
ou  hamei^u.  Voye\^  les  auteurs  des  additions 
aux  notes  de\' oumiQY  fur  cette  coutume^  art, 

145.  (^) 

CLOLi TERIE ,  f.  f.  {Comm.  Arts  méch, 
&  Gramm.  )  Ce  terme  a  plufîeurs  acceptions  ; 
il  (è  dit  1°.  à\i  négoce  des  clous  ;  2°.  du  lieu 
où  on  en  fabrique  j  3°.  d'un  aifortiment  de 
toutes  fortes  de  clous. 

*  CLOUTIER,  f.  f.  Voyei  Clou. 

*  (^LOURA  ,  f.  m.  (Hijl.  nat,  OrnithoL 
&  Fêche.  )  ciièau  connu  fur  le  récit  des  voya- 
geurs 5  c'eft- à-dire ,  mal  connu.  Il  fe  trouve  , 


310  €  L  O 

à  ce  qu'on  dit ,  à  la  Chine  &  dans  Tlnde  , 
où  on  le  fait  pêcher  :  il  met  le  poiffon  qu'il 
attrape  dans  une  poche  qu'il  a  fous  le  hcc , 
d'où  il  ne  peut  defcendre  plus  bas  ,  parce 
qu'il  y  ed  arrêté  par  un  anneau  qui  fcire  le 
paiiajs.  Quand  l'oifcau  eft  forti  de  l'eau  , 
on  h  contraint  d'abord  à  rendre  le  jîoiflbn 
qii'ii  a  pris  e:i  preffiuit  la  pojhc  ,  ciiLire 
à  retourner  à  ia  pjjiie  en  h  friippant  à  coups 
de  bâton. 

CLOYNE  ,  (  G/og,  mod.  )  petite  ville 
d'Irlande  au  comté  de  Cork,  dans  la  pro- 
vince de  Leinfter. 

*  CLUDO ,  f.  m.  (  HiJÎ.  anc.  )  poignard 
de  théâtre  à  l'ufage  des  Romains  fur  la  fccne , 
&  qui  ne  difFéroit  en  rien  du  nôtre  j  la  lame 
en  rentroit  dans  le  manche  quand  on  s'en 
frappoit  ^  &  unreirort  fj^iraU'en  faifoit  (brtir 
quand  on  s'ctoirfrappé. 

*  CLUENTIA  ,  f.  f.  [Hiji.anc.  )  le  nom 
d'une  des  trente-cinq  tribus  romaines.  Voyci 
Tribu. 

CLUNDERT,  (  Géograph.)  petite  ville 
forte  des  Provinces-unies  des  pays-bas ,  dans 
la  Hollande  méridionale  ,  fijr  les  frontières 
du  Brabant  hollandais. 

CLUNY,  (  Géogr.  mjî.  eccléf.  )  Clunia- 
cum  fiirlaOrône,  ville  du  Mâconnois ,  long. 
2  2. ,  8  ^  lat.  46 ,  24.  Ce  n'étoit  qu'un  village 
lorlque  Bernon  ,  abbé  de  Gigni  ,  y  fonda 
une  célèbre  abbaye  en  910  ,  des  libéralités 
de  Guillaume  I ,  duc  d'Aquitaine. 

L'é^^life  eft  une  des  plus  vafles  du  royaume, 
ayant  oco  pies  de  long  fur  120  de  large  , 
&  une  double  croifée. 

Hugues  I ,  duc  de  Bourgogne  ,  petit  fils 
de  Robert  ,  roi  de  France  ,  y  prit  l'habit 
de  religieux  ,  &  contribua  beaucoup  à  la 
conftrudbon  de  ce  grand  vaifTeau ,  entrepris 
par  faint  Hugues ,  &  con{àcré  par  le  pape 
Innocent  H. 

Cette  abbaye  a  donné  quatre  papes ,  Ur- 
bain n  ,  Grégoire  VII ,  Pafchal  II  &  Urbain 
V.  Gélate  II ,  fuyant  la  perfécution  de  Tem- 
pei-eur  Henri  IV ,  fe  réfugia  à  Clany  &  y 
mourut  5  on  voit  encore  fon  tombeau  dans 
l'églilè  3  Guy  de  Bourgogne ,  archevêque  de 
Vienne  ,  y  fut  élu  pape  fous  le  nom  de 
Calixte  II  en  11 19. 

Innocent  IV  fe  trouva  à  Cluny  en  1241  , 
après  la  célébration  du  premier  concile  géné- 
ral de  Lyon ,  accompagné  de  deux  patriar- 


C  L  U 

ches  ,  de  douze  cardinaux ,  de  trois  arche- 
vêques ,  de  quinze  ëvêques  &  de  plufieurs 
abbés  :  le  roi  faint  Louis ,  la  reine  Blanche , 
fon  frère  le  duc  d'Artois  &  là  fœur ,  l'empe- 
reur de  Conftantinople  ,  les  princes  d'Ara- 
gon &  de  Caftiile  ,  le  duc  de  Bourgogne  , 
iîx  comtes  Se  quantité  de  grands  fcigneui-s  j 
s'y  îrcuvcrciit  e-iimcnie  te^nps  avec  une  fuite 
nombreiîfè  ,  fuiisque  les  religi^Lx,  au  nom- 
bre de  plus  de  cinq  cents ,  quittallcut  aucua 
des  lieux  réguliers. 

Le  trélbr  fut  pillé  jufqu'à  trois  fois  du 
temps  des  guerres  de  religion  ,  les  reliques 
brûlées  &;  les  châiTes  emportées  par  les  liu- 
guenoîs  j  rin\'entaire  du  dernier  pillage  fait 
au  château  de  Hourdon  ,  monte  à  plus  de 
deux  millions. 

La  bibliothèque  ,  fort  curieufe  en  manuf- 
crits  qui  alloient  à  1^00  volumes  ,  fut  dif- 
perfée.  Le  cœur  de  M.  de  Turenne  eft  dans 
une  boîte  d'or  au  tréfbr ,  dépofé  par  le  car- 
dinal de  Bouillon  fon  neveu,  abbé  de  Cluny, 

Cette  abbaye,  premier  chef  d'ordre  de  ia 
régie  de  faint  Benoit ,  a  porté  au  loin  fon 
nom  &  fà  fplendcur ,  &  a  eu  dans  fa  dé- 
pendance pli^s  de  2000  monafteres.  Ses  pre- 
miers abbés  ,  Bernon  ,  Odon  ,  Aimar  , 
Mayeul ,  Odilloi^ ,  Hugues ,  Pierre  le  Véné- 
rable ,  fe  font  djftingués  par  leur  favoir  8c 
leur  fainteté.  Lc(  premier  abbé  commenda- 
taire  fut  Jean ,  tardinal  de  Lorraine ,  en 
1529  ....  Le  commerce  de  la  ville,  qui  a 
trois  paroilîès  ,  eft  en  gants  eftimés  ,  en 
toiles  &  en  cuir.  [C) 

CLUSE  ,  terme  de  fauconnerie  ;  c'eft  le 
crique  le  fauconnier  fait  entendre  aux  chiens, 
lorfque  l'oifeau  a  remis  la  perdrix  dans  le 
buiiibn  'j  ainfi  clufer  la  perdrix ,  c'eft  exciter 
les  chiens  à  faire  fortir  la  perdrix  du  buifion 
où  elle  s'eft  rcmife. 

Cluse  (la)  ,  Géogr.  mod.  petite  ville 
d'Italie  ,  dans  la  Savoie ,  capitale  de  Fauci- 
gny,  fur  l'Arve.  Long.  24  ,   I2  ^  lat.  46. 

CLUSIA,  f.  f.  {Hifi.  nat.  bot.  )  genre  de 
plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  Charles 
Clufius  ou  de  l'éclufe  d'Arras  \  la  fleur  àt^ 
plantes  de  ce  genre  eft  monopétale  ,  faite 
pour  l'ordinaire  en  forme  de  foucoupe  & 
découpée  \  quelquefois  elleparoît  comipofée 
de  pluiieurs  pétales  difpofées  en  rond  ;  il 
s'élève  du  fond  du  calice  un  piftil  entouré 
d'une  efpece  d'anneau.  Le  piftil  devient  dans 


C  L  Y 

!a  fuite  un  fruit  ovale  qui  s'ouvre  d'un  bout 
â  l'autre  en  plufîeurs  parties ,  &  qui  eft  rem- 
pli de  femences  obiongues  recouvertes  d'une 
pulpe  très-tendre ,  8c  attachées  à  un  placenta 
conique  &  fillonné.  Plumier  ,  nova  plant. 
Amer,  gen.  Voyei  Plante.  (  /  ) 

CLUSONI ,  (  Géog.  \  petite  ville  d'Italie 
dans  le  Bergamafque  ^  iur  les  frontières  des 
Grifons. 

CLUSTUMINA ,  f.  f.  nom  d'une  des 
trente-cinq  tribus  romaines.  Fbje^TRlBÙ. 
CLUYD  ou  CLYD ,  (  Géog.  mod.  )  grande 
rivière  de  l'Ecolfe  méridionale  qui  prend  fîi 
fburce  dans  le  comté  d'Annandale ,  &  fc 
jette  dans  le  golfe  de  Cluyd, 

CLUYDESDALE ,  (  Géog.  mod.  )  pays 
de  l'Ecolfe  méridionale ,  entre  ceux  de 
Lenox  &:  de  Lothian  ,  qui  fe  divife  en  haut 
&  bas. 

CLYMENUM,  (H/y?. /2<2/.  bot:)  genre 
de  plante  dont  les  fleurs ,  les  fruits  &  les  tiges 
font  femblables  à  ceux  de  la  fageiîe  \  mais 
les  feuilles  font  rangées  par  paires  le  long 
d'une  côte  ,  terminée  par  des  vrilles.  Tour- 
ne fort,  inji.  rei  herb.  Voye[  PlanTE.  (/; 
CLYN  ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville  de 
l'Ecolfe  feptentrionale  ,  dans  le  comté  de 
Southerland ,  près  de  fembouchure  du  Bota. 
CLYPEI-FORME  ,  adj.  {Fhyjique.) 
fe  dit  d'une  efpece  de  comète ,  dont  la 
forme  ovale  &  oblongue  eft  femblable  à 
celle  d'un  bouclier.  Harris. 

CLYSSUS  ,  C  Chymie.  )  terme  technique 
par  lequel  les  chyîniftes  ont  déiigné  di- 
verfes  préparations  ou  produits. 

Ce  nom  eft  plus  particulièrement  &  plus 
communément  donné  au  produit  volatil  des 
détonations  du  nitre  avec  différentes  fubf- 
tances  :  c'eft  de  ces  dernières  fubftances  que 
tirent  î'^ur  dénomination  particulière  les  dif- 
férens  clyjjl/s  de  ce  genre.  C'eft  ainfi  qu'on 
dit,  clyjfus  cC  antimoine^  clyjfus  de  foufre  ^ 
clyjjus  de  tartre ,  &c. 

Pour  les  préparer  on  prend  une  cornue 
tubulée  de  terre ,  que  Von  place  dans  lin 
fourneau  convenable ,  &  à  laquelle  on  adapte 
un  très-grand  récipient,  ou  même  une  file  de 
balons  cxaâemcut  lûtes ,  dans  chacun  def- 
quels  on  a  mis  une  petite  quantité  d'eau  ou 
d*efprit-de-vin  ,  &  dont  le  dernier  ou  le 
phis  éloigné  de  la  cornue  ,  doit  avoir  une 
petite  ouverture  ;  on  fait  rougir  le  fond  de  la 


CLY  31Î 

cornue,  &  on  projette  cnfûite  le  mélange 
par  la  tubulure ,  que  l'on  a  foin  de  boucher 
exactement  pendant  la  détonation. 

Les  proportions  de  ce  mélange  peuvent 
être  variées  à  la  volonté  des  artiftes  ,  &  les 
auteurs  les  prefcrivent  en  dés  proportions 
très-ditfércntes.  Les  plus  exactes  pourtant 
feroient  celles  moyennant  lefquelles  tous  les 
ingrédiens  du  mélange  feroient  exatStcmient 
détruits ,  ou  auroient  fubi  dans  toutes  leurs 
parties  les  nouvelles  combinaifons  ou  les 
décompofitions  ,  qui  font  la  fuite  de  la  dé- 
tonation. Dans  la  fixation  du  nitre  par  le 
tartre ,  par  le  foufre  ,  que  l'on  mêle  commu- 
nément à  parties  égales  ,  la  proportion  eft 
allez  exadtc. 

L'explication  de  la  formation  des  différens 
clyffiis  ,  &:  la  connoiifaMce  de  leur  nature , 
appartient  abfolunient  à  la  théorie  de  la  dé- 
tonation. Voyei  E|ÉTGNATION  &  NiTRE. 
Ces  clyjjus  ont  joui  pendant  allez  long- 
temps d'une  grande  célébrité  à  titre  de  mé- 
dicamens  ;,  c'eft  fur- tout  du  clyjjus  d'anti- 
moine ,  foit  fimple,  foit  foufré  ,  que  les  au- 
^  teurs  de  chymie  médicinale  ont  principale- 
ment recommandé  les  vertus. 

Le  premier  c'eft-à-dire  le  fimple,  iè 
préparoit  avec  un  mélange  de  parties  égales 
de  nitre  &  d'antimoine  \  &c  le  fécond  avec 
le  môme  mélange  ,  auquel  on  ajouioit  une 
partie  de  foufre  :  mais  on  a  enfin  reconnu 
que  l'un  &;  l'autre  de  ces  clyjfus  n'étoient 
autre  choIè  qu'un  acide  très-ibible  ^  étendu 
par  l'eau  ou  l'efprit-dc-vin  employés  à  les 
retenir  dans  les  balons ,  &  qui  ne  partici- 
poit  point  des  qualités  utiles  de  l'antimoine. 
On  ne  s'aviiè  donc  plus  aujourd'hui  de  pré- 
parer avec  tant  d'appareil  une  furple  li- 
queur acidulé ,  que  l'on  peut  avoir  fur  le 
champ  &  à  bien  moins  de  frais ,  par  le  mé- 
lange de  quelques  gouttes  d'acide  vitriolique 
ou  niîreux ,  dans  une  quantité  convenable 
d'eau  ou  d'efprit-de-vin. 

Les  vapeurs  qui  fe  détachent  des  menf- 
trues  actuellement  agiflans  avec  efïèrvel- 
cence^  fuh  aclu  ipfo  effervefcentiœ  ,  ont  été 
aufiî  défignées  par  quelques  chymiftes  par 
le  nom  générique  de  Clyjjus. 

C'eft  principalement  à  l'aétion  de  ces 
clyjfus  qu'eft  duc  l'abforption  de  l'air,  que 
iVl.  Haies  a  obfcrvéc  dans  les  difTcrentcs 
eifervefcences  qu'il  a  exécutées  d.  ns   les 


511  C  L  Y 

vaiffeaux  fermés  :  ces  clyjfus  font  réellement 
mifcibles  à  l'air  ,  ou  fubifieni  avec  lui  une 
combinaifon réelle,  néceflairemeiit  fuivie  de 
la  fixation.  Foye:[  Fixer. 

Certains  auteurs  ,  comme  Rullandus  , 
Poterius  Borrichius  ,  ont  aufîi  donné  le  nom 
de  clyjfus  à  cette  préparation  ,  qui  eft  connue 
aulîi  fous  le  nom  de  pierre  végétale  ,  lapis 
vegetabilis  ,  qui  confifte  à  réunir  toutes  les 
parties  utiles  &  elFentielles  féparées  d'une 
plante  par  i'analyfe ,  après  les  avoir  purifiées 
&:  rectifiées  chacune  féparément.  Voye[  le 
lexicon  chymicum  de  Johnfon. 

On  peut  regarder  comme  un  clyffus  de 
cette  dernière  efpece  ,  le potus  medicatus  de 
Boerhaave  ,  qu'il  préparoit  avec  un  gros 
âielcofaccharum  mêlé  exadement  par  la  tritu- 
ration avec  deux  gros  de  iël  alkali  de  Ta- 
chenius  ,  &  dillous  dans  fix  onces  d'eau 
diftillée  &  cohobée  de  la  même  plante  qui 
avoit  fourni  l'huile  cffentielle  ,  à  laquelle  il 
ajoutoit  un  peu  de  firop  delà  même  plante, 
s'il  fè  trouvoit  dans  les  boutiques. 


C  L  Y 

'  cine ,  c'eft  aufTi  fous  ce  dernier  que  nous 
parlerons  de  ce  genre  d'injedtion  qu'on  porte 
dans  les  inteftins  par  le  fondement ,  &:  que 
les  Chinois  en  s'en  fcrvant  appellent  le  remède 
des  barbares.  Cet  article  eji  de  M.  le  chevalier 
DE  JaUCOVRT, 

C  M 

CMIELNTSKI  (  Bogdan  )  ,  Hijî.  mod, 
Hifîoire  des  Cofaques  ,  hetman  ou  chef  des 
Cofaques  ,  naquit  dans  l'obfcurité  \  ion  élé- 
vation fut  la  récompenfe  de  fes  fervices. 
Il  avoit  porté  les  armes  comme  fimple  ibl- 
dat.  Son  courage  l'avoit  fait  diftinguer  de  la 
foule  ,  fa  fortune  fut  rapide  :  à  peine  une 
belle  aôion  étoit-elle  payée  par  un  grade  un 
peu  relevé,  qu'il  en  faifoitune  féconde  pour 
mériter  un  grade  plus  confidérable.  C'eft 
ainfi  qu'accumulant  toujours  par  fes  fervices 
\es  dettes  que  fa  patrie  contraftoit  avec  lui, 
il  parvint  au  rang  de  capitaine.  Son  ambi- 
tion n'étoit  point  encore  fatisfaite  ,  ilvouloit 
commander  à  fes  compatriotes.  Ce  peuple  fu- 


Le  mot  de  clyffus  a  été  pris  encore  par  j  perftitieux  &  barbare  étoit  plongé  dans.  la 


quelques  anciens  chymiftes  ,  dans  une  figni- 
fication  à-peu-prèsla  même  que  celle  du  mot 
quimejfence.  Voyei  QUINTESSENCE,  {b) 

CLYSTERE,  LAVEMENT ,  REME- 
DE ,  trois  termes  fynonymes  en  médecine  ù 
en  pharmacie.  Je  ne  les  arrange  point  ici  au 
hazard ,  mais  félon  l'ordre  chronologique  de 
leur  fucceflîon  dans  la  langue. 

Il  y  a  long-temps  que  clyfiere  ne  iè  dit 
plus  \  lavement  lui  a  fuccécïé  :  cepei^dant 
î'abbé  de  S.  Cyran  le  mettoit,  fous  le  règne  de 
Louis  XIV ,  au  rang  des  mots  déshonnêtes 
qu'il  reprocihoit  au  père  GaraiTe ,  que  quel- 
ques-uns appelloientriJ/Z^'/ze^e  la  guerre  des 
je  fuites  ^  des  janfenijies.  Je  n'entends  ,difoit 
le  père  Garaflé  ,  par  lavement^  que  garga- 
rifme  ^  ce  font  les  apothicaires  qui  ont  pro- 
fané ce  mot  à  un  ufage  melTéant. 

C'eft  une  chofe  bien  iingidiere  que  l'atta- 
que de  l'abbé  de  S.  Cyran  ^  c'en  eft  une  autre 
qui  l'eft  plus  encore  que  la  défenfè  du  P. 
Garaffe.  "    • 

On  a  fubftitué  de  nos  jours  le  terme  de 
remède  à  celui  de  lavement  ;  remède  eft  équi- 
voque ,  mais  c'eft  par  cette  raifon  même  qu'il 
eft  hoiuiête. 

Clyfiere  n'a  plus  lieu  que  dans  le  burlefque, 
ôc  lavement ,  que  dans  les  auteurs  de  méde- 


plus  profonde  ignorance  ,  &  de  tous  les  arts 
cultivés  en  Europe  ,  ne  connoilfoit  que  celui 
delà  guerre.  CmielniskiXi'à  connoiftanceavec 
quelques  favans ,  polit  fes  mœurs  parle  com- 
merce des  lettres  ,  &  acquit  bientôt,  par  fou 
éloquence  ,  un  afcendant  irréfiftible  furl'ef- 
prit  de  ie%  compatriotes.  Il  étudia  enfuite  les 
intérêts  des  états  voifins  ,   le  génie  des  peu- 
ples ,  les  intrigues  des  cours  \   &  devint  en 
peu  de  temps  aufîi  capable  de  repréfenterfa 
nation  dans  une  diète  ,  que  de  la  comman- 
der dans  un  jour  de  combat.  A  la  mort  de 
Sigifmond  III ,  on  l'envoj'^a  en  Pologne ,  où 
il  iiit  bientôt  gagner  les  bonnes  grâces  du 
nouveau  roi ,  pénétra  fes  deffeins  fur  la  Tar- 
tarie  ,  &  lui  propofà  des  vues  fi  fages  for 
cette  entreprife  ,  que  ce  prince  ne  crut  pas 
en  devoir  confier  l'exécution  à  d'autres  mains. 
Déjà  tout  étoit  prêt  pour  cette  expédition  , 
lorfqu'un  événement  imprévu  fit  évanouir 
toutes  les  efjjérances  ducofaque.Lanobleffe 
refufa  de  marcher.  Les  puiffances  qui  dé- 
voient contribuer  à  la  deftrudion  des  Tar- 
tares  ,  ne  purent  fournir  les  fecours  qu'on 
attendoit  d'elles.  L'appareil  de  guerre  qui 
couvroit  la  Pologne  dif[:!arut  en  un  inftant , 
&  les  troupes  furent  licenciées. 

Cmielniski  retourna  donc  dans  fi  patrie.  Ce 

n'étoit 


C  M  I 

lî'étoit  ni  par  amitié  pour  Uladiflas ,  ni  par 
zele  pour  la  république ,  qu'il  étoit  entré 
dans  le  projet  de  cette  expédition,  il  n'avoit 
d'autre  deilèin  que  de  fe  rendre  redoutable 
&  puifTant.  Indifférent  fur  le  choix  de  {es 
ennemis,  égorgeant  les  hommes  fans  les  haïr, 
Tartare  ou  Polonois ,  tout  lui  étoit  égal , 
pour\  u  qu'il  eût  les  armes  à  la  main.  Depuis 
fon  départ  de  Pologne  ,  il  cherchoit  ini  pré- 
texte pour  rompre  avec  cette  puilfance  avec 
le  même  empreffement  qu'il  avoit  marqué 
pour  la  fervir.  Mais  trop  foible  par  lui-même 
pour  tenir  têrc  à  la  république ,  il  fe  fortifia 
de  l'alliance  des  Ruifes  fournis  à  la  Pologne: 
ces  peuples  abmtis  par  un  long  efclavage  , 
portoicnt  avec  peine  le  joug  Polonois,  prêts 
à  le  fecouer  dès  qu'ils  trouveroient  un  chef 
pour  la  révolte.  La  nobleife  fjivoit  pour  eux 
le  fyllême  politique  adopté  en  Pologne ,  les 
tenoit  dans  un  efclavage  rigoureux ,  confom- 
moit  dans  la  paix  le  fruit  de  leurs  travaux , 
&  prodiguoitleur  fangdans  la  guerre  ^  Cmïei 
niski  leur  promit  de  \qs  délivrer  d'une  domi- 
nation odieufe  ,  de  les  faire  rentrer  fous  l'o- 
béilfance  au  Czar ,  ou  de  leur  laiifer  choifir 
tel  chef  &  telle  forme  de  gouvernement  qu'il 
leur  plairoit.  Ces  magnifiques  promeffes  tirè- 
rent les  Ruilés  de  la  profonde  léthargie  où 
ils  étoient  plongés.  D'un  autre  côté  ,  Cmiel- 
niski  repréfentoit  aux  Cofaques  que  la  pro- 
tection que  la  république  leur  avoit  accor- 
dée n'étoit  qu'une  tyrannie  déguifée  ,  qu'elle 
fe  fervcit  d'eux  pour  défendre  fes  frontières 
contre  les  Tartares  ^  qu'après  tant  de  fervices 
importans ,  lorfqu'ils  s'étoient  vus  attaqués 
eux-mêmes  par  leurs  voiîins ,  la  reconnoif- 
fancedes  Polonois  avoit  toujours  été  ou  trop 
foible  ou  trop  lente ,  qu'enfin  ils  étoient  alfez 
puilfans  pour  vivre  fans  protefteur  &  fans 
maîtres.  Ces  difcours  firent  fur  l'cfprit  des 
Cofaques  le  même  effet  qu'ils  avoient  fait 
fur  celui  àcs  Ruffes ,  tout  fe  fouleva. 

Tandis  qu'en  Pologne  on  délibéroit  fiir 
cet  événement ,  qu'on  publioit  un  ban  , 
qu'on  iè  di^utoit  far  le  nombre  des  troupes 
&  le  partage  du  commandement ,  le  Coih- 
que  alloit  chercher  un  appui  dans  cette 
même  Tartarie  où  il  avoit  d'abord  vouKi  por- 
ter la  guerre.  Le  général  Potoski  fè  hâta  de 
prévenir  les  effets  de  cette  alliance.  Mais  il 
commit  une  faute  elfentielle.  La  république 
avoit  confervé  quatre  raille  Cofaques  atta- 
Tome  FUI, 


C  M  I  315 

chés  à  fon  fervice.  Il  en  forma  l'avant-garde 
de  fon  artnée.  Il  avoit  eu  foin  de  leur  faire 
jurer  qu'ils  mourroient  fidèles  à  la  Pologne» 
Mais  ce  ferment  ne  devoit  point  raffurer  un 
républicain  expérimenté  qui  devoit  favoir 
combien  un  Cofaque  eft  peu  efclave  de  fa 
parole  ,  &  combien  un  homme  libre  aime 
fa  patrie.  Deux  mille  de  ces  foldats  s'embar- 
quèrent fur  le  Borifthene.  A  peine  eurent-ils 
perdu  de  vue  le  camp  de  Potoski ,  qu'ils  je- 
tèrent les  en  feignes  polonoifes  dans  le 
fleuve  ,  &  fe  rangèrent  fous  celles^de  leurs 
compatriotes.  Cmidniski  courut  au  devant 
de  ceux  qui  côtoyoient  la  rive ,  les  fit  rou- 
gir de  porter  les  armes  pour  les  oppreffeurs 
de  leur  pays  ,  les  ramena  à  fon  camp  ,  & 
tailla  en  pièces  quinze  cents  Polonois  qui 
les  accompagnoient. 

Potoski  fentit  ,  mais  trop  tard  ,  la  faute 
qu'il  avoit  commife.  Il  lui  reftoit  à  peine 
cinq  mille  foldats  ç,  l'armée  de  Cmicniski 
étoit  de  quarante  mille  hommes ,  &  grof- 
fiffoit  tous  les  jours.  Potoski ,  trop  foible 
pour  tenir  tête  à  tant  d'ennemis  ,  fut  con- 
traint de  rentrer  en  Pologne.  Son  armée  pré- 
cipitoit  fa  marche  au  milieu  de  fes  chariots, 
qui  protégeaient  fes  flancs  par  un  double 
rempart.Elle  s'enfonça  dans  uîie  forêt  épaiffe, 
dont  le  fonds  marécageux  rendoit  la  route 
auffi  dangereufe  que  difficile.  Les  chariots 
ne  fèrvoient  qu'à  redoubler  le  défordre.  Les 
rangs  étoient  rom.pus  à  chaque  pas.  La  forêt 
retentiiîbit  de  cris  mêlés  au  bruit  des  coups 
de  haches.  Chacun  fongeoit  à  fon  falut  , 
perfonne  ne  s'occupoit  de  celui  de  l'armée. 
Au  milieu  de  ce  tumulte  ,  les  Cofaques  ôc 
les  Tartares  ,  dont  les  chevaux  étoient  ac- 
coutumés à  gravir  dans  les  lieux  \es  plus 
inaccefîîbles  ,  pénètrent  dans  le  bois.  Les 
Polonois,  épuifés  de  fatigues  ,  fe  laifïènt 
égorger  fans  réfiftance  ^  ceux  à  qui  il  refle 
affez  de  force  pour  fuir ,  s'engagent  dans  les 
marais  &  y  deineurent  enfevelis.  Pluiîeurs 
rendent  les  armes.  Les  Tartares  ,  occupés 
au  pillage  ,  leur  donnent  la  vie  ,  moins  par 
pitié  que  par  indifférence.  Ce  fut  près  de 
Corfum  que  fe  paffa  cette  boucherie. 

L'alarme  &  l'épouvante  pafferent  jufques 
aux  frontières  oppofées  de  la  Pologne.  On 
s'attendoit  à  chaque  inftant  à  voir  le  vaiii- 
queur  aux  portes  de  Varfovie  ,  lorfqu'on 
reçut  une  lettre  de  Cmielniski  z.àxQSkQ  ^\x 

Rr 


314  C  M  I 

roi.  Il  lui  repré/èntoit  que  la  tyrannie  de  la 
noble/Te  ,  &  les  exactions  des  fermiers  du 
domaine  ,  avoient  forcé  la  nation  à  prendre 
les  armes  :  qu'elle  étoit  prête  à  fe  fcumettre 
s'il  vouloit  lui  rendre  fes  privilèges  &  fa  li- 
berté j  que  la  dernière  aôion  dcvoit  appren- 
dre auxPolonois  qu'il  étoit  dangereux  d'op- 
primer un  peuple  guerrier  ,  &  que  tant  que 
ceux-ci  feroientjuftes,  les  Cofaques  feroient 
fidèles.  Uladiflas  n'étoit  plus  lorfque  cette 
lettre  arriva.  Il  venoit  de  termineur  en  Li- 
thuanie  une  carrière  alfez  beUe  pour  ne  lui 
pas  faire  regretter  la  vie.  Il  étoit  à  craindre 
que ,  pendant  le  trouble  d'une  éleftion  , 
Cmielniski  ne  vînt  apporter  le  fer  &  le  feu  au 
milieu  de  la  diète.  On  choifit ,  pour  le  fléchir , 
Adam  Kifiel ,  palatin  de  Biraclaw ,  at- 
taché comme  lui  ,  au  rite  grec.  Ce  fei- 
g-neur  étoit  chargé  par  la  république  de 
promettre  aux  Cofaques  le  rétablilfement  de 
leurs  privilèges  ,  une  domination  plus  dou- 
ée ^rrUne  proteâiion  plus  réelle.  Cmielniski 
attendit  ce  député  à  Brialacerkiew.  Il  con- 
gédia les  Tartares,  &  renvoya  une  partie  de 
iès  troupes.  Mais  il  ordonna  aux  premiers 
de  ne  pas  s'éloigner ,  afin  qu'il  pût  compter 
fiir  leur  iècours  au  cas  qu'il  fût  attaqué.  Les 
autres ,  fous  la  conduite  de  Czivonos ,  fe  ré- 
pandirent dans  la  Podolie  &  dans  la  Ruiîie  , 
où  ils  commirent  des  ravages  affreux. 

Cmielniski  fe  hâta  d'écrire  à  la  république 
pour  défavouer  la  conduite  de  ce  général ,  & 
promit  mêm.e  de  le  livrer ,  ainfi  que  fes  prin- 
cipaux complices,  à  la  vengeance  des  états. 
Le  nombre  des  rebelles  grolTilToit  tous  les 
j.ours.  Les  payfans  de  Podolie  ne  trouvaut 
plus  de  quoi  fiibfifî:er  dans  leurs  chaumières, 
pu  renverfées  ou  brûlées ,  s'unirent  aux  Cofa- 
ques pour  réparer  leur  fortune.  Cette  armée , 
de  plus  de  cent  mille  brigands  ,  m.enaçoit  la 
Pologne.  Le  duc  de  ^^ifnowics  paiTa  le  Bo- 
rifthene  à  la  tête  de  quelques  troupes  \  Janus 
Tikewic.s ,  palatin  de  Kiovie  ,  &:  Offinoki , 
lieutenant-général  de  Lithuanie  y  ne  tardè- 
rent pas  à  fe  joindre  à  lui  ^  une  noble  ému- 
lation les  animcit,  la  diète  étoit  aflémblée 
pour  élire  le  iàcceflèur  d'Uladiflas^  une  vic- 
toire remportée  fur  les  Cofaques  devenoit 
un  titre  pour  obtenir  les  fuifrages^  m.ais  mal- 
gré leurs  efforts  >  ils  ne  purent  attirer  les 
ïèbelles  au  combat.  Ils  fe  bornèrent  à  ob- 
fecv^.  kui:s  inouveinens..  CmidniskL  tos  relia 


C  M   I 

pas  plus  long- temps  oifif,  il  vint  fe  joindre 
à  Czivonos.  La  nouvelle  de  fon  arrivée  ré- 
pandit la  terreur  dans  l'armée  Polonoife  ^ 
elle  fe  retira  lâchement.  Cmielniski  en  fut  té- 
moin f,  mais  ne  fâchant  à  quel  motif  attri- 
buer la  fuite  des  ennemis  ,  il  craignit  que  ce 
ne  fût  une  rufe  de  guerre  ,  &  négligea  de 
les  pourfuivre. 

Cmielniski  tourna  fès  pas  vers  Léopold. 
Cette  ville ,  mal  fortifiée,  fans  vivres  &-  fans^ 
garnifon  ,  étoit  l'entrepôt  des  richeflés  du 
Levant.  Le  château  fut  bientôt  emporté  ,  la 
viUe  étoit  déjà  démantelée  ,  l'ennemi  s'ap- 
prêtoit  à  donner  l'affaut  :  les  affiéges  propo- 
ferent  aux  Cofaques  une  fomme  confidéra- 
ble  :  on  marchanda  long-temps  :  ceux-ci 
exagéroient  leur  mifere  ^  Cmielniski  exagé- 
roit  leurs  richelfes  :  enfin  la  ville  fut  ra* 
chetée.  Cmielniski  s'avança  vers  Zamofcié  5 
la  nobleffe  Ruife ,  chafTée  de  fes  châteaux 
par  les  payfans  unis  aux  Cofaques ,  s'était 
jetée  dans  cette  place.  Ces  vaiîaux  rebelles 
prefToient  le  fiege  avec  une  ardeur  que  re- 
doubloit  le  fouvenir  des  outrages  &  de  la 
tyrannie  des  nobles.  Ceux-ci  fentirent  bien 
qu'ils  n'avoient  aucun  quartier  à  attendre» 
Ils  fe  défendirent  avec  tant  de  vigueur  , 
qu'ils  forcèrent  les  ennemis  à  lever  le  fiege. 
Cmielniski ,  pour  fermer  à  la  nobleffe  le  che- 
min de  la  Ruflie ,  alla  y  cantonner  fes  trou- 
pes. L'hiver  vint  fufpendre  les  opérations  de 
la  guerre.  La  république  demanda  l'a  paix 
d'un  ton  fuppliant.  Le  Cofaque  la  reiufa 
avec  hauteur. 

Enfin  après  bien  des  débats ,  la  diète  pro- 
clama Jeati  Cafimir  roi  de  Pologne.  Ce 
prince ,  après  avoir  inutilement  tenté  auprès: 
du  Cofaque  les  voies  de  douceur  &  d'ac- 
commodement ,  envoya  contre  eux  André- 
Firlei.  Celui-ci  attaqua  les  Cofaques  dans, 
leurs  quartiers ,  s'empara  de  quelques  places  ,- 
&  par  ces  fuccès  ,  rétablit  la  réputation  des. 
armes  polonoifes.  Le  kam  des  Tartares  ve- 
noit de  fe  joindre  à  Cmielniski-^  ce  ne  fut  pas~ 
fans  dépit  que  ce  général  vit  un  allié  fi  pûif- 
fant  marcher  de  front  avec  lui ,  &  s'afTocier 
à  ion  expédition.  Il  affeéb  cependant  la  plus, 
parfaite  intelligence  avec  le  kam.  Depuis 
plufieurs  fiecles  on  n'aroit  vu  une  armée  fi 
nomfcreufè  ^  elle  étoit  de  plus  de  trois  cents 
mille- hommes^  fa  marche  couvroit une  pro- 
vijice  eûlifircL  elk  inve£it  la  camp:  poioiiûis^ 


C  M  I 

Firlei  ne  fut  point  effrayé  par  l'appareil  me- 
naçant des  troupes  ennemies  :  il  n'avoit  que 
neuf  mille  hommes  à  oppofer  à  cette  multi- 
tude :  il  s'étoit  retiré  fous  les  murs  de  Sbaras , 
&  y  avoit  fait  un  amas  prodig^ieux  de  muni- 
tions de  guerre  8c  de  bouche  :  «  Mes  amis , 
dit-il  à  fes  foldats  ,  nefoyezpoint  étonnés  du 
nombre  de  nos  ennemis,  ils  ibnt  plus  faciles  à 
vaincre  qu'à  compter ,  ils  ne  combattent  que 
par  l'eipoir  du  pillag^e  ,  ils  ne  trouveront 
parmi  nous  que  l'indigence ,  l'amour  de  la 
gloire  &  de  la  liberté.  Leiir  multitude  même 
doit  nous  ralfurer.  Notre  camp  occupe  fi  peu 
de  place  ,  que  les  trois  quarts  de  leurs  forces 
îcur  deviennent  inutiles.  Voyez  comme  leurs 
rangs  font  mal  gafdés ,  nulle  harmonie  dans 
leurs  mouvemens ,  nulle  difcipline  dans  leur 
camp.  Enfin  quand  tous  ces  motifs  ne  de- 
vraient pas  ranimer  votre  courage,  vous  êtes 
Poîonois ,  &  il  s'agit  du  falut  de  votre  patrie.  » 
On  l'interrompit  par  des  cris  ,  &  chacun  jura 
àe  mourir  les  armes  à  la  main ,  plutôt  que 
iic  fuir  ou  de  fe  rendre. 

Le  13  juillet  1649,  les  affiégeans  paru- 
rent fous  les  armes  au  point  du  jour.  Le  kam 
lui-même  étoit  à  la  tête  des  Tartares  ,  Cmiel- 
nisJd  s'étoit  placé  au  premier  rang  des  Cofa- 
ques  ;  Firlei  rangea  fès  Poîonois  le  long  des 
retranchem.ens ,  &  choifît  pour  lui  le  polèe 
le  plus  périlleux  :  ce  fut  de  fon  côté  que  l'at- 
taque commença  ,  il  la  foutint  avec  vigueur  ^ 
mais  à  l'avantage  du  nom.bre ,  les  ennemis 
joignoient  celui  du  terrain.  Malgré  l'iné- 
branlable fermeté  du  général  Poîonois ,  le 
retranchement  fut  forcé ,  abandonné ,  repris 
plufieurs  fois  ;,  les  aifaillans  avoient  à  chaque 
moment  des  troupes  fraîches  pour  rempla- 
cer celles  qui  avoient  combattu.  Ils  ne  laif- 
foieîit  point  reipirer  les  Poîonois  \  ceux-ci 
cpuifës  de  fatigues ,  la  plupart  percés  de 
coups ,  ne  dormoient ,  ne  mangeoient  que 
les  armes  à  la  main  \  mais  leur  courage  s'ac- 
croilfoit  avec  le  péril ,  êc  les  alliés  le«  trou- 
vèrent plus  fermes  dans  les'dernieres  attaques 
que  dans  les  premières.  Cmklniski  vit  bien 
qu'il  falioit  un  fiege  dans  les  formes ,  &  fit 
ouvrir  la  tranchée  f,  les  travaux  furent  bien- 
tôt  pouffes  jufqu'aux  pies  des  retranchemens. 
Le  nombre  des  Poîonois  diminué  par  tant 
d'attaques ,  ne  pouvoit  plus  faffire  à  garder 
un  efpace  il  vafte ,  il  fallut  élever  des  retran- 
chemens plus  étroits  derrière  les  premiers  , 


C  M  I  3  r  y 

&  détruire  ceux-ci  pour  ne  pas  îailîer  aux 
ennemis  l'avantage  de  s'y  loger.  La  famine 
faifoit  des  ravages  affreux  dans  Sbaras  & 
dans  l'armée ,  le  foldat  difputoit  au  bour- 
geois les  plus  vils  alimens.  Le  partage  d'une 
proie  dégoûtante  divifoit  des  hommes  raf- 
femblés  par  l'héroifrae  le  plus  pur. 

Telle  étoit  l'affreufe  lituationdes  Poîonois > 
loriqu'on  apprit  l'arrivée  du  roi.  Il  s'avançoit 
à  la. tête  de  vingt  mille  hom.mes  raifemblés 
à  la  hâte,  mal  armés,  mal  payés,  mais  à  qui 
l'exemple  des  alliégés  apprenoit  à  ne  rien 
craindre.  Cafimir  ,  après  avoir  fait  faire  à 
Ion  armée  une  marche  forcée  ,  campa  près 
de  Sborow.  Le  kam  &  Cmielniski  ne  l'atten- 
dirent pas  dans  leurs  lignes,  m.ais  ils  couru- 
rent à  fa  rencontre  avec  foixantc  m.ille  Tar- 
tares &  quatre  vingt  mille  Cof^ques,  L'ar- 
mée de  la  république  n'étoit  pas  encore  ran- 
gée en  bataille ,  qu'une  partie  des  Tartares 
&  des  Cofaques  vint  fondre  fur  les  Poloncis , 
tandis  que  le  refte  les  prenoit  en  queue  ; 
après  une  vigoureufe  réfiiîance,  l'avant-gar- 
de  fut  enfoncée  ,  les  Tartares  jîénétrerent 
dans  les  vuides  ^  tout  fut  pris  ou  malfacrc. 
La  vicî:oire  penchoit  en  faveur  des  alliés, 
lorique  le  caltellan  de  Satidomir  iè  jeta  fur 
\e%  Tartares  &  les  prit  en  flanc.  Cette  diver- 
fion  donna  le  temps  à  l'avant-garde  de  fe 
rétablir  &au  refte  de  l'armée  de  fe  déployer; 

Cmielniski  marcha  de  front  contre  le  corps 
de  bataille.  Cafimir  étoit  au  centre,  & 
donnoit  à  fès  fbidats  l'exeinple  du  courage. 
Le  choc  fut  terrible  \  les  Poîonois  fermes  à 
leurs  poftes ,  encouragés  par  la  vue  de  leur 
roi ,  ne  laifferent  prendre  fur  eux  aucun  avan- 
tage \  il  n'en  étoit  pas  de  mêm^e  aux  ailes , 
la  gauche  écrafee ,  culbutée  par  la  cavalerie 
Tartare,menaçoit  d'entraîner  dans  fa  défaite 
la  ruine  de  toute  l'armée  ,  Cafimir'y  vola  : 
fà  préfènce  rétablit  le  combat.  Telle  étoit  la 
fîtuation  des  deux  armées  lorfque  la  nuit  fur- 
vint ,  chacun  la  pafi'a  à  fon  pofte  couvert 
de  fes  armes.  Cafimir  exhortoit  fes  foldats, 
les  combloit  d'éloges ,  &  leur  promettoit  de 
nouveaux  triomphes  :  cependant  malgré  la 
fiere  contenance  qu'il  affeftoit ,  il  n'étoit  pas 
tranquille.  Le  kam  lui  donnoit  peu  d'inquié- 
tude, mais  il  craignoit  Cmielniski  &  fès 
Cofaques.  Il  efl'aya  de  le  détacher  de  l'al- 
liance des  Tartares.  Il  lui  fit  tenir  une  lettre  , 
dans  laquelle  il  lui  rappelloit  les  bienfaits 
Rr  i 


31^  CM  I 

d'Uladiflàs ,  &  ies  anciens  traités  qui  unil- 
Ibieiit  les  Polonois  &  les  Coiliques  f,  il  lui  dé- 
voiloit  enfuite  les  projets  ambitieux  du  kam, 
que  Cmielniski  connoiflbit  mieux  que  lui^ 
enfin  il  l'exhortoit  à  quitter  ce  ramas  de  Tar- 
tares  qui  lailibient  aux  Cofaques  tous  ies  pé- 
rils de  la  guerre ,  &  en  recueilloient  tout  le 
fruit. 

Le  roi  attendoit  avec  impatience  la  réponfe 
de  Cmielniski.  Mais  lorfque  le  jour  parut ,  il 
vit  les  Cofaques  &  les  Tartares  ranges  en  ba- 
taille. Il  fe  prépara  à  les  recevoir.  L'événe- 
ment de  cette  journée  fut  le  même  que  celui 
delà  veille.  Les  Polonois  en  eurent  tout  l'hon- 
tieur ,  puifqu'ils  ne  furent  pas  vaincus.  Les 
Tartares  &  les  Cofaques  rentrèrent  dans  leur 
camp.  La  divilion  étoit  prête  à  naître  entre 
les  généraux.  Cmielniski  ibupçonnoit  la  fidé- 
lité du  kam.  Celui-ci ,  au  lieu  des  conquêtes 
aifées  qu'il  s'étoit  promifes ,  ne  trouvoit  par- 
tout qu'une  réfiftance  opiniâtre.  Il  écrivit 
au  roi  de  Pologne  pour  lui  offrir  la  paix. 
Cmielniski ,  craignant  d'être  abandonné  fêul 
à  la  fureur  des  Polonois ,  demanda  un  accom- 
modement. Il  l'obtint  à  des  conditions  très- 
dures  ;  il  fut  obligé  de  venir  fe  jeter  aux  ge- 
noux de  Cafimir ,  le  prier  d'oublier  fa  révolte 
&  de  lui  pardonner^  il  eft  vrai  que  le  roi  , 
fenfible  à  fon  repentir  ,  le  déclara  chef  de  la 
milice  Cofaque.  Les  députés  de  la  républi- 
que lui  préfenterent  la  queue  de  cheval  & 
l'étendard  ,  marque  de  l'autorité  dans  la- 
quelle il  étoit  confirmé. 

Tandis  qu'on  négocioit  dans  le  camp  de 
Sborow ,  on  combattoit  fous  les  murs  de 
Sbaras.  La  nouvelle  de  la  paix  n'y  avoit  point 
encore  été  portée.  Le  kam  &  Cmielniski 
avoient  retardé  le  départ  des  couriers  pour 
donner  à  leurs  troupes  le  temps  d'exterminer 
les  Polonois.  Ceux-ci  fe  défendoient  avec 
une  confiance  inébranlable  ^  ils  étoient  réduits 
aux  plus  cruelles  extrémités ,  &  ne  parloient 
pas  encore  de  fe  rendre.  Enfin  ils  reçurent 
une  lettre  de  Cmielniski.Qe  général  profitant 
de  leur  ignorance,  leur  mandoit  que  s'ils 
vouloient  lui  payer  une  fomme  confidérable , 
-  il  donneroit  à  {^qs  troupes  le  fignal  de  la  re- 
traite. Les  habitans  demandèrent  quelques 
jours  pour  contribuer.  Pendant  cç  délai  le 
traité  fut  publié  ;  on  reconnut  l'artifice  de 
Cmielniski^  &  il  fut  obligé  de  fè    retirer. 

Ce  général  n'avoit  point  Qubliç  l'aiFrout 


C  M  I 

qu'il  avoit  reçu  à  Sborow,  ni  la  démarche 
humiliante  que  la  perfidie  de  fon  allié  i'avoit 
forcé  de  faire  ^  il  négocia  fecrétemeiit  avec 
la  Porte  ^  il  obtint  la  protection  de  l'empe- 
reur ennemi  né  de  la  république.  Bientôt  la 
guerre  fut  rallumée.  L'armée  Polonoife  s'a-» 
vança  vers  le  Borifthene.  Cmielniski ,  par  des 
divifions  faites  à  propos ,  fut  la  divifer ,  & 
remporta  quelques  avantages  ^  mais  enfin  il 
fut  vaincu5&  s'enfuit.  On  croyoit  les  Cofaqjies 
domtés  par  cette  viftoire ,  mais  Cmielniski 
reparut  à  leur  tête  ^  il  fut  plus  malheureux  en- 
core que  dans  la  campagne  précédente.  Ce- 
pendant la  république  ,lafrée  d'une  guerre  qui 
minoit  fourdement  fes  forces ,  donna  la  paix 
aux  Cofaques,  pardonna  à  leur  chef  qu'elle 
devoit  punir ,  &  rétablit  les  anciens  traités, 
Cmielniski  trouva  une  mort  digne  de  lui 
dans  un  combat  qu'il  livra  aux  Polonois ,  & 
où  il  difputa  la  viftoirc  jufqu'au  dernier  fou- 
pir.  Tels  font  les  principaux  traits  de  la  vie 
de  cet  homme  célèbre  ,  qui  eut  la  gloire  de 
mettre  la  Pologne  à  deux  doigts  de  fa  perte. 
Il  charmoit  les  loifirs  que  lui  laiflbient  l(^s 
intervalles  de  fes  expéditions  par  des  feftnis  , 
où  il  s'abandonnoit  à  la  débauche  la  plus 
crapuleufe.  Bazile  ,  prince  de  Moldavie  y 
dont  la  fille  avoit  époufé  un  des  fils  de  Cmiel- 
niski ,  ayant  été  chafîé  de  ks  états ,  vint  un 
jour  implorer  le  fecours  de  fon  allié.  Le 
chef  des  Cofaques  étoit  alors  au  milieu  des 
plaifirs  &  de  la  bonne  chère.  Il  fallut  que  le 
prince  de  Moldavie  attendît  une  femaine 
entière  pour  trouver  le  moment  favorable  de 
l'entretenir.  Enfin  il  obtint  une  audience  y 
&  fit  aux  Cofaques  une  peinture  touchante  & 
pathétique  de  fès  malheurs.  Pour  toute  ré- 
ponfe Cmielniski  fè  faifit  d'une  large  coupe 
pleine  de  vin,  &  s'adreffant  à  Bazile  ,  il  l'in- 
vite à  la  vuider,  en  laffurant  qu'elle  contient 
un  fur  remède  contre  tous  i^cs  chagrins.  Le 
prince  de  Moldavie  fe  retira  indigné  ,  en 
difànt  :  Tavois  cru  jufquici  que  les  Cofaques 
étoient  des  hommes  ,  mais  je  ne  vois  que  trop 
maintenant ,  quon  a  raifon  de  dire  que  ce  font ,. 
ou  des  hommes  changés  en  ours ,  ou  des  ours 
changés  en  hommes.  (M.  de  Sacy.) 

C  N 

*CNACALESIA,  furnom  de  Diane, 
ainfi  appcliée  du  mont  Cnacalus  en  Arcadie , 
OÙ  cliç  avoit  un  temple  £v  des  fêtes  annuelles. 


CNI 

*  CNAGÎA  ,  [Myth.)  furnom  de  Diane  ;, 
ainfi  appellée  de  Cnagéus ,  qui ,  conduit  à 
Phidna  par  Caftor  &  Pollux  ,  féduilit  la 
prcrrefTe  de  Diane  ,  &  l'enleva  avec  la  ftatue 
de  la  déelTe. 

*  CNAZON  ,  (Hifi.  anc.  )  aiguille  dont 
les  femmes  romaines  fe  fervoient  pour  arran- 
ger leurs  cheveux  :  elle  s'appelloit  aufli  dif- 
cerniculum. 

*CNEPHo^/CNUPHIS,  [Myth.)  l'Etre 
fuprême  chez  les  Egyptiens  ^  on  le  repréfen 
toit  avec  un  fceptre  à  la  main ,  marque  de  fa 
fbuveraineté  ,  la  tête  couverte  de  plumes  , 
fîgne  de  fa  fpiritualité  ,  &  un  œuf  à  la  bou- 
che ,  fymbole  du  monde  créé  par  fa  parole  -^ 
on  ajoutoit  quelquefois  à  ces  caraôeres  le 
ferpent  qui  fe  mord  la  queue  ,  fymbole  de 
l'éternité. 

*  CNEUS  ,  (  Hijl.  anc.  )  furnom  que  les 
Romains  donnoient  à  ceux  qui  naiifoient 
avec  quelques  taches  remarquables. 

CNEZOW,  {Géog.  mod.)  ville  de  Pologne 
dans  le  palatinat  de  Chelm. 

CNICUS  ,  f.  m.  (H//?,  nat,  bot.)  genre  de 
plante  dont  les  fleurs  (ont  des  bouquets  à 
fleurons  découpés  ,  portés  chacun  fur  un 
embryon,  &:foutenuspar  un  calice  écailleux, 
&  entourés  de  grandes  feuilles  qui  forment 
une  efpece  de  chapiteau.  Lorfque  la  fleur  eil 
palTée  ,  les  embryons  deviennent  des  femen- 
ces  garnies  d'aigrettes.  Tournefort ,  injl.  rei 
herb.  V.  Plante.  (/) 

CNIDE  ,  (  Géog.  anc.  ^  mod.  )  ville  an- 
cienne de  la  Carie ,  dans  la  Doride.  Ce  n'eft 
plus  qu'un  miférable  bourg. 

CNIDIENNE ,  ad],  [Myth.)  furnom  de 
Vénus  ,  ainfi  appellée  de  la  dévotion  parti- 
culière que  les  habitans  de  Cnide  avoient  en 
elle. 

CNISME ,  (  Mufique.  )  danfe  &  air  de 
danlè  qu'on  exécutoit  fur  la  flûte. 

C  o 

CO  ,  COA  ,  COOS  ou  COS  ,  {Géog.  anc. 
&mod.)  île  de  l'Archipel ,  vers  la  côte  de  la 
Carieiclle  eft  célèbre  par  la  naiifance  d'Hyp- 
pocrate  ,  d'Apelle ,  &  de  Pamphile  ,  qui  la 
première  dévida  la  foie.Les  Turcs  l'appellent 
aujourd'hui  Stanco  ou  Stankon.  On  laconnoît 
auflî  fous  le  nom  de  Lango.  Elle  eft  prefque 
vis  à-/is  d'Halycarnaiie  j  près  de  Cnide  £4  de 
l'ile  Palmola, 


COA  317 

COA  5  f.  m.  (  Hift.  nat.  lot.  )  genre  de 
plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  du  furnom 
cous ,  qui  a  été  donné  à  Hyppocrate  parce 
qu'il  étoit  né  dans  l'île  de  Coo.  La  fleur  des 
plantes  de  ce  genre  eft  monopéiale  ,  cam.pa- 
niforme  ,  globuleufe.  Le  piftil  s'élève  du 
fond  d'un  calice  découpé  ,  &.  eft  attaché 
comme  un  clou  à  la  partie  poftérieure  de, la 
fleirr  :  ce  piftil  devient  dans  la  fuite  un  fruit 
compofé  de  trois  capfules  membraneufès  & 
applaties  -^  ces  capfules  font  divifées  en  deux 
loges  ,  dont  chacune  renferme  une  ièmencc 
longue  &  ailée.  Plumier ,  nov. plant.  Amer, 
gen.  V.  Plante,  f/) 

CoA  5  (  Géog.  mod.  )  rivière  du  royaume 
de  Portugal,  dans  la  province  du  Tras-ios- 
Montes. 

*  COACTIF  ,  adj.  (  Théol.  &  Jurifpr.) 
qui  peut  légitimement  contraindre  &fe  faire 
obéir  par  la  force.  Les  fouverains  ont  feuls  le 
pouvoir  coaclif  :  il  y  a  cette  différence  entre 
Izs  loix  de  l'églife  &  les  loix  de  l'état ,  que 
celles  de  l'églilè  ,  en  qualité  fimple  de  loix 
de  l'églife ,  n'ont  que  force  direôive  :  au  lieu 
que  les  loix  de  l'état  ont  par  elles-mêmes 
force  coûc7/Vf.  Les  loix  de  l'églife  n'ont  force 
coaclive ,  que  quand  elles  font  devenues  loix 
de  l'état. 

*  COACTION ,  f  f.  (ThéoL)  aftion  fur 
la  volonté ,  qui  en  ôte  ou  diminue  le  libre 
exercice  ;  d'où  il  s'enfuit  que  la  coaclion  ,  fi 
elle avoit lieu,  excuferoit  entièrement  ou  en 
partie  la  créature  du  crime  ,  &  lui  ôteroit 
le  mérite  de  la  bonne  action  :  car  le  mérite 
&  le  démérite  diminuent  &:  difparoiffent 
auiïî-tôt  que  la  nécefîîté  de  vouloir  ou  de 
ne  pas  vouloir  commence.  Voy.  Liberté  , 
Grâce. 

COADJUTEUR ,  f.  m.  (  mft.  eccléf.  & 
/w/'(/^r.)  eft  celui  qui  eft  adjoint  à  un  prélat , 
ou  autre  bénéficier  ou  officier  eccléfiaftique, 
pour  lui  aider  à  faire  fcs  fonéîions. 

Les  coadjuteurs  font  ordinairement  défi- 
gnés  fucceftèurs  de  ceux  auxquels  on  les 
adjoint. 

Le  P.  Thomaiîin  en  fa  dilclpline  de  l'é- 
glife ,  part.  II  ,  Jiv.  II  ,  c/t.  xxij  &  xciij  , 
dit  que  les  cpadjuto reries  étoierit  en  ufage 
dès  les  premiers  iiecles  de  l'églife.  On  trouve 
en  effiît  que  dès  l'an  .55  ,  S.  Lin  fut  {àlxco^id-, 
jutiurào.  S.  Pierre ,  c:  qu'en  95  Evariiie  le  fut 


3i8  C  O  A  C  O  A 

du  pape  Anaclet  (a).  Cependant  le  P.  Tho-  ^  dignité  d'un  coadjuteur.  On  dit  que  N  a  éci 


inaltin  ajoute  que  les  coadjutoreries  fout 
odieufés  ,  en  ce  que  c'eft  une  manière  indi- 
re«^e  pour  tranfmettre  les  bénéfices  comme 
par  voie  de  fiicceiîion. 

En  France  le  rci  donne  quelquefois  un 
coadjuteur  aux  archevêques  ,  évêques  & 
abbés  ,  lorfque  le  grand  âge  du  bénéficier 
ou  ks  infirmités  ,  fon  ablènce  ou  quelque 
autre  caufe  légitime  ,  le  demandent  ,&  que 
c'eft  pour  le  bien  de  l'égliiè. 

Le  pape  donne  des  bulles  qui  portent 
ordinairement  la  claufe  cum  futura  fiiccef- 
Jione  :  c'eft-à-dire  provifion  &  collation  du 
bénéfice  par  expc6i:ative  ;  tellement  qu'après 
le  décès  du  titulaire  ,  le  coadjuteur  n'a  pas 
befoin  d'autre  titre  pour  fuccéder  au  bénéfice. 

Mais  on  ne  peut  nommer  de  coadjuteur 
avec  droit  de  fuccéder ,  que  pour  les  évêchés 
&  abbayes  ^  &  pour  donner  un  coadjuteur  à 
un  évoque  ,  il  faut  que  celui-ci  y  confénte. 

Les  cnadjut<urs  des  évêques  doivent  être 
eux-mêmes  évêques  :  on  les  nomme  ordinai- 
rement évêques  in  partibus  infidelium  ,  afin 
qu'ils  puiflént  faire  les  fonétions  épifcopales 
à  la  décharge  de  celui  dont  ils  font  coadju- 
teurs  ;  car  le  coadjuteur  a  les  mêmes  préro- 
gatives que  l'évéc^uc  auquel  il  eft  adjoint. 

Celui  qui  eft  nommé  coadjuteur  d'un  ar- 
chevêque ,  a  rang  au  delTus  de  tous  les  évê- 
ques dans  les  alîémblées  du  clergé. 

i  .e  concile  de  Trente  ,  fe^.  21,  cAap.  vj , 
veut  qu'on  donne  aux  curés  ignorans  des 
coadjuteurs  ou  des  vicaires  pour  faire  leurs 
fonétions. 

L'ufage  des  coadjuteurs  eft  aboli  en  France 
pour  les  canonicats  &  prébendes ,  prieurés , 
cures ,  &  chapelles.  On  l'avoit  toléré  quel- 
que temps  dans  les  évêchés  de  Metz  ,  Toul  & 
Verdun  ;,  mais  par  arrêt  du  25  février  1642  , 
rapporté  au  journal  des  audiences ,  on  a  jugé 
qu'il  ne  devoit  point  avoir  lieu.  Voye^  le  tr. 
des  mat.  bénéfic.  de  Fuet ,/?/».  59 ,  62  ,  140 , 
154 j  2,25  ,  278  ,  524  &  525  ,  ^lajurifpr. 
canoniq.  au  mot  coadjuteur.  (A) 

Coadjuteur,  eft  aufti  le  nom  qu'on 
donnoit  à  certains  religieux  parmi  les  jéfui- 
tes.  F.  Jésuites.  {G) 


nommé  a  la  coadjutorerie  de  tel  ou  telévéché* 
La  coadjutorerie  par  elle-nîême  n'eft  pourtant 
pas  un  titre  réel ,  mais  une  expeâiative  pour 
en  obtenir  un  après  la  mort  du  titulaire.  V, 
Coadjuteur.  (G) 

COADJUTRICE  ,  fub.  f.  (  Hijî.  eccléf, 
Jurifprud.)  eft  une  religieufè  nommée  parle 
roi  pour  aider  à  une  abbefle  à  faire  (qs  fonc- 
tions ,  avec  droit  de  lui  fuccéder.  V,  ce  qui 
ej?  dit  au  mot  COADJVTEUP..  [A] 

COAGIS ,  f  m.  (  Comm.  )  on  appelle  ainfi 
au  Levant  celui  qui  fait  le  commerce  par 
commiiïion  pour  le  compte  d'un  autre.  Pref- 
que  toutes  les  nations  commerçantes  de  l'Eu- 
rope ont  des  coagis-  aux  échelles  du  Levant. 
K,  les  dicî.  de  Trév.  &  du  comm. 

COAGULATION  ,  f.  f.  (  Phyjîque  & 
Chymie.  )  Le  mot  de  coagulation  pris  dan^ 
fon  {QWi  le  plus  étendu  ,  exprime  tout  chan- 
gement arrivé  à  un  liquide  compofé  ,  par 
lequel  ou  la  malle  entière  de  ce  liquide, ou 
feulement  quelques-unes  de  {qs  parties  font 
converties  en  un  corps  plus  ou  moins  denfè. 

Ce  changement  s'opère  dans  ces  liquides 
par  un  grand  nombre  de  caufes  différentes  , 
qui  conftituent  tout  autant  d'efpeces  de  coa- 
gulations qui  ont  la  plupart  des  noms  parti- 
culiers ,  &  qu'on  ne  défigne  même  prefque 
jamais  par  le  nom  générique  àz coagulation^ 
qui  a  été  borné  par  l'ufage  à  quelques  efpeces 
particulières. 

Les  coagulations  de  la  première  efpece,ou 
improprement  dites  ,  font  la  congellatioii 
ou  condenfation  par  le  refroidilïëment  ,  la 
concentration  ou  rapprochement  par  le 
moyen  de l'évaporation,  la  précipitation,  la 
cryftallifàtion.  V,  CoNGELLATION  ,  EvA- 
PORATION,  RrÉCIPITATION,  fi»  CrYS- 
TALLISATIOxV. 

Les  coagulations  de  la  féconde  efpece  , 
celles  pour  lefquelles  cette  dénomination  eft 
confiicrce,  font  premièrement  \'d  coagulation 
fpontanée  du  lait ,  du  fang ,  de  certains  ftics 
végétaux,  par  exemple  celui  de  la  bourrache 
&  du  cochlcaria  ,  &c.  2".  celle  du  blanc 
d'oeuf  &  des  autres  lymphes  animales,  par 
un  degré  de  chaleur  répondant  au  cent  cin- 
quante-lixieme  du  thermomètre  de  Fahren- 


COADJUTOKERIE  ,    f..f.  place  ou 

(«)  Ce  q-j'on  èi:  ici  fur  S.  Lin  eft  douteux  ,  &  fur  S.  Evarifte  encore  plus  ,  puifqu'il'  n'y  a  point 
eut  de  S.  An.iclet  pape.  S.  Evarifte  fuccéda  à  S.  Clément.  Anaclet  eft  le  même  que  CÎet,  précccefleur 
drS.  Clément.  Fojsx,  PAPbBA.ocH,  PiARsoN  ,  Coûtant, 


C  O  A 

heit ,  félon  les  obfervations  du  doéteur  Mar- 
tine :  3*'.  la  coagulation  des  matières  huileu- 
{qs  par  le  mélange  des  acides ,  celle  du  lait 
par  \q's  acides  ,  par  les  alkalis ,  &  par  les  el- 
prits  fermentes  ^  celle  des  matières  mucilagi- 
neulès  ou  farineufes  délayées  par  les  alkalis , 

Neus  fommes  forcés  d'avouer  que  la  théo- 
rie de  la  coagulation  fpontanée  du  lait ,  du 
fang- ,  &  des  fucs  gélatineux  des  végétaux  , 
eil  encore  pour  nous  dans  les  ténèbres  les  plus 
profondes  ,  &  que  nous  n'en  fàvons  pas  da- 
vantag^e  fur  la  coagulation  des  lymphes  ani- 
males par  le  moyen  du  feu  :  nous  ne  pou- 
vons attribuer  cette  dernière  coagulation  à 
aucune  efpece  de  diiUpation  des  parties 
aqueufes  qu'on  fuppoferoit  conftituer  aupa- 
ravant leur  fluidité  ,  puifqu'au  degré  de  cha- 
leur requis  cet  épaiflifTement  fe  fait  dans 
l'eau  aufTi-bien  qu'à  l'air  libre. 

La  condenfation  de  ces  matières  par  cette 
caufê ,  eft  une  des  exceptions  les  plus  re- 
marquables à  cette  loi  phyfique  prefque  gé- 
nérale ,  par  laquelle  les  degrés  de  rareté  ou 
de  laxité  du  tilfu  des  corps  font  à-peu-près 
proportionnels  à  leur  degré  de  chaleur.. 

Quant  à  la  troifieme  efpece  de  nos  coa- 
gulations proprement  dites  ^  fàvoir  l'épaif- 
fifîénient  des  matières  huileufes,  ùc.  par  les 
acides  ,  6fc,  nous  pouvons  au  moins  les  ra- 
mener par  une  analogie  bien  naturelle  à  la 
clafî'e  générale  des  corporifications  qui  dé- 
pendent' de  la  combiuaifôn  des  différens 
principes ,  comme  des  acides  avec  les  diffé- 
rentes bafés  terreufès  ou  métalliques  ,  ùc. 
Voyei  Mixtion. 

La  coagulation  du  îait  par  cette  cnufê  ne 
peut  être  cependant  que  très -difficilement 
rangée  avec  ce  genre  d'effets  ^  car  on  n'ap- 
perçoit  pas  trop  coiranent  quelques  gouttes 
d'acides ,  quelques  grains  d'alkaiis  ,  ou  une 
petite  quantité  d'efprit-de-vin  ,  peuvent  fè 
«liftribuer  afTez  également  &  en  une  pro- 
portion fufnfànte  dans  une  grande  quantité 
de  lait ,  pour  en  lier  les  parties  au  point 
de  leur  faire  perdre  leur  fluidité  en  fi  peu 
de  temps.  Voye^  Lait,  (b) 

COAGULUM,  f.  m.  (  Chirurg,)  terme 
confacré  en  chirurgie  pour  exprimer  \3.  par- 
tit rouge  du  fang. 

Lorique  le  fang  circule  dans  les  vaiflèaux 
ftti  qii'il  eii  fort  j  il  paroît  compofé  de  p^r- 


C  O  A  515^ 

ties  homogènes  ^  mais  fî  on  le  laiffe  repofèr 
dans  un  vafe  ,  on  reconnoît  bientôt  qu'il  n'en 
ell  pas  ainfî.  Le  fang  reçu  dans  une  palette 
fè  refroidit ,  fe  coagule  ,  &  fè  partage  en 
deux  parties ,  dont  l'une  eft  un  coagulum 
qu'on  appelle  X-a  partie  rouge  du  fang  ;  l'au- 
tre fluide  &  blanche  ,  ic  nomme  impartit 
lymphatique. 

Mais  pourquoi  le  coagulum  du  fang  tiré 
dans  un  vafè  efl-il  quelque  temps  après  la  fai- 
gnée  d'un  rouge  vif  à  la  fur  face ,  &  d'un  rouçre 
très-foncé  au  fond  du  vafe  ?  C'efl  parce  que 
les  globules  de  la  fur  face  font  non  feulement 
moins  com.primés,  mais  encore  mêlés  avec 
de  l'humeur  blanche  &  glaireufe  qui  s'élève 
vers  la  fuperficie  du  coagulum ,  qui  fe  fige 
avec  \qs  globules ,  &  qui  afîbiblit  leur  cou- 
leur :  c'efl  cette  humeur  glaireufe  qui  pro- 
duit quelquefois  fur  le  fang  que  l'on  a  tiré 
des  coènes  blanchâtres  ,  dures  ,  &  coriaces. 
Fbyt^CoENE. 

Le  ccfûgulum  rouge  lavé  dans  de  l'eau 
tiède  ,  fè  fëpare  en  deux  parties ,  dont  l'une 
fe  mêle  avec  l'autre  à  laquelle  il  communi- 
que fà  couleur  rouge  ,  &  l'autre  fe  forme 
en  petits  filamens  blancs  :  la  première  efè 
ce  qu'on  appelle  proprement  Xo.  fang  ^  dont 
on  expliquera  la  nature  en  fôn  lieu.  (M.  k 
chevalier  de  Javcovrt.  ) 

COAILLE  ou  QUOAILLE,  f.  m.  {Com- 
merce &  draperie.  )  laine  grofîîere  qui  fe  levé 
de  la  queue  de  la  brebis  :  ce  qui  l'a  fait  ap- 
ptlîer  ainfî.  V.  lesdiâ.  de  Tréw  &  du  comm. 

COAÎTA  ,  L  m.  (  liift.  nat.  quad.  )  nom 
que  les  habitans  du  Brefil  donnent  à  une 
forte  de  Ç\n%Q..  M.  de  Buffon  en  avoit  publié 
une  excellente  figure  au  volume  XII  de  fou 
Hifioire  naturelle  ^pa^e  301  ,  de  l'édition  in- 
11.  Barreze  dans  donHiJloire  naturelle  de  la 
France  équinoxiale  ,  page  150,  la  défîgnoit 
fous  le  nom  de  cercopithecus  major  niger  fa" 
ciem  humanam  referens  ,  quoata  Guianenfbus^ 
Nous  en  vîmes  un  qui  fut  montré  vivant  au 
public  à  Paris  en  1754  y  ibus  le  nom  de 
bel^ebud ,  que  M.  Briffon  lui  a  confèrvé  eu  y 
ajoutant  la  dénamination  de  cercopithecus  in 
pedibus  anterioribus  pollice  carens  ^  cauda  in- 
ferius  verfksavicempilis  dejiituta.  Règne  ani- 
mal ,  quadrupède  ,  imprimé  en  I75<5  ,  page 
211.  Browne ,  dans  fon  Hijioire  de  ta  Jamaï- 
que ,  page  489  j  Ï2CÇiÇi&\\z  j  Jimia  fufce  major 
palinJs.  tetradcclilis,^  caudâprdtcnjlli  ad  apicim. 


iiô  C  O  A 

J'ubtus  nudâ.  Enfin  ,  M.  Linné,  dans  fbn 
Syfieina  naturœ  ,  édition  12  ,  imprimé  en 
1766 ,  page  37,  la  dcfigne  fous  le  nom  de 
fimia  14  panifcus  ,  cdudcta  imberbis  atra  , 
càudâ  prehenfili  ^  palmis  retradaclylis.  On 
rappelle  chamek  au  Pérou. 

Le  coû/V<2  eft  fi  peu  proportionné  ,  &  fi 
effilé  du  corps  •&  des  jambes  ,  qu'on  lui 
donne  aufiî  le  nom  à<&  jinge-araignée  ,  félon 
Edwards  ,  Gtanures^page  221.  La  longueur 
de  fon  corps  depuis  le  bout  du  nez  jufqu'à 
l'origine  de  la  queue  eft  de  feize  pouces  ^ 
celle  de  fa  queue  de  vingt-quatre  pouces  ;, 
celle  de  ks  quatre  jambes  depuis  leur  origine 
julqu  au  bout  des  ongles  trente  pouces  ;,  fa 
largeur  aux  épaules  eft  de  quatre  pouces. 

II  a  cinq  doigts  aux  pies  de  derrière  & 
quatrç  feulement  aux  pies  de  devant ,  qui 
n'ont  qu'une  apparence  de  pouce  j  la  queue 
prenante  comme  une  main  ,  c'eft-à-dire  , 
applatie ,  nue ,  &  fe  roulant  à  fon  extrémité , 
d'un  quart  plus  longue  que  le  corps  &  la  tcte 
pris  enfèmble  ^  les  oreilles  nues,  faites  comme 
celles  de  l'homme  \  la  cloifon  des  narines 
très-épailfe  ,  &  les  narines  ouvertes  ,  non 
pas  au  defi'ous  ,  mais  aux  côtés  du  nez  ^  \qs 
icï^zs  fans  callofitcs  ,  couvertes  de  poils 
comme  les  fapajous  *,  le  réfte  du  corps  cou- 
vert d'un-  poil  rude  ,  hériffé  ,  long  de  deux  à 
trois  pouces ,  excepté  les  oreilles ,  la  face  & 
les  mains  qui  font  nues ,  ainfi  que  le  tiers  de 
la  queue  vers  fon  extrémité  &  dans  fa  face 
inférieure  dont  la  peau  eft  fillonnée  comme 
celle  d'une  main.  II  n'a  pas  d'abajoues ,  & 
fa  femelle  'n'eft  pas  fujette  à  l'écoulement 
périodique  non  plus  que  les  fapajous. 

Pour  l'ordinaire  ,  cet  animal  a  le  poil  & 
la  peau  noires ,  la  face  tournée ,  la  prunelle 
des  yeux  noire  entourée  d'un  iris  brun  bordé 
de  jaune,  néanmoins  on  en  voit  qui  ont  le 
poil  blanc  jaunâtre  fous  la  gorge  ,  le  ventre 
&  le  dedans  des  jambes  roux  fur  les  côtés  , 
brun-  noir  fur  la  partie  poftérieure  du  dos ,  & 
la  face  noire  comme  le  rçfte  du  corps. 

Mœurs.  Le  coaita  noir  ou  le  chamek  qui 
eft  le  plus  petit ,  eft  commun  au  Pérou  ^  le 
coaita  blanc  fous  le  ventre  eft  originaire  de  la 
Guiane  &  du  Brefil.  Ces  animaux  font  intel- 
ligens  &  fe  familiarifent  au  point  de  deve- 
nir très-carelfans.  Ils  vent  de  compagnie  , 
s'avcrtiflent  ,  s'aident  &  fe  fecourent.  La 
queue  leur  fcrt  exadement  d'une  cinquième 


C  O  A 

riîain  \  il  paroît  même  qu'ils  font  plus  de 
clîolès  avec  elle  qu'avec  les  mains  ou  les 
pies ,  &  qu'elle  ajoute  beaucoup  1  leur  adreft'e 
naturelle.  La  nature  fèmble  les  avoir  dédom- 
magés par-Là  du  cinquième  doigt  ou  du 
pouce  qui  manque  à  leurs  mains.  On  afture 
qu'ils  pèchent  &  prenîient  du  poiflbn  avec 
cette  longue  queue  ;  &  cela  ne  doit  pas  pa- 
roître  plus  extraordinaire  que  de  ks  voir 
prendre  avec  elle  un  autre  animal ,  l'appro- 
cher d'eux  ,  ou  s'en  fervir  pour  porter  leur 
nourriture  à  la  bouche.  11  eft  certain  qu'ils 
fautent  d'un  arbre  à  un  autre  en  s'entortil- 
lant  la  queue  autour  d'une  branche  pour  le 
balancer  •,  &  lorfque  l'arbre  eft  tropéloigné , 
pour  qu'ils  puilTeut  y  atteindre  d'un  faut  ,  ou 
lorsqu'il  s'agit  de  traverièr  un  ruilfeau  ,  ils 
s'attachent  à  la  queue  les  uns  des  autres  & 
font  par  ce  m.oyen  une  efpece  de  chaîne  , 
puis  le  plus  bas  de  tous  s'élance  avec  afl'ez 
de  force  pour  faire  un  grand  balancement 
qui  l'approche  d'une  branche  qu'il  faifit , 
foutenant  &:  tirant  tous  les  autres  jufqu'à  ce 
qu'ils  foieht  parvenus  attachés  ainfi  à  la 
queue  les  uns  àcs  autres. 

Facultés.  Ces  animaux  ne  produifent  qu'un 
ou  deux  petits  comme  toutes  les  eQ)eccs  de 
finges,  &  ils  les  portent  toujours  fiir  leur  dos. 

Nourriture.  Les  fruits  font  leur  nourriture 
ordinaire  ,  néanmoins  ils  mangent  des  poif- 
fous  ,  des  vers,  des  infedtes  ,  &  mêmie  des 
coquillages  &  des  huitres  dont  ils  ont  l'a- 
drelfe  de  calfer  l'écaillé  pour  les  manger  \ 
car  Dampierre,  volume  IV  ,  page  288  de 
fes  voyages  ,  dit  les  avoir  \ai  à  file  de  Gor- 
gonia  fur  la  côte  du  Pérou ,  defcendre  fur  le 
rivage  lorfque  la  mer  étoit  balFe  ,  &  cueil* 
lir  des  huitres  qu'ils  ouvroieut  en  les  met- 
tant les  unes  après  les  autres  fur  une  pierre  , 
&.  les  frappant  avec  une  autre  pierre  jufqu'à 
ce  qu'ils  euftent  rompu  l'écaillé  en  morceaux 
pour  en  avaler  l'animxal. 

Qualités.  Quoique  très-maigres  pour  l'or- 
dinaire ,  ils  deviennent  très-gras  dans  le 
temps  de  l'abondance  &  de  la  maturité  des 
fruits  j  alors  leur  chair  eft  fort  bonne  à 
manger. 

Remarques.  Le  coaita  ne  doit  donc  pas  être 
confondu  avec  les  finge)^  proprement  dits  , 
comme  ont  fait  jufqu'ici  tous  les  zoologiftes. 
Il  ne  doit  pas  même  être  réuni  avec  les  fapa- 
jous 5  comme  a  fuit  M.  de  Buifon ,  m.ais 

formel» 


CO  A 

fbfmer  un  genre  particulier  d'animal  dans 
la  famille  des  finges.  (  M.  Adanson.  ) 

*  COALEMUS  ,  f.  m.  (  Mytk.  )  dieu 
tutélaire  de  l'imprudence.  Les  anciens  fèm- 
bloient  avoir  pcnfé  en  multipliant  les  dieux , 
que  les  vices  avoient  plus  befbin  du  iècours 
des  dieux  que  les  vertus. 

COALITION ,  f.  f.  {Phyfiq,)  fe  dit 
quelquefois  de  la  réunion  de  plufîeurs  par- 
ties qui  avoient  été  auparavant  fëparées.  Ce 
mot  vient  du  latin  coalefcere  ,  s'unir ,  fe  con- 
fondre enfemble.  Il  eft  très-peu  en  ufage  , 
&  devroit  y  être  un  peu  plus  j  car  il  eft  com- 
mode ,  dérivé  du  latin  ,  &  ne  peut  guère 
être  remplacé  que  par  une  périphrafe.  (O) 

COANGO ,  (  Géog.  mod.  )  rivière  de  l'A- 
frique méridionale  ,  qui  a  fa  fource  proche 
à^t  frontières  de  Monoemugi. 

COANZ  A ,  (  Géog.  mod.  )  grande  rivière 
d'Afrique  en  Ethiopie ,  qui  fe  jette  dans  la 
mer  près  de  l'île  Loanda. 

COASE,f.  m.  (Hijî.nat.quadrup.)  nom 
ibus  lequel  M.  de  BufFon  a  décrit  &  fait 
graver  au  vol.  Il  de  fon  Hijioire  naturelle  , 
édition  in-iz  ,  page  ii^  ,  pi.  XXII ,  n°.  i , 
un  animal  envoyé  à  M.  l'abbé  Aubry  ,  fous 
le  nom  depeian ,  enfant  du  diable ,  ou  chat 
fauvage  de  Virginie.  C'eft ,  félon  lui ,  le 
fquashe  décrit  par  Dampierre  au  volume  III 
de  fon  Voyage  ^  page  301 ,  gravé  par  Seba^ 
volumel^pl.  XLII ,Jïg.  i  ,page  68  ,  fous  le 
nom  de  quasje  de  Surinam  ^  &  par  Hernan- 
cez  ,  fous  le  nom  mexicain  yfquiepatl ,  page 
3  3  2  de  fon  Hijfoire  naturelle  du  Mexique  , 
enfin  cité  par  M.  BrilTon  ,  fous  le  nom  de 
llaireau  du  Mexique  ^  cuadrupedes  ^  p.  2  55* 

Le  coafe  décrit  pai  iVl.  de  Buffbn  eft  un 
petitanimal  approchant  de  la  civette  pour  la 
la  forme ,  c'eft-à-dire  ,  qui  a  le  corps  médio- 
crement alongé  ,  les  jambes  aftèz  courtes  , 
\qs  oreilles  rondes  ,  le  mufeau  pointu  ,  la 
queue  épaifTe  fans  être  touffue  ,  aufli  longue 
que  la  moitié  du  corps  &  couverte  de  poils 
doux  affez  longs  comme  fur  le  refte  du  corps  : 
il  n'a  que  quatre  ongles  aux  pies  de  devant 
&  cinq  à  ceux  de  derrière  j  il  eft  d'une  cou- 
leur brune  aftez  uniforme. 

Le  quasje  de  Surinam  décrit  &  gravé  par 
Seba ,  page  6%  ,  pi.  XLII ,  fig.  i  de  fon  pre- 
mier volume  ,  a  au  contraire  la  forme  d'un 
coati,  c'eft-à-dire,  le  corps  moins  alongé  , 
plus  haut  monté  fur  fes  jambes,  les  oreilles 
Tome  VUl. 


C  O  A  511 

courtes ,  mais  peiutues  ,  le  poîl  court  &pref^ 
que  ras  ,  cinq  doigts  à, chaque  pié  ,  tous  à 
la  même  hauteur  ,  le  corps  brun  en  deffus  , 
jaune  fous  le  ventre  ,  la  queue  plus  longue 
que  la  moitié  du  corps ,  marquée  alternati- 
vement de  quatorze  anneaux  bruns  &  qua- 
torze anneaux  jaunâtres. 

En  comparant  ces  deux  animaux ,  il  eff 
facile  de  voir  qu'ils  font  très-différens  &  qu'on 
ne  doit  point  les  confondre  enfèmble  ^  que 
le  quasje  de  Surinam ,  eft  une  efpece  de  coati 
peu  différente  du  coati  noirâtre  ,  décrit  &c 
gravé  au  volume  VIII ,  planche  IV ^  pages  80 
&  86  deVHiJlolre  naturelle  in-iz  ,  de  M. 
de  Buffon ,  &  que  fon  coafe  qui ,  avec  l'hyène 
&  le  furikate ,  eft  le  feul  animal  de  la  famille 
des  chiens  ou  des  lions  ,  qui  n'ait  que  qua- 
tre ongles  aux  pies  de  devant ,  doit  faire  un 
genre  particulier  voifin  de  cqs  animaux.  Il 
diffère  du  furikate  en  ce  qu'il  a  cinq  doigts 
aux  pies  poftérieurs  ,  où  le  furikate  n'en  a 
que  quatre  ,  &  de  l'hyène  en  ce  qu'il  a  le 
corps  plus  alongé  ,  plus  bas  monté  for  fes 
jambes ,  les  oreilles  plus  courtes  &  la  queue 
plus  longue.  (  M.  Adanson.  ) 

COATI j  f.  m.  (Hij?.  nat.  [ool.  )  ce  nom 
a  été  donné  à  plufîeurs  eipeccs  d'animaux 
quadrupèdes  du  Brefil,  fidifférensles  uns  des 
autres,  que  l'on  n'eft  pas  encore  parvenu  aies 
rapporter  à  un  même  genre:  mais  quoi  qu'il 
en  foit  du  genre ,  il  nous  foffîroit  de  bien 
connoître  les  eipeces.  Celle  que  l'on  appelle 
coati-mondi  a  été  décrite  par  M.  Perraut , 
qui  en  avoit  difféqué  trois  j  la  longueur  de 
la  tête  du  plus  grand  étoit  de  fîx  pouces 
&  demi  depuis  le  bout  du  mufeau  jufqu'à 
l'occiput  ^  il  avoit  foize  pouces  depuis  le 
derrière  de  la  tête  jufqu'à  l'origine  de  la 
queue  ,  dont  la  longueur  étoit  de  treize  pou- 
ces :  le  mufeau  reffembloit  à  celui  du  co- 
chon \  mais  il  étoit  plus  long ,  plus  étroit  9 
&  plus  mobile  \  il  fe  recourboit  facilement 
en-haut.  Cet  animal  avoit  cinq  doigts  à  cha- 
que patte,  un  peu  plus  longs  dans  \ts  pattes 
de  devant  que  dans  celles  de  derrière  \  &  à 
chaque  doigt  un  ongle  noir ,  long  ,  crochu  , 
&  creux  comme  ceux  du  caftor.  Les  patte^ 
de  derrière  reffembloient  à  celles  de  l'ours  5 
mais  la  plante  étoic  dégarnie  de  poil ,  &  re- 
vêtue d'une  peau  douce  \  il  y  avoit  derrière 
le  talon  à&s  callofîtés  longues  de  cinq  ou  ftJè 
ligues  :  le  poil  étoit  court,  rude,  bouchonné^ 


311  C  O  A 

noirâtre  iîir  le  dos  &  fur  quelques  endroits 
de  la  tête  ,  aux  extrémités  des  pattes  &  du 
raufèau ,  ^  mêlé  d'un  peu  de  noir   &  de 
beaucoup  de  roux  {m  le  reilc  du.  corps ,  mais 
plus  doré  eu  quelques  endroits  du  delTous 
du  ventre  &  de  la  gorge.  Il  y  avoit  fux  la 
queue  plufieurs  anneaux  ,  les  uns  noirâtres , 
&.  les  autres  mêlés  de  noir  &  de  roux.  La 
langue  étoit  un  peu  fîllonnée ,   &  au  refte 
rçffembloit  à-pcu-près  à  celle  des  chiens. 
Les  yeux  étoient  petits  comme  ceux  du  co- 
chon ,   &  les  oreilles  rondes  comme  celles 
<^s  rats  ;  il  y  avoit  au  dehors  de  l'oreille  un 
poil  court ,  &  au  dedans  un  poil  plus  long 
&  plus  blanchâtre.  Les  dents  canines  étoient 
grifes ,  traniparentcs ,  &  fort  longues ,  liir- 
îout  celles  de  la  mâchoire  inférieure  :  ciia- 
que  mâchoire  avoit  iîx  dents  incifives  :   la 
gueule  étoit  fort  grande  ,  &  la  mâchoire  in- 
férieure beaucoup  plus  courte  que  celle  d'en- 
haut ,  comme  dans  le  cochon.   On  dit  que 
le  coaïi-mondi  rouge  fa  queue ,   de   forte 
qu'on  ne  peut  pas  déterminer  au  julle  la 
longueur  de  cette  partie. 

On  avoit  apporté  à  M,  Perraut  deux  au- 

ti;"es  animaux  fous  le  nom   de  coati-mondi  , 

mais  ils  étoient  plus  petits ,  &  fort  ditî'crens 

de  celui  dont  on  vient   de  faire  meniion  \ 

lis  n'avoienî  pas  les  dents  canines,   ni  les 

talons  éperomiés  par  des  callofités  :  l'un  de 

ces  animaux  avoit  le  mufeau  fendu  comme 

un  lièvre  \  cette  partie .  le  tour  des  yeux  & 

às.^  oreilles ,  étoient  dégarnis  de  poil ,    &: 

de  couleur  rouge  :  les  dents  relfembloient 

à  celles  du  cailor,  &  la  queue  étoit  courte. 

Il  y  avoit  aux  pies  de  devant  cinq  doigts  ; 

lés  trois  du   milieu  étoient   vraiment  des 

doigts  ,  mais  les  deux  autres  étoient  placés 

<;omime  des  pouces  à  une  certaine  diftance 

des  doigts ,  un  de  chaque  gôté  :,  celui  du  côté 

intérieur  étoit  très-petit^  il  ne  fe  trouvoitaux 

pies  de  derrière  que  quatre  doigts  ,  dont  l'un 

etoit  éloigné    des   trois  autres  comme  un 

pouce ,  &  fort  court  j  il  étoit  placé  au  côté 

extérieur  des  doigts. 

Enfin  M.  Perraut  décrit  un  quatrième  ani- 
qui  avoit  été  donné  fous   le    nom  de 


mal 

coati.  C'étoit  une  femelle  ^  elle  avoit  le  pci! 
tpux  par-tout  le  corps,  excepté  la  queue  qui 
étoit  marquée  de  pûilieurs  cercles  d'un  fauve 
brun  ,  &  l'extrémité  des  pattes  Scie  delfus 
«les  oreilles  qui  avoieutuue  teinte  pins  brune 


GO  B 

que  celle  du  refte  <iu  corps  *,  excepté  auflx 
i'extrcmité  du  mufeau  ,  qui  étoit  d'un  gris 
brun.  Ce  coati  avoit  des  mouftaches  d'un 
poil  fort  noir  \  ce  iriême  poil  le  trouvoit  à 
la  mâchoire  inférieure  &;  aux  joues  :  il  n'y 
avoit  point  d'éperons  aux  pattes  de  derrière  ; 
enfin  les  dents  relIbn:bloient  à  celles  des 
chiens.  Mém.  de  facad.  fcyale  des  Jciences  ^ 
depuis  1666  jufquà  ï6c)C)  ,  tome  III  ,  pun, 
II ,  /.  17  &  Juiv.  Voy.  Quadrupède.  (I). 
COBALES  ,  f.  m.  [Myth.)  génies  ma- 
lins attachés  à  la  fuite  de  Bacchus.  On  les 
confond  quelquefois  avec  les  faunes  &  les 
fatyres. 

COBALT  ,  COBOLT  ou  KOBOLD , 
(  Hi(i.  nat.  minéralogie  ^  chymie.  )  en  latiu 
cobaltum  ,  cadmia  fojfilis  pro  cœruleo  \  cad- 
mia  metallica  ,  &c.  c'eft  un  demi- métal  , 
d'un  gris  qui  tire  mi  peu  fur  le  jaiuiâtre  ^  il 
paroît  compofé  ^\m.  alîemblage  de  petites 
lames  ou  de  feuillets  :  à  l'extérieur  il  a  aller 
de  reflèmblance  avec  le  bifmuth  :  m.ais  ce 
qui  caratStérife  particulièrement  ce  demi- 
métal  ,  c'eft  la  propriété  qu'il  a  de  donner 
une  couleur  bleue  à  la  fritte  du  \erre ,  lorf- 
qu'on  le  met  en  fufion  avec  elle. 

On  a  long- temps  regardé  le  cobalt  comme 
une  fubftance  terreufè  ^  c'eft  fa  grande  fria- 
bilité qui  femble   avoir  accrédité  cette  er- 
reur^ mais  M.  Braudt,  favant  chymifteftié- 
dois  ,  a  prou\'é  dans  un  mémoire  inféré  dans 
les  aûes  de  l'académie  d'Upfal,  qu'on  de- 
voir le  placer  au  rang  des  demi-métaux: 
voici  les  railbns  fur  lefquelles  il  appuie  fon 
fentiraent  :  i  °.  le  cobalt  préfente  à  l'extérieur 
le  même  coup  d'œil  qu'un  métal  :  2*^.  il  a 
une  pefanteur  métallique  :    3°.  il  entre  en 
fufion  dans  le  feu  ,  &  prend  en  refroidif- 
f  mt  luie  furface  convexe  ,  ce  qui  eft  un  des 
caraûeres  diftin£lifs  des  iiibftances  métalli- 
ques :  4°.  le  cobalt  fe  diiîbutdans  leau-fcrte , 
&:  donne   une  couleur    d'un  verd  jaunâtre 
au  diflblvant  -,  les  fèls  alkalis  fixes  précipi- 
tent cette  diflblution  d'une  couleur  noire  , 
&  l'alkali  volatil    la  précipite   d'un  rouge 
très-vif  ^  fi  on  édulcore  la  matière  précipi- 
tée &  qu'on  y  joigne  de  la  matière  inflam- 
mable, en  faifant  fondre  ce  mélange,  on  ob- 
tient du  cobalt  en  régule  ,   comme  cela   fè 
pratique  fur  les  précipités  des  autres  fubf- 
tances  métalliques  dont  on  fait  la  réduôion. 
Le  cobalt  ne  s'a^nalgame  point  avec  le 


C  O  B 

iftercure  ,  &  jamais  par  la  fufioii  on  ne  peut 
l'unir  avec  le  bifinutli  ,  quoique  les  mines 
de  ce  dernier  demi-métal  contiennent  pref- 
que  toujours  du  cobalt.  Il  s'unit  très-intime- 
ment au  cuivre  ,  qu'il  rend  aigre  &  cafTant. 
On  diftingue  plufieurs  efpeces  de  mines 
dont  on  tire  le  cobalt  ;  voici  Iqs  principales , 
iiiivant  M.  Wallerius. 

I.  La  mine  de  cobalt  cendrée  :  elle  a  quel- 
que relFemblance  avec  la  mine  de  plomb  eu- 
tique  ou  galène,  mais  elle  reflemble  encore 
plus  à  la  pyrite  arfenicale  avec  qui  on  la 
confond  fouvent  mal-à-propos  j  cependant 
le  grain  de  cette  mine  de  cobalt  eft  plus  fin  , 
&  d'une  couleur  plus  foncée  &  plus  rou- 
geâtrc  que  celle   de  la  pyrite  arfenicale. 

II.  La  mine  de  cobalt  fpéculaire ,  ainfi 
nommée  parce  qu'on  y  remarque  des  lames 
ou  feuillets  luifans  comme  la  glace  d'un  mi- 
roir i  ce  que  M.  Wallerius  conjefture  venir 
de  ce  que  le  cobalt  (è  trouve  uni  avec  du  Ipath 
feuilleté  ou  quelque  autre  matière  de  cette 
efpece. 

lîl.  La  mine  de  cobalt  vitreufe,  ainfi  nom- 
mée parce  qu'elle  reflemble  à  des  fcories  ou 
à  une  matière  vitrifiée  j  elle  ell  brillante  & 
d'un  gris  bleuâtre. 

IV.  La  mine  de  cobalt  cryfiallifée  ;  on  ap- 
pelle ainfi  les  mines  de  cobalt  qui  affeélent 
une  figure  régulière  &  déterminée  ^  on  leur 
donne  difFérens  noms,  fuivant  la  figure  qu'on 
y  remarque  ^  par  exemple  on  les  appelle 
mines  de  cobalt  tricotées ,  en  réfeaux ,  6(.c. 

V.  Fleurs  de  cobalt  ;  c'eft  une  mine  de 
cobalt  tombée  en  efflorefcence  à  l'air  ,  &  qui 
prend  une  couleur  ou  rouge  ,  ou  violette  , 
^u  pourpre  ,  ou  fleur  de  pêcher  ^  quelque- 
fors  ces  couleurs  ne  font  qu'à  la  furface ,  quel- 
quefois elles  pénètrent  de  part  en  part. 

^  VI.  La  mine  de  cobalt  terreufe  ;  cette  mine 
€ft  ainfi  nommée  parce  qu'elle  eft  friable  & 
peu  compare  :  fa  couleur  varie  j  il  y  en  a 
d'un  blanc  tirant  fur  le  verd,  de  jaune  comme 
de  l'ochre ,  de  noire ,  &c. 

Outre  cela  on  rencontre  fréquemment  du 
cobalt  àcLiis  les  mêmes  mines  qui  fournifl"ent 
le  bifmuth.  On  en  trouve  aufîl  quelquefois 
dans  la  mine  d'arfenic  ,  que  l'on  nomme 
tejîacée  ;  c'eft  pour  cela  que  les  minéralogif^ 
tes  allemands  l'appellent  cobalt  teftacée  , 
(  fchirben-kobolt  )  ,  quoique  ce  fbit  une 
vx2x%  mine  d'arfenic.  On  eu  rencontre  aufiî 


C  O  B  3^3 

en  petite  quantité  dans  la  mine  d'arfenic 
d'un  rouge  cuivreux ,  que  les  Allemands  ap- 
pellent hipfernikkel ,  mais  ce  n'eft  qu'acci- 
dentellement. On  croit  devoir  avertir  en  gé- 
néral ,  que  les  ouvriers  des  mines  d'Allema- 
gne ,  &  quelques  auteurs  d'après  eux  ,  ont 
fouvent  confondu  les  mines  de  cobalt  avec 
celles  d'arfenic ,  &  ont  iiidifFéreminent  donné 
le  nom  de  cobalt  à  des  mines  arfenicales  , 
qui  ne  contiennent  que  peu  ou  point  de  ce 
demi-métal  ^  ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft 
que  toutes  les  mines  de  cobalt  font  chargées 
d'une  portion  d'arfenic  très-confidérable  ^ 
que  l'on  eft  obligé  d'en  dégager  par  le  gril' 
lage  pour  en  féparer  le  cobalt  ou  la  matière 
propre  à  colorer  le  verre  en  bleu. 

L'exportation  du  cobalt  crud  eft  défen- 
due en  Saxe  fous  des  peines  très-rigoureufës  \ 
il  y  a  des  commis  établis  pour  en  empêcher 
la  contrebande  \  &  tout  le  cobalt  qui  fc  re- 
cueiUe  dans  le  pays  doit  être  livré  ,  fuivant 
la  taxe  qui  en  a  été  faite  par  le  confeil  des 
mines ,  aux  manufaâiures  de  fàfFre.  Voye\ 
Saffre. 

On  a  fouvent  tenté  de  tirer  de  l'argent 
des  mines  de  cohalt  ;  mais  quand  il  s'y  en 
trouve ,  ce  n'eft  qu'accidentellement  :  il  n'y 
a  donc  point  de  meilleur  parti  que  de  les 
travailler  pour  en  tirer  la  couleur  bleue  pro- 
pre à  faire  le  faftre. 

Une  manière  courte  d'éprouver  fi  une 
mine  de  cobalt  fournira  un  beau  bleu  ,  c'eft 
de  la  faire  fondre  dans  un  creufot  avec  deux 
ou  trois  fois  fon  poids  de  borax ,  qui  de- 
viendra d'un  beau  bleu  fi  le  cobalt  eft  d'une 
bonne  qualité. 

Il  y  a  des  mines  de  cobalt  en  plufieurs  en- 
droits de  l'Europe  i  mais  les  plus  abondantes 
&  les  meilleures  font  celles  de  Schneeberg 
en  Mifiiie  ^  le  cobalt  s'y  trouve  ordinaire- 
ment joint  aux  mines  de  bifmuth.  Il  s'en 
trouve  aufti  en  Bohême  dans  la  vallée  de 
Joachim  (  Joachims-thal  )  ,  au  Hartz  ,  dans 
le  duché  de  Wirtemberg ,  aux  Pyrénées  , 
dans  la  province  de  Sommerfet  en  Angle- 
terre ,  en  Alface  ,  &c.  II  paroît  que  les  Chi- 
nois ,  &  fiir-tout  les  Japonois ,  ont  auflî  des 
minesde  cobalt  chez  eux ,  par  les  porcelaines 
bleues  fi  eftimées  qui  venoient  autrefois  de 
leur  pays  ^  mais  il  y  a  lieu  de' croire  que  leurs 
mines  font  épuifées  ,  ou  du  moins  que  le 
cobalt  doflt  ils  fè  fervent  aâuellemcnt  eft 


314  C  O  B 

ti'iine  qualité  inférieure ,  attendu  que  le  bleu 
de  leurs  porcelaiHCs  modernes  n'eft  plus  fi 
beau. 

L'exploitation  des  mines  de  cobalt  eft 
dangereufe  \  il  y  règne  très-fouvent  des  va- 
peurs ariènicales  ,  qui  font  périr  ceux  qui  y 
travaillent  ^  outre  cela  leurs  pies  &  leurs 
mains  font  fbuvent  ulcérés  par  ce  minéral 
qui  eft  très-corrofif. 

Les  mineurs  allemands  donnent  aufTi  le 
nom  de  cobalt  à  un  être  qui  n'exifte  que 
flans  leur  imagination  3  ils  veulent  défigner 
|)ar-là  un  fantôme  ou  déraon  fouterrain  à 
qui  ils  attribuent  la  figure  d'un  petit  nain  ^ 
ce  prétendu  gnome,  lorfqu'il  n'eft  pas  de 
bonne  humeur  ,  étrangle  les  mineurs  ;,  mais 
lorfqu'il  eft  bénévole ,  il  leur  fait  découvrir 
Iqs  filons  les  plus  riches.  ( — ) 

COBBAN ,  f.  m.  (  Hijî.  nat,  bot.  )  petit 
îirbre  ièmbîable  au  pêcher  qui  croît  à  Su- 
matra j  il  a  la  feuille  petite  ,  les  branches 
courtes  &  couvertes  d'une  écorce  jaune  ,  & 
îe  fruit  de  la  groffeur  &  de  la  figure  de  la 
pomme ,  contenant  une  noix  grolîë  comme 
i'aveline ,  où  l'on  trouve  une  amande  a  mère 
dont  on  tire  une  huile  à  laquelle  on  attribue 
beaucoup  de  propriétés  médicinales ,  ainfi 
qu'à  une  gomme  qui  découle  de  fa  tige. 

Le  cobban  doit  être  mis  au  nombre  des 
plantes  exotiques  mal  connues.  Voye\  Trév. 
i>  Disk. 

COBELLA,  f.  m.  [Hiji.  nat,  Strpentolog.) 
nom  que  les  Hollandois  donnent  à  un  petit 
ierpent  de  l'Amérique  ,dont  Seba  a  fait  gra- 
ver le  mâle  au  n^.  5  ,  &  la  femelle  au  n^.  6 , 
de  inféconde  planche  du  fécond  volume  de  fbn 
Thefaurus  ^  imprimé  en  1735  ,  fous  la  dé- 
liOmination  de  ferpentes  cobcllas  diclœ  Ame- 
ricanee  ,  page  4.  M.  Lijiné  dans  fon  Syjlema 
naturœ  ^  édition  11,  imprimé  en  1766, 
page  378  ,  rappelle  colubar  204  cobella , 
j cutis  abdominalibus  15O)  ^  fquamarum  cau- 
dalium  paribus  54 ,  &  il  le  confond  avec  le 
coluber  32,  f  cutis  abdominalibus  151  &fqua- 
rnarum  caudalium  paribus  51 ,  décrit  par  M. 
Gronovius  ,  dans  fon  Mufœum  ichthyologi- 
€um^  partiel!^  imprimé  en  l'/'^ô^pageô'^. 

Cet  animal  n'a  guère  plus  de  dix  ^  douze 
pouces  de  longueur  ,  fur  quatre  liglfts  de 
largeur  ^  fà  tête  eft  affez  courte  Se  obtufe 
dans  la  femelle ,  &  relevée  d'une  bofîc  con- 
fjdéreble  hx  le  derrière  daui  le  mâle  3  fa. 


C  OB 

bouche  a  aufti  l'ouverture  un  peu  plus  grande 
que  celle  du  ma  le  ç,  tout  le  deffus  de  fon 
corps  eft  couvert  de  petites  écailles  quadran- 
gulaires  arrondies ,  difpofées  en  quinconce  , 
pendant  que  le  dcifous  depuis  la  tête  jufqu'à 
l'anus  eft  couvert  de  i$o  grandes  écailles 
tranfverfales  ,  demi-circui;iires  ,  &  que  Je 
deflbus  de  la  queue  depuis  l'anus  jufqu'à  fou 
extrémité  eft  couvert  de  54  paires  ,  c'eft-à- 
dire ,  de  deux  rangs  chacun  de  54  écailles 
hexagones. 

Le  fond  de  fa  couleur  eft  cendré-rougeâ- 
tre  5  marbré  ou  plutôt  traverfé  par  60  à  70 
anneaux  blanchâtres  ,  comme  entrecoupés 
ou  partagés  en  demi-anneaux  dans  le  mâle  j 
on  remarque  une  tache  oblique  de  couleur 
plombée  derrière  chaque  œil. 

Remarques.  En  comparant  à  ce  fèrpent 
celui  de  M.  Gronovius  que  M.  Linné  croit 
être  le  m.ême  ,  on  y  appcrçoit  de  grandes 
différences,  i  °.  Sa  tête  eft  ovoïde ,  plus  allon- 
gée &  fans  bofle.  2°.  Le  nombre  des  écail- 
les eft  différent  ,  puifqu'ily  en  a  151  fous  le 
ventre  &  feulement  5 1  paires  fous  la  queue. 
3^.  Il  eft  noir  fur  le  dos  avec  des  demi-an- 
neaux blancs  ,  &  blanc  deiîous  avec  des 
bandes  tranfverfales  noires. 

Ces  deux  animaux  font  donc  différens  , 
&  comme  ils  ont  la  tête  courte  comme  la 
vipère ,  ils  pourroient  bien  être  du  même 
genre  &  non  de  celui  de  la  couleuvre ,  qui 
comme  l'on  fait ,  n'eft  pas  malfaifante.  Il 
fo  trouve  à  Surinam.  C  M.  Adanson.  ) 

GOBES  oz/  ANCETTES,  f  m.  (Ma- 
rine. )  ce  font  des  bouts  de  cordes  que  l'on 
joint  à  la  ralingue  de  la  voile  ,  &  qui  n'ont 
pas  plus  d'un  pié  &  demi  de  longueur  j  ils, 
fèr\'ent  pour  paffer  d'aiitres  cordages  nom- 
mée pattes  de  boulines.  (Z) 

COBILANA,  {Geog.  mod.)  ville  de 
Portugal ,  dans  la  province  de  Beyra  ,  fuE 
la  rivière  de  Zezare. 

COBINORA,(G/o^.  7720^.  )  petite  ville, 
de  Hongrie ,  fur  la  Save ,  à  peu  de  diftance 
de  Sabacz. 

COBIT  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  mefure  de 
longueur  d'ufàge  en  plulieurs  endroits  des 
Indes  orientales.  Elle  varie  ,  mais  celle  de. 
Surate  eft  ^  félon  Tavernier  ,  de  dtux  pies 
de  roi  &  fèize  lignes.  Koyrç  les  diclionn.  du 
6omm.  Disk.  Trév.  &  Chambers. 

COBLENTZ ,  {(^éog.  mod.).  grande  ville 


COB 

d'Allemag-ne  ,  dans  1  eIeâ:orat  de  Trêves  , 
au  confluent  du  Rhin  &  de  la  Mofelle. 
Long.  25,8;  /at.  50  5  24. 

COBLIN,  f.  m.  (Hi/f.  nat.lchthyolog.') 
poifTon  àzs  îles  Moluques  ,  très-bien  gravé 
&  enluminé  fous  ce  nom  ,  &  fous  ceux  de 
hma  Hprefque-cavallo  ,  par  Coyettau/2°.  87 
<le  lapremiere partie  de  fon  recueil  des poijfons 
a  Amboine. 

Il  a  le  corps  médiocrement  allongé  ,  à- 
peu-près  comme  le  muge  ou  cabot,  mais 
moins  comprimé  ,  plus  cylindrique ,  menu 
vers  la  queue  ,  très-épais  du  côté  de  la  tête 
qui eft grande  ainfi  que  la  bouche,  les  yeux 
&  les  écailles  petites. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  huit  , 
toutes  molles  fans  épines  ;,  favoir  deux  ven- 
trales ,  petites ,  fous  le  ventre ,  aflez  loin 
derrière  les  peélorales  qui  font  auflî petites, 
deux  dorfales  dont  l'antérieure  médiocre 
triangulaire  ,  &  la  poftérieure  baiîë  très- 
longue  \,  une  derrière  l'anus  aufîî  balfe  & 
fort  longue  ,  enfin  une  à  la  queue  échancrée 
jufqu'au  tiers  de  fa  longueur. 

Tout  fon  corps  eft  bleu-pâle  ,  excepté 
vers  le  dos  qui  eft  un  peu  verdâtre.  La  pru- 
nelle de  fes  yeux  eft  noire  entourée  d'un  iris 
rougeâtre. 

Mœurs.  Le  coblin  iè  pêche  dans  la  mer 
d'Amboine. 

Rimarques.  Ce  poifTon  doit  faire  un  genre 
particulier  dans  la  famille  dts  muges  ou  ca- 
bots ,  mugiles.  (M.Adanson.) 

COBOURG  ,  {Géog.  mod.)  ville  d'Alle- 
magne enFranconie,  capitale  d'une  princi- 
pauté de  même  nom  fur  l'Itch.  Z.  18  ,  35  ^ 
lut,  50  ,  20. 

CO-BOURGEOIS  ,  f.  m-  terme  de  com- 
merce :  on  donne  le  nom  de  bourgeois  à  un 
propriétaire  d'un  vaifl'eau  marchand  ,  & 
celui  de  co-bourgeois  à  tous  ceux  qui  parta- 
gent enferable  fa  propriété. 

COBRA-CAPELLA ,  f.  m.  {Hijf.  nat. 
Serpentolog.  )  ferpeiit  aufti  peu  connu  qu'il 
eft  fcuvent  cité  dans  les  dictionnaires.  Les 
Portugais  le  nomment  ainfi  &  cobra  de  ca- 
pclloy  ou  comme  l'écrivent  quelques-uns, 
cobre  de  capello  ,  à  caufè  d'un  renflement 
confidérable  qu'il  a  au  cou  ,  dont  la  peau 
s'élève  à  volonté ,  de  manière  qu'il  forme 
une  efpece  de  chapeau  fous  lequel  la  tête 
peut  fe  cacher. 


COB  315 

Neuf  efpeces  très- bien  gravées  daiis  le 
Thefaurus  rerum  naturalium  de  Seba  ,  ont 
ce  caraftere  &  portent  le  nom  de  cobra- 
capello^  chez  les  Portugais.  M.  Linné  les  a 
toutes  comprifes  comme  autant  de  variétés, 
fous  le  nom  de  coluber  253  naja  ,  [cutis  ab- 
dominalibus  193  ,  &  fquamarum  caudalium 
paribus  60  ,  dans  iJon  Mufœum  ad.  j'r.p.  30  , 
planche  XXI ,  fig.  i  ,  &  dans  fon  Syjfema 
naturœ  ,  édition  12  ,  imprimée  en  1766  , 
page  382  j  mais  toutes  ces  efpeces  font  fort 
différentes  ^  nous  les  allons  caraftérifer  en 
peu  de  mots  en  commençant  par  ceux  qui 
n'ont  qu'une  feule  couleur. 

"Première  efpece.   HereTIMANDEL. 

La  plus  grande  efpece  de  ce  genre  fe  trouve 
au  Malabar  ,  où  les  Indiens  l'appellentAere- 
timandel.  Seba  en  a  fait  graver  une  bonne 
figure  au  volume  II  de  fon  Thefaurus  rerum. 
naturalium  ,  imprimé  en  1735  ,  page  99  ,^ 
planche  XCIV ^  fig,  i. 

Son  corps  a  environ  quatre  pies  de  lon- 
gueur fiir  vingt-une  lignes  de  largeur  au  mi- 
lieu du  corps  &  vingt-fopt  lignes  au  renfis- 
ment  du  cou  ^  fa  tête  eft  courte ,  triangTj- 
laire  ,  à  peine  d'un  quart  plus  longue  ojie 
large  ,  très-obtuie  &  arrondie  à  fon  exvvé- 
mité  ^  fon  cou  fe  renfle  immédiatement  à 
ion  origine  près  de  la  tête  en  un  ovaLe  de 
quatre  pouces  de  longueur. 

Les  écailles  du  deifus  de  fon  corps  font 
quadrangulaires  ,  arrondies  ,  diipofëf;3  en 
quinconce  f,  celles  qui  couvrent  le  drlfous 
du  ventre  ,  de  la  tête  à  l'aims ,  {ont  quar- 
rées  tranfverfales  au  nombre  de  200  ,  &" 
celles  qui  couvrent  le  deffous  de  la  queue  y 
depuis  l'anus  jufqu'à  fon  extrémité  ,  font  au' 
nombre  de  50  paires  chacune  de  5c  écailles 
hexagones  ^  fes  yeux  font  petits. 

Tout  fon  corps  eft  cendré-jaure  en  def- 
fus  ,  cendré-blanc  en  deflbus  ,  &  peint  for' 
le  renflement  de  fon  cou  d'une  tache  jaune 
bordée  de  roux  ,  figurée  en  lunette  ,  dont 
les  deux  anneaux  font  tournés  du  côté  de 
la  lête. 

Mœurs.  Van  -  Rheede  dans  fon  Hortus 
Malabaricus  ^volume  ÎV  ^page  1 1(5 ,  dit  que 
la  morfure  de  i'heretimandel  eft  mortelle  ,  • 
mais  feulement  à  la  longue  ,  que  les  chairs 
commencent  d'abord  par  fo  iphaceler  5  que 
la  gangrené  gagne  les  chairs  quife  détachent 


3i<r         C  O  B 

&  tombent  fucceinvement  en  faifant  fouf- 
frirau  malade  les  douleurs  les  plus  cruelles  , 
jusqu'au  dernier  moment  de  leur  vie.  Ce 
même  auteur  nous  apprend  encore  que  les 
Malabarcs  ont  un  remède  fbuverain  de  tous 
cesacidens ,  dans  les  feuilles  de  Tarbrc  qu'ils 
appellent  beflram  ,  dont  ils  boivent  la  décoc- 
tion dans  l'eau  avec  le  fruit  falé ,  c'elt-à-dire, 
«lariné  du  mangier. 

Il  habite  les  lieux  humides ,  voifins  des 

eaux  ,  tels  que  ceux  plantés  en  papayers  & 

bananiers.  Il  vit  de  grenouilles ,  (kuterelles 

\         &  autres  infeâres.  Irrité  il  renfle  fon  cou  & 

\        rend  un  (îfflement  comparable  à  cehii  de  la 

\       grenouille. 

Deuxième  efpece.  Cabelo. 

Kœmpfer  ,  dans  fes  Amanitates  ^  page 
■^6y ,  donne  la  figure  d'une  autre  eipece  que 
,Jes  Portugais  de  Siam  appellent  caMo  ,  & 
^ue  Seba  a  fait  graver  planche  LXXXIX  , 
V2**.  I  ,  du  fécond  volume  de  fon  Thefaurus , 
ïbus  le  nom  de  ferpens  noja  Siamenfis  cum 
C9nfpicillo  ,  feu  cobra  de  capello  vel  cabelo 
diclus. 

Il  a  le  corps  long  de  trois  pies  &  demi , 
large  de  feize  lignes  au  milieu ,  de  vingt- 
qii.iîre  lignes  au  renflement  du  cou  ;,  la  tête 
d'u«  tiers  plus  longue  que  large  ^  les  yeux 
ibnt  grands ,  étincellans  ^  les  dents  antérieu- 
res iVnt  petites ,  couvertes  par  les  lèvres ,  \q% 
poftérieures  font  longues  ,  recourbées  en  ar- 
rière de  manière  qu'elles  lâchent  difficile- 
ment ce  qu'elles  ont  une  fois  accroché» 

Les  «cailles  du  defTus  de  fon  corps  font 
petites  f  rhomboïdales  ou  en  lozanges  poin- 
tus j  celles  qui  recouvrent  le  defîbus  du  ven- 
tre ,  de  I3  tête  à  l'anus,  font  quarrées ,  lon- 
gues, traçverfales  au  nombre  de  250  ,  &la 
queue  en  a  environ  80  paires. 

La  coufeur  de  fon  corps  eft  cendré-rouge 
delfous  ,  brun  ou  roux-noir  delTus  ,  avec 
une  lunette  fur  le  cou  ,  jaune ,  bordée  de 
roux. 

Maurs,  Le  cabelo  eii  commun  à  Siam. 

Troifteme  efpece,  DlAÏJEMA. 

II  y  a  à  MacafTar  une  autre  efpece  de  oo- 
hra-capella  appellée  diadema  par  Seba  ,  & 
gravée  au  /z°.  i  ,  de  la  planche  XLIV  du 
premier  volume  de  fon  Thefaurus  imprimé  en 
^734  iJ^'^g^  7K>  ^^  ^^  ^^^^  ^^  cobra  de  I 


C  O  B 

capella  ex  India  orientait ,  feu  ferpens  diadè- 
mate  vel  perfpicillo  faciem  hominis  reprœjen- 
tante  infigniia. 

Il  a  le  corps  long  de  deux  pies  &  demi  , 
large  de  dix  lignes  au  milieu ,  de  vingt  lignes 
au  renflement  du  cou  qui  efl  prcfque  rond  ^ 
la  tête  aufll  large  que  longue  ,  les  yeux 
grands,  &  les  écailles  du  deiliis  du  corps 
elliptiques  arrondies. 

Il  ellblanchâtre  en  deffous,  cendré-jaune 
en  deffus  &  marqué  d'une  lunette  noire  qui 
diflere  des  autres  en  ce  que  les  anneaux 
ne  font  pas  fermés  ,  &  qu'ils  entourent  en 
partie  feulement  deux  points  noirs  qui  imi- 
tent deux  yeux  ,  &  que  le  tout  a  oppofé  à 
un  autre  point  noir  qui  imite  la  bouche  & 
deux  traits  fur  le  côté  ,  de  forte  qu'en  total , 
cette  lunette  repréfèute  les  traits  principaux 
de  la  face  humaine. 

Quatrième  efpece,  CoNSPICILLUM. 

On  peut  défigner  par  le  nom  de  confpi- 
cillum  ou  lunette  ,  la  quatrième  efj^ece  qui 
a  été  firravée  par  Seba  7X\x  fécond  volume  de 
fon  Thefaurus  ,  pi.  LXXXIX  ,  /z«.  i  ,  fous 
le  nom  àe  ferpens  cum  confpicillo  minor. 

Il  a  le  corps  long  d'un  pié  un  quart, large 
de  qtiatre  lignes  au  milieu,  &  de  neuf  lignes 
au  cou  qui  efl  enflé  en  ovale. 

Sa  couleur  efl  un  roux-brun  ou  foncé. 

Mœurs.  Il  efl  particulier  aux  îles  Molu- 
ques ,  fur-tout  à  MacafTar. 

Remarque.  Il  diffère  peu  du  cabelo  du 

/Z   .    2. 
Cinquième  efpece,   CoBRA  DE  CAPELLO. 

Le  vrai  cobra  de  capello  des  Portugais  a 
été  gravé  par  Seba  à  la  pi.  XC ,  /z°.  i  fi»  2  , 
de  fon  volume  II ,  page  <)6 ,  fous  le  nom  de 
ferpens  Indicus  coronatus  diademate  ^feu  conf- 
picillo infignitus  Lufitanis  cobra  de  capello 
diclus. 

Son  corps  efl  long  de  quatre  pies ,  large 
de  douze  à  quatorze  lignes  à  fon  milieu  ,  de 
vingt-quatre  à  vingt-fix  lignes  à  fon  cou  qui 
efl  renflé  en  ovale  j  fa  tête  efl  beaucoup  plus 
obtufè ,  comme  tronquée  ,  aufîi  large  que 
longue ,  &  fa  queue  fè  termine  tout-à-coup 
en  une  pointe  conique  moins  allongée. 

Les  écailles  du  deffus  de  fon  corps  font 
longues  elliptiques. 

Il  efl  cendré-clair  en  deffous,  jaune  rouf- 


C  O  B 

fàtfc  en  defTus ,  &  marqué  d'une  lunette 
jaune  bordée  de  brun.  La  femelle  n'a  point 
cette  lunette  ,  &  elle  ell  un  peu  plus  petite 
^le  le  mâle. 

Sixième  efpece,  N  A  J  A. 
Les  habitans  de  Ceylan  appellent  du  nom 
de  naja  &  de  celui  de  nagkaja  ,  l'eipece  dont 
Sjeba  a  donné  deux,  figures ,  l'une  du  mâle , 
l'autre  de  la  femelle ,  au  volume  II  de  fon 
Tàefaurus ,  pi,  XCVll ,  fig.  i  6"  z ,  page 
lOi  ,  fous  le  nom  de  ferpens  Indicus  nojas 
feu  Lufitanis  cobra  de  capello  diclus  maxi- 
mus  ,  confpicillo  notatus  mas  ii'^.  l  ^  &  fce- 
me lia  fine  perfpicillo  ,  n^.  2. 

Il  a  trois  pies  de  longueur  iljr  vingt  lignes 
de  largeur  au  milieu  du  corps ,  &  trente-fix 
lignes  au  cou  qui  eft  renflé  en  cœur  ;  fa  tête 
efl  arrondie  ,  moins  obtulè  que  dans  le  co- 
bra de  capella  ,  à-peu-près  comme  celle  de 
l'Jieretimandelj  fes  dents  antérieures  ibntin- 
fenfibles. 

Les  écailles  du  defliis  du  corps  font  ellip- 
tiques ,  obtufes  ^  celles  du  delfous  entre  la 
tête  &  la  queue  font  au  nombre  de  i6o 
tranfverfales  ,  &  la  queue  en  a  en  delfous 
80  paires. 

.  Il  eft  jaune  en  delfous ,  cendré-jaune  en 
delTus  5  avec  une  lunette  formée  de  deux 
lignes  noirâtres ,  parallèles  ,  qui  entourent 
deux  points  noirs,  de  manière  qu'en  total  , 
cette  lunette  représente  alfez  bien  une  face 
de  chat. 

Mœurs,  Ce  ferpent  eft  naturel  à  l'île  de 
Ceylan. 

Septième  efpece. 
Le  ferpent  que  Seba  a  fait  graver  au  même 
volume  II,  planche  XCVII ,  /i°.  l  ,  page 
103  ,  fous  la  dénomination  de  ferpens  Cey- 
lanica  confpicillo  notatafeu  cobra  de  capello , 
eft  encore  de  ce  genre. 

Il  n'a  guère  qu'un  pié  de  longueur  fiir  fix 
lignes  de  largeur  au  milieu  du  corps,  &  huit 
lignes  au  renflement  de  fon  cou  qui  eft  ova- 
le \  fa  tête  n'a  pas  plus  de  longueur  que  de 
largeur ,  elle  efl:  an  î^uleulè ,  inégale. 

Sa  couleur  générale  eft  un  brun  clair  , 
marqué  de  quelques  anneaux  plus  clairs  ,  la 
lunette  de  fon  cou  eft  jaune  &  les  anneaux 
de  la  lunette  font  remplis  par  une  grande 
tache  noire. 

Mœurs,  Cette  efpece  fe  trouve  à  l'île  de 
Ccylau  comme  le  naja. 


C  O  B 


3^7 


Huitième  efpece. 

Seba  en  a  fait  graver  une  huitième  elpece  , 
volume  II ,  planche  LXXXIX  ,  /z°.  4  ,  page 
96  ,  fous  le  nom  de  ferpens  Brafilicnfis  cum 
confpicillo  cordis  oculati  formam  habente. 

Il  a  un  pié  &  demi  de  longueur  lijr  cinq 
lignes  de  largeur  au  milieu  du  corps,  &  dix 
lignes  au  renflement  du  cou  qui  eft  ovale  i 
fa  tête  eft  ovoïde  de  moitié  plus  longue  que 
large. 

Son  corps  eft  jaunâtre  deflbus  ,  roux  en 
delfus,  anneilé  d'une  vingtaine  de  cercles 
larges ,  rouge-bruns  ,  &  marqué  fur  le  ren- 
flement du  cou  d'une  lunette  en  cœur  blan- 
châtre ,  avec  quatre  points  noirs. 

Mœurs.  Ce  ferpent  eft  commun  au  Brefil. 

Neuvième  efpece. 

La  neuvième  &  dernière  efpece  vient  des 
Indes  ç,  Seba  en  a  fait  graver  une  bonne  fi- 
gure fous  le  nom  de  ferpens  Indicus  cum 
confpicillo  lepide  circulatus,  Thefàur.  vol, 
II,  pl.  XCFII,n^.  l^pagecfS. 

Son  corps  a  un  pié  un  quart  de  longueur, 
fur  quatre  lignes  de  largeur  à  fon  milieu  , 
&  fept  lignes  à  fon  cou  qui  a  un  renflement 
ovale. 

Il  eft  cendré-jaune ,  annelé  de  45  à  50 
anneaux  rouge-bruns ,  diftribués  de  manière 
que  deux  plus  larges  font  l'akcrnative  avec 
trois  plus  étroits. 

Remarques.  Si  ces  neuf  efpeces  font  diffé- 
rentes ,  M.  Linné  a  eu  tort  de  les  confondre 
toutes  ,  &  encore  plus  de  leur  donner  le 
nom  de  la  couleuvre ,  coluber ,  qui  n'eft 
point  m.alfaifante  3  s'il  eft  vrai ,  comme  on 
n'en  peut  douter  ,  qu'elles  ne  foient  aulîi 
venimeufès  ou  plus  venimeufès  encore  que 
la  vipère.  Leur  cou  rtx^k  plus  que  tout  le 
refte  du  corps ,  eft  un  caradere  bien  fufîî- 
fant  pour  en  faire  un  genre  particulier  qui 
ne  fe  borne  pas  aux  neuf  efpec«s  que  Seba  a 
fait  graver. 

On  lit  dans  un  di£l:ioiinaire  intitulé,  Dic- 
tionnaire d'kifloire  naturelle ,  à  l'article  cobre 
de  capello  ,  que  cet  animal  gonfle  fa  joue , 
que  l'efpcce  qui  fè  trouve  à  Ceylan ,  s'ap- 
pelle cobra  de  Neufria^enHii  que  tous  les  fer- 
pens qui  ont  comme  celui-ci  fiir  la  tête  une 
couronne  en  figure  de  lunette ,  font  de  la 
famille  du  ferpent  à  lunette.  La  vérité  nous 


3i8  C  O  C 

oblige  de  dire  que  la  Neuflria  n'eft  point  à 
Ceylan  ,  mais  en  Hollande  ^  mais  que  le 
cobra  capella  n'enfle  point  fa  joue ,  que  la  lu- 
nette n'eft  pas  fur  fa  tête,  &  qu'il  y  a  beau- 
coup d'autres  fèrpens  qui  ont  une  pareille 
tache  en  lunette  &  qui  ne  font  pas  de  ce 
genre.  Le  public  nous  fauroit  mauvais  gré 
de  ne  pas  arrêter  de  pareilles  erreurs  dès 
leur  origine,   (M.Adanson.) 

COBRE ,  f.  m.  C  Comm.  )  mefure  de 
longueur  ,  d'ufàge  à  la  Chine  &  aux  Indes 
orientales  ;  à  la  Chine,  du  côté  de  Canton ^ 
aux  Indes  ,  fur  la  côte  de  Coromandel. 
Elle  varie  félon  Iqs  lieux.  A  la  Chine  elle 
cft  de  ,V  d'une  aune  de  Paris  j  aux  Indes . 
de   17  pouces  &  j  de  France. 

COBRISSO ,  f.  m.  {Minéralogie.)  nom 
que  l'on  donne  au  Chili  &  au  Pérou  à  la 
mine  d'argent  lorfqu'elle  tient  du  cuivre ,  & 
qu'elle  eft  teinte  d'une  couleur  verte.  Cette 
eipece  de  mine  eft  difficile  à  traiter.  Diclion. 
du  comm. 

COCA ,  f.  m,  (  Bot.  exot.  )  arbriflèau  du 
Pérou  ,  dont  les  fruits  ,  quand  ils  ibntfècs  , 
fervent  aux  habitans  de  petite  monnoie , 
de  même  que  le  cacao  en  fert  aux  Mexi- 
cains ^  tandis  que  les  feuilles  de  l'arbrilTeau  , 
font  les  délices  des  Péruviens ,  comme  le 
bétel  des  Orientaux ,  &  le  tabac  des  Eu- 
ropéens. 

Cette  plante  ne  s'cleve  guère  que  de  trois 
à  (juatre  pies  ^  fès  feuilles  font  molles  ,  d'un 
verd-pâle,  &  aifez  (èmblables  à  celles  du 
myrte.  Son  fruit  eft  difjjofé  en  grappes  , 
rouge  comme  le  myrtile  quand  il  com- 
mence àmilrir,  de  pareille  groifeur ,  Scnoir 
quand  il  a  atteint  fa  parfaite  maturité.  C'eft 
en  cet  état  qu'on  le  cueille  &  qu'on  le 
laiîiè  entièrement  fécher  avant  que  de  le 
mettre  dans  le  commerce. 

Je  ftiis  fâché  de  ne  pouvoir  rien  dire  de 
plus  d'une  plante  de  ce  prix  ,  de  ne  la  con- 
noître  même  par  aucune  deicription  de  bo- 
tanifte ,  mais  feulement  par  des  relations  de 
voyageurs  ,  qui  iè  contredifent  les  uns  les 
autres  ,  &  qui  paroilfent  ne  s'être  attachés 
qu'à  nous  en  débiter  des  contes  hors  de 
toute  créance.  Tels  font  ceux  qui  nous  rap- 
portent qu'il  fe  fait  un  ^  grand  commerce 
du  coca  ,  que  le  revenu  de  la  cathédrale  de 
Cufco  ne  provient  que  de  la  dîme  des 
feuilles.  


C  O  C 

Quelques  auteurs  ont  fait  deux  plantes  de 
celle-ci,  &  en  conféquence  l'ont  décrite 
difteremment  fous  les  noms  de  coca  &  de 
cuca.  Cette  façon  de  multiplier  les  objets 
n'eft  pas  fans  exemple  dans  la  botanique. 
(  M.  le  chevalier  de  Jaucovrt.  ) 

Coca ,{Ge'og. mod. )  petite  ville  d'Efjja- 
gne  y  dans  la  Caftille  vieille ,  ftir  la  petite 
rivière  d'Elerana. 

COCAGNE ,  f.  f.  (  Hijf.  nat.  Bornn.  )  la 
guede  ou  vouede  dont  on  tire  la  couleur 
hlQue  ,  ^^pt\\éc  pajîel  y  fe  réduit  d'abord  en 
petits  pains  que  l'on  nomme  cocagne  ,  d'où 
vient  le  nom  de  pays  cocagne  qu'on  donne 
aux  pays  011  l'on  cultive  cette  plante.  On  leur 
donne  aufti  le  nom  de  cocs,  Voye[  Cocs , 
Guede  &  Pastel.  (  M.  Adanson.  ) 

COCARDE ,  f.  m.  (  Art  milit.  )  en  tenr.e 
de  marchand  de  modes ,  eft  une  bouffette 
de  rubans  aflbrtiftans  à  l'ordonnance  ,  que 
les  gens  de  guerre  attachent  au  bouton  du 
chapeau. 

COCATRE  ,  f.  m.  {Ècon.ruftiq.)  c'eft 
ainfî  qu'on  appelle  le  chapon  qui  n'a  été 
châtré  qu'à  demi. 

COCAZOCHITL  ,  (  Hifi.  nat.  bot.  ) 
c'eft  ainfi  que  les  Mexicains  appellent  le  ta- 
getes  indicus. 

COCCARA  ,  (  Hijl.  anc.  )  nom  d'une 
efpece  de  gâteau  des  Grecs ,  dont  on  ne 
connoît  que  le  nom. 

*  COCCEIENS,  f.  m.  pi.  feftateurs  de 
Jean  Cox  ,  né  à  Brème  en  1603  ,  homme 
favant  &  profond  théologien ,  qui  fit  grandi 
bruit  en  Hollande  dans  le  xvij«  fiecle  \  il  ap- 
percevoit  dans  l'écriture ,  qu'il  lifoit  beau- 
coup ,  deux  venues  ,  celle  de  Jefus-Chrift: 
&  celle  de  l'antechrift  ^  il  croyoit  que  Je- 
fus-Chrift auroit  un  règne  vifible  for  la  ter- 
re ,  poftérieur  à  celui  de  l'antechrift  qu'il 
aboliroit ,  &  antérieur  à  la  converfion  des 
juifs  &  de  toutes  les  nations.  Il  avoit  en- 
core d'autres  idées  particulières  qui  furent 
combattues  de  fon  temps  avec  beaucoup  de 
chaleur ,  &  qui  lui  firent  de  la  réputation^ 
quelques  fè6^ateurs,  &,  comme  de  raiionj 
une  multitude  d'enneinis. 

COCCOCA,  {Mythol.)  furnom  de  Dia- 
ne ',  elle  étoit  invoquée  fous  ce  titre  en  Elide  5 
mais  quelle  en  étoit  la  raifbn  ?  on  l'ignore. 

COCCYGIEN ,  adj.  en  anatomie ,  fè  dit 
de  quelques  parties  relatives  aux  coccyx. 


c  o  c 

Le  mufcle  coccygien  antérieur  ou  latéral 
vient  de  la  face  interne  de  l'os  des  îles  ,  de 
l'os  ifchion  &  du  corps  de  cet  os  ,  derrière 
le  trou  ovale  ,  &  s'y  infère  à  la  partie  laté- 
rale interne  &  inférieure  du  coccyx. 

Le  mufcle  coccygien  poftérieur  vient  de  la 
face  antérieure  des  deux  premières  vertèbres 
de  l'os  facrum  ,  de  la  face  interne  du  corps 
de  l'épine  de  l'os  ifchion,  5c  s'infère  à  la 
partie  moyenne  de  la  face  interne  du  coc- 
cyx. (Z) 

COCCYX ,  f.  m.  (  Anat.  chir.  )  Le  coc- 
cyx eil  à  l'extrémité  de  l'épine ,  &  le  trouve 
placé  comme  la  queue  dans  les  animaux. 

C'eft  un  os  fitué  au  bout  de  l'os  facrum , 
dont  il  efl  comme  l'appendice.  Sa  figure  re- 
vient en  quelque  manière  à  celle  d'une  pe- 
tite pyramide  renverfée  &  un  peu  courbée 
vers  le  baHin,  formant  une  efpece  de  bec  de 
coucou  ou  de  corbeau  ,  convexe  en  dehors  , 
&  concave  en  dedans.  Il  donne  attache  au 
fphinéter  de  l'anus ,  &  à  une  portion  des 
fefîîers.  Sa  face  antérieure  eft  plate ,  &  la 
poftérienre  un  peu  arrondie. 

Il  eft  compofé  de  quatre  ou  cinq  pièces 
en  manière  de  faulTes  vertèbres  ,  jointes  les 
unes  aux  autres  par  des  cartilages  plus  ou 
moins  fouples  ,  ce  qui  fait  qu'ils  obéilFent 
&:  qu'ils  fe  retirent  aiiëment  en  arrière. 
Quelquefois  plufieurs  de  ces  pièces ,  & 
quelc^iefois  toutes,  font  entièrement  fon- 
dées enfemble. 

Les  cartilagesqui  lient  les  différentes  par- 
ties du  coccyx ,  confervent  leur  natare  dans 
quelques  fujets  julqu'à  un  âge  fort  avaticé  : 
il  y  en  a  d'autres  au  contraire  dans  lefquds 
ils  deviennent  promptement  oiTeux. 

Ces  pièces  oiîèufes  qui  compofent  le  coc- 
cyx ,  foutiennent  le  reéinm  &le  portent  plus 
en  dehors  aux  femmes  qu'aux  homm.es , 
donnant  par-là  plus  d'étendue  au  baflln  de 
l'hypogaftre  pour  le  temps  de  la  grofléife  : 
la  pointe  de  ces  os  regarde  toujours  en 
dedans ,  ce  qui  empêche  qu'on  ne  foit  in- 
commodé en  s'alTeyant,  &  connne  ils  le 
portent  un  peu  en  dehors  aux  femmes  ,  cela 
rend  plus  ample  le  paiîage  de  l'enfant  dans 
l'accouchement. 

Chelèlden  &  Morgagni  ,    deux  grands 

maîtres ,  l'un  en  chirurgie  ,  l'autre  en  ana- 

tomie,  ont  obfervé  que  le  coccyx  aune  paire 

de  mufcles  propres  qui  ont  de  chaque  côté 

Tomt  VIII, 


C  O  C         .31^ 

leur  attache  fixe  à  l'apophyfè  épineufe  & 
poftéricure  de  l'os  iichion ,  &  vont  s'infé- 
rer au  coccyx.  Ces  mufcles  tirent  ce  dernier 
os  ea  devant ,  aident  par-là  aux  releyeurs 
de  l'anus ,  &  remettent  le  coccyx  dans  fà 
fituation  naturelle. 

Diem.erbroek  rapporte  avoir  vu  un  enfant 
nouveau-né  dont  la  queue ,  c'eft-à-dire  le 
coccyx ,  étoit  de  la  longueur  de  1 3  à  14 
pouces  ^  mais  je  crois  que  cet  anatomifte  a 
mal  vu  dans  cette  occafion  comme  dans 
quelques   autres. 

Harv'ey  avoit  oui  dire  à  un  de  fès  amis 
revenant  des  Indes  orientales ,  qu'il  y  a  des 
hommes  dans  quelques  contrées  de  ce  pays- 
là  ,  qui  ont  Aqs  queues  d'un  pié  de  long. 
Rapporter  fidèlement  ce  qu'on  a  oui  dire ,, 
chofe  même  afîbz  rare ,  eft  prefque  toujours 
rapporter  des  chofes  fiifpedfies.  Cependant 
Marc  Paul  dans  fa  defcription  géographique 
imprimée  à  Paris  en  1556 ,  avoit  déjà  écrit 
le  même  contre  des  hommes  du  royaume  de 
Lambry  ^  Struys  l'affure  aufîî  de  ceux  de 
l'île  de  Formofe  j  &  Gemelli  Garreri ,  fur 
le  récit  de  quelques  jéfliites  ,  de  ceux  de 
l'île  de  Mindore ,  voifine  des  Manilles.  Que 
Sorbiere  avoit  bien  raifon  d'appeller  les  re- 
lations des  voyageurs  ,  les  romans  des  phy- 
ficiens  !  Tous  ces  hommes  à  longue  queue 
des  Indes  orientales ,  du  Royaume  de  Lam- 
bry ,  des  îles  Formofè ,  Mindoro ,  Bornéo  , 
&c.  font  des  efpeces  de  gros  fînges  à  queue 
qu'on  y  trouve  en  quantité. 

Ces  fortes  de  finges  à  queue  font  nommés 
par  les  naturaliftes  cercopitheci.  Il  y  en  a 
dans  tous  les  cabinets  des  curieux,  &  j'en  ai 
vu  de  toute  grandeur. 

Bourdon  dit  qu'il  y  a  des  fages  femmes 
qui  ont  coutume  de  pouffer  le  coccyx  en 
arrière  dans  l'accouchement  avec  tant  de 
violence,  qu'il  en  réfîilte  de  très-fâcheux  ao 
cidens.  Cependant ,  fiiivant  la  Motte  ,  au- 
quel nous  devons  un  bon  traité  des  accou- 
chemens ,  ce  n'eft  jamais  cet  os  qui  met 
obftacle  au  pafta^  de  l'enfant,  mais  le  baf- 
fin  trop  étroit  de  Thypogaftre ,  qui  fait  que 
la  tête  de  l'enfant  s'y  étant  engagée ,  elle  ne 
peut  avancer  ni  rétrograder.  Il  eft  perfuadé 
que  le  coccyx  obéit  fans  peine  aux  efforts 
que  fait  le  fœtus  pour  s'ouvrir  un  pafTage  , 
&  à  ceux  que  fait  la  mère  pour  accoucher. 

Le  coccyx  peut  fè  luxer  en  dehors  ou  ea 
Tt 


33«  €  O  C 

dedans  ,  car  il  eft  très-rare  que  fes  vertèbres 
fe  déjoignent  entièrement.  Pour  réduire  le 
€occyx  luxé  en  dehors  ,  il  ne  faut  que  le 
pouiîbr  en  dedans  ,  le  tenir  dans  cette  fitua- 
tion  avec  des  comprcffes  graduées  &  un 
bandage  en  T. 

Pour  réduire  le  coccyx  luxé  en-dedans  , 
on  trempe  le  doigt  indice  dans  l'huile ,  & 
on  l'introduit  dans  l'anus  aufli  avant  qu'il 
eft  nécelTaire  pour  paiTer  au  delà  du  bout  du 
coccyx ,  &  le  relever.  Il  faut,  pour  éviter  la 
douleur ,  obièrver  en  introduisant  le  doigt , 
de  l'appuyer  toujours  fur  le  côté  de  la  marge 
de  l'anus  oppofé  à  la  pointe  du  coccyx. 

On  préviendra  les  fuites  fâcheufes  de  cet 
accident  par  des  faignées ,  des  narcotiques , 
la  diète ,  les  boilTons  rafraîchiffantes ,  les  la- 
vemens ,  les  bains ,  les  cataplafmes  anodins  , 
ëmolliens  &  réfblutifs ,  un  bandage  lâche  &. 
iîmplement  contentif,  &  le  lit. 

M.  Petit  dans  fon  trai/é  des  maladies  des 
os  y  tome  I ,  ckap.  ii; ,  remarque  que  le  dé- 
rangement du  coccyx  n'eft  point ,  à  propre- 
ment parler ,  une  luxation ,  parce  que  la 
jonftion  de  cet  os  n'eft  pas  une  articulation 
formée  par  des  têtes  &  des  cavités ,  mais 
une  union  par  cartilage  que  les  anciens  ont 
nommée  fynchondrofe  \  ce  qui  femble  de- 
voir faire  appeller  la  luxation  du  coccyx  en 
dehors ,  renverfement ,  &  fa  luxation  en  de- 
dans, enfoncement.  Si  le  coccyx  étoit  entiè- 
rement féparé  de  l'os  iàcrum  ,  on  pourroit 
dire  qw'il  eft  rompu. 

Les  caufes  de  la  luxation  du  coccyx  en 
dedans  (  pour  parler  néanmoins  le  langage 
ordinaire  ),  fbi-it  les  coups  &  les  chûtes  fur 
cette  partie ,  qui  forment  quelquefois  par  la 
(EOHtufion  des  accidens  funeftes ,  fiir-tout 
lorfque  les  femmes  négligent  par  pudeur  de 
montrer  le  mat  aux  maîtres  de  l'art.  M.  Pe- 
tit en  cite  deux  ou  trois  exemples  qui  doi- 
vent apprendre  à  furmonter  dans  ces  occa- 
fîons  des  répugnances  qui  peuvent  coûter 
la  vie.  ,ab. 

La  pudeur  bien  entenfl^,  n'eft  qu'un  ièn- 
timent  honnête  qui  doit  feulement  nous  dé- 
tourner du  vice.  {M.  lech.DE  Jaucourt.  ) 

*  COCHE  ,  f.  m.  voiture  publique  qui 
transporte  les  particuliers  &  leurs  effets  de 
l'd  capitale  en  différens  endroits  du  royaume , 
&  de  ces  endroits  dans  la  capitale.  Il  y  a 
dfeux  fortes  de  coches ,  les  cechts  d'eau  2«  ïe$ 


c  o  c 

coches  de  terre.  Les  coches  d'eau  font  de 
grands  bateaux  diftribués  en  différentes 
chambres  où  fe  retirent  les  voyageurs ,  &  en 
un  grand  magafin  où  font  dcpofées  les  mar- 
chandifes.  Les  coches  de  terre  font  de  grands 
carroff^es  à  un  grand  nombre  de  places  j  les 
voyageurs  occupent  ces  places  ^  les  mar- 
ciiandifes  font  chargées  fur  le  derrière  j  le 
devant  eft  occupé  par  un  grand  tiffii  d'ofier 
qu'on  appelle  le  panier  ,  où  l'on  met  auffî 
des  marchandifes ,  &  où  font  reçues  à  un 
prix  médiocre  les  perfonnes  qui  ne  trouvent 
plus  de  place  dans  le  coche  ,  ou  qui  ne  font 
pas  en  état  d'en  prendre.  La  première  mÇ- 
titution  de  ces  coches  remonte  fous  Charles 
IX.  Ils  étoient  Joués  par  des  particuliers  ; 
mais  bientôt  il  y  eut  un  privilège  excluiif 
&  wn  infpeâeur  des  coches.  En  1 594 ,  Henri 
IV  fupprima  cette  infpeéiion,  &  créa  un 
furintendant  de  ces  voitures  j  ce  qui  fait  pré- 
fumer qu'elles  étoient  déjà  établies  en  grand 
nombre.  Ce  fut  alors  que  commença  la  po- 
lice de  ces  voitures,  qui  a  été  portée  juf- 
qu'où  nous  la  voyons ,  fur  la  qualité  des  mar- 
chandifes ,  l'exaâiitude  du  départ ,  le  prix 
&  l'ordre  des  places ,  la  tenue  des  rcgiftres, 
la  fureté  des  eiïeu  mis  aux  coches  ,  les  de- 
voirs des  cockers ,  ^c.  Voye[  VoiTURE^ 

PUBLIQUES. 

Coche  ,  terme  de  Marine.  Porter  les  hu- 
niers en  coche ,  c'eft  les  hiifer  au  plus  haut 
du  mât.  {Z) 

Coche,  {.î.inftrumenide  chapelier.,  mor- 
ceau de  buis  ou  d'autre  bois  dur ,  long  de 
fèpt  ou  huit  pouces ,  tourné  en  forme  de  pe- 
tite bobine ,  avec  lequel  on  met  en  adtion  la 
corde  de  l'arçon ,  dans  la  préparation  àe% 
matières  dont  on  fabrique  les  chapeaux. 

Les  eardeurs  fe  fervent  aufiî  de  la  cocht 
pour  arçonner  leur  laine  ou  coton  après  l'a^ 
voir  cardé.  Voye\  Chapeau. 

Coche  qu  Entaille  qu'on  fait  dans  le 
bois. 

COCHÉES,  adjî  f.  pilules  cochées^ 
(  Pharm.  )  On  trouve  dans  prefque  tous  les 
difpenfaires  deux  fortes  de  pilules,  les  unes 
appeilées  cochées  majeures  ,  les  autres  co' 
chées  mineures. 

Les  premières  ou  les  majeures  font  de 
Rhafis,  &fè  font  de  la  manière  fuivante. 

Pilules  cochées  majeures  de  Rhajis.  Tf!; 
de  la  poudre  d'hierepicre  de  Rhafîs  dix  gros  3 


CGC 

jHiIpe  de  coloquinte  pulvérifée ,  trois  gros  un 
îcmpule  j  fcammonée  pulvérifée  ,  deux  g^ros 
&  demi  ^  ftoechas,  turbith  choifî  ,  de  cha- 
que cinq  gros.  On  pulvérifera  enfemble  Je 
.ftœchas  &  le  turbith,  &  on  fera  du  tout  une 
îuaflè  de  pilules  félon  les  règles  de  l'art ,  avec 
uiie  fuffi faute  quantité  de  firop  de  ftœchas. 
La  dofè  de  ces  pilules  eft  jufqu'à  deux  fcru- 
pules  &  même  un  gros. 

.  Pilules  cochées  mineures.  1^  alocs  flicco- 
trin ,  fcammonée  choifie ,  pulpe  de  colo- 
quinte ,  de  chaque  ,  partie  égale;,  huile  elîèn- 
X\t)\e.  de  girolle  ^  f.  q.  ad  aromatifand.  faites 
du  tout  une  malfe  de  pilules  avec  f.  q.  de 
iirop  de  nerprun.  La  dofe  de  ces  pilules  efl 
depuis  fix  grains  jufqu'à  un  fcrupule. 

Les  pilules  coc/^É-V^  ,  tant  majeures  que  mi- 
neures ,  font  des  hydragogucs  très  violens 
fort  peu  employés  par  nos  médecins  ,  mais 
dont  les  Anglois  &  les  Allemands  font  un 
ufage  affez  fréquent.  (  b  ) 

COCHEIM,  {Géog.mod,')  petite  ville 
d'Allemagne  dans  l'éleétorat  de  Trêves ,  fiir 
la  Mofelle.  Long.  24,  45  ^  lat.  50 ,  12. 

COCHEMAR ,  (MM.  )  efl  un  fentiment 
de  pefanteur  fur  la  poitrine  ,  qu'on  éprouve 
€n  dormant, &  qui  fatigue  autant  que  pour- 
roit  le  faire  un  grand  fardeau  ,  &  allarme 
encore  plus  par  l'idée  des  fantômes  &  au- 
tres chimères  qui  l'accompagnent  ordinaire- 
ment -^  mais  cette  opprefîion  &  ces  frayeurs 
fe  difTipent  par  le  réveil ,  fi  ce  n'eft  qu'elles 
laifîent  quelquefois  la  palpitation  du  coeur 
&  beaucoup  de  lafTitude. 

Il  tire  fon  nom  du  grec  ?t/,  &  de  ^tA^c.Mot/, 
fupra  infïlio  ,  je  faute  deifus  ;  parce  que  ce- 
lui qui  en  eft  attaqué  ,  s'imagine  qu'il  a  un 
animal  fur  la  poitrine. 

Themifon  lui  a  donné  le  nom  de  pinga- 
lion ,  à  caufe  de  la  fuiîbcation  qui  l'accom- 
pagne •,  il  l'a  aufTi  appelle  pnigamon  ,  c'eft 
ïtpibole  d'Aurelianus^  c'eft  comme  fî  l'on 
difoit  jeté  deffus.  En  effet ,  on  trouve  des  per- 
fbnnes  qui  rêvent  qu'un  poids  qu'ils  ont  fur 
eux  les  fufïbque.  Diofcoride  l'appelle  -Truyixov^ 
vro  it)etK7ov  ^  Pline  ,  ludibria  fanni  :  caries 
Romains  accordoient  aux  faïuies  ,  ce  que 
ceux  de  nos  pays  donnent  aux  efprits  mal- 
faifans  qui  errent  pendant  la  nuit  ,  comme 
les  anciens  ont  fait  aux  démons ,  aux  incu- 
bes &  aux  fuccubes.  On  appelle  encore  cette 
maladie  incube  &yi/cc:/^f.;4Lyoneile  porte 


COC  33r 

le  tiom  de  chauchevieille  ;  d'autres  ,  comme 
Galien ,  lui  confervent  la  dénomination  d'é~ 
pilepfte  nocturne ,  d^aflhme  Q.oclurne  ,  &:c. 

C'eft  un  genre  de  maladie  périodique  pen- 
dant la  nuit ,  ou  qui  attaque  en  dormant^ 
fès  fymptomes  principaux  font  une  forte 
anhélation  ,  accompagnée  de  l'infbmnie 
d'un  certain  corps  qui  comprime  la  poitrine. 
Cette  maladie  attaque  fur-tout  ceux  qui 
dorment  à  la  renverfe  j  elle  fe  manifefte  par 
une  refpiration  plaintive^,  tremblante,  dou- 
teufè  \  le  malade  eft  aufïïtôt  éveillé  ,  le  fom-^ 
meil  &  la  maladie  s'évanouifFent  alors. 

L'ame ,  dit  Hippocrate ,  veille  &  fait  tou- 
tes \^s  fonèlions  du  corps  ,   pendant  que 
l'homme    dort  :  le  cochemar  en  fournit  la^ 
preuve.  Car ,  de  même  que  l'ame  avertie 
quand  on  dort,  de  l'acrimonie  de  la  fèmence 
qui  eft  dans  les  vélîcules ,  examinant  cette 
fènfation ,  elle  l'unit  à  celles  qui  ont  de  l'af- 
finité avec  elle  ,  ou  qui  font  accoutumées  à 
l'accompagner ,  &  en  conféquence  defîrant 
d'afTouvir  fà  cupidité  ,  elle  met  en  éredèion  ' 
la  verge  &  termine  l'aâie  vénérien  j  ainfî  dès 
qu'il  y  a  quelque  obftacle  dans  les  organes 
de  la  refpiration  qui  lui  fait  réfiftance ,  l'ima- 
gination erre  aifément ,  H.  elle  voit  à  cette 
fènfation  l'idée ,  fbit  d'un  démon  qui  faute , 
d'un  chat  ou  d'un  chien  qui  preffe  la  poi- 
trine,  ou  d'une  vieille  maifaifante  qui  étran- 
gle ,  d'où  il  arrive  qhe  celui  qui  rêve  étant  ' 
tourmenté  par  la  crainte  ,  s'agite ,  fue ,  8c 
fè  plaint  autant  qu'un  fommeil  profond  Je 
lui  permet.  Quand  le  fommeil  eft  interrompu, 
celui  qui  eft  attaque  de  cochemar  recomioît 
fbn  erreur  &  ne  tarde  pas  à  fè  rétablir. 

Dans  ce  cas  ,  lobftacle  qui  s^oppofè  aw 
mouvement  de  la  poitrine  ,  détermine  le 
fommeil  ^  mais  il  eft  certain  qu'un  fbmmeil 
anticipé  détermine  quelquefois  la  fliffoca- 
tion  ^  &  je  me  fbuviens  d'avoir  rêvé  plufieurs 
fois  étant  jeune  ,  qu'un  chat  montoit  dans 
mon  lit ,  &  que  je  ne  me  fèntois  fufFoqué 
que  lorfque  je  m'im.aginois  que  le  chat  liioa- 
toit  de  mes  pics  vers  ma  poitrine.  C'était  le 
longe  qui  déterminoit  la  fuffocation ,  &  non  • 
la  fiiftbcation  qui  déterminait   le  fbnge  ,  • 
comme  on  le  croit  vulgairement.  Après  cette 
obfcrvation ,  il  fuit  que  l'imagination  ,  fans  : 
aucun  vice  corporel  dans  Ja  poitrine ,   fufïït 
pour  occafioner  une  dyfpnée  rl-ès-confidé-  > 
rable  avec  fièvre  ,  fiieur;,  angoifTes  beaucoup 

Tta 


351  COC 

plus  grandes  que  fî  la  caufe  que  nous  imagi- 
nons ,  exiftoit  réellement  en  nous. 

Ce  qui  ciï  digne  de  remarque  ,  c'eft  que 
nous  avons  coutume  de  reprocher  aux  per- 
fonnes  qui  nous  tiennent  long-temps  en  fiif- 
pens  5  &  en  même  temps  fort  attentifs  par 
les  circonlocutions  d'un  difcours  qui  nous 
annonce  quelque  cas  grave  ^  nous  avons  , 
dis-je  ,  coutume  de  leur  reprocher  qu'ils 
nous  donnent  un  cochemar  ;  parce  que  l'at- 
tention trop  forte  que  prête  notre  ame ,  arrête 
tellement  en  nous  pour  quelque  temps  ,  la 
refpiration  ,  que  nous  relpirons  esfuite  avec 
beaucoup  de  peine  &  de  difficulté  ,  quand 
nous  relâchons  notre  poitrine  &  que  l'atten- 
tion'diminue. 

Le  cochemar  pléthorique  ,  c'eft  celui  qui 
fc  fait  fentir  à  ceux  qui  dorment  à  la  ren- 
verlè  :  il  peut  être  aufîi  caufé  par  la  chaleur 
du  lit,  par  le  poids  des  couvertures ,  fur-tout 
il  le  vent  du  midi  fouffle  ,  &  par  la  plé- 
thore ,  quand  on  fait  trop  bonne  chère  ,  ou 
que  l'on  a  foufFert  la  fuppreflion  d'un  écoule- 
ment fanguin  :  car  il  n'y  a  rien  de  plus  ordi- 
naire que  de  voir  dans  ces  circonftances ,  le 
fang  fe  porter  au  cerveau ,  &  exciter  des  fbn- 
%QS  qui ,  dans  les  uns ,  produiront  la  pano- 
phobie ,  dans  ceux-ci  une  gonorrhée  lafcive  j 
dans  ceux-là  ,  le  cochemar ,  fur-tout  Ç\  le  fang 
demeure  ftagnant  dans  les  poumons ,  à  caufè 
de  leur  relâchement  précédent. 

On  prévient  cette  efpece  de  cochemar  par 
la  faiguée  ,  en  mangeant  peu ,  en  fe  paiTant 
de  foupcr ,  en  fê  couchant  fur  le  côté  ,  &  en 
tenant  fa  tête  plus  élevée. 

Le  cochemar  ftomachique  eft  celui  qui  eft 
déterminé  par  le  poids  du  ventricule  gonfle 
par  les  alimens  qui  ne  font  pas  encore  digé- 
rés ,  &  qui  eft  appuyé  contre  le  diaphragme  \ 
le  cerveau  étant  engorgé  par  un  chyle  grof 
fier  &  abondant,  qui  épaiilit  le  fang.  Ceux 
qui  en  font  attaqués  ,  ont  la  bouche  mau- 
vaifè ,  des  hoquets ,  des  naufées  ,  la  tête 
p3fant€.  Cette  maladie  attaque  les  gour- 
mands qui  vont  de  la  table  au  lit ,  &  parti- 
culièrement s'ils  fe  c®uchent  à  la  renverfe  , 
&  la  tête  placée  horizontalement.  Les  enfans 
y  font  plus  fujsts  que  les  adultes  ^  elle  eft 
funefte  particulièrement  aux  gourmands  : 
quant  à  l'objet  du  fonge  ,  il  varie  en  raifon 
des  mœurs  dif  malade. 

Car  il  les  domeftiqucs  ont  fait  dsvant  un 


COC 

enfant  ou  devant  une  perfonne  d'un  e/prit 
foible ,  ces  contes  ineptes  que  les  vieilles 
femmes  rapportent  des  efprits  malins ,  des 
losps-garous  ,  &  des  faunes  ,  cet  enfant  ou 
cette  perfonne  rêvent  qu'ils  font  opprimés  ë<: 
foulés  aux  pies  par  ces  monftres  ,  ou  qu'ils 
aifouviflent  leurs  paiîîons.  Ceux  qui ,  quand 
ils  veilloient  ,  craignoient  quelque  chofe  de 
femblable  des  chats  ,  àt%  finges  ,  ou  d'autres 
animaux  méchan-s  ,   doivent  rêver  que  ces  ; 

animaux  les  attaquent. 

Le  traitement  exige  l'émétique  ,  les  ca- 
thartiqucs  ,  une  nourriture  médiocre.  Le 
malade  doit  s'abftenir  de  fouper ,  de  boire 
du  vin  5  de  manger  de  la  viande  de  lièvre  , 
de  boire  des  liqueurs  fpiritueufes  \  &  lî  les 
forces  digeftives  de  l'eftomac  s'affoibliliént , 
les  ftomachiques  amers ,  le  quinquina ,  la 
rhubarbe ,  l'aioè's  font  propres  à  les  ranimer. 

Cette  efpece  provenant  de  l'ivreffe  &  de 
la  gourmandife  ,  &  fur-tout  après  avoir  beau^ 
coup  mangé  le  foir  ,  eft  la  plus  ordinaire  de 
toutes  j  &  félon  le  diffèrent  caraâiere  du 
malade,  les  infomnies  &le{iege  des  fymp- 
tomes  varient.  L'homme  lubrique  rêve  à 
l'afte  vénérien.  Timée  rapporte  qu'uu^bldat 
croyoit  dans  fon  fommeil  ,  que  ion  ennemi 
l'étrangloit.  Un  de  me.s  amis  s'imaginoit  être 
ferré  &  comprimé  entre  les  murs  d'un  efca- 
lier  trop  étroit  \  d'autres  font  des  rêves  d'une 
autre  efpece  ,  mais  ces  aftèêtions  font  pafla- 
geres  ,  &  ne  demandent  que  le  fecours  de 
la  prophilaéi:ique. 

Le  cochemar  eft  fouvent  l'effet  d'un  hydro- 
céphale. Après  des  terreurs  noèbirnes  &  des 
attaques  d'incube,  mourut  un  jeune  homme 
m.èlancolique  ,  fujet  aux  vertiges ,  foible  de 
la  tête  &  de  la  vue.  A  l'ouverture  de  fon  ca- 
davre ,  on  trouva  les  veinés  du  cerveau  de 
couleur  noire  \  le  cerveau  étoit  inondé  de 
pus  \  le  finus  gauche  de  ce  vifcere  étoit  gon- 
flé de  pourriture  &  de  mucus,  le  malade 
penchoit  toujours  la  tête  du  côté  gauche. 
Bonet  rapporte  encore  deux  autres  obfèri'a- 
tions  au  iiijet  des  perfonnes  attaquées  de 
cochemar  ,  dans  le  cerveau  defquelles  les  fî- 
nus  étoient  diftendus  par  de  l'eau.  C'eft-là 
ce  qui  a  fait  naître  l'opinion  que  le  fiege  du 
cochemar  étoit  dans  le  quatrième  finus  du 
cerveau  ,  dans  lequel  la  féroflté  coulant  lorf- 
que  la  tête  étoit  renverfée  ,  occafîonoit  cette 
i  Hialadis  >  suais  je  peafe  que  ce  principe  dii 


c  o  c 

cochemar  eft  très-rare  j  il  n'y  a  rien  de  plus 
ordinaire  que  de  trouver  de  la  féroiité  dans 
les  iinus  du  cerveau.  Un  académicien  d'Ox- 
fort  avoit  ime  hydropifie  de  poitrine  8c  une 
incube  en  même  temps  \  il  n'eft  pas  difficile 
de  reconnoître  dans  ce  cas  les  lignes  de  cette 
elpece.  Les  hydragogues  ,  les  fêtons  &  les 
diurétiques  conviennent  ^  mais  Lower  qui 
foupçonne  toujours  un  hydrocéphale ,  quand 
un  malade  a  le  cochemar ,  nous  paroît  beau- 
coup s'écarter  du  vrai. 

Le  cochemar  vermineux  a  fon  fîege  dans 
le  ventricule  même  ,  parce  qu'un  enfant  dans 
Teftomac  duquel  les  vers  rampent ,  peut  fa- 
cilement rêver  qu'il  y  a  dans  la  région  épi- 
gaftrique  quelque  chofe  qui  l'épouvante  ^  or 
une  forte  terreiu:  jette  dans  un  vrai  cochemar 
caufé  par  une  idée  pareille  ,  &  ceux  qui 
font  tout  d'un  coup  frappés  d'une  pareille 
terreur,  font  fuffoqués.  L'indication  cura- 
tive  n'eft  pas  difficile  à  développer. 

Le  cochemar  tertianaire  eft  marqué  par  la 
peur,  &  un  certain  fymptome  furprenant  , 
imitant  en  partie  l'incube  ,  &  en  partie  l'é- 
pilepfie  ,  revenant  le  troifieme  foir ,  &  con- 
tinuant depuis  opuf  heures  jufqu'à  onze. 

Une  demoiselle  de  neuf  ans  étoit  faifîe 
tous  les  trois  jours ,  d'un  paroxyfme  fembla- 
ble  à  la  fièvre  j  c'eft-à-dire  ,  que  tout  fon 
ventre  &  fa  poitrine  ië  relferroient  avec 
difficulté  de  refpirer ,  fes  yeux  reftoient  ou- 
verts ,  ils  étoient  continuellement  fixés  vers 
le  même  lieu  ^  ce  qu'elle  failiffoit  avec  les 
mains ,  elle  l'empoignoit  fortement  pour 
refpirer  avec  plus  de  facilité ,  elle  ne  répon- 
doit  pas  aux  queftions  qu'on  lui  faifoit ,  elle 
paroiifoit  cependant  ne  pas  perdre  la  tête  ;, 
elle  veilloit ,  elle  étoit  fort  trifte ,  fon  ventre 
s'élevoit ,  fa  poitrine  fe  relferroit  ^  fa  relpi- 
ration  étoit  gênée  ,  fes  anhélations  étoient 
fréquentes ,  elle  ne  pouvoit  parler ,  tant  elle 
étoit  oppreffée. 

Le  cochemar  eft  ordinaire  aux  hypocon- 
driaques &  aux  mélancoliques.  Tel  étoit  , 
je  crois ,  ce  facrificateur  qui  ne  reconnoif- 
fànt  pas  fon  erreur  ,  fe  perfuadoit  fortement 
qu'une  vieille  qu'il  connoiifoit,  venoit  le 
voir  pendant  la. nuit ,  &  qu'il  étoit  ferré  en- 
tre fes  bras ,  jufqu'à  être  fiifFoqué.  On  peut 
voir  dans  Foreftus  ,  livre  X  ,  cette  hiftoire 
affez  curieulb ,  &  une  autre  qui  y  a  du  rap- 
port." Dans  cette  efpece ,  i'émétique  ne  con- 


CGC  33J 

vient  point  du  tout ,  particulièrement  s'il  y 
a  hyftérie  ,  &  fi  les  inteftins  ibnt  fecs  &  fla{- 
ques.  Les  vents  peuvent  preftér  le  dia- 
phragme &  caufer  le  délire  dans  un  cerveau 
qui  y  eft  déjà  porté  chez  les  hommes  timi- 
des ,  &  qui  ne  font  pas  trop  à  eux  ^  ce  délire 
commence  la  nuit ,  &  continue  pendant  le 
jour.  On  traite  cette  efpece  par  les  anti-épi- 
leptiques ,  particulièrement  avec  la  femence 
de  pivoine  ,  d'anis  ,  &  par  le  cinnabre. 

Le  cochemar  ne  préfente  pas  toujours  de 
triftes  fantômes  à  l'e/prit.  J.  R.  Fortis  traita 
une  demoifelle  qui  avoit  des  rêves  fort  agréa- 
l?les  j  mais  elle  s'éveilloit  avec  un  fentiment 
de  pefanteur  dans  la  poitrine  j  fa  voix  &  fa 
refpiration  étoient  interceptées  ,  elle  relîén  • 
toit  une  grande  anxiété  ,  fa  face  étoit  bai- 
gnée de  larmes,  fa  tête  appefantie.  Craanen 
rapporte  un  cas  femblable  arrivé  à  un  homme. 
Heurnius  &  Foreftus  rapportent  la  même 
chofe  d'eux-mêmes. 

Un  certain  Silimacus  raconte  qu'autrefois 
à  Rome,  plufieurs  perfonnes  périrent  de 
cette  paiîion  ,  comme  d'une  maladie  con- 
tagieufè  ^  Caelius  Aurelianus  dit  la  même 
chofe  du  cochemar  y  qu'il  place  parmi  les 
paillons  tardives  :  mais  cette  efpece  n'eft  pas 
affez  certaine.  , 

Cette  maladie  ,  lorfqu'elle  n'eft  ni  fré- 
quente ni  violente ,  n'ell  pas  dangereufè  j 
mais  dans  le  cas  contraire  ,  elle  peut  annon- 
cer ,  fur-tout  aux  jeunes  gens  ,  l'épilepfie  : 
on  a  même  vu  quelquefois  que  la  folie  en 
avoit  été  précédée  ;,  pour  Iqs  vieillards ,  on 
doit  la  regarder  comme  un  des  avant-cou- 
reurs de  l'apoplexie  :  ou  peut  cependant  en 
être  fuffoqué  fur  le  champ  ;,  &  nous  en  avons 
des  exemples  pour  tous  les  âges  :  on  a  vu 
encore  à  Rome  le  cochemar  épidémique,  & 
tout  auffi  meurtrier  que  la  pefte.  L'in/j^ec- 
tion  auatomique  ne  nous  apprend  prefque 
rien  lîir  la  nature  de  cette  maladie  :  fi  l'on  a 
trouvé  dans  quelques-ims  de  l'eau ,  dans  les 
ventricules  du  cerveau ,  ou  des  fuppurations 
dans  différentes  parties  de  ce  vifcere ,  ce 
font  des  accidens  étrangers ,  qui  ne  paroil- 
fent  avoir  aucun  rapport  avec  l'incube.  Oa 
a  cependant  vu  dans  quelques-uns  le  cœur 
d'une  groifeur  énorme  ^  &  ce  vice  paroît 
avoir  beaucoup  de  rapport  avec  la  maladie 

Idont  nous  parlons. 
En  général,  la  fobriété  eft  le  point  le 


^354  C  O  C 

plus  eiîêntieldu  traitement,  &  c'eft  commu- 
nément tout  ce  qu'on  a  à  faire  :  quelques-uns 
s'en  délivrent  en  évitant  de  fè  coucher  fiir  le 
dos  j  j'en  ai  cependant  vu  auxquels  cette 
fituation  étoitlaplus favorable.  La  feignéey 
efi:  fouveiit  utile  ,  fur-tout  s'il  y  a  des  fignes 
de  pléthore.  On  ne  fauroit  fe  paffer  des  pur- 
gatifs, Se  même  quelquefois  des  émétiqiies: 
on  en  vient  enfuite  aux  délayans ,  aux  tem- 
pérans  &  aux  apéritifs  ,  aux  ftomachiques, 
tant  amers  qu'abforbans  &:  fortifians  ,  aux 
céphaliques  &  aux  anti-fpafmodiques.  Les 
remèdes  particuliers  dont  on  a  fait  le  plus 
d'ufage ,  après  les  délayans  &  les  légers  apé- 
ritifs les  pUis  connus  ,  font  parmi  les  ftoma- 
chiques ,  la  fumeterre ,  le  quinquina  ,  la 
gentiane  ,  l'aloës ,  le  corail  &  les  autres  ab- 
forbans.  Les  céphaliques  les  plus  recom- 
mandés font  le  ftœchiîs  ,  le  romarin  ,  la 
méliffe  ,  la  fàuge  &  la  bétoine ,  les  fèmences 
&  la  racine  de  pivoine  ,  le  fuccin  :  il  faut 
ajouter  les  martiaux  ^  le  tartre  vitriolé  ,  les 
eaux  minérales ,  tant  froides  que  chaudes,  &c. 
Cependant  les  cas  où  il  eft  permis  d'ufèr  de 
toutes  ces  chofes ,  font  allez  rares  ^  mais  on 
n'eft  jamais  dilpenfé  de  garder  un  régime 
convenable  ,  &  c'eft  peut-être  ce  qu'on  a  de 
mieux  à  faire.  (T) 

COCHENE  ,  f.  m.  (H//?,  nat.  Bot.  ) 
en  latin  ,  for  bus  aucuparia ,  ou  forbier  des 
oifèleurs  ,  forbier  fauvage  \ .  c'eft  le  forbus 
proprement  dit  de  Brurtsfels ,  Vaucupalis  de 
Camerarius  ,  le/raxinea  de  Hugues  ,  Vornus 
de  Ruelle  ,  &  le  for  eus  i  aucuparia  foliis 
pinnatis  utrinque  glabris  de  M.  Linné  dans 
{onSyJi. nat. édit.  il ,  impr.  en  1767,/».  347. 

Il  diffère  du  cormier  ,  ou  forbus  légitima 
de  Clufius ,  en  ce  que  1°.  il  eft  plus  petit , 
«'élevant  à  peine  à  vingt-piés  de  hauteur. 
2.°.  Ses  jeunes  branches  ,  &  les  pédicules  de 
£cs  feuilles  font  rouges  &  liftes.  3^.  Ses  feuilles 
font  moins  velues  ,  ou  même  liffès,  4°.  Les 
corymbes  de  fes  fleurs  font  plus  grands  , 
chargés  d'un  plus  grand  nombre  de  fleurs. 
5^.  Ses  fleurs  n'ont  que  trois  à  quatre  flyles, 
&  plus  communément  trois.  6".  Ses  fruits 
font  des  baies  jaunes  ,  rougeâtres  ou  oran- 
gées ,  à  trois  ou  quatre  loges  cartilagineufès, 
comme  celle  de  la  pomme  ,  contenant  cha- 
cune deux  pépins. 

Culture.  Il  croît  naturellement  dans  ks 
climats  froids  de  l'Europe. 


coc 

Ufages.  Comme  iès  fruits  font  partioslié- 
rement  recherchés  par  les  oifeaux ,  les  oife- 
leurs  en  font  un  grand  ufage ,  pour  les  piper. 

Remarque.  Le  cochêne  &  le  forbier  ou  cor- 
mier font  un  genre  particulier  de  plante  qui 
tient  le  milieu  entre  le  pommier  malus ,  6c 
l'alifier  crategus  ,  où  nous  l'avons  placé.  V, 
nos  FawJlles  des  plantes  ,  volume  II ,  page 
iç)6.  (  M.  Adanson.  ) 

COCHENILLAGE  ,  f.  m.  {Teinture.) 
ce  terme  a  deux  acceptions  :  il  fe  dit  i**.  de 
l'aélion  de  teindre  en  cochenille  j  1°.  du 
bouillon  ou  de  la  décoction  deftinée  à  tein- 
dre en  cramoifi  avec  la  cochenille  ^  d'où  l'on 
a  fait  le  verbe  cocheniller.  V.  TEINTURE  (S* 
Cochenille. 

COCHENILLE,  f.  î.{mfl.  nat.)m?i^ 
tiere  qui  fert  à  la  teinture  de  l'écarlate  &  du 
pourpre.  On  nous  l'apporte  d'Amérique  en 
petits  grains  de  figure  iinguliere ,  la  plupart 
convexes  &  cannelés  d'un  côté  ,  &  conca- 
ves de  l'autre.  La  couleur  de  la  cochenille  la 
plus  recherchée  eft  le  gris  teint  de  couleur 
d'ardoife ,  mêlé  de  rougeâtre  &  de  blanc. 
On  garde  la  cochenille  autant  que  l'on  veut, 
iàns  qu'elle  s'altère.  On  a  ^té  long-temps 
fans  favoir  précifément  ft  cette  matière  ap- 
partenoit  au  règne  végétal  ou  au  règne  ani- 
mal :  on  croyoit  d'abord  que  c'étoit  une 
graine  de  l'efpece  de  celle  qu'on  appelle  àzs 
baies  ;  mais  à  préfent  il  n'eft  pas  douteux 
que  la  cochenille  ne  foit  un  infère  defteché. 
On  en  a  des  preuves  inconteftables  par  les 
obièrvations  qui  ont  été  faites  au  Mexique , 
qui  eft  le  foui  pays  où  on  recueille  la  coche- 
nille ;  mais  indépendamment  des  faits  que 
l'on  a  conftatés  à  ce  iujet  ,  on  pourroit  re- 
connoître  la  cochenille  pour  un  infeâe  à  la 
fîmple  infpeftion ,  dans  l'état  où  nous  la 
voyons  dans  ce  pays-ci ,  fiir-tout  en  l'obfer- 
vant  à  la  loupe  ou  au  microfcope ,  après  l'a- 
voir fait  ramollir  dans  de  l'eau  ou  dans  du 
vinaigre  ,  pour  développer  &  renfler  les  par- 
ties racornies  &  deflechées.  Par  le  moyen  de 
cette  préparation  ,  on  diftingue  dans  les 
grains  de  cochenille  les  plus  informes  ,  les 
différens  anneaux  dont  le  corps  de  l'infèâie 
étoit  compofé  ,  &  on  voit  dans  plufteurs  de 
ces  grains  des  jambes  entières  ,  &c  quelques 
reftes  qui  tiennent  au  corps ,  ou  au  moins 
on  apperçoit  les  endroits  où  les  jambes  de 
cet  infe<^e  étoieat  attachées ,  êc  il  paroît 


c  o  c 

clairement  qu'il  en  avoit  fix  ;  on  rcconnoît 
au/n  la  tête  &  l'anus ,  &  on  voit  quelque  ap- 
parence dyeux ou  d'antennes ,  d'une  trom- 
pe ,  &c.  enfin  on  en  voit  afîez  pour  recon- 
Roître  que  la  cochenille  n'eft  ni  un  fcarabé  , 
ni  une  araignée ,  comme  on  l'avoit  cru  ^  on 
reconnoît  au  contraire  que  cet  infeâ^e  a 
beaucoup  de  rapport  aux  gallinfeâ:es ,  ou 
plutôt  aux  progallinfeftes  ,  fur-tout  par  ce 
que  l'on  fait  de  fa  manière  de  vivre. 

On  recueille  la  cochenille  fiir  des  plantes 
auxquelles  on  donne  les  noms  de  figuier 
d'inde.  à&  raquette^  ^zcardaffe^  ^  de  nopal. 
Elles  font  afTcz  connues  dans  les  ferres  & 
même  dans  les  orangeries ,  où  on  les  garde 
pour  leur  figure  iinguliere  ^  car  elles  n'ont 
que  des  feuilles  au  lieu  de  tiges  &  de  bran- 
ches ,  ou  plutôt  leurs  tiges  &  leurs  branches 
font  compofées  d'une  file  de  feuilles  épaiffes , 
oblongues  &  arrondies  ,  qui  tiennent  les 
unes  aux  autres  par  leurs  extrémités.  Il  y  a 
dans  les  ferres  du  jardin  du  roi  plufieurs 
efpeces  de  ce  genre  de  plante ,  &  même  celle 
qui  nourrit  au  Brefîirinfèdtedelacoci^e/z/V/e. 
Ces  plantes  portent  un  fruit  qui  relTemble  en 
quelque  façon  à  nos  figues  ^  c'eft  d'où  vient 
le  nom  àe  figuier  d'inde.  Ces  figues  n'ont  pas 
un  aufîî  bon  goût  que  les  nôtres  \  elles  tei- 
gnent en  rouge  l'urine  de  ceux  qui  en  ont 
mangé  ,  &  communiquent  ,  félon  toutes 
les  apparences ,  à  l'infèfte  de  la  cochenille  ^ 
la  propriété  qu'il  a  pour  la  teinture. 

Les  Indiens  du  Mexique  cultivent  aux 
alentours  de  leurs  habitations  des  nopals  , 
pour  y  recueillir  de  la  cochenille  ;  &  pour 
s'alfurer  de  cette  récolte ,  ils  les  fement  pour 
ainfî  dire  fîir  les  plantes.  Ils  font  de  petits 
nids  avec  de  la  moulFe ,  des  brins  d'herbe  j 
ou  de  la  bourre  de  noix  de  cocos  j  ils  met- 
tent 12  ou  i/^  cochenilles  dans  chaque  nid  , 
&  placent  deux  ou  trois  de  ces  nids  fur  cha- 
que feuille  de  nopal ,  &  les  affermiflent  au 
moyen  des  épines  decette  plante.  Après  trois 
©u  quatre  jours ,  on  voit  fortir  du  corps  de 
ces  infeftes  des  milliers  de  petits  qui  ne  font 
pas  plus  gros  que  des  mites.  Ces  nouveau- 
aés  quittent  bientôt  le  nid  y  &  fè  difperf ènt 
fur  les  plantes  ^  mais  ils  ne  font  pas  long- 
temps fans  s'arrêter  &  fè  fixer  dans  les  en- 
droits qui  font  les  plus  fùcculens  &  les  plus 
verds ,  ou  les  plus  abrités  contre  le  vent  ^  ils 
lefteat  chacun  à  leiir  place  j  jpiq[u'à  ce  qu'ils. 


c    o  c  35J 

aient  pris  tout  leur  accroiffement.  Ces  infec- 
tes ne  rongent  pas  la  plante ,  ils  la  piquent 
&  en  tirent  le  fuc.  Dans  les  lieux  où  l'on 
doit  craindre  que  le  froid  ou  les  pluies  ne 
fafîent  périr  les  cochenilles ,  on  couvre  avec 
des  nattes  les  plantes  fiir  lefquelles  elles  font. 
Ces  infe£tes  font  de  figure  ovale  ;,  ils  ne  de- 
viennent pas  plus  gros  que  de  petits  pois  ^ 
&  on  les  a  comparés  pour  la  figure  aux  ti- 
ques ou  aux  punaifes  domefliques.  Les  In- 
diens font  obligés  de  défendre  les  cochenilles 
contre  diiférens  infei^es  qui  les  détruiroient, 
fi  on  n'avoit  foin  de  nettoyer  exactement  les 
nopals. 

On  fait  chaque  année  plufieurs  récoltes 
de  cochenilli.Duns  la  première  ,  on  enlevé 
les  nids  &  les  cochenilles  que  l'on  avoit  mis 
dedans  &  qui  y  ont  péri  dès  que  les  petits 
ont  été  fortis  de  leur  corps.  Trois  ou  quatre 
mois  après  ,  on  recueille  îe  produit  de  cette 
génération ,  l'on  fait  tomber  les  cochenilles 
par  le  moyen  d'un  pinceau  ;  alors  chaque 
individu  a  pris  fbn  accroiffement.  Il  y  en  » 
même  qui  commencent  à  produire  une  fé- 
conde génération  ^  on  laiiTe  ces  petits  ,  & 
peut-être  même  des  gros  ,  pour  fournir  à  la 
troifieme  récolte  qui  fe  fait  trois  ou  quatre 
mois  après  la  féconde.  Les  pluies  viennent 
trop  tôt  pour  que  l'on  ait  le  temps  d'en  faire 
une  quatrième  ^  c'eft  pourquoi  les  Indiens 
enlèvent  des  feuilles  de  nopal  avec  les  petits 
infedies  qui  y  reftent ,  &  les  ferrent  dans  les 
habitations ,  pour  mettre  ces  infèôes  à  l'abri 
du  froid  &  de  la  pluie ,  &  les  feuilles  fè  con- 
fèrvent  pendant  long-temps  ,  comme  tontes^ 
celles  des  plantes  que  l'on  appelle  plames 
grades,  hcs  cochenilles  croiilentainfi  pendant 
la  mauvaifè  faifbn  ^  &  lorfqu'elle  eft  pa|fée  , 
on  les  met  à  l'air  dans  des  nids  fur  des  plantes 
du  dehors ,  comme  nous  avons  déjà  dit,  La. 
cochenille  de  la  troifieme  récolte  n'eft  pas- 
aufTi  bien  conditionnée  que  celle  des  autres ,. 
parce  qu'on  racle  les  feuilles  de  nopal  pour' 
enlever  les  petits  inièéies  nouveau-  nés ,  qu'ils 
ne  fèroit  guère  poftible  de  recueillir  avec  le. 
pinceau  y  à  caufe  de  leur  petit  volume  ;,  on. 
mêle-  par  conféquent  les  raclures  des  plan- 
tes avec  la  cochenille  ,.  qui  eft  d'ailleurs  do: 
différente  groffeur  ,  parce  que  les  mères  fè 
trouvent  avec  les  nouveau  -  nés  :  c'eft  pour- 
quoi les  Efpagnols.  donnent  à  cette  cocAù- 
nilU  le  nom  die  granilùu. 


33^  C  O  C 

Les  Indiens  font  périr  les  cochenilles  dès 
qu'ils  les  ont  recueillies  ,  parce  que  ces  in- 
fectes qui  peuvent  vivre  pendant  quelques 
jours  ,  quoique  féparés  des  plantes  ,  fe- 
roient  leurs  petits  ,  &  que  les  petits  fe  dif- 
perferoient ,  s'échapperoient  du  tas  ,  &  fe- 
roient  perdus  pour  le  propriétaire.  On  \qs 
plonge  dans  l'eau  c!îaude  pour  les  faire  mou- 
rir -.j  enfuiîo  on  les  feche  au  ioleil  ^  d'autres 
les  mettent  dans  des  fours  ,  ou  iîjr  àas  pla- 
ques qui  ont  fcrvi  à  faire  cuire  des  gâteaux 
de  maïs.  Ces  différentes  façons  de  faire  mou- 
rir ces  infedes  influent  {ur  leur  couleur  :  ceux 
que  l'on  a  mis  dans  l'eau  chaude ,  ont  perdu 
une  partie  d'une  efpece  de  poudre  blanche 
qi:e  l'on  voit  fur  leur  corps  lor^iu  ils  font  vi- 
vans ,  ils  prennent  une  teinte  de  brun  roux  : 
on  appelle  cette  cochenille  renegrida.  Celle 
qui  a  été  au  four  eft  d'un  gris  cendré  ou 
jafpé ,  elle  a  du  blanc  fur  un  fond  rougeâ- 
tre  j  on  l'appelle  jafpeada.  Enfin  celle  que 
l'on  a  mife  fur  les  plaques ,  eft  le  plus  ibu- 
*  vent  trop  échauffée  ,  &  devient  noirâtre  ^ 
aufîi  lui  donnc-t-on  le  nom  de  negra. 

Il  y  a  deux  fortes  de  cochenille  ;  l'une  eft 
pour  ainfi  dire  cultivée ,  &  l'autre  fauvage. 
La  première  eft  appellée  mejleque  ,  parce 
qu'on  en  trouve  à  Meteque  dans  la  province 
de  Honduras  ^  c'eft  celle  que  l'on  lème  pour 
ainh  dire ,  &  que  l'on  recueille  dans  les  plan- 
tations de  nopal  :  cette  cochenille  o.^  la  meil- 
leure. L'autre  forte  ,  que  l'on  appelle  7y/v^/^ 
tre ,  croît ,  à  ce  que  l'on  dit ,  ftir  une  elpece 
de  figuier  d'inde  que  l'on  ne  cultive  point , 
&  qui  a  plus  de  piquans  fiir  fes  feuilles  que  le 
nopal  :  elle  fournit  moins  de  teinture  que 
l'autre.  Les  provinces  du  Mexique  où  on  re- 
aieille  le  plus  de  cochenille^  font  celles  de  Tla- 
fèalla  5  de  Guaxaca ,  de  Guatimala ,  de  Hon- 
duras ,   fi'c.  Il  faut  qu'il  y  ait  bien  des  gens 
occupés  à  ce  travail  :  car  on  a  calculé  en 
1736,  qu'il  entroit  en  Europe  chaque  année 
huit  cents  quatre-vingt  mille  livres  pelant  de 
cochenille^  dont  il  y  avoit  près  du  tiers  de  co- 
chenille jylvejire  ,  &  le  refte  de  mejleque  ;  ce 
qui  valoit  en  tout  plus  de  1 5  millions  en  ar- 
gent par  aimée  commune.   Cet  objet  de 
commerce  eft  fort  important ,  &  mériteroit 
bien  que  l'on  fit  des  tentatives  pour  l'établir 
dans  les  îles  d'Amérique  ,  ou  en  d'autres  cli- 
mats dont  la  température  feroit  convenable 
à  la  cochenille  6c  à  la  plante  dont  elle  fe  nour-  ! 


C  O  C 

I  rit.  Mém.  pour  fervir  à  thift.  des  inf.  tom, 
^^iP^g^  ^7  ^fuiv.  Voyei  CaLLIN SECTES 
&  Insectes.  (1) 

Cochenille,  infede.  (Mat.méd.)  La 
cochenille  paife  pour  fudorifiquc ,  alexiphar- 
maque  &  fébrifuge  5  on  l'ordonne  dans  la 
pefte  &  dans  les  fièvres  éruptives. 

Lémery  allure  qu'elle  eft  bonne  contre  la 
pierre  ,  la  gravelie  &  la  diarrhée ,  &  qu'elle 
empêche  l'avortement ,  étant  prife  en  pou- 
dre  depuis  12  grains  jufqu'à  demi-gros.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain  ,  c'ell  que  les  femmes 
italiennes  en  font  beaucoup  uiàge  dans  ce 
cas. 

La  cochenille  entre  dans  la  confeâioa 
alkerme  ,  dans  l'efjjrit  de  lavande  compofë  , 
la  teinture  ftomachique  amere  ^  mais  plutôt 
pour  colorer  ces  médicamens  ,  que  pour 
contribuer  à  leur  efficacité.  (  b  ) 

On  fera  charmé  de  lire  la  defcription  de  la 
cochenille,  tant  mâle  que  femelle  ^  que  M, 
Ellis  a  envoyée  h  lafaciété  royale  de  Londres, 
*  Malgré  les  curieufes  recherches  des  natu- 
raliftesfur  la  nature  &  l'économie  de  l'infèéle 
de  la  cochenille ,  dit  M.  Ellis  ,  l'hiftoire  de 
cet  animal  eftimable  m'ayant  paru  fort  im- 
parfaite ,  fijr-tout  pour  ce  qui  regarde  le 
mâle  dont  la  defcription  nous  manquoit  , 
j'ai  cherché  tous  les  moyens  de  perfedliionner 
cette  partie  de  l'inlècStologie. 

Je  iàvois  que  cet  iufeâie  fe  trouvoit  en 
abondance  fur  le  figuier  des  Indes  (  appelle 
caclus  opuntia  par  Linnaeus  ) ,  dans  la  Caro- 
line méridionale  &  dans  la  Géorgie  ,  de 
même  que  liir  le  caâus  coccillonifer  du  même 
auteur  qui  croît  au  Mexique  ,  d'où  il  a  été 
apporté  à  la  Jamaïque.  J'écrivis  au  doâeur 
Alexandre  Garden ,  de  Charles-Town  dans 
la  Caroline ,  de  m'envoyer  quelques  branches 
du  figuier  des  Indes  chargées  de  ces  infe£l:es , 
ce  qu'il  fit  en  1757.  Ce  qu'il  m'envoya  étoit 
plein  de  nids  de  ces  petits  animaux ,  &  j'eus 
le  plaifir  de  les  obferver  dans  leurs  différens 
états,  depuis  l'inftant  où  ils  éclofent  &  fe 
promènent  fur  les  branches  de  cet  arbre  , 
julqu'à  celui  où  ils  fe  fixent  &  s'enveloppent 
dans  un  cocon  qu'ils  filent  autour  d'eux  , 
comme  le  vcr-à-lbie. 

Je  le  fis  voir  à  la  fociété  royale ,  &  enfeite 
à  la  fociété  pour  l'encouragement  des  arts  , 
des  manufactures  &  du  commerce ,  dans  la 
vue  d'en  introduire  ôt  cultiver  l'efpece  dans 

nos 


c  o  c 

nos  colonies  ;  projet  que  cette  dernière  com- 
pagnie tâcha  d'avancer  par  des  récompenfes 
propofées  ^  mais  le  manque  de  bras  en  a 
empêché  jufqu'ici  l'exécution. 

La  femelle  de  la  cochenille  a  été  très-bien 
décrite  par  M.  de  Réaumur ,  par  le  dodeur 
Brown,  &  en  dernier  lieu  par  M.  Linnaeus , 
dans  fon  Syftême  du  règne  animal ,  fous  le 
noin  de  coccus  caâi  coccinelliferi.  M.  Rolan- 
der  lui  en  avoit  envoyé  de  vivantes  de  Suri- 
nam ,  dans  l'année  1756 ,  mais  ni  Réaumur, 
iii  Brown  ,  ni  Linnaeus  n'ont  vu  le  mâle. 

M.  Linnaeus  place  cet  infede  parmi  les 
hémiptères ,  c'ell-à-dire  ,  ceux  qui  n'ont  que 
des  moitiés  d'ailes ,  &  il  ne  comprend  pas 
feulement  dans  cet  ordre  tous  les  infedtes 
dont  les  fourreaux  ne  recouvrent  que  la  moi- 
tié des  ailes  ,  mais  auffi  ceux  dont  un  ièul 
fexe  eft  ailé  ,  &  c'eft  ce  qui  diftingue  parti- 
culièrement le  genre  des  coccus  ou  cochenil- 
les :  rojîrum  pectorale  ,  abdomen  pone  feto- 
fum ,  aLv  duœ ,  tantum  mafculis  ;  ou  comme 
il  s'exprime  dans  la  dixième  &  dernière 
édition  de  ion  Syftême  naturel ,  alœ  duœ 
ereclœ  mafculis ,  fœminœ  apterœ. 

J'examinai  avec  foin  ce  que  m'avoit  en- 
voyé le  dodleur  Garden ,  &  dans  la  grande 
quantité  d'infeéies  que  j'avois  ,  je  trouvai 
trois  à  quatre  petites  mouches  mortes  qui 
avoient  chacune  deux  ailes  blanches.  Je  les 
liumeâ:ai  d'clprit-de-vin  afFoibli ,  puis  je  les 
examinai  au  microfcope  :  leur  corps  étoit 
d'un  rouge  clair ,  ce  qui  acheva  de  me  per- 
fltader  que  j'avois  trouvé  le  vrai  mâle  de  la 
cochenille.  Pour  confirmer  cette  découverte, 
je  la  communiquai  au  dod^eur  Garden ,  en 
lui  envoyant  un  deffin  de  l'infefte  tel  que 
je  l'avois  vu ,  &  le  priant  de  vouloir  bien 
me  faire  part  de  ce  qu'il  favoit  de  l'écono- 
mie de  ces  animalcules,  &  de  m'envoyer 
quelques  mâles  recueillis  par  lui-même.  Il 
€ut  la  bonté  de  m'en  envoyer  de  la  dernière 
ponte ,  avec  les  obfervations  fuivantes. 

«  Au  mois  d'août  1759  5  je  pris  un  mâle 
&  l'examinai  dans  votre  mi:;rofcope  à  eau. 
Les  mâles  font  difficiles  à  trouver ,  parce 
qu'il  n'y  a  peut-être  qu'un  au  plus  contre 
deux  cents  femelles  ou  davantage.  Le  mâle 
eft  aftif  &  bien  fait ,  mince  &  grêle ,  en 
comparaifon  de  la  femelle  qui  eft  beaucoup 
plus  groffe ,  mal  proportionnée ,  lente  ,  eii- 
j|ourdie  &  très-pareffeufe.  En  général ,  elles 
Tome  VUh 


C  O  C  337 

deviennent  fi  grofles  &  fi  épaifles,  que  leurs 
yeux  &  leurs  bouches  paroiiFent  enfoncés  & 
comme  cachés  dans  les  replis  ou  les  rides  de 
leur  peau.  Leurs  antennes  même  &  leurs 
jambes  font  prefque  à  moitié  recouvertes- 
par  cette  enflure  qui  les  empêche  d'en  re- 
m.uer  facilement  les  diverfes  articulations  , 
&  leur  permet  encore  moins  de  fe  mouvoir 
elles-mêmes. 

La  tête  du  mâle  eft  très-diftinfle  du  cou 
qui  eft  beaucoup  plus  étroit  que  la  tête  ,  & 
beaucoup  plus  encore  que  le  refte  du  corps. 
Le  thorax  eft  de  forme  elliptique  tin  peu 
plus  que  le  cou  &  la  tête  enfemble  ,  &  ap- 
plati  par  en-bas.  Du  front  fortent  deux  an- 
tennes beaucoup  plus  grandes  que  celles  des 
femelles  ,  l'infefte  peut  les  mouvoir  de 
côté  Se  d'autre  avec  une  extrême  agilité. 
Ces  antennes  font  articulées ,  &  de  chaque 
articulation  fbrtent  quatre  foies  difpofées 
par  paires  de  chaque  côté. 

Il  a  trois  pattes  de  chaque  côté ,  &  cha- 
cune eft  formée  de  trois  pièces  :  il  les  meut 
avec  une  extrême  vîtefTe.  De  l'extrémité 
poftérieure  de  fbn  corps  s'allongent  deux 
grandes  foies  ou  poils  quatre  ou  cinq  fois 
auflî  longs  que  l'infèâie  entier.  Il  porte  deux 
ailes  plantées  fur  la  partie  fupérieure  du 
thorax  qui  s'abaiflent  horizontalement 
comme  celles  des  mouches  ordinaires , 
lorsqu'il  marche  ou  fè  repofè.  Ces  ailes  font 
de  forme  oblongue,&:  diminuent  fubitement 
de  largeur  au  point  de  leur  infèrtion  au  corps 
de  l'animal ,  de  forte  qu'elles  font  là  comme 
étranglées.  Elles  font  plus  longues  que  le 
corps  de  l'animal ,  &  en  outre ,  fortifiées  de 
deux  longs  nerfs ,  dont  l'un  décourt  tout 
autour  de  l'aile  dont  il  forme  le  bord  exté- 
rieur, l'autre  un  peu  moins  gros  eft  intérieur 
&  parallèle  au  premier  :  il  femble  interrompu 
vers  la  fommité  des  ailes.  Le  corps  du  mâle 
eft  d'un  rouge  plus  clair  que  le  corps  de  la 
femelle  &  beaucoup  moins  épais.  » 

Cette  defcriptiôn  du  doâ:eur  Garden  eft 
tout-à-fait  conforme  à  ce-  que  le  microfcope 
m'a  fait  voir  de  cet  infefte,  tant  pour  le  maie 
que  pour  la  femelle.  Je  dois  ajouter  feule-'  • 
ment  que  la  femelle  a  fous  la  poitrine  verf 
le  milieu  une  efpece  de  trompe  allongée  , 
fourchue ,  que  Linnaeus  appelle  fon  bec ,  8c 
qu'il  regarde  comme  fa  bouche.  Cette  trompe 
lie  fert  pas  feulement  à  l'animal  pour  fc 

Vv 


338  CGC 

nourrir ,  c'efi:  encore  avec  les  deux  fîlamens 
qui  la  terminent  en  forme  de  fourche ,  qu'elle 
file  le  cocon  blanc  &  délicat ,  où  elle  refte 
dans  fon  état  d'eiigourdiflement,  &  pendant 
k  temps  de  fa  portée  jufqua  ce  qu'elle 
ixicite  bas  fès  petits. 

Dans  ion  état  d'engourdilTement ,  elle  eft 
tellement  enflée  que  fes  pies  &  les  antennes , 
ainli  que  fa  trompe  qui  ne  croifiè  plus  , 
quoique  fon  corps  grcfîifre  ,  font  fi  dispro- 
portionnés ,  fi  petits ,  fi  enfoncés  ,  qu'il  faut 
nvoir  de  bons  yeux  pour  les  reconnoître  à  la 
fimple  vue  ,  fans  le  fecoui;s  du  microfcope  -, 
autrement  elle  a  autant  l'air  d'une  graine 
que  d'un  animai. 

C'eft  ce  qui  a  fait  fi  long-temps  douter  fi  la 
cochenille  étoit  un  animal  ou  une  produâ:ion 
végétale.  Mais  fi  les  curieux,  au  lieu  de  s  ar- 
rêter à  difputer  ,  avoient  pris  la  peine  de 
cueillir  eux  -  mêmes  quelques  prétendues 
graines  de  cockenilk  ,  de  les  laiflèr  pendant 
vingt- quatre  j ours  dans  de  l'eau  chaude  ^  & 
les  obferver  enfuite  avec  attention  ,  ils  au- 
Toient  reconnu  que  l'enflure  confidérable- 
ment  diminuée  laiffoit  voir  les  pattes,  les 
antennes  &  la  trompe  de  l'animal.  La 
trompe  eft  fùr-tout  remarquable  pour  \ç.% 
deux  poils  ou  filamens  déliés  qui  la  termi- 
nent, &  dont  l'animal  fe  fèrt  pour  liiTer  fon 
cocon  à-peu-près  comme  le  ver-à-ibie,  qui  file 
toujours  le  fien  avec  deux  fils  qui  s'unifient 
enfemble  au  fortir  de  fon  corps  ,.  avec  une 
colle  naturelle  à  l'animal. 

Si  la  femelle  dans  fon  état  de  grofl!eur ,  un 
peu  humeftée  d'eau  j  eft  ouverte  fur  un 
morceau  de  verre,  avec  une  lancette  très- 
fine  ,  on  voit  fortir  de  fon  corps  un  grand 
nombre  d'œufs  ,  avec  une  fourmilliei-e  de 
petits  vivans  qui  en- Portent  incontinent,  ce 
qui  femble  indiquer  que  les  œufs  de  là  coche- 
nille éclofenten  fortant  du  corps,  ds  l'animal. 

Dès  que  la  femelle  efi:  délivrée  de  fa  nom- 
fcreufe  ponte ,  elle  meurt  &  n'eft  plus  qu'une 
coffe  ou  pellicule  defiechée  :  aufii  on  a  grand 
£bin  au  Meïdque  dexueillir  la  co£heaille2iV2^A 
la  ponte  ,  pour  ne  pas  perdre  cette  fiiperbe 
ccarlate  fi  efiimée  dans  le  monde. 

Je  joindrai  ici  les  cara6leres  de  cet  in- 
fefte,  tant  du  mâle  que  delà  femelle,  en  la- 
tin ,  félon  la  méthode  iyllématique  de  Lin- 
iiaeus  qui  l'a  placé  entre  \q%  infeâes  hémip- 
tères, comme  je  l'ai^dit  ci^delliis.- 


CGC 

Mas  AtATirs.  Corpus  mngnîtudine puîi^- 
cis  ,  glabrum  rubrum, 

Caput  globofum. 

AnKnnce  moliràformes^  thorace paulo lon- 
giores ,  decem  aniculatce. 

Cdllumprotraâum.  ||É|.> 

Thorax  ovatus  pojlic}  truncatus.  ^^ 

Abdomen  thorace  paulo  longius  ,  pojiicè 
augujiatum  ,  fcgmemis  dccem  ,  ultimo  ap- 
vendice  fubulato  brevi  terminato, 

Setœ  caudales  duce  ,  cap  illares ,  corport 
quadrupla    longiores. 

Alœ  oblongœ ,  abdomine  longiores ,  apict 
rctundatœ  y  baji  augujîatae  ,  thoracis  ante  mé- 
dium ïnjertae^- 

Pedes  fex  fubcpquales. 

Femina  aptera.  Corpus  magnitudine. 
feminis  vidiœ,  ovaium,  rubrum  ^  rugo/um, 

Antenna?  brèves  articulatœ. 

Pedesfex  in  junior ibus  inferti ,  fed  in  adul- 
tis  intra  rugas  conditi ,  uti  &  anus  reliqui. 

Thorax  glaber^  fupra  convexus^  rugojiis  ,. 
fubtus planiufculus  ^  abdomine  duplo  longior. 

Ro/lrum  vel  os  punclum  fubulatum  è  medio 
pecloris  ,  fegmentœ  abdominis  in  junior  ibus 
margine  pi  lofa. 

Cochenille  de  Pologne,  ff.  {Jiijî.. 
nat,  Infe3olog.)^pY^el\é  ic/iinbiiip-àr Cermr 
fiir  Dioicoride,  //>.  /^,  chap.  xxxix.  C'eft 
la  progalliufecie  de  la  graine  d'écarlate,  dé- 
crite par  Réaumur ,  Volume  IV ,  mémoire  11, 
page  m  :  le  kermès  des  racines  de  Geoffroy ,. 
infecl,  vol.  /,  page  504;  &  le  coccus  17 
Polonicus  radicis  fcleranthi  perennis,  de  M. 
Linné,  fyjl.  nat.  édit.  12  de  1766  ,  page 
741.  Breyn,  en  173 1 ,  en  a  donné  l'hiltoire 
danS'  les  Ephémérides  des  curieux  de  la  na- 
ture ,  ainfi  que  le  dodeur  Bernhard  de 
Bernitz  :  obfcrv.  104. 

Le  mâle  de  cet  animal ,  qu'on  peut  appel-^ 
1er  comme  les  Polonois ,  ischinbh\^  ou  [chin- 
biti^  diffère  beaucoup  de  fa  femelle.  11  efl 
vingt  fois  plus  petit ,  &  a  fur  le  dos  deux  ailes 
blanches ,  relevées  verticalement,  &:  mar- 
quées chacune  d'un  petit  trait  rouge  vermil- 
lon. La  femelle  aie  corps  fphéro'ide , . fans 
ailes,  de  deux  lignes  environ  de  diamètre:, 
tous  deux  ont  le  corps  mou ,  comme  ridé  ou 
"  marqué  de  onze  anneaux ,  fix  pattes  ,  deux 
yeux ,  deux  antennes  cétacées  ^  la  tête. ter- 
minée par  une  trompe  très-fine,  couchée 
.entre  ks  pattes  le  long  da  ventre,  &  l'anus 


c  o  c 

35ordé  de  nombre  de  filets  blancs ,  femblables 
à  une  laine  ,  qui  fe  multiplie  au  temps  de  la 
ponte  ,  au  point  que  ia  femelle  en  eft  toute 
couverte  ^  ce  qui  n'arrive  point  au  mâle.  La 
iiemelle  eft  ovipare  ,  quoique  M.  de  Réau- 
mur  l'ait  cru  vivipare. 

Mœurs.  Le  zchinbitz  fe  trouve  fous  terre 
aux  racines  de  la  plante,  appellée  knawcl  par 
les  Allemands  f,  &  par  nous ,  alchimilla  gra- 
mineo  folio  majore  flore ,  par  Tournefort  \  &' 
fcLeranthus  2  perennis  ,  calycibus  fruclus 
claujîs  ,  par  M.  Linné.  Syfl.  nat.  édit.  12  , 
page  306. 

11  fe  nourrit  du  fuc  q«  il  pompe  à&%  raci- 
nes de  cette  plante  avec  fa  trompe  :  on  l'a 
obfervé  aufli ,  mais  en  petit  nombre  fur  d'au- 
tres plantes ,  fur  le  knawel  annuel ,  &  fur 
la  potentille  ^  &  je  le  découvris  il  y  a  nom- 
bre d'années  au  pié  du  gnaphalium  ,  pié  de 
<:hat ,  en  juillet  au  haut  des  collines  lituées 
au  nord-oueft  de  Montmorenci.  Mais  cet 
animal  ne  fe  trouve  pas  dans  tous  les  lieux 
où  croiiTent  ces  plantes  :  il  afFefle  particu- 
lièrement le  knawel  vivace  \  &  les  feuls  pays 
où  il  foit  abondant,  Ibnt  le  palatinat  de  Kio- 
Tie  ,  l'Ukraine  ,  la  Podolie  ,  la  Volhinie  & 
la  Lithuanie  en  Pologne  ,  dans  \<i^  terres  dé- 
fertes  &  fâblonneufes.  Je  fuis,  au  moins  que 
je  fâche  ,  le  premier  &  le  feul  qui  l'ait  trouvé 
aux  environs  de  Paris  ,  &  cela  fur  le  pié  de 
chat  des  collines  fablonneufes  ,  graveleufes 
%i  filiceufes  de  Montmorenci  \  &  il  n'a 
point  encore  été  apperçu  fur  le  knawel  vi- 
vace ,  qui  ne  fe  trouve  au  phis  près  de  Paris , 
que  dans  les  fables  ,  entre  la  Marlaye  &  la 
montagne  qui  eft  fur  le  chemin  de  Gou- 
vieux  ,  &  en  allant  de  Chantilly  à  Saint- 
Leu  d'Eifereus  ,  &  dans  les  fables  de  Fon- 
tainebleau. 

Récolte.  La  Pologne  eft  donc  le  fèul  pays 
où  l'on  puifî'e  en  faire  une  récolte ,  &  où  l'on 
en  faffe  réellement  une  ^  mais  elle  manque 
abfolument  lorfque  l'été  a  été  pluvieux  & 
froid.  Le  zchinbitz  ,  dont  M.  Volf  a  bien 
-voulu  me  donner  la  colledliion  la  plus  fuivie 
^vec  toutes  {qs  métamorphofes ,  n'a  pris  Ion 
parfait  accroiflement,  &  n'eft  plein  de  Ion 
iûc purpurin,  qu'après  le  folftice  d'été  ,  c'eft- 
à-dire  ,  dans  le  mois  de  juillet  ;,  comme  je 
le  trouvai  auflî  par  hazard  aux  environs  de 
Montmorenci. 

Alors  les  Polonois  s'arment  d'une  eljîece  de 


339 

^    l'enfoncent 


C  O  C 

houlette  à  manche  court 
d'une  main  fous  la  plante  du  tîiawel,  qu'ils 
tiennent  de  l'autre  pour  l'enlever  de  terre  \ 
puis  lis  en  détachent  l'nifedle  ,  &  remettent 
la  plante  dans  le  même  trou ,  pour  ce  pas 
perdre  les  œufs  de  la  cochenille  ,  qui  doi- 
vent foîirnir  la  récolte  de  l'année  fuivante  : 
cette  manœuvre  fe  pratique  avec  autant  d'a- 
drelfe  que  de  célérité. 

Le  zchinbitz  ainli  cueilli  fe  paflè  à  un  cri- 
ble fait  exprès  pour  le  féparer  de  fa  terre  ^  & 
afin  qu'il  ne  prenne  ni  moififTure  ni  fermen- 
tation qui  lui  ôte  de  fa  qualité  ,  on  l'arrofe 
de  \'inaigre  ,  &  quelquefois  d'eau  la  plus 
froide  \  ce  qui  fufiit  pour  le  faire  mourù"  ': 
alors  on  le  porte  dans  un  lieu  chaud  ,  ou 
bien  on  l'expofe  au  foleil  pour  le  faire  fé- 
cher  :  cette  exficcation  doit  être  faite  lente- 
ment, faute  de  quoi  la  beauté  de  leiu*  cou- 
leur s'altéreroiî. 

Quelquefois  ils  féparent  ces  petits  infeéles 
de  leur  enveloppe  ,  en  les  prelfant  douce- 
ment avec  le  bout  des  doigts  pour  en  former 
de  petits  pains  ronds.  Une  comprefllon  trop 
forte  en  exprimeroit  le  fuc  ^  &  ce  feroit  une 
perte  réelle ,  qu'on  évite  en  y  prêtant  atten- 
tion :  ces  pciins  font  beaucoup  plus  eftimés 
par  les  teinturiers ,  que  l'infedie  léché  en 
grains  détachés. 

La  récolte  du  zchinbitz  eft  affermée  aux 
juifs  par  les  Polonois  Palatins  de  l'Ukraine , 
qui  la  font  faire  par  leurs  ferfs  ou  leurs  vaf- 
faux. 

Ufages.  Les  juifs  vont  vendre  cette  tein- 
ture aux  Turcs  &  aux  Arméniens  ,  qui  l'em- 
ploient à  teindre  la  laine ,  la  foie ,  le  cuir ,  le 
maroquin  &  la  queue  de  leurs  chevaux.  Les 
femmes  turques  en  tirent  la  teinture  avec  le 
vin  ou  le  jus  de  citron  ,  &  en  font  un  ufage 
journalier  pourferougir  l'extrémité  desmains 
&  des  pies  d'une  belle  couleur  de  chair.  Les 
Hollandois  achetoient  autrefois  le  zchinbitz 
fo-rt  cher ,  &  l'employoient  par  moitié  avec 
la  cochenille  pour  teindre  les  draps  en  écar- 
late.  De  la  teinture  de  cet  infe^le  extraite 
par  le  jus  de  citron  où  une  lefîive  d'alun  ,  on' 
peut  avec  la  craie  faire  une  laque  pour  les 
peintres ,  qui ,  par  l'addition  d'un  peu  de 
gomine  arabique ,  égale  en  beauté  la  laquar 
de  Florence.  Enfin  ,  le  fuc  exprimé  de  cet 
infeéle  fe  conferve  pour  \zs  mêmes  ufage* 
médicinaux  que  le  kermès  5  &  à  Varfovic  9 

Vv  A 


340  C  O  C 

on  le  fublHtiie  au  kermès  dans  la  confection 
de  l'alkermès. 

Nous  ferons  une  obfervation  {îir  ces  pro- 
priétés &  ufages  ,  qui  font  extraits  de  la 
difTertation  du  dofteur  Bernitz  ,  c'eft  que  , 
foit  que  ces  propriétés  foient  exagérées ,  foit 
que  le  zchinbitz  envoyé  de  Dantzick  à  M. 
de  Réaumur  &  à  M.  Heliot  ,  fût  mal  pré- 
paré ou  trop  vieux  ,  &  comme  éventé  ,  ces 
académiciens  ne  purent ,  en  le  traitant  à  la 
manière  du  kermès  &  de  la  cochenille  ,  .en 
tirer  autre  chofe  que  des  demi-teintes  ,  des 
couleurs  foibles  de  lila  ,  ou  chair ,  ou  cra- 
moifi  ,  plus  ou  moins  vives ,  &  jamais  des 
écarlates.  D'ailleurs ,  comme  cette  coche- 
nille de  Pologne  ne  rend  pas  la  cinquième 
partie  de  la  teinture  que  rend  celle  du  Mexi- 
que ,  &  qu'elle  coûte  par-là  beaucoup  plus 
cher  que  la  plus  belle  cochenille  ,  le  com- 
merce de  cette  drogue  eft  extrêmement  di- 
minué j  &  on  ne  fait  plus  ufage  de  la  coche- 
nille de  grain  dans  les  villes  où  les  teintures 
cnt  acquis  une  certaine  perfection. 

Remarques.  Il  eft  dit  dans  un  diétionnaire 
intitulé  Diclionnaire  {ÏHiJioire  naturelle ,  art. 
cochenille  de  Pologne ,  ou  kermès  du  Nord , 
que  cet  infeCte  fe  trouve  à  la  racine  d'une 
eipece  de  re nouée  ou  de  centinode  Polygo- 
num  ;  mais  c'eft  une  erreur  :  le  knawel  eft 
certainement  bien  éloigné  d'avoir  aucun  rap- 
port avec  la  renouée  :  celle-ci  eft  une  plante 
de  la  famille  des  perfîcaires  &  de  l'oièille  , 
au  lieu  que  le  knawel  vient  naturellement 
dans  la  famille  des  garous,  où  nous  l'avons 
placé.  yoye:(^  nos  Familles  des  plantes  ,  vol. 
Il  ,  page  283. 

La  cochenille  forme  un  genre  particulier 
dans  la  famille  des  cigales. 

Ce  petit  animal  &  tant  d'autres  ,  dont  la 
recherche  paroît  méprifable  aux  yeux  du 
vulgaire  ,  prouve  par  ion  utilité  ,  le  cas 
qu'on  doit  faire  de  nos  recherches  qui ,  tôt 
ou  tard,  tournent  au  bien  de  la  ibciété. 
{M.  Adanson.) 

COCHER  ,  f,  m.  fe  dit  en  général  de 
celui  qui  fait  conduire  une  voiture.  Il  y  a  les 
cochers  des  voitures  ordinaires  ,  les  cochers 
de  carrofles  particuliers  ,  \^^  cochers  de  car- 
rofîes  publics ,  les  cochers  de  place  ,  ùc. 

Cocher  (le)  ,  c'eft  le  nom  qu'on  donne  à 
une  conftellation ,  ou  unaflèmblage  d'étoiles 
Jbses  daiis  l'hémiiphere  feptentrioual.  Ces 


C  O  C 

étoiles  font  dans  le  catalogue  de  Ptclomée 
au  nombre  de  14  ;,  dans  celui  de  Tycho  , 
au  nombre  de  23  :  Hevelius  en  compte  40  , 
&  le  catalogue  britannique  68.  (O) 

Cocher  ,  v.  aét.  en  termes  de  batteur  d'or , 
eft  un  livre  de  vélin  très-fin  ,  apprêté  avec 
un  fond  (  Voye^  FoND  )  ,  &  bien  defféché 
fous  une  prefle.  On  dit  \q  premier  &  le  Z^- 
cond  cocher^  quoique  l'un  ne  diftere  de  l'aul- 
tre  que  par  le  nombre  de  fes  feuilles  qui  eft 
double.  Ils  fervent  tous  deux  à  dégroftir  l'or, 
VoyeiDÉGKOSSlK  (S»  BaTTEUR  d'OR. 

COCHE  VIS ,  f  m.  alauda  crifîata ,  (Hiji. 
nat.  Ornithol.)  oifeau  plus  gros  que  l'alouette 
ordinaire  ,  &  dont  le  bec  eft  plus  gros  & 
plus  long  I,  il  a  près  d'un  pouce  de  longueur 
depuis  la  pointe  jufqu'aux  coins  de  la  bouche , 
la  pièce  fupérieure  eft  brune ,  8c  l'inférieure 
blanchâtre  \  la  langue  eft  large  &  un  peu 
fourchue  à  fon  extrémité  \  l'iris  des  yeux  eft 
de  couleur  de  noifette  mêlée  de  couleur  cen- 
drée j  il  y  a  au  delfus  de  la  tête  une  hupe 
compofée  de  fept  ou  huit  petites  plumes  , 
&  quelquefois  de  dix  ou  douze  :  l'oifeau 
peut  les  élever  ou  les  abaiftcr  ,  les  éloigner 
ou  \qs  rapprocher  les  unes  des  autres  comme 
celles  de  la  queue  \  les  plumes  de  la  hupe 
font  plus  noires  que  toutes  les  autres ,  & 
ont  près  d'un  demi- pouce  de  longueur.  Le 
dos  eft  d'une  couleur  moins  cendrée ,  &  n'a 
pas  autant  de  taches  que  dans  l'alouette  or- 
dinaire ^  le  croupion  n'en  a  prefque  aucune. 
Les  grandes  plumes  de  chaque  aile  font  au 
nombre  de  dix-huit ,  fans  compter  l'exté- 
rieure qui  eft  fort  petite  &  femblable  aux 
plumes  du  fécond  rang  ^  les  premières  des 
grandes  plumes  ont  les  barbes  extérieures  de 
couleur  blanchâtre  mêlée  de  jaune  ou  de 
roux  pâle  :  les  autres  plumes  font  moins 
noires  que  dans  l'alouette  ordinaire  ,  &  ont 
un  peu  de  roux  pâle  même  à  la  partie  in- 
férieure. Le  ventre  &  la  poitrine  font  d'un 
jaune  blanchâtre  \  la  gorge  eft  marquée  de 
taches  comme  dans  l'alouette  ordinaire  j  la 
queue  a  un  peu  plus  de  deux  pouces  de 
longueur  ,  &  eft  compofée  de  douze  plu- 
mes :  \qs  deux  premières  de  chaque  côté 
ont  le  bord  extérieur  blanc  mêlé  de  roux  ^ 
&  quelquefois  noir  \  la  troifteme  &  la  qua- 
trième font  entièrement  noires  ,  la  cin- 
quième &  la  fixieme  ont  la  même  couleur 
que  celles  du  corps.  Cet  oifeau  diffère  de 


c  o  c 

J'alouette  ordinaire  en  ce  qu'il eft plus  gros, 
qu'il  a  une  hupe  fur  la  tête ,  que  la  couleur 
des  plumes  de  fon  dos  eft  moins  marquée  de 
taches  ,  &  enfin  en  ce  qu'il  a  la  queue  plus 
courte.  Les  cochevis  habitent  le  bord  des 
lacs  &  des  fleuves  ,  ils  ne  volent  pas  en 
troupe ,  ils  ne  s'élèvent  pas  aufli  fouvent  en 
l'air  que  l'alouette  ordinaire ,  &  n'y  relient 
pas  aulfi  long-temps.  Willughby,  Ornith. 
Foyei  Alouette  ,  Oiseau.  (/) 

COCUIL A,  (Ge'og.  /Tza^/.  j  rivière  d'I- 
talie au  royaume  de  Naples  ,  qui  prend  fa 
iburce  dans  l'Apennin  ,  &  fe  jette  dans  le 
golfe  de  Tarente. 

COCHIN ,  (  Géog.  mod.  )  ville  confidé- 
rable  d'Afie  ,  capitale  d'un  royaume  de 
même  nom  fur  la  côte  de  Malabar.  Les  habi- 
tans  font  idolâtres.  Les  femmes  y  peuvent 
prendre  autant  de  maris  qu'il  leur  plaît.  Long. 
95  ■>  lS;iat.  lo. 

COCHINCHINE  ,  (  Géeg.  mod.  )  grand 
royaume  d'Afie  borné  par  le  Tunquin  ,  le 
royaume  de  Chiampa,  le  Kemi,  &  la  mer: 
les  habitans  font  idolâtres  &  fort  belliqueux. 
Ce  pays  efl:  très-fertile  j  on  y  trouve  de  l'or , 
des  mines  de  diamant,  &  de  l'ivoire.  Lat. 
11  ,  i8. 

COCHINES ,  f.  m.  pi.  (HiJÎ.  nat.)  petits 
vailFeaux  qui  font  attachés  à  l'extrémité  des 
branches  coupées  des  arbres  d'où  diftille  le 
baume ,  &  qui  reçoivent  cette  liqueur. 

COCHLEA  ,  en  Méchanîque ,  terme  latin 
qui  fignifie  Xune  des  cinq  machines  fimples  : 
on  la  nomme  en  françois  vis.  Voye[  Vis. 

On  l'appelle  de  la  forte ,  à  caufe  de  fa  ref 
ièmblance  avec  la  coquille  du  limaçon  ou 
cochlea.  (0) 

COCHLÉARIA,  f.  m.  {Botan.  )  plante 
anti-fcorbutique  très-utile.  Voici  les  carac- 
tères du  cochléaria. 

Sa  fleur  eft  cruciforme ,  à  quatre  pétales  \ 
du  calice  fort  le  piftil  qui  devient  un  fruit 
prefque  fphérique ,  partagé  en  deux  cellules 
par  une  cloifon  mitoyenne  ^  ces  cellules  con- 
tiennent plufieurs  petites  femences  arrondies. 

On  connoît  fixeipeces  de  cochléaria  ^  mais 
nous  ne  parlerons  que  de  la  principale  qui 
eft  celle  des  boutiques ,  autrement  dite 
cochléaria  folio  fubrotundo  ,  C.  B.  P.  Tour- 
nef.  Boerh.  Rupp.  Bruxb.  Çfc. 

Ses  racines  font  blanchâtres ,  un  peu  épaif 
fes ,  droites  .  fibrées  ,  &  chevelues  :  elles 


C  O  C  54r 

pouffent  à  leur  collet  des  feuilles  nombreu- 
fes  ,  d'un  verd  foncé ,  arrondies  ,  à  oreilles , 
longues  d'un  pouce  ,  creufcs  preiqu'en  ma- 
nière de  cuiller  ,  d'où  vient  le  nom  de  la 
plante.  Elles  font  fucculentes  ,  épaiifes  , 
acres ,  piquantes ,  ameres  ,  d'une  odeur  ni- 
doreufè ,  défagréable  ,  &.  portées  fur  des 
queues  longues  d'une  palme.  Ses  tiges  font 
branchues  ,  couchées  fur  terre  ,  longues» 
d'une  coudée ,  liffes ,  chargées  de  feuilles  dé- 
coupées ,  longues ,  &  fans  queue.  Ses  fleurs 
font  à  quatre  pétales  ,  blancs,  cjifpofés  en 
croix.  Leur  calice  eft  à  quatre  feuilles.  Le 
piftil  fe  change  en  un  fruit  arrondi,  long 
de  deux  lignes ,  compofé  y  de  même  que  les 
filiques ,  de  deux  panneaux  appliqués  fiir 
une  cloifon  mitoyenne  qui  k  fépare  en  deux 
loges  demi-iphériques ,  qui  renferm^ent  de 
petites  graines  menues  y  arrondies ,  roufiTes  , 
&  piquantes  au  goût. 

Cette  plante  qui  eft  toute  d'ufage ,  croît 
fans  culture  dans  les  Pyrénées  ,  fiir  les  côtes 
de  la  Flandre ,  en  Hollande  ,  au  nord  de 
l'Angleterre ,  Ç^c.  mais  on  la  cultive  dans  les 
jardins  pour  fon  utilité.  Elle  fleurit  en  avril , 
&  a  fes  graines  perfeâiionnées  en  juillet , 
qui  eft  le  meilleur  temps  pour  la  femer  j  8c 
c'eft  ce  qu'il  faut  renouveller  chaque  année. 
(  M.  le  chevalier  DE  Jaucovrt.  ) 

Cochléaria,  (Mat.  méd.  Pkarmac.) 
Le  cochléaria  eft  une  de  ces  plantes  que  nous 
appelions  alkalines ,  depuis  que  \qs  chymiftes 
modernes  ont  découvert  que  la  partie  vola- 
tile ,  vive ,  &  piquante ,  qui  diftingue  cet 
ordre  de  plante  ,  étoit  un  vrai  alkali  volatil. 

Comme  il  eft  très-aifé  d'avoir  cette  plante 
fraîche  toute  l'année ,  qu'elle  eft  très-luccu- 
lente,  &  que  d'ailleurs  on  ne  làuroit  l'expo- 
{èr  à  l'aétion  du  feu  fans  difliper  /es  parties 
mobiles  qui  conftituent  fa. principale  vertu  , 
le  iuc  de  cette  plante  eft  prefque  la  feule 
préparation  extemporannée  qui  foiten  ufage. 
On  le  donne  ordinairement  àladofede  deux 
ou  trois  onces.  Voyei  Suc.  On  garde  d'ail- 
leurs dans  \qs  boutiques  l'extrait ,  l'efprit , 
l'eau  diftillée ,  &  la  conlèrve  de  cochléaria» 

L'extrait  &  la  conlèrve  n'ont  rien  de  par- 
ticulier (  voyei  Extrait  &  Conserve  )  ^ 
nous  allons  donner  la  manière  de  préparer 
'  l'efprit  &  l'eau. 

Efprit  de  cochléaria.  Prenez  du  cochléaria 
lorfqu'il  eft  dans  fyn  temps  balfàmique. 


341  C  O  C 

c'eft-à  dire,  lorfqu'il  eft  prêt  à  dottîlôf  fes 
fleurs ,  environ  feize  livres  -^  hachez-le  menu 
&  le  mettez  clans  un  alembic  de  verre ,  ver- 
fant  dellus  une  livre  d'efprit-de-vin  recftifîé  ^ 
fermez  exadement  la  cucurbite  ,  &  laifFez 
digérer  per«:iant  deux  joiu-s ,  après  lefquels 
diSiilez  au  bain- marie  félon  l'art. 

Eau  de  cochléaria.  V  du  cochUaria  lorf- 
•(qu'il  eft  prêt  à  donner  fes  fleurs  f,  hachez-le 
&  le  mettez  dans  une  cucurbite  d'étain  ,  à 
laquelle  vous  adapterez  fou  chapiteau  ,  qui 
fera  auflî  d'étain,  &  vous  diftillerez  au  bain- 
marie  jufqu'à  ce  qu'il  ne  paffe  plus  rien  ^  par 
ce  moyen  vous  aurez  une  eau  chargée  de 
l'efprit  alkali  volatil  de  la  plante ,  qu'on  peut 
auflî  appeller  Yefprit  volatil  de  cochléaria. 

Toutes  ces  préparations  font  desanti  fcor- 
'butiques  éprouvés  \  il  faut  feulement  obfervcr 
que  le  fuc  de  cochléaria  &  fa  confervc  ren- 
ferment toute  la  vertu  de  la  plante ,  que  l'ex- 
trait au  contraire  n'en  contient  que  les  par- 
ties fixes  &  l'efprit ,  &  l'eau  diftiliéedespar- 
>ties  volatiles  \  &  qu'ainfi  une  bonne  façon 
<l'animer  l'extrait ,  c'eft  de  le  donner  avec 
l'efprit  ou  l'eau  diftillée  ^  car  fans  cette  addi- 
tion l'extrait  de  cochléaria  ne  paroît  poiTéder 
;que  les  vertus  communes  à  tous  \^%  extraits 
nitreux.  Au  refte  il  paroît  fort  inutile, quand 
on  veut  employer  toutes  les  parties  falutaires 
-du  cochléaria ,  d'avoir  recours  à  ces  prépara- 
tions officinales  \  fon  fuc  que  l'on  peut  tou- 
jours préparer  très- commodément,  comme 
nous  l'avons  obfêrvé ,  remplit  toujours  mieux 
les  vues  du  médecin. 

Il  s'eft  trouvé  quelques  fcorbutiques  dont 
le  palais  a  pu  réfifter  à  l'âcreté  du  cochléaria^ 
&  qui  fe  font  fort  bien  trouvés  de  le  manger 
fans  aucune  préparation  \  &  peut-être  fèroit- 
x;e  là  la  meilleure  façon  de  le  donner  , 
fur-tout  dans  le  fcorbut  confirmé. 

C'eft  prefque  uniquement  au  fcor'but  de 
terre  &  aux  différentes  maladies  fcorbuti- 
ques de  cette  claffe  .,  que  l'ufage  de  tous  les 
remèdes  tirés  du  cochléaria  eft  confacré  : 
.cette  plante  tient  le  premier  rang  parmi  les 
remèdes  anti-fcorbutiques.  Fbye:[ScoRBUT. 

On  faifoit  autrefois  affez  communément 
xles  bouillons  anti-fcorbutiques  ,  dans  la 
préparation  defquels  on  expofoit  à  l'ébuUi- 
iiou  le  cochléaria  &  les  autres  plantes  alka- 
lihes  ;  mais  on  s'eft  enfin  accoutumé  à  re- 
garder les  parties  mobiles  de  ces  plantes  <jui 


C  O  C 

fe  diflîpoient  pendant  la  déco£î:îoiî ,  comme 
\qs  plus  efficaces,  &  à  chercher  àlesretenin; 
c'eft  dans  cette  vue  que  Ton  prépare  aujour- 
d'hui ces  fortes  de  bouillons  au  bain-marie 
dans  des  vailleaux  bien  fermés,  &  même 
qu'on  préfère  d'ajouter  à  la  décodf ion  de  la 
viande  &  des  plantes  purement  extrad^ives , 
lorfqu'elle  eft  prefque  refroidie,  le  i\iz  du 
cochléaria  ou  ^z%  autres  plantes  alkalines. 

Le  fuc  &  l'efprit  de  cochléaria ,  mais  fur- 
tout  le  dernier,  font  fort  ufités  extérieure- 
ment dans  le  traitement  des  ulcères  fcorbuti- 
ques ,  dans  les  gonflemens  fanguinolens  des 
gencives  ,  dans  leur  infiammation  ,  leur 
exulcération ,  lorfque  les  dents  tremblent  , 
6v.  On  lave  aufTi  les  taches  de  fcorbut  avec 
le  fuc  on  avec  l'efprit  de  cette  plante  :  oa 
peut  appliquer  delfus  la  plante  pilée  avec 
un  égal  fuccès. 

C'eft  imç  pratique  fort  utile  contre  le  re- 
lâchement &  la  pâleur  des  gencives  ,  que 
celle  de  \ç.%  fotter  fréquemment  a\'ec  des 
feuilles  fraîches  de  cochléaria. 

Stahl  recommande  ,  dans  fa  matière  mé' 
dicale  ^  le  cochléaria  dans  les  fièvres  quartes 
&  dans  la  cachexie  ^  &  il  obferxe  qu'il  faut 
bien  fe  garder  de  l'employer  dans  les  afîèc- 
tions  hémorroïdales ,  c'efl-à-dire  dans  tou- 
tes \'^s  maladies  qui  dépendent  de  la  veine- 
porte  ,  qui ,  félon  ce  favant  miédecin ,  joue 
un  fi  grand  rôle  dans  l'économie  animale. 

Les  feuilles  de  cochléaria  entrent  dans  le 
decoâum  anti-fcorbutique ,  dans  le  vin  anti^ 
fcorbutique^dans  l'eau  généralei^dans  l'eau  an- 
ti-fcorbutique ,  dans  le  firop  anti-fcorbutique. 

L'eau  diftillée  de  la  même  plante  entre 
dans  l'eau  pour  les  gencives  j  fes  femences 
entrent  dans  l'eau  anti-fcorbutique  \  fon  ef^ 
prit  entre  dans  la  teinture  de  gomme  laque  , 
dans  le  firop  anti-fcorbutique  \  fon  extrait 
eft  un  des  ingrédiens  des  pilules  de  Stahl  & 
de  celles  de  Bêcher.  (  ^  ) 

COCHLITES ,  f.  m.  (  Hift.  nat.  Conchy- 
liolog.  )  On  lit  dans  le  didionnaire intitulé; 
Diâionnaire  dtJiifioire  naturslk ,  que  les  li- 
thologiftes  diftinguent  par  ce  nom  toutes  les 
coquilles  uni  valves ,  fofriles,dontla  divifion 
eft  la  même  que  celle  des  coquillages  unival- 
ves  vivans.  Mais  cette  affertion  ell:  une  er- 
reur :  \q^  naturaliftes  ont  reftrcint  ce  nom 
aux  coquilles  foffiles  ,  univalves  feulement , 
qui  fout  de  forme  arrondie ,  H.  douj  |a 


€  O  C 

Bouche  eft  demi-ronde  ,  à-peu-près  comme 
«elle  du  limaçon  ordinaire ,  appellée  cochka, 
(M.  Ad  AN  SON.) 

COCHOIR  ,  voyei  Toupin  ,  &  tartick 
GORDERIE. 

(COCHOIS ,  c  Cirier.  )  outil  de  bois  qui 
iert  aux  ciriers  à  équarrir  les  fîainbeaux  , 
tant  de  point  que  de  table.  Diclionn,  de 
Trév.  &  du  Comm. 

COCHON  ,   f.  m.  (  HiJÏ.  nat  Ecoaom. 
ruftiq.  Mat.  méd.  Diète  ,  &  Myth.  )fus  ;  ani- 
mal quadrupède  qu'on  a  mis  au  ran^  des 
animaux  à  pies  fourchus  qui  ne  ruminent 
pas.  Il  ert  affez  diftingué  par  {es  poils  roides 
qu'on  appelleyb/> ,  par  fon  mufèau  allongé  , 
&  terminé  par  un  cartilage  plat  &  rond  où 
ibnt  les  narines  :  il  a  quatre  dents  incifîves 
dans  la  mâchoire  ilipérieure  ,  &  huit  dans 
finférieure  ,  deux  petites  dents  incilives  en 
defTus ,  &  deux  grandes  en  delTous  ;  celles- 
ci  font  pointues  &  creufes  ^  elles  fervent  de 
défsnfe  à  l'animal.  Ilfe  forme  dans  le  cocAon, 
entre  la  peau  &  le  pannicule  charnu ,   une 
forte  de  grailïè  que  l'on  appelle  /ard  :  elle  eft 
fort  différente  de  celle  des  animaux  rumi- 
nans ,  &  même  de  celle  du  refte  du  corps  de 
cet  animal  ^  on  appelle  celle-ci  azonge.  Les 
femelles  ou  truies  ont  jufqu'à  fix  mamelles 
&  plus  ^  elles  portent  jurqu'à  vingt  petits  à 
la  fois.  Le  cochon  peut  vivre  15320  ans. 
On  donne  le  nom  de  toit  ou  de  fou  à  l'en- 
droit 011  l'on  enferme  les  cochons.  Il  faut 
avoir  deux  toits  ,  l'un  pour  les  mâles  ,  & 
l'autre  pour  les  fem.elles  Scieurs  petits  ^  fans 
quoi  les  verrats  pourront  blelîèr  les  truies 
quand  elles  feront  pleines  ,  &  même  dévo- 
rer les  petits.  L'aire  du  toit  doit  être  bien 
pavée  ,  les  murs  bien  folidement  conftruits , 
à  moilon  &  mortier ,  &  revêtus  en  dedans 
de  douves  de  futailles.  Comme  ils  font  beau- 
coup de  petits,  le  profit  de  ce  bétail  eft  con- 
fidérable.  Le  porc  châtré  s'appelle  cochon  : 
celui  qui  ne  l'eft  pas  ,  verrat.  Le  verrat  doit 
être  choifi  quarré  &  vigoureux  ;  il  peut  fuf- 
fire  à  dix  truies  ^  &  il  n'eft  bon  que  depuis 
un  an  jufqu'à  quatre  ou  cinq.  La  truie  fera 
longue  ,  &  elle  produira  depuis  un  an  |uf- 
qu'à  lix  ou  fept  :  elle  porte  quatre  mois  ,  & 
cochonne  dans  le  cinquième ,  ainfî  elle  peut 
cochonner  deux  fois  par  an.  Elle  recherche 
l'approche  du  mâle  quoique  pleine. 

11.  faut  donner  z\xs.  cochons  une  '^etito  11- 


c  o-  c  345 

tiere ,  &  nettoyer  foigneufement  leurs  éta- 
bles.  Ces  animaux  aiment  les  bois ,  les  glands , 
la  farine  ,  la  châtaigne ,  &c  les  fruits  fauvages 
qu'on  y  trouve  en  automne  ,  les  terres  fan- 
geufes  ,  les  vers ,  les  racines  dont  elles  font 
remplies  ,  &c. 

On  les  fait  paître  depuis  le  mois  de  mars 
jufqu'en  odobre  ,  deux  fois  par  jour^  le  ma- 
tin après  la  rofée  jufqu'à  dix  heures  ;,  le  foir 
depuis  deux  heures  jufqu'au  foleil  couchant  ^ 
en  o£lobre  une  fois  ,  en  hiver  une  fois  , 
pourvu  qu'il  n'y  ait  ni  neige  ,  ni  pluie  ,  ni 
vent ,  &c. 

Il  ne  faut  pas  laiflêr  fouffrir  la  foif  aux 
codions.  On  foue,  c'eft-à-dire  on  lâche  la  fe- 
melle au  mâle  ,  en  février  ,  mars  &  avril  \ 
on  prend  pour  cela  le  temps  de  manière  que 
les  petits  n'aient  pas  à  Ibuffrir  les  rigueurs  de 
l'hiver. 

On  nourrit  amplement  la  truie  quand  elle 
a  cochonné  \  on  lui  donne  un  m.êlange  de 
fon ,  d'eau  tiède ,  &  d'herbes  fraîches  :  on  ne 
lui  laiftcra  que  fept  à  huit  petits  ^  on  vendra 
les  autres  à  trois  femaines.  On  gardera  les 
mâles  de  préférence  aux  femelles  ^  on  ne  laif' 
fera  qu'une  femelle  fur  quatre  à  cinq  mâles  : 
on  fevrera  ceux-ci  à  deux  mois  :  on  les  lail- 
fera  aller  aux  champs  trois  femaines  après 
.  qu'ils  feront  venus  \  on  les  nourrira  d'eau 
blanchie  avec  le  fon  foir  &  matin  ,  juiqu'à 
ce  qu'ils  aient  deux  mois  \  on  les  châtrera  au 
printemps  ou  en  automne ,  à  fix  ou  à  quatre 
mois. 

Quand  les  cochons  {exoviX.  forts  ,  &  qu'on  fe 
propofera  de  les  engraiifer,  on  leur  donnera 
de  l'orge  pendant  cinq  ou  fix  femaines ,  avec 
de  l'eau  mêlée  de  fe»n  \  on  les  mènera  dans 
les  forêts  à  la  glandée  y  ou  on  leur  donnera 
dans  la  maifon  le  gland  qu'on  aura  ramalTé. 
Il  faudra  donc  ramaifer  le  gland  dans  la  fai- 
fon  ^  on  le  confervera  en  le  faifant  fécher  au 
fowr.  On  joindra  à  cette  nourriture  les  buvées 
d'eau  chaude ,  avec  les  navets  ,  les  carottes  ,- 
les  choux,  &  tous  les  rebuts  des  herbes  po- 
tagères. 

Quand  le  cochon  eft  engraiffé  ,  ce  qui  ne 
demande  guère  que  deux  mois  au  plus ,  o\\ 
,1e  tue  j  on  le  grille  à  un  feu  de  paille  ^  on  le 
racle  j  en  enlevé  toutes  les  parties  du  dedans^ 
&  onfale  le  refte.  Le  faloir  eft  une  elpece" 
de  cuve  oblongue  &  bafl'e ,  avec  un  couver-- 
cl&  :  on  lave  cette  cuve  avec  de  l'eau  chaude  j- 


344  C  O  C 

OÙ  l'on  a  mis  bouillir  du  thym ,  de  la  lat'att- 
de  ,  du  laurier ,  &c.  puis  on  l'enfume  avec 
àes  noix  mufcades  ^  on  couvre  le  fond  de 
ièl  :  on  prend  un  morceau  de  cochon ,  on  le 
trempe  dans  l'eau ,  on  l'elTuie ,  on  le  pofe  fur 
la  couche  de  fel  ^  on  fait  un  fécond  lit  de  {q\ 
&  un  fécond  lit  de  cochon ,  &  ainlî  de  fuite  , 
Jlraxum  fuper  Jlratum  ;  on  finit  par  un  lit  de 
fel.  II  faut  environ  une  livre  de  felpour  cha- 
que vingt  livres  de  viande  •-,  on  y  ajoute  un 
peu  de  girofle  concafTé  j  on  ferme  le  Taloir. 
On  laiiîè  le  cochon  dans  cet  état  environ  un 
mois  ^  alors  on  peut  l'ouVrir  &  manger  du 
porc  falé  :  pour  cela  on  le  trempe  dans  l'eau 
bouillante  ,  on  l'expofe  à  l'air  ,  &  on  l'em- 
ploie comme  on  veut. 

Il  y  a  d'autres  manières  de  faler  le  porc  , 
mais  elles  reviennent  toutes  à  celles-ci.  Le 
cochon  eft  particulièrement  fajet  à  la  ladre- 
rie ;  on  s'apperçoit  de  cette  maladie  à  des  ul- 
cères qu'on  lui  remarque  à  la  langue  &  au 
palais  ,  à  des  grains  dont  fa  chair  eft  parfe- 
mée  ,  &c.  Voyei  Boucher.  Il  n'eft  pas 
exempt  pour  cela  des  autres  maladies  des 
beftiaux. 

La  chair  fraîche  du  cochon ,  fa  chair  falée 
ou  fumée  mangée  en  petite  quantité  ,  aide 
la  digeftion  j  en  grande  quantité  ,  elle  fè  di- 
gère difficilement.  Le  bouillon  de  porc-frais 
peut  arrêter  le  vomifTem.ent  :  le  vieux  lard 
ibndu  déterge  &  confolide  les  plaies  :  la  panne 
eft  émolliente  ,  anodyne ,  &  réfolutive  :  on 
attribue  au  fiel  la  propriété  de  déterger  les 
ulcères  des  oreilles  ,  &  de  faire  croître  Iqs 
cheveux  ;,  à  la  fiente  ,  celle  de  réfoudre  ,  de 
guérir  la  gale  ,  d'arrêter  le  faignement  de 
nez ,  prife  en  poudre  ,  &  de  foulager  dans 
refquinancie  appliquée  en  cataplafme  :  la 
graiftè  lavée  &  préparée  entre  dans  quelques 
emplâtres ,  &  dans  un  grand  nombre  d'on- 
guens  j  c'eft  la  bafe  des  pommades. 

La  viande  de  cochon  a  été  profcrite  chez 
quelques  peuples ,  par  exemple  en  Arabie  , 
où  il  n'y  a  point  de  bois ,  point  de  nourriture 
pour  cet  animal ,  &  où  la  falure  des  eaux  & 
des  alimens  rend  le  peuple  très-fujet  aux  ma- 
ladies de  la  peau  :  la  loi  qui  le  défend  dans 
ces  contrées ,  eft  donc  purement  locale  ,  & 
ne  peut  être  bonne  pour  d'autres  pays  où  le 
cochon  eft  une  nourriture  prefqueuniverfelle, 
&:  en  quelque  façon  nécefîaire. 

SanClorius  a  obfervé  que  la  chair  àz  cochon 


CO  C 

fè  tranipîre  peu  ,  &  que  la  diminution  de 
cette  excrétion  va  à  un  tiers  dans  ceux,  qui 
s'en  nourrilFent  ^  d'ailleurs  on  fait  que  le  dé- 
faut de  tranfpiration  occafione  ou  aigrit  les 
maladies  de  la  peau  :  cette  nourriture  doit 
donc  être  défendue  dans  les  pays  où  l'on  eft 
expofé  à  ces  maladies ,  comme  laPaleftine, 
TArabie ,  l'Egypte ,  la  Lybie ,  &c,  V.  tefprit 
des  loix. 

Le  cochon  étoit  immolé  par  les  anciens  aux 
Lares ,  à  Priape  ,  aux  Silvains  ,àBacchus,  à 
Cérès ,  à  Hercule ,  ùc.  On  facrifioit  à  Lacé- 
démone  un  cochon  de  chaque  ventrée. 

Cochon  de  Guinée  ^porcus  GuincenJIsy 
Margr.  animal  quadrupède  qui  eft  de  cou- 
leur rouiîè ,  &  qui  reffemble  à  nos  cochons 
pour  la  figure  ;  mais  fa  tête  n'eft  pas  fi  élevée  : 
ks  oreilles  font  longues  &:  pointues  j  fa  queue 
defccnd  fort  bas ,  &  n'eft  point  couverte  de 
poil  non  plus  que  le  dos.  Il  a  fiir  tout  le 
refte  du  corps  un  poil  court,  roux  &  brillant; 
mais  il  eft  plus  long  près  de  l'origine  de  la 
queue  &  autour  du  cou.  Rai ,  fynop.  anim, 
quad.  V.  Quadrupède.  (/) 

Cochon  d'Inde  ,  cuniculusjîve porcellus 
IndtcuSyGeCn.  mus  feu  cuniculus  Americanusy 
&  Guincenjis porcelLipilis  (S»  voc^.  Au  Brefîl  on 
donne  à  cet  animal  le  nom  de  cavia  cabaya, 
Margr.  C'cft  un  quadrupède  plus  petit  que 
le  lapin  ^  fon  corps  eft  plus  court  &  plus  gros  : 
lès  oreilles  font  courtes  ,  minces  ,  tranlpa- 
rentes  ,  évafees  ,  arrondies ,  prefque  entière- 
ment dégarnies  de  poil ,  &  peu  différentes 
de  celles  des  rats  :  le  mufèau  &  la  barbe  ref 
femblent  à  ces  mêmes  parties  dans  le  lièvre  j 
la  lèvre  fùpérieure  eft  fendue  comme  celle  du 
lapm.  Le  cochon  d'Inde  n'a  point  de  queue  5 
fes  dents  font  femblables  à  celles  des  rats,  & 
fon  poil  peut  être  comparé  à  celui  du  cochon. 
Il  crie  comme  les  petits  cochons ,  c'eft  pour- 
quoi on  l'a  appelle  cochon  de  Guinée.  Sa  cou- 
leur varie  ;  on  en  voit  de  blancs  ,  de  roux 
&  de  noirs ,  &  la  plupart  font  en  partie 
blancs  ,  &  en  partie  roux  &  noirs.  Il  y  a 
quatre  doigts  aux  pies  de  devant ,  &  trois  à 
ceux  de  derrière  '^  le  doigt  du  milieu  eft  le 
plus  long.  Ces  animaux  frottent  leur  tête  avec 
les  pattes  de  devant ,  &  s'affeyent  fur  celles 
de  derrière  comme  les  lapins  5  mais  ils  ne 
creufent  pas  en  terre.  Les  femelles  portent 
jufqu'à  huit  petits  à  la  fois.  Les  cochons  d'Inde 
vivent  de  foin  &  de  toutes  fortes  déplantes  ; 

as 


C  0  c 

ils  font  bons  à  manger  ,  mais  non  pas  escel- 
lens.  Ray  ,  fynop.  anim.  quadr. 

Cet  animal  eft  naturalifé  dans  ce  pays-ci, 
&  mis  au  nombre  de  nos  animaux  domef- 
tiqMCS.  On  l'élevé  aifément,il  ne  craint  que 
le  grand  froid.  Voye^^  QuIiDRUPEDE.  (/) 

Cochon  chinois.  Cet  animal  eft  par- 
venu en  Europe  \  on  le  connoît  en  France. 
On  dit  qu'il  eft  plus  petit  que  notre  cochon  \ 
qu'il  a  le  dos  concave  &  pour  ainfi  dire  en- 
iellé  ,  &c.  On  l'engraifte  ,  &  il  palFe  pour 
très -bon  à  manger. 

CoCHON-MARON  ,  c'cft  le  nom  que  l'on 
donne  dans  les  îles  de  l'Amérique  aux  co- 
chons que  l'on  y  a  portés  des  autres  parties  du 
monde  ^  &  qui  y  font  devenus  fauvages.  On 
en  diftingue  de  trois  elpeces. 

Ceux  de  la  première  font  courts  \  ils  ont 
la  tête  grofle  ,  le  mufeau  peu  alongé  ,  &  les 
défenfos  fort  longues  :  les  jambes  de  devant 
font  plus  courtes  que  celles  de  derrière  pref- 
que  d'un  tiers  ,  ce  qui  les  fait  fouvent  cul- 
buter lorfqu'ils  courent  en  defcendant.  Ils  de- 
viennent féroces  &  très- dangereux  quand  ils 
font  blefles  par  les  chafleurs.  On  prétend 
qu'ils  ont  été  apportés  par  X^i  Efpagnoîsdans 
le  temps  de  la  découverte  de  l'Amérique  , 
&  qu'ils  ont  été  tirés  de  Cadix  ,  où  on  en 
voit  encore  qui  leur  reflemblent  beaucoup. 

Les  cockons-marons  de  la  féconde  efpece 
ne  différent  en  aucune  façon  de  nos  cochons 
domeftiques ,  &  il  paroît  qu'ils  fe  font  échap- 
pés des  parcs  où  on  les  nourriffoit  après  avoir 
été  tranfportés  aux  îles. 

Enfin  ceux  de  la  troifieme  efpéce  font 
appelles  cochons  de  Siam  ,  parce  qu'ils  ont 
été  apportés  aux  îles  par  des  vaifTeaux  fran- 
çois  qui  revenoient  de  Siam  &  de  la  Chine. 

(^) 

COCHON  d'eau.  V.  ci-devant.  CABIAI. 

Cochon  de  mer.  Foyeç  Marsouin. 

COCHONET  ,  f.  m.  (H//?,  mod.  Jeux.  ) 
efpece  de  dé  taillé  à  douze  faces  pentago- 
nales ,  chargées  chacune  d'un  chiffre  depuis 
I  jufqu'à  12.  On  joue  au  cochonet  comme 
aux  dés. 

On  donne  le  même  nom  à  une  balle  ou 
pierre  que  celui  qui  a  gagné  le  coup  précé- 
dent jette  à  difcrction  ,  &  à  laquelle  tous 
les  joueiu*s  dirigent  leurs  boules.  La  boule 
plus  voifîne  du  cochonet  gagne  le  coup.  • 

COCKERMOUTH ,  {Géog.  mod. )  vîlle 
Tome  rill. 


C  O  C  34^ 

JAngleteiTe  dans  la  province  de  Cumber- 
land.  Long.  13  ,  43  ;  /at.  44  ,  54. 

COCKIEN  ,  f.  m.  (  Comm.  )  monnoie  de 
cours  au  Japon  :  on  l'évalue  à  environ  huit 
francs  de  notre  monnoie  préfente. 

COCO  ,  f.  m.  (  Hiji.  nat.  )  le  coco  eft  le 
fruit  d'une  efpece  de  palmier  qui  s'élève  à 
trente  ou  quarante  pies  de  hauteur  :  fa  tige 
eft  droite  ^  elle  diminue  de  groffeur  à  mefiire 
qu'elle  s'éloigne  de  terre.  On  fait  des  incifions 
aux  tiges  des  jeunes  arbres  pour  en  tirer  un  "" 
fiic  vineux  qui  fèrt  de  boiffon  :  ce  fiic  donne 
par  la  diftillation  de  fort  bonne  eau-de-vie  : 
en  le  cuifànt  fur  le  feu  on  l'adoucit  j  &  au 
contraire  on  en  fait  du  vinaigre  lorfqu'on  le 
laiffe  expofé  au  foleil.  La  tige  eft  terminée  à 
fon  extrémité  par  des  feuilles  fort  longues  , 
&  larges  à  proportion  :  on  sqtx  fert  pour 
couvrir  les  maifons ,  pour  faire  des  voiles  de 
navire  ,  des  nattes,  (S'c.  Les  habitans  de  ces 
pays  écrivent  fur  ces  feuilles  comme  fur  du 
papier  ou  du  parchemin.  Les  fruits  naifl'ent 
au  fommet  de  la  tige  entre  Izs  feuilles  j  ils 
font  enveloppés  plufieurs  enfêmble  dans  une 
efpece  de  gaîne  dont  ils  fortent  en  groffif- 
fîuit  :  chacun  de  ces  fruits  eft  gros  comme  la 
tête  d'un  homme  j  il  eft  ovale  ,  quelquefois 
rond  :  trois  côtes  qui  fuivent  fa  longueur  lui 
donnent  une  figure  triangulaire.  Ce  fruit  eft 
compofé  de  deux  écorces  &  d'une  fubftance 
moelleufe  :  l'écorce  extérieure  eft  verte  ^  l'in- 
térieure eft  brune.  Lorfque  le  fruit  n'eft  pas 
encore  mûr  ,  on  en  tire  une  bonne  quantité 
d'eau  claire ,  odorante  ,  &  fort  agréable  au 
goût.  Il  y  a  des  cocos  qui  contiennent  jufqu'à 
trois  ou  quatre  livres  de  cette  eau.  Mais 
lorfque  le  fruit  a  pris  fon  accroiffement  ,  la 
moelle  que  renferment  les  écorces  prend  de 
la  confîfîance  ,  &  il  n'y  a  plus  qu'une  cavité 
dans  fon  milieu  qui  foit  remplie  d'eau  ,  & 
alors  l'eau ,  quoique  claire  ,  n'eft  pas  fî  douce 
qu'auparavant.  La  moelle  eft  blanchâtre ,  & 
bonne  à  manger  j  fon  goût  approche  de  celui 
de  la  ncifette  ou  de  l'amande  ;,  on  en  peut 
faire  un  lait  comme  on  en  fait  avec  les 
amandes:  fi  on  veut  la  conforver  long- temps, 
on  la  fait  fecher  au  foieil.  L'écorce  qui  en- 
veloppe cette  fubftance  eft  dure  &  ligneufe  5 
on  la  polit  &  on  la  travaille  pour  différens 
ufàges ,  elle  fèrt  de  mefure  des  liquides  à 
Siam  :  on  gradue  fa  capacité  avec  des  cauris , 
petites  écailles  qui  fervent  de  momioie  ;  il  y  a 

X  X 


34^  CGC 

(ks  cocos  de  mille  caiiris  ,  de  cinq  cents ,  C'c, 
L.a  CiicondQ  ,  qui  eft  l'extérieure  ,  eft  îiiiè , 
de  couleur  grife  ,  &  garnie  en  dedans  d'une 
forte  de  bourre  rougeâtre  dont  on  fait  des 
cables  &  des  corclages  :  elle  vaut  mieux  que 
les  étoupes  pour  calfeutrer  les  vaiiTcauXjparce 
qu'elle  ne  iè  pourrit  pas  fi  vite ,  &  parce 
qu'elle  iè  renfle  eu  s'imbibant  d'eau. 

*  COCON  ,  f.  m.  (  Econ.  ruft.  )  on  donne 
ce  nom  à  ce  tilfu  filamenteux  dans  lequel  le 
ver  à  foie  s'enveloppe  ,  &.  dont  on  obtient, 
^l\  le  dévidant  par  une  opération  qu'on 
appelle  le  tirage  ,  cette  fùbftance  animale 
sppellée  foie  ,  que  nous  employons  à  tant 
d'ouvraj^es  précieux..  Voy.  Soie  6'  VeR-a- 
SOIE.  On  diftingue  des  cocons  bons  ,  des 
mauvais  cocons  ;  des  cocons  fins  ,  des  dou- 
bles ,  des  fatinés  ou  veloutés  ,  des  ronds , 
des  pointus.  Foy.  Soie,  Tirage  de  soie. 

COCOS  (  Ile  des  ) ,  Géogr.  mod.  île 
de  l'Amérique  méridionale  dans  la  mer 
Pacifique.  Il  y  a  encore  une  île  de  ce  nom 
dans  la  mer  d'Afrique  près  de  l'île  de  Mada- 
gafcar  ,  &  une  troifieme  dans  la  mer  d'Afie 
près  de  l'île  de  Sumatra. 

COCQ ,  voyei  Coq. 

CO-CRÉANCIERS,  fi  m.  pi.  [Jurifp.) 
font  ceux  qui  font  conjointement  créanciers 
des  mêmes  perfonnes  ,  8>c  en  vertu  d'un 
même  titre.  Pour  que  chacun  d'eux  foit 
créancier  folidaire  de  la  totalité  de  la  dette  , 
il  faut  que  cela  foit  exprimé  dans  l'aôe  , 
autrement  la  dette  fè  divife  de  plein  droit  , 
entre  les  co-créanciers  ,  &  chacun  d'eux  n'en 
peut  exiger  que  fa  part.  Il  eft  parlé  des  co- 
çréanciers  &  des  co-débîteurs  dans  plufieurs 
textes  de  droit ,  où  les  premiers  font  appel- 
lés  correi  Jiipulandi ,  &  \ts  autres  correi  pro- 
mittendi.  Voyez  au  code  ,  liv,  IV ,  tit.  ij  , 
/.  ix ,  &  aux  inflitutes  ,  Uv.  III  ,  tit.  xvj,  de 
duobus  reis  jiipulandi  ù  promittendi.  {^A) 
■^  *  COCS  ou  COCAGNES,  fi  m.  (Com.) 
c'eft  le  nom  qu'on  donne  aux  petits  pains  de 
pâte  de  paftel  j  ils  font  du  poids  de  vingt- 
quatre  onces,  pour  pefer  étant  fecs  |  de 
livre  j  les  réglemens  ordonnent  qu'ils  ne 
foient  ni  plus  forts  ni  plus  foibles.  V,  a  tan. 
Pastel  ,  la  manière  de  faire  les  cocs  ou  co- 
cagnes ;  voye^aujjî  les  réglemens  gén.  &  partie, 
des  manufacl.page  190  &  fuiv.  tome  III. 

COCTIOjSf,  fi  f.  l'aaion  de  cuire^  ce 
terme  a  différentes  acceptions  :  on  dit  la 


CGC 

cocîion  des  humeurs,  celle  desalîmens,  ^&. 
Voye'^  les  articles  Juivans. 

CoCTION  ,  {Médecine.)  ce  terme  a  été 
tranfmis  de  la  théorie  des  anciens  médecins 
à  celle  des  modernes,  pour  fignifier  la  miême 
chofe  quant  à  l'eflSit  ,  mais  non  pas  ablblu- 
mient  quant  à  la»  caufè  :  c'eft-à-dire  pour 
exprimer  l'altération  utile  à  l'économie  ani- 
male qu'éprouvent  les  matières  ncurrilîantes 
&  \qs  humeurs  dans  les  difterentes  parties  du. 
corps  humain. 

Les  anciens  attribuèrent  cet  effet  à  ce  qu'ils 
appelloicnt  calidum  innatum ,  le  chaud  inné  , 
dontGaîien  établilfoit  le  principal  foyer  dans, 
le  cœur  j  ils  compofoient  le  chaud  inné  de, 
l'adf  ion  du  feu  unie  à  l'humide  radical ,  fans, 
en  connoître  mieux  la  nature.  Un  illuftre. 
parmi  ceux  qui  ont  écrit  fur  ce  fùjet ,  Mon- 
tanus  ,  avoue  ingénument  qu'après  s'être, 
cru  pendant  long-temps  un  grand  dodeur  ^. 
il  étoit  parvenu  à  un  âge  tr.ès-avancé  fans 
avoir  rien  entendu  à  ce  que  c'eft  que  la  cha- 
leur  innée  ^  elle  étoit  cependant  regardée 
comme  le  premier  mobile  de  l'a^lion  de  tous^ 
les  organes  ,  &  on  croyoit  par  cette  raifou; 
que  l'âdiivité  de,  fes  organes  doit  être  pro- 
portionnée à  la  chaleur  naturelle  de  l'animal , 
comme  un  efîèt  doit  être  proportionné  à  ia 
caufe  'j  en  un  mot  la  chaleur  étoit ,  félon  les 
anciens ,  le  principe  de  la  vie^,  Voye^  Ch  A- . 
LEUR  ANIMALE. 

C'efl  d'après  cette  idée  qu'ils  ont  donné  le, 
nom  de  coclion  ,  à  coquendo ^  à  toutes  les 
élaborations  opérées  dans  le  corps  humain  , 
foit  en  fanté  , .  foit  en  maladie ,  parce  qu'ils 
ne  reconnoiffoient  pas  d'autre  caufe  efficiente 
de.ces  élaboratÎQnsquel'aftiondufeu  ,  dont 
\es  parties  élémentaires  pénètrent  tous  le^ 
corps.  Ils  entendoient  par  coclion  en  géné- 
ral ,  tout  changement  produit  dans  une  fiibf^ 
tance  par  la  force  de  la  cjialeur ,  qui  rend; 
cette  fubftance  d'une  nature  plus  parfaite  : 
'ds  admettoient  trois  cfpeces  de  coclion  :  fà- 
voir  la  maturation ,  ïajfation ,  &  Yélixation  ; 
c'eft  à  cette  dernière  efpece  qu'ils  rappor- 
toient  toute  coclion  qui  fe  fait  naturellement 
dans  le  cprps  humain  ,  parccqu'il  ne  s'en 
opère  aucune  fans  le,  concours  du  chaud  &c 
de  l'humide. 

Ils  faifoient  confîfter  la  principale  coâiork 
animale  dans  l'afllmilation  des  fiics  alimen- 
taires ,  produite  par  chacune  des  parties  qui 


c  oc 

îesfcçoît^  en  forte  qu'ils  acquièrent  par  cette  ' 
■opération  toutes  les  qualités  nécelTaires  pour 
çntrer  dans  leur  compofition.  Ils  dillin- 
çuoient  la  coclion  de  la  nutrition,  en  ce  que 
par  celle-ci  les  fuçs  nourriciers  font  altérés 
&  unis  à  la  partie  ,  en  réparant  ou  en  aug- 
mentant fa  fubltance  ,  au  lieu  que  par  celle- 
là  ils  acquièrent  la  difpofition  nécelTaire  pour 
cet  ufage.  Ils  établilFoient  trois  fortes  de  con- 
crétion de  ce  genre  dans  l'économie  animale  ^ 
iàvoir  la  chylification ,  la  fanguification*,  &. 
l'élaboration  de  toutes  les  humeurs  nourri- 
cières &  récrémentitielles-,  &  comme  la  ma- 
tière de  ces  différentes  coclions  cil  toujours 
hétérogène  ,  ils  leur  attribuoient  un  double 
effet,  c'eft-à-dire  qu'ils  enfaifbient  dépendre 
flufli  la  féparation  des  parties  qui  ne  font  pas 
fufceptibles  d'être  converties  en  bons  fucs  ; 
ainfi  les  matières  fécales  font  les  excrémens 
de  la  première  coclion  .parce  qu'elles  font  le 
réfidu  grolîîer  des  alimens  qui  n'ont  pu  être 
convertis  en  chyle  ^  pendant  que  celui-ci  fe 
change  en  fàng  ,  il  s'en  fépare  aufîî  des  par- 
lies  hétérogènes  qui  forment  le  fiel  &  l'urine  ;, 
ce  font- là  les  excrétnens  de  la  féconde  coc- 
tion  :  &  ceux  de  la  troifîeme  ,  c'eft-à-dire 
de  celle  qui  perfectionne  les  humeurs  utiles 
que  fournit  le  fang  ,  en  les  faifant  palfer  par 
differens  degrés  d'élaboration  ,  font  princi- 
palement la  craffe  de  la  peau  &  la  matière 
de  la  tranfpiration  fenfible  &  infenfîble. 
Koyei  Chylification  ,  Sanguifica- 
TiON,  Sécrétion. 

Ces  différentes  coâions  ainfi  conçues  dans 
le  fens  des  anciens,telles  qu'ils  penfoient  qu'el- 
les s'opèrent  dans  l'état  de  fanté  ,  concourent 
toutes  à  la  confervation  de  la  vie  fàine ,  lorf- 
^u'elles  fe  font  convenablement  aux  loix  de 
l'économie  animale  ;  c'eft  à  l'effet  qui  en 
réfulte  qu'ils  ont  donné  le  nom  de  m'Trjii , 
pepfle ,  &  celui  de  et-Triretat. ,  apepfie  ,  crudité^ 
par  oppofition  à  ces  mêmes  coâions  ,  lorf- 
qu'elles  font  viciées  &  qu'elles  fe  font  d'une 
manière  contraire  à  l'état  naturel ,  en  forte 
qu'il  en  réfulte  un  effet  tout  différent  \  ils 
attribuoient  ces  défauts  de  coclion  principale- 
ment au  défaut  de  chaleur  innée  ,  qu'ils  re- 
gardoient ,  ainfi  qu'il  a  été  dit  ci-devant , 
comme  la  caufe  efficiente  de  toute  digeflion. 
C'eft  dans  cette  idée  qu'ils  appelloient 
<rud ,  en  fait  d'humeurs  alimentaires  &  au- 
tres 5  tout  ce  qui  n'a  pas  acquis  les  degrés  de 


C  o  c  347 

perfe<^ion  qu'il  doit  avoir  par  rapport  aux 
qualités  &  au  tempérament  propres  dans  l'é- 
tat de  fànté  ,  &  tout  ce  qui  n'eft  pas  lùfcep- 
tible  d'acquérir  cette  perfé^bion. 

Toute  matière  crue  contenue  dans  les 
différentes  parties  du  corps  humain ,  étoit 
traitée  par  les  anciens  comme  peccante,  parce 
qu'elle  étoit  regardée  comme  y  étant  étran- 
gère ,  &  comme  n'ayant  pas  acquis  la  dif- 
pofition  qui  la  doit  rendre  utile  à  Féconomi® 
animale  ^  c'eft  cette  matière  psccante  qu'ils 
voyoient  dans  toutes  les  m.aîadies  ,  dont  ils 
compofoient  l'humeur  morbifique,  à  laquelle 
ils  attribuoient  plus  ou  moins  les  défordres 
de  l'économie  animale  ,  félon  qu'elle  leur 
paroillbit  plus  ou  moins  abondante ,  plus  ou 
moins  nuilible  au  principe  vital. 

Et  comme  ils  s'appercevoientque  phifîeurs 
maladies  fe  déterminoient  d'une  manière 
falutaire  ,  fans  aucun  fecours  ,  par  de  co- 
pieufes  évacuations ,  ils  s'iinaginerent  que  le 
même  agent  qui  convertit  les  alimens  en 
bons  fucs  pour  la  confervation  de  l'animal  , 
pouvoit  bien  être  aufîî  l'auteur  des  opérations 
qui  changent  les  qualités  des  humeurs  vi- 
ciées ,  dont  l'effet  tend  à  fà  deftruâ:ion  \  en 
forte  que  ne  pouvant  pas  leur  en  donner 
d'afîéz  bonnes  pour  les  convertir  en  la  fubf^ 
tance  du  corps ,  ou  les  rendre"  propres  à 
d'autres  fins  utiles,  il  les  fëpare  des  humeurs 
de  bonne  qualité  ,  &  leur  donne  une  con- 
fîftance  qui  Xts  difpofe  à  être  évacuées  par 
l'adlion  de  la  vie  hors  des  parties  dont  elles 
empêchent  les  fondions.  Cette  opération  fut 
donc  aufîî  attribuée  à  la  chaleur  innée 
comme  une  forte  de  coclion  ,  qu'ils  regar- 
dèrent bientôt  comme  une  condition  effen- 
tielle  pour  détruire  la  caufe  des  maladies  \  ils 
en  tirèrent  le  fondement  de  la  méthode  de 
les  traiter  :  c'eft  à  cette  coclion  des  matières 
morbifîques  qu'ils  donnèrent  le  nom  de 
^r^'r!t<TllQi^pepafme^^o^lï\2^.  diftinguer  de  celle 
des  fucs  alimentaires  Scrécrémentitiels  qu'ils 
avoient  nommée  vti-jai-,  tpepfis. 

On  trouve  une  diftinÂion  très-jufte  de 
ces  deux  efpeces  de  coclion  dans  les  défini- 
tions de  médecine  de  Gorrée  :  il  dit  que  la 
coclion  proprement  dite,  c'eft-à-dire  ladi- 
geftion  dans  les  premières ,  les  fecondes  & 
les  troifîemes  voies ,  concerne  les  chofes  qui 
entrent  dans  le  corps  ,  &  la  coâion  des  ma» 
tieres  inorbiiîques  ,  celles  qui  en  fortent  où 

Xx  2 


548  C  O  C 

qui  font  préparées  pour  en  être  évacuées. 

Les  premiers  maîtres  de  l'art  ayant  fait 
l'importante  découverte  du  moyen  le  plus 
efficace  que  la  nature  met  eu  ufage  pour 
détruire  les  caufes  morbifîques ,  s'appliquè- 
rent foigneulèment  à  obferver  les  difFérens 
iignes  qui  annoncent  le  pepafme  ,  ou  fou  dé- 
faut qui  QÏil^.  crudité  ;  parce  qu'ils  jugeoient 
par  les  premiers ,  que  la  nature  dcvenoit 
fùpérieure  à  la  caufe  de  la  maladie  3  &  par 
les  féconds  au  contraire  ,  que  \qs  effets  de 
celle-ci  étoient  toujours  dominans.  Ils  ap- 
prirent à  chercher  ces  lignes  principalement 
dans  les  excrémens  ,  parce  qu'étant  le  r«- 
ûàu  des  différentes  codions ,  ibit  dans  l'état 
de  fanté  ,  Ibit  dans  celui  de  maladie  ,  on 
peut  inférer  des  qualités  de  ces  matières  la 
manière  plus  ou  moins  parfaite  dont  elles 
ont  été  féparécs. . Ainli  Hippocrate  [ap/ior, 
xij ,  fecl.  V.  )  avoit  particulièrement  indiqué 
les  urines  &  les  matières  fécales ,  comme 
pouvant  fournir  les  (ignés  les  plus  fûrs ,  com- 
muns aux  coclions  de  matière  morbinque  fai- 
tes dans  quelque  partie  du  corps  que  ce  fbit  j 
les  crachats ,  comme  propres  à  faire  con- 
iioître  particulièrement  l'état  des  poumons 
dans  les  maladies  de  la  poitrine  3  la:  mu- 
cofité  des  narines  ,  celui  de  leurs  cavités  af- 
fedtées  de  catarrhe ,  &c.  Galien  établit  auffi 
la  même  choie ,  lib.  Il ,  de  crijib  ,  cap,  vij  ; 
en  difant  que  dans  toutes  les  fièvres ,  attendu 
que  le  vice  qui  les  caufe  eft  principalement 
dans  le  fyftême  des  vaiffeaux  fanguins , 
on  doit  avoir  principalement  attention  aux 
urines  j  que  dans  les  maladies  qui  affeârent 
le  bas-ventre  ,  on  doit  avoir  égard  aux  ex- 
crémens des  premières  voies  ,  fans  négliger 
les  urines  ,  s'il  y  a  fièvre  3  &  que  de  mxême 
dans  les  maladies  de  poitrine  il  faut  exami- 
ner les  crachats  3  &  joindre  à  cela  toujours 
l'inipeâion  des  urines ,  fi  ces  maladies  font 
accompagnées  de  fièvre. 

Rien  ne  fignifie  plus  fûrement  une  heu- 
reufe  terminaifon  ,  que  de  voir  les  marques 
de  cociion  dans  les  excrémens  en  général  3 
c'eft  ce  qu'enfeigne  Hippocrate  in  epidem. 
lib.  I  ,fecl.  ij  ,  text.  45 ,  lorfqu'il  dit  que  tou- 
tes les  maturations  d'excrémens  font  toujours 
de  faifon  &  falutaires;  &  enfuite  il  ajoute 
que  les  promptes  codions  annoncent  toujours 
la  prompte  terminaifon  des  maladies ,  &fout 
ime  aifuraiice  de  guérifoii.  Galieu  a  confirmé 


C  O  C 

toutes  ces  obfervaJons  du  père  dé  la  mé- 
decine par  les  fiennes  :  il  dit ,  lib.  I.  de  cri- 
fib.  cap.  xviij  ,  que  lescoc7/'o/25nefont]amais 
de  mauvais  figues  j  &  il  témoigne  en  être 
fi  affuré  ,  qu'il  ne  craint  pas  de  donner  pour 
régule  infaillible  ,  /ib.  de  conflit,  art.  medic, 
qu'aucune  maladie  ne  fc  termine  d'une  ma- 
nière falutaire ,  fans  qu'il  ait  précédé  des 
lignes  de  cociion  ;  &  Profper  Alpin  ,  de  prœ~ 
fag.  l'itœ  &  mort.  cegr.  lib.  Fi,  cap.j ,  ajoute 
à  tout  ce  qui  vient  d'être  dit  en  leur  fa- 
veur ,  que  non-feulement  la  cociion  accom- 
pagnée de  bons  figues  eft  une  preuve  affw- 
rée  que  la  terminaifon  de  la  maladie  fera 
heureufè  ,  mais  même  lorfque  la  cociion  ne 
fe  trouve  jointe  qu'à  de  mauvais  fignes  3  car 
alors  les  infbmnies  ,  les  délires ,  les  verti- 
ges ,  les  anxiétés  ,  les  douleurs  ,  les  trem.- 
blemens ,  les  convulfions.,  la  difficulté  de 
refpirer  ,  &  autres  femblabks  fym-ptomes 
qui  font  tous  pernicieux  par  eux-mêmics  , 
font  prefque  toujours  les  indices  d'une  crife 
falutaire  qui  doit  fuivre. 

Toutes  fortes  d'évacuations  qui  arrivent 
après  la  cociion  ,  font  toujours  falutaires  3 
c'eft  l'effet  de  la  nature  qui  s'eft  rendue  fn- 
périeure  à  la  caufe  de  la  maladie  :  mais  la 
fureté  du  fuccès  qui  eft  annoncée  par  les 
fignes  de  la  coâion  ,  n'exclut  pas  cependant 
abfolument  toute  incertitude  3  il  faut  au 
moins  que  les  fignes  marquent  une  coâion 
bien  parfaite  &;  bien  complète  :  que  ces  fi- 
gnes perféverent  jufqu'au  moment  de  la 
crifè  ,  pepafmi  &  cruditatis  vicijfitudo  peffi- 
ma  5  dit  Duret ,  in  coacas  54  ,  cap.  xvj  ;  & 
qu'il  ne  fiirvienne  de  la  part  du  médecin  , 
ou  de  celle  du  malade  &  de  ceux  qui  le 
gouvernent ,  aucun  accident  qui  trouble  la 
coâion  &  qui  s'oppofe  à  la  crife. 

Les  grands  maîtres  qui  nous  ont  tranfînis 
leurs  importantes  obfèrvations  à  ce  fujet ,  ne 
s'en  font  pas  tenus  à  ce  qui  vient  d'être  rap- 
porté 5  ils  ont  cherché  tous  les  fignes  de  coc- 
tion  relatifs  aux  différentes  parties  du  corps , 
qu'il  feroit  trop  long  d'expofer  ici  3  ils  ont 
de  plusindiqué  le  temps  où  ils  parciffoient 
dans  les  différentes  maladies  :  ils  ont  trouvé 
qu'ils  ne  fe  montrent  jamais  au  commen- 
cement ,  parce  qu'alors  les  matières  morbi- 
fiques  font  abfolument  crues  3  ni  pendant 
leur  accroiffement ,  parce  qu'alors  les  coû- 
tions ne  peuvent  encore  être  qu'imparfaites j 


c  o  c 

^  eft  au  temps  où  la  maladie  cefTe  d'augmen- 
ter &  de  produire  de  nouveaux  iymptomes , 
que  l'on  doit  chercher  à  s'affurer  fî  la  coâion 
eft  faite  ou  non,  lorfque  la  chaleur  natu- 
relle a  pu  travailler  fuffifamment  pour  la 
préparer. 

Autant  il  y  a  à  compter  fur  les  fignes  de 
coâion  ,  comme  préfages  falutaires  ,  autant 
doit-on  craindre  lorfqu'iis  manquent  & 
qu'il  n'y  a  que  des  fignes  de  crudité ,  lors 
même  qu'ils  ibnt  joints  aux  meilleurs  fignes , 
ou  que  la  maladie  paroît  terminée  ^  parce 
qu'on  doit  s'attendre  à  ce  que  le  mal  ait  des 
fiiites  fâcheufes  ou  de  longue  durée  ,  s'il 
fubfille  encore ,  &  à  ce  qu'il  y  ait  rechute 
s'il  paroît  fini  :  c'eft  fur  ce  fondement  que 
Galien  a  dit ,  in  primo  aphorifmo  ,  qu'une 
maladie  dans  laquelle  il  fè  fait  quelque  crifb 
avec  des  fignes  de  crudité  fubfiftante ,  doit 
faire  craincbe  une  fin  funefi:e  ,  ou  au  moins 
un  long  cours  dans  la  maladie  ;  au  refte  les 
fignes  de  crudité  &  de  coclion  des  ditîcrens 
excrémens  font  rapportés  dans  chacun  des 
articles  qui  les  concernent ,  ainfi  voy.  Dé  JEC- 
TiON,  Urine,  Crachat,  Sueur  ,  &c. 

Après  s'être  aflliré  par  robfervation  des 
moyens  de  eonnoître  dans  les  maladies  la 
crudité  &  la  coclion  '■)  après  avoir  étudié  ce 
que  la  nature  fait  en  conféquence  de  l'une 
&  de  l'autre ,  les  changemens  utiles  qu'elle 
opère  ^  les  anciens  m.édecins  en  conclurent , 
que  pour  imiter  la  conduite  qu'elle  tient 
dans  le  cours  des  maladies  laiflées  à  elles- 
mêmes  ,  il  ne  falloit  jamais  entreprendre  de 
procurer  des  évacuations  dans  le  commen- 
cement des  maladies  ^  parce  qu'alors  la  ma- 
tière morbifique  étant  encore  crue ,  n'ayant 
pas  pu  être  encore  préparée ,  rendue  fufcep- 
tible  d'être  portée  par  l'adion  de  la  vie 
hors  des  parties  dont  elle  empêche  les  fonc- 
tions ,  réfifte  à  fon  expulfion  ,  pendant  que 
leurs  humeurs  faines ,  s'il  y  en  a ,  font  em- 
portées j  ou  elle  ne  cède ,  &  fouvent  même 
qu'en  partie,  aux  grands  efforts  qu'excite 
le  moyen  employé  pour  en  procurer  l'éva- 
cuation j  ce  qui  diminue  confidérablement 
les  forces  du  malade ,  &  le  jette  dans  l'a- 
battement :  d'où  il  fuit  très-fouvent  que  la 
nature  réduite  à  refi;er  prefque  fans  aâion  , 
ne  travaille  plus  à  féparer  le  pur  d'avec  l'im- 
pur ,  à  furmonter  le  mal ,  à  rétablir  l'ordre 
dans  l'éconoraie  animale  j  elle  fuccombe , 


C    O  C  349 

&  le  malade  périt.  Ce  font  ces  confidéra- 
tions  qui  avoient  engagé  le  père  de  la  mé- 
decine dogmatique ,  le  confident  de  la  na- 
ture ,  le  grand  Hippocrate  ,  à  établir  com- 
me une  règle  fondamentale  de  pratique  ,  la 
précaution  de  ne  pas  placer  au  commence- 
ment des  maladies  des  remèdes  évacuans , 
&  par  conféquent  de  ne  pas  les  employer 
pour  enlever  du  corps  des  matières  crues  , 
mais  feulement  celles  qui  font  préparées , 
digérées  par  la  cocfion  :  c'efl  ce  que  déclare 
expr-eflément  ce  légiflateur  de  la  m.édecine , 
dans  ,fon  aphorifme  22^.  feclionj  ,  lorfqu'il 
dit  :  concoâa  medicamentis  aggredi  oportet  , 
&  movzre  non  cruda  neque  inprincipiis.  L'ex- 
périence confiante  prouva  tellement  dans  la 
fiiite  la  juftice  de  cette  loi ,  que  félon  Arif- 
tote  (  lib.  lu ,  poL  c.  xj.  ) ,  il  n'étoit  pas  per- 
«nis  aux  médecins  d'Eg}'pte  de  produire  au- 
cun changement  dans  les  maladies ,  par  le 
moyen  des  remèdes ,  avant  le  quatrième 
jour  de  leur  durée  j  &  s'ils  anticipoient  ce 
temps  ,  ils  étoient  comptables ,  fur  leur  vie  , 
de  l'événement.  Galien  regardoit  comme  un 
oracle  la  fentence  qui  vient  d'être  citée  , 
tant  il  étoit  convaincu  qu'il  eft  nécelîàirc 
dans  la  pratique  de  la  médecine ,  de  fe  con- 
former à  ce  qu'elle  prefcrit.  Il  efl  cependant 
un  cas  excepté  par  Hippocrate  lui-même  à 
qui  rien  n'a  échappé  ,  &  qui  a  tant  prévu 
.  en  ce  genre  ^  c'eft  celui  auquel  la  matière 
morbifique  efl  fi  abondante  dès  le  comimen- 
cement  des  maladies  ,  qu'elle  excite  la  na^ 
ture  à  en  favori  fer  l'évacuation  :  c'eft  en  ef- 
fet par  cette  confidération  que  le  divin  au- 
teur de  l'aphorifine  qui  vient  d'être  rappor- 
té ,  le  termine  en  difant  à  l'égard  des  cru- 
dités ,'  qu'elles  ne  doivent  pas  être  évacuées  : 
fi  non  turgeant ,  raro  autcm  turgent.  Ainfi  il 
établit ,  que  le  cas  eft  rare  \  mais  qu'il  ar- 
rive cependant  que  le  médecin  doit  être 
plus  porté  à  fùivre  l'indication  qui  fe  pré- 
fente ,  de  procurer  l'é^'acuation  de  la  ma- 
tière morbifique  ,  lorfque  la  maladie  com.- 
mence  avec  des  fignes  qui  annoncent  la  fura- 
bondance  de  cette  matière ,  qu'à  attendre 
que  la  coclion  en  foit  faite  j  parce  qu'il  y  a 
lieu  de  craindre  qu'en  la  laifTant  dans  le 
corps  ,  les  forces  de  la  nature  ne  fuffifent 
pas  pour  la  préparer  ,  &  qu'il  ne  s'en  faflë 
un  dépôt  fur  quelque  partie  importante  :  ce 
qui  ièroit  im  plus  mauvais  eiïet  que  celiâ 


350  C  O  C 

qui  réfulterolt  d'en  procurer  révacuatlon 
avant  la  coclion  j  vu  que  dans  cette  luppo- 
fltion ,  la  matière  morbifique  a   par  elle- 
même  de  la  difpoiitionàétre  portée  hors  des 
parties  qu'elle  atiedle  ,  qui  elt  tout  ce  que 
la  coâion  pourroit  lui  donner.  C'eft  en  pe- 
lant les  railbns  pour  &:  contre  ,  &  en  le  dé- 
cidant toujours  pour  le  plus  grand  bien  ou 
le  moindre  détriment  du  malade ,  que  l'on 
prend  le  bon  parti  dans  cette  conjoncture  : 
c'eft  ce  qu'inlinue  auHi  Hippocrate  dans  le 
iecond    aphorifme  ,  après   celui    ci-deffus 
mentionné  '-,  il  s'exprime  ainfi  (  aphor.  fxev  , 
feû.  I  ) ,  in  acutis  aff'cclionibus  raro  ,  «S*   in 
principiis    uti    medicamcntis  oportet ,   atque 
hoc  facere  diligenti  prias  œftimatione  fhclâ. 
Il  fuit  de  tout  ce  qui  vient  d'être  dit  de 
Li  théorie  des  anciens  fur  la  coâion  ,  confi- 
dérée  dans  l'état  de  faute  &;  dans  celui  de 
maladie  ,  que  l'expofition  de  ce  qu'ils  onc 
.,  penfé  à  ce  fujct  eft  prefque  tout  ce  qu'on 
peut  en  dire   de  mieux,  ou  au  moins.de 
plus  utile ,  attendu  que  leur  doâ:rine  eft  prin- 
cipalement fondée  fur   l'obfervation  de  ce 
qui  s'opère  dans  l'économie  animale  ^  elle 
n'a  par  conféquent  pas  pu  être  renverfée  &: 
oubliée ,  comme  tant  d'autres  opinions  ,  qui 
n'étant  que  la  production  de  l'imagination , 
ont  été  fuccelîivement  détruites  les  unes  par 
les  autres ,  tandis  que  celle-ci  s'eft  confer- 
vée  dans  fon   entier,   pour  ce  qui  eft  des, 
principes   établis   d'après  les  faits  ,  &  des 
conféquences  qui  peuvent  en  être  tirées.  En 
effet  ,  elle  n'a  éprouvé  d  e  changemens  que 
par  rapport    à  l'explication  de  l'opération 
dont  il  s'agit  ;,  ce  qui  n'a  même  eu  lieu  que 
dans  le  /îecle  dernier. 

Car  depuis  Hippocrate  &  Galien  jufqu'à 
ce  temps-là,  tous  les  médecins  (en  adoptant 
les  fentimens  de  ces  grands  maîtres  qui  s'é- 
toient  bornés  à  indiquer  la  chaleur  natu- 
relle comme  caufe  immédiate  de  tous  les 
changemens  qui  iè  font  dans  les  humeurs 
animales ,  tant  faines  que  morbifiques  )  at- 
tribuoient  la  digeftion  des  alimens  dans  le 
ventricule ,  à  une  coâion  faite  dans  ce  vif 
cere ,  femblable  à  celle  qui  fe  fait  dans  les 
cuifines.  Ils  comparoient  l'eftomac  à  une 
marmite  '-,  ils  fe  le  repréfentoient  comme 
expofé  à  l'aftion  du  feu  fourni  &  entretenu 
par  le  cœur ,  le  foie ,  la  rate ,  &  autres  par- 
ties voiiines  j  ils  penfoient  que  les  matières 


c  0  c 

renfermées  dans  ce  principal  organe  de  la 
di^eftiou  des  alimens,  étant  comme  détrem- 
pées ,  macérées  par  les  fluides  qui  s'y  répan- 
dent ,  deveuoient  fufceptibles  d'une  vérita- 
ble élixation  par  l'effet  de  la  chaleur ,  ce  qui 
fembioit  leur  être  prouvé  par  les  vents  qui 
s'élèvent  de  Feliomac  pendant  la  digeftion  \ 
ils  les  comparoient  aux  bulles  qui  fe  for- 
ment fur  la  fiirtace  d'un  fluide  qui  bout  :  en- 
ibrte  qu'ils  n'admettoient  d'autre  agent  que 
le  feu  ,  pour  la  préparation  des  matières 
alibiles  qui  fë  fait  dans  ce  vifcere  ^  celle  qui 
eft  continuée  dans  les  mitres  parties  des 
premières  voies ,  étoit  auffi  attribuée  à  fac- 
tion continuée  de  cette  caufe,  qu'ils  ren- 
doient  commune  à  toutes  les  autres  élabo- 
rations  d'humeurs-  dans  le  fyftême  des  vail^ 
féaux  fanguins  ,  &:  de  tous  les  autres  vaif- 
ièaux  du  corps. 

Pierre  Caftellus ,  profeffeur  de  l'école  de 
MefTine,  commença  à  réfuter  cette  opinion , 
dans  une  lettre  écrite  à  Severinus  ;,  il  lui  di- 
foit  autr'autres  chofes  à  ce  fujet ,  que  fi  la 
chaleur  feule  fufîifoit  pour  la  confedion  du 
chyle  ,  on  devroit  auffi  pouvoir  en  faire 
dans  une  marmite  :  mais  comme  on  ne  le 
peut  pas  ,  ajoute-t-il,  il  faut  donc  avoir  re- 
cours à  la  fermentation  pour  cette  opération  , 
&c.  Bientôt  après  Vanhelmont  attaqua  avec 
bien  plus  de  force  le  fentiment  de  la  coâion 
des  alimens  opérée  par  la  feule  chaleur,  dans 
une  differtation  intitulée ,  caior  effica citer  non 
digerit ,  fed  excitative.  Son  principal  argu- 
ment étoit ,  que  les  poifîbns  ne  laiflènt  pas 
de  digérer  les  alimens  qui  leur  font  propres, 
quoique  le  fang  des  plus  voraces  même  d'en- 
tre ces  animaux  ,  ne  foit  guère  plus  chaud 
que  l'eau  dans  laquelle  ils  vivent  :  o«  trou- 
ve même  établi ,  que  le  fang  des  tortues  eft 
plus  froid  que  feau.  (  Stubas ,  journ.  in 
Tranf.  phil.  xxvij.  )  Vanhelmont  objeâoit 
d'ailleurs ,  que  fi  la  chaleur  feule  pouvoit 
opérer  la  coâion  des  alimens,  la  fièvre  de- 
vroit la  faciliter  ultérieurement,  bien  loin  de 
la  troubler  &  de  caufer  du  dégoût ,  comme 
il  arrive  qu'elle  le  fait  ordinairement.  Il  op- 
pofbit  au  fyftême  des  anciens  bien  d'autres 
chofès  de  cette  nature  j  &  il  ne  négligeoit 
rien  pour  détruire,  leur  erreur ,  mais  pour 
tomber  dans  une  autre  ,  qui  confiftoit  à  éta- 
blir que  la  digeftion  des  alimens  ne  peut  fe 
faire  que  par  l'efficacité  d'un  ferment  acide 


C  Ô  c 

^écifiqiie.  Gallen  fenibloit  bien  avoir  COtt' 
jedturé  que  l'acide  pou  voit  contribuer  à  la 
digeftion.  De  ufu  part.  lib.  IV ,  cap,  viij  ; 
Riolan  paroît  aufli  avoir  eu  la  même  idée. 
Antropograph.  lib.  II,  cap. x.M'd'is  ni  l'un  ni 
l'autre  n'avoient  imaginé  que  l'acide  pût  agir 
comme  dilïblvant ,  mais  feulement  en  irri- 
tant les  fibres  des  organes  de  la  digeftion. 
Le  fermejit  acide  fit  bientôt  fortune  ,  il  fut 
adopté  par  Sylvius  Deleboé  ,  6>c  par  toute , 
la  Ceâ.e  chymique  cartéfienne  ;  mais  fou 
règne  n'a  pas  été  bien  long ,  l'expérience  a 
bientôt  détruit  le  fruit  de  l'imagination  ;  il 
n'a  pas  été  pofijble  de  prouver  la  fermenta- 
tion dans  l'eftomac ,  on  n'y  a  jamais  trouvé 
de  véritable  acide  j  au  contraire ,  Mufgrave 
(  Tranf.  phil.  )  y  a  démontré  des  matières 
^Ikalefcentes  \  Peger  a  prouvé  qu'on  trouve 
c.onilaminent  des  matières  pburries  dans  l'el^ 
tomac  des  bœufs  ,  à  llome  \  c'eft  ce  qui  eft 
caufe  que  l'on  n'y  mange  pas  de  la  viande 
de  ces  animaux.  Les  perfonnes  qui  ont  des 
rapports  aigres  y  ont  moins  d'appétit  ;,  les 
acides  ne  contribuent  que  rarement  à  le  ré- 
tablir. On  n'a  jamais  trouvé  d'acides  dans  le 
fang  ^  d'ailleurs  ,  en  fuppofànt  même  que  le 
prétendu  acide  puilTe  exciter  quelque  fer- 
mentation dans  les  premières  voies,  l'hu- 
meur toujours  renouvellée  qui  fè  méleroit 
avec  \q%  matières  fermentantes,  en  arrête- 
r.oit  bientôt  le  mouvement  inteftin  ,  &  fur- 
tout  la  bile  qui  eft  la  plus  contraire  à  toute 
forte  de  fermentation  Ces  faits  font  plus  que 
fuffifans  pour  en  détruire  toute  idée  ,  tant 
pour  les  premières  que  pour  les  fécondes 
voies.  V.  Digestion  ,  Chylification  , 
Sanguification. 

Il  a  fallu  rendre  à  la  chaleur  naturelle  la 
part  qu'on  lui  avoit  prefque  ôtée,  pour  la 
préparation  du  chyle  &  des  autres  humeurs^ 
mais  non  pas  en  entier.  La  machine  de 
Papin  démontre  l'efficacité  de  la .  chaleur 
dans  lui  vafe  fermé  ,  pour  diffou.dçe  les  corps 
les  plus  durs  qui  puilfent  fèrvir  à  la  nourri- 
ture :  un  œuf  fe  réfout  en  une  elpece  de  fiibf 
tance  muqueule  fans  confiftance ,  inputrila- 
ginem,  par  une.  chaleur  de  92  ou  93  degrés 
du  thermomètre  de  Farenheit^  la  chaleurde 
notre  eftomac  eft  à-peu-près  au  même  degré. 
Mais  la  chaleur  naturelle  ne  peut  pas  feule 
fiiffire  à  l'ouvrage  de  la  chylification  &  de 
l^élaboiatipu  des  humeurs ,  comme  .le  peu- 


CGC  3^1 

foîent  les  anciens ,  puifqu'il  ne  s'opère  pas 
de  la  mêm.e  manière  dans  tous  les  animaux, 
qui  ont  cependant  à-peu-près  la  même  cha- 
leur. Les  excrémens  d'un  chien ,  d'un  chat  , 
qui  fe  nourrifîént  des  mêmes  alimens  que 
l'homme  ,  font  bien  différens  de  ceux  qui  ré- 
fultent  de  la  nourriture  de  celui-ci.  Il  en  eft  de 
même  du  fang  &  des  autres  humeurs  ,  qui 
ont  aufli  des  qualités  particulières  dans  cha- 
que eipece  d'animal ,  qui  n'a  cependant  riea 
de  particulier  par  rapport  à  la  chaleur  natu- 
relle :  elle  doit  donc  êtje  reconnue  en  géné- 
ral ,  comme  une  des  puifTances  auxiliaires  ,. 
qui  fert  à  la  digeftion  &  à  l'élaboration  des 
humeurs  communes  à  la  plupart  Aqs  animaux  j 
mais  elle  ne  joue  le  rôle  principal  ,  encore- 
moins  unique ,  dans  aucun. 

Le  défaut  dominant  dans  tous  les  f5-'ftêmes 
furcefujet,  depuis  les  premiers  médecins  juf^ 
qu'à  ceux  de  ce  fiecle ,  eft  que  l'en  a  toujours 
cherché  dans  lai  fluides  les  agens  principaux 
différemment  combinés  ,  pour  convertir  les 
alimens  eu  chyle,  celui-ci  en  fang  j  pour 
rendre  le  fang  travaillé  au  point  de  fournir 
toutes  les  autres  humeurs ,  &.  pour  féparer  de 
tous  les  bons  fiics  les  parties  excrémenteufes^ 
qui  s'y  trouvent  mêlées* 

On  a  enfin  de  nos  jours  ôté  aux  fluides 
le  pouvoir  exclufif  qui  leur  avoit  été  attribué 
pendant  environ  deux  malle  ans ,  de  tout 
opérer  dans  l'économJe  animale;,  après  l'avoir 
cédé,  pour  peu  de  temps  à  des  piiifîànces 
étrangères,  à  des  légions  de,  vers  ,  on  eft 
enfin  parvenu  à  faire  jouer  un  rôle  aux  foli- 
des  i  &  comme  il  eft  rare  qu'on  ne  foit  pas 
extrême  en  faveur  des  nouveautés  ,  on  a 
d'abord  voulu  venger  les  parties  organiiees  de 
ce  qu'elles-avoient  été  fi  long-temps  laifTées 
dans  l'inadHon  y  à  l'égard  des  changemens 
qui  fe  font  dans  \qs  différens  fuCs  alibiles  & 
autres.  On  a  été  porté  à  croire  qu'elles  feules 
par  leur  a<^ion  méchanique  ,  y  produifôient 
toutes  les  altérations  néceffaires  :  on  a  teut 
attribué- à  la  trituration  :  mais  on  a  enfiiite 
bientôt  fenti  qu'il  y  avoit  eu  jufque-là  de  l'ex- 
cès à  faire  dépendre  toute  l'économie  animale 
des  facultés  d'une  feule  efpece  de  parties  :  on 
a  attribué  à  chacune  le  droit  que  la  nature  lui 
donne,,.  &  que. les  connoifEuices  phyfiques 
&  anatomiques  lui  ont  juftement  adjugé. 
La  dod^rine  du  célèbre  Boerhaave  fur  les 
eâçts  de  l'adUon  des  vaiiTeaux  6c  fur-tout 


351  COC 

des  artères  (  dit  M.  Quefiiay  dans  Con  nou- 
veau traite  des  fièvres  continues  ,  )  nous  a 
enfin  afllirés  que  cette  adlion ,  comme  quel- 
ques médecins  l'avoient  déjà  auguré  ,  eft  la 
véritable  caufe  de  notre  cKaleur  naturelle. 
Cette  importante  découverte  ,  en  nous  éle- 
vant au-delRis  des  anciens ,  nous  a  rappro- 
chés de  leur  doâ:rine  ;,  elle  a  répandu  un 
plus  grand  jour  fur  le  méchanifme  du  corps 
humain  &  àcs  maladies  ,  que  n'avoit  fait  la 
découverte  de  la  circulation -du  fang.  Nous 
favons  en  effet  que  c'eft  de  cette  aâiion  que 
dépendent  le  cours  des  humeurs  &:  tous  les 
différens  degrés  de  l'élaboration  dont  elles 
font  fufceptibles  :  mais  on  ne  peut  difcon- 
venir  qu'elle  ne  foit  infuffifantepour  produire 
\qs  changemcns  qui  arrivent  à  leurs  parties 
intégrantes  ;,  l'action  de  la  chaleur  peut  feule 
pénétrer  jufqu'à  elles ,  &  y  caufer  une  forte 
de  mouvement  inteftin  ,  qui  les  développe 
&  les  met  en  difpoiition  d'être  auiîi  expofées 
à  l'aftion  des  folides  qui  en  fait  enfuite  des 
combinaifons ,  d'où  réfulte  la  perfeâ:ion  6t 
rimperfe£èion  de  toutes  les  humeurs  du  corps 
animal.  , 

Cependant  cette  coopération  de  la  cha- 
leur naturelle  dans  la  digeftion  des  alimens 
&  l'élaboration  des  humeurs ,  ne  conftitue 
pas  une  vraie  coclion  ,  &  ce  nom  convient 
encore  moins  au  réfultat  de  plufieurs  efpeces 
d'a<5lions  différentes  de  la  coclion  qui  conjoin- 
te-nent  avec  elle  opèrent  toutes  les  opérations 
néceflaires  à  l'économie  animale.  Néanmoins 
comme  il  eft  employé  en  médecine  fans  être 
reftreint  à  fon  véritable  fens ,  &  qu'on  lui  en 
donne  un  plus  étendu  qui  renferme  l'adion 
àç.s  vaiifeaux  &  de  la  chaleur  naturelle  qui 
en  dépend,  il  eft  bon  de  retenir  ce  nom ,  ne 
fût-ce  que  pour  éviter  de  fe  livrer  à  une  in- 
conftance  ridicule ,  en  changeant  le  langage 
confacré  de  tout  temps  à  déiîgner  des  con- 
noiffances  anciennes,  que  nous  devons  expri- 
mer d'une  manière  à  faire  comprendre  que 
nous  parlons  des  mêmes  chofes  que  les  an- 
ciens ,  &  que  nous  en  avons  au  fond  preique 
la  même  idée.  Car  quoique  leur  doctrine  ftir 
les  codions  (  dit  le  célèbre  auteur  du  nouveau 
traité  des  fièvres  continues  ,  déjà  cité  )  fbit 
établie  fur  une  phyfîque  obfcure  ,  la  vérité 
y  domine  cependant  affez  pour  fe  concilier 
convenablement  avec  l'obfervation ,  &  pour 
qu'on  puiife  en  tirer  des  règles  &  desprécep- 


c  o  c 

tes  bien  fondés ,  acceflibles  aux  fens ,  telles 
que  font  les  qualités  fenlibles  &  générales 
qui  agilfent  fur  les  corps  :  ainfi  elle  fera  tou- 
jours la  vraie  fcience  ,  qui  renferme  prefque 
toutes  les  connoiifances  pratiques  que  l'on  a 
pu  acquérir  dans  l'exercice  de  la  médecine  , 
&  qui  mérite  lèule  d'être  étudiée  ,  appro- 
fondie &  perfeftionnée. 

Il  paroît  convenable  de  ne  pas  finir  cet 
article ,  fans  placer  ici  les  réflexions  fuivantes 
fur  le  même  fujet  ^  elles  doivent  être  d'au- 
tant mieux  accueillies ,  qu'elles  font  extrai- 
tes des  commentaires  fur  les  inftitutions  & 
les  aphorifmes  du  célèbre  Boerhaave. 

Hippocrateaconfidéré,  &  nous  n'en  fai- 
fons  pas  plus  que  lui ,  que  l'on  ne  peut  rien 
favoir  de  ce  c/ui  iè  palfe  dans  le  corps  d'un 
homme  vivant .  foit  qu'il  foit  en  fanté  ,  foit 
qu'il  foit  malaae ,  &  que  l'on  ne  peut  con- 
noître  les  changemens  qui  paroiflént ,  dans 
les  maladies ,  diftërens  àQs  phénomènes  qui 
accompagnent  la  fanté  ;  ces  changemens 
font  les  effets  de  l'aftion  de  la  vie  qui  fubfifte 
encore;,  &la  cauië  occafionelle  de  ces  effets 
qui  caraélérifënt  la  maladie,  eft  un  principe 
caché  dans  les  corps ,  que  nous  appelions  la 
matière  de  la  maladie;  tant  que  cette  matière 
retient  le  volume  ,  la  figure ,  la  cohéfion ,  la 
mobilité ,  l'inertie ,  qui  la  rendent  fufoeptible 
de  produire  la  maladie  &  de  l'augmenter  , 
elle  eft  dite  crue  ;  &  tant  que  les  changemens 
produits  par  la  caufe  de  la  maladie  fobfiftent , 
cet  état  eft  appelle  celui  de  la  crudité. 

Ainfi  il  fuit  de-là  que  la  crudité  eft  d'au- 
tant plus  confidérable  dans  la  maladie  ,  que 
les  qualités  de  la  maladie  font  plus  différen- 
tes de  celles  de  la  fanté.  La  crudité  ne  fignifie 
pas  une  nature  finguliere  d'afîed^ion  morbi- 
fique  ^  bien  loin  de-là  ,  il  peut  y  avoir  une 
infinité  d'efpeces  de  crudités ,  telles  que  les 
fluides  acres ,  épais,  aqueux ,  &c.  ou ,  comme 
ditHippocrate ,  le  trop  doux,  le  trop  amicr  , 
le  trop  falé  ,  le  trop  acide.  On  ne  peut  dé- 
terminer la  nature  de  la  crudité  ,  qu'en  ce 
qu'elle  eft  propre  à  engendrer  la  maladie. 
Le  fang  de  la  meilleure  qualité  nuit  dans  la 
pléthore;,  fon  abondance  lui  donne  un  carac- 
tère de  crudité  :  il  peut  aufli  produire  de 
mauvais  effets  dans  le  corps  d'un  homme 
foible  ,  fi  on  l'injeûe  dans  fes  vaifl'eaux  , 
quoique  feulement  en  quantité  convenable. 
Àiiift  on  ne  doit  pas  feulement  entendre  par 

matière 


c  o  c 

matîert  cuite  ,  Celle  qui  fe  mûrît  par  l'aéllon 
^.e  la  vie  ,  mais  celle  qui  doit  être  regardée 
comine  telle  ,  refpedHvement  à  la  fond:ion 
qui  étoit  viciée ,  lorfque.  cette  fondtion  fè 
rétablit  dans  l'état  naturel.  Hippocrate  îî'a 
vraifemblablement  entendu  autre  chofe  fur 
fe  nature  de  la  cocHon^  fi  ce  n'eft  que  ce  qui 
cft  crud  dans  le  corps  humain  paiFe  à  l'état 
de  maturation ,  lorfqu'il  ceffe  d'avoir  les  qua- 
lités nuifibles  qui  le  faifoient  appeller  crud , 
&  qui  conftituoient  la  inaladie. 

Par  conséquent  la  concoéèion  n'eft  autre 
\.  ^  chofe  que  l'aflltriilation  ,  le  changement  des 
matières  crues ,  &  dont  les  qualités  ne  con- 
viennent pas  à  la  fanté ,  en  matières  fufcep- 
tibles  d'être  converties  en  la  propre  fubftance 
(du  corps ,  fi  elles  ne  font  pas  d'une  nature 
qui  répugne  à  cet  ufage  ,  ou  d'être  rendues 
moins  nuifibles  &  difpofées  à  être  évacuées. 
La  première  de  ces  opérations  de  la  nature 
peut  être  rapportée  à  celle  que  les  anciens 
ont  appellée  pepjis ,  qui  eft  la  plus  parfaite  ^ 
telle  eft  la  réfolution  dans  les  inflammations  : 
la  féconde  eft  celle  qu'ils  ont  nommée  pepaf- 
mus ,  qui  a  lieu  dans  toutes  les  maladies  où 
il  fe  fait  des  évacuations  de  matière  morbi- 
fîque  par  la  feule  adion  de  la  rie  j  la  fup- 
fîuration  dans  les  maladies  inflammatoires 
eft  de  ce  genre. 

On  peut  rendre  la  chofe  plus  fènfible  par 
des  exemples  plus  détaillés  :  celui  d'une  coc- 
tion  de  la  première  efpece  ,  de  laquelle  on 
vient  de  donner  une  idée  ,  eft  marqué  par 
ce  qui  fe  paflb  dans  les  perfonnes  qui  ont 
une  efpece  d'accès  de  fièvre  ,  caufé  par  une 
trop  grande  quantité  de  chyle  mêlé  avec  le* 
îàw^  ^  cette  agitation  fébrile ,  fupérieure  à 
l'action  ordinaire  des  vaiifeaux ,  procure  à  ce 
chyle  une  élaboration  ultérieure  ,  que  cette 
aâion  n'auroit  pas  pu  lui  donner  ^  il  fe  fait 
par-là  une  aflîmilation  des  parties  crues  de 
ces  fiics  encore  étrangers ,  ils  fè  convertiflént 
en  bonnes  humeurs  ,  d'oîi  peuvent  être  for- 
més le  ikng  &  les  autres  liqueurs  animales  : 
ce  changement  étant  opéré  ,  la  fièvre  ceiTe 
fans  aucune  évacuation  fènfible  de  la  matière 
qui  avoit  caufé  la  fièvre.  Mais  un  tel  effet 
ne  peut  être  produit  que  dans  le  cas  oîi  la 
matière  crue  ne  diffère  guère  des  matières, 
fufceptibles  d'être  converties  en  bons  fucs  , 
ou  des  humeurs  iàines  ^  &  lorique  les  efforts 
extraordinaires  que  la  natisre  doit  fgire  pour 
Tomt  yjlh 


produire  ce  changement  ne  font  pas  bien 
confidérables  ,  ou  durent  fi  peu  qu'il  n'eu 
puilfe  pas  réfulter  une  altération  pernicieufe 
dans  les  humeurs  faines  j  laquelle  ayant  lieu, 
rendroit  néceffaire  une  évacuation  fènfible 
de  celles  qui  {croient  viciées. 

C'eft  ce  qui  arrive  dans  tous  les  cas  oii  fo 
fait  la  c^ion  de  la  féconde  efpece  ,  qui  eft 
auffi  toujours  l'effet  de  la  fièvre,  c'eft- à-dire 
de  l'adèion  de  la  vie  plus  forte  que  dans  l'état 
de  fanté  \  dans  cette  dernière  coâion  les  fui- 
tes ne  font  pas  aufîî  falutaires  que  dans  la 
précédente  ^  le  changement  en  quoi  elle  con- 
iîfte  eft  borné  à  donner  à  la  caufè  matérielle 
de  la  maladie  des  qualités  moins  nuifibles  à 
l'économie  animale  ,  en  détruifànt  celles  qui 
lui  étoient  plus  contraires  ^  mais  il  ne  rend 
jamais  cette  matière  alfez  différente  d'elle- 
même  pour  qu'elle  puifTe  devenir  utile  :  toute 
la  perfcdion  dont  elle  eft  fufceptible  ne  fait 
que  la  rendre  difpofëe  à  être  évacuée  hors 
de  la  cavité  des  vaiffeaux  de  la  partie  dont 
elle  trouble  les  fondions. 

C'eft  ainfi  ,  par  exemple  ,  que  dans  les 
maladies  inflammatoires  de  la  poitrine ,  les 
molécules  des  fluides  qui  engorgent  les  extré- 
mités àQS  vaiffeaux  artériels  des  poumons  , 
éprouvent  un  tel  changement  par  l'aétion  de 
la  fièvre ,  qu'elles  font  feparées  de  la  mafl!e 
des  humeurs  faines  avec  la  portion  des  foli- 
des ,  qui  les  contient  par  l'effort  de  la  colonne 
des  liquides  qui  eft  pouffée  contre  la  matière 
engorgée ,  &  par  la  force  de  prefïïon  col- 
latérale des  vaiffeaux  voifins  j  il  fe  forme 
de  ce  mélange  de  fluides  &  de  parties  con- 
fiftantes  broyées  ,  corrompues  par  l'effet  de 
toutes  ces  puiflhnces  combinées ,  une  matière 
qui  ne  tient  plus  rien  de  celle  dont  elle  eft 
compofée  ^  qui  eft  blanche  ,  homogène  , 
ondtueufe  ,  qui  venant  à  fè  répandre  dans 
les  cellules  pulmonaires  &  à  fè  mêler  avec 
la  matière  des  crachats ,  eft  évacuée  avec 
elle  par  l'expedoratiou  ,  qui  eft  fi  fouvcnt 
le  moyen  par  lequel  la  nature  termine  heu- 
reufèmeut  les  maladies  de  la  partie  dont  i|, 
s'agit. 

Il  réfulte  de  tout  ce  qui  vient  d'être  dit  ,' 
que  c'eft  toujours  la  fièvre ,  ou  l'adion  de 
la  vie  rendue  plus  forte  en  général  ou  en 
particulier  ,  qui  produit  la  cccîion  de  quel- 
que efpece  qu'elle  f  bit  ^  c'ç^c  elle  qui  eft  l'info 
tmmçnt  dont  ig  naturç  fc  fert ,  comme  djj^ 

Y  y 


354  COC 

Sydenham  ^  feâ.  i ,  cap.  iv  ,  pour  féparer 
dans  les  humeurs  les  parties  impures  des 
pures ,  pour  évacuer  les  matières  hétérogè- 
nes nuifibîes  à  l'économie  animale.  C'eft  de 
ce  principe  qu'il  infère  avec  les  plus  grands 
médecins  ,  que  la  principale  chofe  que  l'on 
doit  faire  dans  la  cure  des  maladies  ,  eft  de 
régler  l'aâiion  de  la  vie ,  les  agitations  de  la 
fièvre  ,  de  les  tenir  dans  une  jufte  modéra- 
tion ,  pour  empêcher  que  par  de  trop  grands 
efforts  les  vaiffeaux  du  cerveau  &  des  pou- 
mons ,  qui  font  les  plus  délicats  ,  ou  ceux 
de  toute  autre  partie  importante  aifoiblie 
par  quelque  caufe  que  ce  foit ,  ne  fe  rompent 
ou  ne  s'engorgent  d'une  manière  irréfoluble  ^ 
ou  qu'au  contraire  par  trop  peu  d'efforts ,  la 
matière  morbifique  ne  fbit  mal  digérée  ,  & 
ià  coclion  imparfaite  :  8c  dans  le  cas  où  l'ac- 
tion de  la  vie  eft  convenablement  animée  & 
excitée  ,  l'agitation  fébrile  fufîifant  pour 
opérer  une  bonne  coclion  ,  fans  que  Ton  ait 
rien  à  craindre  de  {&%  effets  ,  de  laifTer  à  la 
nature  le  foin  de  la  guérifon. 

Hippocrate  a  donné  l'exemple  d'une  pa- 
reille conduite  dans  le  traitement  de  plufîeurs 
maladies ,  à  l'égard  defquelles  il  lui  arrivoit 
fouvent  de  fe  tenir  dans  î'inaélion  ,  &  d'être 
lpeâ:ateur  des  opérations  de  la  nature  lorf- 
qu'elle  n'avoit  pas  belbin  d'être  aidée.  Un 
des  plus  fidèles  &  des  plus  prudens  imitateurs 
du  père  de  la  médecine  ;,  Sydenham ,  avoue 
ingénument  s'être  auffi  bien  trouvé  d'avoir 
pris  le  parti  de  ne  rien  faire  dans  certains 
cas ,  pour  fe  conformer  aux  préceptes  de  fon 
maître ,  qui  dit  expreifément  ^  dans  fbn  traité 
de  aniculis  :  Interdum  enim  optima  medicina 
tjî  medicinam  non  facere.  C'eft  auffi  iiir  ce 
fondement  que  Galien ,  de  dieb..  crit.  Mb.  I , 
s'élève  contre  les  médecins,  qui  ne  croyoient 
pas  exercer  leur  art  félon  les  règles ,  s'ils  ne 
prefcrivoient  toujours  quelques  remèdes  à 
leurs  malades ,  tels  que  la  faignée  ,  les  ven- 
toufes  ,  ou  quelques  lavemens ,  purgations  , 
&c.  &  il  dit  que  de  pareils  médecins  ne 
j^' 'approchent  des  malades  que  pour  com- 
mztu^  des  fauf^s  aufîi  répétées  que  leurs 
tifites  •  .^"'^^  ^ft  conféquemment  irapofîible 
que  la  mi^^^^^  ^  lô>uvent  interrompue  & 
ircublée  dan^^  fon  ouvjage ,  puiffe  corriger 
la  matière  mortl^ifique,  .^  parvenir  à  la  gué- 
rifoiv  de  la  maladK"  :  rhun-\eur  viciée  dont  il 
ism  que  la  coaionikbiSsi^^^  la  pfocurer;, 


COC 

demande  plus  ou  moins  d'action  fébrile  ,, 
félon  qu'elle  eft  d'une  natiu-e  plus  ou  moins^ 
tenace ,  rebelle. 

Ainfî  dans  les  fièvres  éphémères,  &  autres? 
maladies  légères  ,  la  nature  n'a  fouvent  pas* 
befoin  de  procurer  lepepafme  ,  comme  dans 
l'exemple  allégué  ci-deflus ,  où  le  vice  ne 
confifte  que  dans  une  trop  grande  abondance 
de  chyle  ;  la  coclion  qui  s'en  fait  eft  fembla- 
ble  à  celle  de  la  digeftion  ordinaire  dans  les 
fécondes  voies  f,  elle  n'eft  qu'un  peu  plus  la- 
borieufe  f,  c'eft  le  vraipep/is;  ou  s'il  faut  quel- 
que chofè  de  plus .,  &  que  la  coâion  doive: 
procurer  quelque  élaboration  ,  elle  eft  très- 
peu  confîdérable  j  ce  n'eft  qu'une  tranfpira- 
tion  plus  forte ,  une  petite  fueur ,  ou  tout  au. 
plus  un  léger  cours  de  ventre.  Dans  les  fièvres 
putrides,  dans  les  inflammatoires,  la  coclion 
demande  plus  de  travail  j  la  nature  a  fouvent 
befoin  d'être  aidée ,  pour  qu'elle  puiffe  venir 
à  bout  de  préparer  la  matière  morbifique  , 
&  la  difpoiér  à  l'évacuation  ,  qui  fouvent 
doit  être  très-copieufe  &  à  plufieurs  reprifes  : 
c'eft  le  cas  où  l'on  emploie  avec  fuccès  les 
moyens  qui  peuvent  détremper  ,  divifer  , 
atténuer  les  humeurs  viciées ,  relâcher  les 
folides ,  afin  qu'ils  cèdent  plus  aifement  ^  ou 
leur  donner  du  relfort  s'ils  en  manquent  ,, 
afin  que  les  voies  foient  plus  libres  pour  fa- 
vorifer'l'évacuation.  Tels  font  fur-tout  les 
lavages  en  boiffon  ,  en  lavement ,  qui  étant 
adminilirés  avec  prudence,  félon  les  indi- 
cations qui  fè  préfentent ,  peuvent  fatisfaire- 
à  ce  que  recommande  Hippocrate ,  lorfqu'il 
dit ,   aphor,   ix  ,  [tel.  i  ,  Corpora  cîim  quis: 

pur  gare  volucrit  ^  ca  jluxilia  faciat  oportet  '.. 
c'elï  de  cette  manière  qu'il  convient  de  fa- 
ciliter la  coSion,  &  la  cri/è  qui  doit  toujours, 
en  être  précédée. 

Dans  les  fièvres  qu'on  appelle  malignes ,, 
il  y  a  une  fi  grande  léfion  de  fonétions ,  & 
un  vice  fi  difficile  à  corriger  dans  la  matierer 
morbifique ,  que  la  nature  fuccombe  bien- 
tôt fi  e\[Q  n'eft  puiffam.ment  fecourue ,  parce^ 
qu'il  ne  faut  pas  moins  que  la  coâion  la 
plus  forte  pour  détruire  la  caufe  du  maL 
Dans  les  fièvres  peftilentielles  &lapefte,  les. 
fecours  les  plus  appropriés  &  les  plus  grands 

leffortsdela  nature  fbot  le  plus  fouvent  infuf- 
fifans  pour  opérer  la  coclion  ,  parce  que  les 
forces  de  la  vie  font  trop  peu  actives  à  pro- 

\  portion  de  la  réiiftance.  des  délétères ,  & 


c  o  c 

que  les  mauvais  effets  de  ceux-ci  font  fi 
prompts  ,  qu'ils  ne  laiiTent  ni  à  la  nature  ni 
à  l'art  le  temps  d'y  apporter  remède  ,  ou  au 
moins  d'en  tenter  quelqu'un. 

Il  réfulte  de  ce  qui  a  été  dit  jufqu'ici  de 
la  coclion  dans  les  maladies  ,  qu'elle  ne  peut 
avoir  lieu  proprement  que  dans  celles  qui 
font  avec  matière ,  félon  le  langage  de  l'école, 
c'eft-à-dire  qui  font  caufées  par  un  vice  dans 
les  hum.eurs  \  dans  toute  autre  il  ne  peut  y 
avoir  ni  coclion  ni  crife.  V.  Crise  ,  Fièvre. 
Cet  article  $fi  de  M.  d'AumONT  ,  premier 
profejjeurde  médecine  entuniverfité  deValence. 

COCTION  ,  (Pharmac.)  mot  générique 
exprimant  l'altération  opérée  fur  un  corps 
folide  par  i'aftion  d'un  liquide  ,  excitée  ou 
augmentée  par  le  feu. 

Dans  la  coclion  on  n'a  en  vue  que  le  chan- 
gement opéré  fur  le  corps  qui  en  eft  le  fujet , 
fans  s'embarraffer  de  ce  que  le  liquide  qu'on 
lui  applique  en  peut  extraire  ^&  c'eftencela 
précifëment  que  la  coclion  pharmaceutique 
diifere  de  la  décodion  ,  dans  laquelle  c'eft 
cette  feule  extraction  qu'on  fe  propofe.  V. 
Pécoction. 

On  fait  la  coclion  des  racines  ^tnulacam- 
pana ,  pour  les  ramollir  &  les  rendre  propres 
à  être  réduites  en  pulpe,  afin  d'en  former  en- 
fuite  une  conferve  \  ôcon  fait  la  décoftion  des 
mêmes  racines  pour  charger  l'eau  qu'on  y 
emploie  de  leurs  parties  extradives ,  qu'on 
rapproche  enfuite  ou  qu'on  réduit  en  con- 
fiftance  d'extrait.  V.  Extrait. 

Les  oignons  de  lis ,  de  fcylles ,  &  quelques 
autres  corps  très-aqueux  qu'on  fait  ramollir 
fous  la  cendre  chaude ,  doivent  être  rangés 
parmi  les  fujets  de  la  coclion  pharmaceu- 
tique \  Us  ne  diffèrent  des  autres  dont  nous 
venons  de  parler  ,  qu'en  ce  qu'ils  portent 
avec  eux-mêmes  le  liquide  qu'on  eft  obligé 
d'appliquer  aux  corps  qui  font  plus  durs  & 
plus  fecs. 

Le  mot  cuite  n'eft  pas  fynonyme  en  phar- 
macie au  mot  coclion.  V.  CuiTE.  {b) 

CoCTiON  ,  {Alch,')  ce  mot  eft  employé 
communément  dans  le  langage  à^i  alchy- 
miftes ,  pour  exprinjer  la  longue  digeftion  à 
laquelle  ils  expofent  la  précieufe  matière  du 
grand  œuvre ,  dans  le  deffein  de  lui  faire 
«prouver  cette  altération  graduée  &  infenfi- 
l)le  qui  doit  la  conduire  enfin  à  la  matura- 
lion  ou  à  la  perfeâ:ion.  {f) 


CGC  3H 

COCYTE  ,  f.  m,  {MytkC)  un  At%  quatre 
fleuves  des  enfers  ^  fleuve  d'Épyre  ,  ou  plu- 
tôt de  la  Thelprotie  qui  en  étoit  une  partie: 
il  tomboit  avec  le  Pyriphlégeton  dans  le 
marais  Achérufia.  Son  étymologie  &  fon 
voifinage  de  l'Achéron  ,  l'ont  fait  mettre  par 
\qs  poètes  grecs  au  nombre  des  fleuves  des 
enfers.  En  effet  cocyte  veut  dire  pleurs ,  gé~ 
mijjemens  ,  de  kokvhv  ,  ge'mir.  Il  a  donné  Ibii 
nom  aux  fêtes  cocytienues  qu'on  célébroit  ea 
l'honneur  de  Proferpine. 

Je  crois  que  le  Cocyte  des  poètes  latins 
étoit  le  ruifl'eau  de  ce  nom  qui  couloit  en 
Italie  près  du  lac  d'Averne ,  &  iè  déchargeoit 
dans  le  lac  Lucrin  ,  lequel  fut  enfin  preique 
comblé  par  une  nouvelle  montagne  de  cen- 
dres qu'on  vit  s'élever  du  fond  de  ce  lac 
dans  un  tremblement  de  terre  arrivé  le  29 
feptembre  1538. 

Ce  n'eft  donc  pas  feulement  de  l'Epyrç 
que  les  poètes  ont  tiré  l'idée  des  fleuves  de 
l'enfer  ^  le  lac  d'Averne  d'Italie  ,  &  les  fon- 
taines d'eaux  chaudes  qui  étoient  aux  env-i- 
rons ,  y  ont  également  donné  lieu.  Tous  ces 
endroits  étoient  fi  couverts  de  bois  depuis 
Bayes  &  Pouzzol ,  que  les  eaux  y  croupifi'ant, 
palfoient  pour  être  des  plus  mal  faines  ^ 
outre  que  la  vapeur  qui  fortoit  des  mines  dç 
foufre  &:  de  bitume  qui  y  font  en  grand 
nombre ,  ne  pouvoit  pas  s'exhaler  aifément. 

Agrippa  favori  d'Augufte  ,  &  rempli 
d'amour  du  bien  public ,  fit  couper  ces  bois 
&  nettoyer  fi  bien  les  lieux  voifins  ,  que 
depuis  les  eaux  devinrent  claires  &  nettes  , 
au  rapport  de  Strabon.  Mais  c'eft  pour  cela 
même  que  les  poètes  ornèrent  leurs  écrits 
des  anciennes  idées  qu'on  avoit  du  Cocyte. 
Horace,  o<^f  xiv ,  liv.  II ,  v.  18  ,  &  Virgile  , 
Enéidy  liv.  VI  y  v.  313  ,  n'y  manquèrent 
pas. 

Le  premier ,  dans  cette  ode  àPofthume  , 
où  la  morale  eft  fi  bien  cachée ,  où  laverfifi- 
cation  eft  fi  belle  ,  rappelle  poétiquement  à 
fbn  ami  la  néceflité  de  mourir  : 

Vi fendus  ater  fiuminc  languido 
Cocytus  errans. 

(  M.  le  chevalier  DE  Javcovrt) 

§  CQDAGA  PALA,  f.  m.  (  Hijl.  nat. 

botani^.  )  arbrilfeau  du  Malabar ,  très-bien 

gravé  ,  avec  la  plupart  de  fes  détails  ,  par 

Van-Rheede  ,  au  volume  I  de  fon  Hortuf 

Yy2 


•35«  .    COD 

'Malabaricus  ,  imprime  en  lojd^page  Z$  , 
'z?/.  XLVIII.  Les  Brames  l'appellent  ^r^^o 
€itdo  ,  &  Jean  Commelin  dsns  lès  notes  , 
arbor  Malaharica  laâefcens  jafmini flore  odo- 
ro  ^jiliquis  oblongis.  C'eft  le  nerium  Indicum 
fiUquis  anguffis  ereclis  longis  geminis ,  gravé 
par  M.  Btirmann  ,  dans  fon  Thefaurus  Zd- 
ianicus  ,  imprimé  en  1737  ,  page  167,  pi. 
ZXXVII  :  le  co/z^i  des  ades  d'Edimbourg, 
vol.  111 ,  page  3  z  ;  &  le  nerium  3  antidyfen- 
tericum ,  foliis  ovatis  acuminatis  petiolatis  , 
ide  M.  Linné  ,  dans  fon  Syfiema  naturœ  , 
édition  in-iz  ,  page  190. 

C'eft  un  arbriffeau  qui  s'élève  à  la  hau- 
teur de  fix  à  dix  pies  :  fon  tronc  eft  haut  de 
trois  à  quatre  pies  fur  un  pié  de  diamètre  , 
&  couronné  par  une  tête  Iphérique,  compo- 
fée  de  nombre  de  branches  alternes ,  courtes, 
épaiffes,  ouvertes  fous  un  angle  de  quarante- 
cinq  degrés  ,  à  bois  blanc  ,  recouvert  d'une 
ccorce  d'abord  rouile  ou  brune  ,  enfùite  cen- 
drée comme  celle  du  tronc. 

Sa  racine  eft  fort  longue  ,  peu  enfoncée 
fous  terre ,  &  traçante  prefque  horizontale- 
snent ,  recouverte  d'une  écorce  brun-rouge. 
Les  feitilles  font  oppofées  deux  à  deux  , 
au  nombre  de  deux  à  quatre  paires  fur  cha- 
que branche ,  non  pas  en  croix ,  mais  fiir  un 
îBcme  plan ,  de  manière  que  le  feuillage  en 
eft  applati.  Elles  font  elliptiques  ,  pointues 
aux  deux  extrémités ,  longues  de  quatre  à 
iix  pouces ,  une  fois  &:  deinie  moins  larges , 
relevées  en  deffous  d'une  côte  longitudinale  , 
ramifiée  de  fix  à  douze  paires  de  nervures 
alternes ,  &  portées  horizontalement  for  un 
pédicule  cylindrique  ,  extrêmement  court  à 
des  diftances  de  deux  pouces  les  uns  des  au- 
tres. 

L'extrémité  de  chaque  rameau  eft  term.i- 
ïiée  par  un  corymbe  une  fois  plus  court  que 
îes  feuilles ,  compofé  de  dix  à  vingt  fleurs 
tîlanches ,  longues  d'un  pouce  &  demi ,  por- 
tées fiir  un  pédicule  cylindrique ,  trois  à  qua- 
tre fois  plus  court  qu'elles. 

Chaque  fleur  eil  hermaphrodite  ,  mono- 
|)étale ,  régulière  ,  pofée  au-deffous  de  l'o- 
vaire. EUe  confîfte  en  un  calice  d'une  feule 
pièce  ,  à  cinq  dents  perfiftantes  \  en  une  co- 
rolle monopétaîe  à  tube  €ylindrique!^4>artagé 
en  cinq  divifions  aufti longues,  que  lui ,  ellip- 
tiques ,  obtiilès  ,  une  fois  plus  longues  que 
laiges  j  ouvertes  en  étoile ,  tournées  obliquc- 


C  O  D 

ment  de  coté ,  épaiffes.  Le  fommet  du  tube 
eft  orné  intérieurement  de  cinq  étamiiies 
petites  qui  ne  le  débordent  pas.  Du  fond  du 
calice  s'élève  un  diique  jaune  ,  court ,  por- 
tant deiax  ovaires  cylindriques  y  appliqués 
l'un  contre  l'autre ,  réunis  à  leur  extrémité 
par  un  ftyle  cylindrique,  couronné"par  deux 
ftigmates  hémifphériques  veloutés. 

Ces  deux  ovaires ,  en  mûriffant ,  deviennent 
deux  filiques  ovoïdes  ,  pointues  aux  deux 
bouts,de  fix  à  fept  pouces, c'eft-à-dire  comme 
les  feuilles ,  douze  à  quinze  fois  moins  larges , 
vertes,  aune  loge-,  s'ouvrant  longitudinale- 
ment  for  leur  face  intérieure  ,  en  une  valve 
ou  battant ,  qui  porte  for  fes  bords  un  pla  • 
centa  longitudinal  cylindrique  ,  couvert  par 
une  cinquantaine  de  graines  elliptiques,  verd- 
brunes ,  longues  de  trois  lignes,une  fois  moins 
larges ,  attachées ,  pendantes ,  &  couronnées 
par  un  faifoeau  de  poils  argentins ,  feflîles  , 
une  fois  plus  longs  qu'elles. 

Culture.  Le  codaga  croît  au  Malabar  dans 
des  terres  fablonneufes. 

(Qualités.  Toute  la  plante  blefféc  rend  ua 
foc  laiteux.  Elle  a  une  laveur  amere  &  peu 
forte  :  i&%  fleurs  répandent  une  odeur  forte 
&  très-agréable. 

Ufages.  L'écorce  de  cette  plante ,  fiir-tout 
de  îa  racine  ,  eft  un  fpécinque  renommé 
dans  riude  pour  toute  forte  de  flux  de  ven- 
tre ,  foit  dyfléntérique  ,  foitlientérique,  fort 
hém.orrhoïdal.  Pour  cela ,  il  foffit  de  la  piler 
&  de  la  boire  dans  du  lait  aigre.  Sa  décoc- 
tion dans  l'eau  fe  boit  auffi  dans  les  contu- 
fions  avec  épanchement  de  fang.  La  même- 
décoôion  dans  l'eau  de  riz  s'emploie  en  li- 
niment  au  cou  dans  la  fquinancie  ,  pour  les 
tumeurs  &  les  douleurs  de  la  goutte.  Engar- 
garifme ,  elle  appaife  les  douleurs  des  dents  y 
en  faifant  périr  les  vers  qui  y  féjournent.  La 
décoôion  de  fes  graines  fe  donne  dans  les 
fièvres  ardentes  ,  dans  les  chaleurs  du  foie  , 
dans  la  goutte ,  &  pour  tuer  les  vers^. 

Remarques.  Quelques  rapports  que  îe 
Walidda  de  Ceylan ,  gravé  par  M.  Bnrmann  , 
à  Va  pi.  LXXVU  de  fon  Thefaurus  Zejlani- 
cus  ,  fous  le  nom  de  nerium  fîliquis  angufiis 
erutis  longis  geminis  ,  fomble  avoir  au  pre- 
mier abord  avec  le  codaga  ^nou^  ne  pouvons 
penièr  ,  comme  M.  Burmann  ,  que  ces  deux 
pKantesfoient  de  k  même  efpece  &  du  même 
^  genre.  U  en  diffère  non  feulement  par  fes 


C  O  D 

feuilles ,  dont  le  pédicule  eft  plus  long  ,  par 
fes  fleurs  qui  ont  dix  petites  lames  rappro- 
cKées  en  cône  au  haut  du  tube  comme  le 
nerium ,  par  (es  filiques  qui  font  élevées 
droites  ,  non  pendantes ,  plus  longues  que 
les  feuilles ,  &  par  fon  écorce  qui  eft  noirâ- 
tre. Ainfi  le  codaga  eft  un  genre  particulier^ 
&  M.  Linné  ,  qui  s'en  eft  rapporté  à  M. 
Burraann  ,  a  induit  en  erreur  tous  les  au- 
teurs qui  font  venus  après  lui ,  &  qui  ont 
rangé  le  codaga  dans  le  genre  du  laurier-rofe  , 
fous  le  nom  de  nerium  antidyfentericum.  Le 
codaga  vient  naturellement  dans  la  famille 
Aqs  apocins  où  nous  l'avons  placé.  Voye:^  nos 
Familles  des  plantes  ^  volume  II  ^  page  172. 
(  M,  Adanson.  ) 

CODAGEN,  f.  m.  {Hiji.  nat.  botan.) 
iefpece  d'écuelle  d'eau ,  hydrocotyle  ,  alfez 
bien  gravée  ,  mais  avec  peu  de  détails ,  par 
Van-Rheede ,  dans  Con  Honus  Malabaricus , 
vol.  X^  pi.  XLVI ,  page  91.  Rumphe  en  a 
donné  auflî  une  figure  plus  complète  dans 
{on  Herbarium  Amboinicum^  vol.  ^,/».455, 
pi.  CLXIX  ,  n^.  1  y  fous  le  nom  de  pes  equi- 
nus pancflgaafHermann  y  dans  fon  Paradifus 
Batavus  ,  page  238,  en  a  donné  auflî  une 
figure  palfable ,  fous  la  dénomination  de  va 
lerianella  Zeylanica palujlris ,  repens ,  hederœ  - 
terrefiris  folio  ,  ad  radicemflorida.  Plukenet 
Ta  fait  aufîî  graver  ,  pi.  CVÎ  ,  /z°.  5  de  fa 
Thytographie^  fous  la  défignation  âera/iun- 
culo  ,  ajfinis  umbelliferis  accedens  chelidonii 
minoris  folio  Zeylanica  minor.  C'eft  le  hydro- 
cotyle 4  Afiatica  ffoliis  reniformibus  œqualiter 
crenatis  de  M.  Linné ,  dans  fon  Syjiema  na- 
ïurx ,  édition  in-ii^ page  202.  Les  Brames 
l'appellent  rcûr/Jû/;/  èiundiri:\es  Mal^ys pan- 
caga  :  les  Hollandois ,  paarde  voetjes  :  les 
Porrugaisyo//^o  rabaffb  :  les  habitans  de  Ter- 
nate  cloditi  manoora ,  ou  cloditi  mafru;  c'eft- 
à-dire  poudre  contre  les  vers  :  ceux  d'Am- 
boine  aJfotdijM  laun  ;  c'eft-à-dire  feuille  en 
oreille  de  chien ,  ou  alaun  ribute  ;  c'eft-à- 
dire  feuille  en  entonnoir  :  ceux  de  Loehoe 
cylaun  capepuli  :  ceux  de  Banda  y  bijji  mattan  : 
ceux  de  Baleya ,  paydeh. 

C'eft  une  plante  vivace  à  tige  cylindrique 
d'une  ligne  un  quart  de  diamètre,  rampante 
iiir  la  terre  à  la  longueur  de  deux  à  quatre 
;!  pies  5  verte  ,  &  en  partie  rouflatre ,  char- 
nue ,  aqueufe ,  fomée  de  quelques  poils ,  je- 
tant par  iiàtervalles  de  quatre  à  ftx  pouces  un 


falfceau  de  cinq  à  dix  racines  blanchâtres , 
longues  d'un  pouce  &  demi  au  plus  ,  &  aa 
defliis  de  ce  faifceau  une  feuille  en  demi* 
lune ,  comparable  à  celle  du  lierre  terreftre. 
Ckamaclema  ,  échancrée  d'un  quart  à  {oi\ 
origine  ,  d'un  pouce  à  un  pouce  &  demi  de 
largeur,  d'un  quart  moins  large,  verd-claire  , 
mince  ,  lifte  ,  relevée  en  defibus  de  fept  ner- 
vures rayonnantes  ,  fomée  de  quelques  poils  , 
marquée  de  fon  contour  de  vingt-quatre 
dents ,  triangulaires  ,  inégales  ,  &  portées 
fur  un  pédicule  cylindrique  ,  fîllonné  en 
deftiis  ,  long  de  cinq  à  fix  pouces ,  relevé 
en  haut  verticalement. 

De  l'aift^elle  de  chaque  feuille  fort  un 
bourgeon  de  trois  ou  quatre  autres  feuilles 
fèmblables ,  mais  plus  petites  ,  &  une  om- 
belle feflile  à  deux  étages ,  dont  chacun  eft 
accompagné  d'une  enveloppe  à  quatre  feuil- 
les affez  larges  :  l'ombelle  univerfelle  a  trois 
ou  quatre  branches ,  &  chaque  ombelle  par- 
tielle eft  d'une  à  trois  fleurs  fèftiles ,  rouges  , 
violettes  ,  d'une  ligne  &  demie  de  diamètre  , 
ouverte  horizontalement. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite  ,  polipé- 
tale  ,  pofée  fur  l'ovaire.  Elle  confifte  en  un 
calice  à  cinq  denticules,  en  cinq  pétales  en 
cœur ,  violets ,  &  en  cinq  étamines  de  même 
longueur ,  pofëes  fiir  l'ovaire  qui  eft  en  cœur 
comprimé  ,  couronné  par  deux  ftyles  cy- 
lindriques ,  divergens  ,  tronqués ,  terminés 
par  un  ftigmate  formé  de  petits  poils,  épais, 
coniques. 

L'ovaire  en  mûriflant  devient  une  capfiile 
orbiculaire  ,  ou  en  cœur  très-comprimé  , 
d'une  ligne  &  demie  de  longueur  ,  pointue 
en  bas  ,  non  diftin<fte  des  graines  ^  car  elle 
iè  fopare  en  deux  graines  de  même  forme  , 
cendrées. 

Culture.  Le  codegen  croît  naturellement 
au  Malabar  ,  dans  les  terres  argilleufos  hu- 
mides ,  &  aux  îles  Moluques  ,  le  long  des 
haies  :  on  le  cultive  aufli  dans  àcs  terrains 
fèmblables. 

Qualités.  Toute  la  plante  a  une  faveur  ùt- 
line ,  très- acre  &  piquante, 

Ufages.  Ses  feuilles  fo  mangent  quelque- 
fois cuites  avec  les  autres  herbages  acides  , 
en  manière  d'épinard  ,  pour  réveiller  l'ap- 
pétit. Celle  qui  croît  dans  des  terrains  (qcs  , 
expofes  au  fbicil ,  fc  mange  plus  volontiers» 

Cette  plâfite  eft  le  vulnéraire  déteriif  êc 


35»  COD 

uCtnngcnt ,  le  plus  puiilaiit  qui  fbit  connu 
dans  l'Inde.  On  fait  amortir  fes  feuilles  au 
feu  ,  &  on  les  applique  communément  ainlî 
_  iùr  les  blelTures  de  peu  de  conféquence  ;, 
mais  pour  les  blelfures  coafidérabies ,  fur- 
tout  celles  des  pies  ,  on  exprime  de  fes 
racines  le  fuc  que  l'on  fait  couler  dans  les 
plaies  ,  qu'on  recouvre  enfuite  avec  une 
feuille.  On  fait  manger  aullî  ces  feuilles  pi- 
lées  avec  les  feuilles  d'une  douzaine  d'autres 
plantes ,  acres ,  acides  &  ameres ,  telles  que 
le  langafa  ,  le  fonboug ,  le  boaya  ,  le  bafilic 
fulajfi ,  le  micka  ,  &c.  Le  fuc  exprimé  de 
fes  feuilles  fe  coule  dans  les  oreilles  puru- 
lentes ;  il  fè  donne  aux  enfans  pour  les  co- 
liques cpntre  les  vers  :  avec  le  lait  aigri , 
il  arrête  la  dyffenterie  :  fa  décoé^ion  fê  boit 
dans  les  douleurs  néphrétiques  ,  les  fièvres 
ardentes  ,  l'hydropilie  &  la  migraine. 

Remanjue.  Il  ne  paroît  pas  qu'il  y  ait  la 
moindre  différence  entre  le  codagen  du  Ma- 
labar ,  &  le  pancaga  de  Ceylan  ^  &  c'eft 
peut-être  par  oubli  que  Rumphe  n'a  pas  fait 
mention  des  poils  que  Van-Rheede  a  observés 
iwr  cette  plante.  Au  refte,  le  codagen  eft  cer- 
tainementune  efpece  d'/^y^rocor;7f ,  &  vient 
dans  la  cinquième  fèâion  de  la  famille  des 
ombeiliferes ,  où  nous  Tavons  placé.  V.  nos 
F,  des  pi.  ,  V»  //,/>.  loo.  {M.  Ad  an  son.) 

CODDAM  PULLI ,  f.  m.  (  Hiji.  nat.  bo- 
îaniq.  )  nom  que  les  Malabares  donnent  à  un 
grand  arbre  ,  très-bien  gravé  ,  par  Van- 
Rheede,  dans  fon  Hortus  Malabaricus^  vo- 
lume I ,  page  41  ,  planche  XXIV.  Les  Ma- 
labares l'appellent  encore  otapulli ,  &  \ç.s 
Brames  darambo,  C'eft  le  ghoraka  ghokatu 
de  Ceylan  \  le  carcapuli  d'Acofta  ,  &  le  cam- 
bogia  1  guua  de  M.  Linné ,  Syjiema  naturœ , 
édition  II,  page  361. 

Cet  arbre  s'élève  à  la  hauteur  de  60  à  70 
piés^fon  tronc  eft  droit,  cylindrique  ,  élevé 
de  douze  à  quinze  pies  ,  fur  trois  à  quatre 
pies  de  diamètre  ,  &  couronné  par  une 
cime  iphéroïde  épaifle ,  compofée  de  bran- 
ches oppofées ,  deux  à  deux ,  en  croix  ,  cy- 
lindriques ,  écartées  d'abord  fous  un  angle 
de  trente  degrés,  enfuite  horizontalement  , 
à  bois  blanc  ,  recouvert  d'une  écorcc  noirâ- 
-tre  extérieurement ,  rouge  au  delFous  ,  & 
blanc-jaune  au  dedans. 

Sa  racine  eft  grolTe  ,  piquant  droit  fous 
terre ,  8c  ramifiée  eu  nombre  de  groftes  bran- 


C  O  D 

ches  qui  s'étendent  horizontalement  à  une 
grande  diftance. 

Les  feuilles  font  au  nombre  de  deux  à 
quatre  fur  chaque  branche  ,  oppofées  ,  eu 
croix  ,  elliptiques ,  pointues  aux  deux  extré- 
mités, longues  de  quatre  à  fix  pouces,  une 
fois  à  une  fois  &:  demie  moins  larges ,  entiè- 
res, épaiilcs,  fermes  ,  luifantes ,  verd-brunes 
delliis  ,  claires  delfous  ,  relevées  en  delîbus 
d'une  côte  fans  nervures  ,  &  portées  hori- 
zontalement fur  un  pédicule  cylindrique, 
fix  à  huit  fois  plus  court  qu'elles. 

Les  branches  /ont  terminées  chacune  par 
une  fleur  incarnate ,  felîîle ,  ouverte  en 
étoile ,  de  quatre  à  cinq  lignes  de  diamètre. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite ,  polypé- 
tale  ,  complète,  pofée  au  delfous  de  l'ovaire 
&  caduque  ^  elle  confifl^  en  un  calice  à  qua- 
tre feuilles  elliptiques ,  concaves  ,  une  fois 
plus  longues  que  larges ,  épaift'es ,  verd-jau- 
nes  ;,  en  une  corolle  à  quatre  pétales  fembla- 
bles ,  rouge-jaunâtres  ,  &  en  huit  à  dix  et,  - 
mines  blanches  à  anthères  rouges  ,  placées 
au  deifous  d'un  difque  ,  fur  lequel  eft  élevé 
un  ovaire  Iphéroïde  à  huit  oy  dix  angles  , 
couronné  par  quatre  ou  cinq  ftigmates  en 
rayons  ratupans ,  ou  plutôt  par  un  ftigmate 
hémilphérique ,  marqué  de  4  à  5  filions. 

L'ovaire  en  mûrilîant  devient  une  baie 
fphéroïde  de  trois  pouces  de  diamètre  ,  d'a- 
bord verte  ,  enfuite  jaune  plus  blanchâtre  , 
relevée  de  huit  à  dix  côtes  arrondies  &  mar- 
quées d'autant  de  filions  correfpondans  à 
autant  de  loges  &  de  cloifons  membraneu- 
fès  ,  à  chair  blanche ,  contenant  chacune  une 
graine  en  fève  elliptique ,  comprimée ,  bleu- 
noire  ,  longue  d'un  pouce,  une  fois  &  demie 
moins  large  ,  &  attachée  verticalement  par 
le  milieu  de  fà longueur  au  placenta  qui  se' 
levé  comme  un  axe  au  centre  du  fruit. 

Culture.  Le  coddam  pulli  croît  au  Malabar 
dans  les  terres  fablonneufes  \  il  fleurit  & 
fruftifie  une  fois  l'an  en  mars. 

Qualités.  Toutes  fès  parties  ont  uriefaveur 
acide  afTez  douce  \  fès  fleurs  font  iàns  odeur. 
Lorfqu'on  fait  une  incifion  à  l'écorce  de  ie^ 
racines  &  de  fbn  tronc  ,  il  ea  coule  une  li- 
queur blanche  très-vifqueufe  ,  fans  odeur  , 
qui  en  féchant  forme  cette  gomme  réfine  , 
appellée  gomme-gutte  ,  jaune-fafran  ,  opa- 
que  ,  fans  odeur  ,  laifi'ant  une  légère  âcreté 
dans  le  gofier. 


C  O  D 

Ufages.  Son  fruit  fe  mange  crud  ,  &  les 
Malabares  l'emploient  fec  en  poudre  dans 
leurs  alimens ,  comme  un  aftringent  favora- 
ble dans  les  flux  de  ventre  bilieux. 

La  gomme-gutte  eft  un  purgatif  que  les 
Indiens  prenirent  dillbus  dans  1  huile  de  lin  , 
En  buvant  l'eau  dans  laquelle  ils  en  ont  fait 
infufer  dix  à  feize  grains  pendant  une  nuit. 

Cette  gomme-rélîne  leur  fert  encore  plus 
pour  la  peinture  en  miniature  &  pour  les 
lavis. 

Remarques.  Si  l'on  en  croit  J.  Commelin 
dans  fes  notes  ,  il  ne  faut  pas  confondre  la 
gomme-gutte  du  coddam  pulli ^  avec  la 
gomme-gutte  commune  ,  que  Bontius  ,  cha- 
pitre 58  de  fon  Hijîoire  des  Indes  ,  dit  que 
l'on  retire  d'une  plante  ,  appellée  par  les  In- 
diens lonam  cambodja  ,  parce  qu'elle  croît 
dans  la  province  de  Cambodja  ,  voifine  de  la 
Chine ,  plante  que  le  même  Bontius  dit  être 
très-approchante  du  tithymale.  En  effet  ,  la 
qualité  purgative  que  l'on  attribue  à  la 
gomme-gutte  ,  doit  appartenir  à  un  tithy- 
male ,  &  conféquemment  au  lonam  cam- 
bodja ;  &  il  eft  probable  que  le  coddam  pulli 
n'eft  pas  une  efpece  de  gomme-gutte  ,  ou  au 
moins  la  craie  gomme-gutte,  puifque  Van- 
Rheede  n'en  dit  mot,  &  que  Hermann  ,  en 
écrivant  en  1677  de  Columbo  ,  dans  l'île  de 
Ceylan,  à  J.  Commelin,  lui  mande  que  le 
ghoraka  de  Ceylan,  qui  eft  le  coddam  pulli 
du  Malabar  ,  ou  le  carcapuli  d'Acofta ,  &  le 
kanna  ghoraka  ^  c'eft-à-dire,  le  ghoraka  doux 
&  non  acide  ,  qui  eft  le  carcapuli  de  Linf- 
eot,  font  deux  plantes  très-différentes ,  quoi- 
que Gafpar  Bauhin  les  ait  confondues  ,  & 
que  toutes  deux  rendent  une  gomme-gutte , 
mais  que  celle  du  kanna-  ghoraka  eft  iûpé- 
rieure  à  celle  du  ghoraka  ou  du  coddam  pulli. 
Voici  comment  cet  auteur  &  Grimm  décri- 
vent cette  féconde  efpece. 

Det0eme  efpece.  KannA-GHORAKA. 

Le  kanna-ghoraka  ,  appelle  encore  par  les 
habitans  de  Ceylan  kanna-koraka^^kanna- 
kurka  ,  kanna-wakoraka  ,  kœpnaykoraka  &. 
gœthagoraka  ,  c'eft-à-dire,  goraka  doux, dif- 
fère du  ghoraka  ou  du  coddam  pulli  par  les 
caractères  fuivans  \  1°.  c'eft  un  arbre  de 
moyenne  grandeur,  d'un  afpedt  très-agréa 
fele  \  2°.  fes  feuilles  font  rondes  ou  crbicu- 
laiies  y  vertes  &:  grailes  j  3°.  fes  fleufs  ji'oût 


C  O  D  >  f  ^ 

'  que  quatre  étamines  V4°.  ^^^  fruits  font  fphéu 
riques,  de  la  forme  &  groffeur  d'une  cerife , 
à  quatre  loges  &  quatre  graines ,  &  à  chair 
douce  non  acide. 

Cet  arbre  croît  communément  autour  de 
la  ville  de  Columbo ,  dans  l'île  de  Ceylan. 

Il  rend  ,  par  les  bleffures  qu'on  fait  à  fon 
écorce,  un  feic  jaune  qui  fe  condenfe  en  une 
gomme  d'une  qualité  fupérieure  à  celle  de 
la  première  eipece. 

Remarques.  Van-Rheede  eft  le  fèul  au- 
teur qui  ait  décrit  en  botanifte  &  deffmé  le  ♦ 
coddam  pulli ,  &  on  ne  voit  pas  trop  fur 
quelle  autorité  M.  Linné  attribue  à  cette 
plante  plus  de  douze  étamines  ,  des  fleurs 
verticillées ,  &  par  conféquent  pourquoi  il  la 
place  dans  fa  claffe  treizième  de  la  polyan-- 
drie.  Pour  nous ,  en  examinant  attentive- 
ment fes  dirers  caraâ:eres  ,  nous  la  jugeons 
faire  un  genre  particulier  ,  voiiin  de  la  Ca- 
rambole ,  dans  la  famille  des  jujubiers.  Voye-{^ 
nos  Familles  des  plantes  ,  volume  2  ,  page 
304.  {M.  Adanson.) 

CODDA  PANA,  f.  m.  (Hijî.  nat.  bota^ 
/2/^.  )  palmier  des  plus  finguliers  du  Malabar,, 
dont  Van-Rheede  a  fait  graver  une  figure 
affez  complète  ,  au  volume  111  de  fon  Kor- 
tus  Malabaricus  ^  planches  1  a  Xll.  Les  Ma- 
labares l'appellent  encore  tenga  panna  ^  les 
Brames  kare  tcla  ;  les  Cingalois  de  Ceylan 
tala  talagas  ,  talagaijo  &  tallipot  ;  &  les 
Portugais  arvore  dos  fombreiros,  J.  Comme- 
lin dans  fès  notes  l'appelle  ,  palma  montana 
Malabarica folio  magno  complicato  acute  flore 
albo  racemofo  ,  fruâu  rotundo.  M.  Linné  , 
dans  fon  Syjiema  naturac  ,  édition  12,  page 
729  ,  lui  donne  le  nom  de  corypka  i  umbra- 
culofa  J  frondibus  pinnatopalmatis ,,  plicatis  j 
filoque  interjeâis  ,  &  le  confond  avec  \q  fa- 
rt bus  ,  gravé  par  Rumphe  ,  au  volume  1  de 
fon  Herbarium  Amboinicum  ^  planche  Vlll. 

C'eft  un  arbre  dont  le  tronc  s'âleve  droit 
à  la  hauteur  de  foixante  à  foixaate-dix  pies  j 
fous  la  forme  d'un  cylindre  égal  de  deux 
pies  environ  de  diamètre  ,  lifîe  ,  luifànt  , 
couronné  par  un  faifceau  de  huit  à  dix  feuil- 
les en  parafai  qui  lui  foraient  une  tête  iphé- 
rique  de  quarante  pies  de  diamètre. 

Ces  feuilles  ne  font  dans  toute  leur  gran- 
deur ,  que  lorfque  l'arbre  a  acquis  toute  fa. 
hauteur  de  foixaiite  à  foixante  -  dix  pies  ^ 
c'eftrà-dircjt  à  treiite-çiiiq,outreute-fixau&^ 


3^o  C  O  D 

alors  elles  forment  chacune  un  éventail  de 
quinze  pies  environ  de  largeur  ,  fur  vingt 
pies  de  longueur  ,  compofé  de  cinquante  à 
{bixaiite  plis  féparés  à  fon  milieu  en  deux 
rangs  chacun  de  vingt-cinq  à  trente  par  une 
côte  fort  mince  ,  le  long  de  laquel'e  elles 
font  comme  ailées  ,  étant  fëparées  les  unes 
des  autres  feulementà  leur  extrémité  jufqu'au 
quart  de  leur  longueur  ,  où  elles  laiiîcnt 
échapper  un  filet  qui  faifoit  leur  union.  Le 
pédicule  qui  porte  chaque  feuille  eft  égal  à 
leur  longueur ,  creufé  en  demi-cylindre  , 
convexe  en  dehors  ,  concave  en  dedans  , 
dentelé  fur  fes  bords  de  dents  montantes  , 
plus  large  à  fon  extrémité  fupérieure  ,  qui 
eft  triangulaire  pointue  ,  &  formant  à  fon 
origine  une  gaine  non  pas  entière  ,  mais  fen- 
due entièrement  d'un  côté.  Les  feuilles  qui 
précèdent  cet  accroiffement  entierde  l'arbre , 
&  celles  qui  le  fuivent  font  beaucoup  plus 
petites  ^  celles-ci  commencent  même  à  tom- 
ber fuccefiîvement ,  fans  être  remplacées 
par  de  nouvelles. 

Ce  n'cft  que  dans  ce  temps ,  vers  l'âge  de 
trente-cinq  à  trente-fix  ans  ,  que  cet  arbre 
commence  à  porter  fleurs  &  fruits.  Il  n'en 
porte  qu'une  ièule  fois  ,  &  dépérit  enfuite 
peu-à-peu  ,  alors  il  produit  (es  fleurs,  mais 
d'une  manière  des  plus  fingulieres.  Du  fom- 
met  de  fon  tronc  au  milieu  de  {es  feuilles  , 
s'élève  à  la  hauteur  de  trente  pies  comme 
une  autre  tige  droite  ,  conique  ,  couverte  en- 
tièrement par  une  trentaine  djécailles  imbri- 
quées très-ferrées ,  dont  chacune  renferme 
une  gaînc  elliptique  comprimée ,  obtufè  , 
prefque  deux  fois  plus  longue  que  large,  en- 
tière comme  une  gaine  de  couteau  ,  percée 
par  le  dos  vers  fon  extrémité  d'un  trou  par 
où  fort  un  épi  de  vingt  pies  de  longueur  , 
écarté  fous  un  angle  de  6©  à  70  degrés  d'ou- 
verture ,  entièrement  couvert  de  iîx  à  quinze 
écailles  cylindriques  ,  engaînées  les  unes 
dans  les  autres  ^  fendues  d'un  feul  côté  fur 
toute  leur  longueur  ,  contenant  chacune  un 
régime  en  panicule  ,  de  deux  à  trois  pies  de 
longueur ,  compofé  d'une  cinquantaine  d'é- 
pis pédunculés  cylindriques ,  pendaus ,  longs 
de  fîx  à  neuf  pouces ,  portant  chacun  deux 
cents  fleurs  feflilles  ,  blanchâtres ,  rappro- 
chées quatre  à  quatre  par  petits  paquets. 
Chaque  gaine  contient  donc  environ  quinze 
régimes  &  plus  de  15000  fleurs. 


CDD 

Cha<?[i!e  fleur  efl  hermaphrodite  $  placée 
autour  de  l'ovaire.  Elle  confifte  en  un  calice 
à  trois  divifions  ,  félon  Van-Rheede  ,  mais  à 
fix ,  dont  trois  extérieures  plus  petites  ,  ou- 
vertes fous  un  angle  de  45  degrés  en  étoile 
de  quatre  lignes  de  diamètre ,  en  fîx  étami- 
nes  d'un  quart  plus  longues  ,  &  en  un  ovaire 
fphérique  deux  fois  plus  petit,  couronné  par 
un  ftyle ,  dont  le  fîigmate  forme  un  fdîon 
velouté  fur  fa  face  intérieure. 

L'ovaire ,  en  mûriffant ,  devient  une  baie 
fphérique  d'un  pouce  &  demi  de  diamètre  , 
liile  ,  verre,  à  chair  fucculeute  ,  graffe  ,  un 
peu  amicre  ,  de  deux  lignes  de  diamètre  ,  à 
une  loge ,  contenant  un  ofîelet  blanchâtre  , 
liife  ,  mince ,  à  amande  blanche ,  charnue , 
ferme  ,  fufceptible  de  poli  comme  l'ivoire  , 
d'un  pouce  de  diamètre ,  ayant  à  fon  centre 
une  petite  cavité  de  trois  lignes  dediairietre. 

Culture.  Le  coddapaaa  croît  au  Malabar  , 
fur-tout  dans  la  province  de  Mangarti , 
Tirtjonc  ,  Katour ,  &  autres  lieux ,  fur  \ç^^ 
montagnes  entre  les  rochers.  On  le  voit  auffi 
à  Ceylan  ,  dans  les  provinces  de  Meuda  , 
Cortu ,  Agras  ,  &  près  de  Baoudhou-Malac  , 
c'eft-à-  dire ,  du  Pic-d'Adam.  Il  fleurit  indif- 
féremment dans  tous  les  temps  de  l'année  , 
mais  particulièrement  au  mois  d'août.  Ses 
fruits  font  environ  quatorze  mois  à  mûrir  , 
&  dès-lors  il  commence  à  périr  &  à  fè  dé- 
truire peu-à-peui 

Vf  âges.  C'efl  des  feuilles  de  cet  arbre  que 
font  compofës  les  livres  des  Malabares.  Ils 
écrivent  delfus  en  y  traçant ,  avec  un  fèilet 
de  fer ,  des  caractères  qui ,  pénétrant  leur 
épiderme  fupérieur ,  deviennent  ineffaçables. 
Ces  mêmes  feuilles  leur  fervent  de  parapluies 
&  de  parafols ,  capables  de  couvrir  vingt 
perfbnnes  ^  ils  en  couvrent  auffi  leurs  mai- 
fbns.  Les  noyaux ,  ou  plutôt  les  amandes  de 
k%  fruits  ,  fe  tournent  &  fe  poliffent  pour 
faire  des  colliers  qui ,  peints  en  roi^e ,  imi- 
tent beaucoup  le  corail.  Le  fuc  exjMmé  des 
branches  de  fès  régimes ,  eft  un  vomitif  qui 
fe  donne  auxperfonnes  que  les  morfures  des 
fèrpens  venimeux  ont  fait  tomber  dans  le 
vertige  &  le  délire.  La  gaine  de  fes  fleurs  , 
encore  tendre ,  rend  ,  lorfqu'on  la  calfe  , 
une  liqueur  qui ,  féchèe  au  foleil,  devient  j 
une  efiîece  de  gomme  émétique  ,  que  les 
femmes  greffes  emploient  ordinairement 
pour  faiie  fortir  l'enfant  mort ,  &  dont 

d'autre» 


C  O  D 

«l'autres  abrtfcnt  quelquefois  pour  fè  pro-  j 
curer  l'avortement. 

Remarques.  Le  codda  pana  diffère  vrai- 
fcmblablement  comme  genre  ,  &  au  moins 
comme  efpecc  du  faribus  de  Rumphe  ,  que 
M.  Linné  a  confondu  avec  lui,  fous  le  nom 
<la  corypha  ;  &  nous  penfons  que  ce  nom 
nouveau  de  coripha^  qui  n'a  aucune  origine , 
doit  céder  à  celui  de  codda  pana ,  fous  le- 
quel la  plante  que  nous  venons  de  décrire  eft 
il  connue  dans  l'Inde.  I^e  codda  panna  fait 
un  genre  particulier  dans  la  famille  des 
palmiers.  Voye[  nos  Familles  des  plantes  , 
volume  II ,  page  25.  [M.  Adanson.  ) 

CODE  ,  f.  m,  (  Jurifp.  )  fignifie  en  géné- 
ral recueil  de  droit  ;  mais  on  donne  ce  nom  à 
plufieurs  fortes  de  recueils  fort  difFérens  les 
uns  des  antres. 

Les  premiers  auxquels  on  a  donné  ce  nom 
font  des  compilations  des  loix  romaines  , 
telles  que  les  codes  Papyrien ,  Grégorien , 
Hermogénien  ,  Théodolien  ,  &  Juftinien  ^ 
on  a  auflî  donné  le  titre  de  code  à  différen- 
tes colleii^ions  &  compilations  des  canons , 
&  autres  loix  de  l'églife.  Ce  même  titre  a 
été  donné  à  plufieurs  colleftions  de  loix 
anciennes  &  nouvelles  raffemblées  en  un 
même  volume,  fans  en  faire  de  compila- 
tion ,  comme  le  code  des  loix  antiques ,  le 
code  Néron  *,  on  a  même  appelle  &  intitulé 
code ,  le  texte  détaché  de  certaines  ordon- 
nances ,  comme  le  code  civil ,  le  code  crimi- 
nel ,  le  code  marchand  ,  &  plufiewrs  autres 
femblables  :  enfin  on  a  encore  intitulé  code 
certains  traités  de  droit  qui  raffemblent  les 
maximes  &  les  réglcmens  for  une  certaine 
matière  ,tels  que  le  code  des  curés  ,  le  code 
des  chaffes ,  &  plufieurs  autres.  Nous  allons 
donner  l'explication  de  chacun  des  différens 
codes  féparément. 

Code  des  Aides,  eft  un  titre  oufornom 
que  l'on  donne  quelquefois  à  l'ordonnance 
de  Louis  XIV  ,  du  mois  de  juin  1680  ,  for 
le  fait  des  aides  ^  mais  ce  nom  fo  donne 
moins  à  l'ordonnance  même  qu'au  volume 
qui  la  renferme ,  lorsqu'elle  y  eft  feule ,  ou 
qu'il  ne  contient  que  des  réglemens  for  la  mê- 
me matière  ^  car  du  refte ,  en  parlant  de  cette 
ordonnance  ,  &  for- tout  en  la  citant  à  l'au- 
dience ,  on  ne  dit  point  le  code  des  aides ,  mais 
V ordonnance  des  aides  :  il  faut  appliquer  la 
même  obfervation  à  plufieurs  autres  ordon- 
Tome  VUL 


C  O  D  3<^i 

nances  dont  il  fera  parlé  ci-après ,  qui  forment 
chacune  féparément  de  petits  volumes  que 
les  libraires  &  relieurs  intitulent  code  y  com- 
me code  des  Gabelles ,  code  de  la  marine , 
(S'c.  F^.  Aides  (S»  Ordonnances  DES  Aides. 
Code  d'Alaric  ,  eft  une  compilation  du 
droit  romain  qu'Alaric  II ,  roi  des  Vifigoths 
en  Efpagne  ,  fit  faire  en  158  ,  tirée  tant  des 
trois  codes  Grégorien ,  Hermogénien  & 
Théodofien ,  que  des  livres  des  jurifconfiil- 
tes.  Ce  fut  Anian,  chancelier  d'Alaric,  qui 
fut  charge  de  faire  cette  compilation  :  il  y 
ajouta  quelques  interprétations  comme  une 
eff)ece  de  glofo^  on  n'eft  pas  certain  qu'il 
l'ait  lui-même  compofée  ,  mais  du  moins  il 
la  foufcrivit  pour  lui  donner  autorité.  Cette 
compilation  fut  aufii  autorifée  par  le  confen- 
tement  àss  évêquesôc  des  nobles ,  &  publiée 
en  la  ville  d'Aire  en  Gafcogne  le  2  février 
506,  fous  le  nom  de  code  Théodofien.  On  fit 
dans  la  fuite  un  autre  extrait  de  ce  code ,  qui 
ne  contenoit  que  les  interprétations  d'Anian , 
&  qui  fot  appelle  fcintilla.  Ce  code  ^Alaric 
ou  Théodofien  fot  long-temps  en  ufage,  8c 
formoit  tout  le  droit  romain  qui  s'obfervoit 
al«rs  en  France,  principalement  dans  les 
provinces  les  plus  voifines  de  l'Efpagne  5 
mais  cette  loi  n'étoit  que  pour  les  Romains 
ou  Gaulois  \,  les  Vifigoths  avoient  leur  loi 
particulière ,  laquelle  fot  enfoite  mêlée  avec 
le  droit  romain.  V,  Code  d'Evarix. 

Code  d'Anian  ,  eft  le  même  que  le  code 
Alaric ,  les  uns  donnent  à  ce  code  le  nom  da 
prince  par  ordre  duquel  il  fut  rédigé ,  les  au- 
tres lui  donnent  le  nom  ^ Anian  qui  en  fut 
le  compilateur  ;  mais  on  l'appelle  plus  com- 
munément code  Alaric. 

Code  d'Arragon  &  de  Cajîille ,  ou  corps 
des  loiz  obfervées  dans  ces  royaumes ,  fot 
commencé  fous  le  règne  de  Ferdinand  III  , 
&  achevé  fous  celui  d'Alfonfe  X ,  fon  fils, 
C'eft  fans  doute  ce  qui  a  fait  dire  à  Ridderus 
miniflre  de  Roterdam  C  de  erud.  cap.  3  ,  ) 
qu'Alfonfe  étoit  très-verfé  dans  la  juri^ru- 
dencc  ,  &  qu'il  avoit  rédigé  un  code  de  loix 
divifë  en  fept  livres  ,  dans  lequel  étoit  raf^ 
femblé  tout  ce  qui  concerne  le  culte  divia 
&  ce  qui  regarde  les  hommes.  Mais  M.  Bayle 
en  fon  dictionnaire  à  l'article  de  Caftille  ,  ob- 
ferve  que  ce  fcroit  fe  tromper  grofliérement  ^ 
que  de  prétendre  qu'Alfonfe  a  été  lui-même 
I  le  compilateur  de  ces  loix  :  qu'il  a  fait  e« 

Zz 


3^1  C  O  D 

cela  le  même  perfonnagc  qucThéodore , 
■Juftinien  &  Louis  XIV  ,  par  rapport  aux 
codes  qui  portent  leur  nom. 

Code  canonique   ou  code  des  canons  ,  ou 
corps  de  droit  canonique ,   codex  feu  corpus 
'  ^anonum  ,  eft  le  nom  que  l'on  donne  à  diffé- 
rentes collections  qui  ont  été  faites  des  ca- 
nons des  apôtres  &  de  ceux  des  conciles.  Il 
y  a  eu  plufieurs  de  ces  collections  faites  en 
«ifférens  temps.   La  première  fut  faite  en 
Orient  ^  félon  Uflerius ,  ce  fut  avant  l'an 
380,  d'autres  difent  en  385  ^  les  Grecs  réu- 
nirent les  canons  des  conciles  ,  &  en  firent 
un  code  ou  corps  des    loix    eccléjiaftiques , 
que  l'on  appella  le  code  des  Grecs  ou  code 
canonique  de  l'églife  greque  ou  de  l'églife 
«l'Orient.  Les  Grecs  y  ajoutèrent  enfuite  les 
canons  des  apôtres  au  nombre  de  cinquante , 
ceux  du  concile  de  Sardique  tenu  en  347  , 
ceux  du  concile  d'Ephefe ,  qui  eft  le  troi- 
iieme  concile  général ,  tenu  en  43 1 ,  &  ceux 
du  quatrième  concile  général  tenu  à  Chalcé- 
doine  en  451.  Ce  code  fut  approuvé  par  fix 
cent  trente  évêques  dans  ce  concile ,  &  au- 
torifé  par  Juftinien  en  fa  novelle   131.  Ce 
Kode  des  Grecs  étoit  en  fi  grande  vénération  , 
que  dans  toutes  les  aflemblées ,  foit  univer- 
ièlles  ou  nationales ,  on  mettoit  ftir  deux 
pupitres  l'évangile  d'un  côté  ,  &  le  code  ca- 
nonique de  l'autre.  Pour  ce  qui  eft  de  l'églife 
romaine  ou  d'Occident ,  elle  n'adopta  pas 
d'abord  les  canons  de  tous  \ts  conciles  d'O- 
rient inférés  dans  le  code  des  Grecs  :  elle  avoit 
ion  code  particulier,  appelle  code  de  l'églife 
romaine  ,  qui  étoit  compofé  des  canons  des 
conciles   d'Occident^  mais  depuis   les  fré- 
quentes relations  que  l'affaire  des  Pélagiens 
occafîona  entre  l'églife  de    Rome  &  celle 
d'Afrique,  leglife  de  Rome*4î^nt  connu 
les  canons  des  conciles   d'Afrique  ,   &  en 
ayant  admiré  la  fageffe  ,  elle  les  adopta.  Le 
pape  Zozym.e  ,  grec  d'origine ,  fit  traduire 
les  canons  d'Ancyre  ,  de  Néocéfarée ,  &  de 
Gangres.  On  fè  fèrvit  quelque  temps  dans 
l'églife  d'Occident  de  cette  traduction  corî- 
fiife  de  l'ancien  code  canonique  des  Grecs.  On 
y  inféra  dans, la  fuite  les  décrets  contre  les 
Pélagiens  ,  ceux  d'Innocent  I  ,  &  de  quel- 
ques autres  papes  \  on  y  joignit  encore  de- 
puis les  canons  de  plufieurs  conciles  &:  diffé- 
rentes lettres  des  papes.  Nous  avons  plufieurs 
de  ces  anciens  cadts  des  canons  à  l'ufàge  à&i 


C  O  D 

églifes  d'Occident ,  les  uns  imprimés,  d'au- 
tres manufcrits  ,  lefquels  différent  peu  cn- 
tr'eux,  &  l'on  ne  fait  pas  précifément  quel 
étoit  celui  de  l'églife  romaine.  Quoi  qu'il  en 
foit ,  comme  on  trouva  qu'il  y  avoit  de  la 
confufion  dans  le  code  des  canons  dont  on  fè 
fervoit  à  Rome  ,  on  engagea  Denis  ,  fîir- 
nommé  le  Petit  ou  tAbbé ,  fur  la  fin  du 
cinquième  fiecle ,  à  en  faire  une  compilation 
plus  méthodique  ,  dans  laquelle  il  inféra  les 
cinquante  canons  des  apôtres  reçus  par  l'é- 
glife ,  &  les  canons  des  conciles ,  tant  grecs 
que  latins ,  &  quelques  décrétales  des  papes 
depuis  Siricius  jufqu'àHormifdas.  Cette  com- 
pilation fut  fi  bien  reçue  ,  qu'on  Tappella  le 
code  des  canons  de  l'églife  romaine  ou  corps 
des  canons  j  il  ne  fut  pas  néanmoins  d'abord 
adopté  dans  toutes  les  églifes  d'Occident, 
En  France  on  fè  fervoit  de  l'ancienne  col- 
lection ou  de  quelqu'autre  nouvelle  que  l'on 
appelloit  le  code  de?  canons  de  l'églife  galli- 
cane ,  ce  qui  demeura  dans  cet  état  jufqu'à 
ce  que  le  pape  Adrien  ayant  envoyé  à  Char- 
lemagne  le  code  compilé  par  Denis  le  Petit , 
il  fut  reçu  dans  tout  le  royaume.  Cette  col- 
lection a  été  fuivie  de  plufieurs  autres ,  & 
notamment  de  celle  du  moine  Gratian  en 
1151^  mais  fbn  ouvrage  eft  intitulé ,  concor- 
dance des  canons  :  on  l'appelle  cependant 
quelquefois  le  code  canonique  de  Gratian, 
Le  code  des  canons  de  l'églife  d'Orient  ayant 
été  reçu  dans  celle  d'Occident ,  on  l'a  ap- 
pelle code  de  téglife  univerfelle.  Dans  tous 
ces  codes  du  droit  canonique ,  on  a  fuivi  à- 
peu-près  l'ordre  &  la  méthode  du  droit  civil. 
yoyei  le  traité  de  tabus  par  Fevret ,  totne  I , 
p.  ^I't  la  préface  des  loix  eccléfiafiiques  de  M. 
de  Héricourt^  &  ci-devant  Canon  ,  &  ci- 
après  Droit  canonique. 

Code  Carolin  ,  eft  un  règlement  gé- 
néral fait  en  1752  par  dom  Carlos  roi  des 
Deux-Siciles ,  pour  l'abréviation  des  procès» 
On  affure  qu'il  eft  dreffé  fur  le  modèle  du 
code  Frédéric.  Nous  ne  pouvons  quant  à 
préfènt  en  dire  davantage  de  ce  code  Caro- 
lin ,  ne  l'ayant  point  encore  vu.  Voye:^^ 
Code  Frédéric. 

Code  de  Caflille ,  v.  CoDE  d'Arragon. 

Code  des  chajfes ,  eft  un  traité  du  droit  de 
chaffe  fiiivant  la  jurifprudence  de  l'ordon* 
nance  de  Louis XIV ,  du  mois  d'août  i66<^  ^ 
conférée  avec  les  anciennes  &  nouvelles  or- 


C  O  D 

•  donnances ,  édits  ,  déclarations  ,  arrêts  & 
régleinens,  &  autres  jugemens  rendus  iiir  le 
fait  des  chafTes.  Cet  ouvrage  qui  eft  en  deux 
volumes /■/;- 12  ,  contient  d'abord  un  traité  du 
droit  de  chalTe  ,  enfuite  une  conférence  du 
titre  30  des  chafî'es  de  l'ordonnance  de  1669: 
cette  conférence  eft  divifée  en  autant  de 
chapitres  que  le  titre  des  chafles  contient 
d'articles.  On  a  rapporté  fous  chaque  article 
les  autres  ordonnances  &  réglemens  qui  y 
ont  rapport  ^  on  y  a  aufll  joint  des  notes  pour 
faciliter  l'intelligence  du  texte. 

Code  civil.  On  entend  fous  ce  nom 
l'ordonnance  de  1667  ,  qui  règle  la  procé- 
dure civile  ^  on  l'appelle  aufîi  code  Louis , 
parce  qu'il  fait  partie  du  recueil  des  ordon- 
nances de  Louis  XIV.  F'oyei  Code  Louis 
XIV,  &  Code  Criminel. 

Code  des  commenfaux  ,  eft  un  volume 
in-iz  ,  contenant  un  recueil  des  ordonnan- 
ces ,  édits  &  déclarations  rendus  en  faveur 
des  officiers  ,  domeftiques  &  commenfaux 
de  la  maifon  du  roi ,  de  la  reine ,  des  enfans 
de  France  ,  &:  des  princes  qui  font  fur  l'état 
de  la  maifon  du  roi.  Ce  recueil  eft  en  deux 
volumes  in-iz. 

Code  des  commktimus  ;  on  entend  fous  ce 
nom  l'ordonnance  de  1669  ,  concernant  les 
évocations  &  les  committimus. 

Code  criminel  ^  on  entend  fous  ce  nom 
l'ordonnance  de  1670  ,  qui  règle  la  procé- 
dure en  matitre  criminelle.  Le co^f^  criminel 
&  le  code  civil  font  différentes  portions  du 
code  Louis  ^  ou  recueil  des  ordonnances  de 
LouisXIV.  F.  Code  civil  6'CodeLouis. 

Il  y  a  aufli  un  code  criminel  de  l'empereur 
Charles  -  Quint  ,  ou  ordonnance  appellée 
vulgairement  la  Caroline. 

Code  des  Curés  ,  eft  un  recueil  de  maxi- 
mes &  de  réglemens  à  l'ufàge  des  curés 
par  rapporta  leurs  fonctions,  à  celles  de  leurs 
vicaires  perpétuels  ou  amovibles ,  &  autres 
béaéfîciers  ^  comme  auflî  pour  ce  qui  con- 
cerne leurs  dîmes  ,  portions  congrues ,  & 
autres  droits  &  privilèges^  ceux  des  feigneurs 
de  paroiffes ,  &  des  officiers  royaux  ,  foit 
commenfaux  ou  autres.  Il  eft  préfèntement 
divifé  en  deux  volumes  in-ïx  ,  dont  le  pre- 
mier contient  d'abord  un  abrégé  du  traité 
des  dîmes  ,  enfuite  les  réglemens  interve- 
nus for  la  même  matière  ;,  on  y  a  ajouté  les 
décilîons  de  Borjon  <jui  regardent  les  curés  ; 


C  O  D  3^3 

le  fécond  volume  contient  les  réglemens  qui 
établift!ènt  les  privilèges  des  curés. 

Code  des  décisions  pieuses  &  des 
caufes  jugées  par  Pierre  de  Broflês  ,  eft  un. 
recueil  de  décifrons  imprimé  à  Genève  en 
i(5i6,  vol. />z-4°. 

Code  du  droit  des  gens,  codex  Juris 
gentium  difplomaticus ,  eft  un  traité  du  droit 
des  gens,  imprimé  à  Hanovre  en  1693  ,  vol. 
in- fol. 

Code  des  Eaux  et  Forets  ^  on  entend 
fous  ce  nom  l'ordonnance  de  1669  for  le  fait 
des  eaux  &  forêts.  Voy.  Code  Louis  XIV. 

Code  de  téglife  Gallicane  ,\ 

Cade  de  téglife  Greque ,  / 

Code  de  téglife  d  Occident  y\foy.    ci-  den 

Code  de  téglife  (f  Orient ,    yCoDE  canon. 

Code  de  téglife  Romaine  A 

Code  de  téglife  Univerfelle  ,j 

Code  des  donations  pieu fe s  ,  qui  eft  im- 
primé en  latin  fous  le  titre  de  codex  donatio- 
numpiarum,  eft  un  recueil  fait  par  Aubertle 
Mire  ,  de  Bruxelles  ,  de  tous  les  teftamens  , 
codicilles ,  lettres  de  fondation ,  donations , 
immunités ,  privilèges ,  &  autres  monumens 
de  libéralités  pieufes  faites  par  les  papes  , 
empereurs ,  rois ,  ducs  &  comtes ,  en  faveur 
de  différentes  églifes ,  &  principale  ment  des 
églifès  de  Flandre. 

Code  d'Evarix  ou  d'Euric ,  eft  un  corps 
de  loix  qui  fut  rédigé  fous  Evarix  roi  des 
Vifigoths  ,  qui  commença  en  466  :  ces  loix 
furent  faites  tant  pour  les  Vifigoths  qui  occu- 
poient  l'Efpagne ,  que  pour  ceux  qui  s'étoient 
établis  dans  la  Gaule  Narbonnoife  &  dans 
l'Aquitaine.  Alaric  II ,  fils  d'Evarix  ,  fit  un 
autre  code  pour  les  Romains  ou  Gaulois , 
qu'il  tira  des  loix  romaines.  Voye[  ci-devant 
Code  Alaric.  Leuvigildc  corrigea  le  çcde 
Evarix ,  en  fopprima  quelques  loix  ,  &  en 
ajouta  d'autres.  Les  rois  fuivans  eu  firent  de 
même  ,  &  particulièrement  Chindofuinde 
qui  fitdivifer  ce  code  en  douze  livres ,  comme 
celui  de  Juftinien  ,  fans  néanmoins  qu'il  y 
ait  aucun  rapport  entre  ces  deux  codes  pour 
l'ordre  des  matières  ,  &  il  ordonna  que  ce 
recueil  fèroit  l'unique  loi  de  tous  ceux  qui 
étoient  fujets  des  rois  Goths  ,  de  quelque 
nation  qu'ils  fuffenr:  ce  recueil  s'appelloit 
le  livre  de  la  loi  gothique,  Exgica  qui  régna 
jufqu'en  701  ,  commit  l'examen  &  la  corr 
re(âion  des  loix  gothiques  aux  évêqugjs  d'Ef- 
Zz  2 


3^4  C  O  D 

pagne ,  mais  à  condition  qu'ils  ne  déroge- 
roient  point  aux  loix  établies  par  Chindo- 
fuinde ,  &  il  le  fit  confirmer  par  les  évêques 
au  fèizieme  concile  de  Tolède  ,  l'an  693. 
Ce  code  d'Euric  étoit  encore  obfervé  dans  la 
Gaule  Narbonnoife  du  temps  du  pape  Jean 
VIII ,  vers  l'an  880  :  on  y  voit  les  noms  de 
plufieurs  rois  '^  mais  tous  ibnt  depuis  Reca- 
rede ,  qui  fut  le  premier  entre  les  rois  Goths 
catholiques.  Les  loix  antérieures  ibnt  inti- 
tulées antiques  ,  ians  qu'on  y  ait  mis  aucun 
nom  de  rois,  non  pas  même  celui  d'Erarix  ^ 
ce  qui  fans  doute  a  été  fait  en  haine  de 
rarianifme  dont  ces  rois  faifoient  profeiTion. 
Voy.  tkijl,  du  droit  fran^ois  de  M.  l'abbé 
Fleury. 

Code  FaVRE  ,  ou  Fabre  ,  ou  Fabrien  , 
(odex  Fabrianus  definitionum  forcnfium  in 
fenatu  Sabaudice  traâarum  ,  eft  un  traité  fait 
par  Antoine  Favre,  connu  fous  le  nom  d'-^/z- 
tonius  Faber ,  contenant  les  définitions  ou 
décifions  arrangées  fiiivant  l'ordre  du  code 
de  Juftinien.  Il  avoit  été  long- temps  juge- 
mage  ,  c'eft-à-dire  lieutenant  civil  &  crimi- 
nel de  la  Breffe  &  du  Bugey.  Après  l'échange 
<le  ces  provinces  ,  le  duc  de  Savoie  le  fit 
préfident  du  confèil  genevois ,  enliiite  pre- 
mier préfident  du  fénat  de  Chambéri.  Il  a 
fait  en tr 'au très  ouvrages  fon  co^e ,  qui  forme 
wn  volume  in- fol,  dans  lequel  il  traite  plu- 
îîeurs  matières  qui  font  en  ufàge  dans  la 
Brelîè  ,  telles  que  l'augment  de  dot ,  \qs  ba- 
gues &  joyaux ,  &  les  droits  feigneuriaux. 
yoyei  la  préface  de  M.  Bretpnnier  ,  de  fan 
recueil  alphabétique  de  quefions  ,  à  l'article 
du  parlement  de  Dijon. 

Code  Frédéric  ,  eft  un  cori>s  de  droit 
compofé  par  ordre  de  Charles  Frédéric ,  au- 
jourd'hui roi  de  Pruffe,  électeur  de  Brande- 
bourg ,  pour  fervir  de  principale  loi  dans 
tous  fes  états. 

Ce  qui  a  porté  ce  prince  à  faire  cette  loi 
nouvelle ,  eft  l'incertitude  &  la  confiifion  du 
droit  que  l'on  fuit  dans  l'Allemagne  en  géné- 
ral,  &  en  particulier  de  celui  que  l'oafuivoit 
dans  les  états  de  Pruffe., 

Jufqu'au  treizième  fiede  ,  chaque  peuple 
d'Allemagne  avoit  fes  lo^  propres ,  qui  ont 
été  recueillies  par  Lindenbrog  ,  Goldaft  , 
Baluze ,  &c.  mais  elles  étoient  fort  concifes , 
êc  ne  décidoient  qu'un  petit  nombre  de  cas. 

lie  droit  romain  fut  introduit  en  Allema- 


COD 

gne  vers  la  fin  du  treizième  fiecle  ,  &  au  com* 
mencement  du  quatorzième. 

On  reçut  aufli  dans  le  treizième  fiecle  les 
décrets  de  Grégoire  IX  ^appelles  aujourd'hui 
le  droit  canon. 

L'Allemagne  eut  donc  depuis  ce  temps 
trois  fortes  de  loix ,  qui  s'obfervoient  con- 
curremment j  &  dans  certains  cas  on  étoit 
en  doute  lequel  devoit  prévaloir  du  droit 
allemand ,  du  droit  romain  ,  ou  du  droit 
canon. 

Toutes  ces  différentes  loix  ne  décident  la 
plupart  que  des  cas  particuliers ,  au  lieu  qu'il 
auroit  fallu  les  réduire  en  forme  de  iyftême  y. 
fuivant  les  divers  objets  du  droit ,  comme 
Juftinien  a  fait  dans  fes  injiitutes. 

Ces  inconvéniens  engagèrent  l'empereur 
Frédéric  III ,  en  144 1  ,  à  abréger  en  quel- 
que forte  le  droit  romain  en  Allemagne  par 
la  réfolution  de  l'Empire  ^  &  pour  cet  eifet 
il  ne  permit  qu'à  certains  doéîeurs  de  don- 
ner des  réponfes  iur  le  drsit ,  leur  ordonnant 
aufiî  de  rendre  leurs  réponfes  conformes  aux: 
loix  reçues  &  approuvées.  Il  défendit  à  tous 
autres  doâieurs  de  prendre  féance  dans  les 
jullices ,  &  de  donner  des  inftruéiions  aux 
parties  j  &  il  fupprima  tous  les  avocats. 

Cette  réfolution  de  l'empire  ne  mit  guère 
plus  de  certitude  dans  la  jurifprudence  d'Al- 
lemagne i  &  Maximilien  fils  de  Frédéric  y. 
en  établilTant  la  chambre  de  juftice  de  l'Em- 
pire ,  y  introduifit  eu  même  temps  le  droit 
romani  ,  &  voulut  qu'il  fût  encore  obfervé 
comme  un  droit  impérial  &  commun  :  ce 
qui  fut  réfolu  dans  les  diètes  de,  l'Empire  des 
années   1495    Se  1500, 

L'étude  des  loix  eft  encore  devenue  plu* 
difficile  par  la  multimde  de  commentateurs; 
qui  ont  paru  en  Italie  ,  en  France ,  en  Ef- 
pagne  ,  &  fur-tout  en  Allemagne  ^  au  lieu 
de  s'attacher  à  la  loi,  on  fuivit  l'opinion 
commune  des  dodeurs  ,  chacun  prétendit 
avoir  pour  foi  l'opinion  commune  ^  &  l'a- 
bus alla  fi  loin  ,  que  dès  qu'un  avocat  pou- 
voit  rapporter  en  fa  faveur  l'opinion  de  quel- 
que doâ:eur  ,  ni  lui  ni  fa  partie  ne  pouvoient 
être  condamnés  aux  dépens*. 

Jel  eft  encore  l'état  de  la  jurisprudence; 
dans  la  plus  grande  partie  de  l'Allemagne. 

Plufieurs  iàvans  ont  fait  des  vœux  pour- 
la  réformation  de  la  juftice  dans  l'Allema'- 
gne  j  quelques-uns,  ont  donné  des  projets^ 


C  O  D 

d'un  nouveau  code  ;  les  empereurs  mêmes 
ont  propofé  pluiîeurs  fois  dans  les  dictes  la 
réfiormation  de  la  juftice  :  mais  toutes  les 
délibérations  qui  ont  été  faites  ,  n'ont  abouti 
qu'à  mieux  régler  la  procédure  ,  &  l'on  n'a 
point  formé  de  corps  de  droit  général  &; 
certain. 

Quelques  états  de  l'empire  ont  à  la  vérité 
fait  dreiler  des  corps  de  droit ,  entre  lef- 
quels  ceux  de  Saxe  ,  de  Magdebourg  ,  de 
Lunebourg ,  de  PrufTe ,  du  Palatinat  ,  &  de 
Wirtemberg,  méritent  des  éloges  ^  mais  au- 
cun de  ces  codes  n'cft  univerfël ,  &  ne  ren- 
ferme toutes  les  matières  de  droit  :  ils  ne 
font  point  réduits  en  forme  de  fyftême  ,  ils 
ne  contiennent  point  de  principes  généraux 
fiir  chaque  matière  ,  la  plupart  ne  règlent 
que  la  procédure  &  quelques  cas  douteux  j 
c'eft  pourquoi  on  y  laiffe  fubfifter  le  recours 
aux  ïoix  romaines. 

La  juriiprudence  n'étoit  pas  moins  incer- 
taine dans  les  états  du  roi  de  Pruffe,  avant  la 
publication  du  nouveau  code  dont  il  s'agit  ici. 

Outre  le  droit  romain  qu'on  y  avoit  reçu  , 
le  droit  canon  y  avoit  aufTi  une  grande  au- 
torité avant  que  les  états  de  Pruffe  fè  fîii- 
fcnt  féparés  de  communion  d'avec  l'églifè 
romaine  j  les  dofèeurs  mêloient  encore  à  ces 
loix  un  prétendu  droit  allemand  qui  n'é- 
toit  qu'imaginaire,  puifqu'on  ne  fait  rien  de 
certain  de  fon  origine ,  &  que  la  plupart  de 
ces  loix  germaniques  ne  convenant  plus  à 
rétat  préfent  du  gouv^ernemcnt  y  font  de- 
puis long-temps  hors  d'ufage. 

La  confufîon  étoit  encore  plus  grande 
dans  quelques  provinces  ,  par  l'introduâion 
du  droit  mxon  qui  diffère  en  bien  des  cas 
du  droit  commun ,  &  que  l'on  fiiivoit  prin- 
cipalement pour  la  procédure. 

Chaque  province  &  prefque  chaque  ville 
alléguoit  des  ftatuts  particuliers  ,  inconnus 
pour  la  plupart  aux  habitans. 

Le  grand  nombre  d'édits  particuliers ,  fou- 
vent  contradiâoires  entre  eux ,  augmen- 
toient  encore  l'incertitude  de  la  jurispru- 
dence &  la  difficulté  de  l'étudier. 

Il  s'étoit  auffi  introduit  dans  chaque  pro- 
vince un  ftyle  particulier  de  procéder  ^  & 
cette  diveriité  de  ftyles  donnoit  lieu  à  tant 
d'incidens  ,  qu'on  étoit  obligé  d'évoquer  au 
confeil  la  plupart  des  affaires. 

Pour  remédier  à  tous  ces  inconvénient ,. 


C  O  D  3<r5 

le  roi  de  Prufîè  à  préfent  régnant,  fit  lui- 
m.ême  un  pian  de  réformation  de  la  juftirce. 

Ce  plan  contenoit  en  fùbftancc  ,  que 
l'homme  eff  né  pour  la  fociété  j,  ce  n'eft 
que  paï-là  qu'il  diffère  des  animaux  ^  la  fo- 
ciété ne  fauroit  fe  maintenir  ou  du  moins 
ne  peut  procurer  à  l'homme  les  avantages 
qui  lui  conviennent ,  fi  l'ordre  n'y  règne  j 
c'eft  ce  qui  dilHngue  les  nattions  policées 
des  (àuvages  :  les  fociétés  les  mieux  établies 
font  expofées  à  trois  fortes  de  troubles ,  les 
procès ,  les  crimes ,  oc  les  guerres  ^  les  guer- 
res ont  leurs  loix  dans  le  droit  des  gens  , 
les  crimes  &  les  procès  font  l'objet  des  loix 
civiles  :  mais  les  procès  feuls  ont  été  l'objet 
de  cette  réformation. 

Les  procès  peuvent  être  terminés  par  trois 
voies  ,  l'accommodement  volontaire  ,  l'ar- 
bitrage ,  &  la  procédure  judiciaire  ^  les  deux 
premières  voies  étant  rarement  fuffifantes  y 
il  faut  desvtribunaux  bien  réglés  ,  &  un  or- 
dre Judiciaire. 

C'eft  dans  cet  ordre  qu'il  s'eft  gliffé  plu- 
fieurs  abus  ,  auxquels  il  s'agit  de  remédier. 
Abolir  totalement  les  procès  ,  c'eft  choie 
impofilble  3  mais  il  faut  rendre  la  loi  cer- 
taine &  la  procédure  uniforme  ,  &  abréger 
les  procès  de  manière  que  tous  foient  ter- 
minés par  trois  inftances  ou  degrés  de  ju- 
rifHiâ:ion ,  dans  l'efpace  d'une  année. 

Le  roi  de  Pruffe  ayant  communiqué  ce 
plan  à  fbn  grand-chancelier  ,  lui  ordonna 
d'en  commencer  l'effai  dans  la  Poméranie  ^ 
où  les  procès  font  les  plus  fréquens. 

L'exécution  ayant  parfaitement  répondu 
aux  efpérances ,  le  roi  ordonna  à  fon  grand- 
chancelier  de  drefler  un  ample  projet  d'or- 
donnances ,  &  de  le  faire  pratiquer  provi- 
fîonnellem«nt  dans  tous  fès  états  &  par  tous 
les  tribunaux  ,  leur  enjoignant  de  faire  en- 
fuite  leurs  objfervations  &  leurs  remontran- 
ces ftir  les  difficultés  qui  pourroient  fe  ren- 
contrer dans  l'exécution  de  ce  plan  ,  afin 
qu'il  y  fût  pourvu  avant  de  mettre  la  der- 
nière main  à  cette  ordonnance.  C'eft  ce  qui 
a  été  exécuté  quelque  temps  après  par  la  ré- 
duction du  code  Frédéric. 

Il  été  publié  en  langue  allemande  ,  afin, 
que  chacun  pût  entendre  la  loi  qu'il  dort 
fuivre.  M.  A.  A.  de  C.  confêiller  privé  du 
roi,  a  traduit  ce  code  en  françois  le  plus  lit- 
téralement qu'il  étoit  poflîble* 


3^^  C  O  D 

Suivant  cette  traduûion  ,  l'ouvrage  eft 
intitulé  code  Frédéric  ou  corps  de  droit  pour 
les  états  de  fa  majeilé  le  roi  de  Pruffe.  La 
fuite  du  titre  annonce  que  ce  code  eft  fondé 
fur  la  raifon  &  les  couftitutions  du  pays  ;, 
qu'on  y  a  difpofé  le  droit  romain  dans  un 
ordre  naturel,  retranché  les  loix  étrangè- 
res ,  aboli  les  fubtilités  du  droit  roinain  ,  & 
pleinement  éclairci  les  doutes  &  les  diffi- 
cultés que  le  même  droit  &.  fes  commen- 
tateurs avoient  introduits  dans  la  procédure  : 
enfin  que  ce  code  établit  un  droit  certain  & 
univerfel.  On  verra  cependant  qu'il  y  a  en- 
core plufieurs  loix  différentes  admites  dans 
certains  cas.  Ce  code  ne  comprend  que  les 
loix  civiles  qui  ont  rapport  au  droit  des  par- 
ticuliers ^  ce  qui  concerne  la  police  ,  les  af- 
faires militaires ,  &  autres  ,  n'entre  point 
dans  ce  plan. 

L'ouvrage  eft  divifé  en  trois  parties ,  fui- 
vant  les  trois  objets  différens  du  droit ,  dif- 
tingués  par  Juftinien  dans  fes  inftitutions  ; 
favoir  l'état  des  perfonnes  ,  le  droit  des  cho- 
£es  ,  &  les  obligations  des  perfonnes  d'où 
naiflent  les  aérions. 

Chaque  partie  eft  divifée  en  plufieurs  li- 
vres ,  chaque  li^'re  en  plufieurs  titres ,  cha- 
que titre  en  paragraphes  ^  &  lorfque  la  ma- 
tière d'un  titre  eft  fufceptible  de  plufieurs 
fubdivifions  ,  le  titre  eft  divifé  en  plufieurs 
articles ,  &  les  articles  en  paragraphes. 

Le  premier  titre  de  chaque  livre  eft  def- 
tiné  uniquement  à  annoncer  l'objet  de  ce  li- 
\Te  &  la  divifion  des  titres.  On  a  confervé 
dans  les  rubriques  &  en  plufieurs  endroits 
de  l'ouvrage  ,  les  noms  latins  des  adions  & 
autres  termes  confacrés  en  droit ,  auxquels 
les  officiers  de  juftice  font  accoutumés  ,  & 
qui  ne  pouvoient  être  rendus  avec  précifîon 
dans  la  langue  allemande. 

On  remarque  auffi  en  beaucoup  d'en- 
droits de  ce  code  ,  qu'il  ne  contient  pas  fim- 
plement  des  difpofitions  nouvelles  ,  mais 
qu'il  rappelle  d'abord  ce  qui  fe  pratiquoit 
anciennement  ,  &  les  motifs  pour  lefquels 
la  loi  a  été  changée  ^  &  que  le  légiflateur 
pour  rendre  fa  difpofition  plus  intelligible  , 
emploie  quelquefois  des  comparaifons  & 
des  exemples. 

Le  titre  fécond  du  premier  livre  ordonne 
que  le  code  Frédéric  fera  à  l'avenir  la  prin- 
cipale loi  des  états  du  roi  de  Prufl?. 


C  O  D 

Pour  cet  effet ,  il  eft  défendu  aux  avocats 
de  citer  à  l'avenir  l'autorité  du  droit  romain 
ou  de  quelque  dofteur  que  ce  foit  ,  &  aux 
juges  d'y  avoir  égard  ,  abrogeant  tous  au- 
tres droits ,  couftitutions  ,  &  édits  diftërens 
ou  contraires  au  code  Frédéric. 

L'éditeur  de  la  traduction  de  ce  code  dit 
néanmoins  dans  fa  préface  ,  que  l'intention 
du  roi  de  Pruflè  n'a  pas  été  d'empêcher  que 
l'on  ne  donnât  à  l'avenir  dans  les  univerfi- 
tés  àes  leçons  fur  le  droit  romain  -^  parce 
que  connoiflant  ion  autorité  par  rapport  aux 
affaires  qu'il  peut  avoir  à  démêler  dans  l'em- 
pire avec  ks  voifins ,  &  qu'il  doit  pourfui- 
vre  dans  les  tribunaux  de  l'empire  ,  il  eft 
convenable  que  la  fcience  de  ce  droit  foit 
cultivée,  &  auffi  pour  les  étrangers  qui  vien- 
nent l'apprendre  dans  les  univerfités. 

Le  roi  de  Pruife  déclare  qu'aucune  cou- 
tume contraire  ne  pourra  prévaloir  fiir  fon 
code  ,  quand  même  elle  feroit  approuvée 
par  des  arrêts  qui  auroient  acquis  force  de 
chofe  jugée. 

Il  défend  aux  juges  d'interpréter  la  loi 
fous  prétexte  d'en  prendre  l'eiprit  ou  des 
motifs  d'équité  ^  mais  il  veut  qu'ils  puiflent 
l'appliquer  &  l'étendre  à  tous  les  cas  fem- 
blables  qui  n'auroient  pas  été  prévus. 

Quand  quelque  point  de  droit  paroîtra 
douteux  aux  juges  &  avoir  befoin  d'éclair- 
ciflement ,  il  leur  eft  ordonné  de  s'adrelfer 
au  département  des  affaires  de  la  juftice, 
pour  donner  les  éclairciffemens  &  les  fiip- 
plémens  néceffaires  j  &  il  eft  dit  que  ces  dé- 
cifions  feront  imprimées  tous  les  ans  :  mais 
les  parties  ne  pourront  s'adrelfer  direéle- 
ment  au  prince  pour  demander  l'interpréta' 
tioH  d'une  loi  j  la  requête  fera  renvoyée  au 
juge  ,  avec  un  refcrit  pour  l'adminiftration 
de  la  juftice. 

Il  eft  défendu  aux  tribunaux  de  faire  au^ 
cune  attention  aux  reicrits  qui  feront  mani- 
feftement  contraires  à  la  teneur  de  ce  corps 
de  droit ,  lefquels  n'auront  pas  force  de  loi  j 
car  le  roi  déclare  qu'en  les  donnant  ,  fon 
intention  fera  toujours  de  les  rendre  confoir- 
mes  à  fbn  code. 

Quant  aux  ordres  émanés  du  cabinet  du 
,   fi  les  tribunaux  les  croient  contraires 


roi 


au  code  ,  ils  feront  leurs  rcpréfentatious  &: 
demanderont  de  nouveaux  ordres ,  lefquel§ 
fçrpftt  pjtécutésy 


C  O  D 

Il  eft  auflî  défendu  de  faire  des  com- 
mentaires ou  dilFertations  fur  tout  le  corps 
de  droit ,  ou  fur  quelqu'une  de  fes  parties. 

Le  code  Frédéric  ne  pourra  fervir  pour  la 
décifîon  des  cas  arrivés  avant  fa  publica- 
tion ,  fi  ce  n'eft  qu'il  puilîé  éclaircir  quelque 
loi  douteufè. 

Comme  les  fujets  du  roi  de  Prufle  qui  font 
profeflion  de  la  religion  catholique ,  doi- 
vent en  vertu  de  la  paix  de  Weftphalie  être 
jugés  félon  leurs  principes  en  matière  de  foi , 
le  roi  confèrve  au  droit  canon  force  de  loi., 
en  tant  qu'il  eft  néceflàire  pour  cet  effet  ^ 
mais  il  l'abroge  dans  toutes  les  affaires  ci- 
viles ,  &  n'en  excepte  que  ce  qui  concerne 
\qs  offices  &  dignités  dans  les  chapitres  ^ 
comme  auffî  les  droits  qui  en  dépendent , 
&  ce  qui  regarde  les  dîmes  :  le  tout  ièra 
décidé  fuivant  le  droit  canon ,  même  entre 
les  fujets  du  roi  qui  font  proteftans. 

Les  caufes  féodales  feront  jugées  félon  le 
droit  féodal ,  jufqu'à  ce  que  le  roi  ait  fait 
compofer  &  publier  un  droit  féodal  par- 
ticulier. 

Les  conftitutions  particulières  qui  feront 
données  pour  décider  les  cas  non  prévus 
dans  le  code ,  auront  force  de  loi  deux  mois 
après  leur  publication. 

A  l'égard  des  ftatuts  oh  privilèges  parti- 
culiers des  provinces  ,  villes ,  communau- 
tés ,  ou  de  quelques  particuliers  ,  ceux  qui 
voudront  les  conferver ,  les  rapporteront  dans 
l'efpace  d'une  année  ,  le  roi  fe  réfervant  de 
\qs  approuver  fuivant  l'exigence  des  cas  ,  & 
de  faire  imprimer  &  joindre  à  fon  code  un 
appendice  qui  contiendra  les  droits  particu- 
liers de  chaque  province. 

Il  invite  néanmoins  les  provinces  à  con- 
courir de  leur  part  à  rendre  le  droit  unifor- 
me,  &  à  fe  foumettre  fur-tout  à  l'ordre  de 
fùcceffîon  établi  dans  fon  code  ,  &  à  renon- 
cer pour  l'avenir  à  la  communauté  de  biens , 
qu'il  regarde  comme  une  fource  de  procès. 

Outre  les  loix  dont  il  vient  d'être  fait 
mention  ,  il  dit  qu'une  coutume  raifonnable 
&  bien  établie  par  un  ufage  confiant,  aura 
force  de  loi ,  pourvu  qu'elle  ne  foit  pas  con- 
traire à  la  conftitution  de  l'état  ou  au  code 
Frédéric. 

Enfin  le  roi  déclare  que  dans  les  procès 
où  il  fera  intérefle ,  s'il  y  a  du  doute ,  il 
aime  mieux  fouffrir  quelque  perte  qae  de  fa- 


C  O  D  3^7 

tiguer  fes   fujets  par  des  procès  onéreux. 

Les  autres  titres  de  ce  m.ême  livre  traitent 
de  l'état  des  perfonues ,  qui  font  d'abord 
diftinguées  en  mâles  ,  femelles  ,  &  herma- 
phrodites j  les  perfonnes  de  cette  dernière 
eipece  dans  lefquçllcs  aucun  des  deux  fexes 
ne  prévaut ,  peuvent  choifir  celui  que  bon 
leur  fembîe  :  mais  leur  choix  étant  fait ,  elles 
ne  peuvent  varier.  Ainfi  un  hermaphrodite 
qui  a  époufé  un  homme  ,  ne  peut  plus 
époufer  une  femme. 

On  voit  dans  le  titre  cinq ,  qu'il  n'y  a 
point  d'efelaves ,  proprement  dits ,  dans  les 
états  du  roi  de  Prufiè  ,  mais  feulement  dans 
quelques  provinces ,  des  ferfs  attachés  à  cer-"^ 
taines  terres ,  à-peu-près  comme  nous  en 
avons  en  France. 

Le  titre  fix  concerne  l'état  de  citoyen  5 
mais  l'éditeur  avertit  à  la  fin  de  fa  préface , 
que  cette  matière  n'a  pu  pour  cette  fois  être 
traitée  avec  l'étendue  requife ,  parce  qu'on 
travaille  aftuellement  à  un  règlement  qui 
doit  déterminer  jufqu'où  les  affaires  des  villes 
appartiendront  à  la  connoiiTance  du  dépar- 
tement de  la  juftice  ^  &  il  annonce  que  cet 
état  fera  réglé  plus  amplement  ,  loriqu'on 
fera  la  révifion  de  ce  nouveau  code. 

Entre  les  devoirs  réciproques  du  mari  & 
de  la  femme ,  il  eft  dit  que  fi  la  femme  eft 
en  la  puilfance  de  fon  mari ,  que  fi  elle  s'ou- 
blie ,  il  peut  la  ramener  à  fon  devoir  d'une 
manière  raifonnable  ;  qu'elle  ne  doit  point 
abandonner  fon  mari  ;  que  le  mari  ne  peut 
pas  non  plus  fe  féparer  d'elle  fans  des  raifons 
importantes  -,  &:  qu'il  ne  peut  ,  fans  com- 
mettre adultère  ,  avoir  commerce  avec  une 
autre. 

Les  bâtards  fimples  peuvent  être  légitimés 
par  mariage  fubféquent  ,  ou  par  lettres  du 
prince  feulement  *,  le  droit  d'accorder  de  tel- 
les lettres  eft  ôté  aux  comtes  appellés/>a/û///zj. 

Les  adoptions  font  admifes  par  ce  nouveau 
code ,  à-pefj-près  comme  elles  avoieut  lieu 
chez  les  Romains. 

On  y  règle  auffî  les  effets  de  la  puifl!ance 
paternelle.  Il  eft  permis  au  père  de  châtier 
fes  enfans  modérément ,  même  de  les  enfer- 
mer dans  Ça.  maifon  ;  mais  non  pas  de  les 
battre  jufqu'à  les  faire  tomber  malades  ,  ni 
de  les  faire  enfermer  dans  une  maifon  de 
corredion  ,  fans  que  la  juftice  eu  ait  pris 
couttoifïâflce. 


3^8  C  O  D 

Par  rapport  aux  mariages ,  ils  doivent  être 
précédés  de  trois  annonces  ou  bancs  pendant 
trois  dimanches  confécutifs.  Le  roi  feui 
pourra  difpenfèr  des  trois  annonces ,  ou 
même  de  deux  :  mais  les  confiftoires  pourront 
difpenfèr  d'une  ^  &  ie  roi  confirme  VuCage 
obiervé  à  l'égard  des  annonces  des  nobles  , 
de  les  faire  publier  fans  qu'ils  y  foient  nom- 
més On  ne  conçoit  pas  quelle  publicité 
cela  peut  donner  à  leurs  mariages. 

Entre  les  caufes  pour  lefquelles  un  m.ariage 
légitime  peut  être  diflbus ,  il  eft  permis  aux 
conjoints  de  le  faire  d'un  mutuel  confente- 
ment  ,  après  néanmoins  qu'on  aura  elTayé 
pendant  un  an  de  les  réunir. 

Un  des  conjoints  peut  demander  la  dilTo- 
lution  du  mariage ,  pour  cauiè  d'adultère 
commis  par  l'autre  conjoint. 

Il  fuffit  même  au  mari  que  fa  femme  ait 
un  commerce  fiifpect  avec  des  hommes , 
comme  fi  elle  leur  écrit  des  billets  doux,  &c. 
Ces  galanteries  ne  font  pas  punies  par-tout 
il  févérement. 

Le  mariage  eft  encore  dilTous  ,  lorfqu'un 
des  époux  abandonne  l'autre  malicieufe- 
ment ,  ou  lorfque  l'un  des  deux  conçoit 
contre  l'autre  une  inimitié  irréconciliable  , 
ou  contraéfe  le  mal  vénérien  ,  &c.  ou  lori- 
qu'il  devient  furieux  ou  imbécille  ^  &  de- 
meure en  cet  état. 

V article  3  du  titre  iij ,  livre  II ,  diftingue 
deux  fortes  de  concubinages  :  le  premier , 
qu'on  appelle  mariage  à  la  morganatique  ou 
de  la  main  gauche  ,  lequel  n'eft  pas  permis 
félon  les  loix  \  le  prince  fe  réfen'e  néanmoins 
la  faculté  de  le  permettre  aux  gens  de  qua- 
lité ou  de  condition  éminente ,  lorlqu'ils  ne 
veulent  pas  s'engager  dans  un  fécond  ma- 
riage 5  &  que  néanmoins  ils  n'ont  pas  le  don 
de  contiaeiice  \  l'autre  forte  de  concubinage , 
qui  n'eft  point  accompagné  de  la  bénédiâiion 
nuptiale,  eft  abfolument  défendu  comme 
par  le  palTé. 

Les  titres  fliivans  règlent  ce  qui  concerne 
la  dot ,  les  paraphernaux  ,  les  biens  de  la 
femme  appelles  res  receptitiœ ,  la  donation  à 
caufe  de  noces  ,  le  douaire  y  dotalitium  ,  ac- 
cordé aux  veuves  parmi  la  nobleffe,  le 
préibnt  appelle  morgengabe ,  que  le  mari  fait 
à  fa  femme  le  lendemain  des  noces  ,  la  fuc- 
ceflion  réciproque  du  mari  &  de  la  femme 
lorfque  cela  eft  ftipulé  dans  le  coatrat ,  &  la 


C  O  D 

»  portion  sç^t'Aèt  Jiatutaire ,  que  le  iiirvivant 
gagne  en  quelques  provinces ,  &  qui  eft  d* 
la  moitié  des  biens  du  prédécédé. 

Le  furplus  de  cette  première  partie  eft 
employé  à  régler  les  tutelles. 

La  ièconde  partie  eft  divifée  en  huit  livres, 
qui  forment  deux  volumes  :  cette  partie 
traite  du  droit  réel  que  les  perfonnes  ont  fur 
les  choies  ,  de  la  diftindion  des  biens ,  des 
différentes  manières  de  les  acquérir  &  de  \q$ 
perdre^  ce  qui  embrafîë  les  prefcript  ions  , 
les  fervitudes ,  ks  gages  &.  hypothèques  , 
les  fuccelîions  ,  les  teliamens  ik.  codicdles  : 
tout  y  eft  alTez  conforme  au  droit  romain  , 
excepté  que  l'on  en  a  retranciié  beaucoup 
de  chofes  qui  ne  conviennent  plus  au  temps 
ni  au  lieu  j  &  pour  les  teftamens ,  il  eft  or- 
donné qu'à  l'avenir  ils  ne  pourront  être  faits 
qu'en  juftice  en  préfence  de  trois  officiers  de 
la  jurifdidion  :  l'ufage  des  teftamens  devant 
notaires  &  témoins  elè  aboli. 

La  troiiieme  partie  ,  dont  la  traduéiion 
ne  paroît  pas  encore  en  France ,  eft  celle  qui 
traite  des  obligations  de  la  perlbnne  &dela 
procédure. 

C'eft  dans  cette  dernière  partie  que  le  roi 
s'attache  principalement  à  réformer  l'ordre 
judiciaire. 

Il  diftingue  trois  degrés  de  jurifdiéèion  j 
favoir  ,  les  juftices  inférieures ,  les  juftices 
iiipérieures  où  relfortit  l'appel  des  premiè- 
res ,  &  les  tribunaux  où  reiibrtit  l'appel  des 
juftices  fupérieures. 

Il  règle  de  quels  officiers  chaque  ^icgc 
doit  être  compofé ,  &  le  devoir  de  chaque 
officier  en  particulier. 

Les  rapports  doivent  être  expédiés  en  huit 
ou  quinze  jours  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  une 
néceffitéindifpenfàble  de  prolonger  ce  délai. 

Tout  procès  doit  être  terminé  en  trois  inf- 
tances  ou  degrés  de  jurifdiâion  dans  i'efpace 
d'une  année. 

Les  avocats  qui  n'ont  ni  les  fentimens 
d'honneur  ni  les  talens  que  demande  leur 
profeffion ,  doivent  être  caftes  \  le  nombre 
en  doit  être  fixé  à  l'avenir  dans  chaque  tri- 
bunal j  les  candidats  feront  examinés  à  fond 
ftir  le  droit  &  les  ordonnances  ^  l'honoraire 
des  avocats  fera  fixé  par  le  jugement  feloii 
leur  travail ,  &  ils  ne  pourront  rien  prendre 
des  parties  que  le  procès  ne  foit  terminé  j 
leur  minifterc  ne  fera  employé  que  dans  les 

grandes 


c  o  b 

grandes  villes  ocdms  des  tribunaux  ccnCtàé- 
rablss  ,  dc  à  Tavenir  ils  font  féuls  chargés  de 
faire  les  procédures  qui  font  fort  fimplifiées, 
ôc  le  miniftcre  des  procureurs  eft  iupprimc. 

Tel  eft  en  fubftance  le  fyftême  de  ce  nou- 
veau code  y  par  lequel  on  peut  juger  de  la 
forme  du  gouvernement  &  des  mœurs  du 
pays  par  rapport  à  l'adminiftration  de  la  j  u£~ 
tice  ;  il  feroit  à  fouhaiter  que  Ton  fit  la  même 
chofe  dans  les  autres  états  où  les  loix  ne  font 
point  réduites  en  un  corps  de  droit. 

Code  des  Gabelles  ,  eft  Un  titre  que 
Ton  met  quelquefois  à  l'ordonnance  de 
Louis  XIV  ,  du  mois  de  mai  1680,  fur  le 
fait  des  aides  &  gabelles.  Fbje:^  ce  qui  eft 
dit  ci-de(lUsrt«  /norCoDE  des  Aides  ,  &  ci- 
après  Gabelles  ,  Ordonnance  des  Ga- 
belles. 

Code  Gillet  ou  code  des  procureurs ,  eft 
un  recueil  d  edits  &  déclarations,  arrêts  Se 
réglemens  concernant  les  fonâiions  des  pro- 
cureurs ,  tiers  référendaires  du  parlement  de 
Paris  :  le  véritable  titre  de  ce  recueil  eft  ar- 
rêts &  réglemens  concernant  les  fcnclicns  des 
procureurs  y  &c.  ce  n'eft  quedansTufagc  vul- 
gaire qu*on  lui  a  donné  les  furnoms  de  code 
Gillet  ou  code  des  procureurs  ;  8c  quoiq  ue  le 
titre  n'annonce  d'abord  que  des  arrêts  5c 
réglemens  ,  il  contient  cependant  au ili  pîu- 
fieurs  édits  &  déclarations,  &  plufieurs  dé- 
libérations de  la  corïmaunâuté  des  avocats 
ôc  procureurs  ;  le  tout  eft  accompagné  de 
différentes  inftrudtions  conformes  à  Tordre 
judiciaire.  Ce  recueil  a  été  (urnommé  le 
code  Gillet ,  du  nom  de  M«  Pierre  Gillet , 
l'un  des  procureurs  de  communauté  qui  en 
fut  Tauteur  Se  le  donna  au  public  en  1 7 1 4  : 
on  en  a  fiit  une  nouvelle  édition  en  1 7 1 7 , 
qui  a  été  augmentée.  Ce  recueil  eft  divifé  eh 
trois  parties  :  la  première  contient  les  édits 
6c  déclarations  concernant'  la  création  des 
procureurs  au  parlement;  la  féconde  partie 
traite  du  devoir  &c  des  qualités  néceftairesau 
procureur  pour  bien  exercer  fa  profefTion  , 
dont  Pauteur  du  code  Gillet  donnoit  l'exem- 
ple au  iTi  bien  que  les  t)réceptes;  il  y  traire 
auffi  très-fommairemenr  de  la  communauté 
des  avocats  &  procureurs  par  rapport  à  l'o- 
bligation &  à  l'utilité  qu'il  y  a  pour  les  pro- 
cureurs de  s'y  trouver  :  mais  il  n'a  point  ex- 
pliqué aflèz  amplement  ce  que  l'on  entend 
par  cette  communauté  des  avocats  ôc  procu- 
Tome  FUI, 


C  0  t)  5^^ 

feurs  ;  on  pourra  le  voir  ci-àprês  au  mot 
Communauté  :  la  "troineme  partie  eft  di- 
vifée  en  plufieurs  titres;  favoir  jdela  décharge 
des  pièces ,  procès  Ôc  inftances ,  ôc  du  temps 
pendant  lequel  on  peut  les  demander  ,  du 
défaveu  ,  de  la  confîgnation  que  les  procu- 
reurs doivent  faire  des  amendes ,  de  la  poftu- 
lation  ,  des  frais  ôc  falaires  des  procureurs , 
de  la  fonction  ôc  inftru<£tion  des  ticrs-taxa- 
teurs  de  dépens.  Ce  recueil,  quoique  fait 
principalement  pourTufage  des  procureurs, 
peut  auiïî  fervir  à  tous  ceux  qui  concou- 
rent à  l'adminiftration  de  la  juftice  :  mais  il 
y  auroit  beaucoup  de  nouveaux  réglemens  à 
y  ajouter,  qui  font  furvenus  depuis  le  décès 
de  Tauteur. 

Code  des  Grecs  ,  v.  Code  canonique. 

Code  Grégorien,  codejc  Gregorianus, 
eft  une  compilation  des  conftitutions  des 
empereurs  romains,  depuis  ôc  compris  Tem- 
pire  d" Adrien  juiques  Se  compris  celui  de 
Dioclétien  Ôc  de  Maximien.  Ce  code  eft  fur- 
nommé  Grégorien  du  nom  de  celui  qui  a 
fait  cczzs  compilation.  On  tient  communé- 
ment qu'elle  a  précédé  une  autre  coUedion 
des  mêmes conftîtucions,  connue  fous  le  titre 
de  code  hermogênieny  dont  nous  parlerons  ci- 
après  ;  cependant  Pancirole  en  (on  traité  de 
clar.  kg.  interpret.  cap.  txv  &  fxvj ,  croit  au, 
contraire  que  le  code  Grégorien  a  été  rédigé 
depuis  le  code  hermogênien.  Il  prétend  que  \é 
code  Grégorien  fut  Compilé  par  Grégorius , 
préfet,  de  TËfpagne  ôc  proconful  d* Afrique 
fous  les  empereurs  Valens  Ôc  Gratien  qui  ont 
régné  depuis  Conftantin-le-  grand  :  la  loi  i  $' 
au  code  Théodofien ,  depijlorihus^  fait  men- 
tion de  ce  Grégorius.  Jacques  Codefroi  eu 
fes  prolégomènes  du  coJeThéodofien ,  attri- 
bue la  compilatioji  du  code  Grégorien,  à  un 
autre  Grégorius  qui  fut  préfet  du,  prétoire 
fous  l'empire  de  Conftantin.  Il  eft  parlé  de 
ce  Grégorius  dans  pluiîeurs  loix  du  code 
Théodofien ,  ôc  il  eft  encore  douteux  lequel 
de  ces  deux  Grégorius  a  compilé  le  code 
Grégorien.  Qiielqaes  auteurs,  (Scnotammcnç 
celui  de  la  conférence  des  loix  inoiaïques6c 
romaines  qui  vivoit  peu  de  temps  après ,  le 
nomme  io\i]OW[s  Qregcrianus  ,  ce  qui  fait 
croire  que  c'étoit  fon  véritable  nom ,  ôc  non 
pas  Grégorius,  Quant  au  temps  où  il  a  vécu  , 
il  paroit  quec'eft  fous  Conftantin ,  fa  com- 
pilation finrftaiit  aux  coilfticutions  de  Dio- 

Aaa 


370  ^  ^  ^       ,    , 

clctien  &  de  Maximien  ,  qui  ont  régné  avant 
Gonftantin  ,  lequel  pofTédoit  déjà  une  partie 
de  Tempire  avant  Maximien.  Grégorien 
ayant  fait  de  Ton  chef  cette  compilation  ,  il 
ne  paroit  pas  qu'elle  ait  eu  par  elle  -même 
aucune  autorité  fous  Conftantin  ni  lous  Tes 
fucceiTèurs  ,  non  plus  que  le  code  hermcgé- 
nien;  Juftinien  cite  ,  à  la  vérité  ,  ces  deux 
codes  au  comm.encem.ent ,  ^  les  fait  aller 
de  pair  avec  le  code  Théodcfien  ,  en  parlant 
du  grand  nombre  de  conftitutions  que  ces 
trois  codes  contenoient  :  mais  tout  ce  que 
Ton  peut  induire  de  là  par  rapport  aux  codes 
Grégorien  &  Hermogénien ,  eft  que  l'on  con- 
fultoit  ces  colledlions  comme  une  indruétion 
tz  comme  un  recueil  contenant  des  confti- 
tutions qui  avoient  force  de  loi.  M.  Terraf- 
ion  ,  en  ion  h,J}.  de  la  jurifprud,  romaine  , 
penfe  que  probablement  on  ne  voulut  pas 
revêtir  ces  deux  codes  de  Tau torité  publique 
à  caufeque  leurs  auteurs  étoient  païens, 
comme  il  paroit  en  ce  qu'ils  ont  alfedé  de 
j:e  rapporter  que  les  conftitutions  des  em- 
pereurs païens.  On  croit  cependant  que  Jufti- 
jnien  n'a  pas  laiflé  de  fe  fervir  de  ces  deux 
codes  pour  former  le  fîen  ;  on  fonde  cette 
conjeÂure  fur  ce  qu'il  fe  trouve  dans  fon 
code  des  conftitutions  qui  n'étoicnt  point 
dans  celui  de  l'empereur  ThéodoTe ,  parce 
qu'elles  font  plus  anciennes ,  &  qu'elles  ont 
probablement  été  tirées  des  deux  codes  Gré- 
gorien 8c  Hermogénien. 

Après  que  Juftinien  eut  tiré  de  ces  deux 
codes  ce  qu'il  crut  nécellaire  ,  on  les  négli  - 
gea  tellement  qu''ils  ont  été  perdus,  à  Pex- 
ception  de  quelques  fragmens  qu'Anien, 
jurifconfuke  d'Alaric  ,  nous  en  a  confervé 
depuis  ;  Jacques  Sichard  les  a  compris  dans 
ion  édition  du  code  Thécdcficn  ,  imprimé  à 
Bâle  en  1518  j  Grégorius,  Tholofanus  & 
Cujas  les  ont  enfuite  donnés  avec  des  cor- 
redlicnsj  enfin  Antoine  Schulting  en  ^  donné 
une  édition  plus  complète  avec  des  notes  , 
dans  fon  ouvrage  intitulé  jurifpriidentia 
veius  ante-jujîinianea  ,  imprimé  à  Leyde  en 
l'année  1717.  Voye'^lajurifprudence  romaine 
de  M.  Terra  flbn,  page  z8^  ,  Se  ci -après 
Code  Hermogénien  &  Gode  Justinien. 

Code  Henri  ou  code  d'Henri  III,  eft  une 
compilation  faite  par  ordre  d'Henri  lil, 
des  ordonnances  des  rois  fes  prédécefteurs 
^  dçs  iiemies.  Ce  prince  crut  qu'il  étoit  à 


C  O  D 

propos ,  pour  le  bien  de  fon  royaume  ,  de 
faire  ,  à  l'imitation  de  Juftinien ,  un  abrégé 
de  toutes  les  ordonnances.  Il  annonça  ce 
def!èin  dans  l'ordonnance  de  Elois,  faite  tn 
^579  i  ^  regiftrée  en  ifSo,  dont  l'article 
207  porte  quil  avoit  avifé  de  commettre 
certains  perfonnages  pour  recueillir  ôz  arrêter 
les  ordonnances ,  de  réduire  par  ordre  ,  tn 
un  volume,  celles  qui  fe  trou  veroicnt  utiles 
ôc  néceflaires ,  &  aufïî  pour  rédiger  les 
coutumes  de  chaque  province. 

Il  chargea  de  la  compilation  des  ordon- 
nances Barnabe  Crifton ,  lequel  avoit  d'a- 
bord paru  avec  éclat  au  bureau  du  parle- 
ment de  Paris.  Henri  ÏII  charmé  de  (on  éru- 
dition &:  de  fon  éloquence  ,  le  fit  fon  avocat- 
général  ,  puis  confeilk  r  d'état ,  de  enfin  pré- 
fidcnt  à  mortier  en  ij-So.  Il  s'en  fervit  en 
différentes  négociations,  &:  l'envoya  am- 
baflàdeur  en  Angleterre.  Ce  fut  au  retour 
de  cette  am^baftade  qu'il  fut  chargé  de  tra- 
vailler au  code  Henri ,  ce  qu'il  exécuta  avec 
beaucoup  de  foin  &  de  diligence.  Il  mit  au 
jour  cet  ouvrage  fous  le  titre  de  code  Henri 
ôc  dehafJiques,  ôc  comptoit  le  faire  autorifer 
ôc  publier  en  1585;  en  effet,  comme  il 
avoit  obiervé  de  marquer  en  marge  de  cha- 
que difpofition  d'ordonnance  le  nom  du 
prince  dont  elle  étoit  émanée ,  &.  la  date  de 
l'année  8c  du  mois  ,  lorf qu'il  a  ajouté  de 
nouvelles  difpofitions ,  il  les  a  toutes  mar- 
quées fous  le  nom  d'Henri  III ,  25%  ,  fans 
date  de  miois  j  c'eft  à  quoi  l'on  doit  faire  at- 
tention, pour  ne  pas  confondre  les  vérita- 
bles ordonnances  qu'il  a  rapportées ,  avec  les 
articles  qui  ne  font  q uc  de  iimples  projets  de 
loix.  Loyfeau  &  Carondas  ont  dit  de  lui 
qu'il  tribonianifoit ,  parce  qu'à  l'exemple  de 
Tribonien  il  avoit  ajouté  dans  fa  com.piîa- 
tion  de  nouvelles  difpofitions  pour  fuppléer 
à  ce  quin'étoit  pas  prévu  dans  les  anciennes 
ordonnances. 

M.  de  Lauriere ,  en  fa  préface  du  recueil 
des  ordonnances  de  la  troijïeme  race ,  dit  que 
M.  ErifTon  fit  imprimer  fon  ouvr:?ge  en 
1587  ,  fous  le  titre  à.t  k  JiUques  8c  de  code 
Henri. 

Dès  que  cet  ouvrage  parut,  Henri  III  en 
fit  envoyer  des  exemplaires  à  tous  les  parle- 
mens  pour  l'examiner ,  l'augmenter  ou  le 
diminuer  comme  il  leur  pr.roitroit  ccn^  e- 
nable,  fcn  intention  étant  de  lui  dci;ncr 


CDD 

force  de  loi ,  après  qu'il  aaroit  été  revu  èc  ' 
corrigé  fur  les  obfervations  des  parlemens  ; 
mais  rexécution  de  ce  projet  fut  arrêtée  par 
les  guerres  civiles  qui  défolerent  Pétat ,  par 
la  mort  fuiiefte  d'Henri  III ,  arrivée  le  i  août 
1589  ,  &  parla  fin  tragique  du  préfident, 
indigne  d'un  homme  de  (i  grande  confidé- 
ration  &  de  Ton  mérite.  Ce  magiftrat  ayant 
été  choifî  par  la  ligue  pour  occuper  la  place 
du  premier  préfîdent  de  Harlay,  quiétoit 
alors  prifonnier  à  la  Baftille ,  fut  arrêté  le  i  y 
novembre  1591  par  la  fadiou  des  feize,  ik 
conduit  au  petit  châtelet ,  où  il  fut  pendu  à 
une  poutre  de  la  chambre  du  confeil ,  non- 
obftant  toutes  les  prières  qu'il  fit  que  l'on 
l'enfermât  entre  quatre  murailles  ,  afin  qu'il 
pût  achever  l'ouvrage  qu'il  avoir  commencé, 
dont  le  public  dévoie  recevoir  de  grands 
avantages.  Cette  circonftance  eft  rapportée  ' 
par  Simon  en  fa  bibliothèque ,  hijl.  des  auteurs 
de  droit. 

Quelque  temps  après  la  mort  de  l'auteur , 
M.  le  chancelier  de  Chiverny  (décédé  en 
1599)  engagea  Carondas  à  revoir  le  code 
Henri  &  aie  perfeârionner,  &  Carondas  en 
donna  deux  éditions  :  la  première  en  1 60 1 , 
qu'il  dédia  au  roi  Henri  IV  ;  &  dans  l'épître 
dédicatoire  ,  il  parle  du  code  Henri  comme 
d'un  ouvrage  que  le  préfident  Briflon  fepro- 
pofoit  de  mettre  au  jour.  Il  dit  que  M.  le 
chancelier  de  Chiverny  lui  avoir  commandé, 
pour  le  roi ,  de  revoir  ce  code ,  &  d'y  em- 
ployer le  fruit  de  Tes  études  ;  qu'il  y  avoit 
ajouté  plufieurs  ordonnances  mémorables 
des  anciens ,  &  les  édits  &  conftitutions 
d'Henri  IV  ;  il  y  joignit  aufîi  ,  par  forme 
de  notes  ,  une  conférence  des  ordonnances, 
des  anciens  codes  de  Théodofe  &:  de  Jufti- 
nien,  &  des  bafiliquesdesloix  des  Vifigoths, 
des  conciles  ,  des  arrêts ,  &  de  plufieurs  an- 
tiquités &  faits  hiftoriques.  • 

La  féconde  édition  fut  donnée  par  Caron- 
das en  1605  ,  &  augmentée  de  plufieurs 
édits  &c  ordonnances ,  &  notes  qui  man- 
quoient  dans  la  précédente. 

Nicolas  Frérot ,  avocat  au  parlement ,  en 
donna  en  161 5  une  édition  fur  les  manuf- 
crits  même  du  préfident  BrilTon,  &  y  joignit 
aulTi  de  nouvelles  notes. 

Louis  Vrevin  donna  en  iCij  un  volume 
//2-8°.  intitulé  obfervations  fur  le  code  Henri. 

En  16 XI  p:rut  une  quatrième  édition  de 


C  O  D  371 

ce  code ,  augmentée  par  Jean  Tourner  &  par 
Michel  de  la  Rochemaillet. 

Ce  code  ell  divifé  en  vingt  livres  ,  &:  ciia- 
que  livre  en  plufieurs  titres  qui  embraflènt 
toutes  les  matières  du  droit. 

Le  premier  livre  traire  de  l'état  eccléfiaf- 
tique  &  des  matières  bénéficiales  :  le  fécond 
traire  des  parlemens  ,  de  leurs  officiers ,  & 
des  procédures  qui  s'y  obferventde  troifieme 
des  juges  ordinaires  Se  autres  miniftres  de 
juftice:  le  quatrième,  des  préfidiaux  :  le 
cinquieme,de  la  procédure  civilede  fixieme, 
de  diverfes  matières  décidées  par  les  ordon- 
narxces ,  telles  que  les  dots ,  mariages ,  dona- 
tions, teftamens,  fubftitutions,  fuccellions, 
delà  nobîeife,  des  rentes  conftituées,  des 
fervitudes ,  retrait  lignager  ,  de  robligatioii 
de  déclarer  dans  les  contrats  de  quel  feigneur 
relèvent  les  héritages ,  de  l'exécution  des 
oiïligations  &  cédules ,  des  tranfports ,  des 
mineurs ,  tuteurs ,  curateurs ,  des  refcifions, 
répits ,  péremptions  ;  que  tous  ades  de  juf- 
tice feront  en  langue  vulgaire,  &  que  l'année 
fera  comptée  du  premier  janvier  :  le  fep- 
tieme  livre  traite  des  procès  criminels  :  le 
huitième ,  des  crimes  &  de  leur  punition  :  le 
neuvième  ,  traite  de  l'exécution  des  juge- 
mens ,  &  des  moyens  de  fe  pourvoir  contre: 
le  dixième ,  de  la  police  :  le  onzième  ,  des 
univerfités&de  leurs fuppôts  :  le  douzième, 
de  la  chambre  des  comptes  :  le  treizième , 
de  la  cour  des  aides  &  des  officiers  qui  lui 
font  fournis  :  le  quatorzième ,  des  traites  , 
impofitions  foraines  &  douanes  :  le  quin- 
zième ,  des  monnoies  &  de  leurs  officiers  : 
le  feizieme ,  des  eaux  &  forêts  &:  de  leurs 
officiers  :  le  dix-feptieme  ,  du  domaine  & 
droits  de  la  couronne  :  le  dix-huitieme  ,  du 
roi  èc  de  fa  cour ,  le  dix-neuvieme  ,  des 
chancelleries  de  France  :  le  vingtième  ,  des 
états,  offices,  &  autres  charges  militaires, 
&  de  la  police  des  gens  de  guerre. 

Ce  code  confidéré  comme  loi  nouvelle  efl 
fortbon;  mais  étant  demeuré  dans  les  termes 
d'un  fimple  projet ,  il  n'a  aucune  autorité  que 
celle  des  ordonnances  qui  y  font  rapportées , 
&  on  ne  le  cite  guère  que  quand  on  y  trouva 
quelque  ordonnance  quin'efl  pas  rapportée 
ailleurs.  Voye-^  ce  qui  en  efl  dit  par  Pafquier 
dans  fes  lettres ,  liv.  IX  ,  lett.  première  , 
adreflée  au  préfident  Briflon  ;  Loifeau  ,  tr. 
des  offices,  liv.  /,  ch.  viij  ,n.^?.y  Bornier  en^/i 

A  aa  1 


372  C  O  D 

préface  ,  journal  des  a&dieiices  ,  arrêt  du  % 

juillet  lycS. 

Code  du  Roi  Henri  IV  ,  eft  une  com- 

gUâcit>n  du  droit:  romain  &:  dia  droit  Fran- 
çois ,  ou  pîutôr  du  droit  coiuumicr  de  la 
province  de  Normandie  ,  qui  éroit  familier 
à  Fauteur  de  cet  ouvrage  :  ce  fut  Thomas 
Cormier  ,  confeiUer  à  Téchiquier  de  Rouen 
èc  au  confeil  d'Aknçon  ,  qui  donna  au  pu- 
bfic  cerre  compilation  en  i6iy.  Elle  fut 
d'abord  imprimée  en  un  volume //z-/o/.  Fran- 
çois &  latiï>.  En  1(^15"  on  le  réimprima  feu- 
lement en  François  en  un  volamt;  in--4^°.  On 
croisoir ,  au  titre  de  cet  ouvrage ,  qu'il  ren- 
ferme une  colkébion  ou  compilation  des 
ordonnances  d'Henri  IV.  Cependant  on  n'y 
trouve  aucun  texte  d''ordonnance  ,  c'eft  feu- 
lement un  mélange  du  droit  romain  avec 
d«s  dirpotïtions  d'ordonnances.  Voyei  la 
préfûccie  Bornier.  Simon  qui  en  fait  men.tion 
en  Cil  h-bUotheijue  des-  auieurs  de  droit  rap- 
porte fur  celui-ci  unefmgularitc ,  favoir  qu'il 
s^'étoitiî  fort  appliqué  à  Pétude  que  la  femme 
avoir  obtenu  contre  lui  une  ientence  de 
diflolutioiidans  les  formes ,  &  s'étoit  mariée 
d'un  autre  côté  \  que  néanmoins  Cormier 
ayant  aeliievé  fôn  ouvrage  ,  le  repos  d'efprit 
1-ui  fit  recouvrer  la-  fanté  qu'il  avoit  per^ro-e  , 
qu'il  fe  marix  avec  une  autre  Femme  donc  il 
tLu:  des  enfanSjCe  qui  donna  Heu  à  un  graiid" 
procès  dont  parle  Berauk.  On  peur  citer  ace 
iujet  l'exemple  de  Tiraqu^au  ,  quidonnoit, 
dit-on  ,  disque  awnée  au  public  un  eaifanc 
&  un  volume  ;  ce  qui  fait  voir  que  les  pro!- 
cUiAioiTS  de  l'el^r.it  n'empêchent  pas  celles 
de  la  narure. 

Code  H er  moge  niem-  ,  eft-  mie  oolb<Stion 
oucompilation  des  eonftirutions  fkires  pat 
lôs  empereurs  Dioelétien  &  Maximien  ,  & 
parleurs  fuccefïcurs,  julqu'à-l'ani  joé',  ou 
au- plus  tnr-dàl'an  312.  Il  a  été  ai^ifr nommé 
^'CL\\Ktrmcgmiiinus<^\  fit  cette  compilation; 
mais  on  ne  fait  pas-bien  prccifémenr  quel  en 
cfHe  véritable  auteur ,  y  ayant  deux  Hermo- 
géniens  à  chacun  defquels  cet  ouvrage  efl: 
attribué  par  quelques  auteurs.  Pancirole  croit 
tiu'ileft  d'un.  Eugenius  Hermorrsninnus  qm 
(  fuivantles  annales  de  Baronius)  fut  préfet 
du  prétoire  fous  l'empire  de  Dioelétien ,  & 
qui  fut  employé  pir  cet  empereur  à  pcrfécu- 
ter  les  chrétiens; d'autres,  tels  que  M.  Mé- 
ïi%gc  €;n  [qs  amMit^s  du  droit  ^chap^  xj ,  p:rn- 


c  0  D 

fent  cjrie  ce  code  eft  d'un  autre  Hermogéni(?n> 
jurifconfuke  ,  qui  vivoit  fou-s  l'empire 
de  Conftantiii  &  fous  les  enfans  de  ce 
prince. 

Jacquet  Godefroy ,  dans  Ces  prolégomènes 
du  Code  T/iéodcJien,  chap.j ,  lemble  croire 
quekcovij  Hérmogénien  corhprenoit  les  conf^ 
titutions  des  mênies  empereurs  que  le  code 
Gréàcrieiî  :  il  ne  prétend  pas  néanmoins  que 
œ  fullent  prcciiément  toutes  les  mêmes  conf- 
tittitions ,  ni  qu'elles  fuilènt  rapportées  dans 
les  mêmes  termes  ;  il  obferve  au  contraire 
que  plu  (leurs  de  ces  coiiftitutions  qui  font 
rapportées  dans  Pun  &  l'autre  code ,  différent 
entr*elks  en  plufieurs  diofes.  Et  en  effet  l'au- 
teur de  la  conférence  des  loix  mofaïques  ù 
romaines  y  après  avoir  rapporté  un  paflage 
d'HerrïiOgén'ien  contenant  une  conftitutiort 
cks  empereurs  Dioelétien  èc  Maximien  , 
remarque  qu€  Grégorien  a  aufli  rapporté 
cette  conftitution ,  mais  fous  une  dcite  diffé- 
reiîte. 

Ni.  Terraftbn ,  eh  fon  lùfîoire  de  la  jurif- 
pmdeitce  romaine ,  p.  %8^  ,  regarde  comme 
douteux  qu^Hennogériifen  eût  compris  dans 
fa  compiktiôft  des  conftitutions  des  empe- 
reurs qui  ont  régné  depuis  Adrien;  il  fe  fonde 
fur  ce  que' dans  ks  fragmens  qui  nous  ref^ 
teftt  du  code  Hcrmcgénien ,  on  ne  trouve  que 
des  conftitutions-  de  Dioelétien  &  Maxi- 
mieh'.  Les  trois  premières  à  la  vérité  font 
attribuées  à  un  erripereur  nommé  Aurelius'y 
mais  il  n'y  €n  a'  aucun  qui  ait  porté  fim- 
pJemeftt  ce  n'oift*;  &  M.  Terra  (l'on  rapporte 
la  preuve  qu'Aurdius  éroit  un  prénom  qui 
fut  àonné  aux  empereursDioclétien  &  Maxi- 
mien. Il  n'étoit  pasnatlîrel  d 'ailleurs  q u'Her- 
mogénien  eût  compilé  préciiémentksmêmcs 
ordonnances  que  Grégorien;  il  eft^ plutôt  à 
préliirAei*  que  le  code  Hérmcgénien  né  fut 
autre  chofè  qu'une  fuite'  &  un  (upplément 
dupïétédeniT,  &;que  fi  l'auteur  y  comprit 
quelques  conftirutiGns  du  nombre  de  celles 
que  Grégorien-avoir  déjampportées ,  ce  fut 
apparemment  pouries  donner  d'une  manière 
plus  côrfedre,  foit  pour  le  x.<ixi<t^  foit  pour 
la  date ,  &  pour  le  rang  qu'elles  doivent  tenir 
dansk  recLcil. 

Nous  ne  dirons  rien  ici  de  ce  qui  concerne 
rauthenticicé  qu'a  pu  avoir  le  code  Hennoge- 
nien  y  ni  de  la  perce  de  ce  code  de  des  fi'ag- 
mens  que  l'on  en  a  confervés  ^  tout  cela-  fe 


C  O  6 

trouvant  lié  avec  ce  qui  a  écé  ci-devant  dit 
du  code  Grégorien. 

Code  Justinien,  èft  une  compilation 
Elite  par  ordre  de  l'empereur  JufEinien  ,  tant 
de  Tes  propres  conftitutions  que  de  celles  de 
Tes  prédécèireurs.  Ces  confïitutions  furent 
rédigées  en  latin  /excepté  quelques-unes  qui 
furent  écrites  en  grec  &  dont  une  partie  fut 
perdue ,  parce  que  fous  l'empiré  de  Juftinien 
la  langue  greque  étoit  peu  d'ufage.  Cuj'as 
en  a  rétabli  quelques  -  unes  dans  les  obferva- 
dons. 

Il  avoir  déjà  été  fait  avant  Jufïinien  trois 
différentes  colledVions  ou  conipilations  des 
conrtirutions  des  empereurs,  depuis  Adrien 
furqu'â  Théodofien  le  jeune,  fous  les  noms 
de  code  Grégorien,  tiermogénien,  Théodcften^ 
Les  fùccéileurs  de  Théodofe  le  jeune  j  ufqu'à 
Juftinien,  avoient  encore  fait  un  grand 
nombre  de  conftitutions  &  de  novelles  j  Juf- 
tinien  lui-même  dès  Ton  avènement  à  l'em- 
pire avoit  publié  plufieurs  conftitutions  i 
toutes  ces  différentes  loix  fe  trouvoient  la 
plupart  en  contradiction  les  unes  avec  les 
autres ,  far-tout  celles  qui  concernoient  la 
religion  ,  parce  que  les  empereurs  chrétiens 
5^:  les  empereurs  païens  fe  conduifoient  par 
dés  principes  tout  difîércns. 

L'incertitude  &  la  confufîon  où  étoit  la 
jurifprudence,  engagea  JuiTinien  dans  la 
i'ccohdé  année  de  fon  empire  à  faire  rédiger 
uii  nouveau  co4e ,  qui  feroit  tiré  tant  des 
trois  codes  précédens ,  que  des  novelles  ôc 
autres  continuions  de  Thfodofe  &  de  fes 
fuccelleurs.  Il  chargea  de  l'exécution  de  ce 
projet  Tribonien  ,  jurifconfulte.  célèbre  , 
que  dé  lapfofeiîîbn  d'avocat  qu'il  exerçoità 
Conftantînople  5  il  avoit  élevé  aux  premières 
dii^nités  de  l'empire  :  il  avoit  été  maître  des 
orhces ,  quefleur  &  même  confJf^m.ais  il 
ri'étoit  plus  en  place  ,  lorsqu'il  fut  chsrgé 
principalement  de  la  conduite  des  corripila- 
fiôns  du  droit  faites  fous  les  ordres  de  Jufti- 
nien.  Cet  empereur  pour  la  rédaétion  d\i 
code ,  lui  aflocia  neuf  autres  jurifconfultes  : 
favoir ,  Jean ,  Leontius ,  Phocas ,  Bafilides  , 
Thomas  ,  Conflancin'  le  tréforier  ,  Théo- 
l5hile ,  Diofcore  ,  &  Pntfentlnus.  La  miflîon 
qui  leur  fut  donnée  à  cet  effet ,  efl  dans  une 
conftitution  adreffée  au  fénat  de  Conilan- 
tmople,  datée  des  ides  de  février  518, 
&  qui  eft  au  titre  de  novo  codice  faciendo. 


C  O  D  373 

Tribonien  &  fes  collègues  travaillèrent 
avec  tant  d'ardeui  à  la  rédadtion  de  ce  code , 
qu^il  fut  achevé  dans  une  année ,  ôc  publié 
aux  ides  d'avril  519. 

Quelques  auteurs  fe  font  récriés  fur  le  peu 
de  temps  que  ces  juriiconrultes  mirent  à  la 
rcdadion  du  code.  Mais  il  faut  aufTî  confî- 
dérer  qu'ils  étoieHt  au  nombre  de  dix ,  tou? 
gens  verfés  dans  ces  matières,  &  qu'il  y 
avoit  peut  -  être  desraifôns  fecrctes  pour.pu- 
bher  promptement  cecoJe,  lauf  à  en  faire 
une  révifion  ,  comme  cela  arriva  quelques 
années  après. 

Cette  première  réda6bion'du  code ,  a])pél- 
lée  depuis  codex  prim^  prcûleclionis ,  éioit 
dans  le  même  ordre  que  nous  le  voyons  au- 
jourd'hui ;  on  y  fit  feulement  dans  la  féconde 
rédaétion  quelques  additions  ^conciliations*. 
Quelques  auteurs  ont  cru  que  la  divifîon  du 
code  en  douze  livres  n'avoit  été  faite  qu'e 
lors  de  la  féconde  rédaclion  ;  mais  le  con- 
traire eftattefté  par  Jufcinien  même,  /.  IT, 
paragraphe  l  ,  titre  J  ,  de  veieri  jure  enu~ 
ckando. 

Les  matières  furent  aufîî  dès-lors  rangées 
fous  les  titres  qui  leur  ctoient  propres , 
comme  il  paroît  par  le  pcmg.  2. ,  Je  novg 
ccdice  faciendo. 

La  rédaétion  du  code  fut  revêtue  du  ca- 
ractère de  loi  par  une  conflit  ution  qui  a  pour 
titre  ,  de  Jujîinianeo  codice  confirmando ,  que 
Pempereur  adrefïa  à  Menna  qui  étoit  alors 
pr^^fet  du  prétoire ,  &  avoit  été  préfet  de  la 
ville  de  Conflantinoplc  ,  par  laquelle  il 
abroge  toutes  autres  loix  qui  ne  feroient  pas 
comprifes  dans  fon  code. 

Juftinien  ,  en  faifant  lui-même  l'éloge  de. 
fon  code ,  a  iur-tout  remarqué  qu*il  ne  s'y 
trouvoit  aucuîîe  des  contrariétés  qui  étoient 
dans  les  codes  précédens. 

Quelques  auteurs  modernes  n'en  ont  pas 
porté  le  même  jugement  ;  JacquesGodefroy 
entr'autres  dans  (es  prolégomènes  fur  le  code 
Théodojien  ,  reproche  à  Tribonien  d'avoir 
tronqué  plufieurs  conflitutions  ,  d'en  avoir 
omis  plufieurs ,  &  d'autres  cho fes  efl'entielles 
pour  en  faciliter  l'intelligencei  d'avoir  coupé 
quelques  loix  en  deux,  ou  d'avoir  joint  deux 
loix  différentes  j  d'en  avoir  attribué  quel- 
ques-unes à  des  empereurs  qui  n'en  éroienc 
pas  les  auteurs. 

M.  Terrallbn ,  en  fon  hijldre  de  iajitrrf- 


374  C  O  D 

prudence  romaine,  ]u[\l^QTnhonien  de  ces 
reproches  ,  en  ce  que  Juftinien  avoir  lui- 
même  cruonné  d'ôter  les  préfaces  des  conf- 
titutions;  que  Ci  Tribonien  a  quelquefois 
tronqué ,  féparé  ou  réuiii  des  loix ,  il  ne  fie 
en  cela  que  fuivre  les  ordres  de  Juftinien  ; 
que  s'il  a  placé  certaines  conftitutions  fous 
une  autre  date  qu'elles  n'étoient  dans  le  code 
Thécdcfien  ,  ileft  à  préfumer  qu'il  y  avoir  eu 
de  la  méprife  à  cet  é^ard  dans  ce  code. 

Mais  M.  Terraflon  ,  en  juftifiant  ainfi 
Juftinien  de  ces  reprochcS;lui  en  fait  d'autres 
qui  paroifl'ent  en  effet  mieux  fondés  ;  il  lui 
reproche  d^avoir  fuivi  un  mauvais  ordre  dans 
U  diftribution  de  fes  matières  :  par  exemple, 
d'avoir  parlé  des  aurions,  avant  d'avoir 
expliqué  ce  qui  peut  y  donner  Heu  ;  d'avoir 
'détaillé  les  formalités  de  la  procédure ,  avant 
d'avoir  traité  des  actions  qui  donnoient  ma- 
tière à  Tinftruârion  judiciaire }  d'avoir  parlé 
des  teftamens  ,  avant  d'avoir  déraillé  ce  qui 
concernoit  la  puiflance  paternelle  :  en  un 
mot  d'avoir  transporté  des  matières  qui  dé- 
voient précéder  celles  à  la  fuite  defquelles  on 
les  a  mifes  ,  ou  qui  dévoient  fuivr-e  celles 
qu'on  leur  a  fait  précéder.  Cependant  M. 
Terraflon  femble  convenir  que  ce  défaut  doit 
moins  être  imputé  à  Tribonien,  qu'au  fiecle 
dans  lequel  il  vivoit ,  où  les  meilleurs  ou- 
vrages n'étoient  point  arrangésauffi  métho- 
diquem.ent  qu'on  le  fait  aujourd'hui. 

L''éditeurcuco(feiv-eVc"/V fait  auffi  fentir 
dans  fa  préface  ,  en  parlant  du  code  Jujlinien, 
que  cet  ouvrage  eft  fort  imparfait ,  n'étant 
qu'une  collcârion  de  conftitutions  qui  ne 
décident  que  des  cas  particuliers  ,  &  ne 
forment  point  un  fyftîme  de  droit ,  ni  une 
fuite  de  principes  rangés  par  matières. 

Cependant  malgré  les  défauts  qui  peuvent 
fe  trouver  dans  ce  code ,  il  faut  convenir , 
quoi  qu'en  difent  quelques  auteurs ,  que  le 
code  Théodolien  ne  nous  auroit  point  dé- 
dommagé de  celui  de  Juftinien  ,  &  que  ce 
dernier  coc?eeft  toujours  très-utile ,  puiique 
funs  lui  on  auroit  peut-être  perdu  la  plupart 
des  conftitutions  faites  depuis  Théodofe  le 
jeune ,  &  qu'il  a  même  fervi  à  rétablir  une 
partie  du  code  Théodolien. 

Le  premier  livre  qui  contient  59  titres  , 
traite  d'abord  de  tout  ce  qui  concerne  la 
religion  ,  les  églifes  ,  &  les  ecclcfiaftiques  ; 
il  traire  eniuirs  des  différentes  fortes  de  loix. 


C  O  D 

de  Pignorance  du  fait  &c  du  droit ,  des  de- 
voirs des  magiftrats,  &  de  leur  jurifdiélion. 

Dans  le  fécond  livre  qm  a  aufTi  59  titres  , 
on  explique  la  procédure  :  il  parie  des  a\'0- 
cats ,  des  procureurs ,  &  aucres,  qui  font 
chargés  de pourfuivre  les  intérêts  d'aurrui  ; 
desreftitutions  en  entier ,  du  retiarxheinent 
des  formules ,  &  du  ferment  de  calomnie. 

Le  troifîeme  livre  contenant  44  titres  , 
traite  desfonétions  des  juges,  de  la  contel- 
tation  encaufe  ,  de  ceux  qui  pouvoient  efter 
en  jugement,  des  délais,  fériés,  &c  fandifi- 
cation  des  dimanches  &:  fêtes;  de  la  com- 
pétence des  juges,  &  de  ce  qui  a  rapport  à 
l'ordre  judiciaire  :  il  traite  aufîî  du  teftament 
inofïîcieux  ,  des  donations  &  dots  inoiîi- 
cieufes,  de  la  demande  d'hérédité ,  des  fer- 
virudesdela  Xoïaquilia ,  des  limites  des  hé- 
ritages ,  de  ceux  qui  ont  des  intérêts  com- 
muns ,  des  aélions  novales  ,  de  l'aétion  ad 
exhibendum  ,  des  jeux  ,  lieux  confacrés  aux 
fépultures ,  &  dépenfes  des  funérailles. 

Le  quatrième  divifé  en  GG  titres  ,  explic[ue 
d'abord  les  actions  perfonnelles  qui  naiflent 
du  prêt  &  de  quelques  autres  caufes;  en  fuite 
les  obligations  &  ^étions  qui  en  réfultent  ; 
les  preuves  teftimoniales  &  par  écrit  ;  le  prêt 
à  ufage  ,  le  gage  \  les  actions  relatives  au. 
commerce  de  terre  &  de  mer  ;  les  fénatuf- 
confultcs  Macédonien  &  Velléien;  la  com- 
penfation ,  les  intérêts,  le  dépôt ,  le  mandat, 
la  fociété ,  Pachat  &  la  vente  ;  les  monopo- 
les ,  conventions  illicites  ;  le  Commerce  &:  les 
marchands;  le  change ,  le  louage ,  l'emphy- 
téofe. 

Le  cinquieïne  qui  a  75  titres  ,  concerne 
d'abord  les  droits  desgejis  mariés ,  le  divor- 
ce," les  alimens  dûs  aux  en  fans  par  leurs 
percs  ,  &  vice  ver  fa;  les  concubines ,  les  en- 
fans  natj^els ,  les  manières  de  les  légitimer  ; 
enfin  tout  ce  qui  concerne  les  tutelles  &  l'a- 
hénation  des  biens  des  mineurs. 

Le  lîxieme  livre  comprend  en  Gi  titres  ce 
qui  concerne  les  cfclaves  ,  les  affranchis ,  le 
vol ,  le  droit  de  patronage  ,  la  fuccefïîon 
prétorienne,  les  teflamens civils  &:  militai- 
res,inftitutions  d'héritiers,  fubftitutions,  pré- 
téritions ,  exhérédations ,  droit  de  délibérer, 
répudiation  d'hérédité ,  ouverture  &:  fuggef^ 
tion  des  teftamens  ;  les  legs  fîdéi-commis ,  le 
fénarufconfulte  Trébellien ,  la  falcidie  ,  les 
héritiers  fîeits  &  légitimes ,  les  fénatufcon- 


% 


COD 

fuites  TertuUien  &c  Orfirien,  les  biens  ma- 
ternels ,  &  en  général  tout  ce  qui  concerne 
les  iucceiTîons  ab  intejîat. 

Le  feptieme  livre  compofé  de  75  titres, 
traite  des  affranchiflemens ,  des  prefcrip- 
tions ,  ioit  pour  la  liberté  Ibit  pour  la  dot , 
les  héritages,  les  créances  :  il  traite  aulli 
âiQs  diverles  fortes  de  fentences,  de  l'in- 
compétence, du  mal-jugé,  des  dépens,  de 
l'exécution  des  jugemens  ;  des  appellations , 
cellîons  de  biens ,  faiiie  &  vente  des  biens 
du  débiteur  ;  du  privilège  du  Çi(c  &  de  celui 
de  la  dot  \  de  la  révocation  de  biens  aliénés 
en  fraude  des  créanciers. 

Le  huitième  livre  contenant  59  titres , 
traite  des  jugemens  poilèlToires  ou  mterdits, 
des  gages  &  hypothèques,  ftipulations,  no- 
vations ,  délégations ,  paiemens ,  acceptila- 
tions,  évitions;  de  la  puiflànce  paternelle, 
des  adoptions,  émancipations  j  du  droit  de 
retour  zppeWé  pojî  liminium;  de  Pexpolîtion 
des  enftiis  ;  des  coutumes ,  des  donations , 
de  leur  révocation ,  &:  de  Tabrogation  des 
peines  du  célibat. 

Le  neuvième  livre  divifé  en  51  titres, 
explique  la  forme  des  procès  &  jugemens 
criminels,  ôc  la  punition  des  crimes,  tant 
publics  que  privés. 

Le  dixième  contenant  71   titres,  traite 
des  droits  du  fifc,  des  biens  vacans ,  de  leur 
réunion  au  domaine  ,  des   dénonciateurs 
pour  le  fifc ,  des  tréfors ,  tributs ,"  tailles  & 
iur-taux;  de  ceux  qui  exigent  au-deià  de 
ce  qui  eft  ordonné  par  le  prince;  des  dif- 
cufiions  ;  de  ceux  qui  étant  nés  dans  une 
ville  vont  demeurer  dans  une  autre;  du  do- 
micile perpétuel  ou  paflàger  ;  de  Pacquitte- 
ment  des  charges  des  biens  patrimoniaux; 
des  charges  publiques  &  exemptions;  des 
profefleurs ,  médecins  ,  affranchis  ;  des  in- 
fâmes, interdits,  exilés;  des  ambafladeurs , 
ouvriers  &  artifans;  des  commis  employés 
à  écrire  les  regiftres  de  recette  des  impoii- 
t'ons  publiques;  des  receveurs  de  ces  impo- 
rtions ;  du  don  appelle  aurum  coronarium , 
que  les  villes  &  les  décurions  faifoient  au 
prince;  des  officiers  prépofés  pour  veiller 
à  la  tranquillité  des  provinces. 

Le  onzième  livre  compofé  de  77  titres , 
tr lite  en  général  des  cojpj  &  communautés 
&:  de  leurs  privilèges ,  ik.  des  regilires  pu- 
blics contenant  les  noms  &;  ficukés  de  tous 


les  citoyens  :  il  traite  aufïî  en  particulier  de 
ceux  qui  tranfportoient  par  mer  à  Rome 
les  tributs  des  provinces  en  argent  &  en  bié  : 
il  contient  plulieurs  loix  ibmptuaires  pour 
modérer  le  luxe  ;  des  loix  de  police  pour  la 
diitriburion  des  denrées,  pour  les  étudians, 
les  voitures,  les  jeux,  les  fpectacles ,  la 
challè,  les  laboureurs ,  les  fonds  de  terre  & 
pâturages,  le  cens,  les  biens  des  villes,  les 
privilèges  attachés  au  palais  &  autres  biens 
fonds  de  l'empereur,  &  la  défenie  de 
couper  des  bois  dans  certaines  forêrs. 

Enfin  le  douzième  livre  contenant  G.\ 
titres,  traite  des  difrérentes  loues  de  di- 
gnités ,  de  la  difcipline  militaire  ;  des  vœux 
&  préfens  q^u'on  offroit  à  l'empereur;  de 
plulieurs  oiiiccs  fubordonnés  aux  dignités 
civiles  &  militaires  ;  des  couriers  du  prince  ; 
des  poftes  publiques  ;  des  officiers  inférieurs 
compris  fous  la  dénomination  à'apparkorcs 
judicum  ;  des  exaclions  &  gains  illégitimes  ; 
des  officiers  fubalterncs ,  &  notamment  de 
ceux  qui^alloient  annoncer  la  paix  ou  quel- 
qu'autre  bonne  nouvelle  dans  les  provinces. 
Telle  ell  la  diftribution  obfervée  dans 
les  deux  éditions  du  code. 

Lorfque  la  première  édition  parut,  on 
y  trouva  deux  défauts  ;  l'un  ,  qu'en  plu- 
lieurs endroits  le  code  ne  s'accorcioit  pas 
avec  le  digefte ,  qui  avoit  été  rédigé  de- 
puis I2  première  édition  du  ccde  ;  l'autre 
défaut  étoit  que  le  code  contenoit  plulieurs 
conftitutions  inutiles,  &  laiflbit  fublifter 
Pincerdtude  que  les  Iccles  des  Sabinicns 
Se  des  Proculé^ens  avoient  jetée  dans  la 
juriipradence  ;  les  uns  voulant  que  l'on 
fuivît  la  loi  à  la  rigueur;  les  autres  vou- 
lant que  Pon  préférât  l'équité  à  la  loi. 

D'ailleurs ,  taiidis  que  Pon  travailloit 
au  digefte ,  Juftinien  avoit  donné  plu- 
lieurs novelles  &  cinquante  décilions ,  qui 
n'étoient  recueillies  ni  dans  le  code  ni  dans 
le  digefte  ,  &  qui  néanmoins  avoient 
apporté  quelques  changemens. 

Ces  inconvéniens  déterminèrent  Jufti- 
nien à  faire  faire  une  révilion  de  fon 
code  :  il  chargea  de  ce  loin  cinq  jurif- 
confultes,  du  nombre  de  ceux  qui  avoient 
travaillé  à  la  première  rédaction  «Se  au 
digefte;  ce  furent  Tribon'cn  ,  Dorothée^ 
i\ienna  ,  Conftantin  Se  Jean. 

Ces  jurilconfukes  retranclierenr  du  code 


37^  C  P  D 

quelques  cpnilitutions  inutiles;  ils  y  ajou- 
tèrent quelques-unes  de  celles  de  Jufti- 
nien ,  &  les  cinquante  déciiions  qu'il  avoit 
données  depuis  la  déciiion  du  premier  code. 

Ce  nouveau  code  fut  publié  dans  Tan- 
née 5  34  :  Juilinien  voulut  qu'il  fût  nommé 
codex  Juflinianeus  repetit œ  prxleclioni s  ;  c'eft 
pourquoi  en  parlant  de  la  première  édi- 
tion du  code  ,  &  pour  la  diftinguer  de  la 
dernière  ,  les  commentateurs  Tappellent 
ordinairement  codex  primœ  prœlecïïonis. 

Malgré  tous  les  foins  que  Juftinien  fe 
donna  pour  perteârionner  fon  code^,  quel- 
ques jurifconfukes  modernes  n'ont  pas 
laiflé  d'y  trouver  des  défauts.  On  a  déjà  vu 
les  reproches  que  Jacques  Godefroy  fait  à 
ce  fujet  à  Tribonien  -,  ce  qui  s'applique  à 
la  féconde  édition  du  code  auilî-bien  qu'à 
la  première.  Godefroy  voudroit  que  l'on 
préférât  le  code  rhéodpiien ,  en  faveur  du- 
quel il  étoit  prévenu  ,  fans  doute  parce 
qu'il  avoit  travaillé  à'  le  reftituer  :  il  eft 
certain  que  le  code  théodofien  eft  utile ,  en 
ce  qu'il  contient  plufieurs  conftitutions  en- 
tierres  qui  ont  morcelées  dans  le  code  jujîi- 
nieii  :  le  code  tliéodoiîen  n'étoit  propre- 
ment qu'une  colle6tion  des  conftitutions 
des  empereurs  ;  au  lieu  que  le  code  juftinien 
en  eft  une  compilation;  fon  objet  eft  diffé- 
rent de  celui  du  code  théodofien  ,  &  les 
jurifconfukes  qui  ont  travaillé  au  code ,  fe 
font  conformés  aux  vues  de  Juftinien. 

Le  défaut  le  plus  réel  du  code ,  eft 
celui  de  n'avoir  pas  prévu  tous  les  cas  ; 
ce  qui  eft  au  furplus  Fort  difficile  dans  un 
ouvrage  de  cette  nature.  Juftinien  y  fup- 
pléa  par  des  novelles,  dont  nous  parlerons 
ci- après  ou  mot  Novelles. 

Les  auteurs  qui  ont  fait  des  commen- 
taires ou  glofes  fur  le  code,  font  Accurfe, 
Godefroy ,  Jean  Favre ,  Arnoldus  ,  Cor- 
vin.us ,  Brunneman  ,  Pierre  &  François 
Pithou ,  Perezius ,  Mornac ,  Azo  ,  Cujas , 
Ragueau,  Giphanius,  Mirbel,  Décius  & 
plufieurs  autres. 

Code  Léopold,  eft  un  furnom  ou  titre 
ue  l'on  donne  vulgairement  à  un  recueil 

es  ordonnances,  édits  &  déclarations  de 
Léopold  I ,  duc  de  Lorraine,  imprimé  d'a- 
bord en  deux  volumes  in~i  %  &  enfuice  réim- 
primé à  Nancy  en  1733  en  trois  volumes  j 
ffi-^°-  H  contient  aufïi  d^ercns,  arrêts  de  1 


3 


COD 

réglemens  rendus  en  conféquence  des  édits 
&  déclarations ,  tant  au  confeil  d'état  &: 
des  finances  ,  que  dans  les  cours  fouve- 
raines ,  fur  des  cas  importans  &  publics» 
Le  premier  volume  commence  au  10  fé- 
vrier 1698  ,  àc  finit  au  19  décembre  171 2. 
Le  fécond  comprend  depuis  le  7  janvier 
171 5  jufqu'au  28  décembre  1723.  Et  le 
troifîeme  contient  depuis  le  3  janvier 
1724  jufqu'au  27  décembre  1729. 

Code  des  loix  antiques,  eft  un  re- 
cueil de  loix  anciennement  obfervées  dans 
lès  Gaules ,  écrites  en  latin ,  intitulé  codex 
legum  amiquarum.  Ce  recueil  qui  forme  un 
volume  in-fol.  a  été  ainfi  appelle ,  fbit 
parce  que  toutes  les  loix  comprifes  dans  ce 
volume  font  fort  anciennes ,  ou  plutôt 
parce  que  les  premières  loix  qui  font  en 
tête  de  ce  volume ,  qui  font  des  loix  gothi- 
ques, ne  font  défîgnées  que  fous  la  déno- 
mination de  leges  antiquœ  ,  fans  que  l'on  y 
ait  mis  le  nom  des  rois  Goths  dont  elles  font 
émanées  :  on  y  trouve  enfuite  les  loix  des 
Vifîgoths ,  qui  occupoient  l'Efpagne  &  une 
grande  partie  de  l'Aquitaine  ;  un  édit  de 
Théodoric  roi  d^'Italie;  la  loi  des  Bourgui- 
gnons ou  loi  Gambette  i  ainfi  appellt'e  parce 
qu'elle  fut  réformée  par  Gondebaut  en  501; 
la  loi  falique;  celles  des  Ripusriens,  qui 
font  proprement  les  loix  des  Francs  ;  la  loi 
des  Allemands,  c'eft-à-dire,  des  peuples 
d'Alface  &:  du  haut  Palatinar;  les  loix  des 
Bavarois ,  des  Saxons ,  des  Anglois  &  des 
Frifons  ;  la  loi  des  Lombards,  beaucoup  plus 
confidérable  que  les  précédentes;  les  capitu- 
laires  de  Charlemagne ,  &  les  conftitutions 
à&s  rois  de  Naples  &  de  Sicile.  Lindem- 
broge  a  fait  des  notes  fur  plufieurs  de  ces 
loix.  J'.  l'hijî.  du  droit  fran^'ois  par  M.  l'abbé 
Fleury;  ù  ci-devant  Code  Al akic;  Code 

d'EvARIC  &  Loix  ANTIQUES  ,    LoiX  DES 

Allemands,  des  Bavarois,  &c. 

Code  Louis  XIII,  eft  un  recueil  que 
Jacques  Corbin  avocat  au  parlement ,  3c 
depuis  maître  des  requêtes  ordinaire  delà 
reine  Anne  d'Autriche ,  donna  au  public  en 
un  velume  in-fol.  imprimé  à  Paris  en  1 628 , 
contenant  les  principales  ordonnances  de 
Louis  XIII,  concernant  Tordre  de  la  juftice, 
le  domaine  &  les  droits  de  la  couronne. 
Il  rapporte  ces  ordonnances  en  entier,  mê- 
.me  avec  les  préfaces,  publications  de  en- 

régiftremens 


COD 

rcgîflremens  ;  ce  qui  n  avoir  encore  été  ob- 
fer.vé  par  aucun  aucrecompilateur.  Il  aauiïi 
commenté  &c  conféré  ces  ordonnances  avec 
celles  des  rois  Henri  le  grand  ,  Henri  IIÏ  , 
Charles  IX ,  François  II  ,  Henri  II  &  autres 
|?rédéceflcurs  de  Louis  XIII.  Ce  recueil  au 
llirplusell:  l'ouvrage  d'un  particulier ,  8c  n  a 
d'autre  autorité  que  celle  qull  tire  des  or- 
donnances qui  y  font  inférées. 

Code  Lou  is  ou  Code  Louis  XIV ,  eft 
un  titre  que  les  libraires  mettent  ordinaire- 
ment au  dos  du  recueil  des  principales  or- 
donnances de  Louis  XIV  ,  qui  font  celles  de 
1667  ,  pour  la  procédure  civile  ;  celle  de 
1669  ,  pour  les évocmons  &C  commiuimus; 
une  autre  delà  même  année,  pour  les  eaux 
êc  forêts;  celle  de  1670,  pour  la  procédure 
criminelle  ;  celle  de  1672  ,  appellée  com- 
munément ['ordonnance de  la  ville,  pour  la 
jurifdi6tion  des  prévôt  des  marchands  6c 
cchevins  de  la  ville  de  Paris;  celle  de  1675 , 
pour  le  commerce  ;  celle  des  gabelles  de 
1680  j  ôc  celle  des  aides  qui  eft  adiïî  de  la 
même  année  ;  celle  des  fermes ,  qui  eft  de 
l'année  fuivante  168 1  ;  celle  de  la  m.arine, 
de  la  même  année  ;  le  code  noir  ou  ordon- 
r^ance  de  i68f  ,  pour  la  police  des  Nègres 
dans  les  îles  françoifes  de  PAmérique  ;  celle 
des  cinq  grofies  fermes  ,  de  Tannée  16S7. 
On  a  aulTi  appelle  code  LouisXV,  un  p^tit 
recueil  des  principales  ordonnances  de  ce 
prince ,  mais  quand  on  dit  code  Louis  fim- 
plement,  on  entend  le  recueil  desordonnan- 
ces de  Louis  XIV  ,  ce  titre  le  voit  même 
fouvent  fur  un  volume  qui  ne  contient  que 
l'ordonnance  de  1 667 ,  ou  fur  quelqu'autre 
ordonnance  du  même  prince. 

Code  Louis  XV  ^  eft  un  titre  que  l'on 
met  ordinairement  au  dos  d'un  recueil  en 
deux  petits  volumes  in-x^  ,  contenant  les 
principales  ordonnances  de  Louis  XV  , 
telles  que  l'ordonnance  des  donations , 
de  1 7  3 1  ;  celle  des  teftamcns  ,  de  1735; 
celle  de  1736,  concernant  les  faux  prin- 
cipal &  incident  ;  celle  des  fubftitutions  , 
de  1 747  ;  d>c  pluCieurs  autres  édits  &  décla- 
rations. Voye-^^cz  qui  eft  dit  au  mot  Code 
Louis  5caumot  Code  des  Aides. 

Code  marchaî^d  ,  eft  un  furnom  que 

l'on  donne  vulgairement  à  l'ordonnance  ou 

cdit  de  Louis  XIV ,  furie  fait  du  commerce, 

du  mois  de  mars  1673;  mais  en  citant  cette 

Tome  VIII, 


COD  377 

ordonnance  à  l'audience ,  on  ne  diroît  point 
le  code  marchand  y  on  diroit  ['ordonnance  du 
commerce ,  qui  eft  fon  véritable  titre.  Ce  code 
eft  divifé  en  douze  titres  :  le  premier  traite 
des  apprentis  négocians  «Se  marchands ,  tant 
en  gros  qu'en  détail  ;  le  fécond ,  des  agens 
de  banque  &  courtier»  ;  le  troifieme ,  des  li- 
vres &  regiftres  des  négocians ,  marchands 
de  banquiers  ;  le  quatrième  titre  traite  des 
fociétés  ;  le  cinquième,  des  lettres  &  billets 
dechange,&promeflesd'enfournir;lefixie- 
me  traite  des  intérêts  de  change  &  rechange 
(les  deux  derniers  articles  de  ce  titre  concer- 
nent les  formalités  que  l'on  doit  obferver 
dans  le  prêt  fur  gages  )  le  feptiemc  titre  traite 
des  contraintes  par  corps  ;  le  huitième ,  des 
féparations  de  biens  ;  le  neuvième ,  des  dé,- 
fenfes&  lettres  de  répi;le  dixième,  des 
celfions  de  biens;  le  onzième,  des  faillites  &: 
banqueroutes  ;  &  le  douzième  &:  dernier , 
de  la  j  urifdiclion  des  coniuls.  Qtioique  cette 
ordonnance  ibit  principalement  fur  le  fait 
du  commerce  ,  elle  forme  néanmoins  une 
loi  générale  qui  s'obferve  entre  toutes  fortes 
de  perfonnes,  lorfqu*elles  fe  trouvent  dans 
les  cas  prévus  par  cette  ordonnance  :  par 
exemple  ,  ce  qui  eft  ordonné  pour  le  prêt 
fur  gages  par  les  deux  articles  dont  on  a  parlé 
ci-devant ,  n'a  pas  liea  feulement  entre 
marchands ,  mais  entre  tous  ceux  qui  fc 
trouvent  dans  les  cas  prévenus  par  ces  arti- 
cles ,  ainiî  qu'il  a  été  jugé  plufieurs  fois  en- 
tre des  perfonnes  non  marchands.  Bornier 
a  fait  une  conférence  de  l'ordonnance  du 
commerce  avec  les  anciennes  èc  nouvelles 
ordonnances ,  édits ,  déclarations ,  &  autres 
réglemens  qui  y  ont  rapport. 

Code  Marillacow  Code  MicHAULT, 
Voye'^  ci-après  Code  Michault. 

Code  de  la  marine  ,  eft  un  titre  que 
l'on  donne  quelquefois  à  l'ordonnance  de 
Louis  XIV ,  du  mois  d'août  1681,  tou- 
chant la  marine.  Elle  eft  divifée  en  cinq 
livres ,  qui  font  divifës  chacun  en  plufieitrs 
titres  &  articles.  Le  premier  livre  traite  des 
officiers  de  l'amirauté  &c  de  leur  jurifdic- 
tion  ;  il  traite  aufti  des  interprètes  6c  des 
courtiers  conduéteurs  des  maîtres  de  navi- 
re; du  profefteur  d'hydrographie;  des con- 
fuls  de  la  nation  françoife  dans  les  pays  étran- 
gers ;  des  congés  &  rapport  de  la  procédure 
çtuife  fait  dans  les  amirautés  i  des  prefcrip-» 

Bbb 


378  C  O  D 

tions  qui  ont  lieu  dans  les  affaires  mariti- 
mes ,  &:  de  la  fàifie  &  vente  des  vaifleaux. 
Le  fécond  livre  règle  ce  qui  concerne  les 
gens  &c  bâtimens  de  mer  ;  lavoir  ,  le  capi- 
taine ,  maître  ou  patron ,  l'aumonier ,  Técri- 
vain ,  le  pilote ,  le  contre-maître  ou  nocher , 
le  chirurgien,  les  matelots,  les  propriétaires 
des  navires,  les  chapcntiers  &  calfateurs,  les 
navires  ôc  autres  bâtimens  de  mer.  Le  troi- 
lieme  livre  contient  tout  ce  qui  concerne 
les  charte-parties ,  affrettcmens  ou  nolifl'e- 
mens ,  les  connoifîemens  ou  polices  de  char- 
gement ,  le  fret  ou  nolis  ,  l'engagement  & 
les  loyers  des  matelots,  les  contrats  à  grofle 
aventure  ou  à  retour  de  voyage  ,  les  aflu- 
rances  ,  les  avaries  ,  le  jet  &  la  contribu- 
jion  ,  les  prifes  ,  lettres  de  marque  ou  de 
repréfailles  ,  les  tcftamens  &  la  lucceiïîon 
de  ceux  qui  meurent  en  mer.  Le  quatrième 
livre  traite  de  la  police  des  ports  &c  havres, 
côtes ,  rades  &  rivages  de  la  mer  :  des  maî- 
tres de  quai ,  des  pilotes ,  lamaneursou  loc- 
mans ,  du  leftage  &  déleftage  ,  des  capitai- 
nes garde-cotes  ,  des  pcrfbnnes  fujettes  au 
guet  de  la  mer,des  naufrages,  bris  de  échoue- 
mens ,  &  de  la  coupe  du  varech  ou  vraicq. 
Enfin  le  cinquième  livre  traite  de  la  pêche 
qui  iè  fait  en  mer ,  de  la  liberté  de  cette  pè- 
che 5  des  pêcheurs ,  de  leurs  filets ,  des  parcs 
ôc  pêcheurs ,  des  poifïons  royaux  ,  &c.  Le 
commentaire  qui  a  été  fait  en  1 7 1 4  fur  cette 
ordonnance  eft  peu  eflimé.  Il  y  a  encore  une 
autre  ordonnance  pour  la  marine  du  i  j  avril 
1 689;  mais  elle  ne  concerne  que  la  difciplinc 
des  armées  navales ,  &  la  première  efl  la 
feule  que  Ion  appelle  code ,  comme  conte- 
nant un  règlement  général  pour  la  police  de 
la  marine.  Voye[  Marine  ù  Ordon- 
nance DE  LA  Marine. 

Code  Michault  ,  qu^on  appelle  aufîi 
code  Marillac  ,  eft  un  furnom  que  Ton 
donne  vulgairement  à  une  ordonnance  pu- 
bliée fous  Louis  XIII ,  au  mois  de  janvier 
1 62.9  :  elle  a  été  ainii  appellée  de  Michel  de 
Marillac,  garde  des  fceaux  de  France,  qui 
en  fut  l'auteur.  Mais  en  la  citant  à  l'audien- 
ce ,  on  ne  la  défigne  point  autrement  que 
fous  le  titre  d'ordonnance  de  i6x^. 

Elle  fut  tirée  des  principales  ordonnances 
&  principalement  de  celle  de  Blois. 

Louis  XIII  fit  travailler  à  fa  rédaction 
furlesplaiiites  &  doléances  faites  par  les  dé- 


COD 

pûtes  des  états  de  fon  royaume ,  convoqués 
&  aflemblés  en  la  ville  de  Paris ,  en  1614, 
bc  fur  les  avis  donnés  à  S.  ]VI.  par  les  allèm- 
blées  des  notables  tenues  à  Rouen  en 
1617,  &  à  Paris  en  1626. 

Elle  ne  fut  publiée  &  enrégîftrée  à  Paris 
que  le  i  f  janvier  1 629.  Le  roi  féant  en  fon 
lit  de  juftice,  en  fit  faire  lui-même  la  pu- 
blication &  cnrégiftrement.  Elle  ne  fut  en- 
régiftrée  au  parlement  de  Bordeaux  que  le 
6  mars  fuivant;  dans  celui  de  Touloulè ,  le 
5  juillet  j  à  Dijon  ,  le  19  feptembre  de  la 
même  année  :  elle  fut  aufli  enrégiftrée  au 
parlement  de  Grenoble  &  ailleurs  dans  la 
même  année.  Les  parlemensde  Touloufe, 
Bordeaux  &  Dijon ,  par  leurs  arrêts  d'enré- 
giftrementjy  apportèrent  chacundifférentes 
modifications  fur  plufieurs  de  fes  articles. 
Cesmodilîcacions,  qu'il  eft  efïentiel  de  voir 
pourconnoitre  l'ufagede  chaque  province, 
font  rapportées  à  la  fuite  de  cette  ordon- 
nance avec  les  arrêts  d'enrégiftrement ,  dans 
le  recueil  des  ordonnances  par^éion ,  torne  /. 

Cette  ordonnance  eft  une  des  plus  amples 
ôc  des  plus  fages  que  nous  ayons  ;  elle  con- 
tient 461  articles ,  dont  les  premiers  règlent 
ce  qui  concerne  les  eccléflaftiques  :  les  au- 
tres concernent  les  hôpitaux  ,  les  univerfi- 
tés  ,  Padminiftration  de  la  juftice  ,  la  no- 
bleflè  ôc  les  gens  de  guerre ,  les  tailles ,  les 
levées  qui  fe  font  fur  le  peuple  ,  les  finan- 
ces ,  la  police ,  le  négoce  ôc  la  marine. 

Le  mérite  de  fon  auteur  ,  les  foins  qu'il 
prit  pour  la  rédaélion  de  cette  ordonnance , 
ôc  la  fagelfe  de  fes  dilpofitions  ,  la  firent 
d'abord  recevoir  avec  beaucoup  d'applau- 
diflement  dans  tout  le  royaume  j  ôc  c'eft  à 
tort  que  les  continuateurs  du  didionnaire 
de  Moreri  ont  avancé  le  contraire  à  l'article 
du  garde  des  fceaux  de  Marillac.  Ils  ont  fans 
doute  voulu  parler  du  difcrédit  où  cette  or- 
donnance tomba  quelque  temps  après  la 
difgrace  du  maréchal  de  Marillac ,  qui  re- 
tomba fur  fon  frère.  Le  maréchal  de  Maril- 
lac avoir  été  de  ceux  qui  opinèrent  con- 
tre le  cardinal  de  Richelieu  ,  dans  une  af- 
femblée  qu'on  nomma  depuis  la  journée  des 
dupes;  ÔC  le  cardinal  en  ayant  gardé  contre 
lui  un  reflentiment  fecret ,  le  fit  arrêter  le. 
30  oâx)bre  1630  en  Piémont ,  oti  il  com- 
mandoit  les  troupes  de  France.  Il  fut  con- 
,  damné  par  des  commiifaircs  à  perdre  la  tête  : 


C  O  D 

ce  qui  fut  exécuté  le  i  o  mai  16^1.  Quant  a 
Michel  de  Marillac ,  on  lui  ôca  les  fceaux  le 
Il  novembre  1750;  on  l'arrêta  en  même 
temps  f  &  on  le  conduifit  au  château  de 
Caen ,  eniuite  en  celui  de  Châteaudun ,  où 
il  mourut  de  chagrin  le  7  août  163Z.  Ainfi 
ladifgrace  de  Michel  de  Marillac  ayant 
fuivi  de  près  la  publication  de  ^ordonnance 
de  1 62.9 ,  cette  ordonnance  tomba  en  même 
temps  dans  un  difcrédit  prefque  général. 

Il  y  eut  néanmoins  quelques  endroits  dans 
kfquelson  continua  toujours  de  Pobferver , 
comme  au  parlement  de  Dijon  ,  où  elle  eft 
encore  fuivie  ponctuellement.  M.  le  prési- 
dent Bouhier,  en  (on  ccmmenîairefur  la  coût. 
deBourgogne ycixe  fouvent  cette  ordonnance. 

Il  a  été  un  temps  que  les  avocats  au  par- 
lement de  Paris  &  de  plufieurs  autres  par- 
lemens  ,  n'ofoient  pas  la  citer  dans  leurs 
plaidoyers. 

Cependant  la  {ageffe  de  cette  ordonnance 
l'a  emporté  peu  à  peu  fur  fa  mauvaife  for- 
tune ;  ôc  nous  voyons  que  depuis  environ 
fbixante  années  ,  on  a  commencé  à  la  citer 
comme  une  loi  (âge  &  qui  méritoit  d'être 
obfervée  :  les  magiftrats  n'ont  pas  fait  non 
plus  de  difficulté  de  la  reconnoitre.  On  voit 
dans  un  arrêt  du  30  juillet  1 693  ,  rapporté 
au  journal  des  audiences,  que  M.  Daguef- 
feau ,  alors  avocat-général  ôc  depuis  chance- 
lier de  France,  cita  cette  ordonnance  comme 
une  loi  qui  de  voit  être  fuivie.  Elle  eft  pareil- 
lement citée  par  plufieurs  auteurs ,  notam- 
ment par  M,  Bretonnier  en  divers  endroits 
de  fon  recueil  de  quefiions ,  &  par  Fromental 
en  fes  décifions  de  droit.  Et  préfentement  il 
paraît  que  l'on  ne  fait  plus  aucune  difficulté 
de  la  citer  ni  de  s'y  conformer.  On  peut  voir 
ce  que  dit  à  ce  fujet  M.  Raflicod ,  dans  le 
traité  des  fiefs  de  Dumoulin ,  p.  i.^6,  in  fine. 

Il  faut  même  obferver  que  depuis  cette 
ordonnance  il  en  eft  furvenu  d'autres  qui 
ont  adopté  plufieurs  de  fes  difpofitions  j 
telle  que  celle  de  V article  cxxiv  ,  qui  or- 
donne que  dans  les  fubftitutions  graduelles 
&  perpétuelles ,  les  degrés  feront  comptés 
par  perfonnes  &  par  têtes  ,  &  non  par  fou- 
ches  &  par  générations  ;  ce  qui  (è  pratiquo^ 
ainfi  au  parlement  de  Dijon  en  conféquence 
de  cet  article.  L'ordonnance  des  fubftitu- 
tions du  mois  d'août  1 747  ,  ordonne  la 
même  chofe  ,  article  xxxiij. 


c  o  D  -37, 

Il  y  a  auffi  quelques  difpofitions  de  l'or- 
donnance de  i(ji9i  introdudives  d'un  droit 
nouveau ,  qui  n'ont  pasété  reçues  par- tout  ; 
comme  l'<2rr.  cx-a-î^ ,  qui  veut  que  lestefta- 
mens  olographes  foient  valables  par  tout  le 
royaume  :  ce  qui  a  été  modifié  par  l'ordon- 
nance desteftamens ,  article  xix  ,  qui  porte 
feulement  que  l'ufage  des  teftamens ,  codi- 
cilles ,  &c  autres  difpofitions  olographes  , 
continuera  d'avoir  lieu  dans  les  pays  &  dans 
les  cas  où  ils  ont  été  admis  jufqu'à  préfent. 

Gode  militaire  ,  eft  une  compilation 
des  ordonnances  &  réglemens  faits  pour  les 
gens  de  guerre,  depuis  i6f  i  jufqu'à  préfent. 
Cet  ouvrage  eft  de  M.  le  baron  de  Sparre. 

Il  eft  divifé  en  onze  livres ,  dont  les  dix 
premiers  regardent  la  difcipline  militaire  ; 
le  onzième  concerne  les  jeux  défendus  dans 
les  garnifons  ,  les  mariages  des  officiers  , 
fergens  ôc  foldats ,  &  les  congés  abfolus. 
L'auteur  y  a  joint  les  réglemens  faits  contre 
les  duels ,  ceux  faits  par  MM.  les  maréchaux 
de  France  pour  les  réparations  d'honneur  , 
la  déclaration  du  1 3  décembre  1 701  pour  les 
lettres  d'état ,  &  l'édit  de  1 69  3  portant  inf- 
titution  de  l'ordre  de  S.  Louis. 

Il  y  a  aufli  un  code  militaire  des  Pays-bas , 
imprimé  à  Maftricht  en  1711  ,  vol.  in  5®. 

Code  Néron  :  on  a  quelquefois  donné 
ce  nom ,  mais  improprement,  à  un  recueil 
d'ordonnances ,  édits ,  déclarations ,  fait  par 
Pierre  Néron  &  Girard  ,  avocats  au  parle- 
ment. La  plus  ancienne  ordonnance  de  ce 
recueil  eft  du  mois  de  mai  173  z  ,  &  les  der- 
niers réglemens  font  de  1 7 1 9  :  mais  ce  re- 
cueil eft  imparfait  en  ce  qu'il  ne  comprend 
qu'une  partie  des  ordonnances  rendues  de- 
puis le  temps  auquel  il  remonte.  On  y  a 
inféré  plufieurs  édits ,  (ans  mettre  les  décla- 
rations qui  les  ont  modifiés  ou  révoqués;  & 
au  contraire  on  y  a  mis  plufieurs  déclara- 
tions (ans  y  comprendre  les  édits  en  inter- 
prétation defquels  elles  ont  été  données. 
Nous  n'avons  cependant  point  de  recueil 
moderne  plus  ample ,  en  attendant  que  l'ex- 
cellent recueil  des  ordonnances  de  la  troi- 
ficme  race  ,  auquel  M.  SecouflTe  travaille 
parordreduroi/oitparv'enujufqu'autemps 
préfent  :  mais  il  n'eft  encore  (  en  1 7  5  j  )  qu'à 
Tannée  1403.  On  peut  (eulcment  (uppléer 
une  partie  des  édits  &  arrêts  qui  manquent 
dans  le  recueil  de  Néroo ,  par  le  recueil  des 
Bbb  2 


)»o  C  O  D 

édits  Se  déclarations  enrégiftrés^  au  parle- 
ment de  Dijon ,  qui  a  été  imprimé  en  onze 
volumes  //z-4°.  &  comprend  les  principaux 
édits  &  déclarationsintcrvenus  depuis  1 666 
jufqu'en  1710. 

Code  NOIR  ,eft  le  furnomquel'on  donne 
vulgairement  à  Tcdit  de  Louis  XIV  ,  du 
mois  de  mars  1685,  pour  la  police  des  îles 
françoifesdePAmérique. On  lappelle ainli 
code  noir,  parce  qu'il  traite  principalement 
des  nègres  ou  efclavcs  noirs  que  Pon  tire  de 
la  côte  d'Afrique  ,  &  dont  on  Te  fert  aux 
îles  pour  Pexploitation  des  habitations.  On 
tient  que  le  célèbre  M,  de  Fourcroy,  avocat 
au  parlement,  fut  celui  qui  eutle  plusdeparr 
à  la  rédadtion  de  cet  édit.  Il  ell  divifé  en 
foixante  articles ,  dont  le  plus  grand  nom- 
bre regarde  la  police  des  nègres.  H  y  en  a 
cependant  plufieurs  qui  ont  d'autres  objets  ; 
tel  que  l'article  j  ,  qui  ordonne  de  chaflèr 
les  juifs  j  Yarî.  iij  ,qm  interdit  tout  exercice 

Fublic  d'autre  religion  que  la  catholique  ; 
article  v ,  qui  défend  à  ceux  delà  R.  P.  R. 
de  troubler  les  catholiques  ;  V article  vj ,  qui 
prefcritl'obrervation  des  dimanches  &  fêtes; 
les  arîicbs  viij  &  x ,  qui  règlent  les  forma- 
lités des  mariages  en  général  :  les  autres  arti- 
cles concernent  les  efclaves  ou  nègres  ,  & 
règlent  ce  qui  doit  être  oblervé  pour  leur 
inftrud:ion  en  matière  de  religion  ,  les  de- 
voirs reij7e(5tifs  de  ces  efclaves  &  de  leurs 
maîtres ,  les  mariages  de  ces  efclaves  ;  Tétat 
de  leurs  enfans  ,  leur  pécule ,  leur  affran- 
chiflement ,  de  divers  autres  objets.  Il  faut 
joindre  à  cet  édit  celui  du  mois  d'odl.  1716, 
Se  la  déclaration  du  15  décembre  172.1  ^ 
qui  forment  un  fupplémentau  code  noir. 

CoEE  Papyrien  ,  ou  droit  civil  Papy- 
rien  ,Jus  civile  Papyrianum  ,  eft  un  recueil 
des  loix  royales  ,  c'eft-à-dire  faites  par  les 
rois  de  Rome.  Ce  code  a  été  ainfi  nommé 
de  Sextus  Papyrius  qui  en  fut  l'auteur.  Les 
loix  faites  par  les  rois  de  Rome  jufqu'au 
temps  de  Tarquin  le  fuperbe ,  le  feptieme 
&le  dernier  de  ces  rois ,  n'éroienr  point  écri- 
tes :  Tarquin  le  fuperbe  commença  même 
par  les  abolir.  On  fe  plaignit  de  l'inobferva- 
tion  des  loix ,  &  l'on  penfa  que  ce  défordre 
venoit  de  ce  qu'elles  n'étoient  point  écrites. 
Le  fénat  &  le  peuple  arrêtèrent  de  concert 
qu'on  les  rafïcmbleroit  en  un  feul  volume  ; 
^  ce  foin  fut  confié  à  Publias  Sextus  Papy- 


COD 

'  rius  ,  qui  éroit  de  race  patricienne.  Qiieî- 
ques-uns  des  auteurs  qui  ont  parlé  de  ce  Pa- 
pyrius &  de  fa  colleftion ,  ont  cru  qu'elle 
avoir  été  faite  du  temps  de  Tarquin  l'ancien, 
cinquième  roi  de  Rome  :  ce  q  ui  les  a  induits 
dans  cette  erreur  ,  eft  que  le  jurifconlulte 
Pomponius  en  parlant  de  Papirius  dans  la 
loi  ij ,  au  digefte  de  origine  juris  ,  femble 
fuppofcr  que  Tarquin  le  luperbe  fous  lequel 
vivoit  Papyrius ,  étoit  fils  de  Demarate  le 
corinthien  ;  quoique  de  Paveu  de  tous  les 
hiftoriens  ,  ce  Demarate  fut  père  de  Tar- 
quin l'ancien ,  &  non  de  Tarquin  le  fuperbe  : 
mais  Pomponius  lui-même  convient  que 
Papyrius  vivoit  du  temps  de  Tarquin  le  lu- 
perbe ;  &  s'il  a  dit  que  ce  dernier  étoit  De- 
marati  filius ,  il  eft  évident  que  par  ce  terme 
filius  il  a  entendu  petit-fils  ou  arrière-petit- 
fils  :  ce  qui  eft  conforme  à  plulîeurs  loix  qui 
nous  apprennent  que  fous  le  zevmçfilii  font 
auiîî  compris  les  petits  enfans  &  autres  def- 
cendans.D'ailleurSjPomponiusncditpasquc 
Papyrius  rallèmbla  les  loix  de  quelques-uns 
des  rois  ,  mais  qu'il  les  radembla toutes;  Se 
s'il  le  nomme  en  un  endroit  avec  le  prénom 
de  Publias  ,  ôc  en  un  autre  avec  celui  de 
Sextus,  cela  prouve  feulement  qu'il  pouvoit 
avoir  plusieurs  noms ,  étant  certain  qu'en 
l'un  ôc  l'autre  endroit  il  parle  du  mêm.e  in- 
dividu. Les  loix  royales  furent  donc  raf- 
femblées  en  un  volume  par  Publius  ou  Sex- 
tus Papyrius  ,  fous  le  règne  de  Tarquin  le 
fuperbe  ;  &  le  peuple ,  par  reconnoiffance 
pour  celui  qui  étoit  l'auteur  de  cette  collec- 
tion ,  voulut  qu'elle  portât  le  nom  de  fou 
auteur:  d'où  elle  fut  appellée  le  codepapyrien. 
Les  rois  ayant  été  expulfés  de  Rome  peu 
de  temps  après  cette  colledion  ,  les  loix 
royales  cefterent  encore  d'être  en  ufage  :  ce 
qui  demeura  dans  cet  état  pendant  environ 
vingt  années  ,   &c  jufqu'à  ce  qu'un  autre 
Papyrius  furnommé  Ca'ius ,  ^  quiétoit  fou- 
verain  pontife  ,  remit  en  vigueur  les  loix  que 
Nu  ma  Pompilius  avoit;^aires  au  fujet  des 
fàcrifices  &  de  la  religion.  C'eft  ce  qui  a  fait 
croire  à  Guillaume  Grotius  &  à  quelques 
autres  auteurs ,  que  le  codepapyrien  n'avoit 
été  fait  qu'après  l'expulfion  des  rois.  Mais  de 
ce  que  CaïusPapyrius  remit  en  vigueur  quel- 
ques loix  de  Numa ,  il  ne  s'enfuit  pas  qu'il 
ait  été  l'auteur  du  code  papirien  ,  qui  étoic 
fait  diuis  le  temps  de  Tarquin, le  fuperbe. 


C  OD 

Il  ne  nous  relie  plus  du  codepapyrien  que 
quelques  fragnriens  répandus  dans  divers  au- 
teurs :  ceux  qui  ont  eHayc  de  les  rairenibler 
font  Guillaume  Forfter,  Fulvius  Urlinus, 
Antoine-Auguftin  ,  Juftclipfe,  Pardulphus 
Prateius ,  François  Modius,  EtienneVinant, 
Pighius ,  Antoine  Sylvius ,  Paul  Meruîe, 
François  Baudoin  &  Vincent  Gravina. 
François  Baudoin  nous  a  tranimis  dix-huit 
loix  ,  qu'il  dit  avoir  copiées  fur  une  table 
fort  ancienne  trouvée  dans  lecapitole,  & 
que  Jean-Barchelemi  Marlianus  lui  avoit 
communiquée.  Paul  Manuce  fait  mention 
de  ces  dix-Huit  loix  ;  Pardulphus  Prateius  y 
en  a  ajouté  fix  autres.  Mais  Cujas  a  démon- 
tré que  ces  loix  ne  fonc  pas  à  beaucoup  près 
il  anciennes  :  on  n'y  reconiîoît  point  en  cflet 
cette  ancienne  latinité  de  la  loi  des  douze 
tables,  qui  efl:  même  poftérieure  au  code 
papyrien;  ainfitous  ces  prétendus  fragmens 
du  code  papyrien  n'ont  évidemment  été  fa- 
briqués que  fur  des  paflàges  de  Cicéron ,  de 
Denis  d'Halycarnailè  .  Tire-Live  ,  Plutar- 
que ,  Aulugelle  ,  Feftus  Varron  ;  lefquels  en 
citant  les  loix  papyriennes ,  n'en  ont  pas  rap- 
porté les  propres  termes ,  mais  feulement  le 
fèns.  Un  certain  Granius  avoit  compofé  un 
commentaire  fur  le  code  papyrien  ,  mais  ce 
commentaire  n^eft  pas  parvenu  jufqu'à  nous. 

M.  Terraflon  ,  dans  fon  hijîoire  de  laju- 
rifprudence  romaine  y  a'raflemblé  les  frag- 
mens du  code  papyrien ,  qu'il  a  recherchés 
dans  les  anciens  auteurs  avec  plus  d'atten- 
tion &  de  critique  que  les  autres  jurii- 
confultes  n'avoientfiit  ju  (qu'ici.  Il  a  eu  foin 
de  diftinguer  les  loix  dont  l'ancien  texte  nous 
a  été  confervé,  de  celles  dont  les  hiftoriens 
ne  nous  ont  tranfmis  que  le  fois. Il  rapporte 
quinze  textes  de  loi ,  &  vingt-une  autres 
loix  dont  on  n'a  que  le  fens  :  ce  qui  fait  en 
tout  trente-lixloix.  lia  divifé ces  trente-iix 
loix  en  quatre  parties  :  la  première  en  con- 
tient treize ,  qui  concernent  la  religion ,  les 
fêtes  &  les  facrifices.  Ces  loix  portent  en 
fubftance ,  qu'on  ne  fera  aucune  ftatue  ni 
aucune  image  de  quelque  forme  qu'elle  puif- 
fe  être ,  pour  reprélenter  la  divinité ,  &  que 
ce  fera  un  crime  de  croire  que  Dieu  ait  la 
figure  foit  d'une  bête ,  (bit  d'un  homme  ; 
qu'on  adorera  les  dieux  de  fes  ancêtres ,  & 
qu'on  n'adoptera  aucune  fable  ni  fuperflition 
desautrespeuplcs3  qit*oa n'entreprendra  rien 


C  O  D  3gr 

d'important  fans  avoir  confulté  les  dieux; 
que  le  roi  préiîdera  aux  facrifices ,  &  en  ré- 
glera les  cércm.onies  \  que  les  veftales  entre- 
tiendront le  i^v.  iacvé  -,  que  fi  elles  manquent 
à  la  chafteté  ,  elles  feront  punies  de  mort , 
&  que  celui  qui  les  aura  (cduites ,  expirera 
feus  le  bâton  :  que  les  procès  &  les  travaux 
des  eiclaves  feront  fufpendus  pendant  les 
fêtes,  lefquelles  feront  décrites  dans  des  ca- 
lendriers \  qu'on  ne  s'aflemblera  point  la  nuit 
foit  pour  prières  ou  pour  facrifices;  qu'en 
fuppliant  les  dieux  de  détourner  les  malheurs 
dont  Pétat  eft  menacé ,  on  leur  préfènrera 
quelques  fruits  &  un  gâteau  filé,  qu'on 
n'emploiera  point  dans  les  libations  de  vin 
d''une  vigne  non  taillée  ;  que  dans  les  facrifi- 
ces on  n^ottrira  point  de  poillons  fansécaillesi 
que  tous  poillons  fans  écailles  pourront  être 
offerts ,  excepté  le  fcarre.  La  loi  treizième 
règle  les  facrifices  &  offrandes  qui  dévoient 
être  faits  après  une  vidloire  remportée  fur 
les  ennemis  de  Pétat.  La  féconde  partie  con- 
tient fept  loix  qui  ont  rapport  au  droit  public 
&  à  la  police  :  elles  règlent  les  devoirs  des 
praticiens  envers  les  plébéiens ,  &  des  pa- 
trons envers  leurs  cliens;  le  droit  de  luffrnge 
que  le  peuple  avoit  dans  lesallemblées  de  fc 
choifir  des  magiftrats ,  de  faire  des  plébif- 
cites,  &:  d'empêcher  qu'on  ne  conclut  la 
guerre  eu  la  paix  contre  fon  avis  ;  la  jurif- 
didtiondesduumvirs  par  rapport  aux  meur- 
tres, la  punition  des  homicides,  l'obligation 
de  refpe6ter  les  murailles  de  Rome  comme 
facrées  &  inviolables  ;  que  celui  qui  en  labou- 
rant la  terre  auroit  déraciné  les  ftatues  des 
dieux  qui  fervoient  de  bornes  aux  héritages , 
feroit  dévoué  aux  dieux  Mânes  lui  &:  fes 
bœufs  de  labour  ;  &  la  défenfè  d'exercer 
tous  les  arts  fédentaires  propres  à  introduire 
ou  entretenir  le  luxe  &  la  mollefîè.  Latroi- 
f  leme  partie  contient  douze  loix  qui  concer- 
nent les  mariages  &  la  puiflance  paternelle  ; 
favoir ,  qu'une  femme  légitimement  lice 
avec  unhommeparlaconferréation,  parti- 
cipe à  fes  dieux  &  à  fes  biens;  qu'une  con- 
cubine ne  contrade  point  de  mariage  folem- 
nel  ;  que  fi  elle  fe  marie  ,  elle  n'approchera 
point  de  l'autel  de  Junon  qu'elle  n'ait  coupé 
fescheveux  &  immolé  une  jeune  brebis  ;  que 
la  femme  étant  coupable  d'adultère  ou  autre 
libertinage,  fon  mari  fera  fon  juge  &  pourra 
la  puiair  lui-même ,  après  en  avoir  délibéré 


38z  C  O  D 

avec  Tes  parens;  qu'an  mari  pourra  tuer  fa 
femme  lorfqu'elle  aura  bu  du  vin ,  fur  quoi 
Pline  Se  Aulugelle  remarquent  que  les  fem- 
mes étoient  embraflees  par  leurs  proches , 
pour  feiitir  à  leur  haleine  fi  elles  avoienc  bu 
du  vin  :  il  eft  dit  auflî  qu'un  mari  pourra  faire 
divorce  avec  fa  femme ,  fi  eUe  a  empoilon- 
né  les  enfans ,  fabriqué  de  faufles  clés ,  ou 
commis  adultère;  que  s'il  la  répudie  fans 
qu'elle  foit  coupable ,  il  lera  privé  de  Tes 
biens ,  doiit  moitié  fera  pour  la  femme ,  Pau- 
rre  moitié  à  la  déefle  Cér^s  ;que  lemriri  lera 
aufli  dévoué  aux  dieuxinfernauxj  que  le  père 
peut  tuer  un  enfant  monftrueux  auffi-fct 
qu'il  eft  né  ;  qu'il  a  droit  de  vie  Ôi  de  mort  fur 
fes  enfans  légitimes  ;  qu'ila  auffi  droit  de  les 
vendre,  excepté  lorfqu'il  leur  a  permis  de 
fe  marier  ;  que  le  fils  vendu  trois  fois ,  celle 
d'être  fous  la  puiflance  du  père  ;  que  le  fils 
quia  battu  Ion  père ,  fera  dévoué  aux  dieux 
infernaux  ,  quoiqu'il  ait  demandé  pardon 
à  Con  père  ;  qu'il  en  fera  de  même  de  la  bru 
envers  Ion  beau-pere  ;  qu'une  femme  mou- 
rant enceinte  ne  lera  point  inhumée  qu'on 
n'ait  tiré  fon  firuit ,  qu'autrement  fon  mari 
fera  puni  comme  ayant  nui  à  la  naiflance 
d'un  citoyen;  que  ceux  qui  auront  trois 
enfans  mâles  vivans ,  pourront  les  faire  éle- 
ver aux  dépens  de  la  république  jufqu'à  l'âge 
de  puberté.  La  quatrième  partie  contient 
quatre  loix  qui  concernent  les  contrats ,  la 
procédure,  &  les  funérailles;  favoîr,que 
la  bonne  foi  doit  être  la  bafe  des  contrats  ; 
que  s'il  y  a  un  jour  indiqué  pour  un  juge- 
ment, &c  que  le  juge  ou  le  défendeur  ait 
quelque  empêchement ,  l'affaire  fera  remife  ; 
qu'aux  facritices  des  funérailles  on  ne  ver- 
iera  point  de  vin  fur  les  tombeaux  ;  enfin 
que  fi  un  homme  eft  frappé  du  feu  du  ciel, 
on  n'ira  point  à  fon  fecours  pour  le  relever  ; 
que  fi  la  foudre  le  rue ,  on  ne  lui  fera  point 
de  funérailles ,  mais  qu'on  l'enterrera  fur  le 
champ  dans  le  même  lieu. 

Telle  eft  en  fubftance  la  teneur  de  ces 
fragmens  du  code  Papyrieru  M.  Terrafïbna 
accompagné  ces  trente-fix  loix  dénotes  très- 
favantes  pour  en  faciliter  l'intelligence  ;  & 
comme  pour  l'ordre  des  matières  il  a  été 
obligé  d'entrc-mêler  les  loix ,  dont  on  a  con- 
fèrvé  le  texte ,  avec  celles  dont  les  auteurs 
n'ont  rapporté  que  le  fens  ,  il  a  rapporté  de 
fuite  à  la  fin  de  cet  article ,  le  texte  des 


CO  D 

quinze  loix  dont  le  texte  act-é  confervé.  Ces 
loix  font  en  langue  ofque  ,  que  l'on  fait  erre 
la  langue  des  peuples  de  la  Campanie  ,  que 
l'on  parloir  à  Rome  du  temps  de  Papyrius , 
&  lune  de  celles  qui  ont  contribué  à  former 
la  langue  latine  ;  mais  l'erthographe  &  la 
prononciation  ont  tellement  changé  depuis  , 
&:  le  texte  de  ces  loix  paroit  aujourd'hui  fl 
barbarequeM.Terraflon  a  mis  à  coté  du  tex- 
te o 'que  une  verfîon  latine  pour  faciliter  l'in- 
telligence de  ces  loix  ;  ce  qu'il  a  accompagné 
d'une  diflertation  très  -  curieufe  fur  la  lan- 
gue ofque. 

Code  pénal  ,  eft  un  traité  des  peines  qui 
doivent  être  infligées  pour  chaque  crime  ou 
délit.  Ce  traité  donné  au  public  en  1752  par 
un  auteur  anonyme  ,  forme  un  volume  /Vz- 
12.  Il  eft  mûxxûé  code  pénal ,  ou  recueil  des 
principales  ordonnances ,  édits ,  &;  déclara- 
tions fur  les  crimes  &  délits ,  &:  précis  des 
loix  ou  des  difpofitions  des  ordonnances , 
édits ,  &  déclarations.  Il  eft  divifé  en  cin  - 
quante  titres  ;  les  loix  pénales  y  font  rangées 
fuivant  l'ordre  de  nos  devoirs.  Les  fept  pre- 
miers titres  regardent  Dieu  &  la  religion  v 
les  titres  huit  &  neuf  jufqu'au  treizième 
concernent  l'état  &c  la  patrie  ;  les  autres  titres 
regardent  les  crimes  oppofés  à  ce  que  nous 
devons  aux  autres  &  à  nous-mêmes.  Cet 
ouvrage  eft  divifé  en  deux  parties ,  l'une  eft 
le  texte  même  des  loix  pénales ,  l'autre  ren- 
ferme les  maximes  ou  l'auteur  a  exprimé 
la  fubftance  de  ces  mêmes  loix.  Le  code  cri- 
minel qui  eft  l'ordonnance  de  1 670 ,  con- 
tient les  procédures  qui  doivent  être  faites 
contre  les  accufés.  Uart.  i  ^  du  titre  xxv  , 
indique  l'ordre  des  peines  entr'elles;  mais  il 
n'en  fait  pas  l'application  aux  différentes 
efpcces  de  crimes  :  c'eft  l'objet  du  code  pénal, 
où  l'on  a  refîèmblé  les  loix  pénales  qui  font 
éparfès  dans  une  infinité  de  volumes. 

Code  PoNTCHARTR  AIN ,  eft  un  titre  que 
quelques-uns  mettent  au  volume  ou  recueil 
de  réglemcns concernant  la  juftice,  interve- 
nus du  temps  de  M.  le  chancelier  Pontchar- 
train,  &:  imprimé  par  fon  ordre  en  1712  en 
deux  volumes //2- 22.. 

Code  des  Privilégies  ,  eft  un  volume 
in-8P.  imprimé  à  Paris  en  16 $6 ,  dans  lequel 
Louis  Vrevein  a  reffemblé  tout  ce  qui  con- 
cerne les  difïerens  privilégiés. 

Code  DES  Procureurs^  Q\xcod6 


C  O  D 

Giiïet ,  voyez  ci- devant    Coce  Gillet. 

Code  rural  j  eft  un  recueil  de  maximes 
8c  de  réglemens  concernant  les  biens  de  cam- 
pagne. Ce  petit  ouvrage  ,  dont  je  fuis  Tau- 
teur  j  a  paru  en  1 749  ;  il  forme  deux  volumes 
in-ii  ôc  eft  diviiè  en  deux  parties  ;  la  pre- 
mière contient  les  maximes  j  la  féconde  con- 
tient lesréglemens  &  pièces  juftificativ es  de 
ce  qui  eft  avancé  dans  les  maximes.  Il  con- 
tient en  abrégé  les  principes  des  fiefs ,  des 
francs-aleux  ,  cenlives,  droits  de  juftice, 
droits  feigneurîaux  &  honorifiques ,  ce  qui 
concerne  la  chafle  &  la  pêche ,  les  bannali- 
tés,  les  corvées ,  la  taille  royale  6c  leigneu- 
riale ,  les  dîmes  eccléfiaftiques  &  inféodées , 
les  baux  à  loyer  &  à  ferme ,  les  baux  à  chep- 
tel ,  baux  à  rente ,  baux  emphytéotiques ,  les 
troupeaux  &  beftiaux ,  Texploitation  des  ter- 
res labourables,  bois,  vignes  Ôc  prés,  & 
plufieurs  autres  matières  propres  aux  biens 
de  campagne. 

Code  Sav  ary  ,  furnom  que  quelques- 
uns  ont  donné  dans  les  commencemens  au 
code  marchand,  ou  ordonnance  de  1673 
pour  le  commerce.  L'origine  de  ce  furnom 
vint  de  ce  que  M.  Colbert  qui  avoit  inipiré 
au  roi  le  delïèin  de  faire  un  règlement  géné- 
ral pour  le  commerce,  fit  choix  en  1670  de 
Jacques  Savary ,  fameux  négociant  de  Paris , 
pour  travailler  à  l'ordonnance  qui  parut  en 
1675.  Bornier ,  dans  fa  préface ,  dit  que  Sa- 
vary rédigea  les  articles  de  cette  ordonnance, 
Ôc  que  par  cette  raifon  M.  Puflbrt ,  confeil- 
1er  d'état ,  avoit  coutume  de  la  nommer  le 
code  Savary  ;  mais  on  l'appelle  communé- 
ment/e  co^e  marchand^  &  plus  régulière- 
ment l'ordonnance  du  commerce,  Voye';^  ce 
qui  eft  dit  ci-devant  au  mot  Code  mak- 
CH AtiT  y  &  au  mot  CoDi.  des  Aides. 

Code  du  tabac  ,  eft  un  titre  que  l'on 
donne  quelquefoisau  volume  ou  recueil  des 
réglemens  concernant  la  ferme  du  tabac  j  il 
eft  imprimé  à  la  fin  du  code  des  tailles. 

Code  des  Tailles  ,  eft  un  recueil  des 
ordonnances,  édits,  déclarations^  réglemens 
ôc  arrêts  de  la  cour  des  aides  fur  le  fait  des  tail- 
les. Cet  ouvrage  eft  en  deux  volumes  in-ii. 

Code  LE  tellier  ,  furnom  que  quel- 
ques-uns ont  donné  à  un  recueil  de  régle- 
mens concernant  la  juftice  ,  intervenus  du 
temps  de  M,  le  chancelUer  le  Tellier ,  de  im- 
primé en  1 687 ,  en  deux  volumes  in-^°. 


C  O  D  .  383 

Code  Theodosien,  ainli  nommé  de  l'em- 
Çereur  1  hfodofc  le  jeune  par  ordre  duqueljil 
tut  rédigé ,  eft  une  coUeéfcion  des  conftitu- 
tions  des  empereurs  chrétiens  depuis  Conf- 
tantin  juiqu^àThécdofe  le  jeune.  Il  ne  nous 
eft  rien  relté  des  loix  faites  par  les  empereurs 
jufqu'au  temps  d'Adrien.  Les  conftitutions 
de  ce  prince  ôc  celles  de  fes  fuccefleurs  juf- 
qu'au temps  de  Dioclétien  ôc  de  Maximien , 
hrentl 'objet  de  deux  compilations  différen- 
tes que  l'on  nomma  code  Grégorien  &  Hermô- 
génien ,  du  nom  deleurs  auteurs  :  mais  ceux- 
ci  ayant  fait  de  leur  chef  ces  compilations  , 
elles  n'eurent  d'autre  autorité  que  celle  qu'el- 
les tiroient  des  conftitutions  qui  y  étoient 
rapportées.  Le  premier  code  qui  fut  fiit  par 
ordre  du  prince  fut  le  code  Théodofien. 

Indépendamment  des  conftitutions  faites 
par  les  empereurs  depuis  Adrien ,  qui  çtoient 
en  très-grand  nombre  ,  Thc'odofe  le  jeune 
en  avoit  fait  lui-même  plufieurs ,  d'abord 
conjointement    avec  Honorius  empereur 
d'Occident ,  ôc  avec  Arcadius  Ion  père  ^ 
lorfque  ce  dernier  Peut  aflbcié  à  l'empire 
d'Orient.  Après  la  mort  d' Arcadius  il  en  fit 
encore  plufieurs ,  conjointement  avec  Ho- 
norius. Juftinien  en  a  confervé  dans  fon  code 
environ  trente  des  premières ,  ôc  environ 
cent  vingt  des  fécondes.  Théodofe  en  fit 
encore  d'autres ,  depuis  qu'il  fut  demeuré 
feul  maître  de  tout  l'empire  d'Orient  ôc 
d'Occident  par  la  mort  d'Honorius.  Six 
années  après ,  en  141 5  ,  il  partagea  fon  auto- 
rité avec  Pulchérie  fa  fœur ,  qu^il  fit  créer 
Augufte  i  ôc  en  424  il  céda  l'empire  d'Oc- 
cident à  ValentinienlII  âgé  de  fept  ans  feu- 
lement. Théodofe  étoit  fort  pieux ,  mais 
peu  éclairé  ;  de  forte  que  ce  fut  Pulchérie 
la  fœur  qui  eut  le  plus  de  part  au  gouver- 
nement. L'événement  le  plus  remarquable 
de  l'empire  deThéodofe ,  fut  la  rédadlion  ôc 
la  publication  du cod'e  qui  porte  fonnom.Les 
motifs  qui  y  donnèrent  lieu  font  exprimés 
dans  le  premier  titre  de  fes  novelles ,  où  il 
ie  plaint  d'abord  de  ce  que  malgré  les  récom- 
penles  propofées  de  fon  temps  aux  gens  de 
lettres ,    peu  de  perfbnnes  s'empreftbient 
d'acquérir  une    parfaite  connoiflànce   du 
droit ,  ce  qu-*il  attribue  à  la  multitude  d'ou- 
vrages des)  urifconfultes  Ôc  des  conftitutions 
des  empereurs  ,  capable  de  rebuter  les  lec- 
teurs ^  &  de  mettre  la  confufion  dans  les  ef«. 


3^4  C  O  D 

prirs.  Pour  remédier  à  cet  inconvénient ,  il 
titraire  un  choix  des  confticucions  les  plus  la- 
ges  de  les  plus  convenables  au  tempspréfent , 
pour  en  former  un  code  ou  loi  générale,  ôc 
chargea  huit  juriiconfultes ,  dont  il  marque 
les  noms  à  la  fin  de  la  première  novelle  ;  la- 
voir, Anticchus ,  Maximni,  Martyrius  , 
Spérantius,  AppoUodore,  Théodore,  Epi- 
genius ,  &  Procope;  leurs  titres  ôc  qualités 
font  exprimes  dans  la  même  novellej  ce  qui 
nous  apprend  qu'ils  avoient  polîédé  ou  pof- 
■fé^oient  alors  les  premières  dignitésde  rem- 
pire.  On  ne  fait  pas  le  temps  qui  tut  employé 
à  la  rédaction  de  ce  code;  on  voit  feulement 
qu'il  fut  divilé  en  fèize  livres.  Le  premier 
traite  des  différentes  fortes  de  loix  dont  le 
droit  eflcompofé  :  le  fécond  traite  delà  jurif- 
divfbion  des dilférens  juges;  des  procédures 
que  Ton  obfervoit  pour  parvenir  à  un  juge- 
ment ;  des  perfonnes  que  Pon  pouvoir  cirer 
devantlc  juge  jdesreftitutionsen  entier  ;  des 
jugemens  ;  des  actions  qui  ont  rapport  à  ce 
que  l'on  peut  poiîéder  à  titre  univerfel  ou 
particulier ,  &  des  trois  fortes  d'adtions  qui 
procèdent  de  la  nature  des  chofes  réelles , 
perfonnelles ,  &  mixtes  :  le  troiiieme  livre 
com.prenbit  ce  qui  concerne  les  ventes ,  les 
mariages ,  &  les  tutelles  ■■,  le  quatrième  ,tout 
ce  qui  regarde  les  fucceffions  a5  intejiat  ôc 
teftamentaires ,  les  chofeslitigieufes ,  les  dif- 
férentes conditions  des  perfonnes ,  les  impo- 
rtions publiques  ,  ôc  ceux  qui  étoient  pré- 
po fés  pour  les  recevoir ,  lesprelcriptions ,  les 
chofes  jugées,  les  cédions  de  biens ,  les  in- 
terdits, quorum  bonorum ,  undevi,  utruhi ,  ÔC 
les  édifices  particuliers  :  le  cinquième  livre 
comprenoit  ce  qui  concerne  les  (uccefïions 
légitimes ,  les  changemens  qui  peuvent  arri- 
ver dans  Pétat  des  perfonnes  par  différentes 
caufes,  &  les  anciens  ufages  autoriféspar  une 
longue  pofleiïion  :  le  fixieme  livre  concer- 
noit  toutes  les  dignités  qui  avoient  lieu  dans 
Pcmpire  d'Orient  ôc  d'Occident ,  ôc  toutes 
les  charges  quis^exerçoient  dans  le  palais  des 
empereurs  :  dans  le  feptieme  livre  on  raflem- 
bla  ce  qui  concernoit  les  emplois  ôc  la  difci- 
pline  militaire  :  dans  le  huitième ,  ce  qui  re- 
gardoit  les  officiers  fubordonnés  aux  j  uges , 
les  voitures  Ôc  poftes  publiques ,  les  dona- 
tions ,  les  droits  des  gens  mariés ,  ôc  ceux 
des  enfms  ôc  des  parens  fur  les  biens  &  {\\z- 
celTîons  auxquels  ils  pouvoient  prétendre  :  le 


COD 

neuvième  livre  traitoit  des  crimes  ôc  de 
la  procédure  criminelle  :  le  dixième ,  des 
droits  du  fifc  :  le  onzième,  des  tributs  ôc 
autres  charges  publiques ,  des  confulutions 
faitesrpar  le  prince  pour  lever  les  doutes ,  ôc 
des  appellations  ôc  des  témoins  :  le  douzième 
traitoit  des  dccurions,  ôc  des  droits  ôc  devoirs 
des  officiers  municipaux  :  dans  le  treiziè- 
me on  ralTemble  ce  qui  concernoit  les  diffé- 
rentes profe  liions ,  les  marchands ,  les  négo- 
cians  fur  mer ,  profellèurs  des  fciences ,  mé- 
decins ,  artifans  ,  le  cens  ou  capitation  :  le 
quatorziemerenfermoittoutcequiivoit  rap- 
port aux  villes  de  Rome,  de  Conftanrino- 
ple  ,  d''Alexandrie ,  ôc  autres  principales  vil- 
les de  l'empire  j&  ce  qui  concernoit  les  corps 
de  métiers  &  collèges ,  la  police ,  les  privilè- 
ges :  le  quinzième  contenoit  les  réglemens 
pour  les  places ,  théâtres ,  bains ,  ôc  autres 
édifices  publics  \  enfin  le  feizieme  livre  ran- 
fermoit  tout  ce  qui  pouvoit  avoir  rapport 
aux  perfonnes  ôc  aux  matières  eccléfîaftiques. 

Qtcode ,  ainfi  rédigé,  fut  publié  Pan  43  8. 
Théodofe  par  fa  première  novelle  lui  donna 
force  de  loi  dans  tout  Pcmpire  :  il  abrogea 
toutes  les  autres  loix ,  ôc  ordonna  qu'il  n'en 
pourroit  être  fait  aucune  autre  à  l'avenir , 
même  parValentinien  III ,  fon  gendre.  Mais 
il  dérogea  lui-même  à  cette  dernière  difpo- 
fîtion  5  ayant  fait  dans  les  dix  années  luivan- 
tesplufieurs  novelles,  qu'il  confirma  par 
une  novelle  donnée  à  cet  effet ,  Ôc  qu'il 
adreiîa  à  Valcntinien.  Il  eft  probable  que  ce 
dernier  confirma  de  fôn  côté  le  code  Théo- 
dojien ,  ayant  par  une  novelle  confirmé  celles 
de  Théodofe. 

Ces  différentes  circonftances  font  rappor- 
tées dans  les  prolégomènes  de  Go  Jefroy  fur 
ce  code  ,  où  il  remarque  pluiîeurs  défauts 
dansParrnvngement ,  ôc  même  quelques  con- 
tradidions  :  mais  il  eft  difficile  d'en  bien  ju- 
ger ,  attendu  que  ce  code  n'eft  point  parvenu 
dans  fon  entier  jufqu'à  nous.  En  eftct,  on 
trouve  dans  celui  de  Juftinien  trois  cents 
vingt  conftitutions  de  Théodofe  le  jeune 
ou  de  les  prédécefleurs ,  que  Pon  ne  retrouve 
plus  dans  le  code  Théodofien  ^  quoiqu'elles 
n*y  euflcnt  fans  doute  point  étéomifes. 

Le  code  Théodojlen  futobfervé  fous  les  em- 
pereurs ValentinienIII,Marcien,  Iviajorien, 
Léon  ,  ôc  Anthemius ,  comme  il  paroit  par 
leurs  conftitutions  dans  lefquelles  ils  en  font 

mention. 


C  O  D 

mention.  L'auteur  de  la  conférence  des loix 
mofaïques  &  romaines ,  qui  vivoit  peu  de 
temps  avant  Juftinien  ,  cite  en  pluiieurs  en- 
droits le  code  de  Théodore.  Aman  ,  chance- 
lier d'Alaric  II ,  roi  des  Viiigoths  ,  publia 
en  506 ,  à  Aire  en  Gafcogne  ,  un  abrégé  de 
ce  même  code  ;  &;  Juftinien  dans  Ton  code , 
qui  ne  fut  publié  qu'en  518  ,  parle  de  celui 
deXhéodole  comme  d'un  ouvrage  quiéroit 
fubliftant ,  &  dont  il  s^éioit  iervi  pour  com- 
poler  le  (len. 

Il  paroit  donc  certain  que  le  code  Théodo- 
Jîen  s'étoit  répandu  par  toute  l'Europe  ,  & 
qu'il  y  étoit  encore  en  vigueur  dans  le  iixie- 
me  fiecle  ;  c'eft  pourquoi  il  eft  étonnant  que 
cet  ouvrage  fe  Ibit  tout  à  coup  çerdu  en  Oc- 
cident ,  fans  qu'on  en  ait  conîervé  aucune 
cop'e.  Quelques  auteurs  modernes  imputent 
à  Juftinien  d'avoir  fupprimé  cet  ouvrage, 
de  même  que  ceux  des  anciens  jurifconful- 
tes  :  en  effet ,  il  n'en  eft  plus  parlé  nulle  part 
depuis  la  publication  du  code  de  Juftinien; 
&  ce  qui  en  eft  dit  dans  quelques  auteurs , 
ne  doit  s'entendre  que  de  l'abrégé  qu'en 
avoir  fait  Anian. 

Pour  rétablir  le  code  Théodojien  dans  (on 
entier,  on  s'eft  fervi,  outre  l'abrégé  d' Anian, 
de  plufieurs  anciens  manulcrits ,  dans  Icf- 
quels  on  a  recouvré  différentes  portions  de 
ce  code.  Jean  Sichard  en  donna  d'abord  à 
Bâlc ,  en  1518,  une  édition  conforme  à  l'a- 
brégé d' Anian:  en  1549,  JeanTilly  ou  du 
Teil  donna  à  Paris  une  autre  édition  //z-8°. 
des  huit  derniers  livres  qu'il  venoit  de  recou- 
vrer,  dont  le  dernier  feulement  étoit  impar- 
fait. On  rechercha  encore  dans  la  conférence 
des  loix  mofaïques  &  romaines  ,  &  dans  les 
fragmens  des  codes  Grégorien  &c  Hermogé- 
nien ,  dans  celui  de  Jullinien  ,  &  dans  les 
loix  des  Goths  &  des  Viiigoths,  ce  qui  man- 
quoit  du  code  Théodojien. 

Cujas ,  après  un  travail  de  trente  années , 
en  donna  à  Paris,  en  i  ^66  ,  une  édition  in- 
fol.  avec  des  commentaires;  il  augmenta 
cette  édition  des  fixieme  ,  fejjtieme  «Se  hui- 
tième livres  entiers ,  &  d'un  lupplément  de 
ce  qui  manquoit  au  feizicme  dans  l'édition 
précédente  ;  &  il  nous  apprend  qu'il  étoit 
redevable  de  ce  travail  à  Etienne  Charpin. 
Pierre  Pithou  ajouta  à  l'édition  de  Cujas  les 
conftitutions  des  empereurs  fur  le  fénatuf- 
confulte  Claudien.  Enfin  Jacques Godefroy 
Tome  VIII. 


C  O   D  5S5 

parvint  à  rétablir  les  cinq  premiers  livres  & 
le  commencement  du  fixieme ,  &:  à  difpofer 
une  édition  complète  du  code  Thtodofien  :^ 
mais  étant  mort  avant  de  la  mettre  au  jour, 
Antoine  Mar ville ,  profe fleur  en  Droit  à  Va- 
lence ,  en  prit  foin ,  &  la  donna  à  Lyon  en 
1 66  y  en  lix  volumes //2-/c/.  Jean  Ritter,  pro- 
feflcur  à  Leiplic,  en  adonné,  en  1756,  dans 
la  même  ville  une  édition  auflî  en  (ix  volu- 
mes, revue  &  corrigée  fur  d'anciens  manuf- 
crits  ,  &  enrichie  de  nouvelles  notes. 

Il  n'eft  pas  douteux  que  le  code  Théodojien 
a  été  autrefois  obiervé  en  France  ,  &  que  les 
ordonnances  de  Clovis ,  de  Clotaire  ion  fils , 
&  de  Gondcbaut  roi  de  Bourgogne ,  qui 
portent  que  les  Gaulois  ou  Romains  feront 
jugés  fuivanc  le  droic  romain  ,  ne  doivent 
s'entendre  que  du  code  Théodojien  ,  pairque 
le  code  Juftinien  n'étoit  pas  encore  fait. 
C'eft  ce  qu'obferve  M.  Bignon  dans  fes  notes 
fur  Marcul.  ch.  lij.  Godefroy,  dans  fes  ;jro- 
lég.  du  code  Théod.  ch.  v  y  à  la  fin ,  &  le  P. 
Sirmond,  dans  (on  append.  du  code  Théod. 
Les  Viiigoths  qui  occupoient  les  provinces 
voifînes  de  l'Eipagne ,  avoient  auffi  reçu  le 
môme  code  ;  mais  il  paroit  qu'il  perdit  toute 
fon  autorité  en  France  aufli-bien  que  dans 
l'empire  romain  ,  lorlque  le  code  Juftinien 
parut  en  y  z8 ,  Juftinien  ayant  abrogé  toutes 
les  autres  loix  qui  n'y  étoient  pas  com- 
priles. 

Cependant  M.  Eretonnicr ,  avocat,  dans 
des  mémoires  imprimés  qu'il  fît  en  1714 
pour  la  dame  d'Elpinay  ,  au  fujet  d'un  tef- 
tament  olographe  fait  en  Beaujolois ,  pré- 
tendit que  le  code  Théodojien  avoit toujours 
continué,  d'être  obfervé  en  France ,  &c  que 
c'ctoit  encore  la  loi  des  pays  de  droit  écrie. 
Il  fe  fondoit  fur  ce  qu'avant  la  publication 
du  code  de  Juftinien  on  oblervoit  en  France 
le  code  Théodojien  ;  que  Juftinipn  n'a  voit  ja- 
mais eu  aucune  autorité  enFrance;  queChar- 
lemagne  fit  faire  unenouvelle  édition  duco^e 
Théodojien  j  &:  ordonna  de  l'enfeigner  dans 
tous  fes  états  ,  &  notamment  à  Lyon ,  où  il 
établit  pour  cela  des  profefleurs  :  il  obfervoit 
que  l'édit  des  fécondes  noces  paroît  fait  en 
conformité  des  loix  des  empereurs  Théodofc 
Se  Valentinien  ;  que  le  chancelier  de  l'Hô- 
pital, du  temps  duquel  fut  fait  cet  édit,  n'ofà 
citer  une  loi  de  Juftinien  fans  en  demander 
excufe  au  roi ,  d'où  il  concluoit  que  c'étoic 

Ccc 


38^  G  O  D 

le  code  Thêodojîen  que  Ton  obfervoir  en  Fran- 
ce ;  &  que  fi  l'on  citoit  celui  de  Juftinien , 
«ce  n'étôit  qu'à  caufe  qu'il  rcnfermdit  les  loix 
qui  étoient  compiles  dans  le  code  Théddcflen 
doù  ces  loix  tiroient,  félon  lui,  route  leur 
autorité  :  il  allcgùoit  encore  le  témoigna'ge 
de  Dutillet,  qui  vivoit  fous  Charles  IX, 
lequel  auteur ,  en  fbn  'recueil  dés  rois  de 
France ,  dit  qiie  le  code  Tkcodojicn  ayant  été 
"reçu  par  les  Viiigoths,  étoit demeuré  pour 
coutume  aux  pays  de  droit  écrit. 

Ce  paradoxe  avancé  par  M.  Bretonnier  , 
quoique  appuyé  de  quelques  ràifons  fpé- 
Cieufes,  révolta  contre  lui  tout  le  palais,&  ne 
jfic  pas  fortune  ,  étant  contraire  à  Pufage  no- 
toire des  pays  de  droit  écrit ,  à  celui  des  uni- 
verfitésoù  l''on  n'enfeigne  que  les  loix  de  Juf- 
tinien, &  àk  pratique  de  tous  les  tribunaux, 
où  les  affaires  du  pays  de  droit  écrit  font  ju- 
gées fuivant  ces  mêmes  loix.  M.  Terrai'ïbn  le 
)pere  qui  répoîndit  aux  mémoires  de  M .  Bre- 
tonnier ,  ne  ftiiinqua  pas  de  relever  cette  pro- 
pofitîon ,  &  lit  voir  qUele  code  de  Juftinien 
avoit  abrogé  celui  deThéodofc  :  que  de  tous 
les  auteurs  qui  avoient  écrit  fur  le  droit  ro- 
main dep'uis  que  Ifc  code  de  Juftinien  avoir 
eu  cours  dans  le  royaume  ,  il  n'y  en  avoir 
pas  un  feul  qui  eut  jamais  prétendu  que  le 
code  Théodcjie/i duz  prévaloir  fur  Pautre  ,quc 
VincentiusGravina  quia  fait  un  traité  de  ori-\ 
gine  juris  ,  ne  parle  du  code  Tnéodojicn  quei 
comme  d'un  droit  hors  d^ifage,  quipou'voi'  j 
fèrvir  tout  au  plus  à  éclaiïcir  les  endroits  obf  * 
curs  du  code  de  Juftinien  ,  mais  qui  ne  fait' 
pas  loi  par  lui-même  ;  &  c'eften  effet  le  feu!' 
ufage  qu'on  peut  faire  du  code  Thêodojîen,  {\ 
ce  n'eft  qu'il  fert  aulTi  à  faire  connoïtre  les: 
progrès  delà  jurifprudence  romaine  ,  5c 
qu'il  nousinftruit  des  mœurs  &  de  l'hiftoire 
du  temps.  F'oye:ici-deyantX2oT)E  d'Alaric. 
Code  di  là  Ville',  eft  le  titre  qu'on 
/iionnc  quelquefois  à  une  ordonnance  de 
Louis  XIV,  du  mois  de  décembre  'i6jz  , 
tonrenant  Un  règlement  général  pour  la  ju  • 
rildidion  des  prcvot  des  marchands  &  éche- 
Vins  de  la  ville  de  Paris. 

Code  voiYurin,  eft 'un  fecueildesédits, 
âéclafatiôns,' lettrés-patentes,  arrêts  Se  ré- 
•jlerhens  Concernant  les  fondions ,  droits , 
■privilèges,  ifïiïïl unités,  franchifes,  libertés, 
^  'e^em'ptidns ,  tant  des  meffagers  royaux 
^lïe  "de  àcih  "de  'l^UniVerOtéxîe  Pa'i'is  j  "&  au- 


C  O  D 

très  voituriers  publics.  Cet  ouvrage ,  qui  eft 
fans  nom  d'auteur,  forme  i  vol.  in-^°,  il 
a  été  imprimé  en  1748  :  il  contient  les  prin- 
cipaux réglemens  intervenus  kn  cette  ma- 
tière ,  depuis  l'an  iioo  jufqu'au  ï6  déc. 
Î747  ;  l'auteur  y  a  mis  en  quelques  éndrbits 
des  notes  pour  en  faciliter  l'intelligence. 

Code  de  la  Voierie  ,  eft  un  recueil  des 
ordonnances ,  édits ,  déclarations ,  arrêts  ôc 
réglemens  fur  le  fait  de  la  voierie, c'eft-à-dirc 
de  la  police  des  chemins ,  rues  ôc  places  pu- 
bliques.Cet  ouvrage  forme  un  volume  in-^°, 

CODÉBITEURS ,  f.  m.  pi.  (Jurifp.)  font 
ceUx  qui  font  obligés  à  une  même  dette,  loit 
par  un  même  titre  ou  par  des  acbes  féparés. 
Les  codébiteurs  ,  quoiqu'obligés  conjointe- 
ment &  par  le  même  adte,  ne  font  pas  obli- 
gés folidairement ,  à  moins  que  la  folidité  né 
foit  exprimée  dans  l'a6te  \  fans  cela,  l'obliga- 
tion fe  divife  de  droit  entre  eux  par  égales 
portions,  à  moins  qu'il  n'y  ait  quelque  claule 
exprelfe  qui  en  oblige  un  à  payer  plus  que 
l'autre.  LescodéBitéurs  lont  appelles  en  droit, 
correi  debmdi  five  promittcndi  ;  il  en  eft  parle- 
en  diflférens  textes  du  droit ,  qui  font  indi- 
qués dans  Brederode  au  mot  rei.  Voye';^auj]l 
aux  injlit.  le  titre  de  duobus  reis  Jiipulandi  & 
prornitîendi.  {A) 

CODÉCLMATEUR ,  f.  m.  {Jurifpr.) eft 
celui  qui  a  part  dans  des  dîmes ,  foit  ecclé- 
haftiques  ou  inféodées ,  auxquelles  un  ou 
plulîeurs  autres  décirnateurs  ont  aufïi  droit 
chacun  félon  leur  pirt  &  portion.  Les cod'e- 
cimateurs  qui  jouilîènt  des  groftes  d'âmes  , 
font  tenus  chacun  folidairement  de  fournir 
la  portion  congrue,ou  le  fupplément  d'icelle, 
au  curé  qui  n'a  point  de  gros  ,  fauf  à  celui 
qui  a  payé  la  totalité  ,  à  exercer  ion  recours 
contre  chacun  des  autres  codécimateurs  pour 
leur  part  &  portion.  F'oje:^D£CiMATEURS 
S-  Dîmes.  {A) 

CÔDÉTENTEURS  ,  f.  m.  pi.  {Jurifp^ 
font  ceux  qui  font  conjointement  déten- 
teurs d'un  même  héritage ,  foit  par  indivis- 
ou  divifément ,  chacun  pour  telle  part  djc 
portion  qu'ils  y  ont  droit. 

Les  codétenîeurs  font  tous  obligés  folidai- 
rement au  paiement  des  charges  foncières  j 
oc  celui  qui  a  payé  pour  tous  n'a  pas  un  re- 
cours folidaire  contre  les  au  très  ccdétentcursy  ^ 
mais  feulement  contre  chacun  pour  telle 
part  &: "portion  dont  ils  font  détenteurs. 


C  O  D 

En  matière  de  rente  conftituée  ,  l'un  des 
codkeatturs  de  l'héritage  hypothéqué  étant 
pourfuivi  par  action  perfonneile ,  (uivant  la 
coutume  de  Paris ,  pour  payer  la  rente ,  n^a 
pas  de  recours  de  fon  cher  contre  Tes  coff/re/z- 
teurs ,  à  moins  que  le  créancier  ne  Tait  fu- 
brogé  en  Tes  droits  &  a<5bions.  Cette  matière 
ert  rrès-bien  expliquée  par  Loyfeau ,  en  Ion 
traité  du  déguerpijf.  liv.  II,  ch.  viij.  {A) 

CODI  AV ANACU ,  f.  m.  (  Hijîoire  na- 
turelle. Botanique.)  plante  du  Malabar  ,  af- 
fez  bien  gravée ,  quoique  fans  détails  ,  par 
Van-Rheede,  dans  Ton  Hortus  Malabaricus, 
vol.  II, p.  ^3, pi.  XXXIV,  fous  ce  nom ,  & 
Ibus  celui  de  cadi  avanacu.  Les  Brames  Tap- 
pellent  boin  erando  ôc  boi  erando.  C'eft  le  tra- 
gia  ^  chamcelœa  ,  foliis  lanceolato-obtufis  in- 
tegerrimis  de  M.  Linné  ,  dans  Ton  Syflema 
naturœ ,  imprimé  en  1 767 ,  page  Gig,  qui  le 
confond  avec  le  chameolœa foliis  linearibus , 
Jlofculis  ,fpicatis  ,  echinato  rudu ,  gravé  par 
M.  Burmann  ,  dans  fon  Thefaurus  Zeylani- 
eus ,  planche  XXV ,  page  5^. 

C''eft  un  fous-arbridèau  qui  croit  fous  la 
forme  d'un  buiflbn  ovoïde  de  deux  à  trois 
pies  de  longueur ,  fur  une  largeur  une  fois 
moindre,  à  racine  fibreufe  ,  brune,  portant 
une  tige  très-courte  ,  cylindrique,  de  trois 
lignes  de  diamètre ,  partagée  dès  fon  origine 
en  quatre  à  cinq  branches  cylindriques, 
écartées  fous  un  angle  de  10  à  30  degrés  , 
verd-claires  ,  menues ,  à  bois  blanc ,  ayant 
un  cœur  rendre ,  verd  ,  charnu  au  centre. 

Les  feuilles  font  alternes  elliptiques,  étroi- 
tes, pointues  aux  deux  bouts,  longues  de 
deux  pouces ,  cinq  à  fix  fois  moins  larges , 
molles ,  unies ,  vertes  de(Tus,  pâles  deflous , 
marquées  fur  chacun  de  leurs  bords  d'une 
centaine  de  dentelures  aiguës ,  fcmblables  à 
des  crenelures  très-ferrées ,  relevées  en  def- 
(bus  d'une  cote  longitudinale ,  &  attachées 
fous  un  angle  de  45  degrés  d'ouverture,  ians 
pédicule  aux  tiges  ,  à  des  intervalles  égaux , 
à-peu-près  à  la  moitié  de  leur  longueur. 

Les  fleurs  mâles  font  féparées  des  femel- 
les fur  le  même  pie ,  de  manière  que  les 
mâles  forment  un  épi  dansl'aiflelle  des  feuil- 
les fupérieures,  pendant  queles  femelles  font 
folitaires  à  l'aillèlle  des  feuilles  inférieures. 
L'épi  des  fleurs  mâles  efl:  citiq  à  iix  fois  plus 
court  que  les  feuilles,  c'eft-à-dire,  long  de 
trois  à  quatre  lignes ,  couvert  daiis  fa  moitié 


COD  3»7 

fupéneure  par  dix  à  douze  flenrs  feffîles , 
verd-jaunâtres,  contiguës.  Chaque  fleur 
mâle  cft  caduque  ;  &  coniifle  en  un  calice 
verd-j aune  à  trois  feuilles,  &  en  trois  éta- 
mines  courtes  diftindes;  &  les  fleurs  femelles 
n'ont  qu'un  calice  à  cinq  feuilles  perfiRantes,. 
&  un  ovaire  fphéroïde,  porté  fur  un  difque 
orbiculaire  aflèz  court,  &  terminé  par  trois 
fliigmates  cylindriques ,,  marqué  d'un  iillou 
cylindrique  fur  leur  face  intérieure. 

L'ovaire,  en mûriflànt ,  devient  une cap- 
fule  fphéroïde  de  quatre  lignes  de  diamètre, 
femblable  en  petit  à  celle  du  ricin  ,  c'eft-à- 
dire  ,  à  trois  angles  arrondis,  portant  chacun 
trois  rangs  longitudinaux  de  petites  épines 
molles  ,  à  trois  loges ,  s'ouvrant  en  trois 
valves ,  àc  contenant  chacune  une  graine 
ovoïde,  cendré-brune  ,  longue  de  deux 
lignes,  preique  une  fois  moins  large,  à 
amande  blanche. 

Culture.  Le  coài  avanacu  croît  au  Malab.fr, 
dans  les  terrains  labionneux  &  pierreux.  Il 
fleurit  toute  Pannée ,  mais  plus  abondam- 
ment dans  les  temps  pluvieux. 

Vfages.  Son  fuc  fe  boit  dans  le  vin  pour 
arrêter  le  flux  de  ventre  ;&  cuit  dans  l'huile, 
pour  réparer  les  forces.  On  en  rire  une  huile 
dont  on  frotte  la  tête  pour  dilîiper  les  verti- 
ges &  fortifier  le  cerveau. 

Remarques.  Qtielque  refîemblance  appa- 
rente que  la  plante  gravée  par  M.  Burmann, 
fous  le  nom  de  chamcelœa ,  ait  avec  le  codi 
avanacu,  il  y  a  tant  de  différences  réelles  qui 
ne  peuvent  s'attribuer  à  une  négligence ,  que 
nous  ne  pouvons  guère  les  confondre  enfem- 
ble.  Voici  les  différences  qui  fe  remarquent 
dans  l'efpece  de  l'ilc  deCeylan  ;  1°.  fa  ra- 
cine eft  noirâtre  j  2°.  la  plante  n^a  pas  un 
pié  de  hauteur  ;  5°.  fa  tige  n'efl:  pas  rami- 
fiée dès  fon  origine  ;  4°.  les  feuilles  font 
plus  étroites ,  huit  à  dix  fois  moins  larges 
que  longues,  dentelées  plus  finement  enco- 
re ,  plus  obtufes ,  attachées  horizontalement: 
fur  un  pédicule  cylindrique  égal  à  leur  lar- 
geur \  5".  lescapfulesont  à  peine  trois  lignes 
de  diamètre. 

Si  tant  de  différences  peuvent  s'attribuer 
à  une  négligence  de  la  part  des  auteurs,  il 
ne  faut  plus  compter  fur  la  moindre  certi- 
tude dans  nos  connoiflànces  j  mais  iî  on 
rend  jufl:ice  à  l'exadlitude  du  travail  de  Van- 
Rheede  &  de  M.  Burmann  5  fi  d'ailleurs  on 
Ceci 


388  C  O  D 

coniidere  que  ces  deux  plantes  font  de  deux 
climats  dilFcrens ,  on  ne  pourra  guère  les 
confondre  ,  comme  a  fuit  M.  Linné  :  on  les 
diftinguera  au  contraire  en  deux  efpeces , 
qui  paroillènc  appartenir  au  genre  du Tc/^o- 
rigenam  du  Malabar ,  qui  vient  naturelle- 
ment dans  la  famille  des  tithymales  ,  où 
nous  l'avons  placé.  Voye^^  nos  Familles  d,  s 
plantes ,  vol.  II, p,  ^6^.  (  M.  Adanson.) 

CODI-AVANAM  ,  f.  m.  {Botan.)  ar- 
brifleau  qui  croit  dans  les  lieux  fablonneux 
des  Indes  orientales.  Voilà  tout  ce  qu'on 
fait  de  Tes  catciûeres ,  ce  qui  nous  diipenfe 
de  l'énumération  de  Tes  propriétés. 

CODiCILLAlRE  ,  adj.  {Jurifpr.)  ce 
terme  efl  toujours  joint  avec  celui  de  claufe. 
Voye■;^ci~(le^ ara  Clause  cocîcillaire. 

CODICILLANT,  adj.  pris  fubfl.  {Ju- 
rifpr. )  le  dit ,  en  pays  de  droit  écrit ,  pour 
exprimer  celui  qui  tait  un  codicille ,  comme 
on  appelle  tejîateur  celui  qui  k^ii  un  tefta- 
ment.  Voye-;^  le  traité  des  tejlamens  de  M. 
Furgole  ,  tome  IV,  ch.  Xij,page^^^  ;  &  ci- 
aprh  Codicille.  {A) 

CODICILLE  ,  f.  m.  (  Jurifpr.  )  eft  une 
difpofition  de  dernitre  volonté,  qui  diffère 
en  certaines  chofes  des  teftamens. 

Dans  les  pays  de  droit  écrit ,  le  codicille  eft 
un  a6te  m.oins  lolcmnel  que  le  teftament,  &z 
par  lequel  on  ne  peut  faire  que  des  difpofi- 
tions  particulières  ,  ëc  non  pas  dilpofcr  de 
toute  la  lucceilion. 

En  pays  coutumier  ,  les  codicilles  ne  dif- 
férent point  des  teilamens  quant  à  la  forme 
ni  quant  aux  effets  5  ce  il:  pourquoi  Ton  dit 
orvlmairemtnt  dans  ces  pays ,  que  les  tefca- 
mens  ne  ionr  que  des  codicilles. 

Il  y  a  néanmoins  quelques  coutumes  qui 
requièrent  plus  de  formalités  pour  un  tefîa- 
mentj  proprement  dit ,  que  pour  un  iimple 
codicille  ,  com.me  celle  de  t'erry ,  qui  diftin- 
gue  les  teftamens  des  autres  difpolitions  de 
dernière  volonté. 

On  diftinguc  aufTi  en  pays  coutumier  les 
ccdiciiU&  des  teftameri5  :  on  appelle  premier^ 
iecond  ,  ou  autres  ceftamens ,  la  dirpoiitîon 
principale  que  le  teflateur  fait  de  fa  fuccef- 
iîon  ;  &c  ious  le  nom  de  ccdt:ille,  on  entend 
certaines  di'pofîdons  particulières  mifes,  foit 
à  la  fuite  du  teftament  ou  par  quelque  aéte 
féparépar  lelquellesle  teftateurr.joutCjchan- 
ge  ou  modilie  quelque  choie  à  fon  teftament.  ^ 


C  O  D 

Expliquons  d'abord  les  règles  que  Vnn 
fuit  pour  les  codicilles  en  pays  de  droit  écrit. 

Vefembée  en  fes  paratnles  fur  le  titre  de 
ccdicillis  ,n,Z,  dit  que  le  terme  de  codicille 
eft  un  diminutif  de  co^ex,  c'eft-à-dire,  un 
petit  écrit  moindre  que  le  tefbment. 

-  On  appelle  ccdicillaiit ,  en  pays  de  droit 
écrit ,  celui  qui  feit  un  codicille. 

L'ufage  des  ctdicilles  étoit  moins  ancien 
chez  les  Romains  que  celui  des  teftamens  ; 
la  loi  des  douze  tables  ne  parloir  que  des 
teftamens ,  &  les  codicilles  ne  furent  intro- 
duits que  fous  le  règne  d'Augufte. 

Les  codicilles  ne  furent  d'abord  autorifés. 
que  pour  les  fîdéi-commis  ou  fubftitutions  ^ 
lefquels  éroient  confirmés  quoique  faits  par 
un  codicille  :  mais  il  n'étoit  pas  encore  per- 
mis de  faire  ainfi  des  legs  j  c'eft  ce  que  dé-- 
note  la  loi  ^6 ,  Jf'.  de  légat.  ;î°  ,  où  il  eft  dit 
que  la  fille  de  Lentulus  paya  des  legs  f-iits  par 
un  codic  //e ,  quoiqu'elle  n'y  fat  pas  obligée  ; 
il  y  a  aufïi  plufîeurs  textes  de  droit  qui  indi- 
quent que  les  legs ,  pour  être  valables  ,  dé- 
voient être  faits  par  teftament.  Dans  la  fuite 
on  confirma  les  legs  loit  univerfels  ou  parti- 
culiers ,  quoique  faits  par  un  codicille;  mais 
le ccdic.lL ne  iaifit  point  le  légataire;  il  doit 
demander  la  délivrance  à  Théritier  inftitué  , 
s'il  y  en  a  un  ,  ou  à  l'héritier  abinteftat. 

Le  droit  romain  ne  permet  point  d'infti- 
tuer  un  héritier  par  un  codicille ,  ni  d'y  infti- 
tuer  ou  exhérécler  fes  enfans  &  autres  qui 
ont  droit  de  légitime;  cela  ne  fe  peut  faire 
que  par  teftament ,  ce  qui  a  été  ainfi  ordon- 
né ,  dit  Juftinien ,  afin  que  le  droit  des  tef- 
tamens. &  des  codicilles  ne  fût  pas  confondu. 

Les  codicilles  ^tXxytxK  concourir  avec  un. 
teftament ,  ou  fubfifter  fans  qu'il  y  ait  de 
teftiiment  ;  ils  peuvent  aufTî  précéder  ou  fui- 
vre  le  teftament ,  &  n'ont  plus  befoin  d'ctre 
confirmés  par  le  teftament ,  comme  cela  fe 
pratiquo-it  autrefois  loîfqu'ils  étoicnt  anté- 
rieurs. 

Lorfqu'il  y  a  un  teftament,  les  codicilles 
antcritnrs  ou  poftérieurs  font  cenfes  en  ftiire 
partie ,  &;  s'y  rapportent  tellement ,  que  fl  le 
teftament  eft  nul  dans  (on  principe  par  quel- 
que défaut  de  focmahté  ,  ou  que  l'héritier 
inftitué  répudie  la  fuccefTion  ,  les  codicilles- 
fuivent  le  même  fort  que  le  teftament. 

On  diftingue  dans  le  droit  romain  trois 
forces  de  co  J/a7/e^,.fayoir»  1°.  ceux  qui  foat 


C  O  D 

miftiques  ou  fecrecs ,  comme  les  teftamens 
ainh  appelles ,  c'eft-à-dire ,  qui  font  écrits  ôc 
clos  ou  cachetés  j  mais  pour  faire  un  tel  co- 
dicilb  il  faut  du  moins  pouvoir  lire ,  comme 
il  réiulte  de  l'art,  xj  dr  l'ordonnance  des  tej- 
tamens  :  i".  les  codicilles  nuncupadfsxjui  pou- 
voient  être  faits  verbalement  &  fans  écrit  en 
prtience  de  témoins ,  comme  les  teftamens 
nuncupatifs  ;  mais  ces  fortes  de  codicilles  font 
abrogés  par  l'ordonnance  des  teftamens  , 
qui  veut  que  toutes  difpoiitions  à  caufe  de 
mort  loient  rédigées  par  écrit  y.  à  peine  de 
nullité  :  3°.  les  caa/c/V/e^. olographes,  qui  font 
admis  par  le  droit  romain  en  faveur  des  en- 
fans  &  autres  defcendans  ;  ces  fortes  de  co- 
dicilles font  confirmés  par  l'ordonnance  des 
teftamens ,  qui  veut  qu'ils  foient  entièrement 
écrits,  datés  <k  lignés  delà  main  du  teftateur. 

On  ne  doit  pas  prendre  à  la  lettre  quel- 
ques textes  de  droit ,  qui  difent  que  les  co- 
dicilles ne  demandent  aucune  formalité  ;  ce- 
la iignihe  feulement  qu'ils  ne  font  pas  fujets 
aux  mêmes  formalités  que  les  teflnmens, 
comme  d'inftituerun  héritier,  d'inftiruer  ou 
exhéréder  fes  enfaiis,  ôc  d^appeller  fept  té- 
moins, &c. 

Pour  la  validité  du  codicille ,  il  faut ,  fui- 
vant  le  droit  romain  ,  que  le  codicillant , 
.c'eft-à-dire ,  celui  qui  dilpofe,  explique  fa 
volonté  en  préfence  de  cinq  témoins  aiîem  - 
blés  dans  le  même  lieu  3^  dans  le  même 
temps  ;  &  fi  le  ccdicille  eft  rédigé  par  écrit  &c 
cacheté ,  les  témoins  doivent  leiîgner. 

h'ordonnance  des  tejlamens ,  art.  xir,  veut 
que  b  forme  qai  a  eu  lieu  jufqu'à  préfent 
pour  les  codicilles  ^conûiviid  d'être  obrervée. 

Suivant  cette  même  ordonnance ,  les  co- 
dicilles doivent  toujours  être  dates  5  &  h  le 
codicille  eft  clos ,  la  date  doit  fc  troxiver  tant 
dins  l'intérieur  que  dans  Padie  de  fufcrip- 
tion  :  fiJe  codicille  c(ï  nuncupatif,  il  doit  être 
■prononcé  noa  feulement  devant  les  témoins, 
mais  aulli  en.  préfence  de  la  psrfonne  publi- 
que qui  en  drclle  Pade  ;  5c  il  le  codicille  eft 
clos ,  il  fuftir  qull  foit  écrit  par  le.  teitataïf 
Gu  d'une  autr^e  main  ,  mais  toujours  figné  du 
telb-teur;  Se  s'a  ne  lait  ou  ne  peut  figner ,  il 
faut  appeller  un  témoin  de  plus  à  l'aéVe  de 
fufcnption ,  comme  cela  eft  ordonné  pour 
les  teftamens ,  art.  x.  Il  en  eft  de  même  îorf- 
que  celui  qui  dilpofe  eft  aveugle. 

Les  codfû/Ucs  foiii,  entre  é;ïangcrs ,  c'cft.- 


C  O  D  3.S^ 

à-dire ,  au  profit  d'autres  que  les  enfans  ôc 
defcendans  de  celui  qui  diipofe ,  doivent 
être  reçus  par  un  notaire  ou  tabellion ,  en 
préfence  de  cinq  témoins,  y  compris  le  no- 
taire ou  tabellion  ;  fi  la  coutume  du  lieu' 
exige  un  moindre  nombre  de  témoins ,  il 
iuiiit  d^appeller  le  nombre  qu'elle  prefcrit. 

Pour  ce  qui  eft  des  coduilles  faits  au  pro- 
fit des  eiitansou  autres  defcendans  de  celui 
qui  difpofe ,  il  fuffit ,  luivant  l'art,  xv  de 
l'ordonnance  ,  qu^'ib  foient  faits  en  préfence 
de  deux  notaires  ou  tabellions ,  ou  d'un  no- 
taire &c  deux  témoins. 

Du  refte  ,  les  témoins  appelles  à  un  co- 
dicille ,  doivent  avoir  les  mêmesqualités  que 
pour  alTifter  à  un  teftament.  Le  droit  ro- 
main dîftinguoit  feulement  les  codicilles ,  en 
:  ce  qu'il  n'étoit  pas  néceflaire  que  les  témoins 
fulîent  priés  comme  pour  les  teftrmens  ;. 
mais  l'ordonnance  ayant  aboli  cette  fubtilité, 
il  n'y  a  plus  à  cet  égard  aucune  diftinâ:ion. 

Les  Codicilles  qui  font  reçus  par  une  per- 
(onne  publique ,  doivent  être  faits  uno  con- 
textu ,  en  préfence  de  tous  les  témoins  ;  ils 
doivent  être  écrits  &  datés  de  la  main  même 
de  l'ofîicier  public ,  de  même  que  les  tefta- 
mens. Le  Codicille  doit  en  fuite  être  lu  en 
.  préfence  du  codicillant  &  des  témoins  ,  & 
l'officier  public  doit  faire  mention  de  cette 
lecture,  après  quoi  le  codicillant  doitfigner; 
&  s'il  ne  le  fait  ou  ne  le  peut  faire ,  on  en 
doit  fîire  mention.  Les  témoins  doivent 
pareillement  figner  tous ,  fi  c'eft  dans  une 
ville  ou  bourg  muré  :  mais  fi  le  codicille  eft 
fait  ailleurs  ,  il  fufïit  qu'il  y  en  ait  deux  qui 
fâchent  figner  &  qui  fignent  en  effet,  & 
que  l'on  fine  mention  que  les  autres  ne  fa- 
voient  ou  ne  pouvoicnt  figner  j  enfin ,  il 
faut  que  le  notaire  figne  l'acte. 

Pour  ce  qui  eft  des  codicilles  en  faveur  des 
enfans  ou  defcendans  en  pays  de  droit  écrit, 
ils  ne  demandent  pas  tant  de  formalités  que 
ceux  qui  font  faits  au  profit  d'étrangers  ;  ils 
peuvent  être  faits  en  deux,  manières  ;  Pune 
en  préfence  de  deux  notaires  ou  tabellions , 
ou  d'un  notaire  &deux  témoins;  l'autre  eft 
en  forme  olographe ,  c'eft-à-dire ,  qu'ils 
(oient  entièrement  écrits ,  datés  &  fignés  du 
codicillant.  Art.  xv  &  xvj  de  l'ordonnance 
'  des  tejlamens. 

Une  différence  efTentielle  entre  les  tefta- 
mens wC  les  codiCiUes  en  gays  de  droit écrii:.. 


3pe^  C  O  D 

^uaiît  à  leur  effet,  c'eftc^uc  les  dirpofitions 
laites  par  ccdicille  ne  failiflènt  point ,  mais 
font  fujettes  à  délivrance. 

En  pays  coutumier ,  la  forme  des  tefta- 
mens  &  celle  des  codicilles  eft  la  même. 
Les  codicilles  qui  fe  font  devant  une  per- 
sonne publique  ,  peuvent  être  reçus  par  les 
mêmes  officiers  que  les  teftamens ,  &  ne  de- 
mandent pas  plus  de  formalités  ;  on  y  peut 
aulîî  fiire  des  codicilles  olographes ,  éc  les 
codicilles  y  ont  le  même  e|Fet  que  les  tefta- 
mens. 

Les  codicilles  militaires  ou  foits  en  temps 
de  pefte ,  fort  en  pays  coutumier  ou  en  pays 
de  droit ,  font  fujets  aux  mêmes  règles  que 
les  teftamens  militaires. 

Pour  faire  un  codicille  en  général ,  il  faut 
avoir  la  même  capacité  de  dilpofer  que  pour 
faire  un  teftament ,  11  ce  n'eft  qu'en  pays  de 
droit  écrit,  pour  difpofer  par  teftament,  il 
faut  en  avoir  la  capacité  au  temps  du  tefta- 
■  ment  &  au  temps  de  la  mort  j  au  lieu  que 
pour  un  codicille  il  fulfit  de  pouvoir  difpo- 
ler  au  temps  de  la  mort. 

A  Pégard  de  la  claufe  codicillaire ,  nous 
en  avons  parlé  ci-devant  au  mot  Clause. 

La  matière  àes  codicilles  eft  traitée  ample- 
fnent  par  Furgole ,  en  fon  traité  des  tejla- 
mens .  tome  IV .  ch.  xij.  {A) 

CODIGI,  f.  m.  {Hifloire  naturelle.  Bo- 
tanique.)'ph.ntt  duMalabar,  très-bien  gravée, 
avec  la  plupart  de  fes  détails, par  Van-Rhee- 
dc  ,  dans  (on  Hortus  Malabaricus  ,  vol.  /X", 
planche  L XV,  page  l%j ,  fous  le  nom  mala- 
baie  foneri  ila.  Les  Brames  Tappellent  codiji. 
Jean  Commelin ,  dans  fes  notes  fur  cet  ou- 
vrage, VapçeUepulmonaria  folio  macula to  In- 
dica  fimilis  ,floribus  tripetalis  rofhceo-faturis. 

C'eft  une  herbe  annuelle  qui  s'élève  fous 
la  forme  d'un  petit  buiflbn  iphérique  de  (îx 
pouces  environ  de  diamètre.  Sur  une  racine 
conique ,  verticale ,  de  trois  pouces  de  lon- 
gueur ,  fur  deux  lignesde  diamètre ,  peu  ra- 
mifiée, ligneufe,  s'élève  droit  une  tige  cylin- 
drique d^une  ligne  de  demie  de  diamètre ,  de 
quatre  pouces  environ  de  hauteur ,  à  trois 
ou  quatre  branches  alternes,  relevées  vertica- 
lementcontrelatige^blanchâtrescommeelle 
chsft-nues ,  aqueufes ,  hériflces  de  longs  poils. 

Cinq  à  iix  feuilles  alternes ,  dii'poiées  cir- 
cuîairement ,  gamiflènt  cette  tige.  Elles  font 
«ilip tiques ,  ^roiadies  à  leur  exti^mité  'm\é- 


CO  D 

rîcure ,  qui  eft  légèrement  échancr^e ,  poin- 
tues à  rextrémité  antérieure ,  longues  de 
trois  à  quatre  pouces ,  une  fois  mouis  larges 
entières,  rouge-violettes ,  excepté  à  leur  mi- 
lieu ,  qui  eft  verd-brun  ,  héniîées  de  poils 
longs  ,  qui  fortent  chacun  d'une  follette 
ronde  ,  blanches ,  relevées  en  defibus  d'une 
côte  ramifiée  en  fept  à  huit  paires  de  ner- 
vures alternes,  exportées  horizontalement 
d'abord  ,  enfuite  pendantes  fous  un  angle 
de  4  y  degrés ,  fur  un  pédicule  cylindrique 
blanchâtre ,  fillonné  en  defliis. 

Du  bout  de  chaque  branche  &  de  l'aiflèlle 
de  chaque  feuille  ,  fort  une  ombelle  en  co- 
rymbe  une  fois  plus  courte  qu'elles,  compo- 
fée  de  cinq  à  fept  fleurs  rôles ,  ouvertes  en 
étoile  de  cinq  à  fept  Hgnes  de  diamètre  i  &c 
portées  fous  un  angle  de  45  degrés  fur  un 
pédicule  cyEndrique,  rougeâtre,  une  à  deux 
fois  plus  court  qu'elles.  ' 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite ,  mono- 
pétale ,  régulière ,  pofée  fur  l'ovaire.  Elle 
confifte  en  un  ovaire  ovoïde,  hériifé  de 
poils  ,  long  d'une  ligne  &c  demie ,  de  moitié 
moins  large ,  furmonté  d'un  calice  à  trois 
dents  horizontales ,  d'une  corolle  monopé- 
tale, rouge  de  rofe ,  à  tube  très-menu ,  très- 
court  ,  à  trois  grandes  divifions  eUiptiques  j 
pointues  aux  deux  bouts ,  de  moitié  plus 
longues  que  larges ,  épaiiouies  horizontale- 
ment ,  &  en  trois  étammes  auiïî  longues 
qu'elles ,  élevées  droit ,  rouges ,  attachées  au 
haut  du  tube ,  &  terminées  par  des  anthères 
jaunes  triangulaires ,  pointues.  Du  fommet 
de  l'ovaire  au  centre  de  la  fleur  ,  s'élève  un 
ftyle  rouge ,  terminé  par  un  ftigmate  iîmplc 
tronqué  velu. 

L'ovaire ,  en  mûriflant ,  devient  une  cap- 
Iule  ovoïde ,  qui  paroit  être  à  une  loge  rem- 
plie de  quantité  de  femences  menues. 

Culiure.  Le  codigi  croît  au  Malabar  dans 
les  terres  iablonneules.  Il  eft  annuel. 

Remarque.  Cette  plante  n'a  encore  été  dé- 
terminée par  aucun  botanifte ,  &  elle  forme 
un  genre  particulier  dans  la  famille  des  cam- 
panules. Voyei^  nos  Familles  des  plantes,  vol, 
II  y  page  î^^.  {M.  Ad  AN  SON,) 

CODILLE  ,  terme  de  jeux.  On  dit  être 
codille  à  l'ombre ,  au  médiateur  ,  au  qua- 
drille ,  ùc.  quand  on  ne  fait  pas  le  nombre  de 
mains  prefcrites  par  le  gain  ou  la  remife  de 
la  partie.  VoyeT^cesjcax.         iÉb- 


C  O  D 

CODrVI ,  r.  m.  {Hijîoire  naturelle.  Bota- 
nique. )  &  codivi  vasji ,  nom  que  les  Brames 
donnent  à  une  plante  du  Malabar ,  allez  bien 
gravée  ,  mais  avec  peu  de  détails,  par  Van- 
Rheede,dans  Ton  Hort.  Malabaricus^  vol.  X, 
pi.  XXIV,  p.  47,  fous  le  nom  de  kaijfa  tsjira. 
J.  Commelin,dans  Tes  notes  fur  cetôuvrage, 
l'appelle  rubia  fylvejlris  floribus  pentapetalis. 

Sur  une  racine  Vivace,  verticale,  longue 
de  cinq  à  lix  pouces ,  fur  trois  lignes  de 
diamètre  ,  afl'ez  ramifiée  ,  ligneufe  ,  blan- 
châtre ,  s'élève  un  buiflon  de  iix  à  fept  pou- 
ces de  diamètre ,  compofé  d  une  vingtaine 
de  tiges  cylindriques  ramifiées ,  chacune  en 
quatre  ou  cinq  branches  alternes ,  ouvertes 
preique  horizontalement  ,  cylindriques  , 
vertes,d'unc  demi-ligne  au  plus  de  diamètre. 

Les  feuilles  font  oppoféesdeux  à  deux  en 
croix ,  accompagnées  Ibuvent  de  deux  folio- 
les une  fois  plus  petites ,  &  de  deux  ftipules 
ïnembraneufes.  Elles  font  elliptiques,  poin- 
tues aux  deux  extrémités,  longues  de  quanre 
à  cinq  pouces,  prefque  une  fois  moins  larges, 
entières ,  molles ,  aqneufes ,  lillès  ,  relevées 
en  deflous  d'une  cote  longitudinale ,  fans 
ramifications  ,  attachées  horizontalement 
fans  pédicule  le  long  des  branches  à  des  dif- 
tances  égales  à  leur  longueur. 

De  PaiflHle  de  chaque  feuille  fbrtent  tme 
a  trois  fleurs  oppofées,  blanchâtres,  égales  à 
'elles ,  y  compris  le  péduncule  qui  les  porte. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite ,  polipé- 
tale ,  incomplète,  polée  autour  de  Povaire, 
&  s'ouvre  en  hémiiphere  de  trois  lignes  au 
•plus  de  diamètre.  Elle  coniïfte  en  un  calice | 
verd  extérieurement,  blanchâtre  intérieure- 
ïnent,  à  cinq  feuilles  elliptiques  concav<;s , 
deux  fois  pl-us  longues  que  larges ,  periiftan-' 
tes  ,  en  une  corolle  à  cinq  pétales  blaiics  , 
en  cinq  itamines  oppofées  au  calice  ,  de 
même  longueur ,  à  anthères  blanches ,  & 
'en  un  ovaire  fphéroïde  blanchâtre  ,  portant' 
un  fl:>'ie  partagé  en  trois  ftigmates  cylindri- 
ques iîmples  &  veloutés  à  leur  extrémité,* 
qui  eft  tronquée. 

L'ovaire  ,  en  m.iariflant ,  devient  une  cap- 
-fuîe  ovoïde  ,  longue  de  près  de  deux  lignes, 
.  frefque  une  fois  moins  large,  verd-blanchâ- 
"tre  ,  à  une  loge,  s^'ouvrant  eh  "trois  valves 
'&  contenant  plulieurs  pérîtes  graines  ovoï- 
des ,  noirâtres ,  attachées  autour  d'un.pla- 
'cêiita  en  colonne  centrale. 


cor)  39t 

Culture.  Le  codivi  eft  vivace  j  il  croît  au 
Malabar  dans  les  fables. 

Qualités.  Toutes  fes  parties  ont  une  (àveut 
amere. 

Ufages.  Son  fuc  tiré  par  expreflîon ,  fè 
•boit  avec  le  gingembre ,  le  poivre  te  le  Tel 
'Contre  les  douleurs  du  bas-ventre. 

Kemarques.  Jean  Commelin  n'a  pas  ren- 
contré fort  jufte  en  comparant  cette  plante 
aux  rubiacées  ou  aparines.  On  voit  qu'elle 
forme  un  genre  particulier  voifm  du  p/^^r/z^- 
ceuTTi  dans  la  famille  des  efpargnetes ,  fper- 
gulœ ,  qui  eft  notre  38®.  Fbje:(_  nos  Familles 
des  plantes ,  vol.  II ,  page  ÇLJX.  {M.  Adan- 
SON.) 

CODON  ,  (  Mujîque  injlrumentale  des 
anciens.  )  Ce  mot ,  qui  dans  le  fens  propre 
(igniîie  une  cloche ,  iîgnifie  auffi  la  partie 
inférieure  des  flûtes  des  anciens.  Cette  partie 
étoit  ordinairement  de  corne  de  veau  ;  &; 
on  la  nommoit  codon ,  à  caufe  de  fa  reflem- 
blance  à  une  cloche.  Vcye^F l\j te  y  {Mujiq. 
injlr.  des  anciens^  {  F.  D.  C.) 

CO-DON  AT  AIRES ,  f,  m.  pi.  (Jurif- 
prud.  )  font  ceux  qui  font  donataires  con- 
jointement d'un  même  effet  :  le  donateur 
peut  les  aflocier  ainfi ,  Ibit  en  leur  donnant 
à  tous  par  un  même  adle,  ou  en  leur  donnant 
à  chacun  par  un  a6te  féparé.  Il  peut  aufïi 
leur  donner  à  tous  la  même  chofe  par  indivis 
ou  par  portions  diftinguées ,  égales  ou  iné- 
gales. F.  Don ATAiPvEs  6' Donation.  {A) 

CÔDONOPHORES  ,  f.  m.  pi.  (  Kiji. 

c.)  c'éfoit  l^'ufàge  chez  les  anciens  de  faire 


anc. 


accompagner  le  cadavre  à  fon  enterrement 
par  un  porteur  de  fonnette,  C'eft  cet 
homme  qu'on  appelle  codonophcre. 

CODUVO  ,  f.  m.  {Hiffoire  naturelle. 
Botanique,)  Les  Bram^es  appellent  de  ce  nom, 
&  de  celui  coduvo  nani  &  rana  nimba  ,  un 
arbre  du  Malabar ,  fort  bien  gravé  ,  avec  la 
plupart  de  fes  détails ,  par  Van-Rheede  , 
dans  fon  Hortus  Malab  ricus ,  volume  IF, 
planche  XIII ,  pageçtg.  Les  Portugais  l'ap- 
pellent///tt/jo  coroaJo  ;  (3<:les  Hollandois, 
wilde  litnoencn. 
.  Il  s'élève  à  la  hauteur  de  foixante-dix  à 
quatre-vingt  pies.  Son  tronc  eft  cylindri- 
que, haut  de  quiiîze  à  vingt  pics ,  fur  deux 
à  trois  pies  de  diamètre ,  couronné  par  une 
cime  ovoïde ,  une  fois  plus  longue  que  large, 
formée  par  nombre  de  branches  alternes , 


39i  C  O  D 

cylindriques ,  médiocrement  longues ,  écar- 
tées fous  un  angle  de  45  degrés  d'ouverture , 
à  bois  jaune ,  plein  de  moelie  fongueulè ,  & 
recouverte  d'une  écorce  épaifl'e ,  cendrée. 
Sa  racine  eft  jaune  ,  à  écorce  brune. 
Ses  feuilles  font  oppofées  deux  à  deux  en 
croix  &  alternes ,  elliptiques ,  pointues  aux 
deux  extrémités ,  longues  de  deux  pouces  à 
deux  pouces  &:  demi,  une  fois  moins  larges, 
entières,  ondées ,  comme  crépues,  relevées 
"endefl'us  d'une  côte  longitudinale,  ramifiée 
en  cinq  à  fept'  paires  de  groiles  nervures , 
&c  portées  horizontalement  fur  un  pédicule 
demi-cylindrique  ,  trois  à  quatre  fois  plus 
court  qu'elles ,  à  des  diftances  égales  à  leur 
longueur. 

Au  defibus  de  chaque  feuille  on  voit  fortir 
une  petite  épine  conique  ,  droite  ,^  brune  ; 
luifanre ,  fimple ,  quelquefois  ramifiée ,  ho- 
rizontale ,  longue  de  deux  à  quatre  lignes. 

Chaque  branche  ell  terminée  par  un  co- 
rymbe  de  deux  à  fix  fleurs  feffiles ,  verd-jau- 
ties ,  ouvertes  en  étoile  de  fept  lignes  de  dia- 
mètre. 

Chaque  fleur  eft:  hermaphrodite ,  polypé- 
tf  le  ,  complète  ,  régulière  ,  pofée  fur  l'o- 
vaire. Elle  confirte  en  un  calice  verd ,  à  cinq 
petites  dents  triangulaires  ,  en  cinq  pétales 
verd-jaunes,  triangulaires,  ou  en  cœur, 
épanouis  horizontalement ,  deux  à  trois  fois 
plus  long  que  le  calice ,  &  en  huit  à  dix  éta- 
mines  blanches ,  une  fois  plus  courtes ,  rele- 
vées en  cône.  Au  delî'us  de  cette  fleur  eft 
l'ovaire  ovoïde ,  obtus ,  long  de  trois  lignes, 
de  moitié  moins  large  ,  terminé^en  deflus 
par  un  ftyle  blanc,  cylindrique,  couronné 
par  un  ftigmate  fiihple ,  cylindrique ,  tron- 
qué &  velouté. 

L'ovaire ,  en  mûriffant ,  devient  une  baie 
ovoïde ,  obtufe ,  comme  arrondie ,  longue 
d'un  pouce  &  demi ,  d'un  tiers  moins  large , 
couronnée  par  fon  calice  ,  verd-noire  d'a- 
bord, piquetée  deblanc ,  enfuite  jaune  d'or, 
citron ,  marquée  extérieurement  de  huit  à 
dix  côtes  à  chair  blanche  ,  aqueufe  ,  parta- 
gée intérieurement  en  deux  loges  qui  con- 
tiennent chacune  quinze  à  vingt  pépins  el- 
liptiques ,  obtus,  blasichatres,luifans,  longs 
d'une  ligne  &  demie  ,  de  moitié  moins  lar- 
ges, enveloppés  dans  une  membrane  comme 
ceux  du  grenadieroude  la  fleur  de  palfion, 
<J^  diftribués  fur  deux  rangs. 


C    O  D 

Culture.  "Le^cduvo  croît  au  Malabar ,  flir- 
rout  vers  les  provinces  de  Para-Karo  &  Kai- 
maal ,  dans  les  terres  fablonneufes  ik  pier- 
reules.  Il  fleurit  une  foistous  les  ans,  l'avoir, 
en  odobre  &  en  novembre,  de  porte  fts 
fruits  à  maturité  en  décembre  &  janvier. 

Qualités.  Toutes  les  parties  de  cet  arbre 
'ont  ameres  &  aromatiques.  Ses  fleurs  ré- 
pandait une  odeur  fuave  &  comme  amere. 
)es  fruits  ont  une  acidité  vineu'e. 

Ufages.  Le  fuc  exprimé  de  fes  feuilles  a 
une  vertu  errhine  ou  fternutatoire ,  propre  à 
purger  la  tête  de  fes  humeurs.  Ce  même  lue 
(e  boit  ayec  le  poivre-long  ,  le  gingembre  &: 
le  fucre  pour  appaifer  la  toux ,  &  difïiper  les 
affeélions  du  poumon  ,  qui  doivent  leur 
origine  à  une  caufe  froide.  La  décoébion  de 
es  feuillesdans  Peau  forme  un  bain  qui  dif- 
fipe  fouvent  la  lafl[itude  &  les  douleurs  des 
membres. 

Remarques.  Le  coduvo  eft  un  genre  parti- 
culier de  plante  qui  fe  range  naturellement 
dans  la  famille  des  onagres ,  où  nous  l'avons 
placé.  Fbye^  nos  Familles  des  plantes  ,  vo- 
lume II y  page  8^.  (  M.  Adanson.  ) 

CCSCALE,  adj,  en  Anatomie,  fe  dit  de 
l'artère  &  de  la  veine  qui  fe  diftribuent  au 
cœcum.  Voyc^^  Ces  eu  m.  (L) 

CCSCITE ,  lubft.  f.  (  PhyfioL)  privation 
de  la  vue  ,  foit  par  défaut  de  naiflànce ,  foit 
par  l'âge ,  par  accident  ou  par  maladie  :  perte 
du  fens  qui  eft  le  plus  fécond  en  merveilles, 
&  dont  l'organe  eft  le  miroir  de  Pâme. 

Seafons  rtturn ,  but  not  to  me  returns 
Day  y  or  the  fweet  approach  of  ev*n ,  or 

morn , 
Or  fight  ofvernal  bloom,  orfummer's  rofe 
Orjlocksy  or  herds,  or  humaneface  divine  : 
But  cloud  injlead ,  and  ever  during  dark 
Sur  rounds  me. . . . 

'>  Les  faifons  &  les  années  reviennent ,  mais 
»  le  jour  ne  revient  pas  pour  moi  \  Içs  rian- 
>j  tes  couleurs  du  loir  éc  du  matin  ne  me 
"  confolent  point  :  je  ne  vois  plus  les  bbu- 
»  tons  du  printemps ,  ni  les  rofes  de  l'été  : 
»  la  beauté  du  vifage  de  l'homme  où  le  créa- 
'>  teur  a  imprimé  les  traits  divins  de  fa  ref^ 
»  femblance,  ne  frappe  plus  ma  vue  :  je 
»  fuis  entouré  d'épais  nuages ,  une  nuit  làns 
»  fin  m'envisonne.  " 

I     Telles  font  les  triftes  réflexions  que  fait 

M  il  ton 


C  O  E 

Milton  fur  la  perte  de  fa  vue.  Il  n^eroît  pas 
•dans  le  cas  des  aveugles-nés  :  il  regrettoit 
des  biens  qu'il  connoifl'oit  ,  &C  qui  ne  rou- 
'  rhent  point  les  autres.  Combien  d'accidens 
diffcrens  peuvent  nous  jeter  dans  le  même 
malheur  pendant  le  cours  de  la  vie  ♦  Je  ne 
me  propoiè  point  de  faire  avec  exa6titude 
'la  trifte  énumération  de  ces  accidens,  je 
me  conter.terai  de  généralités;  le  déraille 
trouvera  dans  ce  didiomiaire  fous  chaque 
article. 

Les  caufes  nombreufes ,  qui  produifent 
la  c^^aVe  font  internes  ou  externes. 

Les  caufes  internes  ,  font  toutes  les  ma- 
ladies de  quelque  efpece  qu'elles  foient ,  qui 
attafjuant  violemment  le  globe  de  l'œil ,  dé- 
truiient  là  figure ,  fes  tuniques ,  feshumeurs, 
fes  vailïèaux  &c  les  nerfs  ;  ainfi  des  tumeurs 
inflammatoires ,  des  abcès ,  des  apoftumes, 
des  skirrhes  ,  des  cancers ,  &c.  feront  au- 
tant de  caufes  de  l'aveuglement. 

La  vifion  eft  encore  abolie  par  de  gra- 
res  maladies  fur  la  cornée  &  la  conjondive , 
telles  que  leur  obfcurciiîement  ,  leur  épaif- 
-iîrfement,  leur  fuppuratiôn ,  &  les  cicatri- 
ces de  ces  tuniques  fur  Taxe  de  la  vue. 

Si Phumeuraqueufe vient  à  manquer,  ou 
■à  s'écouler  dans  la  cornée  tranfparente,  Tctil 
s-'éteint  -,  fi  elle  rtoupit ,  elle  détruit  la  fabri- 
que de  cet  organe  par  fi  putréfaftion  ;  fi  elle 
s'épaiiTît  entre  les  parties  internes  de  l'uvée 
&  le  cryftallin  ,  ce  font  des  fuffufions ,  des 
cataradtes  ,  8c  par  conféquent  la  ccecité. 

Si  Puvée  fe  relferre  &  devient  immobi- 
le ,  l'aveuglement  de  jour  en  eft  PefTet  ;  fi 

•  elle  fuppure,  c'eft  l'aveuglement  de  jour  & 
de  nuit. 

L'opacité,  la  corruption  ,  la  fonte  ,  l'a- 
trophie du  cryftallin  ,  produifent  la  cata- 
racte ou  le  glocome ,  &  en  même  temps  la 
-  perte  de  la  vue  :  l'humeur  vitrée  expofée  aux 

•  mêmes  maux  ,  a  la  même  fuite. 

La  choroïde ,  la  tunique  de  Ruy  fch ,  étant 
fu jettes  par  leur  ftruéture  &  leur  délicatefle 

■  à  1  inflammation  &à  la  fupuration  ,  feront 
afft^iftées  de  nuages  &  de  vifions  confules , 
qui    fe  terminent  par  la  privation   de  la 

'  ûimiere. 

La  prunelle ,  la  rétine  &  les  nerfs  optiques 

■  attaqués  de  paralyfie ,  d'érofion  ,  de  corrup- 
tion ,  d'obftrudbion  ,  en  forte  que  la  com- 

=  BQUiîîcation  libre  entre  ces  paçties  daais  leur 
Tome    VJIl 


C  O  E  5^3 

origine  &la  moelle  du  cerveau  foit  abolie, 
la  ccpcifé  doit  en  réfulter  inévitablement. 

Les  caufes  externes  font  ou  communes  à 
tous  les  pays,  ou  particulières  à  certains 
lieux  &  à  certains  hommes. 

Les  caufes  externes  communes  à  tous  les 
pays  feront  les  coups  violens  ,  les  chûtes  fur 
l'œil,  les  piquures  ,les  bîeflures,  les  plaies  , 
les  exhalaifons  vénéneufes ,  qui  picorant , 
déchirant ,  rompant  &  féparant  entièrement 
par  leur  violence  les  parties  intérieures  de 
l'œil ,  le  font  Ibrtir  hors  de  fon  orbite  ;  on 
confondantintérieurement  fonorganifation,  ' 
produifent  la  c^^aVe  douloureufe  qui  fuit  né- 
ceflàirement  de  ce  ravage. 

Les  caufes  particulières  de  la  cûecîré  chez 
certains  peuples  &  à  certaines  perfbnnes,font 
la  trop  grande  quantité  de  lumière  qui  blefïe 
perpétuellement  leur  vue ,  on  en  a  des  exem- 
ples fréquens  dans  le  feptentrion.Les  Samoje- 
des ,  les  habitans  de  la  nouvelle  Zemble  , 
les  Borandiens  ,  les  Lapons ,  les  Groënlan- 
dois ,  &  les  Sauvages  du  nord ,  continuelle- 
ment éblouis  par  l'éclat  de  la  neige  pen- 
dant l'hiver  ,  le  printemps  &  l'automne , 
&  toujours  étouffes  par  la  fumée  pendant 
Tété ,  deviennent  la  plupart  aveugles  en 
avançant  en  âge.  La  neige  éclairée  par  le 
foleil  dans  ces  pays  du  nord ,  éblouit  les  yeux 
des  voyageurs  au  pointqu'ils  font  obligés  de 
fe  couvrir  d'un  crêpe  pour  n'être  pas  aveu- 
glés. Il  en  eft  de  même  des  plaines  fablon- 
neules  de  l'Afrilque;  la  réflexion  de  la  lu- 
mière y  eft  fi  vive  qu'il  n'eft  pas  poftîblc 
d'en  foutenir  l'éclat  fans  courir  le  rifque 
de  perdre  la  vue. 

Les  brodeurs ,  les  ta'piftîers ,  les  cifeleurs, 
les  graveurs  ,  &  tous  ceux  qui  parmi  nous 
ont  des  métiers  de  cette  efpece ,  fatiguent 
confidérablement  leur  vue  ,  Se  la  perdent  à 
la  fin  ;  parce  que  l'éclat  de  l'or ,  de  l'argent , 
&  des  autres  couleurs  ,  fait  une  impreffion 
trop  vive  fur  leurs  yeux  ,  ce  qui  les  affoiblit 
&  les  ruine  ,  les  rayons  de  lumière  n'étant 
plus  fuffifamment  modifiés  par  la  rétine. 

Lesaftronomes  par  l'ufage  du  télefcope , 
les  naturaliftes  par  celui  du  micro (cope  ,  6c 
les  gens  de  lettres  par  leurs  travaux  perpé- 
tuels, fe  préparent  un  aveuglement  préma- 
turé. Milton  ,  le  célèbre  Milton ,  ne  devint 
aveugle  que  parce  que  dès  l'âge  de  1 1  ans 
U  ne  xjuittoit  fes  études  qu'après  minuit  ;  k 

Pdd 


354  C  O  E 

foibleflè  de  fa  vue  ne  put  jamais  le  corriger 
de  cette  habitude.  Comment  abandonner 
«ne  occupation  délicieufe  ,  confoknte  dans 
radverilté ,  propre  à  rehauiîcr  le  luftre  de  la 
fortune  dans  la  profpérité  ,  répandant  en 
tous  temps  d'innocens  plaiiirs.,  fans  em- 
barras ,  fans  foucis  &  fans  regrets  ? 

Le  feul  bon  avis  qu'on  puifl'e  donner  aux 
gens  qui  lifcnt  &  qui  écrivent  long-temps 
de  fuite,  c'eft  du  moins d  éviter  de  travail- 
ler à  une  lumière  trop  forte  ;  il  vaut  beau-^ 
coup  mieux ,  à  choix  égal ,  faire  ufage  d'une 
lumière  trop  foible,  Pœil  s'y  accoutume 
bientôt  j  on  ne  peut  tout  au  plus  que  le 
fatiguer  en  diminuant  la  quantité  de  lu- 
mière ,  &  on  ne  peut  manquer  de  le  blelîer 
•en  la  multipliant  :  l'on  doit  ce  confeil  & 
-les  faits  fur  la  trop  grande  lumière  comme 
caufe  de  la  ccecité ,  à  l'ingénieux  phyficien 
qui  a  décoré  Ion  hiftoire  naturelle  d'une 
charmante  phyf  ologie. 

La  caecité ,  apanage  de  la  vieillelîè  ou  de 
la  décrépitude,  naît  du  re  tréciflemeni  de  Pu- 
vée  ,  de  la  conjonctive ,  de  la  cornée ,  de  la 
diminution  du  cryftallin ,  de  la  coalclcence 
des  vaifïèaux ,  du  manque  d'efprits  ;  &c  pour 
le  dire  en  un  mot ,  de  f'ufement  de  la  ma- 
chine qui  n'eft  fufceptible  d'aucun  remède. 

Mais  n'y  en  a-t-il  point  pour  la  cûecité  pro- 
duite par  les  autres  caufes  dont  nous  avons 
parlé  î  La  médecine  &  la  chirurgie  n'y  peu- 
vent-elles rien?  Faut-il  toujours  défefpérer 
de  la  cure  de  cette  maladie?  D'heureufes 
expériences  ont  quelquefois  prouvé  le  con- 
traire ,  &  l'arc  nous  apprend  à  diftinguer  les 
efpeces  de  cadîé  qui  Ibnt  incurables ,  d'avec 
celles  dont  on  peut  tenter  ôc  opérer  la  gué- 
lifon. 

La  caché  fymptomatique ,  quelle  qu'elle 
ioit  ,  ne  doit  point  alarmer,  elle  finit  avec 
le  mal  dont  elle  émane.  Celle  par  exem- 
ple ,  qui  provient  de  pituite  ,  de  lymphe 
épaiflîe  dans  le  cerveau ,  ôc  qui  accompagne 
les  maladies  foporeufes  &  apoplectiques , 
celle  avec  la  maladie  par  les  remèdes  réfo- 
lutifs,  épifpaftiques ,  volatils,  cathardiques, 
&  par  les  fternutatoires. 

La  CiTC/Ve  produite  par  la  fupprelïîon  d'un 
ulcère  ou  de  toute  matière  morbifique ,  por- 
tée par  la  circulation  dans  le  cerveau  ,  fê 
icrablitpar  la  cure  ordinaire  delà  métaftafe. 

La  catff/e  caufée  par  l'akératiou  du  cryf- 


C  OE 

tallin  fe  guérît ,  comme  on  {air ,  par  Pope- 
ration  ,  mais  la  catarade  adhérente  à  l'iris 
eft  fans  remède. 

La  C(*d/e  fubite  occafîonée  par  des  va- 
peurs de  lieux  fouterrains ,  eft  encore  gué- 
riflable  :  nous  en  avons  un  exemple  dans 
Phiftoire  de  l'académie  des  fciences  ,  ûnn, 
ïjii  ,pag.  z6.  Des exhalaifons d'une  vieille 
folfe  produiiîrent  un  aveuglement  réel  fur 
deux  manœuvres  ;  ils  recouvrèrent  la  vue 
en  vingt-quatre  heures  par  des  comprefles 
imbibées  d'une  liqueur  fpiritueufe  tirées  des 
plantes  aromatiques  mifes  fur  les  yeux  ,  qui 
reportèrent  les  efprits  dans  cet  organe. 

Mais,  je  le  dis  avec  douleur  ,  l'atrophie 
de  l'œil,  la  fortie  entière  de  l'orbite  par  quel- 
que coup  ou  inftrument ,  en  forte  qu'il  ne 
tient  plus  qu'à  quelques  fibres  nerveu'es 
charnues ,  ou  membraneufes  i  l'abcès  de  la 
cornée ,  les  cicatrices  de  cette  partie  qui  cou- 
vrent la  prunelle ,  le  delféehement  entier  du 
cryft»llin ,  la  fonte  du  corps  vitré ,  la  def- 
truûion  de  la  choroïde  ,  la  flétriflhre  des 
nerfs  optiques ,  leur  paralyfie  ,  Sfc.  forment 
tout  autant  d'efpeces  de  cœcité  qui  fonc 
abfolument  incurables. 

Je  ne  parlerai  point  ici  de  la  cœcité  de 
naillance ,  ni  des  aveugles-nés.  V^oy.  Aveu- 
gle &  Aveuglement.  Art.  de  M,  le  che- 
valier  DE   JaU COURT, 

C(SCUM ,C.  m.  (Anat.)  le  premier  des 
gros  inreftins  ;  on  le  nomme  cœcum  , 
c'eft-à-dire  aveugle  ,  parce  qu'il  n'a  qu'une 
ouverture  qui  lui  fert  d'entrée  &  de  fortie. 

Les  modernes  ayant  divifé  les  gros  intef- 
tins  ,  quoiqu'ils  ne  fillent  qu'un  canal  con- 
tinu en  trois  portions  ;  la  première  ,  qui 
eft  faite  en  forme  de  poche  ,  s'appelle  le 
cœcum.  Rufus  d'Epheiè  le  nommoit  ap- 
pendicula  cœci. 

Ce  n'eft  qu'un  bout  d*înteftin  comme 
une  efpece  de  fac  arrondi ,  court  &  large , 
dont  le  fond  eft  en  bas,  &  l'ouverture  ou  lar- 
geur en  haut.  Il  eft  fitué  fous  le  rein  droit , 
èc  caché  par  la  dernière  circonvolution  de 
l'inteftin  ileum.  Sa  longueur  eft  environ  de 
trois  travers  de  doigt ,  plus  ou  moins  ;  fon 
diamètre  a  plus  que  le  double  de  celui  des 
inteftins  grêles  ;  on  voit  au  travers  de  fa  tu- 
nique charnue  trois  bandes  ligamenteufes 
adhérentes  à  cette  tunique ,  &  qui  fe  réunif^ 
fent  fui  l'appendice  vermiforme,  dont  elles 


C  O  E 

couvrent  la  convexité.  La  tunique  interne  ' 
du  cacum  porte  une  efpece  de  velouté  ras  , 
parfemé  d'efpacc  en  efpace  de  follicules 
glanduleufes  ou  glandes  fblitaires ,  plus  lar- 
ges que  celles  des  inreftins  grêles.  L^ufage 
du  ccecum  ell  de  contenir  pour  un  temps 
les  excrémens  ,  jufqu  à  ce  qu'ils  entrent 
dans  le  colon. 

Sur  le  côté  du  fond  du  caecum  ,  fe  trouve 
un  apendice  comme  un  petit  inteftin,  pref- 
que  de  la  même  longueur  que  le  ccecum , 
mais  extrêmement  grêle,  on  lappelle  û^^/^e/z- 
dice  vermiculaire  ou  vermiforme,  à  caufe  qu'il 
a  quelques  entortillemens  à-peu-près  comme 
ceux  d'un  ver  quand  on  le  touche.  Il  rcflem- 
ble  aulïi  en  quelque  façon  à  la  pendeloque 
charnue  de  la  tête  d'un  coq-d'inde.  Son  dia- 
mètre n'excède  guère  trois  lignes  pour  l'or- 
dinaire. Il  s'ouvre  par  une  de  Tes  extrémités 
latéralement  dans  le  fond  du  cœcum  \  l'autre 
extrémité  qui  eft fermée,  eft  quelquefois 
plus  étroite ,  &  quelquefois  plus  ample  que 
le  refte  de  fa  longueur.  Cette  extrémité  fer- 
mée n'eft  point  attachée  au  méfentcre ,  mais 
au  rein  droit ,  par  le  moyen  du  péritoine. 
L'appendice  vermiculaire  eft  tout  parfemé 
de  follicules  qui  répandent  continuellement 
dans  (à  cavité  une  efpece  de  liqueur  onc- 
tueufe  ,  lubrifiante. 

On  ne  connoit  point  encore  l'ufage  de 
cette  partie  ;  mais  entre  plufieurs  fèntimens 
qu'il  lèroit  inutile  de  rapporter,  leplusvrai- 
(èmblable  femble  être  celui  des  phyficiens 
qui  prétendent  qu'elle  fert  à  fournir  une 
cenaine  quantité  de  liqueur  mucilagineufè 
propre  à  lubrifier  la  furfice  interne  du  fac 
du  colon ,  &  à  ramollir  les  excrémens  qui  y 
font  contenus.  Le  grand  nombre  de  folli- 
cules glanduleufes  qu'on  trouve  danscet  ap- 
pendice ,  &  la  conformité  de  ftruéture  du 
cœcum  dans  les  brutes,  femble juftifier cet 
ufage  ,  non-feulement  dans  les  adultes  , 
mais  encore  dans  les  fœtus  humains. 

On  objeélera  fans  doute  que  ctt  appen- 
dice étant  à  proportion  beaucoup  plus  grand 
dans  l'enfant  nouveau  né  que  dans  l'adulte  , 
il  paroît  qu'il  doit  avoir  dans  le  premier  quel- 
que autre  ufage  qui  nous  eft  inconnu  :  mais 
il  eft  vraifemblable  que  la  petitefte  de  cet 
il  teftin  d  ns  l'adulte  ,  dépend  de  la  com- 
preflion  qu'il  fouftxe  ,  &  de  ce  qu'il  fe  dé- 
charge iûuventdcs  matières  qu'il  contient  j 


COE  ,95 

au  lieu  que  dans  le  fœtus  il  n'y  a  point  de 
refpiration  ,  niparconféqucntde  compref- 
fion  qui  puiflc  en  exprimer  les  matières  qui 
y  font  contenues ,  d'ailleurs  le  meconium  qui 
fe  trouve  dans  le  fac  du  colon  ,  l'empêche 
de  fe  vuider  ,  de  forte  que  les  liqueurs  fépa- 
rées  par  fes  glandes  en  relâchent  les  fibres , 
&  les  diftendent  par  le  long  féjour  que  les 
matières  y  font. 

Pour  connoître  la  ftruârure  de  Tappendice 
vermiculaire  &  de  fon  embouchure  dans  le 
caecum ,  il  faut  s'en  inftruire  fur  le  cadavre  ; 
les  planches  anatomiques  ne  fufïîfent  point, 
&  les  préparations  feches  en  donnent  une 
fauftc  idée.  Cette  partie  n'eft  pas  exempte 
des  jeux  delà  nature  :  car  Riolan  dit  avoir  vu 
trois  appendices  fort  éloignés  les  uns  des  au- 
tres ,  Rattachés  à  X'ileum.  Job  Vanmekecren 
rapporte  qu'il  a  une  fois  trouvé  une  balle  de 
plomb  dans  ce  petit  inteftin.  Quelquefois 
aulTi  des  noyaux  de  cerife  reftent  des  mois 
entiers  dans  le  cxcum ,  fans  cauier  d'incom- 
modité ;  &  il  y  en  a  divers  exemples  dans 
les  auteurs.  Mais  pour  finir  par  une  obfer- 
vation  plus  fingulierc ,  Riolan  afture  avoir 
trouvé  le  caecum  placé  dans  le  pli  de  l'aînc 
à  l'ouverture  du  corps  d'un  apothicaire.  (3£, 
le  chevalier  DE  Jau COURT.) 

COEFFE ,  f.  i. terme  de  marchand  de  modes ^ 
ajuftement  de  femme  ;  c'eft  un  morceau 
de  taffetas  noir  taillé  quarrément  parde- 
vant,  &  en  biais  par  deftbus ,  &dont  le  der- 
rière ,  qui  forme  le  derrière  de  la  tête ,  eft 
plifle.  Les  femmes  fê  fervent  de  cet  ajufte- 
ment pour  fe  couvrir  la  tête  ;  elles  placent 
la  coëffe  fur  la  coëfFurc  ,  la  nouent  ou 
l'attachent  fous  le  menton  avec  un  ruban 
noir.  Celles  qu'elles  portent  en  été  font  de 
gaze  ou  de  dentelle. 

Autrefois  les  coeffes  étoient  compoféesde 
deux  aunes  de  taffetas  ,  &  pendoient  fur 
l'eftomac:  elles  ont  été  diminuées  petit  à 
petit ,  de  font  devenues  ce  qu'elles  font 
aujourd'hui.  Elles  ont  une  infinité  de  noms 
difterenr.  Il  n'y  a  rien  qui  reflemble  tant  à 
l'abus  de  la  nomenclature  en  hiftoirc  na- 
turelle, que  celle  des  marchandes  de  modes; 
la  moindre  petite  différence  de  formes  dans 
un  individu  ,  fait  imaginer  aux  naturaliftes 
un  nouveau  nom  ou  une  nouvelle  phrafe  \  la 
moindre  petite  différence  dans  un  ajufte- 
ment, altère  ou  change ,  chez  les  marchaar 
Ddd  1 


3^«:  C  O  E 

des  de  modes ,  la  dénomination  d^unajulle- 
ment  :  une  coëffe  eft-elle  grande  Se  prife 
dans  toute  la  largeur  du  taffetas ,  a-t-elle  les 

Îians  à  peine  échancrés,  fe  noue-t-elle  fous 
e  menton  ,  &  le  termine -t -elle  en  bavoir 
étendu  fur  la  poitrme;  c'eflunecoë^é^/iz 
bonne  femme:  differe-t-elle  des  autres  coëfès 
par  l'es  pans  ,  ces  pans  font-ils  aflez  longs ,  fe 
nouent-ils  d'un  nœud  à  quatre  devant  ou 
derrière ,  &  font-ils  terminés  par  tm  gland  , 
c^eft  une  ccëjfe  a  la  diichcjfe  :  eft-elle  prife 
dans  la  moitié  de  la  largeur  du  taffetas ,  n'a- 
t-elle  que  des  pans  fort  courts,  eft-cUe  bordée 
d'une  dentelle  tout  autour  devant  &  der- 
rière ,  &  fe  noue-t-elle  fous  le  menton  avec 
deux  rubans  paflés  en  fens  contraire  dans  une 
couliflè  faite  fur  le  derrière ,  c'eft  une  coëjf'e 
a  la  miramione  :  n'a-t-elle  pas  plus  de  pro- 
fondeur que  le  premier  bonnet ,  &  eft-elle 
bordée  devant  &  derrière  d'un  ruban  bou- 
chonné ,  n'a-t-elle  que  des  pans  fort  courts, 
&  s'attrxhe-t-ellé  en  devant  par  une  agraffe 
couverte,  d'un  nœud  de  dentelle  à  quatre  , 
c'eft  une  cc'éjf'e au  rhinocéros  ,  &:c.  Sec.  bce. 

COEFFE  A  PERRUQUF  ,   cft  UUC  fortC  de 

réfeautifïu  de  façon  qu'il  s'aj  ufte  exaélement 
à  la  grolleur  d'une  tête":  on  applique  fur  ce 
réfeau  des  trèfles  de  cheveux  pour  en  fibri- 
qiier  une  perruque,  il  y  a  de  ces  coëjfes  qui 
lont  de  foie  ou  de  filof  elle ,  &  d'autres  de  fïl. 
"  CoEFFK  ,  en  Anatomie  ,  eft  une  petite 
membrane  qu  on  trouve  à  quelques  enfans , 
qui  enveloppe  leur  tête  quand  ils  naJient. 

Drelincourt  penfe  que  ce  n'eft  qu'un  lam- 
beau des  tuniques  du  fœ^tus ,  qui  ordinaire- 
ment fc  crevé  à  la  naifïance  de  l'enfant. 
Voye-^^  Fœtus. 

Lampridius  dit  que  de  fon  temps  des 
fages-femmes  vendoient  ces  coëjfes  à  desavo- 
cats qui  les  payoicnt  bien  cher  ,  perfaadés 
qu'en  les  portant  ,  ils  auroient  une  vertu 
perfuafive  de  laquelle  leurs  juges  ne  pour- 
roient  pas,  fe  défendra.  Les  canons  en  ont  dé- 
fendu l'ufage  -,  parce  qu'il  y  a  eu  ,  dit-on  , 
des  magiciens  Se  deS;  forciers  qui  en  ont  abufé 
pour  faire  des  ^aléfîces.  Dià.  de  Trév.  (Z) 

COEFFÉ  ,  Bien  ccëfé,  (  Chajfe.  )  fe  dit 
d'un  chien  courant  qui  efl  bien  avalé  ,  &  à 
qui  les  oreilles  pafTent  le  nez  de  quatre  doigts. 
■Diclion.  de  Trév.\ 

GoîFFÉ  ,  adj.  {praperie^  Il  fe  dit  en  bien 
■&  en  mal  y  félon  que  la  lifiere  efl  bien  ou 


c  ô  E 

mal  faîte  :  Ci  cette  partie  efl  bien  travaillée  5^ 
relativement  à  la  largeur  ,  à  l'ourdiffag;^  , 
à  la  couleur  ,  &;  à  la  matière  ,  on  dit  que 
le  drap  ejl  bien  coëjfé  ;  Ç\  elle  pèche  par  le 
défaut  de  quelqu'une  de  ces  qualités ,  on 
dit  qu'//  eft  mal  coëffé. 

CoEFFE  bien  ou  mal ,  (  Maréch.  &  Man.  ) 
Bien  ,  fe  dit  d'un  cheval  qui  a  les  oreilles 
petites  &;bien  placées  au  haut  de  la  tête  ;  & 
mal  y  de  celui  qui  les  a  placées  trop  à  côté 
de  la  tête ,  Se  longues  Se  pendantes.  Voye-;^ 
Oreille  6'  Cheval. 

COEFFER  (  SE  ) ,  Marine,  fe  dit  des  voi- 
les ,  lorfqu'abandonnées  à  elles-mêmes  Sc 
dénuées  de  bras  ,  de  bouline  Se  d'efcoutes  , 
elles  s'appliquent  aux  mâts ,  Se  ne  fervent 
plus  à  la  conduite  du  vaifleau. 

CoEFFER  un  livre  ;  les  relieurs  appellent 
coëffer  un  livre ,  lorfque  le  volume  étant  cou- 
vert ,  ils  arrangent  la  tranchefile  avec  la 
pointe  ,  Se  retirent  un  peu  de  veau  pour" 
recouvrir  la  tranchefile ,  ce  qui  fe  fait  avec 
un  poinçon  légèrement ,  pour  ne  pas  déchi- 
rer la  peau ,  en  obfervant  de  ne  pas'trop 
cacher  la  tranchefile.  On  fait  cette  façon  eix 
couvrant  le  livre ,  lorfque  les  peaux  font  en- 
core mouillées.  Fby. Couvrir  &  Relier.1 

Co.",FFER  {fer  à ,  )  t'arme  de  m.archand  de 
/Tzocfe.f;.  anciennement  ctsfcrs  à  coëjf'cr  étoienc 
de  différentes  figures  ;  ils  avoient  trois , 
quatre  ,  cinq  ,  Se  fîx  branches  de  chaque" 
coté  j  ils  étoient  faits  de  fild''archal  reploye, 
&  fbrmoient  une  e'pecede  peigne  dont  les^ 
deux  premières  branches ,  c'eft-à-dire  celles 
de  defïus  la  tête ,  étoient  plus  longues ,  Se  ley- 
autres  alloient  par  étages  Se  en  diminuant  >. 
éloignées  d'un  bon  doigt  lesunes  des  autres  j' 
chaque  branche  faifoit  faire  à  la  coëffure  uit 
gros  pli,  ce  qui  reflembloit  à  des  tuyaux^' 
d'orgue. 

Les  fers  du  temps  préfent  font  environ, 
longs  de  trois  ou  quatre  doigts ,  n'ont  qu'une- 
branche  de  chaque  côté ,  Se  font  couverts. 
de  petits  rub  ms  fort  étroits  de  foie  blanche  :  : 
ils  fervent  pour  former  &  foutenir  le  gros  pli 
du  milieu  d'une  coëffure.  Voy.  Coeffure., 

COÎ.FFEU  ^E ,  f.  f.  femme  (lont  leméties 
efl  d'aller  dans  les  maifons  pour  frifer  &? 
coëffer ,  elle  monte  aulH  les  bonnets  Se  les. 
coëffures. 

COEFFICIENT  ,  f  m.  (  Algèbre.)  em 
langage  algébrique  ,  eu.  le  nombie.  ou.  lai. 


C  O  E 

quancîté  quelconque  placée  devant  un  terme; 
&:  qui ,  en  fe  multipliant  avec  les  quantités 
du  même  terme  qui  la  fuivent,  lert  à  for- 
mer ce  terme.  Voye^^  Terme.  Ainfî  dans 
3  a  ,  bx  ^  C  XX ,  3  eft  le  coefficient  du  terme 
^  a  y  b  celui  dt  bx  ^  C  celui  de  C  xx. 

Lorfqu'une  lettre  n  eft  précédée  d''aucun 
nombre,  elle  eft  toujours  cenfée  avoir  i  pour 
coefficient ,  parce  qu'il  n'y  a  rien  qu'on  ne 
puiire  regarder  comme  multiplié  par  l'unité. 
Ainiî  a  ,  bcfonx  abfolument  la  même  chofe 
que  I  a  ,  i  ^c.  Il  ne  faut  pas  confondre  les 
coefficiens  avec  les  expofans.  Dans  la  quantité 
3  û  ,  le  coefficient  5  indique  que  a  eft  pris 
trois  fois,  ou  que  ^  eft  ajouté  deux  fois  à 
lui-même.  Au  contraire  dans  la  quantité  ^^ , 
Pexpofant  3  indique  que  a  eft  multiplié 
deux  fois  de  fuite  par  lui-même. 

Par  exemple  ,  fuppofons  que  a  foit  4,  3  ^ 
fera  3  fois  4  ,  c'eft-à-dire  ,  iz  ,  &  a^  lera  4 
X4X4,c'eft-à-dire64.  Voy.  Caractère. 

Dans  une  équation  ordonnée  /le  coefficient 
du  fécond  terme  eft  la  fomme  de  toutes  les 
racines  (  ^'^oye'^  Racine  )  ;  en  forte  que  fi  la 
fomme  des  racines  pofitives  eft  égale  à  celle 
des  racines  négatives ,  &  que  par  conféq'uent 
la  fomme  totale  des  racines  foit  zéro  ,  il  n'y 
aura  point  de  fécond  terme  dans  l'équation. 
Le  coefficient  du  troifieme  terme  dans  la 
même  équation  ordonnée ,  eft  la  fomme  de 
tous  les  produits  des  racines  prifes  deux  à 
deux'de  toutes  les  manières  pollibles. 

Le  coefficient  du  quatrième  terme  eft  la 
fomme  de  tous  les  produits  des  racines  prifes 
trois  à  trois ,  de  toutes  les  manières  poiTibles, 
ëc  ainfi  des  autres  termes  à  Tinfîni. 

La  méthode  des  coefficiens  indéterminés 
eft  une  des  plus  importantes  découvertes  que 
l'on  doive  à  Defcartes.  Cette  méthode  très- 
en  ufage  dans  la  théorie  des  équations ,  dans 
le  calcul  intégral  ,  &  en  général  dans  un 
très-'grand  nombre  de"problêmes  mathéma- 
tiques ,  confifte  à  fuppofer  l'inconnue  égale 
à  une  quantité  dans  laquelle  il  entre  des 
coeffi.ciens  qu'on  fuppofe  connus  ,  &  qu'on 
défigne  par  des  lettres  ;  on  fubftitue  enfuite 
cette  valeur  de  l'inconni#  dans  l'équation  ; 
&  métrant  les  uns  fous  les  autres  les  termes 
homogènes ,  on  fait  chaque  coefficient  =  o  , 
èc  on  détermine  par  ce  moyen  les  coefficiens 
indéterminés.  Par  exemple  ,  foit  propofée 
€sn&  équaxion  difféieucielle ,,.  ^ 


C  O  E  35)7 

f  dy\-b y  à  x^axzdx~]r  cxdx "^-fd  a"  =  o- , 
on  fuppofera  y  =■  A-{-  B  x  -\-  C  xx,ô<:  on 
j  aura  dy  =  Bdx     -{-iCxdx 

-{'  b  y  d  x=b  Ad  x-^-b  B  X  d  x+  b  Cxxdx 
-^ax'  dx=  a  x^  d  X 

--{-c  x  d  x=  '{'Cxdx 

+  fdx  =  ~{-fdx 

Enfuite  on  fera  B  -{-B  A  +/=  o  ,zC 
^bB-hc=OybC'ha=o  ;  &c  téCoU 
vantces  équations  à  l'ordinaire  (yoy.  Equa- 
tion ) ,  on  aura  les  inconnues  A,  B,  C.  (O) 

COEFFURE ,  f.  f.  en  terme  de  marchand 
de  modes  ,  eft  proprement  tout  ce  qui  ferc 
à  couvrir  la  tire  des  femmes ,  dans  le  négligé, 
demi -négligé  &  dans  l'ajufté.  Ce  terme 
fera  bientôt  au  nombre  de  ceux  auxquels 
on  n'attache  plus  d'idées  ;  déjà  la  moitié  des 
dames  ont  trouvé  le  moyen  de  fe  coëfFer 
(ans  co'éjj'ure. 

Cette  partie  de-  l'ajuftement  des  femmes 
a  été.  de  tout  temps  fujette  à  bien  des  révo- 
lutions ,  tant  chez  les  Grecs  que  chez  les 
Romains ,  &  les  autres  nations ,  il  eft  impof- 
iible  d'en  fiire  mention.  Les  modes  chan- 
geoient  alors  comme  aujourd'hui  ;  en  dix- 
neuf  ans  du  règne  de  Marc  Aurele,  fa  f^m^ 
me  paroît  avec  trois-  ou  quatre  coeffures 
différentes.  Chacune  de  ces  modes  avoit  ibiï 
nom.  Loiirde  connoitre  celui  des  pièces  de 
toutes  (xscoëffiir es ^noxxs  n'avons  feulement 
pas  ceux  de  la  coeffure  entière  :  il  y  en  a  en» 
cheveux  ,  d'autres  en  perles  &c  pierres  pré- 
cieufes ,  ùc. 

Les  co'èffures  font  faites  le  plus  ordinaire- 
ment de  belles  dentelles ,  de  gaze ,  de  blon-^ 
de ,  ùc.  Les  veuves  en  portent  de  moufle- 
hne  unie ,  ourlée  tout  autour  d'un  grand 
ourlet  large  &  plat.  Les  femmes  d'artifans 
en  portent  de  mouffeline  &  de  batifte;  &3 
les  femmes  au-deflus  du  commun  fè  fervent- 
de  ces  co'éffures  pour  la  nuit.  / 

Les  co'éffures  à  quatre  barbes  font  de  deux: 
pièces  ,  dont  celle  de  deflous  eft  plus  large 
que  celle  de  delFus  \  il  y  faut  près  de  (v^ 
aunes  de  dentelle,  car  pour  les  barbes  on  coud 
deux  dentelles  de  la  même  façon  à  côtéPune 
de  l'autre  ,  ce  qui  forme  la  largeur  de  la. 
barbe  ,  qui  peut  avoir  demi-aune  de  long , 
&  eft  tout  en  plein  de  dentelle ,  le  bas  former 
une  coquille  pliflee  :  le  deflus  de  tête  eft 
aufîî  de  la  niême  dentelle ,  &  tientaux  bar-^ 
be5  j.il  peut  avoir  un  quart  ôc  demi  de  long^ 


30  8 


C  O  E 

de  eft  attaché  ou  monte  fur  un  morceau  de 
moullèline  unie  ,  ou  rayce  ,  ou  brodée  :  en 
la  cou  faut  à  ce  morceau ,  on  plifl'e  cette  den- 
telle de  pluiieurs  plis.  C'eft  fur  la  féconde 
pièce  que  Ton  monte  le  fer  qui  forme  le  gros 
pli  du  milieu  ,  qui  fe  pofe  fur  la  première 
pièce.  Les  pièces  s'accolent  Tune  fur  l'autre  j 
elles  fe  montent  enfuite  fur  un  bonnet  piqué , 
&  s'y  attachent  avec  de  petites  épingles. 

IlyaaufTî  descoè^re^appellées  j/^m-o/e/ , 
parce  que  la  féconde  pièce,  qui  n'eft  à  pro- 
prement parler  qu'un  deflus  de  tête  fans 
barbe ,  s'appelle  bavolet  ;  mais  il  fait  le 
même  effet  que  les  coëffures  à  deux  pièces. 

L'on  garnit  toutes  ces  coëffures  en  deflus 
de  rubans  de  différentes  couleurs ,  &:  qui  y 
font  affujettisavecde  petites  épingles.  La 
façon  de  les  pofer  diffère  fuivant  les  modes. 

Autrefois ,  c'eft-à-dire  il  y  a  quarante  ou 
quarante-cinq  ans  ,  les  coë^'ures  de  femmes 
étoient  beaucoup  plus  larges ,  &  montées  fur 
des  fers  à  trois ,  quatre  ,  cinq  ,  ou  lix  bran- 
ches de  chaque  coté,  qui  étoient  pluscourtes 
les  unes  que  les  autres ,  qui  formoient  de 
gros  plis  tout  autour  du  vifàge  qui  repré- 
fentoient  des  tuyaux  d'orgue. 

Aujourd'hui  les  femm^es  ne  font  coè'ffées 
qu'avec  de  petites  coëffures  qui ,  quand  elles 
font  montées ,  ne  font  pas  plus  larges  que 
la  paume  de  la  main  j  les  cheveux  qui  font 
frifés  font  le  refte  de  la  coëffure.  On  appelle 
cette  façon  de  coëffure  ,   en -arrière. 

L'on  faitaufïî  des  coëffures  de  geai  m.ontées 
fur  du  fîl  de  laiton  ,  que  l'on  appelle  coëf- 
ftres  en  comète. 

Ce  feroit  encore  ici  une  longue  affaire  de 
nomenclature ,  que  de  rapporter  toutes  les 
variétés  que  les  coëffures  ont  eu ,  &  tous  les 
noms  qu'on  leur  a  donnés  félon  ces  variétés. 

CO-EGALITÉ,  f.  f  (  Thêol.)iGïmt  qui 
exprime  le  rapport  qui  fe  rencontre  entre 
plufieurs  chofes  égales.  Voye-^^  Égalité. 

La  dodtrine  de  l'églife  catholique  tou- 
chant la  trinité ,  eft  que  le  fîîs  &  le  S.  Efprit 
font  co-égaux  au  père.  Les  ariens  nioient  la 
co-égalité  des  perlonnes  divines.  Voye"^ 
Arieks  &  Trinité.  (  G) 

C(ELESîRIE  ou  C(ffiLÉ ,  (  Géog.  anc.  ) 
contrée  de  Syrie  qui  comprenoir  ,  félon  les 
uns ,  la  vallée  qui  s'étend  entre  le  Liban  & 
l'anti-Liban  ;  lelon  d'autres,  le  mêmeefpace, 
avec  le  pays  de  Damas  ,  ^  ce  qui  eft  entre 


C  O  E 

la  Syrie  propre  ,  la  Phcnicie  ,  &  la  Pat. 
ieftine.  Il  y  en  a  qui  ne  la  bornent  qu'à 
l'Arabie  &  à  l'Egypte.  Elle  fe  nomme 
aujourd'hui  Bocaibalbec. 

§C(SLIAQy E,  {Anaiomie.  Thyfrologie.) 
nom  d'une  artère  très-coniidérable  du 
bas-ventre,  &  qu'il  eft  nécellaire  de  bien 
connoitre. 

C'eft  une  des  preraieresbranchesde l'aorte 
abdominale  ;  elle  naît  dans  le  paflàge  même 
de  cette  grande  artère  entre  les  piliers  du 
diaphragme ,  un  peu  à  gauche ,  èc  elle  def- 
cend  en  avant  &  à  droite.  Il  eft  très-rare 
qu'elle  ait  une  origine  commune  avec  l'ar- 
tère méfèntériquefupérieurei  mais  ileft  afîcz 
commun  que  la  phréniq^ue  gauche,  &  même 
la  phrénique  droite  en  fortent  prefque  à  fa 
naiflànce.  Son  tronc  eft  très-court  ;  elle  fc 
partage  après  avoir  fait  un  chemin  de  peu  de 
lignes,  en  trois  branches ,  dont  la  première, 
c'eft  la  coronaire ,  fort  quelquefois  du  tronc 
avant  fes  compagnes.  Mais  il  eft  plus  com- 
mun que  la  cceliaque  fe  partage  en  même 
temps  en  trois  troncs  principaux  ,  la  coro- 
naire ,  la  fplénique  &  l'hépatique.  D'autres 
fois  les  trois  troncs  font  deux  hépatiques 
&  la  fplénique. 

La  coronaire  ,  qui  provient  quelquefois 
de  l'aorte ,  joint  à  l'extrémité  gauche  de  la 
petite  courbure  de  l'eftomac  ,  &  defcend 
vers  la  partie  antérieure  du  bas  ventre.  Elle 
donne  quelquefois  la  phrénique  gauche  ,  ou 
les  deux  phréniques ,  &  une  pancréatique  , 
qui  fait  une  anaftomofe  avec  la  méfentéri- 
que  ;  mais  elle  donne  plus  conftamment  une 
œfbphagienne ,  qui  remonte  dans  la  poitrine 
&  communique  avec  les  œfophagiennes 
thorachiques. 

Elle  donne  au  même  endroit  une  coro- 
naire j  qui  fait  véritablement  une  couronne 
imparfaite  autour  de  l'œfophage ,  à  l'endroit 
où  il  s'unit  à  l'eftomac.  Cette  branche  donne 
des  artères  à  l'œfophage  ,  &  d'autres  au  cul- 
de-làc  de  l'eftomac  j  &  ces  dernières  s'uilif^ 
fènt  au  fplénique. 

Elle  fournit  des  artères  aux  deux  plans 
de  ce  réfervoir  ;1ile  fe  partage  ,  &  forme 
deux  &  même  trois  branches  afl'ez  fcmbla- 
bles  entre  elles ,  une  antérieure  ,  une  pofté- 
rieure,  &  une  moyenne. 
-  Chacune  de  ces  branches  fait  dans  k 
petite  courbure  de  l'eftomac  une  arcade  ayec 


C  O  E 

les  branches  de  rhépatique  j  de4)enres  bran- 
ches vont  aux  deux  plans  Se  s'unillcncavec 
les  arceres  gaftroépiploïques  Se  fpléniqucs. 

Le  refte  de  la  coronaire  fe  ré  fléchit  autour 
du  petit  lobe  du  foie  ,  entre  dans  la  fofTe 
du  conduit  veineux  ,  Se  fe  partage  entre  le 
diaphragme  Se  le  foie. 

Cette  branche  eft  ordinairement  peu 
confidérable ,  Se  d'autres  fois,  elle  égale  la 
grande  hépatique. 

La  rplcnique  naît  rarement  de  l'aorte  , 
&  le  plus  fouvent  de  la  cœliaque^  après  qu'elle 
a  donné  la  coronaire.  Elle  fe  porte  à  gauche 
en  fuivant  le  bord  fupérieur  du  pancréas  : 
en  ferpentant  avec  des  courbures  répétées , 
elle  atteint  la  face  cave  de  la  rate ,  remonte 
avec  l'épiploon  gaftrohépatique,  Se  s'enfonce 
par  de  nombreufes  branches  dans  ce  vifcere. 

Elle  donne  cependant  ou  dans  le  pancréas, 
ou  de  la  plus  inférieure  des  branches  fplé- 
niques  ,  une  artère  qui  s'attache  à  la  grande 
arcade  de  Peftomac,  Se  fe  porte  à  droite  dans 
Tépiploon  ,  un  peu  fous  fon  attache  ,  c'eft 
la  gaftroépiploïque  gauche;  fes  branches 
remontent  d'un  côté  dans  les  deux  plans  de 
Teftomac  ,  Se  defcendent  de  l'autre  dans  les 
deux  feuillets  de  l'épiploon.  Les  premières 
de  ces  branches  vont  s'unir  à  celles  de  la 
coronaire  ,  Se  les  dewiieres  font  des  réfeaux 
d'une  grande  beauté  entre  les  lobes  de  l'épi- 
ploon Se  s'uniflent  avec  les  épiploïques  du 
côté  droit.  Le  tronc  de  la  gaftroépiploïque 
s'ouvre  diredement  dans  le  tronc  de  l'artère 
droite  du  même  nom.  La  même  artère 
donne  quelques  filets  au  pancréas ,  au  méfo- 
colon ,  à  la  rate. 

Dans  la  face  concave  de  la  rate  même ,  il 
naît  des  artères  fpléniques  quatre  ou  cinq 
branches  qui  vont  au  cul-de-fac  de  l'efto- 
mac ,  Se  communiquent  avec  les  coronaires 
Se  les  branches  des  gaftroépiploïques  gau- 
ches. Ce  font  les  vaifleaux  courts.  Ôuelques- 
uns  de  leurs  rameaux  vont  à  l'cciophage , 
à  fon  ligament  gauche  ,  au  diaphragme , 
au  pancréas  Se  au  méfocolon. 

Il  eft  aflez  ordinaire  à  la  fplénique  de 
donner  depuis  le  milieu  du  pancréas  une 
Se  même  deux  artères  confidérables  au  plan 
poftérieur  de  l'eftomac  fous  Pœfophage.  On 
les  nomme  gajîriques  pujlérieures. 

Mais  il  naît  conftamment  piulieurs  bran- 
ches pancréatiques  de  louEe  la  longueur  du 


C  O  E  3^^ 

tronc  fplcn'qu3.  Une  de  ces  branches ,  pro- 
duite quelquefois  par  l'aorte ,  pafiè  aflez  fré- 
quemment derrière  le  pilore ,  Se  fe  diftribue 
au  pancréas  Se  au  duodénum  en  faifant  des 
arcades  avec  les  pyloriques.  Se  les  branches 
de  la  méfantérique.  On.  a  vu  la  fplénique 
donner  une  branche  confidérable  au  mélo- 
colon  tranfverfal ,  Se  cetré  branche  commu- 
nique avec  les  artères  méfentériques. 

L'artère  hépatique  eft  le  véritable  tronc 
de  la  cxliaque ,  elle  s'avance  à  droite  ,  Se 
contre  la  partie  antérieure  du  bas-ventre , 
par  un  filion  du  lobule  de  fpigel.  Se  le  long 
de  la  petite  arcade  de  rcftomac. 

Arrivée  au  pylore ,  elle  y  donne  l'artère 
pancréatico-duodénale  ,  qui  eft  confidéra- 
ble. Cette  artère  donne  près  de  fon  origine 
une  branche  à  l'eftomac ,  qu'on  nomme  la 
coronaire  droite  ,  qui  fait  une  arcade  avec  la 
coronaire  gauche.  En  remontant  à  droite  le 
long  de  la  petite  courbure  de  Peftomac  ,  elle 
donne  des  rameaux  au  petit  épiploon  Se 
aux  deux  plans  de  l'eftomac. 

Le  tronc  de  la  pancréatico-duodénale 
pafle  derrière  le  pylore ,  elle  donne  les  deux 
pyloriques,  la  fupérieure  Se  antérieure,  unie 
à  la  gaftroépiploïque  &  à  la  pylorique  infé- 
rieure, qui  nait  bientôt  après.  Se  qui  donne 
également  des  branches  à  l'eftomac  Se  au 
duodénum.  La  branche  de  la  pancréatico- 
duodénale  ,  qui  mérite  principalement  ce 
fait  un  arc  autour  du  duodénum. 


nom 


elle  donne  une  branche  aflez  confidérable  au 
pancréas,  qui  fait  des  anaftomofes  avec  la 
îplénique ,  la  coronaire  Se  la  méfentérique  , 
Se  fournit  quelques  petites  branches  à  l'épi- 
ploon Se  au  méfocolon  tranfverial  ;  mais  le 
tronc  fait  une  arcade  avec  la  duodénalc 
fupérieure  Se  plufieurs  autres  communica- 
tions ;  elle  donne  quelques  filets  au  péritoine 
près  des  reins. 

Le  refte  du  tronc  de  l'artère  ,  dont  nous 
parlons  ,  porte  le  nom  de  gajîroépiploïque 
droite  ,  Se  fuit  l'épiploon  à  quelque  diftance 
de  la  grande  arcade  de  l'eftomac  ;  fes  bran- 
ches montent  d'un  coté  aux  deux  plans  de 
l'eftomac ,  Se  font  des  réfeaux  avec  la  coro- 
naire ;  &  de  l'autre,  ils  fe  répandent  aux  deux 
feuillets  du  grand  épiploon  Se  à  l'épiploon 
cohque ,  où  elles  font  d'autres  réfeaux  Se 
entre  eux-mêmes ,  Se  avec  les  braiiches  de  la 
gaftroépiploïque  gauche.  Quelques  autres 


400  CO  E 

branches  vont  à  l'épiploon  gaftrohépatique 
^  aux  conduits  biliaires. 

Lagaftroépiploïque  droite  s'ouvre  à  la  fin 
dans  là  compagne  du  coté  gauche  ,  née  de 
la  liénale.  Cette  anaftomofe  efc  quelquefois 
très-conlidérable ,  ellel'eft  moins  dans  d'au- 
tres fujets. 

L''hépatique  fe  divife  bientôt  après  avoir 
donné  cette  branche.  La  branche  hépatique 
gauche  eft  attachée  à  la  veine-porte  ,  vers 
Ion  bord  gauche  ôc  devant  elle  :  elle  donne 
allez  fouvent  une  coronaire  gauche  ,  elle 
.envoie  au  même  endroit  une  petite  branche 
à  l'épiploon  hépatogaftrique  &  à  la  folîè  du 
conduit  veineux  ,  8c  bientôt  après  elle  pro- 
duit la  duodénale  fupérieure  ,  qui  fe  con- 
tourne autour  du  duodénum  par  fa  face 
poftérieure,  qui  traverfe  le  canal  cholédoque 
qui  donne  des  branches  à  ce  conduit ,  au 
duodénum  &c  au  pancréas  ,  Ôc  finit  par  une 
double  arcade  ,  qu  elle  fait  en  remontant 
avec  la  duodénale  gauche  dont  nous  venons 
de  parler,  &  en  defcendant  avec  la  méfèn- 

térique.  r  •  i     i 

Le  tronc  de  l'hépatique  fuit  la  branche 
gauche  de  la  veine-porte  dans  lafodè  tranf- 
verfale  ,  5c  finit  par  trois  branches  qui  vont 
avec  quelques  variétés  au  lobe  de  fpigel ,  au 
lobe  anonyme  ,  &  au  lobe  gauche.  Quel- 
ques branches  fuperficielles  communiquent 
avec  celles  de  l^épigaftrique  ôc  de  la  mam- 
maire dans  le  Hgament  fufpenfoire  ôc  avec 
la  phrénique.  Quelques  petits  filets  vont  au 
ligament  gauche  &  à  la  rate. 

L'artère  hépatique  droite  arrivée  au  valon  , 
que  l'on  nomme  les  portes  ,  remonte  en 
ie  portant  à  droite  &  fe  plonge  dans  le 
-foie.  Elle  donne  quelques  branches  aux 
vaifleaux  biliaires  &  quelquefois  une  pylo- 
rique  ■■,  elle  fe  partage  une  féconde  fois ,  ôc 
fa  brancheantérieuredonnelacyftique,  dont 
le  tronc  eft  le  plus  fouvent  l'origine  com- 
mune de  deux  artères  cyftiques.  Il  y  en  a 
-une  fupérieure  ,  peu  vifible  ,  qui  fe  rend  au 
foie  &  à  la  partie  de  la  véficule  du  fiel ,  qui 
tft  attachée  à  ce  vifcere  :  cette  artère  a  de 
nombreufes  communications  avec  les  bran- 
•  ches  de  l'hépatique.  L'autre  branche  de 
la  cyftique  eft  inférieure,  elle  fe -partage 
-  comme  la  précédente  dans  le  foie  ôc  dans 
Ja  véficule. 

l^ç  rf  fte  dç  la  l^anche  antérieure  de  l'ar- 


C  O  E 

fera  hépatique  fe  rend  au  lobe  droit  5c  à 
l'anonyme. 

La  branche  poftérieure  eft  prefque  tou- 
jours cou  v(?rte  par  la  veine-porte  :  elle  donne 
uiie  branche  au  lobe  de  fpigel ,  une  autre 
au  lobe  anonyme,  plufieurs petites  branches 
qui  font  fur  la  furface  du  foie  des  réfeaux 
plus  confidérables  que  dans  aucun  autre 
vifcere.  Les  gros  troncs  fe  perdent  dans  le 
foie. 

Cette  branche  droite  eft  très-petite  dans 
les  fujets  dans  lefquels  l'hépatique  droite 
que  fournit  laméfentérique  eft  confidérable. 
{H.D.G.) 

C  (E  L  I  A  Q^u  E ,  f.  f.  (  Médec.  )  la  cœlia- 
que  ou  pour  mieux  parler ,  Vaffeâioncalia- 
que ,  la  pajfion  cœliaque  ,  eft  une  efpece  de 
flux  de  ventre  copieux  ôc  fréquent ,  dans 
lequel  ^'on  rend  par  l'anus  les  alimens  digé- 
rés ,  mais  avec  du  chyle  qui  s'y  trouve 
confondu. 

Hyppocrate  ne  fait  aucune  mention  de 
cette  maladie.  Aretée  eft  le  premier  parmi 
les  Grecs  qui  en  ait  donné  la  delcription  , 
&  très-exaûement ,  /.  //,  ch.  vij,  il  appelle 
ceux  qui  en  font  affligés  ;>;;o/\/i<jto».  Cœlius 
Aurelianus  les  nomme  ventriculejî ,  ôc  in- 
dique la  manière  de  les  guérir,  liv,  IV j  ch. 
iij.  Mais  ce .  que  Celfe  appelle  maladie  cœ- 
liaque del'eJlomaCy  &  qu'il  décrit //r.  IV ,  cap. 
xij ,  comme  accompagné  de*  douleurs  dans 
le  bas- ventre ,  d'une  conftipation  fi  violente 
que  les  vents  ne  peuvent  iortir ,  d^'un  froid 
aux  extrémités  ,  ôc  d'aune  grande  difficulté 
de  refpirer  ,  eft  une  maladie  également 
différente  de  celle  dont  parlent  Aretée  ôc 
Cœlius  Aurelianus ,  ôc  de  la  nôtre. 

Quelques  modernes  prétendent  que  la 
paillon  cœliaque  ÔC  la  lienterle  ne  différent 
abfolument  qu'en  degré  ;  cependant  il  faut 
encore  y  ajouter  cette  différence  ,  que  dans 
lalienterie  les  alimens  fortent  prefque  cruds  ; 
ce  qui  indique  que  l'eftomac  n'a  pu  les  diu 
foudre,  au  lieu  que  dans  la  paiïion  cœliaque 
le  chyle  fort  avec  les  excrémens  :  ce  qui 
montre  que  l'eftomac  a  bien  la  force  de 
broyer ,  de  digérer  les  alimens ,  mais  que  les 
vaifîeaux  ladées  ,  les  glandes  inteftinales  , 
font  obftruées ,  en  forte  que  le  chyle  n-'y  peut 
pafler. 

Freind  diftingue  la  pafïion  cœliaque  du 
flux  chyleux  ,  mais  cette  diftin(5lioi^  eft" à 

mon 


C  OE 

mon  (èns  trop  raffinée  ;  car  Toîc  que  l'obf- 
trudion  procède  des  vaifleaux  ladées  ou 
des  glandes  inteftinales  qui  ne  fournirent 
pas  allez  de  lymphe  pour  délayer  le  chyle 
de  Peftomac ,  &c  le  mettre  en  état  de  paflTer 
dans  les  vaifleaux  lactées,  il  en  rélultera 
toujours  le  même  effet;  le  chyle  fera  préci- 
pité hors  du  corps  avec  les  matières  fécales. 

Ainfi  le  danger  du  mal  fe  trouve  dans 
la  grandeur  de  TobUrudion  ôc  dans  fa 
durée.  La  cure  confifte  domc  à  employer 
dans  les  commcncemens  les  fècours  propres 
à  lever  les  obftruftions  des  vaillèaux  lac- 
tées ,  des  glandes  des  inteftins,  ôc  de  celles 
du  méfentere  qui  peuvent  être  affedtées. 

Pour  procurer  cet  effet  il  faut  d'abord 
tnettre  en  ufage  les  purgatifs  légers  donnés 
en  petite  quantité  ,  mais  à  plufîeurs  re- 
prifesi  enfuite  les  réfolutifs,  les  apéritifs, 
tant  intérieurement  qu'en  applications  ex- 
térieures fur  le  bas  -  ventre ,  avec  de  fré- 
quentes fridions  qu^on  y  joindra. 

Puifque  le  flux  de  ventre  règne  dans  l 'af- 
fection cceliaque ,  ne  feroit-il  pas  à  propos 
de  l'arrêter  par  les  meilleurs  aftrin^ens  ? 
Nullement  :  il  ne  s'agit-pas  ici  de  reflerrer 
les  glandes  inteftinales ,  ni  les  orifices  des 
vaiflèaux  laétées;  il  s'agit  de  les  défobflruer. 
Mais  en  échange  V ipecacunnha ,  les  antimo- 
niaux  donnés  à  petites  dofes,  ne  répondent- 
ils  pas  à  l'indication  du  mal?  C'efî  ce  dont 
on  ne  peut  guère  douter.  Tournez  toujours 
les  remèdes  contre  la  caufe  de  la  maladie , 
&  vous  réuflïrez  en  médecine  comme  en 
droit  politique.  Ici  vous  détruirez  la  parelîe 
par  la  vanité ,  par  le  point  dMionneur  ;  &c 
là  vous'ne  vaincrez  que  par  l'appas  du  gain. 
Tantôt  le  flux  de  ventre  demande  des  ref- 
ferrans,  &  tantôt  des  défobftiruans  ;  l'ap- 
plication des  remèdes  mal  dirigée  gâte  tout. 
Jirt.  de  M.  le  chevalier  DE  J au  court. 

*  CCELISPEX,  {Myth.)  furnom  d'A- 
pollon, ainfi  appelle  à  Rome  de  la  ftatue 
qu'il  avoit  dans  la  onzième  région.  Cette 
itatue  regardoit  ou  le  ciel  ou  le  mont 
Cœlius. 

*  C(SLms  (  MONS  )  ,  Mijl.  anc.  le 
mont  Cœlius ,  une  de  fept  montagnes  de 
R'ome,  ainfi  nommée  d'un  Cœlius  ou 
Gœlès  Vibenna ,  chef  des  Etruriens ,  qui 
fecourut  Romulus  ou  Tarquin.  C'eft  au- 
jourd'hui le  mont  Saint  «Jean,    - 

Tome  FUI 


C  O  E  4or 

•^  C(SLUS ,  f.  m.  (  Myili.  )  dieu  du 
paganifme  :  il  étoit  époux  ôc  fils  de  k 
terre;  il  eut  de  fa  mère,  Saturne,  Rhéa, 
l'Océan  5c  les  Titans.  Saturne  rompit  les 
chaînes  dont  il  avoit  été  chargé  par  fort 
père ,  délivra  fes  frères  &  fa  fœur  ,  ôc 
coupa  les  tefticules  à  Cœlus.  De  ces  tefti- 
cules  coupés ,  naquirent  les  Nymphes ,  les 
Géans ,  les  furies  ôc  la  mère  de  PAmour. 

COENE  ,(.(.{  Anatomie.  )  croûte 
ordinairement  blanche  ,  dont  le  fang  eft 
-quelquefois  recouvert  après  la  faignée  dans 
le  vaifleau  où  elle  eft  faite. 

Le  mot  de  coeae  pourroit  bien  avoir 
été  formé  de  kena ,  qui  dans  la  langue 
du  pays  de  Galles  fîgnifie  peau,  cuir  y 
d'où  vient  le  terme  anglois  skin ,  qui 
veut  dire  la  même  chofe. 
j,  La  co'éne  eft  cette  humeur  concrète  du 
fang  refroidi  6c  en  repos,  formée  fur  fa 
fuperfîcie  en  une  efpece  de  croûte  ordi- 
nairement pâle,  épailîe  ôc  tenace. 

Lorfqu'on  a  tiré  du  fang  d'une  perfonrte 
qui  eft  attaquée  d'une  inflammation  vio- 
lente, on  apperçoit  le  phénomène  dont  nous 
venons  de  parler,  ôc  qui  eft  fort  furprenant. 
Tout  le  monde  fait  que  le  fang  que  l'on 
reçoit  dans  un  vaifTeau  à  mefure  qu'il  fort 
de  la  veine,  fe  fige  aufîî-tôt  après  ôc  fe  féparc 
en  deux  parties;  l'une  blanche-jaunâtre  ap- 
pellée  férojltè;  Pautre  rouge ,  qui  flotte  or- 
dinairement dans  la  première  comme  une 
île  :  mais  dans  la  plupart  des  maladies  in- 
flammatoires, fièvres  aiguës,  ardentes,  dans 
les  rhumatifmes,  ùc.  la  partie  fupérieure  de 
cette  île  eft  couverte  d'une  pellicule  blan- 
che, quelque  peu  bleuâtre,  jaunâtre,  ou 
verdâtre ,  fouvent  épaifle  de  quelques  li- 
gnes, &  fi  coriace  qu^on  peut  à  peine  la  cou- 
der avec  un  rafoir.  Comme  le  fang  des  per- 
fbnnesqui  ont  une  pleuréfieeft  fouvent  cou- 
vert d'une  femblable  pellicule,  les  médecins 
lui  ont  donné  le  nom  de  croûte  pleurétique  , 
quoique  la  même  chofe  arrive  aufTî  dans 
d''autres  maladies ,  &  même  dans  celles  qui 
ne   font  pas   inflammatoires  ,  comme  la 
phthifie  ôc  la  dyflenterie;  cette  matière  coë- 
neufè  s'endurcit  aifément;  ôc  quand  elle  eft 
long-temps  agitée  ou  battue,  elle  fè  change 
quelquefois  en  ichorofité.  De  plus,  cette 
co'éne  n'eft  pas  toujours  de  la  même  ténacité. 
■  Pluficurs  auteurs  ont  fait  des  remarques 

Eec 


'40i  C  O  E 

fingulieres  fur  ce  fujet.  Par  exemple  Syde- 
iiham ,  dans  fon  traité  de  la  pleuréjîe ,  a 
obfervé  que  lorfque  le  fang ,  après  une  ou- 
verture trop  petite  ou  par  d'autres  raifons, 
ne  fort  point  horizontalement  de  la  veine , 
Ôc  qu'il  coule  perpendiculairement  le  long 
du  bras ,  il  ne  fc  couvre  point  d'une  fem- 
blable  pellicule.  Il  remarque  encore  que 
dans  ces  Ibrtes  de  cas ,  les  malades  ne  fe 
trouvent  pas  autant  foulages  que  iî  le  fang 
fût  Ibrti  de  plein  jet  &c  iè  fut  couvert  de 
cette  croûte  blanche.  Il  dit  aufïî  que  la  for- 
mation de  cette  pellicule  eft  empêchée  par 
tout  ce  qui  s'oppofe  à  la  fortie  du  iung. 
D'autres  ajoutent  que  cette  ccëne  ne  fe  ma- 
nifjfte  point  ou  très-peu ,  lorfque  le  vaiflèau 
dans  lequel  on  reçoit  le  fang  eft  large  Se  plat, 
êc  lorfqu'il  a  été  cxpofé  à  un  air  trop  froid. 
Enfin  ce  qui  paroit  plus  étrange ,  eft  qu'en- 
core que  le  îàng  forte  librement  par  une 
1  rgeouverture,  cette  peau  ne  le  forme  point 
1  )rfque  le  farg  a  été  bien  agité  dans  le  vaif- 
fcau  avec  le  doigt  ou  quelque  inftrument. 

Il  réfulte  de  toutes  ces  obfervations  que 
l'explication  de  ce  phénome^ie  ,  quoique 
très-commun ,  eft  plus  difficile  qu'on  ne 
l'imagine.  Se  que  l''origine  de  cette  coëne 
eft  fort  obfcure. 

Quelques  -  uns  cependant  prétendent 
qu'elle  eft  feulement  produite  par  la  féro- 
lité  du  fang ,  qui  eft  difpofée  par  la  ma- 
ladie à  s'épaiflîr  :  mais  c'eft  ne  rien  dire , 
outre  que  cette  pellicule  qui  furmonre  la 
férofité ,  occupe  toujours  la  partie  fupé- 
rieure ,  ôc  tantôt  s'attache  à  la  circonférence 
du  vaifl'eau  dans  lequel  on  a  reçu  le  fang, 
tantôt  en  eft  entièrement  détachée. 

D'autres  croient  qu'elle  eft  formée  d'un 
chyle  crud ,  qui  n'a  pas  eu  le  temps  de 
ie  convertir  en  fang  ;  mais  le  chyle  quand 
il  eft  mêlé  avec  le  fang  &c  qu'il  n'eft  point 
aflèz  travaillé ,  flotte  toujours  dans  la  férp- 
lîté  fous  une  forme  fluide,  fans  jamais 
s'attacher  à  la  partie  rouge  du  fang  :  de 
plus ,  cette  pellicule  a  également  lieu j  fbit 
que  la  faignée  ait  été  faite  trop  tôt  après 
le  repas ,  ou  lorfque  le  chyle  a  eu  tout  le 
temps  néceflàire  d'être  changé  en  fang. 

D'autres  penfent  que  cette  pellicule  te- 
nace fe  forme  lorfque  lavîteffc  de  la  cir- 
culation tend  à  difpofer  le  fang  à  fe  coa- 
guler ,   &  par  corjféquent   qu'elle  n'eft 


CO  E 

point  la  caufê ,  mais  plutôt  l'effet  de  la 
maladie.  Mais  on  a  quelquefois  remarqué 
cette  croûte  dans  le  fang  des  perfonnes  les 
plus  faines  :  on  Pa  auffi  obfervée  chez  des 
gens  fort  foibles,  qui  avoient  coutume  de 
fe  faire  faigner  par  précaution  ou  pour 
prévenir  un  crachement  de  fang.  En  un 
mot ,  cette  coëne  fe  trouve  dans  l'inflam- 
mation comme  hors  de  l'inflammation. 

Enfin  d'autres  phyiiciens  ont  dit  avec  plus 
de  fondement  que  cette  peau  compaéle  pro- 
vient d'une  lymphe  grofTîere  &c  vifqueu'e 
du  fang ,  qui  dans  la  circulation  partant  dif- 
ficilement par  les  extrémités  artérielles ,  doit 
s'endurcir  naturellement  quand  elle  eft  en 
repos  ,  ôc  peut  néanmoins  fe  tranfmuer  en 
matière  critique  par  une  circulation  modé- 
rée ou  par  des  remèdes  propres  à  divifer 
cette  lymphe.  Ils  ajoutent  que  la  partie 
albumineufe,  gflatineufe  &c  graifleufe  du 
fang ,  concourt  encore  à  la  produétion  de 
cette  pellicule  coriace ,  qui  ié  forme  fur  la 
furface  de  ce  fang  tiré  des  veines.  Suivant 
ce  fyftême ,  les  différentes  couleurs  qui  fe 
trouvent  quelquefois  fur  la  fuperficie  du 
coagulum ,  &  qui  la  rendent  comme  mar- 
brée ,  procèdent  des  parties  intégrantes  du 
fang  qui  ont  fouffert  diftérenres  triturations 
de  la  qualité  du  chyle ,  de  la  férofité  ôc  de  la 
bile  qui  s'y  trouve  mêlée  j  ainfi  la  couleur 
laiteufe  de  la  pellicule  coëneufe  vient  de  la 
partie gélatineufe  du  fang  prédominante,  ou 
de  ce  que  la  faignée  a  été  faite  trop  tôt  après 
le  repas i  la  couleur  jaunâtre,  bleuâtre ,  ou 
verdâtrc ,  dépend  de  la  bile  qui ,  ne  fe  fil- 
trant pas  bien ,  fe  mêle  avec  la  férofité  du 
fàng ,  ôc  lui  imprime  fes  couleurs.  Cette 
hypothefe  eft  allurément  la  plus  vraifem- 
blable;  cependant  comme  elle  ne  fuffit  pas 
encore  pour  expliquer  tous  les  faits ,  le  pro- 
blême médicinal  fubfifte  toujours;  trouver 
la  raifbn  de  la  non-exiftence  ou  de  la  forma- 
tion de  la  coëne  fur  le  fàng  tiré  par  la  faignée 
des  gens  fains  ôc  malades,conformémenr  aux 
phénomènes  jufUfiés  par  de  bonnes  obferva- 
tions. (  M.  le  chevalier  de  J au  court.) 

C(ENOBITE,  Yoyei  Cénobite. 

COEPENICK ,  (  Géo^r.  mod.  )  petite 
ville  d'Allemagne  dans  la  marche  de 
Brandebourg ,  fur  la  Sprée. 

COERBACH ,  (  Géogr.  mod.  )  ville 
d'.Allemagne ,   capitale  de  la  principauté 


C  O  E 

àe  Waldeck,  près  du   pays  cîe   He(îè- 
Caflèl.  Long.  2.6",  50;  lat.  57,  25. 

COERCITION ,  f.  f.  (Jurifpr.)  Cignide 
punition  des  délinquans.  Le  droit  de  coerci- 
tion eft  un  des  attributs  de  la  juftice.  Il  y  a 
certains  officiers  de  police  qui  ont  feulement 
ce  que  l'on  appelle  jus  vocationis  &  preken- 
jîonis ,  c'eft-à-dire ,  le  droit  de  faire  appeller 
devant  eux,  &z  même  arrêter  des  délinquans, 
mais  qui  n'ont  pas  le  droit  de  coercition. 
Quelques-uns  confondent  mal-à-propos  le 
droit  de  correction  avec  le  droit  de  coerci- 
tion. Les  fupérieurs  réguliers  ont  le  droit  de 
correction  modérée  fur  leurs  religieux,  mais 
lis  n'ont  pas  le  droit  de  coercition  y  lequel  s'é- 
tend à  toutes  (brtes  de  peines  afflid:ives.  {A) 

COERLIN ,  (  Géog.  )  ville  &  bailliage 
d'Allemagne  en  haute  Saxe ,  dans  la  Po- 
méranie  ultérieure ,  &c  dans  la  principauté 
de  Camin ,  appartenant  au  roi  de  PrulTe. 
Elle  eft  fituée  fur  la  rivière  de  Perlante, 
munie  d'un  cMteau ,  &  pourvue  d'une 
prévôté.  L'on  y  travaille  beaucoup  en 
laines.  {D.  G.) 

■  COESFELD,  {Géog.  mod.)  ville  forte 
d'Allemagne  en  Weftphalie,  dans  l'évâçhé 
de  Munfter ,  près  du  Berkel.  Long,  çl^  , 
£0  ;  lat.  52 ,  ^8. 

COESNON  (Le),  Géog.  mod.  rivière 
de  France  en  Normandie,  qui  prend  fa 
fource  dans  le  Maine  &  fe  jette  dans  la 
mer  près  du  mont  S.  Michel. 

COESSEIN ,  (Gé'V.)  c'eft  le  nom  d'une 
des  pointes  du  mont  Fichtelberg,  l'un  des 
plus  élevés  de  l'Allemdgne;  il  eft  en  Franco- 
jiie  dans  la  principauté  de  Bareith.  {D.G.) 

COESSLIN,  {Gécgr.)  ancienne  ville 
d'Allemagne  ,  chef-lieu  d'un  bailliage  & 
d'un  cercle  du  même  nom ,  en  haute  Saxe , 
dans  la  Poméranie  ultérieure ,  &  dans  la 
principauté  de  Camin ,  appartenant  au  roi 
de  Prufte.  On  la  nommoit  autrefois  Cojfaliti 
&c  Ccjfalin.  Elle  eft  fituée  fur  la  rivière  de 
Nifebeck ,  laquelle  va  tornber  dans  le  lac 
de  Jafmund,  au  pié  du  mont  ChoUen.  Les 
évêques  de  Camin  y  faifoient  leur  réfidence 
avant  la  réformation.  C'eft  aujourd'hui  le 
lîege  d'une  prévôté  luthérienne ,  d'un  con- 
fîftoire  &  d'une  cour  de  juftice  affedtée  à 
la  Poméranie  ultérieure.  Le  grand  incendie 
qu'elle  efluya  l'an  1718,  engagea  le  roi  de 
Pruflè  à  la  faire  rebâtir  folidçjnent  ^  régu- 


C  O  E  405 

'  l-iérement  ;  &  les  bienfaits  de  ce  prince  à 
cette  occafion ,  portèrent  fes  habitans  k 
lui  ériger  une  ftatue  de  pierre ,  au  milieu 
de  leur  grande  place  publique.  (D.  G.) 

COÉTERNITÉ ,  f.  f.  (  Théol.  )  Les 
théologiens  fe  fervent  de  ce  terme  comme 
un  attribut  des  perfonnes  de  la  trinité. 
f^oye^  Éternité. 

Les  orthodoxes  tiennent  que  la  féconde 
ôc  la  troifîeme  perfonnes  de  la  trinité  font 
coéternelles  à  la  première.  V.  Trinité.  (G) 

COETHEN ,  {Géog.)  ville  d'Allemagne, 
en  haute  Saxe,  dans  la  principauté  d'Anhalt, 
fur  la  petite  rivière  de  Zittau.  C'eft  là  que 
réfîdent  hs  princes  d'Anhalt  qui  prennent  le 
furnom  de  Coethen,  &  qui  forment  une  des 
quatre  branches  principales  de  cette  illuftre 
maifon.  C'eft  une  des  villes  les  plus  anciennes 
de  l'Allemagne  :  elle  étoit  déjà  fort  connue 
du  temps  de  Henri  l'oifeleur ,  dans  le  x* 
fîecle.  Elle  eft  compofée  de  plufieurs  parties 
que  l'on  agrandit  &.  que  l'on  embellit  tous 
les  jours.  Les  luthériens  &  les  réformés  y 
ont  chacun  féparément  une  églife ,  une 
école  pubhque  ôc  une  maifon  d'orphehns , 
&  ils  y  ont  un  hôpital  en  commun.  Les  arts 
&  métiers  y  prolperent ,  &  l'on  y  établit 
en  1617  une  f bciété  qui  prit  le  furnom  de 
frucïifiante.  Le  terroir  de  Coethen  ôc  de  fes 
dépendances  eft  un  des  plus  fertiles  de  l'Al- 
lemagne :  il  y  a  un  bailliage  d'où  reflbrtiftent 
au-delà  de  cinquante  villages ,  tous  riches 
en  grains.  Il  fe  tint  dans  cette  ville  l'an 
1565?,  une  aflemblée  de  tous  les  eccléfiafti- 
ques  de  la  principauté  d'Anhalt.  (D.  G.) 

COÉyÉQUE,  f.  m.{HiJ}.  eccl.)  évêque 
employé  par  un  autre  à  fatisfaire  pour  lui 
aux  fondions  de  l'épifcopat.  On  dit  qu'il  y 
a  encore  en  Allemagne  de  ces  dignitaires. 
COEVORDEN,(Geo^./no^.)villefortedes 
Provinces -Unies  dans  l'OverilTel,  capitale 
du  pays  de  Drente.  Long.  2,4,  z  6-  lat.  5^,  40. 

*  CŒUR,  en  anatom.  eft  un  corps  muf- 
culeux  iîtué  dans  la  cavité  de  la  poitrine , 
où  toutes  les  veines  aboutiflent ,  ôc  d'où 
toutes  les  artères  forrentj  &  qui  par  fa 
contradion  ôc  fa  dilatation  alternative,  eft 
le  principal  inftrument  de  la  circulation 
du  fang  ôc  le  principe  de  la  vie.  Voye:^ 
Artère  ,  Veine  ,  Sang  ,  Vie  ,   &c. 

Les  parties  principales  du  cœur  font  la 
,  bafe  ;  c'eft  le  côté  droit  du  cœur.  Si  pointé, 

Eee  1 


4C4  C  O  E 

c'eft  Ton  extrémité  gauche.  Son  hord  anté- 
rieur &  fon  bcrdpojlérieur,  ce  font  deux  des 
côtés  de  Ta  figure  triangulaire.  Sa.  face  anté- 
rieure fupérieure  convexe  y  c'eft  celle  qui  re- 
garde un  plan  horizontal  qui  feroit  pofé  fur 
la  tête.  Sa  face  plate  ,  c'eft  la  face  oppolée 
à  la  précédente.  Les  deux  veJîiBules,  ce  font 
les  cavités. qui  iont  à  k  bafe  :  on  y  diftingue 
deux  parties,  Pune  plus  évafée  qu'on  appelle 
finus;  l'autre  plus  étroite  figurée  comme 
une  petite  oreille ,  qu'on  appelle  oreillette. 
Ses  ventricules ,  et  font  les  deux  cavités  creu- 
fées  dans  fa  fubftance,  &  qui  le  conftituent  : 
on  les  diftingue  en  droit  ou  antérieur ,  en 
gauche  ou  poftérieur.  Sa  cloifon,  c^eft  la 
partie  charnue  qui  fépare  les  deux  ventri- 
cules. Ses  valvules  tricufpides,  mitrales  ,Jîg- 
moïdes.  La  valvule  d'EuJîachi.  La  valvule  du 
trou  oval.  Le  tubercule  de  Lower,  ou  l'émi- 
nence  qui  fe  remarque  dans  les  animaux 
entre  le  concours  de  la  veine-cave  fupérieure 
&  de  Tinférieure  ,  dans  le  paroi  interne. 
Uijîhme  de  Vieujfens  ,^  c'eft  une  émincnce 
que  forment  les  trouffeaux  de  fibres  qui  fe 
croifent  autour  du  trou  oval  dans  l'oreillette 
droite.  Les  colonnes  charnues ,  voye:^  Co- 
xoNNES.  Le  réfeauy  ce  font  des  eipeces  de 
mailles  que  les  troufleaux  de  fibres  qui  gar- 
niflènt  en  dedans  les  ventricules  du  cœur, 
forment  par  leur  cntrelalfement.  Les  petites 
îraverfes ,  petits  paquets  de  fibres  fîtuées 
tranfverfalement  dans  le  fond  des  ventri- 
cules du  cœur,  relativement  à  l'orifice  de 
Partere  aorte  &  de  la  pulmonaire  auxquelles 
elles  répondent.  Le  trou  oval  ou  botal,  par 
lequel  le  fang  pafle  dans  le  fœtus  de  l'oreil- 
lette droite  dans  la  gauche.  Le  fac  de  Mor- 
fagni,  c'eft  un  efpace  qui  s'obferve  entre 
i  valvule  du  trou  oval  &  ion  contour.  Les 
crifices  des  veines  de  Thebejius  &  de  Ver- 
heyen ,  ce  font  les  orifices  des  veines  qui 
s'ouvrent  dans  les  ventricules. 

Le  corps  mufculeux  entier  eft  enfermé 
dans  une  capfule  appellée  péricarde ,  dont 
on  expliquera  la  ftrudure  &  les  fondions 

foi*6   le    mot   PÉRICARDE. 

Le  cceur  a  en  quelque  forte  la  figure 
d'un  cône  ou  d'une  pyramide  renverlée^ 
dont  la  partie  fupérieure,  qui  eft  la  plus 
large  eft  appellée  bafe,  &  l'inférieure  la 
pointe ,  qui  eft  un  peu  tournée  vers  le  côté 
gaucke.  La  bafe  eft  accompagnée  de  deux 


COE 

appendices^ nommés  oreillettes ,  &  degroî 
vaiifeaux  fanguins,  Voye-;^  Oreillette. 

Sa  grandeur  n'eft  point  déterminée ,  &c 
elle  varie  dans  les  diftérens  fujets.  Il  a  pour 
l'ordinaire  iix  çouces  de  long ,  quatre  ou 
cinq  de  large  à  la  bafe ,  &  quatorze  de  cir- 
conférence. Il  eft  fitué  dans  le  milieu  de  la 
poitrine  dans  le  médiaftin ,  entre  les  deux 
lobes  des  poumons.  Il  eft  attaché  au  péri- 
carde, &  foutenu  par  de  gros  vaiflèaux 
fanguins  qui  s'infèrent  immédiatement 
dans  fa  fubftance ,  &  il  eft  par  ce  moyen  à 
couvert  des  obftacles  qui  pourroient  s'op-. 
pofer  à  fon  mouvement.  Il  eft  enveloppé 
d'une  membrane  mince ,  &  entouré  de 
graiflè  vers  fa  bafe.  Fbye5[  Membrane. 

Le  cœur  eft  creux  &  divifé  en  général  en 
deux  grandes  cavités  appellées  ventricules  y 
dont  le  droit  qui  eft  le  plus  grand,  peut  con- 
tenir deux  ou  trois  onces  de  fang  :  ces  ven- 
tricules Iont  féparés  par  une  cloifbn  char- 
nue, compofée  des  mêmes  fibres  mufcu- 
laircs  que  les  parois  :  on  l'appelle  cloifon  ;  fa 
figure  eft  concave  du  côté  du  ventricule 
gauche  &  convexe  vers  le  droit.  Ces  ventri- 
cufes  n'ont  aucune  communication  immé- 
diate ,  &  le  fang  ne  peut  fe  rendre  de  l'un 
dans  l'autre,  qu'en  pallant  par  les  poumons. 

Les  parois  de  ces  ventricules  ne  font  point 
également  forts  &  épais;  le  gauche  l'eft "beau- 
coup plus  que  le  droit,  parce  que  fa  fonc- 
tion eft  de  poufler  avec  force  le  fang  dans 
toutes  les  parties  du  corps  5  au  lieu  que  le 
droit  ne  le  pouffe  que  dans  les  poumons , 
encore  eft -il  aidé  par  d'autres  parties. 

Il  paroît  en  effet  que  le  ventricule  droit 
n'a  été  fait  qu'en  faveur  des  poumons ,  car 
l'on  ne  trouve  que  le  ventricule  gauche 
dans  les  animaux  qui  n'en  ont  point. 

On  trouve  dans  les  ventricules  de  petits 
mufcles  appelles  colonnes  charnues  ou  lacer- 
tuli ,  lefquels  fortent  des  parois  èc  vont 
s'attacher  par  des  extrémités  tendineufes 
aux  valvules  du  cœur,  dont  nous  parle- 
rons ci -après. 

On  obferve  au  deffus  de  chaque  ventri- 
cule une  cavité  dans  chaque  oreillette,  com- 
pofée de  même  qu'eux  d'un  double  rang 
de  fibres  charnues.  Voye-;^  Oreillette. 

Les  vaifleaux  qui  fortent  du  cœur  confif- 
tent  en  deux  artères,  favoir  l'aorte  &  Partere 
pulmonaire  i  l'aorte  fort  du  ventricule  gau- 


COE 

cKc ,  &  Tartere  pulmonaire  du  droit ,  &  les 
vaifleaux  qui  s'y  rendent  font  deux  veines 
qui  aboutiirent  aux  oreillettes^  favoir  la  vei- 
ne-cave dans  la  droite ,  &  la  veine  pulmo- 
naire dans  la  gauche.  Voye^  Aorte  ,  Pul- 
monaire, &c. 

Les  artères  ont  à  leur  embouchure  dans 
chaque  ventricule  trois  valvules  ou  membra- 
nes femi-lunaires ,  fituées  de  façon  qu'elles 
s'oppofent  au  retour  du  fang  dans  le  coeur 
lors  de ia  dilatation.  Voy.  Valvule. 

Les  oreillettes  communiquent  avec  les 
ventricules.  A  l'orifice  du  ventricule  droit , 
à  l'oreillette  droite  ,  font  placées  trois  val- 
vules appellées  tricufpides  ,  à  caufe  qu'elles 
font  attachées  par  leurs  trois  pointes  ou  co- 
lonnes charnues ,  par  plufieurs  cordes  ten- 
dineufes  i  de  forte  que  dans  la  contra<Sbion 
ou  fyftole  du  cœur  elles  ferment  l'orifice  ,  & 
empêchent  le  fang  de  rentrer  dans  Torcillette 
droite. 

Les  deux  valvules  mitrales  font  les  mêmes 
fon6tions  à  l'entrée  du  ventricule  gauche  & 
s'oppofent  au  retour  du  fang  dans  l'oreillette 
gauche.  7-^oje:(_TRicuspiDE  &  Mitrale. 

La  fubftance  du  cœur  eft  entièrement 
charnue  ou  mufculeufe.  Les  anciens  le  pre- 
noient  généralement  pour  un  parenchyme  : 
mai^Hippocrate  a  mieux  penfé  qu'eux  là- 
delTus;  &:  Stenon,  &  ceux  qui  font  venus 
après  lui ,  ont  démontré  qu'il  eft  compofé 
d'une  fuite  continue  défibres  mufculeufes 
différemment  entrelacées ,  qui  aboutiflènt 
aux  orifices  de  chaque  ventricule ,  où  elles 
forment  leurs  tendons. 

Lorfqu'on  dilîeque  Xtcœur,  on  découvre, 
après  avoir  ôté  la  membrane  propre  ,  fur  la 
furface  externe  du  ventricule  droit,  quelques 
fibres  fort  déliées  qui  tendent  en  ligne  droite 
vers  fa  bafe.  Ow  trouve  immédiatement  fous 
celles-ci  une  double  couche  de  fibres  fpira- 
les,  dont  les  extérieures  montent  obHque- 
ment  depuis  la  cloifon  jufqu'à  la  bafe,  & 
formeHt  une  efpece  de  vis.  Les  fibres  inté- 
rieures prennent  une  route  contraire ,  fe  por- 
tent obliquement  de  droite  à  gauche ,  Refor- 
ment pareillement  une  vis  dans  un  fens  op- 
pofé  :  ious  celles-qiparoiflent  les  fibres  du 
ventricule  gauche  ,  &  premièrement  une 
fuite  fpirale  qui  fe  porte  vers  la  gauche ,  fous 
laquelle ,  auffi-bien  que  dans  l'autre  ventri- 
cule ,  on  en  trouve  une  autre  qui  va  du  côté 


COE  40Ç 

oppofé ,  laquelle  s'étend  non-feulement  juf- 
qu'aux  extérieures  qui  lui  font  femblables  , 
mais  environne  encore  tout  le  ventricule  , 
&  fait  que  la  cloifon  devient  une  partie  da 
ventricule  gauche;  quelques-unes  d'elles,, 
au  lieu  de  fe  rendre  comme  les  autres  dans 
les  tendons  du  cxur ,  rentrent  en  dedans  &' 
forment  les  colonnes  charnues ,  tandis  que 
d'autres  fe  portent  vers  la  pointe  qu'elles  en-, 
vironnent ,  &  forment  le  cercle  appelle  cen- 
tre du  cœur. 

Les  fibres  du  cœur  paroifTent  les  mêmes 
que  celles  des  autres  mufcles ,  ce  qui  fait  re- 
garder aujourd'hui  cette  partie  comm.e  un 
vrai  mufclc ,  quoique  quelques-uns  rejettent 
cette  coniéquence  comme  peu  jufte;  prétcn-. 
dant  que  iî  cela  étoit ,  l'aorte  devroit  être 
regardée  comme  un  mufcle.  Voye^^  Mus- 
cle &  Aorte. 

Quelques  auteurs  modernes ,  après  avoir 
examiné  la  ftru6ture  &  la  difpofition  des  fi- 
bres fpirales ,  ont  mieux  aimé  regarder  le 
cœur  comme  un  double  miffcle  ,  ou  comme 
deux  mufcles  joints  enfemble.  En  efîet ,  les- 
deux  ventricules  avec  leurs  oreillettes ,  font 
deux  corps  ,  deux  vaifïeaux  ,  deux  cavités 
différentes  qui  peuvent  êtr<e  féparées  fans 
cefler  pour  cela  d'être  des  vaiffeaux  \  d'au- 
tant plus  que  la  cloifon  que  l'on  croyoit  au- 
paravant n'appartenir  qu'au  ventricule  gau- 
che ,  eft  compofée  de  fibres  qui  appartien- 
nent à  tous  les  deux.  D'ailleurs,  fi  Pon  en 
croit  M.  Winflow,  les  deux  ventricules  font 
deux  différens  mufcles,  unis  enfemble  non- 
feulement  par  la  cloifon ,  mais  encore  par 
plufieurs  plans  de  fibres  qui  partent  de  la  bafe 
du  cœur  ,  fe  rencontrent  à  la  pointe  ,  &:  ta- 
piffent  les  parois  du  ventricule  gauche. 

Le  cœur  a  encore  des  vaifleaux  fanguins 
qui  lui  font  propres  ;  favoir  deux  artères  qui 
fortent  de  la  naifîànce  de  l'aorte,  &  une 
grande  veine  avec  une  ou  deux  plus  petites  , 
que  l'on  appelle  aheres  &  veines  coronaires  , 
parce  que  leurs  troncs  couronnent  en  quel- 
que manière  la  bafe  duc^e^/r.v.CoRONAiRE. 

Les  nerfs  du  cœur  ôc  de  fes  oreillettes  vien- 
nent d'un  plexus  de  la  huitième  paire,. 6c  du 
nerf  intercoftal  a^péïé plexus  cardiaque.  Voy, 
Nerf  &  Plexus. 

Il  y  aauflî  des  vaifleaux  lymphatiques  qui 
portent  la  lymphe  dans  le  canal  thorachique. 

Fbje:^ÇQNi>VIT  LYWLPHATIQJJE,  % 


40  <î 


C  O  E 

L'ufage  du  cceur  eft  de  poufïcrle  fàng  dans 
routes  les  parties  du  corps ,  à  quoi  contribue 
principalement  Ton  mouvement  alternatif  de 
contradion  &  de  dilatation.  Par  la  dilata- 
tion ,  appelléc  dîajiole ,  Tes  cavités  s'ouvrent 
&  fe  dilitent  pour  recevoir  le  iang  que  les 
veines  y  apportent  ;  &  par  leur  contraélion 
appellée^j^o/e ,  Tes  cavités  fe  reflerrent  &c  fe 
conrradtent  pour  repoulTer  de  nouveau  le 
fàng  dans  les  artères.  Fbye^  Oreillette, 
Systole,  &  Diastole. 

Ajoutez  à  cela,  que  ces  mouvemens  al- 
ternatifs du  cceur  &c  de  Tes  oreillettes  font 
oppofés;  car  les  oreillettes  fe  dilatent  pendant 
que  les  ventricules  fe  reflerrent ,  &:  récipro- 
quement. 

Au  moyen  du  ventricule  droit,  le  (àng  eft 
pouflë  dans  l'artère  pulmonaire ,  d'où  il  paflè 
dans  la  veine  pulmonaire  qui  le  rapporte  dans 
le  ventricule  gauche,  d'où  il  fe  diftribue  par 
le  moyen  de  l'aorte  dans  toutes  les  parties  du 
corps;  il  retourne  enfuite  par  la  veine-cave 
dans  le  ventricule  droit  du  cceur ,  ce  qui  ache- 
vé fa  circulation.  J^oyeij^CiRCULATiON. 

Schenkius  parle  d'un  homme  qui  n'avoit 
point  de  cceur  ,  ce  que  Molinetti  traite  de 
fable  j  il  nie  mêm.e  qu'il  puifl'e  y  avoir  deux 
cceur  s  dans  un  même  homme  ,  quoique  cela 
foit  fort  ordinaire  dans  divers  infedlesqui  en 
ont  naturellement  plulieursjtémoinsles  vers- 
à-(biequiont  une  chaîne  de  cœurs  qui  s'é- 
tend depuis  une  extrémité  de  leur  corps  juf- 
qu*à  l'autre.Maisnous  avons  des  preuves  in- 
conteftables  qu'on  a  trouvé  deux  cœurs  dans 
la  même  perlonne  ;  on  a  même  trouvé  des 
c^z/r^  que  des  vers  avoient  rongé  &  dévoré. 

Muret  a  ouvert  le  cœur  de  quelques  ban- 
dits ,  &  l'a  trouvé  entièrement  velu ,  ou  du 
moins  revêtu  d'une  efpece  de  duvet.  Ce 
qu'il  y  a  encore  de  plus  extraordinaire ,  eft 
qu'on  a  vu  des  perfonnes  dont  le  cœur  étoit 
renverfé  ou  tourné  du  haut  en  bas  ;  témoin 
une  femme  qu'on  pendit  il  a  quelque  temps 
en  Saxe ,  &  un  homme  qui  fouffrit  le  même 
fupplice  à  Paris.  Journ.  des  Sav. 

Les  animaux  timides  ont  toujours  le  Cirwr 
plus  grand  que  ceux  qui  font  courageux  ; 
comme  cela  fe  voit  dans  le  daim ,  le  lièvre  , 
l'âne ,  ùc.  On  trouve  un  os  dans  la  bafe  du 
cœur  de  certains  animaux,  fur-tout  du  daim, 
ui  paroît  n'être  autre  chofe  que  les  tendons 
brcux  du  c<ri.r  endurcis  &  offifiés. 


I 


c  o  E 

L'hlftoire  rapporte  qu'on  trouva  un  pareil 
os  dans  le  cœur  du  pape  Urbain  VIII ,  lors- 
qu'on vint  à  l'ouvrir  après  fa  mort.  Le  cas 
eft  affez  ordinaire  dans  le  tronc  de  l'aorte 
qui  fort  immédiatement  du  cœur.  Voyer 
A0R.TE  &  Ossification. 

Il  y  a  pluiîeurs  animaux  amphibies  , 
comme  les  grenouilles,dont  le  c^j-wr  n'a  qu'un* 
ventricule.  Les  académiciens  françois  préten- 
dent que  celui  de  la  tortue  a  trois  ventri- 
cules; mais  M.  BuilTîere  réfute  leur  fenti- 
ment ,  &:  foutient  qu'il  n'en  a  qu'un  Ce 
point  eft  encore  indécis  jufqu'aujourd'hui. 
Mém.  de  Vacad.  ann.  1703  ,  &  Tranfact, 
phi  lof.  n°.  328. 

Théorie  du  mouvement  du  cceur.  Les  mé- 
decins ôc  les  anatomiftes  modernes  ne  s'ac- 
cordent point  entre  eux  fur  le  principe  du 
mouvement  du  cœur ,  ou  fur  les  caufes  de 
facontradion  &  de  fa  dilatation  alternative. 

L'expulfion  du  fang  hors  des  ventricules, 
prouve  qu'il  fe  fait  un  mouvement  confidé- 
rable  dans  cette  partie.  Il  eft  certain  que  la 
force  motrice  doit  furmonter  la  réfiftance 
qu'elle  rencontre  ;  &c  fuivant  le  calcul  de 
Borelli ,  la  réfiftance  que  le  fang  rencontre 
dans  les  artères,  eft  égal  à.  iSooco  livres 
qu'il  faut  que  le  c<a?wr  furmonte  tant  que  la 
circulation  dure.  D'où  le  cœur  peut-il  donc 
recevoir  tant  de  force  ?  &  quelle  eft  cette 
autre  force  qui  après  l'expulfion  furmonte  la 
première ,  ôc  donne  aux  parties  le  moyen 
de  fe  dilater  pour  produire  un  mouvement 
réciproque  ?  On  a  été  dans  de  profondes  té- 
nèbres là-deflus  jufqu'à  ce  que  Lower  ait 
publié  fbn  excellent  traité  du  cœur,  dans 
lequel  il  expHque  d'une  manière  admirable 
le  méchanifme  de  la  contraction  ou  fyftole 
de  cette  partie.  Le  dodteur  Drake  qui  eft 
venu  après  lui,  a  heureufement  expliqué  la 
caufe  de  fa  dilatation  ou  diaftole ,  que  Lower 
avoit  entièrement  négligée. 

Lower  ôc  plufieurs  autres  ont  fuffifam^ 
ment  prouvé  que  le  cœur  eft  un  mufcle  def- 
tiné  à  produire  un  mouvement  de  même 
que  les  autres  ;  &  comme  il  eft  un  mufcle 
lolitaire  fans  aucun  antagonifte ,  &  qu'il 
n'a  point  un  mouvemen|^volontaire  ,  il  ap- 
proche de  fort  près  du  fphind:er.  Voyc^ 
Sphincter. 

Le  cœur  diffère  cependant  de  tous  les 
,  autres  mufclos  du  corps  humain,  par  l'uni- 


C  O  E 

formité  ôc  la  régularité  de  Tes  dilatations  & 
contraélions  alternatives.  Fbje^  Muscle. 

Cette  vicilîitude  de  mouvemens  a  donné 
aflèz  d^embarras  aux  favaHS ,  qui ,  ne  décou- 
vrant rien  dans  fa  ftrudture  qui  pût  nécellai- 
rement  Toccaiioner  ,  ni  aucun  antagonifte 
qui  pût  le  produire  par  fa  réadion ,  n'ont  fu 
à  quoi  en  attribuer  la  caufe. 

La  raifon  &  l'expérience  prouvent  que  la 
contradion  eft  l'aÂion  &  l'état  qui  convient 
naturellement  à  tous  les  mufcles.  Car ,  dès 
qu'un  mufcle  n'eft  plus  furmonté  par  Ton 
antagonifte ,  il  fecontradeimmédiatementj 
la  volonté  ne  fauroit  l'obliger  à  fe  dilater.  Si 
Ton  coupe ,  par  exemple ,  le  fléchifleur  de 
quelque  partie,  les  extenfeurs  n'étant  plus 
lurmontés  par  Padbion  contraire  de  leurs 
antagoniftes ,  celte  partie  fera  étendue  auili- 
tôt,  (ans  que  la  volonté  y  ait  part,  &  de- 
meure dans  cet  état;  la  même  chofe  arrive  , 
mais  dans  un  fens  contraire,  lorfqu'on  coupe 
les  extenfeurs. 

Il  s'enfuit  donc  que  les  mufcles  ordinaires 
n'ont  d'autre  mouvement  de  reftitution  que 
celui  qu'ils  reçoivent  de  l'aâbion  de  leurs  an- 
tagoniftes ,  par  lefquels  ils  font  balancés. 
Les  fphind:ers ,  par  exemple ,  de  l'anus,  de 
la  velTie  ,  &c.  qui  n'ont  point  d'antagoniftes 
propres,  font  toujours  dans  un  état  de  con- 
tracSbion  ,  8c  ne  laiftent  rien  pafter ,  à  moins 
qu'ils  n'y  foient  forcés  par  l'adion  contraire 
de  quelques  mufcles  plus  forts,  qui  font 
toutes  les  fonctions  d'antagoniftes ,  ians  en 
porter  le  nom,  toutes  les  fois  que  cela  eft 
néceftaire.  Voye^Ativs ,  Vessie  ,  &c. 

Nous  avons  donc  ici  une  caufe  adéquate 
de  la  contra6tion  du  cceur ,  favoir ,  la  force 
motrice  naturelle  des  fibres  mufculaires ,  qui 
tendent  d'elles-mêmes  à  fe  contraûer.  Voy. 
Musculaires  &  Fibres. 

Il  eft  vrai  cependant  que  ,  quoique  les 
fibres  mufculaires  du  cceur  mues  par  les  nerfs, 
foient  l'inftrument  immédiat  de  fa  contrac- 
tion ou  fyftole,  comme  l'a  fait  voir  Lower  , 
il  ne  laifTe  pas  d'y  avoir  une  autre  caufe  qui 
n'y  contribue  pas  peu ,  &  que  Lower  n'a  pas 
connue  ;  favoir ,  les  mufcles  intercoftaux  & 
le  diaphragme ,  qui  aident  &c  facilitent  cette 
contradion ,  en  ouvrant  un  paftage  au  (ang 
dans  les  poumons,lequel  lui  étant  refufé,de- 
viendroit  un  obftacle  invincible.  Ajoutez  à  ce- 
la ,  que  l'artère  Se  la  veine  pulmonaire  fê  rs- 


C  O  E  407 

pandant  dans  toutes  les  divilions  Se  fubdivi- 
fions  des  branches  des  poumons,  &  y  étant 
pour  ainfi  dire  co-étendues,  fouffrent  les  mê- 
mes altérations  dans  leurs  dimenfîons  fuperfi- 
cielles,  que  les  bronches  dans  l'élévation  &  la 
déprellion  des  côtes.  Dans  le  temps  donc  que 
les  cotes  font  dans  un  état  de  dépreffion  , 
foit  avant  ou  après  leur  communication  avec 
l'air  extérieur ,  les  cartilages  annulaires  des 
bronches  fe  raccourci  lient  8c  rentrent  les 
uns  dans  les  autres ,  8c  par  ce  moyen  leurs 
dimenfions  fe  trouvent  extrêmement  con- 
tradées  ;  l'artère  8c  la  veine  pulmonaire  fe 
contractent  de  même  par  le  moyen  de  leurs 
tuniques  mufculaires,  ou  fe  plidènt  5c  fe 
rident  ;  ce  qui  paroît  moins  probable.  D'un 
autre  côté ,  lorfque  les  côtes  s'élèvent  «3c  que 
le  diaphragme  s'affaitTe,  l'air  s'introduit  dans 
les  poumons,  poufle' les  anneaux  cartilagi- 
neux, 8c  écarte  les  bronches  de  la  trachée-ar- 
tère, augmente  par  leur  moyen  les  différentes 
divifions  de  L'artère  8c  de  la  veine  pulm.o- 
naire,  &:  augmente  par-là  leurs  cavités.  C'eft 
ainiî  que  leur  adion  alternative  contmue  & 
fe  communique  au  coeur ,  d'où  elles  fortent. 

Par  ce  moyen ,  le  fing  paffè  du  ventricule 
droit  du  coeur  dans  le  gauche  par  les  pou- 
mons ,  ce  qu'il  ne  pourroit  faire  autrement  i 
l'oppofition  que  le  fang  contenu  dans  le  ven- 
tricule eût  nécellairement  faite  à  fa  contrac- 
tion ,  cefte  ,  &  la  fyftole  devient  par-là  plus 
fîcile.  Fbjc;[ Systole. 

Quant  à  la  diaftole  ou  dilatation  du  coeur, 
M .  Lower  fe  contente  de  l'attribuer  au  mou- 
vement que  font  les  fibres  pour  fe  remettre 
dans  l'état  où  elles  étoient  avant  leur  con- 
tradion.  Voici  fes  propres  termes  :  "  Puifque 
tout  le  mouvement  du  coeur  ne  confifte  que 
dans  fa  contraétion ,  8c  que  toutes  fes  fibres 
ne  tendent  qu'à  lui  imprimer  ce  mouvement^ 
il  s'enfuit  que  tout  le  mouvement  de  cette 
partie  confifte  dans  la  fyftole  ;  mais  comme 
les  fibres  fe  raccourciflent  au-delà  de  leur 
ton  dans  chaque  contradion ,  il  faut  de  toute 
nécefTité  qu'après  que  l'effort  ace  fte,  le  cceur 
fe  relâche  de  nouveau  par  un  mouvement 
naturel  de  reftitution  ,  8c  qu'il  fe  dilate  pour 
recevoir  le  fang  qui  y  eft  apporté  par  les  vei- 
nes. La  diaftole  ne  fe  fait  donc  par  aucune 
nouvelle  adion  du  coeur  ;  elle  n'eft  que  la 
fuite  de  la  ceftàtion  de  fa  première  tenfion 
8c  de  l'affluence  du  fang  daiis  fes  cavités.  >» 


4cS  C  O  E 

S'il  eft  vrai ,  comme  Lower  le  prétend , 
que  la  contra6lion  (bit  la  feule  a61:ion  de  ces 
fibres ,  comment  fe  peut-il  faire  que  leur 
diflenlîon  ,  qu'on  appelle  communément, 
quoique  mal  à  propos  ,  leur  relâchement , 
foit  un  mouvement  de  reftitution  ?  caria  na- 
ture &  la  difpofition  de  ces  fibres  prouvé 
clairement  que  le  coeur  eft  fait  en  forme  de 
cône,  &  qu'il efl  dans  un  état  violent  pen- 
dant fa  dilatation.  Il  s'enfuit  donc  que  la 
contradion  eft  le  vrai  mouvement  de  refli- 
tution  ,  &  le  feul  état  dans  lequel  il  retourne 
de  lui-même  lorfquel'aâiiona  celîéj  de  forte 
que  nous  fommes  toujours  obligés  de  cher- 
cher la  véritable  caufe  de  la  diaftole ,  qui 
paroît  le  phénomène  le  plus  difficile  qu  on 
remarque  dans  le  cceur. 

M.  Cowper ,  dans  l'introduâ:ion  à  fbn 
anatomie ,  augmente  la  part  que  M.  Lower 
donne  au  fang  dans  cette  a6tion  ,  &  le  re- 
garde comme  le  principal  inftrument  de  la 
dilatation  du  cœz/r;  M.  Drake,  fon  fe6ta- 
teur ,  ne  s'accorde  cependant  pas  avec  lui 
fur  la  manière  &  la  caufe  de  cette  dilatation. 

"  Le  cœur  de  l'animal ,  dit  M.  Cowper, 
a  beaucoup  de  rapport  avec  les  pendules  des 
automates  artificiels,  des  horloges  &c  des 
montres  portatives ,  en  ce  que  fon  mouve- 
ment fefaitcomme  celui  des  autres  mufcles, 
par  le  moyen  du  fmg  qui  fait  Toffice  d'un 
poids».  Suppofé  que  cet  auteur  ait  voulu 
dire  que  le  iang  en  retournant  dans  les  oreil- 
lettes &  les  ventricules  du  cœur,  les  oblige  à 
fe  dilater  en  pefant  fur  eux ,  en  agiflànt 
comme  un  contre-poids  à  fa  contraction, 
entant  que  mufcle  ,  il  eft  dommage  qu'il 
n'ait  pas  donné  une  plus  ample  explication 
d'un  phénomène  aum  difficile  de  aulTi  im- 
portant j  la  pefanteur  fpécifique  du  fang  ne 
paroît  pas  une  caufe  adéquate  de  l'effet  qu'on 
fuppofe  qu'il  produit  dans  cette  occaiion  : 
car,  fuppofé  que  le  fanç  n'agifte  ici  que 
comme  un  poids  par  une  limple  gravitation, 
il  ne  peut  employer  dans  cette  addon ,  en 
defcendant  de  la  partie  fupérieure  du  cœur , 
qu'une  force  équivalente  à  cinq  livres  au 
plus ,  quoiqu'il  ait  à  furmonter ,  fuivant  la 
lupputation  de  Borelli,  une  réfiftance  de 
I  35000  livres.  Quelle  que  foit  la  force  qui 
dilate  le  cœur ,  ôc  la  caufe  de  fa  diaftole  , 
elle  doit  être  égale  à  celle  du  cœur ,  des  muf- 
cles intercoftaux  6c  du  diaphragme ,  contre 


COÊ 

laquelle  il  agit   comme    un   antagonifte; 

Il  eft  peut-être  difficile  ôc  même  impof- 
fible  de  trouver  une  telle  puiflance  dans  la 
machine  du  corps  animal  j  &  cependant , 
fans  le  fecours  d'un  pareil  antagonifte ,  il  efl 
impoffible  que  la  circulation  du  fang  puiflc 
continuer.  Tous  les  reilbrts  qu'on  a  décou- 
verts jufqu'aujourd'hui  dans  le  corps  humain 
concourent  à  la  contra6tion  du  cœur,  qui  eft 
un  état  de  repos  auquel  il  tend  naturelle- 
ment ;  cependant  nous  le  trouvons  alterna- 
tivement dans  un  état  de  violence  ou  de  di- 
latation ;  ôc  c'eft  cependant  de  cette  alterna- 
tive que  dépend  la  vie  de  l'animal. 

Il  eft  donc  nécefï'aire  de  trouver  quelque 
caufe  extérieure  capable  de  produire  ce  phé- 
nomène ,  foit  dans  la  qualitéde  l'air  ou  dans 
la  preffion'dc  l'atmofphere  ,  puii(|ue  nous 
n'avons  point  de  commerce  conftant  &c  im- 
médiat avec  d'autres  miHeux. 

Quelques  phyfîciens  ayant  obfervé  que 
nous  ne  pouvons  fubfifter  dès  que  la  com- 
munication que  nous  avons  avec  Pair  exté- 
rieur eft  interrompue  ,  ont  imaginé  qu'il  (è 
mêle  pendant  l'infpiration  certaines  parties 
de  l'air  extrêmement  pures  avec  le  fang  qui 
eft  dans  les  poumons,  lefquelles  paftentavec 
lui  dans  le  cceur ,  où  elles  entretiennent  une 
efpece  de  flamme  vitale ,  qui  eft  la  caufe  du 
mouvement  réciproque  de  cette  partie. 

D'autres  ontniéPexiftence  de  cette  flamme 
aétuelle ,  Ôc  prétendu  que  les  parties  les  plus 
fubtiles  de  Pair  venant  à  fe  mêler  avec  le 
Iang  dans  les  ventricules  du  ca?ur,  produifent 
une  effervefcence  quiPobligeà  fe  dilater. 

Mais  on  a  rejeté  tous  ces  différens  fenti- 
mens,  ôc  l'on  eft  encore  aujourd'hui  dans  le 
doute  s'il  fe  mêle  quelques  particules  d'air 
avec  le  fang  dans  les  poumons,  ou  non. 
F'oye:^'?  ou  MOUS  ,  Air  ,  f/c. 

En  fuppofant  même  qu'il  s'infinue  quelque 
portion  d'air  dans  la  veine  pulmonaire  ,  il 
ne  peut  autrement  dilater  le  cceur  que  par  une 
effervefcence  dans  le  ventricule  gauche ,  qui 
ne  feroit  point  fuffifante  pour  dilater  le  droit: 
mais  ladiftedionanatomique  de  la  partie  ne 
fuffit-elle  point  pour  détruire  ce  fentiment, 
quia  été  fuffifamment  réfuté  par  un  grand 
nombre  d*excellens  auteurs?  Voye^  Respi- 
ration. 

Qtioi  qu'il  en  foit ,  la  maffe  de  Patmof- 
phere  paroît  être  le  véritable  antagonifte  de 

tous 


C  O  E 

tous  les  mufcles  qui  fervent  à  l1n(pîration 
ordinaire  &  à  la  contraction  du  cœur  ;  ôc 
cela  fe  trouve  confirmé  non  feulement  par 
fa  puiflànce ,  mais  encore  par  lanéceflité  de 
fon   action  fur  les  corps  animaux.    Voye:^ 

AtMOSPHEPvE. 

L.e  ca?ur y  comme  nous  lavons  déjà 
oblervé ,  eft  un  mufcle  folitaire  d'une  force 
extraordinaire*)  qui  eft  encore  augmentée 
par  les  mufcles  intercoftaux  &  le  diaphrag- 
me, qui  n'ont  point  d'antagoniftes  ;  de  forte 
qu'elle  a  befoin  d'être  contrebalancée  par 
quelque  force  équivalente  quelle  qu'elle 
puifle  être  :  car  quoique  l'aéVion  des  mufcles 
intercoftaux  foit  volontaire ,  ils  ne  font  pas 
pour  cela  exempts  de  la  condition  des  autres 
mufcles  qui  fervent  aux  mouvemens  volon- 
taires ,  lefquelsferoient  dans  une  contraftion 
perpétuelle  ,  nonobftant  l'influence  de  la 
volonté ,  fans  le  balancement  des  mufcles 
antagoniftes.  Les  poids  de  Patmofphere 
qui  preflè  lur  la  poitrine  ôc  fur  toutes  les 
autres  parties  du  corps ,  fuppléeà  ce  balance- 
ment qui  fe  trouve  entre  les  autres  mufcles; 
ôc  comme  dans  tous  les  autres  mouvemens 
volontaires  l'influence  de  la  volonté  ne  fait 
qu'augmenter  l'adion  de  l'unedesdeux  puif- 
lances  qui  étoient  auparavant  en  équilibre;  de 
même  elle  ne  fert  ici  qu'à  donner  à  ces  muf- 
cles aftez  de  force  pour  foutenirun  poids  qui 
furmonteroit  leurs  forces,  s'ils  n'étoient  point 
fécondés  de  la  manière  que  je  viens  de  le  dire. 
Auffi-tôt  que  ce  fecours  vient  à  manquer ,  les 
côtes  s'abaiflent  de  nouveau  par  la  feule  pe- 
fanteur  de  Patmofphere  ;  ce  qu'elles  ne  fe- 
roient  point  fans  cela ,  malgré  le  penchant 
naturel  qu'ont  ces  mufcles  à  fe  contracter. 

Cela  eft  fuflSfamment  prouvé  par  les  ex- 
périences de  Torricelli ,  &c  par  celles  qu'on 
a  faites  fur  des  animaux  dans  le  vuide  ,  où 
dès  que  la  preflion  de  l'air  eft  ôtée ,  les  muf- 
cles intercoftaux  ôc  le  diaphragme  font  con- 
tractés ,  les  côtes  s'élèvent  dans  le  moment, 
&  la  volonté  ne  peut  plus  les  obliger  à  s'a- 
baifler ,  à  moins  que  l'air  ne  vienne  à  fon 
fecours  &  ne  les  y  force  par  fa  preffion. 

Comme  dans  l'élévation  des  côtes  le  fang 
eft  en  quelque  forte  obligé  d'entrer  dans  les 
poumons  par  le  pafllage  qu'il  trouve  ouvert  j 
de  même  lorfqu'elles  viennent  à  s'abaiftèr  , 
il  eft  forcé  ,  par  l'affaiftement  des  poumons 
&  par  la  contraction  des  vaifleaux  fanguins , 
Tome  FJIl 


C  O  E  43^ 

de  palTer  par  la  veine  pulmonaire  dans  le 
ventricule  gauche  du  coeur  :  cela  joint  au 
poids  de  l'atmofphere  qui  prefle  fur  toute  la 
furface  du  corps  qu'il  entoure  de  tous  côtés ,. 
eft  cette  puilfance  qui  oblige  le  fang  à  mon- 
ter dans  les  veines ,  après. que  la  force  que  le 
cceur  lui  avoit  imprimée  a  ce fle  ;  &  elle  fuffit 
même  pour  obliger  le  cceur  à  fortir  de  fon 
état  naturel ,  &  à  fe  dilater. 

Lorfqu'on  vient  à  fupputer  la  pefànteur 
d'une  colonne  d'air  égale  à  la  furface  du 
corps ,  oji  s'appcrçoit  qu'elle  fuffit  pour  pro- 
duire les  effets  qu'on  lui  attribue.  Si  l'on  con- 
sidère outre  cela  que  les  corps  des  animaux 
(ont  des  machines  capables  de  céder  à  la 
prelTion ,  on  connoitra  fans  peine  qu'elle 
doit  agir  fur  eux  de  la  manière  que  nous 
l'avons  dit.  Cependant  quoique  nos  corps 
foient  entièrement  compofés  de  petits  tubes 
ou  vaifleaux  remplis  de  fluides  ,  cette  pref- 
fion, quelque  grande  qu'elle  foit,  étant  la 
même  par-tout ,  ne  pourroit  les  affecter ,  à 
moins  que  les  dimenfions  fuperfîcielles  ne 
variafl'ent  également  ;  à  caufe  qu'étant  éga- 
lement preflés  par-tout  avec  le  même  degré 
de  force ,  les  fluides  qu'ils  contiennent  ne 
pourroient  fe  retirer  dans  aucun  endroit,  ôc 
taire  place  à  ceux  qui  les  fuivent ,  mais  de- 
meureroient  aufïi  fixes  ôc  aufîi  immobiles 
que  s'ils  étoient  actuellement  folides.  Voye:(^ 
Fluide  Ê'Air. 

Mais  la  dilatation  de  la  poitrine  fournit 
afîez  d'efpaceaux  fluides  pour  fè  mouvoir  , 
ôc  fon  reflèrrement  leur  imprim.e  un  nouveau- 
mouvement  ;  ce  qui  eft  le  principe  de  la 
circulation  continuelle  du  fang. 

Cette  dilatation  ôc  cette  contraction  réci- 
proque des  dimenfions  fuperficiellesdu  corpt 
paroifléntfînécefîàiresà  la  vie  de  l'animal  , 
qu'il  n'y  en  a  aucun,  quelque  imparfait  qu'il 
Ibit ,  dans  lequel  elles  ne  fe  trouvent  ;  pour 
le  moins  on  n'en  a  encore  découvert  aucun 
dans  lequel  elles  n'aient  exiflé. 

Quoique  les  côtes  ôc  les  poumons  d'un 
grand  nombre  de  poiflbns  ôc  d'infeCtes 
n'aient  aucun  mouvement ,  ôc  que  leur  poi- 
trine ,  par  une  fuite  néccfl'aire ,  ne  puiflè 
point  fe  dilater,  ce  défaut  efl:  cependant 
réparé  par  un  méchanifme  analogue  qui  fup- 
plée  autant  qu'il  fùut  aux  belbins  de  la  vie. 
Les  poiflbns ,  par  exemple  ,  qui  n'ont  point 
de  poumons ,  ont  des  ouies  qui  font  Içs 


410  C  O  E 

mêmes  fondions  qu'eux  -,  car  elles  reçoivent 
&  rejertcnt  l'eau  alternativement  ,  de  forte 
que  les  vailTeaux  fanguins  fouffrent  la  même 
altération  dans  leurs  dimenlions,  que  dans 
les  poumons  des  animaux  les  plus  parfaits. 
y^oye^^  Ouïes. 

Qiioique  les  poumons  des  infedes  diffé- 
rent autant  que  ceux  des  poillbns  de  ceux 
des  animaux  parfaits,  ils  ont  cependant  la 
même adion  &  le  même  ufage  qu^'eux ,  c'eft- 
à-dire  qu'ils  fervent  à  challèr  l'air  &  à  varier 
les  dimenfions  8c  la  capacité  des  vaifleaux 
fanguins.  Comme  ils  n'ont  point  de  poitrine 
ou  de  cavité  feparéc  pour  le  drur  3c  les  vaif- 
leaux qui  reçoivent  l'air  ,  ces  derniers  fe  dif- 
tribuent  dans  tout  le  tronc  ,  par  le  moyxn 
duquel  ils  communiquent  avec  l'air  extérieur 
'^arditférensfoupiraux  ;,  auxquels  font  adap- 
tés différens  (iftletsqui  envoient  des  rameaux 
dans  tous  les  mufcles  Se  dans  tous  les  vifce- 
res  ,  Se  paroiflènt  accompagner  les  vaifleaux 
fanguins  pnr  tout  le  corps,  de  même  qvie 
dans  les  poumons  des  animaux  parfiits.  Par 
cette  difpodtion ,  le  corps  s'enfle  dans  chaque 
infpiration,  Se  fe  reflerre  dans  chaque  expi- 
ration ;  ce  qui  doit  caufer  dans  les  vaifleaux 
fanguins  une  viciffitude  d'extenfion  Se  de 
contradion.  Se  imprimer  un  plus  grand 
mouvement  dans  les  fluides  qu'ils  contien- 
nent ,  que  ne  le  feroit  le  cœur  qui  ne  paroit 
point  mufculcux  dans  ces  animaux. 

Le  fœtus  eft  le  feul  animal  qui  foir  exempt 
de  la  nécefFiré  de  recevoir  Se  dechafler  alter- 
nativement quelque  ffuide  j  mais  pendant 
qu'il  efl;  enfermé  dans  la  matrice ,  il  ne  pa- 
roit avoir  tout  au  plus  qu'une  vie  végétative , 
êc  ne  mérire  point  d'être  mis  au  nombre  des 
animaux  ;  Se  fans  cette  petite  portion  de 
mouvement  mufculaire  qu^il  exerce  dans  la 
matrice ,  on  pourroit  fans  abfurdité  le  regar- 
der comme  une  greffe  ou  une  branche  de  la 
mère.  Vo^reiVffiTxjs ,  Embryon,  &€. 

On  peut  objeder  contre  la  dodrine  que 
nous  venons  d'établir ,  que  le  drur  de  plu- 
fieurs  animaux  ne  bat  pas  avec  moins  de  ré- 
gularité Se  moins  de  force  dans  le  vuide  que 
dans  l'air ,  comme  M.  Bcyle  l'a  expérimenté 
avec  ceux  des  grenouilles.  Tranf.  philofoph. 
d\  6%. 

Efiimation  de  la  force  du  coeur.  La  quantité 
de  la  force  du  cœur  a  été  différemment  eftri- 
inée  3  8c  fur  divers  principes ,  par  placeurs 


C  O  E 

auteurs  ;  mais  particulièrement  par  Borellî , 
Morland  ,  Keiîl  ,  Jurin  ,  &c. 

On  peut  déterminer  la  force  du  cœur  par 
le  mouvement  avec  lequel  il  fe  contrade  , 
ou  par  le  mouvement  d'un  poids  qui  étant 
oppoié  au  fang  tel  qu'il  exifl:e  hors  du  cœur , 
foit  cap?.ble  de  le  balancer  Se  d'en  arrêter 
le  cours.  Nous  n'avons  aucun  moyen  de 
pouvoir  en  venir  à  bout  à  priori  ,  à  caufe 
que  nous  ne  connoiflons  qu'imparfaitement 
la  fl^ruéture  interne  de  cette  partie ,  Se  la 
nature  Se  la  force  de  la  caufe  d'où  dépend  la 
contradion  ;  de  forte  que  le  feul  moyen  qui 
nous  rcfl:e  efl  de  l'apprécier  par  les  effets. 

Toute  l'adion  du  cœur  confifte  dims  la 
contradion  de  fes  ventricules;  à  mefure 
que  ceu>  -ci  fe  contradent  ,  ils  preflènt  le 
langs  Se  lui  communiquent  une  partie  de 
leur  mouvement ,  ils  le  pouflent  avec  vio- 
lence dans  les  paflagcs  quM  trouve  ouverts. 
Le  fang  ainli  pouflé  dans  l'aorte  Se  dans  l'ar- 
tère pulmonaire  ,  fait  effort  de  toutes  parts , 
en  partie  contre  les  tuniques  des  artères  qui 
étoicnt  devenues  flafques  dans  la  dernière 
diallole  ,  Se  en  partie  contre  le  fang  qui  le 
précède  ,  Se  dqnt  le  mouvement  eft  trop 
lent.  Par  ce  moyen  les  nmiques  des  artères 
fe  tendent  peu  à  peu ,  le  mouvement  du 
fang  dont  nous  venons  de  parler,  devient 
plus  rapide. 

Il  eft  bon  d'obferver  en  piflant .  que  plus 
les  artères  iont  flafques ,  moins  elles  font  de 
réiiftance  au  fang  qui  veut  les  dilater;  Se 
que  plus  elles  font  tendues ,  plus  aufli  s'op- 
pofent-elles  avec  force  à  une  plus  grande 
dilatation  ;  de  forte  que  route  la  force  du 
lang  au  [omr  dn  cœur  eft  d'abord  plutôt  em- 
ployée à  dilater  les  artères ,  qu'à  pouHèr  le 
fang  qui  le  précède;  au  lieu  que  dansla  fuite 
il  agit  moins  fur  les  artères,  que  fur  le  fang 
qui  s'oppofe  à  fon  cours. 

Borelli,  comme  nous  l'avons  déjà  obfèr- 
vé  ,  dans  fbn  éconcm.  anim.  fuppofe  les  obf- 
taclesqui  s'oppofent  au  mouvement  du  fang 
dans  les  artères,  équivalens  à  iSoooc  liv. 
Se  la  force  du  cœur  à  30C0;  ce  qui  n'e-ft 
qu'un  -A  de  la  réiiftance  qu'il  rencontre.  Si 
l'on  déduit  4yooo  liv.  pour  le  fecours  fortuit 
qu'il  reçoit  de  la  tunique  mufculaire  élafti- 
que  des  artères ,  il  refte  pour  le  cœur  une 
force  de  3000  livres ,  avec  laquelle  il  doit 
furmonter  mic  réiiftance  de  13 5000 livres. 


^ 


C  O    E 

c*efl:-à-<îire  écarter  avec  une  livre  de  force 
un  obfraclc  de  quarante-cinq  livres  ;  ce  qu'il 
fait ,  à  ce  que  liippole  cet  auteur  ,  par  la 
force  Je  percuiTion. 

S'ileût  pouflé  Ion  calcul  ju(qu*aux  veines, 
qu'il  prétend  contenir  quatre  fois  plus  de 
1  mg  que  les  artères ,  ôc  dans  lefquelles  cette 
f  jrcc  de  percuiïion  ne  Te  fait  point  fentir  du 
tout,  ou  du  moins  que  très-foiblement,  il 
n'eût  pas  eu  de  peine  à  reconnoître  l'infuffi- 
fance  du  fyftême  de  percuiïion. 

On  accuie  même  Ton  calcul  de  fiufTeté  , 
&  l*on  prétend  que  la  force  qu'il  attribue  au 
cœur  eft  infiniment  trop  grande. 

Ledo(5teur  Jurin  fait  voir  que  fi  Borelline 
fe  fût  point  trompé  dans  fon  calcul ,  il  eût 
trouvé  la  réfiftance  que  le  cœur  eft  obligé  de 
furmonter  beaucoup  plus  grande,  même  fui- 
vant  Tes  principes ,  6c  qu'elle  eût  été  de 
1076000 ,  au  lieu  de  1 55000;  ce  qui  pafle 
toute  vraifcmblanc^e. 

Le  plus  grand  défaut  de  la  folution  con- 
fifte ,  fuivantle  docbeur  Jufin  ,  en  ce  qu'il  a 
apprécié  la  force  motrice  du  cœur  par  un 
poids  en  repos  ;  en  ce  qu'il  a  fuppofé  dans 
une  de  fes  expériences  que  le  poids  que  fon- 
dent un  mufcle  eft  entièrement  foutenupar 
fa  force  de  coniraâ:ion  ;  que  les  mufcles  qui 
ont  la  même  pefanteur  font  également  forts  ; 
enfin  que  la  force  du  cœur  augmente  à  cha- 
que fyftole ,  &c. 

Le  dodceur  Keill ,  dans  Çts  ejfaisfur  Vécon. 
an  m.  a  le  premier  abandonné  le  calcul  de 
Borelli  ,  auquel  il  en  a  fubftitué  un  autre 
infiniment  plus  petit.  Voici  comment  il  cftime 
la  force  du  cœur.  Suppolant  que  l'on  con- 
noiflè  la  vîtefle  d'un  fluide,  &  faifmtabf- 
tradtion  de  la  réfiftance  qu'il  rencontre  de  la 
pare  d'un  autre  fluide,  on  détermine  la  force 
qui  le  met  en  mouvement  comme  il  fuit. 
Soit  la  ligne  a  la  hauteur  de  laquelle  doit 
tomber  un  corps  pour  avoir  une  viteUe  égale 
à  celle  du  fluide ,  la  force  qui  met  ce  fluide 
en  mouvement  fera  égale  au  poids  d'une 
colonne  du  même  fluide ,  dont  la  bafe  feroit 
égale  à  l'orifice,  &:  la  pefanteur  à  1  ^.  CorolL 
2. ,  prop.^&y  lib.  /J,des  principes  de  Newton. 

Maintenant  le  fang  qui  fort  du  cœur  trouve 
une  réfiftance  qui  retarde  fon  mouvement 
de  la  part  de  celui  qui  circule  dans  les  veines 
&c  les  artères  ;  ce  qui  l'empêche  de  couler 
avec  toute  la  vîtefïè  que  X^cœur  lui  imprime. 


C  O  E  41! 

une  partie  de  cette  force  étant  employée  à 
furmonter  la  réfiftance  de  la  maflè  du  fiing.. 
Suppofé  donc  que  Pon  connoide  de  com- 
bien la  vîtefl'e  dufingeft  diminuée  par  cette 
réfiftance,  ou  quelle  eft  la  proportion  entre  la 
vîtefle  du  fang  qui  rencontre  cette  réfiftan- 
ce ,  &  celle  du  fang  qui  n'en  trouve  aucune; 
il  ne  fera  pas  diflficile ,  après  avoir  détermine 
la  première ,  de  trouver  la  féconde ,  &  par- 
conléquent  la  force  abfolue  du  cœur.  L'au- 
teur s'eft  fèrvi ,  pour  la  découvrir ,  de  l'ex- 
périence fuivante. 

Après  avoir  découvert  l'artère  &  la  veine 
iliaque  dans  la  cuifle  d-'un  chien  près  du 
tronc,  &  y  avoir  fait  les  ligatures  convena- 
bles ,  il  coupa  les  vaiftèaux  &c  reçut  pendant 
dix  fécondes  le  fang  qui  en  fbrtit.  Il  fit  la 
même  chofe  fur  l'artère  pendant  le  mê- 
me efpace  de  temps  ,  &  il  pela  avec  foin 
la  quantité  de  fang  qui  fortit  de  ces  deux 
difïérens  vaifTeaux  :  il  réitéra  la  même  expé- 
rience ,  ik.  il  trouva  enfin  que  la  quantité  de 
fang  qui  étoit  fôrtie  de  l'artère ,  étoit  à.cellc 
qu'avoit  donnée  la  veine  dans  le  même  ef- 
pace de  temps  ,  à-peu-près  comme  7  i  à  3 . 

La  vîtefle  du  fang  dans  l'artère  iliaque  Ci 
près  de  l'aorte ,  doit  être  à-peu-près  la  mêni« 
que  dans  l'aorte  ;  d'où  il  fuit  que  la  vîtefle 
avec  laqu  ;lle  il  fort  par  l'artère  iliaque  après 
qu'on  l'a  coupée ,  eft  égale  à  celle  qu'il  au- 
roit  au  fortir  àwcœur  lorfqu'il  ne  trouve  au- 
cune réfiftance  ;  ou  ,  ce  qui  revient  au  même, 
le  fang  fart  par  l'ouverture  de  l'artère  iliaque 
avec  toute  la  vîtefle  q^u'il  a  reçue  du  cœur. 
Tout  le  fang  qui  pafle  dans  l'artère  iliaque , 
y  revient  de  nouveau  par  la  veine  iliaque  , 
&  par  conféquent  la  quantité  de  fang  qui 
paflè  dans  toutes  les  deux  dans  le  même  temps 
doit  être  égale.  Il  s'enfuit  donc  que  la  quan- 
tité de  fang  qui  fort  par  l'ouverture  de  la  veiné 
iliaque ,  eft  égale  à  celle  qui  a  paflé  dans  l'ar- 
tère iliaque  avant  qu'on  l'ait  coupée  ,  dans 
le  même  espace  de  temps.  Puis  donc  que 
nousconnoiflbns  laquantit\4  de  fangqui  paflè 
dans  Tartere  iliaque  lorfqu'elle  eft  coupée  & 
avant  qu'elle  le  foit ,  il  s'enfuit  que  nous 
avons  leur  viteflè  ;  car  la  vîteffed'un  fluide 
qui  coule  dans  le  même  tuyau  dans  un  ef- 
pice  de  temps  égal ,  eft  diredement  comme 
f.i  quantité  :  mais  la  vîtelLe  du  fang  lorfque 
l'artcre  eft  coupée ,  eft  égale  à  celle  qu  il  re- 
çoit du  cœur  ;  ôc  la  vîtelïe  lorfqu'elle  n'eft 

Fff  2 


411  C  O  E 

point  coupée ,  eft  celle  avec  laquelle  le  fang 
coule  dans  l'aorte,  dans  laquelle  il  trouve  de 
la  rélîfknce  ■-,  d'où  Ton  voit  que  ces  deux 
vîteires  font  l'une  à  l'autre  comme  7  î  à  3 . 

Si  l''on  fuppofe  maintenant  que  le  caur 
jette  deux  onces  de  fang  à  chaque  fyftole , 
ce  qui  eft  affez  vraifemblable ,  le  fang  doit 
parcourir  dans  l'aorte  156  pies  en  une  mi- 
nute; de  forte  que  la  vîtelîê  abfolue  avec 
laquelle  il  eft  poufl'é  dans  l'aorte ,  eft  ca- 
pable de  lui  faire  courir  590  pies  en  une 
minute,  ou  ^  pies  \  en  une  féconde,  s'il 
ne  trouvoit  aucune  réliftance. 

Recherchons  maintenant  de  quelle  hau- 
teur doit  tomber  un  corps  pour  acquérir  la 
vîteil'e  que  nous  lui  avons  donnée;  car  cette 
hauteur  étant  doublée,  donne  la  hauteur 
d*lin  cylindre  dont  la  bafe  eft  égale  à  1  o- 
rifice  de  l'aorte  ,  &  la  pefànteur  à  la  force 
abfolue  du  caur. 

L'on  fait  par  expérience  que  la  force  de 
gravité  fait  parcourir  à  un  corps  5  o  pies  en 
une  féconde  ,  ce  qui  eft  la  vitefle  qu'il  ac- 
quiert en  tombant  de  la  hauteur  de  1 5  pies  ; 
d'où  il  fuit  que  cette  vîteftè  eft  a  celle  du  (ang 
qui^coule  lans  trouver  de  la  réfiftance  dans 
l'aorte  ,  comme  jo  à  65.  Mais  comme  les 
efpaces  qui  font  acquérir  aux  corps  les  vitefles 
que  nous  leur  avons  données,  font  comme 
les  quarrés  de  ces  mêmes  vitefles ,  c'eft-à- 
dire,  comme  900  à  42.25,  il  s'enfuit  qu'il  y 
a  même  rapport  de  900  à  42.15,  que  de  15 
à  o  74,  Cette  hauteur  étant  doublée ,  donne 
148  ou  i77<j  pouces;  ce  qui  eft  la  hauteur 
d'une  colonne  de  fang,  dont  la  bafe  eft  égale 
à  l'aorte  que  notis  avons  fuppofée  égale  à 
o  4187  ;  &  par  conféquent  le  folide  qu'elle 
contient  eft  7  436iiz  ,  dont  la  force  eft 
égale  à  la  force  ablolue  du  cœur.  Cette  force 
eft  de  cinq  onces;  d'où  il  fuit  que  la  force 
du  cœwr  eft  égale  à  un  poids  de  cinq  onces. 

Ce  même  auteur  a  trouvé  par  un  calcul 
fondé  fur  les  loix  des  corps  mis  en  mouve- 
ment ,  que  la  force  du  cœured  prcfque  égale 
à  huit  onces;  &  quoique  cette  quantité  dif- 
fère q  uelque  peu  de  la  précédente ,  elle  n'eft 
4-ien  eu  égard  au  calcul  de  Borelli,  dont 
Terreur  ne  vient,  à  ce  que  prétend  le  doc- 
teur Keill,  que  de  ce  qu'il  n'a  mis  aucune 
différence  entre  le  fang  qui  eft  en  repos,  & 
celui  qui  éroit  déjà  en  mouvement.  Il  eft 
çeitain  que  la  force  du  caur  n'eft  point  I 


CO  E 

employée  à  donner  du  mouvement  au  fang 
qui  eft  en  repos ,  mais  feulement  à  l'entre- 
tenir dans  le  mouvement  qu'il  avoit  déjà  : 
de  favoir  maintenant  d'où  il  a  reçu  ce  pre- 
mier mouvement ,  c'eft  ce  qui  n'eft  pas  au 
pouvoir  de  l'homme  de  déterminer.  Il  eft 
facile  de  démontrer  que  le  caur  n'a  jamais 
pu  mettre  le  fang  en  mouvement ,  fuppofe 
que  la  réfiftance  de  ce  dernier  ait  toujours 
été  telle  qu'on  la  trouve  aujourd'hui.  Si  le 
fang  étoit  toujours  mu  en  avant  avec  le  mou- 
vement qu'il  a  d'abord  reçu.  Se  que  les  tu- 
niques des  vaiflèaux  ne  fiflent  aucune  réfif- 
tance ,  le  fang  qui  le  précède  ne  pourroit  le 
retarder ,  &:  fa  force  feroit  toujours  égale  à 
la  force  abfolue  du  moteur  ;  mais  comme  il 
trouve  de  la  réfiftance  de  la  part  des  tuniques 
des  vaifteaux  fanguins,  &  qu'il  eft  obligé 
d'employer  une  partie  de  la  force  qu'il  a 
reçue  pour  les  dilater,  fon  mouvement  eft 
continuellement  retardé ,  &  s'anéantiroit  à 
la  fin  fi  le  caur  ne  lui  en  communiquoit  un 
nouveau  ;  c'eft  pourquoi  la  force  du  caur 
doit  néceflàirement  être  égale  à  la  réfiftance 
que  le  fang  rencontre  lorsqu'il  fe  meut  :  fi 
elle  étoit  plus  grande,  la  vitefle  du  fang 
augmenteroit  continuellement;  &  elle  di- 
minueroit  fans  celle  fi  elle  étoit  moindre  ; 
d'où  il  fuit  que  fi  la  circulation  du  fang 
venoit  une  fois  à  cefler  ;  toute  la  force  du 
caur  feroit  incapable  de  le  mettre  de  nou- 
veau en  mouvement. 

Mais  c'eft  aflèz  nous  arrêter  au  fyftême 
du  doéteur  Keill.  Le  dodteur  Jurin  ne  le 
trouve  pas  exempt  de  défauts  ,  &  con- 
damne la  fuppofition  qu'il  fait ,  que  la  per- 
fanteur  qui  peut  donner  le  mouvement  à 
l'eau  qui  iort  d'un  vaiileau ,  eft  la  caule 
de  ce  même  mouvement  :  ce  dernier  auteur 
croit  que  Keill  a  mal  entendu  lé  corollaire 
de  M.  Newton,  &  il  prétend  que  l'eau  qui 
tombe  par  fa  propre  pefànteur  acquiert  fon 
mouvement  d'elle-même,  &  que  le  poids 
qui  tombe  en  même  temps ,  ne  reçoit  qu'un 
mouvement  égal  à  celui  qu'a  l'eau  hors  du 
vaiftèau.  Il  fait  encore  plufieurs  autres  ob- 
jections contre  ce  fyftême,  auxquelles  l'au- 
teur a  répondu  dans  lestranfaClionsphilofo-- 
phiques.  Son .  antagonifte  n'a  pas  demeuré 
lans  réplique;  Se  cette  difpute  n'en  fût  pas^ 
reftée  là ,  fi  la  mort  de  l'auteur  ne  Teùt.teriK- 
minée.. 


C  O  E 

Le  dodeuT  Jurin  n'a  pas  lailTé  que  de 
donner  un  autre  calcul,  fondé  fur  des 
principes  auxquels  il  n'y  a  rien  à  redire; 
mais  Ion  adverfaire  a  pris  de -là  occafion 
de  rentrer  en  lice  avec  lui. 

Il  confidere  un  des  ventricules  du  caur 
qui  pouflè  le  fang ,  comme  un  corps  donné 
qui  en  poude  un  autre  qui  eft  en  repos 
avec  une  vîtefle  donnée ,  &:  qui  après  lui 
avoir  communiqué  une  partie  de  Ton  mou- 
vement, marche  avec  lui  avec  une  viteflè 
commune.  Sur  ce  principe ,  la  quantité  de 
la  force  du  cœur  doit  être  égaie  au  pro- 
duit du  nombre  qui  défigne  le  poids  du 
ventricule ,  par  celui  qui  dé%ne  ia  vîtefle 
avant  qu'il  poulie  le  fang ,  ou  à  la  fomme 
du  mouvement  du  ventricule  &z  du  (ang 
qui  en  fort ,  &  de  celui  qu'il  communique 
aux  tuniques  des  artères  &  au  fang  qui  le 
précède. 

On  peut  démontrer,  i°.  que  le  mou- 
vement de  contraction  d'une  machine 
creufe  qui  (e  contrade  inégalement ,  eft 
égale  à  la  fomme  ou  nombre  qui  exprime 
les  différentes  particules  de  la  machine  , 
multiplié  par  celui  qui  marque  leurs  vîtefles 
refpecHves  ;  d'où  il  fuit  que  le  mouvement 
de  la  machine  eft  égal  au  nombre  qui 
défigne  la  quantité  de  fon  poids  par  quel- 
qu'autre  nombre  qui  indique  la  vitefle 
moyenne  entre  les  particules  qui  fe  meu- 
vent avec  le  plus  de  vitefle ,  ôc  celles  qui 
fe  meuvent  plus  lentement.  z°.  Quelor(que 
l-eau  comprimée  iort  par  l'orifice  d'une 
telle  machine.  Ion  mouvement  eft  égal  à 
la  {omme  de  chaque  lecVion  tranfveriale 
de  tous  les  filets- d'éau  mulapliés  par  leurs 
hauteurs  &  leurs  viteffes  reipeétives;  d'où 
il  fuit  que  le  mouvement  de  l'eau  eft  égal 
à  la  fomme  de  Peiu  qui  s'écoule  par  quel- 
que longueur  moyenne  entre  celle  du  plus 
long  filet  d'eau ,  &  celle  du  plus  court. 
Suppofé  donc  que  l'on  ait  pluiîeurs  ma- 
chines femblibles  pleines  d'eau ,  ôc  preflees 
de  même,  foit  également  ou  inégalement, 
lé  mouvement  de  l'eau  qui  fort  par  l'orifice 
d'une  d'elles ,  fera  en  railon  compofee  de 
là  raifon  quadruplée  de  tout  diamètre  ho  - 
mologue  de  la  machine  &c  de  li  raifon 
réciproque  du  temps  dans  lequel  la  con- 
araftion  fe  fait. 

Ces  grinciges  une  fois  pofésj  il  eftuaifé 


C  O  E  413. 

d'en  déduire  la  folution  du  problême ,  dans 
lequel  on  demande  de  trouver  la  force  du 
cœur  Car^  appellant  la  pefanteur  du  ven- 
tricule gauche,  ou  la  quantité  du  fang  qui 
lui  eft  égale,  p;  la  furtkce  interne  du  ven- 
tricule, s;  la  longueur  moyenne  des  filets 
du  (ang  qui  en  lortent,  /;  k  fedion  de 

1  aorte,  /;  la  quantité  de  fang  contenue 
dans  le  ventricule  gauche,  ^;  le  temps  que 
le  iang  met  a  lortir  du  cœur  égal  à  la  réiif 
tarice  des  artères,  &  du  fang  qui  le  pré- 
céder; la  viteffe  variable  avec  laquelle  le 
Iang  fortiroit  de  l'aorte ,  s'il  ne  trouvoit 
aucune  refiftance,  v;  la  longueur  variable 
de  1  aorte  que  le  fang  parcourt ,  x  -  ôc 
le  temps  pendant  lequel  cette  longueur  eft 
parcourue,  i;  la  vîteffe  variable  moyenne 
du  iang  contigu  au  ventricule ,  ou  la  vite/Te 
moyenne  du  ventricule  même  fera=  — 
le  mouvement  du  ventricule  =  p  x  —  • 
le  mouvement  du  fang  qui  en  fort==:^  vK 
l+x;  ôc  leur  fomme  ou  la  force  du  ventri- 
cule =  .  V  X  (  £-+  /  4.  ^y  j,j^-^  ^,  ^  ^. 

d'où  l'on  trouve  ,  par  la  méthode  inver'^e 
Q^^s  Huxions  que  la  force  du  ventricule  eft 

~~  T  ^  It  "^  T  "+"  0  ■  "^^s  puifque  ^=r?, 
^^=^,  il  s'enfuit  donc  que  la  force  du 
ventricule  =-fx(^4.i.+  /) ,  ^n  trouve 
de  la  même  manière ,  en  fe  fervant  de  lettres 
greques ,  au  lieu  de  lettres  italiques ,  la  force 
du  ventricule  droit  =:?x/^--4-X_l.,V 
de  lorte  que  ja  force  entière  du  cœur  eft 

^  Si  l'on  fuppofe  maintenant  que  p  foit  égal 
a  8  onces  ,^  &  -r  à  4,  5-  10  pouces  quarrés  ; 

2  —  la  même  quantité  ;  /=  2  ^  &  ^  =:;  j  . 
pouce;  q  =  x  onces;  j  =  o,  4185  pouces 
quarres  i  .^  ==  v^ ,  y  8  3  ;  &  r  =  i  "  :  bs  forces 
des  ventricules  feront  égales  aux  poids  ci- 
delious  ;.  fa  voir. 

Celle  du  ventricule  gauche.  .  .    cj*     i' 

Celle  du  droit ^    ^     . 

La  force  totale  du  cœur  .  .  .*  .  ij     4 
Ces  poids  ont  une  vîteffe  qui  leur  feroit. 

parcourir  un  powce  en  une  féconde.. 
Coll.  Il  fuit  de  là  que  lorfque  le  pouls; 

eft  plus  Vite,  qu'à  l'ordinaire-,  il  faut  qiii^ki 


414-  COE 

réfiftance  foie  moindre ,  ou  que  la  force  du 
fang  ait  augmenté ,  ou  qu'il  forte  une 
moindre  quantité  de  fang  à  chaque  con- 
traction du  cczur^  ôc  vice  verfâ.  Il  fuit 
encore ,  que  fi  la  réfiftance  augmente  ou 
diminue,  il  faut  que  le  pouls  ou  la  quan- 
tité de  fang  que  le  cœur  pouflè  à  chaque 
contraction ,  augmente  ou  diminue  ref- 
peCtivement  ;  &  que  lorfque  la  force  du 
cœur  augmente  ou  diminue,  le  pouls  doit 
être  plus  vite ,  ou  la  réiîftance  moins  grande. 
Fojf:^^  Pouls. 

Le  doéteur  Turin  entreprend  de  démon- 
trer par  ces  principes  les  théorèmes  luivans  : 

1°.  Que  le  mouvement  total  de  réfif- 
tance que  le  fang  rencontre  en  fortant  du 
cœur  dans  chaque  fyftole,  ou  le  mouve- 
ment qu'il  communique  au  fang  qui  le 
précède,  &  aux  tuniques  des  artères,  eft: 
à-peu-près  égal  à  la  force  totale  du  cœur. 

1°.  Que  le  mouvement  communiqué 
au  fang  qui  précède  celui  qui  fort  du  cœur 
dans  la  fyftole,  eft  au  mouvement  com- 
muniqué aux  tuniques  des  artères ,  comme 
le  temps  de  la  fyftole  eft  à  celui  de  la 
diaftole.  Suppofons  donc,  avec  M.  Keill, 
que  la  fyftole  s'achève  dans  le  tiers  de 
Tintervalle  qui  s'écoule  entre  deux  pouls, 
le  mouvement  communiqué  au  fang  qui 
devance  celui  qui  fort  du  cœur,  fera  le 
tiers  de  tout  le  mouvement  du  cœur;  de 


COE 

celui  qui  eft  communiqué  auK  artcre",  les 
deux  tiers  de  ce  même  mouvcmciit. 

5°.  Dans  les  différens  animaux ,  la  force 
du  cœur  eft  en  raifon  compofée  de  la 
raifon  quadruplée  du  diamètre  de  quelque 
vailîèau  homologue  que  ce  foit ,  &  de  la 
raifon  inverfe  du  temps  pendant  lequel 
le  cœur  fe  contracte  ,  ou  en  raifon  com- 
pofée de  la  raifon  de  la  pef^nteurdu  cœur 
ou  de  l'animal  entier,  de  la  raifon  fou- 
doublée  de  la  même  pefmreur ,  &  de  la 
raifon  réciproque  du  temps. 

Nous  allons  finir  cti  article  par  une 
table,  qui  contient  le  réfulcat  de  plufieurs 
expériences  que  M.  Halles  a  faites  fur  la 
v'tefie  du  fmg  dans  les  animaux,  &  fur 
d'autres  confidérations  de  la  même  nature. 
L'appareil  de  ces  expériences  eft  fimpîc. 
Il  faut  avoir  un  tuyau  de  cuivre  recourbé 
aflez  court ,  tSc  d'un  ^  de  pouce  de  dia- 
mètre ;  un  tuyau  de  verre  de  neuf  à  dix  pies 
de  longueur ,  6c  du  même  diamètre  que  ce- 
lui de  cuivre  i  un  troifieme  tuyau  de  cuivre 
qui  joigne  &  affermifle  enfemble  les  deux 
tubes  précéciens,  en  les  embraflant  :  quan4 
ils  font  adaptés  l'un  à  l'autre ,  on  commence 
par  lier  le  vaiflcau  deftiné  à  l'expérience  ; 
on  le  perce ,  on  infère  dans  l'incifion  le  petit 
tuyau  de  cuivre  recourbé;  on  achevé  le 
reftç  de  l'appareil  :  tous  ces  tuyaux  font 
gradués  par  des  divifions  très -petites». 


C  O  E  C  OE  4,5 

I  LaplusetandelLa  plusgraudt  Capacité  de«i    _  ,        ....  /r   j    r        j      lU 

É.  A  KTi»^  A  ,TV    T. :j.     k,L  /.  f„„„  K,..,  i,  r.„„     -Lr.;...i-.     Coupe  de     VitefTe  du  fang  dans.» 


ANIMAUX 


Homme. 


i^r  cheval. 


Bœuf. 


iMouron. 


Daim. 


I  "■  chien, 
-.e 


Leur  poids. 


Liv.      0:ic 


160 


Sis 

1600 

91 

haut,  du  fang 


10^ 


5^ 
18 

31 
43 


15 

57 
3^ 
^4 
578 


3; 

3^ 

.^3 


des) 

igulaircs 

Pifi. 

PoilC 

12 

52-  ' 

A- 

5_ 

haut,  du  diig 
d;s  carotidfî. 


Fi«. 


/'CUf. 


ventricules 
gauches 


7 
5 
SI 


5 

Si 

5 
5 
6 


14 

2.4 


9 

8 

14 


.i     _2 


3 


L^t.ibe  adapté 
.1  l'art,  crurale 
à  ces  2  ch  ens. 


S 

I 
6 
*> 

7 

1 1 

8 


Kn  fuçant  for 
En  fuçant. 

5         i 

7       II 

10 


Pc!U«i  cutiç 

I 

6s9 

3 

31S 

IZ 

y 

I 

8j 

9 

z 

Coup 
l'aorte 


1  fang 
l'aorte  par  minutes. 


I        171 

I        ^S 

I 

I       lyzl 
Lei  tubes  axés  à  Tartere  crurale. 

Il  étoit  très-vieux  {le  mourut  prompiement. 

Les  tubes  iîxét  latéralem.  à  la  carotide  gauche 

le    tuyau 


3S  ^^^î^^^^^^^^^s;gJSsi^Si--^^&'^^feï^s-^o^^^^I^^'^^^^^3^^^^^^^^^^^^^&5i€ 


:=^=;r=g^^^ 


ANIM-\UX. 


Homme. 


:heval. 


Bœuf. 


IMouron. 


chien. 


Il  palfe  une 
quantité  de 
lang  égale 
au  po  ds  d? 
l'aniraal. 


:  «-<'y!'~'— ^y->—  »-^>— ^«^ip»— — <3|7>~  — gip~  —^e>— •«^jp»— ■>--ff^>r — •gf»~  ^^ 


Minutes. 


36 
18 


(^O 


88 


10 


1 1 
6 

7 
6 


9 

48 

8 


Co!T:biendf 
fang  par  mi- 
nute pafl'e 
par  le  cœur 


Livres. 


57 
74 


M       75 


18 


14 


4    595 


34 
7 
3 

8; 


si.  A—  ^9._ 


Poids  fouce- 

nu  j)at  l'cf- jNo.T.bre  de 


foitdu  ven- 
tricule gau' 
che. 

Lignes. 


51 

5 

113 

zz 

3; 

J3 

33 

19 
II 


61 

8 
I 


P'.ilfations 
par  minute 


73 


36 


^S 


97 


Coupes  d; 
l'aorte  defccn 
dance. 


douces 

quar. 

. 

0 

<^77 

0 

91Z 

0 
0 

094 
383 

Coupes   de   l'aorte 
afcendante. 


Vi:uces  qu.irrés. 


O    369 
O      85 


106 

lOZ 

07 
061 
119 

i^y 
109 


Droite. 

O      07 

O 


Gauche. 
O     OIZ 
1^6 


O 
O 
O 

o 
o 
o 
o 


041 

C3I 

ozz 

015 

007 

o6i 

on 


o 
o 
o 
o 
o 
o 
o 


034 

009 
009 

007 

OJl 

031 
031 


tS ^=^  •  "r^TÎfs"  —  ratV— .7F^F^r-tj{&r— s^feg siTîjfei — ii-ife-^ ^^ii^i^mt I^iwi^iS5siTiit^-*iùj*«-i«aSt-^ST€ 


41  <  C  O  E 

On  voir  par  ces  tables ,  qukà  coînp?.rant 
les  poids  des  animaux  ,  &c  les  quantités 
correl  pondante  s  de  iang  qui  paCent  dans 
leurs  cœurs  dans  un  temps  donné,  on  n'en 
peut  rien  tirer  de  fixe. 

Que  ces  quantités  dans  les  grands  ani- 
maux font  fort  dii'proportionnées  à  leurs 
corps ,  en  comparaiion  de  ce  qu'elles  font 
dans  les  petits  animaux. 

Que  le  fang  ayant  dans  les  grands  ani- 
maux une  plus  grande  courfe  à  faire  & 
plus  de  réfiftaiice  à  vaincre ,  en  cornpa- 
rant  les  hauteurs  perpendiculaires  du  Iang 
dans  les  tubes  fixés  aux  artères ,  la  force 
du  fang  artériel  efl  particulièrement  plus 
grande  dans  les  animaux  les  plus  grands. 

Qu'en  fuppofant  les  vaifleaux  fanguins 
de  l'homme  ôc  du  cheval  diftribués  éga- 
lement dans  toutes  leurs  parties  homolo- 
gues, alors  le  fmg  fc  devroir  mouvoir  dans 
ces  animaux  avec  des  vîtefles  réciproques 
aux  temps  durant  Icfquels  des  quantités 
de  fang  égales  à  leurs  poids  relatifs  paflent 
dans  leur  cœury  &c  par  conléqucnt  dans  le 
rapport  de  60  à  1 8,  i y  minutes. 

Et  que  ,  quoique  le  fang  artériel  du  che- 
val foit  poulie  avec  une  plus  grande  force 
qi]e  celui  de  Phomme ,  cependant  il  fe  meut 
plus  lentement  dans  le  cheval ,  à  raifon 
du  plus  grand  iwmbre  de  ramifications  &: 
de  la  longueur  des  vaiiléaux  plus  grande 
dans  les  plus  grands  anim.aux,  ùc. 

Le  favant  phyficien  que  nous  citons,  a 
fait  les  mêmes  expériences  fur  les  vaiflTeaux 
des  mufcles  &c  fur  ceux  des  poumons.  V. 
d^ais  fon  ouvrage  le  détail  de  ces  expé- 
riences ,  des  expériences  précédentes ,  &  des 
induftions  qu'il  en  tire  fur  la  force  du  cœur. 

Une  des  principales  différences  entre 
l'homme  &:  les  bêtes ,  conf.fte  en  ce  qu'il 
y  a  beaucoup  plus  de  correfpondance  entre 
la  tête  &  le  cœur  de  l'homme  que  dans  les 
autres  animaux.  Or ,  cette  correfpondance 
cfl:  produite  par  le  grand  nombre  de  nerfs 
que  le  cerveau  envoie  au  coeur  &c  aux  par- 
ties circonvoiiînes  :  dans  les  bêtes,  il  ne 
vient  des  nerfs  du  cerveau  aux  parties  cir- 
convoifines  du  cœur  que  par  les  branches  de 
la  paire  vaguer  au  lieu  que  dans  l'homme 
il  en  vient  encore  par  la  paire  intercoftale. 

La  raifon  de  cette  différence  ,  félon  le 
«loueur  Willis,  c'efl  que  les  brutes  n'ayant 


C  O  E 

point  de  difcernerrent  &  peu  de  pafïîons, 
elles  n'ont  pas  befoin,  comme  1  homme, 
d'un  double  palïàge  pour  les  efpritsj  l'un 
pour  l'ufage  des  fonctions  vitales ,  l'autre 
pour  rimprefïîon  réciproque  des  afFedions, 
F'oye';^  Nerf,  Esprit,  Cerveau,  ôc. 

C(E.UR  (  MALADIES  DU  ).  On  ne  peut 
nen  ajouter  à  Pexaélitude  &  à  la  précifion 
avec  laquelle  M.  de  Sen?.c  a  expoicles  ma- 
ladies du  cœur,  dans  fon  favant  traité  fur  la 
ftrudure  de  cette  partie.  Nous  allons  donner 
un  extrait  de  fa  doébrine  fur  cette  matière. 

L'auteur  commence  par  faire  un  détail 
des  caufes  qui  augmentent  ou  qui  diminuent 
l'aétion  du  cœur  :  il  entre  à  cet  égard  dans 
des  examens  fort  importans,  3c  qu'il  eft  trcs- 
néceflaire  que  ceux  qui  fuivent  les  théories 
les  plus  répandues ,  &  qui  en  font  les  fonde- 
mens  de  leur  pratique ,  lilent  avec  attention. 
Nous  expoferons  l  aétion  générale  de  toutes 
ces  caufes  aux  articles  Epaississement  des 
HUMEURS,  Obstruction,  Pléthore, 
Spasme  ,  Irritation. 

M.  de  Senac  donne  enfuite  une  idée  gé- 
nérale àcs  maladies  propres  du  cœur,  pour 
conduire  à  un  détail  particulier  fur  chacune 
de  ces  maladies.  Les  mouvemens  du  Cœur, 
dit-il,  fi  ftruéxure,  la  délicateflè  de  fes 
oreillettes,  celle  des  valvules  artérielles  &c 
vemeufes ,  les  frottemens  du  cœur,  ôc  le 
nombre  Se  l'adlion  continuelle  de  fes  nerf^ , 
font  autant  de  caufes  apparentes  de  la  poffi- 
bihré  des  maladies  propres  du  cœur;  fans 
oublier  les  efforts  des  pafTions,  les  obftacles 
que  le  fang  peut  trouver  dans  le  poumon , 
l'aéVion  des  corps  externes ,  ôc  les  écoule- 
mens  des  matières  acres  dont  le  fang  lui- 
même  eft  fi  fouvent  chargé  :  mais ,  ajoute 
l'auteur,  la  nature  trompe  fcuvent  nos  craintes 
comme  nos  efpérances.  On  peut  dire  en  gé- 
néral que  les  maladies  du  cœur  font  rares. 

Mais  quelque  rares  qu'elles  foient,  elles 
ne  font  que  trop  firéquentes,  ne  fik-ce  que 
parce  qu'elles  font  difficiles  à  connoître.  En 
efifèt ,  il  n'eft  pas  aifé  de  donner,  dans  des 
recherches  fi  épincules,  des  règles  fixes  pour 
diflinguer  ces  maladies  d'avec  celles  qui  ont 
quelques  fymptomes  communs  avec  elles  j 
tels  font  les  mouvemens  irréguliers  des  nerfs, 
l'affcdlion  hypocojidriaque ,  l'aifeétion  hyf^ 
térique,  ôc  les  différentes  maladies  de  la  poi- 
trine qui  porterJ:finguliércment  fur  le  cœur^ 


COE 

&  qui  caufènt  des  palpitations  &  des  varia- 
tions dans  le  pouls  :  or  les  palpitations  Se  les 
changemens  du  pouls  font  les  premiers 
fîgnes  auxquels  on  doit  s'attacher  pour  s'o- 
rienter fur  les  maladies  du  coeur. 

Il  y  a  pourtant  des  indices  qui  peuvent 
feire  diftinguer  les  cas  où  ces  fympromes 
dépendent  eflentiellement  de  cet  organe  ; 
car  il  les  accidens  cefl'cnt  en  divers  temps , 
ou  dans  de  longs  intervalles;  fi  tous  les  raou- 
vemens  du  cceur  rentrent  enfuite  dans  l'or- 
dre naturel ,  on  peut  aflurer  qu'en  tous  ces 
cas  difFérens  les  maladies  ne  font  que  des 
maladies  fympathiques  ou  qui  n'appartien- 
nent pas  ,  à  proprement  parler  ,  au  coeur. 

Au  contraire ,  ii  le  pouls  eft  conftamment 
irrégulier  &  variable,  s'il  change  ainfi  que 
le  mouvement  du  caur  au  plus  léger  exer- 
cice ,  on  peut  prononcer  en  général  qu'il  y  a, 
quelque  vice  ou  quelque  obftacîe  dans  le 
coeur  ;  mais  ces  vices  ou  ces  obllacles  étant 
quelquefois  compliqués  avec  des  dérange- 
mens  à-peu-prcs  femblabîes  de  la  bafe  de 
l'aorte  ;  &  les  dérangcmens  de  Tartere ,  lorf- 
qu'ils  font  feuls,  étant  très-difficiles  à  dif- 
tinguer d'avec  ceux  du  coeur ,  ileft  fort  heu- 
reux que  le  danger  où  l'on  eft  de  fe  tromper 
dans  CCS  cas- là ,  ne  foit  pas  de  grande  coîv 
féquence. 

Telles  font  les  règles  néce(Taires  pour  ne 
pas  confondre  les  maladies  propres  du  coeur 
avec  les  maladies  fympathiques.  Il  n'eft  pas 
moins  eftèntiel  de  diftinguer  ces  maladies 
propres  les  unes  des  autres.  Premièrement, 
les  dilatations  des  divcrfcs  cavités  du  coeur 
peuvent  être  difcernées  par  les  figncs  fuivans; 
€n  général ,  les  battemens  du  caur  ne  font 
pas  violens ,  dit  M.  deSenac;quandle  ven- 
tricule droit  ou  le  fac  de  ce  ventricule  font 
extrêmement  dilatés,  à  peine  les  dilatations 
produifent-cllesdes  palpitations;  dans  beau- 
coup de  cas  les  malades  fentent  feulement 
un  grand  poids  dans  la  région  du  coeur  ,  ils 
font  lujets  à  des  fyncopes ,  à  des  érouife- 
mens ,  autre  figne  confiant,  lèlon  Lancifi : 
outre  cela  ,  les  dilatations  du  venrricule 
droit  &  de  (on  oreillette ,  produifent  tou- 
jours des  battemens  dans  les  veines  du  cou. 

L'abfence  de  ces  battemens ,  lor (qu'une 

dilatation  eft  d'ailleurs  fôupçonnée ,  indique 

que  cette  dilatation ,  fi  elle  exifte  ,  eft  dans 

le  ventricule  gauche.  Cette  dilatation  a 

Tomt  VIIL 


COE  417 

er.core  d'autres  fignes  ;  les  battetnens  des 
artères  font  très-violens  ,  fi  ces  artères  font 
libres  ;  c'eft  ce  que  M.  de  Senac  a  cbfervé 
dans  plufieurs  maladies  :  l'auteur  ne  parle 
pas  delà  dilatation  feule  de  l'oreillette  gau- 
che ;  elle  eft  rare ,  &  les  /ignés  diftindife  de 
cette  maladie  nous  manquent. 

Pour  ce  qui  eft  des  autres  vices  du  cœur  ^ 
tels  que  le  rerréciflèment ,  les  corps  étran- 
gers, les  tumeurs ,  les  oftilications  ,  il  faut 
n'en  former  qu'une  claflè  ,  &  les  réduire 
en  général  aux  obftacles  qui  s'oppofent  à 
l'entrée  ou  à  la  fortie  du  fang. 

Il  eft  des  principes  généraux  qui  doivent 
régler  la  cure  des  maladies  du  cœur  :  en  gé- 
néral ,  l'ignorance  crédule  peut  efpérer  de 
certains  luccès  qu'elle  ^n'a  jamais  vus  ;  & 
dans  les  dilatations  du  ctpz/r,  dans  les  oftîfi- 
cations ,  &  lorfqu'il  contient  des  polypes  qui 
réfiftent  à  tous  les  diflblvans ,  les  reflburces 
de  l'art  font  plutôt  entre  les  mains  des  ma- 
lades ,  que  dans  les  pharmacies. 

Il  faut  fe  borner  à  arrêter  les  progrès  de 
ces  maladies ,  à  modérer  leurs  accidens  ,  à 
prévenir  ou  à  éloigner  leurs  fuites ,  à  moins 
qu'on  ne  puifle  faifir  ces  maladies  dans  leur 
commencement ,  car  alors  il  y  en  auroit 
plufieurs  qui  peut-être  ne  réfifteroicnc  pas 
aux  remèdes. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  il  fiut  dans  la  cure 
palliative  que  nous  venons  de  propofer,  di- 
minuer le  volume  du  fang  par  les  faignées , 
à  laquelle  la  petitellè  du  pouls  ne  doit  pas 
empêcher  d'avoir  recours,  à  moins  qu'il  n'y 
eut  des  fyncopes  a(5tuelîes  :  l'exercice  ,  les 
efforts ,  les  mouvemens  violens  doivent  être 
interdits ,  parce  qu'ils  s'oppofent  même  aux 
bons  effets  des  faignées  ;  non  que  les  mouve- 
mens  doux ,  dans  des  voitures  ou  à  cheval  j 
ne  foient  des  remèdes  utiles ,  puifque  le  fang 
croupit  fur-tout  dans  le  bas-ventre  dans  la 
vie  fédentaire.  ^^ . . 

La  diète  ,  ôc  même  l'ufage  du  lait,  oit^' 
celui  des  alimens  doux  Se  faciles  à  digérer, 
font  auftî  utiles  que  les  faignées  ;  &  il  ne 
faut  pas  oublier  d'avoir  recours  aux  lave- 
mcns ,  aux  laxatifs  doux ,  &;  aux  eaux  mi- 
nérales ferrngineufes  ;  ainfi  qu'à  l'efprit  ano- 
din minéral  de  Hoffman ,  la  poudre  tempé- 
rante de  Stahl ,  l'eau  de  fleur  d'orange ,  de 
tilleul ,  &c. 

Telle  eft  l'idée  générale  que  l'on  peut  ren- 
GgS 


4i8  C  O  E 

dre  des  maladies  propres  du  cœur ,  riûvant 
M.  de  Senac.  On  trouvera  des  connoillan- 
ces  de  détail  fur  les  cas  particuliers ,  aux 
/Tjor^  PÉRICARDE,  PoLiPE,  Palpitation, 
Syncoi*£.  Voye-^^  ces  différens  articles. 

Outre  les  maladies  propres  du  cceur  dont 
nous  venons  de  parler  ,  cette  panie  eft  cx- 
poféc  à  des  maladies  générales ,  c'eft-à-dire 
qui  peuvent  attaquei^  toutes  les  diverfes par- 
ties du  corps.  Nous  obferverons  d'abord  en 
deux  mots ,  à  propos  de  Tes  bleflures,  qu'el- 
les ne  font  pas  toutes  &  toujours  mortelles 
Î)ar  elles-mêmes  j  leur  cours  eft  (buvent  au  (Ti 
ong  que  le  cours  des  bleilures  des  autres 
parties  ;  elles  fuppurent  quelquefois  ,  fur- 
tout  fi  elles  font  petites.  C'eft  ce  que  M.  de 
Senac  démontre  par  un  grand  nombre  d'au- 
torités» 

.  Il  y  a  des  plaies  ou  des  déchirures  d  u  c^eur- 
faites  par  l'effort  du  fing  ,>^u  qui  font  la 
fuite  des  contufions  du  cœur ,  qui  font  audi 
dangereufes  ,  quoique  plus  rares  ,  que  les 
plaies  par  caufc  externe  &:  récente. 

Quant  au  diagnoftic  des  plaies  du  Civur , 
la  place  fur  Laquelle  Tinflrument  perçant  a 
ponc,  la  profondeur  jufqu'à  laquelle  il  a  été 
enfoncé ,  peuvent  donner  des  loupçons  fur 
Texifteiice  des  plaies  du  cceur  •■,  mais  ces  (bup- 
çons  ne  pey  vent  erre  confirmés  que  par  des 
accidens  :  telles  font  les  défaillances ,  la  pe- 
riteil^è  & Pinégalitédu pouls,  les  fueurs  froi- 
des ,  les  anxiétés ,  la  douleur  vers  le  fternum. 
Pour  ce  qui  eft  de  la  fièvre ,  c'eft  un  acci- 
dent général  dans  les  blefl'ures  5  il  n'eft  pas 
douteux  qu'elle  ne  s'allume  lorfque  le  cceur 
eft  blsilc. 

Les  lavages  ,  les  faignées  lorsqu'il  n^y  a 
point  une  hémorrhagie  conf  dérable,  Peau 
de  Rabel  ou  i'efprit  de  fel ,  les  acides  végé- 
taux qui  ont  quelque  auftérité  ,  &  une 
diète  très-févere ,  font  les  feulsremcdes  aux- 
quels on  doive  avoir  recours  dans  les  plaies 
du  cceur  ;  obfervanr  qu'il  eft  important  de 
ne  pas  fermer  l'ouverture  extérieure  de  la 
plaie ,  &  qu'il  convient  même  quelquefois 
de  l'agrandir,  fuivantquelesaccidenspour- 
ront  iaire  foupconner  un  épanchcmcnt. 

Le  cœur  eft  fujet ,  comme  les  autres  par- 
ties du  corps ,  à  l'inflammation ,  aux  abcès , 
èi, aax ulcères.  Voye-; Inflammation, 
Abcès  ,  Ulcère.  Les  fièvres  violentes  font 
quelquefois  la  caufe  ou  l'effet  de  la  première 


CO  E 

de  ces  maladies.  Les  obfervations  înconteT^ 
tables  de  plufieurs  auteurs ,  dcmontrtnr  que 
le  cxur  c  ft  1  uj  et  à  des  abcès  &  à  des  ulct  tes  j 
la  douleur  ,  les  fyncopes  ,  les  palpitations , 
ne  doivent  donner  que  des  loupçons  au  fu- 
jet de  l'inflammation.  Pour  ce  qui  eft  àts 
fignes  des  abcès  &  des  ulcères  ,  ils  font  à- 
peu-près  les  mêmes  que  ceux  des  plaies. 

Mais  fi  la  nature  no<.is  permet  quelquefois 
d'appercevoirfesdémarches,  ellenouscache 
les  lecours  qui  pourroient  les  arrêter  ou  les 
corriger.  L'art  ne  peut  dans  les  inflamma- 
tions du  cœur ,  s'il  n'y  eft  pas  entièrement 
inuiile ,-  que  hâter  les  remèdes  que  deman- 
dent les  autres  inflammations.  Pour  ce  qui 
eft  des  abcès  &  des  ulcères  du  caur ,  les 
médecins  ne  peuvent  fe  conduire  dans  ces 
cas  que  par  l'analogie,  puiique  l'expérience 
ii'^a  nen  appris  là-deflus. 

Le  volume  du  cœur  peut  fe  reflerrer  ou 
s'étendre.  Le  cœur  fe  concentre  ;  on  l'a 
trouvéflétri,  defléché,  durci ,  5: pourainfi 
dire  skirrheux,  à  la  fuite  de  quelques  ma- 
ladies chroniques ,  &  même  dans  un  hom- 
me qui  périt  de  la  rage  :  s'il  en  faut  croire 
Pline  ,  les  rois  d'Egypte  avoient  obfervé  la 
phthilie  du  cœur.  La  concentration  du  caur 
ne  peut  être  appliquée  à  l'abfence  de  la  H-. 
queur  péricardine ,  félon  M.  de  Senac. 

Le  cœur  peur  fe  dilater  beaucoup ,  tant  à 
la  fuite  des  pleuréfies  &:  des  fièvres  violen- 
tes,  que  par  les  efforts  du  fang  caufés  par 
des  mouvemens  violens  ,  ou  par  les  paf- 
fions ,  par  la  pré'ence  des  polypes ,  les  ané- 
vryfmes  des  groffes  artères.  Il  n'arrive  pas 
toujours  que  les  parois  du  cœur  qui  fe  dilate, 
s'épailliflcnt;  cette  dilatation  apparticntaufïî 
fouvent ,  au  moins ,  aux  oreillettes  qu'aux 
ventricules  :  elle  a  des  fignes  fort  équivo- 
ques ,  elle  eft  quelquefois  mortelle  ;  &  tous 
les  remèdes  auxquels  on  puifle  avoir  re- 
cours ,  font  la  faignée  ,  la  diète  &  les  caï- 
mans. On  ne  connoît  aucun  remède  pour  le 
retréciflement  ou  la  diminution  du  cœur  , 
dont  les  fîgnes  foilt  aufli  fort  obfcurs. 

Quelque  bornées  que  (oient  nos  coiinoif^ 
(ances  à  Pégard  des  maladies  du  cœur  dont 
nous  venons  de  parler,  il  en  eft  d'autres 
qu'on  nefauroitmême  fe  flatter  de  conno;trc 
par  aucun  ligne  -,  tels  font  les  cœurs  velus , 
&  ceux  dans  lefquels  il  fe  forme  des  couches 
d'une  matière  qui  fe  condenfe ,  ôc  qui  n  eft 


G  O  E 

autre  chofe  que  la  lymphe.  On  a  aufli  trouvé 
dans  le  cœur  ,  des  pierres ,  &  fouvent  des 
concrétions ofîculès aux  artères,  aux  valvu- 
les &c  aux  parois  ;  on  y  a  trouvé  des  vers  , 
quelques  obfervateurs  le  prétendent  au 
moins  :  mais  M.  de  Senac  ne  reçoit  pas  de 
telles  oblervations  (ans  (ôupçons  ;  &  il  faut 
porter  le  même  jugement  des  poux ,  qu'on 
dit  avoir  trouvés  dans  le  cœur  y  &c  peut-être 
de  (on  hydropifie  venteufe.  Enfin  le  cœur 
change  quelquefois  de  place,  &c. 

Telle  ejl ,  dit  M.  de  Senac  ,  Vhijîoire  des 
faits  répandus  dans  divers  ouvrages  :  fi  on  ne 
fe  propofoit  que  la  guérifon  des  maladies  aux- 
quelles ce  vifc  reejifujcty  on  pourrait  négliger 
ces  obfervations  ;  mais  on  ne  conçoit  ce  qui  ejl 
fournis  à  la  médecine ,  qu^en  connoijfanz  ce  qui 
lui  réfijîe  ;  on  ne  peut  dijlinguer  les  maux  fi 
on  les  ignore. 

Quelque  bon  que  foit  l'article  qu*on  vient  de 
lire  y  M.  le  baron  de  Haller  a  cru  devoir  faire 
des  additions  a  la  partie  anatomique  ù  à  la 
partie  phyfiologique. 

Tous  les  animaux  doués  de  vai(Tèaux  des 
deux  ei'peces ,  ont  un  cœur ,  une  cavité  muf- 
culaire  dans  laquelle  les  veines  répandent 
leur  fang  ,  &  qui  poudè  ce  (ang  dans  les 
artères.  Il  n'eft  pas  décidé  que  les  autres 
animaux  aient  un  cœur  :  on  trouve  dans  la 
chenille  ,  la  mouche ,  le  fcarabée ,  &  dans 
la  plus  grande  partie  des  infedies,  un  vailïèau 
cylindrique,  mais  que  des  brides  relïerrenr 
d^'ePpace  en  efpace  :  le  fang  fe  porte  dans  ce 
vaiflèau  de  la  queue  à  la  tête  dans  la  chryfa- 
lide,  &  de  la  tête  à  laqueue  dans  le  papillon. 
Mais  comme  les  animaux  expofésau  micro f- 
cope  &  à  l'induftrie  de  M.  Lyonnet ,  n'ont 
j)oint  paru  avoir  des  vaifleaux ,  &  que  bien 
.  lùrement  il  n'en  (brt  pas  de  ce  cœur  ;  il  ne 
paroît pas  mériter  unnom  que  nous  (bmmes 
accoutumés  de  donner  uniquement  à  l'or- 
gane moteur  des  humeurs  animales.  Pour  le 
polype  ,  &  plu(îeurs  autres  animaux  de  la 
clalTe  marine,  même confidérablement plus 
grands  que  les  petits  poiflbns ,  comme  Pho- 
lothurium ,  il  paroit  allez  décidé  qu'ils  n'ont 
rien  d'analogue  au  cœur.  Le  cœur  n'eft  donc 
pas  le  caractère  diftinftif  de  l'animal  \  c'eft 
l'inteftin  quiconftitue  l'cdènce  de  cette  cladè 
d'êtres  vivans. 

La  (îtuation  du  cœur  de  l'homme  diffère 
de  celle  du.  cœur  de  tous  les  quadrupèdes  : 


C  O  E  419 

&  cette  différence  tient  cxadcment  à  fa  dé- 
marche droite.  La  pointe  du  caur  touche  le 
cartilage  de  la  cinquième  cote  à  gauche ,  ou 
la  fixieme  aux  confins  de  fa  partie  oflèufc  5c 
du  cartilage.  Il  change  de  place  avec  la  refpi- 
ration  ;  il  defcend  confidérablement  avec  le 
diaphragme  dans  l'infpiration  ,  &  s'élève 
dans  Icxpiration.  C'eft  en  vain  qu'on  a  cru 
que  ce  déplacement  n'avoit  pas  lieu  ,  il  cft 
évident  dans  les  animaux  j  on  a  vu  le  cœur 
varier  &  porter  fa  pointe  à  droite  ;  nous 
avons  vu  le  cœur  remplir  prcfque  toute  la 
poitrine  :  &  il  eft  arrivé  que  des  enfans  l'ont 
apporté  au  monde  entièrement  à  découvert , 
fuipendu  devant  la  poitrine  comme  une  mé- 
daille. 

Il  eft  à  obferver  que  l'oreillette  droite  ne 
diffère  du  finus ,  que  comme  une  partie 
peur  différer  d'une  autre  partie  du  même 
tout.  La  partie  de  ce  vcftibule  du  cœur  ,  la 
plus  à  droite  &  la  plus  poftérieure ,  eftiHÂTei 
le  reftc  eft  travcrfé  comme  le  cœur  de  ban- 
des mufculaires  ;  c'eft  ce  qui  fait  la  diver- 
iîté  du  finus  &;  de  l'oreillette.  Cette  obfèr- 
vation  eft  néceftaire  ,  pour  qu'on  n'ajoute 
pas  aux  époques  du  mouvement  du  fang 
une  époque  luperflue.  Le  fang  ,  dit-on  , 
vient  des  veines  dans  le  finus,  du  finus  dans 
l'oreillette ,  de  celle-ci  dans  le  ventricule  : 
mais  dans  le  fait  il  vient  des  veines ,  &  dans 
le  finus  ,  &  dans  l'oreillette  en  même 
temps  i  ^c  du  finus  &  de  l'oreillette ,  en 
même  temps  dans  le  ventricule. 

On  n'eft  pas  d'accord  fur  la  capacité  des 
ventriculesdu  cœ^/r.  Voilàce  que  l'expérience 
nous  a  appris  :  le  ventricule  droit  cft  très-^ 
petit  dans  le  commencement  du  fœtus  ;  fa 
formation  eft  poftérieure  à  celle  du  ventri- 
cule gauche  ;  il  égale  ce  ventricule  vers  la -fin 
de  la  groftcffe.  Après  que  les  canaux  particu- 
liers du  fœtus  ont  été  fermés ,  le  ventricule 
droit  cède  peu  à  peu  au  fang  des  veines  ca- 
ves -,  il  devient  plus  mince  &  plus  grand  j  & 
nous  l'avons  vu  conftamment  plus  ample 
dans  l'adulte.  Peut-être  la  rffiftance  du  pou- 
mon y  contribue-t -elle  :  dans  l'homme 
adulteplufieurscaufès,  les  travaux  de  toute 
efpece ,  les  efforts ,  le  mouvement  même  de 
la  promenade  ,  &:  fur-tout  la  montée  rend 
le  paffage  du  (ang  par  le  poumon  plus  diffi- 
cile, &  le  fang  arrêté  dans  le  ventricule  & 
dans  l'oreillette  droite,  dilate  ces  cavités.  Il 
-      Cggi 


41C  C  O  E 

cfft  affez  diSîi^  S'sfîigner  iapropoTtion  pré- 
cifed'on  vcHtricoh:  à  i'airrre  ;  mais  elle  eft 
bien  de  cin^  à  Trois. 

ïit'ft  "s'fc  comiQ  deTfos'jotrrs ,  qne  les 
vaiviilés  Yeineafcs^cles'veiïtricales  ne  loiir  en 
effet  qu'un  anne^fu  îriCrKbrnneux ,  dont  les 
extrémités  -fioTtanres  font  aicernativement 
p'ius  ioïiga«s  &  plus  courtes.  Ce  n'eft  qu^à 
Paide  deTimagination  qu*on  a  fait  trois  val- 
vules ,  &  qu'on  lesâ  appeil<:es  à  trois  pointes. 
La  pointe  de  ces  valvules  eft  rrès-obtufe ,  & 
elles  font  inégales.  La  portion  antérieure  & 
fupérieare  del'anneau  valv  ulus ,  eft  de  beau- 
coup hplus  grande:  c'eft  elle  qui  fépare  1  em- 
bralure  du  Teittricule  ,-qui  mené  à  l'artère 
pulmonaire  de  l'embrauire  qui  reçoit  lo- 
reillette.  Elle  ne  fert  pas  uniquement  à  em- 
pc!cher  le  retour  du  fàng  veineux  qui  vou- 
droirre^uer du  venrriculeal'oreiliette  :  elle 
ùouvre  l'entrée  de  l'arcere pulmonaire ,  lorf- 
qu-'elle  a  été  épanouie  par  le  iang  de  l^oreil- 
lette,  6w  elle  enferme  le. paflage  dans  la  dila- 
tation du  cciur.  Dans  le  ventricule  gauche , 
la  plus  grande  àcs  deux  valvules  fait  la 
Tnéme  fon(5tionpar  rapport  à  l'aorte. 

La  fecoadc  valvule  du  ventricule  droit 
eft  beaucoup  plus  étroite  ;  elle  occupe  le 
tranchant  du  c^ur.  La  troifieme  répond  à 
la  clqifon  mitoyenne  ;  elle  eft  fou  vent  fans 
mufcle  papillairc. 

Les  quatre  tendons  des  orifices  du  cœur 
ne  reffemblent  à  des  tendons  que  par  leur  j 
couleur  bleuâtre  •■,  ce  ne  font  que  des  cellu-  ; 
'lofîtéscalleufes. 

Les  deux  grandes  arteïes  fofit  efffeftive- 
menrunîpeu  plus  amples ,  àrendroit  où  elles 
viennent  d'être  entièrement  dégagées  des, 
chairs  du  cœur.  ^J(h]ex.  cependant  n'eft  .pas 
'confîdérable  ,  &  paroît  dépendre  de  l'im- 
■pulfion  obliqué  du  fang  ;  car  ces  .finus , 
•comme  on  a  bien  voiflu  fesappeïler ,  ii^exîf- 
\ent  ni  danslefeus ,  ni  dans  le  nouveau 'rié. 

Lesner  fs  ^Mcœur  ibnt^ex  t^e  memenrnom- 
lîî'eux  :  prerque  tous 'font  d'une  mdlléffè  "5c 
'd'une  rougeur  particulière ,  &  à  leur  origi- 
ne ,  '&:  à  leur  paflàge  autouT  des  grandes 
aïteresdu  cizur  ,  &  daïls  lé  iocur  tdtmiz. 
'Nous tenterons  d'en  donner  une  defcrip- 
tion  qui  ék  vraie ,  mais  qui  peut-êitfc  ïi'cft 
pas  complétte  encore. 

Le -nerf  Tupétieur  du  cteur  naît  'au  'côté 
droit  du  gr^nd^anglioncervicâ  ftïpéristfr , 


COE 

dans  lequel  fe  réunit  le  nerf  intcrcoftal  , 
né  de  la  branche  ptérygoïdienne  de  la  cin- 
quième paire  &  de  la'fmeme ,  avec  laquelle 
le  premier ,  le  fécond  &  le  rrorfeeme  cervi- 
cal ;,  le  neuvième  &  le  huitième  du  cerveau 
fe  réunifient.  Le  nerf  que  ce  ganglion  pro- 
duit, fe  joint  à  d'autresbrancheslinguliérc- 
mcnt  molles  du  même  ganglion  mêlées  avec 
desbranchesdu  tronc  pharyngien  &  du  tronc 
laryngien,  de  la  huitième  paire  Le  nerf  fu- 
périeur  du  cœur  formé  de  cette  manière ,  & 
quelquefois,  mais  moins  fouvent ,  par  d'au- 
tres branches ,  defccnd  le  long  de  la  grande 
thyroïdienne ,  donne  plulieurs  branches  aux 
mufcles  inférieurs  du  pharynx  &  du  larynx  ; 
il  communique  avec  le  nerf  récurrent  ;  il 
reçoit  quelques  filets  du  ganglion  cervical 
moyen  ,  pkcé  fur  le  mufcle  droit  antérieur 
de  la  tête  ,  &C  formé  par  Pintercoftal ,  le 
phrénique  &:  quelques  nerfs  cervicaux  ;  il 
fait  avec  ces  filets  un  plexus ,  onié  quelque- 
fois d'un  ganglion  -,  les 'branches  de  ce  ple- 
xus paflènt  devant  l'aorte ,  donnent  des  hlets 
au  grand  nerf  cardiaque  ,  &  fe  terminent 
avec  les  branches  de  l'artère  coronaire  droi- 
te ,  après  avoir  reçu  des  filets  de  la  huitième 
paire. 

D'autres  branches  du  ganglion  ccrvicîil 
moyen  s'uniflent  avec  des  filets  conildérables 
du  ganglion  cervical  inférieur,  gros  ganglion 
partagé  prcfque  toujours  en  deux  ,  &  qui 
avec  les  propres  filets  embrafte l'artère  fous- 
claviere  droite  ,  en  formant  plufieurs  anfes 
autour  d'elle.  L^es  nerfs  cardiaques  moyens 
provenus  de  ces  deux  ganglions  ,  paflènt 
entre  l'artère  pulmonaitc  droite  &  Taorte  , 
&:  fe  ponent  à  l'oreillette  droite  &  au  cœur 
avec  l'arterc  coronaire  droite. 

Des  branches  de  ce  tronc  (è  portent  devant 
la  branche  gauche  de  la  trachée-artere  :  ils 
forment  le  plexus  cardiaque  avec  leurs  pa- 
reils du  côté  gauche.  De  ces  nerfs ,  les  uns 
fuivertt  l'artère  coronaire  &lefinus  gauche  j 
d'autres ,  plus  profondsencore ,  vont  au  fi- 
nus  gaudie ,  à  k'veine-cave  ,  &  à  la  face 
plane  àn^cœtsr. 

Latroifieme  claflê  dèsnei'fs  du  cceur ,  naît 
du  ganglion  cervical  inférieur  &  du  troncjn- 
lercdftal.  ïl  en  pïn  quelques  filets  qui ,  s'u- 
niflant  avec  des  branches  du  récurrent  &:  du 
huitième  ,  vont  au  poumon  jmais  le  plus 
■grand nombre  fe  'pune  au  biont^he  droit. 


CO  E 

s'unit  avec  les  nerfs  moyens  an  cceur ,  fait 
un  plexus  à  la  droite  du  coHduit  artériel ,  & 
finit  au  cixur  ,  comme  nous  venons  de  le 
dire  en  parlant  des  nerfs  moyens  5  nous  ap- 
pellerons ces  nerfs  inférieurs. 

Du  coté  gauche  ,  le  nerf  fupérieur  du 
cœur  a  la  même  origine  que  nous  avons  dé- 
crite en  parlant 'du  cote  droit.  Les  branches 
de  cenerf  fuivent  l'artère  coronaire  gauche , 
à  la  droite  (  où  ils  fè  mêlent  avec  leurs  pareils 
du  coté  droit  )  &  à  la  cloifon  mitoyenne. 
D'autres  filets fe  réunilîcntau  plexuscardia- 
que  placé  devant  le  bronche. 

Les  nerfs  moyens ,  nés  des  trois  ganglions 
cervicaux ,  compofent  le  grand  plexus  car- 
diaque ,  placé  devant  la  brandie  gauche  de 
la  trachée. De  ceplcxus,  une  partie  des  bran- 
ches paflè  devant  l'artcre  pulmonaire  & 
derrière  elle ,  &:  fe  rend  au  cœur  avecTar- 
tere  coronaire  droite  &  au  ventricule  de  ce 
côté  j  d'autres  paflent  derrière  l'aorte  ,s'u- 
niflent  avec  des  branches  ducôté  droit  <k  fe 
partagent.  Quelques  filets  vont  à  l'artère 
coronaire  droite,  d'autres  à  la  gauche.,  & 
ceux-ci  fuiventla  branche  antérieure  de  cette 
artère ,  &  fe  rendent  à  la  face  fupérieure  ^du 
cœur  ;  d'autres  fuiventla  branche  poftérieure 
de  cette  même  artère  ,  &  fe  diftribuent  à  la 
face  plane  du  cceur  &  à  l'oreillette  gauche , 
dont  ils  fuivent  la  racine.  D'autres  filets  en- 
core vont  au  poumon  gauche;  d'autres  filets, 
différens  de  ceux  que  nous  avons  décrits ,  & 
plus  poftérieuis ,  vont  avec  l'artère  gauche 
au  ventricule  de  ce  côté.  Les  plus  poftérieurs 
<ic  tous  paflènt  derrière  l'artère  pulmonaire , 
&  vont  au  finus  gauche  &  à  la  face  plane 
du  cœur ,  où  ils  fe  mêlent  avec  quelques 
branches  du  nerf  fupéricur ,  &  avec  quel- 
ques filets  du  récurrent. 

Le  nerf  gauche  de  la.huitiemepaire  donne 
<3es  filets  au  plexus  cardiaque ,  aux  nerfs  fu- 
perficicls  du  cœur ,  nés  du  nerf  fupérieur , 
&  d'autres  aux  nerfs  les  plus  profonds ,  qui 
/c  rendent  au  'finus  gauche. 

Les  deux  artères  coro«aircs  maiflent  de 
Paorte  au  delà  de  fcs  valvules ,  &  mêmeau 
delà  d'un  cercle  calleux  de  cette  grande  ar- 
tère ,  qui  pafie  par  l'extrémité  la  plus  fupé- 
licure  des  valvules.  Elles  ne  peuvent  donc 
p;7s  être  couvertes  par  les  valvules  ;&  elles 
Ttçoivçnt  le  fang  de  l'aorte  dans  le  même 
«Dwracnt  quç  les  aucres  oriercs  du  corps  hu- 


C  O  E  421 

main.  Nous  avons  vu  bien  des  fois  le  .jet  de 
fang  d'une  artère  coronaire  blelïee  ,. s'élever 
plus  haut  pendant  la  contraction  du  cœur  ^ 
ôc  s'abaifler  dans  fa  dilatation.  L'opinion 
contraire  eft  née  de  l'idée  erronée  que  les 
artères  coronaires  fortent  des  finus  des  val- 
vules de  l'aorte,  &  queces  valvules  éten- 
dues par  l'onde  de  fang  qui  fort  du  cœur , 
couvrent  nécefîairemcnt  ces  arr-eres. 

Une  autre  erreur  dans  la  defcription  de 
ces  ancres ,  c'efl  la  couronne  que  l'on  leur 
attribue  ,  en  fuppofant  que  l'arcere  droite 
atteint  la  gauche ,  &c  s'y  infère  directement 
par  fon  tronc.  Cette  fîructure  doit  avoir 
exiflé ,  puifque  Ruy  fch  l'afait  defïiner  ;  mais 
nous  ne  l'avons  jamais  vue  dans  de  nom- 
breufes  recherches. 

Les  troncs  de  veines  coronaires  ne  fuivent 
pas  les  artères.  La  principale  s'ouvre  au  côté 
gauche  du  trou  ovale  :  elle  a  dans  Ton  em- 
bouchure une  valvule  confidérable  :  elle  en 
a  même  quelquefois  plufieurs  ;  elle  accom- 
pagne à-peu-près  la  branche  antérieure  de 
l'artère  coronaire  gauche. 

La  vcinemoyenne ,  branche  principale  de 
ce  tronc ,  fuit  dans  toute  fa  longueur  la  cloi- 
fon mitoyennedes  ventricules.,  dans  la  face 
plate  du  cœur.  La  veine-du  finus  droit  s'ou- 
vre ,  ou  dans  l'embouchure  delà  :grande  co- 
ronaire ,  ou  bien  dans  la  veine  moyenne. 
£lle  fuit  la  racine  du  finus  droit ,  &  vient 
juiqu'au  tranchant  du  cipz/r. 

•hQS  veines  innominées  toccupent  la  face 
.antérieure  &  laparrie  inférieure  du  ventricule 
droit.  Il  yen  a  trois  ou  quatre  qui  s'ouvrent 
dans  la  racine  de  l'oreillette  droite.  La  plus 
grande  efl  la  plus  voifine  du  tranchant  du 
cœur. 

Plufieurs  petites  veines  s'ouvrent  dans  le 
finus  droit  :  il  y  en  a  une  qui  fait  avec  d'au- 
tres veines  un  cercle  parfait  autour  du  cœur: 
il  y  a  aufïi  des  veines  dont  l'ouverture  efl 
dans  le  finus  gauche.  Il  y  a  plus ,  les  deux 
ventricules  &  les  deux  oreillettes  font  pleines 
de  petites  embouchures  veineufes ,  par  lef- 
•quelles  on  peut  faire  fuinter  le  mercure  ou 
l'eau  colorée.  Se  même  l'air.  Ces  petites 
veines  Teçoivent  ces  liqueurs ,  quand  onies 
injede  dansles  artères;  &  plus  aifément  en- 
core ,  quand  onfe  fert  des  veines poury  faire 
parvenir  la  liqueur. 

Le  mouvement  du  c^eur  «ft  ude  la  plus 


411  C  O  E 

grande  Importance  dans  le  corps  animal. 
C  eu  le  véritable  moteur  des  humeurs,  & 
l'auteur  de  la  vie. 

Ce  mouvement  commence  par  la  veine 
cave  :  elle  ie  contradte  avec  force  dans  les 
animaux  à  fang  froid,  &  elle  pouflèle  fang 
dont  elle  eft  remplie ,  dans  Toreillctte  uni- 
que. Dans  l'animal  mourant ,  une  partie  de 
ce  fang  eft  rcpoufléc  dans  les  veines  jugu- 
laires ,  ou  dans  la  veine  cave  abdominale. 

De  la  veine  cave  le  fang  eft  reçu  dans  l'o- 
reillette i  il  la  dilate ,  la  gonfle ,  &  redreflè 
tous  les  petits  lobes  qui  la  terminent  à  la  ma- 
nière d'une  crête  de  coq.  Bientôt  après  l'o- 
reillette (e  met  en  contradion  ;  elle  devient 
en  même  temps  plus  courte  &  plus  étroite  ; 
ellepâlit ,  ôc  fbn  fang  paftèdatîs  le  ventricule 
droit.  Une  partie  eftrepouflëe  dans  la  veine 
cave  ,  dans  l'animal  mourant  &c  aftoibli. 

Le  ventricule  ,  après  avoir  été  dilaté  par 
le  iàng  de  l'oreillette ,  le  contra6te  :  ilfe  rac- 
courcit dans  tous  les  animaux  ;  de  fi  quelques 
anatomiftes  ont  cru  voir  qu'il  s'alonge ,  ils 
ont  écrit  d'après  une  observation  imparfaite; 
il  devient  plus  court  dans  les  anguilles  mê- 
mes. La  iituation  particulière  de  l'oreillette 
peut  en  impofer  :  il  a  pu  fùire  croire  que  le 
caur  s'alonge  ;  mais  il  eft  fur  qu'il  devient 
plus  court.  La  pointe  fc  courbe  pour  fc  rap- 
procher de  la  bafe  ;  8>c  celle-ci  fait  quelque 
chemin  pour  '"e  rapprocher  de  la  pointe.  En 
même  temps  !es  parois  extérieures  du  ven- 
tricule fe  rapprochent  de  la  clcifon  :  il  fe  ré- 
trécit donc  dans  toutes  fes  dimeniîons ,  &  il 
poulîè  fon  (àng  dans  l'artère  pulmonaire. 

Les  quatre  veines  pulmonaires  battent 
dans  le  même  moment  que  les  deux  caves  ; 
elles  rempliflent  le  (înus  &  l'oreillette  gau- 
che ,  qui  Ce  contractent  à  leur  tour  pareille- 
ment dans  le  même  temps  que  l'oreillette 
droite  j  &  le  ventricule  gauche  fè  contradte 
au  même  moment  que  celui  du  coré  droit. 

Dans  un  animal  vigoureux  dont  le  cceur 
eft  alTez  tranfparent  pour  laifler  diftinguer 
fonde  de  fang  dont  il  eft  rempli ,  dans  lé 
poulet  enfermé  dans  l'œuf,  &  dans  la  gre- 
nouille ,  la  veine  cave ,  l'oreillette  &  le  ven- 
tricule fe  défempliflent  entièrement ,  &  de- 
viennent blancs  dans  leur  fyftole.  Dans  l'a- 
nimal à  {âng  chaud ,  le  cceur  ne  fe  vuide  pas 
avec  la  même  perfection  :  comme  leur  fang 
eft  viiqueox ,  îesobftacles  que  lui  oppofe  le 


C  o  E 

'  poumon ,  &  le  froid  qui  le  faifit ,  le  privent 
de  fa  fluidité ,  ôc  très-fouvent  il  refte  dans 
les  ventricules, un  peu  de  fang  caillé. 

La  diaftole  de  la  veine ,  de  l'oreillette  Sc 
du  ventricule  ,  fuit  l'évacuation  de  ces  cavi- 
tés. Dans  cet  état ,  toutes  ces  parties  fe  relâ- 
chent ,  &  le  moment  après  font  remplies  de 
nouveau  par  le  f  tng  que  leur  fourniflènt  les 
branches  des  veines ,  la  veine  cave  &  l'oreil- 
lette. 

Cette  alternative  de  contraction  &  de  dé- 
tention fuit  un  ordre  conftant  dans  ces  trois 
cavités.  Dans  le  premier  moment  la  veine 
cave  &  la  veine  pulmonaire  le  vuident  en 
même  temps  dans  chaque  oreillette.  Le  mo- 
ment enfuite  ,  les  deux  oreillettes  fe  contrac- 
tent &c  (è  vuident.  La  contraction  du  ventri- 
cule tombe  dans  le  même  moment ,  dans  le- 
quel les  veines  cave  &  pulmonaire  fe  contrac- 
tent, Sc  la  contraction  des  oreillettes  tombe 
dans  le  moment  où  les  veines  fe  rempUlIent. 

Cet  ordre  s'obferve  très-exaCtement  dans 
l'animal  bien  conftitué  ;  dans  le  poulet  en- 
fermé dans  l'œuf.  Dans  les  quadrupèdes  à 
fang  froid ,  le  ipcCtacle  eft  plus  net ,  parce 
qu'il  n'y  a  qu'une  veine ,  une  oreillette  ôc  un 
ventricule  ,  ôc  que  toutes  cescavités  ont  des 
membranes  tranlparentes.  Dans  les  animaux 
à  (àng  chaud ,  on  a  fbuvent  plus  de  peine  à 
découvrir  cet  ordre.  C'eft  cependant  lui  quî 
règne  ,  tant  que  le  mouvement  du  cûeur  eft 
dans  fon  ordre  naturel. 

Les  approches  de  la  mort  troublent  cet  or- 
dre de  plulîeurs  manières.  L'oreillette  droite 
reçoit  le  fang  de  toutes  les  parties  du  corps  , 
que  lereflèrrement  univerlel  des  vaifleaux  , 
caufé  par  le  froid  ,  effet  de  la  mort ,  renvoie 
dans  les  parties  intérieures ,  où  la  chj»leur  fe 
confèrve  plus  long-temps.  C'eft  donc  l'o- 
reillette droite  qui  eft  irritée ,  même  après 
la  mort;  aulïi  eft-cc  la  veine  cave  &  cette 
orcilletue  qui  confcrvent  le  plus  long-temps 
le  mouvement  dans  l'anim  d  prêta  mourir. 
Mais  comme  l'oreillette  eft  irritée  par  chaque 
ondée  de  fang ,  &  qu'elle  a  de  la  peine  à  fe 
vuider  dans  le  ventricule  du  cjeur  afFai(ïc  , 
qui  n'eft  plus  en  état  de  fe  défemplir  dans  le 
poumon  ,  devenu  incapable  de  tranfmettrê 
le  fàng  de  fes  artères  à  fes  veines ,  cette  oreil- 
lette bat  pluficurs  fois  avant  qu'elle  puiiïc 
pouflcr  dans  fon  ventricule  une  quantité  de 
làng  fufEfaitte  pour  y  exciter  une  fyftole. 


C  O  E 

Une  feule  contradion  du  ventricule  droit 
fuccede  par  conséquent  à  plu  (leurs  contrac- 
tions de  roreillette.  Pour  l'oreillette  gauche 
&  Ton  ventricule  ,  leur  mouvement  cefl'c 
avant  celui  des  cavités  droites  du  ccBz/r  Jparce 
que  le  peu  mon  affailîe  ne  tranfmct  plus  de 
làng  ,  &  n^'en  pouflè  plus  dans  Toreillette 
gauche.  DanS  l'ordre  naturel ,  la  veine  cave 
conlerve  donc  le  plus  conftamment  le  mou- 
vement ,  enfuite  l'oreillette  droite ,  puis  le 
ventricule,  &  le  mouvement  des  cavités 
gauches  ceflc  le  premier. 

Dans  les  derniers  momcns  de  la  vie ,  la 
confuiion  Ce  met  dans  le  mouvement  du 
tœur.  On  a  vu  la  contraélion  de  Toreillettc 
droite  Ce  faire  dans  le  même  moment  avec 
celle  du  ventricule  :  on  a  vu  les  ventricules 
fe  contracter  fans  les  oreillettes  ;  mais  tous 
ces  défordres  ne  prouvent  rien  contre  l'ordre 
de  la  nature ,  dans  lequel  le  mouvement  des 
oreillettes  précède  immédiatement  celui  des 
ventricules.  Dans  le  poulet  enfermé  dans 
l'œuf ,  cette  fuccefllon  eft  très-viiible. 

Tous  les  mouvemens  du  cœur  Ce  font 
avec  une  promptitude  ôc  une  vivacité 
extraordinaires  dans  un  homme  qui  fe  porte 
bien.  Sans  entrer  dans  des  calculs  tels  que 
ceux  de  Keill ,  de  Jurin  ou  de  Haies ,  il  eft 
aifé  de  Ce  convaincre  de  la  force  étonnante 
de  cet  organe.  A  tcares  les  pulfations  du 
ccpur  ,  toutes  les  artères  du  corps  humain 
s'élèvent ,  elles  dilatent  chaque  partie ,  ôc 
tout  le  corps  fans  exception.  Le  cœur  eft 
le  feul  moteur  de  ce  (ang  j  car  en  liant 
l'aorte,  ou  en  arrachant  lecorz/r,  on  fupprime 
tout  d'un  coup  le  mouvement  du  fang  dans 
tous  fes  vifceres.  Le  cœur  furmonre  donc  le 
poids  de  Patmofphere ,  qui  prefle  fur  toute 
la  furface  du  corps  ,  &  dont  le  poids  qui 
pefe  fur  quinze  pies  de  furface ,  ne  peut  êcre 
de  moins  que  de  quinze  fois  trente-trois  pies 
d'eau  ,  ou  de  trente  &  quelques  mille  livres. 
Ce  n'eft  pas  tout ,  qu  on  pLce  une  perfbnne 
fur  un  genou, ce  poids  ,  îouvent  fortagréa- 
bîe  a  eft  élevé  àch?.que  pulfation  ôc  delcend 
de  même  :  ce  font  cent  livres  &  au  delà 
d'élevées  par  une  feule  artère  ,  qui  ne  reçoit 
qu'une  petite  partie  de  fang  forti  du  cœur , 
&  dont  la  dilatation  n'eft  u  Ii  qu'une  petite 
portie  de  l'effort  que£ut  le  cœur  ,  puifque 
dans  le  même  moment  qu'il  dilate  l'arrert 
crurale ,  il  dilate  aufïi  toutes  les  autres  artères 


COE  42.5 

du  corps  humain.  Ileft  étonnant ,  qu'un  aullî 
petit  organe  produifc  un  mouvement  de 
cette  force  j  mais  on  doit  s'accoutumer  à  ces 
merveilles  ,  quand  on  a  vu  les  mufcles  de 
la  mâchoire  inférieure  cafter  des  noyaux, 
qui  demandent  trois  cents  livres  pour  être 
écrafés  j  &  qu'on  fe  rappelle  la  force  prodi- 
gieufedes  convulfions.  Nous  avons  vu  plus 
d'une  fois  plufieurs  perfonnes  robuftes  hors 
d'état  de  contenir  la  force  des  mufcles  irrités, 
quicourboient  le  corps  en  arc ,  &  retiroienc 
d'un  coté  la  tête  ,  ôc  de  l'autre  les  pies.  En- 
un  mot ,  le  cœur  produit  des  mouvemens 
d'une  force  infiniment  fupérieure  à  ce  que 
lonpourroit  attendre  du  poids  de  fes  fibres. 
Cette  force  eft  l'effet  de  l'irritation ,  qui, 
paroit  mettre  en  mouvement  un  fluide 
moteur  *,  ôc  l'on  fait  de  quoi  eft  capable  le 
fluide  éledrique ,  l'air  enfermé  dans  le  nirre 
échauffé ,  &c  la  chaux  fulminante  de  l'or. 
Les  effets  de  l'irritation  font  comme  ceux  de 
la  poudre  à  canon  ,  hors  de  toute  propor- 
tion aux  caufes  vifibles ,  dont  elles  paroif- 
fent  être  les  effets. 

La  prérogative  de  produire  avec  conftance 
un  mouvement  très-vif ,  étoit  bien  nécefTàire 
dans  le  cœur.  Il  eft  (ans  contredit  le  grand 
moteur  de  la  machine  animale.  On  a  voulu 
lui  agréger  des  aflociés ,  la  force  contrac- 
rive  des  artères ,  l'ofcillation  des  petits  vaifl 
faux  capillaires,  l'air,  la  chaleur.  Aucune 
de  ces  puiflances  ne  foulage  le  cxj/r  dans  Ca. 
fonction. 

La  force  contradive  des  artères  eft  réelle  ; 
elle  eft  mufculaire  dans  les  grandes  artères. 
On  a  même  quelque  preuve  de  leur  irritabi- 
lité :  on  les  a  vu  fe  contrader  par  l'irritation 
de  l'étincelle  éleétrique.  Les  petites  artères 
ne  paroifïèni  pas  irritables  j  il  eft  fur  qu'elles 
ne  le  font  abfolument  pas  dans  les  animaux 
à  fing  froid,  à  peiney  pourroit-on  démon- 
trer la  force  commune  à  toutes  les  membra- 
nes deJ'animal,  Mais  la  force  des  artères 
n'aide  pas  le  cœur;  quind  elle  feroit  toute 
mufculaire  :  elle  réfifîe  effectivement  à  l'im- 
pulfion  du  cœur  j  elle  abfbrbe  la  prefïîori. 
latérale ,  ôc  ne  rend  au  fing  que  ce  que  cette 
prciîion  a  enlevé  au  cœur  fans  y  ajouter  la 
moindre  chofe. 

Quels  que  foient  les  doutes  des  auteurs 
^ur  la  nature  du  pouls ,  ôc  quelles  que  foient 
les  objedions  qu'on  a  faites  contre  la  dik- 


414  C  Ô  E 

ration  des  artères  dans  la  diaftole  du  pouls , 
il  eft  fur  que  les  artères  rentrent  parlafyftole 
dans  l'état  dont  elles  font  forties  par  la  diaf- 
tole ,  &  que  par  conféquent  la  perte  du  mou- 
vement du  cctur y  employé  à  les  dilater, 
ik  répare  exaârement  par  leur  contra<5tion , 
&  que  ces  deux  mouvemensfe  détruifant 
mutuellement ,  le  fang  conferve  la  vîteflè 
qu'il  autoit  dans  un  canal  immobile.  Nous 
parlerons  au  refte  à  fa  {^ace  de  ces  objec- 
tions que  Inexpérience  ne  nous  permet  pas  de 
trouver  fotides.  Nous  favons  bien  qu'il  n'eft 
pas  toujours  facile  de  rcconnoitre  k  dilata- 
'  tion  de  l'artère  -,  c'eft  de  cette  claflè  qu^ont 
été  les  ebfervations  de  l'auteur,  dont  nous 
différons  ;  mais  dans  d'autres  animaux  & 
dans  les  brebis  fur-tout ,  nous  avons  vu  bien 
certainement  &  la  dilatation  de  l'artère  &  la 
contradion.  Elle  eft  très-vifible  encore  dans 
k  bulbe  de  l'aorte  des  poiiTbns  àc  des  gre- 
nouilles, &  dans  l'artcre  liée. 

L'ofcillatioii  des  vaifleaux  capillaires  fe- 
roit  abfoîumcnt  le  même  effet  que  celle  des 
artères.  La  dilatation  du  vaiflèau  feroit  per- 
dre au  mouvement  du  fang  ce  que  la  con- 
tradion  lui  raidroit.  Mais  cette  ofcillation 
n'eft  qu'une  hypothefe ,  que  les  faits  ne  nous 
permettent  pas  d'admettre.  Aucun  microf- 
cope  n'a  appcr^u  encore  ce  mouvement  ;  &: 
dans  les  animaux  à  fang  froid ,  les  artères 
încifées  ne  montrent  pas  même  une  force 
contradive ,  puifque  k  fente  faite  avec  la 
lancette ,  ne  s'augmente  pas  par  le  retire- 
îTient  des  lèvres  de  la  bleflure. 

La  chaleur,  en  raréfiant  le  fang,  lui  donne- 
toit  une  efpece  de  mouvement  i  mais  comme 
la  chaleur  agit  également  dans  toutes  les 
directions ,  elle  rctardcroit  autant  le  fàng 
qu'elle  l'accéléreroit ,  parce  qu'elle  repouf- 
feroitle  fang  vers  le  cœur  avec  la  même  force 
qu'elle  le  feroit  avancer  vers  les  extrémités. 
Nous  nedifconvtnonspas  cependant  qu'elle 
ne  ferve  de  ftimulus  au  cœur ,  en  y  faifànt 
parvenir  avec  plus  de  vîteifcle  fang  des  oreil- 
lettes, &  fur-tout  en  accélérant  la  refpiration, 
vraie  force  motrice ,  qui  eft  excitée  par  la 
chaleur.  Mais  les  animaux  à  fang  froid , 
ces  terribles  requins,  ces  dangereux  croco- 
diles ,  vivent  avec  un  fang  dont  la  chaleur 
\  ne  diffère  que  très-peu  de  celle  de  l'eau ,  & 
le  cœur  dans  cette  chaleur  modique ,  fuffit 
à  entretenir  la  circulation.  Là  chaleur  eft 

{a)  Spallanzani,  Leder,  MuUer. 


C  O  E 

d'ailleurs  l^efFet  du  mouvement  du  fang  & 
non  la  caufe.  Un  homme  tiré  de  l'eau  eft 
fans  chaleur,  fans  pouls  ;  on  irrite  fon  cœur 
par  des  fridions ,  des  remèdes  acres ,  des 
lavemcns,  qui  rappellent  le  mouvement 
périftaltique  de  l'air  même ,  que  l  on  fait 
pafïèr  dajis  (on  poumon  :  le  cœur  recom- 
mence à  battre ,  le  fang  fc  remet  en  mou- 
vement ,  &  bientôt  il  a  rétabli  une  chaleur 
égale  à  ^6  degrés  de  Fahrenheit  dans  un  air 
plus  froid  de  60  degrés ,  &  fans  le  fecours 
de  la  chaleur. 

La  refpiration  a  fans  doute  de  l'influence 
fur  le  mouvement  du  fang.  L'infpiration 
ouvre  un  accès  facile  au  fang  du  ventricule 
droit  j  l'expiration  exprime  le  fang  du  pou- 
mon &  le  renvoie  au  ventricule  gauche  : 
le  fang  veineux  eft  d'ailleurs  ou  accéléré 
ou  retardé ,  félon  la  diverfité  des  périodes 
de  la  refpiration  ;  attiré  en  quelque  manière 
dans  l'infpiration,  repoufïé  dans  l'expiration. 
Mais  ces  cas  particuliers  n'infîuent  pas  furk 
généralité  du  mouvement  du  fang.  On  ne 
s'apperçoit  point  au  pouls  que  l'infpiration 
accélère  le  fang,  pi  que  l'expiration  le  retarde. 
Les  quatre  pull'ations  qui  répondent  à  une 
refpiration  complète  ,  font  égales  entr 'elles 
quoique  les  deux  premières  répondent  à 
l'infpiration  ,  &  les  deux  autres  à  l'expira- 
tion j  &  les  animaux  à  fang  froid  vivent ,  Se 
leur  fang  circule  fans  aucune  refpiration.  Le 
diaphr.igme  eft  encore  moins  le  moteur  de 
la  machine  animale  :  il  n'eft  charnu  que  dans 
les  quadrupèdes,  &  n'a  point  de  mouvement 
à  lui  dans  les  oifeaux  &  dans  les  poifîons  ;  il 
agit  même  très-foiblement  dans  les  femmes. 

Le  mouvement  du  cœz/r  s'apperçoit  d'ail- 
leurs avec  évidence  dans  les  artères  &  même 
dans  les  veines  de  l'animal.  Tant  que  l'ani- 
mal eft  vigoureux ,  le  mouvement  paroît 
uniforme.  Mais  quand  l'aaimal  a  perdu  de 
fes  forces ,  on  apperçoit  aifément  dans  cha- 
que diaftole  du  cœur ,  que  le  fàng  n'avance 
pas ,  qu'il  recule  même  :  &  dans  fa  fy ftole , 
cette  petite  onde  de  fàng ,  qui  étoit  fufpert- 
due ,  fait  un  pas  &  s'avance  vers  les  vaiffcaux 
capillaires.  Dans  les  veines  cette  accélération 
du  fàng  qui  répond  à  la  contraction  du  cœur  y 
eft  moins  manifefte.  Nousl'avons'vu  cepen- 
dant ,  &  de  très-bons  auteurs  {a)  l'ont  vu. 
Et  quelle  autre  caufe  pourroit  donner  du 
mouvement  au  fang  veineux  des  animaux  à 

fang 


C  O  E 

fang  froid ,  puifque  les  artères  y  (ont  immo- 
biles. &  que  ces  animaux  ne  refpirent  point? 
Les  vaille  lUX  des  genres  inférieurs  font 
difficiles  à  appercevoir  ,  &c  le  microlcope 
même  ne  les  découvre  que  rarement.  Il  eft 
cependant  avéré  fur  d'autres  fondemens , 
que  le  ca^ur  cl\  le  moteur  des  humeurs  invi- 
fiblcs  de  ces  vaifleaux  ,  de  ceux  de  la  franf- 
piration  infenfible  ,  de  ceux  qui  féparent  les 
humeurs  cranfparentes  de  l'œil,  ou  qui  com- 
pofent  avec  le  tiflu  cellulaire  les  vifceres. 
Une  féconde  preuve  que  tous  ces  vaifleaux 
învifibles  tirent  leurs  humeurs  Se  leur  mou- 
vement du  cceur  ,  c'eft  Tinjeclion.  Cette 
manœuvre  n'cft  autre  cho  e  qu'un  cceur 
artificiel,  quifupplieàrimpuiflance  de  celui 
que  la  nature  a  fourni.  C'eft  un  moteur  qui 
pouile  dans  Tartere  une  liqueur  dont  lui  ieul 
produit  le  mouvement.  L'injedtion  remplit 
une  bonne  partie  des  vaifleaux  invifîbles, 
dont  les  humeurs  font  plus  fines  que  le  fang  : 
elle  fait  pafler  l'huile  de  térébenthine  dans 
l'humeur  aqueufe  :  ellerempUt  les  vaifleaux 
de  la  capfule  du  cryftallin  &C  de  la  lame 
vaiculeufe  de  la  rétine  :  elle  ouvre  à  l'eau  un 
paflage  dans  les  uretères ,  dans  les  canaux  de 
la  bile.  Il  nous  piro.t  bien  naturel  que  dans 
l'animal  vivant  le  dvur  faflc  ce  que  le  flphon 
fait  dans  le  cadavre  ,  &  que  lui ,  &  lui 
feul ,  poufle  le  fang  par  ces  petits  canaux, 
comme  le  fiphon  feul  les  y  fait  pafler. 

Il  y  a  cependant  des  liqueurs  dont  le  mou- 
vement ne  paroit  pas  dépendre  du  cxur. 
Tel  efl:  le  mouvement  par  lequel  la  graifle 
fait  du  chemin  par  le  tilfu  cellulaire  ,  & 
qu'elle  rentre  dans  le  fang  :  que  la  lymphe 
atténuée  &c  épanchée  dans  le  même  tlifu 
rentre  dans  les  vaifleaux  lymphatiques  :  que 
le  lait  fe  rend  de  la  graiflle  du  contour  de  la 
mamelle  jufqu'au  mamelon  :  que  le  chyle  efl: 
pompé  :  en  un  mot ,  les  mouvemens  vei- 
neux des  matières  contenues  dans  des  cavi- 
tés grandes  ôc  petites ,  ik  le  mouvement 
des  corps  &  des  humeurs  qui  font  du  che- 
min dans  le  tiflu  cellulaire.  L'un  Ôc  l'autre 
paroît  en  partie  Peffet  de  la  force  contrac- 
tive  des  lames  &  des  filets  cellulaires  ,  ou 
des  mufcles  voiflns  ;  &  en  partie  tenir  à 
Tartradion  des  vaifl[èaux  capillaires  ,  qui 
attirent  les  humeurs  ,  comme  le  font  les 
tuyaux  de  verre  du  même  nom. 

Les  caufes  du  mouvement  du  cœur  ne 
Tome    VIII. 


COE  415 

font  pas  entièrement  connues  ;  on  approche 
cependant  du  vrai  ;  on  a  travaillé  à  écarter 
les  opinions  erronées  &  les  expériences  mal 
faites. 

La  caufe  immédiate  du  mouvement  du 
cœur  n'efl:  point  obfcure  ;  ce  font  les  fibres 
charnues  du  cceur.  Qiielque  obfcure  que  foie 
leur  direction  ,  elle  eft  en  général  oblique  , 
&  elles  deicendent  de  la  bafe  à  la  pointe. 
Leur  mouvement  approche  donc  ces  deux 
extrémités  en  raifon  inverfe  de  leur  réfif- 
tance.  Le  raccourciflement  du  cceur  ôc  une 
légère  courbure  de  la  pointe  en  eft  l'effet. 
Mais  comme  ces  fibres  forment  avec  la 
cloifon  du  cœur  deux  ventricules,  ôc  que 
la  cloifon  eft  la  partie  la  plus  folide  du  ca^ury 
elle  fert  de  point  fixe  à  les  fibres ,  qui ,  pour 
former  l'un  Ôc  l'autre  ventricule  ,  forment 
des  arcs ,  dont  la  corde  eft  la  cloifon.  Elles 
abaifient  ces  arcs  en  agiflant ,  elles  fè  rap- 
prochent de  la  hgne  droite ,  ôc  en  s'ap- 
platiflant ,  elles  réduifent  exactement  à  rien 
chaque  feélion  du  ventricule  :  c'eft  elles  qui 
ont  la  principale  part  au  vuide  parfait ,  qui 
fuccede  dans  l'état  naturel  au  fang  exprimé 
par  les  forces  que  nous  venons  de  nommer. 

Les  oreillettes  ont  de  même  ôc  des  arca- 
des charnues ,  qui  en  s'applaniflant  rétréci!^ 
fent  la  cavité  ,  ôc  des  fibres  droites  ,  qui 
de  la  bafe  de  l'oreillette  s'élèvent  à  fa  pointe , 
ôc  qui  la  raccourciflent  en  même  temps. 
Nous  avons  vu  ôc  les  fibres  ôc  leur  jeu. 

Ce  n'eft  pas  la  partie  difficile  du  pro- 
blême ,  que  nous  venons  de  propofer.  Il 
refte  à  découvrir  la  fburce  de  ce  mouve- 
ment fi  violent ,  ôc  en  même  temps  Ci 
conftant  ôc  fi  répété ,  qui  eft  exécuté  par  les 
fibres  charnues  du  cœur. 

Les  phyflologiftes  répondoient  autrefois 
bien  vite  à  cette  queftion.  Les  uns  trou- 
voicnt  dans  l'âme  une  fource  inépuifàble  de 
mouvement  ,  qui  en  communiquoit  à  la 
nature  immobile  par  elle-même ,  la  portion 
néceffaire  pour  fes  delTeins  ,  ôc  la  force 
fuffifante  pour  faire  paf^r  le  fang  dans  les 
artères. 

Cette  hypothcfe  n'explique  rien.  Nous 
cherchons  la  caufe  phyfique  dont  les  fibres 
du  cceur  font  animées.  Mais  il  y  a  contre 
la  pui  fiance  de  l'ame  des  témoignages 
dire<5ts.  Plufîeurs  animaux  ont  été  foumii; 
à  l'expérience  y  on  leur  a  arraché  le  cûeur^ 

Hhh 


4i^  C  O  E 

Ceux  dont  le  fang  efl:  froid  ,  ont  vécu  & 
iong-remps  vccii  après  cette  cruelle  opéra- 
tion. Ils  ont  regardé ,  ils  ont  fauté ,  marché 
&  donné  toutes  les  marques  de  volonté 
dont  ils  étoient  capables.  L'amede  Thomme 
même  continue  fes  fondions,  aprts  qu^on 
lui  a  arraché  le  cœur.  Un  des  malheureux 
qui  avoient  trempé  dans  la  confpiracion  des 
poudres  a  continué  de  prier  j  un  autre  a 
contemplé  ;  un  autre  encore  a  proféré  quel- 
ques paroles ,  &:  a  regardé  fon  cœur  que  le 
lîourreau  lui  avoit  arraché  ,  àc  qu'il  rcnoit 
à  la  main. 

On  ne  voit  point  que  les  maladies  du 
cœur  affedent  l'ame.  Nous  avons  va  un 
jeune  homme  avoir  le  cœur  rongé  par  des 
ulcères  &  couvert  de  pétrifications  :  le  pouls 
ctoit  irrégulier  ,  la  circulation  fouffroit; 
mais  l'ame  n'étoit  point  gênée  dans  fes 
fondions. 

Il  y  a  plus  ,  le  cœur  6.\\Yi  animal  à  fàng 
froid ,  fou  (Irait  à  Tempire  de  lame ,  arraché 
à  l'animal ,  bat  pendant  plufieurs  heures 
d'un  mouvement  régulier  de  iyftoie  &  de 
diaftole.  Il  y  a  donc  dans  le  cœur  une 
Iburce  de  mouvement  qu'il  ne  tient  pas 
de  lame  6c  que  même  le  corps  de  l'animal 
ne  lui  fournit  pas. 

Cette  expérience  prévient  contre  l'hypo- 
thefe  commune.  Prcfque  tous  les  auteurs 
attribuent  aux  nerfs  cette  force  avec  laquelle 
le  cœur  fe  meut.  C'eft  un  mufcle ,  difent- 
ils  ,  &  le  mouvement  mufculaire  vient  des 
nerfs.  Il  y  a  même  des  auteurs  qui  ont 
cru  voir  que  l'irritation  des  nerfs  cardiaques 
accélère  &  rétablit  le  mouvement  du  cœur  ; 
que  l'irritation  du  cerveau  ou  de  la  moelle 
de  l^épine  a  le  même  pouvoir ,  &  que  la  liga- 
ture de  la  huitième  paire  tue  fur  le  champ 
un  animal  &  fupprime  le  mouvement  de  fon 
cœur. 

Quoic^ue  l'analogie  nous  mené  à  cette 
hypotheie,  l'expérience  nous  en  éloigne, 
Non-feulem.ent  le  cœur  arraché  continue  de 
fe  mouvoir ,  mais  la  ligature  des  nerfs  de  la 
huitième  paire  ^  celle  des  nerfs  intercoftaux, 
celle  même  des  uns  te  des  autres  de  ces 
nerfs  &  leur  entière  deftrudion  n'affedent 
point  le  mouvement  du  cœur.  La  deftruc- 
ticn  totale  du  cerveau  ,  celle  du  cervelet , 
celle  de  la  moelle  de  l'épine  ne  iuppriment 
pas  non  plus  ce  mouvement  i  l'irritation 


'C  O  E 

des  nerfs  de  la  huitième  paire ,  celle  de 
intercoftaux  ,  de  la  moelle  de  l'épine  &  de 
nerfs  cardiaques  même  ,  n'altère  pas  le 
rnouvement  du  cœur,  ne  Paccélere  &:  ne  le 
rétablit  pas ,  quand  il  a  été  interrompu  : 
le  cœur  continue  de  batcre  ,  &  le  point 
fautillarit  fe  meut  avec  la  même  régularité, 
quand  on  détruit  la  bulle  du  cerveau. 

Nous  n'abuferons  point  de  ces  expérien- 
ces ;  nous  nous  fouviendrons  également  que 
des  nerfs  nombreux  ne  font  pas  donnés  au 
cœur  fans  utilité  5  nous  n'exclurons  pas  ces 
nerfs  du  rang  des  caufes  du  mouvement  du 
cœur  ;  mais  nous  croyons  conclure  avec 
équité,  de  ces  expériences,  qu'outre  la  force 
nerveufe ,  il  y  a  dans  le  cœur  une  fource  de 
mouvement  qui  ne  dépend  pas  du  cerveau , 
&  qui  n'arrive  pas  au  cœur  par  les  nerfs. 

Les  faits  ont  découvert  dans  les  mu fc les 
&  dans  le  cœur  une  puiflance  qu'on  appelle 
irritabilité .  qui  ne  dépend  pas  des  nerfs ,  qui 
règne  dans  les  animaux  dépourvus  de  cer- 
veau ,  de  tête  &  de  nerfs ,  &:  qui  paroit  ré- 
fider  dans  la  fibre  mufculaire  elle-  même  ;, 
cette  force  mouvante  eft  excitée  par  prefque 
tous  les  ftimulus ,  la  chaleur  ,  Pair ,  le  feu  » 
l'étincelle  éledrique  j  le  mufcle  &  le  cœur 
rentrent  en  mouvement  après  un  plein  re- 
pos, lorfqu'on  y  poufle  Pair,  l'eau  chaude 
ou  du  fang  chaud  ;  car  c'eft  la  furface  inté- 
rieure du  cœur  qui  fent  le  plus  vivement  la. 
force  des  ftimulus  ,  &  ce  font  des  fluides 
fans  âcreté  qui  l'irritent  le  mieux. 

L'avantage  que  le  cœur  a  fur  tous  les  au- 
tres mufcles ,  c'eft  la  force  de  l'irritabilité  , 
&  la  conftance  de  cette  force.  Le  cœur 
furvit  de  beaucoup  aux  inteftins  &  aux  muf- 
cles dans  les  animaux  à  lang  froid  ;  nous  l'a- 
vons vu  battre  pendant  vingt-quatre  heures 
dans  la  grenouille  après  qu'aucun  autre  muf- 
cle ne  fe  contradoit  ,  quelque  irritation 
qu'on  employât;  dans  le  poulet  enfermé 
dans  l'œuf ,  le  cœur  bat  malgré  le  froid  mor- 
tel de  l'animal ,  malgré  celui  de  l'eau  qui 
environne  l'œuf  j  dans  les  premiers  jours  de 
Pincubation ,  le  cœur  eft  animé  d'une  force 
très-vive  ,  &  les  autres  mufcles  font  ab/blu- 
mcnt  fans  irritabilité ,  les  inteftins  &  l'efto- 
mac  n-'en  donnent  même  aucune  marque. 

Dans  l'animal  à  lang  chaud,  k  fupérioriré 
du  cœur  n'eft  pas  tout  à  fait  la  même ,  la 
graific  dont  il  eft  couvert  fe  fige  par  le  frûid  * 


C  O  E 

ôc  le  cceur  lui-même  fe  durcit  Se  perd  Ton  Ir- 
ritabilité ;  il  lui  faut  pour  conferver  cette 
qualité,  de  la  chaleur  &  de  l'humidité, 
ies  interdns  confcrvent  quelquefois  leur  irri- 
tabilité auffi  long-temps  que  le  cirur ,  ôc 
nous  les  avons  vu  la  conferver  plus  long- 
temps ;  parce  qu'on  les  a  découverts  plus 
tard  que  le  caur ,  ôc  qu'ils  ont  confervé  plus  ' 
de  chaleur  ;  mais  en  général  dans  ces  ani- 
maux même  le  cceur  relie  irritable  quand 
tout  autre  mufcle  ne  l'eft  plus.  Nous  avons 
vu  battre  l'oreillette  droite  d'un  chien ,  cinq 
heures  entières  après  la  mort  abfolue  de  l'ani- 
mal ;  le  coeur  arraché  furpaffè  de  beaucoup 
les  autres' mu  fcles  dans  la  confiance  de  Tes 
mouvemens  ;  les  inteftins  arrachés  s'agitent 
pendant  quelques  minutes,  les  mufcles  pal- 
pitent de  loin  en  loin ,  fans  aucun  mouve- 
ment régulier  qui  fubfifte  uniquement  dans 
le  cccur  ;  dans  le  poulet  le  mouvement  eft 
revenu  au  cœur  irrité  vingt-fîx  heures  après 
la  mort  de  l'animal.  Les  morceaux  même  du 
cœur  di  vifc  en  petites  parties ,  continuent  de 
le  mouvoir  ;  le  cœur  des  jeunes  animaux  eft; 
plus  irritable ,  &  le  cœur  du  poulet  l'eft  au 
luprême  d»gré. 

D'où  vient  cette  fupériorité  dans  le  mou- 
vement du  cœur?  Elle  ne  dépend  pas  de  fa 
fenfîbihté ,  il  en  a  peu ,  fes  nerfs  font  nom- 
breux fans  être  grands.  Penferoit-on  aux  ré- 
feaux  que  forment  les  fibres  &  les  mufcles 
du  cœur ,  &  par  leiquels  cet  organe  dilTere 
des  autres  mufcles  dont  les  fibres  ne  s-'unif- 
fent  jamais  entre  elles?  On  ne  voit  pas  dans 
cette  ftruélure  une  caufe  fuftifanted'uneplus 
forte  irritabilité. 

La  figure  cave  du  cœur  donne  au  langqui 
l'irrite ,  la  facilité  d'en  toucher  une  grande 
furface  ;  la  membrane  qui  revêt  cette  cavité 
eft  extrêmement  mince ,  &:  le  fing  touche 
prefque  à  nu  les  fibres  mufculaires.  Il  eft  pof- 
lible  que  les  nerfs  plus  à  découvert  fentent 
plus  vivement  l'imprellion  du  lang  ;  les  muf- 
cles creux  ont  un  avantage  dont  ne  jouiflent 
pas  les  mufcles  longs  ;  ceux-ci  ne  font  irrités 
que  par  les  efprits  animaux  ,  &  ceux-là  ont 
pour  ftimulus  les  liquides  qui  rempliftènt 
leur  cavité  ;  il  eft  fur  du  moins  que  le  cœur 
arraché  du  corps  d'une  grenouille ,  &  qui  a 
perdu  prefque  tout  fon  mouvement ,  le  re- 
prend lorfqu'on  le  remplit  d'air,  &  que  dans 
cet  étafcil  continue  pendant  plufieurs  heures 


C  O  E 


427 


de  poufîèr  alternativement  le  fang  dans 
l'oreillette  &  de  l'en  recevoir.  Il  eft  fàr  en- 
core queleacwr  bienvuidé  perd  le  mouve-« 
ment,  c'eft  une  expérience  que  nous  avons 
faite  bien  des  fois,  &  variée  de  bien  des  ma- 
nières. Ayant  remarquéque  le  cœ  ur  de  l'oreil- 
lette du  côté  droit  confervent  plus  long- 
temps le  mouvement ,  que  le  cœur  ôc  l'oreil- 
lette du  côté  gauche ,  nous  avons  tenté  de 
renverfer  l'ordre  de  la  nature ,  &  nous  y 
avons  réulïî ,  en  ôtant  aux  cavités  du  côté 
droit  le  fang  qui  les  irritoit  ;  l'expérience 
n^'eft  pas  bien  aifée  à  faire ,  elle  nous  a  réuil! 
cependant  ;  il  faut  pour  ôter  le  mouvement 
au  ventricule  droit  &  à  l'oreillette ,  ouvrir 
l'artcre  pulmonaire  Se  lier  la  veine  cave ,  Se 
de  l'autre  côté  Her  l'aorte  ,  ouvrir  la  veine 
pulmonaire  ;  dès-lors  les  cavités  du  côté  droit 
reftant parfaitement  vuides,  ce  font  celles  du 
côté  gauche  dont  le  mouvement  continue  le 
plus  long-temps  -,  on  a  ouvert  la  ligature  de 
la  veine  cave ,  Se  rendu  du  fang  au  ventri- 
cule :  il  ne  battoit  plus  pendant  qu'il  étoit 
vuide ,  rempli  de  fang  il  a  recomunencé  de 
battre.  Se  avec  plus  de  force  à  mefure  que 
le  fang  le  remplilloit  plus  parfaitement. 

L'air  pouffé  dans  le  canal  thorachique  ou 
bien  dans  un  des  grands  troncs  veineux  du 
cœur ,  rappelle  le  mouvement  que  le  fâng  a 
perdu.  La  faignée  affoiblit  le  cœur.  Se  le  faut 
du  fang  d'une  artère  s'abaifle ,  à  mefure  que 
Panimal  a  perdu  de  Ion  fang. 

En  fuivant  ces  expériences  Se  en  les  com- 
parant avec  les  phénomènes  du  cœur  dans 
l'animal  vivant,  il  paroit  que  cette  conftancc 
à  fe  mouvoir ,  ii  admirée  dans  le  cœur  ,  a. 
pour  caufe  principale  l'application  perpé- 
tuelle du  ftimulus  ;  en  effet ,  on  voit  dans  le 
poulet  la  veine  battre  Se  fe  vuider ,  le  fang 
pafler  dans  le  ventricule  encore  unique , 
celui-ci  fe  contracter  auffi-tôt ,  fe  vuider  Se 
donner  fon  lang  au  bulbe  de  l'aorte ,  qui  te 
contracte  de  même  à  l'attouchement  da 
fang  -y  dans  la  grenouille ,  cette  fuite  de  mou- 
vement eft  la  même ,  Se  par~touc  la  partie  du 
cœur  ou  de  l'oreillette  qui  eft  rempHe  de  fang, 
fe  contraéle  ,  Se  celle  qui  s'eft  vuidéeperdle 
m.ouvement;  de-là  cette  fupériorité  dans  la 
durée  des  battemens  de  la  veine  cave  ,  de 
l'oreillette  droite ,  Se  du  ventricule  droit  ; 

1'  phénomène  que  nous  ne  rappelions  pas.  Le 
mouvement  fubfifte  le  mieux  dans  les  pâ> 
Hhh.2 


4iS  C  O  E 

ties  qui  reçoivent  le  plus  long-temps  du  fang. 
Nous  avons  parlé  du  mouvement  dncaeur, 
parlons  de  (on  repos  ;  tout  muicle  qui  a  été 
irrité,  fe  contracte,  mais  après  un  certain 
remps^rimprertion  de  l  irritation  ayant  ceflé, 
le  muicle  fe  relâche ,  s'amollit  &  s'allonge  , 
le  ca-ur  en  fait  de  même  ■■,  dès  qu^il  eft  vuide, 
il  perd  le  mouvement,  s'allonge ,  fe  flétrit  &: 
relie  immobile ,  juiqu'à  ce  qu'une  onde  de 
fangrucceflivement  accumulée  foit  devenue 
fufhlante  pour  le  contradcr;  de-là  les  longs 
intervalles  entre  les  pulfations  de  lanimal 
qui  le  meurt. 

Comme  le  cceur  refte  irritable  dins  le 
corps  de  l'animal  qui  fe  porte  bien ,  il  ne  lui 
faut  qu'Hun  nouvel  aiguillon  pour  rentrer  en 
mouvement ,  &c  ion  adtion  eft  une  alterna- 
tive r;;gke  de  mouvemens  produits  par  Tir- 
litation  ,  ôc  de  relâche  mens  qui  fui  vent  Ton 
inanition. 

Dans  un  animal  mourant,  l'irritabilité  di- 
minue peu  à  peu  ,  il  ne  fufiit  plus  de  1  irri- 
ter j  cette  irritation  ne  produit  plus  ion  eftet 
qu'après  un  intervalle  de  temps  ,  parce  que 
l'irritabilité  aflfoiblie  ne  fe  réveille  que  par  la 
durée  de  l'application  du  ftimulus. 

Bientôt  après  ,  le  asur  durcit ,  la  graifle 
fe  prend,  &  les  irritations  ne  produilent  plus 
quedes  mouvemens  imparfaits.  Nous  regar- 
c:ons  la  deliruécion  de  l'irritabilité  du  ccear 
comme  le  véritable  terme  de  la  vie ,  ôc  com- 
me la  mort  complète;  cet  état  naît  beaucoup 
plus  Vite  dans  l'animal  à  fàng chaud,  &:  plus 
tard  dans  l'animal  à  fang  froid.  (H.  D.  G.) 

Cœur  ,  {Gramm.)  La  poiition  du  coeur , 
fa  fonâ::on  dans  le  corps  humain  ,  l'impor- 
tance de  ce  viictre ,  &c.  ont  fort  multiplié 
les  acceptions  figurées  de  ce  mot,  tant  au 
moral  qu'au  phyiique.  Voye'^^lesart.fuiv. 

C(EUR  ,  (  GéoTuéirie.  )  Qiiclques  géomè- 
tres ,  entre  autres  M.  Vangnon ,  dans  les 
Tném.  de l'acad.  desfc.  an.  i6q%  ,  ont  donné 
ce  nom  au  foUde  que  forme  roit  une  demi- 
ellipfe  en  tournant  non  autour  de  Ton  axe  , 
mais  autour  d'un  de  les  diamètres  ;  &  en 
effet  un  tel  (olide  auroit  afiez  la  figure  d'un 
cczur  pointu  p ir  le  bas ,  &  enfonce  par  le 
haut.  M.  Varignon  a  cherché  la  dimenlion 
de  ce  folide  ;  mais  il  s'tft  trompé ,  comme  il 
feroit  aifé  de  le  faire  voir.  On  peut  trouver 
facilement  la  dimenlion  du  ccci/r  par  la  mé- 
^.lode  fuivante. 


C  O  E 

Soit  imaginée  une  demi-ellipfè:  dont  les 
deux  axes  foient  égaux  diamètres  de  l'cllip'e 
donnée;  chaque  ordonnée  Itra  auiïi  égaie 
de  paît  &:  dauire , excepté  que dansl ellip'e 
formatrice  duccEi/rlesordonncesleiont  obli- 
ques à  l'axe ,  &  que  dans  l  autre  elles  lui  le- 
ront  perpendiculaires  ;  celles-ci  dans  la  rota- 
tion formeront  des  cercles ,  &  les  autres  for- 
meront des  furfaces  coniques  qui  ieront  aux 
cercles  dans  le  rapport  du  imus  de  l'angle 
des  deux  diamètres  à  l'angle  droit  :  rien  n  cil 
plus  facile  à  démontrer.  De  plus ,  dans  le 
c(£ur  les  furfaces  coniques  feront  oblique- 
ment pofées  par  rapport  à  l'axe  \  au  lieu  que 
dans  le  folide  forme  par  1  autre  elliple  ,  les 
cercles  feront  perpendiculaires  à  Taxe  :  don.c 
l'élément  du  caur  eft  encore  à  lY'lémer.t  de 
l'autre  lolide  ,  envifagé  fous  ce  point  de  vue,^ 
comme  le  finus  de  l'angle  des  deux  diamè- 
tres eft  au  (mus  total.  Donc  ,  puifque  ce 
rappoit  encre  deux  fois  dans  le  rapport  total 
des  deux  élémens  ,  il  s'enkiit  que  l'élément 
du  cctur  eft  à  l'élément  de  l'autre  folide  , 
comme  le  quarré  du  finus  de  l'angle  des  dia- 
mètres eft  au  quarré  du  finus  total  :  donc  les 
deux  folides  font  aufli  entre  eux  dans  ce  rap- 
port. En  voilà  allez  pour  mettre  fur  la  voie 
ceux  qui  voudroient  aller  plus  loin  ,  faire  de 
cette    propcfîiion   une  démonftration   en 
form.e  ,  &  reconnoître  en  quoi^eche  celle 
de  M.  Varignon.  (O) 

Cœur  du  Vao^ouRbgulu s^  {AJîron.^ 
étoile  de  la  première  grandeur,  dans  la  conf^ 
tellationdu  Lion.  Voyeihioa. (O) 

§  Cœur  de  Charles  ,  {AJîron,)  c'eft 
le  nom  d'une  petite  conftellation  boréale  ; 
elle  eft  marquée  fous  ce  nom  dans  le  planif^ 
phere  en  deux  feuilles,  gravé  en  Angleterre, 
&  appelle  communément  plcnijphtre de  Se- 
nex ,  quoiqu'on  y  voie  le  nom  de  Harris 
comme  rédaûeur  ,  &  celui  de  Eowles 
comme  marchand.  Cette  conflellation  fe 
trouve  aufTi  marquée  fous  le  même  nom  dans 
le  planifphere  gravé  à  Paris  par  les  foins  de 
M.  Robert  de  Vaugondy.  Elle  n'eft  remar- 
quable que  par  une  étoile  de  féconde  gran- 
deur ,  f  ituée  fous  la  queue  de  In  grande  our- 
le ,  du  coté  de  la  chevelure  de  Bérécine  & 
de  la  queue  du  lion.  Cette  étoile  appel- 
Ice  dans  le  catalogue  de  Ticho-Brahé  ,  i/ifor- 
mis  iiiur  caudam  hu  us  &  leonis.  Dans  le  ca- 
talogue bhtannque^  publié  en  1 7 1 1 ,  par  M. 


C  O  E 

Halî^y ,  fur  les  cbfervarions  de  Flamdeed  , 
eî!e  eft  appellée  clara  fub  caudâ  infvrmis  , 
en  force  qu'on  n'avoir  pas  encore  donné 
à  cetre  étoile  le  nom  qu'on  lui  donne  aduelle- 
menten  Angleterre.  Dans  l'édition  de  lyij", 
donnée  par  Flamfteed  lui-même elleeft  com- 
prife  dans  la  conftellation  des  chiens  de  chât- 
ie ,  Introduite  par  Hevelius  in  annulo  armil- 
Lr  charx  infcrmis  fub  caudâ  urjî.  Dans  les 
grandes  carres  cékfies  de  Flamfteed ,  elle 
eft  en  effet  (ituée  fur  le  collier  d'un  des  chiens, 
fans  aucune  figure  de  ca^ur.  Cette  dénomi- 
nation de  CiVur  de  Charles  ,  a  probable- 
ment été  introduite  par  Halley,ainli  que 
le  chêne  de  Charles  II  ,  par  refped  pour  la 
mémoire  d'un  prince  fondateur  de  l'acadé- 
mie ik  de  l'obi'ervatoire  d'Angleterre.  La 
principnle  étoile  avoit  en  1690  ,  ç*,  i^,  15', 
1 2."  de  longitude  ,  ôc  40^,  7',  1 8"  de  latitu- 
de boréale,  {  M.  n  b  la  Lande.  ) 

Cœur  de  l'Hydre, e/2^,?ro/zo//2/e, étoile 
de  la  féconde  grandeur  dans  le  ccrwr  de  la 
conftellation  de  l'Hydre  ,  la  douzième  dans 
le  catalogue  de  Ptolomée ,  la  onzième  dans 
celui  de  lycho,  &  la  vingc-cinquicme  dans 
celui  d'Angleterre  F.Etoile  &  Hydre/. O) 
Cœur  ,  en  termes  de  Blafoti.  Parti  en 
cct.ir  ,  lignifie  une  ligne  courbe  de  partition 
en  pal  ou  centre  de  l'écufl'on  ,  qui  ne  s'étend 
que  fort  peu  ,  très-courte  du  haut  &;  du  bas , 
&  qui  eft  rencontrée  par  d'autres  lignes  qui 
forment  une  partition  irréguliere  de  l'écu  : 
c'eft  aulTî  un  meuble  de  l'écu  ,  qui  repréfente 
le  cœur  de  l'homme.  Il  eft  le  fymbole  de  la 
force  &  du  courage.  Lacour  de  Bafleroi ,  de 
Miltot  ,  diocefe  de  Bayeux  ,  d'azur  à  trois 
cœurs  d'or. 

Cœur  ,  (  Horlogerie.  )  pièce  qui  en  a  la 
f  )rme  ,  qui  eft  placée  fur  la  leconde  roue 
d'une  horloge,&dont  la  fonction  eft  de  déga- 
ger le  pié  de  biche  de  la  détente  de  la  fonnerie. 
CiRUKyCheyaldedeuvcjeurs y  en  termes  de 
manège  ,  eft  celui  qui  ne  manie  que  par  con- 
trainte ,  &  n'obéit  pas  volontairement  aux 
aides  du  cavaUer.  Ces  chevaux  tiennent  quel- 
que chofe  des  ramingaes.  V.  Ramingue. 
Cœur  dt^  bœuf,  i.  m.  {Hifl.nat.botan.) 
efpece  d'anone  ,  nommée  au (Ti /je^// coro/o/ 
à  Cayenne.  Les  habitans  de  la  Guiane  l'ap- 
pellent alakaiona  ,  &  les  ^ oriu^ûs  guanabo 
pintavo.  C'eft  le  guana  anus  fruclu  turbinaîo 
minori  luteo ,  de  Barrere. 


C  O  E  429 

Cet  arbre  difFcre  beaucoup  du  cvur  ds. 
bœuf  des  iles  des  Antilles ,  dont  le  fruit 
a  jufqu'à  fix  pouces  de  diamètre,  &:  pefe 
juiqu'àfept  ou  huit  Uvres,  Le  (iena  pareil- 
lement la  forme  d'un  cœur ,  mais  feulement 
de  trois  à  quatre  pouces  de  diamètre.  Il  eft 
jaune  dehors  &  dedans ,  compofé  de  l'alfem- 
blage  d'un  grand  nombre  d'ovaires  rappro- 
chés dont  les  extrémités  forment  des  tuber- 
cules qui  lui  donnent  l'air  d'une  pomme 
de  pin.  Ses  pépins  font  châtain-clair. 

Culture.  Cet  arbre  eft  nain  comme  un 
arbrifleau ,  &  fe  plante  en  forme  de  haie 
avec  le  médecinier  ,  curcas  ,  autour  des 
plantations.  Il  fructifie  deux  fois  l'r.n. 

Qualités.  Son  fruit  a  un  goût  légèrement 
acide  &c  parfumé. 

Ufages.  Les  habitans  de  Cayenne  man- 
gent ce  fruit.  Il  eft  rafraichiflknt  en  appa- 
rence ,  mais  très-échauffant  enfuite  &  af- 
cringent  -,  il  excite  l'appétit  oC  arrête  le  cours 
de  venrre. 

Sa  racine  eft  aromatique  ,  elle  fe  prend 
en  poudre  par  le  nez  comme  du  tabac ,  ou 
par  la  bouche  dans  l'épilepfie. 

Remarques.  îl  eft  dit  danslediiftlonnaire 
intitulé  ,  Diclionnaire  d'hijloire  naturelle ,  à 
l'article  cœur  de  bœuf:  1°.  que  cet  arbre  a 
caufé  beaucoupde  controverfeschez  les  au- 
teurs botaniques  ;  2°.  que  fon fruit  eft  gros 
comme  un  melon  médiocre,  5**.  qu'il  a  la 
chair  fort  blanche  ;  4°.  que  les  femences 
font  noirâtres  ;  5*^.  que  les  Malaïens  (on  veut 
dire  les  Malays  )  s'en  fervent  en  place  de 
légumes.  Ces  cinq  aftèrtions  font  également 
làutivcs. 

L'anone  eft ,  comme  Pon  fait ,  un  genre 
de  plante  aromatique  qui  fe  range  mturelle- 
ment  dans  la  f  imille  qui  porte  fon  nom  , 
&:  qui  eft  notre  quarante-lixieme.  Voye^ 
nos  familles  des  pla/ues ,  volume  II,  page  ^6^. 
{M.  Adanson.) 

Cœur  de  bœuf  ,  f.  m.  (  Hift,  nat.  con- 
chyliolog.  )  nom  que  quelques  écrivains  ont 
auffi  donné  à  une  efpece  de  coquillage 
bivalve  ,  qu'ils  nomment  en  latin  ,  bucar- 
dium  ;  parce  que  les  deux  bittans  font  iî 
renflés  ,  fi  bombés  qu'ils  imitent  un  cœur. 
(  M.  Adanson.  ) 

Cœur  de  saint  Thomas,  f.  m.  (iï{/?. 
nntur.  botan.  )  cor  fancli  Thomœ  ,  ou  cor 
divi  Thomœ  ;  c'eft  la  fève  d'une  gouiTe  arti- 


430  C  O  F 

culée  d^une  plante  rampante  quiclroît  àl*île 
de  Saint  Thomas  fur  la  côte  d'Afrique.  Cette 
plante  n''eft  pas  une  efpece  d'acacia  comme 
il  efl:  dit  dans  le  diélionnaire  intitulé  ,  Dic^ 
tionnaire  d'hijfoire  naturelle  ;  m^^unt  efpece 
d^cntada ,  dont  les  feuilles  font  pinnées  fur 
deux  r^.ngs,  par  paires  &  terminées  par  une 
vrille  à  tkux  branches ,  les  fleurs  en  épi  ter- 
minal ,  le  calice  de  la  fleur  à  tube  évaié  à 
cinqdcnrs  ,  la  corolle  à  cinq  pétales  menus 
longs,  les  étamines  au  nombre  de  dix. 

L'entada  forme  un  genre  particulier  de 
plante  voillne  delà  fcniizlve mimofa ,  dans 
la  première  feclion  de  la  famille  des  plantes 
iégumineules,  où  nous  l'avons  placée.  Voy. 
ïjOS  familles  des  plantes,  volume  II,  page 
Zî8.  (M.  Adanson.) 

Cœur  de  Vénus  ,  f.  m.  (  Hijl.  nat.  con- 
chyl.  )  coquillage  bivalve  des  Indes ,  à  bat- 
tans  parfaitement  égaux ,  fermant  très-exac- 
tement ,  comprimés  ou  applatis ,  non  pas 
par  le  dos ,  mais  par  leurs  côtés  ,  au  con- 
traire de  la  plupart  des  autres  coquillages  bi- 
valves ,  de  manière  qu'ils  repréfentent  un 
cceur  de  deux  pouces  &  demi  de  longueur 
des  fommets  à  l'extrémité  oppofée  ,  un  peu 
moins  large,  relevée  fur  chaque  face  de  quin- 
ze à  feize  cannelures ,  relevées  de  dentelures , 
dont  celles  du  bord  qui  eft  Taillant  &  tran- 
chant ,  font  plus  grandes. 

Cette  coquille  efl:  entièrement  blanche, 
mince  &  afifez  tranfparente.  (  M.  Adan- 
son. ) 

COEU  VRES ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville 
de  France  dans  le  Soifïbnnois,  avec  titre  de 
duché-pairie. 

COEX  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  on  appelle 
ainfi  aux  environs  de  la  Rochelle  un  tuyau 
de  bois  que  l'on  met  fous  une  chaulTee,  pour 
conduire  l'eau  des  marais  falans.  {A) 

COFFER  DE  NASSELAW  ,  f.  m. 
{  Hijîoire  nat.  Ichthyolog.  )  poiflon  des  îles 
Moluques,  allez  bien  gravé  &  enluminé 
fous  ce  nom  ,  par  Coyett,  au  n°.  75  de  la 
féconde  partie  de  fon  Recueil  des  poijfons 
d*Amboine. 

Son  corps  eft  elliptique  très-comprimé 
par  les  côtés ,  pointu  vers  la  queue ,  arrondi 
vers  la  tcte ,  une  fois  plus  long  que  profond  ; 
il  a  la  tête  grofîè  &  courte ,  la  bouche  gran- 
de ,  les  yeux  petits. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fept  :, 


C  O  F 

favoir ,  deux  ventrales  au  deflous  des  deux 
pedorales  qui  font  petites  ,  arrondies  ,  une 
dorfale  fort  longue ,  plus  baflè  devant  que 
derrière ,  une  derrière  l'anus  fort  peu  plus 
longue  que  profonde ,  &c  une  à  la  queue 
échancrée  en  croiflànt. 

La  couleur  de  fon  corps  eft  brune ,  celle 
de  (es  nageoires  verte;  fa  tête  eft  jaune 
bordée  de  bleu  derrière  ,  à  deux  taches 
bleues  fur  le  front  ,  la  prunelle  des  yeux 
eft  noire  bordée  d'un  iris  rougeâtre. 

Remarque.  Ce  poillôn  eft ,  comme  l'on 
voit,  une  efpece  de  fpare.  (M.  Adanson.) 

CoFFER-viscH,  f.m.  (i///?.  nat.  Icfithyo- 
log.  )  on  nomme  encore  de  ce  nom  aux  îles 
Moluques ,  une  autre  efpece  de  fpare  ,  aftèz 
bien  gravée  de  enluminée  par  Coyett ,  au 
n°.  Il'/  de  h  féconde  partie  de  fon  Recueit 
des  poijfons  d'Amboine. 

Il  ne  diffère  du  coffer  de  nalîèlaw  que 
par  les  caraderes  fuivans  :  1°.  Sa  nageoire 
dorfale  a  dans  fa  partie  antérieure  deux 
rayons  épineux  ,  èc  celles  de  l'anus  un  rayon 
pareil.  i°.  Son  corps  eft  brun-noir  ;  fa  tête  a 
trois  taches  bleues  fur  le  front ,  &:  dix  taches 
rondes  bleues  fur  chaque  face  ;  fa  queue  eft 
jaune  ,  avec  fept  taches  bleues  de  chaque 
côté ,  les  rayons  épineux  de  fes  nageoires  iont 
bleus ,  &  la  membrane  qui  unit  ces  rayons 
épineux  eft  rougeâtre.  {M.  Adanson.) 

COFFILA ,  f  m.  (  Co/Tzm.  )  poids  d'ufagc 
à  Mokajil  pefe  ,UoOu  lô^k  de  livres.  Voyer 
le  dicl.  de  Trév.  &  le  dicl.  de  Comm. 

COFFINER,  V.  n.  {Jard.)  fc  dit  des 
œillets  lorfque  les  feuilles  fe  frifent  au  lieu 
de  demeurer  étendues  ;  c'eft  un  défaut  qui 
fe  défigne  par  le  verbe  coffiner.  Il  fedit  auflî 
des  fruits  ,  lorfqu'ils  changent  &  devien- 
nent mous, 

Coffiner  ,  v.  n.  (ynonyme  ,  en  menui^ 
ferie  ,  &  charpenterie  ,  à  fe  cambrer ,  fe 
déjetter  ,  s*envoiler  :  il  fe  dit  d'une  pièce 
ou  planche  de  bois  qui s'eft  déformée  ou  par 
le  fec  ,  ou  par  l'humidité  ,  ou  par  la  charge. 

COFFRE  ,  f.  m.  (HiJI.  nat.  Ichthyol.) 
poifîon  qwi  fe  trouve  vers  les  Antilles ,  qui 
eft  couvert  d'une  écaille  mince ,  mais  dure 
&  feche,  dont  on  le  tire  quand  il  eft  cuit 
comme  un  limaçon  de  fa  coque,  ou  comme 
une  tortue  de  fon  écaille ,  dont  la  forme  eft 
depuis  la  tête  jufqu'à  la  queue  en  pyrami- 
de ,  à  trois  faces ,  qui  a  Ja  tête  jointe  au 


C  O  F 

refte  du  corps  ,  fans  qu'on  y  diilingue 
aucune  fëpai.  tion,  &c  dont  la  chair  eft  blan- 
che &  fucculei-te,  aa  ienriment  du  père 
Labat  qui  en  fait  mention  au  tome  II  de 
fes  voyages. 

Remarques.  Ce  poiflbn  eft  du  genre  de 
ceux  qu'on  nomme,  en  latin  or  bis  ;  on  lit 
dans  le  didionnairc  quia  pour  titre  Diclion- 
naire  d'hijloire  naturelle  ,  à  l'article  poijfon- 
coffi-e  y  que  cet  animal  eft  couvert  depuis 
la  tête  jufqu'à  la  queue  d'une  écaille  alfez 
mince  ,  feche  &  très-dure  ;  mais  cette  pré- 
tendue écaille  n'eft  qu'une  peau  coriace  & 
prefque  cartilagineufe ,  grenue  &  chagrinée 
par  des  tubercules  en  compartimens  qui  tien- 
nent lieu  d'écaillés.  {M.  An  an  son.) 

^  Coffre,  {Layetier  &  Gainier.)  efpece 
de  caifte  de  bois  ordinairement  couverte  de 
cuir  ,  fermant  à  clé ,  &  fervant  à  ferrer  les 
hardes  ,  linge  ,  &c.  Il  y  a  des  coffres-forts 
faits  de  bois  ,  mais  fonifiés  de  plulleurs 
bandes  &  liens  de  fer.  Ce  font  les  layetiers 
qui  font  les  coffres  de  bois  fimples,  qu'on 
appelle  plus  exadement  caiffes.  Ce  font  les 
gainiers  qui  font  les  coffres  couverts.  Ce 
font  les  lerruriers  qui  font  ou  qui  garnif- 
fent  les  coffres-forts. 

Le  mot  coffre  s'emploie  de  différentes 
manières ,  tant  au  fimple  qu'au  figuré.  On 
dit  de  la  cavité  du  corps  la  plus  grande 
qui  contient  le  cœur ,  les  poumons ,  le  foie, 
les  inreftins  ,  ùc.  le  coffre  du  corps  humain. 
On  dit  aulïi ,  les  coffres  du  roi  ^  le  coffre 
d'un  clavecin  ,   &c. 

Coffre,  {Jurifprud.  )  Le  don  de  coffre  , 
hardes ,  troufleau  ,  &  joyaux ,  eft  un  gain 
nuptial  &  de  furvie,  que  Ton  ftipule ordi- 
nairement en  Provence  dans  les  contrats  de 
mariage  ,  en  faveur  du  furvivant  des  futurs 
conjoints.  La  femme  fe  fait  reconnoitre 
par  le  contrat  fes  coffres ,  hardes ,  &c.  que 
l'on  apprécie  à  une  certaine  fomme  ,  par 
exemple  i  ooo  liv.  Après  cette  reconnoiftance 
&  la  conftitution  de  dot ,  dans  laquelle  on 
comprend  ces  coffres ,  6c  après  la  donation 
de  furvie  en  argent  que  Pon  ftipule  en  fa- 
teur  du  furvivant ,  on  ajoute  queles(7o^/er, 
hardes ,  ùc.  enfemble  le  prix  &  reconnu  d'i- 
ceux  ,  appartiendront  au  furvivant.  Cette 
claufe  ,  enfemble  le  prix  ù  reconnu  d'ic^ux  , 
opcrc  que  la  femme ,  en  cas  de  furvie»  re- 
prend en  entier  fa  dot  &  fes  coffres  en  nature. 


C  O  F 


43 


&  encore  ï  ooo  livres  en  argent  pour  i^ 
coffres  :  au  contraire ,  ii  c'elt  le  mari  qui 
furvit ,  il  garde  les  coffres  ôc  hardes  en  na- 
ture ;  il  eft  difpenfé  de  payer  ux  héritiers 
de  fa  femme  les  i  ooo  livres  qu''elle  s'étoit  fait 
reconnoitre  pour  les  co^e^,  ôc  ne  leur  rend 
que  le  furplusde  la  dot.  V.le  traité  des  gains 
nuptiaux  &  de  furvie  ,  ch.  viij.  page  Su.  {A) 

Coffre  ,  terme  de  fortification ,  logement 
creufé  d^ms  un  fofte  fec ,  de  1 5  ou  20  pies  de 
large  &  de  6  à  8  pies  de  profondeur  3  cou- 
vert de  foliveaux  ,  qui  font  élevés  de  deux 
pies  au  deflhs  du  plan  du  fofte  j  cette  petite 
élévation  fert  de  parapet  ;  elle  a  des  embra- 
fures  pour  y  placer  des  pièces  d^irtillerie ,  qu  i 
défendent  la  place  du  baftionoppofé  &  em- 
pêchent le  paftàge  du  fofte.  Foje^jj^ Fossé. 

Le  coffre  diffère  encore  de  la  traverfe  & 
de  la  galerie ,  en  ce  que  celle-ci  fert  aux 
afiîégeans  &  l'autre   aux   aiïîégés.  Voye-;^ 
Galerie  &  Traverse. 

Les  affiégés  fe  fervoient  autrefois  de  ces 
fortes  de  coffres  pour  repoufler  lesafîiégeans 
au  partage  du  fofté  ;  mais  ils  he  foni  plus  en 
ufags  à  prcfent  :  la  caponiere  du  foflfé  répond 
exactement  à  l'obj  et  de  ccS  fortes  de  travaux, 
qui  le  plaçoient  ordinairement  non  vers  le 
milieu  de  la  courtine  comme  la  caponiere , 
mais  à  peu  de  diftance  des  flancs.  Voyi\ 
Caponiere. 

Qn  appelle  quelquefois  coffre ,  dans  l'ar- 
tillerie ,  la  chambre  ou  le  fourneau  de  la 
mine.  Voye^CuAuisKE &  Fourneau. (Q) 

Coffre  de  bord  ,(  Marine.)  c'cd  ut\ 
coffre  de  bois  dont  l'affiette  ou  le  fond  eft 
plus  large  que  le  haut ,  &  où  les  gens  de 
marine  mettent  ce  qu'ils  portent  à  la  mer 
pour  leur  ufage. 

Coffres  a  gargouffes  ,  ce  font  des  retran- 
chemens  de  planche  faits  dans  les  fou  tes  aux 
poudres  ,  où  l'on  met  les  gargouiîes  après 
qu''on   les  a  remplies. 

Coffres  à  feu  ;  ce  font  des  coffres  que- 
l'on  remplit  de  feu  d'artifice  &:  de  matières 
combuftibles  ,  qu'on  tient  en  quelque  en- 
droit ,  &  dont  on  fait  uf:ige  lorfque  les 
ennemis  ont  fîiuté  à  l'abordaj^e  ,  pour  les 
repoufler  &  faire  périr  ceux  qui  font  expofé^ 
à  leur   effet,   Dicl.dc  Trévoux.  {Z) 

Coffre  ,  en  terme  de  blanchifferie  de  cire  ^ 
c'eft  une  machine  de  cuivre  longue  de  quatre 
j^iés  j  f  lus  large  en  liiut  qu'en  bas  ^  cquvcite 


431  C  O  F 

d'une  paflbire  au  milieu ,  &:  de  deux  portes 
ou  plateaux  de  fer-blanc  à  chaque  bout  ;  le 
devant  &c  le  derrière  font  garnis  de  deux  ré- 
chaux pofl:iches,&  fur  un  des  bouts  du  cqf're 
eft  un  robinet  d''où  la  cire  tombe  dans  des 
éculons  pour  être  verfée  fur  des  planches  à 
pain.  Fbjei^PLANCHE  A  pain  &"  Lculons. 
Le  cc^'re  fcrt  à  contenir  la  matière  fondue 
pour  la  troifieme  fois  dans  uneclialcur  con- 
venable pour  être  coulée  en  pains. 

Coffres  ,  (  Hydr.  )  font  faits  de  bois ,  de 
tôle  ou  de  fer  en  forme  de  boites  quarrées 
pour  renfermer  les  foupapes.  yo^e^CRA- 

PAUDINES.  (K) 

Coffre  ,  fe  dit  quelquefois  en  parlant  du 
ventre  du  cheval  :  on  dit  ce  cheval  a  un 
grand  coffre  y  pour  dire  qu'il  a  bien  du  ventre, 
ou  qu'il  mange  beaucoup  :  on  dit  d'un  cheval 
qui  a  peu  de  force ,  que  c'eft  un  vrai  ccffre  a 
avoine. 

Lecq^e  àavoine  dans  une  écurie ,  efl:  un 
ccffre  de  bois  qui  ferme  à  clé ,  &  qui  efl:  or- 
dinairement féparé  en  dedans  par  une  cloi- 
fon ,  afin  de  mettre  l'avoine  d'un  coté  &  le 
Ton  de  l'autre.  Le  dé'.ivreur  a  la  clé  du  coffre 
à  avoine.  Fbjc:[  Del IVR eu  R. 

COFFRET  ,  diminutif  de  coffre.  Voyeii^ 
Coffre.  Les  confifcurs  donnent  ce  nom  à 
des  boîtes  de  bois  de  différentes  grandeurs, 
dans  le'quelles  ils  ferrent  leurs  confitures  :  les 
cordonniers ,  à  un  rond  de  bois  fur  lequel  ils 
coupent  les  empeignes.  Fbye^SouLiERs.  Il 
en  eft  dcscq^e^^ainiî  que  des  coffres;  l'ufage 
en  eft  prodigieux ,  &  il  y  a  peu  d'artiftes  ou 
même  de  maifons  où  l'on  ne  s'en  ferve  à 
ferrer  différentes  chofes  qu'on  ne  veut  pas 
laifler  expofées  fous  la  main  du  premier  venu . 

COFFRETIER ,  f.  m.  {An  méch)  on 
donne  ce  nom  à  deux  fortes  d^arti'ans  ;  les 
malletiers  àc  les  bahutiers.  Les  ccjfreriers- 
malletiers  ,  ce  font  ceux  qui  en  qualité  de 
membres  d'une  communauté  de  ce  nom  ont 
droit  de  faire  &:  de  vendre  des  coffres  d'ar- 
mée ,  malles ,  valifes ,  ùc.  Les  bahutiers 
font  ceux  qui  en  qualité  de  membres  d'une 
communauté  de  ce  nom  ,  font  autorifés  à 
faire  &  vendre  bahuts ,  caifîès  ,  caffettes  , 
coffres  de  ménage ,  ùc.  Voye^tart.  Bahu- 
TiER.  Les  premiers  ne  paroiftent  pointavoir 
form.é  de  communauté  avant  1 596.  Ils  ont 
quatre  jurés,  dont  deux  fbrtcnt  de  charge 
rous  les  ans.  Il  faut  avoir  cinq  ans  d'appren- 


C  Ô  F 

tiffagc  ,  ôc  cinq  de  compagnonage  pour 
parvenir  à  la  maîtrife.  On  ne  peut  faire  qu'un 
apprenti  à  la  fois.  Ces  artifans  font  iî 
bruyans ,  que  la  police ,  qui  veille  au  repos 
descitoyens,a  voulu  qu'ils n'ouvriflent qu'à 
cinq  heures  &  qu'ils  rermaflènt  à  huit. 

COFIDÉJUSSEUR  ,  f.  m.  {Jurifprud.) 
eft  celui  qui  a  répondu  folidairement  avec 
quelqu'autre  de  la  dette  du  princip  il  obligé. 

Suivant  le  droit  romain,  un  des  cofidé^ 
jujfeurs  qui  a  payé  feul  toute  la  dette  au 
créancier ,  fans  prendre  de  lui  ccflîon  de  (cs 
droits  &  adions ,  ne  peut  agir  contre  (es 
cofidéjujfeurs ,  quoiqu'il  n'ait  pas  befoin  de 
fubrogation  pour  répéter  du  principal  oblige 
ce  qu'il  a  paye  pour  lui.  Injî.  l.  IIl^  t.  xxj,  §.4. 

Cette  maxime  du  droit  romain  s'obfervc 
encore  en  quelques  provinces  du  droit  écrit , 
comme  Pob'ervc  Catelan ,  liv.  V,  ch.  lix. 

Mais  Pufage  comm.un  eft  que  celui  des 
cofidéjujjeurs  qui  a  payé  fans  s'cire  fait  lubro- 
ger  par  le  créancier  ,  peut  néanmoins  agir 
contre  les  cofidéjuffeurs  pour  répéter  de  cha- 
cun d'eux  leur  part  &  portion.  Vu^  ci^Cau-» 

TION  Ù  FiDÉjUSSEUR.  {A) 

COGMORIA,  f.  f.  mouffeline  que  les 
Anglois  apportent  des  Iwdes  orientales.  Voy* 
le  diclionn.  du  Comm. 

§  COGNAC  ,  (  Géogr.  )  Campiniacum  , 
Copriniacum  ou  Conniacum ,  la  féconde  ville 
de  l'Angoumois  du  diocefe  de  Saintes  ; 
Gérard ,  archevêque  de  Bordeaux ,  y  tint  ua 
concile  en  1 2  5  8.  Long.  2  7,  z^,  54  ;  lat.  45, 

La  lituation  en  eft  charmante  &  rien  n'efl 
plus  riant  que  le  payfage  dont  elle  eft  envi- 
ronnée. Elle  eft  célèbre  par  la  naiflànce  de 
François  I ,  &  par  fes  eaux-de-vie.  C'eft  la 
patrie  de  Pabbé  de  Villiers,  auteur  des  poè- 
mes/z/r  V amitié  ôcfur  l'art  de  prêcher. 

Cognac  eft  fur  la  Charente,  à  quatre  lieues 
de  Saintes ,  à  fept  d'Angoulême ,  &  à  deux 
de  Jarnac.  (C) 

§  COIGNASSIER  ,  (Sotaniq.)  en  latin, 
cydonia  ,  en  anglois  ,  quince-tree  ;  en  alle- 
mand, quittenbaum. 

CaracJere  générique. 

Le  calice  de  la  fleur  eft  permanent ,  d'une 
feule  pièce  &  divifé  en  cinq  par  les  bords  : 
il  foutient  cinq  grands  pétales  arrondis  , 
creufés  en  cuilleron  &  difpofés  en  rofe  ;  il 
renferme  Pembryon  qui  fupporte  cinq  flyles 

déliés 


C  O  I 

déliés  &  environ  une  vingtaine  d'étamines 
dont  les  fommets  font  divilés  en  quatre  par- 
ties :  cet  embryon  devient  un  fruit  charnu 
&  velu ,  tantôt  pyramidal ,  tantôt  arrondi , 
félon  les  efpeces;  ce  fruit  eft  diviié  en  cinq 
cellules ,  dans  lelquelles  il  ie  trouve  un  ou 
deux  pépins  figurés  en  larmes  :  il  eft:  terminé 
par  un  ombilic  formé  des  veft:iges  du  calice. 
Efpeces. 

1.  CoignaJJier  à  feuilles  oblongues,  ve- 
lues par-deilous,  à  fruit  oblong,  allongé 
vers  la  bafe.  Coin-poire.  Coignajjlcr  ordi- 
naire à  feuilles  moyennes. 

Cydonia  foliis  ovato-cbLngis ,  fubius  to- 
me nîojîs  ,  pvmis  oblongis ,  bafî  produâis. 

Qjiince-trec  wkh  oblong  oral  leaves ,  &CC. 
Peur  quince. 

2.  Coignajfier  à  fruit  oblong  &:  imberbe; 
en  Provence  ,  coudounier. 

Cydonia  fruclu  oblongo ,  Iceviori,  Injt. 
rei  herb. 

Il  ne  fe  trouve  pas  dans  Miller. 

3 .  Coignajfier  à  feuilles  ovales ,  velues 
pardeflbus ,  à  fruit  rond ,  ou  coignier. 

Cydonia  foliis  ovatis ,  fubtus  tomentojîs , 
pomis  rotundioribus;  cydonia  fruclu  breviore 
&  rctundiore.  Injl.  rei  herb. 

Apple -quince. 

4.  CoignaJJier  à  feuilles  ovales  renverfées, 
très -larges  Ôc  à  gros  fruit;  coignajfier  de 
Portugal. 

Cydonia  foliis  obvers}  ovatis  ,  latijfimis , 
fruclu  maximo.  Hort.  Col.  Cydonia  latifolia 
lufitanica.  Inji.  rei  herb. 

La  vertu  ftomachique  &  aftrlngcnte  des 
coins  5  le  mucilage  de  leurs  pépins  li  propre 
à  garantir  les  malades  long-temps  alités  des 
effets  du  frottement ,  la  forme  agréable  de 
ces  fruits ,  le  duvet  doré  dvnt  ils  (ont  cou- 
verts ,  fur-tout  leur  grolTeur  prodigieufe  &: 
leur  parfrim  fi  gracieux  dans  les  confitures 
&  les  ratafias ,  alfurent  aux  coignajfiers  une 
place  diftinguée  parmi  les  fruitiers  ;  mais  ce 
qui  rend  ces  arbres  plus  eftimables  encore , 
c'efl:  leur  proche  parenté  avec  la  famille  des 
poiriers;  peut-être  ne  fommes-nous  rede- 
vables de  nos  plus  belles  efpeces  de  poires 
qu'aux  alliances  contraétées  entre  les  deux 
genres;  le  volume ,  la  figure  de  ces  fruits, 
le  jaune  dont  ils  fe  peignent ,  font  du  moins 
foupçonner  qu'ils  tirent  en  partie  leur  ori- 
gine du  coignajfier  ;  &  ce  n'cft  pas  encore 
Tome  FUI. 


COI  433 

tout  ce  que  nous  lui  devons;  qu*on  lui 
confie  les  greffes  des  meilleurs  poiriers ,  la 
fève  rnodérée  va  réfréner  les  faillies  de  la 
leur ,  ils  en  deviendront  plus  dociles  à  la 
taille  &  au  paliflàge;  par-là,  on  les  réduit 
à  une  ftiature  médiocre ,  on  en  fbrme  des 
demi-vents,  desefpallers,  des  quenouilles, 
des  buiftbns,  &z  fous  toutes  ces  formes  ils 
font  d'un  plus  prompt  &  plus  grand  rapport 
que  ceux  grcliés  fur  franc  ;  le  fruit  en  eft 
aufïl  plus  gros  6c  d  une  pâte  plus  douce. 

C^eft  dommage  que  tous  les  poiriers  ne 
s'accommodent  pas  également  de  ce  fujet 
qui  ne  convient  guère  qu^aux  poires  fon- 
dantes ,  &  ne  réulïit  parfaitement  que  dans 
les  terres  fraîches.  Plufieurs  poires  d'hiver, 
celles  qui  ont  des  difpolitions  à  fe  crevaifer 
n  y  font  que  peu  de  progrés.  Il  eft  des  efpeces 
qui  ne  peuvent  fubiifter  de  fa  fève  :  de  ce- 
nombre  font  entre  autres  quelques-unes  de 
celles  connues  fous  le  nom  de  bergamotte; 
leur  forme  arrondie  donne  Leu  de  penier 
qu'elles  tiennent  de  très-près  aux  poiriers 
lauvages  &  aux  nefïliers  (  Voye^  ci-après 
Fructification)  ,  &  qu'elles  nont  que 
très-peu  d'analogie  avec  le  coignajjîer ;  il  eft 
cependant  un  moyen  de  tromper  leur  aver- 
fîon  pour  cet  arbre;  il  faut  d  abord  modi- 
fier fa  fève ,  en  y  greffant  du  beurré ,  ou  de 
la  virgouleufe ,  qui  y  reprennent  très-aifé- 
ment;  c'eft  fur  le  bois  provenu  de  ces 
greffes  qu'on  pofera  les  écuflbns  ou  les 
iUoins  de  ces  poiriers  infociables  ;  par  cette 
médiation  on  les  réconciliera  avec  le  coi- 
gnajfier ;  ce  fujet  intermédiaire  ell:  en  jar- 
dinage ce  que  les  intermèdes  font  en  chy- 
mie.  Eh!  quelle  chymie  plus  belle  que 
celle  de  la  végétation  î  N'oubUons  pas  de 
prévenir  qu'un  autre  moyen  de  tenir  nains 
ces  poiriers ,  ceft  de  les  greffer  fur  épines , 
fur  nefflier  &:  fur  azérolier. 

Mais  il  eft  d'autres  efpeces  dont  la  fevc 
impétueufe  ne  peut  fympathifer  avec  la  len- 
teur de  la  plupart  des  co/^/z^7/7?erj;  d'après 
cette  obfervation  ,  je  ne  doute  nullement 
que  ceux-là  ne  puiilent  réufTir  fur  celui  de 
Portugal  ;  fa  fupériorité  de  vigueur  fur  les 
autres  efpeces  de  fon  genre ,  fe  fut  aflez 
remarquer  dans  l'excès  des  dimenfions  de 
toutes  fes  parties.  On  trouveroit  encore  un 
grand  avantage  dans  l'alliance  de  ces  poi- 
riers avec  aet  iibre,  c'eft  que  leurs  poires 

lii 


434-  COI 

participant  cîe  la  grofleur  de  Ton  fruit ,  exce- 
deroient  de  beaucoup  leur  volume  naturel. 

En  général  il  faut  choilir  prcférablement 
les  coignûjjiers  à  feuilles  larges ,  pour  y  pla- 
cer les  greffes  des  poiriers,  c'cft  k  moyen 
cîe  grofïir  les  fruits.  On  doit  de  même 
donner  la  préférence  aux  poiriers,  neffliers, 
azéroliers  à  gros  fruit,  dans  les  cas  indiqués 
pour  le  choix  de  ces  fujets;  fi  l'on  avoir 
cepcndûMt  pour  objet  d'avoir  des  arbres 
très-bas ,  il  conviendroit  de  préférer  le  coi- 
gnajjîer  à  feuilles  étroites ,  qui  eft  le  moins 
élevé  &  le  moins  vigoureux  de  tous,  & 
Tcpine  blanche  ou  quelqu'autre  efpece  plus 
bafle  de  ce  genre  ,  dans  le  cas  où  l'on 
;iuroir  des  raiions  pour  y  avoir  recours. 

De  favoir  fi  en  greffant  un  arbre  fur 
lui-même,  on  abonnit  fon  fruit,  &  jufqu'à 
^uel  point  ces  opérations  multipliées  pro- 
«îuiroient  de  bons  efïcts ,  c'eft:  ce  que  nous 
examinerons  à  Vartick  Greffe. 

On  fe  fert  ordinairement  des  /z°.  i  & 
3  dans  les  pépinières,  pour  y  greffer  les 
poiriers  deftinés  à  former  des  bafîes-tiges 
ou  des  demi -vents. 

L'efpcce  n°.  5  ne  nous  efl  pas  connue, 
le  nous  ne  garanriflbns  pas  fon  exiftence. 

Le  coignajfier  fleurit  à  la  fin  de  mai  ;  fcs 
larges  fleurs  d'un  blanc  animé ,  naiflènt  fbli- 
taires  fur  les  rameaux  &  relTortent  merveil- 
leufement  fur  les  touffes  verdoyantes  où  elles 
font  comme  parfemées  ;  elles  le  fuccedcnt 
encore  quelquefois  dans  le  commencement 
de  juin  ;  cet  arbre  peut  donc  fervir  à  l'orne- 
ment des  bofquets  du  printemps  ;  comme  il 
a  une  habitude  de  mal  porter  lès  branches, 
qui  met  l'art  en  défaut,  il  convient  de  le 
jeter  en  madè  dans  les  fonds  des  parties 
les  plus  négligées  &  les  plus  agreftes. 

Donnons  encore  quelque  attention  au  coi- 
gnajpccr  de  Portugal ,  nous  n'avons  parlé  que 
du  fecours  qu'il  prête  au  poirier,  occupons- 
nous  des  avantages  qu'il  nous  procure  par 
lui-même.  Qu'on  le  greffe  fur  quelque  ef- 
pece de  poirier  à  gros  fruit ,  le  lien  en  fera 
plus  gros  èi.  meilleur;  il  prend  très-bien  fur 
les  autres  efpeces  de  fon  genre ,  &  en  géné- 
ral il  cfl  d'autant  plus  utile  de  le  multiplier 
par  Li  greffe ,  que  par  ce  moyeu  ©n  obtient 
plutôt  &  en  plus  grande  quantité  fes  fuper- 
bes  fruits ,  dont  le  parfum  eft  plus  gracieux 
que  celui  des  CAitiss  cpiiis ,  &  qui  par  la 


C  O  I 

cuilîbn  fe  colorent  du  plus  beau  pourpre  ;  on 
peut  auifi  multiplier  cet  arbre  de  marcottes 
&  de  boutures;  ce  font  les  voies  qu'il  fiut 
choifir  pour  fe  procurer  des  fujecs  propres  à 
porter  les  greffes  des  poiriers  :  les  marcottes 
ne  s'enracinent  pas  aufïi  aifément  que  celles 
des  autres  efpeces  ;  il  convient  de  les  coucher 
en  automne ,  d'y  faire  «ne  coche  Se  de  les 
couvrir  d'un  peu  de  litière;  fes  boutures 
font  auffi  un  peu  rebelles ,  &  il  faut  les 
traiter  avec  une  partie  des  ménagemens 
indiqués  à  {'article  Bouture  ;  trop  d'om- 
bre &  d'humidité  leur  nuifent  infiniment. 
On  multiplie  ordinairement  les  coignaf- 
fiers,  en  en  formant  des  mères,  c'eft~à-dire, 
qu'on  recoupe  de  jeunes  (ujets  près  de  terre, 
&  qu'on  élevé  un  petit  monticule  autour  des 
branches  qu'ils  ont  pouflécs  d'une  automne 
à  l'autre  :  ces  efpeces  de  marcottes  prennent 
fuffifamment  de  racines.  Qu'on  plante  en 
automne  les  boutures  des  coignajjiers  ordi-^ 
naires  dans  une  terre  fraîche  ,  couverte  de 
litière  à  lexpofition  du  levant,  elles  réuf- 
f iront  très-bien.  Les  fujets  obtenus  par  ce 
moyen ,  font  préférables  à  ceux  qu'on  tire 
des  mères ,  en  ce  qu'ils  font  pourvus  de 
racines  tout  autour  de  l'aire  de  la  coupure  î 
au  lieu  que  ceux-là  n'en  ont  que  d'un  côté. 
J'ai  femé  avec  fuccès  des  pépins  de  coin  ; 
mais  outre  qu'il  eft  difficile  d'en  rallembler 
en  alfez  grande  quantité  pour  fubvenir  aux 
befbins   d'une   pépinière,    cette    voie  eft 
longue  &  ne  procure  pas  des  arbres  plus 
droits  que  ceux  provenus  des  boutures. 
'   On  plante  les  jeunes  coignajfier  s  en  pépi- 
nière depuis  la  fin  d'od:obre  jufqu'à  la  fia 
de  mars  dans  une  terre  fraîche  &  effrondée , 
où  on  les  efpace  d'un  pié  èc  demi  ou  deux 
pics  dans  des  rangées  diftantes  de  deux  ou 
trois.  La  féconde  année»  on  les  élague  611 
juin,  on  les  écuffonne  tout  le  mois  d'août 
&  partie  de  feptembre ,  fe  réfervant  d'enter 
au  mois  d'avril  fuivant  les  fujets  où  i'écuflba 
a  manqué. 

Les  poiriers  greffés  fur  coignaffîers  ne  d^ 
mandent  pas  un  fol  auffi  profond  que  le& 
poiriers  fur  franc  ;  ils  réuflifîent  allez  biea 
par-tout,  pourvu  qu'on  varie  leur  taille 
lujvant  les  différentes  qualités  du  terroir. 

A  l'égarddes  cw^^tf^er^non-greÉTésqu'on 
élevé  pour  leurs  fruits ,  fi  on  les  plante  près, 
des  eaux,  ils  en  donneront  davantage  & 


C  O  G 

tîe  plus  gros  ;  dans  une  terre  fechc  les  fruirs 
feront  plus  précoces  ôc  plus  parfumés.  La 
taille  que  demandent  ces  arbres,  confifte 
uniquement  à  les  délivrer  des  branches  gour- 
mandes, fur-tour  des  plus  ambitieufes  qui 
s'élèvent  au-deflus  de  la  touffe  i  il  faut  auiïi 
les  décharger  du  trop  de  bois  qui  les  rendroit 
confus  5  ce  qui  leur  eft  commun  avec  tous 
les  fruitiers.  {M.  le  baron  de  Tschoudi.  ) 
COGNAT,  {Jurifpr.)  fignifie  en  géné- 
ral celui  qui  eft  joint  à  quelqu'un  par  les 
liens  de  parenté  ;  quelquefois  il  fignifie  îni- 
guhérement  celui  qui  eft  parent  du  côte  des 
femmes.  Voye-^^  ci-aprh  Cognation.  {A) 
COGNA  nON  ,  f.  f.  {Jurifpr.  )  iignifie 
en  général  la  parenté  qui  eft  entre  deux 
perfonnes  unies ,  foit  par  les  liens  du  fang , 
ou  par  quelque  lien  de  famille ,  ou  par 
Pun  ôc  1  auire  de  ces  difFérens  liens. 

On  diftingue  trois  fortes  de  cognations  ; 
la  naturelle ,  la  civile  &  la  mixte. 

La  cognation  naturelle  eft  celle  qui  eft 
formée  par  les  feuls  hens  du  fang;  telle 
éft  la  parenté  de  ceux  qui  font  procréés 
de  quelque  conjondion  illégitime ,  foit 
relativement  à  leurs  père  &  mère  &  autres 
afcendans ,  foit  relativement  à  leurs  frères 
5c  fœurs  de  autres  collatéraux, 

La  cognation  civile  eft  celle  qui  procède 
des  feuls  liens^e  famille,  telle  que  la  pa- 
renté qui  eft  établie  entre  le  père  adoptif 
&  l'enfant  adopté. 

La  cognation  mixte  eft  celle  qui  réunir 
à  la  fois  les  liens  du  fang  &:  les  liens  de 
famille  ;  telle  eft  celle  qui  fe  trouve  entre 
deux  frères  procréés  d'un  légitime  mariage. 
On  diftingue  dans  la  cognation  deux 
chofes  principales;  favoir,  la  ligne  &  le 
degré.  Voye^^  Degré. 

La  ligne  eft  directe  ou  collatérale.  V. 
Ligne. 

Dans  la  ligne  collatérale  on  diftingue 
les  parens  en  agnats  &  cognats  ;  les  agnats 
font  ceux  qui  font  parens  du  coté  des 
mâles ,  les  cognats  font  ceux  qui  font 
parens  par  les  femmes. 

On  dit  communément  que  tous  les 
cognats  font  agnats ,  mais  que  tous  les 
agnats  ne  font  pas  cognats,  parce  qu'en 
effet  la  cognation  eft  le  genre  qui  com- 
prend en  loi  l'agnation ,  qui  n'en  eft  que 
la  différence.  Voye'^^  les  injfit.  au  titre  de 


COG  435 

nuptiis  y  ÔC  au  tit.  de  grad.  cognât.  Se  ci- 
aprh  Consanguinité  ù  Parenté. 

La  cognation  ou  affinité  fpirituelle,  eft 
celle  qui  fe  contracte  par  le  baptême  entre  les 
père  &c  mère  &  Penfant  avec  les  parrains  Se 
marraines.  V.  Alliance  &  Affinité  {A) 
COGNATIQUE,  fucceflfion  linéale  , 
C  Droit  polit.  )  forte  de  fuccelTion  à  la 
couronne. 

Il  y  a  deux  principales  fortes  de  fuccefl 
fions  linéales  à  la  couronne ,  favoir ,  la 
cognât ique  Se  X'agnatique;  ces  noms  viennent 
des  mots  latins  cognati  Se  agnati ,  qui  dans 
le  droit  romain  fîgnifient ,  le  premier ,  lès 
parens  du  côté  des  femmes  ;  l'autre  ^  ceux 
qui  font  du  côté  des  mâles. 

La  fucceffion  linéale  cognatique  eft  cell,e 
<^ui  n'exclut  point  les  femmes  de  la  Çucc^Ç- 
fion  à  la  couronne ,  mais  qui  les  appelle 
feulement  après  les  mâles  dans  la  même 
ligne  ;  enforte  que  lorfqu'il  ne  refte  que 
des  femmes,  on  ne  pafle  pas  pour  cette 
raifon  à  une  autre  ligne;  mais  on  retourne  à 
elle ,  lorfque  les  mâles  les  pkis  proches  ou 
d'ailleurs  égaux  ,  viennent  à  manquer  avec 
toute  leur  defcendance.  H  réfulte  de-là  que 
la  fille  du  fils  du  dernier  roi  eft  préférée  au 
fils  de  la  fille  du  même  prince ,  &  la  fille 
d'un  de  fès  frères  au  fils  d'une  de  fès  fœurs. 
On  appelle  aufïî  cette  forte  de  fuccef- 
fion ,  cajîillanne ,  parce  qu'elle  avoir  lieu 
dans  le  royaume  de  Caftille.  Pour  favoir  fi 
on  doit  fuivre  cette  forte  de  fuccefïion  au 
défaut  de  loi  Se  d'exemple ,  on  peut  voir 
quel  ordre  s'obferve  dans  la  fucccffion  des 
corps  ou  confeils  publics  dont  les  places 
font  héréditaires. 

Le  fondement  de  cette  fuccefïion,  en 
tant  qu'elle  eft  différente  de  la  fuccefTion 
purement  héréditaire,  c'eft  que  les  peuples 
ont  cru  que  ceux  qui  efperent  le  plus 
juftement  de  parvenir  à  la  couronne,  tels 
que  font  les  enfans  dont  les  pères  au- 
roient  fuccédé  s'ils  eufîènt  vécu  ,  feront 
les  mieux  élevés. 

La  fuccelTion  linéale  agnatique,  eft  celle 
dans  laquelle  il  n'y  a  que  des  mâles  ifTus 
des  mâles  qui  fuccedent,  en  forte  que  les 
femmes ,  Se  tous  ceux  qui  fortent  déciles , 
font  exclus  à  perpétuité. 

Elle  s'appelle  âximfrancoife ,  parce  qu'elle 
eft  en  ufage  dans  notre  royaume.   Cette 

lii  2 


43<^  C  O  G 

exclufion  des  femmes  &c  de  leurs  defcen- 
dans  a  été  établie  principalement  pour 
empêcher  que  la  couronne  ne  parvienne 
à  une  race  étrangère  ^  par  les  mariages 
des  princefles  du  lang  royal. 

Ainii  lelon  ce  principe ,  n"eût-il  pas  été 
plus  avantageux  dans  la  dernière  révolu- 
tion des  Provinces  -  Unies ,  de  borner  la 
luccelTîon  du  ftathouderat  à  la  ligne  agna- 
tique  ?  Et  n'eft~il  pas  à  craindre  que  la 
république  Payant  étendue  à  la  ligne  cogna- 
tique ,  le  gouvernement  ne  puifiè  tomber 
dans  la  fuite  à  une  race  étrangère  ,  dont 
les  intérêts  feroient  bien  différens  de  ceux 
qui  conviennent  au  bien  de  cet  état  ? 

Je  renvoie  le  led:eur  aux  ouvrages  des 
célèbres  jurilconfultes,  d'Hottoman,  deTi- 
raqueau,  de  Grotius,  6'c,  pour  la  décilion 
d'un  grand  nombre  de  queftions  qu'on  peut 
faire  liar  cette  importante  matière  ,  &  je  me 
contenterai  de  ne  traiter  ici  que  la  pr  Jicipale. 

On  demande  li  dans  un  royaume  indivi- 
fible,  un  fils  né  avant  que  fon  père  parvienne 
à  la  couronne,  doit  être  préféré  à  celui  qui 
eft  né  depuis,  quelle  que  foit  la  fuccellion 
établie ,  cognatique  ou  agnatique.  Grotius 
décide  avec  rai(on  pour  Taffirmatlve ,  parce 
que,  dit-il,  du  moment  que  quelqu'un  a 
acquis  la  couronne  dans  la  1  uccelTion  lincale, 
les  enfms  nés  auparavant  ont  quelque  elpé- 
rance  d"y  parvenir;  car  fuppoié qu'il  ne  na- 
quît plus  ci'enfiins  à  leur  père ,  perfonne  n'o- 
feroit  dire  que  ceux  qui  étoient  nés  déjà 
doivent êcre  exclus  delà  fucceffion.  Or,  dans 
ce  cas ,  pour  avoir  droit  de  fuccéder,  il  fufiit 
qu'on  en  ait  eu  l'efpérance,  &  ce  droit  ne 
ic  perd  point  par  quelque  cho:  e  arrivée  de- 
puis; tout  ce  qu''il  y  a ,  c'eft  cjue  dans  la  fuc- 
cefîion  cognatique ,  Pacquifition  prochaine 
en  eft  lufpendue  par  le-privikge  du  fexe ,  ou 
en  ce  qu'il  peut  naître  des  enfans  maies. 

Par  la  même  raifon,  dans  la  fucceffion 
cognatique  le  61s  de  l'ainé  doit  Remporter 
fans  aucun  égard  à  l'âge ,  &  la  fille  même 
d"e  l'ainé  a  la  préférence,  parce  que  l'âge 
ni  le  fexe  n'autorifeiit  pas  à  pailèr  d'une 
ligne  à  l'autre.  Ainfi  en  Angleterre,  où  la 
fucceffion  eft  linéale  cognatique,  Richard 
ÎI,  petit-fils  d'Edouard^ III,  monta  fur  le 
trône  âgé  de  ii  ans,  en  1377,  &  l'emporta 
fur  fes  trois  oiîcks. 

Convenons  cependant  que  la  fucceffion 


CO  G 

!  linéale,  tantct)^,7^//'i^z/equ'"agnatîque,  afbuf- 
fert  dans  pluiicurs  états  les  changemens  cC 
les  viciffitudes  de  ce  monde  :  &  pour  n'en 
citer  qu'un  exemple;  en  Efpagne ,  où  la  fuc- 
ceffion linéale  cognatique  a  lieu,-  les  rois ,  qui 
plus  d'un  fiecle  avant  Richard  H,  roi  d'An- 
gleterre ,  avoient  poflédé  la  couronne  de 
Caftille,étoientdexendusd'un  princequi  Pa- 
voit  obtenue  au  préjudice  de  fes  neveux,  fils 
de  fon  frère  aine.  {M.  lec.  de  Jai/couet.) 

"^  COGNÉE  ,  f.  f.  inftrument  tranchant 
deftiné  à  couper  du  gros  bois,  ôc  à  l'u'age 
de  piuiîeurs  ouvriers  ;  la  forme  en  varie  peu. 
Les  charrons ,  les  bûcherons,  les  charpen- 
tiers, les  jardiniers,  &'c.  ont  \tuis  cognées, 

La  cognée  du  charron  eft  un  outil  fait 
commue  une  hache,  d'un  morceau  de  fer 
forgé  à-peu-près  comme  une  équerre;  le 
côté  tranchant  en  eft  large  ,  plat  &  fore 
affilé  ;  l'autre  branche  eft  creufe  &  en 
douille  :  on  Pemmanche  par  cette  douille 
d'un  morceau  de  bois  loj:g  d'environ  deux 
pies ,  plus  gros  du  côté  de  la  poignée  qua 
du  coté  qui  entre  dans  la  douille.  Les  char- 
rons fe  fervent  de  cette  cognée  pour  char- 
penter  ôc  ôter  le  fuperflu  des  genres  ôc 
des  pièces  de  bois  qu'ils  ont  à  tailler. 

Les  mêmes  artifans  ont  une  féconde  co- 
gnée :  c^eft  un  morceau  de  fer  de  la  lon- 
gueur de  huit  pouces,  doii^  un  des  bouts 
eft  plat ,  large  ôc  tranchant  ;  l'autre  coté 
eft  quatre  ôc  percé  d''un  gros  œil  fait  en 
cœur,  dans  lequel  fe  met  un  manche  de 
deux  à  trois  pies  de  longueur.  Cet  outil 
fert  aux  charrons  pour  fendre  le  bois. 

La  cognée  des  bûcherons  ne  diffère  point 
de  celle-ci. 

Les  Cognées  des  charpentiers  font  de  dif- 
férentes façons  :  ils  ont  une  cog  ée  à  deux  bi- 
feaux ,  qui  a  une  douille  au  bout  pour  rece- 
voir îe  manche;  elle  fcrt  à  dreflèr  les  bois 3, 
ôc  ne  diffère  pas  de  la  première  cofnée  des 
charrons  :  une  cognée  à  deux  bileaux ,  ôc  qui- 
n^a  pas  de  douille  pour  recevoir  le  manche ,. 
mais  un  œil  ;  elle  fert  à  abattre  les  arbres  & 
à  équarrir,  ôc  ne  diffère  pas  de  celle  du. 
bûcheron  ou  de  la  féconde  du  charron. 

Les  jardimers  ont  deux  cognées,  Vunc. 
grande ,  l'autre  petite  ou  à  main. 

La  grande  cognée  Çtn  à  fendre  le  bois^ 
ôc  à  couper  les  racines  ÔC  les  fouches  des 
aibres  qu'on  arrachç. 


COG 

La  petite  fer:  au  jardinier  à  couper  à 
la  main  de  grolles  branches ,  &  à  refaire 
proprement,  quoique  monté  à  l'éclielle  , 
les  grandes  plaies ,  lorfque  la  branche  eft 
(eparée  du  corps  de  Parbre. 

Cognée  ,  (  Ruban.  )  eft  un  outil  de 
cuivre  ou  de  fer,  mais  mieux  de  cuivre  : 
il  a  la  forme  d'un  couteau  qui  ne  fe  plie 
point j  le  dos  en  eft  fort  épais,  pour  lui 
donner  plus  de  poids;  Tautre  côté  eft  aigu, 
m.ais  fans  être  tranchant;  il  fert  au  lieu  du 
doigtiér  pour  frapper  les  ouvrages  extrême- 
ment forts,  &:  où  le  doigtiér  feroit  trop" 
foible  :  l'ouvrier  le  tient  en  plein  par  fon 
manche  dans  la  main  droite  ,  &:  frappe 
avec  chaque  fois  qu'il  a  paflé  la  trame. 

COGNER,  V.  ad.  n eft  guère  d'ufage 
qu'au  fimilier ,  ou  dans  les  boutiques  des  ar- 
tiftes.  Il  eft  fynonyme  à  frapper.  Ainiî  les 
chapeliers  difent  cogner  un  chapeau  fur  le  bil- 
lot,  TpouT  frapper  le  dejfus  de  la  tête ,  afin  que 
la  forme  ea  foit  mieux  marquée;  façon  qui 
fe  donne  avant  la  teinture.  V.  Chapeau. 

Les  relieurs  difent  cogner  les  coins ,  pour 
fr.îppcr  un  ou  deux  coups  fur  chaque  coin 
du  caiton  d'un  livre  après  qu'il  eft  poli, 
ahn  que  fi  un  de  ces  coins  fe  trouve  re- 
broufié ,  il  foit  remis  en  état. 

COGNET,  f.  m.  (^Fabrique  de  tabac.') 
rôles  de  tabac  faits  en  cônes,  dont  on  fe 
fert  pour  affermir  &  ferrer  ceux  qu'on  met 
en  boutes  &;  futailles ,  de  peur  qu'ils  ne  fe 
brifent  dans  le  tranfport ,  &  ne  s'éventent 
dans  le  féjour. 

COGNEUX  ,  f.  m.  (  Fond,  en  fable.  ) 
forte  de  petit  bâton  dont  les  fondeurs  en 
fable  fe  fervent  pour  frapper  le  fable  dont 
ils  forment  les  moules.  Ils  le  fervent  de  cet 
outil  lorfque  le  maillet  ne  fauroit  atteindre. 
Voye^  Fondeur  en  sable. 

COGNl ,  (  Gécgr.  mod.  )  grande  ville 
d'Alie  en  Turquie,  dans  la  Caramanie. 
Long.  52,  ^o  ;   lat.  37,   56'. 

COGNIER  ,  f.  m.  (  Hifl.  bot.  )  plante 
qui  doit  fe  rapporter  au  genre  appelle 
coignajfier.  Voye-^^  Coignassier.  (/) 

QOGUOlhou  COGNIÇL,  f  m.  (H"//?. 
nat.  Ichîhyl.  )  colias ,,  poiflon  de  mer  qui 
reftèmbleroit  en  tout  au  maquereau  s'il 
étoit  aulfi  gros.  On  falc  ordinairement  ce 
poiflbn.  C'eft  à  Marfeille  qu'on  lui  a  donné 
k  nom  de  coguoil  ou  cogmoL  Willughby^ 


COH  437 

hifl.  pifc.  V.  AIaquereau,  Poisson.  (/) 

COHABITATION,  f.  f.  {Junfpr.)  fe 
prend  en  général  pour  la  demeure  commune 
que  quelqu'un  a  avec  une  autre  perfonne. 

C'eft  en  ce  fens  qu'il  eft  défendu  aux  clercs 
de  cohabiter  avec  les  cerfomies  du  fe.e. 
Décrétai,  lib.  III ,  tit.  ij. 

La  cohabitât  on  ou  demeure  commune 
entre  le  pcre  &c  les  enfans  ou  entre  autres 
perfonnes ,  emporte  dans  certaines  cou- 
tumes une  focicté  tacite  ;  telles  ibnt  les 
coutumes  de  Poitou  ,  Troye  &  autres. 

Le  terme  de  cohabitation  entre  perionnes 
conjointes  par  mariage ,  fignifie  quelquefois 
la  demeure  commune  des  conjoints  :  c'eft  en 
ce  fens  que  l'ordonnance  de  1 6  3  9  demande, 
pour  Thonneur  ôc  la  validité  du  mariage  , 
une  cohabitation  publique  :  le  défaut  de  telle 
cohabitation  eft  une  marque  de  clandeftinitéj 
au  contraii  e  la  cohabitation  publique  aflure  la 
validité  du  mariage ,  l'état  des  conjoints ,  ôc 
celui  des  enf.:ns.  Mais  h.  cohabitation  feule 
n'eft  pas  capable  de  faire  préfumer  le  maria- 
ge, à  moins  que  les  conjoints  n'aient  encore 
d'autres  preuves  de  pofiefïion  d'états.  Voy. 
Hcnris,  tome  IF,  liv.  VI,  qu:Jl.  G;  Duperier^ 
tome  II, p.  4^4;  Augeard,  tome  II,  ch.  xxviij. 

On  entend  aulîî  quelquefois  par  le  terme 
de  cohabitation  entre  conjoints ,  la  confom- 
mation  du  mariage  :  il  n'eft  pas  nécefifaire 
qu'il  y  ait  eu  coh  ibitation  entre  les  conjoints 
pour  que  la  femm.e  gagne  fon  douaire,  finon 
dans  le^  coutumes  qui  portent  que  la  femme 
gagne  (on  douaire  au  coucher  ,  comme 
celle  de  Normandie.  Quand  on  fépare  les- 
conjoints  d'habitation,  on  n'entend  pas  feu- 
lement qu'ils  auroiU  chacun  leiu:  demeure 
{eparée,mais au ffi qu'ils  feront  féparés a  /oro.. 

La  cohabitation  entre  autres  perfonnes- 
que  les  conjoints  par  le  mariage  légitime , 
fe  prend  ordinairement  pour  le  commerce 
charnel  qu'un  homme  a  eu  avec  une  fille 
ou  femme  autre  que  (a  femme  légitime.. 
Comme  on  a  rarement  des  preuves  de  la 
cohabitation^  même  lorlqu'une  fille  (è  trouve 
enceinte,  &  qu'elle  déclare  celui  des  faits 
duquel  elle  l'cft,  cette  déclaration,  jointe 
aux  preuves  de  firéquentation  &  de  fcmilia- 
rite  ,  fufrifent  pour  obUger  le  père  à  payer 
les  frais  de  géfine  &:  dommages  &  intérêts 
de  la  mère ,  s'il  7  a  lieu  de  lui  en  adjuger, 
&  à  fe  charger  de  l'eii£int> 


45S  COH 

Suivant  Panciennc  jurifprudence  ,  dès 
qu'il  y  avoir  preuve  de  cohabitation,  on 
condamnoit  le  garçon  à  époufer  la  fille 
qu'il  avoit  rendue  enceinte ,  fînon  à  être 
pendu  :  mais  préfcntement  cela  ne  s'ob- 
Terve  plus ,  du  moins  dans  la  plupart  des 
tribunaux.  Voyei^  Mariage.  {A) 

1-  COHEN  ,  (  Hijî.  facr.  )  facrificateur. 
Les  Juifs  fe  fervent  encore  de  ce  mot,, 
quoiqu'ils  n'aient  plus  de  temples.  Leurs 
tribus  fe  (ont  confondues ,  &  il  n'y  a  plus 
perfonne  parmi  eux  qui  le  puifle  dire  de  race 
févitique  fans  des  prétentions  imaginaires. 
Auiïi  ceux  d'entre  eux  qui  aflurent  la  vérité 
de  leur  généalogie ,  &  allèguent  des  titres 
confervés  malgré  les  troubles  des  tranfrni- 
grations  &  l'état  de  mifere  6c  de  difperfion 
adtucUe  de  la  nation ,  font-ils  peu  crus  & 
ne  jouilTènt  pour  toute  prééminence ,  que 
d'un  petit  tribut  fur  les  nouveaux-nés  j  pré- 
,TOgative  proportionnée  à  l'authenticité  de 
la  nobleflè  de  leur  origine.  On  leur  accorde 
encore  de  lire  les  premiers  le  Pentateuque 
dans  les  fynagogues,  &  de  bénir  le  peuple 
dans  les  fêtes  folemnelles. 

COHÉRENCE  ,  voye;^  Cohésion. 

COHÉRITIERS,  f.  m.  ^\,{Jurifpr.) 
font  pluficurs  héritiers  d'un  défunt ,  qui 
viennent  conjointement  à  fa  fuccefïion.  Il 
y  a  des  cohéritiers  qui  fuccedent  également 
à  tous  les  biens  du  défunt  ;  il  y  en  a  d'autres 
qui  ne  fuccedent  qu'à  certains  biens ,  com- 
me aux  meubles  &  acquêts,  ou  aux  propres 
d'une  certaine  ligne,  ou  aux  biens  fitués 
dans  certaines  coutumes.  Ceux  qui  fucce- 
dent aux  mêmes  biens  font  cohéritiers  entre 
eux  ;  ils  ne  laiflent  pas  aufTi ,  par  rapport 
,  à  la  contribution  aux  dettes ,  d'être  conlidé- 
rés  comme  cohéritiers  de  ceux  qui  prennent 
d'autres  biens  auxquels  ils  ne  fuccedent  pas. 
Vûye[ci~aprh  Contribution,  Dette, 
HÉRITIER  ,  Succession.  (A) 
'  COHÉSION,  f.  f.  en  termes  de  Phyfiq. 
cft  la  force  par  laquelle  les  particules  pri- 
mitives qui  conftituent  tous  les  corps  font 
attachées  les  unes  aux  autres ,  pour  former 
les  parties  fenfibles  de  ces  corps,  S>c  par 
laquelle  au  111  ces  parties  fenfibles  font  unies 
&  compofent  le  corps  entier.  Voye^^  Par- 
ticules ,  Corps. 

De  tout  temps  la  caufe  de  la  cohéjîon  a 
embarraflë  les  philofophes  dans  tous  les 


COH 

lyftemes  de  phyfique.  La  matière  doit  être 
fuppofée  originairement  compofée  de  par- 
ticules ou  atomes indivifîbles, c'eft- à-dire, 
qu'aucune  force  ne  peut  divifer.  Voye:^ 
Matière  &  Dureté.  Quant  à  la  manière 
dont  ces  particules  fe  joignent  les  unes  aux 
autres,  &  forment  de  petits  fyftêmes  ou 
allemblages  particuliers ,  &  aux  caufes  qui 
les  font  perlévérer  dans  leur  état  d'union , 
c'eft  une  difficulté  des  plus  embarralTantes 
qu'ait  la  phylique,  &:  c'en  eft  en  même 
temps  une  des  plus  importantes. 

Une  des  opinions  les  plus  anciennes  eft 
celle  qui  a  été  foutenuc  par  M.  Jacques 
Bernoulli ,  de  gravitate  œtheris  :  cet  auteur 
rapporte  la  cohéjîon  des  parties  de  la  matière 
à  la  preffion  uniforme  de  notre  atmofpherc  ; 
ôc  il  appuie  fa  théorie  fur  l'expérience  des 
marbres  polis  qui  tiennent  fi  fortement  l'un 
à  l'autre  dans  l'air  libre ,  &  qui  font , 
dit-il ,  aifément  féparés  dans  le  vuide.  Le 
fait  eft  faux.  x? 

Mais  quand  cette  théorie  feroit  (àtisfai- 
uinte  pour  expliquer  la  cohéjîon  des  parties 
de  grande  étendue,  elle  n'eft  d'aucun  fe- 
cours  dans  la  cohéjîon  des  atomes  ou  par- 
ticules des  corps. 

M.  Newton  parle  ainfi  fur  la  cohéjîon  : 
"  Les  parties  de  tous  les  corps  durs  homo- 
»  gènes  qui  fe  touchent  pleinement ,  tien- 
»  nent  fortement  enfemble.  Pour  expliquer 
"  la  caufe  de  cette  cohéjîon ,  quelques  -  uns 
"Ont  inventé  des  atomes  crochus j  mais 
"  c'eft  fuppofer  ce  qui  eft  en  queftion  :  d'au- 
»  très  nous  difent  que  les  particules  des 
"  corps  font  jointes  enfemble  par  le  repos , 
»  c'eft -à -dire  par  une  quaHré  occulte,  ou 
"  plutôt  par  un  pur  néants  &  d'autres, 
»  qu'elles  font  jointes  enfemble  par  des 
"  mouvemens  confpirans ,  c'eft-à-dire ,  par 
»  un  repos  relatif  entr'eux.  Pour  moi  j'aime  ^ 
»  mieux  conclure  de  la  cohéjîon  des  corps , 
»  que  les  particules  s'attirent  mutuellement 
»  par  une  force  qui  dans  le  contact  immé- 
»  diat  eft  extrêmement  puiflante ,  qui  à  de 
»  petites  diftances  eft  encore  fenfible ,  mais 
"  qui  à  de  fort  grandes  diftances  ne  fe  fait 
»  plus  appercevoir.  Voye:^  Attraction. 

>i  Or ,  fi  les  corps  compofés  font  fi  durs 
»  que  l'expérience  nous  le  fait  voir  à  l'égard 
»  de  quelques-uns ,  ôc  que  cependant  ils 
»  aient  beaucoup  de  pores  ôc  foient  corn- 


C  O  H 

3,  pofés  de  parties  qui  foient  fimplementpla- 
,,  cées  Tune  auprès  de  l'autre  -,  les  particules 
„  fimples  qui  font  fans  pores  ,  Se  qui  n  ont 
j,  jamais  été  divifées,  doivent  être  bcau- 
5,  coup  plus  dures  :  car  ces  fortes  de  parties 
„  dures  entaflees  enfemble ,  ne  peuvent 
j,  guère  fe  toucher  que  par  très-peu  de  pointsj 
,,  6c  parconféquentiifaut  beaucoup  moins 
5,  de  force  pour  les  féparer ,  que  pour  rom- 
,,  pre  une  particule  folide  dont  les  parties  fe 
,,  touchent  dans  tout  1  efpacc  qui  eft  en- 
„  tr'elles,  fans  qu'il  y  ait  ni  pores  niinterf- 
,,  ticcsqui  affoibliflent  leur  cohéfion.  Mais 
„  comment  des  particules  d'une  iî  grande 
j,  dureté  qui  font  leulement  entaflees  enlem- 
y,  ble,  fans  fe  toucher  que  par  un  très-petit 
,,  nombre  de  points ,  peuvent-elles  tenir  en- 
,,  femble  &  li  fortement  qu'elles  fout,  fans 
,,  l'adion  d'une  caufe^  qui  fallè  qu'elles 
„  foient  attirées  ou  preflées  l'une  vers  l'au- 
„  tre?  C'eft  ce  qui  cfttrès  -  difficile  à  com- 
55  prendre. 

j.  Les  plus  petites  particules  de  matière 
„  peuvent  être  unies  enfemble  par  les  plus 
_,,  fortes  attrapions ,  &  compolcr  de  plus 
,,  grofles  particules  dont  la  vertu  attradtivc 
j,  Ibitmouis  forte;  &  pluiieurs  de  ces  der- 
,,  nieres  peuvent  tenir  enfemble  &  composer 
,,  des  particules  encore  plusgroiles,  dont  la 
5,  vertu  attradive  foit  encore  moins  forte  , 
,,  &  ainfi  de  fuite ,  iufqu'à  ce  que  la  pro- 
5,  grelTion  finiflè  par  les  plus  groflesparticu- 
,,  les  ,  d'où  dépendent  les  opérations  chymi- 
j,  ques ,  les  couleurs  des  corps  naturels,  & 
5  5  qui  jointes  enlemble  composent  des  corps 
5,  d'une  grandeur  feniible.  /^ojeij^DuRETï, 
5,  Fluidité.,, 

Les  différens  degrés  de  cohéfion  conlli- 
tucnt  les  différentes  formes  S>c  propriétés  des 
corps.  Suivant  l'illuftrc  auteur  que  nous  ve- 
nons de  citer ,  les  particules  des  fluides  qui 
n^ontque  peu  de  cohéfion,  &c  qui  font  aflez 
petites  pour  être  fui ceptibles  des  agitations 
qui  entretiennent  la  fluidité  ,  font  très-aifé- 
ment  ieparées  &  réduites  en  vapeur  ;  elles 
forment  ce  que  les  chymiftes  appellent  corps 
volatils  ;  elles  fe  raréfient  par  la  moindre  cha- 
leur ,  &  (e  condenfent  de  même  par  un  froid 
modéré.  Fbyc:(_ Volatil. 

Les  corps  dont  les  particules  font  plus 
grotles,ou  font  cohérentes  entre  elles  avec 
une  attri(^on  plus  forte  3  font  moins  fufcep- 


.„     ,    .    .     c  o  H  439 

tibles  d'agitation ,  &  ne  fauroient  être  fépa- 
rés  les  uns  des  autres  que  par  un  degré  beau- 
coup plus  confidérable  de  chaleur;  quel- 
ques-uns d'eux  ne  fauroient  même  fe  fépa- 
rer  fans  fermentation  ;  &  ce  font  ceux-là 
que  les  chymiftes  appellent  des  corps  fixes. 
Chambers. 

M.  Muflchenbroek,  dans  (onejfai  dephy- 
fiujue  y  nous  a  donné  plufieurs  recherches  iur 
la  cohé/ïonou  adhérence  des  corps.  En  voici 
la  fubflance  ;  c'eft  M.  MufTchenbroek  qui 
parle. 

Les  lurfaces  de  tous  les  grands  corps  font 
fort  raboteufes ,  ce  qui  eft  caufe  qu'ils  ne  le 
touchent  que  dans  un  petit  nombre  de 
points  lorfqu'ils  font  pofcs  les  uns  for  les  au- 
tres 5  &  qu'ils  fe  trouvent  féparés  en  d'autres 
endroits  où  l'attraAion  cft  par  confcquent 
beaucoup  moindre.  Moins  les  corps  font 
raboteux ,  plus  ils  fe  touchent;  auiïi  volr-cn 
que  ceux  qui  ontunefurface  fort  unie  s'atti- 
rent davantage ,  &  tiennent  plus  fortement 
les  uns  aux  autres  que  ceux  qui  font  raboteur- . 
Mais  pour  rendre  les  furfaccs  encore  plus 
unies ,  il  faut  les  enduire  de  quelque  liquide 
dont  les  parties  foient  fort  fines ,  &  qui  puif- 
fent  boucher  les  pores. 

La  chymie  nous  apprend  que  les  parties 
terreftres  des  plantes  tiennent  enfemble  par 
le  moyen  d'une  huile  cpaille,  qui  n'en  peut 
être  fcparée  ,  foit  qu'on  les  faflè  fecher  on 
bouillir  dans  l'eau ,  mais  feulement  lorfqu'on 
les  brûle  au  grand  air.  En  effet  elles  fe  con- 
verriflent  en  cendres ,  qui  n'ont  plus  aucune 
iiaifonauilî-rôt  que  cette  huile  eft  conCu - 
mée  ;  fi  l'on  incorpore  ces  cendres  avec  de 
l'huile  de  de  l'eau ,  les  parties  fe  lieront  de 
s'uniront  enfem.ble.  Les  os  des  animaux 
qu'on  fait  bouillir  long-temps  avec  de  l'e^ii 
dans  le  pot  de  l'invention  de  M.  Papiii 
(i'oye;{_DiGESTOiPvE)  ,  deviennent  fort  fra- 
giles ,  &  fo  caftent  aufïitot  qu'on  vient  à  les 
frotter  ;  mais  on  ne  les  plonge  pas  plutôt  àiw.s 
Phuile ,  qu'ils  redeviennent  durs  5  &  ne  fe 
caficnt  pas  facilement. 

J'ai  pris  différens  corps  ,  continue  M. 
Muflchenbroek,  dont  le  diamètre etojt de 
I  !î  pouce  du  Rhin  ;  les  furfacesaveclefqucl- 
les  ils  fe  touchoient ,  é:oient  prefque  parfai- 
tement plates  &  unies  :  je  les  fis  chauffer  da  n  s 
de  l'eau  bouillante  ;  ôc  après  avoir  enduit 
ieu#s  furfaces  de  fuif  de  choiidelle^  je  les  mis 


440  C  O  H 

d'abord  les  uns  furies  autres;  je  les  fis  en  fuite 
refroidir,  après  quoi  je  trouvai  que  leur 
adhérence  s'étoit  faite  en  même  temps  de 
la  manière  que  voici. 

tb 


Lescorpsde  verre,  1 3  o 
decuivre  jaune,  150 
de  cuivre  rouge,  200 


3  oc 

100 


tfe 

debifmuth,  100 
demarcaiTited'or,  1 30 
de  plomb ,  Z75 

de  marbre  blanc  ,225" 
de  marbre  noir  ,  230 
d'ivoire  ,  ig8 


Q  argent, 
d'acier  trempé  , 
de  fer  flexible , 
d'étain  , 

La  chaleur  de  l'eau  bouillante  n'eft  pas 
confidérable  ;  ce  qui  fiit  que  les  parties  foli- 
des  peuvent  à  peine  être  écartées  les  unes 
des  autres ,  &  que  les  pores  ne  s^ouvrent 
que  peu;  de  forte  que  la  graiflè  ne  fauroit 
y  pénétrer  profondément ,  ni  faire  par  con- 
féquent  la  fbndrion  d'un  aimant  qui  agit 
avec  force  :  ain/i  afin  que  la  graille  pût 
alors  mieux  remplir  les  pores ,  on  rendit  ces 
corps  beaucoup  plus  chauds  en  les  frottant 
de  graille  dansle  temps  qu'elle  étoit  comme 
bouillante  ;  &  après  qu'ils  furent  refroidis  , 
ils  s^ittirerent  réciproquement  avec  beau- 
coup plus  de  force ,  comme  on  le  peut  voir 
par  ce  qui  fuit  : 


de  verre ,  5  00 

decuivre  jaune,  800 
de  marbre  blanc,  600 


tfe 

de  fer,  950 

de  cuivre  rouge,  Sjo 
d'argent,  250 


On  met  quelquefois  entre  deux  corps 
folides  un  enduit  à  demi  liquide  ,  qui  fait 
que  ces  corps  tiennent  enfemble  dans  la 
fuite  avec  beaucoup  de  force  ,  &  qu'ils 
femblent  ne  former  qu'un  feul  corps  folide  ; 
cela  fe  remarque  lorfqu'on  détrempe  de  la 
chaux  avec  du  fable  de  de  l'eau. 

Il  arrive  quelquefois  que  deux  liquides 
font  compofés  de  parties  qui  s'attirent  mu- 
tuellement avec  beaucoup  de  force ,  de  forte 
qu'ils  fe  changent  en  un  corps  folide  après 
leur  mélange.  C'eft  ainfi  que  l'huile  de  tar- 
tre par  défaillance  incorporée  avec  l'huile 
de  vitriol ,  fe  convertit  en  un  corps  folide 
auquel  on  donne  le  nom  de  tartre  vitriole. 

Le  froid  durcit  certains  corps  dont  les 
parties  étoient  auparavant  moUafles  :  le  feu 
produit  auffi  le  même  effet  fur  d'autres  corps. 

Le  froid  réduit  en  maffe  folide  tous 
les  métaux  ,  les  demi-métaux  ,  les  réfines 
leiieftres  &  végétales ,  dé  même  que   le 


C  O  H 

verre  ,  après  que  ces  corps  ont  été  fondus 
par  la  chaleur. 

L'acier  rougi  au  feu  Se  plongé  enfuira 
fubitement  dans  l'eau  froide ,  devient  aufTi- 
tôt  dur. 

Le  feu  durcit  encore  d'autres  corps ,  par- 
mi lefquels  on  peut  compter  la  terre 
glaife  mollalTè,  que  le  feu  rend  auffi  dure 
qu'une  pierre,  tant  à  caufe  que  l'eau  s'éva- 
porc ,  que  parce  que  le  feu  fubtilife  en  même 
temps  toutes  les  parties  terreftres ,  ôc  qu^il 
fait  fondre  les  fels ,  lefquels  pénètrent  enfuite- 
&  s'infinuent  dans  ces  parties;  ce  qui  fait 
qu'elles  s'attirent  mutuellem.ent  avec  force  , 
parce  qu'elles  fe  touchent  en^îlufieurs  points 
de  leurs  furfaces ,  &  doivent  former  par  con- 
féquent  un  corps  fort  folide. 

Tout  celaeli  tiré  de  M.  Muflchenbroek 
effhi  dephyfiq.  art.  655  ùfuiv.  Nous  n'avons 
fait  que  l'abréger  ;  ceux  qui  voudront  recou- 
rir à  l'ouvrage  même  de  ce  grand  phyficien,  - 
y  trouveront  un  plus  grand  détail.  (  O) 

Cohésion  ,  (  Méd.)  Quelle  que  foit  la 
caufe  de  la  force  plusou  moins  coniidérable, 
par  laquelle  deux  parties  fluides  ou  folides  fe- 
touchent  &  adhèrent,  la  médecine  doit  con- 
fidérer  attentivement  cet  effet  dans  les  fluides 
&  les  folides  du  corps  humain.  ' 

Nos  fluides  peuvent  être  viciés  à  cet  égard 
de  différentes  manières  ;  &  en  général  leur 
cohéjion  peut  être  trop  forte  ou  trop  foible. 
L'union  trop  forte  ou  trop  tenace  de  leurs 
molécules  ,  empêche  qu'il  ne  fe  fépare  de 
petites  particules  des  grandes  :  production 
fi  néceflàire  pour  l'intégrité  de  la  vie  !  Leur 
divifion  trop  facile  ne  nuit  pas  moins  en 
ce  qu'elle  eft  un  obftaclc  à  la  eonftance  de 
la  fanté.  Tous  les  médecins  favent  que  cette 
ténacité  &  cette  difiblution  des  humeurs 
dérruifant  également  leur  cohéjion  naturelle, 
font  la  fource  d'une  infiwité  de  maladies 
particulières. 

Les  folides  peuvent  pécher  pareillement 
en  manque  ou  en  excès  de  cohéfion  ;  car 
la  cohéfion  trop  foible  ou  trop  forte ,  foit 
desfimples  fibres  folides,  foit  des  vaifleaux 
ou  des  vifceres  qui  en  font  formés ,  donnent 
naiflànce  à  une  infinité  de  défbrdres,  que 
le»  jnéthodiques  nommoient  très-bien  ma/^-^ 
dies  de  relâchement  ÔC  de  rejferrement.  Voici 
comme  on  doit  concevoir  ces  vérités. 

Dec[uelquc  caufe  que  procède  la  cohéfion 

mutuelle 


C  O  H 

mutuelle  de  tous  les  vaiflèaux ,  il  efl:  cer- 
tain qu'ils  peuvent  fe  prêter  à  Timpulfion 
du  fluide  ,  &  en  être  diftendus  ;  mais  ils 
ne  le  peuvent  que  jufqu'à  un  certain  point 
fans  accident.  Il  eft  d'ailleurs  certain  que 
cette  cohéfion  ed  différente  dans  les  divers 
âges  de  la  vie  :  de  plus  »  on  ne  peut  s'empê- 
cher d'imaginer  difFérens  degrés  de  cohéfion 
dans  les  ditTérens  folides.  Par  exemple ,  il 
femble  qu'il  y  a  bien  moins  de  cohéfion 
dans  la  pulpe  molle  du  nerf  auditif,  que 
dans  le  fiiiceau  nerveux  qui  conftitue  le 
dur  tendon  d'Achille  :  ajoutons  aullî ,  qu'il 
faut  que  la  cohéfion  des  folides  foit  capable 
de  fupporter  non  feulement  le  mouvement 
modelé  des  fluides  dans  les  vaiflèaux  ,  tel 
qu'il  a  lieu  en  bonne  fanté  ,  mais  encore  la 
vélocité  de  leur  circulation  dans  l'état  mala- 
dif, fans  que  cette  cohéfion  foit  détruite  ;  & 
c'eft  effedivement  ce  qui  arrive  d'ordinaire  ; 
car  il  efl  communément  befbin  de  longs  &c 
de  violens  efforts  pour  produire  la  rupture. 

La  débilité  des  parties  iblides  eft  donc 
excelTive ,  lorfqu'elles  ne  peuvent ,  fans  que 
leur  cohéfion  celfe  ,  foutenir  l'effort  des 
adtions  d'un  corps  en  fanté ,  Se  même  d'un 
mouvement  de  circulation  plus  impétueux 
que  de  coutume.  On  reconnoît  que  le 
relâchement  eft  trop  grand ,  quand  les  fibres 
iàns  fe  rompre  s'allongent  au  moindre  effort 
du  mouvement  vital.  De  cette  facile  dila- 
tation des  fibres  &  des  vaiflèaux ,  naiffent 
la  ftagnation  des  liqueurs ,  La  crudité  des 
humeurs,  la  corruption  fpontanée,  l'ina- 
nition ,  la  cachexie,  h  cacochimie  ,  &  plu- 
fieurs  autres  maux  qu'on  regarde  mal  à 
propos  comme  des  maladies  de  tempéra- 
ment. 

Si  on  laifïè  trop  augmenter  l'affoiblifle- 
ment ,  pour  lors  il  eft  encore  à  craindre  que 
Pimpétuofité  violente  du  liquide  ,  pouffé 
continuellement  par  la  force  du  cœur  , 
n'occafione  la  rupture.  On  voit  plufieurs 
exemples  de  ce  fâcheux  accident ,  lorfque 
de  jeunes  gens  délicats  étant  dans  l'âge  où 
finit  leur  croiflance ,  fe  rompent  unvaiflèau 
dans  le  poumon  pour  avoir  crié ,  chanté ,  ou 
couru.  Puis  donc  que  la  cohéfion  trop  foible 
des  folides  caufe  de  fi  grands  défordres ,  il 
£iut  y  obvier  par  des  remèdes  qui  procurent 
une  cohéfix)n^\\is  forte ,  par  des  alimens  fubf- 
tantiels  ,  les  acides  aufteres,  entre  autres  le 
TomeVlIl 


C  O  H  44c 

ferdiflous  dans  des  acides  doux  ;  Pexercicc, 
les  fTiâ;ions ,  &c. 

Mais  s'il  y  a  des  maladies  qui  ont  pour 
principe  la  foibleflè  de  la  cohéfion  dans  les 
lolides ,  il  y  en  a  beaucoup  aufïï  qui  procè- 
dent néceflairement  de  l'excès  de  cette  coAe- 
fion  :  de-là  le  manque  des  fecrétions ,  la  roi- 
deur,  Pimmobihté,  la  féchereflè ,  la  coali- 
tion des  vaiflèaux  avec  leurs  liquides,  les 
concrétions  de  tour  genre ,  l'offincation ,  la 
vieilielTe ,  &c.  les  remèdes  même  contre  ces 
maux ,  ne  font  prefque  que  des  palliatifs.  Il 
eft  cependant  néceflàire  de  les  mettre  en 
ufage ,  de  diminuer  la  violence ,  la  denfité, 
la  prefTion  du  fang  ;  d'employer  les  humec- 
tans ,  les  émolliens ,  les  délayans  de  toute 
efpece  ,  en  boiflbns ,  en  vapeurs ,  en  fomen- 
tations ,  en  bains ,  ùc. 

On  comprend  maintenant  les  divers  effets 
qui  réfultent  tant  de  la  force  que  de  la  foi- 
bleflè de  la  cohéfion.  On  conçoit  en  confé- 
quence  la  nature  &  la  cure  d'un  grand  nom- 
bre de  maladies ,  l'utiUté  qu'on  peut  retirer 
de  la  dodtrine  du  reflèrrement  &  du  relâ- 
chement des  folides  \  &  cette  matière  fi  im- 
portante en  pratique ,  fi  curieufe  en  théorie , 
étoit  inconnue  avant  Boerhaave  ,  &:  n'a  été 
développée  que  par  ce  grand  homme.  {M. 
le  chevalier  DE  jAlf  COURT.) 

COHI ,  f.  m.  {Comm)  mefure  de  grains, 
en  ufage  à  Siam.  Un  cohi pefe  environ  jooo 
Evres.  Voy.  les  Diclion.  de  Trév.  &  du  Corn. 

COHOB ATION ,  f.  f.  (Chymie.)  La  co-^ 
hobadon  eft  une  opération  chymique ,  qui 
confifte  à  reporter  les  produits  volatils  d'une 
diftillation ,  ou  fur  Iç  réfidudont  ils  ont  été 
féparés ,  ou  fur  de  la  nouvelle  matière  fem- 
blable  à  ceUe  qui  les  a  fournis ,  &  à  diftiller 
de  nouveau. 

'L^iCohobatione.Çi  une  efpece  de  diftillation, 
i^oye:^  Distillation.  (3) 

COHORT AL ,  f  m.  (  Hijl.  anc.  )  c'eft 
le  nom  qu'on  donnoit  aux  lèrviteurs  du  pré- 
fet du  prétoire. 

^  COHORTE ,  f.  f.  (  Hifi.  anc)  c'étoit , 
chez  les  Romains ,  un  corps  d'infanterie  de 
la  dixième  partie  d'une  légion.  Il  contenoic 
trois  manipules ,  &c  chaque  manipule  deux 
centuries  ;  d'où  l'on  voit  que  chaque  légion 
itoit  de  foixante  centuries ,  de  trente  mani- 
pules ôc  de  dix  cohortes. 

Il  y  avoir  dans  la  cohorte  les  quatre  fortes 
Kkk 


44* 


C  O  H 


de  fantaffins  des  armées  romaines  ;  les  velites, 
les  haftati ,  \ts  principes  &  les  triarir.  Quand 
elle  croit  complète  ,  les  velites  y  étoient  au 
nombre  de  cent  vingt  ;  les  hajîati  au  même 
nombre ,  les  principe:  pareillement ,  &  les 
îriarii  au  nombre  de  ioixante  ,  ce  qui  fait 
quatre  cents  vingt  foldats.  Au  rcfte ,  ce  nom- 
bre augmentoit  ou  diminuoit ,  félon  que  la 
légion  étoit  plus  ou  moins  forte. 

La  première  cohorte  étoit  la  plusconfidé- 
rée  ;  elle  étoit  compofée  des  principaux  cen- 
turions &  des  meilleurs  foldats.  Dans  un 
ordre  de  bataille ,  elie  avoir  la  droite  de  la 
première  ligne  ,  comme  les  grenadiers  de 
nos  régimcns  i  les  autres  fuivoient  dans  l'or- 
dre naturel  :  enforce  que  la  troifieme  étoit 
au  centre  de  la  première  ligne  de  la  légion  ; 
la  cinquième  à  la  gauche  ,  la  féconde  entre 
la  première  &  la  troifieme  ,  la  quatrième 
entre  la  troilieme  &  la  cinquième  -,  les  cinq 
autres  cohortes  formoient  la  féconde  ligne 
dans  leur  ordre  naturel.  On  croit  que  Ma- 
rius  fut  le  premier  qui  diviia  la  légion  en  co- 
hortes. Voye^hiGio-a.  La  première  coAcr/e 
devint  aufn  dans  la  fuite  la  plus  nombreufe  ; 
elle  fut  quelquefois  de  i  loy  hommes,  tandis 
que  les  autres  n  étoient  que  de  $$$. 

Cohortes  auxiliaire.';  ;  c'étoient  cel'es  qu'en- 
voyoient  les  alliés  \  elles  portoient  le  nom  de 
leur  nation  ou  de  leur  chef  ;  elles  écoient 
aulTi  diftinguées  par  première,  deuxième, 
troifieme ,  quatrième ,  ùc. 

Cohorte  dite  equitata  ;  elle  étoit  compofée 
d'infanterie  &  de  cavalerie;  elle  étoit  de 
mille  hommes,  fept  cents  fbixantefanrafïins, 
deux  cents  qu?.rante  cavaliers.  On  l'appelîoit 
aulTi  cohorte  milliaire. 

Cohorte  dite  peditata  ;  elle  n'étoit  que  de 
fantafïins. 

Cohorte  prétorienne  ;  troupe  de  foldats 
choiiîs  qui  fervoit  de  garde  au  préteur  ou  au 
général.  Elle  étoit  compofée,re!onquelques- 
uiis ,  de  fantafïins  &  de  cavaliers ,  &  félon 
d'autres  ,  de  fantafïins  feulement.  Elle  flir 
jnftituée  par  Publius  Poilrluimius.  diélareur. 
P.  Scip-on  Ppara  dans  la  fuite  de  fon armée 
les  meiileurestroupes  pour  la  former;  il  aug- 
menta fa  paie ,  &  Tcxempta  de  tous  les  tra- 
vaux milirfires.  Augufle  forma,  fous  le  nom 
de  cohorte préîcrieune  y  un  corps  de  neuf  co- 
Tiortjs  plus  fortes  du  double  que  celles  de  la 
légion  3  enforte  que  les  prétoriennes  furent 


C  O  H 

de  neuf  mille  hommes  :  d'autres  difenr  de 
dix  mille  ,  divifés  en  dix  cohortes.  Septime 
îévere  augmenta  encore  ce  corps.  Il  étoit 
uniquement  deftiné  à  la  garde  des  empe- 
reurs 8c  de  leur  m.ufon  ,  de  commandé  par 
le  préfet  du  prétoire  ,  qui  avoit  (ôus  lui  des 
tribuns  &  des  centurions.  Il  étoit  prefque 
tout  infanterie  ;  d'abord  on  n'y  admit  que 
des  Romains  ;  on  y  introduifît  avec  le  temps 
des  étrangers ,  des  Germains ,  des  Batavcs , 
des  Thraces ,  6'c.  Il  avoit  la  paie  double ,  ôc 
fe  tenoit  dans  un  camp  retranché  proche  de 
Rome  ;  il  avoit  des  lignes  militaires ,  &c  des 
boucliers  parricuHers.  Il  excita  dans  la  fuite 
beaucoup  de  troubles.  Conflantin  décruifit 
fon  camp  &  le  cafla.  Les  prétoriens  s'étoient 
rendus  redoutables  à  pluiieurs  de  fès  prédé- 
cefîeurs  ;  ils  éHfoient  ou  dépofbient  les  em- 
pereurs de  leur  propre  autorité  ;  ils  forçoient 
queîquefoisle  fénac  àreconno^tre  celui  qu'ils 
avoient  clioili.  Dans  ces  révolutions  ,  ceux 
qui  prétendoient  à  l'empire  étoient  obligés 
de  s'attacher  cette  milice  redoutable  qui  dif^ 
pofoit  du  diadème. 

Cohorte  dite  togata  ;  c'étoit  celle  qui  fai- 
foit  la  garde  des  rues  à  Rome  ;  c'étoit  la 
milice  de  la  police  ;  elie  marchoit  avec  la 
toge,  n'ayant  d'armes  que  la  lance  &  l'épée. 

Cthortes dites  vigilum  ;  elles  furent  infli- 
tuées  par  Augufle  ;  elles  fervoient  dans  les 
incendies.  Il  y  en  avoit  fept,  une  pour  deux 
régions  de  la  ville;  chacune  avoit  à  fa  tête 
un  tribun  ,  8c  rouies  étoient  commandées 
par  un  officier  appelle  le.  préfet  des  vigilum. 
Elles  étoient  diftribuées  en  quatorze  corps  de 
gardes.  Il  y  a  des  auteurs  qui  font  monter  le 
nomibre  de  ces  cohortes  jufqu'à  treftte-un  ; 
mais  il  y  a  lieu  de  croire  qu'ils  fe  trompent, 
&  qu'ils  prennent  pour  des  cohortes  ce  qui 
n'en  étoit  que  des  divifîons.  Ces  cohortes 
n'étoient  point  cenfées  troupes  ;  elles  étoient 
prefque  entièrement  d'affranchis ,  qcfon  ap- 
pelloit  par  déûiion  fparteoli. 

Cohortes  dites  urbanœ  ;  on  appelloit  ainfî 
Cîx  mille  hommes  partagés  en  quatreco/zorrej, 
chacune  de  quinze  cents.  Augufle  les  infli- 
tua  pour  la  defcnfe  de  la  ville  :  elles  avoient 
des  cafernes.  On  les  nommoir  encore  milites 
urhanitiani ,  troupes  de  ville.  Elles  étoient 
commandées  par  le  préteur  :i'^^t\\étutelaris ; 
ce  qui  leur  fit  donner  aufTi  quelquefois  le 
nom  de  cohortes  j^rétoricnnes. 


C  O  î 

GOHUAGE,  r.  m.  {Jurifpr.)  eft  ua 
droit  qui  fe  levé  en  certains  lieux  fur  les  mar- 
chandifes  que  l'on  apporte  au  marché.  Ce 
terme  vient  de  celui  de  cohue ,  qui  ancienne- 
ment iîgnifioit  ajfemblée  ou  marché.  Suivant 
un  arrêt  de  la  Saint-Michel ,  de  Pan  1278, 
les  templiers  en  Normandie  prétendoient 
que  leurs  hommes  ou  fujets  dévoient  être 
exempts  du  paiement  de  cohuage  ;  par  leur 
charte ,  il  fut  accordé  que  s'ils  vouloient 
entrer  au  marché  en  cohue  ,  ils  paieroient  le 
cohuage.  Ce  droit  eft  différent  de  celui  d^en- 
trée  &  du  droit  de  coutume ,  comme  il  pa- 
roît  par  un  ancien  aveu  rendu  en  1473  ,  au 
comte  d'Anjou  par  le  fieur  de  laTrimouille, 
où  il  cft  dit  :  que  Comme  de  beurre  venant  de 
Bretagne ,  doit  deux  deniers  d'entrée  ,  maille 
de  coutume  ,  6'  un  denier  de  cohuage  ;  que  fi 
elle  n'ejî  toute  vendue  à  iceluijour ,  &  il  arrive 
que  le  marchand  la  rapporte  à  huitaine ,  il  ne 
payera  que  le  cohuage.  Glojf.  de  Lauriere , 
au  mot  cohue ge.  {A) 

COHUE  ,'  f.  f.  (  Jurifpr.  )  en  quelques 
lieux  iignifioic  zncïtrm&TD£ni  ajfemblée  ^halle, 
ou  marché.  Ce  mot  paroît  venir  du  latin  co- 
hœrcre.  Dans  les  ordonnances  de  l'échiquier 
de  Normandie ,  de  l'an  1585,  cohue  lignifie 
Y  ajfemblée  des  officiers  de  juftice  qui  fe  fait 
en  l'auditpire  ou  autre  lieu  accoutumé,  pour 
juger  les  caufes  &  procès.  Il  eft  auffi  parlé  de 
la  halle  &  cohue  de  Quintin  en  Bretagne  , 
en  laquelle  fe  font  les  bannies  &  contrats , 
livre  III  du  recueil  des  arrêts  de  Bretagne. 
Koyc:^^  ci-devant  Cohuage.  (A) 

COHYNE  ,  f.  m.  (  HiJÏ.  nat.  bot.)  arbre 
de  l'Amérique  ,  qui  a  la  feuille  du  laurier  & 
le  fruit eUiptique  tk. delagrolleur  du  melon. 
Les  Indiens  font  des  vailleaux  de  ion  écorce. 
On  attribue  à  ia  pulpe  quelque  propriété 
médicinale.  Le  cehyno  eft  aufïl  une  plante 
exotique  mal  connue. 

QOl ,  faire  coi  j  terme  de  rivière  ;  c'eft 
s'arrêter  un  moment.  Il  y  a  des  pas  difficiles 
où  les  chevaux  remontent  difficilement  un 
bateau,  un  coche  ;  alors  on  dit  c^n  ils  font  coi. 

COIANG  ,  f.  m.  (Commerce.)  poids  &c 
mefure  d'ufage  à  Cambaye,  aux  Indes  orien- 
tales :  c'eft  les  quatre  cinquièmes  d'un  lart. 
Voye^^hAKT.  Diclion.  de  Comm. 

COIAUX ,  f.  m.  pi.  (  Charp.)  pièces  de 
bois  quarrées  d'un  bout  &:  délardées  de  l'au- 
tre, qui  fe  placent  au  pié  des  chevrons  d'un 


COI  44, 

omble,  pour  racheter  la  faillie  de  l'enta- 
blement. 

COIER,  f.  m.  {Charp.)  pièce  de  bois  qui 
va  du  poinçon  ou  du  gouflet  à  l'arbalétrier. 
V.  Arbalétrier  ,  Poinçon  &  Gousset. 

COIGNAGES  ,  f.  m.  pi.  nom  que  Ton 
donne  dans  les  groffes  forges  à  certaines 
portions  de  la  maçonnerie  du  fourneau.  V. 
Grosses  forges. 

^COIGNIERS,  f.  m, pi.  c'eft ainfi  qu'on 
appelle  dans  les  fours  à  verrerie ,  les  quatre 
coins  des  fieges  du  dedans  du  four ,  corref. 
pondans  aux  lunettes  Aqs  arches  à  pots. 

COIMBRE,  {Gécg.mod.)  grande vilîc 
du  royaume  de  Portugal ,  capitale  de  la  pro- 
vince de  Beira ,  fur  le  Mondcgo ,  fameufe 
par  fon  univerfité.  Long. g,  40;lat.^o,  lo, 

COIN ,  f.  m.  (  Méchan.  )  eft  la  dernière 
des  cinq  puiiTances  ou  machines  fimples.  V. 
Puissances  mechaniques.  La  forme  du 
coin  eft  celle  d'un  prifme  triangulaire  \  on 
en  voit  la  forme  dans  la^^.  59  de  la  méch. 
L'angle  que  forment  en  D  la  face  ^  G  du. 
coin  &C  celle  qui  lui  eft  oppofée  ,  s'appelle  la 
pointe  ouïe  tranchant  du  coin  :  le  plan  C  s'ap- 
pelle la  bafe  ou  la  tête  ;  ôc  la  hauteur ,  qu'on 
appelle  auffi  axe  du  coin ,  eft  la  diftance  de 
l'angle  D  au  plan  C;  ^  Z>  eft  la  longueur. 

Les  anciens  auteurs  font  partagés  fur  le 
principe  de  la  force  du  coin.  Ariftote  le  re- 
garde comme  deux  leviers  de  la  première 
efpecc  inclinés  l'un  à  l'autre,  &  agilîant 
dans  des  direétions  oppofées. 

Guido-Ubaldus ,  Merfenne ,  veulent  que 
ce  foit  un  levier  de  la  féconde  efpece  :  mais 
d'autres  prétendent  que  le  coin  ne  fauroic 
en  aucune  manière  fe  réduire  au  levier  :  d'au- 
tres rapportent  l'adion  du  coin  au  plan  in- 
cliné ,  &  il  y  a  des  auteurs  qui  n'attribuent 
prefque  aucune  force  au  coin,  ôc  croient  qu'il 
n'agit  guère  que  proportionnellement  à  la 
force  appliquée  fur  le  mailler  qui  le  poufle. 
On  verra,  par  les  propofitions  fuivantes,  que 
ces  derniers  auteurs  fe  trompent  j  ôc  à 
l'égard  de  l'analogie  prétendue  du  coin 
avec  le  plan  incliné ,  ou  le  levier ,  ou  la 
vis,  &c.  cette  analogie  n'eft  capable  que  d'in- 
duire en  erreur  fur  fes  propriétés  ;  ôc  la  meil- 
leure manière  d'en  déterminer  les  effets  ,  eft 
de  les  examiner  d'une  manière  directe,  fans 
rapporter  le  coin  à  aucune  des  autres  machi- 
nes finiples. 

Kkk    z 


444  COI 

La  théorie  du  coin  eft  contenue  dans  cette 
propcficion  :  "  la  puiflàncc  appliquée  au  co//z 
y,  dans  la  direcVicn  C  D  {planche  de  la  mè- 
^,  chanique,fig. 53),  perpendiculaire  à  AB, 
>,  doit  être  à  la  réfiftance  dans  la  raifon  de 
j,  ABaBD  y  afin  qu  il  y  ait  équilibre  :  „ 
ou  bien  encore  :  "  ii  la  force  appliquée  fur 
3,  la  tête  du  coin  eft  à  la  réiiftance  à  fur- 
3,  monter  comme  répailfeur  du  coin  eft  à 
,j  fa  longueur  ,  la  force  fera  égale  à  la  ré- 
3,  iiftance ,  &  la  vaincra  pour  peu  qu  on 
5,  l'augmente.  „  Cela  eft  très-aifé  à  prou- 
ver par  le  raifonnement  fuivant  ;  imaginons 
la  force  fuivant  CD  décompofée  en  deux 
autres  perpendiculaires  aux  cotés  DA ,  DB 
du  coin  ,  &  qui  doivent  être  égales  à  la 
réfiftance  du  bois  ,  puifque  c'eft  par  ces 
deux  forces  que  la  puilTance  qui  agit  fuivant 
CD  tend  à  écarter  les  cotés  du  bois.  Or  for- 
mant un  parallélogramme  fur  ces  trois  for- 
ces ,  on  verra  qu'il  eft  divifé  par  la  ligne  CD 
en  deux  triangles  ifoceles  femblables  à  BAD; 
d'où  il  s'enfuit  que  la  diagonale  de  ce  paral- 
lélogramme qui  repréfente  la  force  fuivant 
CD,  fera  au  coté  du  même  parallélo- 
gramme qui  repréfente  la  force  perpendi- 
culaire à  ^Z>  ou  la  réfiftance  comme  AB 
eft  à  51?. 

Donc  la  force  fera  plus  petite  ou  pkis 
grande  ,  ou  égale  à  la  réfiftance ,  félon  que 
Z4  B  fera  plus  petite  ou  égale  y  ou  plus 
grande  que  A  B. 

Au  rerte ,  nous  fuppofons  ici  que  les  côtés 
BD 3  AD  du  coin  s'appliquent  exadement 


C  0  ï 

aux  côtés  de  la  fente  ;  s'ils  ne  s'y  appliquoienr 
pas,  il  faudroit  décompofer  la  force  fuivant 
CD  en  deux  autres  perpendiculaires  aux 
côtés  de  la  fente  ,  &c  le  rapport  de  la  diago- 
nale aux  cotés  indiqucroit  le  rapport  de  la 
force  fuivant  CD  à  la  réfiftance.  Voyez  la 
méchaniqiie  de  Varignon. 

On  rapporte  au  coin  tous  les  inftrumens  à 
pointe  6i.  à  tranchant,  comme  couteaux, 
haches ,  épées ,  poinçons ,  ùc.  En  effet ,  tous 
ces  inftrumens  ont  au  moins  deux  furfaces 
inclinées  l'une  à  l'autre,  &  qui  forment  tou- 
jours un  angle  plus  ou  moins  aigu  entre  elles. 
De  plus ,  comme  c^eft  l'angle  qui  eft  la  par- 
tie eflentielle  du  coin  ,  il  n'eft  pas  nécelTaire 
qu''il  foit  formé  par  le  concours  de  deux  plans 
iculs.  Les  clous  qui  ont  quatre  faces  qui 
aboutiflent  à  une  même  pointe  ,  les  épin- 
gles ,  les  aiguilles ,  dont  la  furface  peut  être 
regardée  comme  un  aflemblage  de  plans  in- 
finiment petits  qui  fe  réuni  lient  à  un  angle 
commun  ,  font  auffi  l'office  du  coin^  ôc 
doi  vent  être  confidérés  comme  tels.  Enfin, 
parmi  ces  fortes  d'inftrumens  qui  agifTent 
comme  des  ceins  ,{1  y  en  a  aufïi  qui  agiflent 
comime  des  leviers.  Tels  font  les  couteaux, 
qui  font  à  la  fois  des  coins  ôc  des  leviers  de 
la  première  efpece ,  dont  le  point  d'appui 
eft  entre  la  réiiftance  &c  la  puiflance.  Noll. 
lecî.phyf,  (O)  {a) 

Coin  {le)  la  tête  de  roRc  cii  l'em- 
BOLON  ;  c'étoit ,  félon  M.  le  chevalier  de 
Folard,  une  certaine  difpofition  de  troupes 
dont  les  anciens  fe  fervoientdansles  armées. 


(^)  Coin  ,  (Art  milit.)  Les  Grecs  avoient  deux  fortes  de  crinsi  l'un  dont  on  fiifoit  ufige  dans  la 
cavalerie,  &  l'autre  dans  Pinfantcrie.  Les  Scythes  &  les  Thraces  rangeoienc  leurs  efcadrons  en  forme 
àe  coi.'t.  Les  Macédoniens  fuivoient  aufîi  la  même  méthode  :  ils  la  tenoient  de  Philippe,  qui  paffe 
pour  en   être  l'inventeur. 

Le  coin  étoic  proprement  la  moitié  du  lofange  C  Voy.  ce  mot  &  la^^.  lo  de  nos  pi.  milit.  taHtque^ 
des  Créa  dans  lefuppl.  des  pi.  )  &  formoit  une  efpece  de  triangle.  On  cbfervoit  ,  en  le  formant ,  la 
même  proportion  que  dans  le  lofange  ;  il  n'y  a  voit  qu'un  feul  cavalier  .i  la  tête  ,  trois  au  premier  rang, 
cinq  au  fuivant,  c^r.  ainfi  fucceflîvemeni  jufqu'au  dernier.  A  cette  difpolition,  on  en  oppofcit  une 
aBt;e  qu'on  appellcit  la  tennille^  parce  que  fa  figure  reflemble  à  la  lettre/^  relie  fe  formoit  d'un  corps 
de  foldais  bien  feirés,  qui  recevoient  le  coin  ,  &  l'enfermoient  de  deux  côtés. 

Aguthias  rapporte  que  ,  dans  la  bataille  du  Cafilin  ,  toute  l'armée  des  francs  étoit  ordonnée  ert 
manière  de  coin.  tl!e  formoit  ,  dit-il ,  une  mafle  épaifTe  ,  condenft'e  ,  toute  cosverte  de  boucliers  , 
&  qui  diminuant  infenfiblement  depuis  fa  ba(e  ,  ne  préfentoit  plus  enfin,  par  ù  partie  antérieure, 
qu'un  front  afTez  étroit.  Ses  ailes  qui  s'allongeoient  en  arrière  ,  comme  deux  jambes ,  étoient  coinpo- 
iées  de  files  étroites,  unies  &  ferrées  dans  toute  leur  profondeur;  &  s'écartant  peu  à  peu  l'unede  l'au- 
tre ,  finilToienr  par  lailler  entr'elles  un  fort  long  intervalle  ;  de  forte  qu'on  y  voyait  à  découvert  les 
épaules  oppofées  des  foidats  i  car  ceux  des  deux  ailes  fe  tournoient  mutuellement  le  dos  en  combat- 
tant ;  parce  que  ,  n'ayant  point  d'armure  qui  les  couvrît  dans  cette  partie  ,  elle  fe  iiouvoit  <û 
quelque  façon  défendue  par  leux  double  oppolùion.  (^^ 


COI 

Quelques  auteurs  prétendent  que  l'embo- 
lon  étoit  un  arrangement  difféient  du  coin, 
cuneus ,  ou  de  la  tête  de  porc  ,  caputporci- 
num  :  mais  M.  de  Folard  ,  comme  dit  un 
iournalifte ,  démontre  que  perfonne  de  ceux 
qui  ont  parlé  de  Tembolon ,  du  cuneus  &c  de 
la  tête  de  porc,  n'a  fu  ce  que  c'étoit  ;  &  il 
fait  voir  allez  probablement  que  ces  diver- 
fes  ordonnances  dont  on  a  dit  tant  de  mer- 
veilles ,  n'étoient  autres  que  la  colonne.  Bi- 
èlioth.  raifon.  torrn  VI.  Voyei^  Colonne. 

Vegece  définit  le  coin  une  certaine  difpo- 
fîtion  de  foldats  qui  fe  terminoit  en  pointe 
par  le  front ,  &  qui  s'élarglifoit  à  la  baie  ou 
à  la  queue.  Son  ufage  étoit ,  dit  cet  auteur , 
de  romipre  la  ligne  des  ennemis ,  en  faifant 
qu'un  grand  nombre  d'hommes  lançaflerr 
leurs  traits  vers  un  même  endroit.  Il  dit  aufli 
que  les  ioldats  appelloient  cette  difpofition 
de  troupes  tête,  de  porc ,  caputporcinum.  Sui- 
vant cette  définition  le  coin  n'étoit  qu'un 
triangle  ;  m.ais  M.  de  Folard  prétend  qu'il 
n'en  avoit  pas  la  figure ,  &  qu'on  donnoit 
ce  nom  à  un  corps  de  troupes  de  beaucoup 
de  profondeur  &  de  peu  de  front,  c'ef  t-à-dire 
à  des  troupes  rangées  en  colonne.  Il  prouve 
aufïi  que  chez  les  anciens  le  terme  de  cuneus 
ne  fignifie  pas  toujours  une  figure  triangu- 
laire ,  mais  une  cohorte ,  cohors.  Voye^^  Co- 
horte. 

"  Tacite,  mœurs  des  Germ.  dit  que  les  Al- 
lemands  s'arrangent  enferme  de  coin  :  mais 
on  voit  bien  que  par  ce  terme  (dit  M.  de 
Folard;  il  ent  nd  une  cohorte ,  parce  qu^il 
l'oppofe  à  turma ,  c'eft-à-dire,  à  l'efcadron. 
J'ai  remarqué ,  continue  le  commentateur 
de  Polybe  ,  que  les  Grecs  qui  ont  écrit  des 
guerres  des  Romains,  fe  fontfervis  du  terme 
à'imbclon  ;  lorfque  les  latins  ont  employé 
celui  de  cchcrs  dans  le  détail  des  mêmes 
opérations.  Tite-Live  qui  a  copié  Pclybe 
prelque  par-tout ,  a  pris  (ouveiit  l'embolon 
pour  un  triangle ,  lorfque  por  ce  mot  Thii- 
torien  grec  entendoit  cohorte.  " 

Elien,  dans  fcn  /ivre  de  la  d/fcipli ne  mili- 
taire des  Grecs ,  prétend ,  ainiî  que  Vegece, 
que  le  cuin  étoit  un  triangle  j  M.  de  Folard 
infirmée  fon  tém.oignage  de  cette  manière  : 
«  fi  Frontin ,  dit  cet  auteur  ,  qui  étoit  un  la- 
vant homme  de  guerre  ,  me  diloit  que  le 
coin  étoit  un  triangle ,  je  le  croirois  plutôt 
qu  Elien,  Vegece  éc  tant  d'autres,  il  ne  faut 


C  O  I  44.T 

pas  douter  que  le  terme  de  cuneus  n'ait  trom- 
pé  ces  auteurs.  Ehen  ne  dit-il  pas  qu'Epa- 
minondas  avoit  comibattu  en  ordre  trian- 
gulaire à  Leudres  ;  ce  qui  eft  manifcfte- 
ment  faux.  Je  parierois  qu'Elien  n'avoit  ja- 
mais lervi  ;  &  s'il  étoit  vrai  qu'il  eût  fait  la 
guerre  ,  il  en  railbnnoit  très-mal.  »» 

"  Je  ne  laiflèrai  pas ,  dit  M.  de  Folard,  la 
:ête  de  porc ,  que  je  ne  la  voie  coupée  ôc 
féparée  de  fon  corps.  Ammien  Marcellin , 
qui  eft  bien  de  ce  temps-là ,  &  qui  en  parle, 
me  fournira  le  couteau.  Bien  loin  de  dire  que 
ce  fut  un  triangle  ,  il  fait  voir  au  contraire 
que  c'eft  un  corps  fur  beaucoup  de  hauteur 
&:  peu  de  front.  Dans  la  guerre  de  l'empe- 
reur Conftantius  contre  les  Lim.igsntes ,  qui 
étoient  une  race  d'anciens  efclaves  qui 
avoient  chaflé  leurs  maîtres  (  les  Sarmates  ) 
de  leur  pays  5  ces  efclaves  ayant  été  attaqués 
&  enveloppés  par  Parm.ée  romaine  ,  fe  fer- 
rèrent en  un  gros  bataillon ,  s^ouvrircnt  un 
paflage  à  travers  les  légions  ,  &  pénétrèrent 
jufqu^à  Pendroit  où  étoit  l'empereur,  tant 
le  choc  de  cette  mafiTe  d'infanterie  ,  unie  & 
ierrée,  étoit  redoutable.  Les  foldats,  dit 
Ammien  ,  appellent  cç\:à  faire  la  tcte  de  porc  ^ 
Ce  n'eftdonc  pas  un  triangle ,  mais  un  corps 
rangé  fur  une  extrême  profondeur  &  peu  de 
front.  »  Traité  de  la  colonne  par  M.  le  che- 
valier de  Folard.  (  Q) 

Coin  de  mire  ,  eft ,  e/z  terme  d'artillerie  y 
un  coin  dont  on  fe  fert  pour  élever  la  culalîe 
du  canon  &  pour  le  pointer.  Voye^^  de  ces 
coins ,  pi.  Vide  l'art  militaire  ,fig.  6.  (Q) 

Coin  ,  C  Architeclure.  )  eft  une  elpece  de 
dé  coupé  diagonalement  fuivant  le  rampant 
d'un  efcalier  ,  qui  fert  à  porter  par  en  bas 
des  colonnes  de  niveru  ,  &  à  racheter  par 
en  haut  la  pente  de  l'entablem-ent  qui  fou- 
tient  un  berceau  rnmpant,commeàl'efca- 
lier    pontifical  du  Vatican, 

Ces  coins  font  aufiTi  le  même  effet  aux 
bail!  lires  ronds  qui  ne  font  point  inclinés 
iuivant  une  rampe  ,  comme  à  l'efcalier  du 
palais  royal. 

On  peut  aullî  donner  ce  nom  aux  deux 
portions  d'un  tympan  renfoncé ,  qui  portent 
les  corniches  rampantes  d'un  fronton  , 
comme  on  en  voit  au  fronton  cintré  du  por- 
tail de  S.  Gervais  à  Paris.  (P) 

Coins  ,  en  terme  de  diamantaire ,  ce  font 
des  faces  angulaires  qui  féparent  les  bifeaux. 


44^  C  ^  ^ 

de  font  du  brillant  quatre  par  Tes  quatre  bi- 
feaux ,  un  quarré  arrondi.  V.  Biseau  & 
Brillant. 

Coin  ,  en  terme  de  boutonnier  ,  c  elt  1  en- 
droit par  où  Ton  commence  un  bouton  aux 
pointes  ;  &:  comme  il  y  a  quatre  pointes  , 
il  eft  clair  qu'il  doit  y  avoir  quatre  coins 
dans  un  bouton.  Les  premiers  tours  de  ces 
points  ne  font  pas  ondes.  Voye:j^  Ondes. 
Dans  un  bouton  de  trait  ou  glacé ,  ils  font 
toujours  de  file,  &  lont  comme  autant 
d'attaches  pour  coudre  le  bouton  fans  l'en- 
dommager. .    ^r  A-   A       1 

Coin  ,  {Fauconnerie.  )  le  dit  des  plumes 
qui  forment  les  côtés  de  la  queue  de  loi- 
feau  ;  il  y  a  les  deux  premières ,  les  deux 
fécondes ,  ùc.  de  chaque  coin  ;  cette  déno- 
mination ne  cefle  qu  aux  deux  du  milieu 
qu'on  appelle  les  couvertes. 

Coin  ou  couteau  de  bois ,  (Jardinage.) 
cet  Inftrument  fert  à  détaler  le  peuple  au 
pié  de  fleurs  qui  en  ont  trop ,  &  dans  la 
greffe  à  ouvrir  la  fente  que  le  couteau  n'a 
fait  que  commencer. 

Coins  :  on  nomme  ainfi,  dans  l'Impri- 
merie ,  nombre  de  petites  pièces  de  bois  de 
chêne ,  taillées  de  fept  à  huit  lignes  d'épaii- 
feur  ,  de  façon  que  l'un  des  bouts  foit  plus 
large  que  l'autre  de  quelques  lignes.  Ces 
coins  iont  de  grandeur  différente  ,  &  fer- 
vent ,  avec  le  (ecours  d'un  marteau  ,  à 
ferrer'  la  forme  dans  le  chaiTis  ,  de  façon 
qu'on  peut  la  lever  de  defliis  le  marbre ,  la 
defcendre ,  la  tranfporter  ou  la  laifler  fur 
champ ,  mais  adoffée  à  quelque  chofe  de 

Coin  ,  (Lutherie)  on  appelle  ainli ,  dans 
la  fadture  des  orgues ,  un  petit  morceau  de 
bois  ,  de  forme  conique ,  tronqué  &  coupé 
en  deux  par  un  plan  qui  pafle  par  l'axe , 
dont  on  le  fert  pour  boucher  le  trou  que 
l'anche  &  la  languette  des  jeux  d^anches 
laiffent  dans  la  noix.  Ce  coin  doit  entrer 
dans  la  noix  après  que  l'anche  &  fa  lan- 
guette font  placées.  La  face  plate  du  coin 
tournée  vers  la  languette ,  on  le  chaffe  à 
force  pour  qu'il  affermiffe  l'anche  &  fa 
languette  dans  la  noix  ,  &  qu'il  achevé  de 
boucher  entièrement  fon  ouverture.  Voyei;^ 

Trompette.  s  /.   ,     , 

Coins,  (Maréchallerie.)  fe  dit  des  quatre 
dents  du  cheval  fituécs  entre  les  mitoyennes 


C  O  I 

Se  les  crocs ,  deux  deflus  5c  deux  dclTous  , 
qui  poullènt  lorique  le  cheval  a  quatre  ans 
6c  demi.  Voye:(^  Croc. 

Coins,  fe  dit  aulïi  des  quatre  angles,  extré- 
mités ou  lignes  de  la  volte  ,  lorfque  le  che- 
val travaille  en  quarré.  Ce  cheval  a  fait  les 
quatre  coins,  a  travaillé  fur  les  quatre  coins. 
Voye:(_  Travailler  ,  Volte. 

Entrer  dans  les  coins ,  terme  de  manège. 
Voye^  Entrer. 

CoiNS^e  chantier  ,  {Marine.)  ce  font  des 
coins  que  l'on  met  entre  les  tins  ëc  la  quille , 
lorlqu'on  la  pofe  lur  le  chantier  :  quand  on 
veut  lancer  le  vaiffeau  à  l'eau  ,  on  chalTe  ces 
coins  à  coups  de  bélier  •■,  on  les  met  ordinai- 
rement à  cinq  ou  ilx  pies  de  diftance  les  uns 
des  autres.  {Z) 

Comsd'arrimage,  {Marine.)  ce  fontceux 
qu'on  met  entre  les  futailles  en  les  arrimant, 
afin  de  les  empêcher  de  rouler.  {Z) 

Coins  de  mat ,  {Marine.)  ce  font  de 
certains  coins  de  bois  qu'on  fait  de  bouts  de 
jumelles  ;  ils  tiennent  de  leur  rondeur  ôs:  de 
leur  concavité  ,  &c  fervent  à  reflerrer  le  mit 
lorfqu'ii  eft  trop  au  large  dans  l'étambraie 
du  pont  :  ces  coins  font  traverfés  de  che- 
villes de  fer.  (Z) 

Coin  y  {à  la  monnoie.  )  Les  coins  s'appel- 
lent aujourd'hui  matrices  ou  quarrés.  Voye:^ 
Matrice.  On  fe  fervoit  de  ce  terme  dans 
l'ancien  monnoyage. 

Coins  de  cheveux,  terme  de  perruquier; 
ce  font  des  trèfles  de  faux  cheveux ,  dont  les 
hommes  fe  fervent  pour  augmenter  l'épaif- 
feur  ôc  la  longueur  de  leurs  cheveux  natu- 
rels ,  en  les  ajuftant  au  deflus  des  oreilles 
au  moyen  d'un  fil. 

Coins  ,  {Relieurs.)  outils  de  relieurs- 
doreurs  ,  ornemens  de  livres  ;  les  outils  fon- 
dus font  de  cuivre  &c  figurés  en  triangle  ; 
la  queue  en  eft  un  peu  longue  ,  afin  de  fer- 
vir  à  des  volumes  de  différente  grolîèur  ; 
on  en  a  deux ,  l'un  grand  &c  l'autre  petit  : 
on  poufl'e  les  coins  à  quatre  fois ,  fur  le  dos 
des  livres ,  dans  les  entre-nerfs ,  pour  garnir 
les  côtés  des  bouquets.  Fbje:(_ Dorer. 

Coins  ,  terme  de  rivière.  V.  Voussoirs. 

■*  Coins  ,  (  Tablett.  )  fe  dit  d'efpeces  de 
petites  armoires  ou  tablettes  qui  fe  placent 

Idans  les  angles  des  appartcmens.  Ceux  qui 
fe  fufpendent  en  tablettes ,  font  d'une  mc- 
nuiferie  ou  d'un  bois  de  marqueterie  léger; 


CO  I 

l'angle  que  forment  les  côtés  eft:  égal  à  celui 
que  forment  les  murs  ;  la  face  antérieure  en 
eft  cintrée  ;  la  partie  inférieure  fe  ferme  à 
porte  &  à  ferrure  ;  la  fupérieure  eft  ouverte 
&  iert  à  placer  des  morceaux  de  porcelaine. 
Ceux  qui  fe  placent  à  terre  &  font  à  pie 
comme  les  commodes ,  font  aflez  fbuvent 
couverts  de  marbres  &  décorés  d'ornemens 
en  cuivre  doré  ,  la  partie  antérieure  en  eft 
aulTî  cintrée,  elle  eft  divifée  en  deux  ou 
trois  parties  ,  fermée  à  ^extérieur  par  autant 
de  ferrures  &  de  portes.  Ces  meubles  font 
de  nouvelle   invention. 

Coin,  au  tricîrac ;  qui  dit  fimplement 
le  coin  j  entend  le  coin  de  repus  ;  ainii  nommé 
parce  que  le  joueur  eft  moins expofé  quand 
il  s'eft  emparé  de  ce  coin  ;  c'eft  toujours  la 
onzième  café ,  non  compris  celle  du  tas  des 
dames. 

Une  des  règles  les  plus  fûres ,  c'eft  de  le 
prendre  le  plutôt  qu'on  peut ,  &:  d'avoir  pour 
cela  des  dames  fur  les  cafés  de  quine  éc  de 
fonnez.  Voye-;^  Coin  Bourgeois. 

Le  coin  de  repos  fe  prend  par  puiflanceou 
par  effet  ;  dans  le  premier  cas ,  lorfque  celui 
contre  qui  l'on  joue  n'a  pas  le  iien  ,  &  que 
du  dé  que  vous  am.enez  vous  pouvez  mettre 
deux  dames  dans  fon  coin ,  ce  qui  ne  fe 
iàit  point  :  on  n'empêche  point  fon  adver- 
faire  de  faire  fon  grand  jan,  quoiqu'on 
en  ait  la  puiflance ,  il  eft  plus  avantageux 
de  prendre  fon  coin.  On  le  prend  par  effet 
lorsque  de  fon  dé  on  a  deux  dames  qui 
battent  fon  propre  coin.  Comme  on  ne  peut 
ie  laifir  de  fon  coin  qu'avec  deux  dames ,  les 
règles  du  jeu  ne  permettent  pas  au  fïi  qu'on 
le  quitte  fans  les  lever  toutes  deux  enfemble. 
Qui  s'empire  de  Ton  coin  par  effet ,  n'eft 
plus  en  droit  de  le  reprendre  par  puifîance  ; 
il  celui  co'itre  qui  l'on  joue  s'eft  faiiidu  fien , 
cette  pui (Tance  eft.  ctée. 

Coin  bourgeois  ,  nu  trictrac  y  fe  dit 
encore  de  la  café  de  quine  &  de  fonnez, 
Vi-ye^^  Quine  &  Sonnez. 

Coin  ,  fè  dit  encore  en  un  grand  nombre 
d'autres  circorift.mces  ,  dont  nous  ferons 
mention  lorfque  l'occafion  s'en  préfentera. 
Il  y  a  chez  les  tabl-etiers  àt%coins.  Il  y  en  a 
de  gros ,  de  petits  &  de  moyens  dans  les 
grofî'es  forges.  Les  ferruriers  ont  des  coins 
fimples  &  à  talon  ,  £'c.  mais  tous  ces  inftru- 
me;îs  font  aiiifi  nommés  de  leur  forme  fem- 


C  O  1  447 

blablc  à  celle  du  coin  machine  de  mécha- 
nique ,  &:  de  leur  ufage  qui  n'en  diffère  pas. 

coïncidence  ,  f.  f.  en  Géométrie  ,  fe 
dit  des  figures ,  lignes  ,  ^c.  dont  toutes  les 
parties  fe  répondent  exadement  lorfqu^elles 
font pofées l'une  lur l'autre ,  ayantlesmcmes 
termes  ou  les  mêmes  limites. 

La  coin'idence  défigne  donc  une  égalité 
parfaite ,  c'eft-à-dire  que  les  figures  ou  lignes 
entre  lefquelles  il  y  a  coincidence ,  font  égales 
&c  fembiables,  V.  Égalité  &  Semblable. 

Euclyde  ,  &  prefque  tous  les  auteurs  géo- 
mètres à  fon  exemple  ,  démontrent  un 
grand  nombre  depropofîtions  élémentaires , 
par  le  feul  principe  de  la  coincidence ,  ou  fuper- 
pofition   K  Superposition.  (O) 

coïncident,  adj.  (  Phyf.  &  Méch.  ) 
fe  dit  des  corps  qui  tombent  à  la  fois  &  en 
même  temps  fur  une  furfacc  quelconque  : 
ainfi  on  dit  les  rayons  de  lumière  coi  acide  ns , 
pour  défigner  les  rayons  qui  tombent  à  la 
fois  fur  une  furface. 

On  dit  aufli  coincident ,  de  lignes ,  ou  fur- 
faces  qui  coïncident.  V.   Coïncider.  (  O) 

coïncider  ,  terme  de  géométrie  :  on 
dit  que  deux  lignes  ou  furfaces  coincident , 
lorfqu'étant  appliquées  l'une  fur  l'autre  elles 
s'ajuftent  &  fe  confondent  parfaitement.  V. 
Coïncidence.  (O) 

COINC  Y  ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville  de 
France  dans  le  Soiitoinois. 

COING,  {Pharm.  &  diète.)  fruit  du 
coignafîier.  ^oje^  Coîgnassier. 

Le  fuc  de  coing  eft  d'un  goût  acerbe  , 
aftringent ,  ôc  d'une  odeur  agréable  ;  ilpour- 
roit  être  employé  comme  cordial ,  ftoma- 
chique  Se  tonique  :  peut-être  même  feroir- 
il  plus  efficace  que  pluiieurs  préparations  ou 
mélanges  que  nous  employons  tous  les  jours 
au  même  titre  ,  5c  même  que  le  fyrop  de 
coing  ,  qui  n'eft  autre  chofe  que  ce  fuc 
cpaiffi  avec  une  fufïifante  quantité  de  fucre. 
,  Quoi  qu'il  en  foit,  ce  fuc  eft  peu  ufîté  dans 
les  prefcriptions  magiftrales  :  il  fe  conferve 
pourtant  fort  bien  des  années  entières  fous 
1  huile  ,  &c  dans  un  lieu  frais.  K  Suc  & 
Conservation. 

Le  fyrop  de  coir^,  dont  l'ufàge  a  prévalu 

fans  doute  àcaufe  de  fon  goût  agré;-!ble  fur 

celui  du  fucquin'avoit  pasbefbin  pour  être 

Icoi^ervé  d'être  affaifonné  avec  le  fucn;. 


448  COI 

comme  nous  le  venons  d'obferver ,  fe  pré- 
pare de  la  façon  fuivante. 

Prenez  du  fucde  co/'/i^épuré&bien  clair , 
une  livre  ;  fucre  blanc  ,  deux  livres  :  faites 
fondre  le  fucre  à  petit  feu  ,  &  le  fyrop  aura 
la  confiftance  rcquife. 

Le  cotignac  ou  gelée  de  coing ,  6c  les 
différentes  confitures  qu'on  prépare  avec  ce 
fruit ,  ont  paflé  de  la  pharmacie  aux  confi- 
feurs. 

Ces  différentes  confitures  font  de  bons 
analeptiques ,  dont  l'ufage  eft  très-falutaire 
pour  les  convalefcens ,  &  pour  réveiller  dou- 
cement le  jeu  de  l'eftomac&  des  organes  de 
la  digeftion ,  en  fourniflant  en  même  temps 
une  nourriture  légère. 

On  prépare  quelquefois  dans  les  bouti- 
ques une  efpcce  de  gelée  de  coing  qu^on 
appelle  myva  cydoniorum  :  elle  fe  fait  avec 
douze  livres  de  lue  de  coing,  &  trois  livres  de 
fucre  blanc,  que  Ton  fait  évaporer  jufqu'en 
confîftanced'un  extrait  mou.  Ce  myva  ou  rob 
de  coing  eft  peu  en  ufage  ;  les  gelées  ou 
marmelades  de  coings  dans  lelquellesil  entre 
beaucoup  plus  de  fucre ,  lui  ont  été  préfé- 
rées, pirce  qu'elles  flattent  davantage  le  goût. 

Le  mucilage  desfemencesdeco/Vz^extrait 
à  froid  ,  ou  à  un  léger  degré  de  chaleur  , 
avec  Peau  commune  ou  quelqueeauophthal- 
mique,  comme  celle  de  rofe  ,  de  fenouil , 
fournit  un  excellent  remède  contre  lesoph- 
thalmies. 

Le  fuc  de  coing  entre  dans  le  fyrop  d'ab- 
/ynthe  compofé ,  le  fyrop  émétique  ,  &  le 
fyrop  de  jujubes  ;  fa  chair  confite  entre  dans 
les  tablettes  diacarthami.  (  /5  ) 

COIPA ,  f.  m.  (  Hifi.  nat.  bot.  )  nom 
Brame  d'une  plante  du  Malabar ,  fort  bien 
gravée  ,  avec  la  plupart  de  fes  détails ,  par 
Van-Rheede,  dafts  fbn  Hortus  Malabari- 
cusy  volume  X,  planche  ZXVII ,  page  Zjj , 
fous  le  nom  de  pee-coi^a. 

C''cfl;  une  herbe  à  racine  vivace ,  blan- 
châtre ,  ligneufe  &  fibreufe ,  longue  defix 
pouces  fur  trois  lignes  de  diamètre ,  couron- 
née par  fix  à  huit  tiges  cyHndriques,  Uflès , 
étendues  fur  la  terre  comme  autant  de 
rayons  ,  rougeâtres  ,  d'une  ligne  au  plus  de 
diamètre. 

Les  feuilles  font  oppofées  deux  à  deux  , 
non  pas  en  croix ,  mais  fur  un  même  plan , 
elliptiques ,  pointues  aux  deux  extrémités , 


COÎ 

longues  d'un  pouce ,  deux  à  trois  fois  moins 
larges ,  entières ,  épaiiles ,  un  peu  ondées , 
communément  vertes  ,  quelquefois  rougeâ- 
tres ,  hfles  ,  luifantes ,  relevées  en  deflbus 
d'aune  cote  longitudinale  ,  fans  nervures ,  Se 
attachées  horizontalement  aux  branches, 
fans  aucun  pédicule  :  les  deux  feuilles  ter- 
minales font  fouvent  alternes ,  ou  au  moins 
y  en  a-t-il  quelquefois  une  alterne  dans  celles 
qui  doivent  porter  une  tête  de  fleurs. 

Chaque  branche  eft  terminée  par  unetcte 
fphérique  ,  quelquefois  fefTile  entre  deux 
feuilles  oppofées  ;  mais  pour  Pordinaire  por- 
tée fur  un  péduncule  cylindrique  ,  égal  à  fà 
longueur ,  qui  eft  de  cinq  à  fix  lignes ,  com- 
polee  de  quinze  à  vingt  fleurs  ,  blanc-rou- 
geâtres ,  feiïiles ,  contiguës ,  liftes ,  luifantes, 
longues  de  trois  hgnes  au  plus,  ouvertes 
fous  un  angle  de  quarante-cinq  degrés. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite  incom- 
plète, pofée  autour  de  l'ovaire.  Elleconiîfte 
en  un  calice  à  huit  feuilles ,  roux-pâles  donc 
deux  extérieures  font  pliées  ;  en  cinq  éta- 
mines  droites  réuniesen  cylindre  par  le  bas 
de  leurs  filets ,  à  anthères  rouges  entourant 
un  ovaire  fphérique,  verd-blanchâtre,  termi- 
né par  un  ftyle  blanchâtre  ,  à  deux  ou  trois 
ftigmates. 

L'ovaire  en  mûriflant  devient  une  capfule 
fphéroïde ,  membraneufe ,  blanche,  longue 
d'une  hgne,  à  une  loge  ne  s'ouvrant  point , 
&  contenant  une  graine  lenticulaire ,  noire , 
luifante ,  attachée  verticalement  à  fa  partie 
inférieure. 

Culture.  Le  coipa  croît  au  Malabar  dans 
les  fables. 

Qualités.  Son  goût  eft  herbacé. 

Ufages.  Les  Malabares  l'emploient  feulc-i 
ment  pilé  dans  le  lait  de  vache  ,  avec  le 
beurre  &  le  (àntal ,  pour  en  frotter  les  tem- 
pes dans  les  délires. 

Remarque.  Il  eft  facile  de  voir  par  ces 
caractères ,  que  cette  plante ,  qui  n'a  encore 
été  déterminée  ni  clauée  par  aucun  botanif. 
te  ,  appartient  au  genre  du  coluppa  ,  qui  fe 
range  naturellement  dans  la  famille  des  ama- 
ranthes  ,  où  nous  l'avons  placée.  Voye^rios 
Familles  ,  volume  II ,  page  %68.  (  M. 
Ad  AN  SON.) 

COIRE  ,  (  Géog.  mod.  )  grande  ville  de 
Suifle  ,  capitale  du  pays  des  Grifbns ,  près 
du  Rhin.  Long.  2.7,  8  ;  lat,  46* ,  ^o. 

COÏT, 


CO  I 

COIT,r.m.(Py^yM  &  Hygiène.)  ex- 
prefTîon  dont  les  médecins  fe  lervent  allez 
communément  comme  fynonyme  à  ces  au- 
tres façons  de  parler  honnêtes ,  acie  vénérien, 
copulation  charnelle  ,  acIe  de  la  génération. 
Fbye:^; GÉNÉRATION,  Mariage (iWeV.)  , 
&  Virginité  {Médecine. ) 

COITADE,r.  m.  {Hijî.  nat.  Ichifiyo- 
log.  )  poiflTon  des  iltrs  Moluqucs ,  très-bien 
gravé  &  enluminé  fous  ce  nom  ,  par  Coyett, 
au  n°.  J^  de  la  première  partie  de  Ton  Re- 
cueil des  pojfonsd'Amboine. 

Il  a  le  corps  extrêmement  court  ,  très- 
comprimé  par  les  cotés  ,  pointu  vers  la  tête, 
à  peine  de  moitié  plus  long  que  large,  la  tête, 
la  bouche  &  les  yeux  petits. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fept; 
fàvoir  deux  ventrales  très-petites ,  menues  , 
placées  au-defïbus  des  deux  pectorales ,  qui 
font  quarrées ,  médiocrement  longues ,  une 
dorfale  fort  longue  ,  plus  balle  devant  que 
derrière ,  &  une  derrière  l'anus ,  un  peu  plus 
longue  que  profonde  :  celle  de  la  queue  cil 
tronquée  comme  quarrée  :  de  ces  nageoires 
deux  font  épineufes  ;  favoir  la  dorfale ,  dont 
les  huit  rayons  antérieurs  font  fîmples,  pi- 
quans ,  &  Tanale  qui  en  a  deux  pareillement 
piquans. 

La  couleur  de  Ton  corps  cfl:  jaune ,  mar- 
qué de  deux  bandes  rouges ,  longitudinales 
fur  chaque  côté ,  &  trois  bandes  vertes ,  dont 
une  fur  le  dos ,  une  fous  le  ventre ,  &  une 
fur  le  milieu  de  chaque  côté  :  la  tête  eft  bru- 
ne ,  les  nageoires  pectorales  font  vertes,  celles 
du  ventre  &  de  la  queue  iaunes  ,  celles  du 
dos  &  de  l'anus  rouges  ,  excepté  les  rayons 
épineux,  qui  font  réunis  par  une  membrane 
verte  &  rouge  :  la  prunelle  des  yeux  noire , 
entourée  d*un  iris  rouge. 

Moeurs.  Le  coitade  fe  pêche  communément 
dans  la  mer  d'Amboine ,  autour  des  rochers. 

Remarque.  Ce  poilîon  eft  une  efpecc  du 
dou  wing  qui  forme  un  genre  particulier  dans 
la  famille  des  fpares.  (M.  Adanson.) 

COITTES  ,  COITES ,  f  f.  pi.  {Mar.  ) 
ce  font  deux  longues  pièces  de  bois  qu'on 
met  parallèles  (bus  un  vailîeau ,  pour  le  por- 
ter &  le  foutenir  quand  on  veut  le  tirer  du 
chantier  pour  le  lancer  à  l'eau.  V.  Colom- 
biers. (  Z) 

CoiTTEs  DU  guindas  ,  {Marine.^  ce 

font  deux  pièces  de  bois  épaiil'cs,  ou  deux 

Tome  VIIL 


.}  COI  449 

billots  frappés  fur  le  pont ,  qui  fervent  à- 
appuyer  les  bouts  du  guindas,  &  fur  lef- 
quelles  il  tourne  horizontalement.  Quelque- 
fois on  emploie  pour  cet  ufage  deux  gros 
madriers  qui  fe  joigiaent  aux  bordagcs  du 
vaillèau.  (  Z  ) 

COJER,  f  m.  {Hiji.  nat.  Ichthyolog.) 
nom  que  les  habitans  des  Moluques  donnem: 
à  un  poiflon  qui  a  été  fort  bien  gravé  &  en- 
luminé par  Coyett ,  fous  le  nom  de  cojer 
laudt y  au  /2^.54  de  la  féconde  partie  de  fon 
Recueil  des poijfons  d'Amboine. 

Il  a  le  corps  elliptique ,  alfez  court ,  très- 
comprimé  par  les  cotés, pointu  vers  la  queue, 
obtus  vers  la  tête ,  &c  prefqu'une  fois  plus 
long  que  profond  ;  la  tête  grande  j  la  bouche 
&  les  yeux  petits. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fept  ; 
favoir  deux  ventrales  petites  au  delïbus  des 
pedtorales  qui  font  triangulaires,une  dorfale 
allez  longue,alï^iîégale  en  hauteur  devant  S>c 
derriere,une  derrière  l'anus,  un  peu  plus  lon- 
gue que  profonde ,  &  une  à  la  queue ,  four-; 
chue  jufques  vers  le  milieu  de  fa  longueur. 

La  couleur  de  fon  corps  eft  bleue  fous  le 
ventre ,  jaune  fur  le  dos ,  &  les  côtés  qui  ont 
chacun  deux  lignes  bleues  obliques ,  &  neuf 
autres  lignes  qui  s'étendent  comme  autant 
de  rayons  autour  des  yeux  :  fes  nageoires 
font  jaunes-,  la  prunelle  des  yeux  eft  blan- 
che ,  entourée  d'un  iris  rouge. 

Moeurs.  Le  coj'er  eft  commun  autour  des 
rochers  dans  la  mer  d'Amboine. 

Remarque.  Ce  poilïbn  forme  un  genre 
particulier  dans  la  famille  des  fpares. 
(  M.  Adanson.  ) 

CO  JUSTICIERS ,  C  m.  pi.  {Jurifp.  ) 
font  plufieurs  feigneursqui  ont  un  droit  de 
juftice  commun  cntr'eux.  Ce  droit  en  lui- 
même  ne  peut  fe  partager  quant  à  l'exercice, 
mais  les  profits  peuvent  fe  partager  entre 
les  co~JuJiiciers.  Voye[  Haute-Justice  & 
Justice.  (A) 

COKENH AUSEN ,  (  Gécg.  mod.  )  ville 
forte  de  Suéde  en  Livonie ,  fut  la  Dwina. 
Long.  /^2  y  2-^y  ^^^'  5^i  40. 

COL ,  voyei^  Cou. 

Col  ,  (  Géog.  )  c'eft  le  nom  qu'on  donne 
en  géographie  à  plufieurs  palfages  étroits, 
entre  des  montagnes. 

Col,  f.  m.  partie  de  notre  ajuftement  ; 
c'eft  un  morceau  de  toile  très-fine  ,  garnie 


45©  COL 

par  Tes  deux  bouts  de  deux  autres  morceaux 
de  toile  plus grofle ,  à  l'aide  deiquels  &c  d'une 
boucle  ou  d^une  agrafe  ,  on  fixe  cet  ajufte- 
ment  autour  du  cou  fur  celui  de  la  chemifc. 
Si  Ton  Te  Tert  d'une  boucle ,  il  ne  faut  des 
boutonnières  qu'à  un  des  bouts  du  co/;  mais 
l'autre  bout  doit  être  plus  long,  afin  depou- 
voir  boucler  commodément.  Si  c'eft  une 
agrafe,  il  faut  des  boutonnières  aux  deux 
bouts  ,  où  les  attaches  des  deux  parties  de 
l'agrafe  foient  reçues. 

Col  ,  (  Géog.  mcd.  )  île  d'EcofTè  ,  l'une 
des  Wefternes ,  dans  l'Océan.  Long,  ii  ; 
lat.^j. 

COLA  ,  f.  m.  {Bifl.  nat.  bot.)  Lemery 
dit  que  c'eft  un  fruit  de  Guinée  delà  grofleur 
d'une  pomme  de  pin  ,  contenant  lous  Ion 
écorcedes  fruits femblables  à  des  châtaignes, 
où  font  renfermées  quatre  petites  noifettes 
rouges  ou  rougeâtres,  6^roduit  par  un 
arbre.  V.  dans  cet  auteur  fjpdétail  des  pro- 
priétés, fur  lefquelles  il  ne  faut  compter 
qu'à  proportion  de  la  connoiflance  des 
carafteres  de  la  plante  ;  ce  doit  être  une  loi 
générale  pour  tout  article  de  botanique. 

COLAERISME,  fub.  m.  {Hifi.  anc.) 
danfe  des  Grecs,  qu^ils  avoient  priie  des 
Thraces.  C'eft  tout  ce  qu'on  en  fa't. 

*  COLACHON  ,  f.  m.  inftrument  de 
înufique  qui  n'eft  plus  d'ufage':  il  n'a  que 
trois  cordes  ,  quelquefois  deux  ;  il  a  quatre  à 
cinq  pies  de  long  5  l'accord  à  vuide  en  cft 
d'o6bave  en  quinte ,  quoiqu'il  y  ait  d''autres 
manières  de  l'accorder  :  il  a  la  forme  du 
luth  :  fon  manche  eft  &  doit  être  fort  long  : 
car  il  faut  compenfer  par  la  longueur  des 
cordes  ,  ce  qu'on  n'a  pas  du  coté  du  nom- 
bre :  ceux  qui  n'ont  que  deux  cordes  ,  les 
accordent  à  la  quitte.  Il  y  en  a  qui  font  la 
table  du  colackon  m.oitié  de  bois ,  moitié  de 
parchemin  \  le  P,  Merfenne  ajoute  qu'on  la 
pourroit  faire  de  verre  &  d'autres  matières, 
mais  qu'il  vaut  mieux  qu'elle  foitae  fapin. 
Le  colachon  a  été  inventé  en  ItaUe.  V.  le  P. 
Merfenne,  Uv.  II ^ page  100. 

coLAGE  ou  (Collage  ,  f.  f.  {Jurifp:) 

4ans  la  coutume  de  Châteauneuf  en  Berri , 
A,  iij ,  arï.  5  ,  eft  un  droit  que  le  feigneur 
levé  fur  fes  habitans  qui  ont  des  bœufe  avec 
Içlquels  ils  labourent  la  terre.  Ce  droit  eft  de 
^fbus  parifis  par  couple  de  bœuf.  M.  de 
iauriete  en  ion  glcjfaire  3  prétend  que  ce 


COL 

terme  vient  de  cokre ,  qui  iîgnifie  cultiver; 
qu'ainli  on  doit  dire  feulement  calage  ,  &c 
non  collage  :  mais  ne  peut-on  pas  dire  aufti 
qu'il  vient  de  colla  boum  ,  &  qu'il  a  été  ainii 
nommé  parce  qu'on  le  paie  pour  les  bœufs 
qui  font  Ibus  le  joug.  C'eft  la  même  chofe 
que  le  droit  de  carnage.  V.  Corhage.  {A) 

§  COLANGÈS     ou    COULANGES-LES  - 

VIN^EUSES  ,  (  Géog.)  Colonice-vmofiS ,  petite 
ville  de  l'Auxerrois,  une  des  meilleures  terres 
du  comté  d'Auxerre.  Dès  le  douzième  fie- 
cle  ,  la  nomination  de  la  cureapparcenoir  à 
l'abbefie  de  S.  Julien.  Au  comm^encemenc 
du  treizième  iîecle  ,  les  comtes  de  Joigny 
en  étoient  feigneurs.  Le  comte  Jean  expli- 
qua les  privilèges  des  habitans  en  12.79. 

Philippe  de  Sainte-Croix  ,  évêque  de  Ma- 
çon ,  qui  en  étoit  feigneur  en  1 377  ,  y  fondai 
un  hôpital.  Le  roi  y  unit  la  maladrerie  de  S. 
Cyr ,  de  Mailly-la-ville  en  1 697. 

Le  château  quatre  fut  bâti  en  1 571  :  c'é- 
toit  un  bel  ouvrage ,  qui  depuis  a  été  rafé , 
il  y  a  un  peu  plus  d'un  fiecle. 

L'égUiè  paroiiTiale,  tombée  en  173 1  ,  a 
été  rebâtie  à  neuf:  elle  eft  belle  ,  vafte  & 
très-claire;  elle  fut  confacrée  par  M.  de 
Caylus  en  1741 ,  fous  le  vocable  de  Saint 
Pclegrin  ,  l'apotre  de  PAuxerrois. 

Deux  écoles  gratuites,  Pune  pour  les  gar- 
çons ,  &  l'autre  pour  les  filles,  &  une  fila- 
ture de  coton ,  ont  été  établies  par  le  zèle 
bienfaifant  du  curé  aduel. 

Le  territoire  ne  produit  pas  du  blé  pour 
fix  femaines  ;  mais  il  eft  très  -  abondant 
en  vm  ;  Henri  IV  en  faifoit  ufàge  ;  il  y 
a  1 1 1 0  arpens  de  vignes  qui  peuvent  don- 
ner par  an ,  communément  7  a  Soco  feuil- 
lettes :  on  y  compte  340  feux,  &  environ 
I OGO  communians. 

Le  défaut  d'eau  a  été  caufe  que  cette  ville 
a  été  brûlée  plufieurs  fois,  entre  autres  le  1 1 
mai  1676. 

Dès  1 5 1 6 ,  on  avoit  tâché  d'y  faire  venir 
l'eau ,  mais  inutilement  :  enfin ,  en  1705, M. 
d'Aguefleau  ,  procureur  -  général ,  depuis 
chancelier ,  qui  en  étoit  feigneur ,  y  envoya 
Couplet ,  ingénieur  ,  qui  a  trouvé  le  fecret 
de  fcuirnir  cette  ville  d'une  eau  qui  coule 
continuellement  :  en  reconnoiflànce  ,  on  fit 
graver  cette  iirfcription  ; 
Non  erat  ant}  fiuens  populis  jitientibus  unda  : 
Afi  dédit  œternas  arie  Cupktus  aquas. 


La  devife  reprélenue  un 


COL 

MoiTe ,  qui  rire 
de  l'eau  d'un  roclier ,  entouré  de  ceps  de 
vigne ,  avec  ces  mots ,  utib  dulci. 

Coulanges  a  donné  deux  évêques  à  l'églife 
de  Nevers ,  tous  les  deux  Jacobins  ,  Mau- 
rice de  Coulanges  en  1 581 ,  &  Philippe  Fro- 
ment Ton  neveu  ,  en  i  ;94.C'cfl:àirançois 
Rou(Teau,  né  à  Coulanges,  que  nous  devons 
l'invention  de  la  cire  d^bfpagne.  Il  vivoit 
fous  Louis  XIII  &  i  ,ouis  XiV.  Romual  le 
muet,  provincial  des  frères  de  la  chanté, 
habile  mathématicien  ,  mort  en  1 7  j  9  ,  étoit 
auflî  de  Coulantes.  (  C) 

COLAO  ,  Cm.  (  Hifl.  mod.  )  ce  font  des 
officiers  qui  ont  à  la  cour  de  Pempcreur  chi- 
nois les  fondions  qu'ont  ici  les  miniftres 
d'état. 

COL ARBASIENS ,  f.  m.  (  H/yf.  eccUf,  ) 
hérétiques  ainii  nommés  de  leur  chef  Colar- 
^~'"     qui  vivoit  dans  le  ij  fieclede  l'églife 


)aie 


&  étoit  lui-même  difciple  de  l'héré/iarque 
Valentin.  Aux  dogmes éc  aux  rêveries  de  'on 
maître,  Colarbaie  avoir  ajouté  que  la  gêné 
ration  &  la  vie  des  hommes  dépendoient  des 
fept  planètes;  que  toute  la  perfection  &  la 
plénitude  de  la  vérité  étoit  dans  l'alphabet 
grec  j  &  que  pour  cela  Jefus-Chrift  étoit 
nommé  alpha  &  oméga.  Baronius&  Philaftre 
ont  confondu  ce  Colarbafe  avec  un  autre 
hérétique  appelle  Bajfus  ;  mais  S.  Auguftin, 
Théodoret  ,  ùc.  les  regardent  comme 
deux  personnages  diffirens.  Les  Colarbafiens 
croient  une  branche  des  valentiniens.  V'oye-;^^ 
Valentiniens.  s.  Irenée,  TertuUien  ,  ont 
auifi  parlé  de  Colarbafe  &  de  Tes  difciples. 
Dupin  biblioth.  des  aut.  eccléf.  M.  Fleury, 
ecclé^.  hijl, tome  I.  (G) 

COLARIN,  r.CciNTURE  &  GORGERIN. 

COLASSO  ,  f.  m.  (  HiJÎ.  nat.  Botan.  ) 
plante  du  Malabar  ,  ainfi  nommée  par  les 
Brames ,  &  très-bien  gravée  avec  la  plupart 
de  fes  détails ,  par  Van-Rheede ,  dans  fon 
Hortus  Malabaricus  y  volume  II,  planche 
LXVy  page  8j  ,  fous  le  nom  de  bahelfchulli 
qui  lui  eft  commun  avec  une  autre  plante 
qui  a  été  décrite  fous  ce  nom.  J.  Cemraelin 
dans  fes  noces  l'appelle  genijla ,  fpinofa  ma- 
jor y  longioribus  aculeis  ;  &  M.  Linné , 
baleria  i  longifolra  ,  fpinis  verîicillorum  fe- 
nis  ,  f^liis  enjiformibus  longijfimis  fcabris  ; 
Syfîema  naturœ ,  édition    i  z ,   imprimé  en 


COL  45  £ 

C'eft  un  ^us-  arbrifleau  ,  dont  la  racine 
ligneufe ,  blanchâtre  y  longue  de  cinq  à  (rt 
pouces,  fur  cinq  à  fix  lignes  de  diamètre, 
tres-ramifiée  à  fon  origine  ,  jette  une  tige 
ramifiée  dès  fon  origine  ,  en  deux  à  trois 
branches  alternes ,  longues  d'un  pié  &  demi 
à  deux  pies  ,  fur  trois  lignes  de  diamètre, 
écartées  fous  un  angle  de  30  à  40  degrés  aii 
plus ,  quarrées ,  comprimées  &  (iilonnées 
alternativement  de  deux  cotés  oppo'es  fur 
chaque  articulation  ,  vertes  &  rougeâtrcs , 
femées  de  poils  longs ,  blanchâtres,  à  bois^ 
blanc  j  à  centre  charnu ,  verdâtre. 

Les  feuilles  font  oppofées  deux  à  deux  en 
croix ,  elliptiques  ,  pointues  aux  deux  extré- 
mités ,  longues  d'un  pouce  &  demi  à  deux 
pouces  ,  quatre  ou  cinq  fois  moins  larges , 
ondées  lur  leurs  bords ,  légèrement  rudes 
par  les  poils  longs ,  blanchâtres ,  dont  elle* 
i'ont  femées  ,  verd-rougeâtres ,  relevées  en 
deflous  d  une  cote  longitudinale ,  blanchâ- 
tre ,  ramifiée  de  quelques  nervures  peu  ^t\\^ 
fîbles  ,  &  attachées  fans  pédicule  aux  tiges 
horizontalement  ou  pendantes ,  &  courbées 
en  bas  en  demi-cercle. 

De  l'aiiTelle  de  chaque  paire  de  feuilles, 
il  fort  quelquefois  deux  ou  quatre  autres 
feuilles,  qui  font  les  bourgeons  ou  commen- 
cement d'autres  petites  branches,  &  tou- 
jours iix  épines  oppofées  trois  à  trois,  co- 
niques ,  fort  peu  plus  courtes  qu'elles ,  bru- 
nes, ligneufes,  très-dures,  un  peu  courbées 
en  bas. 

De  la  même  aiffelle  de  chaque  feuille  Ibr- 
tent  encore  huit  fleurs  felliles ,  violet-bleuâ- 
tres ou  purpurines  ,  égales  aux  épines. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite  ,  mono- 
pétale ,   complète,  irréguliere,  po^éc  au- 
tour d'un  disque  un  peu   au    dellous  de 
l'oraire.  Elle  conlîfte  en  un  calice,  periiftant 
à  quatre  feuilles  triangulaires,  étroites  poin- 
tues ,  verd-rougeâtres  ;  quatre  à  cinq  fois 
plus  longues  que  larges  ,  une  fois  plus  cour- 
tes que  la  corolle  qui  eft  monopétale,  à  tube 
court ,  partage  en  deux  lèvres  écartées  preC- 
qu'horizontalement ,  dont  la  fupérieure  a 
deux  divifions,  ôcl'inf'^ricure  trois  divisions: 
quatre  écamines blanchâtres,  épaiftès,  rap- 
prochées deux  à  deux  ,  &  à  anthères  bleues  , 
s'élèvent  du  haut  du  tube ,  &  vont  fè  cacher    , 
fous  la  lèvre  fupérieure  de  la  corolle  .-l'o- 
vaire s'élève  dadeflusd'undifquejaunâtrc> 

LlU 


451  C  O  L 

qui  fait  corps  avec  lui  :  il  cft  ovoïde  ,  verd- 
clair ,  &  porte  un  flylc  blanchâtre  ,  aulli 
long  que  les  étamines ,  terminé  par  deux 
ftigmates  hémifphériques. 

L'ovaire  en  mûriilànc  devient  une  capfule 
ovoïde ,  pointue  à  l'extrémité ,  longue  de  iix 
lignes,  deux  àtrois  fois  moins  large,  d'abord 
Verte  ,  enfuite  roufsâtre  ,  enveloppée  par  le 
calicequieftun  peu  plus  long ,  à  deux  loges 
s'ouvrant  élaftiquement  en  deux  valves  par- 
tagées par  leur  milieu ,  en  une  cloifon  longi- 
tudinale :  chaque  loge  contient  trois,  à  quatre 
graines ,  elliptiques ,  brunes,  longues  d^une 
ligne ,  d'un  tiers  moins  larges ,  attachées  ver- 
ticalement par  leur  partie  inférieure. 

Culture.  Le  colajfo  croît  au  Malabar  dans 
les  terres  fablonneufes ,  mais  argilleufes  en 
même  temps ,  qui  retiennent  l'eau. 

Variétés.  Il  y  en  a  une  variété  ,  que  Van- 
Rheede  dit  être  une  autre  efpece  ,  dont  les 
tiges  &  les  feuilles  font  verd-claires ,  &c  non 
rougeâtres.  Se  les  fleurs  blanches  tirant  fur 
le  bleu. 

Ufages.  La  décoélion  de  fa  racine  fe  boit 
dans  la  rétention  d'urine ,  la  pierre  &  l'hy- 
drepifie  :  pilée  avec  l'eau  ,  elle  fert  à  baflî- 
«er  le  corps,  lorfqu'il  eft  plein  d'humeurs,: 
fes  feuilles  en  décoéVion  &  marinées  au  vi- 
tiaigre,  font  auffi  un  puiflTant  diurétique  :  la 
poudre  de  fes  feuilles  fe  boit  avec  l'huile  ex- 
primée des  fleurs  du  figuier  d'enfer ,  pour 
diflîper  les  tumeurs  des  parties  génitales. 

Remarques. 'LtcolaJJo  eft  donc  différent 
du  harleria ,  qui  a  cinq  feuilles  au  calice ,  & 
fci  corolle  a  cinq  divifionsprefque  égales  fans 
fevres  :  il  fut  avec  le  coktta  un  genre  de 
plante  particulier ,  qui  fe  range  naturelle- 
ment auprès  de  la  ruellia  &  de  l'acanthe  , 
dans  la  troifieme  fe^tion  de  la  famille  des 
perfonnées  ,  où  nous  l^avons  placé.  Voye^^ 
nos  Familles  des  plantes  ,  volume  II,  p.  Zio. 
{  M.  Adanson.  ) 

COLATURE,  f.  iî.(P.harmac.)  la  cola- 
ïure  eft  proprement  une  efpece  de  filtration 
imparfaite ,  ou  la  féparation  d'une  liqueur 
d'avec  les  fèces  ou  les  parties  les  plus  grof- 
fieres,  par  Le  moyen  d'un  filtre  peu  ferré, 
comme  un  tarais,  une  toile,  un  blanchet 
une  étamine ,  ér.  Cette  efpece  de  filtration  ' 
qui  ne  feroit  pas  affez  exade  pour  les  vueg 
ehymiques ,  fuffit  pour  la  plupart  des  prépa  _ 
tations  pharmaceutinues  \  elle  eft  même  îeule 


COL 

praticable  dans  quelques  cas ,  comme  k>rf- 
que  les  liqueurs  qu'on  fe  propoic  de  purifier 
par  ce  moyen ,  (ont  trop  épailîes  pour  pou- 
voir palier  à  travers  des  filtres  plus  ferrés. 

Le  nom  de  colaiure  eft  auffi  donné  en 
pharmacieà  touresliqueurspafléesou  filtrées^ 
&  c'eft  même  dans  ce  fens-là  qu'on  l'em^ 
ploie  le  plus  communément  j  le  nom  de  co- 
lature  étant  prelque  hors  d^ufage  pour  expri- 
mer l'opération  même  ou  la  manœuvre  par 
laquelle  ou  on  coule  ou  on  pafle  une  liqueur 
trouble  ;  ainfi  on  dit  ,  dans  le  langage  ordi- 
naire pharmaceutique,  dans  la  prefcription 
d'une  médecine ,  par  exemple  ,  y  du  iené  , 
de  la  rhubarbe  concaflée  ,  6'c.  fâites-en  l'in- 
fuiion  ou  la  décoébion  ;  paflez  &  diflolvez 
dans  la  colature  du  fyrop  de  chycorée ,  du 
fel  d'epfom  ,  Ê'c.  (^) 

COLBERG  ,  (  Géog.  mod.)  ville  forte 
d'Allemagne  dans  la  Poméranie  ultérieure , 
à  l'embouchure  du  Perlant ,  dans  la  mer 
Baltique.  Long.  39  ,  qo ;  lat.^^y  l8. 

COLCAQUAHÙITL ,  f:  m.  plante  de 
l'Amérique.  Voilà  le  nom;  k  refte  eft  à 
connoître  ,  excepté  les  propriétés ,  fur  lef- 
quelles  Ray  s'eft  fort  étendu. 

COLCHESTER,  (Céogr.  mod.)  ville 
d'Angleterre  dans  la  province  d'Eftex ,  fur 
le  Cohi.  long.  i8 ,zz ;  lat. ^î ,  52-. 

COLCHIDE,  f.  ^.{Géogr.  anc.)  L'an- 
ciemie  Colckide  y  aujourd'hui  la  Mingrelie, 
eft  au  fond  de  la  mer  Noire  ,  entre  la  Cii- 
cafïie,  la  Géorgie,  &l'Aladulie. 

Ce  pays  paflbit  autrefois  pour  être  fertile 
en  poifbns  ;  de-là  vient  qu'Horace  parle  fou- 
vent  des  poifons  de  la  Colchide,  venenacolcha 
ou  coichica.  Médée ,  fi  fameufe  par  fes  vé- 
néfices,  éroit  de  la  Colchide  :  en  falloit-il 
davantage  pour  donner  Heu  aux  fiétions  de 
lapoéfie? 

Mais  ce  qui  n'eft  point  une  fidiôn  poéti- 
que ,  c'eft  l'étrange  &  réelle  différence  qu'il 
y  a  entre  la  Colchide  de  nos  jours ,  &  cette 
Colchide  d'autrefois  ii  riche  &  fi  peuplée  ; 
différence  qui  n'a  point  échappé  à  l'auteur 
de  Te/prit  des  loix.  "  A  voir  ,  dit-il ,  Hv, 
XXI,  ch.  V.  aujourd'hui  la  Colchide,  qui. 
n'eft  plus  qu'une  vafte  forêt ,  oii  le  peuple 
qui  diminue  tous  les  jours  ne  défend  fa  li- 
berté que  pour  fe  vendre  en  détail  aux  Turcs. 
&  aux  Perfàns;  on  ne  diroit  jamais  que 
cette  contrée  eût  été  du  temps  des  Romains 


COL 

pleine  de  villes  où  le  commerce  appelloit 
toutes  les  nations  du  monde  :  on  n'en  trouve 
aucun  monument  dans  le  pays ,  il  n^y  en 
a  de  traces  que  dans  Pline  ôc  Strabon.  » 
(  M.  le  chevalier  DE  J AU  COURT.  ) 

COLCHIQJJE,  adj.  {  HiJÎ.  nat.  bot.) 
colchicum  ,  genre  de  plante  à  fleur  liliacée , 
monopétale ,  Tortant  de  la  racine  fous  la 
forme  d'un  petit  tuyau ,  qui  s'évafe  peu 
à  peu  3c  fe  divife  en  fix  parties.  Le  piftil 
fort  du  fond  de  la  fleur  ,  fe  termine  en 
petits  filamens  ,  &  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  oblong  ,  triangulaire  &  partagé 
en  trois  loges  dans  lefquelles  il  y  a  des 
femences  arrondies.  Ajoutez  aux  caradleres 
de  ce  genre ,  qu^il  y  a  deux  racines  tu- 
berculeufes ,  dont  Tune  eft:  charnue  ôc 
l'autre  fibreufe;  elles  font  toutes  les  deux 
enveloppées  par  une  membrane.  Tourne- 
fort  ,  injî.  rei  herb.   Voye^^  Plante.  (/) 

Colchique  ,  (  Mat.  méd.  )  tous  les  mé- 
decins s'accordent  aflez  unanimement  à 
regarder  toutes  les  parties  du  colchique 
comme  un  poifon.  On  doit  remédier  aux 
accidens  qu'il  caufe  à  ceux  qui  en  ont 
avalé ,  d'abord  par  les  émétiques  ,  fi^  on 
eft  appelle  d'aflez  bonne  heure,  &  enluite 
par  les  adoucillans ,  comme  les  mucilages , 
les  émuhîons  ,  les  huileux ,  le  lait ,  ùc. 
donnés' tant  en  lavement  que  par  la  bouche. 

Le  bulb;î  ou  la  racine  de  colchique  ap- 
pliquée extérieurement ,  peut  avoir  quel  - 
que  ucilité  ,  à  titre  de  cauftique ,  contre  les 
j)oreaux ,  les  verrues ,  certaines  dartres  , 
pc.  Sa  décoction  fait  mourir  les  morpions, 
félon  Jean  Bauhin. 

Le  célèbre  VVedelius  rapporte  une  vertu 
bien  plus  excellente  de  cerce  racine,  dans 
une  dilfertation  faite  exprès  fous  ce  titre  : 
€xperimentum  curiofum  de  colohico  veneno ,  6' 
alexipharmaco  jimplici  &"  compcfito ,  dont  M. 
Geoffroy  a  donné  un  extrait  aflez  étendu 
dans  fa  mat.  méd.  Wedelius  raconte  qu'il  a 
toujours  porté  depuis  l'année  1668  jufqu'en 
1718,  de  même  que  plufieurs  autres  per- 
fonnes,  cette  racine  en  amulette  pendue  à 


fon 


cou  avec  un  heureux  fuccés ,  non 


-feuk 


ment  dans  la  pefte ,  mais  encore  dajÉboutes 
fortes  de  maladies  épidémiques  ;  K  qu'il 
^oit  trouvé  ce  fecret  dans  une  diflertation 
mr  la  peft:e  univerfelle  qui  avoir  régné  en 
1.637,  9,^i  lui  écoic  tombée  par  luzard  entre 


COL  453 

les  mains ,  lorfqu'il  étoit  chargé  (en  1668;, 
dans  une  ville  de  la  bafl'e  Siléiie ,  où  régnoic 
une  dyflenterie  cruelle,  de  quatre  cents  ma- 
lades attaqués  de  fymptomej  de  malignité. 

W  cdclius  &  fes  compagnons  attachèrent 
à  leur  cou  une  racine  de  colchique  en  amu- 
lette ,  &  aucun  d'eux  ne  fut  attaqué  de  la 
dyflenterie  peftilentielle  dont  nous  venons 
de  parler.  Cet  auteur  confirme  l'efficacité 
de  fon  remède  par  plufieurs  obfervations 
qu'il  rapporte  ,  &  entre  autres  par  l'hiftoire 
de  deux  médecins  qui  ayant  été  appelles  à 
Hambourg  pendant  la  pefte  qui  y  régnoit , 
partirent  pour  cette  ville  après  s'être  mis 
fous  la  protedtion  de  Dieu,  &  s'être  munis 
de  cet  amulette.  Ces  deux  médecins  réuf- 
firent  très- bien;  &  la  pefte  étant  ceflee,  ils 
s'en  retournèrent  l'un  &  l'autre  en  bonne 
fanté.  Enfin  Wedelius  après  avoir  éprouve 
pendant  cinquante  ans  fon  remède,  qu'il 
diftribuoit  fous  le  nom  à'arcanum  dupU^ 
catum  catholicum  ,  n'a  pas  héfité  à  le  rendre 
public,  comme  étant  un  alexipharmaque 
contre  la  pefte  ,  les  fièvres  ardentes ,  les 
fièvres  malignes,  la  petite  vérole,  la  rou- 
geole ,  le  pourpre ,  la  dyflenterie  ,  ùc. 

Il  faut  obferver  que  Wedelius  ordonnoit, 
outre  ce  remeder»  une  diète  exadte ,  qu'il 
recommandoit  d'éviter  tout  ce  qui  eft  nui- 
iible ,  &  de  garder  la  modération  dans  les 
iix  chofes  que  l'on  appelle  non- naturelle  s  ; 
ce  que  bien  des  gens  regarderoient  aujour- 
d'hui comme  une  aulîi  bonne  recette  contre 
les  maladies  épidémiques,  que  Varcanum 
duplicatum  catholicum  TVidelii.  M.  Geoffroy 
finit  cet  extrait  par  l'explication  très-judi- 
cieufe  que  Quirius  Rivinus  a  donnée  de 
l'opération  de  cet  amulette ,  qu'il  croit  être 
fort  propre  à  encourager  le  peuple  &  à 
l'empêcher  de  craindre  la  contagion  :  car 
il  y  a  long-temps  que  l'on  a  obfervé  que 
dans  les  maladies  épidémiques ,  ifn  des  plus 
fouverains  alexipharmaques  étoit  le  cou- 
rage ou  l'infenfibilité.   (^) 

COLDING  ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville 
de  Danemarck  ,  dans  le  Nortjutland. 
Long.   ÇLJ  ;  lat.  55 ,  55. 

COLDINGHAM,  (GfV.)  petite  ville 
de  l'Ecofle  méridionale,  dans  la  province 
de  Berwick  ou  de  Merfe  :  elle  avoit 
autrefois  une  abbaye  fameufe ,  dont  le 
domaine  s'étcndoit   fur  toute   la  plaine 


454  COL 

voi/înc ,  que  l'on  appelle  Cvldingham  Moor, 
&  qui  a  huit  milles  d'Angleterre  de  lon- 
gueur. Proche  de-là  fe  trouve  fur  la  mer  du 
.  nord  le  cap  Stint-Ebbe ,  vulgairement  nom- 
mé par  corruption  faint  Tabbes.  (D.  G.) 

COLDITZ ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville 
d'Allemagne  dans  la  haute  Saxe,  en  Milhie, 
fur  la  Mulda. 

COLDSTREAM  ,  (  Gêogr.  )  ville  de 
TEcoflè  méridionale,  dans  la  province  de 
Berwick  ou  de  Merfe  :  elle  n'eft  remar- 
quable que  pour  avoir  eu  un  grand  mo- 
naftere  avant  la  réformation  ,  &  en  ce 
qu^outre  le  droit  de  tenir  marché  ,  elle 
a  Thonneur  de  donner  fon  nom  à  l'un  des 
corps  militaires  qui  compofent  la  garde 
du  roi  de  la  Grande-Bretagne.  {D.  G.) 

COLEOPTERES,  f.  m.  pi.  {Hijl.  net. 
Infccîol.  )  colecptera.  On  donne  ce  nom  à 
l'une  des  diviiions  de  la  clafle  des  inre(5tes 
qui  comprend  ceux  qu'on  déiîgnoit  autre- 
fois par  le  nom  commun  de  fcarabéesy  le- 
quel eft  propre  à  un  genre.  Les  in{ed:es  de 
cette  famille  ont  dans  leur  état  parfait  le 
corps  couvert  par  deux  étuis,  èlyira  ,  Toit 
féparés,  ce  qui  eft  le  plus  ordinaire,  foit 
réunis,  fous  lefquels  iont  cachées  deux 
ailes  membraneulcs;  &  leur  bouche  eft 
armée  de  deux  ferres  ou  mâchoires  pofées 
dans  un  m-me  plan  horizontal  &  mobile. 
Tune  contre  l'auire  lareialement. 

Le  corps  de  ces  infedcs  (e  diyife  en  trois 
parties  principales ,  la  tête ,  le  corceler ,  & 
le  ventre  ou  la  partie  poftérieure  :  la  tête  porte 
des  antennes,  outre  lefquelles  on  oblerve 
deux  antennulesou  barbillons  pofés  près  de 
la  bouche  ;  il  n'y  a  que  les  deux  grands  yeux 
à  réfeau ,  excepté  dans  quelques  infe(5tes  que 
M.  Geoffroi  joint  à  cette  feftion  :  les  jambes 
font  ordinairement  au  nombre  de  fix ,  deux 
attachées  au  corceler ,  ôc  les  autres  à  la  partie 
antérieure  du  ventre ,  qu'on  pourroit  regar- 
der comme  un  fécond  corcelet  ;  elles  font 
formées  de  quatre  parties,  la  cuiflè,  la  jambe 
&r  le  pié  ou  tarfc  formé  de  quelques  articula- 
tions &  terminé  par  des  crochets.  Les  ailes 
Se  les  lélytres  font  attachés  fur  le  dos  à  la 
m  ^me  partie  qui  porte  les  quatre  dernières 
jambes,  les  ailes  font  mernbraneufes ,  plus 
grandes  que  les  étuis  fous  lefquels  elles  fe 
rangent  en  fe  repliant  d^^ns  leur  milieu  ;  elles 
manquent  à  quelques  efpeces  :  les  étuis  mo- 1 


COL 

biles  dans  la  plupart  comme  des  ailes,  font 
pour  l"'ordinaire  de  confiftance  éca.lleufè  : 
dans  quelques  e'peces,  ils  font  réunis  en  un 
feul,  fur  lequel  s'obferve  une  future  fembla- 
bie  à  celle  que  forment  en  fe  touchant  ceux 
qui  font  féparés.  On  a  donné  le  nom  décuf- 
Jon ,  fcutelLm  ,  à  une  pièce  triangulaire  qui 
fe  voit  fur  quelques  cûcop-eres ,  placée  entre 
les  étuis,  dont  la  bafe  touche  le  corcelet. 

M.  Linné  borne  cette  fection  aux  inftéles 
à  étuis  cruftacés ,  &  en  fiit  trente  genres.  M. 
GeolF.oi  la  divi'e  en  trois  articles,  dont  le 
premier  comprend  ceux  qui  ont  des  étuis 
durs  qui  couvrent  tout  le  corps  j  le  fécond 
dont  les  étuis ,  aufTî  cruftacés ,  ne  couvrent 
le  corps  qu'à  moitié ,  &  le  troifieme  ceux 
dont  les  étuis  (ont  mous  &  flexibles ,  peu 
difFérens  des  ailes  :  le  nombre  des  pièces  des 
tar  es  lui  fournit  les  fubdivifions  de  ces  ar- 
ticles; il  fubdivife  les  deux  premiers  chacun 
en  quatre  ordres,  félon  que  les  infeétes  qu'il 
y  rapporte  ont ,  i°.  cinq  pièces  aux  tarfes  de 
toutes  les  jambes;  i°.  quatre  articulations  à 
tous  les  tarfes;  3°.  trois  articles  à  tous  les 
tarfes;  4°.  cinq  articles  aux  tarfes  des  deux 
premières  paires  &  quatre  à  la  dernière.  Les 
infedes  à  étuis  mous  font  ranges  en  trois 
ordres ,  de  cinq ,  deux  &  trois  pièces  aux 
tarfes.  Il  nous  paroit  que  cette  méthode  a 
des  avantages  fur  celle  de  M.  Linné.  iMais 
nous  obferverons  que  les  infedîres  que  M. 
Geoffroi  range  dans  le  dernier  article;  fa- 
voir ,  les  blattes ,  le  grillon ,  la  matite ,  la 
fauterelle ,  différent  à  bien  des  égards  des 
autres  coléoptères ,  &  tiennent  aux  autres  fa- 
milles d'infedtes,  fur-tout  aux  hémiptères, 
par  plus  de  cara6leres  :  outre  la  fouplefle  des 
étuis  &  les  petits  yeux  Hfles,  leurs  méta- 
morphofes  incomplètes  de  la  reftèmblance 
prefqu'entiere  de  la  brve  &  de  la  nymphe 
avec Tinfeéte  parfait,  femblent  leur afîigncr 
place  parmi  les  hémiptères ,  dont  ils  ne  dif- 
férent que  par  la  bouche;  peut-être  aufÏÏ 
vaudroit-il  mieux  en  faire  un  ordre  moyen 
entre  celui  des  cokupteres  Se  les  hémiptères. 
Quoi  qu'il  en  foit ,  ce  qui  nous  refte  à  dire 
ne  rcg^de que  les  col  aptères  de  M.  Linné, 
ou  leswux  premières  divifîons  de  Geoffroi. 
Ces  infeÂes  pafîènt  par  trois  états ,  & 
fubifïènt  des  métamorphofes  aflèz  com^ 
pietés.  Tous  naifïènt  d'un  œuf;  &:  dans  leur 
premier  état ,  ils  ont  la  forme  d'un  vec  à 


C  O  L   ^ 

fix  jambes  Se  à  tête  écailleufe ,  munie  de 
fortes  mâchoires  latérales ,  &  chargée  de 
deux  gros  yeux  :  leur  corps  eft  oblong  & 
cylindrique  j  blanc  ou  de  couleur  laie,  di- 
vifé  ordinairement  en  treize  anneaux ,  fur 
leiquels  on  voit  dix- huit  ftigmates^  la  plu- 
part font  lourds  &  vivent  dans  la  terre  ou 
dans  le  bois ,  d'autres  dans  Teau  ;  ils  chan- 
gent plulieurs  fois  de  peau  dans  ce  premier 
état  :  leurs  nymphes  font  de  celles  dans  lef- 
quelles  on  apperçoit  diftindement  toutes  les 
parties  de  l'animal,  parfait ,  nues ,  déHcates, 
preiqu'immobiles  &  fans  coque  :  elles  font 
au  commencement  blanchâtres ,  elles  pren- 
nent enfuite  une  couleur  plus  foncée ,  & 
quand  l'infedle  parfait  a  acquis  toute  fa 
confiftance ,  il  fe  dépouille  de  Tenveloppe 
de  nymphe,  en  tirant  toutes  fes  parties  de 
la  pellicule  mince  qui  les  couvroit,  comme 
la  main  fort  d'un  gant.  (Z)) 

COLERAIN,  (Géog.)  ville  d'Irlande, 
avec  titre  de  baronnie  ,  dans  la  province 
d'Ulfter  &  dans  le  comté  de  Londonderry, 
fur  la  rivière  de  Bann  qui  fait  communiquer 
le  lac  Lough  Neagh  avec  TOcéan  fepten- 
trional.  Cette  ville  eft  allez  grande  &c  aflèz 
bien  lituée  pour  faire  un  commerce  coniîdé- 
rable  ;  on  ne  la  dit  cependant  pas  riche  :  elle 
envoie  deux  députés  au  parlement  d^Ir- 
lande.  Long.  îo,  ^£ ;  lat.  ^£ ^  îo.  (D.  G.) 
COLERE ,  (  Gramm.  )  le  courroux  eft 
la  marque  extérietire  de  la  colère ,  Pem- 
porrem.ent  en  eft  l'excès.  (  O  ) 

Colère,  f.  f.  {Morale.)  c'eft,  fuivant  la 
définition  de  Locke,  cette  inquiétude  ou 
ce  détordre  de  Tame  que  nous  reflentons 
après  avoir  reçu  quelque  in]  ure,&  qui  eft 
accompagné  d'un  delir  preflant  de  nous 
venger  :  paiîîon  qui  nous  jette  hors  de  nous- 
mêmes,  &  qui  cherchant  le  moyen  de 
repoufler  le  mal  qui  nous  menace  ou  qui 
nous  a  déjà  atteints,  nous  aveugle  &  nous 
fait  courir  à  la  vengeance  :  maùrefieimpé- 
rieufe  &  ingrate  ,  qui  récompenfe  mal  le 
lervice  qu'on  lui  a  rendu ,  ôô  qui  vend  chè- 
rement les  pernicieux  confeils  qu'elle  donne. 
Je  parle  ici  de  la  colère  couverte ,  durable , 
jointe  à  la  haine  :  celle  qui  eft  ouverte,ingé- 
nue ,  femblable  à  un  feu  de  paille ,  fans 
mauvaife  intention ,  eft  un  fimple  effet  de  la 
pétulence  du  tempérament ,  qui  peut  quel- 
quefois être  louable  j  ou  du  moiins  qui  ne 


COL  4n 

feroit  repréhenfible  que  par  rindifcrétion  ou 
le  tort  qui  en  réfulteroit.  Mais  cette  vivacité 
eft  bien  différente  d'une  violence  qui  fur- 
monte  toute  affeûion ,  nous  enlace  &  nous 
entrave,  pour  me  fervir  d'un  terme  expreflfif 
de  fauconnerie.  Telle  étoit  la  colère  de  Co- 
riolan,  qupnd  il  vint  fe  rendre  à  Tullus  pour 
fe  venger  de  Rome  &  acheter  les  effets  de 
fon  relîentiment  aux  dépens  même  de  fa  vie. 

Les  caufes  qui  produifent  ce  défordre 
font,  une  humeur  atrabilaire,  une  foiblefle, 
mollefïè  &  maladie  d'efprit,  une  fauffe 
délicatefte ,  une  feniibilité  blâmable ,  l'a- 
mour propre,  Pamour  des  petites  chofes, 
une  vaine  curiolîté,  la  légèreté  à  croire, 
le  chagrin  d'être  méprifé  &  injurié;  d'oii 
vient  que  la  colère  de  la  femme  eft  fî  vive 
&  fî  pléniere  :  elle  naît  auflî  dans  le  refus 
de  la  violence  du  defîr. 

Cette  paffion  a  fouvent  des  effets  lamen- 
tables, fuivant  la  remarque  de  Charron  : 
elle  nous  pouffe  à  l'injuftice  ;  elle  nous  jette 
dans  de  grands  maux  par  fon  inconfîdéra- 
tion;  elle  nous  fait  dire  &  faire  des  chofes 
melTéantes,  honteufes,  indignes ,  quelque- 
fois funeftes  &  irréparables ,  dont  s'enfui- 
vent  de  cruels  remords  ;  l'hiftoire  ancienne 
&  moderne  n'en  fourniilent  que  trop 
d'exemples.  Horace  a  bien  raifon  de  dire  : 

Qui  non  moderabitur  irœ  ^  &c. 
Epift.  ij ,  lib.  I ,  ver.  60 — GG. 

Les  remèdes,  dit  Charron ,  dont  je  vais 
emprunter  le  langage  ,  font  plufîeurs  & 
divers,  lefquels  Peiprit  doit  être  avant  la 
main  armé  &  bien  muni ,  comme  ceux  qui 
craignent  d'être  afïiégés  j  car  après  il  n^'eft 
pas  temps.  Ils  fe  peuvent  réduire  à  trois 
chefs  :  le  premier  eft  de  couper  chemin  à 
la  colère ,  &:  lui  fermer  toutes  les  avenues  j 
il  faut  donc  fe  délivrer  de  toutes  les  caufes 
&  occafions  de  colère  ci-devant  énoncées  : 
le  fécond  chef  eft  de  ceux  qu'il  faut  em- 
ployer lorfque  les  occalions  de  colère  fe  pré- 
lentent,  qui  font,  1°.  arrêter  &  tenir  fon 
corps  en  paix  &  en  -repos ,  fans  mouvement 
&  agitation;  2°.  dilation  à  croire  &  prendre 
réfolution ,  donner  loilîr  au  jugement  de 
confidérer;  3°.  fe  craindre  foi-même,  re- 
courir à  de  vrais  amis  &  mûrir  nos  colères 
entre  leur^  difcours  \  4°.  y  faire  diverfîon 
par   tout  ce  qui  peut  calmer ,  adoucir , 


45^  COL 

égayer  :  le  troifieme  chef  efl:  aux  belles 
conlidérations  donc  H  faut  abreuver  & 
nourrir  notre  efprit  de  longue  main ,  des 
fidtionsfuneftes  ôc  mouvemensqui  réfultent 
de  la  colère;  des  avantages  de  la  modéra- 
tion; de  l'eftime  que  nous  devons  porter 
à  la  fagefie,  laquelle  fc  montre  principa- 
lement à  fe  retenir  &c  fe  commander. 

Il  ne  faut  pas  cependant  confidérer  la 
colère  comme  une  paflion  toujours  mau- 
vaife  de  fa  nature;  elle  ne  Teft  pas,  ni  ne 
déshonore  perfonne,  pourvu  que  Tes  émo- 
tions foient  proportionnées  au  fujet  qu'on 
a  de  s'émouvoir.  Par  conféquent  elle  peur 
être  légitime ,  quand  elle  n  efl:  portée  qu'à 
un  certain  point;  mais  d'un  autre  coté ,  elle 
n'efl:  jamais  néceflàire  :  on  peut  toujours , 
ôc  c'efl:  même  le  plus  fur,  foutenir  dans 
les  occafions  fa  dignité  ôc  fes  droits  fans 
fe  courroucer.  Si  le  dcfir  de  la  vengeance  . 
effet  naturel  de  cette  pafïîon ,  s'y  trouve 
joint;  alors  comme  cet  effet  eft  vicieux  par 
lui-même,  il  lâche  la  colère,  l'empêche  de 
demeurer  dans  de  juftes  bornes.  Donner  à 
la  vengeance  émanée  de  la  colère ,  la  cor- 
reéVion  de  l'ofFenfe,  feroit  corriger  le  vice 
par  lui-même  :  "  La  raifon  qui  doit  com- 
mander en  nous ,  dit  encore  Charron , 
auteur  admirable  fur  ce  fujet ,  ne  veut 
point  de  ces  officiers-là  qui  font  de  leur 
tête  fans  attendre  fon  ordounance  :  elle 
veut  tout  faire  par  compas  ;  ôc  pour  ce , 
la  violence  ne  lui  eft  pas  propre.  « 

Ceux  donc  qui  prétendent  qu'un  meurtre 
commis  dans  la  colère  ne  doit  pas  propre- 
ment être  mis  au  nombre  des  injuftices 
punifTables ,  n'ont  pas  une  idée  jufte  du 
droit  naturel  ;  car  il  eft  certain  que  l'injuf- 
tice  ne  confifte  eflentiellcment  qu'à  violer 
les  droits  d'autrui.  Il  n'importe  qu'on  le 
falTè  par  un  mouvement  de  colère,  par 
avarice,  par  fcnfualité,  par  ambition,  &c, 
qui  font  les  fources  d'où  proviennent  ordi- 
nairement les  plus  grandes  injuftices  :  c'eft 
le  propre  au  contraire  de  la  jufiice  de  réfîfter 
à  toutes  les  tentations ,  par  le  feul  motif 
de  ne  faire  aucune  brèche  aux  loix  de  la 
fbciété  humaine.  Il  eft  pourtant  y  rai  que 
les  actions  auxquelles  on  eft  porté  par  la 
colère ,  font  moins  odieu(es  que  celles  qui 
naifTent  du  defîr  des  plaifîrs ,  U quel  n'eft 
pas  fî  brufque ,  &  qui  peut  trouver  plus. 


COL 

facilement  de  quoi  fe  fatisfaire  ailleurs  fans 
injuftice;  fur  quoi  Ariftote  remarque  très- 
bien  que  la  colère  eft  plus  naturelle  que 
le  defir  des  chofes  qui  vont  dans  l'excès, 
ôc  qui  ne  font  pas  nécefTaires. 

Mais  lorfque  ce  philofophe  prétend  que 
cette  pafTion  fert  parfois  d'armes  à  la  vertu 
&  à  la  vaillance ,  il  fc  trompe  beaucoup  : 
quant  à  la  vertu,  cela  n'eft  pas  vrai;  ôc  quant 
à  la  vaillance ,  on  a  répondu  allez  plailam- 
ment  qu'en  tout  cas  c'eft  une  arme  de  nou- 
vel ufage;  car,  dit  Montagne ,  "  nous  re- 
muons les  autres  armes ,  ôc  celle-ci  nous  re- 
mue ;  notre  main  ne  la  guide  pas ,  c'eft  elle 
qui  guide  notre  main  ;  nous  ne  la  tenoHS 
pas.  '»  (M.  le  chevalier  DE  Jaucourt.) 

Colère  ,  (  Médecine.  )  cette  paffion 
irritante  nous  jette  dans  des  mouvemens 
violens,  en  caufant  un  grand  défordre 
dans  notre  machine. 

Nous  venons  de  parler  de  cette  pafTîon 
en  moralifte,  nous  allons  la  confîdérer  en 
médecin. 

Telle  eft  fà  nature ,  qu'elle  met  fubite- 
ment ,  quelle  qu'en  foit  la  caule ,  tout  le 
lyftême  nerveux  dans  une  agitation  extraor- 
dinaire par  la  conftridlion  violente  qu'elle 
produit  dans  les  parties  mufculaires,  ôc 
qu'elle  augmente  "prodigieufement ,  non 
feulement  la  fyftole  du  cœur  ôc  de  fes 
vaifTeaux  contigus ,  mais  encore  le  ton  des 
parties  fibreufes  de  tout  le  corps. 

Ce  mouvement  impétueux  du  fang  ÔC 
de  l'altération  du  fluide  nerveux  dans  les 
perfbnnes  en  qui  la  colère  eft  poulTée  à  fon 
dernier  période,  fe  manifefte  évidemment 
par  l'augmentation  du  pouls,  la  prompti- 
tude de  la  refpiration,  la  foif,  la  chaleur, 
le  gonflement  ôc  la  rougeur  du  vifage ,  la 
pulfation  des  artères  de  h  tête  plus  forte, 
plus  élevée ,  fur-tout  aux  environs  des  tem- 
pes ,  l'éclat  des  yeux ,  le  bégaiement ,  la 
voix  enrouée  ,  le  parler  précipité ,  la  fup- 
preflîon  de  l'urine ,  le  tremblement  des  par- 
ties extérieures;  enfin  une  certaine  précipi- 
tation remarquable  dans  les  fonébions  de 
l'efprit.  Ces  fymptomes  le  trouvent  plus  ou  ' 
moins  raflèmblés ,  fuivant  le  tempérament 
ôc  la  force  de  la  paflfîon  >  &  la  phyfiologie 
les  explique  fans  peine  par  la  conftri6tior^ 
fpafmodique  de  tout  le  fyftême  nerveux. 

En  conféquence  ,  les   obfèrvations  de 
t  pratique 


COL 

pratique  ont  appris  que  des  fièvres  bilieufes, 
infkmmaroires ,  la  jaunifle ,  les  obflruc- 
tions  du  foie ,  des  liémorrhagies ,  des  diar- 
rhées ,  des  pierres  dans  la  véiicule  du  fiel  ou 
dans  les  conduits  biliaires ,  en  ctoient  quel- 
quefois la  luite.  La  confpiration  finguliere 
de  tous  les  nerfs  en  donne  la  raifon.  D'abord 
la  conftriâ:ion  violente  qui  fe  fait  ici  dans  le 
genre  nerveux  produit  la  fupprelîion  de 
Turine  ,  Pobftrudion  ôc  l'embarras  dans 
1  écoulement  de  la  bile  ,  d"*©!!  refaite  la  for- 
mation des  pierres  de  la  véiicule  du  fiel. 
Ccft  de  cette  conftriârion  que  provient  la 
jaunifle  ;  d'un  autre  coté ,  les  conduits  bi- 
liaires formés  de  tuniques  mufculaires  Ôc 
nerveufes ,  (è  trouvant  excelîivement  com- 
primés par  l'influx  rapide  du  liquide  fpiri- 
tucux  contenu  dans  les  nerfs ,  fe  reflèrrent , 
font  couler  la  bile  qu'ils  contiennent  ;  Se  cate 
bile  paflè  dans  le  duodénum  &  dans  le  ven- 
tricule. De-là  les  envies  de  yomir ,  la  déjec- 
tion de  matière  bilieufe ,  ôc  la  diarrhée. 
L'abondance  Se  l'âcreté  de  cette  bile  caulè- 
ront  la  chaleur ,  la  foif ,  des  fièvres  lentes  , 
bilieufes  ,  inflammatoires ,  &c. 

La  cokre  produifant  des  rpafmes ,  Se  aug- 
mentant le  mouvement  des  fluides ,  il  efi: 
néceflaire  qu'il  fè  porte  avec  impétuofité,  ou 
qu'il  s'arrête  dans  les  parties  fupérieures  une 
trop  grande  quantité  de  fang  ;  d'où  il  arri- 
vera que  ces  parties  feront  trop  diftendues, 
&  en  coniéquence  le  viiage  s'enflammera  , 
toutes  les  veines  de  la  téïc  ,  celles  du  front , 
des  tempes ,  feront  gonflées ,  ô'c.  Il  en  pour- 
ra donc  rclulter  des  liémorrhagies ,  loit  par 
le  nez ,  foit  par  une  rupture  de  la  veine  pul- 
monaire ,  (oit  par  les  veines  de  l'anus ,  foit 
par  la  matrice.  En  un  mot ,  dans  les  parties 
dont  les  vaifleaux  fe  trouveront  les  plus  foi- 
bles  ou  les  plus  diftendus ,  l'influx  rapide 
déréglé  du  liquide  fpiritueux  contenu  dans 
les  nerfs ,  rendra  la  langue  bégayante  ,  la 
voix  enrouée,  le  parler  précipité ,  le  tremble- 
ment ,  la  précipitation  dans  les  fondions  de 
l'efprit. 

Enfin  quelques obfervations  nous  appren- 
nent qu'il  y  a  des  perfbnnes  qui ,  à  la  fuite 
d'une  grande  colère ,  ont  perdu  tour-à-toui 
l'ouie  ,  la  vue  Se  la  parole ,  Se  d'autres  qu 
font  tombées  pendant  plufieurs  jours  dan; 
un  état  d'infenfibilité.  Ces  divers  acciden; 
dépendent  entièrement  oude  la  compreflTion 
Tome  FUI, 


COt  457 

des  nerfs  du  cerveau ,  ou  du  flux  arrêté  des 
efprits ,  tantôt  fur  un  organe  des  fens ,  tan- 
tôt fur  Pautre. 

C'efl:  pourquoi  le  médecin  travaillera  à 
calmer  ces  fpafmes  ,  cette  agitation  de  tout 
le  fyftémc  nerveux  j  à  remettre  le  fang  &  les 
humeurs  dans  un  mouvement  uniforme  Se 
corriger  l'acrimonie  des  fluides.  Ainlilesré- 
frigérans ,  tels  que  la  liqueur  minérale  ano- 
dine d'Hoflînan ,  l'efprit  de  nitre  ou  l'efprit 
de  vitriol  dulcifiés ,  délayés  dans  un  liquide 
convenable,  deviendront  de  vrais  caïmans. 
Si  la  bile  s'efl:  jetée  dans  les  intcfl:ins  ,  il  faut 
l'évacuer  doucement  par  des  lénitifs ,  tels 
que  la  magnéfie  blanche ,  la  poudre  de  rhu- 
barbe mêlée  avec  le  nitre ,  les  déco6lions  de 
tamarins ,  Se  autres  de  cette  efpece .  On  cor- 
rigera l'acrimonie  des  fluides  par  des  boif- 
fons  oppofées  à  cette  acrimonie.  S'il  s'efl: 
rompu  quelque  vaiflèau  dansletiflu  pulmo- 
naire ,  on  diminuera  l'impétuolité  du  fang 
parla  faignée ,  la  dérivation ,  les  derai-bains, 
les  rafraîchiflàns.  Mais  Pon  évitera  dans  la 
méthode  curative  les  cathartiques  Se  les  émé- 
tiques  qui  (ont  funeftes  dans  cet  état  ;  car 
comme  ils  n^'agiflènt  qu'en  irritant  les  fibres 
délicates  de  refl:omac  Se  des  inteftins.  Se  que 
ces  fibres  font  déjà  attaquées  de  conftricbions 
Ipafmodiques  par  la  colère ,  de  tels  remèdes 
ne  feroient  qu'augmenter  le  mal.  Ce  feroit 
bien  pis  dans  les  perfonnes  fujettes  à  des  fpaf- 
mes hypocondriaques ,  hyftiriques,  &dans 
celles  qui  (ont  déjà  tourmentées  de  cardial- 
gie.  Ce  n'efl:  point  ici  que  la  difficulté  pour 
déterminer  des  remèdes  fait  une  des  parties 
délicates  du  jugement  du  médecin ,  un  peu 
de  bon  fens  lui  i'uflit.  Art.  de  M.  le  chevalier 

DE  JaU COURT. 

COLERET  ,  f.  m.  terme  de  pkhe  ;  le 
filet  qui  forme  le  coleret  efl:  étroit  par  les  deux 
bouts ,  où  il  n'a  au  plus  que  deux  pies  Se 
demi  de  haut  ;  il  s'élargir  enfuite  ,  de  forte 
qu'il  a  quelquefois  trois  à  quatre  brafles  de 
chatte  dans  le  milieu.  La  grandeur  des  mail- 
les efl  à  la  diîcfetion  des  pêcheurs ,  qui  fe  fer- 
vent de  cet  engin  défendu  notamment  par 
l'ordonnance  de  1584  ,  tit.  Ixxxiv ,  Se  par 
celle  de  i<j8i  ,  tit.  xvj  Se  xxj.  Le  bas  de  ce 
rilet  eft  garni  de  plommées  ou  plaques  de 
plomb  roulées ,  pour  le  foire  couler  bas  Se  le 
i  enir  ouvert.  Le  haut  eft  garni  de  flottes  de 
iiege ,  au  moyen  defcudles  &  des  plommées 
M  mm 


4rj8  C  O  L 

le  filer  fe  trouve  étendu.  A  chacune  dés 
extrémités  du  filet  eft  un  bâton  fur  lequel  il 
tft  amarré  ;  de  chacune  des  extrémités  de  ce 
bâton  ,  partent  des  cordes  qui  fe  réunifient 
€n  ime  leule  ,  qui  a  une  brade  ou  deux  de 
diftance ,  eft  ployéepour  former  une  grande 
boucle  ou  bretelle ,  que  les  pêcheurs  fepaf- 
fent  au  ccu  pour  tirer  cet  iniirument  à-peu- 
près  comme  font  les  bateliers  qui  hallent 
leurs  petits  bateaux  pour  remonter  les  rivie- 
-res.  Il  faut  deux  hommes ,  un  à  chaque  bout 
du  filet  ;  ils  fe  mettent  quelquefois  dans Tea» 
jufque  fous  le  m.entcn^  afind^avoir  une  plus 
longue  marée ,  cette  pcche  ne  pouvant  fe 
faire  que  de  bafle  mer. 

Dans  quelqutsendroits,  les  payfans  indif- 
ciplinés  &  voifins  des  cotes  de  la  mer,  y  def. 
cendent  avec  des  colerets  d'un  très-grand  vo- 
lume qu-'ils  apportent  fur  des  chevaux  ,  & 
^ont  ils  fe  fervent  pour  tirer  ces  grands  co- 
lerets qui  font  fur  les  fables  le  même  mau- 
vais e&Qi  que  la  dreige ,  lorfqu'on  s'en  fcrt 
près  de  terre  :  aufïi  cette  pêche  eft-elle  une 
ciesplusnuifibles,puifqu'ellc  détruit  tout  ce 
qu'elle  rencontre  lur  les  fables. 

Outre  ces  deux  elpeces  de  colerets  y  il  y  en 
a  une  trolfieme  qui  ne  diffère  de  celle-ci 
qu'en  ce  qu'il  y  a  au  milieu  une  chaulle  ou 
queue  de  verveux ,  dans  laquelle  pafle  tout 
le  poiflôn  qui  fe  trouve  dans  la  route  du 
coleret. 

Une  autre  efpece  de  coleret  eft  compofée 
de  deux  fortes  de  filets  ;  les  mailles  du  haut 
font  de  l'échantillon  de  1 4  hgnes ,  &  celles 
du  bas  n'ont  au  plus  que  neuf  lignes  en 
quarré. 

Comme  les  pêcheurs  qui  fe  fervent  de  cet 
engin  le  traînent  fur  des  côtes  dures,  leurs 
filets  n'ont  que  quelques  braffes  de  longueur  ; 
&  au  lieu  d'être  garnis  de  plommées  par  le 
bas ,  ceux-ci  ont  ce  que  les  pêcheurs  nom- 
ment de  hfouillardure  :  c'efî  un  rouleau  de 
vieux  filets ,  hors  de  fervice  ,  avec  quoi  ils 
Ramifient  le  corps  de  leurs  colerets ,  afin  de 
les  faire  toujours  traîner  fur  les  fonds. 

Nous  avons  dit  que  le  coleret  pouvoit  être 
tiré  par  des  hommes  ou  des  chevaux  i  mais  il 
le  peut  être  aufTi  par  des  bateaux  que  des 
rameurs  font  avancer;  en  ce  cas ,  on  l'appelle 
feinne,  dont  le  coleret  eft  une  efpece.  V^oye^ 
Seinne. 

COLEREl  TESj  f.  m. pi. terme depcche,  \ 


COL 

forte  de  Courtines  volantes  &  variables  :  ces 
filets  ont  les  mailles  de  deux  différentes  gran- 
deurs ;  les  pluslarges  ont  neuflignes  enquar- 
ré  ,  &  les  plus  ferrées  ont  feulement  huit 
lignes  en  quarré. 

Cette  efpece  de  pêche  eft  proprement  la 
tente  du  paiicot  des  pêcheurs  du  bufch ,  ou 
des  petites  pêcheries  des  grèves  de  la  baie  de 
Cancaîe  :  on  ne  peut  la  fliire  fans  bateau.  On 
la  pratique  pendant  toute  Pannée  ,  lorfque 
les  vents  forcés  S>c  les  tempêtes  ne  régnent 
point. 

Qiiand  le  pêcheur  veut  tendre  fes  filets 
pour  faire  pêche  à  la  colerctte ,  il  emibarque 
avec  lui  dans  fa  chaloupe  de  petits  pieux  ôc 
des  rets  pour  former  l'enceinte  ;  il  dif  pofe  en- 
fuite  fes  pieux  ou  petits  piquets  qui  ont  en- 
viron quatre  pies  au  plus  de  haut  ;  les  deux 
rangées  en  font  placées  en  long ,  ôc  de  ma- 
nière qu'étant  un  peu  couchées ,  le  haut  du 
rets  qui  y  eft  amarré  par  un  tour  m.ort ,  ne 
fe  trouve  élevé  au  plus  que  de  la  hauteur 
d'un  pié  au  deftus  du  terrain  ;  ainfi  le  filec 
n'a  ni  flottes ,  ni  plomb  •■,  il  eft  feulement  ar- 
rêté par  de  petits  fourcillons  ou  crochets  de 
bois ,  de  quatre  pies  en  quatre  pies  de  dif- 
tance.  Les  deux  rangées  de  petits  pieux  font 
auilî  placées  de  manière  qu'ils  s'cnrretou- 
chent  par  les  bouts  pour  former  Centrée. 
Les  pêcheurs  mettent  encore  dans  le  fond  de 
la  pêcherie  ,  une  efpece  de  fac  qui  eft  un 
verveux  fimple ,  fans  goulet  &  fans  cercle  j 
il  peut  avoir  une  bralle  <k  demie  de  long  : 
les  deux  piquets  qui  tiennent  l'entrée  du  ver- 
veux ,  font  placés  debout.  Après  que  le  pê- 
cheur a  planté  fes  pieux ,  il  remonte  dans  la 
chaloupe  où  il  fe  tient  pendant  la  marée;  ÔC 
après  qu'elle  eft  finie ,  &  fon  poiiîbn  refté  à 
(ec  j  il  s'embarque  avec  les  hlets  ôc  les  pi- 
quets ;  fi  le  hazard  veut  qu'il  faffe  bonne 
pêche  ôc  beau  temps ,  il  laitre  quelquefois  fa 
pêcherie  ainfi  tendue  deux  ou  trois  m.arces  j 
ce  qui  arrive  cependant  rarement. 

Il  faut  pour  cette  forte  de  pêcherie ,  le 
même  calibre  que  celui  que  l'ordonnance  a 
fixé  pour  les  bas-parcs,  courtines  ôc  venets , 
avec  des  mailles  de  deux  pouces  en  quarré  ; 
on  y  prendra  toujours  de  toute  forte  d'ef- 
peces  de  poiflbns  plats  j  Se  ce  font  ceux  que 
l'on  y  prend  ordinairement. 

Il  y  a  encore  des  colerettes  ou  courtines, 
qu'on  appelle  courtines  a  double  fond ,  qui  fê 


COL 

tendent  de  différente  manière  aft  gré  des  pê- 
cheurs. 

Quelques-uns  mettent  au  fond  des  vcr- 
veux  volans  ou  varvouts  ,  fans  cercle  ;  d^'au- 
tres  font  encore  cette  même  pêche  d^une au- 
tre manière  :  ils  plantent  fur  les  vafes  leurs 
petits  pieux  qu'ils  relerent  toutes  les  marées  ; 
les  bâtons  en  font  plantés  tout  droit,  comme 
ceux  des  bas-parcs  ;  ils  forment  au  fond  une 
efpece  de  varvout  ou  de  double  fond  avec 
les  mêmes  piquets  plajités  en  équerre ,  ou  en 
angle  aigu  ;  les  ailes  ou  les  bras  ont  environ 
dix  brades  de  long ,  &  le  bout  du  fac  ou  de 
la  pointe  du  rets  qui  garnit  la  pêcherie ,  eft 
tenu  en  état  au  moyen  du  petit  piquet  de 
bois  ,  fur  lequel  il  eft  amarré  à  une  petite 
corde  qui  eft  frappée  dedus.  Il  y  a  des  pê- 
cheurs qui  mettent  auflides  verveux,  dont 
•le  fac  eft  tenu  étendu  au  moyen  de  cinq  à 
ilx  cercles ,  &c  dont  le  goulet  va  jufqu'aux 
■deux  tiers  du  verveux.  Les  mailles  de  ce  ve^r- 
veux  font  fort  ferrées,  puifqu'ellesnontque 
fept  à  huit  lignes  au  plus  en  quatre.  Ces  pê- 
cheries ne  ditferent  point  des  bas-parcs  en 
équerre  &  à  fond  de  verveux  ,  que  l'on  a 
trouvé  fur  les  grèves  de  la  baie  de  Cancale, 
;  *  COLÉT ANS  ,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  eccUf.  ) 
frères  mineurs  ainfî  appelles  de  la  bienheu- 
reufe  Colete  de  Corbie  ,  dont  ils  embraftè- 
■  rent  la  réforme  au  commencement  du  quin- 
zième fiecle.  Ils  conferverent  ce  nom  pen- 
dant deux  cents  ans ,  &  ne  le  perdirent  qu'à 
la  réunion  qui  fe  fit  de  toutes  les  réformes 
de  Pordrc  de  S.  François  ,  en  conféquence 
de  la  bulle  que  Léon  X  donna  en  i  j  1 7. 

COLETT A  ,  f.  f  (  Kifi.  nat.  Botaniq.  ) 
plante  du  Malabar  fort  bien  gravée ,  avec 
la  plupart  de  fes  détails ,  fous  ce  nom ,  & 
fous  celui  àt  Colette  veetla,  par  Van-Rheede, 
dans  fon  Hortus  Malaharicus  ,  volume  IX , 
planche  XLIy  page  jj.  \.ç:^  Brames  rappel- 
lent ^o/2/z^^,  &  les  Cinghales,  habitans  de 
Ceylan  ,  kathu  karo  hiti.  C'cft  le  eryngium 
Ceylanicum  febrifagum.Jloribus  luteis  d^Her- 
•  mann  ;  &  le  barlcria  ^  prionitis  yfpinis  axil- 
laribus  pcdatis  quazernis  ,  foliis  integerrimis 
lanceolato-ovatis de  M.  Linné ,  dans  Coufjf- 
tema  naturx  ^  edit.  îX  ,  imprimé  en  1767  , 
page  4Z£. 

Sur  une  racine  noirâtre  ,  très-ramifîée  6c 
fîbreufc  ,  elle  s'élève  fous  la  forme  d'un 
buifibn  ovoïde  ,  pointu ,  haut  de  trois  à  i 


COL  459 

quatre  pies ,  une  fois  moins  large ,  ramifié 
dès  fon  origine  en  dix  à  douze  paires  de 
branches  oppofées  en  croix  ,  cylindriques , 
verd-luifàntes  ,  de  deux  à  quatre  lignes  de 
diamètre ,  écartées  (bus  un  ajigle  de  ibixante 
degrés  environ  d'ouverture. 

Les  feuilles  font  oppofées  deux  à  deux  en 
croix ,  elliptiques ,  pointues  aux  deux  extré- 
mités ,  longues  de  quatre  à  fîx  pouces ,  une. 
fois  8c  demie  à  deux  fois  moins  larges ,  en- 
tières,  légèrement  ondées  ,  épaifles ,  molles, 
lifTès ,  luifantes ,  verd-brunes ,  relevées  en 
deflbus  d'une  cote  longitudinale  ,  ramifiée 
en  cinq  à  huit  paires  de  nervures  alternes , 
de  attachées  horizontalement  fur  les  bran- 
ches ,  à  des  diftances  une  à  deux  fois  plus 
courtes  qu'elles,  fur  un  pédicule  demi-cylin- 
drique, plat  en  defTus ,  comme  ailé  ou  bordé^ 
fur  les  cotés. 

De  l'aiflelle  de  chaque  feuille  fortent  deux 
à  trois  épines  réunies  a  leur  origine  ,  de  forte 
qu'il  y  en  a  quatre  à  fix  à  chaque  paire  ds- 
feuilles.  Elles  font  coniques ,  vertes  droites, 
horizontales,  égales  à  leur  pédicule.  Des 
mêmes  aiflèlles  fortent  encore  une  à  deux 
fleurs  feffiles,  jaunâtres ,  une  fois  plus  cour- 
tes que  les  feuilles. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite  complète, 
monopétale  ir régulière ,  pofée  a-utour  d'un 
difque  au  defîbus  de  l'ovaire.  Elle  confîftc 
en  un  calice  perf  iftant ,  à  quatre  feuilles  iné- 
gales ,  dont  deux  plus  étroites ,  une  fois  plus 
court  que  lacorolle  quieft  jaune-rougeâtre, 
à  tube  médiocre ,  à  deux  lèvres  aulTi  longues 
que  lui ,  dont  la  fupérieure  a  une  diviiiou 
plus  courte  ôc  Pinférieure  quatre  divifions 
roulées  en  deflbus.  Du  bas  du  tube  s'élèvent 
quatre  étamines  à  anthères  jaunes  triangur 
laires  ,  dont  deux  aufïî  longues  que  la  co- 
rolle ,  ôc  deux  plus  courtes  cachées  fous  [9. 
lèvre  fupérieure.  L'ovaire  part  du  fond  du 
calice  attaché  à  un  difque  applati  qui  fait 
corps  avec  lui,  &  porte  un  ftyle  cylindrique, 
terminé  par  un  ftigmate  ovoïde. 

L'ovaire  en  mûriflant  devient  une  capfule 
elliptique  ou  en  fer  de  lance ,  très-compri- 
mée ,  pointue  aux  deux  bouts  ,  longue  de 
huit  lignes ,  deux  fois  moins  large ,  ligneufe, 
élaftique ,  très-dure ,  blanche ,  à  peau  verte  , 
ftriée ,  à  deux  loges  s'ouvrant  élaftiquement 
en  deux  valves  comprimées  car  les  côtés  , 
réparées  en  deux  par  une  cloi'bn  longitudi- 
M  m  m  z 


4^0  COL 

nale  qui  porte  à  Tes  bords  un  petit  crochet.  ' 
Chaque  loge  contient  une  feule  graine  lenti- 
culaire ,  mais  plate  d'un  côté  Se  convexe  de 
Tautre ,  de  deux  hgnes  de  diamètre  ,  blanc- 
rouflltre  ,  lille  ,  luifante. 

Culture.  La  coletta  croît  au  Malabar  dans 
les  terres  fîiblonneufes  humides. 

Qualités.  Toute,  la  plante  eft  amcre  j  Tes 
fleurs  font  fans  odeur. 

Ufages.  Les  Malabares  mâchent  Tes  feuil- 
les avec  Tareak,  au  défaut  des  feuilles  du  bé- 
tel. Le  fuc  qu'on  en  exprime  eft  fouverain 
contre  les  aphtes  &  les  vents  qui  gonflent 
le  bas-ventre. 

Remarques.  La  coletta ,  comme  Pon  voit, 
n'eft  pas  un  panicaut  eryngium  ,  comme  l'a 
penfé  Hermann.  Elle  n'eft  pas  non  plus  une 
elpece  de  barleria,  comme  la  cru  M.  Linné, 
puifqu'elle  n'a  pas  comme  lui  cinq  feuilles 
au  calice  ,  ni  cinq  diviiions  prefquc  égales 
à  la  corolle.  Il  fait  donc  avec  le  colaflb  un 
genre  particulier  ,  voifm  de  Pacanthe  &  de 
ia  ruellia  ,  dans  la  féconde  fedtion  de  la  fa- 
mille des  perfonnées.  Voye'{^  nos  familles  des 
plantes ,  vol.  II ,  p.  %î o.  {M.  Adanson.) 

COLGIAC  ,  {arme  turque.)  hcsTMïCS 
appellent  ainû  un  bracelet  avec  fon  gantelet 
de  fer. 

*  COLIADE  ,  {Myth)  furnom  de  Vé- 
nus j  ainiî  appellée  de  fbn  talent  pour  la 
danfe.  Il  vient  de  kokiaw,  je  danfe.  Les  Grecs 
a\*oient  élevé  un  temple  à  Vénus  la  danfeufe. 

COLL^JLT ,  f.  m.  raialœvis  undulatafeu 
tîherea.  Kond.( Hijl.  nat.  Icfithyolog.)  ^oi(- 
fon  cartilagineux  plat  &  h(fe ,  qui  a  de  très- 
grandes  nageoires.  Il  eft  fl  gros  que  l'on  en 
trouve  qui  pefent  cent  livres ,  &  on  en  a  vu 
un  qui  pefoit  jufqu'à  deux  cents  livres.  Ce- 
lui mr  qui  on  a  fait  cette  defcription  ,  avoit 
trente-huit  à  trente-neuf  pouces  de  longueur 
depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité 
de  la  queue,  &  vingt-huit  ou  vingt-neuf 
pouces  de  largeur  entre  les  extrémités  des 
nageoires  ;  fon  corps  étoit  de  figure  rhom- 
boïde. La  face  fupérieure  de  ce  poifton  eft 
blanchâtre  ou  de  couleur  cendrée  ,  parfe- 
piée  de  plufieurs  taches  noirâtres  ou  on 


COL 

doyantes,  félon  Lifter.  La  face  inférieure  eft 
blanchâtre  &  parfemée  de  quantité  de  petits 
points  noirs  ;  le  bec  court  &  pointu  jles  cotés 
font  terminés  par  une  nageoire.  Quant  au 
refte ,  ce  poifîbn  refîèmble  à  la  raie  à  long 
bec ,  foit  par  la  queue  ,  par  les  nageoires  qui 
entourent  l'anus ,  parla  bouche ,  les  dents, 
les  narines ,  ùc.  Willughby ,  hifi.pifc.  Voy. 
Raie  ,  Poisson.  (J) 

COLIBRI ,  fub.  m.  oifeau  commun  dans 
plufîsu  rs  contrées  de  l' Amériq  ue.  Il  y  en  a  des 
efpecesfortdiftérentes  pour  la  gro fleur,  pour 
les  couleurs ,  ùc.  Il  y  en  a  de  fi  petits ,  qu'on 
leur  donne  le  nom  d'oifeaux  mouches  {a)  : 
ils  font  très-beaux  par  la  diverfité  &  l'éclat 
de  leurs  couleurs ,  ce  qui  les  a  fait  appeller 
rayons  dufoleil;  leurs  plumes  font  en  etfet  fi 
belles ,  qu'on  les  emploie  à  faire  des  tapifle- 
ries  &  même  des  tableaux  ;  &  Poifeau  en- 
tier ,  après  avoir  été  deflëché,  eft  encore  fi 
beau,  qu'on  le  fufpend  aux  oreilles  pour  fer- 
vir  d'ornement.  La  longueur  du  bec  varie 
dans  les  différentes  efpeces  de  colibri  ;  il  eft 
droit  dans  les  uns ,  &  courbe  dans  les  autres. 
Leurs  yeux  font  petits  &  noirs  ;  leur  vol  eft 
fi  rapide ,  qu'on  les  apperçoit  à  peine  ;  ils  fe 
fbutiennent  pendant  long-temps  en  Pair ,  & 
femblenr  y  refter  immobiles.  On  les  voit 
dans  les  forêts ,  fur-tout  le  matin ,  recueillir 
la  rofée  ou  le  miel  fur  fes  fleurs ,  particuliè- 
rement fur  celles  du  gui.  Ils  font  leur  nid 
avec  du  coton  lur  des  branches  d^arbre ,  & 
y  dépofent  des  œufs  blancs  qui  ne  font  pas. 
plus  gros  que  des  pois.  Il  y  a  en  Amérique 
des  araignées,  qui  font  beaucoup  plusgroiiès 
que  les  colibris ,  &  qui  mangent  leurs  œufs. 
Foj£^  Araignée. 

Lorique  les  colibris  ne  trouvent  plus  de 
fleurs,  ils  fe  fufpendent  parle  bec  à  l'écorce 
d'un  arbre ,  &  y  reftent  jufqu^à  ce  qu'il  y  ait 
de  nouvelles  fleurs.  Hijl.  des  Incas ,  Paris , 
1 7 1 4  ,  tome  II,  page  %'JJ. 

On  donne  aux  colibris  le  nom  de  fuce- 
fleurs  y  ou  à'oifeau  abeille  (  Seba  Th.  rer. 
nat.  tom.  I ,  page  6î .  ),  parce  qu'ils  font  très- 
petits,&:  qu'ils  voltigent  fur  les  fleurs  comme 
les  abeilles.  Seba  rapporte  qu'on  lui  a  envoyé 


(a)  Le  diâionnaire  d'hiftoire  naturelle  a  ton  de  confondre  le  fo//(Jr/ avec  l'oifeau  mouche.Lebec 
de  ce  dernier  eft  droit,  moins  allongé  à  proportion,  applati  en  deflbs  &  en  delTous,  un  peu  renflé  par 
Je  bout  &  non  pis  arqué  comme  celui  du  coWr/.Celui-ci  qui  doit  être  placé  dans  la  famille  des  grim- 
pereanx,  n'en  diffère  qu'en  ce  que  le  grimpereau  a  le  bec  plus  court,  la  langue  (impie  fans  tuyau, 
&  la  queue  compofée  de  douze  plumes.  {  M.  AD^JNSOJN-  j 


COL 

des  colibris  des  Indes  orientales  *,  qu'ils  font 
ordinairement  plus  grands  que  les  autres  , 
&  que  le  plumage  en  eft  gris  &  mêlé  d'un 
veird  éclatant. 

Edwards  fait  mention ,  dans  fon  hiftoire 
naturelle  des  oifeaux ,  de  plufieurs  efpecesde 
Colibris ,  &  il  donne  les  figures  &  les  defciip- 
tions  du  colibri  rouge  à  longue  queue  ,  du 
petit  colibri  brun  de  Surinam ,  du  colibri 
verd  à  longue  queue  ,  du  colibri  à  tête  noire 
&  à  longue  queue ,  du  colibri  dont  le  ventre 
eft  blanc ,  du  colibri  bleu  &  verd ,  du  colibri 
verd  dont  le  ventre  eft  noir ,  du  co//i^r/ hupé, 
&  du  colibri  à  gorge  rouge,  llfuftîrade  rap- 
porter ici  d'après  ce  même  auteur  la  defcrip- 
tion  du  colibri  rouge  à  longue  queue ,  qui  eft 
un  des  plus  grands  &  des  plus  beaux  oifeaux 
de  fon  genre  ;  &  celle  du  colibri  hupé ,  qui 
eft  un  des  plus  petits. 

"  Le  colibri  rouge  à  longue  queue  eft  un 
des  plus  gros  oifeaux  &:  plus  beaux  que  {""aie 
j  amais  vu  de  ce  genre.  Son  bec  eft  long ,  min- 
ce,  &  courbé  en  bas  vers  la  pointe  ,  &:  de 
couleur  nojre  :  la  tête  Se  le  haut  du  cou  font 
noirs  &  iuifans  ;  la  gorge  eft  d\in  verd  bril- 
laiît ,  &  même  de  couleur  d'or  :  au-deflbus 
de  ce  verd ,  il  y  a  une  ligne  noire  en  forme  de 
croiftànr ,  qui  le  fépare  de  la  poitrine  qui  eft 
de  couleur  de  rofe.  Le  dos  &  les  petites  plu- 
mes des  ailes  font  d'une  couleur  rouge  oran- 
gée. Les  grandes  plumes  des  ailes  &  le  pre- 
mier rang  des  petites  font  d'un  violet.  La 
queue  a  dans  le  milieu  deux  longues  plu- 
mes de  la  même  couleur  violette  que  les  ailes. 
Les  plumes  des  cotés  &;  de  la  queue  font 


d'une  couleur  orangée  rougeâtre  ,  comme 
celles  du  dos.  Les  plumes  du  bas  du  dos , 
celles  du  croupion  ,  &  les  plumes  qui  recou- 
vrent la  queue  font  d'un  beau  verd.  Les 
jambes  font  très-courtes  &  de  couleur  noire, 
de  même  que  les  pies  qui  ont  quatre  doigts, 
dont  trois  font  "en  avant  &  l'autre  derrière , 
comme  dans  tous  les  oifeaux  de  ce  genre. 

y>  Le  colibri  hupé  a  le  bec  mince ,  aigu  par 
la  pointe  ,  mais  pas  ii  long  que  dans  la  plu- 
part des  oifeaux  de  fon  genre  ,  de  couleur 
noire  &  très-peu  courbé  en  bas.  Le  haut  dé 
la  tête  depuis  le  bec  jufqu'au  derrière  de  la 
tête  qui  fe  termine  en  une  hupe  ,  eft  d'abord 
verd  ,  &  furie  derrière  bleu-foncé:  ces  deux 
couleurs  brillent  avec  un  luftre  qui  furpafîè 
de  beaucoup  les  métaux  les  plus  poHs  éc  les 


COL  4^î 

plus  éclatans  ;  fur-tout  la  partie  verte  qui  eft  la 
plus  claire  en  certains  j  ours,fc  change  de  verd 
en  couleur  d'or  d'une  fî grande  beauté,qu'on 
ne  fauroit  l'exprimer  par  des  couleurs  ,  ni 
même  la  concevoir  dans  l'abfence  de  l'objet. 
Lesplumes  de  la  partie  fupérieure  du  corps  &c 
des  ailes ,  font  d'un  verd  foncé  entremêlé  de 
couleurd'or.  Précifémentau  defîbus  du  bec, 
il  y  a  une  tache  d'un  blanc  terni.  La  poitrine 
&  le  ventre  font  d'une  couleur  grifâtre ,  ou 
mêlée  de  gris  fombre  &  terni.  Les  grandes 
plumies  font  de  couleur  cie  pourpre.  La  queue 
eft  d'un  noir  bleuâtre  ,  un  peu  luftré  pardef- 
fus  ;  mais  le  deftbus  eft  encore  plus  brillant 
que  le  dcflus ,  ce  qui  n'eft  pas  ordinaire.  Les 
jambes  &  les  pies  font  très-petits  &  noirs.  Le 
nid  eft  compofé  d'une  fubfîance  de  coton  ou 
de  foie  très-belle  ôc  très-douce ,  jencfaurois 
dire  prccifément  ce  que  c'eft  ;  c'eft  un  com- 
pofé de  deux  matières,  l'une  rouge ,  &  l'au- 
tre d'un  blanc-jaunâtre.  Voye^  Oise  au.  (  /) 
COLICOLLESoz/CAULÏCOLES,ff. 
pi.  (Arc/lit.)  du  latin  cûulis  :  ce  font  de  peti- 
tes tiges  d'où  prennent  naiflàtice  les  volutes 
ou  hélices  du  chapiteau  corinthien.  Ces  co- 
cclks  partent  de  dedans  des  culots ,  compo- 
fés  de  feuilles  d'ornement  qui  pofent  elles- 
mêmes  fur  des  tigettes.  (F) 

COLIM A ,  {Gécg.  mod.)  ville  confîdéra- 
ble  de  l'Amérique  feptentrionale ,  au  Mexi- 
que. Long.  2-7  f  ^3  ;  lat.  î8 ,  ^o. 

CO  LIMBE ,  f.  m.  colymbus  maximus  cau- 
datus  5  {Hijl.  nat.  Ornith.  )  oifeau  de  rivière 
qui  eft  à-peu-près  de  la  grofteur  d'une  oie. 
Il  a  le  corps  allongé ,  la  queue  arrondie ,  &c 
la  tête  petite.  La  partie  fupérieure  du  cou  eft 
recouverte  de  plumes  fi  touffues .  qu'elle  pa- 
roît  plus  grofle  que  la  tête.  Lesplumes  du  cou, 
des  épaules  èc  du  dos ,  &  les  petites  plumes 
du  delfus  des  ailes ,  enfin  lesplumes  de  toute 
la  face  fupérieure  de  cet  oifeau ,  font  brunes 
ou  plutôt  d'une  couleur  cendrée  noirâtre , 
avec  des  taches  blanches  qui  fe  trouvent  en 
petit  nombre  furie  cou  ,  &  qui  font  fort  fré- 
quentes fur  le  dos  :  chaque  plume  en  a  deux 
près  de  fon  extrémité  ,  une  de  chaque  côté  ; 
ces  taches  font  plus  grandes  fur  les  petites 
plumes  des  ailes  &  fur  les  grandes  plumes  des 
épaules,  que  fur  celles  du  dos.  La  gorge  &  la 
face  inférieure  du  cou  font  blanchâtres.  Le 
deflus  du  cou  ,  la  poitrine  ,  &  le  ventre  font 
blancs;on  a  v  u  à  l'endroit  de  l'anus  une  bande 


4^1  COL 

tranrverfale  noirâtre.  Il  s'eft  trouvé  auflfî  un 
de  ces  oifeaux  dans  i'ile  de  Jerfey  qui  avoit 
h  tête  noire ,  Se  un  collier  formé  par  de  petits 
points  blancs.  Il  y  a  trente  grandes  plumes  à 
chaque  aile  ;  elles  (ont  courtes  à  proportion 
de  la  grolfeur  de  l'oileau  j  leur  couleur  eft 
riioire  ou  d'un  brun  obicur.  La  queue  ref- 
femble  à  celle  des  canards  ;  elle  ell  très- 
courte,  «Se  compofée  de  vingt  plumes  au 
moins.  Le  bec  eft  droit ,  pointu  ,  &  long  de 
près  de  trois  pouces.  La  pièce  fupérieure  eft 
noirâtre  ou  livide  •■,  elle  eft  creufée  en  forme 
.  de  gouttière  ,  &  garnie  ju  (qu'aux  narines  de 
plumesquifontun  peu  replicesendeflus.  La 
pièce  du  defious  eft  blanchâtre.  Il  y;a  au  nii- 
îieu  de  chaque  narine  une  pellicule  qui  tient 
au  bord  fupérienr.  Cet  oifèau  a  les  doigts 
joints  enfemble  par  une  membrane  ,  ceux  de 
devant  Ibnt  Fort  longs ,  Rir-tout  le  doigt  ex- 
térieur i  celui  de  derrière  eft  le  plus  court  & 
le  plus  petit.  La  longueur  des  pattes  eft  mé- 
diocre }  elles  font  applaties  Se  larges  ;  la  f\ice 
extérieure  eft  brune ,  Se  Tintérieure  eft  de 
couleur  plombée  ,  ou  d'un  bleu  pâle.  Les 
ongles  font  larges ,  &  (emblables  à  ceux  de 
l'homme.  Les  pattes  font  dirigées  en  arrière 
de  façon  qu'ellestouchent  prelque  à  la  queue 
Se  qu'il  paroît  que  l'oifeau  ne  peut  marcher 
qu'en  dreflant  perpendiculairement  fon 
corps.  Les  couleurs  des  oifeaux  de  cette  ef- 
pece  varient  j  il  y  en  a  qui  ont  des  colliers ,  Se 
dont  le  dos ,  le  cou  Se  la  tête  font  de  couleur 
noire  avec  de  petites  lignes  blanches  j  d'au- 
tres n'ont  point  de  collier.  La  couleur  de 
toute  la  face  fupérieure  du  corps  tire  plus  fur 
le  cendré  ;  Se  au  lieu  de  petites  bandes,  il  n'y 
a  que  des  points  blancs  ;  peut-être  que  ceux- 
ci  iont  les  femelles ,  Se  les  autres  les  mâles. 
Willughby  ,  Ornhh.  Voye[  Oiseau.  (/) 
.  COLIN,  f.  m.CANIART,  oz/ GRI- 
S  AIvT  ,  larus  velgravia  major  ,  (  HijL  nat. 
Ornhh.)  oifeau  de  mer  qui  fe  trouve  plus 
fréquemment  fur  les  côtes  de  l'Océan  que 
l'ur  celles  de  la  Méditerranée  :  il  eft  de  la 
taille  d'une  oie  de  médiocre  grandeur  \  fes 
plumes  font  renflées  Se  le  font  paroître  gros, 
quoiqu'il  n'ait  pas  plus  de  chair  qu'un  petit 
morillon.  Il  eft  de  couleur  grife ,  c'eft  pour- 
quoi o'ci  l'a  wowLmk.grifart.  Ses  pies  reflem- 
bient  à  ceux  d'une  cane  ;  il  nage  ,  mais  il 
nç  plonge  jamais.  Sa  tête  eft  aufTi  groflfe  que 
celle  d'un  aigle  royal ,  Sç  le  bec  aulTi  grand 


COL 

que  celui  du  plongeon  de  mer.  L'ouverture 
du  goiier  pft  lî  large  qu'il  avale  de  fort  gros 
poiftbns  ;  il  prend  ceux  qui  font  rejetés  fur 
le  rivage.  Sa  queue  eft  ronde.  Se  ne  s'é- 
tend pas  au-delà  du  bout  des  ailes  ;  il  vole 
pendant  long-remps  fans  fè  repoier ,  Se  il  pa- 
roît  en  Pair  aufïî  grand  qu'un  aigle  ;  il  court 
aftèz  rapidement  fur  terre.  Se  fon  cri  fe  fait 
entendre  de  bien  loin.  Sa  peau  eft  auili  dure 
que  celle  d'un  chevreau  ;  quoiqu'il  mange 
beaucoup  ,  il  eft  toujours  fort  maigre  :  ià 
chaireft  de  mauvais  goût ,  Se  difficile  à  digé- 
rer. Belon  ,  liv.  III,  de  la  nature  des  oifeaux. 
Foje^  Oiseau.  (/) 

CO'LINIL  ,  f.  m.  {Hiji.  nat.  Botaniq.) 
plante  du  Malabar ,  affez  bien  gravée  ious 
ce  nom  avec  la  plupart  de  fes  détails ,  par 
Van-Rheede ,  dans  fon  Hortus  Malabar i^ 
eus ,  volume  I ,  planche  L  V,  pag2  l  oj  ;  les 
Brames  ['appélentfchera-punca,  Se  J.Com- 
melin  dans  fes  notes  ,  polygala  Indica  minor 
Jîliquis  recurvis. 

*C'eft  uii  fous-arbriftèau  qui  s'élève  fous 
la  forme  d'un  buiflbn  fphéroïde  ,  de  2  à  5 
pies  de  diamètre ,  à  racine  blanchâtre  ,  li- 
gneuie ,  ramifiée  ,'  à  écorce  jaunâtre  ,  por- 
tant une  fouche  cylindrique  de  deux  à  trois 
pouces  de  diamètre ,  fort  courte ,  ramifiée 
dès  fon  origine  en  plufieurs  branclitfs  cylir^ 
driques,  menueS;,  d'une  à  deux  lignes  de  dia- 
metrç ,  écartées  fous  un  angle  de  45  degrés, 
à  bois  blanc  ,  dur  ,  recouvert  d'une  écorce 
verte  intérieurement ,  cendrée  au  dehors. 

Les  feuilles  font  alternes  compofées ,  pin- 
nées  fur  un  double  rang ,  longues  de  deux 
pouces  à  deux  pouces  Se  demi  ;  une  fois 
moins  larges ,  compofées  des  trois  à  cinq 
paires  avec  une  impaire  ,  de  folioles  ellip- 
tiques, plus  longues  à  leur  extrémité  anté- 
rieure qui  a  une  pointe ,  longues  de  8  à  9 
lignes ,  deux  fois  moins  Larges,  ternes ,  veç- 
tes  deflus,  bleuâtres  deflous,  relevées  d'une 
côte  longitudinale.  Se  rangées  horizontale- 
ment fur  un  pédicule  commun  ,  une  fois 
plus  coun  qu'elles,&  accompagné  à  fon  ori- 
gine de  deux  ftipules  caduques. 

Chaque  branche  eft  terminée  par  un  épi 
une  à  deux  fois  plus  court  que  les  feuilles , 
compofé  dans  fa  moitié  fupérieure  de  quatre 
à  fept  fleurs  feiïiles ,  rouge-pâles ,  de  trois 
lignes  de  diamètre ,  accompagnées  d'une 
petite  écaille  triangulaire. 


COL 

Chaque  fleUr  eft  Hermaphrodite  ,  poly- 
pétale ,  complète ,  ir régulière  ,  difpofce  au 
dcflous  de  l'ovaire  ;  elle  confifte  en  un  ca- 
lice verdj  hémifphériquc,  petit,  à  cinq  dents 
periiflnntcs  j  en  une  corolle  quatre  ou  cinq 
fois  plus  longue ,  auffi  longue  que  large ,  & 
en  une  corolle  à  quatre  pétales ,  dont  le  fu- 
^érieur  qui  forme  Tétendard  ,  &  les  deux 
ailes  latérales  font  rouge-pâles  &  l'inférieur 
qui  forme  la  nacelle  eft  verd- blanchâtre  ;  les 
érr.mincs  font  au  nombre  de  dix  réunies  en 
deux  faifceaux ,  dont  un  de  neuf  filets  for- 
mant un  tuyau  fendu  en  deflhs  dans  toute 
f  t  longueur ,  &  le  dixième  couché  fur  cette 
fente  ;  de  ces  filets,  cinq  font  alternativement 
plus  courts ,  &c  tous  portent  une  anthère 
jaune  ;  du  centre  du  calice  s'élève  un  dif- 
quc  en  pédicule  cylindrique  loin  des  éta- 
mines ,  qui  porte  un  ovaire  applati ,  allongé, 
terminé  par  un  (lyle  cylindrique  blanc,  avec 
un  ftigmate  ovoïde ,  velu  ,  jaunâtre ,  placé 
fur  fon  côté  fupérieur. 

L'ovaire  en  mûriflant  devient  un  légume 
en  labre ,  très-com.primé  par  les  côtés ,  long 
d'un  pouce  &  demi  à  deux  pouces ,  iîx  à 
huit  fois  moins  profond  ,  courbé  en  haut 
vers  l'extrémité  lupérieure  8c  en  bas  à  l'ex- 
trémité inférieure ,  vert  d'abord  ,  enfuite 
rouge-brun,  partagé  intérieurement  en  fix 
à  huit  loges ,  &  s-'ouvrant  par  l'extrémité 
fupérieureen  deux  valves  élaftiques  ;  chaque 
loge  contient  une  graine  ovoïde-oblongue , 
taillée  en  rein  ,  longue  de  deux  lignes  ôc 
demie,  une  fois  à  une  fois  &  demie  moins 
large ,  verte  d'abord ,  enfuite  noirâtre ,  atta- 
chée horizontalement ,  pendante  aux  bords 
fupérieurs  des  valves. 

Culture.  Le  co/i/?// croît  au  Malabar  dans 
les  terres  fablonneufes  :  il  fleurit  deux  fois 
J'an  ;  favoir  dans  la  faifon  de  la  féchereflè 
&  dans  celle  des  pluies. 

Qualités.  Toutes  fes  parties  ont  une  faveur 
légèrement  acre  &  amerc  j  fcs  gou(Ies ,  lorf- 
qu'elles  font  encore  jeunes  ou  vertes,  lont 
lu  jettes  à  être  piquées  par  des  infedes  du 
genre  du  coflon. 

Vf  âge.  Le  lue  qu'on  en  tire  par  expref- 
fion ,  s'unit  avec  le  miel  pour  en  frotter  les 
puftules  de  la  bouche. 

Remarque.  Le  colinil  forme  un  genre  de 
plante  particulier  qui  fe  range  naturellement 
auprès  du  fesban  Ôc  du  fecuridaca  dans  la 


COL  4<Î3 

quatrième  feAion  de  la  famille  des  légumi- 
neuies  où  nous  Pavons  placé.  Voye^nosfa- 
wiiks  des  plantes  y  volume  II,  page^'Xj  ,  & 
il  diffère  innnim.ent  du  polygala  auquel  J. 
Commelin  l'a  comparé.  (  M.  Adanson.  ) 
COLIN-MAILLARL) ,  i\  m.  jeu  d'en- 
fans  ;  on  bouche  les  yeux  à  un  d'entre  eux  ^  il 
pourfuit  ainii  les  autres  à  tâton  jufqu'à  ce 
qu'il  en  ait  attrapé  un  autre  qu'il  eft  obligé 
de  nommer ,  &  qui  prend  ^<i  place ,  &  qu'on 
appelle  Çixx'i^'fcollintnaUla rd. 

COLIN  NOIR,  ï'oye;j;PoiJLE  d'eau. 
COLIOURE  ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville 
de  France  fortifiée  dans  le  Rouflîilon  ,  au 
pié  àcs  Pyrénées ,  avec  un  petit  port.  Long, 
2.0,45,  îi;  lat.^x,  ^i  ,4S' 

^  COLIPHIUM  ,  {WJI.  anc.)  forte  de, 
pain  fans  levain,  groftîer,  pefant ,  paitri  avec 
le  fromage  mou,  &  qui  iervoitde  nourri- 
ture ordinaire  aux  athlètes.  Il  en  eft  parlé 
dans  les  fatyres  de  Juvenal.  Il  falloit  avoir 
un  bon  eftomac  pour  digérer  aifément  une 
pareille  nourriture. 

COLIQUE  ,  f.  m.  (  Hift.nat.  Conàylio. 
logie.  )  nom  que  quelques  auteurs  donnent 
très-im.propremcnt  &  fajis  aucun  fonde- 
ment à  l'efpece  de  coquillage  que  l'on  ap- 
pelle communément  cauris  ou  monnaie  de 
Guinée  :  c'eft  une  efpece  de  pucelage  ,  cy^ 
prœa.  (  M.  Adanson.  ) 

Colique,  f.  f.  (Méd.)  douleur  plus 
ou  moins  violente  dans  le  bas-ventre. 

Définition.  La  colique  paroît  tirer  ion  nom 
de  la  douleur  dans  Pinteftin  colon  j  cepen- 
dant ce  mot  défigne  en  général  toute  dou- 
leur intérieure  du  bas-veiitre.  On  auroit  pu- 
ne  nommer  colique  qnt  la  douleur  du  co- 
lon ,  comme  on  nomme pojfton  iliaque,  celle 
qui  attpque  les  inteftins  grcies  :  mais  Pufagc 
en  a  décidé  autrement  :  néanmoins  les  dou- 
leurs de  Peftomac ,  du  foie  ,-de  la  rate ,  des 
reins ,  de  la  veffie ,  de  Putérus ,  fe  rappor- 
tent aux  maladies  de  ces  parties  ;  &c  l'on 
diftingue  encore  de  la  colique ,  les  mala- 
dies qui  occupent  les  tégumens  de  tout  Pab- 
domen. 

Les  douleurs  de  colique  fbpt  fi  fort  dans 
l'humanité  ,  qu'il  n'y  a  ni  âge .  ni  fexe  ,  ni 
pays ,  ni  conftitution ,  qui  en  ioient  exempts 
pendant  le  cours  de  la  vie  i  les  enfans ,  les 
jeunes  gens  d'un  tempérament  chaud  &  bi- 
lieux, lesferamesjles  vieillards,  les  perfonnqs 


4^-1- 


CO  L 


foniîcs  d'une  nature  foible  &  délicate  ,  ôc  ! 
d^un  lênriment  vif,  y  font  les  plus  fujecs.     [ 

Pour  en  développer  la  nature  autant  qu'il 
cft  poilible  ,  &c  en  former  le  pronoftic ,  il 
fiut  obferver  foigneufcment  il  la  colique  eft 
fixe ,  vague ,  changeant  déplace ,  confiante, 
périodique ,  intermittente ,  fympathique  , 
opiniâtre  ,  douloureufe ,  aiguë ,  caufant  une 
métaftafe  ,  &c. 

Ses  caiifes  &fes  àlverfes  efpeces.  Ses  caufes 
>qui  Ibnt  en  très-grand  nombre  fe  peuvent 
rédiger  fous  quarre  chefs  généraux  :  i°.  des 
matières  inhérentes  dans  lesinteftins  ;  2°.  des 
matières  nées  d'ailleurs  «Se  portées  dans  les 
entrailles  :  3°.  la  correipondance  des  nerfs 
affcétés  :  4°.  des  maladies  propres  aux  in- 
teftins  Se  au  méfentere ,  produiient  les  di- 
verfes  douleurs  de  colique. 

I.  J'ai  dit  :  i  °.  des  matières  inhérentes  dans 
les  intejlins  ;  telles  font  leschofes  acres ,  mor- 
dicantes ,  de  quelque  nature  qu'elles  foient , 
bilieufes,  rancides,  putrides,  acides,  muria- 
tiques',  échauffantes,  fpiritueufes,  aroma- 
tiques, ftimulantes  ;  les  vomitifs  ,  les  pur- 
gatifs ,  les  poifons ,  ùc.  Il  faut  les  délayer , 
les  faire  fortir  par  haut  ou  par  bas ,  endom- 
ter  la  nature  par  des  boifibns  aqueufes  ,  & 
toujours  oppofées  au  genre  d'acrimonie. 

Toute  fermentation  d'alimens  qui  trouble 
le  mouvement  des  inteftins,  &  par  la  diften- 
lion  excite  des  douleurs  de  colique  ,  doit 
être  appaifée  après  les  remèdes  généraux  , 
par  des  carminatifs  ^  des  anodins ,  des  caï- 
mans. 

Lorfque  la  douleur  caufe  une  tenfîon  con- 
vulfîve ,  &c  qu'elle  paroît  produite  par  des 
vents  ou  par  la  conftipation,  l'indication 
nous  conduit  à  l'ufage  des  clyfteres  émoi- 
liens  ,  réfblutifs ,  répétés  coup  fur  coup  ;  à 
des  linimens  carminatifs,  nervins,  appliqués 
fur  la  partie  afFedée  ;  aux  pillules  balfami- 
ques ,  ôc  à  des  infufions  ou  dé^odtions  de 
manne.  Dans  ces  douleurs  flatueufes  des  in- 
teftins ,  le  bas- ventre  s'enfle ,  les  vents  ont  de 
la  peine  à  fortir  ;  le  mal  aigu  efl  fui  vi  d'anxiété 
ou  d'opprefïion  j  fi  les  vents  paflent  par  haut 
&  par  bas ,  le  malade  fenr  du  foulagement  ; 
il  cette  colique  venteufe  procède  de  l'atonie 
du  ventricule  Se  des  intetlins,  elle  demande 
des  carminatifs  plus  chauds  qu'à  l'ordinaire  : 
quelquefois  la  liatuofité  des  inteftins  a  fa 
fource  dans  cette  foiblefTe  du  ton  Se  du  peu 


COL 

de  force  de  ces  vifceres ,  fur-tout  dans  les 
perfonnes  âgées  ,  Se  dans  celles  qui  ont  fait 
un  ufage  immodéré  d'alimens  flatueux ,  de 
boiflons  fpiritueufes  ,  dans  celles  dont  le 
corps  a  été  affoibli  par  les  maladies  ou  les 
remèdes.  Pour  lors ,  on  n'a  de  fecours  que 
la  cure  palliative  Se  préfervative. 

Si  la  colique  vient  des  vers  logés  dans  les  en- 
trailles ,  on  y  remédiera  par  les  vermifuges 
convenables.  Les  enfans  font  fujets  à  cette 
efpece  de  colique  accompagnée  quelquefois 
d'une  douleur  poignante  dans  le  bis-ventre, 
&  de  iyncopes  ;  ils  éprouvent  auiTi  des  tran- 
chées occ.iiionées  par  une  ftagnition  d'un 
lait  aigri  Se  rendu  corrofif ,  ce  qui  les  jette 
quelquefois  dans  des  convulfîons  épilcpti- 
ques.  Le  iiiop  de  chicorée  avec  la  rhubarbe 
eft  le  meilleur  retnede. 

La  colique  biligufe  fera  un  petit  article 
particulier  dans  lequel  on  indiquera  Tes 
lymptomes  Se  fa  cure.  Pour  la  colique 
qui  naît  de  l'endurciilement  des  matières 
fécales  dans  les  gros  inteftins ,  elle  fe  termine 
par  la  guérilbn  de-  la  conftipation.  Fore:^ 
ce  mot. 

IL  Les  humeurs  viciées  du  corps  entier 
ou  de  quelque  partie  ,  étant  portées  aux  in- 
teftins ,  y  caufent  de  vives  douleur^  de  coli- 
que ,  &  requièrent  des  fecours  oppofés  à  la 
nature  du  vice.  Telle  eft  l'humeur  de  Li 
goutte ,  le  catharre ,  la  cachexie  ,  le  fcorbut , 
la  galle  ,  l'évacuation  fupprimée  de  la  fueur, 
de  l'urine ,  de  la  falive  ,  des  excrémens , 
d'un  ulcère  ,  d'un  abcès ,  des  hémorrhoï- 
des  ,  ott  commue  il  arrive  dans  les  maladies 
aiguës ,  inflammatoires, épidémiques,  con- 
tagieufes ,  dans  lefquelles  maladies  les  ma- 
tières acres  fe  jettent  de  toutes  parts  dans  les 
inteftins.  Il  eft  néceflaire  de  détruire  la  ma- 
ladie même ,  Se  en  attendant  de  lubrifier  le 
canal  inteftinal  par  des  boiffons  &  des  in- 
jeéïions  onélucufes ,  détergentes ,  adoucif- 
fantes.  Lorfque  la  fuppreflionduflux  hémor- 
rhoïdal  Se  menftruel  eft  l'origine  de  la  coli- 
que, il  faut  employer  la  faignée  du  pie  , 
les  laverncns  émolliens ,  les  demi-bains ,  les 
anti  -  fpafmodiques  ,  les  eaux  minérales  , 
l'exercice  convenable  Se  le  régime ,  qui  dans 
toutes  les  douleurs  d'entrailles  eft  d'une  ab- 
folue  nécelTité. 

III.  Souvent  les  inteftins  fbuffrent  par 
fympathie  des  autres  parties  inalades,comme 

de 


COL 

<le  lutérus  dans  les  femmes  grofles  qui  avor- 
tent ,  qui  accouchent ,  qui  font  en  couches 
ou  nouvellement  accouchées ,  qui  perdent 
leurs  règles,  qui  ont  les  mois,  les  vuidanges 
lupprimées,  ou  qui  foufFrcnt  d'autres  affec- 
tions de  la  matrice.  Ce  même  phénomène 
a  lieu  dans  les  maladies  des  reins ,  la  pierre  , 
la  néphrétique  ,  l'inflammation  du  dia- 
phragme ,  du  foie ,  ùc.  Toutes  les  douleurs 
de  colique  de  ce  genre  ,  nées  par  fympathie  , 
cellcnr  par  la  guérifon  des  maux  dont  elles 
émanent.  Telle  eft  encore  la  colique  convul- 
five  &  quelquefois  épileptique  des  enfans , 
qui  vient  des  douleurs  que  leur  fait  la  fortie 
des  dents  ,  en  vertu  de  la  correspondance 
qu'ont  entre  ellesles parties  nerveufes.  Telle 
eftaulli  la  colique  d^entrailles ,  caufeeparun 
calcul  biliaire  détenu  dans  la  vélîcule  du 
fiel ,  lequel  irrite  Ton  conduit.  Les  femmes  en 
couches  éprouvent  des  douleurs  de  colique 
dans  la  fupprelîion  de  leurs  vuidanges ,  lorf^ 
qu'on  néglige  de  leur  bander  le  ventre  com- 
me il  faut  après  ^accouchement,  ou  lorlqu'il 
iurvientdu  refroidiflement. 

IV.  Les  maladies  propres  aux  intefl:ins& 
au  méfentere  ,  produifent  de  vives  douleurs 
de  colique  ;  c'eft  ce  qui  arrive  dans  Pobf- 
tru6lion  des  glandes  du  méfentere ,  dans  les 
abcès  de  cette  partie ,  qui ,  s'étant  portés  fur 
les  boyaux,  y  croupilîènt,  corrodent  les 
membranes  &  les  gangrènent.  On  en  trouve 
quelques  exemples  dans  Willis ,  Eenivenius 
éc  Wharton.  Telles  font  encore  les  coliques 
qui  proviennent  d^un  reflerrement ,  d'une 
contradtion,  d'un  étréciflement ,  d^unskir- 
re ,  d^une  callofité  ,  dans  quelque  portion 
des  inteftins,  tous  maux  qui  détruifent  l'éga- 
lité du  mouvement  de  ces  vifccres.  Enfin 
toutes  leurs  maladies,  ou  celles  des  parties 
voifines  ,  l'inflammation ,  l'hernie ,  l'éréiî- 
pcle,  lerhumatifme,  Reproduiront  cet  efltt, 

Efpeces particulières.  Quelquefois  les  co- 
liques font  la  fuite  de  plufieurs  maladies , 
comme  de  toute  elpecc  de  fièvres  mal  trai- 
tées ,  de  diarrhées ,  de  dyflcntcries  trop  tôt 
arrêtées  par  des  aftringens ,  des  vomitifs , 
ou  des  cathartiques  trop  violens. 

Il  y  a  encore  une  elpece  de  colique  fpaf- 
modique ,  que  quelques-uns  appellent co//^z/e 
fanguine ,  parce  qu'elle  provient  du  fang  qui 
s'efl:  amaflé  au  dedans  des  tuniques  des  in- 
teftins ,  fur-tout  du  colon ,  où  ce  fàng 
Tome  FUI. 


COL  4<Î5 

croupi  irrite  ,  difl:end  les  membranes  ner- 
veufes qui  font  d'un  fentiment  très-délicat. 
Les  hommes  robuftes  qui  mènent  une  vie 
déréglée  en  font  les  martyrs  ordinaires ,  ôc 
quelquefois  les  femmes  lorfque  leurs  règles 
viennent  àêtre  fupprimées.  Cette  co//yz/e  pro- 
cède aulïi  de  la  fuppreiTion  d'un  flux  hémor- 
rhoïdal  périodique. 

On  connoît  dans  certains  endroits  une 
autre  elpece  de  colique  fpafmodique ,  que 
l'on  peut  proprement  appeller  etidémique  y 
parce  qu^elle  eft  commune  dans  certains  cli- 
mats &:  dans  certains  pays  ;  alors  ces  fortes 
de  coliques  tirent  leur  origine  de  l'air ,  des 
exhalailons ,  des  alimens ,  desboiflbns ,  ùc. 
Par  exemple ,  le  bellou  en  Derbishire  ,  qui 
piovient  des  exhalaifons  de  la  mine  de 
plomb ,  eft  fi  funefte ,  que  les  animaux  ,  &: 
même  la  volaille ,  en  fouffrent.  On  peut 
citer  en  exemple  encore ,  les  habitans  de  la 
Moravie ,  de  l'Autriche  èc  de  la  Hongrie  -, 
ils  font  fouvent  affligés  d'une  colique  convul- 
five,  qui  n'a  d'autre  caufe  que  ^habitude 
immodérée  des  vins  fpiritueux  de  ces  con- 
trées, fur-tout  quand  on  n'a  pas  foin  de 
fe  garantir  du  froid.  On  peut  rapporter  aflèz 
commodément  cette  dernière  maladie  à  la 
colique  fanguine ,  parce  qu'elle  demande 
les  mêmes  remèdes,  avec  î'ufage  des  boif- 
fons  adouciflantes  &  émulfionnées ,  prifes 
chaudes ,  pour  rétaWir  en  même  temps  la 
tranfpiration. 

La  colique  fpafmodique  qu'on  nomme  co" 
tique  de  Poitou ,  autrement  colique  des  pein- 
tres ^  colique  des  plombiers  y  pzTce  qu'elle  eft 
caufée  par  le  plomb ,  I'ufage  des  faturnins , 
&c  qu'elle  commence  à  s'étendre  dans  toute 
l'Europe ,  mérite  par  cette  raifon  un  article 
particulier. 

Symptômes  delà  colique.  Les  malades  atta- 
qués delà  colique ,  éprouvent  plus  ou  moins 
les  fymptomes  fuivans,  à  proportion  des 
degrés  de  la  maladie.  Toute  la  région  des 
inteftins,  ou  une  partie  eft  le  iiege  de  la 
douleur.  Les  malades  reflèntent  dans  le  bas^ 
ventre  une  fenfation  très-vive,. piquante > 
poignante ,  brûlante ,  fixe  ou  vague  \  ils  font 
plein  de  mal-aife  &  d'inquiétudes  ;  ils  ne 
;geuvent  dormir  \  ils  s'agitent ,  fè  couchent 
îur  le  ventre ,  fur  l'un  ou  l'autre  coté  pour 
trouverunepofturequilesfoalage.Queîque- 
fois  les  vents  &  les  boiborigmes  fe  joignckit; 

Nnn 


4.66  COL 

à  cec  état ,  de  même  que  la  conftîpation ,  le 
renefme  ,  le  pouls  ferré  ,  la  fièvre ,  la  fup- 
preilîon  d'urine,  la  difficulté  de  refpirer ^  le 
dégoût ,  la  cardialgie  ,  les  naufées,  les  vo- 
milîèmens  :  mais  voici  d'autres  fymptornes 
encore  plus  dangereux ,  le  hoquet ,  le  frilîon, 
le  tremblement ,  l'abattement  de  toutes  les 
forces ,  les  fyncopes ,  la  Tueur  froide ,  le  dé- 
lire ,  &  quelquefois  des  convulfions  épilep- 
tiques ,  dont  les  fuites  font  la  deftrudion  de 
la  machine.  Qiielquefois  ces  fymptomes  fe 
terminent  par  d'autres  maladies ,  la  fuppu- 
xation ,  la  jaunifle,la  diarrhée ,  la  dyflenterie 
&■  pluficurs  autres  maux ,  fuivant  les  caufes 
&  la  violence  des  accès  de  colique. 

Pronojîics.  Les  pronoftics  fe  tirent  de  la 
durée  du  mal,  du  nombre  &  de  la  nature 
des  fymptomes  ;  ainfic'eftunbonpronoftic 
lorfque  les  divers  fymptomes  qu'on  vient  de 
détailler  manquent  j  que  la  douleur  eft  inter- 
mittente ,  tolérablc ,  &  qu'elle  diminue  :  les 
vents  foulagent  le  malade  quand  ils  peuvent 
paflèr  par  haut  ou  par  bas.  La  colique  ac- 
compagnée de  cardialgies ,  de  naufées  ,  de 
vomiflèmens ,  devient  déjà  dangercufe  ;  elle 
l'eft  beaucoup  lorfqu'elle  faifit  le  malade 
avec  violence  en  même  temps  que  le  friflbn , 
&:  que  cet  état  fubfifte  y  car  c'eft  un  figne 
d''une  inflammation  qui  dégénère  en  ipha- 
cele,  fî  on  néglige  d'y  apporter  un  prompt 
jemede.  Elle  Peft  encore  davantage  ,  fi  con- 
jointement à  ces  fymptomes ,  fe  trouvent 
réunis  la  conftipation  ,  la  fupprelTîon  d'uri- 
Jie ,  la  fièvre  &  la  difficulté  de  refpirer.  Elle 
l'eft  beaucoup  plus ,  fî  la  fbiblelîe ,  le  délire 
&  le  hoquet  îurviennent  :  mais  c'eft  un  pro- 
nofticfunefte  ,  fi  les  forces  s'épuifent,  Ci  les 
convulfions  fuccedent ,  le  froid ,  la  fueur 
coUiquative,  une  vraie  ou  fauflè  paralyfie  des 
extrémités ,  &  finalement  la  ftupeur  des  pies 
&:  des  mains  j  pour  lors  le  malade  eft  fans 
cfpérance. 

Curegénérale.  Nous  avons  vu  que  la  cure 
devoir  toujours  être  adaptée  à  la  caufe  ,  & 
variée  en  conformité  :  mais  quand  cette 
caufe  eft  inconnue  ,  que  doit-on  faire  ?  Il 
faut  toujours  employer  les  remèdes  géné- 
.  laux  j  la  faignée ,  pour  peu  que  l'inflamma- 
tion foit  à  craindre ,  les  fomentations  chau- 
des ou  émollientes  perpétuellement  répétées, 
leslavemensrelâchans,  délayans ,  antiphlo- 
gifUqu^ ,  les  laxatifs  ^  les  boitTons  humec- 


C  O  L 

tantes ,  6c  perfifler  danscet  ufage  jufqu'à  ce 
que  le  mal  foit  appaifé ,  ce  qui  arrive  d'or- 
dinaire fans  que  la  caufe  ait  été  découverte 
par  le  médecin.  La  colique  fe  guérit  naturel- 
lement par  une  fueur  abondante  ,  par  un  fai- 
gnementde  nez ,  par  un  flux  hémorrhoïdal , 
par  un  cours  de  ventre ,  par  une  diarrhée , 
par  un  écoulement  d'urine,  ùc.  mais  les  re- 
mèdes généraux  qu'on  vient  d'indiquer  ne 
tendent  qu'à  avancer  la  guérifon ,  &  à  la 
déterminer  plus  sûrement. 

Cure  préfervative.  Ceux  qui  font  fujets  à 
des  coliques  ou  de  vives  douleurs  dans  les 
inteftins ,  ce  qui  eft  afléz  ordinaire  aux  per- 
fonnes  affligées  de  la  goutte ,  du  fcorbut , 
deshémorrhoïdes,  de  i'afFeâ:ion  hypocon- 
driaque ,  hiftérique  ,  &c.  doivent  obferver 
un  régime  f évere  ,  éviter  les  pafïîons  violen- 
tes,  s'abftenir  des  alimens  de  difficile  digef- 
tion,  gras  èc  falés,  entretenir  la  tranfpi- 
ration  ,  fur-tout  dans  le  bas-ventre  &  la  ré- 
gion des  reins ,  tenir  les  pies  chauds ,  mettre 
en  pratique  les  friélions ,  l'exercice  de  quel- 
queefpece  qu'il  foit ,  éviter  les  vins  fufpeéts , 
les  liqueurs  ipiritueufes ,  les  fruits  d'été  qui 
ne  font  pas  mûrs ,  &c. 

Obfervations  cliniques.  Comme  la  plupart 
des  coliques  font  accompagnées  d'inflamma- 
tion ,  ou  que  l'inflammation  ne  manque 
guère  de  furvcnir ,  il  faut  tout  mettre  en 
ufage  pour  domter  cette  inflammation  ou 
pour  la  prévenir.  Dans  les  douleurs  fpafmo- 
diques  des  inteftins  ,  on  doit  s'abftenir  des 
vomitifs ,  des  cathartiques ,  des  lavemem 
d'une  qualité  acrimoiiieufe.  Si  la  conftipa- 
tion eft  jointe  à  la  colique ,  &  qu'elle  foit  in- 
vétérée ,  il  eft  befoin  de  répéter  les  clyfteres 
plufieurs  fois  de  fuite ,  d'y  joindre  les  fup- 
pofitoires  &  les  fomentations  émollientes  fur 
le  bas-ventre.  La  fumée  de'  tabac ,  que  quel- 
ques-uns recommandent  d'injeéter  dans  le 
fondement  par  le  moyen  d'une  feringue  con- 
venable, doit  être  abandonnée  aux  maré- 
chaux pour  les  chevaux.  On  s'abftiendra  des 
carminatifs  ,  des  échauffans ,  des  fudorifi- 
ques  dans  toutes  les  coliques  convulflves  & 
inflammatoires.  Enfin  l'on  évitera  de  tom- 
ber dans  l'erreur  des  praticiens ,  qui ,  tant 
que  la  colique  eft  encore  renfermée  dans  les 
bornes  de  l'inflammation ,  l'artribuent  mal 
à  propos  au  froid ,  au  flatuoiités ,  aux  vents\^ 
&  la  traitent  par  des  remèdes  chauds^ 


COL 

carminatifs,  dont  les  fuites  font  très-funeftes. 
H  faut  efpérer  que  cette  mauvaife  pratique , 
contraire  à  tous  les  principes ,  tombera  dans 
notre  pays  avec  les  livres  qui  la  recomman- 
dent ;  c^eft  ici  où  la  bonne  théorie  doit  fervir 
de  guide  ,  &  c'efl:  dans  le  traité  d'HofFman 
fur  cette  matière  qu'on  la  trouvera.  Toutes 
les  obfervations  qu'on  lit  dans  tant  d'ouvra- 
ges fur  la  colique  guérie  par  tels  ôc  tels  remè- 
des ,  par  les  noix  de  Bicuibas ,  ki/i.  del'Acad. 
des  Sciences ,  îjio,  page  z  6",  par  la  Pareira- 
brava  ,  ib.page^j  ^  par  des  teintures  chymi- 
ques  ,  1753,  Mém.  page  %6x,  dcc.  tous  ces 
remèdes,  dis-je  ,  &  autres  les  plus  vantés, 
ne  fervent  qu'à  jeter  dans  l'erreur. 

Antiquité  delà  maladie.  Sipréfentementà 
la  diverlité  prodigieufe  descaufes  de  Xicolique 
on  joint  la  connoilTance  de  la  ftruéture  de 
notre  machine ,  de  en  particulier  des  intef- 
tins ,  qui  font  le  (îege  de  cette  maladie ,  on 
ne  pourra  douter  que  fon  exiftence  ne  foit 
un  apanage  inféparable  de  l'humanité.  Jeiai 
bien  que  le  nom  de  cette  maladie  eft  du 
nombre  de  ceux  qui  ne  fe  trouvent  point 
dans  HippoGrate  ;  mais  il  ne  s'enfuit  pas  de- 
là que  la  maladie  n'eût  pas  lieu  de  fon  temps. 
Elle  eft  certainement  comprife  fous  le  nom 
de  tranchées  ou  de  douleurs  de  ventre ,  dont 
il  parle  en  pluiieurs  endroits  ;  &  en  effet  la 
colique  eft-elle  autre  chofe? 

S'il  en  faut  croire  Pline ,  le  nom  n'étoit 
pas  feulement  nouveau  du  temps  de  Tibère , 
mais  la  maladie  elle-même  étoit  toute  nou- 
velle, èc  perfonne  n'en  avoir  été  attaqué 
avant  cet  empereur ,  enforte  qu'il  ne  fut  pas 
entendu  à  Rome  lorfqu'il  fit  mention  de  ce 
mal  dans  un  édit  où  il  parloir  de  l'état  de  fa 
fanté.  Il  fe  peut  que  le  nom  de  colique  eût 
été  inconnu  jufqu'à  ce  temps-là,  mais  la 
confëquence  du  nom  à  la  choie  eft  pitoyable. 
Les  médecins  inventèrent  un  nouveau  mot , 
foit  pour  flatter  l'empereur ,  foit  pour  fe  faire 
plus  d'honneur  dans  la  guérifon  de  la  mala- 
die ,  foit  pour  fe  fingularifer  dans  cette  con- 
jonéburc  :  cette  efpece  de  charlatanerie  n'eft 
pas  fans  exemple. 

Quand  Mademoifelle  eut ,  il  y  a  quelques 
années ,  une  petite  vérole  qui  heureufement 
fut  légère,  M.  Sylva  fon  médecin ,  dont  la 
pratique  condftoit  en  néologifme  &  en  tour- 
nures gentilles  de  ces  bulletins  modernes 
qu'on  compofe  fans  réflexion  pour  le  public , 


COL  4^7 

&  qu'il  lit  fans  intérêt  ou  fansetre  mkux  inC. 
truit  de  l'état  du  malade;  M.  Sylva,  dis-je, 
quahfia  pour  lors  le  premier  du  nom  de  dif 
crête  la  petite  vérole  de  S.  A.  S.  Le  terme 
bien  imaginé  prit  faveur  ;  mais  l'efpece  de  ' 
petite  vérole  en  queftion  n'étoit  pas  plus 
nouvelle  dans  le  monde  que  la  colique  l'étoit 
du  temps  de  Tibère.  Si  la  petite  vérole  dif- 
crête  devient  plus  rare  parmi  les  grands ,  la 
colique  y  devient  plus  commune  ;  &  n'eût- 
elle  pour  caufe  que  la  feule  intempérance , 
on  peut  préfumer,  fans  crainte  de  fe  trom- 
per ,  que  ce  mal  fubfiftera  jufqu'à  la  fin  du 
monde.  (  M.  le  chevalier  de  Jau court.) 
Colique  bilieuse,  (Médec)  efpece  de 
coliq^eqni  procède  d'un  débord  de  bile  âcrc 
dans  les  inteftins. 

Cette  efpece  de  colique  e(\:  très-commune ,' 
&  règne  fur-tout  en  été  &  au  commence- 
ment de  l'automne;  elle  attaque  principa- 
lement les  jeunes  gens  d'un  tempérament 
chaud  ôc  bilieux ,  les  perfonnes  qui  vivent 
d'alimens  gras  ,  huileux,  alkalins  &  pour- 
riftans ,  les  gens  riches  ,  qui  ont  ce  qu'on 
nomme  les  meilleures  tables,  fervies  des 
plus  rares  poiflbns  &  du  gibier  le  plus  dé- 
licat par  fa  chair  &  fon  fumet. 

Les  fymptomes  de  cette  maladie  font  des 
douleurs  vagues  6c  violentes  dans  le  ventri- 
cule ,  les  inteftiiis ,  les  hypocondres ,  le  dé- 
goût, les  naufées ,  le  vomilTement,  la  conf- 
tipation  ,  des  tiraillemens  ,  des  agitations , 
des  fueurs  froides,  des  fyncopes,  l'abatte- 
ment des  forces ,  la  déjeétion  d'une  matière 
jaune ,  verte ,  poracée ,  acre  &  corrofive. 

L'indication  curative  confifte  à  évacuer 
cette  humeur ,  à  la  mitiger  ôc  à  appaifer  les 
douleurs.    - 

On  ne  peut  trop  tôt  employer  la  fiignée , 
les  boiflbns  aqueufes,  fimples  ,  légères, 
diluentes  ,  en  quantité;  les  purgatifs  doux, 
liquides ,  fouvent  répétés ,  Ôc  fuivis  des  nar- 
cotiques après  leur  effet;  les  clyfteres,  les 
fomentations  adoucilTantes  fur  le  bas-ventre, 
les  bains  chauds  faits  avec  les  plantes  émol- 
hentes ,  Ôc  joints  avec  foin  à  tous  ces  remè- 
des. Pour  confirmer  la  guérifon  &  empêcher 
la  rechute ,  la  diète  févere  eft  abfolument 
néceffaire ,  la  boiffon  de  crème  de  riz,  d'or- 
ge ,  de  gruau ,  les  panades,  le  lait  coupé,  la 
promenade^  en  voiture  ôc  enfuite  à  cheval. 
Enfin  on  rétablira  peu  à  peu  prudemment 

N  n  n  z 


4^  C.OL^ 

par  les  {lomachiqucs  le  ton  des  vi  fcercs  afroi- 
blis  :  je  renvoie  le  ktbeur  à  Sydcnham,  qui 
a  cîoriné  une  defcriprion  fi  complète  &  ii 
fsge  de  cette  efpcce  de  cd/que  ,ftâ.  iv ,  ch. 
rij,  qu'elle  ne  lai iTe  rien  à  dcfn-er.  {M.  le 
charalier  DE  Jau COURT.) 

\.  CotiQUE  DF  Poitou  ,  (  Médec.  )  efpcce 
particulière  de  cdiçuequï  provient  des  exha- 
iriifons  ,  des  préparations  de  plomb  ,  &  de 
lufage  des  vins  iophiftiqués  avec  des  prépa- 
rations de  ce  métal  ;  en  latin  colica  Piâonum. 
Eu  I  yji  5  dit  M.  de  Thou  ,  urne  VI, 
ynge  f^-i,! ,  la  France  fut  affligée  d'une  mala- 
die julqu'alors  inconnue,  qu'on  nomma 
colique  de  Poitou ,  parce  qu'elle  commença 
à  fe  faire  fentir  dans  cette  province. Dès  qu'un 
homme  en  eft  attaqué ,  ?joute-t-il,  fon  corps 
devient  comme  paralytique  ;  il  a  le  vifage 
pale  ,  l'efprit  inquiet  j  des  maux  de  cœur, 
des  vomiffemens ,  un  hoquet  continuel , 
ime  foif  ardente,  une  difficulté  d'uriner, 
luie  douleur  violente  dans  l'eflomac  ,  les 
inteflins  ,  les  hypocondres ,  les  reins  ;  il  y 
en  a  même  dont  les  pies ,  les  jambes ,  &  les 
mains,  deviennent  paralytiques ,  après  avoir 
été  attaqués  de  convulfions  cpileptiques , 
ùc.  Ce  trait  hiftorique  efl  d'autant  plus  fin- 
gulier ,  que  d^un  coté  il  renferme  une  def- 
cription  exadte  des  fymptomes  de  la  coli- 
que des  plombiers ,  autrement  dite  colique 
des  peintres ,  colique  convuljlve  faturnine  ;  &c 
que  de  l'autre  on  ne  comprend  guère  com- 
ment elle  efc  refiée  inconnue  dans  ce  royau- 
me jufqu'au  temps  où  M.  de  Thou  en 
rapporte  la  naiflànce.  Quoi  qu'il  en  foit , 
c'efl  une  colique  nerveufe ,  qui  depuis  n'a  fait 
que  trop  de  progrès  dans  l'Europe ,  ôc  dont 
voici  la  caufe  &  les  fymptomes. 

Elle  provientdes  vapeursqui  s'élèvent  des 
fourneaux  oii  l'on  fond  le  plomb ,  que  l'on 
1  efpire  &  que  Ton  avale  avec  là  falive.  Elle 
eft  très-frcquente  parmi  les  ouvriers  qui 
s'occupent  à  fondre  ,  à  purifier  ce  métal , 
ou  à  le  féparer  de  l'argent  dans  àts  four- 
neaux d'affinages  ,  comme  le  pratiquent 
ceux  qui  travaillent  dans  les  mines  de  la  forêt 
Noire  en  Allemagne ,  dans  celles  d'Angle- 
terre en  Derbishire ,  de  ailleurs ,  où  malgré 
l'attention  que  l'on  a  de  ne  drefïer  les  four 
neaux  que  iur  des  lieux  élevés ,  &  de  les 
cxpcfer  aux  vents ,  les  exhalaifons  en  font 
fatales  aux  ouvriers^  aux  habitans,  6c  même 


COL 

en  Angleterre  aux  animaux  qui  pafîtnt  près 
des  minerais  de  plomb.  Les  poititrs  de  terre , 
qui  fe  (crvent  delalquifoux,  efpece  de  plomb 
minéral  difficile  à  fondre  ,  eu  de  plomb  en 
poudre  ,  peur  vernir  leurs  ouvrages ,  font 
fort  lujets  à  cette  efpece  de  colique.  Les  pein- 
tres qui  emploient  la  cérufe  ,  n'y  font  pas 
moins  expofés ,  de  même  que  les  fcmir^es 
qui  mettent  du  blanc,  compoiition  perni- 
cieufe  pnr  la  cérufe  qui  en  Cm  la  bafe ,  dont 
le  moindre  effet  eft  celui  de  defiécher  li 
peau ,  &c  d'avancer  par  les  rides  la  vieilleflè 
qu'elles  fe  propofent  d\-loigner. 

On  eft  encore  convaincu  par  plufîeurs 
expériences,  que  les  médicamens  dans  la 
compofîtion  ciefquels  il  entre  du  plomb, 
com-ine  la  teinture  antiphtifique,  le  fuc, 
fel  magiftere  ou  vitriol  de  Saturne,  que  les 
charlatans  prefcrivent  intérieurement  contre 
le  crachement  de  fang ,  le  piflèment  de  fang  > 
la  gonorrhée ,  les  fleurs  blanches ,  &  autres 
maladies  femblables,  produifent  enfin  cette 
malheureufe  colique. 

Mais  l'ufage  que  plufieurs  marchands  de 
vin  font  aujourd'hui  de  la  cérufe  ou  de  la 
litharge  pour  éclaircir  ,  corriger  ,  édulcorer 
leurs  vins ,  a  fi  fort  répandu  cette  cruelle 
maladie  dans  toute  l'Europe ,  que  les  fouve- 
rains  font  intéreffés  à  chercher  les  moyens 
les  plus  convenables  pour  en  arrêter  le  couis. 
Perlbnne  n'eft  à  l'abri  des  triftes  efî^ts  qui 
réfultent  de  cette  fophiftication  de  vins ,  &c  , 
particulièrement  des  vins  acides ,  comme 
par  exemple  ,  des  vins  du  Rhin ,  que  l'on 
édulcore  de  cette  manière  en  Suabe  de  ail- 
leurs avant  de  les  envoyer  en  Hollande  ,  Se 
dans  les  autres  pays  où  ces  fortes  de  vins 
adoucis  font  recherchés. 

Il  eft  donc  certain  que  toutes  les  parties, 
du  plomb ,  fes  exhalaifons ,  fa  poudre ,  ôc 
Ces  préparations,  produifent  principalement 
la  colique  de  Poitou ,  dont  voici  les  fymp« 
tomes.  - 

Le  malade  eft  attaqué  de  douleurs  aiguës. 
&  infupportables  dans  le  bas- ventre,  qui  fbnc 
vagues  ou  fixes  :  il  relient  une  douleur  lanci- 
nante &  poignante ,  dans  l'eftomac ,  dans 
ie  non.brill,  dans  les  hypocondres  ,  une 
:onftipation opiniâtre ,  qui  cède  à  peine  aux 
lavemens  ôc  aux  laxatifs  ;  des  agitations  con- 
tinuelles, le  dégoût,  des  naufées ,  la  pâleur, 
ia  frigidité ,    des   fueurs ,    des  fyncopes. 


COL 

friquentes ,  Pabattemenr  de  toutes  les  for- 
ces ,  le  troubk  dans  toutes  les  fecrétions,Ie 
tremblement  ,  la  parnlyiie  qui  en  eft  une 
fuite,  ou  un  afthme  fpafmodique  incura- 
ble i  fymptomes  qui  ne  fe  manifeftent  dans 
route  leur  étendue  que  lorfqu''ii  n'y  a  plus 
de  remède. 

Pour  guérir  cette  maladie  ,  quand  elle 
n'eft  pas  parvenue  à  fon  dernier  excès  ,  il 
faut  employer  les  apéritifs ,  les  fondans  ,  les 
favonneux  ,  les  défobftruans  ,  les  lénitifs 
doux  &dcterf:fs  en  forme  liquide ,  médio- 
crement chauds  &  en  petite  dofe.  Dans  le 
temps  des  convulfions  fpafmodiques  ,  on 
donnera  les  caïmans ,  les  opiates  avec  le  fa- 
von  tart.ireux  ,  ou  Topium  mêlé  avec  le 
cûjtoreum  ,  les  clyfteres  avec  le  baume  de 
Copahu.  On  appliquera  fur  le  bas-ventre  des 
flanelles  trempées  dans  une  décodion  de 
fleurs  de  camomille ,  de  baies  de  genièvre, 
&  de  femences  carminatives  ;  des  demi-bains 
faits  avec  les  plantes  chaudes  &c  nervines.  On 
frottera  tout  le  corps ,  &:  en  particulier  les 
vertèbres  &:  le  bas-ventre ,  avec  les  fpiri- 
tueux  ,  les  huiles  de  romarin  &  autres  de 
cette  efpece.  Si  la  paralyfie  commence  à  fe 
former ,  il  faut  recourir  à  l'ufàge  des  eaux 
minérales  fulfureufes. 

Un  médecin  françois  a  donné  il  y  a  plus 
d\m  fîecle  un  traité  latin  in-/f.  decolicâ  Pic- 
tonum ,  qui  eft  inutile  aujourd'hui  j  mais  on 
trouvera  de  bonnes  obfervations  fur  cette 
maladie  dans  la  bibliothèque  raifiinnée.  (  M.  le 
chevalier  DE  JaucoUET.) 

Colique  ,  adj.  en  ariatomie  ,  fe  dit  de 
quelques  vaifl'eaux  qui  fe  diftribuent  au  co- 
lon. V^oye^CoLO^. 

COUR,  f.  m.  {Hift.  mod.)  officier  de 
l'empire  de  la  Chine  ,  dont  la  fondion  eft 
d'avoir' Pinfpedion  fur  ce  quife  pafle  dans 
chaque  cour  ou  tribunal ,  &  qui ,  fans  ctre 
membre  de  ces  tribunaux  ,  aiïiftc  à  toutes 
la  afîemblées ,  de  reçoit  la  communication 
de  toutes  les  procédures.  C'eft  proprement 
ce  que  nous  appelions  un  infjpecleur  ou  con- 
trôleur. 

Il  a  des  intelligences  fecretes  avec  la  cour  j 
&  dans  Poccafion  il  attaque  ouvertement  les 
mandarins  ,  &  cela  non-  feulement  fur  les 
fautes  qu'ils  peuvent  commettre  dans  leurs 
fondions ,  mais  même  dans  leur  vie  particu- 
lière &  privée. 


O  Q)  11^  4^^v 

Pourqu'ilfoitjn3tpai'.ttal,.o»lcrèndencié-, 
rement  indépendant ,  6c  fà.  charge  eft  per- 
pétuelle. Les  colirs  font  redoutibics-.,  njêmc- 
aux  princes  du  fang.  (  G  ) 

COLIS  ,  f.  m.  terme  de  négoce-  en  ufàge 
à  Lyon  ;  il  eft  fynonyme  à  ballot  ,  balle  , 
caijfe  y  &c,  y^o^'e:^  le  diclionn.  du  Commerce, 

COLISÉE ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  )  On  fait  que 
chez  les  Romains  c'étoit  un  amphithéâtre 
ovale  que  bâtit  l'empereur  Vefpaiîcn ,  près 
du  ballin  de  la  maifon  dorée  de  Néron. 

On  y  ^'oyoitdesftatuesquirepréfentoient 
toutes  les  provinces  de  l'empire,  &  dans  le 
milieu  étoit  celle  de  Rome  tenant  une 
pomme  d'or  dans  fa  main.  On  donnoit  en- 
core le  nom  de  colifée  à  un  autre  amphithéâ- 
tre bâti  par  l'empereur  Sévère. 

On  répréfentoit  dans  le cclifée  des  jeux  dc 
des  combats  de  gladiateurs  &  de  bêtes  fau- 
vages.  Ce  qui  refte  aujourd'hui  de  ces  édi- 
fices eft  tcès-peu  de  chofe ,  le  temps  Se  la 
guerre  les  ayant  réduits  en  ruines,  f^cye:^  ' 
Amphithéâtre.  Diâ.  de  Trév.  &  de  Me 
réri.  (  G  ) 

^COLISSE  ,  f.  m.  (  M^nuf.  en  fhie.  ) 
forte  de  mailles  entre  lefquelies  on  prend  les 
fils  de  la  chaîne  ou  du  poil ,  pour  les  faire.lc- 
ver  &  baifter  àdifcrétion.  Il  y  a  les  mailles  à 
grand  coVjJe  ;  ôc  les  mailles  h.  colijfe  fimpk. 
F'oye:^^  l'article  Y ELOVKS. 

COLL,  {Gécgr.)  île  dépendante  de  l'Éco{l  / 
fe,  du  nombre  des  Werternes,  jadis  lesAV- 
brides  :  elle  n'eft  féparée  de  celle  de  Tyre-Y 
qui  eft  à  fon  midi ,  que  par  un  canal  aflèz 
étroit  :  &  l'on  obfervc  que  la  nature  fit  ces 
deux  îles  particulièrement  l'une  pour  Pau- 
tre ,  en  ce  qu'il  naît  plus  de  filles  que  de 
garçons  dans  Tyre-Y  ,  de  plus  de  garçons 
que  de  filles  dans  Coll.  Cette  dernière,  un 
peu  plus  grande  que  la  première ,  a  dix  mil- 
les du  pays  en  longueur ,  6c  deux  en  lar- 
geur :  elle  eft  généralemeiu  fertile ,  &  Tes 
cotes  abondent  en  ftockfish.  Des  proteftans 
feulsPhabitent,  &  elle  appartient  à  l'une  des 
branches  delà  familie.de  Maclean.  {D.  G.) 

COLLADI ,  f.  m.  (  H"//?,  nat.  Botaniq.  )  . 
les  Brames  nomment  ainfi  &  tambidc-baio  ,   . 
lesPortugais/âv/7.f-orc/^e/><j ,  les  Hoikndois 
ocrhangers ,  un  arbre  du  Malabar  que  Van- 
Pvheede  a  fait  fort  bien  graver ,  fous  le  nom:' 
de  kaîou-konnas,ce^-h.-(Xne  cafte fauvage, 
au  volume  VI  de  ibn  Hortus  malabaricus  ,  . 


470  COL 

flanche XII:, page  %î  ;  c'eft  le mimofa 4  bîge- 
mina ,  inermis ,foliis  bigeminis  amplis  acumi- 
natis  y  de  M.  Linné  dans  fon^^^e/Tzj  naturœ , 
édition  1 1 ,  imprimé  en  1 767  ^page  6jG. 

Cet  arbre  s'élève  à  70  pies  ou  80  pies  de 
Iinuteur  i  Ton  tronc  a  1 5  ou  20  pies  de  haut 
fur  trois  à  quatre  pies  de  diamètre  ;  il  eft 
couronnépar  unecime  rphériquejCompoféc 
de  nombre  de  branches  alternes  ,  lèrrces , 
écartées d  abord  fous  un  angle  de  45  degrés, 
enfuite  horizontalement  à  bois  rouge  au  cen- 
tre ,  brun  à  l'aubier ,  recouvert  d'une  écorce 
rouge. 

Sa  racine  eft  très-longue ,  traçante ,  rouge 
dans  ion  bois  &  dans  Ton  écorce. 

Ses  feuilles  font  pinncesfîmplement,com- 
pofées  d^une  à  deux  paires  de  feuilles  ellipti- 
ques pointues  aux  deux  bouts ,  longues  de 
trois  à  cinq  pouces ,  deux  fois  moins  larges  , 
entières ,  minces ,  fermes ,  luifantes ,  brunes 
en  deflus  ,  plus  claires  en  deflbus , «relevées 
d'une  côte  longitudinale ,  ramifiée  de  huit  à 
dix  paires  de  nervures  alternes  ,  attachées 
vers  le  bout  d'un  pédicule  commun  cylin- 
drique, prelqu'une  fois  plus  court  qu'elles. 
Lesjeunes  branches  font  terminées  par  un 
panicule  une  fois  plus  long  que  les  feuil- 
les ,  partagé  dans  ia  moitié  fupérieure  en 
huit  à  dix  branches  alternes  ,  écartées  fous 
un  angle  de  45  degrés ,  portant  chacune 
quatre  ou  cinq  têtes ,  compofées  de  cinq  à 
fix  fleurs  fefïîles,  blanchâtres,  longues  de 
quatre  à  cinq  lignes. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite  ,  com- 
plète ,  monopétale ,  régulière ,  difpofée  au 
deflbus  de  l'ovaire  ;  elle  confifte  en  un  calice 
verd ,  caduc ,  à  tube  court ,  partagé  en  cinq 
dents ,  en  une  corolle  monopétale  blanche , 
une  fois  plus  longue,  à  cinq  divifions  retrouf- 
fées  en  deflbus ,  &  en  vingt-cinq  étamines 
une  fois  plus  longues ,  réunies  à  leur  origine 
&:  rapprochées  en  un  faifceau  ;  du  centre  de 
la  fleur  s'élève  uii  difque  en  pédicule  cylin- 
drique, aflez  éloigné  des  étamines,  portant 
un  ovaire  elliptique ,  applati ,  long ,  terminé 
par  un  ftyle  cyHndrique  ,  tronqué  &  cou- 
ronné par  un  ftigmate  velu. 

^/ovaire  en  mùriflant  devient  un  légume 
elliptique ,  long  de  cinq  à  fîx  pouces ,  fept  à 
huit  fois  moins  large  ,  roulé  en  deux  tours 
de  fpirale,  entouré  de  deux  groflès  nervures 
velues  :  vertes  extérieurement ,  jaune-rou- 


COL 

geâtre  au-dedans,  membraneux ,  fec, s'ou- 
vrant  en  deux  valfes ,  partagé  intérieure- 
ment en  dix  à  douze  loges  qui  contiennent 
chacune  une  gf  aine  lenticulaire  de  flx  lignes 
de  diamètre ,  noire ,  lifle ,  luifante ,  à  amande 
verte  ,  recouverte  de  deux  pellicules. 

Culture.  Le  colladi  croît  au  Matabar  dans 
les  terres  iàblonneufes  &  pierreufes  ,  fur- 
tout  autour  de  Parou  &  de  Repolin  ;  il  eft 
toujours  verd  &:  toujours  chargé  de  fleurs 
&  de  fruits. 

Qualités.  Ses  fleurs  font  fans  odeur  ;  les 
autres  parties  font  fans  faveur ,  mais  répan- 
dent une  odeur  forte  &  ingrate. 

Ufages.  Ladécoétion  de  fes  feuilles  ,  ou 
même  fon  écorce  réduite  en  pâte  avec  le  fu- 
crc,  guérit  la  lèpre  èc  empêche  les  cheveux 
de  blanchir. 

Remarque.  Quioique  cet  arbre  ait  beau- 
coup de  rapports  avec  l'acacia ,  il  eft  évident 
qu'il  doit  former  un  genre  particulier  dans 
la  famille  des  légumineufes,  &  qu'il  ne  doit 
point  être  confondu  avec?  lui  ,  &  encore 
moins  avec  la  feniitive  ,  mimofa ,  comme  a 
fait  M.  Linné  qui  n'a  pas  fait  aflez  d'atten- 
tion que  le  calice  de  la  fenfitive  eft  partagé 
en  1 5  dents  ,  que  fes  étamines  ne  paflènt 
pas  le  nombre  de  huit ,  &  que  fon  légume 
fe  fépare  par  articles.  Voye-;^  nos  Familles 
des  plantes  ,  volume  II  ,  page  ^z8.  {M, 
Adanson.  ) 

COLLAGE,  (  Jurifpr.)  Voy.  Col  âge. 

Collage,  terme depapeterie ;  c'eftla  der- 
nière préparation  que  Pon  donne  au  papier , 
&  qui  le  met  en  état  de  recevoir  Fécriture. 
Cette  préparation  confifte  à  l'enduire  feuille 
par  feuille  d'une  colle  faite  avec  des  rognures 
de  parchemin  &  de  peaux  de  mouton ,  & 
quelques  autres  ingrédiens  qu'on  y  ajoute- 
Pour  la  manière  de  coller  le  papier  ,  Foye^ 
l'article  Papier  ,  &  la  defcription  des  arts  & 
métiers  de  M.  Bertrand  in-^ . 

COLLAO  ,  (  Géog.)  contrée  de  l'Amé- 
rique méridionale  au  Pérou  ,  dans  la  pro- 
vince de  los-Charcas. 

COLLATAIRE,  f.  m.  (J^rr/pr.)  eft 
celui  que  le  collateur  a  pourvu  d'un  béné- 
fice. Cette  exprefïîon  eft  peu  ufitée;  on  dit 
plus  communément  le  pourvu  par  le  colla- 
teur. Voye';(De[îiCOTnhe ,  jurifprud.  canon,  p. 
Z 46* ,  coi  2, ,  fccl.  ij.  {A) 

COLLATÉRAL,  zà],' en  terme  de 


COL 

géographie ,  Te  die  d  un  lieu  j  d'un  pays  , 
ùc.  fitué  à  côté  d'un  autre.  Ce  mot  cft  com- 
pofé  de  cum  ,  avec,  &  de  latusy  côté. 

Collatéral.  Points  collatéraux  ,  dans 
la  cofmographie  ,  font  les  points  placés  entre 
les  points  cardinaux.  Fbye:^^  Cardinal  & 
Point. 

Les  points  collatéraux  fc  divifent  en  prin- 
cipaux ,  lefquels  font  ceux  qui  font  égale- 
ment éloignés  des  points  cardinaux  j  ik.  en 
fecondaires ,  qui  font  à  Tégard  des  premiers 
ce  que  ceux-ci  font  à  l'égard  des  cardinaux. 
Les  points  collatéraux  fecondaires  fe  divifent 
enfuite  en, fecondaires  du  premier  &  du 
fécond  ordre  :  ceux  du  premier  ordre  font 
également  diftans  des  points  cardinaux  & 
des  points  collatéraux  principaux  \  ôc  ceux 
du  fécond  ordre  font  également  diftans  ou 
des  cardinaux  &  des  fecondaires  du  premier 
ordre  ,  ou  des  principaux  &  des  fecondaires 
du  premier  ordre.  Fbje:^ Point. 

Ainiî  les  points  <:o//a/er^wa:principaux  (ont 
les  points  du  nord-eft ,  du  fud-eft ,  du  fud- 
oueft,  &du  nord-oueft.  Les  points  co//^/e- 
raux  fecondaires  du  premier  ordre ,  font  les 
points  du  nord  nord-eft ,  fud  fud-eft  ,  &c. 
ceux  du  fécond  ordre  (ont  les  points  du  nord 
quart  de  nord-eft ,  fud  quart  de  fud-eft ,  &c. 
Les  vents  collatéraux  font  ceux  qui  fouf- 
ilent  des  points  collatéraux.  Voye^  Vent. 

Tels  font  les  vents  de  nord-eft ,  fud-eft , 
nord-oueft  ,  fud-oueft ,  &c.  6c  leurs  divi- 
fions.  Cham.  (O) 

Collatéral,  (Jurifpr.)  eft  celui  qui 
eft  parent  de  quelqu'un  à  latere ,  c'eft-à-dire 
de  coté ,  ôc  non  en  ligne  direéte  :  les  frères, 
les  oncles  5  lescoufîns,  fom  des  collatéraux; 
ils  fojment  ce  que  l'on  appelle  la  ligne  colla- 
térale ,  qui  eft  oppofée  à  la  ligne  directe.  On 
diftingue  deux  fortes  de  collatéraux  ;  les  uns 
qui  tiennent  en  quelque  forte  lieu  de  père  & 
de  mère  ,  tels  que  les  oncles  &  tantes, 
grands-oncles  &c  grandes-tantes  :  on  les 
appelle  collatéraux  afcendans  yipour  les  diftin- 
guer  des  autres  qui  font  en  parité  de  degré  , 
ou  en  degré  inférieur  ,  tels  que  les  frères  ôc 
fœurs ,  coufins,  arricre-coufîns.  On  diftin- 
gue aufîi  les  fucceffions  diredes  des  fuccef- 
fîons  collatérales  ;  ces  dernières  font  celles 
auxquelles  les  collatéraux  font  appelles.  Voy. 
Consanguinité  ,  Degré  ,  Parente  , 
Succession. 


COL  471 

Collatéral  ,  à  Rome  ,  eft  un  juge 
civil  qui  fait  la  fondion  d'afleffeur  ou  con- 
feiller  auprès  du  maréchal  de  cette  ville ,  & 
juge  avec  lui  les  caufes  d'entre  les  bourgeois 
èc  autres  habitans  :  il  y  en  a  deux  ^  Tun  qu'on 
appelle  premier  collatéral  ,  l'autre  qu'on 
:i'ppt\k  fécond  collatéral.  Voyc^  le  dicl.  hifi. 
de  Moréri ,  au  mot  pape ,  à  l'aiTicIe  des  cfi~ 
ci  ers  du  palais.  (A) 

COLLATÉRALES  ,  artères  ,{Anat.  ) 
ce  font  trois  rameaux  qui  naiflènt  de  l'artère 
brachiale ,  un  peu  au  defTus  du  pli  du  hrzs. 
Le  premier  de  ces  rameaux  fournit  des  rami- 
fications au  mufclcenconé  interne,  defcend 
fur  le  condyle  interne  de  l'os  du  bras ,  & 
communique  là  avec  des  artères  de  l'avant- 
bras.  C'eft  l'artère  collatérale  interne.  Le 
fécond  rameau  naît  de  même ,  j  ette  une  arté- 
riole  qui  fournit  du  fang ,  derrière  le  condyle 
interne  ,  aux  mufcles  voifins  ,  &  va  com- 
muniquer avec  une  branche  de  l'artère  cubi- 
tale qui  embrafle  le  pli  du  bras,  &  qui  fc 
nomme  collatérale  externe.  Le  troi/ieme  ra- 
meau eft  un  produit  femblable  de  l'artère 
brachiale .  lequel  pafTe  aulli  devant  le  même 
condyle ,  &:  communique  de  la  même  ma- 
nière avec  l'artère  cubitale  ,  par  un  rameau 
de  cette  artère  qui  remonte  de  l'avant-bras. 
C'eft  par  le  moyen  de  ces  anaftomofès  des 
artères  collatérales,  que  les  parties  qui  font 
au-defTus  du  bras  peuvent  recevoir  du  fàng 
&  fc  nourrir  ,  après  qu'on  y  a  fait  l'opéra- 
tion de  l'anévrifme.  (-f-) 

COLLATÉRAUX  ou  LATÉRAUX , 
{Jurifprud.)  font  aufîî  les  bas  côtés  d'une 
églife ,  autrement  les  ailes.  Dans  les  églifes 
paroifTiales ,  on  diftingue  les  collatéraux  du 
chœur  &  ceux  de  la  nef:  ces  derniers  font 
fans  difficulté  à  la  charge  des  habitans  :  à 
l'égard  des  premiers ,  il  y  a  eu  plus  de  diffi- 
culté; quelques-uns  ont  prétendu  que  quand 
ces  collatéraux  font  de  même  conftruétion 
que  le  chœur  ,  c'eft  aux  gros  décimateurs  à 
les  réparer  :  mais  les  derniers  arrêts  ont  jugé 
le  contraire  ;  ce  qui  eft  conforme  à  l'édit  de 
i6c)j  ,  qui  ne  charge  les  gros  décimateurs 
que  de  la  réparation  du  chœur  &  cancel , 
c'eft-à-dire  de  la  fermeture  du  chœur ,  Voyer 
le  traité  de^  loixdes  bâtimens par  Defgodets  , 
ch.  des  répaY,  des  bénéf,  &  les  notes  de  Goupy  , 
ibid.^A) 

COLLATEUR ,  f.  m.  {Jurifprud,)  en 


472  COL 

général  ,  efl  celui  qui  confère  un  bénéfice 
eccléfiaftique ,  c'eft-à  -dire  qui  en  donne  les 
proviiîons  j  au  lieu  que  le  patron  ou  préfenta- 
tcur ,  même  eccléfiaftique ,  ne  fait  que  nom- 
mer au  bénéfice  ,  &  fur  fa  nomination  il 
faut  enfuite  obtenir  des  provifions  de  celui 
qui  cft  le  coUateur  du  bénéfice. 

Le  pape  eft  le  (èul  coUateur  en  France  de 
tous  les  bénéfices  coniiftoriaux  fur  la  nomi- 
nation du  roi  ;  poUr  ce  qui  eft  des  autres 
bénéfices ,  même  éledifs ,  qui  ne  (ont  pas 
confiftoriaux ,  le  pape  en  eft  le  coUateur  par 
prévention  contre  les  archevêques,  évêques, 
&  autres  qui  en  font  coUateur  s  ordinaires. 

A  l'égard  de  tous  les  autres  bénéfices  qui 
ne  (ont  pas  confiftoriaux ,  les  archevêques  ^ 
évêques  font  chacun  dans  leur  diocefe  , 
les  co//^/ewrj  ordinaires  ,  faufle  droit  que 
quf  Iques  autres  coUateur  s  peuvent  avoir  fur 
certains  bénéfices. 

Il  y  a  des  abbés  ,  des  prieurs  ,  des  cha- 
pitres ,  &:  autres  bénéficiers ,  qui  (ont  coUa- 
teur s  de  certains  bénéfices. 

Il  y  a  inême  aufti  quelques  laïques  qui 
font  coUatew^  de  certains  bénéfices.  Voyei^ 

C  i -ap  rh  COLL  AT  EU  KS  LAÏQUES. 

Le  coUateur  ne  peut  fc  conférer  à  lui- 
même  le  bénéfice ,  quand  même  il  en  feroit 
auiïi  le  patron  eccléiîaftique. 

Qiiand  le  coUateur  inférieur  néglige  de 
conférer  le  bénéfice  dans  les  Cix  mois  de  la 
vacance  ,  le  droit  de  le  conférer  eft  dévolu 
au  coUateur  fupérieur.  Si  c'eft  un  iimple 
bénéficier  qui  eft  coUateur  ,  le  droit  pallè 
à  révêque  ;  fi  c'eft  l'cvêque  ,  le  droit  eft 
dévolu  à  l'archevêque  ,  &.de  celui-ci  au 
primat ,  cette  dévolution  fe  faiiant  de  gradu 
ad  graduni. 

CoLLATEUR  ÀBSo'i.u  ,  fc  dit  de  celui 
qui  eft  tout  à  la  fois  patron  &  coUateur  du 
bénéfice  ;  on  l'appelle  auffi  coUateur  direcî; 
ou  plein  CoUateur. 

Il  y  a  des  abbés  ,  des  chapitres ,  &  autres 
bénéficicrs  inférieurs  à  l'évêqUe ,  qui  font 
coUateur  abfolus  de  certains  bénéfices. 

Qiielqueslaïques  jouiflentmême  de  cette 
prérogative.  Le  roi  eft  coUateur  abfolii  de 
tous  les  bénéfices  dont  il  eft  patron  :  il  eft 
aufïi  coUateur  abfclu,  comme  l'cvêque  l'au- 
roi:  été  ,  de  tous  les  binéfices  qui  vaquent 
pendant  que  la  régale  eft  ouverte. 

Les  patrons  qui  fcxit  en  même  temps' 


COL 

CoUateur  s  abfolus ,  n'ont  pas  communément 
le  droit  de  donner  le  vifa  ou  inftitution  cano- 
nique ;  ce  droit  appartient  naturellement  à 
l'évêque.  Il  y  a  cependant  des  patrons  co/Aî- 
teurs,[\xï  les  provifions  defquels  il  n'eft  pas 
néceftàire  d'obtenir  de  vifa  ;  Ôc  ce  font  prin- 
cipalement ceux-là  qu'on  peut  appeller  col- 
lateurs  abfolus  ,  ou  pleins  collateurs  ,  parce 
qu'ils  ont  omnimodam  difpojitioncm  benejicii. 
L'abbé  de  Fécamp  eft  coUateur  abfolu  de 
plus  de  cinquante  bénéfices  ,  qu'il  confère 
pleinement  fans  que  l'on  ait  bcfoin  du  vifa 
des  évêques  diocéfains. 

Quelques  abbefl'es  jouiftent  auiïî  de  ce 
droit ,  même  pour  des  bénéfices-cures. 

CoLLATEUR  ALTERNATIF,  eft  Cclui  quî 

confère  alternativement  avec  un  ou  plufieurs 
autres  collateurs ,  foit  que  chacun  d'eux  aie 
fon  mois  ou  fa  femaine  pour  conférer  les 
bénéfices  qui  peuventy  vaquer,  ou  que  cha- 
cun confère  aiternativemen:  un  des  bénéfi- 
ces qui  viennent  à  vaquer.  Vuye-;^  Colla- 
tion ù  Tour. 

CoLLATEUR  DIRECT,  eft k même chofè 
que  CoUateur  abfolu ,  ouplein  coUateur,  Voy. 

COLLATEUR  ABSOLU. 

CoLLATEUR    ETRANGER  :  OU  COnfidetC 

comme  tel  celui  dont  le  chef-lieu  du  béné- 
fice eft  fitué  hors  l'étendue  du  royaume ,  (bit 
que  le  bénéficier  foit  regnicole ,  ouqu'il  foit 
perlonnellement  étranger  :  il  eft  également 
fujet  aux  loix  du  royaume  pour  les  bénéfi- 
ces étant  à  fa  collation  qui  font  fitués  dans 
le  royaume.  Vaillant  ,  ad  regul.  de  infirm. 
rejign.  n.  çl8i. 

CoLLATEUR  INFERIEUR  ,    cft    Cclui  au 

préjudiceduquel  un  autre  fo/Zû/ei/r  fupérieur 
a  droit  de  conférer  par  dévolution  ,  lorfque 
le  premier  manque  à  conférer  dans  les  iîvi. 
mois  de  la  vacance  :  ainfi  le  droit  pafle  du 
patron  à  l'cvêque  ,  de  celui-ci  au  métropo- 
litain ,  &  de  celui-ci  au  primat.  Voye-;^  Dé- 
volution. 

CoLLATEUR  LAÏQUE  ,  cft  uue  pcrfonue 
laïque  qui  a  droit  de  conférer  quelque  béné- 
fice eccléfiaftique.  On  qualifie  au  iTi  quelque- 
fois les  patrons  laïques  collateurs ,  mais  im- 
proprement,Ies  patrons  laïques  n'ayant  com- 
munément que  le  droit  de  nomination  &: 
préfenration  au  bénéfice;  ce  qui  eft  diffé- 
rent de  k  collation.  Voyei^ ci-après  Colla- 
tion &  Patronage. 

Cependarrf 


COL 

Cependant  il  y  a  des  laïques  qui  (ont 
réellement  collatcurs  de  certains  bénéfices. 

On  tenoit  autrefois  pour  principe,  que 
la  collation  d'un  bénéfice  eccléiiaftique 
étoit  un  droit  purement  fpirituel,  qui  ne 
pouvoir  appartenir  qu'à  des  eccléiiaftiques. 
Cap.  tranfmijf.  extr.  de  jure  patron.  Cap. 
mejfan.  de  ekcï. 

Le  pape  Léon  IX  défendoit,  en  l'an 
7049,  Li  vénalité  des  autels,  c'eft-à-dire , 
des  bénéfices ,  des  dîmes  &  oblations.  Dans 
le  même  fiecle  plufieurs  conciles  condam- 
nèrent le  rachat  des  autels ,  qui  le  (âifoit  en 
payant  à  l'évêque  une  redevance  à  chaque 
mutation  ,  comme  il  fe  pratique  envers  le 
feigneiir  pour  les  fiefs.  Yves  de  Chartres 
refula  de  permettre  ces  fortes  de  rachats, 
^C^^T^me,  il  paroît  pr.r  fon  épit.  xi;. 

Mais  depuis  que  Ton  a  dilHngué  la  colla- 
tion du  bénéfice  d'avec  l'ordination  du  bé- 
néficier, on  a  penfé  que  la  collation  n'a  pas 
la  mîme  fpiritualité  que  l'ordination i  que  la 
collation  des  bénéfices  ne  concerne  que  la 
difcipline  extérieure  de  l'églife ,  &  que  ce 
droit  peut  appartenir  à  des  laïques ,  d'autant 
qu'il  fait  partie  des  fruits  du  bénéfice,  dont 
les  laïques  ne  font  pas  incapables  de  jouir. 
Simon,  traité  du  droit  de  paironage ,  tit.  ij. 

La  collation  des  bénéfices  a  été  accordée 
à  quelques  laïques,  principalement  en  con- 
iîdérarion  de  la  fondation  &  dotation  qu'ils 
avoient  faite  de  ces  bénéfices.  Fevret,  tr.  de 
Vabus ,  tome  /,  Itv.  HT,  ch.  vij ,  n.  2§.  Il 
peut  néanmoins  y  avoir  de  telles  conceflions 
f  lites  pour  d'autres  fervices  elîentiels  rendus 
à  l'égliie  par  les  laïques,  auxquels  ce  droit 
a  été  accordé. 

Le  roi  eft  collateur  de  toutes  les  dignités, 
prébendes  &  bénéfices  inférieurs  des  faintes- 
Chapelles,  tant  celles  qui  font  de  fondation 
royale ,  que  celles  qui  ont  été  fondées  par 
des  feigncurs  particuliers  dont  le  domaine 
a  été  réuni  à  la  couronne.  Il  confère  aulîi 
les  bénéfices  de  plufieurs  autres  églifes  qui 
iont  de  fondation  royale.  Il  confère  pareille- 
ment feul  tous  les  bénéfices  a  la  collation 
de  l'évêque ,  qui  viennent  à  vaquer  pendant 
l'ouverture  de  la  régale.  Mais  je  ne  fais  fi  le 
roi  doit  erre  confidéré  comme  un  collateur 
purement  laïque ,  étant  perfonne  mixte  ,  à 
caufe  de  la  conjonârion  qui  fe  trouve  en 
fa  perfonne  du  facerdoce  &  de  l'empire  \ 
Tomt  FUI. 


COL 


473 


ratione  unclionis  fuce  &  chrijîianitatis  fuce. 
Fevret ,  ihid. 

Au  furplus ,  il  cft  conftant  qu'il  y  a  çlw- 
lîeurs  perfbnnes  purement  laïques  qui  lont 
'  en  droit  &  pofleiTion  de  conférer  des  béné- 
fices; il  y  a  même  des  abbefl  es  qui  ont  ce  droit. 
En  Bourgogne ,  les  fuccciTèurs  du  chance- 
lier Rolin,  &  les  feigneurs  de  Chagny,  con- 
fèrent les  prébendes  des  églifes  de  Nottc- 
Dame  d'Autun  &  de  Saint-Georges  deChà- 
lons,  qui  font  de  leur  fondacioii  &  dotation  : 
les  leigneurs  -  barons  de  Blaifon  &  de  la 
Guierche  en  Anjou,  les  feigneurs-marquis 
d'Epinay  &  comtes  de  Qiiintin  en  Bretagne, 
confèrent  les  chapelles  &  prébendes  de  leurs 
églifes  collégiales.  Le  chapitre  dileclo  de  tef- 
tibus,  fait  voir  que  la  coratefle  de  Flandre 
avoit  une  femblable  prétention. 

Il  y  a  auiïi  en  Normandie  beaucoup  de 


leigneurs  iaïques,  qui  lont  en  même  temps 
patrons  &  pleins  collateurs  de  certains  bi- 
néfices. 

Non  feulement  des  laïques  font  collateurs 
de  certaines  prébendes  &  chapelles,  mais 
même  auHî  de  bénéfices-cures,  &  à  charge 
d'ames  :  par  exemple ,  le  feigneur  de  la  ba- 
ronnie  de  Montchy-le-Châtel,  celui  de  Lu- 
fàrches  près  Pontoife,  nomment  à  des  cures  ; 
mais  ceux  qui  font  pourvus  par  ces  collateurs 
laïques  de  quelque  bénéfice  à  charge  drames, 
font  obligés  de  prendre  de  l'ordinaire  du 
lieu  une  inftitution  autorifàblc ,  avant  qu'ils 
puiflent  exercer  aucune  fonéiion.  Voye-^ 
Simon  ,  du  droit  de  patronnage ,  titre  xj. 

COLLATHUR  ORDINAIRE,  eft  tout  Col- 
lateur, foit  évêque  ou  archevêque ,  ou  tout 
autre  collateur,  (bit  eccléfiaf^ique  ou  laïque , 
auquel  appartient  en  premier  lieu  la  nomi- 
nation diC  provifion  d'un  bénéfice.  L'évêque 
eft  le  collateur  ordinaire  de  tous  les  bénéfices 
de  fon  diocefe,  s'il  n'y  a  titre  ou  ufage  con- 
traire. On  donne  à  ceux  qui  ont  le  premier 
degré  de  collation  ce  titre  de  collateurs  ordi^ 
naires ,  par  oppofition  aux  collateurs  fupé- 
rieurs  ,  qui  en  cas  de  négligence  de  l'infé- 
rieur, confèrent,  non  pas  jureordinaric,  mais 
jure  devolutOi  &c  par  oppofition  au  pape ,  qui 
confère  par  prévention  fur  tous  les  collateurs 
ordinaires,  quoiqu'iln'y  ait  pas  de  négligence 
de  leur  part.  Voyei^l'injîitut.  au  droit  eccléf, 
de  M.  Fleury,  tome  I,p.  ^G^^ù  la  biblioth. 
canon,  tome.  I,  au  mot  collateurs  ordinaires, 

Ooo 


474  COL 

COLLATEUR  PATRON,  eft  Ccluî  quî  cft 

en  même  temps  patron  &  collateur.  Il  y  a 
des  patrons  laïques  qui  font  collateur  s  j  de 
même  que  des  patrons  eccléfiaftiques.  V. 
ci'devaniCoLLATEVK  laïque  &  Patron. 

Collateur  plein  ,  eft  la  même  chofè 
que  collateur  abfolu  ou  collateur  direB^  c'eft- 
à-dire  celui  qui  eft  en  même  temps  patron 
&  collateur.  Ce  titre  ne  convient  propre- 
ment qu^à  i'évêquc  ou  à  certains  patrons 
collateur  s  fur  les  proviiîons  defquels  on  n'*a 
pas  befoin  d'obtenir  de  vifa. 

Collateur  supérieur  ,  eft  celui  qui 
confère  par  dévolution  au  défaut  de  l'infé- 
rieur. Voye-^^  ci-devant  Collateur  infé- 
rieur :  voyei^aujjî  Collation.  {A) 

COLLATIE,  <  Géog.  anc.  )  on  la  place 
dans  la  première  région  de  l'Italie ,  fur  le 
Teveron ,  en  allant  à  Tivoli  ;  aux  environs 
de  Sabine,  où  eft  maintenant  Cervara.  On 
prétend  que  c'eft  d'elle  que  fut  appellée 
la  porte  de  Rome,  connue  fous  le  nom 
de  Collatine  :  il  n'en  refte  que  des  ruines. 

COLLATIF,  adj.  {Jurifp.)  fe  dit  en 
matière  canonique ,  d'un  bénéfice  qui  eft 
à  la  difpofition  d'un  feul  collateur,  lequel, 
arrivant  la  vacance  dudit  bénéfice ,  peut  le 
donner  à  qui  bon  lui  femble  ,  pourvu  que 
ce  foit  à  quelqu'un  qui  ait  les  qualités  Ik. 
capacité  requiies. 

Les  bénéfices  purement  coUatifs  font  ainfi 
appelles ,  pour  les  diftinguer  des  bénéfices 
éleétifs-confirmatifs  ,  &  de  ceux  qui  font 
éleclifs-colla:ifs.  On  appelle  éleclifs-confir- 
matrfsy  ceux  auxquels  on  pourvoit  par  élec- 
tion &  confirmation ,  c'eft-à-dirc ,  auxquels 
il  faut  que  l'éleétion  foit  confirmée  par  le 
fupériear  :  les  bénéfices  ékâifs-coUatifs  font 
ceux  que  les  cleéleurs  confèrent,  élilant 
fans  que.Péleélion  ait  befoin  de  confirma- 
rioiii  au  lieu  que  les  bénéfices  purement 
coUatifs  fonf,  comme  on  Ta  dit  en  com- 
mençant j  à  la  difpofition  d'un  feul  colla- 
teur. Fbye5[ Bénéfice  6"  Collation.  {A) 

COLL ATIN  ,  adj .  (  Hift.  anc.  )  Le  mont 
^o//ï3r//zétoit  une  des  fept montagnes dcl'an- 
cienne  Rome,  &  la  porte  Collatine éto'n  celle 
qui  conduifoit  à  Collatie.  V.  Collatie. 

COLLATION ,  f.  f.  (lurifpr.)  Ce  terme 
eft  ufité,  tant  en  matière  civile  qu'en  matière 
bénéficiale ,  Ôc  a  différentes  iïgnifications. 

En  Dûatierç  civile-,  colla  tien  fi^nifie  quel-  ' 


COL 

quefois  la  comparaifon  que  l'on  fait  d*une 
pièce  avec  fon  original ,  pour  voir  fi  elle  y 
eft  conforme ,  &  la  m.ention  qui  eft  faite  de 
cette  collation  fur  la  copie  que  l'on  appelle 
alors  une  copie  ccllationnêe. 

L'ufage  de  ces  collations  doit  être  fort  an- 
cien ;  les  lettres  de  vidimus  qui  ie  donnoient 
dès  le  commencement  du  quatorzième 
fiecle ,  pour  la  confirmation  de  quelques  or- 
donnances rendues  précédemment,  étoieni 
une  véritable  collation  de  ces  lettres.  Les  an- 
ciens auteurs  fe  fervent  du  terme  de  vidimus 
pour  collation;  ôc  dans  quelques  provinces 
on  dit  encore  une  copie  vidimée  pour  copie 
collationnée.  Voye^  ViDIMUS. 

Je  n'ai  point  trouvé  le  terme  collation  em- 
ployé dans  aucune  ordonnance  avant  celle 
de  Philippe  de  Valois,  du  mois  de  fcvrier 
I  ^  17,  portant  règlement  pour  le  cliâtelet  de 
Paris;  lequel  porte,  article ^6,  que  la  col^ 
lation  des  pièces  (c'eft-à-dire,  la  vérification 
des  pièces  que  les  parties  produifoient  ) ,  fera 
faite  par  telles  perionnes  que  le  prévôt  éta- 
blira dans  huit  jours ,  qu'il  fera  conclu  en 
caufe  ;  &  l'article  57  ajoute  que  fi  aucune 
partie  eft  défaillante  de  faire  fa  collation  de- 
dans le  temps  que  les  parties  auront  accorde 
à  la  faire,  le  procès  fera  mis  au  confeil  pour 
juger.  On  met  encore  préfentement  dans  les 
appointemens  de  ôonclufion,  que  le  procès 
eft  reçu  pour  juger  en  la  manière  accoutu- 
mée,/flz//^/^/>eco//ar/o/2,  c'eft-à-dire,  fauf 
à  vérifier  fi  les  productions  font  complètes,. 
&C  fi  toutes  les  pièces  énoncées  en  l'iiivencaire 
de  production  font  jointes. 

Les  commis  greffiers  qui  expédient  les 
j  ugemens  fur  la  minute ,  mettent  au  bas 
de  la  copie  ou  expédition ,  collationné,  pour 
dire  qu'ils  ont  fait  la  collation  de  la  copie  on 
expédition  avec  l'original. 

L'ordonnance  de  Charles  V^  du  ly  janvier 
zj6y,  portant  réglemeiit  pour  le  châtclet,. 
dit  que  les  avocats  ne  plaideront  aucune, 
caufe,  s'ils  n'en  ont  fait  auparavant  co/Zû/zo/z,. 
&  qu'ils  n'e^feront  point  collation  en  juge- 
ment; que  swla  veulent  faire,  ils  fortironc 
de  l'auditoire,  &  la  feront  à  part.  Mais  M. 
Sccoufîè  penfe  que  le  terme  de  collation 
fignifie  en  cet  endroit  la  communication 
des  pièces  qwe  fo  font  réciproquement  les. 
avocats  :  c'eft  en  effet  une  efpece  de  vé- 
rification qu'ils  font  des.  faits,  fur  les  pièces* 


COL 

Les  lecretaîres  du  roi  ont  un  droit  de 
collation,  qui  leur  a  été  accordé  pour  la 
fignaiure  des  lettres  de  chancellerie ,  qu'ils 
iont  préfumés  ne  ligner  qu'après  les  avoir 
cbllationnées  ;  il  en  ell:  fait  mention  dans  le 
fciendum  de  la  chance^ilerie ,  que  quelques- 
uns  croient  avoir  été  rédigé  en  1 3  3  9 ,  d'au- 
tres en  141 5".  Il  y  eft  dit  que  la  collation  des 
lettres  doit  fe  faire  en  papier,  &  le  droit 
de  collation  que  Ton  doit  payer  pour  chaque 
forte  de  lettre  y  eft  expliqué. 

L'ordonnance  de  Charles  F7,  du  H/f  mai 
2g8^ ,  portant  confirmation  d'un  règlement 
fait  par  les  fecretaires  du  roi ,  pour  la  diftri- 
burion  des  droits  à  eux  appartenans  pour 
les  lettres  qu'ils  fignent,  porte  que  le  droit 
de  collation  qui  appartient  aux  fecretaires 
du  roi ,  fe  partagera  entre  eux  ;  que  ce  droit 
fera  reçu  par  deux  fearetaires  du  roi  députés 
par  la  compagnie,  &  diftribué  comme  il 
eft  dit  par  cette  ordonnance. 

Les  fecretaires  du  roi  ont  aulïî  le  droit 
de  délivrer  des  copies  collationnées  de 
toutes  lettres  de  chancellerie ,  contrats  & 
jugemens. 

Les  notaires  peuvent  aufTî  délivrer  des 
copies  collationnées  ,  tant  des  adles  qu'ils 
reçoivent  que  de  tous  autres  a6tes,  lettres  &: 
jugemens  qui  leur  font  reprcfentésj  ils  dif- 
tinguent  la  copie  collationnée  fur  la  minute 
de  celle  qui  n'a  été  collationnée  que  fur  la 
grollè  ou  fur  une  autre  expédition  ou  copie. 

La  collation  a  plus  ou  moins  de  force 
félon  le  plus  ou  moins  d'authenticité  de 
l'original  fur  lequel  elle  eft  faite;  ainfi  la 
collation  faite  fur  la  minute  fait  plus  de  foi 
que  fur  la  groflè  ou  expédition. 

On  diftingue  auili  deux  fortes  de  colla- 
tions; favoir  ,  la  judiciaire  de  l'extrajudi- 
ciaire  :  la  première  eft  celle  qui  fe  fait  en 
vertu  d'ordonnance  de  juftice,  les  parties 
intéreirées  préfentes  ou  ducment  appellées  ; 
l'autre  eft  celle  qu'une  partie  fait  faire  de 
fon  propre  mouvement ,  &  fans  y  appeller 
ceux  contre  qui  elle  veut  fe  fervir  de  la 
copie  collationnée. 

L'ordonnance  de  i6€j,  tit.  xij.  traite  de 
compulfoires  &  collations  de  pièces  ;  le  com- 
'  pulfoire  précède  ordinairement  la  collation. 
L'ordonnance  veut  que  les  afiîgnations  pour 
afiiftcr  aux  compulfoires ,  extraits  &  colla- 
tions de  pièces,  ne  fbient  plus  données  aux 


COL 


>47î 


portes  des  églifes  ou  autres  lieux  publics , 
pour  de-là  fe  tranfporter  ailleurs ,  mais 
qu'elles  foient  données  à  comparoir  au  do- 
micile d'un  greffier  ou  notaire,  &  que  les 
afiîgnatfons  données  aux  perfonnes  ou  do- 
miciles des  procureurs  aient  le  même  effet 
pour  les  compulfoires ,  extraits  ou  colla- 
tions de  pièces,  que  fî  elles  avoient  été 
faites  au  domicile  des  parties. 

Le  procès-verbal  de  compuhoire  &c  de 
collation  ne  peut  être  commencé  qu'une 
heure  après  Téchéance  de  l'afïignation  ;  & 
il  doit  en  être  fait  mention  dans  le  procès- 
verbal.  Voye-;^  Compulsoire. 

Ces  Collations  judiciaires  fe  font  par  le 
miniftere  du  greffier  ou  huiffier,  au  do- 
micile duquel  l'afïignation  eft  donnée. 

Les  pièces  ainfi  collationnées  font  la 
même  foi  que  l'original  contre  ceux  qui 
ont  été  préièns  ou  appelles  à  la  collation  ^ 
pourvu  que  les  formalités  néceflaires  y 
aient  été  obfervées. 

Les  collations  extraj  udiciaires  fe  font  par 
les  fecretaires  du  roi  ou  par  les  notaires  ;  on 
leur  remet  entre  les  mains  la  pièce  que  l'on 
veut  faire  collationner;  ils  en  font  faire  une 
copie  au  bas  de  laquelle  ils  mettent  :  Cslla^ 
tionné  à  l'original  (ou  autre  copie  ) ,  par  nous 
..,.,..  Ù  à  l'injlant  remis  l'origitwl 
(ou  autre  copie.) -F^/V  ^  ....  ce  ...  . 
Les  copies  collationnées  fur  le  requtfitoire 
d'une  partie ,  ne  font  foi  qu'autant  qu'on 
veut  bien  7  en  ajouter. 

Dumoulin ,  fur  {'article §  delà  coutume  de 
Paris  y  /z.  6j,  au  mot  dénombrement ,  dit  que 
quand  quatre  notaires  auroient  collationné 
une  copie  fur  l'original ,  &  qu'ils  ccrtifie- 
roient  que  c'eft  le  véritable  original  pour 
l'avoir  bien  vu  &  examiné ,  néanmoins  leur 
copie  collationnée  ne  fait  pas  une  pleine  foi 
fans  la  repréfentation  de  cet  original;  car, 
dit-il,  les  notaires  ne  peuvent  dépofèr  que  de 
ce  qu'ils  voient  ;  &  n'ayant  pas  vu  faire  l'o- 
riginal ,  ils  n'en  peuvent  pas  auflî  avoir  de 
certitude ,  ni  rendre  témoignage  que  la  pièce 
qu'on  leur  a  mife  entre  les  mains  fût  l'origi- 
nal. Il  en  feroit  autrement  fi  le  notaire  avoit 
lui-même  reçu  la  minute  de  l'adte  ou  s'il 
en  eft  dépofîtaire  ;  d'ailleurs  Dumoulin  ne 
parle  que  d'une  collation  extraj  udiciairc  faite 
fans  partie  préfénte  ni  appellée.  {A) 

CoiLATiON ,  (  Jurifpr.  )  en  matière 
Ooo  i 


binéficiale,  fe  prend  taiicot  pour  le  droit  de 
C3nférer  un  bénéfice  vacant  de  fait  ou  de 
droit ,  ou  de  fait  &  de  droit ,  ou  pour  l'ade 
par  lequel  le  collateur  confère  le  bénéfice , 
c'eft-à-dire  ,  donne  titre  &  provifion  par 
écrit  à  quclqu^un  pour  le  pallèder. 

Le  droit  de  collation  ne  doit  pas  être 
confondu  avec  celui  de  nomination  ou 
préfentation ,  ni  avec  celui  d'inflitution. 

Par  le  terme  de  Jimple  nomination  ou 
préfentation,  on  entend  le  droit  qui  appar- 
tient aux  patrons  laïques  ou  eccléliaftiques 
de  préfcnter  quelqu'un  à  Tévêque  pour 
erre  pourvu  du  bénéfice.  Une  telle  nomi- 
nation ou  préfentation  eft  fort  différente 
des  provifions  mêmes  ;  car  Pévêque  peut 
refuier  le  préfenté ,  li  celui-ci  n'a  pas  les 
qualités  &  capacité  requifes  pour  polTéder 
le  bénéfice  ;  &  s'il  le  trouve  capable,  il  lui 
donne  des  proviiions  ,  fans  leiquelles  le 
préfenté  ne  peut  jouir  du  bénéfice. 

On  fe  fert  néanmoins  quelquefois,  mais 
improprement  ,  du  terme  de  nomination 
pour  exprimer  le  droit  de  collation ,  ce  droit 
étant  fort  différent,  comme  on  voit,  de 
la  fimple  nomination  ou  préfentation. 

Pour  ce  qui  eft  du  terme  inJUtution,  il 
a  trois  li£;ni(ications  différentes;  car  il  le 
prend  quelquefois  pour  la  provilion  que 
Pévcque  ou  autre  collateur  donne  fur  la  pré- 
itntation  du  patron ,  ou  pour  Tautorifarion 
que  1  evêquc  donne  fur  des  provifions  pro- 
prement dites,  mais  d'un  collateur  qui  lui  eft 
inférieur  en  dignité  &c  en  puillance  ;  enfin, 
il  lignifie  aulTi  la  confirmation  que  le  col- 
lateur fait  d'une  éledion  à  un  bénéfice 
qui  eft  fujette  à  confirmation. 

La  collation  des  bénéfices  appartient  de 
droit  commun  à  chaque  évêque  ou  aiche- 
vêque  dans  ion  diocefè  j^  &:  au  pape  par 
prévention. 

Il  y  a  cependant  quelques  abbés ,  des 
cbapitres,  &  autres  ecclciiaftiques ,  qui  ont 
droit  de  ctllation  fur  certains  bénéfices,  pour 
Icfquels  le  pourvu  eft  feulement  obligé  de 
jreudre  le  vifa  ou  inûitution  canonique  de 
ï'évêque  ,  lorlqu'ii  s'agit  d  un  bénéfice  à 
charge  d'ames.  F.  înstitutiok,  Nomi- 

l^AllON  ,    PRÉSENTATION,  PROVISION. 

Ondiftinguedeux  fortes  de  coUativas;  fa- 
\eir,  la  collation  libre  ou  volontaire,  ik  la 
êuUatiii  ucceflaiiei  foicée  ou  involontaire. 


COL 

La  collation  eft  libre  &  volontaire ,  lorf^ 
que  Ï'évêque  ou  autre  collateur ,  eft  le  maître 
de  la  faire  à  qui  bon  lui  femble ,  fans  être 
aftreint  à  donner  le  bénéfice  à  une  perfonnc 
plutôt  qu'à  une  autre ,  à  caufe  de  quelque 
grâce  expedative,  telle  que  celle  de  l'induit 
ou  à&s  gradués ,  des  brevetaires  de  joyeux 
avènement  &  de  ferment  de  fidélité. 

On  appelle  collation  nêcejfaire ,  forcée  ou 
involontaire  ,  celle  dans  laquelle  le  collateur 
eft  obligé  de  conférer  le  bénéfice  à  celui  à 
qui  il  eft  affedté  par  quelque  expeélative  , 
par  exemple ,  à  un  gradué,  foit  que  le  col- 
lateur ait  le  choix  entre  plufieurs  gradués 
hrnples ,  ou  qu'il  foit  dans  le  cas  de  con- 
férer au  plus  ancien  gradué ,  qu'on  appelle 
gradué  nommé. 

Le  collateur,  pour  établir  fbn  droit  de  col- 
lation ^  n'a  pas  befoin  de  rapporter  de  précé- 
dentes provifions  du  même  bénéfice ,  don- 
nées par  lui  ou  par  quelqu'un  de  les  prédé- 
celleurs;  il  lui  fuffit  de  prouver  par  des  ades 
&c  titres  anciens  que  le  bénéfice  dépend  de 
lui,  &  qu'aucun  autre  collateur  n'en  réclame 
la  collation.  Voye:^  de  la  Combe ,  jurifprud.. 
canoniq.  au  mot  collât,  fecl.  j ,  n.  J. 

En  fait  de  collation^  trois  ades  difFérens, 
joints  à  une  poflcfiion  de  quarante  ans,  ac- 
quièrent le  droit  à  celui  qui  fe  prétend  col- 
lareur.  La  Rochefl.  liv.  /,  tit.  xxxiv,  art.  z« 

La  collation  m.ême  forcée  étant  toujours 
un  ade  de  jurifdiéfion  volontaire  ou  gra- 
cieuie,  peut  être  faite  en  tous  lieux  par 
le  collateur ,  même  hors  de  fon  territoire. 

Ceux  qui  ont  à  leur  collation  des  béné- 
fices fitués  hors  le  royaume ,  font  obligés 
de  les  confier  conformément  aux  loix  qui 
s'obfervent  dans  le  lieu  de  la  firuation  de 
ces  bénéfices;  &  par  une  fuite  du  même 
principe  ,  les  collateurs  étrangers  font  obli- 
gés de  le  conformer  aux  loix  du  royaume 
pour  les  bénéfices  qui  y  font  litués.  Du- 
mouUn,  de  infirm.  refign.  n.  2.8z.  Ainfr 
ils  ne  peuvent  conférer  qu  à  des  regnicoles^ 
Déclarât,  de  janvier  iGSî. 

La  collation  du  bénéfice  peut  être  faite  à 
un  abfenr ,  &  zeWe  collation  empêche  la  prt^ 
vcntion  ;  ilfuftit  que  le  pourvu  accepte  dans 
les  trois  ans ,  auquel  cas  Ion  acceptation  a 
un  effet  rétroadif  au  jour, des  provifions. 
Dumoulia,  ibid.  &  Louet,  n.  JX  &  JJ.. 

Uu  collateur  ne  peut  pas  fe  conférer  à  lui- 


COL 

msme  le  bé-îiélîce  q  ui  cft  à  fa  collation ,  quand 
même  il  en  feroit  auffi  patron  &  préfenta- 
teur  ;il  ne  peut  pas  non  plus  le  le  faire  donner 
par  ion  grand-vicaire,  s'il  en  a  un.  Capital. 
per  nojîras  ext.  de  jure  patron,  Voye^  ci-de- 
vant  au  mot  Collateur. 

Dans  les  colLt ions  qui  fe  font  paréleétion, 
les  électeurs  doivent  donner  leur  voix  à  un 
autre  qu'eux  ,  il  y  a  néanmoins  des  exemples 
que  des  cardinaux  Ce  donnent  leur  voix  à 
eux-mêmes ,  &  qu^un  cardinal  auquel  les 
autres  s'en  étoient  rapportés ,  s'eft  nommé 
lui-même  pape ,  ce  qui  eut  (on  effet. 

Deux  collations  ou  provifions  de  cour  de 
Rome  ,  faites  le  même  jour  Se  d'un  même 
bénéfice  à  deux  perfonnes  différentes,  fe 
détruifent  mutuellement  par  leur  concours, 
cap.  duohus  de  refcriptis  ,  in  fexto  ;  ce  qui  a 
lieu  quand  même  l'une  des  deux  collations 
oa  provisions  ie  trouveroit  nulle. 

En  cas  de  concours  de  deux  provifions  du 
même  jour ,  dont  l'une  eft:  émanée  du  pape, 
l'autre  du  collateur  ordinaire  ,  foit  l'évêquc 
ou  autre  collateur  fupérieur  ou  inférieur , 
celle  du  collateur  ordinaire  eft  préférée, 
quand  même  celle  de  cour  de  Rome  mar- 
querait Pheure.  Lebret ,  //v, /^,  drcijîon  I. 
Journal  des  aud.  arrêt  du  1 6  mars  iGGi. 

Lorlque  l  cvêque  ou  archevêque  &  leur 
grand-vicaire  ont  conféré  le  même  jour ,  le 
pourvu  par  Tévêque  ou  archevêque  eft  pré- 
féré ,  à  moins  que  le  pourvu  par  leur  grand 
"vicaire  n'eût  pris  pofleiïlon  le  premier.  Re- 
buffe  ,  tracl.  de  benef.  tit.  de  refcrip.  ad  bemf. 
y  ce.  Kuzé  i  privil.  ^G,  n.  lo. 

Dans  le  cas  où  deux  grands- vicaires  ont 
donné  le  même  jour  des  provifions ,  autre- 
fois on  donnoit  la  préférence  à  celle  qui  mar- 
quoit  l'heure;  mais  fuivant  la  déclaration  du 
10  novembre  1748 ,  la  feule  date  du  jour  eft 
utile.  Vcye:^  Date. 

Un  collateur  eccléfiaftique  ne  peut  varier  ; 
sll  confère  à  une  perionne  indigne  ou  inca- 
pable ,  il  perd  pour  cette  fois  la  collation  du 
bénéfice  ;  mais  le  collateur  même  eccléfiafti- 
que quiconferc  fur  une  démiftion  ou  permu- 
tation nulle  ,  peU'Ptonférer  le  même  bénéfice 
comme  vacant  par  mort  à  la  mêroeperfbn- 
ne  ;  cette  nouvelle  cu//,(7?/o^  n'eft  piÉj^fidé- 
rée  comme  une  variation  de  la  p;M,  étant 
faite  yî/3  diverfo  refpeclu. 

L"s  coilateurs  biques ,  foit  les  patrons  que 


COL  477 

l'on  comprend  quelquefois  fous  ce  terme  , 
foit  les  coilateurs  proprement  dits  ,  peuvent 
varier  dans  leur  collation  ;  ce  qui  ne  lignifie 
pas  qu'ils  puiflentenlever  au  pourvu  le  droit 
qui  lui  eft  acquis ,  mais  qu'ayant  fait  une  pre- 
mière collation  qui  eft  nulle,  ils  en  peuvent 
faire  une  féconde  ou  autre  fubféquente  , 
pourvu  qu'ils  foient  encore  dans  le  temps  de 
nommer.  l^<yye:^CoLLATEURS  laïques  6' 
Patrons. 

Dans  quelques  églifes  cathédrales  où  l'c- 
vêque  confère  des  bénéfices  alternativement 
avec  le  chapitre  ,  les  feules  lettres  àe  collation 
ou  provifions  données  par  l'un  des  deux  coi- 
lateurs font  tour ,  c'eft-à-dire  le  remplifïènc 
pour  cette  fois  de  fon  droit. 

Pour  ce  qui  eft  des  chapitres  qui  ont  la 
collation  de  quelques  bénéfices  ,  il  y  en  a  où 
tout  le  chapitre  en  corps  confère,  d'autres  où 
le  droit  de  co/to/o/z  s'exerce  par  chaque  m.em- 
bre  du  chapitre  alternativement,  c'etl-à-dirc 
que  chaque  chanoine  a  (on  mois  ou  fa  fe- 
maine ,  pendant  lequel  temps  il  confère  tous 
les  bénéfices  qui  viennent  à  vaquer  ;  &  s'il 
n'en  vaquoit  aucunpendant  fon  temps,  fon 
tour  ne  laiflèroit  pas  d'être  rempli. 

Pour  la  collation  libre  &  volontaire  ,  le 
collateur  n'a  que  fix  mois  pour  conférer  ;  ce 
temps  expiré,  le  droit  de  co//û//o/7 eft  dévolu 
pour  cette  fois  au  collateur  fupérieur  de  de- 
gré en  degré ,  c'eft-à-dire  de  l'abbé  ou  autre 
eccléfîafl-ique  à  Pévêque,de  celui-ci  à  l'arche-- 
vêque  ,  &  de  ce  dernier  au  primat. 

Dans  les  collations  forcées ,  comme  celles 
qui  fe  font  aux  indukaires,  gradués,  breve- 
taires  de  joyeux  avènement  &  de  ferment  de 
hdélité ,  l'expédiant  peut  obliger  le  collateur 
de  lui  donner  des  provifions  ,  même  après 
les  Çvji  mois  du  jour  de  la  vacance;  il  fuiîîr 
que  la  requiiition  ait  été  faite  dans  les  (n. 
mois.  Arrêt  du  %l  février  l6^6  ^  Journal  des 
aud. 

Le  collateur  en  conférant  le  bénéfice  ne 
peut  impofer  au  pourvu  la  condition  de  s'en 
démettre  dans  un  cenain  temps ,  ou  en  cas 
de  certains  événemens.  Il  ne  peut  pasnon^ 
|>lus  charger  le  pourvu  de  récompenfer  quel- 
qu'un ;  ce  feroir  une  claufe  fimoniaque. 

•  Toutes  provifions  doivent  être  fignées  de 
deux  témoins  connus,  domiciliés,  non  pa- 
rcns  ni  alliés ,  julques  &  compris  le  degré  du. 
coufin-^ermain ,  foit  du  collateur  >  foit  du 


478  COL 

pourvu ,  à  peine  de  nullité.  Rebufte  ^fur  te 
concordat  de  collât.  Voyez  audî  l'art,  ix  de 
ledit  de  1 646. 

L'édit  de  1691  ordonne,  ardclev,  que 
tous  coUateurs  autres  que  les  évêques ,  don- 
neront leurs  proviilons  devant  deux  notaires 
royaux  &C  apoftoliques  ,  ou  devant  un  tel 
notaire  &c  deux  témoins.  Mais  l  edit  ne  pro- 
nonce pas  la  peine  de  nullité  ;  8c  c'cft  appa- 
remment par  ce  motif  qu'une  collation  Elite 
fous  feing  privé  en  préfence  de  deux  térnoins, 
fut  confirmée  par  arrêt  du  grand-confeil  du 
iç)  juillet  171 1. 

Il  n'eft  pas  néceflaire  que  le  collateur  garde 
minute  des  provihons  qu'il  donne  ;  cela  fut 
ainfi  jugé  par  arrêt  du  grand-confeil  du 
6  mars  1727.  Jurifp.  can.  de  de  la  Combe , 
p.  148 ,  col.  %. 

Pour  la  validité  de  Pade  de  collation  ou 
provision ,  il  faut  que  cet  adte  contienne  Ta- 
drefle  du  collateur  à  celui  à  qui  il  confère  le 
bénéfice ,  le  droit  en  vertu  duquel  il  confère  ; 
&  fi  c'ell:  fur  la  préfèntation  du  patron  ,  les 
provifions  doivent  en  faire  mention  ,  &  de 
même  fi  c'eft  à  un  gradué  ,  indultaire ,  ou 
autre  expedtant ,  ou  ii  c'eft  par  droit  de  dé- 
volution. 

Il  faut  pareillement  exprimer  dans  les  provi- 
fions lesqualitésde  celui  que  le  collateur  pour- 
voit du  bénéfice ,  le  genre  de  la  vacance ,  la 
qualité  du  bénéfice ,  la  collation  en  faveur  de 
celui  auquel  le  collateur  veut  donner  le  béné- 
fice,la  date  de  l'aâ:e,la  fignaturedu  collateur 
&  des  notaires  &:  témoins  fur  la  minute  ou 
original  de  l'ade ,  &  le  fceau  du  collateur. 

Le  collateur  ordinaire  n'eft  cependant  pas 
absolument  obligé  d'exprimer  précifément 
le  genre  de  vacance  du  bénéfice  \  de  s'il  n'en 
exprime  point ,  tous  y  font  ccnfés  compris. 
Dumoulin  ,  de  public,  n.  zoo.Fbje^j^CoLLA- 
TEUR  6*  Provisions.  (  ^  ) 

Collation  ,  (  Économie  domejlique.  )  re- 
pas très-frugal  qu'on  fait  le  foir  les  jours  de 
jeûne,  &;  d'où  lepoiflbn  &  même  les  légu- 
mes cuits  font  profcrif  s. 

Le  même  terme  défigne  un  repas  très-dif- 


COL 

nairement  en  vifite ,  ou  à  la  fuite  de  quelque 
fête  ,  comme  daniès ,  bal ,  afl'emblée ,  &c. 

COLLATIONNEPv,veib.  ad.  terme  de 
Librairie;  quand  on  imprime  un  livre  ,  &C 
que  les  feuilles  en  ont  été  aflèmblées  ainii 
qu'il  a  été  dit  au  mot  ajfemblage ,  on  les  col- 
lationne  ,  c'eft-à-dire  qu'on  les  levé  par  des 
coins  pour  voir  fi  elles  (c  fuivent  bien  régu- 
lièrement, s'il  n'y  a  point  de  feuilles  de  trop 
ou  de  moins.  On  collationne  pareillement  un 
livre  entier  quand  on  veut  s'afiurer  s'il  eft 
complet,  ce  qui  fe  voit  par  la  fuite  non  in-  - 
terrompue  des  lettres  de  l'alphabet  qui  fc 
trouvent  au  bas  de  chaque  feuille. 

CoLLATiONNER ,  termed'  imprimerie  yCt^ 
voir  Se  vérifier  iur  une  féconde  épreuve  ,  Ci 
toutes  les  fautes  marquées  fur  la  première  ont 
été  corrigées  exactement  par  le  compoiiteur  ; 
la  même  vérification  fe  fait  enfuite  fur  la 
troisième  épreuve ,  &  quelquefois  fur  une 
quatrième ,  avant  d'imprimer. 

^  COLLE  ,  r.  f.  {Art  méchan.  &  Comm.) 
matière  fadice  &  tenace  qui  fert ,  quand 
elle  eft  molle  ou  liquide  ,  à  joindre pluiîeurs 
chofes ,  de  manière  qu'on  ne  puiflfe  point  leS" 
féparer  du  tout ,  ou  qu'on  ne  les  fépare  qu'a- 
vec peine  quand  elle  eft  fechc.  Il  y  a  diffé- 
rentes fortes  de  colle  ,  dont  nous  allons  faire 
mention ,  aprèsavoir  remarqué  que  M.  Muf- 
fchenbroek  dit  que  la  raifon  pour  laquelle  la 
colle  unit  deux  corps  entre  lefquels  elle  eft 
étendue ,  c'eft  qu'elle  s'infinue  dans  les  ca- 
vités de  leurs  furfaces  ;  d'où  il  arrive  que  ces 
furfacesfe  touchent  alors  par  un  plus  grand 
nombre  de  points  ;  fyftême  où  Fauteur  ne 
fiiit  point  entrer  la  delTication,  conditioir 
fans  laquelle  toutefois  les  corps  collés  ne  ré- 
fiftent  point  à  leur  féparation ,  quoique  leurs 
furfaces  fe  touchent ,  félon  toute  apparence, 
par  un  nombre  de  points  plus  grand  avant 
la  dedîcation  qu'après. 

CoLLE  d'Angleterre  owColle-forte; 
c'eft  une  dillblution  des  parties  animales 
membrancufes ,  cartilagineufes  &  tendineu- 
fes  qui  (e  fait  dans  l'eau.  On  defteche enfuite 
cette  difiblution ,  pour  en  faire  des  tablettes 


férent  du  précédent  j  car  on  eft  quelquefoiÉBfcui  fe  confervent  fans  (t  corrompre.  Les 
fervi  en  viandes  froides  ,  en  confitures ,  eir   jpiés ,  les  peaux  ,  les  nerfs ,  les  oreilles  de 


pâtifl'erie ,  en  fruits  &  en  vins  de  toute  efpe.- 
ce.  La  collation  prife  dans  ce  dernier  fens 
peut  être  moins  fo|nptueufe  ,  mais  ellç  n'a 
point  d'heure  prefcrite.  Elle  fe  pread  ordi- 


peaux 
bœuJ^ÉjÉj^eaux ,  de  moutons  font  d'excel- 
lente cZ^P^r/e.  On  fe  fert  le  plus  commu- 
nément des  rognures  de  cuirs,  ou  de  peaux 
de  ces  mêmes  animaux ,   que   l'on  mêle 


COL 

or(3inairemcnt  avec  moitié  d'oreiiioiis  de 
bœuf,  &  ce  mélange  préparé  de  la  manière 
que  nous  Vallons  dire ,  fournit  environ  un 
tiers  de  Ton  poids  de  bonne  colle-forte.  Par 
exemple ,  mille  livres  de  rognures  avec  cinq 
cents  livres  d'oreillons,  doivent  donner  entre 
cinq  &  fix  cents  livres  de  colle  ;  8c  en  variant 
les  doles  de  ce  mélange ,  on  donne  une  diffé- 
rente qualité  à  la  colle. 

On  met  tremper  féparément  chaque  ma- 
tière dans  de  grands  cuveaux  remplis  d'eau, 
vingt-quatre  heures  fuffiroient  pour  des 
peaux  fraîches  :  il  en  faut  davantage  pour  les 
peaux  feches ,  &c  beaucoup  plus  encore  pour 
les  vieux  cuirs,  ayant  foin  de  les  remuer  de 
temps  en  temps ,  foit  avec  une  fourche  ou 
avec  une  pelle.  Qiiandcesmatieres  font  bien 
pénétrées  d'eau ,  on  les  retire  des  cuveaux 
&  on  en  charge  des  civières  grillées,  plus 
étroites  par  le  fond  que  par  le  haut  :  ces 
civières  font  faites  avec  les  barreaux  ou  pau- 
melles qui  font  reçues  dans  un  fort  bâtis  de 
charonnage  ou  de  menuiferic.  Ces  cuirs 
s'égouttent  dans  ces  civières ,  enfuite  on  les 
lave  à  la  rivière ,  ou  dans  un  grand  réfervoir 
d'eau  ,  aux  bords  duquel  on  établit  des  ca- 
ges à  Jour ,  que  Ton  plonge  dans  l'eau  & 
qu'on  en  retire  à  volonté  au  moyen  d'un 
chafïis  qui  forme  une  bafcuiC.  Tandis  que 
la  cage  où  l'on  met  les  morceaux  de  cu:rs , 
trempe  dans  l'eau ,  on  les  remue  fortem.ent 
avec  un  bouloir ,  ou  un  barateau.  De  temps 
en  temps ,  on  abaiife  la  queue  delà  bafcule  , 
pour  faire  forrir  la  cage  de  l'eau  ,  afin  que 
les  cuirs  s'égouttent,&  que  l'eau  fale  en  forte. 
Puis ,  on  les  replonge  de  nouveau  &  on 
les  remue,  répétant  cette  manœuvre jufqu'à 
ce  qu'ils  foient  bien  nettoyés,  ce  que  l'on 
reconnoît  lorfque  l'eau  qui  en  fort  eft  claire. 
Les  oreilles  fur-tout  qui  confervent  ordinai- 
rement plus  de  faletés,  ont  befoin  d'un  lavage 
multiplié. 

Après  le  lavage ,  on  porte  les  cuirs  dans 
des  cuveaux  cerclés  de  fer ,  pour  les  y  faire 
tremper  dans  une  eau  de  chaux  plus  ou 
moins  foible.  On  fe  fert  toujours  des  civiè- 
res grillées  pour  porter  les  cuirs  5  Se  pour  les 
manier ,  Pon  fe  fert  du  barateau  ou  d'une 
fourche.  Les  cuirs  ordinaires  trempent  dans 
une  eau  de  chaux  allez  foible ,  qu'on  renou- 
velle tous  les  quinze  jours  avec  un  feau  ou 
deux  de  nouvelle  eau  de  chaux  j  de  l'on 


COL  47P 

retourne  de  temps  en  temps  les  cuirs  qui  font 
en  trempe.  Mais  pour  les  peaux  qui  ont  été 
pafTées  à  l'alun  ôc  au  fuif ,  ainfî  que  les  ma- 
tières qui  contiennent  de  la  graifïe ,  du  fang , 
de  la  f uiovie ,  des  parties  charnues  ôc  du 
poil,  il  faut  les  mettre  dans  une  forte  eau  de 
chaux ,  &;  les  y  tenir  plus  long-temps  que 
les  autres  ;  Se  pour  que  la  chaux  puiilè  plus 
commodément  difloudre  les  parties  char- 
nues Se  fanguinolentes ,  lorfqu'on  les  retire 
des  cuveaux  ,  toutes  blanches  de  chaux ,  on 
les  conferve  à  fec  dans  des  folles ,  ou  en  tas 
fous  des  hangars  ,  fouvent  pendant  un  hiver 
entier ,  parce  que  dans  cet  état  elles  ne  font 
pas  fluettes  à  s'altérer  ;  puis,  on  les  retrempe 
dans  des  cuveaux  pleins  d'eau,  où  on  les 
remue  fortement.  On  les  lave  à  la  rivière 
Se  elles  font  en  état  d'être  niifes  dans  la 
chaudière. 

Jufqu'ici  on  a  lavé,  trempé,  brafle  les 
diverles  matières  féparément  :  il  efl  temps  de 
les  afiàrtir.  On  les  mêle  en  dofes  convena- 
bles ,  puis  on  leur  donne  un  dernier  lavage  ; 
on  les  pallè  même  fous  la  prefl'e ,  iî  Ton  croit 
à  propos  d'exprimer  une  panie  de  Peau  dont 
elles  le  font  imbibées ,  de  peur  qu'elle  ne 
rendit  la  colle  trop  claire ,  ou  trop  difficile  à 
s'épaiiTir.  Alors  on  les  met  dans  une  chau- 
dière de  cuivre ,  montée  fur  un  fourneau  de 
m.açonnerie.  On  la  rempUt  jufqu'au-  defîus 
dc3  bords ,  Se  l'on  met  au  fond  de  la  chau- 
dière une  grille  de  bois  for:e  ,  pour  empê- 
cher que  les  matières  ne  s"y  attachent  Se  ne 
brûlent.  Il  y  a  des  faifeurs  de  colle  qui  n'a- 
joutent point  d'eau  dans  la  chaudière  à  celle 
que  les  matières  ont  prife  dans  la  trempe , 
prétendant  qu'elles  en  ont  allez  pris.  D'autres 
y  en  mettent  un  peu,  fur-tout  files  matières 
(ont  dures  Se  feches ,  parce  que  la  trempe  ne 
leur  en  a  pas  donné  une  quantité  fuffifante  : 
c'eft  à  rintclligenCe  du  fabricant  à  régler  la 
quantité  d'eau  néceflàire  pour  obtenir  la 
meilleure  colle. 

On  allume  fous  la  chaudière  d'abord  un 
petit  feu  pour  fondre  les  matières  peu  à  peu 
Se  fans  les  brûler  ;  on  augmente  ce  feu  par 
degrés  jufqu'à  faire  bouillir  la  colle  :  les  u^ 
diminuent  le  feu  à  mefure  que  la  colle  fe  fait 
&  la  laiflèntfe  faire  fans  remuer;  d'autres  » 
quand  une  partie  des  peaux  efl  fondue  ,  bra(- 
fent  Se  remuent  vigoureufement  avec  le 
palon  ou  bouloir,  cequ'ilsrépe:cent de  temps 


48o  COL 

en  temps  jufqu'à  ce  que  la,  cvV.e  ioit  faire  :  on 
reconnok  qu'elle  Peft ,  lorfcjue  étant  refroidie 
elle  forme  une  gelée  paflablement  épaifle  ; 
alors  il  cil  temps  de  la  retirer.  Cette  opéra- 
tion dure  de  douze  à  quinze  heures ,  félon  le 
degré  de  feu  \  mais  il  eft  à  propos  d'aller  len- 
tement ,  &  il  vaut  mieux  diminuer  le  feu  à 
mefure  que  les  matières  fondent  ,  ou  qu'il  y 
en  a  une  partie  de  fondue ,  que  d'en  préci- 
piter la  fufion  par  un  feu  violent.  Il  eft  temps 
<de  vuider  la  chaudière ,  lorfqu^en  mettant 
un  peu  de  colle  fondue  fur  une  alîîette  ou 
dans  une  coque  d*œuf,  on  s'apperçoit  qu'en 
fe  refroidilTant  elle  prend  la  confiftance  re- 
quife.  Pour  cela ,  on  établit  fur  une  cuve  de 
bois  cerclée  de  fer  ,  qui  doit  être  auprès  de 
la  chaudière,  une  cage  de  bois.  Elle  doit  oc- 
cuper tout  le  diamètre  de  la  cuve  :  on  met  au 
fond  de  la  cage  de  la  paille ,  ou  mieux  encore 
une  toile  de  crin  ,  &  avec  une  grande  cuiller 
de  cuivre  rouge,  nommée  cajfin,  on  vuide  la 
chaudière  dans  la  civière  établie  fur  la  cuve. 
Cette  opération  ie  fait  promptementpournc 
pas  lailîèr  à  la  colh  le  temps  de  perdre  fa 
fluidité  en  fe  rtfroidifiant.  Il  fe  forme  au 
fond  de  la  civière  un  marc  ou  un  dépôt  , 
nomméle/L/72/er  Je  la  colle ,  qu'on  y  lai  (Te 
long-temps  s'égoutter ,  afin  de  ne  rien  per- 
dre. Ce  marc  egoutté  &  delléché  à  l'air ,  fe 
met  fous  la  chaudière  pour  entretenir  le  feu, 
ce  qui  produit  une  économie  fur  le  bois. 

La  celle  pafléc  &  tombée  dans  la  cuve  s'y 
dépure  par  précipitation  :  pour  entretenir  la 
co//e liquide  le  plus  long -temps  qu'il  eft  pof- 
iîble ,  &  faciliter  la  dépuration  ,  on  a  loin 
que  les  portes  &  les  fenêtres  de  l'attelier  où 
font  les  chaudières  &  les  cuves ,  foient  bien 
fermées-,  quelques-uns  même  y  ont  un  poêle. 
Il  faut  environ  quatre  à  cinq  heures  pour 
que  la  colle  fe  dépure.  Quand  on  juge  qu'elle 
s'eft  fufîîfamment dépurée,  on  la  tire  encore 
chaude  de  la  cuve  ,  on  la  porte  prompte- 
ment  &  on  la  verfe  dans  des  auges  ou  boites 
de  bois ,  qu'on  a  auparavant  bien  mouillées , 
&  égouttées  lorfqu'on  y  met  la  colle.  La 
cuve  ojj  la  colk  s*eft  clarifiée  par  précipita- 
rWn ,  eft  percée  à  différentes  hauteurs ,  &  il 
y  a  des  robinets  de  bois  à  chaque  trou ,  le 
plus  bas  eft  à  un  pouce  ^c  demi  du  fond.  La 
liqueur  qui  vient  par  le  robinet  le  plus  élevé, 
fournit  la  plus  belle  colle;  on  a  feulement 
attention  de  ne  pas  tirer  tout  ce  qui  peut 


COL 

venir  par  ce  robinet,  parce  qu'à  la  fin  il  vlen- 
droit  un  peu  de  graille  qui ,  nageant  fur'  la 
colle,  lui  donneroit  un  œil  défagréable.  Ce- 
pendant on  tire  la  liqueur  par  les  differens 
robinets ,  tant  qu'elle  vient  claire.  Celle  qui 
coule  par  le  dernier  n'a  pas  autant  de  tranf- 
parence ,  mais  elle  n'en  eft  pas  moins  bonne. 
S'il  fe  trouve  un  peu  de  graiftè  figée  à  li  fur- 
face  des  bo  tes ,  ou  du  marc  au  fond ,  on 
retranche  ces  matières  lorfqu'on  coupe  la 
colle  en  tablettes. 

On  laiflc  la  colle  pendant  vingt-quatre  heu- 
res ou  environ  ,  fe  refroidir  &  s'épailTir  dans 
les  boites ,  les  tenant  fous  un  hangard  à  l'abri 
de  la  pluie  &  du  foieil  ;  à  mefure  qu'elle  perd 
de  fon  humidité  ,  elle  diminue  de  volume. 
Quoiqu'on  ait  mouillé  les  boîtes,  la  colle  y 
adhère  ;  pour  l'en  détacher ,  on  prend  de 
grands  couteaux  à  deux  tranchans  ,  qu'on 
trempe  dans  de  l'eau,  &  do;it  on  pafCj  la  lam.e 
entre  la  colle  de  les  parois  des  boites.Qiiand  on 
a  fait  le  tour  des  boites  avec  le  couteau ,  on 
coupe  avec  le  même  inftrument  la  a  lie  figée, 
en  cinq  morceaux,  danslefcns  de  la  largeur 
de  la  boîte ,  ce  qui  donne  cinq  morceaux  ou 
parallélipipedes ,  fuivant  le  moule  ou  calibre 
dont  on  fe  fert  pour  cet  effe; ,  afin  découper 
les  morceaux  égaux  :  h.  longueur  du  calibre  eft 
la  largeur  de  h  boîte ,  Ôc  fa  largeur  le  cin- 
quième de  la  longueur  de  la  boîte.  Il  s'agit  à 
préfent  d'enlever  de  l'auge  ces  parallélipipe- 
des. Les  ouvriers  adroits  les  enlèvent  avec  la 
main  ,  avec  la  précaution  de  verler  un  peu 
d'eau  fur  la  colle  avant  que  de  l'en  détacher 
avec  le  couteau.  D'autres  fe  fervent  d'unet 
palette  légère  de  bois  ,  qu'ils  gliftent  fubti- 
lem.ent  fous  chaque  parallélipipede ,  en  com- 
mençant par  un  du  milieu.  Ils  l'enleveifc 
ainfî  fur  cette  palette  ;  &  font  enfuite  la  mê- 
me chofe  à  Pégard  des  autres.  Chaque  mor- 
ceau étant  ainii  enlevé  fe  met  fur  une  plan- 
che ,  à  un  bout  de  laquelle  il  s'en  élevé  une 
autre  perpendiculairement.  Celle  -  ci  fert 
d'adoftbir ,  c'eft-à-dire ,  qu'une  des  faces  du 
parallélipipede  étant  pofee  fur  la  planche 
horizontale  ,  un  de  fes  cotés  longs  s'appuie 
contre  la  planche  verticale  :  alors  l'ouvrier 
placé  du  coté  de  la  planche  verticale  ,  & 
tenant  des  deux  mains  une  efpece  de  fcie, 
montée  d'un  gros  fil  de  fer  tendu  par 
un  écrou  &  une  lame  mince  de  cuivre , 
tire  à  lui  cet  inftrument  dans  une  pofîtion 

horizontale  , 


COL      . 

horizontale,  6c  coupe  ainii  la  colle  en  tranches 
ou  feuilles.  Celui  de  dellous  étant  ordinaire- 
ment chargé  de  quelques  laletés  qui  Te  font 
précipitées ,  &  celui  de  defl'us  de  quelques 
gouttes  de  graille  figée ,  on  les  retranche  pour 
remettre  dans  la  chaudière  avec  de  nouvelles 
matières.  Les  autres  feuillets  fe  portent  à  la 
fécherie  qui  eft  un  hangard  couvert  par- 
deflus  ,  &c  garni  de  rideaux  des  deux  cotés. 
Sous  ce  hangard  font  des  poteaux  qui  portent 
de  longues  chevilles  fur  lefquelleson  pofedes 
chaflis  de  menuiferie  ,  où  font  cloués  des 
filets  femblables  à  ceux  des  pêcheurs  :  c'eft 
fur  ces  filets  qu'on  pofe  les  feuilles  de  colle 
pour  les  faire  fécher.  On  les  arrange  aulTi 
près  les  uns  des  autres  qu'il  eft  poiïible  ,  fans 
fe  toucher.S'il  pleut ,  ou  que  Ton  craigne  que 
le  foleil  ne  donne  fur  la  colle ,  on  ferme  les 
rideaux  du  hangard.  La  pluie  déformeroit 
ces  tablettes  encore  molles,  &  la  chaleur  du 
foleil  les  feroit  fondre  &  tomber  en  gouttes. 
On  a  foin  de  les  retourner  de  temps  en  temps 
fur  les  filets  ,  pendant  qu'elles  fechent,  fans 
quoi  elles  s'y  attacheroient  fi  fortement,  qu'on 
ne  pourroit  plus  les  en  ôter  fans  déchirer  les 
filets.Lorfqu'elles  font  à  demi-feches,on perce 
chaque  feuillet  à  un  des  bouts ,  pour  y  pafîèr 
une  ficelle  qui  fert  à  les  pendre  dans  les  ma- 
gafins.  Il  faut  plus  ou  moins  de  temps  pour 
fécher  la  colle ,  fuivant  la  température  de 
l'air.  Dix  jours  d'un  temps  (ec  ôc  d'un  vent 
modéré  fuffifent ,  de  quinze  jours  dans  un 
temps  humide  ne  Ibnt  pas  allez.  Lorfque  les 
tablettes  font  prefque  feches ,  on  leur  donne 
un  coup  d^œil  féduifant,  en  les  mouillant  un 
peu  &  les  frottant  avec  un  linge  neuf.  Cette 
opération  leur  donne  du  poU  de  de  la  tranf- 
parence. 

La  belle  co//e  n'a  point  de  taches  obfcures, 
ni  d'odeur;  les  caflures  en  font  brillantes 
comme  il  c'étoitun  morceau  de  glace.  Pour 
l'éprouver  ,  on  en  met  un  morceau  tremper 
dans  Peau  pendant  trois  ou  quatre  jours  j  il 
doit  fe  gonfler  beaucoup ,  mais  ne  fe  pas 
diflbudre,  &  fe  deflecher  enfuite  fans  avoir 
perdu  de  fon  poids. 

Colle  de  parchemin.  Pour  la  faire  ,  on 
imet  deux  ou  trois  livres  de  rognures  ou  ratu- 
res de  parchemin  dans  un  (eau  d'eau.  On 
les  fait  bouillir  dans  un  chaûderon  jufqu'à 
rédudion  dé  moitié;  on  pafle  enfuite  le  tout 
Tome  Vllt 


COL  48r 

à  travers  une  toile  peu  ferrée ,  puis  on  laiflc 
la  liqueur  refroidir. 

Colle  pour  fortifier  le  papier  &  en  réparer 
les  défauts.  On  la  prépare  fouvent  avec  la- 
fleur  de  farine  détrempée  dans  de  l'eau  bouil- 
lante fur  laquelle  on  a  jeté  quelques  gouttes 
de  vinaigre. 

Une  meilleure  préparatioii  eft  celle  qui  fe 
fait  avec  la  mie  de  pain  levé  ,  détrempée 
dans  de  l'eau  bouillante ,  &:  paflee  par  l'éta- 
mine.  Cette  colle  doit  être  employée  le  len- 
demain j  ni  plutôt ,  ni  plus  tard  ;  enfuite  on 
bat  le  papier  avec  le  marteau  ;  on  y  paftc 
une  féconde  fois  de  la  colle  ,  on  le  met  en 
prefle  pour  le  lifler  &c  l'unir,  &  on  l'étend 
à  coups  de  marteau. 

Ces  préparations  font  tirées  de  Pline ,  & 
relatives  au  papier  d'Egypte.  Mais  ce  papier 
a  de  fî  grandes  reflemblances  avec  Le  notre  , 
que  ce  qui  convient  à  Pun  peut  également 
iervir  pour  tous  les  deux. 

On  nous  apporte  d'Allemagne  des  livres 
imprimés  fur  du  papier  fluant  &  qui  n'eft 
pas  collé  ;  on  peut  coller  ces  feuilles  impri- 
mées avec  de  la  colle  de  gants  &  de  lalun  , 
avant  que  de  les  faire  relier ,  cela  en  corrige 
le  défaut. 

Colle  de  Flandre.  La  colle  de  Flati" 
dre  eft  un  diminutif  de  la  colle-for le  d'An- 
gleterre ,  parce  qu'elle  n-'a  pas  la  même  con- 
fîftance,  &  qu'elle  ne  pourroit  fèrvir  à  coller 
le  bois  ;  elle  eft  plus  mince  que  la  première 
&  plus  tranfparente  ;  elle  fe  fait  aufïi  avec 
plus  de  choix  &  de  propreté.  Lorfque  les 
peaux  ou  nerfs  qui  la  compofent  ont  bien 
bouilli ,  on  paflè  le  tout  à  travers  un  gros 
linge  ou  tamis  ;  on  la  laiflè  un  peu  refroidir; 
enfuite  on  la  coupe  par  tranches ,  &  on  la 
met  fécher  fur  des  cordes  entrelacées  comme 
un  filet,  afin  qu'elle  puiffe  fécher  deffus  com- 
me dcftbus.  Cette  colle  fert  beaucoup  à. la 
peinture;  on  en  fait  auiîî  de  k  colle  a  bouche 
p!?ur  coller  le  papier  ,  en  lafaifant  refondre, 
&  y  ajoutant  un  peu  d'eau  &  quatre  onces 
de  fucre-candi  par  livre  de  colle. 

Colle  pour  dorer  ;  faites  bouillir  de  la 
peau  d'anguille  avec  un  peu  de  chaux  dans 
de  l'eau;  pafi[èz  l'eau,  &  ajoutez~y  quelques 
blancs  d'œufs.  Pour  Remployer  faites -la 
chauffer;  paflez--en  fur  le  champ  une  cou- 
che; laiffe2-la  fécher;  appliquez  l'or  enfuite. 

CoXle  de  fa-rine^  eft  celle  quifè  fait 
PPP 


48i  COL 

avec  de  la  farine  &  de  l'eau  ,  qu'on  fliit  un 
peu  bouillir  enfemblc  fur  le  feu.  Ellefert  à 
plufieurs  fortes  d'artifins  ,  aux  tillerands , 
pour  en  coller  les  trames  de  leurs  toiles  •,  aux 
cartonniers,  pour  faire  leur  carton  ;  aux  re- 
lieurs ,  pour  coller  les  couvertures  de  leurs 
livres;  aux  felliers  pour  nerver  leurs  ouvra- 
ges; ôc  à  beaucoup  d'autres  ouvriers. 

Cette  colle  fera  plus  forte ,  fi  au  lieu  de 
ivirine  de  froment  on  prend  celle  de  blé  noir. 
On  peut  auffi  la  préparer  avec  la  fleur  de  fa- 
rine, ôc  y  ajouter  du  garum. 

Colle  de  gant.  La  colle  de  gant  ie  fait 
avec  des  rognures  de  gants  blancs  bien  trem- 
pés dans  de  l'eau  &  bouillis  :  on  en  fait  auiTi 
avec  les  rognures  de  parchemin.  Il  faut  pour 
que  ces  deux  colles  foient  bonnes  ,  qu'elles 
aient  la  coniiftance  de  gelée  tremblante  lorf- 
qu'elles  font  refroidies. 

Colle  a  miel  ,  eft  une  efpece  de  colle  en 
ufage  parmi  les  doreurs.  On  la  fiit  en  mê- 
lant du  miel  avec  de  l'eau  de  cole  de  un  peu 
de  vinaigre  qui  fert  à  faire  couler  le  miel. 
On  détrempe  le  tout  enfemble  ;  on  en  fait 
une  couche  qui  reftegraflè  3z  gluante  à  caufe 
du  miel  qui  a(pire  l'or  &  s'attache  fortement 
au  corps  fur  lequel  on  le  met. 

Ou  prenez  de  la  gomme  arabique  ,  du 
miel  &  du  vinaigre  ;  faites  dilloudre  la 
gomme  dans  de  l'eau  bouilbnte  ;  ajoutez  les 
deux  autres  ingrédiens,  &  collez. 

Colle  d'Orléans  :  prenez  de  laco//ede 
poiflbn  blanche  ;  détrempez-la  dans  de  l'eau 
de  chaux  bien  claire  ;  au  bout  de  vingt- 
quatre  heures  d'infufion  tirez  votre  colle  , 
•fiites-la  bouillir  dans  de  l'eau  commune.  Se 
vous  en  fervez. 

Colle  a  pierre  :  prenez  du  marbre  ré- 
duit en  poudre^  de  h  colle- forte  y  de  la  poix  : 
mêlez  bc  ajoutez  quelque  couleur  qui  con- 
vienne à  Pufage  que  vous  en  voulez  faire. 
Cette  colle  fert  à  rejoindre  les  marbres  callés 
©u  écorchés. 

Colle  de  polisson  ,  eft  une  efpece  de 
colle  faite  avec  les  parties  mucilagineules  d'un 
gros  poilTon  qui  fe  trouve  très-communé- 
ment dans  les  mers  de  Mofcovie.  Les  An- 
glois  &  les  HoUandois  qui  en  font  feuls  le 
commerce,  vont  la  chercher  au  port  d'Ar- 
^    changel,  Ôc  c'eft  d'eux  que  nous  la  tirons. 

Les  auteurs  ne  font  point  d'accord  fur  la 
fbf me  ni  fui  l'efpece  de  ce  poiflbn.  Il  y  en  a 


CO  L 

qui  l'appellent  hufo  ou  exojjis  ;  mais  ils  con- 
viennent tous  que  les  Mofcovites  prennent 
fa  peau,  les  nageoires  &:fes  parties  nerveufes 
&  mucilagineufes;  Ôc  qu'après  les  avoir  cou- 
{îées&fait  bouillira  petit  feu  jufqu'à  con- 
(iftance  de  gelée,  ils  Pétendent  de l'épaiflèur 
d'une  feuille  de  papier  ,  ôc  en  forment  des 
pains  ou  cordons  tels  que  nous  les  recevons 
de  Hollande. 

La  colle  de  poijfon,  pour  être  bonne,  doit 
être  blanche,  bien  tranfparente ,  ôc  fans  au- 
cune odeur. 

Les  ouvriers  en  foie ,  ôc  principalement 
les  rubaniers ,  s'en  fervent  pour  luftrer  leuri 
ouvrages  :  on  en  blanchit  les  gazes ,  ôc  les 
cabaretiers  en  font  ufage  pour  éclaircir  leurs 
vins. 

Il  y  a  encore  une  autre  colle  de  poiffon 
qu'on  tire  de  Hollande  ôc  d'Angleterre  en 
petits  livres  :  mais  on  prétend  que  ce  n'eft 
que  le  rebut  ôc  la  partie  la  moins  pure  de  la 
colle  de  poijfon  de  Mofcovie. 

La  colle  de  poijfon  entre  dans  quelques  em- 
plâtres décrits  dans  d'anciens  difpenfaires. 
Pour  s'en  fervir,  il  faut  la  battre,  la  laillèr 
amollir  dans  le  vinaigre  ,  y  ajouter  de  Peau 
commune,  la  faire  bouillir ,  y  mêler  un  peu 
de  chaux  d'étain,  bien  remuer,  ôc  s'en  fervir 
le  plus  chaud  qu'on  pourra. 

Pour  rendre  la  colle  de  poijfon  très- forte  , 
on  la  choifira  blanche  ôc  claire  ,  on  l'amin- 
cira ôc  défera  à  coups  de  marteau ,  on  la 
coupera  en  petits  morceaux,  on  mettra  ces 
morceaux  dans  un  vailTèau  de  faïence  à  cou 
étroit ,  on  les  couvrira  de  bonne  eau  de-vie, 
on  placera  le  vaiflcau  dans  un  pot  de  terre 
plein  d'eau,  qu'on  tiendra  fur  un  feu  doux 
jufqu'à  ce  que  les  morceaux  foient  fondus  ; 
on  les  laiflera  refroidir,  ôc  ils  feront  prépa- 
rés. Pour  s'en  fervir;  il  faudra  y  ajouter  un 
peu  d'eau-de-vie,  faire  réchauffer ,  ôc  coller 
fur  le  champ.   Voyc;^  Ichthyologie. 

Colle  à  verre  :  prenez  des  limaçons  ,  ex- 
pofez-les  au  foleil ,  recevez  dans  un  vaifîeau 
la  liqueur  qui  en  diftillera  ,  extrayez  le  laiï 
du  tifhymale  ;  mêlez  ce  lait  ôc  le  fuc  de  li- 
maçon ,  collez  ,  ôc  expofez  au  foleil  les  ver- 
res collés. 

Les  relieurs ,  les  chapeliers ,  ôc  d'autres 
ouvriers  ont  leur  colle.  Voye-;^-en  les  compojî' 
tions  à  leurs  articles.  V.  Relieur. 

Co^LE ,  (  Geo^.  mod,  )  ville  dlcalie  en 


c  o  t 

Tofcane  dans  le  Florentin,  ^ur  les  confins  du 

Stennois,  près  de  la  rivière  o'Elfa.  Long.  xS, 

45  .'•  ^^-  43  '^4- 

Colle  (la),  Géog.  rivière  de  France  en 

Cfi^mpagne  ,  qui  fe    jette  dans  la  Marne 

près  de  Châions. 

CoLLt  à -cheval ,  {Manr.ge^  c'efl:  la  même 
cliofe  que  cloué.  ?^c/je^  Cloue. 

COLLECTE,  r.  f.  en  btin  colkcla ,  {Ju- 
rifprudcnce^  dans  les  anciens  titres  &  au- 
teurs, lignifie  tantôt  la  perception  &  recou- 
vrement qui  fe  lait  des  tributs  &  impoiitions 
qui  le  lèvent  fur  certaines  perlbnnes,  tantôt 
{'impofiîion  même  qui  feleve  fur  cc-s  perfon- 
nes  :  c'eli  en  ce  dernier  fens  qu'ail  en  efi:  parlé 
dans  Othon  de  Frilinge ,  lib.  1 1 .  de  gef}. 
Friâerici  imper,  cap.  xj.  Rex  a  toto  exercitu 
coîleclam  ficri  juffit.  Matthieu  Paris,  à  Pan 
I Z45  ,  dit  aufïi ,  en  parlant  de  laint  Louis; 
jwjjrt  quafdam  colle  cias  &  t  allias  j  ta  m  in  clero 
quàm  in  populo ,  jieri  graviores.  On  en  trou- 
vera encore  d'autres  exemples  dans  leglojjaire 
de  Ducaiige  ,  au  mot  colleâa.  Chez  les  Ro- 
mains ,  la  collecte  des  tributs  ou  impoiitions 
n'étoit  point  confidérée  comme  un  emploi 
ignoble  :  c'eft  ce  qui  reluire  de  la  loi ,  au 
code  de  excufat.  mun.  laquelle  ayant  déraillé 
tous  les  emplois  qui  étoient  réputés  bas  & 
fbrdides,  n'y  a  point  compris  la  cc)//e'c7e  des 
tributs;  elle  étoit  même  déférée  aux  décu- 
rion.s  qui  étoient  les  principaux  des  villes, 
comme  on  voit  civla  L  xvij  ,  §.  exigendiff. 
ad  municip.  &  /.  v/y,  cod.  de  facroj.  ecclef.  Il 
n'en  eft  pas  de  même  parmi  nous.  Quoique 
la  colLcle  des  tailles  &  autres  impoiitions 
n'ait  rien  de  déshonorant ,  elle  eft  mile  au 
nombre  des  emplois  inférieurs  dont  les  no- 
bles &  privilégiés  font  exempts ,  comme 
nous  le  dirons  ci-après  à  l'article  de  la  Col- 
lecte du  fel&  des  tailles ,  qui  font  préfente- 
ment  les  feuls  impots  dont  la  colleâe  ou  re- 
couvrement fe  fafle  par  le  miniftere  de  col- 
lecteurs proprement  dits.  Voye:(_ci-aprh les 
fubdivijions  des  différentes  fortes  de  Col- 
lectes ù  de  Collecteurs,  (^) 

Collecte  des  Amendes  ,  Restitu- 
tions ,  ùc.  eft  le  recouv remuent  qui  iê  fait 
des  amendes  &  autres  peines  pécuniaires 
prononcées  contre  les  délinquans.  En  ma- 
tière èi'eaux  ù  forêts,  cette  collecte  fe  fait  pr.  ; 
des  fergens  des  eaux  &  forêts,  appelles /er- 
gens^olleâeurs.   L'ordonnance   de   1669  j. 


C  O  t  483 

[  titre  des  chajfes,  art.  xl ,  dit  que  îa  collecle 

des  amendes  adjugées  es  capitaineries  des 
chaiies ,  fera  faite  par  les  fergens- colledteurs 
des  amendes  des  lieux,  leiquels  fourniront 
chaque  année  un  état  de  leur  recette  &  dé- 
penlé  au  grand  m  litre.  L'article  dernier  du 
titre  de  la  pcche ,  porte  que  touêes  les  amen- 
des jugées  pour  raiion  des  rivières  navigables 
&  flottables  ,  &  pour  toutes  les  eaux  du  roi, 
feront  reçues  à  fon  profit  par  le  fergent-col- 
leCleur  des  amendes  dans  chaque  maitrife 
oudép-'rtement;  qu'il  en  fera  ufé  comme 
pour  celles  des  forêts  du  roi,  &  que  ce  qui 
lui  en  reviendra,  fera  payé  es  mains  du  re- 
ceveur, &  par  celui-ci  au  receveur  général. 
Le  titre  fuivant,  qui  eft  des  peines,  amendes, 
reftitutions ,  ùc.  contient  pluiieurs  difpoii- 
tions  fur  la  collecle  des  am.endes  prononcées 
pour  toutes  fortes  de  délits  en  fait  d  eaux  &c 
forêts;  favoir,  que  les  amendes  ne  feront 
point  affermées ,  mais  levées  au  profit  du 
roi  par  les  fergens  coile6beurs  des  mairrifes, 
&  par  eux  payées  aux  receveurs;  que  les 
rôles  des  amendes  feront  mis  &:  laiiles  es 
mains  des  fergens  colleéteurs  de  chaque  mai- 
trife ,  pour  en  faire  le  recouvrement  &  en 
compter;  que  les  collecteurs  des  amendes 
feront  tenus  d'émafger  les  rôles  de  ce  qu'ils 
recevront,  èc  d'en  donner  quittance ,  fur 
peine  de  reftitution  du  quadruple  ;  que  le 
collc(5teur  demeurera  refponfàble  des  amen- 
des ,  reftitutions,  ùc.  faute  par  lui  dans  les 
trois  mois  après  qu'ils  lui  auront  été  délivrés, 
de  juftifier  des  exploits  de  perquifition  d'in- 
folvabihté  des  débiteurs,  &  de  diligences 
fufïifantes  ;  que  ces  exploits  feront  atteftés 
des  curés  ou  vicaires ,  ou  du  juge  des  lieux; 
que  les  colle6leurs  ne  feront  point  déchar- 
gés de  la  collecte  qu'après  avoir  fourni  cha- 
que année  un  état  au  grand-maitre  de  leur 
recette  &  diligence ,  &  qu'il  n'y  ait  eu  un 
jugement  qui  paiTeles  parties  en  non-valeur: 
quand  il  y  a  appel  du  jugement  portant 
amende  ,  la  collège  de  l'amende  ne  fe  fait 
qu'après  le  jugement  de  l'appel.  Les  fergens 
collecteurs  ont  une  certaine  remife  fur  les 
amendes.    V.  l'ordonnance  des  eaux  ù  forêts. 

Il  y  a  un  des  huilTîcrs  du  bureau  des  finan- 
ces de  Paris ,  qui  a  le  titre  de  collecteur  des 
imendes  qui  font  prononcées  en  matière  de 
oierie.  {A) 

Collecte  d'une  aide  particulière  :  lorfque 
Pppz 


484  COL 

les  habicâns  d'une  province  ou  ville  zcccr- 
•iloient  au  roi  quelques  aides  pour  les  befoins 
de  Pétat ,  ils  en  faif'oienc  faire  la  colleclc 
C'eft  ainfî  que  dam  une  ordonnance  de 
Philippe  V,  du  17  février  1 349,  il  eft  parlé 
«^iCS  collecfleurs  d'une  aide  ou  imposition 
fur  les  marchandifes  6c  denrées  ;  dans  une 
ordonnance  du  roi  Jean,  du  5  mars  1 3  n  > 
Se  dans  une  autre  ordonnance  du  mcm.e 
roi,  du  mois  de  juillet  1 3  5  y,  on  voit  qu'une 
partie  des  habitans  du  Limohn  &  des  pays 
voifins,  ayant  accordé  à  Jehan  de  Clermont , 
maréchal  de  Frcnce,  qui  étoit  lieutenant 
pour  le  roi  dans  les  pays  d'entre  les  rivières 
de  Loire  &  de  Dordogne ,  une  aide  ou  fub- 
fide  d'argent  pour  l'engager  à  demeurer 
dans  le  pays  &c  le  mettre  mieux  en  état  de 
le  défendre ,  ils  arrêtèrent  que  cette  aide 
feroit  levée  &  cueiUie  par  bonnes  gens  fol- 
vables,  établis  ôc  nommés  parles  commis 
&  jufticiers  de  chaque  lieu  ;  ce  qui  fut 
confirmé  pair  le  roi  Jean.  Ordonnance  de  lu 
troifieme  race.  (A) 

Collecte  impope  par  une  ville:  Philippe 
VI  en  confidération  de  ce  que  les  bourgeois 
de  Mâcon  lui  avoient  fourni  un  certain 
nombre  de  gendarmes ,  ou  de  quoi  les  fol- 
der ,  leur  accorda  entr'autres  chofes ,  par 
des  lettres  du  mois  de  février  1 346 ,  que  les 
confeillers  de  cette  ville  pourroient  faire  ù 
impofer  des  col k 3e s  j  tant  fur*  les  perfonnes 
que  fur  les  pofleffions  &  héritages  de  leur 
yille  ,  en  la  manière  accoutumée  ;  les  recou- 
Trer ,  lever  ,  ou  faire  lever ,  cueillir  &  con- 
vertir au  profit  commun  de  cette  ville ,  &  à 
ce  qui  feroit  néceflaire.  Ces  lettres  furent 
confirmées  par  le  roi  Jean ,  au  mois  d'o6bo- 
bre  1362.  Voyc':^  le  recueil  des  ordonnances 
de  la  troifieme  race.  (A) 

Collecte  du  Sel  ou  de  l'impôt  du  fel , 
cft  le  recouvrement  qui  fe  fait  de  Timpofi- 
tion  due  au  roi  par  chaque  contribuable 
pour  fa  cote  de  fel ,  dans  les  pays  où  le  fel 
fe  diftribue  par  impôt.  L'ordonnance  des 
gabelles  diftingue  les  greniers  à  fel  d'irnpôt, 
.&  ceux  de  vente  volontaire  :  elle  fait  l'énu- 
mération  des  lieux  où  le  fel  fe  diftribue  par 
impôt;  6c  dans  le  titre  viij,  il  eft  dit  que  les 
ailéeurs  de  colledeurs  du  fel  feront  nom- 
més pas  les  habitans  afi'emblés  en  la  ma- 
nière^ accoutumée  au  Ton  de  la  cloche  s 
àuiîue  de  la  mefle  paroiiTiale  ou  de  vêpres , 


G  O  L 

dans  le  m.ois  d'oclobre  de  chaque  année  ; 
favoir  deux  d?ns  les  paroUles  où  le  priPiCi- 
j^al  de  rim.pct:  eft  au  delfous  d''un  muid  de 
fel ,  quatre  dans  celles  qui  font  impofces  à 
un  muid  de  fel  ôc  au  deflùs,  &c  îîx  dans 
celles  qui  portent  deux  muids  de  fel  &  au- 
delîùs;  que  les  habitans  les  plus  riches  Se 
les  médiocres  feront  nommés  colLcîcurs  à 
leur  tour,  en  nombre  égal;  que  les  habitans 
doivent  mettre  au  greffe  du  grenier  à  fel  de 
leur  relfort ,  une  expédition  en  bonne  forme 
de  la  nomination  des  collecfteurs ,  avant  le 
premier  novembre  de  chaque  année,  iinon  , 
aprcs  ce  tem^s  pafte  ,  fans  autre  fommatioii 
ni  diligence ,  les  collecteurs  doivent  être 
nommés  d'office  par  les  officiers  du  grenier  à 
iel,  fuivantl'ordre  quia  été  expliqué.  On  ne 
doit  point  nommer  pour  aftceurs  &  collec- 
teurs de  l'impôt,  ceux  qui  exercent  des  oftî- 
ces  dejudicaturedansles  juftices  royales,  les 
mineurs,  les  leptuagénaires,  ceux  qui  font  \x 
cclkcle  des  tailles ,  ceux  qui  l'ont  faite  tant 
du  fel  que  de  la  taille  dans  les  années  précé- 
dentes, les  maires ,  échevins  &  fyndics  des 
paroiflés  dans  le  temps  de  leur  charge ,  les 
regratiers  ,  ceux  qui  font  dans  la  première 
année  de  leur  mariage  ,  &  généralement 
ceux  qui  font  exempts  en  vertu  d'édits  regif- 
trés  à  la  cour  des  aides.  Il  eft  défendu  aux 
cours  des  aides  de  recevoir  Pappel  des  nomi- 
nations de  colleéleurs  de  fel ,  fauf  l'oppolî- 
tion  devant  les  premiers  juges ,  &  enfuite 
Pappel  à  la  cour  des  aides,  &  le  tout  doit  être 
jugé  fommairement  de  manière  qu'il  y  ait 
des  colledleurs  nommés  avant  le  premier  dé- 
cembre. Perfonne  ne  peut  affifter  à  la  nomi- 
nation des  collecteurs  avec  les  habitans ,  ni 
à  l'afïîette  de  l'impôt  avec  les  colledeurs, 
excepté  le  notaire  ou  fergenr  qu'ils  voudront 
choifir ,  pour  rédiger  par  écrit  l'aCte  de  no- 
mination ou  le  rôle ,  fans  que  le  greffier  du 
grenier  à  fel,  fes  clercs  6c  comrnis  y  puilfcnr 
vaquerdireélementou  indired:emenL.  Il  eft 
enjoint  aux  colledeurs  d'inférer  au  rôle  qu'ils 
feront  de  l'impôt,  le  nombre ,  qualité  &  con- 
Ht'on  des  perfonnes  de  chaque  maifon  qui 
y  eft  fujette  ;  de  marquer  à  la  fin  les  noms, 
îunioms ,  &  nombre  des  eccléfiaftiques  > 
nobles ,  &  autres  exempts,  6c  de  mettre  deux 
copies  lignées  de  cesrôles,  l'une  au  greffe  du 
grenier  à  fei..  l'autre  entre  les  mains  du  fer- 
,  mier  des  gabelles  ou  de  fes  commis.  Les  col- 


G  O  L 

çolIe£teursTie  doivent  faire  qu'uii  feul  rôle 
pour  chaque  année,  lequel  ell  vérifié  par  les 
officiers  du  grenier  à  Tel,  qui  ne  peuvent 
augmenter  ni  diminuer  les  cotes,  ni  ordon- 
ner que  le  rôle  fera  refait.  Après  la  vérification 
du  rôle  ,  les  collcdeurs  doivent  lever  le  Tel 
de  l'impôt  dans  les  premiers  huit  jours  du 
quart-er  de  janvier,  &:  continuer  de  le  lever 
dans  les  premiers  huit  jours  de  chaque  quar- 
tier ,  6c  le  diftribucr  aux  contribuables  dans 
la  huitaine  fuivante.  Ils  font  obligés  de  por- 
ter entièrement  le  fel  dans  leur  paroifle  le 
même  jour  qu'ils  le  prennent  au  grenier.  Les 
deniers  provenans  de  l'impôt  du  fel ,  doivent 
être  payés  par  les  colledeurs  entre  les  mains 
du  commis  des  gabelles  ,  favoir  moitié 
dans  les  lîx  premières  femaines  ,  ôc  l'au- 
rre  moitié  à  la  fin  de  chaque  quartier  ;  finon 
ils  y  font  contraints  folidairement  pour  em- 

f)rifonnement.  Ils  font  autorifésà  retenir  fur 
e  dernier  paiement  de  Pimpôt  du  fel  une 
certaine  remife  fixée  par  l'ordonnance.  Le 
fel  d'impôt  que  les  colledeurs  ont  négligé  de 
lever  ne  leur  eft  point  délivré  fix  femaines 
sprès  l'année  expirée ,  on  leur  diminue  feu- 
lement le  prix  du  marchand.  Les  principaux 
h^^bitans  des  paroifîes  peuvent  être  contraints 
fc  H  lairem.cnt    par    emprifonncment   pour 
1  impôt ,  lorfque  tous  les  colledeurs  ont  été 
difcurés  en  leurs  perfonnes  &  biens.  La  dif- 
cufTion  des  colledeurs  en  leur  perfonne  eft 
fuffifantc  ,  quand  ils  ont  gardé  prifon  pen- 
dant un  mois ,  ou  lorfqu'il  y  a  eu  perquifition 
de  leur  perfonne.  Les  colledeurs  emprifonnés 
pour  le  paiement  de  l'impôt  ne  peuvent  être 
élargis  ;  même  fous  prétexte  de  la  révérence 
des  quatre  bonnes  fêtes  de  l'année,  ou  autres 
réjouitLmces  publiques,   qu'en    payant  du 
moins  la  moitié  des  fommes  pour  lefquell-es 
ils  font  détenus.  Voye:^  l'ordonnance  des  ga- 
belles ,  titre  riij ,   qui  détaille  plus  au  long 
les  règles  qui  doivent  être  obfervées  pour 
celte  colkcle  Ôc  pour  les  colledeurs.  Voye-;^ 
ûujfi  la  déclaration  de  il2.  mai  i  jo8  ,  portant 
règlement  pour  la  punition  des  colledeurs  de 
l'impôt  du  fel  qui  divertirent  les  deniers  de 
leur  colkâe  ;  de  la  déclaration  du  l^  janvier 
îjî8 ,  portant  règlement  pour  la  nomination 
des  colledeurs  de  l'impôt  du  fel  :  le  recueil 
du  fieur  Bellet,  page  8Sy  de  aux  mots  G  a- 
PELLE  ,  Grenier   a   sel.   Sel.  (  ^  ) 
Collecte  pes  Tailles,  eft  le  recouvre- 


C  O  L  485 

ment  que  les  colledeurs  font  de  la  raille  fur 
chaque   taillable.  L'ufige  de    cette  collecic 
doit  être  fort  ancien  ,  étant  certain  que  dès 
avant  S.  Louis  on  payoit  des  tailles  en  France 
pour  les  befoins  de  l'état.  Se  que  S.  Louis 
ne  fit  que  régler  la  manière  de  les  im.pofer. 
Le  terme  de  collecle  ôc  celui  de  taille  étoient 
lynonymes  au  commencement ,    foit    que 
par  le  terme  de  collecte  on  entendit  la  taille 
qui  fe  levoit  fur  le  peuple ,  foit  que  le  recou- 
vrement de  l'impôt  fe  pr:t  quelquefois  pour 
l'impôt  même  :  c'eft  ce  que  l'on  voit  dans 
Matthieu  Paris,  ainfi  que  nous  l'avons  déjà 
remarqué  ci-devant  fur  le   mot  collecle  en 
général.  Il  eft  parlé  des  colledeurs  des  paroi  fies 
dans  un  règlement  fait  par  la  chambre  des 
comptes  en  1 3  04  ;  mais  ces  colledeurs  étoient 
prèpofés  pour  la  perception  des  fouages.  Une 
ordonnance  de  Philippe  VI ,  de  l'an  1329  , 
fait  mention  des  colledeurs  députés  pour 
le  recouvrement  d'une  imposition    fur  les 
nouveaux  acquêts  :  ce  qui  fait  voir  que  le 
nom  de  colledeurs  n'ètoit  pas  propre  unique- 
ment à  ceux  qui  Icvoient  la  taille  ;  qu'il  fe 
donnoit  anciennement  à  tous  ceux  qui  étoient 
chargés  de  la  levée  &  recouvrement  de  quel- 
que fubfide  ou  impofition.  Dans  des  lettres  du 
roi  Jean  ,  du  moisd'odobre  1 362. ,  qui  per- 
mettent aux  habitans  de  Soiflôns  d'élire  leurs 
gouverneurs ,  tréforiers  &  colledeurs;  ces 
derniers  font  nommés  colkcîores  feu  taillia^ 
tores  :  ce  qui  fait  connoitre  que  les  collec- 
teurs faifoient  dès-lors  l'afliette  de  la  taille. 
Il  y  a  pluiîeurs  chofes  à  obferver  par  rap- 
port à  la  collecle  &c  aux  colledeurs  des  tailles. 
Age.  Les  feptuagènaires  ne  pouvant  plus 
être  contraints  par  corps ,  ne  peuvent  plus 
être  forcés  d'être  colledeurs  :  néanmoins  d 
un  feptuagénaire  acceptoit  la  charge  ,  il  fe- 
roit  contraignable  par  corps  pour  le  fait  de 
fa  commiflion. 

Apothicaires,  ne  font  excn^pts  de  la  collecle, 
Voye^  le  mémoire  alphahéiiqm. 

Afféeurs  ,  eft  un  premier  titre  que  l'on 
donne  aux  colledeurs  ,  parce  qu'ils  font 
d'abord  l'afTîette  des  tailles  fur  chaque 
contribuable.  Les  afteeurs  étoient  autre- 
fois desperfonnes  différentes  des  colledeurs  ; 
ils  furent  fubftitués  aux  premiers  élus  qui 
impofoient  la  taille  ;  on  lés  choififtbit  prami 
les  gens  du  lieu.  Les  fondions  d'alTèeurs 
i  &  de  colledeurs  fuient  féparées  jufqu'au 


4S^  cet 

temps  â'ilenri  III ,  qu'elles  furent  réunî(!S  ; 
i'afleeur  ne  faifoit  auparavant  que  raffieite. 
Se  le  coUeéleur  la  recette  ,  mais  comme 
les  afl'éeurs  étoient  garaiis  de  la  non-valeur 
des  afïîettes  envers  les  colled:eurs,  ce  qui 
cau(bic  continuellement  des  procès  entre 
eux,  on  trouva  plus  convenable  d^établir 
que  ceux  qui  feroient  TafTiette,  f  croient  auffi 
la  collecîe.  h* article  ij  du  règlement  de  r  600 , 
&  le  xxx\'iij  du  règlement  de  1634  ,  por- 
tent que  les  afleeurs  feront  collecleurs  en  la 
même  année  de  leur  charge.  Depuis  ce  temps, 
on  joint  prefque  toujours  le  titre  à'r.Jfécurs  à 
celui  de  collecleurs  ;  mais  dans  l'ulage  on  dit 
amplement  collecleurs. 

Avocats  ,  font  exempts  de  faire  la  collecîe  : 
mais  ce  privilège  neft  pas  accordé  à  tous 
ceux  qui  ont  le  titre  d'avocat;  on  le  reftreint 
à  ceux  qui  exercent  aduellement  la  pro- 
fefïion. 

Chirurgiens ,  ne  font  point  exempts  de 
la  collecîe  ,  à  moins  que  ce  ne  foit  par  privi- 
lège particulier;  tels  que  les  chirurgiens  du  roi. 

ClaJfesoM  échelles  :  il  eft  permis  aux  habi- 
tans  des  paroifles  d'établir ,  fi  bon  leur  fem- 
ble  ,  deux  clafles  ou  échelles  compofées  Pune 
des  plus  riches  habitans  ,  &  Pautre  des  mé- 
diocres ;  afin  que  chaque  contribuable  vienne 
à  fon  tour  à  la  charge  de  collecteur  :  & 
quand  les  habitans  fe  font  une  fois  foumis  à 
cet  arrangement ,  il  n'eft  plus  en  leur  pou- 
voir de  le  changer,  DéclarationdemarsiCj^y 
article  5. 

Colleâeurs,  voye^^ce  qui  efi:  dit  ci-devant , 
&  ce  qui  fuit,  &  au  mot  Collecteur. 

Déch  d'un  collecteur  arrivant  avant  la 
confection  des  rôles  ,  ou  avant  qu^il  ait  été 
rien  reçu  ,on  en  peut  nommer  un  autre  pour 
remplir  fa  place  :  mais  s'il  décedt  avant 
l'exécution  du  rôle  ,  ceux  qui  relient  font 
feuls  la  collecîe. 

Décharge;  ceux  qui  font  nommés  collec- 
teurs ,  &  qu?  prétendent  avoir  des  raifons 
pour  fe  fiire  décharger  delà  collecîe ,  doivent , 
fuivant  la  déclaration  du  18  août  1685  ,  fe 
pourvoir  dans  la  quinzaine  du  jour  de  leur 
nomination  pardevant  les  officiers  des  élec- 
tions ;  autrement  la  quinzaine  paflee  ,  ils  n'y 
font  plus  recevables  ,  &  il  eft  défendu  aux 
cours  des  aides  de  recevoir  directement  les 
appellations  des  nominations  des  collecteurs  ■■, 
faufaux  parties ,  après  le  jugement  des  op^o- 


c  oc 

firîon<;  ;  a  {è  pourvoir  par  appel  de  ces  juge- 
mens  à  la  cour  des  aides.  Les  colleCteurs 
nommés  ne  peuvent  obtenir  leur  décharce 
qu'elle  ne  ibit  ordonnée  avec  le  procureur- 
lyndic  de  la  paroiflè.  Les  élus  doivent  être 
au  nombre  de  trois  pour  juger  ces  oppo- 
litions ,  &  les  colleCteurs  font  tenus  de  faire 
PafTiette  &  levée  des  deniers  ,  jufqu^à  ce 
qu'il  y  ait  d^autres  colleCteurs  nommés.  Rè- 
glement de  îGoo ,  art.  i^  ,  confirmé  par  plu- 
fieurs  autres  réglemens  poftérieurs. 

Diminution ,  voyez   Taxe. 

Domicile  :  iuivant  le  règlement  de  février 
1(^63  ,  un  habitant  qui  transfère  (on  domi- 
cile après  fa  nomination  à  la  collecîe  ,  ne  peut 
être  déchargé. 

Echelles  ,  \'oyez  Clûjfes  &  Tableau. 

Etpprifonnemens ,  voyez  Prifonniers. 

Exemptions  de  la  collecîe  ,  voyez  Age  , 
Avocats  y  Médecins.  Par  arrêt  du  confeil  du 
premier  décembre  1645  ,  les  exemptions  de 
la  collecte  des  tailles  Se  fublîftances  accordées 
jufqu'alors  furent  révoquées  ,  à  l'exception 
de  celle  des  colleCteurs  de  l'impôt  du  fel ,  & 
pour  l'année  feulement  qu'ils  feroient  collec- 
reurs  du  fcl. 

M f:  la  die  incurahle  ,  tel  que  le  mal  caduc 
ou  autre  qui  fait  perdre  la  raifon  &  empêche 
d^agir  ,  exempte  de  la  collecîe. 

Marguilliers  en  charge ,  ne  font  exempts 
de  la  collecîe  que  pendant  l'année  de  leur 
charge.  Règlement  de  février  i6G^.  Mém. 
alphab. 

Médecins  ,  font  ordinairement  déchargés 
de  la  collecîe ,  pour  la  dignité  &  nécefïité 
de  leur  emploi. 

"Nombre  desajféeurs  6'  collecleurs.  Le  règle- 
ment de  1600  ,  article  îz,  dit  qu'ils  feront 
misjufqu'au  nombre  de  quatre  chacun  an, 
pour  les  grandes  paroifles  taxées  à  30oècus 
de  grande  taille  &  au-deflus  ;  &  pour  les 
moindres  paroîlïes  deux ,  qui  feront  enfem- 
ble  la  recette  ,  ou  la  fépareront  entre  eux  , 
s'ils  veulent  ,  par  quartier  ou  demi-année. 

U article  ^8  du  règlement  de  1654  ,  or- 
donne qu'au  lieu  de  quatre  colleCteurs  pour 
les  paroifles  taxées  à  1 500  livres  &:  au-deflus , 
il  en  fera  nommé  huit ,  &  pour  les  moindres 
paroifles ,  quatre ,  afin  qu'ils  puiflent  fe  fou- 
lager  l'un  l'autre ,  &  lever  plus  facilement 


les  deniers  de  la  taille  ,  &  qu'ils  feront  en-       ^ 


lèmblc  cette  levée  par  quartier  &  demi- 


COL 

année  ,  ainfi  qu  ils  conviendront  entre  eux. 
La  déclaration  du  24  mai  17 17  ,  pour  préve- 
nir toute  difficulté  en  cas  de  partage  d'avis 
entre  les  colledleurs ,  ordonne  que  dans  les 
paroifïes  où  il  eft  d'uTaged^'avoirplusde  trois 
colledeurs ,  le  nombre  foit  à  l'avenir  de  cinq 
ou  fept. 

Nomination  des  collecteurs  ;  elle  doit  être 
faite  par  les  habitans  des  paroilles  duement 
ailèmblées  à  l^ifl'ue  de  la  grand'mefle  ,  à 
jour  de  dimanche  ou  fête  ,  &  Paflèmblée  qui 
fe  fait  pour  cette  nomination^  doit  être  publiée 
au  prône  des  grand'mefles  par  deux  diman- 
ches confécutifs.  Ces  publications  faites ,  le 
procureur-fyndicdoit  faire  fonner  les  cloches 
ou  battre  le  tambour,  fuivant  Tufàge  des 
lieux ,  &c  fe  trouver  devant  Péglife  à  l^ifllie 
de  la  mefle  paroilïia[e  on  des  vêpres ,  affillié 
d''un  notaire  ou  aut^e  perfonne  publique  , 
lequel  rédige  l'adte,  6^  fait  mention  de  tout 
ce  qui  a  précédé  :  on  doib  ^(^nommer  par  nom 
6c  furnom  les  habitans  qui  fe  trouvent  à 
Tafiemblée ,  &  faire  mention  qu'un  tel  a 
nommé  un  tel ,  &:  faire  ligner  chaque  habi- 
tant ,  ou  s'il  ne  lait  pas  figner  ,  en  faire 
mention.  La  nomination  des  colleéleurs 
xloit  être  faite  dans  le  courant  de  feptembre , 
de  lignifiée  aux  colledeurs  avant  le  premier 
c6iobre.  Déclaration  du  %8  août  1 68^. 

La  déclaration  du  1  août  1 7 1 6  ,  ôc  celle 
du  9  août  1723  ,  ont  ordomié  de  faire  dans 
chaque  paroiflè  un  tableau  des  habitans , 
fuivant  lequel  ils  viendront  à  la  collecle  cha- 
cun à  leur  tour  d'année  en  année  :  mais  ces 
réglemens  n'ont  pas  encore  eu  par-tout  une 
pleine  &  entière  exécution. 

Suivant  la  déclaration  du  28  août  i68y  , 
faute  par  les  habitans  de  faire  les  nomina- 
tions des  colledeurs ,  &  de  les  avoir  fait 
regiftrer  en  l'éleétion  dans  le  dernier  feptem- 
bre ,  il  efl:  dit  qu'il  fera  procédé  d'office  à  la 
nomination  des  colledeurs  par  les  commif- 
laires  départis  dans  les  provinces ,  &  par  les 
officiers  des  éleélions,  fans  néanmoins  que 
le  >  officiers  des  éledions  en  puiflènt  nommer 
feuls. 

Ceux  qui  ont  déjà  fait  la  fondion  de  col- 
ledeurs 5  ne  peuvent  être  nommés  de  nou- 
veau qu'après  trois  années ,  èc  pour  les  villes 
murées  ,  qu'après  cinq  années.  Règlement  de 
février   îG6^. 

D'office  j  voyez  ci-devant  Nomination» 


COL  487 

Oppojîtion  ,  voyez  ci-devant  Décharge. 

Prifonniers  :  les  colledeurs  emprifonnés 
faute  de  paiement ,  ne  peuvent  être  élargis 
fans  appeller  les  receveurs  des  tailles  ou  leurs 
commis  qui  les  ont  fait  emprifonner.  Règle- 
ment de  264^  ,  article  ij.  Si  tous  étoient 
empriionnés  ,  on  en  élargiroit  un  pour  ache- 
ver le  recouvrement.  Ces  élargiflemens  fè 
demandent  ordinairement  aux  féances  que 
la  cour  des  aides  tient  à  la  conciergerie  à 
Noël  &  à  Pâque  :  mais  il  faut  pour  en  obtenir 
l'élargiilement ,  que  le  colledeur  paie  au 
moins  un  quart  de  la  fomme  pour  laquelle 
il  eft  cmprifonné. 

Rôle  ou  affiette  des  tailles  ,  doit  être  faite 
par  les  colledeurs  en  lieu  de  liberté  \  per- 
sonne ne  doit  y  affifter  que  le  notaire  ,  fer- 
gent ,  ou  autre  perfonne  choifie  par  les  col- 
ledeurs pour  écrire  les  taxes.  Ils  doivent  y 
procéder  dans  la  quinzaine  du  jour  de  la 
réception  du  mandement  pour  l'impofition 
de  la  taille.  Déclarât,  du  mois  d'août  1683. 
Ils  doivent  marquer  fur  le  rôle  le  nom  &  la 
{^rofcflion  de  chaque  taillable  ,  Tefpecc  de 
Ion  commerce  ou  induftrie  ,  la  quantité  de 
terres  qu'il  exploite ,  le  nom  du  propriétaire , 
le  nombre  de  charrues  ou  paires  de  bœufs , 
fervant  au  labourage.  Arrêt  du  confeil  du  J 
juillet  ly^J.  Voyei  plus  bas  Taxe. 

Solidité.  Les  colledeurs  font  refponfabîes 
folidairement  du  fait  les  uns  des  autres.  Règle- 
ment de  îGoo ,  art.  Zii ,  &  de  2%-^  ,  art.  ^8. 

Taxe  :  les  colledeurs  ne  peuvent  le  taxer 
ou  cotifer  ni  leurs  parens  &  alliés ,  à  moins 
jqu'ils  l'étoient  l'année  précédente,  ou  fur 
le  pié  de  leurs  cotes ,  au  cas  que  la  taille  eut 
augmenté  ou  diminué  ,  li  ce  n'eft  qu'ils 
eulîènt  fouffert  quelque  notable  perte  ou. 
dommage  en  leurs  biens  &  facultés ,  ôc  que 
pour  raifonde  ce ,  les  élus  au  nombre  de  trois 
euflent  jugé  qu'il  y  eût  lieu  à  un  rabais.  Edit 
de  iGoo  ,  article  zo  ,  &  de  z6?4  ,  article ^o. 

Ils  ne  peuvent  pas  non  plus  être  augmentés 
en  fortant  de  charge ,  qu'à  proportion  de 
.  l'augmentation  fur  la  taille ,  s'il  y  en  a.  Régi. 
de  l6j2  ,  art.  G.  Voyez  le  mémoire  alphab. 
des  tailles ,  aux  mots  ajféeurs ,  collecle ,  collec- 
teurs y  rôle  y  tailles  ,   &;c.  (  ^  ) 

Collecte  ,  (  WJi.  eccléf.  Lithurg.  )  dans 
la  mefle  de  l'églife  romaine ,  &  même  dans 
la  lichurgie  anglicane,  lignifie  une  prière 
£rojpr£  à  certains  jours  defâesj  que  le  prêtre 


488  COL 

récite   immédiatement  avant  1  epître.  Voy. 
LiTHURGiE  &  Messe. 

Eli  général  toutes  les  oraifons  de  chaque 
office  peuvent  être  appellées  colleâes ,  parce 
que  le  prêtre  y  parle  toujours  au  nom  de 
toute  lallèmblée ,  dont  il  réfume  les  ienti- 
mens^'  les  deiirs  par  le  mot  oremus ,  prions  , 
ainfi  que  l'obferve  le  pape  innocent  ïll ,  ou 
parce  que  les  prières  lont  offertes  lorfque  le 
peuple^eft:  ailemblé  ,  ce  qui  eft  lopinion  de 
Pamelius  dans  les  remarques  fur  TertuUien. 

Qiielques-uns  attribuent  f  origine  de  ces 
collèges  aux  papes  Gélafe  &  S.  Grégoire  le 
grand.  Claude  Defpenfe  ,  dodeur  de  la 
faculté  de  Paris ,  a  fait  un  traité  particulier 
des  colkâes  ,  où  il  parle  de  leur  origine  ;  de 
leur  ancienneté  ,  de  leurs  auteurs ,  ùc. 

Dans  quelques  auteurs  anciens  on  trouve 
le  nom  de  collecle  appliqué  à  Taflèmblée  ou 
congrégation  des  fidèles. 

Colleâ2  fignifie  auifi  les  quêtes  qu'on  fai- 
foit  dans  la  primitive  '  églife  dans  certaines 
provinces ,  pour  en  foulager  les  befoins  des 
pauvres  &  du  clergé  d'une  autre  province, 
il  en  eft  fait  mention  dans  les  ades  &  dans 
les  épîtres  des  apôtres.  V.  Trév.  &  Chambers. 

COLLECTEUR  ,  f.  m.  {Jurifprud.  )  eft 
le  nom  que  l'on  donne  à  ceux  qui  font 
chargés  du  recouvrement  de  quelque  impofi- 
tion  :  comme  les  collecteurs  des  tailles  ,  ceux 
de  Timpôt  du  fel  \  on  donnoit  aufti  autrefois 
le  nom  de  colleâeurs  à  ceux  qui  étoient  pré- 
pofés  pour  la  levée  de  diverfes  autres  impofi- 
tions,  comme  enverra  dans  les  fubdiviiions 
iuivantes.  Chez  les  Romains ,  les  importions 
ordinaires  furent  appellées  canonica  ,  &  les 
collecîcurs  canonicarii ,  comme  on  voit  en 
Vauth.  de  collatorïbus  ,^^hoc  cujîodiri.  Voy. 
ci -devant  Collecte  &  ci-après  Collec- 
teurs DU  Sel  &  DES  Tailles.  (A) 

Collecteurs  de  l'Aide,  voje:(^ Col- 
lecte d'une  aide  ,  Collecteurs  dï 
L''ÀssisE,  Collecteurs  des  Impositions 
&  Subsides.  {A) 

Collecteurs  des  amendes  ,  voye:^  ci- 
devant  Collecte  des  Amendes.  {A) 

Collecteurs  de  l'Assise  ou  Aide  fur 
les  marchandifes  ù  denrées  qui  fc  vendent  à 
Taris  ;  il  en  eft  parlé  dans  des  lettres  de 
Philippe  VI  ,  du  17  février  i:545>,  portant 
qu'il  feralevé  pendant  un  an  une  impolition , 
qui  eft  qualifiée  à' aide  ou  ajjifc ,  fur  toutes 


COL 

'  les  marchandifes  &  denrées  qui  feront  ven- 
dues dans  la  ville  ik  fauxbourgs  de  Paris  j  que 
s'ilavenoir'âucuns  débats  ou  difcuiïions  entre 
les  collecteurs  députés  à  la  levée  de  ladite  impo- 
fiîion  de  les  bonnes  gens  de  ladite  ville  de 
Paris ,  les  prévôt  6c  échevins  en  pourront 
ordonner  ,  ô'c.  {A  ) 

Collecteurs  du  droit  d*Aubaine.  Il 
y  en  avoir  du  temps  du  roi  Jean ,  comme 
il  paroît  par  des  lettres  de  Charles  V  ,  alors 
régent  du  royaume ,  du  16  février  1361,  qui 
défend  à  tous  officiers  ^  commiflaires-co//ec- 
teurs,  de  autres,  d'inquiéter  les  aubams  qui 
étoient  membres  du  chapitre  de  Rheims. 
Ordonnance  de  la  troijiemc  race.  {A) 

Collecteurs  des  Dlcimes.  Il  en  eft 
parlé  dans  les  lettres  du  roi  Jean  ,  du  1 2 
janvier  1 3  j  i ,  portant  commifTion  au  prieur 
de  S.  Martin  des  champs  de  Paris ,  envoyé 
par  le  roi  dans  le  Languedoc  pour  y  régler 
toutes  les  affaires  quiregarderoienr  la  finance  ; 
le  roi  lui  donne  pouvoir  de  pourfuivre  tous 
receveurs  ,  collecteurs  5c  fous-collecteurs  des 
décimes ,  pour  les  obliger  de  rendre  compte  : 
ces  Colleâeurs  des  décimes  faifoient  alors  la 
fonétion  que  font  aujourd'hui  les  receveurs 
particuhers  des  décimes  dans  les  diocefcs. 
Ko jc^  ci -après  Décimes. (^) 

Collecteurs  députés  a  lever  Vimpofition , 
&c.  voy.  Collecteurs  de  l'imposition 
fur  les  marchandifes. 

Collecteurs  députés  fur  les  finances  des 
nouveaux  acquêts  ,  étoient  ceux  qui  étoient 
prépofés  pour  le  recouvrement  des  droits 
dûs  par  les  gens  de  main-morte  pour  les  nou- 
velles acquifitions  par  eux  faites  ;  il  en  eft 
parlé  dans  des  lettres  de  Philippe  VI ,  du  19 
janvier  152,9,  qui  font  adrelîces  au  bailli 
de  ville  _,  &  collecloribus  deputatis  fuper  finan- 
dis  acquejîuum  in  bailliviâ  antediclâ.  {A) 

Collecteurs  des  Fouages  ,  étoient 
ceux  qui  faifoient  la  levée  de  l'impofition  ou 
aide  appellée  fouage ,  qui  fe  levoit  fur  cha- 
que feu  ou  ménage  ;  Charles  V  ordonna ,  le 
Il  novembre  1379,  que  ces  collecteurs  nt 
feroient  plus  nommés  par  les  élus  ni  par  les 
autres  officiers ,  mais  qu'ils  feroient  choifis 
par  les  habitans  des  lieux  fujets  à  cette  im- 
pofition  j  que  les  habitans  feroient  garans 
de  leur  geftion  &:  recette  ;  que  les  afleeurs 
&  collecteurs  prêteroient  ferment ,  que  les 
afleeurs  feroient  l'alïiette  &  donneroient  sux 

colleâeurs 


COL 

collecteurs  le   rôle  d'impofidon   un  mois 
avant  le  commencement  de  Tannée;  que 
les  collecleurs  pourroient  recevoir  un  mois 
avant  le  terme  du  paiement,  &  quijize  jours 
après  contraindre  ceux  qui  n'auroient  pas 
payé  ;  qu'un  des  collecleurs  apporteroit  au 
receveur  les  deniers  de  Pimpofîtion  quatre 
jours  au  plus  tard  après  l'échéance  du  terme  : 
il  eft  dit  par  cette  même  ordonnance ,  que 
les  afleeurs  &  colleâeurs  feront  réputés  offi- 
ciers royaux ,  &  qu'on  leur  obéira  comme  à 
des  fergens  royaux  ;  qu^ils  pourront  prendre 
des  commiiTions  des  élus  du  dioceiej  que 
Il  les  contribuables  ne  paient  pas,  les  collec- 
teurs en  feront  refponfables  en  cas  qu'ils 
n'aient  pas  fait  les  pourfuites  néceffaires  pour 
les  faire  payer  ;  enfin ,  que  les  colleâeurs  qui 
iront  porter  au  receveur  l'argent  de  Timpo- 
fition  5  auront  pour  le  temps  de  leur  voyage 
quatre  (ous  par  jour  s'ils  font  à  cheval ,  & 
deux  fous  par  jo^ir  s'ils  font  à  pié;  5c  que 
pour  récompenfe  de  la  peine  qu'ils  auront 
de  lever  Timpofition ,  ils  en  feront  exempts , 
à  moins  que  les  habitans  ne  conviennent 
avec  eux  d^un  autre  falaire.  On  voit  par  ce 
détail  que  Ton  obfervoit  alors  à-peu-près  le 
mêm.e  ordre  pour  les  collecleurs  y  que  Ton 
oblerve  aujourd'hui  pour  ceux  des  tailles 
qui  ont  f)ris  la  place  du  droit  de  fouage ,  fi 
ce  n'eft  que  les  colleâeurs  des  tailles  ne  ibnt 
pas  exempts  de  Timpofition ,  comme  Té- 
roient  les  colleâeurs  des  fouages.  Cette  or- 
donnance contient  auffi  un  règlement  pour 
la  gabelle ,  à  la  fuite  duquel  il  eft  dit  que  les 
élus  &  les  grenetiers  feront  jurer  tous  les  ans 
aux  colleâeurs  des  fouages ,  qu'ils  leur  dé- 
nonceront ceux  qui  contreviendront  à  cette 
ordonnance  dans  leurs  paroiflès  ;   &  que 
lorfqu'ils  le  feront ,  ils  auront  la  récompenfe 
alîîgnée  aux  dénonciateurs ,  qui  eft  la  moitié 
des  confifcations  &:  amendes.  V.le  recueil  des 
ordonn.  de  la  troijîeme  race,  5c  Fou  Age.  (A) 
Collecteurs  d'Impositions,  Ce  nom 
étoit  commun  autrefois  à  tous  les  prépofés 
établis  pour  la  levée  de  diverfes  impoiitions  ; 
c'eft  en  ce  fens  qu'il  fe  trouve  employé  dans 
des  lettres  de  Philippe  VI,  du  3  juin  13 48, 
adreftees  à  tous  nos  jufticiers,  fénéchaux , 
baillis,  receveurs,  fermiers,  colleâeurs  des 
impositions ,   &  autres  qui  ces  préfentes 
lettres  verront;  il  leur  eft  défendu  de  con- 
traindre aucun  changeur  à  payer  impoiîtion 
Tome  VIII, 


COL  48c> 

du  billon  d'or  Ou  d'argent ,  qu'ils  auront 
vendu  ou  acheté  dorénavant  pour  porter 
aux  moDIiioies.  ordonnance  de  la  troiJieme 
race,  tomz.  II  Q A) 

Collecteurs  de  l'Imposition  yî/r /e^ 

marcfiandifes   ù  denrées   vendues   à  Paris. 

Voye^  Collecteurs  de  l'assise.  {A) 

Collecteurs  de  l'impôt  du  Sel,  v. 

Collecte  du  Sel.  (A) 

Collecteur  du  Pape  en  France;  il  y 
a  eu  quelques  papes  qui ,  du  confentement 
de  nos  rois,  ont  levé  de  temps  en  temps 
en  France  une  imposition  fur  le  clergé  pour 
la  Terre -fainte  ôc  autres  objets  de  piété. 
.Par  exemple,  Alexandre  IV  impofa,  du 
confentement  du  roi,  un  centième  fur  le 
clergé  de  France  pour  la  Terre-fainte.  Les 
papes    levoient    auflî    des    procurations  , 
dixièmes ,  &  d'autres  droits  fur  les  béné- 
fices; 6c  pour  cet  eftet  ils  avoient  des  col- 
leâeurs &  fous-coUeâeurs  :  il  en  eft  parlé 
dans  des  lettres  de  Charles  V,  du  4  fep- 
tembre"i37j;  ôc  plus  amplement  encore 
dans  des  lettres  de  Charles  VI,  du  3  oc- 
tobre  138J,  par  lefqueiles  il  en  révoque 
d'autres  qui  avoient  ordonné  de  pourfuivrc 
les  eccléiîaftiques  qui  n'avoient  pas  payé  au 
pape  les  redevaiices  qu'il  exigeoit  d^eux. 
Le  même  prince  ,  dans  une   Inftrud-ion 
qu'il  donna  le  1 1  mars  1388  aux  généraux 
des  aides  fur  la  levée  des  aides,  djt  que 
le  pape  avoit  envoyé  une  bulle  portant  que 
les  colleâeurs  &  fous-colleâeurs  &  autres 
officiers,  étoient  francs  &  exempts  des  aides 
qui  étoient  alors  établies  ;  que  cela  porteroft 
un  grand  préjudice  au  roi ,  vu  que  tous  ces 
officiers  avoient  coutume  de  payer  les  aides  ; 
pourquoi  il  ordonne  aux  généraux  d'avifer 
le  remède  convenable  &  d'y  pourvoir.  Il 
en  eft  encore  parlé  dans  d'autres  lettres  du 
même  prince,  du  28  feptembre  1390;  & 
enfin  par  d'autres  lettres  du  17  juillet  1398, 
il  défendit  à  tous  fes  fujets,  de  quelqu'état 
qu'ils  fuflcnt,  de  rien  payer  aux  colleâeurs 
du  pape  des  revenus  éc  émolumens  qu'il 
avoit  coutume  de  prendre  dans  le  royaume 
&  dans  le  Dauphiné  :  la  même  défenfe  fut 
par  lui  renouvellée  le  19  décembre  1403 .  V. 
le  recueil  des  ordonn.  de  la  troifieme  race.  (A) 
Collecteurs  du  Sel  ,  voye:^  ci-devant. 
Collecteur  du  Sel.  {A) 

Collecteurs  des  Subsides  ,  étoient" 

aqq 


490  COL 

ceux  qui  feifoient  la  levée  <3es  impofîtions  ' 
extraordinaires  que  Ton  mettoit  en  temps 
de  guerre  j  il  en  eft  parlé  dans  dé^  lettres 
df  Philippe  VI,  du  j8  juin  1319,  adref- 
lees  au  Bailli  de  Bourges  ,  où  il  dit  que 
pour  cïiufe  de  la  guerre  qu'il  devoir  avoir 
en  Gai  cogne,  pluiieurs  commiflàires,  col- 
hcîeurs ,  fergens  &  autres ,  avoient  levé  fur 
les  fujets  de  ce  bailliage  pluiieurs  fommes 
d'argent  &  pluiieurs  gages.  {A) 

Collecteurs  de  Subventions, 
étoient  les  mêmes  que  ceux  qui  faifoient  la 
levée  des  aides,  &  autres  impofîtions j  ils 
font  nommés  fubventionïwi  co/kâcres  dans 
des  lettres  du  roi  Jean  du  16  février  1 361. 
Ordonnance  de  la  troijieme  race.  {A) 

COLLECTIF,  adj.  {Gram.)  Ce  mot 
vient  du  hûncoUigere^  recueillir,  rafièm- 
bler.  Cet  adjeélif  le  dit  de  certains  noms 
fubftantifs  qui  préfentent  à  l'efprit  l''idée 
d'un  tout ,  d'un  enfemble  formé  par  l'af- 
ièmblage  de  plufieurs  individus  de  même 
elpece  ;  par  exemple ,  armée  eft  un  nom 
collectif  y  il  nous  préfente  l'idée  finguliere 
d'un  enfemble ,  d'un  tout  formé  par  l'af- 
femblage  ou  réunion  de  pluiieurs  ioldats  : 
peuple  eft  aulTi  un  terme  colleclifi  parce 
qu'il  excite  dans  Pefprit  l'idée  d'une  col- 
lection de  pluiieurs  perfonnes  raflemblées 
en  uh  corps  politique ,  vivant  en  fociété 
fous  les  mêmes  loix  :  foret  eft  encore  un 
nom  coUeclif;  car  ce  mot ,  fous  une  e^xpref- 
^on  finguliere  ,  excite  l'idée  de  pluiieurs 
arbres  qui  font  l'un  auprès  de  l'autre;  ainfi 
le  nom  colle3if  nous  donne  l'idée  d'unité 
par  une  pluralité  aifemblée. 

Mais  obfervez  que  pour  faire  qu'un  nom 
ibit  collecîify  il  ne  fuftit  pas  que  le  tout  fait 
compofé  de  parties  divifiblesj  il  faut  que 
ces  parties  foient  aduellement  féparées ,  & 
qu'elles  aient  chacune  leur  être  à  part  , 
autrement  les  noms  de  chaque  corps  par- 
ticulier feroient  autant  de  noms  coUcclifsi 
car  tout  corps  eft  divifible  :  ainfi  homme 
n'eft  pas  un  nom  collecîify  quoique  l'homme 
foit  compofé  dç  différentes  parties;  mais 
ville  cil  un  nom  collecîify  foit  qu'on  prenne 
ce  mot  pour  un  affemblage  de  différentes 
maifons ,  ou  pour  une  fociété  de  divers 
citoyens  :  il  en  eft  de  même  d«  multitude, 
quantité,  régiment  y  troupe  ^  la  plupart  ^  ÔCC. 

JUl  Élut  obfeiver  ici  vuie  maxime  impor- 


COL 

tante  de  grammaire ,  c'eft  que  le  fens  eft  K 
principale  règle  de  la  conitrudion  :  ainfi 
quand  on  dit  qu'une  infinité  de  perfonnes 
Jbuîiennent  y  le  xcrhc  fou  tiennent  eil  au  plu- 
riel ,  parce  qu'en  effet ,  félon  le  fens  ,  ce 
lont  plufieurs  perlonnes  qui  iouriennent  : 
finfinité  n'eft  que  pour  marquer  la  plu- 
ralité des  perfonnes  qui  foutiennent  :  ainfi 
il  n'y  a  rien  contre  la  grammaire  dans 
ces  fortes  de  conftrudions.  C'eft  ainfi  que 
Virgile  a  dit  :  Fars  merfi  tenuere  ra:em  ;  &c 
dans  Salufte ,  pars  in  carcerem  acli ,  pars  bef~ 
tiis  objecli.  On  rapporte  ces  conftructions  à 
une  figure  qu'on  appelle  fyllepfe;  d'autres  la 
nomment  fyntheje  :  mais  le  nom  ne  fait 
rien  à  la  chofe;  cette  figure  confifte  à  faire 
la  conftruélion  félon  le  fens  plutôt  que  félon- 
ies mots.   Voye:^  Construction.  {F) 

COLLÉG  AT  AIRES  ,  C  m.  pi.  {Jurif^ 
prud.  )  font  ceux  auxquels  une  même  chofc. 
a  été  léguée  conjointement.  . 

Pluiieurs  légataires  d'une  même  chofe 
peuvent  être  conjoints  en  trois  manières  dif- 
férentes ,  (avoir,  re ,  verbis ,  aut  re  &  verbis^ 

Ils  font  conjoints  feulement  re ,  c'eft- 
à-dire  par  la  chofe ,  lorfque  la  même  chofe 
leur  eft  léguée  à  chacun  par  une  difpofi- 
tion  particulière  :  par  exemple ,  je  lègue  à 
Titius  ma  maifon  de  Tufculum ,  je  lègue 
à  Mcevius  ma  maifon  de  Tufculum. 

Ils f(?nt  conjoints  de  paroles  feulement, 
verbis ,  lorfque  la  même  difpofition  les 
appelle  au  legs  d'une  certaine  chofe ,  mais 
néanmoins  en  leur  afîgnant  à  chacun  la 
part  qu'ils  doivent  y  avoir  :  par  exemple  > 
je  lègue  à  Titius  &c  à  Mœvius  ma  maifon 
de  Tufculum  par  égales  portions. 

On  les  appelle  conjoints  re  &  verbis , 
lorfqu'ils  font  appelles  enfemble  &  à  la. 
même  chofè  fans  diftinârion ,  comme 
quand  le  teftateur  dit  :  je  lègue  à  Titius 
&  à  Mœvius^  ma  maifon  de  Tufculum. 

Le  droit  d'accroillèment  n'a  pas  lieu 
entre  toutes  fortes  de  collégataires ,  mais 
feulement  entre  ceux  qui  font  conjoints 
re  y  ou  qui  le  font  tout  enfemble  re  & 
verbis.  Voye[  injî.  lib.  II  y  tit.  xx  ;  voye^ 
Légataire  &  Accroissement.  {A) 

COLLEGE,  f.  m.  corps  ou  compagnie 
de  perfonnes  occupées  des  mêmes  fonc- 
tions. Collegium  chez  les  Rojnains  avoit  le 
même  fens;  on  s'en  fendit  indifféremmeat 


COL 

pour  ceux  qui  vaquoient  aux  affaires  de  la 
religion ,  à  celles  de  l'état ,  ai*x  arts  libé- 
raux, aux  arts mécha niques,  au  commerce, 
ùc.  Ce  mot  ne  fignifieit  proprement  qu'une 
compagnie^  une  focié té.   Voye:^  Société, 

Ainfi  parmi  eux,  outre  le  collège  des  au- 
gures Se  celui  des  capitolins ,  c'eft-à-dire, 
la  compagnie  qui  avoir  la  furintendance 
des  jeux  capitolins,  on  comptoit  encore  le 
collée  des  artificiers ,  celui  des  charpentiers , 
des  potiers,  des  fondeurs,  des  ferruriers, 
des  ouvriers  pour  les  machines  de  guerre , 
des  bouchers,  des  dendrophores ,  des  ra- 
vaudcurs,  des  tailleurs  d'habits  militaires, 
des  faiseurs  détentes,  des  boulangers ,  des 
muficiens,  &c.  Voye'{^  Augure. 

Plïitarquc  prétend  que  cette  divifîon  du 
peuple  en  collèges  y  étoit  un  effet  de  la  po- 
litique de  Numa,  qui  voulut  que  les  dif- 
férens  intérêts  de  ceux  qui  compofoient  ces 
divers  collèges  les  tenant  toujours  défunis, 
les  empêchaient  de  penfer  à  aucune  conC 
piraiion  générale.  Ces  collèges  étoient  dif- 
tingués  des  autres  fbciétés  formées  fans 
laveu  de  Tautorité  publique,  en  ce  que 
ceux  qui  compofoient  ces  collèges  traitoient 
pour  les  intérêts  communs  de  leur  corps ,  & 
qu'ils  étoient  autant  de  membres  de  l  état  : 
ils  avoient  une  bourfe  commune,  &  un 
agent  pour  folliciter  leurs  affaires  :  ils  en- 
voyoient  des  députés  aux  magiflrats  quand 
ils  ne  pouvoient  y  aller  en  perlonne;  enfin, 
ils  avoient  droit  de  faire  des  ftatuts  &:  des 
réglemens  pour  l'adminiftration  de  leurs 
affaires ,  à  -  peu  -  près  comme  font  parmi 
nous  les  corps  de  métiers  par  leurs  (yndics , 
jurés,  gardes  &  autres  officiers. 

Il  y  a  parmi  les  modernes  quelques  col- 
lèges ,  mais  d'un  ordre  bien  fupérieur  à  ces 
collèges  des  Romains ,  tels  que  les  trois 
collèges  de  Pempire.  Voye-^  ci-dejfous  Col- 
lèges DE  l'Empjre  ,  &  le  Collège  des 
Cardinaux  ,  ùc. 

Collège  des  Avocats.  Les  avocats, 
confidérés  tous  enfemble ,  forment  un  or- 
dre ,  Ôc  c'efl  ainfi  qu'on  les  qualifie  ordi- 
nairement; néanmoins  dans  quelques  prp- 
vinces,  comme  à  Rouen,  à  Lyon,  &c. 
on  dit  le  collège  des  avocats.  Voye-^  Avo- 
cats ,  Ordre   des  Avocats. 

Collège  des  Avocats  au  Conseil, 
eft  la  compagnie   des   avocats  qui  /ont 


COL  491 

chacun  pourvus  d^un  office  d'avocat  es 
conieils  du  roi ,  en  vertu  duquel  ils  peuvent 
feuls  occuper  dans  toutes  les  iiîflances  qui 
ie  portent  au  oonfeil.  Fcrye;^  Avocats  au 
Conseil  &  Conseil. 

Collège,  fignifie  auflî  quelquefois  un 
corps  d'eccléfiafliques.  C'efl  en  ce  Çtns  que 
l 'on  dit  collège  des  cardinaux  ou  lefacré  collège. 

Il  y  a  auffi  des  collèges  de  chanoines  & 
des  collèges  de  chapelains. 

On  ne  donne  communément  le  titre 
de  collège  ou  de  collégiale  aux  chanoines 
féculiers  ou  réguliers ,  que  dans  les  égUfes 
autres  que  la  cathédrale. 

Pour  ce  qui  eft  des  chapelains ,  il  y  a  des 
cgliies ,  même  cathédrales ,  où  ils  forment 
un  corps  que  Pon  appelle  collège ,  comme 
dans  l'églife  cathédrale  de  Rouen ,  où  il  y 
a  cinq  ou  fîx  collèges  différcns  de  chape- 
lains, qu'on  appelfe  collégiaux^  à  la  diffé- 
rence d'autres  chapelains  de  la  même  églifè , 
qui  ne  forment  point  de  corps  entre  eux, 
&  qu'on  appelle  non -collégiaux. 

Le  Collège  des  Cardinaux  ou  Iq 
facré  collège ,  eft  le  corps  des  cardinaux  qui 
font  divilés  en  trois  différens  ordres;  les 
cardinaux  évêques,  les  cardinaux  prêtres 
&  les  cardinaux  diacres.  V.  Cardinal. 

Chaque  ordre  a  fon  doyen  ou  chef; 
celui  des  cardinaux  évêques  eft  toujours 
l'évêque  d'Oftie. 

Collège  des  Secrétaires  du  Roi» 
eft  la  compagnie  des  fecretaires  du  roi  : 
il  y  a  le  grand  &  le  petit  collège. 

Le  grand  collège  eft  la  compagnie  des 
fecretaires  du  roi  ,  maifon  couronne  de 
France  &  de  fes  finances,  qui  font  attachés 
à  la  grande  chancellerie  de  France. 

Cette  compagnie  étoit  autrefois  compo- 
fce  de  fix  collèges  différens. 

Le  premier,  qu'on  appelloit  le  collège 
ancien  y  ne  fut  d'abord  compofe  que  de 
foixante  perfonnes;  favoir,  le  roi  &  cin- 
quante-neuf fecretaires.  Ce  collège  fut  de- 
puis augmenté  de  foixante  fecretaires  ap- 
pelles ^^^<rr.T ,  pour  les  diftinguer  des  autres 
qu'on  appelloit  bourfiers. 

Le  fécond  ,  appelle  le  collège  des  cïn'- 
quanîe-quatre ,  compofé  de  cinquante -qua- 
tre nouveaux  fecretaires  du  roi,  créés  par 
édit  de  Charles  IX ,  en  i  yyo ,  &  confirmé 
par  Henri  UI  en  1583* 

Qqq  1 


45)i  COL 

Le  troiileme;,  appelle  des  foixante-Jix , 
comporé  de  loixanre-lix  fecretaires  du  roi, 
créés  à  divcrfes  fois ,  àc  unis  en  collège 
par  Henri  IV  en  1608;  auxquels  furent 
joints  les  quarante -lix  créés  par  édit  de 
Louis  XIII  en  1641  ;  ce  qui  fit  en  tout, 
dans  ce  colley  y  111  fecretaires  du  roi. 

Le  quatrième,  appelle  des  fix-vingts  des 
finances  créés  à  trois  fois;  favoir,  16  par 
Henri  IV,  19  par  Louis  XIII  en  1615,  & 
S4  encore  par  Louis  XIII  en  16 55. 

Le  cinquième  ,  appelle  collège  des  vingt 
de  Ncn'crré  f  fut  créé  &  établi  en  1607 
par  le  roi  Henri  IV  ,  cpi  les  amena  en 
France  avec  la  couronne  de  Navarre  ;  ils 
croient  Tes  fecretaires  lorfqu'il  n'étoit  encore 
que  roi  de  Navarre. 

Le  fixieme  &  dernier ,  appelle  des  qua- 
tre-vingts,  fut  créé  à  deux  fois  par  Louis 
XIVj  lavoir,  46  en  1655,  &  34  en  1657. 
.  Ces  fix  collèges  difFérens  ont  depuis  été 
réunis  en  un  feul  &  même  collège ,  qu'*on 
appelle  le  grand  collège  des  fecretaires  du 
roi,  qui  ont  tous  le  même  titre. 

Le  petit  collège  eft  compofé  des  fecre- 
taires du  roi  établis  près  des  cours  &  pe- 
tites chancelleries.  Voy.  Secrétaires  du 
Rai.  {A) 

.  Collège  ,  en  parlant  de  l'Allemagne  ,  fe 
dit  d'une  célèbre  divifion  de  tous  les  états 
qui  compofent  le  corps  germanique  en  trois 
ordres  ou  clafles ,  qu'on  nomme  le  collège 
des  électeurs  ,  le  collège  des  princes  ,  &  le 
collège  des  villes  libres  ou  impériales.  Les 
deux  premiers  corps  ne  formoient  d'abord 
qu'une  feule  &  même  afîèmblée ,  (bit  pour 
l'élettion  de  Pempereur,  foit  pour  les  autres 
délibérations.  Mais  les  éledeurs  s'étant  in- 
fènfiblement  arrogé  le  droit  d'élire  feuls 
l'empereur ,  &  de  tenir  leurs  conférences  à 
part,  tant  dans  cette  occailon  que  pour  les 
autres  affaires  de  l'empire,  malgré  les  pro- 
tefîations  des  autres  princes  &  des  villes  im- 
périales y  cela  fit  prendre  aufïî  à  ces  princes 
&  à  ces  villes  la  réfolution  de  s'affembler  en 
corps  féparés;  &  de  là  elT:  venue  la  diftinc- 
tion  des  trois  collèges,  qui  fut  reçue  &  établie 
dans  la  diere  de  Francfort  en  1580.  Mais  les 
villes  impériales  font  les  dernières  qui  ont 
fait  un  collège  particulier  :  leurs  privilèges 
néanmoins  font  bien  moins  confidérables 
que  ceux  des  deux  premiers  corps  om  collèges. 


COL 

Quand  les  deux  premiers  collèges  étoîSnt 
d'accord,  le  collège  des  villes  le  trouvoit 
obligé  de  confentir  fans  autre  délibération. 
Mais  cet  ordre  a  changé  ;  fi  le  collège  des 
villes  impériales  s'oppofe  à  l'avis  unanime 
des  deux  autres  collèges ,  pour  lors  on  dé- 
pute vers  l'empereur,  pour  le  prier  d'hi- 
duire  les  villes  à  donner  leur  confentemenc 
à  l'avis  des  deux  autres  collèges  fupérieurs. 

Le  collège  électoral  eft  compole  des  princes 
électeurs ,  qui  font  trois  eccléfiaftiques  y 
favoir,  l'éledteur  de  Mayence,  l'éleéteur  de 
Trêves  &  l'éledteur  de  Cologne,  tous  trois 
archevêques,  &  de  cinq  féculiers,  qui  font, 
le  roi  de  Bohême,  le  duc  de  Bavière,  l'élec- 
teur de  Saxe,  celui  de  Brandebourg,  &;  le 
palatin  du  Rhin  ,  auxquels  l'empereur  Léo- 
pold  ajouta  un  fixieme  en  faveur  du  duc  de 
Brunfwik-Hanovre,  dont  la  maifon  occupe 
aujourd'hui  le  trône  d'Angleterre.L'éleéteur 
de  Mayence  tient  le  diredroire ,  ou  eft  du'ec- 
teur  de  ce  collège  y  c'eft-à-dire ,  qu'il  y  pro- 
pofe  les  matières  &  recueille  les  voix.  Les 
éledeurs  peuvent  y  afîifter  par  eux-mêmes 
ou  par  leurs  ambafïàdeurs  ;  quant  à  leurs 
autres  prérogatives,  voye^^  Electeur. 

Le  collège  des  princes  comprend  tous  les 
autres  princes  d'Allemagne ,  fbit  eccléfiafti- 
ques, comme  archevêques ,  évêques ,  abbés, 
prévôts  &:  autres  prélats ,  princes ,  fbit  fecu-» 
liers ,  comme  ducs  ,  marquis ,  landgraves , 
burgraves  &:  autres  princes.  Il  comprend 
aufli  les  abbés ,  abbefîes ,  les  autres  prélats 
&  les  comtes  qui  font  membres  relevant 
immédiatement  de  l'empereur  ou  de  l'em- 
pire ,  &C  qui  font  non  feulement  compris 
dans  la  matricule  de  l'empire,  mais  encore 
contribuent  à  fes  nécclîltés  fuivant  la  taxe 
portée  par  cette  matricule;  car  il  y  a  plu- 
fîeurs  feigneurs  qui  ont  confervé  le  titre  de 
princes  de  l'empire ,  comme  les  archevêques 
de  Befançon  &c  de  Cambrai ,  fans  avoir  ni 
féance  ni  fuffrage  aux  diètes;  mais  l'éveque 
de  Strafbaurg ,  quoique  fous  la  domination 
de  France ,  a  confervé  fbn  rang  à  la  diète  de 
l'empire.  Il  doit  cette  prérogative  finguliere 
au  feu  empereur  Charles  Vî  ;  ce  qui  fut  né- 
gocié par  le  favant  M.  Schccpflin ,  profefTeur 
d'hifk)ire  Se  de  belles  -  lettres  à  Strafbourg. 
Le  diredoire  des  princes  eft  tenu  alterna- 
tivement par  l'archiduc  d'Autriche  &  par 
l'archevêque  de  Saltzbourg. 


COL 

Le  troKîeme  collège  eft  celui  des  villes  impé- 
riales, ainii  nommées  parce  quelles  lonr 
états  immédiats  &  indépcndans  de  toute  au- 
tre puifiànce  que  de  l'empereur  &  de  l-'em 
pire.  Depuis  le  traité  de  Weftphalie  elles  ont 
voix  délibérative  &  décifive  comme  les  deux 
autres  collèges.  L'Allemagne  avoit  autrefois 
quatre-vingt-quatre  ou  quatre-vingt-cinq 
villes  quijouifloient  de  ce  droit;  ce  nombre 
eft  réduit  à  environ  cinquante  ;  leur  direc- 
toire eft  tenu  &  exercé  par  le  premier  magif- 
trat  de  la  ville  impériale  où  la  diète  eft  con  - 
voquée  ,  &  fi  elle  ne  s'aftèmble  pas  dans 
une  ville  impériale  ,  les  premières  villes  des 
bans  font  exercer  le  diredoire  alternative- 
ment par  un  fyndic  ou  par  un  avocat. 
HeiC  h/foire  de  F  Empire ,  tome.  III.  (G)  {a) 

Collège  deSion,  ou  du  Clergé  de 
Londres  :  c'étoit  de  temps  immémorialune 
maifon  religieufe  nommée  tantôt  prieuré , 
&  tantôt  hôpital.  A  fa  deftrudion  ,  arrivée 
la  rrente-unieme  année  d^Henri  VIII,  on 
i'appelloit  V hôpital  d^Ehyn^  du  nom  d'un 
mercier  qui  l'avoit  fondé  en  1 319.  Préfen- 
remenc  ce  collège  eft  compofé  du  collège  du 
clergé  de  Londres ,  qui  lui  a  été  incorporé 
en  i(>3i  à  la  requête  du  docteur  Withe , 
en  qualité  de  préiident  des  membres  du  col- 
lège de  Sion ,  &  d'un  hôpital  fondé  pour  dix 
pauvres  hommes  &  autant  de  femmes. 

Les  officiers  de  cçcdlegeCom  le  préfîdent, 
deux  doyens ,  &  quatre  aiTèfîèurs  ;  ils  font 
élus  tous  les  ans  parmi  les  curés  3c  vicaires 
de  Londres ,  &  font  fujets  à  la  vifite  de 
l'cvéque.  Ils  ont  une  belle  bibliothèque  fon- 
dée par  M.  Simfon  :  elle  eft  principalement 
deftinée  à  Tufage  du  clergé  de  Londres,  fans 
en  excepter  cependant  les  autres  étudians. 
Ils  ont  aullî  une  claftè  avec  des  chambres 
pour  les  étudians  ;  mais  elles  font  occupées 
communément  par  les  miniftres  des  paroiffes 
voifines.  Chambers. 

Collège  des  Docteurs  en  Droit  de 
Londres  ,  ordinairement  appelles  doclors 
commons ,  a  été  îovÂi  parle  dodeur  Ilarvey, 
doyen  de  la  cour  des  Arches ,  en  faveur  des 
profeileurs  de  droit  civil  établis  à  Londres  , 
auffi-bien  que  pour  le  juge  de  la  cour  des 
Arches  de  Cantorbéry,  le  juge  de  l'ami- 
rauté ,  de  la  cour  de  la  prérogative  ,  ùc.  ôc 
autres  do6beurs  en  droit.  Ils  vivent  tous,  tant 
pour  le  logement  que  pour  lanouiiiturej  à 


COL  45)5 

la  manière  des  collèges,  c'eft-à-dire  en  com- 
mun ,  ce  qui  fait  qu'on  les  appelle  doclors 
commons.  Leur  maifon  ayant  été  brûlée 
dans  le  grand  incendie  de  1 661 ,  ils  demeu- 
rèrent à  Exeter-houfe-in  the  Strand,  jufqu'à 
ce  que  leur ccZ/eoe  fut  rebâti  à  leurs  dépens, 
-&.ayec  magnificence. 

Ce  Collège  a  trente  procureurs  qui  fc  char- 
gent de  toutes  les  caufes  des  étudians.  Voye-^ 
Procureur. 

Collège  des  Hérauts  d'armes  jc'eft 
un»  compagnie  établie  par  des  patentes  du 
roi  Richard  IIÏ  ,  qui  leur  a  donné  pluiieurs 
privilèges ,  comme  d'être  exempts  de  fublî- 
des ,   de  péages  ,    d^offices ,    ùc.    Voyc:^ 

HÉRAUT. 

Ils  ont  eu- une  féconde  patente  fous  le  roî 
Edouard  VI  ;  &  une  maifon  proche  celle 
des  docteurs  communs,  que  le  comte  de 
Derby  avoit  fait  bâtir  fous  le  règne  d'Henri 
VII ,  leur  fut  donnée  par  le  duc  de  Norfolk 
fous  le  règne  de  la  reine  Marie.  Cette  maifon 
a  été  nouvellement  rebâtie. 

Cette  compagnie  a  trois  officiers  appelles 
rois  d'armes  ,  reges  armorum  anglicorum  ; 
fix  hérauts  &  quatre  pourfuivans.    Voye^^^, 

Roi  d'armes, HÉRAUT  d'aRMES  &PoUR- 

suivANS d'armes.  Chambers.  (G) 

Collège  des  Marchands  j  c^eft  ainfî 
que  l'on  nomme  dans  prefquc  toutes  les  vil- 
les anféatiques  un  lieu  ou  place  publique  , 
où  s'aflemblent  ordinairement  les  marchands 
&  négocians  pour  traiter  des  affaires  de  leur 
commerce.  C'eft  ce'  qu'on  appelle  ailleurs 
bourfe ,  à  Lyon  place  du  change.  Voyer 
Bourse  ,  Place  du  change  &  A:;séati- 
ques. 

On  appelle  auffi  à  Londres  collège,  un 
endroit  où  s^aflèmblcnt  ceux  qui  font  de  la 
fociété  royale.  Les  Anglois  ont  joint  à  ce  mot 
de  collège  celui  de  Gresham  ,  nom  de  ce 
fameux  marchand  anglois  ,  que  la  reine 
Elifabeth  employa  en  qualité  de  réfidenc 
dans  les  pays-bas ,  &  fur-tout  à  Anvers  , 
pour  les  affaires  du  négoce  ,  auquel  on 
érigea  des  ftarues  en  i  f  64  &  en  i  ;66  dans 
la  place  de  la  bourfe  &  dans  ce  collège  ,  qui 
atoujours^é  appelle  depuis  Gresham  col- 
%£  ,  en  coniillfration  de  ce  que  Gresham 
avoit  fait  fleurir  en  Angleterre  le  commerce 
Se  les  manufactures.  Dicl.  du  Cornm.  Foye:^ 
Collège  de  Gresham, 


45)4  COL 

Collège  fignîlîe  aulTI  en  quelques  endroits 
la  même  chofe  que  communauté  ^  c'e(l-à- 
dire  un  corps  d'artifans  de  certains  métiers, 
unis  enfemole  fous  une  même  difcipline  &: 
fous  les  mêmes  officiers. 

Nous  avons  emprunté  ce  terme  des  La- 
tins, chez  qui  collegium  avoir  la  même  figni- 
fication  dans  les  arts  &:  métiers  qu'a  parmi 
nous  le  mot  de  communauté,  comme  il 
paroît  par  plufieurs  anciennes  infcriprions  , 
où  Ton  trouve  le  collège  des  marchands  .  le 
Collège  des  forgerons ,  le  collège  des  boulan- 
gers ,  le  collège  des  bateliers.  Voyez  tanti- 
fuiîé  expliquée  du  P.  Montfaucon. 

Les  Hollandois  nomment  aufïî  collèges 
les  différentes  chambres  de  leur  amirauté, 
établies  dans  q^uelques- unes  de  leurs  princi- 
pales villes  j  (avoir ,  à  Amfterdam ,  Rot- 
terdam ,  Hoorn ,  Middelbourg  &  Har- 
lingen.  Voye-;^  Amirauté  ,  &  Dicl.  du 
Comm.  (G) 

Collège  ,  terme  d'Arckiteâure  ,  grand 
bâtiment  établi  pour  enfeigner  la  religion , 
les  huraanités  ,  ôc  les  belles-lettres ,  com- 
pofé  de  plufieurs  chapelles,  clallès ,  ôc  loge- 
■ftiens  ,  tant  poiu:  les  prpfefl'eurs ,  que  pour 
les  penfionnaires  ôc  bouriiers.  Ces  édifices 
doivent  être  bâtis  avec  fi^lidité  &  fimplicité, 
iîtués  ,  en  bon  air  ,  tenus  peu  élevés ,  & 
être  munis  de  grandes  cours  ôc  de  jardins 
fpacieux.  Celui  des  pères  Jéfiiites  à  Rome  , 
appelle  le  collège  romain,  eft  un  des  pluscon- 
dérables  pour  la  beauté  de  (on  archireârure. 
On  peut  encore  nommer  celui  des  Quatre- 
iiations  à  Paris ,  èc  celui  de  la  Flèche  en 
Anjou. 

Il  faut  un  a(îemblage  de  plufieurs  coU 
legcs  pour  former  une  univerfité.  Voye'^ 
Université. 

L'univerfité  d'Oxford  eft  compofée  de 
dix-neuf  collèges.  Se  de  fix  halls  ,  ou  lieux 
deftinés  à  loger  &c  à  nourrir  en  commun 
de  pauvres  écoliers.* Celle  de  Cambridge 
compte  douze  collèges  5c  quatre  halls.  Urxnï- 
verfité  de  Paris  a  onze  collèges  de  plein  exer- 
cice ,  &  plus  de  quarante  autres  fondés  pour 
un  certain  nombre  de  bourfiers,  &  aflèz 
vaftes  pour  contenir  encore  un  f  rand  nom- 
bre d'étudians  qui  y  logent  î^qui  de-là  vont 
écouter  les  profelleurs  dans  les  collèges  de 
plein  exercice. 

LMredion  des  collèges  ne  fe  peut  faire  en 


COL 

»  Angleterre  que  par  le  confentement  èc  l'au- 
torité du  roi ,  &  en  France  que  par  lettres- 
patentes. 

Chez  les  Grecs  les  collèges  les  plus  célèbres 
étoicnt  le  lycée  &  l'académie  :  ce  dernier 
a  donné  le  nom  à  nos  univerfités ,  qu'on 
appelle  en  latin  académies  ;  mais  plus  pro- 
prement encore  à  ces  fociétés  littéraires  qui 
depuis  un  fiecle  fe  font  formées  en  Europe. 
Outre  ces  deux  fameux  collèges  dans  l'anti- 
quité greque ,  la  maifbn  ou  l'appartement 
de  chaque  philofbphe  ou  rhéteur  pouvoic 
être  regardé  comme  un  collège  particulier. 
Voye^LycÉE  ù  Académie. 

On  prétend  que  les  Romains  ne  firent  de 
pareils  établiflemens  que  fur  la  fin  de  leur 
empire  :  quoi  qu'il  en  foir,  il  y  avoit  plu- 
fieurs collèges  fondés  par  leurs  empereurs 
&  principalement  dans  les  Gaules ,  tels  que 
ceux  de  Marfeille,  de  Lyon,  de  Befançon, 
de  Bordeaux ,  &c. 

Les  Juifs  ôc  les  Egyptiens  avoient  aulTî 
leurs  collèges.  Les  principaux  de  ceux  des 
Juifs  étoient  établis  à  Jérufalem,  àTibériade, 
à  Babylone  :  on  prétend  que  ce  dernier  avoit 
été  inftitué  par  Ézéchiel ,  &  qu'il  a  fubfifté 
jufqu'au  temps  de  Mahomet. 

La  plupart  de  ces  établiflemens  deftinés  à. 
l'inftrudion  de  la  jeunefle  ,  ont  toujours  été 
confiés  aux  perfonnes  confacrées  à  la  reli- 
gion :  les  mages  dans  la  Perfe ,  les  gymnofb- 
phiftes  dans  les  Indes ,  les  druides  dans  les 
Gaules  ôc  dans  la  Bretagne  ,  étoient  ceux  à 
qui  l'on  avoit  donné  le  foin  des  écoles  pu- 
bliques. Fbj^^  Druide,  M  agh,  &c. 
•  Après  l'établi (îement  du  chriftianifme  il 
y  eut  autant  de  collèges  que  de  monafteres. 
Charlemagne,  dans  fes  capitulaires ,  enjoint 
aux  moines  d'élever  les  jeunes  gens ,  ôc  de 
leur  enfeigner  la  mufique  ,  la  grammaire  & 
Tarithmérique  :  inais  foit  que  cette  occupa- 
tion détournât  trop  les  moines  de  la  contem- 
plation ,  ôc  leur  enlevât  trop  de  temps ,  fbit 
dégoût  pour  l'honorable ,  mais  pénible  fonc- 
tion d'inftruire  les  autres  ,  ils  la  négligèrent  -, 
ôc  le  foin  des  collèges  qui  furent  alors  fondés 
fut  confié  à  des  pcrfonnes  uniquement  oc- 
cupées de  cet  emploi.  Trév.  Moréry ,  & 
Chambers.  (  G  ) 

Nous  n'entrerons  point  ici  dans  le  détail 
hiftorique  de  i'établilfement  des  différens 
coHeges  de  Paris >  ce  détail  «eft  point  de 


COL 

l'objet  de  notre  ouvrage ,  &  d^ailleurs  inté- 
relîèroit  aflez  peu  le  public  :  il  eft  un  autre 
objet  bien  plus  important  dont  nous  vouions 
ici  nous  occuper;  c'eft  celui  de  l'éducation 
qu'on  y  donne  à  la  jeunellè. 

Qiiintilien ,  un  des  hommes  de  l'antiquité 
qui  ont  eu  le  plus  de lens&:  le  plus  de  goût, 
examine,  dans  Tes  înflitutions  oratoires  y  {\ 
l'éducation  publique  doit  être  préférée  à 
l'éducation  privée  ;  &  il  conclut  en  faveur  de 
la  première.  Prefque  tous  les  modernes  qui 
Qfit  traité  le  même  fujet  depuis  ce  grand 
homme ,  ont  été  de  Ton  avis.  Je  n'examinerai 
point  fi  la  plupart  d'entre  eu*ïi*étoient  point 
intérelîés  par  leur  état  à  défendre  cette  opi- 
nion, ou  déterminés  à  la  fuivre  par  une 
admiration  trop  fouvent  aveugle  pour  ce  que 
les  anciens  ont  penfé  ;  il  s'agit  ici  de  raifon , 
&  non  pas  d'autorité  ,  &  la  queftion  vaut 
bien  la  peine  d'être  examinée  en  elle-même. 

J'obferve  d'abord  que  nous  avons  alTèz 
peu  de  connoiflances  de  la  manière  dont  fe 
raifoit  chez  les  anciens  l'éducation,  tant  pu- 
blique que  privée  ,  &  qu'ainfi  ne  pouvant  à 
cet  égard  comparer  la  méthode  des  anciens 
à  la  nôtre,  l'opinion  de  Quintilien,  quoique 
peut-être  bien  fondée ,  ne  fauroit  être  ici 
d'un  grand  poids.  Il  eft  donc  néceflàire  de 
voir  en  quoi  confifte  l'éducation  de  nos 
collèges,  &c  de  la  comparer  à  l'éducation 
domeftique  >  c'eft  d'après  ces  faits  que  nous 
devons  prononcer. 

Mais  avant  que  de  traiter  un  fujet  fî  im- 
portant, je  dois  prévenir  les  lecteurs  délîn- 
terelTés ,  que  cet  article  pourra  choquer  quel- 
ques perfonnes ,  quoique  ce  ne  foit  pas  mon 
intention  :  je  n'ai  pas  plus  de  fujet  de  haïr 
ceux  dont  je  vais  parler ,  que  de  les  crain- 
dre ;  il  en  eft  même  plufieurs  que  j'eftime  , 
&  quelques-uns  que  j'aime  &  que  je  refpec- 
te  :  ce  n'eft  point  aux  hommes  que  je  fais  la 
guerre ,  c'eft  aux  abus ,  à  des  abus  qui  cho- 
quent &  qui  affligent  comme  moi  la  plupart 
même  de  ceux  qui  contribuent  à  les  entrete- 
nir ,  parce  qu'ils  craignent  de  s'oppoier  au 
torrent.  La  iliatiere  dont  je  vais  parler  inté- 
refle  le  gouvernement  &  la  religion ,  &  mé- 
rite bien  qu'on  en  parle  avec  liberté  ,  fans 
que  cela  puifle  ofFenfer  perfonne:  après  cette 
précaution ,  j'entre  en  matière. 

On  peur  réduire  à  cinq  chefs  l'éducation 
publique  3  leSt  humanités  x  la  rhétorique  , 


COL  45)  j 

j  la  philofbphie,  les  mœurs  de  la  religion. 

Humanités.  On  appelle  ainfi  Ittempsqu'on 
emploie  dans  les  collèges  à  s'inftruire  des  pré- 
ceptes de  la  langue  latine.  Ce  temps  eft  d'en- 
viron fix  ans  :  on  y  joint  vers  la  Hn  quelque 
connoiflànce  très-fuperhcielle  du  grec  ;  on 
y  explique ,  tant  bien  que  mal ,  les  auteurs 
de  Pantiquité  les  plus  faciles  à  entendre  ;  on 
y  apprend  aulîi ,  tant  bien  que  mal,  àcom- 
poièr  enlatin;  jenefache  pas  qu'on  y  èn- 
leigne  autre  choie.  Il  faut  pourtant  conve- 
nir que  dans  Funiverfité  de  Paris ,  oij  ciia- 
que  profefleur  eft  attaché  à  une  clallc  parti- 
culière ,  les  humanités  font  plus  fortes  que 
dans  les  collèges  àtiégwYiQis,  où  les  profef- 
feurs  montent  de  claflè  en  clafle  ,  &  s'inf- 
truifent  avec  leurs  difciples ,  en  apprenant 
avec  eux  ce  qu'ils  devroient  leur  enieigner. 
Ce  n'eft  point  la  faute  des  maîtres,  c'eft, 
encore  une  fois ,  la  faute  de  l'ufage. 

Rhétorique.  Quand  on  fait  ou  qu'on  croit 
favoir  allez  de  latin ,  on  pafle  en  rhétorique: 
c'eft  alors  qu'on  commence  à  produire  quel- 
que chofe  de  loi-même;  car  jufqu'aiors  on 
n'a  fait  que  traduire  ,  foit  de  latin  en  fran- 
çois ,  foit  de  françois  en  latin.  En  rhétori- 
que on  apprend  d'abord  à  étendre  une  pen- 
fée ,  à  circonduire  Se  allonger  des  périodes  ^ 
&  peu  à  peu.  l'on  en  vient  enfin  à  des  dif- 
cours  en  forme  ,  toujours  ou  prefque  tou- 
jours ,  en  langue  latine.  On  donne  à  ces  dif- 
CQurslenom  d'amplifications  ;  nom  très-con- 
venable en  effet ,  puifqu'ils  conliftcnt  pour 
l'ordinaire  à  noyer  dans  deux  feuilles  de  ver- 
biage, ce  qu'on  pourroit  &  ce  qu'on  dcvroit 
dire  en  deux  lignes.  Je  ne  parle  point  de  ces 
figures  de  rhétorique  fi  chères  à  quelques 
pédans  modernes ,  8c  dont  le  nom  même 
eft  devenu  fi  ridicule  ,  que  les  profefîeurs^ 
les  plus  fenfés  les  ont  entièrement  bannies 
de  leurs  leçons.  Il  en  eft  pourtant  encore  qui 
en  font  grand  cas ,  &  il  eft  afïèz  ordinaire 
d'interroger  fur  ce  fujet  important  ceux  qui 
afpirent  à  la  maîtrife  es  arts. 

Philofophie.  Après  avoir  pafTé  fept  ou 
hu*  ans  à  apprendre  des  mots ,  ou  à  parler 
fans  rien  dire  ,  on  commence  enfin  ,  ou  on 
croit  commencer  l'étude  des  ciiofes  ;  car  c'eft 
la  vraie  définition  de  la  philofophie.  Mais 
il  s'en  faut  bien  que  celle  des  collèges  mérite 
ce  nom  î  elle  ouvre  pour  l'ordiiiaire  par  um 
compendium ,  qui  eft  ,  fi  on  peut  parler  ainE^ 


49(f  COL 

le  rendez-vous  d'une  infinité  de  queftions 
inutiles  fur  Pexifcence  de  la  philofophie  .fur 
la  philofophie  d'Adam ,  ùc.  On  pafle  ae-là 
en  logique  :  celle  qu'on  enfeigne,  du  moins 
dans  un  grand  nombre  de  collèges  ,  eft  à- 
peu-près  celle  que  le  maître  de  Philofophie 
le  propofe  d'apprendre  au  bourgeois  gentil- 
homme :  on  y  enfeigne  à  bien  concevoir  par 
le  moyen  des  univerfaux,  à  bien  juger  par 
lemoyendescathégories^&àbicnconftruirc 
un  fyllogifme  par  le  moyen  des  figures,  bar- 
hara  y  celarenî ,  dûrii ,  ferio ,  baralipton ,  &c. 
On  y  demande  fi  la  logique  eft  un  art  ou 
une  fcience  ,  fi  la  conclufion  eft  de  l'elTence 
du  fyiîogifme ,  ùc.  &€.  &c  :  toutes  queftions 
qu'on  ne  trouvera  point  dans  l'art  de  penfer; 
ouvrage  excellent ,  mais  auquel  on  a  peut- 
être  reproché  avec  quelque  raifon  d'avoir 
fait  des  règles  de  la  logique  un  trop  gros  vo- 
lume. Là  métaphyfique  eft  à-peu-près  dans 
le  même  goûtj  on  y  mêle  aux  plus  impor- 
tantes véritQS  les  difcuflions  les  plus  futiles: 
avant  &  après  avoir  démontré  l'exiftence  de 
Dieu ,  on  traite  avec  le  même  foin  les  gran- 
des queftions  de  la  diftindion  formelle  ou 
virtuelle ,  de  l'univeriel  de  la  part  de  la  chofc, 
ôc  une  infinité  d'autres  ;  n'eft-ce  pas  outra- 
ger 6c  blafphémer  en  quelque  iorte  la  plus 
grande  des  vérités ,  que  de  lui  donner  un.fi 
ridicule  &  ii  miférable  voifinage  î  Enfin 
dans  la  phyfique  on  bâtit  à  fa  mode  un  fyf. 
tême  du  monde  ;  on  y  explique  tout  ou  pref- 
que  tout  ;  on  y  fuit  ou  on  y  réfute  à  tort  &z 
à  travers  Ariftote  ,  Defcarrcs  Se  Newton. 
On  termine  ce  cours  de  deux  années  par  quel- 
ques pages  fur  la  morale ,  qu'on  rejette  pour 
l'ordinaJre  à  la  fin  ,  fans  doute  comme  la 
partie  la  moins  importante. 

Mœurs  &  Religion.  Nous  rendroffî  fur  le 
premier  de  ces  deux  articles  la  juftice  qiii  eft 
due  aux  foins  de  la  plupart  des  maîtres  ;  mais 
nous  en  appelions  en  même  temps  à  leur 
témoignage  i  &  nous  gémirons  d'autant 
plus  volontiers  avec  eux  fur  la  corruption 
do:nt  on  ne  peut  juftiner  la  jeunefle  des  co/- 
legiis ,  que  cette  corruption  ne  fauroit  kur 
être  imputée.  A  l'égard  de  la  religion ,  on 
tombe  fur  ce  point  dans  deux  excès  égale- 
ment à  craindre  :  le  premier  &  le  plus  com- 
mun ,  eft  de  réduire  tout  en  pratiques  exté- 
rle  ures  ,  &  d^attacher  à  ces  pratiqtjes  une 
vejftu  qu'elles  n'ont  apurement  pas  ;  le  fe- 


COL 

cond  eft  au  contraire  de  vouloir  obliger 
les  enfans  à  s'occuper  uniquement  de  cet 
objet  j  &  de  leur  faire  négliger  pour  cela 
leurs  autres  études ,  par  lefquelles  ils  doi- 
vent un  jour  fe  rendre  utiles  à  leur  patrie. 
Sous  prétexte  que  Jefus-Chrift  a  dit  qu'il 
faut  toujours  prier,  quelques  maîtres,  ôc 
fur-tout  ceux  qui  font  dans  certains  prin- 
cipes de  rigorifme ,  voudroient  que  prefque 
tout  le  temps  deftiné  à  Pétudc  fe  pafsât  en 
méditations  &  en  catéchifmes;  comme  fi 
le  travail  &  Pexadtitude  à  remplir  les  de- 
voirs de  fon  état,  n'étoient  pas  la  prière  la 
jîlus  agréable  à  f)ieu.  Auffi  les  difciples  qui , 
loit  par  tempérament,  foit  par  pareflè,  foit 
par  docilité,  fe  conforment  fur  ce  point 
aux  idées  de  leurs  maîtres,  fortent  pour 
l'ordinaire  du  collège  avec  un  degré  d'im- 
bécillité &  d'ignorance  de  plus. 

Il  réfulte  de  ce  détail  qu'un  jeune  homme 
après  avoir  pafle  dans  un  collège  dix  années , 
qu'on  doit  mettre  au  nombre  des  plus  pré- 
cieufes  de  fa  vie ,  en  fort  lorfqu'il  a  le  mieux 
employé  fon  temps,  avec  la  connoiftance 
très-imparfaite  d'une  langue  morte,  avec 
des  préceptes  de  rhétorique  ^  des  principes 
de  philolbphie  qu-'il  doit  tâcher  d'oublier; 
fou  vent  avec  une  corruption  de  mœurs 
dont  ^altération  de  la  fanté  eft  la  moindre 
fuite  ;  quelquefois  avec  des  principes  d'une 
dévotion  mal  entendue  ;  mais  plus  ordinai- 
rement avec  une  connoiftance  de  la  religion 
a  fuperficielle ,  qu'elle  fuccombe  à  la  pre- 
mière converfation  impie ,  ou  à  la  première 
ledure  dangercufe.  V.  Classe. 

Je  fais  quQ  les  maîtres  les  plus  fenfés  déplo- 
rent ces  abus  avec  encore  plus  de  force  que 
nous  ne  faifons  ici;  prefque  tous  défirent  paf- 
fionnément  qu'on  donne  à  l'éducation  des 
collèges  une  autre  forme  :  nous  ne  faifons 
qu'*expofer  ici  ce  qu'ils  penfent,  &:  ce  que 
perfonne  d'entre  eux  nofe  écrire;  mais  le 
train  une  fois  établi  a  fur  eux  un  pouvoir 
dont  ils  ne  fàuroient  s'affranchir;  &  en  ma- 
tière d'ufage,  ce  font  Içs  gens  d'efprit  qui 
reçoivent  la  loi  des  fots.  Je  n'ai  donc  garde 
dans  ces  réflexions  fur  l'éducation  publique  , 
de  faire  la  fatire  de  ceux  qui  enfèignent,  ces 
fentimens  feroient  bien  éloignés  de  la  recon- 
noiftance  dont  je  fais  profeftion  pour  mes 
maîtres  :  je  conviens  avec  eux  que  l'autorité 
fupérieure  du  gouvernement  eft  feule  capable 

d'arrêter 


COL  C  CTL  45^7 

d'arr*ter  les  progrès  d'un  fî  grand  mal  ;  T  r'ifme ,  déclarent  une  guerre  mortelle.  Nous 


je  dois  même  avouer  que  plusieurs  profef- 
Tcurs  de  l^univerfîté  de  Paris  s'y  oppofent 
autant  qu'il  leureft  pofïîble  ,  &  qu'ils  ofcnt 
s'écarter  en  quelque  cliolè  de  la  ^routine 
ordinaire  ,  au  rifque  d'être  blâmés  par  le  plus 
grand  nombre.  S'ils  ofoient  encore  davan- 
tage ,  &  Cl  leur  exemple  étoit  fuivi  ,  no^is 
verrions  peut-être  enfin  les  études  changer 
de  face"  parmi  nous  :  mais  c*efl:  un  avantage 
qu'il  ne  faut  attendre  que  du  temps  ,  fi 
même  le  temps  eft  capable  de  nous  le  procu- 
rer. La  vraie  philofophie  a  beau  fc  répandre 
en  France  de  jour  en  jour ,  il  lui  eft  bien  plus 
difficile  de  pénétrer  chez  les  corps  que  chez 
les  particuliers  y  ici  elle  ne  trouve  qu'une  tête 
à  forcer ,  fi  on  peut  parler  ainlî ,  là  elle  en 
trouve  mille.  L'univerfité  de  Paris ,  compo- 
fée  de  particuliers  qui  ne  forment  d^'ailleum 
entre  eux  aucun  corps  régulier  ni  eccléfiafti- 
que  ,  aura  moins  de  peine  à  fecouer  le  joug 
des  préjugés  dont  les  écoles  font  encore 
pleines. 

Parmi  les  différentes  inutilités  qu'on  ap- 
prend aux  enfans  dans  les  collèges  ,  j'ai  né- 
gligé de  faire  mention  des  tragédies ,  parce 
qu'il  me  femble  que  l'univerfité  de  Paris 
commence  à  les  prefcrire  prefque  entière- 
ment :  on  en  a  l'obligation  à  feu  M.  Rollin, 
un  des  hommes  qui  ont  travaillé  le  plus 
utilement  pour  Péducationde  la  jeunefu;  :  à 
ces  déclamations  de  vers  il  a  fubftitué  les  exer- 
cices ,  qui  font  au  moins  beaucoup  plus  uti- 
les ,  quoiqu'ils  puiffent  l'être  encore  davan- 
tage.  On  convient  aujourd'hui  afïez  géné- 
ralement que  ces  tragédies  font  une  perte 
de  temps  pour  lesécoliers  d<.  pour  les  maîtres: 
c'eft  pis  encore  quand  on  les  multiplie  au 
point  d'en  repréfentcrplufieurs  pendant  Pan- 
née  ,  &:  quand  on  y  joint  d'autres  appen- 
dices encore  plus  ridicules  ,  comme  des  ex- 
plications d'énigmes ,  des  ballets ,  &  des 
comédies  triftement  ou  ridiculement  plai- 
fantes.  Nous  avons  fous  les  yeux  un  ouvrage 
de  cette  dernière  efpece  ^intitule  la  défaite  du 
Solécifme  par  Defpautere  ,  repréfentée  plu- 
lîeurs  fois  dans  un  collège  de  Paris  ;  le  cheva- 
lier Prétérit ,  Le  chevalier  Supin ,  le  marquis 
des  Conjugaifons  ,  &  d'autres  perfonnages 
de  la  même  trempe  ,    font  les   licutenans 

généraux    de    Defpautere,  auquel   deux ,     _    _  .  ... 

grands  princes ,  ^^ppcWésSolécrfmeScSarùa-  i  parlent  encore  quelques  profelîe'irs  célèbres 
'       Tome  Fin,  K* 


faifons  grâce  à  nos  lecteurs  d'un  plus  grand 
détail ,  &  nous  ne  doutons  point  que  ceux 
qui  préfîdent  aujourd'hui  à  ce  collège  y  -ne 
fiflent  main-bafïè  ,  s'ils  en  étoient  les  maî- 
tres ,  fur  des  puérilités  fî  pédantefques  &  de 
fi  mauvais  goût  :  ils  font  trop  éclairés  pour 
ne  pas  fcntir  que  le  précieux  temps  de  U- 
jeunefTe  ne  doit  point  être  employé  à  de  pa- 
reilles inepties.  Je  ne  parle  point  ici  des  bal- 
lets où  la  religion  peut  être  intérefTée  ;  je  fais 
que  cet  inconvénient  eft  rare  ,  grâce  à  la 
vigilance  des  fupérieurs;  mais  je  faisaufïi  que 
malgré  toute  cette  vigilance  ,  il  ne  laifle  pas 
de  fe  fûire  fentir  quelquefois.  Foye;^  dans  le 
journ.  de  Trév.  nouv.  Uttér.fept.  ij^o,  la  cri- 
tique d'un  de  ces  ballets  ,  très-édifiante  à 
tous  égards.  Je  conclus  du  moins  de  toot 
ce  détail ,  qu'il  n'y  a  rien  de  bon  à  gagner 
dans  ces  fortes  d'exercices ,  &  beaucoup 
de  mal  à  en  craindre. 

Il  me  femble  qu'il  ne  feroit  pas  impofïî- 
ble  de  donner  une  autre  forme  à  l'éducation 
des  Collèges  :  pourquoi  pafïèr  fix  ans  à  ap- 
prendre ,  tant  bien  que  mal ,  une  langue 
morte  ?  Je  fuis  bien  éloigné  de  défapprou- 
ver  l'étude  d'une  langue  dans  laquelle  les 
Horaces  &  les  Tacites  ont  écrit  ;  cette 
étude  eftabfolument  nécefïàirepour  connoî- 
tre  leurs  admirables  ouvrages  :  mais  je  crois 
qu'on  devroit  fe  borner  à  les  entendre  ,  Sc 
que  le  temps  qu'on  emploie  à  compofèr 
en  latin  eft  un  temps  perdu.  Ce  temps  feroit 
bien  mieux  employé  à  apprendre  par  prin- 
cipes fa  propre  langue,  qu'on  ignore  toujours 
au  for  tir  du  collège ,  Se  qu'on  ignore  au  point 
delà  parler  très-mal.  Une  bonne  grammaire 
françoife  feroit  tout  à  la  fois  une  excellente 
logique  ,  Se  une  excellente  métaphyfîque, 
&  vaudroit  bien  les  rapfodies  qu'on  lui  fubf^ 
titue.  D'ailleurs ,  quel  latin  que  celui  de  cer- 
tains collèges  !  nous  en  appelions  au  j  uge- 
mentdes  connoifleurs. 

Un  rhéteur  moderne  ,  le  P.  Porée  très- 
refpe6bable  d'ailleurs  par  les  qualités  perfon- 
nclles ,  mais  à  qui  nous  ne  devons  que 
la  vérité ,  puifqu'il  n'eft  plus,  eft  le  premier 
qui  ait  ofé  fe  faire  un  jargon  bien  différent 
delà  langue  que  parloient  autrefois  lesHer- 
fans ,  les  Mawns ,  les  Grenans  >  les  Commi- 
lelPCoftarts  Se  les  Jouvencis,  &  que 


res 


49^  COL 

de  runiverflté.  Les  fuccefieurs  du  rhéteur 
dont  je  parle  ne  fauroicnt  trop  s'éloigner  de 
fes traces.  Fojc:{_ Latinité  ,  Eloquence  , 
ù  Rhétorique. 

Je  Tais  que  le  latin  érantune  langue  morte , 
dontprefque  toutes  les  fînefles  nous  échap- 
pent ,  ceux  qui  paflént  aujourd'hui  pour 
•écrire  le  mieux  en  cette  langue  ,  écrivent 
peut-être  fort  mal;  niais  du  moins  les  vices 
de  leur  didion  nous  échappent  aulTi;  & 
combien  doit  être  ridicule  une  latinité  qui 
nous  fait  rire  ?  Certainement  un  étranger 
peu  verfé  dans  la  langue  françoiie ,  s'apper- 
cevroit  facilement  que  la  didion  de  Monta- 
gne ,  c'eft-à-dire  du  feizieme  liecle  ,  appro- 
che plus  de  celle  des  bons  écrivains  du  fîecle 
de  Louis  XIV  ,  que  celle  de  Geoffroy  de 
Villehardoin ,  qui  écrrvoit  dans  le  treizième 
iîecle. 

Aurefte  ,  quelque  eilime  que  j'aie  pour 
quelques-uns  de  nos  humaniftes  modernes , 
je  les  plains  d'être  forcés  à  fe  donner  tant 
de  peine  pour  parler  fort  élégamment  une 
autre  langue  que  la  leur.  Ils  fe  trompent  s'ils 
s'imaginent  en  cela  avoir  le  mérite  de  la  dif- 
culté  vaincue  :  il  eft  plus  difficile  décrire 
&  de  parler  bien  fa  langue  ,  que  de  parler 
&  d'écrire  bien  une  langue  m-orte  ;  la  preuve 
en  eft  frappante.  Je  vois  que  les  Grecs  &  les 
Romains,  dans  le  temps  que  leur  langue 
ctoit  vivante,  n'ont  pas  eu  plus  de  bons 
écrivains  que  nous  n'en  avons  dans  la  nôtre; 
je  vois  qu'ils  n'ont  eu ,  ainfi  que  nous , 
qu'un  très-petit  nombre  d'excellens  poètes , 
&  qu'il  en  eft  de  même  de  toutes  les  nations. 
Jevois  au  contraire  que  le  renouvellement 
des  lettres  a  produit  une  quantité  prodigieufè 
de  poètes  latins,  que  nous  avons  la  bonté 
d'admirer:  d'où  peut  venir  corst  différence? 
&  fî  Virgile  ou  Horace  revenoient  au  monde 
pour  juger  ces  héros  modernes  du  Parnafîe 
latin ,  ne  devrions-nous  pas  avoir  grand'peur 
pour  eux  î  Pourquoi ,  comme  l'a  remarqué 
un  auteur  moderne ,  telle  compagnie-,  fort 
eftimable  d'ailleurs ,  quiapiroduit  une  nuée 
de  verlificateurs  latins ,  n'a-t-elle  pas  un  feul 

Jîoëte  françois  qu'on  puiffe  lire  ?  Pourquoi 
es  recueils  des  vers  françois  qui  s'échappent  , 
par  malheur  de  nos  collèges  ont-ils  fi  peu  de. 
fiiccès  5  tandis  que  plufieurs  gens  de  lettres 
eftiment  les  vers  latinsqui  en  fortenft  Jedois 
au  refte  avouer  ici  que  runiverlîcé  de  Paris 


COL 

eft  trcs-cîrconfpede ,  &  trcs-réfervée  fur  la 
verfifîcation  françoife  ,  &  je  ne  faurois  Ten 
blâmer  ;  mais  nous  en  parleronsplus  au  long 
à  l'article  LatinitÉ. 

Concluons  de  ces  réflexions ,  que  Icscom- 
pofitions  latines  font  fu jettes  à  de  grands  in- 
convéniens,& qu'on  feroitbeaucoup  mieux 
d'y  fubftituer  des  compofitions  françoifes  ; 
c'cft^  ce  qu'on  commence  à  faire  dans  l'uni- 
verfîté  de  Paris  :  on  y  tient  cependant  encore 
au  latin  par  préférence  ,  mais  enfin  on  com- 
mence à  y  enfeigner  le  françois. 

J'ai  entendu  quelquefois  regretter  les  the- 
fes  qu'on  foutenoit  autrefois  en  grec  ;  j'ai 
bien  plus  de  regret  qu'on  ne  les  loutienne 
pas  en  firançois  ;  on  fèroit  obligé  d'y  parler 
raifon  ,  ou  de  fe  taire. 

Les  langues  étrangères  dans  lefquelles  nous 
pns  un  grand  nombre  de  bons  auteurs  , 
mme  l'anglois  &c  l'Italien  ,  &  peut-être 
l'allemand  Ik.  l'efpagnol  ,  devroient  auffi 
entrer  dans  l'éducation  des  collèges  ;  la  plu- 
part fcroient  plus  utiles  à  favoir  que  des 
langues  mortes ,  dont  les  favans  feuls  font 
à  portée  de  faire  ufage. 

J'en  dis  autant  de  Thiftoire  &  de  toutes 
les  fciences  qui  s'y  rapportent ,  comme  la  . 
chronologie  &  la  géographie.  Malgré  le 
peu  de  cas  que  l'on  paroit  faire  dans  \ts 
cclkges  de  l'étude  de  Thiftoire  ,  c'eft  peut- 
être  l'enfance  qui  eft  le  temps  le  plus  propre 
à  l'apprendre.  L'hiftoire  ,  aftèz  inutile  au 
commun  des  hommes ,  eft  fort  utile  aux  en- 
fans,  par  les  exemples  qu'elle  leur  préfèntc , 
&  les  leçons  vivantes  de  vertu  qu'elle  peut 
leur  donner ,  dans  un  âge  où  ils  n'ont  point 
encore  de  principes  fixes ,  ni  bons  ni  mau- 
vais. Ce  n'eft  pas  à  trente  ans  qu'il  faut  com- 
mencer à  l'apprendre,  à  moins,  que  ce  ne  foit 
pour  la  fimple  curiofité ,  parce  qu'à  trente 
ans  l'efprit  &  le  cœur  font  ce  qu'ils  feront 
pour  toute  la  vie.  Aurefte,  un  homme  d'ef- 
prir  de  ma  connoifïànce  voudroit  qu'on  étu- 
diât &  qu'on  enfeignât  l'hiftoire  à  rebours , 
c'eft-à-dire  en  commençant  par  notre  temps, 
&  remontant  de-là  aux  fiectcs  paffés.  Cette, 
idée  me  paroît  très- jufte,  &  très-  philofbphi- ■ 
que  :  à  quoi  bon  ennuyer  d'abord  un  enfant 
de  l'hiftoire  de  Pharamond ,  de  Clovis  ,  de 
Charlemagne  ,  de  Céfar  &  d'Alexandre  , 
&  lui  lai  fier  ignorer  celle  de  fon  temps , 
comme  il  arrive  prefque  toujours ,  par  le 


COL 

dégoût  que  les  commencemens  lui  infpirent  ? 

A  Pégard  de  la  rhétorique ,  on  voudroit 
qu'elle  confiftât  beaucoup  plus  en  exemples 
qu'en  préceptes  ,  qu^on  ne  fe  bornât  pas  à 
lire  des  auteurs  anciens ,  &  à  les  faire  admi- 
rer quelquefois  aflèz  mal-à-propos  ;  qu'on 
eût  le  courage  de  les  critiquer  fouvent ,  les 
comparer  avec  les  auteurs  modernes ,  &  de 
faire  voir  en  quoi  nous  avons  de  l'avantage 
ou  du  déiavantage  fur  les  Romains  &  fur 
les  Grecs.  Peut-être  même  devroit-on  faire 
précéder  la  rhétorique  par  la  philolophie  , 
car  enfin,  il  faut  apprendre  à  penfèr  avant 
d'écrire. 

Dans  la  philofophie ,  on  borneroit  la  lo- 
gique à  quelques  lignes  i  la  métaphyhque  , 
à  un  abrégé  de  Locke  ;  la  morale  pure- 
ment philofophique  ,  aux  ouvrages  de  Sé- 
neque  &  d'Epictete  ;  la  morale  chrétienne, 
au  fermonde  Jefus-Chrift  fur  la  montagne; 
la  phyiîque ,  aux  expériences  &  à  la  géomé- 
trie ,  qui  eft  de  toutes  les  logiques  ôc  phyiî- 
quesla  meilleure. 

On  voudroit  enfin  qu^on  joignît  à  ces 
différentes  études  ,  celle  des  beaux  arts,  ôi 
fur-tout  de  la  mufique ,  étude  fi  propre  pour 
former  le  goût ,  &  pour  adoucir  les  mœurs , 
&  dont  on  peut  bien  dire  avec  Cicéron  : 
Hcec  Jîudia  adclefcentiam  alunt ,  feneclutem 
obleclant  y  jucundas  res  ornant ,  adverfisperfu- 
gium  &  folatium  prœbcnt. 

Ce  plan  d'études iroit,  je  l'avoue,  à  mul- 
tiplier les  maîtres  &  le  temps  de  l'éducation. 
Mais  1°.  il  me  femble  que  les  jeunes  gens  en 
fortant  plus  tard  du  collège  ,  y  gagneroient 
de  toutes  manières ,  s'ils  en  forcoient.plus  inf- 
truits .  2°.  Les  enfans  font  plusQipables  d'ap- 
plication &  d'intelligence  qu'on  ne  le  croit 
communément;  j'en  appelle  à  l'expérience  ; 
&  fi  ,  par  exemple  ,  on  leur  apprenoit  de 
bonne  heure  la  géométrie  ,  je  ne  doute  point 
que  les  prodiges  &  les  taltns  précoces  en  ce 
genre  ne  fuflènt  beaucoup  plus  fréquens  ; 
il  n'eft  guère  de  fcience  donton  ne  puiîle  inf- 
truire  fefprit  le  plus  borné ,  avec  beaucoup 
d'ordre^  de  méthode  ;  .mais  c'eft-là  pour 
l'ordinaire  par  où  l'on  pèche.  3°.  il  ne  feroit 
pas  néceUaire  d'appliquer  tous  les  enfans  à 
tous  ces  objets  à  la  fois ,  on  pourroit  ne  les 
montrer  que  fucceilîvement  ;  quelques-uns 
pourroient  fe  borner  à  un  certain  genre  ,  & 
<jians  cette  quantité  prodigieufejil  feroit  bien 


C  O  L 


^99 


difficile  qu'un  jeune  homme  n'eût  du  goût 
pour  aucun.  Au  refte ,  c'eft  au  gouverne- 
ment ,  comme  je  l'ai  dit ,  à  faire  changer  là- 
delfusla  routine  &  l'ufage ,  qu'il  parle ,  &  il 
fè  trouvera  affèz  de  bons  citoyens  pour  pro- 
pofer  un  excellent  plan  d'études.  Mais  en 
attendant  cette  réformée ,  dont  nos  neveux 
auront  peut-être  le  bonheur  de  jouir,  je 
ne  balance  point  à  croire  que  l'éducation  des 
collèges  ,  telle  qu'elle  eft  ,  eft  fujette  à  beau- 
coup plus  d'inconvéniens  qu'une  éducation 
privée ,  où  il  eft  beaucoup  plus  ficile  de  (è 
procurer  les  diverfes  connoiflànces  dont  je 
viens  de  faire  le  détail. 

Je  fais  qu'on  fait  fonner  très-haut  deux 
grands  avantages  en  faveur  de  l'éducation 
des  collèges  ,  la  fociété  &  l'émulation  ;  mais 
il  me  femble  qu'il  ne  (croit  pas  impoiïible 
de  fe  les  procurer  dans  l'éducation  privée  , 
en  liant  enfemble  quelques  enfans  à-peu-près 
de  la  même  force  &  du  même  âge.  D'ail- 
leurs ,  j'en  prends  à  témoin  les  maîtres  , 
l'émulation  dans  les  collèges  eft  bien  rare  ;  Se 
à  l'égard  de  la  fociété,  elle  n'cft  pas  (ans  de 
grands  inconvéniens  ;  j'ai  déjà  touché  ceux 
qui  en  réfultent  par  rapport  aux  mœurs, 
mais  je  veux  parler  ici  d'un  autre  qui  u^eft 
que  trop  commun  ,  fur-tout  dans  les  lieux 
où  on  élevé  beaucoup  de  jeune  noblellè  i 
on  leur  parle  à  chaque  inftant  de  leur  naif- 
(ànce  &:  de  leur  grandeur ,  &  par-là  on  leur 
infpire  fans  le  vouloir  ,  des  fenrimens  d'or- 
gueil à  l'égard  des  autres.  On  exhorte  ceux 
qui  préfîdent  à  l'inftrudion  de  la  jeuneflè, 
à  s'examiner  foigneufement  fur  un  point  de 
Cl  grande  importance. 

Un  autre  inconvénient  de  l'éducation  des 
collèges ,  eft  que  le  maître  fe  trouve  obligé 
de  proportionner  la  marche  au  plus  grand 
nombre  de  fes  difciples ,  c'eft-à-dire  aux 
génies  médiocres  ;  ce  qui  entraîne  pour  les 
génies  plus  heureux  une  perte  de  temps  con- 
ïidérable. 

Je  ne  puis  m'cmpêcher  non  plus  de  faire 
fentir  à  cette  occafion  les  inconvéniens  de 
l'inftrudion  gratuite,  &  je  fuis  aifuré  d'avoir 
ici  pour  moi  tous  les  profefleurs  les  plus, 
éclairés  &  les  plus  célèbres:  fi  cet  établillè- 
ment  a  fait  quelque  bien  aux  difciples ,  il  a 
fait  encore  plus  de  mal  aux  maîtres. 

Au  refte,  fi  l'éducation  de  la  jeunefteeft 
jiégligée,  ne  nous  en  prenons  qu'à  nous- 

Rrr  z 


50Ô  COL 

mêmes ,  &:  au  peu  de  confîcîî^ratîon  que 
nous  rémoignons  à  ceux  qui  s'en  chargent , 
c'eft  le  fruit  de  cet  efprit  de  futilité  qui  règne 
dans  notre  nation ,  &qui  abforbe ,  pour  ainfi 
<îire  j  tout  le  refte.  En  France  on  fait  peu  de 
grè  à  quelqu'un  de  remplir  les  devoirs  de  fou 
état  ;  on  aime  mieux  qu  il  foit  frivole.  Voye-^^ 
Éducation, 

Voilà  ce  que  l'amour  du  bien  public  m'a 
infpiré  de  dire  ici  fur  l'éducation ,  tant  pu- 
blique queprivée  :  d'où  il  s'enfuit  que  l'édu- 
cation publique  ne  devroit  être  la  reflburce 
que  des  enfans  dont  les  parens  ne  font  mal- 
heureufement  pas  en  état  de  fournir  à  la 
dépenfe  d'une  éducation  domeftiquc.  Je 
ne  puis  penfer  fans  regret  au  temps  que  j'ai 
perdu  dans  mon  enfance  :  c'feft  à  l'ufage 
établi ,  &  non  à  m^es  maîtres ,  que  j'impute 
cette  perte  irréparable;  &  je  voudrois  que 
mon  expérience  pût  être  utile  à  ma  patrie 
JExcriare  aliguis.  (  O) 

CoLLiCE,{Jurifprud.)  les  collèges  deftinés 
pour  l'éducation  delà  jeunefle,  ne  font 
confidérés  que  comme  des  corps  laïques , 
quoique  de  fait  ils  foient  mixtes  ,  c'eft- 
à-dire  compofés  d'eccléfîafliques  ôc  de 
laïques. 

Les  places  de  principal  ni  les  bourfes  des 
collèges  ne  font  point  des  bénéfices  y  elles  ne 
lont  point  fuj  ettes  à  la  régale.  J^oye:^  Chopin, 
defacr.  polit,  lib.  I.  tit.  v  y  n.  Q  ù  fuiv. 

En  quelques  endroits  ,  les  évêques  ont 
Tin  droit  d''infpeâ;ion  plus  ou  moins  étendu 
fur  les  collèges  ,  ce  qui  leur  a  fins  doute  été 
ainfî  accordé  pour  la  confervation  de  la  reli- 
gion &  des  bonnes  mœurs  ;  mais  cela  dé- 
pend des  titres  d'établi  fie  ment  des  collèges 
ôc  de  la  pofîefîion  de  Pévêque. 

Le  règlement  du  châtelet,  du  30  mars 
1636 ,  pour  la  police  de  Paris ,  fait  défènfes 
à  tous  écoliers  de  porter  épées ,  piftolets ,  ou 
autres  armes  ofFenlives,  &:  enjoint  aux  prin- 
cipaux &  procureurs  des  collèges  où  ils  font 
logés  ,  de  tenir  leurs  collèges  fermés  dès  cinq 
heures  du  foir  en  hiver  &  neuf  heures  en 
éré  :  de  faire  toutes  ksfemaineslavifite  dans 
routes  les  chambres  de  leurs  collèges  pour 
rcconnoîtrc  ceux  qui  y  feront  logés  ,  fans 
qu'ils  puiflèntyretirerni  loger  autres  perfon- 
nes  que  des  écoliers  étudians  aduellement 
dans  l'univerlité,  ou  des  prêtres  de  bonnes 
ia«uis  6c  de  leur  connoiflànce ,  domilsré- 


C  O  L 

pondront ,  &  feront  tenus  des  délits  qui  fê 
trouveront  par  eux  commis. 

Dans  les  collèges  où  il  n'y  a  pas  plein  exer- 
cice ,  on  loue  ordinairement  à  des  particu- 
liers ,  loit  laïques  ou  eccléfiaftiques  ,  le  fur- 
plus  deslogemens  qui  ne  font  pas  néccf- 
laires  pour  les  bourfiers. 

Mais  dans  aucun  collège  foit  de  plein 
exercice  ou  autre  ,  il  ne  doit  point  loger 
ni  entrer  des  femmes  ni  filles. 

L'arrêt  du  confeil ,  du  5  novembre  1 666, 
qui  conferve  aux  officiers  du  châtelet  la 
poHce  générale  à  l'excluiion  de  tous  autres 
juges  ,  les  autorife  à  fe  tranfporter  dans 
toutes  les  maifons,  collèges 3  ôcc.  &  dit  qu'ou- 
verture leur  en  fera  faite  nonobftant  tous 
prétendus  privilèges.  Voye^^^  le  traité  de  la 
pol.  tom.  I.pp.  1^8  y  14^3  ^44^  26*2  {A) 

Collège  DE  Gresham  ou  Collège  de 
Philosophie  ,  efl  un  co//c^e  fondé  parle 
chevalier  Thomas  G resham  ,  avec  des  reve- 
nus alîignés  fur  la  bourfè  royale.  La  moitié 
de  ces  revenus  ont  été  laifîcs  par  le  fonda- 
teur aux  maires  &  aux  échevins  de  Londres , 
aux  conditions  de  choifîr  quatre  perfonnes 
capables  de  faire  des  leçons  de  théologie ,  de 
géométrie ,  d'aftronomie  &:  de  mulique 
dans  ce  collège  ,  &  de  leur  donner  à  cha- 
cun ,  outre  le  logement ,  cinquante  livres 
par  an.  L'autremoitié  fut  laifléepar  le  même 
fondateur  au  corps  des  merciers  de  Londres , 
pour  choifîr  trois  perfonnes  capables  d'enfei- 
gner  le  droit,  la  médecine  &  le  rhétorique 
fur  le  même  pié  &  fous  ces  conditions  :  que 
chaque  profelleur  donneroit  tous  les  jours , 
excepté  le  dimanche  ,  deux  leçons ,  l'une 
en  latin  qui  le  feroit  le  matin ,  &  l'autre  en 
anglois  l'après-dînée.  La  mufique  feule  ne 
devoir  être  expliquée  qu'en  anglois. 

Q'e^kàznscç: collège  que  la  fociété  royale 
tint  fes  aflemblées  dans  les  premiers  temps 
de  fon  inftitution  fous  Charles  IL  Voyei^ 
Société  royale. 

COLLÉGIALE,  f  f.  {Jurifp,  )  ou  églife 
collégiale,  efi:  une  églife  defïervie  par  des 
chanoines  féculiers  ou  réguliers ,  dans  la- 
quelle il  n'y  a  point  de  liège  épifcopal  ;  à 
la  différence  des  églnfcs  cathédrales  qui  font 
auflî  defTcrvies  par  des  chanoines ,  lefquelles 
tirent  leur  nom  du  fiege  épifcopal  ou  chaire 
de  l'évêque. 

Pour  forater  une  églife  collégiale ,  il  feue 


COL 

âa  moins  trois  prêtres  chanoines.  Can.  hoc 
quogue ,  ///.  de  confecr.  dijl.  î . 

Une  églife  qui  eft  en  patronage ,  foit  laï- 
c[ue  ou  eccléfîaftique ,  ne  peut  être  érigée  en 
collégiale  fans  le  confentement  du  patron , 
parce  que  ce  feroit  préjudicier  à  Tes  droits , 
attendu  que  ceux  qui  compofent  le  chapitre 
ont  ordinairement  le  pouvoir  d'élire  leurs 
chefs  &  leurs  membres ,  &  que  d'ailleurs  ce 
feroit  changer  Tétat  &  la  difcipline  de  cette 
églife.  Si  le  patron  confentoit  purement  & 
llmplement  à  ce  que  l'éghfe  fût  érigée  en 
collégiale  ,  &c  qu'il  ne  fe  réfervât  pasexpref- 
fément  le  droit  de  préfenter ,  il  en  feroit  dé- 
chu à  l'avenir  ;  il  conferveroit  néanmoins 
toujours  les  autres  droits  honorifiques ,  mê- 
me le  drok  d'obtenir  des  alimens  fur  les  re- 
venus de  Péglife  par  lui  fondée ,  au  cas  qu'il 
tombât  dans  l'indigence.  Caftel ,  mat.  bénéf. 
tom.I.pp.y  ,s8^£g. 

Enirtlescollégiales  j  pluiîeursfont  de  fon- 
dation royale  ,  com.me  les  faintes  chapelles  ; 
les  autres  de  fondation  ccclcfialHque  ;  d'au- 
tres encore  ont  été  fondées  par  des  laïques. 

Il  y  a  eu  autrefois  des  abbayes  qui  ont  été 
fécularifées ,  Se  qui  forment  préfentemcnt 
àe  fim^lts collégiales. 

Quelques  églifes  collégiales  jouilîènt  de 
certains  droits  épifcopaux,  par  exemple  dans 
les  quatre  collégiales  de  Lyon  tous  les  cha- 
noines ,  &  même  tous  les  chapelains  ,  lorf- 
qu'ils  officient ,  portent  la  mitre.  {A) 

COLLÉGIATS  ,  f.  m.  pi.  (Jurifprud.) 
«que  Fon  ne  doit  pas  confondre  avec  les  col- 
légiaux ,  dont  il  fera  parlé  ci-après ,  eft  le 
nom  que  l'on  donne  en  quelques  endroits  à 
ceux  qui  pofledent  une  place  dans  un  col- 
lège ;  par  exemple  ,  il  y  a  à  Touloufe  le  col- 
lège de  faint  Martial,  compofé  de  vingt-qua- 
tre collégiafs  ;  favoir ,  quatre  prêtres  &  vingt 
écoliers  étudians  en  droit ,  ou  d'autres  laï- 
ques ;  ces  places  ne  (ont  pas  des  bénéfices , 
non  pas  même  les  quatre  places  presbytéra- 
les,  quoique  elles  aient  annexumojfficiumfpi- 
rituale.  Albert  en  fes  arrêts  ,  lett.  R ,  chap. 
xxxviijy  Se  la  Rocheflavin,  livre  J,  tit.j^ , 
arrt^t  %.{A) 

COLLÉGIAUX , f.  m.  pi.  (Jurifprud.) 
eft  le  titre  que  l'on  donne  dans  certaines  égli- 
fes à  ceux  des  chapelains  qui  forment  un  col- 
lège cntr'eux  ,  y  ayant  quelquefois  dans  la 
même  églife  d'autres  chapelains  qui  ne  for- 


C  O  L  501 

ment  point  de  collège  ,  Se  que  Pon  appelle 
non-collégiaux.  Fbyei^CoLLEGE.  (-(4) 

COLLEGIENS  •■>  c'cft  le  nom  d'une  cer- 
taine fede  ou  parti ,  qui  s'eft  formé  des  ar- 
miniens Se  des  anabaptiftes  dans  la  Hollan- 
de. Ils  ont  été  ainii  appelles  parce  qu'ils  s'af- 
femblent  en  particulier  tous  les  premiers  di- 
manches de  chaque  mois  ,  &  que  chacun  a 
la  liberté  dans  ces  aflemblées  de  parler ,  d'ex- 
pliquer l'écriture  ,  de  prier  Se  de  chanter. 

Tous  ces  collégiens  font  ibciniens  ou  arieiis. 
Ils  ne  communient  jamais  dans  leur  collège  ; 
mais  ils  s'aftemblent  deux  fois  l'an  de  toute 
la  Hollande  à  Rinsbçurg ,  qui  eft  un  village 
environ  à  deux  lieues  de  Leyde  ,  où  ils  font 
la  communion.  Ils  n'ont  point  de  miniftres 
particuliers  pour  la  donner  ;  mais  celui  qui 
fe  met  le  premier  à  la  table  ,  la  donne  ,  Se 
l'on  y  reçoit  indifféremment  tout  le  monde, 
fans  examiner  de  quelle  fedte  on  eft. 

Ils  ne  donnent  le  baptême  qu'en  plon- 
geant tout  le  corps  dans  l'eau.  Dicîionnaires 
de  Trévoux ,  Moréri ,  &  Chambers.  (  G  ) 

COLLEGUE ,  f.  m.  compagnon  en  mê- 
me magiftrature  ,  ou  emploi  quelconque  : 
c'eftdansle  premier  fensque  les  confuls  ro- 
mains s'appelloient  collègues  ;  Se  ce  n'eft  que 
dans  le  fécond  que  les  miniftres  dans  la  mê- 
me églife ,  les  profefteurs  dans  la  même  uni- 
verfité ,  s'appellent  collègues. 

On  appelle  collègues  généraux  dans  l'ordre 
des  minimes ,  ceux  qui  compofent  le  con- 
feil  du  général  Se  qui  l'afliftenr  dans  le  gou«- 
vernement  de  ion  ordre.  Il  y  a  aufïi  des  col- 
lègues provinciaux  qui  font  auprès  des  pro- 
vinciaux j  ce  que  les  collègues  généraux  font 
auprès  du  général.  (+) 

COLLER  ,  V.  ad.  c'eft  unir  des  corps 
par  l'interpofîtion  de  la  colle.  Voyci^J' article 
Colle. 

Coller  eft  (ynonym^^.  apprêter. ^Voyei^ 
Apprêt. 

Coller  le  vin ,  c'eft  l'éclaircir  ;  cette  opéra- 
tion le  fait  en  mars  &  en  avril ,  huit  jours  ou 
environ  avant  que  de  mettre  en  bouteilles. 
Pour  cet  effet  prenez  de  la  colle  de  poilîon 
la  plus  blandie  ,  à-peu-près  foixante-trois 
grains  par  pièce  ;  faites-la  difïbudre  dans  de 
Teau  ou'^dans  du  vin ,  ou  dans  de  l'efprit  de- 
vin,  ou  dans  de  l'eau-de-vie  ;  maniez-la  afin 
de  la  bien  divifer  ;  pafïez  ce  qu'il  y  en  aura 
de  délayé  j  remaniez  Se  paffe^  ;  q^uand  ella 


502  COL 

fera  toute  délayée ,  filtrez-la  encore  \  travers 
un  linge  ;  prenez  autant  de  pintes  de  cette 
folution  que  vous  aurez  de  tonneaux  à  col- 
ler; jetez-la  dans  cette  quantité  dans  le  ton- 
neau ;  remuez  le  vin  avec  un  bâton  pendant 
trois  ou  quatre  minutes  après Py  avoir  jetée, 
&  votre  vin  fera  éclairci  au  bout  de  trois 
jours  au  plus  tard.  Il  y  en  a  qui  font  tremper 
la  colle  de  poiflbn  dans  de  leau  ,  la  fondent 
fur  le  feu ,  &  en  forment  une  boulette  qu'ils 
jettent  dans  le  tonneau. 

La  colle  agit  plus  ou  moins  promptement , 
félon  qu'il  fait  plus  ou  m.oins  froid  ;  fi  elle 
manque  fon  effet ,  on  en  rajoute  une  demi- 
dofe. 

CoLL'EK^aujeudeMl/ardjCeiïùire  tou- 
cher la  bille  à  la  bande  ,  de  façon  qu^on  ne 
puiife  pas  la  jouer  aifément.  Voy.  Billard. 

COLLERAGE ,  f  m.  {Jurifpr.  )  étoit  un 
droit  que  fpn  payoit  anciennem.ent  pour 
mettre  le  vin  en  coule ,  c'eft-à-dire  en  perce. 
Il  eft  parlé  du  droit  de  tirage  &  coller  âge  à\x 
pour  le  vin ,  au  livre  de  Péchevinage  de  Pa- 
ris, chap.iv.  {A) 

COLLET ,  f.  m.  ce  terme  a  un  grand 
nombre  d'acceptions  différentes,  prifes,pour 
la  plupart ,  de  la  partie  de  notre  corps  qu'on 
appelle  le  col ,  de  fa  forme  ,  de  fa  pofition , 
ùc.  Ainii  on  appelle. 

Collet  ,  en  architeciure ,1a. ^amclz  plus 
étroite  ,  par  laquelle  une  marche  tournante 
tient  au  noyau  d'un  efcalier.  (P) 
*  Collet,  (  Art/Il.  &  Fond.  )  la  partie  du 
canon  comprife  entre  l'aftragale  &  le  bour- 
relet. Voye[l' article  CAtios. 

Collet  ,  en  botanique  ,  la  liaifon  ,  ou  la 
couronne  ,  ou  l'endroit  de  l'arbre  où  finit  la 
racine  ,  &  où  commence  la  tige. 

Il  fe  dit  auifi  de  l'endroit  le  plus  élevé  de 
la  tige  d'une  fleur. 

Collet,  {Bottier.)  la  partie  de  la  botte 
qui  correfpond  au  talon. 

Collet  de  veau ,  (  Boucherie.  )  morceau 
qui  contient  le  quarré ,  le  bout  làigneux  , 
$ç  la  poitrine. 

Collet  ,  che7J.es  chandeliers  ùlesciriers , 
la  partie  de  coton  qui  paroît  à  l'extrémité  à^is 
flambeaux ,  des  bougies ,  des  chandelles ,  S'c. 

Collet  ,  (  Charr.  )  fe  dit  de  la  partie 
antérieure  d'un  tombereau,  qui  s'élève  au- 
dellus  des  gifans.  Voye-i^ks  dicl,  de  Comm. 
ù  de  TrévQU3i, 


COL 

Collet  ,  en  terme  de  chajfe ,  un  petit  filet 
de  corde  ou  de  fil  de  laiton ,  tendu  dans  des 
haies  ou  palTàges étroits,  avec  un  nœud  cou- 
lant ,  dans  lequel  les  lièvres ,  les  lapins ,  &c 
autre  gibier  ,  fe  tprennent  &:  s'étranglent 
quand  ils  y  paflent. 

Ou  un  filet  compofé  de  trois  crins  de 
cheval  en  nœud  coulant,  que Pon  tend  dans 
les  haies  aux  pallées ,  ou  dans  la  campagne  , 
dans  lequel  les  oileaux  en  paiîant  le  prennent 
par  le  cou  ou  par  les  pattes. 

Ou  un  nœud  coulant  de  grofle  corde  ou 
de  gros  fil  de  fer ,  qu'on  tend  fur  la  paflee 
d'un  cerf,  d'un  loup ,  d'un  fanglier ,  ou  tel 
autre  animal.  Le  bout  delHné  à  (errer  ce 
nœud  coulant ,  eft  attaché  à  l'extrémité  d'un 
arbrifleauvigoureuxxetarbrilleau  eft  courbé 
de  force ,  de  manière  que  fon  extrémité  eft 
ramenée  dans  une  encoche  faite  au  corps 
d'un  autre  arbriftèau  voifin  ,  où  elle  tient  iî 
légèrement,  quePanîmal  ne  peut  pail'er  fans 
l'en  faire  échapper  ,  en  heurtant  quelque 
corps  qui  correfpond  à  l'encoche  &  à  l'extré- 
mité de  l'arbriflcau  courbé ,  &  dont  le  dépla- 
cement rend  fa  liberté  à  l'arbriflèau ,  qui  en 
fe  reftituant  avec  violence  ,  ferre  le  nœud 
coulant  f  ir  l'animal. 

ColletomColletin  de  bujle ,  (Manège.) 
eft  une  peau  de  bufle  préparée ,  formant  une 
efpece  de  jufte-au-corps  îans  manches:  c'eft 
un  vêtement  pour  les  cavaliers ,  qui  leur  fert 
d'ornement  &  de  défenfe.  D/cl.  de  Trév. 

Collet  d'étai  ,  (  Marine.  )  c'eft  ainfî 
qu'on  appelle  un  tour  que  fait  l'étai  fur  le 
ton  du  mât.  Le  collet  d'étai  fe  place  au  def- 
fus  de  tous  les  haubans ,  &  il  pafle  entre  les 
deux  barres  de  hune  d'avant.  {Z) 

Collet  ,  en  terme  d'Orfèvre  en  grojferie  , 
c'eft  une  petite  partie  ronde  &  concave ,  qui 
eft  au  deflùs  &  au  delfous  du  nœud  d'une 
éguiere ,  ou  telle  autre  pièce  d'orfévierie. 

Collet  ,  en  termes  d' Orfèvre ^  c'eft  un 
cercle  creux  en  forme  de  collet ,  qui  orne  un 
chandelier  ou  telleautre  pièce,  foit  dans  fon 
balîînet ,  foit  dans  la  monture  &  dans  fon 
pié.  Fbje:^^  Bassinet,  Monture  &  Pli. 

Collet  ,  (  Serrurier.  )  l'endroit  d'une 
penture  le  plus  voifiii  du  repli  où  le  gond  eft 
reçu. 

Ce  terme  a  encore  dans  le  même  art  d'au- 
tres acceptions  ;  il  fe  donne  dans  certaines 
occaiions  à  des  morceaux  de  fer  en  viroles 


COL 

ou  anneaux,  deftinés  à  embraiïèr  d'autres 
pièces ,  &  à  les  fortifier. 

Collets  oi/ Tir  ANS  ,  {Manufacî.enfoie.) 
Voye:^  l'article  Petite-tire. 

Collets  ,  (  Tailleur.  )  dans  un  habille- 
ment ,  tel  qu'un  manteau  ,  une  redingote  , 
un  furtout  /une  chemifc ,  ùc.  c'eft  la  partie 
la  plus  haute ,  celle  qui  embrailè  le  cou  : 
cette  partie  eft  plus  ou  moins  large ,  félon  la 
nature  de  l'habillement. 

Collets  ,  (,  Tourneur.)  on  appelle  ainfi 
les  deux  pièces  de  cuivre  ou  d'étain  ,  entre 
lefquelles  les  tourillons;  d'un  axe  tournent. 
Fbje;(_  Tour  a  lunette. 

Collet  de  hotte ,  (  Vannier.  )  c'eft  la  par- 
tie fupéricure  du  dos ,  qui  couvre  le  cou  & 
la  tête  de  celui  qui  la  porte. 

Collets  ,  (  Verrerie.  )  c'eft  ainii  qu^on 
appelle  les  portions  de  verre  qui  relient  atta- 
chées aux  cannes,  après  qu'on  a  travaillé.! 

COLLET  AGE ,  f.  m.  (  Jurifpr.  )  étoit  un 
nom  que  Ton  donnoit  anciennement  aux 
tailles ,  aides  ,  &  fubfides  que  1  on  levé  fur 
le  peuple.  Voyc-{^  Monftrelet ,  vol.  I^^ap. 
Ixxviij.  {A)  ^w" 

COLLETÉ  5  adj.  en  termes  de  Blafon ,  fe 
dit  des  animaux  qui  ont  un  collier. 

Thierri ,  d'azur ,  à  trois  têtes  de  lévrier 
d'argent ,  colletées  de  gueules. 

COLLETER ,  (  Chandelier,  )  Colleter  les 
chandelles ,  c'eft  à  la  dernière  fois  qu'on  les 
plonge ,  les  defcendre  dans  le  fuif  jufqu^à 
qu'il  foit  parvenu  à  l'endroit  de  la  boucle 
que  la  mèche  torme  à  l'extrémité  delà  chan- 
delle, &  laiflèr  prendre  lefuiffur  une  par- 
tie de  cette  boucle ,  pour  qu'elle  refte  ouver- 
te ,  &  qu'étant  enfuifée ,  elle  prenne  facile- 
ment la  première  fois  qu'on  l'allumera  ;  ce 
qui  ne  réulïîtpas  ordinairement,  la  flamme 
du  coton  feul  ne  fufïîfantpas  pour  fondre  le 

fuif.  Fr;je;^CHANDELLE. 

^  COLLETEUR,f.m.(a^/e.)celuiqui 
s'entend  à  tendre  les  collets.  Feyei^^CoLLET. 

COLLÉTIQUES,  adj.  en  médecine ,  ce 
font  des  remèdes  qui  réunifient  ou  qui  col- 
lent enferrible  les  parties  iéparées ,  ou  les 
lèvres  d'une  plaie ,  ou  d'un  ulcère ,  &  qui  les 
rétabliflènt  par  ce  moyen  dans  leur  union  na- 
turelle, ^oje:^ Agglutinant  ,  Plaie,  ùc. 
Ce  mot  vient  du  grec,  Ko}^ntK0i ,  ce  qui  a  la 
vertu  de  coller  enfembk  ;  de  xo>A*  ,  colle. 

Les  coUétiques  font  plus  delTicatifs  que  les 


COL  503 

larcotiques  ,  &  moins  que  les  épulotiques. 
Ori  met  au  nombre  des  collétiques  la  lithar- 
ge ,  l'aloès ,  la  mirrhe,  ùc.  Ce  mot  eft  très- 
peu  d'ufage.  Chambers. 

COLLEUR  5  f.  m.  on  donnoit  autrefois 
ce  nom^  aux  cartonniers.  Voye-^^  Varticlt 
Carton.  Ileft  encore  d'ufage  dans  quelques 
atteliers.  Le's  différentes  manœuvres  font 
diftribuées  à  différens  ouvriers,  &:oùl'a6ti©n 
de  coller  eft  une  de  ces  manœuvres.  Ainfi 
dans  la  fabrique  du  papier ,  il  y  a  les  colleurs^ 
Il  en  eft  de  même  de  plufieurs  autres. 

Colleur,  {Manuf.  d'ourdijfage.  )  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  celui  qui  donne  l'apprêt 
aux  chaînes ,  quand  elles  en  ont  befoin. 

COLLIER  5  i.  m.  ornement  que  les  fem- 
mes portent  au  cou ,  qui  confifte  en  un  ou 
plufieurs  rangs  de  perles  ou  pierres  précieufes 
percées  &c  enfilées.  Ce  font  les  lapidaires  & 
les  j  oailliers  qui  vendent  les  colliers  de  perles  ^ 
&  autres  perles  fines  ;  &  les  patenôtriers  qui 
font  &  vendent  ceux  de  pierres  faufles. 

Outre  les  colliers  de  pierres  fines ,  les  da- 
mes en  portent  auffi  de  perles  fauflès ,  qui 
pour  leur  éclat  &  leur  eau ,  imitent  parfai- 
tement les  perles  fines.  Voye';^  Perles 

FAUSSES. 

L'ufage  des  colliers  chez  les  Grecs  &:  chez 
les  Remains ,  eft  de  la  première  antiquité  : 
on  en  m^ettoit  au  cou  des  déeflès  ,  les  fem- 
mes enportoient  en  ornement  j  on  en  ofFroit 
aux  dieux  ;  c'étoit  unerécompenle  militaire , 
il  y  en  avoit  d'or  ,  d'argent ,  de  pierreries  j 
les  peuples  de  la  Grande-Bretagne  en  por- 
toient  d'ivoire;  on  en  mettoit  aux  efclaves 
avec  une  infcription ,  pour  qu'on  les  arrêtât 
s'ils  s'enfuyoient. 

Nos  marchandes  de  modes  donnentle  nom 
de  collier  ,  à  un  autre  ornement  de  cou  , 
compofé  quelquefois  <^un  feul  ruban  ,  ou 
d'un  tiftu  de  crin  garni  de  ruban  ,  de  blon- 
de ,  de  fbuci  d'hanneton ,  ùc.  Tout  collier  , 
comme  les  autres  pièces  d'une  parure ,  doit 
lui  être  aflorti  par  la  façon  &  par  la  matière. 
Les  colliers  ont  des  noms  dépendans  de  leurs 
formes ,  &  le  moindre  changement  dans  la 
forme  fuffit  pour  changer  le  nom.  Ainfi  il 
y  aie 

Collier  à  la  dauphinç  ;  c'eft  un  tour  de  cou 
noué  par  derrière  avec  un  ruban ,  garni  par 
devant  d'un  nœud  de  ruban  à  quatre  ,  d'un 
demi-cercle  attaché  fous  le  menton  ^  &  de 


504  C  O  L 

deux  pendans  ,  dont  deux  bouts  s'attachent 
autour ,  à  côté  de  ceux  du  demi-cercle ,  & 
les  deux  autres  tombent  dans  la  gorge  en  fe 
croifant  au-deflous  de  ce  demi-cercle.  Ces 
colliers  font  de  blonde,  de  rùbati ,  de  guir- 
lande ,  ùc. 

Le  collier  en  efclavage;  ileftcompofé  d'un 
tour  de  cou  &  d€  deux  ronds  par  devant , 
Pun  au-deflous  de  l'autre  ,  qui  tombent  & 
couvrent  la  gorge  en  partie  :  au  milieu  de 
ces  ronds  fur  le  tour  de  cou  ,  eft  un  nœud  à 
quatre. 

Le  collier  d^homme ,  eft  un  ruban  noir  & 
i^ns  façon  ni  pli  ,  nï)ué  quelquefois  d'un 
nccud  ?.  quatre  fous  le  menton,  quelquefois 
d'un  nœud  fini  pie ,  les  pendans  retombant  & 
fe  cachant  dans  la  chemife:  ce  qu'on  nom- 
me alors  cellier  a  béquille. 

Le  collier  d'homme  aux  amours ,  eft  une 
rub'.n  no.rnoué  par  derrière  aux  deux  coins 
de  la  bourfe  ,  orné  d'une  rofe  iîmple  ,  dont 
le§  deux  bouts  découpés  font  froncés  à  un 
doigt  de  leur  extrémité  ,  &  forment  un 
feuille  de  la  rofe  fimple. 

h^  collier  d'un  feul  rang  y  eft  un  tour  de 
cou  à  l'ulàge  des  d.'^mes,  compofé  de  ruban 
bouillonné ,  &  en  chou  ,  &  orné  fur  le  de- 
vant d'un  nœud  à  quatre.  Voilà  un  échan- 
tillon de  la  folie  de  nos  modes. 

Collier  ,  (  Hijl.  mod.  )  cet  ornement , 
dans  le  fens  que  nous  lui  donnons  ici ,  ne 
fert  que  pour  les  ordres  mihtaires,  auxquels 
on  Paccorde  comme  une  marque  de  diftinc- 
tion  &  de  l'honneur  qu'ils  ont  d'être  admis 
dans  leur  ordre.  C'cft  fouvent  une  chaîne 
d'or  émaillée  avec  plufieurs chiffres,  au  bour 
de  laquelle  pend  une  croix  ou  une  autre 
liiarque  de  leur  ordre. 

Le  collier  de  l'ordre  de  la  jarretière  confifte 
en  plufieurs  5'5' entremêlées  de  rofesémail- 
lées  de  rouge  ,  fur  une  jarretière  bleue  ,  au 
bout  de  laquelle  pend  un  S.  George.  Voyc^^ 
Jarretière. 

Le  collier  du  Saint-Efprit  eft  compofë  de 
trophées  d'armes  cfpacées  de  fleurs  de  lys 
d'or  cantonnées  de  flammes  &  de  la  terre 
jFlcouronnéejparc^quec'eft  la  lettre  initiale 
du  nom  de  Henri  lîl  ,  inftituteur  de  cet 
ordre  -,  &  au  bas  une  croix  à  huit  pointes  , 
fur  laquelle  eft  une  colombe  ou  faint-Efprit. 
Fbjr^ORDnE  DU  Saint-Esprit. 

Le  collier  de  l'ordre  de  S'  Michel  eft  £brmé 


COL 

î>ar  des  coquilles  d'or ,  liées  d'aiguîîlettes  de 
foie  à  bouts  ferrés  d'or.  Le  roi  François  I 
changea  ces  aigu  1  ttes  en  cordelières  ou 
chaînettes  d'or  :  au  bas  de  ce  collier  eu.  repré- 
fenté  l'i'rchange  S.  Michel. 

Maximilien  a  été  le  premier  empereur  qui 
ait  mis  un  collier  d'ordre  autour  de  fesarmes  , 
étant  devenu  chef  de  celui  de  la  toifon  : 
ufage  que  pratiquent  maintenant  ceux  qui 
font  décorés  de  quelque  ordre  de  chevalerie, 
à  l'exception  des  prélats  commandeurs  dans 
l'ordre  du  S.  Efprit ,  qui  ne  mettent  autour 
de  leurs  armes ,  qu'un  cordon  ou  ruban  bleu 
d'où  pend  la  croix  de  l'ordre  ,  &  n'arborent 
pas  la  marque  de  l'ordre  de  S.  Michel  ;  auffi 
ne  prennent-ils  pas  le  titre  de  commandeurs 
des  ordres  du  roi ,  au  lieu  que  les  chevaliers 
fe  qualifient  du  titre  de  chevaliers  des  ordres 
du  roi. 

Ordre  du  collier.  Chevaliers  du  collier  ou 
de  S.  Marc  ,  ou  de  la  médaille  ;  ordre  de 
chevalerie  dans  la  république  de  Venife. 
Mais  ces  chevaliers  n'ont  point  d'habit  parti- 
culia||&  comme  c'eft  le  doge  &  le  fénat 
qui  i^conferent ,  ils  portent  feulement  par 
diftinéiion  la  chaîne  que  le  doge  leur  a 
donnée  :  elle  leur  pend  au  cou ,  &  fe  trouve 
terminée  par  une  médaille  où  eft  repré fente 
le  lion  volant  de  la  république  ,  qu'ils  ont 
tiré  du  fymbole  de  l'évangélifte  S.  Marc  , 
qu'ils  ont  pris  pour  patron.  (G)  {a) 

Collier  d'ét  ai  ,  (  Mar.  )  c'eft  un  bout 
de  groflè  corde  femblable  à  l'étai.  L'ufàgc 
du  collier  d'étai  eft  d'embrafler  U  haut  de 
l'étrave ,  &  d'aller  fe  joindre  au  grand  étai , 
ojj  il  eft  tenu  par  une  ride.  (  Z) 

Colliers  de  défense  ,  {Marine.)  ce 
font  plufieurs  cordes  tortillées  en  rond  com- 
me un  collier ,  qu'on  a  à  l'avant ,  &  fur  le 
côté  des  chalounes ,  ou  autres  petits  bâti- 
mens,  pourleurfervirde  défenfe  &  les  garan- 
tir du  choc  contre  les  autres  bâtimens.  Voye':^ 
planche  XXV ^  Marine  ,fig.  5 ,  lett.  r ,  ^jig. 
4  ,  lett.  n.  o^  r.{Z) 

Collier  du  ton  ,  (Marine.)  collier  de 
chouquet ,  c'eft  un  lien  de  fer  fait  en  demi- 
cercle  ,  qui  conjointement  avec  le  ton  &  le 
chouquet ,  fert  à  tenir  les  mâts  de  perroquet 
&  de  hune  :  quelquefois  ce  lien  eft  fait  d'une 
pièce  de  boisi  alors  on  lui  donne  d'épaiffeur 
de  haut  en  bas  ,  les  trois  cinquièmes  de 
l'épaiffeur  du  chouquet.  (  Z  ) 

Collier 


COL 

CoLLTER  dehcsuf,  (i?o//c//.  )  morceau  qui 
contient  le  premier  &  le  (ècond  travers  avec 
la  joue.  4ÉL' 

Collier  de  chevaT^Bourrel.  &  Sell.  ) 
hernois  de  .bois  couvert  de  cuir  &  rem-- 
iDOurré  ,  qu'on  met  au  cou  des  chevaux  de 
tirage  ,  afin  que  les  cordes  des  traits  qui  s'y 
attachent ,  ne  les  blelîent  point. 

Collier  a  i^a  keiî^e  ,  termedeBourferie; 
c'eft  un  collier  de  fer  couvert  de  velours ,  qui 
embraflè  le  cou  desenfans.  Il  eft  garni  d'une 
branche  de  fer  &c  couverte,  qui  defcend 
fous  le  m.enton ,  &  vient  fe  fixer  fur  le  bord 
de  leur  corps  :  ce  collier  leur  tient  la  tête 
droite. 

Collier  ,  (Pèche )  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle fur  les  rivières ,  la  corde  qui  part  du 
bout  du  filet  appelle  verv?ux ,  &  qu'on  atta- 
che à  l'extrémité  d'un  pieu  qui,  enfoncé  dans 
la  vafe ,  tient  cette  partie  du  verveuxau  fond 
delà  rivière.  Ainfi  pour  placer  un  verveux , 
on  a  deux  pieux  ,  l'un  pour  la  tête ,  l'autre 
pour  la  queue.  J^oye:^  Verveux.  On  fup- 
plée  quelquefois  au  pieu  de  la  queue  &  au 
collier  par  le  poids  d'une  pierre. 

Collier  de  limier  ou  Botte,  (  Vénerie.  ) 
c'eft  l'attache  de  cuir  qu'on  lui  pafleau  cou , 
quand  on  le  mené  au  bois. 

COLLIERES ,  f.  f.  (  Commerce  de  bois.) 
ce  font  des  chantiers  qui  fervent  de  fonde- 
ment aux  trains  ;  ils  ont  à  leur  extrémité  des 
coches  dans  lefquelles  on  pafle  les  couplie- 
res.  Fcjc:(^CoùPLiEREs  &  Trains.  * 

COLLIMATION ,  ligne  de  collimation , 
{Ajîron:)  efl:  celle"par  laquelle  on  vile  à  un 
objet ,  par  les  deux  pinnules  d'un  graphome- 
tre.  Dans  une  lunette  c'eft  la  ligne  qui  pafie 
par  le  centre  des  verres ,  ou  l'axe  optique  de 
la  lunette.  La  ligne  de  collimation  doit  être 
parallèle  à  la  ligne  de  foi ,  c'eft-à-dire  ,  à  la 
ligne  qui  pafle  par  le  centre  de  l'inftrument 
ôc  par  le  point  de  l'index  qui  marque  la 
divifion.  On  dit  la  ligne  de  foi  pour  dire  la 
■ligne  de  collimation ,  parce  que  ces  deux  lignes 
«tant  parallèles  entr'elles  &  peu  diftantes 
l'une  de  l'autre ,  elles  fe  dirigent  au  même 
point  du  ciel.  (M. de  la  Lande.) 

COLLINA  ou  COLLATINA  ,  f.  m. 
(  Mytholvg.  )  déefTe  qui  prélîdoit  aux  mon- 
tagnes ;  c'eft  de  Ton  culte  qu'on  fait  venir  le 
verbe  colère. 

*  COLLINE ,  f.  f.  (H//?,  anc,  )  une  des 
Tome  VIIL 


COL  J05 

quatre  parties  de  Rome.  Elle  étoit  ainfi  ap- 
pellée ,  parce  que  des  fept  collines  renfer- 
mées dans  cette  ville ,  il  y  en  avoit  cinq  dans 
cette  partie  ;  fa  voir  la  viminale ,  la  qyirinale  , 
lafalutaire ,  lamutiale  &  lalatiale.  Il  y  avoit 
auffi  la  tribu  colline.  La  porte  fitùée  au  pie 
de  la  quirinale ,  s'appelloit  h  porte  colline  ou 
la  porte  dufel,  parce  que  les  fabins  qui  ap- 
portoient  le  fel  à  Rome  entroient  par  cette 
porte  :  c'étoit-là  qu'on  enterroit  les  veftales. 

La  colline  des  jardins  fut  une  petite  mon- 
tagne ,  renfermée  dans  Rome  par  Aurélien. 
Ceux  qui  afpiroient  aux  charges  fe  mon- 
troient  là  à  la  vue  du  peuple  ,  avant  que  de 
defcendre  dans  le  champ  de  Mars. 

COLLIQUATIF,  adj.  {Médecine.)  fe 
dit  des  maladies ,  des  poifons  de  toute  ef- 
pece ,  dont  l'effet  dans  le  corps  humain  eft 
de  faire  perdreaux  humeurs  leur  coniiftancc 
naturelle ,  en  y  produifant  une  grande  diflb- 
lution  ,  une  décomposition  de  leurs  parties 
intégrantes,  d'où  réfulte  une  forte  d'altéra- 
tion appellée  colUquation. 

Ainii  on  dit  d'une  fièvre  dont  l'effet  eft  de 
jeter  en  fonte  les  humeurs  ,  qu'elle  eft  colli- 
quative:  ainiî  le  venin  du  ferpent  des  Indes 
appelle /tiFTOorroz/^,  dont  l'effet  eft  le  même , 
peut  être  dit  colliquatif:  de  même  les  fubf- 
tances  alkalines ,  le  mercure ,  &c.  pris  inté- 
rieurement ,  au  point  de  produire  la  difè)- 
lution  du  fang ,  doivent  être  regardés  comme 
des  poifons  colliquatifs. 

On  applique  auffi  ce  terme  aux  fympto- 
mes  de  maladies  ,  produits  par  la  colliqua- 
tion  ;  ainfî  on  ditde  la  diarrhée ,  de  la  fueur, 
6'c.  qu'elles  font  colliquatives  y  lorfqu'clleK 
font  des  évacuations  d'humeurs  qui  fè  font 
par  une  fuite  de  diflolution  générale  de  leur 
mafle.  J^ojpî^Colliquation. 

COLLIQUATION,  f.  f.  iKic^^i^colUqua^ 
tio  ,  (  Médecine.  )  ce  terme  eft  employé  pour 
fîgnifier  l'efpece  d'intempérie  des  humeurs 
animales ,  quiconfifte  dans  une  grande  diflb- 
lution  &  une  décompofition  prefque  totale 
de  leurs  parties  intégrantes  ;  enfôrte  que  la 
maflè  qu'elles  compofent  paroit  avoir  entiè- 
rement perdu  la  confiftance  &  la  ténacité  qui 
lui  eft  néceflaire  ,  pour  être  retenue  dans  le 
corps,  &  n'être  mife  en  mouvement  que 
conformément  aux  loix  de  l'économie  de  la 
vie  faine. 

La  colliquationçù.  difTércnte ,  félon  la  dif- 

Sss 


5©^  COL 

férenre  nature  du  vice  dominantdcs  humeurs  ' 
qui  tombent  en  fonte  :  ainli  on  appelle  colli- 
quation  acide  ,  celle  dans  laquelle  il  fe  fait  un 
mélange  informe  de  quelques  grumeaux  de 
fcng ,  avec  une  lymphe  devenue  aqueufe  & 
alkalefccnte  :  on  nommtccWquationalkalef- 
ceiitepwride,  celle  qui  eft  le  produit  de  cer- 
tanîes  fièvres  malignes  ;  colliquation  acre, 
muriatique ,  celle  qui  s'obfèrve  dans  l'hydro- 
pifie ,  le  fcorbut,  coWquarionâcre,  huileufe, 
f>ilieufe,ct\\ç,  quiréfulte  des  fièvres  ardentes. 

Les  caufes  diverfcs  de  la  colliquation  des 
humeurs  font ,  i°.  le  mouvement  animal  ex- 
ceilif ,  les  exercices  violais ,  qui  ne  font  pas 
immédiatement  fuivis  de  fueurs  :  i°.  Teiret 
trop  long-temps  continué  des  remèdes  apé- 
litifs  i.  fondans ,  tels  que  les  martiaux ,  les 
mercuriels:  5°..Iespoi!Gns  qui  ont  une  qua- 
lité puiflàmment  dilîblvante,  tels  que  la 
morfure  du  ferpent  des  Indes,  appelle  hce- 
morrous ,  le  virus  fcorbut ique ,  la  putréfac- 
tion produite  par  le  fphacele ,  &  par  cer- 
taines mala4ies  malignes ,  peflilentielles. 
Sauvage,  pathologia  meihodica. 

La  colliquation  des  humeurs  produit  les 
effets  fuivans.  Si  les  forces  de  la  vie  font  en- 
core aflezconfidérables ,  elle  rend  très-abon- 
dante &  exceffiye  l'excrétion  de  la  tranf- 
piration  de  la  fueur  ,  des  urines  ,  &  de  tous 
les  excrémens  Hquides ,  d'où  fuivcnt  la  foi- 
blefle ,  la  fbif ,  la  fécherelle  de  tout  le  corps, 
la  maigreur^le  marafme  :  fi  les  forces  de  la  vie 
font  çonfidérablement  diminuées  dans  le 
temps  que;  fe  fait  la  fonte  dès  humeurs ,  tou- 
tes ces  évacuations  ne  peuvent  pas  avoir  lieu  j 
la  matière  refle.  dans  le  corps ,  il  s'en,  forme 
des  amas ,  des  extravafions,  dès  hydropifies 
de  toutes  les  e/peces.  Aiijfi  la  colliquation  peut 
être  fuivie  de  cachexie  feche.  &:  de.çachexie 
humide. 

La  confomption  fi  commune  parmi  les 
Anglois ,  dit  lA.M afwieten ,  eft  l'effet  d  une 
véritable  colliquation  caufée  par  la  nature  de 
l'air  &  des  alimens  dont  ils  ufent ,  Ôc  par  le 
tempérament  ;  d'où  réfultent  de5  humeurs 
trop  fluides ,  difToutes,  fufceptibles  de  fortir 
aifément  de  leurs  conduits  ;  des  organes  ren- 
dus délicats  ,.foibles  qui ,  s'ils  ne  s'afFermif- 
fent  pas  par  l'exercice ,  (e  fondent  entière- 
ment en  fueurs  nodurnes  fur-tout ,  ou  feré- 
iôlvent  en  falivation  ôc  encxAcliats.  Ces  uia-i 


CO  L 

lades  ne  peuvent  pas  être  guéris  ,  que  leur 
fang  ne  ibit  condenfé  :  ce  qui  ne  peut  être 
fait  que  par  le  mqu|cment  du  corps ,  c'eft- 
à-dire  ,  par  l'exerce  réglé  ;  fans  ce  moyen  , 
l'ufage  du  lait ,  la  diète  blanche  incrafTante , 
ne  produifent  aucun  bon  effet  :  mais  c'efl. 
le  comble  de  l'erreur  q^ue  d'employer  dans 
ce  cas  des  remèdes  difiolvans^ 

Lorfqu'il  fe  filtre  une  grande  quantité  de 
bile  qui  eft  pertée  &  fe  mêle  dans  le  fang ,  ou 
qu^elle  y  reflue  du  foie  comme  dans  k  jau- 
nifle ,  fi  la  maladie  dur^  long-temps,. il  en 
rélulte  unedifiblution  totale ,  une  vraieco///* 
quaiion  des  humeurs  par  l'effet  de  ce  récré- 
ment ,  q^ui  en  eft  le  diilblvant  naturel  &  né- 
ceflaire  ,  en  tant  qu'il  s'oppofe  feulement  à 
,  leur  cohéfion  par  fa  qualité  pénétrante ,  mais 
qui  divife&  diflout  leurs  molécules,  les  difî. 
pofe  à  la  putrifaélion ,  comme  un  poifon^ 
dès  qu'il  eft  trop  abondant  ou  qu'il  devient 
trop  adjtif  :  l'iétcre  eft  prefque  toujours 
fuivi  de  l^hydropifie. . 

Dans  le  fcorbut  putride-,  le  fang  eft  auiïî 
tellement  difibus  par  l'effet  de  l'acrimonie 
muriatique  dominante, 'qu^il  ne  peut  pas 
être  retenu  dansles  vailfeaux  qui  lui  lont  pro- 
pres; en.  forte  qu'il  s'extravafe  aifément», 
paflè  dans  d'autres  vaiflèaux  d'un  genre  dif- 
férent ,  produit  des  taches ,  des  ecchy mofes , 
ou  des  hémorrhagies  confidérables. 

Le  fang  de  ceux  qui  étoientinfeélés  de  la 
pefte  qui  régjioit  dans  la  ville  de  Breda , 
pendant  qu'elle  étoit  affiégée  ,  paroiftbit  lir 
vide.,  étoit  de  mauvaife  odeur ,  &  n'avoir 
point  de- CQnfiftance.  Vande.rmye ,  de  morbis 
bredanis.  La  diflblution  du  fang  étoit  auffi 
très-marquée  dans  la  pefte  de  Marfeille  y 
par  les  évacuations  fréquentes  &  abondantes 
qui  fe  faifoient  de  ce  fluide  par  toutes  les 
voies  naturelles ,  &  par  l'ouverture  des  bu- 
bons, ùc.  que  l'on  avoir  peine  à  arrêter». 
Recueil  des  mémoires  fur  cette  pejle  ,  imprimé 
en  1744;  à  la  tête  duquel  eft  un  favant  dil^ 
cours  de  M.  Senac ,  premier  médecindu  roi; 

Voy.  fur  \2i  colliquation ,  fes  différentes  ef- 
peces,  leurs  fignesdiagnof  tics  &  prognofticsj 
&  leurs  caractères  ;  le  nouveau  traité  des  fie-r 
vres  continues  de  M .  Qu  efiiay ,  premier  méde- 
cin ordinaire  du  roi  en  furvivance.  V.  Hu-  . 
MEUR,  SAiiGy  BiLÇ,  ViEVKEhecIique  y  colli^ 
quative  i  maligne  j  Pf.ste  ,  Diarrhée, 
^UEUR  jDiAB.f  TES ,  Consomption  ^^  H  y- 


,C  O  L 

DR»PIS1E  ,  ùc.  Ces  deux  articles  foni  de  M. 

d' Au  MONT, 

COLLISION  en  michanique ,  eft  la  même 
chofe  que  choc.  Voye'^QvLOC. 

COLLITIG  ANS,  adj .  pris  fub.  {Jurifp.  ) 
font  ceux  qui  plaident  l'un  contre  l'autre. 
On  dit  communément  que  inter  duos  liti- 
gantes  tertius  saudet ,  c'eft-à-dire  ,  que  fou- 
vent  un  tiers  (urvient  de  les  met  d  accord ,  en 
obtenant  l'héritage  ou  bénéfice  que  les  deux 
autres  fe  conteftoient  réciproquement.  (A) 

COLLO ,  (  Géog.  mod.  )  village  d'Afri- 
qae ,  fur  les  côtes  de  Barbarie ,  au  royaume 
de  Tunis. 

COLLOBIS,  {Mufiq.  des  anc.)  nome 
des  Grecs  pour  la  cythare.  (  F.  D.  C.  ) 

COLLOCATI0N  ,C.f.{  Jurifp.  )  eft  le 
rang  que  Ton  donne  aux  créanciers  dans  l'or- 
dre du  prix  d'un  bien  vendu  par  décret.  Pour 
être  colloque  dans*un  ordre ,  il  faut  rappor- 
ter la  groflè  de  l'obligation  y  iî  l'on  ne  rapporte 
qu'une  féconde  grolîe ,  on  n'eft  colloque  que 
du  jour  de  cette  groflTeil'ufage  eft  néanmoins 
contraire  au  parlement  de  Normandie.  F. 
Grosse, 

En  Artois ,  où  il  n'y  a  point  d'ordre  pro- 
prement dit ,  les  collocations  fe  font  dans  le 
cahier  de  diftribution. 

On  colloque  au  premier  rang  les  créanciers 
privilégiés ,  chacun  fuivant  l'ordre  de  leur 
privilège  ;  enfuite  les  hypothécaires ,  chacun 
félon  l'ordre  de  leur  hypothèque  ;  &  enfin  les 
chirographaires,^  ces  derniers  viennent  par 
contribution  entre  eux  au  fou  la  livre,  lorf- 
que  le  fonds  n'eft  pas  fuffifant  pour  les  payer. 

On  diftingue  les  collocations  utiles  ou  en 
ordre  Hitile ,  de  celles  qui  ne  le  font  pas  :  les 
premières  font  celles  qui  procurent  au  créan- 
cier colloque  fon  paiement  ;  les  autres  font 
celles  fur  lefquelles  le  fonds  manque. 

On  diftingue  aurtî  la  coîlocation  en  ordre , 
de  celle  qui  fe  fait  feulement  en  fous-ordre  ; 
la  première  fe  fait  au  profit  du  créancier  de 
la  partie  faifie  ;  la  féconde  fe  fait  au  profit 
d'un  créancier  de  celui  qui  eft  oppofant  dans 
l'ordre.  Les  collocations  en  fous-ordre  fe  font 
entre  elles  dans  le  même  rang  que  celles  de 
l'ordre.  V.  Ordre  &  Sous-ordre,  Oppo- 

SANS. 

Quelquefois  par  le  terme  de  coîlocation , 
on  entend  le  montant  des  fommes  que  le 
créancier  colloque  a  droit  de  toucher  , 
fiûvant  le  rang  de  fa  coîlocation* 


COL  507 

Quand  l'ordre  eft  fait ,  les  créanciers  pre- 
miers colloques ,  dont  les  collocations  ne 
font  pas  conteftées ,  peuvent  demander  à 
en  toucher  le  montant ,  (ans  prendre  aucune 
part  aux  conteftations  d'entre  les  autres 
oppofàns. 

Maisaucun  créancier ,  quoique  utilement 
colloque  &:  pour  fommes  non  conteftées , 
ne  peut  demander  à  toucher  les  deniers  de 
fa  Coîlocation  ,  qu'il  n'ait  afîirmé  devant  le 
juge  que  la  fomme  pour  laquelle  il  a  été  col- 
loque ,  tant  en  principal,  intérêts  que  frais , 
lui  eft  bien  &  légitimement  due ,  qu'il  n'en 
arien  touché,  &  qu'il  ne  prête  fon  nom 
directement  ni  indiredement ,  à  celui  dont 
le  bien  a  été  vendu  par  décret. 

Il  y  a  plufieurscasoù  l'on  ne  peut  toucher 
le  montant  des  collocations ,  lans  avoir  donné 
caution  :  favoir  1°.  lorfque  c'eft  dans  Pordre 
du  prix  d'un  office  fait  avant  le  fceau  des 
pro  vif  ions;  déclaration  du  ZJ  juillet  t'/o^  : 
1°.  lorfque  le  juge  ordonne  le  paiement  de 
la  coîlocation  p^i  provifîon  ;  3°,  lorfque  l'or- 
dre eft  fait  par  une  fentence  qui  n'eft  exécu- 
toire qu'en  donnant  caution. 

Suivant  l'ufàge  commun ,  il  fkut  que  Por- 
dre foit  achevé  avant  que  les  créanciers , 
utilement  colloques ,  puiflènt  fe  faire  payer 
de  leurs  collocations  :  cependant  en  quelques 
endroits ,  comme  en  Normandie ,  les  créan- 
ciers peuvent  fe  fliire  payer  à  mefure  qu'ils 
font  colloques.  Voye^^le  traité  de  la  rente  des 
immeubles  par  décret ,  de  M.  d'Héricourt , 
p.  i^G ,  X4J y  z8z  & z8^.  (A) 

CoLLOCATioN  ,  (  Jurifprud.  )  eft  aufïî 
une  voie  de  pourfuite  ufitée  en  Provence  au 
lieu  des  faifies  réelles  &  décret  que  l'on  n'y 
pratique  point.  Les  créanciers  qui  veulent 
fe  faire  payer  fur  les  biens  de  leurs  débiteurs , 
viennent  par  coîlocation  fur  ces  biens ,  c'eft- 
à-dire,  qu'on  leur  en  adjuge  pour  la  valeur 
des  fommes  qui  leur  font  dues  fur  le  pié  de 
Peftimation  faite  par  des  officiers  qu'on  ap- 
pelle ejlimateurs.  Cet  ufage  a  été  confirmé 
pour  la  Provence  par  Louis  XIII,  lequela  or- 
donnél'exécution  du  ftatut  de  cette  province, 
qui  défend  de  procéder  par  décret  fur  les  biens 
qui  y  font  fîtués ,  quand  même  on  procé- 
deroit  en  vertu  de  j  ugemens  &  arrêts  éma- 
nés des  tribunaux  de  quelqu'autre  province 
où  les  décrets  font  en  ufage.  La  déclaration 
du  10  mars  170(3 ,  porte  auflî  quelesexécu- 

S  ss  z 


5oS  COL 

t!ons  fur  les  biens  immeubles  de  Provence 
ne  pourront  être  faites  que  par  la  voie  ordi- 
naire de  la  coîlocation.  Voyez  le  traité  de  la 
vente  des  immeubles  par  décret  de  M.  d'Hé- 
ricourt ,  ck.j ,  n.îo.{A) 

COLLURION,  Voyei^^PlE-GRIECHE. 

COLLUSION,  r.  f.  {Jurifprud.)  eft 
une  intelligence  fecrete  qui  règne  entre  deux 
'parties  au  préjudice  d'un  tiers  \  cette  intelli- 
gence eft  une  véritable  fraude  qui  n'cft  ja- 
mais permife ,  &  que  Ton  ne  manque  jamais 
de  réprimer  lorfquelle  eft  prouvée.  Ainfî 
dans  un  r.cTce,  foit  authentique  ou  privé,  il 
y  a  collufion  lorfque  les  parties  font  quelque 
vente  ou  autre  convention  fimuléc.  Dans 
les  ad:es  judiciaires  il  y  a  cclhifion  ^  lor(que 
deux  parties  qui  feignent  d'être  oppofées , 
paflènt  des  jugemens  de  concert ,  ce  qui  eft 
prohibé  fur-tout  en  matière  criminelle  à 
caufe  de  Tintérêt  public  ,  qui  demande  que 
les  délits  ne  demeurent  point  im.punis.  Il  y 
à  au  code  un  titre  ,  de  collujione  detcgendâ, 
qui  eft  le  titre  xx  du  liv.  Vil.  {A) 

^^COLLUTHIENS,  f.  m.  pi.  (Jf//?. 
eccléf.  )  hérétiques  qui  parurent  dans  legîife 
•au  quatrième  (iecle  ;  ils  furent  ainfi  appelles 
de  CoUuthus  prêtre  d'Alexandrie ,  qui ,  fcan- 
dalifé  de  la  condefccndancc  que  faint 
Alexandre  patriarche  de  cette  ville  eut  dans 
les  commencemens  pour  Arius  qu'il  efpéroit 
ramener  par  la  douceur ,  fit  rchifme  ,  tint 
des  aflèmblés  féparées ,  &  ofa  même  or- 
donner des  prêtres  fous  prétexte  que  ce 
pouvoir  lui  étoit  néceflàire  pour  s'oppofer 
avec  fuccès  au  progrès  de  l'arianifme  :  il 
ne  s'en  tint  pas  là ,  &  Pirré gularité  paflà 
bientôt  de  fa  conduite  dans  fes  fenti- 
mais  j  il  prétendit  que  Dieu  n'avoic  point 
créé  les  méchans ,  &  qu'il  n'étoit  pomt  l'au- 
teur des  maux  qui  nous  affligent.  Ofius  le 
fit  condamner  dans  un  concile  qu'il  convo- 
qua à  Alexandrie  en  319: 

COLLYRE,  f.  m  terme  de  Médecine, 
remède  externe  deftiné  particulièrement 
pour  les  maladies  des  yeux.  Voye-^  (Sil. 

Il  y  en  a  de  liquides  &  de  fecs.  Les  co/- 
lyes  liquides  ,  vyfonM^ioc ,  font  compo- 
lés  d'eaux  &  de  poudres  ophrhalmiques, 
comme  les  eaux  de  rofe  ,  de  plantain  ,  de 
fenouil ,  d'eufraife  ,  dans  lefquelles  oh  dif- 
foutou  on  mêle  de  la  tuthic  préparée , du 
•ïitriol  blanc ,  ou  telle  autre  poudre  con- 


COL  ^ 

vcnable.    Voye'^^    O  p  h  t  h  à  l  m  i  q_tt  E. 

Les  fecs,  ^t\çoKo>htpt^^ ,  font  les  trochif- 
ques  de  rhafis ,  le  fucre  candi,  l'iris,  la 
ruthie  préparée ,  ^^c.  qu'on  fouftle  dans  l'œil 
avec  un  petit  chalumeau. 

On  donne  le  même  nom  à  des  ongucns 
employés  pour  le  même  effet ,  comme  Ton- 
guent  de  tuthie ,  &  plufîeurs  autres. 

On  le  donne  aulli ,  mais  improprement , 
à  quelques  remèdes  liquides  dont  on  fe  lert 
pour  les  ulcères  vénériens.  Dicîionn.  deTrév. 
&  Charniers. 

Tel  eft  le  collyre  de  Lanfrac ,  dont  voici 
k  compofition.  V  du  vin  blanc ,  une  livre  ; 
eaux  de  plantain ,  de  rofe,  de  chaque  trois 
onces  ;  orpiment ,  deux  gros;  verd-de-gris, 
un  gros;  myrrhe  ,  aloës ,  de  chaque  deux 
fcrupules  :  faites  du  tout  un  collyre  feioii 
l'art,  (h) 

*  COLLYRroiENS  ,  fub.  m.  pi.  (Hiff. 
eccléf.  )  anciens  hérétiques  qui  portoient  à 
la  vierge  un  hommage  outré  ôc  (uperfti- 
tieux  i  faint  Epiphane  qui  en  fait  mention , 
dit  que  des  fem.mes  d'Arabie  entêtées  du 
collyridianifme  s'aftèmbloient  un  jour  de 
l'année  pour  rendre  à  la  Vierge  leur  culte 
impertinent ,  qui  confiftoit  principalement 
dans  l'of&ande  d'un  gâteau  ,  qu'elles  man- 
geoient  enfuite  en  fon  nom.  Le  nom  colly^ 
ridien  vient  du  mot  grec  collyre ,  petit  pain. 
.  ou  gâteau. 
^  COLM  AR  ,  (  Géogr.  m.od.  )  ville  con- 
/îdér  bîe  de  France  dans,  la  haute  Alface,. 
dont  elle  eft  capitale  près  de  la  rivière: 
d'Ill.  Lcng.  2.5 ,  2. ,  Il  ;  lat.  48 ,  4  ,  44. 

COLM ARS  ,  (  Gécg.  mod.  )  petite  ville 
de  France  en  Provence  ,  proche  des* Alpes.. 
Long.  2.4  ,  50;  lat.  44  ,  îo. 

COLMOGOROT,  (  Géog.  med.)  ville 
de  Pem.pire  rulTien ,  dans  une  île  ktrmée 
par  la  Dwina.  Long.  ^8  ,  25  ,  lat.  64,, 

ÎO. 

COLMOND,  (G/o^r.)  très-ancien  châ- 
teau d^Allemagne,  dans  le  cercle  de  Weft- 
phalie,  &  dans  l'évêché  de  Liège  ,  au  pays, 
de  Tongres  :  il  eft  connu  par  les  dévafta- 
-t'ons  qu'il  efluya  l'an  1170  &  l'an  1489.. 
{D.G.) 

COLN ,  (  Gécgr.  )  ville  d'Angleterre ,  au 
bord  oriental  de  la  province  de  Lancaftre  : 
elle  fait  un  grand  trafic  des  grains  &  d'au- 
tres provifions  de  bouche  5  &:  on  déterra  > 


COL 

ïî  y  a  quelques  années ,  dans  ces  environs  , 
nombre  de  médailles  romaines ,  tant  d'ar- 
gent que  de  cuivre.  Long,  l^ ,  55  ;  lat.  53  , 

§  COLNE ,  (  Gécg.  )  rivière  d'Angleterre 
qui  coule  dans  les  provinces  de  Hert-ibrd  & 
du  Buckingham ,  &  tombe  dans  la  Tamife 
entre Wind(or&:  Hampton-Courc.(D.  G.) 

*  COLOBI^vl ,  (  HiJ}.  anc.  )  habit  (ena- 
torial  ;  c'étoit  une  efpece  de  tunique  dont  on 
ne  connok  pas  bien  la  forme  ,  &  dont  il  cft 
allez  rarement  parlé  dans  les  auteurs. 

COLOCASIE  ,  (  Botan.  exot.  )  plante 
étrangère ,  efpece  d'arum  ou  depié-de-veau. 

Peu  de  fciences  o4it  plus  de  befoin  de  ie 
prêter  un  fecours  mutuel  que  l'hiftoire  an- 
cienne &  la  botanique ,  lorlque  pour  Tintel- 
ligence  de  quantité  d'ufages  ou  myftérieux 
eu  économiques  que  les  Eg^^ptiens  fiiifoient 
des  plantes  de  leur  pays ,  il  s'agit  de  difcer- 
ner  cellesqui  fc  trou  vent  repréfencéesiur  les 
monumens  qui  nous  en  reftent. 

Les  antiquaires  qui  fe  font  flattés  d'y  réuf- 
{ïr,enconfuitant  Théophrafte,Diofcoride  de 
Pline ,  n'en  ont  pas  pu  juger  fùrcment  ;  parce 
qu'aucun  de  ces  naturaliftes  n'avoit  vu  ces 
plantesdans  leur  lieu  natal, &quelesdefcrip- 
tions  qu'ils  nous  en  ont  laiiîees  étant  très- 
courtes  ,  très-imparfaites  &  fans  figures ,  on 
n'a  pas  pu  en  faire  une  jufte  application  aux 
parties  détachées  des  plantes  que  les  fabrica- 
reurs  de  ces  monumens  ont  voulu  reprc- 
îenter. 

C'efl:  donc  au  fol  de  l'Egypte  même  &  au 
lit  du  Nil  5  qu'il  faut  avoir  recours  pour  en 
rirer  les  pièces  de  comparaifon  qui  leur  ont 
fervi  de  types.  C'eft  fur  la  vue  de  ces  plantes, 
ou  rapportées feches  de  ce  pays-là,  ou  tranf- 
plantées  dwins  celui-ci ,  ou  très-exa6tement 
décrites  par  ceux  de  nos  meilleurs  boranif- 
tes  ,  qui  les  ont  deflînées  d'apt'^s  le  naturel , 
comme  l'a  fait  Profper  Alpin  ,  que  Pon  çeut 
qualifier  raifonnablement  cellesqui  ontiervi 
d'attributs  aux  dieux ,  &  de  fymbole  aux  rois 
&  aux  villes  d'Egypte  ,  des  noms  qui  leur 
conviennent  fuivant  les  genres  auxquels  elles 
ont  du  rapport. 

C'eft  de  cette  manière  que  s'y  font  pris 
d'habiles  gens  pour  découvrir  la  co/or^y7e  des 
anciens  ,  &  être  en  état  de  la  ranger  fous  le 
genre  de  plante  auquel  elle  doit  appartenir. 

Gomme  fa  principale  qualité  it  trouvoit 


COL  50^ 

dans  la  racine  dont  on  fil  Q)it  du  pain,  5c  que 
de  cette  racine  de  laquelle  les  Arabes  font 
encore  commerce ,  il  nair  une  fleur  &  des 
feuilles  d'un  genre  à'a-um ,  on  ne  doute  plus 
que  ce  n'en  (oit  une  efpece ,  &  tousles  bora- 
niftes  modernes  depuis  Fabius  Coîomna ,  & 
l'ouvrage  de  Profper  Alpin  fur  les  plantes 
d'Egypte ,  fontconftammentde  cet  avis.  Le 
nom  V  ulgaire  de  culcas  ou  colcas  qu'elle  fem- 
ble  avoir  retenu  de  l'ancien  colocafia,  doit 
encore  contribuer  à  confirmer  cette  opinion. 

Sesfcuiilesfontauflîlargesque  celles  d'un 
^chou.  Satigeefl:  haute  de  trois  à  quatre  pies , 
&  grofle  comme  le  pouce.  Ses  feuilles  font 
grandes  ,  rondes  ,  nerveufes  endeflbus ,  at- 
tachées à  des  queues  longues  &:  groflès ,  rem- 
plies d'un  fucaqueux  &  vifqueux.  Les  fleurs- 
font  grandes,  amples  comme  celles  de  l'a-- 
rum  ,  de  couleur  purpurine ,  monopétales  , 
de  figure  irréguliere ,  en  forme  d'oreille  d'â- 
ne. Il  s'élève  de  chaque  calice  unpiftil  qui  de- 
vient enfuite  un  fruit  prefque  rond ,  qui  con- 
tient quelques  graines.  La  racine eft  charnue, 
bonne  à  manger.  Cette  plante  naît  dans l'ile 
de  Candie  en  Egypte ,  &  près  d'Alexandrie,  - 

Les  antiquaires  reconnoîrront  donc  au- 
jourd'hui la  fleur  de  cette  plante  fur  la  tk(t 
dequeiques  harpocrates,&de  quelquesfigu- 
res  panthées  par  fa  forme  d'oreille  d'âne  ou- 
de  cornet ,  dans  laquelle  efl:  placé  le  fruit  ;  & 
il  y  a  toute  apparence  qu'elle  étoit  un  fym- 
bole de  fécondité.  Voyelles  mémoires  des  Inf-  - 
criptions ,  tome  II. 

;     Les  curieux  de  nos  pays  cultivent  la  colo- 
cafie  avec  beaucoup  de  peine.  Ils  la  plantent 
dans  des  pots  pleins  de  la  meilleure  terre  qu'il  ■ 
eft  poflible  d'avoir ,  &  la  tiennent  toujours  ■ 
dans  des  ferres  fans  prefque  l'expofer  à  Tair , 
qui  endommage  promptement  fes  feuilles  : 
rarement  on  la  voit  produire  des  fleurs.  Sa 
racine  cuite  a  le  goût  approchant  de  celui  de 
la  noifette.  J'ignore  où  Bontius  a  pris  qu'elle 
eft^d'une qualité  vénéneuse ,  &qu'avantque' 
(d  être  mangeable ,  il  faut  la  macérer  quelques  - 
jours  dans  l'eau. 

Il  eft  certain  qu^en  Egypte ,  en  Syrie ,  en  '■ 
Candie ,  &  autres  régions  orientales,  on  eni 
mange  lansaucune  macération ,  comme  on  •• 
fait  des  navets  en  Allemagne.  Elle  a  ,  étant: 
crue  ,  un  peu  d'amertume  &  d'âcreté  vif-'- 
queufe;  mais  tout  cela  s'adoucit  entiéremenft: 
parlacuilibn,. 


5  lo  C  O  L 

Du  refte  cette  plante  n'a  point  de  verrtis 

médicinales. 

Le  chou  karaïbe  des  Américains  répond 
prefque  parfaitement  à  la  coiccafie  d'Egypte  j 
car  c'eft  aufii  une  efpece  d'Arum  d'Améri- 
que ,  dont  le?  racines  font  grofles,  de  cou- 
leur de  chair  par  dehors ,  jaunes  par  dedans, 
d'une  odeur  douce  ;  Tes  feuilles  reflèmblent 
h.  la  grande  ferpentine.  On  fait  du  potage 
de  Tes  feuilles  5c  de  fes  racines.  (  M.  le  che- 
valier DE  JaU COURT.) 

COLOCHINA  ,  {Géog.  mod.)v\\\c  de 
la  Turquie  en  Europe ,  dans  la  Morée,  fur 
\.m  golfe  de  même  nom.  Long.  40 ,  ^^  ;  ht. 

CÔLOCZA  ,  {Gécg.  mcd.)  ville  de  la 
haute  Hongrie  ,  capitale  du  comté  de  Bath 
fur  le  Danube.  Long.  36 ^  a^  ;  lat.  46" ,  57. 

^COLOENA,  furnom^de  Diane,  ainfi 
appellée d'un  temple  qu'elle  avoit  dans  TAiie 
mineure ,  près  du  marais  Coloé  jadis  le  ma- 
rais Gygée,  à  quarante  ftades  de  la  ville  de 
Sardes  en  Lydie  \  on  lui  célébroit  des  fêtes , 
dans  lefquellcs  on  faifoit  danfer  des  finges. 

*  COLCENIS  ,  (  Mythol.  )  furnom  de 
Diane  :  elle  étoit  adorée  fous  ce  nom  parles 
habitans  de  Myrrhinunte  en  Attique.  Ow 
prétend  qu'il  lui  venoit  de  Colcenus  ,  que 
quelques-uns  prétendent  avoir  régné  à  Athè- 
nes avant  Cécrops. 

COLOGNE  ,  (  G4og.  mo^.)  grande  ville 
d'Allemagne  fort  commerçante ,  capitale  de 
l'éledtorat  de  même  nom.  Elle  eft  libre  & 
impériale  ,  fituée  fur  le  Rhin.  Long.  2.4  , 
45  ;  lat.  ^o  ,^0. 

Cologne  (  Elecloratde) ,  pays  afiez  grand 
d'Allemagne  ,  borné  au  nord  par  les  duchés 
de  Cleves  &;  deGueldres,  à  l'orient  par  celui 
de  Berg  &  l'éledorat  de  Trêves ,  au  couchant 
par  le  duché  de  Juliers.  LeRhinquiarrofe 
ce  pays,  le  rend  très-commerçant.  L'éledeur 
de  Cologne  eft  archichancelier  de  l'empereur 
pour  l'Italie  ;  mais  ce  n'eft  qu'un  titre  qui 
n'entraîne  aucune  fondtion  ;  un  titre  plus 
réel  pour  lui ,  c'eft  celui  de  duc  de  VVeft- 
phalie. 

COLOMAY,  {Gêog.  mod.)  petite  ville 
de  Pologne  dans  la  Rufïie  rouge  >  fur  la 
Pruth.  Lo/ig.  44  ;  lat.  ^8 ,  45. 

COLOMB  (Saint-),  G^^r.  ville  d'An- 
gleterre dans  la  province  de  Cornouailles  , 
au  fommec  d'uiic  collme  peu  éloignée  de  la 


C  O  C 

mer.  L'on  n*y  compte  que  1 5  o  maifons,  6i 
la  plupart  aflèz  mal  bâties  j  mais  ks  rues  en 
font  larges  Se  bien  pavées ,  &  il  y  a  foires 
&  marchés  pour  gros  &  menu  bétail ,  Ôc 
pour  étoffes  de  laine.  L'on  trouve  dans  Con 
voilinage  les  veftiges  d'un  ancien  camp  Da- 
nois, io/?^.  iz,  îZy  lat.  ^0,30.  {D.G.) 

CoLOMB.C  Saint-  ) ,  Géogr.  petite  île,  du 
nombre  des  anciennes  Hébrjdes,  à  la  pointe 
méridionale  de  celle  de  Mull ,  dans  la  mer 
occidentale  d'Ecofle.  On  lui  donne  deux 
milles  du  pays  en  longueur  ,  &  un  en  lar- 
geur j  les  Irlandois  PappcUcnt  VColm'- 
Kill;  elle  a  auiTi  porté  le  nom  de  Jona.  C'eft 
dans  cette  île  ,  qu'au  vi®  fiecle  CoLmb  ou 
Colomban  ,  faint  homme  Irlandois  ,  célè- 
bre par  l'auftérité  de  fes  mœurs ,  &  par  la 
pureté  de  fa  doctrine,  fit  un  certain  féjour , 
&  jeta  les  fondemens  d'un  féminaire  qui 
s'eft  long-temps  foutenu ,  &c  qui  fourniflbit 
les  îles  britanniques  d'une  multitude  de  reli- 
gieux &  de  prêtres ,  d'autant  plus  refpedes 
qu^ils  étoient  moins  connus  \  car  cette  île 
fut  de  tout  temps  par  fa  fituation  une  patrie 
de  folitaires  qui  ne  pouvoientfbrtirdelàfans 
apporter  avec  eux  un  air  de  nouveauté ,  très- 
équivalent  à  celui  qu'eux-mêmes  dévoient 
trouver  dans  le  monde.  Sodor,  dont  les 
évêques  de  Man  portent  le  titre ,  eft  le  nom 
du  diocefe  moderne  de  cette  île.  La  reli- 
gion proteftante  eft  celle  qu'on  y  profeflè. 
{D.  G.) 

COLOMB ,  ou  COLM ,  ou  COLMKIS , 
(Congrégation  DE  S.)  HiJl.eccléf.c'dWc 
nom  d'une  congrégation  de  chanoines  régu- 
liers qui  étoit  d'une  grande  étendue ,  &c  com- 
pose de  cent  monafteres  répandus  dans  les 
îles  d'Angleterre.  Elle  avoir  été  établie  par 
S.  Colomb ,  Colm ,  ouColmkis ,  irlandois 
de  nation ,  qui  vivoit  dans  le  vj*  fiecle ,  ôc 
qu'on  appelle  au fïî  S.  Colomban  ;  mais  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  un  autre  S.  Co- 
lomban fon  compatriote  ôc  fon  contempo- 
rain ,  fondateur  8c  premier  abbé  de  Luxeuil 
en  Franche-Comté. 

Le  principal  monaftere  ou  chef  de  l'ordre 
dont  nous  parlons ,  étoit  félon  quelques-uns 
à  Armagh,  fuivant  d'autres  à  Londondery; 
d'autres  enfin  prétendent  qu'il  étoit  dans  l'île 
de  Hi  ou  Lon  ,  qu'on  appelle  maintenant 
Ycolmkil.,  au  nord  de  l'Irlande  j  à  quelque 
diftaiîce  de  l'.EcolIè. 


COL 

On  voit  encore  une  règle  en  vers ,  qu'on 
croit  avoir  été  di<5bée  par  faint  Colomb  à 
Tes  chanoines.  Foje:^^ Règle.  (G) 

COLOMBAYE,  en  architeciure.  Voye^ 
Pan  de  Bois  &  Colombe. 

COLOMBE,  r.  f.  Voyei  Pigeon.  Ily  a 
quelques  oifèaux  qui  portent  le  nom  de  co- 
lombe ,  qui  font  la  colombe  de  la  Chine  ,  la 
colombe  de  Portugal ,  k  colombe  de  Groen- 
land ,  ùc.  celle-ci  eft  cependant  abfolument 
différente  des  pigeons  ,  car  c^fl:  un  oifeau 
aquatique.  Koye-^^  l'hijhire  naturelle  des  oi- 
feaux ,  gravée  par  Albin  ,  &  V ornithologie  de 
Willughby.(/) 

'^  Colombe  ,  {Mythol.)ct{\.  Toifeau  de 
Vénus  ;  elle  le  portoit  à  la  main ,  elle  Tatta- 
choit  à  Ton  char,  elle  prenoitfa forme.  Ju- 
piter fut  nourri  par  àtsxolombes  :  fable  dont 
l'origine  reflèmbleà  celle  de  beaucoup  d'au- 
tres j  elle  vient  de  ce  qu'en  phénicien  le  mot 
colombe  fignifie ;'r//re  ou  cureté.  Leshabitans 
d'Arcalonrerpc6loientcetoi(èauaupointde 
n^ofer  ni  le  tuer  ni  le  manger.  Les  Aflyriens 
croyoient  que  Sémiramis  s^étoit  envolée  au 
ciel  en  colombe.  Il  eft  fait  mention  de  deux 
colombes  fameufes  ;  Tune  fe  rendit  à  Dodone ,. 
où  elle  donna  la  vertu  de  rendre  des  oracles 
à  un  chêne  de  prédile6lion }  Tautre  s'en  alla 
en  Lybie ,  où  elle  fe  plaça  ejitre  les  cornes 
d'un  bélier  d'où  elle  publia  Tes  prophéties. 
Celle-ci  étoit  blanche,  l'autre étoit  d'or.  La 
Colombe  à'ox.,  qui  donnoit  le.don  de  prophé- 
tie aux  arbres ,  ne  le  perdit  pas  pour  cela  ;  elle 
étoit  perchée  fur  un  chêne;  on  lui  facrifioit  ; 
on  la  confultoit ,  &  Tes  prêtres  vivoient  dans 
Ifabondance.  Ce  fut  elle  qui  annonça  à  Her- 
cule fa.  fin  malheureufe.  On  fait  d'ailleurs 
par  Hérodote  &  parles  mythologues  que  ces 
colombes  étoient  de  vieilles  femmes.  La  co- 
lombe éioix.  le  feul  oifeaU'qu'on  laiflat.  vivre 
aux  environs  du  temple  de  Delphes. 

Colombe  ,  {'Ajlror?.  )  conftellation  mé- 
ridionale,, fituéeau-délîbus  du  lièvre  &du 
grand  chien ,  introduite  vers  le  commence- 
ment du  xvii^liecle ,  lorfque  les  navigateurs 
commencèrent  à  obferver  les  étoiles  au ftra- 
lès  &  à  leur  donner  des  noms  :  on  prétendit 
placer  la  colombe  de  Noé  à  côté  du  vaifleau 
que  l'on  confîdéra  comme  l'arche  de  Noé. 
Elle  eft  repréfentée  dans  les  cartes  de  Bayer 
avec  neuf  étoiles  j  fans  autre  explication  que 
celle-ci;  reçentiçribas  columba^  Danilci:affl- 


C  O  L  yt 

logue  de  Flamfteed ,  elle  contient  dix  étoiles  ; 
dans  celui  de  M.  de  la  Caille  ,  elle  en  ren- 
ferme un  bien  plus  grand  nombre.  La  priii- 
cipale  appellée  «  avoit  en  1750,  81°  59,  15" 
d'afceniion  droite ,  &  54°  1 5'  2 1''  de  décîi- 
naifon  ,  d'où  il  iuit  qu'on  peut  très-bien  la 
voir  en  Europe  ,  puisqu'elle  paflè  au  méri- 
dien près  de  7  degrés  au-dellus  de  l'horizon 
de  Paris.  {M.  de  la  Lande.) 

Colombe  {Ordre  de  la) ,  Jean  deCaftille, 
premierdunomjrinftituaàSégovieeni  3  195 
ou  félon 'd'autres  ,  Henri  III  Ton  fils  ,  en 
13.99.  Lês  chevaliers  poruoient  une  chamc 
d'or  avec  une  colombe  cmaillée  de  blanc ,  les. 
yeux  &  le  bec  de  gueules  :cec  ordre  dura  peu» 

Colombe  ,  en  architecture ,  eft  un  vieu)C 
motqui  fignifioit  autrefois  toute  folive  poféa 
debout  dans  les  pans  de  bois  Se  cloifons  y 
d'où  l'on  a  fait  celui  de  colombage. 

Colombe  ,  che-^  leslayeùers  ,  eft  un  mÇ-' 
trument  en  forme  de  banc  ,  percé  à  joue 
comme  le  rabot ,  &  garni  d'un  fer  tranchant 
deftiné  à  drefier  le  bois,  yàye-^  Dr  es  sep. 

Colombe  ,  outil  de  gainier  en  gros  ou- 
vrages. 

Cette  colombe  eft  faite  comme  la  colombe 
des  layetiers ,  &  ferr  aux  gainiers  en  gros 
ouvrages  pour  unir-  &  raboter- les  bords  des 
planches  dont  ils  font  descaifl'es.  Voye^^V ar- 
ticle précédent.. 

Colombe  ,  (  Tonnelier.)  efpece  de  grande 
vadope  renverfée  dont  le  fer-  a  trois  pouces 
de  large ,  &  le  bois  quatre  pies  de  long  ;  elle 
eft  fou  tenue  fur  trois  pies  de  bois.  Les  tonne- 
liers s'en  fervent  pour  pratiquer;  des  joints 
,au  bois  qu'ils  emploient. 

Colombe  (Sainte-)  ,  G/ogr./no^. petite 
,  villedeFrance  dans  leLyonnois, furie  R  hone. 

*  COLOMBIER,  f.  m.  (  Économ.  rufî,q.  ) 

•endroit  où  l'on  tient  des  pigeons  ;  c'eft  un 

.pavillon  rond  quarrégarni de  boulins.  Il  faut 

le  placcrau  milieu  ou  dans  un  angle  déballe^ 

cour;  le  plancher  &:  le  plafond  doivent  en 

être  bien  joints  ,,pour  en  écarter  les  rats  de 

autres  animaux  ;  il  faut  qu'il  foit  blanc  en 

dedans ,  parce  que  les  pigeons  aiment  cette 

couleur-;  que  la  fenêtre  foit  à  coulille ,  pour 

l'ouvrir  &  la  fermer  d'en-bas  foir  &  matin, 

par  le  moyen  d'une  corde  &  d'une  poulie., 

&  qu'elle  foit  tournée  au  midi  ;  les  boulins 

feront  ou  despotsoudes  fépararions  faites  de 

f^tufè.oudetoxchis  3  on  les  fera  grands  j  le  der*. 


511 


COL 


nier  rang  d'en -bas  fera  à  quatre  pies  de  terre 
ou  environ.;  le  dernier  d'en-haut  à  trois  pies 
du  hiite  ;  on  pratiquera  au  bas  de  chaque 
boulin  une  avance  fur  laquelle  le  pigeon 
puifiè  le  repofer. 

Colombiers,  (/i.r//i^r.)  Les  loix  ro- 
maines n'ont  point  dedifpolition  au  fujet  des 
colombiers ,  ni  pour  fixer  le  nombre  de  pi- 
geons; il  étoit  libre  à  chacun  d'avoir  un  ou 
pluiieurs  colombiers  en  telle  forme  qu-*il  ju- 
geoit  à  propos ,  &:  d'y  avoir  aufïi  tel  nombre 
de  pigeons  que  bon  lui  fembloit.  Les  loix  ro- 
mainesavoient  feulement  décidé  par  rapport 
aux  pigeons ,  que  leur  naturel  eft  fauvage ,  & 
qu'ils  appartiennent  à  celui  qui  en  eftproprié- 
■taire  tant  qu'ils  ont  confervé  l'habitude  de 
revenir  à  la  maifon  ;  que  s'ils  perdent  cette 
habitude ,  alors  ils  appartiennent  au  premier 
occi^pant.  Il  étoit  néanmoins  défendu  de  les 
tuer  îorfqui'sfontau  champ  pour  y  chercher 
leur  nourriture ,  ou  de  les  prendre  par  des 
em.bùches  ,  &:  ceux  qui  y  contrevenoient 
ctoient  coupables  de  voX.ff.  i  o^tit.  z;  1.8. §  z . 

En  France  on  a  pouflé  beaucoup  plus  loin 
Tattention  fur  les  colombier sSc  fur  les  pigeons; 
c'efl:  pourquoi  il  faut  examiner  à  quelles  per- 
fonnes  il  eft  permis  d'avoir  des  co/o/7z^/'er5& 
en  quelle  forme  ;  quelle  quantité  de  pigeons  il 
eft  permis  d'avoir  ;  (i  les  pigeons  renfermés 
dans  un  colombier  (ont  meubles  ou  immeu- 
bles ;  enfin  les  peines  dont  doivent  être  pu- 
nis ceux  qui  prennent  ou  tuent  les  pigeons. 

Il  eft  défendu  d'abord  dans  toutes  les  villes 
d'avoir  des  pigeons  foit  privésou  fuyards ,  & 
cela  pour  la  falubrité  de  l'air  ;  c'eft  évidem- 
ment par  ce  m.otifque  la  coutume  de  Melun, 
art.  :?40 ,  dit  que  nul  ne  peut  nourrir  pigeons 
pâtés  &  non-pâtés  dedans  la  ville  de  Melun. 
Celle  d'Etampcs  ^art.  i<^2, ,  défend  de  nour- 
Tir  dans  cette  ville  des  pigeons  privés,  à  peine 
de  cent  fous  pariiis  d'amende.  Quelques  au- 
tres coutumes  ,  comme  celle  de  Nivernois , 
ch.  X.  art.  z8 ,  défendent  de  nourrir  dans 
lesvilles  difFérensanimaux  qu'ellesnorament; 
Se  quoiqu'elles  ne  parlent  pas  des  pigeons ,  la 
prohibition  a  été  étendueàcesanim.aux.Ch-^r- 
îes  V  par  deslettres  patentes  du  19  août  1368, 
défendit  expreftement  à  toutes  personnes  de 
nourrir  des  pigeonsdanslavilîe&faux  bourgs 
<îc  Paris  :  &:la  même  défenfe  fur  renouvellce 
tpar  une  ordonnance  du  prévôt  de  Paris  ,  du 
^  ayi;U  i  joz  ^  fur  le  requifitoire  des  ayocâtsi 


COL 

ôc  procureurs  du  roi ,  à  peine  de  confîlca- 
tion  &  d'am^ende  arbitraire.  Irait,  de  la 
pol.-ce ,  tome  I,  p.  J^l. 

Dans  les  campagnes ,  il  eft'pcrmis  à  toutes 
fortes  de  perionncs  d'avoir  des  pigeons  pri- 
vés ,  pourvu  qu'on  les  tienne  enfcrmésdans 
une  chambre  ou  volet ,  &  qu'ils  n'aillent 
point  aux  champs  ;  car  de  cette  manière  ils 
ne  caufent  aucun  dommage  à  personne. 

A  l'égard  des  pigeons  bizets  ou  fuyards 
qui  vont  aux  champs ,  quelques-uns  ont  pré- 
tendu que  fuivant  le  droit  naturel ,  qui  per- 
met à  chacun  de  faire  dans  fon  fonds  ce  qu'il 
lui  plaît ,  il  étoit  libre  auftl  d'y  faire  édifier 
tel  colom^'ier  que  l'on  juge  à  propoj  ;  que  la 
nourriture  des  pigeons  ne  fait  point  de  tort 
aux  biens  de  la  terre ,  riclus  columbarum  inno  - 
cuusexrjlimatur  ,can.  fanclus  Augujl.  j  ,  ca- 
non, non  omnis  ;  qu'en  tous  cas  c'eft  unefer- 
vitude  aulîl  ancienne  que  néceflaire  pour  la 
campagne  ;  que  le  dommage  qu'ils  peuvent 
apporter  par  la  nourriture  qu'ils  prennent  aux 
champs  eft  compenfé  par  l'utUité  de  leur 
fiente  qui  réchaufteles  terres. 

Il  eft  néanmoins  conftant  que  malgré  cet 
avantage ,  la  nourriture  que  les  pigeonspren* 
nent  aux  champs  eft  une  charge ,  fur-tout 
pour  ceux  qui  n'en  ont  point ,  &c  pour  lef- 
quels  le  bénéfice  que  l'on  tire  des  pigeons 
n'eft  pas  réciproque.  C'eft  principalement 
dans  le  temps  des  femences  qu'ils  font  le 
plus  de  tort  ,  parce  qu'ils  enlèvent  &l  arra- 
chent même  le  grain  quicommence}  pou  iîèr. 

Auffi  voyons-  nous  q\ie  chez  les  Romains 
même ,  où  la  liberté  d'avoir  des  colombiers 
n'étoit  pas  reftrcinte  ,  on  fentoit  bien  que 
la  nourriture  des  pigeons  prifeaux  champs, 
pouvoir  être  à  charge  au  public.  Lampride, 
en  la  vie  d'Alexandre  Sévère ,  dit  qu'il  met- 
toit  Ton  plaifir  à  nourrir  des  pigeons  dans 
fon  palais,  qu^il  en  avoir  jusqu'à  vingt  mille; 
mrîis  de  peur  qu'ils  ne  fuft-ènt  à  charge,  il 
les  faifoit  nourrir  à  fes  dépens  :  Avia  injlitue.- 
rat  maxime  columbarum  quos  haburjfe  dicitur 
ad  viginti  milha  ;  Ù  ne  eorum  pafn/s  grava- 
ret  annonam  ,fervos  habuit  vecîi gales  qui  eos 
ex  oris ,  ac  pullicnis  Ù  pipionibus  akrent. 

Cette  confidération  eft  principalement  ce 
qui  a  fait  reftreindre parmi  nous  la  liberté  des 
colombiers;  on  enafaitaulîî  un  droit  feigneu- 
rial.  Pour  (avoir  donc  à  quelles  perfonnes  il 
eft  permis  d'en  avoif  &  en  quel  nombre ,  8c 


en 


COL 

en  quelle  forme  peut  être  le  coîomhîer  y  volet 
ou  fuie,  il  faut  d^abord  diftinguer  les  pays 
de  droit  écrit  des  pays  coutumiers.      . 

Dans  les  pays  dt  droit  écrit  Ton  fe  fert 
plus  communément  du  terme  de  pigeonier 
que  de  celui  de  colombier;  on  Te  lert  aufli 
du  terme  de/z//e  pour  exprimer  un  colombier 
à'pié  ,  au  lieu  que  dans  les  pays  coutumiers 
on  n'entend  ordinairement  par  le  terme  de 
fuie ,  qu'un  fimple  volet  à  pigeons  qui  ne 
prend  point  du  rez-de-chaullèe. 

Sous  le  terme  de  colombier  à  pie  on  entend 
communément  un  édifice  ifolé ,  foit  rond 
ou  quarré ,  qui  ne  fèrt  qu'à  contenir  des 
pigeons ,  oc  où  les  pots  &  boulins  deftinés  à 
loger  des  pigeons  vont  jufqu'au  rez-de- 
chauflée;  car  (1  dans  un  colombier  à  pié  la 
partie  inférieure  du  bâtiment  eft  employée  à 
quelqu'autre  ufage ,  le  colombierncù.  plus  ré- 
puté colombier  à  pié  ni  marque  de  iêigneuric. 

Les  colombiers  ou  pigeoniers  fur  piliers , 
les  (impies  volets ,  fiiiesou  volières ,  font  tous 
colombiers  qui  ne  commencent  point  depuis 
le  rez-de-chau(îee. 

La  liberté  des  colombiers  eft  beaucoup 
moins  reftreinte  en  pays  de  droit  écrit , 
que  dans  les  pays  coutumiers  ;  ce  qui  eft 
une  fuite  de  la  liberté  infinie  que  l'on  avoit 
à  cet  égard  chez  les  Romains  :  on  y  a  cepen- 
dant apporté  quelques  reftriélions ,  &  l'ufàge 
des  diftérens  parlemens  de  droit  écrit  n  eft 
pas  uniforme  à  ce  fujet. 

Salvaing  ,  de  l' ufage  des  fiefs  ,  ck.  xliij , 
pofe  pour  principe  général ,  que  chacun  a 
droit  de  bâtir  des  colombiers  dans  Ion  fonds 
fans  la  permidion  du  haut-jufticier ,  s'il  n'y 
a  coutume  ou  convention  au  contraire  ;  plu- 
fîeurs  autres  auteurs,  tant  des  pays  de  droit 
écrit  que  des  pays  coutumiers ,  s'expliquent 
à-peu-près  de  mêm^. 

Cependant  il  ne  faut  pas  croire  que ,  même 
en  pays  de  droit  écrit  ,  il  foit  permis  à 
toutes  fortes  de  perfonnes  indiftinctement 
d'avoir  des  colombiers  à  pié ,  cette  liberté  ne 
pourroit  concerner  (^ue  les  firaples  volets. 

En  Dauphinéondiftingue  entre  les  nobles 
&  les  roturiers  ;  les  nobles  ont  le  droit  de 
faire  bâtir  colombier  a  pié  ou  fur  piliers ,  com- 
me bon  leur  femble ,  fans  la  permifïîon  du 
haut-jufticier.  Les  roturiers  au  contraire  , 
quelque  étendue  de, terres  labourables  qu'ils 
aient,  ne  peuvent  avoir  un  colombier  à  pié  ^ 
Tome  FUI. 


COL  513 

ou  fur  follves,  fans  le  congé  du  haut-jufti- 
cier ,  qui  peut  les  obliger  de  les  démolir  ou 
de  détruire  les  trous  &  boulins ,  ôc  de  faire 
noircir  la  cage  pour  s'en  fervir  à  tout  autre 
ufage. 

En  Provence  au  contraire ,  on  tient  que 
il  le  feigneur  n'eft  point  fondé  en  droit  ou 
pdflelTion  deprohibjr  à  fes habitans  de  conf- 
truire  des  colombiers  de  toute  efpece ,  que 
dans  le  pays  on  appelle  colombiers  à  pié  ou 
à  cy^ei'^/ ,  c'eft-à-dire ,  fur  piliers  ou  fur  (oli- 
ves, ou  garennes  cloies,  les  habitàns  peu- 
vent en  faire  conftruire  fans  fon  con(ente- 
ment;  pourvu  que  ces  colombi^  n'aient 
nicrénaux  ni  meurtrières ,  qui  font  des  mar- 
ques denoblelTe.  Boniface ,  tit.  i  ,  ùv.  III , 
tit.  ^  ,  ch.  iij. 

On  obferve  la  même  chofe  au  parlement 
4e  Touloufe  ôc  pays  de  Languedoc ,  fuivant 
la  remarque  de  M.  d'Olive  ,  liv.  II,  ch.  ij ; 
de  la  Rocheflav.  des  droits  feign.  ch.  xxij  ^ 
art.  z;  5c  l'explication  que  faitGraverol  (uc 
cet  article. 

Au  Parlement  de  Bordeaux  on  diftingue  : 
chacun  peut  ybkir  librement  des  pigeoniers 
élevés  fur  quatre  piliers  j  mais  on  ne  peut , 
fans  le  conl'entement  du  feigneur ,  y  bâtir 
des  colombiers  à  pié ,  que  dans  ce  pays  on 
appelle  fuies.  Voye^  La  Peyrere ,  édit  de 
2727 ,  lett.  S;n.^,Ôcla note  ,  ibid. 

Tel  eft  audi  l'ufage  du  Lyonnois  &  au- 
tres pays  de  droit  écrit  du  reftb  t  du  Parle- 
ment de  Paris.  Salvaing  ,  loco  cit. 

Aîn(î  dans  ces  pays  &  dans  le  pays  borde- 
lois  ,  la  liberté  d'avoir  un  colombier  fur  piliers  , 
volet  ou  volière ,  ne  dépend  point  de  la  quan- 
tité de  terres  que  l'on  a ,  comme  à  Paris  ;  il 
n'y  a  que  les  colombiers  à  pié  qui  (ont  une 
marque  de  juftice.     . 

On  obferve  auflî  la  même  chjfe  à  cet 
égard ,  dans  la  principauté  de  Dombes. 

Pour  ce  qui  eft  des  pays  coutumiers ,  plu- 
(leurs  coutumes  ont  des  dilpofîtions  fur  cette 
matière  ;  mais  elles  ne  font  pas  uniformes  en 
certains  points;  d'autres  (ont  abfolument 
muettes  lur  cette  matière ,  &  l'on  y  fuit  le 
droit  commun  du  pays  coutumier. 

L'ufage  le  plus  commun  8c  le  plus  général, 
eft  que  Ton  diftingue  trois  lortes  de  perfonnes 
qui  peuvent  avoir  des  colombiers ,  mais  diffé- 
rens  &  fous  différentes  conditions  ;  (avoir  les 
feigneurs  hauts- jufticiers  ,  les  feigneurs  féo- 

Ttt      ^ 


514  COL 

daux  qui  n*ont  pas  la  feigneurie  foncière , 
&  les  particuliers  projTriétaires  de  terres  en 
ccn/îve. 

Dans  la  coutume  de  Paris  &  dans  celle 
d'Orléans ,  le  feigncur  haut- j  ufticier  qui  a  des 
ceniives  j,  peut  avoir  un  cclombicr  à  pie  ^ 
quand  même  il  n'auroit  aucune  terre  en 
domaine  ;  Se  la  raifon  qu^en  rendent  nos  au- 
teurs ,  eit  qu'il  ne  feroit  pas  naturel  que  l'on 
conteftât  le  droit  de  colombier  à  celui  qui  a 
ieul  droit  de  les  permettre  aux  autres;  que 
d'ailleurs  le  feigneur  haut-jufticier  ayant 
cenfîves,  efl:  toujours  réputé  le  propriétaire 
primordi|l  de  toutes  les  terres  de  ces  tenan- 
ciers ,  &  qu'il  n'eft  pas  à  préiumer  qu'en  leur 
abandonnant  la  propriété  ou  feigneurie  uti- 
le, moyennant  une  modique  redevance,  il 
ait  entendu  s'interdire  la  liberté  d'avoir  un 
colombier ,  ni  les  décharger  de  l'obligation  de 
iouffrir  que  Tes  pigeons  aillent  fur  leurs  ter- 
res. Ces  coutumes  ne  fixent  point  la  quantité 
de  ceniîves,  néceflaires  pour  attribuer  le 
droit  de  colombier  âpié?.u.  (èigneur  haut-juf- 
îicier ,  qui  n'a  que  juftice  6c  cenlîve.  Paris , 
itrt.  Ixix.  Orléans ,  clxviij. 

Le  droit  de  colombier  à  pie  eft  regardé 
comme  un  droit  de  haute- juftice  dans  plu- 
iîeurs  coutumes  ;  telles  que  Nivernois.  iit.  des 
Colomb.  Bourgogne,  c.  xiv.  Bar,  art.  xlvij. 
Tours,  art.  xxxvij ;  &  de  Château-neuf, 
crt.  clij. 

Le  feigneur  de  fiefnon  haut-jufticier  ayant 
cenlive ,  peut  auilî.,  fuivant  les  mêmes  con- 
clûmes, avoir  un  colombier  à  pié ,  pourvu 
qu'outre  le  fief  &  Çts  cenfivesil  ait,  dans  la 
coutume  de  Paris ,  cinquanrc  arpens  de  terre 
endom.aine  ,  &  dans  celle  d'Orléans ,  cent 
arpens.  Paris ,  Ixx.  Orléans  ,  clxxvilj. 

La  coutume  de  Tours  ne  donne  au  fei- 
gneur féodal  que  le  droit  d'avoir  une  fuie  ou 
volière  à  pigeons.  Celle  du  Boulonnois  dit 
qu'il  peut  avoir  un  colombier ,  fans  expliquer 
ii  c'eft  à  pié  ou  autrement. 

Celle  de  Bretagne,  art.  ccclxxxix^  dit  qu'au- 
cun ne  peut  avoir  de  colombier ,  foit  à  pié  ou 
fur  piliers ,  s'il  n'en  eft  en  poflèlîion  de  temps 
immémorial ,  ou  qu'il  n'ait  trois  cents  jour- 
nauxde  terre  en  fief  ou  domaine  noble  aux  en- 
virons du  lieu  où  il  veut  faire  bâtirle  colombier.. 

La  coutume  de  Blois  porte ,  qu^aucun  ne 
peut  avoir  de  colombier  âpié ,  s'A  n'en  a  le 
dtoic  ou  une  ancieSne  poflèlTion^ 


COL 

On  ne  trouve  aucune  coutume  qui  ait 
interdit  aux  feigneurs  la  liberté  de  faire  bâtir 
pluiieurs  colombiers  dans  une  même  feigneu- 
rie 5  &  dans  Pufage  on  voit  nombre  d'exem- 
ples de  feigneurs  qui  en  ont  pîufieurs  dans  le 
même  lieu  ;  il  n'y  a  que  la  coutume  de  Nor- 
mandie qui  femible  avoir  reftreint  ce  droit 
par  l'article  cxxxvij ,  qui  porte  qu'en  cas  de 
divifionde  fief ,  le  droit  de  co/o^n^/er  doit  de- 
meurer à  l'un  des  héritiers ,  fans  que  les 
autres  le  puiflen:  avoir  ,  encore  quechacune 
part  prenne  titre  &  qualité  de  fief  avec  les 
autres  droits  appartenans  à  fief  noble  par  la. 
coutume  ;  que  néanmoins  fi  les  paragers 
ont  bâti  un  colombier  tnlcur  portion  de  lief, 
6c  joui-d'icelui  par  quarante  ans  paiiible- 
ment ,  ils  ne  pourront  être  contraints  de  le 
démolir. 

Le  nombre  des  pigeons  n'eft  point  non 
plus  limité  par  rapport  au  feigneur ,  on 
préfume  qu'il  n'abuie  point  de  fon  droit.  Les 
colombiers  à  pié  ont  communément  deux 
mille  boulins;  mais  on  en  voit  de  plus  con- 
fidérables.  Il  y  a  à  Château  vilain  en  Cham- 
pagne un  colombier  qui  eft  double,  c'eft- 
à-dire ,  dans  l'intérieur  duquel  il  y  a  une 
autre  tour,  garnie  des  deux  côtés  de  bou- 
hns  ;  (k  letouc  en  contient ,  dit-on  ,  près  de 

I  lOOO. 

A  l'égard  des  particuliers  qui  n'ont  ni 
juftice  ,  ni  feigneurie  ,  ni  cenlîve  ;  ils  ne  pen- 
ventavoir  que  de  fimples  volets.  La  coutume 
de  Nivernois  dit  qu'on  en  peut  bâiir  fans 
congé  de  juftice.  Celle  d'Orléans  permet  à 
celui  qui  a  cent  arpens  de  terre ,  d'avoir  un 
volet  de  deux  cents  boulins  ;  &  Lalande ,  fur 
cet  article  ,  dit  qu'on  ne  peyt  avoir  qu'une 
paire  de  pigeons  pour  trois  bouHns.  Celle  de 
Calais  demande  pour  un  colombier  ,  qu'on 
ait  la  permifïion  du  roi  &  cent  cinquante 
mefures  de  terres  en  domaine  ;  mais  pour 
une  volière  de  cinquante  boulins,  elle  ne 
demande  que  cinquante  mefdres  de  terres. 
Torifand/  fur  la  coutume  de  Bourgogne ,  dir 
que  les  volets  ne  peifvent  avoir  que  quatre 
cents  pots  ou  boulins. 

Dans  les  autres  coutumes  qui  n'ont  point 

de  difpofition  fur  cette  matière,  lajurifpru- 

,  deuce  a  établi  que  ceux  qui  n'ont  aucun  fief, 

peuvent  avoir  une  volière,  pourvu  qu'ils 

aient  au  moins  cinquante  arpens  de  terre  în 

,  domaine  dans  le  Ûeu.  Par  un  anct  da-  2. 


COL 

Teptembrc  1759,  repdu  en  la  quatrième 
chambre  des  enquêtes ,  trois  gentilshommes 
qui  avoient  des  co/oOT3/er5  àpié ,  furent  con- 
damne's  à  n'avoir  que  de  fîmples  volières 
contenant  deux  boulins  par  arpenf , 

Les  curés  ne  peuvent  avoir  de  colombier 
ni  de  volet ,  fous  prétexte  qu'ils  ont  la  dime. 
dans  leur  paroifl'e. 

Les  particuliers  qui  ont  droit  d'avoir  un 
volet,  ne  font  point  tenus  communément 
de  renfermer  leurs  pigeons  dans  aucun  temps 
de  l'année.  J'ai  cependant  vu  une  ordon- 
nance de  M.  l'intendant  de  Champagne, 
rendue  en  175 z  à  l'occa/Ion  de  la  dilette  de 
1751 ,  qui  porte  quetous  particuliers ,  autres 
que. les  feigneurs  ^  ceux  qui  ont  droit  de 
colombier  à  vie  y  tant  dans  les  villes  que  dans 
les  bourgs  &  paroiflès  de  la  généralité  de 
Châlons ,  feront  tenus  de  renfermer  les  pi- 
geons chaque  année  ,  depuis  le  10  mars  j  uf- 
qu'au  20  mai,  depuis  le  Z4Juin  jusqu'après 
la  récolte  des  navettes  ,  &  depuis  le  temps 
de  la  moilTon desfeigles  jufqu'au  20  novem- 
bre fuivant  ;  il  leur  efl:  défendu  de  les  laifler 
fortir  pendant  ce  temps ,.  à  peine  de  cent 
livres  d^imende  applicable  aux  befoins  les 
plus  preflàns  des  communautés  où  ils  demeu- 
reront. Celaferoit  près  de  fept  ou  huit  mois 
que  l'on  feroit  obligé  de  tenir  les  pigeons 
renfermés. 

Quant  à  la  qualité  des  pigeons  /  ceux  des 
colombiers  à  pié  font  réputés  immeubjes, 
comme  faifant  en  quelque  forte  partie  du 
colombier  :  mais  les  pigeons  de  volière 
font  meubles.  Voye:(^  le  tr.  de  la  police ,  tome 
I.p-Jjo.^ 

Il  elt  défendu  de  dérober  les  pigeons  d'au- 
trui  foit  en  les  attirant  par  des  odeurs  qu'ils 
aiment  &  autres  appâts ,  foit  eh  les  pre- 
nant avec  des  filets  ou  autrement.  Ccut. 
d'Ehmpes ,  art  cxciij.  Bretagne ,  cccxc.  Bor- 
deaux,  cxij. 

Il  n'eil  pas  non  plus  permis  de  tirer  fur  les 
pigeons  d'autrui ,  ni  même  fur  fes  propres 
terres  ;  parce  que  ce^  animaux  ne  font  qu'à 
moitié  fauvages ,  &  que  fous  prétexte  de  tirer 
fur  fes  pigeons ,  qu'il  eft  fort  difficile  de  re- 
connoître ,  on  tireroit  fur  les  pigeons  d'au- 
trui. Ordonnance  de  Henri  IV ,  du  mois  de 
juillet  iGoj,  (A) 

Colombiers,  {Mar.)ce  font  deux  lon- 
gues pièces  de  bois  endentées ,  qui  fervent 


COL  5iy 

à  foutenîr  un  bâtiment  lorfqu'on  veut  le  lan- 
cer à  Peau.  Ces  pièces  différent  des  coites  en 
ce  que  les  colombiers  fuivent  à  Peau  avec  le 
bâtiment ,  &c  que  quand  il  vient  à  flot ,  les 
colombiers  qui  y  font  attadiés  avec  descor- 
des  flottantaufti ,  on  les  retire  ;mai«  lescoites 
demeurent  en  leur  place,  &  le  vaillcau  ghdè 
delfus  &c  s'en  va  ieul.  Les  Hollandois  fe  fer- 
vent de  coites ,  &  les  François  de  colombiers. 
Voyei^  Coites.  (  Z  ) 

Colombier  ,  dans  la  pratique  de  l'impri- 
merie ^  fe  dit  par  allufîonj  c'efl:  le  trop 
grand  efpacé  quife  trouve  entre  les  mots.  Ce 
défaut  répété  dans  une  fuite  de  lignes ,  pro- 
duit dans  une  page  d'imprefîîon  un  blanc 
confidéxable ,  qui  devient  un  des  défauts 
efîentiels.  Les  petites  formes  en  gros  caradVe- 
res ,  &  celles  à  deux  colonnes ,  font  fujettes 
à  cet  incident  :  mais  un  ouvrier  qui  a  de  la 
propreté  dans  fon  ouvrage,  ou  n'y  tombe 
pas ,  ou  fait  y  remédier  en  renianiant  la 
compofition. 

COLOMBINE  ,  forte  de  couleur  violet- 
te ,  appelléeauffi^or^e  Jep/ff"eo/2.  Fbye^Cou- 
LEUR  6"  Teinture. 

CoLOMBiNE,  f.  Ç {Jardinage.)  n'efl  au- 
tre chofe  que  du  fumier  ou  de  la  fiente  de 
pigeon  ,  qui  eft  h  remplie  de  parties  vola- 
tiles ,  fi  fort  en  mouvement ,  que  fî  on  ne  les 
laifïbit  modérer  â  l'air  on  courroit  rifque ,  en 
les  répandant  trop  promptement ,  d'altérer 
les  grains  femés  &  de  détruire  les  premiers 
principes. 

Ce  fumier  efl  peu  propre  aux  terres  labou- 
rables; 11  convient  aux  prés  trop  ufés,  aux 
chenevieres  &  aux  potagers,  pourvu  qu'il 
foit  mêlé  avec  d'autres  engrais,  &  qu'il  foit 
répandu  à  claire-voie.  (  iC  ) 

COLOMBO ,  (  Géog.  mod.)  ville  forte  & 
confidérable  des  Indes ,  dans  l'ile  de  Cey- 
lan ,  en  Afie,  avec  une  citadelle.  Elle  eft  aux 
HoUandois.  Lonçr.  g8  .  lat.  7. 

COLOMMIÈP.S  ,  (  Géog,  mqd.  )  ville  de 
francedans  la  Brie,  fur  le  Morin.  Long,  çlo  , 
4q;  lat.  48,  48. 

COLON ,  f.  m.  (  Co/72OT.)  celui  qui  habite 
une  colonie ,  qui  y  défriche ,  plante  &  cul- 
tive les  terres.  Les  colons  s'appellent  encore 
en  France  habitans  Se  concejjionnaires.  Dans 
les  colonies  angloifes  on  leur  donne  le  nom 
de  planteurs  ,  pour  les  diftinguer  des  aven- 
'  turiers.    Voye:^  Aventuriers  &  Plan- 

Ttt  1 


^i6  COL 

TEURS  j  yoye^  Colonie.  Diâ.  du  Comm. 

Colon  ,  (  Jurifp.  )  du  latin  colonus  ,  Te 
dit  en  quelques  provinces  ^om  fermier  d'un 
bien  de  campagne.  Colon  paritaire  y  eft  celui 
qui ,  au  lieu  de  fermage  en  argent ,  rend  au 
propriétaire  une  certaine  jjartie  des  fruits  en 
nature.  On  l'appelle  aulîî  quelquefois  mé- 
tayer; mais  ce  nom  ne  lui  convient  que 
quand  la  convention  eft  de  rendre  la  moitié 
des  fruits.  Quelques-uns  ne  rendent  que  le 
tiers  franc ,  plus  ou  moins  ;  ce  qui  dépend 
del'ufage du  lieu  &c  delà  convention.  (A) 

Colon  ,  {Anatom.  )  le  fécond  &:  le  plus 
ample  des  gros  boyaux,  autrement  nommé 
loyau  culier.  Quelques-uns  dérivent  ce  mot 
de  KoùKimv ,  retarder  y  parce  que  c'eft  dans  Tes 
replis  que  s'arrêtent  les  excrémens  :  d^autres 
le  tirent  de  koIk^v  ,  creux ,  à  caufe  de  la  gran- 
de cavité  de  cet  inteftin;  &  c'eft  de  lui, 
diient-ils^quelacoliqueapris  fon  nom. 

Quoi  qu'il  en  ioit ,  il  commence  lous  le 
rein  droit ,  à  la  fin  du  cœcum ,  dont  il  n'eft 
réellement  que  la  continuation  :  il  monte 
devant  ce  même  rein  ,  auquel  il  s'attache , 
pafle  fous  la  véiicule  du  fiel ,  qui  lui  com- 
munique là  une  teinture  jaune ,  &:  il  con- 
tinue fa  route  devant  la  première  coupure 
du  duodénum ,  laquelle  il  cache  en  partie , 
&  y  eft  adhérent,  Ainli  il  y  a  dans  cet  en- 
droit une  connexion  très-digne  d'attention, 
entre  le  colon ,  le  duodénum ,  le  rein  droit , 
&  la  véficule  du  fiel. 

De-là  l'arc  du  colon  Te  porte  devant  la 
grande  convexité  de  l'eftomac ,  quelguefois 
plus  bas  ,  après  quoi  il  fè  tourne  en  arrière 
fous  la  rate ,  ^  dans  l'hypocondre  gauche  , 
&  dcfcend  devant  le  rein  gauche  ,  auquel 
il  eft  plus  ou  moins  attaché ,  &  fous  lequel 
il  s'incline  enfuite  vers  les  vertèbres ,  en  (e 
terminant  au  reâ:um  par  un  double  contour , 
ou  deux  circonvolutions  à  contre-fens ,  qui 
repréfentent  en  quelque  façon  une  S  romaine 
renverfée. 

Ces  derniers  contours  du  colon  (ont  quel- 
quefois multipliés ,  &  s'avancent  même  dans 
le  côté  droit  du  balTin  :  il  règne  le  long  de 
ces  contours  une  efpece  de  franges  adipeufes, 
nommées  appendices  graijfeufes  du  colon. 

Toute  l'étendue  de  la  convexité  du  colon 
eft  diviféeen  trois  parties  longitudinal  es  par 
trois  bandes  ligamenteufes ,  qui  ne  font  que 
la  continuation  de  celles  du  cœcum ,  &:  qui 


COL 

ont  la  même  ftrudure  -ÀÏ  eft  alternativement 
enfoncé  entre  ces  trois  bandes  par  des  plis 
tranfverfes  ,  &  alternativement  élevé  en 
grofles  boftès  qui  forment  des  loges  qu'on 
appelle  cellules  du  colon.  Les  tuniques  de  cet 
inceftin  concourent  également  à  la  formation 
de  fes  duplicatures  &  de  fes  cellules. 

Ses  cellules  qui  font  nombreufes ,  fervent 
à  retenir  quelque  temps  les  excrémens  grof- 
fiers  qui  doivent  fortir  par  l'anus  \  car  il 
auroit  été  également  incommode  &  défa- 
gréable  à  l'homme  de  rendrecontinuellement 
les  fèces  inteftinales:  auiTi  le  colon  a-t-il 
plufieurs  contours ,  outre  une  ample  capa- 
cité ,  afin  de  contenir  davantage  ;  èc  à  l'ex- 
ception du  cœcum ,  il  eft  le  plus  large  &:  le 
plus  ample  de  tous  les  inteftins. 

Leco/o/z  aaulTi  plufieurs  valvules  qui  vien- 
nent destrois  bandes  ligamenteufes,  le  fquel- 
les  en  retréciflant  cet  inteftin ,  rendent  fa  ftruc- 
ture  épailfe  &  forte.  On  obferve  entr'autres 
valvules ,  celle  qui  fe  trouve  au  commence- 
ment de  cet  inteftin  :  elle  empêche  que  ce  qui 
eft  entré  dans  les  gros  boyaux  ne  retourne 
dans  l'iléum  ;  ce  qui  fait  encore  que  les  lave- 
mens  ne  peuvent  palier  des  gros  inteftins  dans 
les  grêles.  C'eft  par  rapport  à  cette  valvule 
que  l'iléum  eft  placé  à  coté  du  colon  ;  car  s'il 
eût  été  continu  à  ce  dernier  inteftin  en  ligne 
droite,  cette  valvule  auroit  fouffert  tout  le 
poids  de  la  matière  ç[ui  tendroit  à  retourner; 
au  lieu  qu'elle  pafle  facilement  au  deflus  de 
la  valvule ,  &  s'amafle  dans  le  cœcum.  On 
peut  voir  cette  valvule  ,  après  avoir  lavé  &: 
retourné  le  boyau  culier. 

Il  paroît  par  ce  qu'on  vient  de  dire,  que  les 
matières  fécales  doivent  s'accumuler  dans  le 
colon  y  y  féjourner ,  fe  deftecher ,  &  feputréfier 
de  nouveau;  la  membrane  mufculeuie  venant 
enfuite  à  fe  contracter ,  pouflè  par  l'aétioij  de 
Çqs  fibresles  excrémens  j  ufque  dans  le  red:um. 

Je  voudrois  que  ces  détails  puflent  donner 
au  leéleur  quelque  idé.e  de  la  conformation 
du  colon,  de  fon  cours,  de  fes  ligamens 
mufculeux ,  de  fes  cellules ,  &  de  fes  val- 
vules :  mais  c'eft  ce  que  je  ne  pus  efpérer  ;  il 
faut  voir  tout  cela  fur  des  cadavres  ;  même 
les  préparations  feches  de  cette  partie  en 
donnent  une  très-faufle  idée.  Il  fiut  au(Tî 
confulter  les  tables  d^Euftachi ,  Véfale , 
Ruyfch,  Peyer ,  Morgagni,  Winflow. 

N'oublions  pas  de  remarquer  que  le  coton 


COL 

a  dans  quelques  fujets  descontours  différens 
te  tout  à  fait  iînguirers.  Palfin  dit  avoir  une 
fois  trouvé  ce  boyau  fitué  au  milieu  du  bas- 
ventre  ,  au  deflus  des  autres  inteftins.  On 
lit  dans  les  mém.  d*Edimb.  une  obfervation 
fur  le  pafl'age  de  la  valvule  du  colon  entière- 
ment couché.  OnlitaufIidansl7/(/?.  de  l'aca- 
dém.  desfciences  y  ann.  if^J  ,  Pobfervation 
d'une  rumeur  confidérable  caufée  par  le 
boyau  culier  rentré  en  lui-même  ,  en  confé- 
quence  d^un  effort ,  &:  ce  boyau  formoit  un 
long  appendice  intérieur. 

M.  Winflow  prétend  que  la  (kuation  du 
colon  nous  inftruit  que  pour  retenir  plus 
long-temps  les  lavemens ,  on  doit  fe  tenir 
couché  fur  le  coté  droit  i  &  que  pour  les 
rendre  promptement ,  on  doit  fe  tenir  fur 
le  coté  gauche.  V.  Valvule  du  Colon. 
Art.  de  M.  le  chev.  DE  Jau COURT. 

Colon  ,  {Gramm.)  Ce  mot  eft  purement 
grec ,  K'JùKcùv  membre ,  &  par  extenfîon  ou 
métaphore ,  membre  de  période  :  enfuite  par 
une  autre  extenfion  quelques  auteurs  étran- 
gers fe  font  iuervis  de  ce  mot  pour  déligner  le 
tigne  de  ponduation  qu'on  appelle  les  deux 
points.  îsdais  nos  grammairiens  françois  di- 
fent  fimplement  les  deux  points ,  &  ne  fe  fer- 
vent de  colon  que  lorfqu  ils  citent  en  même 
temps  le  grec.  C'eft  ainfi  que  Cicéron  en  a. 
ufé  :  Inmembra  quœdam  quçe  y.wKa.  Grœci 
vocantydifpertiebatorationem.  {Cic.  Brut. cap, 
xliv.)  Et  dans  Orator.  cap.  Ixijy  il  dit  :  Nefcio 
cur,  cum  Graci  Ko^{/.(fTit,  &  Kahu,  nominent , 
nos ,  non reâ^,  incifa  &  membra dicamus.  {F) 
COLONADE,  f.  f.  {terme  d'architecl.) 
fuite  de  colonnes  dilpofées  circulairement , 
comme  on  les  voit  au  bofquct  de  Proferpine 
du  Parc  de  Verfailles ,  nommé  la  colonade. 
Celles  qui  font  rangées  fur  une  ligne  droite 
s'appellent  communément  périjlyle.  Voye:^ 
Plristyle. 

Périjlyle  eft  le  terme  d'art  pour  les  colo- 
nades  droites  ;  &  colonade  eft  le  mot  dont  on 
fe  fert  vulgairement  pour  ces  mêmes  colona- 
des  ;  ainfi  on  emploie  ce  terme  en  parlant 
du  magnifique  périftyle  du  vieux  Louvre  , 
monument  de  la  grandeur  de*  Louis  XIV  , 
du  génie  de  Perrault  &  du  zèle  de  Colbert  j 
ouvrage  que  le  cavalier  Beinin  admira  en 
arrivant  à  Paris ,  &:  qu'on  a  mafqué  d'une 
manière  barbare  par  les  bâtimens  gothiques 
dont  on  l'a  environné  3  jufque-là  que  plu- 


COL  517 

fleurs  habitans  de  Paris  ne  connoifTent  pas  ce 
morceau  d'architedure,  l'un  des  plus  beaux 
qu'il  y  ait  au  monde. 

Une  colonade  paliflyh  eft  celle  dont  le 
nombre  de  colonnes  eft  fi  grand ,  qu'on  ne 
fauroit  toutes  les  appercevoir  d'un  même 
coup  d'œil  :  de  ce  genre  ç.Çi\iL colonade  de  la 
place  de  S.  Pierre  de  Rome ,  qui  tonfifte  en 
deux  cents  quatre-vingt-quatre  colonnes  de 
l'ordre  dorique ,  toutes  ayant  plus  de  quatre 
pies  &  demi  de  diamètre  ,  &  de  marbre 
tiburtin.  (P) 

CoLONADES  v%RTES,  {Jardin^  font  des 
ornemens extrêmement  curieux  dans  les  jar- 
dins ,  mais  d'une  exécution  très-difficile  : 
nous  n'en  voyons  prefque  que  dans  les  j  ardins 
de  Marly.  L'orme  mâle  &  le  charme  y  font 
plus  propres  que  tous  les  autres  arbres.  (iC) 

COLON  AILLES,  f.  f.  {Vannerie.)  ce 
font  des  brins  d'ofier  ou  d'autre  bois  plus 
gros  que  ceux  dont  le  refte  de  l'ouvrage  eft 
travaillé.  Ils  font  diftribués  à  quelque  dif- 
tance  les  uns  des  autres ,  &  fortifient  Pou- 
vrage  de  la  bafe  duquel  ils  s'élèvent  parallèles 
les  uns  aux  autres  jufqu'à  fes  bords  fupé- 
rieurs. 

COLONAISON  ,  f.  f.  terme  d'architec^ 
ture  dont  plufieurs  anciens  architectes  fe  font 
fervis  pour  fignifier  une  ordonnance  de  co- 
lonnes. 

COLON  ATE,  {Myth:)  furnom  de  Bac- 
chus  3  ainfi  appelle  du  temple  qu'il  avoit  fur 
une  éminence  appelléc  Colonna  auprès  de 
Lacédémone  en  Laconie  dans  lePéloponef^. 

COLONEL  ,  f.  m.  {Art^  milit.)  oflScier 
qui  commande  en  chef  un  régiment ,  foitde 
cavalerie  ,  foit  de  dragons. 

Skinner  tire  ce  nom  de  colonie ,  préten- 
dant que  les  chefs  de  colonie ,  appelles  co/o- 
niales  ,  pouvoient  bien  avoir  donné  le  nom 
aux  chefs  militaires.  Voye-^^  Colonie. 

Dans  les  armées  de  France  &  d'Efpagne, 
le  nom  de  co/o/ze/eft  particulièrement  aftedé 
àl'inflmterie  &  aux  dragons ,  ceux  qui  com- 
mandent la  cavalerie  étant  appelles  mejîres 
de  camp. 

Le  titre  de  colonel  eft  donné  à  celui  qui 
commande  un  régiment  de  dragons ,  parce 
que  les  dragons  font  réputés  du  corps  de  l'in- 
fanterie. On  le  donne  aufïî  à  celui  qui  com- 
mande un  régiment  de  cavalerie  étrangère. 
Il  eft  pareillement  donné  à  celui  qui  eills 


5i8  COL 

chef  d'un  régiment  de  la  milice  bourgeoijfe  ' 
<ians  une  ville.  Il  y  a  à  Paris  feize  de  ces  for- 
tes de  colonels ,  &;  un  colonel  des  archers  de 
la  ville. 

Les  colonels  d'infanterie  n'ont  ce  titre  que 
depuis  la  fuppreflîon  de  la  charge  de  colonel 
gênéralàc  Tinfanterie  en  1 66 1 .  V.  Colonel 

GÉNÉRAL  D£  l'InFANTERIE  FRANÇOISE. 

Il  y  a  des  colonels  en  pie ,  des  colonels 
réformés  ,  ÔC  des  colonels  de  commiffion. 

Les  colonels  réformés  ont  à  proportion  dans 
les  régimens  d'infanterie  les  mêmes  préroga- 
tives ,  que  les  meftres  de  caijip  réformés  dans 
.  les  régimens  de  cavalerie. 

Les  colonels  en  pié  ont  aullî  à  proportion 
la  même  autorité  fur  leurs  fubalternes ,  que 
les  meftres  de  camp  fur  les  officiers  infé- 
rieurs dans  les  régimens  de  cavalerie;  ils 
ont  droit  d'interdire  les  capitaines  &  les 
fubalternes  de  leurs  régimens  quand  ils  man- 
quent au  fcrvice. 

Lorique  dans  une  place  fermée  ou  dans 
une  garnifon  il  fe  rencontre  un  colonel,  c'eft 
lui  qui  y  commande,  s'il  n'y  a  pas  de  gou- 
verneur ou  de  lieutenant  de  roi ,  ou  quel- 
qu-'autre  officier  qui  ait  commiiïion  de  com- 
mandant de  la  place. 

Dans  un  arrangement  de  bataille  le  pofte 
de  colonel  eft  à  la  tête  du  régiment  trois  pas 
avant  les  capitaines  ;  mais  dans  le  moment 
de  combattre ,  il  ne  doit  déborder  que  d''un 
pas  environ  le  premier  rang  ,  pour  voir  plus 
aifément  la  di^ofition  du  régiment  à  droite 
ik  à  gauche.  Les  armes  du  colonel  font  Pépéc, 
l*bfponton  &  les  piftolçts ,  &  tout  au  plus, 
s'il  veut  fuivrejes  ordonnances ,  la  calotte  de 
fer  dans  le  chapeau ,  ISc  h  cuirafife.  Fbje^ 

MeSTRE  DE  CAMP. 

Colonel  général  de  l'Infanterie 
PRANçoisF ,  étoit  autrefois  le  premier  offi- 
cier de  l'infanterie.  Cette  charge  fut  érigée 
en  charge  de  la  couronne  par  le  roi  Henri  III, 
en  faveur  du  duc  d'Epernon. 

Ce  prince  attribua  au  colonel  général  le 

Î>ouvoir  de  nommer  généralement  à  toutes 
es  charges  qui  vaqueroient  dans  Pinfanterie 
françoife ,  lans  excepter  même  celle  de  mei^ 
tre  de  camp  du  régiment  des  gardes.  Il  lui 
donna  aufli  une  juftice  particulière  pour 
juger  de  la  vie  &  de  l'honneur  des  gens  de 
guerre ,  fans  être  obligé  d'y  appeller  d'autres 
o^ciers  que  les  fiens.  Ilaugmenta  les  appoin- 


COL 

temenè  de  fa  charge ,  5c  il  y  attacha  de  pîuf 
une  groffe  penfîon.  Il  tiroit  outre  cela  6  den. 
pour  livre  fur  tous  les  paicmensdu  régiment 
des  gardes,  ce  qui  montoit  à  une  grolle  fom- 
me.  Les  honneurs  qu'on  lui  rendoit  étoicnt 
extraordinaires:  lagardeécoit  montée  devant 
fon  logis  par  deux  compagnies  avec  le  dra- 
peau ,  '&  le  tambour  battoit  toutes  les  fois 
qu'il  entroit  ou  fcitoit.  Toutes  les  prérogati- 
ves attribuées  à  cette  place,  qui  rendoient  cet 
officier  trop  puitlant  &  maître,  pour  ainfî 
dire,  de  toute  l'infantericdonnerent  lieu  à  la 
fuppreffion.de  cette  charge.  Cette  fuppref. 
fion  arriva  à  la  mort  du  fécond  duc  d'Epcr- 
non ,  eni  66 1 .  Feu  M.  le  duc  d'Orléans ,  ré- 
gent du  royaume,  la  fit  rétablir  en  faveur  de 
M.  le  duc  d'Orléans  fon  fils ,  en  i  yi  i  ;  mais 
ce  prince  ayant  prié  S.  M.  d'accepter  fa  dé- 
miffion  de  cet  office ,  il  fut  de  nouveau  fup- 
primé  par  l'ordonnance  du  8  déc.  1 730 ,  & 
S.  M.  a  ordonné  que  les  meftres  de  camp  de 
fes  régimens  d'infanterie  françoife  &  étran- 
gère porteroient  à  l'avenir  le  titre  de  colonels. 

Il  y  a  en  France  trois  colonels  généraux  , 
qui  font  celui  des  Suilfes  &  Grifons,  celui  de 
la  cavalerie,  &  celui  des  dragons  :  mais  outre 
que  ces  corps  ne  font  pas  aulli  confîdérables 
que  celui  de  l'infanterie  ,  ces  colonels  n'ont 
pas  le  même  pouvoir  fur  leur  corps  que  celui 
de  l'infanteri;  en  avoit  fur  l'infanterie,  C'eft 
le  roi  qui  nomme  à  toutes  les  charges  ;  les 
officiers  font  feulement  obligés  de  prendre 
l'attache  du  colonel  général.  Dans  les  corps 
où  il  y  ann  colonel  général ,  les  commandans 
des  régimens  portent  le  titre  de  mefîres  de 
camp.  Fôye:[MESTRE  de  camp.  (Q) 

Colonel-lieutenant,  c'eft  en  France, 
dans  les  régimens  des  princes ,  l'officier  qui 
aie  régiment  pour  le  commander  en  fon  ab- 
fence.  (  Q  ^ 

COLONIA ,  (  Jurifpr.  )  dans  le  for  ou 
coutume  de  Bearn,  rubrique  depenasy  art.  z, 
fîgnifie  dommages  &  intérêts.  {A) 

COLONIE  ,  f  f.  {HiJÎ.  anc.  mod.  & 
Comm.  )  on  entend  par  ce  mot  le  tranfport 
d'un  peuple  ,  du  d'une  partie  d'un  peuple , 
d'un  pays  à  un  autre. 

Ces  migrations  ont  été  fréquentes  fur  la 
terre ,  mais  elles  ont  eu  (buvent  4es  caufes  & 
des  effets  différens  ;  c'eft  pour  les  diftingucr 
que  nous  les  rangerons  dans  fix  claftès  que 
nous  allons  caradtérifer. 


COL 

ï.  Environ  350  ans  après  le  déluge,  le 
genre  humain  ne  formoit  encore  qu'une  feule 
famille  :  à  la  mort  de  Noé  ,  fcs  defcendans , 
déjà  trop  multipliés  pour  habiter  eniemble 
fe  réparèrent.  La  poftérité  de  chacun  des  fils 
de  ce  patriarche ,  Japhet ,  Sem  8>c  Cham  , 
partagée  en  différentes  tribus  ,  partit  des 
plaines  'de  Sennaar  pour  chercher  de  ncu  - 
velles  habitations  ,  &c  chaque  tribu  devint 
une  nation  particulière  :  ainfi  Ce  peuplèrent 
de  proche  en  proche  les  diverles  contrées  de 
la  terre ,  à  mefure  que  l'une  ne  pouvoir  plus 
nourrir  Tes  habitans. 

Telle  eft  la  première  efpece  de  colonies , 
le  befbin  l'occafiona  j  fon  effet  particulier 
fut  la  fubdivKîon  des  tribus  ou  des  nations. 

II.  Lors  même  que  les  hommes  furent 
répandus  fur  toute  la  furface  de  la  terre ,  cha- 
que contrée  n'étoit  point  allez  occupée  pour 
que  de  nouveaux  habitans  ne  puflent  la  par- 
tager avec  les  anciens. 

A  mefure  que  les  terres  s'éloignoient  du 
ecntre  commun  d'où  toutes  les  nations 
étoient  parties ,  chique  famille  féparée  erroit 
au  gré  de  fon  caprice ,  fans  avoir  d'habita- 
tion fixe  :  mais  dans  les  pays  où  il  étoit  rcfté 
un  plus  grand  nombre  d'hommes ,  lefenti- 
ment  naturel  qui  les  porte  à  s'unir ,  &  la 
connoifïànce  de  leurs  befoins  réciproques , 
y  avoient  fiarmé  des  fociétés.  L'ambition ,  la 
violence,  la  guerre ,  te  même  la  multiplicité, 
obligèrent  dans  la  fuite  des  membres  de  ces 
fociétés  de  chercher  de  nouvelles  demeures. 

C'eft  ainfi  qu'Inachus ,  phénicien  d'ori- 
gine ,  vint  fonder  en  Grèce  le  royaume  d' Ar- 
gosj  dont  fa  poftérité  fut  depuis  dépouillée 
parDanaiis,autre  aventurier  forti  de  l'Egypte. 
Cadmus  n'ofant  reparoître  devant  Agenor 
fon  père ,  roi  de  Tyr,  aborda  fur  les  confins 
de  la  Phocide ,  &  y  jeta  les  fondemens  de 
la  ville  de  Thebes.  Cécrops ,  à  la  tête  d'une 
colonie  égyptienne ,  bâtit  cette  ville ,  qui  de- 
puis, fous  le  nom  à' Athènes,  devint  le  temple 
des  arts  &  des  fciences.  L'Afrique  vit  fans 
inquiétude  s'élever  les  murs  de  Carthage , 
qui  la  rendit  bientôt  tributaire.  L'Italie  re- 
çut les  Troyens  échappés  à  la  ruine  de  leur 
patrie.  Ces  nouveaux  habitans  apportèrent 
îeursloix  &  la  connoillance  deleurs  arts  dans 
les  régions  où  le  hazard  les  conduifit  ;  mais 
-'  ils  ne  formèrent  que  de  petites  fociétés ,  qui 
prei<^ue  toutes  s'érigèrent  en  répubiiqiies. 


COL  515) 

La  multiplicité  des  citoyens  dans  un.  terri- 
toire borné  ou  peu  fertile ,  alarrcoit  la  li- 
berté :  la  politique  y  remédia  par  l'écablifl'e- 
ment  des  colonies.  La  perte  même  de  la  li- 
berté ,  les  révolutions ,  les  fadions  enga- 
geoient  quelquefois  une  partie  du  peuple  à 
quitter  fa  patrie  pour  former  une  nouvelle 
fociété  plus  conforme  à  fon  génie. 

Telle  eft  entre  autres  l'origine  de  la  plu- 
part des  colonies  des  Grecs  en  Afie ,  en  Sicile, 
en  Italie ,  dans  les  Gaules.  Les  vues  de  con- 
quête &  d'agrandiflement  n'entrèrent  point 
dans  leur  plan  :  quoiqu'aflez  ordinairement 
chaque  colonie  confervât  les  loix ,  la  religion , 
&  le  langage  de  la  métropole ,  elle  étoit  li- 
bre ,  5c  ne  dépendoit  de  fes  fondateurs  que 
par  les  liens  de  la  reconnoifîance  'y  ou  par  le 
befoin  d'une  défenfe  commune  :  on  les  a 
même  vues  dans  quelques  occaiîons ,  aiïèz. 
rares  il  eft  vrai ,  armées  l'une  contre  Pautre. 

Cette  féconde  efpece  de  colonies  eut  divers 
motifs  ;  mais  l'effet  qui  la  caractérife ,  ce  fut 
de  multiplier  les  fociétés  indépendantes  par- 
mi les  nations  ,  d'augmenter  la  communi- 
cation entre  elles ,  &  de  les  polir, 

III.  Dès  que  la  terre  eut  allez  d'habirans 
pour  qu'il  leur  devînt  nécefîàire  d'avoir  des 
propriétés  diftinétes ,  cette  propriété  occa- 
liona  des  différens  entre  eux.  Ces  diffé- 
rens  jugés  par  les  loix  entre  les  membres 
d'une  fociété  ',  ne  pouvoient  l'être  de  même 
entre  les  fociétés  indépendantes  ;  la  force  en 
décida  :  la  foibleffe  du  vaincu  fut  le  titre 
d'une  féconde  ufurpation ,  &  |^  gage  du 
fuccès  5  Pefprit  de  conquête  s'empara  des 
hommes. 

Le  vainqueur,  pour  afïurcr  fcs  frontières, 
difperfoit  les  vaincus  dans  les  terres  de  foii 
obéiflance ,  &;  d'iftribuoit  les  leurs  à  fes  pro- 
pres fujets,  ou  bien  il  fe  contentoir  d'y  bâtir 
&c  d'y  fortifier  des  villes  nouvelles,  qu^il  peu- 
ploit  de  fes  foldats  &  des  citoyens  de  fon  état.. 

Telle  eft  la  troilieme  dpece  de  colonies  , 
dont  prefque  toutes  les  hiftoires  anciennes 
nous  fourniffent  des  exemples,fur-tout  celle 
des  grands  états.  C'eft  par  ces  colonies  qu'A- 
lexandre contint  une  multitude  de  peuples 
vaincus  fi  rapidement.  Les  Romains,  des 
l'enfance  de  leur  république  ,  scn  fervirent 
pour  ^accroître  ;  &:  dans  le  temps  de  leur 
vafte  domination ,  ce  furent  les  barrières  q^i 
la  déiendirenrlong-  temps  îoiitre  IcjàPartÊês 


510 


COL 


&  les  peuples  du  Nord.  Cette  efpece  de  co- 
lonie  étoit  une  fuite  de  la  conquête ,  &c  elle 
en  t^ï  la^^fùreté. 

IV.  Les  excurfions  des  Gaulois  en  Italie , 
desGoths  &  des  Vandales  dans  toute  TEu- 
rope  èc  en  Afrique ,  des  Tartares  dans  la 
Chine ,  forment  une  quatrième  efpece  de 
colonies.  Ces  peuples  chalfés  de  leur  pays  par 
d'autres  peuples  plus  puilfins ,  ou  par  la  mi- 
fère ,  Gu  attirés  par  la  connoiflance  d'un  cli- 
mat plus  doux  &C  d'une  campagne  plus  fer- 
tile ,  conquirent  pour  partager  les  terres  avec 
les  vaincus ,  &  n'y  faire  qu'une  nation  avec 
eux  :  bien  differens  en  cela  des  autres  con- 
quérans  qui  fembloient  ne  chercher  que  d'au- 
tres ennemis ,  comme  les'  Scythes  en  Afie , 
ou  à  étendre  leurs  frontières,  comme  les  fon- 
dateurs des  quatre  grands  empires.        » 

L'effet  de  ces  colonies  de  barbares  fut  d^ef- 
faroucher  les  arts ,  &  de  répandre  l'igno- 
rance dans  les  contrées  où  elles  s'établirent  : 
en  même  temps  elles  y  augmentèrent  la  popu- 
lation,&  fonderentde  {)uiffantes  monarchies. 

V.  La  cinquième  elpece  de  colonies  efl:  de 
celles  qu'a  fondées  Pefprit  de  commerce,  & 
qui  èmichiflent  la  métropole. 

Tyr ,  Cartilage  &  Marleille ,  les  feules 
villes  de  l'antiquité  qui  aient  fondé  leur  puif- 
fànce  fur  le  commerce,  font  aulli  les  feules 
qui  aient  fuivi  ce  plan  dans  quelques-unes 
de  leurs  co/o/z/e^.Utique  bâtie  par  les  Ty  riens 
près  de  zoo  ans  avant  la  fuite  d'Elilïa ,  plus 
connue  fous  le  nom  de  Didon ,  ne  prétendit 
jamais  à  aucun  empire  fur  les  terres  de  l'A- 
frique :  eïle  fervoit  de  retraite  aux  vaifleaux 
des  Ty  riens ,  ainii  que  les  colonies  établies  à 
Malte  &  le  long  des  côtes  fréquentées  par 
les  Phéniciens.  Cadix  ,  l'une  de  leurs  plus 
anciennes  &  de  leurs  plus  fameufes  colonies , 
ne  prétendit  j  amais  q  u'au  commerce  de  l'Ei - 
pagne ,  fans  entreprendre  de  lui  donner  des 
loix.  La  fondation  de  Lilybée  en  Sicile  ne 
donna  aux  Tyriens  aucune  idée  de  conquête 
fur  cette  île. 

Le  commerce  ne  fut  point  l'objet  de  l'éca- 
bliflement  deCarthage ,  mais  elle  chercha  à 
s'agrandir  par  le  commerce.  C'eft  pour  l'é- 
tendre ou  le  conferver  exclufîvement,qu'elle 
fut  guernere,&  qu'on  la  vitdifputer  à  Rome 
la  Sicile ,  la  Sardaigne. ,  PEfpagne ,  l'Italie  , 
«&  même  fes  remparts.  Ses  co^o/z/'ej  le  long  des 
côtes  de  l'Afrique ,  fur  l'une  <Sc  l'autre  mer 


■     ^  ^  ^ 

jusqu'à  Cerné ,  augmentoient  plus  fes  ri- 

chellès  que  la  force  de  fon  empire. 

Marfeille  ,  colonie  des  Phocéens  chalfés  de 
leur  pays  &c  enluite  de  l'île  de  Corfe  par  les 
Tyriens,  ne  s'occupa  dans  un  territoire  fté- 
nie  que  de  fa  pêche ,  de  fon  commerce  ,  & 
de  ion  indépendance.  S  es  co/o/z/ej  en  Efpagne 
&  lur  les  cotes  méridionales  des' Gaules, 
n'avoient  point  d'autres  motifs. 

Ceslorcesd'établiflèmens  étoicnt  double- 
ment néceilaires  aux  peuples  qui  s'adon- 
noient  au  commerce.  Leur  navigation  dé- 
pourvue du  fecours  de  la  boufible ,  étoit  ti- 
mide ;  ils  n'ofoient  fe  bazarder  trop  loin  des 
cotes ,  &  la  longueur  néceflàire  des  voyages 
exigeoit  des  retraites  fûres  &  abondantes 
pour  les  navigateurs.  La  plupart  des  peuples 
avec  lefquels  ils  trafiquoient ,  ou  ne  fe  raf- 
fembloient  point  dans"  des  villes ,  ou  uni- 
quement occupés  de  leurs  befoins ,  ne  met- 
toient  aucune  valeur  au  fuperflu.  Il  étoit  in- 
dilpenfable  d'établir  des  entrepots  qui  filîènt 
le  commerce  intérieur ,  &  où  les  vaifleaux 
puflent  en  arrivant  fiire  leurs  échanges. 

La  forme  de  ces  colonies  répondoit  aflèz 
à  celle  des  nations  commerçantes  de  l'Eu- 
rope en  Afrique  &  dans  l'Inde  :  elles  y  ont 
des  comptoirs  &  des  forterelfes,  pour  la 
commodité  &  la  fureté  de  leur  commerce. 
Ces  colonies  dérogeroient  à  leurinftitution , 
fi  elles  devenoient  conquérantes ,  à  moins 
que  l  état  ne  fe  chargeât  de  leur  dépenfe  ;  il 
faut  qu'elles  foient  fous  la  dépendance  d'une 
compagnie  riche  &:  exclufive ,  en  état  de 
former  &  de  iuivre  des  projets  poUtiques. 
Dans  l'Inde  ,  on  ne  regarde  comme  mar- 
chands que  les  Anglois ,  parmi  les  grandes 
nations  de  l'Europe  qui  y  commercent  ;  fans 
doute  çarce  qu'ils  y  font  les  moins  puiflàns 
en  poflefîions. 

VI.  La  découverte  de  l'Amérique  vers  la 
fin  du  quinzième  fiecle ,  a  multijilié  les  colo^ , 
nies  européennes ,  &:  nous  en  préfente  une 
fixieme  elpece. 

Toutes  celles  de  ce  continent  ont  eu  le 
commerce  &;  la  culture  tout  à  la  fois  pour 
objet  de  leur  étabUflèment ,  ou  s'y  (ont  tour- 
nées :  dès- lors  il  étoit  néce flaire  de  conqué- 
rir les  terres ,  &:  d'en  chafler  les  anciens  ha- 
bitans ,  pour  y  en  tranfporter  de  nouveaux. 

Ces  colonies  n'étant  établies  que  pour  l'uti- 
lité de  la  métropole ,  il  s'enfiiit  : 

1°.  Qu'elles 


COL 

1°.  Qu'elles  doivent  être  fous  fa  dépen- 
dance immédiate,  ôc  par  conféquent  fous  fa 
protection. 

2°.  Que  le  commerce  doit  en  être  exclufif 
aux  fondateurs. 

Une  pareille  colonie  remplit  mieux  (on 
objet,  à  mefure  qu'elle  augmente  le  produit 
des  terres  de  la  métropole ,  qu'elle  fait  fub- 
fîfter  un  plus  grand  nombre  de  fes  hommes , 
&  qu'elle  contribue  au  gain  de  Ion  com- 
merce avec  les  autres  nations.  Ces  trois  avan- 
tages peuvent  ne  pas  fe  rencontrer  enlemble 
dans  des  circonftances  particulières  ;  mais 
l'un  des  trois  au  moins  doit  compenfer  les 
autres  dans  un  certain  degré.  Si  la  compen- 
fàrion  n'eft  pas  entière  ,  ou  iî  la  colonie  ne 
procure  aucun  des  trois  avantages ,  on  peut 
décider  qu'elle  eft  ruineufe  pour  le  pays  de 
la  domination  ,  &  qu'elle  l'énervé. 

Ainfî  le  profit  du  commerce  &  de  la  cul- 
ture de  nos  colonies  eft  précifément,  i°.  le 
plus  grand  produit  que  leur  confommation 
occafione  au  propriétaire  de  nos  terres, 
les  frais  de  culture  déduits  \  i*?.  ce  que  reçoi- 
vent  nos  artiftes  5c  nos  matelots  qui  travail^ 
lent  pour  elles ,  &  à  leur  occaiion  j  5°.  tout 
ce  qu'elles  fuppléent  de  nos  befoins  ;  4°.  tout 
le  fuperflu  qu'elles  nous  donnent  à  exporter. 

De  ce  calcul ,  on  peut  tirer  plufieurs  con- 
féquences  : 

La  première  eft  que  les  colonies  ne  feroient 
plus  utiles ,  fi  elles  pouvoient  fe  paftèr  de  la 
métropole  :  ainfi  c'eft  une  loi  prilè  dans  la 
nature  de  la  chofe ,  que  l'on  doit  reftreindre 
les  arts  &  la  culture  dans  une  colonie  ,  à  tels 
&  tels  objets ,  fuivant  les  convenances  du 
pays  de  la  domination. 

La  féconde  conféquence  eft  que  fi  la  co- 
lonie entretient  un  commerce  avec  les  étran- 
gers ,  ou  que  Ç\  l'on  y  confbmme  les  mar- 
chandifes  étrangères,  le  montant  de  ce  com- 
merce &  de  ces  marchandifes  eft  un  vol  fait 
à  la  métropole  ;  vol  trop  commun  ,  mais 
punifïàble  par  les  loix,  &  par  lequel  la  force 
réelle  &  relative  d'un  état  eft  diminuée  de 
tout  ce  que  gagnent  les  étrangers. 

Ce  n'eft  donc  point  attenter  à  la  liberté  de 
ce  commerce  ,  que  de  le  reftreindre  dans  ce 
cas  i  toute  police  qui  le  tolère  par  fon  indif- 
férence ,  ou  qui  laiftè  à  certains  ports  la  fa- 
cilité de  contrevenir  au  premier  principe  de 
l'inftitution  des  colonies,  eft  une  police  d^ 
Tome  VIII, 


COL  5ir 

trudive  du  commerce ,  ou  de  la  richeflè 
d'une  nation. 

La  troifieme  conféquence  eft  qu'une  co^ 
lonisftïs.  d'autant  plus  utile ,  qu'elle  fera  plus 
peuplée ,  Se  que  fes  terres  feront  plus  culti- 
vées. 

Pour  y  parvenir  furcment ,  il  faut  que  le 
premier  établiftèment  fe  faftè  aux  dépens  de 
l'état  qui  la  fonde  ;  que  le  partage  des  fuccef- 
fions  y  foit  égal  entre  les  enfans ,  afin  d'y 
fixer  un  plus  grand  nombre  d'habitans  par 
la  fubdivifion  des  fortunes  ;  que  la  concur- 
rence du  commerce  y  foit  parfaitement  éta- 
blie ,  parce  que  l'ambition  des  négocians 
fournira  aux  habitan?  plus  d'avances  pour 
leurs  cultures,  que  ne  le  feroient  des  com- 
pagniescxclufives,  &c  dès-lors  maîtreftès  tant 
du  prix  des  marchandifes,  que  du  terme  des 
paiemens.  Il  faut  encore  que  le  fort  des  ha- 
bitans  foit  très-doux ,  en  compenfation  de 
leurs  travaux  &  de  leur  fidélité  ;  c'eft  pour- 
quoi les  nations  habiles  ne  retirent  tout  au. 
plus  de  leurs  colonies,  que  la  dépenfe  des 
forterefles  Ôc  des  garnifons  j  quelquefois 
même  elles  fe  contentent  du  bénéfice  général 
du  commerce. 

Les  dépenfes  d'un  état  avec  fos  colonies, 
ne  fe  bornent  pas  aux  premiers  frais  de  leur 
établifïèment.  Ces  fortes  d'entreprifes  exigent 
de  la  conftance ,  de  l'opiniâtreté  même  ,  à 
moins  que  l'ambition  de  la  nation  n'y  fupplée 
par  des  efforts  extraordinaires  ;  mais  la  conf- 
tance a  des  effets  plus  fiirs  &  des  principes 
plus  folides  :  ainfi  jufqu'à  ce  que  la  force  du 
commerce  ait  donné  aux  colonies  une  efpecc 
de  confiftance ,  elles  ont  befoin  d'encoura- 
gement continuel ,  fuivant  la  nature  de  leur 
pofition  &c  de  leur  terrain}  fi  on  les  néglige , 
outre  la  perte  des  premières  avances  &  du 
temps  ,  on  les  expofe  à  devenir  la  proie  des 
peuples  plus  ambitieux  ou  plus  avSbifs. 

Ce  feroit  cependant  aller  contre  l'objet 
même  des  colonies ,  que  de  les  établir  en  dé- 
peuplant le  pays  de  la  domination.  Les  na- 
tions intelligentes  n'y  envoient  que  peu  à 
peu  le  fuperflu  de  leurs  hommes,  ou  ceux 
qui  y  font  à  charge  à  la  fociété  :  ainfi  le  point 
d'une  première  population  eft  la  quantité 
d'habitans  néccfïàires  pour  défendre  le  cane- 
ton létabh  contre  les  ennemis  qui  pourroient 
l'attaquer  ;  les  peuplades  fuivantes  fervent  à 
l'agrandiflement  du  commerce;  l'excès  de 

Vvv 


V 


It 


COL 


h  populVtion  feroit  la  quantité  d'hommes 
inutiles  qui  s'y  trouTeroient ,  ou  la  quantité 
qui  manqueroit  au  pays  de  la  domination. 
Il  peut  donc  arriver  des  circonftances  où  il 
feroit  utile  d^empêcher  les  citoyens  de  la  mé- 
tropole de  fortir  à  leur  gré  pour  habiter  les 
colonies  en  général ,  ou  telle  colonie  en  parti- 
culier. 

Les  colonies  de  l'Amérique  ayant  établi 
une  nouvelle  forme  de  dépendance  Se  de 
commerce,  il  a  été  nécelîàire  d'y  faire  des 
loix  nouvelles.  Les  légiflateurs  habiles  ont  eu 
pour  objet  principal  de  favorifer  l'établilîe- 
ment  Se  la  culture  :  mais  lorfque  l'un  &c  l'au- 
tre font  parvenus  à  une  certaine  perfection  , 
il  peut  arriver  que  ces  loix  deviennent  con- 
traires à  l'objet  de  l'inftitution ,  qui  eft  le 
commerce;  dans  ce  cas  elles  foilt  même  in- 
juftes,  puifque  c'eft  le  comm.erce  qui  par 
ion  aélivité  en  a  donné  à  toutes  tes  colonies 
un  peu  floriflàntes.  Il  pviroîtroit  donc  conve- 
nable de  les  changer  ou  de  les  modifier ,  à 
xnefure  qu'elles  s'éloignent  de  leur  efprit.  Si  la 
culture  a  été  favorifée  plus  que  le  commerce  , 
c'a  été  en  faveur  même  du  commerce  ;  dès 
que  les  raifons  de  préférence  ceflènt  j  l'équi- 
libre doit  être  rétabli. 

Lorfqu'un  état  a  plufieufs  colonies  qui 
peuvent  communiquer  entr'elics,  le  véritable 
iecret  d'augmenter  les  forces  ôc  les  richcfles 
de  chacune ,  c'eft  d'établir  entr-'elles  une  cor- 
refpondance  &c  une  navigation  fuivie.  Ce 
commerce  particulier  a  la  force  ôc  les  avan- 
tages du  commerce  intérieur  d'un  état,  pour- 
vu que  les  denrées  des  colonies  ne  foient  ja- 
mais de  nature  à  entrer  en  concurrence  avec 
celles  de  la  métropole.  Il  en  accroît  réelle- 
ment la  richefle  ,  puifque  l'aifance  des  colo- 
nies lui  revient  toujours  en  bénéfice ,  par  les 
confomimations  qu'elle  occafione  :  par  cette 
même  raifon  ,  le  commerce  aftif  qu^elles 
font  avec  les  colonies  étrangères ,  des  denrées 
pour  leur  propre  confommation ,  eft  avanta- 
geux,s^ileft  contenu  dans  fes  bornes  légitimes. 

Le  cornmerce  dans  les  Colonies  ôc  avec  el- 
les, eftaflujetti  aux  maxirties  générales ,  qui 
par-tout  le  rendent  floriflant:  cependant  des 
circonftances  particulierespeuvent  exiger  que 
l'on  y  déroge  dans  l'adminiftration  :  rout  doit 
changer  avec  les  temp^;  &  c'eft  dansîe^arti 
que  l'on  tire  de  ces  charigemens  Forces  ^  que 
tonfifte  h  fuprême  habileté. 


COL 

No«s  avons  vu  qu'en  général  la  IH^erté 
doit  être  reftreinte  en  faveur  de  la  métropole. 
Un  autre  principe  toujours  conftant ,  c'eft 
que  tout  exclufif  5  tout  ce  qui  prive  le  négo- 
ciant &  Phabitant  du  bénéfice,  de  la  con- 
currence, les  péages,  les  fervitudes ,  ont  des 
effets  plus  pernicieux  dans  une  colonie ,  qu'en 
aucun  autre  endroit  ;  le  commerce  y  eft  fi 
reft'erré ,  que  l'impreflion  y  en  eft  plus  fré- 
quente ;  le  découragement  y  eft  fuivi  d'un 
abandon  total  :  quand  même  ces  effets  ne 
ieroient  pas  inftantanés ,  il  eft  certain  que 
le  mal  n^en  feroit  que  plus  dangereux. 

Ce  qui  contribue  à  diminuer  la  quantité 
de  la  denrée  ou  à  la  renchérir ,  diminue  né- 
ceftairement  le  bénéfice  de  la  métropole ,  & 
fournit  aux  autres  peuples  une  occafion  fa- 
vorable de  gagner  la  fupériorité,  ou  d'entrer 
en  concurrence.  , 

Nous  n'entrerons  point  ici  dans  le  détail 
des  diverfes  colonies  européennes  à  l'Améri- 
que ,  en  Afrique ,  ôc  dans  les  Indes  orien- 
tales ,  afin  de  ne  pas  rendre  cet  article  trop 
long  :  d'ailleurs  la  place  naturelle  de  ces  ma- 
tières eft  au  commerce  de  chaque  état.  Voy^ 
les  mots  France,  Londres,  Hollande, 
Espagne,  Portugal,  Danemarck. 

On  peut confulter  furies  colonies  ancien- 
nes la  Genefe,  ckap.  x.  Hérodote, Thucydide, 
Diodore  de  Sicile  ,  Strabon ,  Juftin,  la^éo- 
graphie  facrée  de  Sam.  Bochart,  l'hijfciredu 
commerce  Ù  de  la  navigation  des  anciens,  la 
dijfertation  de  M.  de  Eougainville/z/r  les  de^ 
Voirs  réciproques  des  métropoles  &  des^colonies 
greques  :  à  l'égard  des  nouvelles  colonies  , 
M.  Melon  dans  fon  ejfai  politique  fur  le  com- 
merce ,  ôc  r efprit  des  loix ,  ont  fort  bien  traité 
la  partie  politique  :  fur  le  détail,  on  peut 
confulter  les  voyages  du  P.  Labat ,  celui  de 
dc«  Antonio  de  Ulloa  ,  de  M.  Fraizier ,  & 
le  livre  intitulé  commerce  de  la  Hollande.  Cet 
article  efi  de  M.  V.   D.  F. 

*  COLONNAIRE,  f.  m.  {mfi.  anc.) 
columncrium ,  impôt  mis  flif  les  colonnes 
dont  on  ornoit  les  maifons  :  on  dit  que  ce 
fut  Jules Célàr  qui  l'imagina,  afin  d'arrêter 
le  luxe  de  l'architedture ,  qui  fe  remarquoit 
d'une  manière  exorbitante  dans  les  bâtimens 
des  citoyens. 

COLONNE,  f.  f.  ferme d'archkeBure ,  du 
latin  cbhimna ,  qui  a  été  fait ,  félon  VitruVe, 
lie tûîutikn ,  f^jaikm  Hon  entetid  fousxre 


COL 

nom  une  e/pece  de  cylindre ,  qui  diffère  du 
pilier  en  ce  que  la  colonne  diminue  à  fbn  ex- 
trémité fupérieure  en  forme  de  cône  tron- 
qué ,  &  que  le  pilier  eft  élevé  parallèlement. 
Sous  le  nom  de  colonne  l'on  comprend  les 
trois  parties  qui  la  compofent  :  favoir  fa 
bafc ,  ion  fuft,  &  fbn  chapiteau.  Nous  nous 
appliquerons  ici  particulièrement  à  ion  fuft , 
après  avoir  dit  en  général  qu'il  eft  cinq  ef- 
peces  de  colonnes^  favoir  la  tofcane,  la  dori- 
que ,  Honique ,  la  corinthienne ,  &  la  com- 
pofite,  fans  en  compter  une  infinité  d'autres 
qui  tirent  leurs  noms  de  la  diverfité  de  leur 
matière  ,  de  leur  conftru<5lion  ,  de  leur  for- 
me, de  leur  difpofition,  de  leur  ufage ,  Ê'c. 
Voye^  Chapiteau  ,  voyeT^auJfi  Base. 

Le  fuft  des  colonnes  diffère  par  leur  dia- 
mètre -y  la  colonne  tofcane  en  ayant  fept  de 
hauteur ,  la  dorique  huit ,  Tionique  neuf, 
la  corinthienne  &  la  compofite  dix.  Voyei^ 
Ordrf.  Les  anciens  &  les  modernes  s'y 
font  pris  différemment  pour  k  diminution 
du  fuft  des  colonnes  :  les  premiers  les  ont 
fait  diminuer  depuis  la  ba(e  jufqu'au  fom- 
met;  enfuite  ils  les  ont  feulement  confer- 
vées  parallèles  dans  leur  tiers  inférieur  ,  ne 
les  diminuant  que  dans  les  deux  tiers  fupc- 
rieurs  :  la  plus  grande  partie  âtts  modernes , 
tels  que  Philibert ,  Delorme ,  Manfart ,  & 
Perrault,  les  ont  diminuées  haut  &  bas,  c'eft- 
à-dire  ont  porté  leur  véritable  diamètre  à 
Textrémité  fupérieure  du  tiers  inférieur ,  & 
les  ont  dirqinuées  vers  les  deux  extrémités. 
Cette  dernière  manière  ,  quoique  allez  gé- 
néralement approuvée  par  nos  architectes 
françois,  n'eft  cependant  pas  toujours  bonne 
à  imiter;  car  il  réfulte  de  cette  manière  que 
le  foible  porte  le  fort ,  ce  qui  eft  contre  toute 
règle  de  vraifemblance  &  de  folidité;  ce 
qui  devroit  faire  préférer  les  colonnes  paral- 
lèles dans  leur  tiers  inférieur ,  &c  les  dimi- 
nuer feulement  depuis  ce  tiers  jufqu'àleur 
fommet.  Les  architedes  ont  aufîi  différé  fur 
la  quantité  de  diminution  qu'ils  dévoient 
dpnner  au  diamètre  fupérieur  des  colonnes  ; 
Vitruve  a  prétendu  que  plus  les  colonnes 
avoient  d'élévation  .  &  moins  elles  dévoient 
avoir  de  diminution  ;  parce  qu'étant  plus 
éloignées  de  Pœil  du  fpedateur ,  alors  par 
l'effet  de  l'optique ,  elles  diminuoient  d'elles- 
mêmes.  Ce  précepte  fans  douté  eft  judicieux; 
mais  il  n'en  faut  pas  moins  prévoir  ii  ces 


COL  52J, 

'  colonnes  font  ou  coloflfàles  ,  ou  ilblées  ,  oa 
flanquées ,  ou  adoffées,  ou  accouplées;  car, 
félon  ces  différentes  fituations,  il  convient 
d'augmenter  ou  de  diminuer  le  fuft  fupé- 
rieur des  colonnes  ;  ce  qui  exige  une  expé- 
rience fort  au  deftus,  à  cet  égard,  de  la 
théorie  :  pour  cette  raifon  nous  dirons  en 
général ,  que  les  archite<51:cs  qui  ont  écrit 
depuis  VitruTC  font  aflez  d'accord ,  que  les 
colonnesau.  fommet  de  leur  diamètre  fupérieur 
aient  un  fixieme  de  moins  qu'à  leur  diamètre 
inférieur, &:  cela  indiftindement  pour  les  cinq 
ordres  de  colonnes  dont  nous  venons  de  pax- 
1er  ;  quoique  Vignole  ,  par  une  contradic- 
tion qui  n'eft  pas  convenable ,  ait  établi  une 
moindre  diminution  à  la  colonne  tofcane 
qu'aux  autres ,  qui  ont  néanmoins  un  carac- 
tère plus  léger  &  plus  élégant. 

Il  faut  obferver  que  la  diminution  des 
colonnes  ne  fe  détermine  pas  par  deux  lignes 
droites ,  n^ais  par  des  courbes  nommées  con- 
choïdes  {}'cyeTf^  Conchoïdes)  ,  "qui  donnent 
beaucoup  de  grâces  à  leur  fuft  en  empêchant 
de  former  des  jarrets  qui  deviendroient  iné- 
vitables ,  fî  leur  diminution  étoit  déterminée 
par  des  lignes  droites  :  on  ufe  de  ce  même 
moyen  pour  Xtscolonv.es  renflées ,  c'eft-à-dirc 
pour  celles  qui  font  diminuées  haut  &  bas  , 
&  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

Les  fufts  des  colonnes  font  fufceptibles  de 
diverfesricheflès,  félon  qu'ils  appartiennent 
aux  differcns  ordres.  Nous  allons  en  parler 
en  particulier. 

Le  fuft  tofcan  eft  le  plus  ordinairement 
tenu  liflè ,  comme  ceux  du  palais  royal ,  de: 
l'orangerie  de  Verfailles ,  ùc.  cependant  on 
revêt  quelquefois  fon  fuft  de  boftàgcs  con- 
tinus, comme  ceux  du  Luxembourg  ,  ou 
alternatifs,  comme  ceux  du  château  neuf 
de  Saint-Germain-en-Laye  :  cesbofïàges  font 
quelquefois  vermiculésou  ornés  de  congéla- 
tion ,  tels  qu'il  s'en  remarque  de  cette  der- 
nière efpece  à  la  grotte  du  jardin  du  Luxem- 
bourg. L'on  voit  à  Paris  au  guichet  du  Lou- 
vre du  côté  de  la  rivière,  un  ordre  toican 
revêtu  de  bolfages  enrichis  de  fort  beaux 
ornemens;  mais  dont  le  travail  délicat  &: 
recherché  n'a  aucune  analogie  avec  la  rufti-  • 
cité  de  l'ordre. 

Le  fuft  dorique  fe  tient  encore  afl[èz  ordi- 
nairement liife  :  quelquefois  on  le  revêt  àc 
boflàges   alternatifs,   comme  au  Luxem- 
V  v  V   1 


514  COL 

bourg  ;  mais  plus  communément  on  l'orne 
de  cannelures  {voye^  Cannelures)  fepa- 
rées  par  des  lifteaux ,  comme  il  s'en  voit  au 
portail  S.  Gervais  ,  dont  le  tiers  inférieur 
efttenu  liflepour  plus  de  (implicite.  Yignole 
a  propofé  des  cannelures  à  l'ordre^  dorique 
fans  liftcau  ;  mais  ces  cannelures  fontnon- 
ieulement  trop  fragiles  ,  mais  aurti  elles  font 
peu  propres  à  exprimer  la  virilité  ,  qui  eft 
le  véritable  caradere  de  1  ordre  dorique , 
ainfi  que  nous  l'avons  obfervé  ailleurs. 

Le  fuft  ionique  eft  prefque  toujours  orné 
de  cannelures  ;  mais  comme  fon  diamètre 
eft  plus  élégant  que  le  dorique  ,  au  lieu  de 
vingt  on  €n  diftribue  vingt-quatre  autour  de 
fa  circonférence  ,  &  l'on  ajoute  aux  lifteaux 
qui  les  féparent,  des  filets  ou  d'autres  mou- 
lures pour  les  enrichir  ,  ainfi  qu'on  l'a  ob- 
fervé aux  colonnes  ioniques  des  galeries  du 
château  des  Tuileries ,  du  coté  des  jardins , 
à  celle  des  colonnes  du  veftibule  du  château 
de  Maifons ,  &c.  Ces  cannelures  régnent 
ordinairem^ent  dans  toute  la  hauteur  du  fuft 
des  colonnes  ;  mais  dans  leur  tiers  inférieur 
l'on  ajoute  des  rofeaux  ou  rudentures  {roye-^ 
RuDENTUREs),  qui  par  leurs  formes  con- 
vexes altèrent  moins  la  folidité  inférieure  de 
la  colonne  :  de  ces  rofeaux  fortentle  plus  ibu- 
\tni  des  graines ,  des  feuilles ,  &  des  fleurons, 
qui  forment  un  agréable  effet  ;  ainfi  qu'on 
l'a  pratiqué  aux  colonnes  des  Tuileries ,  dont 
les  tiges  de  quelques-unes  font  fufelées  d  une 
manière  inimitable.  Au  refte  on  doit  observer 
que  ce  genre  de  richeflè  devroit  être  rélervé 
pour  l'ordre  corinthien  ,  malgré  l'exemple 
célèbre  que  nous  citons",^  malgré  celles  du 
veftibule  du  château  de  Maifons  ,  qui  étant 
d'ordre  dorique  ,  en  font  encore  moins  fuf- 
ceptibles  ,  quoique  renfermées  dans  Tinté- 
rieur  du  bâtiment. 

L'on  voit  des  co/on/zw  ioniques  au  palais 
des  Tuileries  ,  où  au  lieu  de  cannelures ,  on 
a  introduit  des  boflages  à  bandelettes ,  enri- 
chis de  membres  d'archite<5ture  &  d'orne- 
mens  aflcz  précieux  :  mais  il  n'eft  pas  moins 
vrai  que  cette' forte  d'enrichiflement  eft  peu 
convenable  à  cet  ordre  ,  par  la  raifoii  que 
les  hommes  intelligcns ,  accoutumes  au  genre 
de  beauté  qui  fe  remarque  en  général  dans 
le  rapport  de  la  hauteur  d'une  colonne  avec 
■  ion  diamètre ,  croient  qu'il  eft  détruit  ,  lorf- 
que  par  des  bolîages  horizontaux  ,  (  voye:^ 


COL 

Bossage  )  l'œil  ne  peut  iâns  obftacle  par- 
courir fon  fuft  fans  diftradtion. 

Les  fufts  corinthien  &  compofite  font  fuf- 
ceptibles  des  mêmes  ornemens  dont  nous 
venons  de  parler ,  c'eft-à-dire  de  cannelures 
que  l'on  orne  plus  ou  moins  de  lifteaux  ,  de 
rudentures ,  &c.  Mais  nous  remarquerons 
qu'aujourd'hui  oùilfemble  qu'on  porte  en 
général  toute  fon  attention  à  la  décoration 
intérieure  des  bâtimens ,  Fon  fait  peu  d'u- 
fage  des  cannelures  dans  les  dehors  ,  même 
jufques  dans  nos  édifices  facrés  ;  exemple  , 
les  portails  de  faint  Roch ,  des  Petits-Peres  , 
de  l'Oratoire  ,  ùc.  où  le  fuft  des  colonnes  qui 
y  font  employées  eft  fans  cannelures  ,  &  où 
l'on  a  fupprimé  prefque  tous  les  ornemens 
des  entabîemens. 

Quelquefois  Ton  fait  le  fuft  des  colonnes 
en  fpirale  ,  qui  pour  cette  raifbn  font  nom- 
mées torfes  ;  telles  que  celles  qui  fe  voient 
au  maître  autel  de  S.  Pierre  à  Rome,  celles 
de  l'abbaye  S.  Germain-des-Prés ,  des  Inva- 
Hdes ,  &  du  Val-de-Grace  à  Paris;  ces  co- 
lonnes font  ornées  de  feuillages ,  de  rinfeaux , 
de  pampres  ,  &  autres  ornemens  arbitraires , 
allégoriques  ,  ou  Symboliques. 

Les  colonnes  étant  faites  pour  foutcnir  un 
fardeau ,  la  raifon  veut  qu'on  leur  donne 
toute  la  force  qu'elles  peuvent  avoir  ,  & 
qu'ainfi  il  femble  que  ce  foit  un  défaut  & 
une  inconféquence  en  architecture  de  les 
affoiblir  par  des  retours  qui  les  éloignent 
encore  de  la  perpendiculaire.  Cette  réflexion 
eft  jufte.  AufTi  ces  colonnes  de  pur  ornement 
ne  doivent  point  s'employer  dans  de  gran- 
des conftru6tions  ,  &  dans  les  endroits  qui 
demandent  de  la  folidité ,  mais  feulement 
dans  les  lieux  de  diftinélion  ,  comme  les  au- 
tels ,  les  tombeaux ,  les  fallons ,  ùc.  parce 
qu'alors  ces  colonnes  n'ayant  point  de  gros 
fardeaux  à  porter ,  on  peut  donner  davan- 
tage à  la  décoration ,  &  faire  moins  d'atten- 
tion à  la  folidité. 

Les  colonnes  torfes  font  tournées  en  vis 
atec  fix  contours  ou  circonvolutions.  Voici 
la  manière  de  les  tracer.  On  commence  par 
tracer  une  colonne  ordinaire  hflè ,  lui  don- 
nant les  proportions  qu'elle  doit  avoir  , 
commue  fi  elle  ne  devoit  pas  être  torfe.  Telle 
eft  la  colonne  A  B  CD  yfig.  7  de  la  planche  II 
d'archiîeâure  ,  Suppl.  des  planches.  Tirez  en- 
fuite  Taxe  E  JPque  vous  diviferez  en  vingt- 


COL 

quatre  parties  égales.  Tirez  fur  chacune  de 
ces  parties  des  perpendiculaires  à  l'axe  E  F 
qui  feront  toutes  parallèles  entr^elles,  étant 
autant  de  diamètres  de  la  colonne  ,  comme 
les  lignes  G  H.,  I K.  Divifez  la  moitié  de  cha- 
cune de  ces  lignes ,  telles  que  LMôcL  N  ,en 
quatre  parties  égales  aux  points  z ,  2. ,  5  &  4. 
Alors  une  pointe  du  compas  fera  au  point  z , 
&  l'ouvrant  jufqu^au  point  D  ,  on  tracera 
Tare  D  O.  Après  cette  première  opération  , 
divifez  la  ligne  QRen  quatre  parties  égales  : 
vous  en  prendrez  trois  pour  une  ouverture 
de  compas  ;  prolongez  la  même  ligne  Q  R, 
de  trois  de  ces  parties ,  ÔC  du  point  S  extré- 
mité de  cette  prolongation  portez  l'autre 
branche  du  compas  en  O  ,  ôc  tracez  Parc 
O  P.  Vous  continuerez  ainfi  à  tracer  le  refte 
du  contour  de  la  colonne ,  tant  en  dedans 
qu'en  dehors  de  chaque  côté.  Comme  les 
diamètres  de  la  colonne  fuivent  ces  propor- 
tions ,  les  parties  égales  de  chaque  divifion 
les  fuivront  aulïî  ,  &  vous  aurez  des  con- 
tours qui  feront  dans  le  même  rapport  , 
ce  qui  doit  être  pour  que  la  vis  de  la  colonne 
foit  dans  les  règles  de  Tart.  Ce  trait  fervira 
à  tailler  Pépure  qui  doit  guider  le  cifeau  des 
apparcilleurs. 

En  général  j  lorfqu'une  colonne  furpafïe 
deux  ou  trois  pias  de  diametTe ,  on  la  nomme 
colojfale  ;  telles  que  celle  de  Trajan  à  Rome , 
d'ordre  Tofcan  ,  qui  en  a  huit ,  &  qui  eft 
ornée  de  bas-reliefs  qui  repréfentent  les  prin- 
cipales aétions  de  cet  empereur  dans  la  guerre 
qu'il  eut  contre  les  Daces  :  ces  bas-reliefs 
ont  été  expliqués  par  plufieurs  favans ,  & 
Louis  XIV  lésa  fait  mouler  en  plâtre  pour 
en  avoir  des  modèles  -,  preuve  inconteftable 
de  la  beauté  de  cet  ouvrage  célèbre.  Il  fe 
voit  encore  à  Rome  une  colonne  coloflale  , 
nommée  celle  à'Antonin  ,  ainli  qu'à  Paris 
celle  nommée  de  Médias  ,  dans  l'emplace- 
ment de  Pancien  hôtel  de  Soiflbns ,  qui 
i^rvoit  d'obfervatoire  à  la  reine  de  ce  nom , 
après  Pavoir  fait  élever  près  de  fon  palais , 
dont  cette  colonne  eft  la  feule  chofe  qui  ait 
été  confervée.  Ces  trois  colonnes  coloflàles 
dont  nous  venons  de  parler ,  ne  font  cou- 
ronnées d'aucun  entablement  ;  mais  lêule- 
ment  élevées  fur  des  piédeftaux  ,  leur  ex- 
trémité fupérieure  étant  couronnée  de  figure 
colodàlc ,  à  Pexception  de  celle  de  l'hôtel  de 
Soiifoiis  j  ou  l'ou  voit  les  armatures  de  fer  j 


COL  525 

propres  à  porter  les  inftrumens  aftronomi- 
ques  dont  cette  reine  faifoit  ufage.  (P  ) 

Colonne  ,  (  Hijî.  anc.  )  Dans  la  pre- 
mière antiquité  les  colonnes  ont  fervi  de  mo- 
numens  hiftoriques.  Jofeph  ;  liv.  I,  des 
antiq/jud.  ch.  iij ,  rapporte  que  les  enfans  de 
Seth  érigèrent  deux  colonnes ,  l'une  de  pierre 
&  Pautre  de  brique  ,  fur  lefquelles  ils  gra- 
vèrent les  connoiflances  qu'ils  avoient  .ac- 
quifes  dans  l'aftrologie ,  &  il  ajoute  que  de 
Ion  temps  on  voyoit  encore  celle  de  pierre 
dans  la  Syrie.  Les  Hébreux  fe  fervoient  de 
colonnes  pour  borner  leurs  héritages ,  de  les 
Perfes  &  les  Grecs  pour  marquer  les  limites 
des  provinces.  On  écrivoit  fur  des  colonnes 
les  loix ,  les  coutumes  ,  les  traités  de  paix  , 
ôc  les  alliances.  Les  Grecs  en  pofoient  ordi- 
nairement fur  les  tombeaux  ,  avec  des  inf- 
criptions  ou  des  figures  relatives  aux  morts 
qu'ils  renfermoienf,  ôc  les  Latins  imitèrent 
cet  ufage.  Ils  en  érigeoient  encore  aux  vain- 
queurs ,  aux  empereurs ,  ornées  de  bas-re- 
liefs &  de  fculptures  qui  repréfentoient  leurs 
exploits.  Telle  eft  la  colonne  trajane,  monu- 
ment élevé  à  la  gloire  de  Trajan.  On  en 
mettoit  encore  fur  les  grands  chemins  de 
mille  en  mille  pas ,  qu'on  nommoit  par  cette 
raifon  colonnes  milliaires.  Les  Romains  dé- 
iîgnoient  ces  milles  par  ces  deux  lettres  ,  M. 
P.  avec  un  chiffre  qui  marquoit  le  nombre 
des  milles  ;  par  exemple ,  M.  P.  XXII , 
miîlia  paffiium  viginti  duo.  Et  les  Gaulois  qui 
comptoient  par  Heues  ,  exprimoient  les  dif^ 
tances  par  la  lettre  L.  avec  le  nombre  des 
heues  :  ainfi  dans  les  colonnes  milliaires  dé- 
couvertes en  France ,  \..  VII ,  fignifie  leugce 
ou  leucce  feptèm  ,  fept  lieues.  (  G  ) 

^  Colonne  Antonine  :  elle  flit  éle-aé^  à 
l'honneur  de  M.  Aurele  Antonin.  Elle  eft 
creufe  :  on  a  pratiqué  en  dedans  un  efca- 
lier  de  206  marches.  Elle  a  175  piésgL  hau- 
teur ,  mefure  ancienne ,  ou  1 60  memre  ro- 
maine d'aujourd'*hui ,  cmquante-fîx  petites 
fenêtres  leclâiroienr.  Le  temps  &  le  feu  l'a- 
voientbeaucf  iip  endommagée.  On  la  répara 
fous  Sixte  V.  Ce  pontife  fit  placer  au  haut 
une  ftatue  de  S.  Paul  fondue  en  bronze  ôc 
cioré £•;  ornement  afîèz  barbare  :  car  qu'y  a-r-il 
de  plus  mauvais  goût ,  pour  ne  rien  dire  de 
pis  ;,  que  la  ftatue  d'un  apôtre  du  chriftianifine 
au  haut  d'an  monument  chargé  desaétions 
militaires  d'un  empereur  païen}  On  y  voir  b 


51^  COL 

légion  fulminante  ;  un  orage  épouvantable 
conferve  l'armée  romaine  prête  à  périr  de 
fôif,  ôc  met  en  fuite  Tennemi.  Elle  eft  pla- 
cée en  deçà  &  à  droite  délia  Jîrada  del  Corfo. 
On  y  entre  par  une  porte  pratiquée  à  fon 
piédeftal  :  une  plate-forme  quarrée  portant 
une  grille  de  fer  lui  fert  de  chapiteau.  On 
lit  fur  les  faces  de  la  plate-forme,  fur  la 
première,  Sixtus  V;  fur  la  féconde,  S.  Paulo; 
fur  la  troiiieme  ,  ^;?o/?.  fur  la  quatrième, 
pont.  A.  IIII.  Sur  Tune  des  faces  du  piédef- 
tal on  a  placé  Tinfcription  fuivante  :  Sixtus 
V y  pont.  max.  columnam  hanc  ab  omni  impie- 
ta:e  expurgatam  ,  S,  Paulo  apojîolo  œrea  ejus 
Jiatua  inaurata  à  fimmovertice pofuit.  D.D. 
an.  M.  DLXXXIX ,  pont.  ÎV.  Sur  la  fé- 
conde face  :  Columnam  hanc  cochlidem  ,  imp. 
Antonino  dicatam^  mifere  laceravit,  ruinofam- 
que  primes  forma,  rejîituit ,  anno  millefimo  D. 
IXXXIX  ,  pont.  IV.  Sur  la  troifieme  :  M. 
Aurelius  imp.  Armenis ,  Parthis ,  Germanif- 
que  bello  maxime  déviais  ,  triumpliakm  hanc 
columnam  rébus  gejlis  injîgnem  ,  imp.  Anto- 
nino pio  patri  dicavit.  Et  fur  la  quatrième  : 
Triumphnlis  &  facra  nunc  fum  Chrijîi  ver} 
pium  difcipulumqueferens,  quiper  crucis prœ- 
dicationtm  de  Romanis  Barbarifque  triumpha- 
vit.  C'td  une  erreur  que  d'avoir  attribué 
cette  colonne  à  Antonin  le  Pieux  ;  celle-ci 
a  été  trouvée  dans  la  fuite  fous  des  maifons , 
d  où  Clément  XI  la  fit  tirer.  Elle  eft  de  mar- 
bre tacheté  de  rouge  ,  &  femblable  à  celui 
qui  vient  de  Sienne  en  Egypte  :  elle  a  cin- 

uante  -cinq  pies  de  hauteur.  On  lit  fur  un 

e  fes  côtés  :  Divo  Amonino  Augujîo  Pio  , 
Antonius  Augujîus ,  &  verus  Augujlus , 
fila.  On  voit  ailleurs  l'apothéofed'Antonin 
&^ie  pompe  funèbre  conduite  par  des  gens 
à  ^  ,  achevai ,  en  chars ,  ce  furent  fes 
fils  qui  firent  fculpter  ces  bas-reliefs  après  la 
mort  d|  leur  père. 

CoroNNE  BELLiQ^UE  ,  columTw.  belUca  , 
petite  colonne  placée  devant  le  temple  de 
Bellone  à  Rome  derrière  le  cirque  Flaminien , 
où  eft  maintenant  le  couvent  di  Tor  defpec- 
chi.  Quand  on  déclaroit  la  guerre  à  des 
peuples  ,  le  conful  lançoit  de  delïus  ou 
contre  cette  colonne  un  dard  vers  la  contrée 
qu'ils  habitoient. 

Hinc  folet  ha/fa  manu  belliprœnuntia  mitti; 

Jti  regcm  &  génies  ,  cum  placet  arma  capi. 

Ovide. 


l 


COL 

CoLOKNE  DE  CÉsAR  ,  columna  Ccefaris: 
elle  étoit  de  marbre  de  Numidie  ;  elle  avoic 
vingt  pies  de  hauteur  :  on  Pavoit  élevée  in 
fora  Romano  ,  à  l'honneur  de  Jules-Céfar. 
On  y  lifoit  VmÇcïvpûon  parenti  patrice.  Le 
peuple  l'avoit  en  telle  vénération  qu'il  y  fai- 
foit  des  iacrificcs ,  qu'il  y  terminoit  fes  dif- 
fcrens  ,  de  qu'il  y  juroit  par  Céfar.  Dolabella 
la  fit  abattre  ,  ôc  Cicéron  l'en  loue.  Il  y  en  a 
qui  prétendent  que  ce  ne  fut  dans  les  commen- 
cemens  qu'un  autel ,  que  le  peuple  &  le  faux 
Marius  avoient  fait  conftruire,  qu'Antoine 
éleva  la  colonne  fur  cet  autel ,  &  qae  l'infcrip- 
tion  étoit  parenti  optimè  merito. 

■^.^OLONNE  DE  FEU  Ù  CoLONNE  DE  FU- 
MEE ,  c'eft  la  même  qui  obfcure  pendant  le 
jour  ,  lumineufe  pendant  la  nuit ,  fervit  de 
ligne  au  peuple  juif  pendant  fa  marche  au 
iortir  d'Egypte  ,  &  pendant  les  quarante  ans 
de  fon  féjour  dans  le  délert. 

Colonnes  du  Tabernacle  ,  columnce 
atrii  ,  piliers  fur  lefquels  les  rideaux  furent 
tendus  autour  du  tabernacle  :  les  uns  difent 
qu'ils  étoient  de  bronze  ;  d'autres  ,  de  bois  : 
il  y  en  avoit  vingt  du  côté  du  nord ,  vingt 
du  côté  du  midi ,  dix  à  l'occident ,  dix  à 
l'orient  ce  qui  fait  foixante  5  à  moins  qu'en 
comptant  les  piliers  des  angles  pour  deux  , 
cela  ne  réduife  le  nombre  à  cinquante-lix. 
Ces  piliers  avoient  des  appuis  d'airain. 

^  Colonne  d'Hercule.  On  dit  qu'Her- 
cule arrivé  à  Gades,  aujourd'hui  Cadix  en 
Efpagne  ,  fe  crut  aux  extrémités  de  la  terre  j 
qu'il  fépara  deux  montagnes  qui  fe  tou- 
choient ,  Calpé  &  Abyla  ,  l'une  en  Afrique 
&  l'autre  en  Europe  ,  qu'il  fit  communiquer 
l'Océan  &:  la  Ivléditerranée  \  &  qu'il  éleva 
fur  ces  montagnes  deux  colonnes ,  avec  cette 
infcription  ;  non  ultra.  Quoi  qu'il  en  foit ,  on 
nomma  cet  enjroit/jorr^  Gaditancs  ^  portes 
de  Gadita.  Charles  V,  fuccefleur  de  Ferdi- 
nand &  d'ifabelle  ,  fous  qui  la  découverte 
de  l'Amérique s'étoit  faite ,  changea  l'infcrip- 
tion ,  &  liibftitua  plus  ultra  au  non  ultra 
d'Hercule. 

Colonne  lactaire  ,  columna  laclaria  , 
elle  étoit  dans  la  onzième  région  de  Rome  : 
toutes  les  mères  y  portoient  leurs  enfans  par 
fuperftition  \  quelques-unes  les  y  laiflbient 
expofés  par  indigence  ou  par  inhumanité  : 
onappelle  maintenante  lieu  de  cette  colonne 
la  Pia^a  Montanara, 


COL 

Colonnes  légales  ,  (  Hijî.  anc.  )éroient 
chez  les  Lacédémoniens  des  colonnes  élevées 
dans  les  places  publiques  ,  où  étoient  gra- 
vées fur  des  tables  d'airain  les  loix  fondamen- 
tales de  l'état. 

Colonne  Maenienne,  columnaMœnia; 
elle  étoit  dans  la  huitième  région  ;  elle  fut 
élevée ,  félon  quelques-uns ,  à  l'honneur  du 
conful  Maenius  ,  après  une  vidoire  rempor- 
tée fur  les  Antiates  ;  félon  d'autres ,  par  un 
certain  Maenius  qui  s'étoit  réfervé  ce  droit 
en  vendant  fa  maifon  aux  cenfeurs  Caton 
&:  Flaccon  ,  afin  de  voir  de-là  le  combat 
des  gladiateurs  \  comme  la  forme  en  étoit 
particulière ,  on  donna  dans  la  fuite  aux  édi- 
fices femblables  le  nom  de  Mceniana  ,  dont 
on  a  fait  le  nom  mignani.  Il  eft  mention  de 
deux  colonnes  ifiœnienncs  ;  c'eft  au  pié  d'une 
de  ces  deux  colonnes  que  les  triumvirs  fur- 
nommés  capitales ,  jugeoient  les  voleurs  & 
autres  bandits. 

Colonnes  rostrees  ^columnœrojlratœ ; 
c'étoit  là  qu'on  attachoit  les  éperons  des  vaif- 
féaux  pris  fur  Pennemi.  La  première  fut 
élevée  à  l'occafion  de  la  vidoire  fur  mer  de 
C .  Duilius  fur  les  Carthaginois.  Elle  étoit  dans 
le  marché  romain  ;  on  la  trouva  en  1260 
près  de  l'arc  Septimien.  Lé  cardinal  Alexan- 
dre Farnefe  la  fit  porter  au  capitole  \  elle  eft 
de  marbre  blanc.  Augufte  en  avoir  fait  conf- 
truire  au  même  lieu  quatre  autres  femblables 
des  éperons  des  navires  qui  furent  pris  fur 
Cléopatre. 

Colonne  Trajane  ,  (  Uifi.  anc.  arch.  ) 
monument  à  l'honneur  de  Trajan ,  mort 
l'an  y  17  de  J.  C.  à  l'âge  de  64  ans,  dans 
une  ville  de  Cilicie  alors  nommée  Selinunte , 
depuis  la  ville  de  Trajan  ,  TrajanopoVs  ,  & 
que  les  Turcs  appellent  à  préient  Tjlenos. 

Un  des  plus  fuperbes  reftes  de  la  magni- 
ficence romaine  eft  la  colonne  Trajane ,  qui 
a  plus  immortalifé  l'empereur  Trajan ,  que 
toutes  les  plumes  des  hiftoriens  n^auroient 
pu  faire. 

Elle  avoir  118  pies  de  haut,  &  l'on  y 
montoit  par  unefcalierde  1 8  5  degrés,  éclairé 
de  4  ç  fenêtres  :  on  y  voyoit  tout  autour  en 
bas  reliefs  tous  les  exploits  de  Trajan  ,  dont 
après  fa  mort  les  cendres  furent  placées  au 
haut  de  cette  colonne  dans  une  urne  d'or. 
Un  prince  <qui  le  premier  avoit  ajouté  de 
fonordre  cectt;  expreflè  condition  aux  yioeux 


COL  5-17 

publics  qu*on  feroit  pour  fa  perfônne ,  "  qu& 
»  ce  ne  feroit  qu'autant  qu'il  veilleroit  à  la 
»  confervation  de  la  patrie  ;  &  que  s'ilfai- 
»  foit  rien  qui  y  fut  contraire ,  les  dieux 
»  détournaflènt  de  defliis  lui  leurs  regards  Sc^ 
»  leur  protedion  :  »  Ut  Trajanum  d'à  fof- 
pitem  incolumenque  prccjîarent  yjî  ben}  rem- 
publicam  ex  utilitate  omnium  rexerit  ;  fin  con- 
tra ,  ut  ab  illius  cufîodia  oculos  dimoverent  : 
un  prince  qui  penloit  que  le  fouverain  bon- 
heur étoit  de  pouvoir  faire  tout  le  bien  qu'on 
veut ,  &  le  comble  de  la  grandeur  de  pou- 
voir faire  tout  le  bien  qu'on  peut  ;  un  prince 
enfin  qui ,  comme  le  remarque  Pline  le  jeune 
fonami ,  n'avoit  point  de  plus  grand  modèle 
à  fe  propofer  que  lui-même  ,  un  tel  prince 
méritoitfans  doute  les  plus  fublimes  efforts 
de  Parchitedure  ,  pour  célébrer  fa  gloire  &c 
fes  vertus. 

Aufli  le  fénat  &  le  peuple  romain  lui  éri- 
gèrent avec  zèle  ce  maufolée ,  fi  Pon  peur 
parler  ainfi  ,  en  reconnoiftance  de  fes  rares 
qualités  ,  &  des  grands  fervices  qu'il  avoit 
rendus  à  la  république.  '' 

De  plus  ,  dit  M.  Rollin  ,  dont  je  ne  puis 
m'empêcher  de  tranfcrire  ici  les  réflexions  , 
"  le  fénat  &  le  peuple  réunis  voulant  que  la 
mémoire  de  Trajan  fût  préfenre  à  tous  les 
fiecles ,  &  qu'elle  durât  autant  que  l'empire , 
ils  ordonnèrent  que  fes  adions  feroient  gra- 
vées fur  le  marbre  du  plus  riche  ftyle  qui  ait 
jamais  été  employé.  » 

L'architedure  fut  hiftoriographe  de  cet 
ingénieux  genre  d'hiftoire  ;  &  parce  qu'elle 
devoir  préconifer  un  romain ,  elle  ne  fe  fervit 
pas  des  ordres  grecs,  quoiqu'ils  fuflènt  incom- 
parablement plus  parfaits  Se  plus  en  ufage  dans 
l'Italie  même,  queles  deux  autres  originaires 
du  pays ,  de  peur  que  la  gloire  de  ce  mo- 
nument admirable  ne  fe  trouvât  en  quelque 
façon  partagée  ,  &  pour  faire  voir  àudî  qu'il 
n'y  a  rien  de  ii  fimple  que  l'art  ne  (ache  perfec- 
tionner.  Elle  choiiit  donc  la  colonne  de  l'ordre 
tofcan,quijufqu'alors  n'a  voit  eu  place  quç 
dans  les  chofes  grolîîeres  &  ruftiques  ;  &  de 
cette  maftè  informe  elle  en  fit  naître  le  pl^s 
riche&le  plus  noble  chef-d'œuvre  du  monde, 
que  le  temps  a  épargne  &confervé  tout  entier 
jufqu'à  pré^nt ,  au  milieu  d'une  infinité  de 
ruines  dont  Rome  eft  remplie. 

C'eft:  en  effet ,  ajoute  JvL  Rollin  ,  une  es- 
pèce de  ôierveUle , <le.  voir  que  le  colyiee 3  le 


jig  COL 

théâtre  de  Marcellus ,  ces  grands  cirques , 
ces  rhermes  de  Dioclécien ,  de  Caracalla ,  & 
d'Antonin  ,  ce  fuperbe  mole  de  la  fépulture 
d'Adrien  ,  le  feptizone  de  Sévère  ,  le  mau- 
folée  d'*Augufl:e  ,  &  tant  d'autres  édifices 
qui  fèmbloient  être  bâtis  pour  1  éternité, 
Ibient  maintenant  (î  caducs  &  fi  délabrés , 
qu'à  peine  peut-on  remarquer  leur  ancienne 
forme ,  pendant  que  la  colonne  Trajane ,  dont 
la  ftruéture  paroiflbit  beaucoup  moins  du- 
rable ,  fubfifte  encore  en  Ton  entier. 

Tout  le  monde  fait  que  le  pape  Sixte  V 
a  relevé  cette  colonne  fous  fbn  pontificat ,  & 
a  fait  mettre  au-delfus  la  ftatue  de  S.  Pierre  : 
on  en  trouve  par-tout  des  eftampes.  Voye-^ 
celles  qui  ont  été  gravées  à  Rome ,  &  co- 
piées dans  nos  beaux  ouvrages  des  antiquités 
romaines.  {M.  le  chev.  de  Jau court.) 
Obfervations  fur  la   force   des    colonnes. 
Comme  on  ne  bâtit  pas  feulement  avec  le 
bois  y  mais  aulTi  avec  la  pierre  &  le  marbre , 
il  icroit  à  (buhaiter  pour  le  bien  de  l'archi- 
tedrure ,  que  nous  eufïions  des  expériences 
bien  faites  fur  la  force  des  colonnes  de  pierre. 
M.  Van  Muflchenbroek  a  déjà  là-deflus 
fait  quelques  expériences ,  qu'il  rapporte  dans 
izs  Ejf.  de  phyf.  il  a  pris  une  colonne  quarrée 
faite  de  terre  glaife ,  &  aufïï  dure  que  la 
brique  rouge  durcie  par  le  feu  :  cette  colonne 
qui  avoit  onze  pouces  &  demi  de  long,  & 
dont  chaque  côté  étoit  de  tV  d'un  pouce , 
fut  rompue  par  195  livres  :  une  pierre  de 
brème  longue  de  douze  pouces  K-  »  &  dont 
chaque  côté  étoit  de  iV  d'un  pouce ,  fut  rom- 
pue par  150  livres  :  un  marbre  blanc  un  peu 
veiné  ,  long  de  treize  pouces  | ,  épais  d'un 
côté  de  î\  d'un  pouce ,  &  qui  avoit  de  l'au- 
tre côté  l'épaiiTeur  de  ïV  d'un  pouce  ,    fut 
rompu  par  150  liv. 

Si  l'on  prend  un  pilier  de  pierre  fait  de 
demi-pierres  pofées  les  unes  iur  les  autres , 
ayant  l'épaifl'eur  de  trois  pouces ,  la  largeur 
de  fept  pouces ,  &  la  hauteur  de  dix  pies , 
on  demande  quelle  charge  pourra  fuppor- 
ter  ce  pilier  de  pierre ,  en  fuppolant  qu'il  foit 
bâti  de  briques  rouges  durcies  par  le  feu. 

Si  ce  pilier  étoit  de  la  même  épaiflèur  que 
celle  qu'avoit  la  colonne  dans  l'expérience 
précédente ,  &  qu'il  fiit  de  la  hauteur  de  dix 
pies  ,  il  ne  pourroit  fupporter  deux  livres , 
parce  que  les  forces  (ont  en  raifbn  inverfe 
(des  quarrés  des  hauteurs  :  mais  fi  l'on  compte  | 


COL 

qu'une  pierre  cft  de  la  longueur  de  7  pou- 
ces, c'elt-à-diredix-feptfois  plus  large  que 
n'eft  la  colonne  dans  l'expérience  ;  alors  ce 
même  pilier  de  mur  qui  a  l'épaifleur  de  iV  de 
pouce  ,  ôc  la  largeur  de  fept  pouces,  pourra 
lupporter  trente  livres.  Mais  la  pierre  efi: 
de  l'épaiffeur  de  trois  pouces ,  qui  eftle  côté 
courbé  par  le  poids  dont  il  elt  chargé  ;  ce 
côté  eft  donc  à  celui  de  la  colonne  rompue 
comme  36  à  ;  ,  dont  les  quarrés  font 
comme  1196  à  2  5  :  c'eft  pourquoi  le  pilier 
de  mur  qui  eft  de  la  hauteur  de  dix  pies ,  ne 
pourra  être  chargé  que  de  i/yj  livres  j 
mais  s'il  étoit  de  l'épaifleur  d'une  pierre 
entière  ,  il  pourroit  iùpporrer  un  fardeau 
quatre  fois  plus  pefant. 

Par  conféquent  un  mur  qui  fera  de  l'épaiH 
feur  d'une  demi-pierre  ,  Ôc  qui  aura  dix 
piés  de  haut,  pourra  être  chargé  de  i;;; 
livres ,  autant  de  fois  qu'il  ferade  la  longueur 
des  pierres  entières  ou  de  fept  pouces.  Il  eft 
certain  que  s'il  étoit  fait  de  pierres  plus 
dures ,  il  pourroit  fupporter  une  charge 
encore  plus  pefante  avant  que  d'être  renverfé. 
Si  l  on  compare  la  force  d'un  pilier  de  pierre 
avec  celle  d'un  pilier  de  bois  de  chêne  ,  qui 
foit  aulfi  de  la  hauteur  de  dix  piés ,  Ôc  donc 
les  côtés  aient  trois  pouces  ôc  fept  pouces  , 
on  trouvera  que  le  bois  de  chêne  pourra 
fupçorter  beaucoup  davantage ,  ôc  même 
prelque  1800  livres. 

Comme  on  élevé  dans  les  églifes  plufieurs 
colonnes  qui  foutiennent  tout  le  bâtiment , 
il  l'on  prenoit  une  colonne  de  marbre  blanc 
de  la  hauteur  de  quarante  piés  ,  Ôc  dont 
le  diamètre  feroit  de  4  piés  ,  elle  pourroit 
fupporter  à-peu-  près  le  poids  de  10  j  ,  oi  i , 
085  livres.  Ainfi  l'on  eft  en  état  de  calculer 
quel  poids  étoient  capables  de  foutenir  les  1 17 
colonnes  du.  temple  de  la  Diane  d'Ephefe, 
qui  étoient  toutes  d'une  pièce  de  foixante 
piés  de  hauteur. 

Comme  on  bâtit  fou  vent  des  maisons  à 
deux  portes  qui  donnent  fur  le  coin  des 
rues ,  de  forte  que  tout  le  poids  de  la  fa- 
çade repofe  fur  le  poteau  de  ce  coin  ,  il  n'eft 
pas  indifférent  de  favoir  l'épaifleur  qu'il 
convient  de  donner  à  ce  poteau  ;  mais  il 
leroit  encore  bon  de  calculer  les  avantages  , 
les  défavantages qu'il  y  auroit  aie  former 
en  colonnes  de  pierre  par  préférence  ,  parce 
que  ce  poteau  doit  fupporter  fans  aucun 

danget 


COL 

danger  le  poids  de  la  façade  qui  rcpole 
fur  lui.  Voyt:^  Résistance  des  Solides. 
{M.  le  chevalier  de  Jau  COURT.) 

Colonne  de  Cussy  ,  {Antiq.)  on  ad- 
mire en  Bourgogne  un  des  plus  beaux  mo- 
numens  de  Tantiquité,  unique  en  France  & 
peut-être  dans  le  monde  ;  c'eft  la  colonne  de 
Cujfy ,  dont  le  P.  Montfiucon  attribue  fauf- 
fementla  découverte  à  M.  Moreiu  deMau- 
tour.  Le  dode  Saumaife  qui  y  fit  un  voyage 
en  iGzcf ,  connut  le  prix  de  ce  bel  ouvrage  ; 
après  en  avoir  examiné  le  dellîn  ,  la  ftruc- 
ture  &  les  figures ,  il  jugea  que  cette  colonne 
avoit  été  élevée  en  mémoire  de  la  viétoire 
que  Célar  gagna  fur  les  Suilfes,  à  quatre  ou 
cinq  lieues  de  Bibraéie.  M.  le  confeiller  de 
la  Mare  la  fit  de(ïîner  par  le  célèbre  Jean 
Dubois.  Samfon  la  marque  dans  la  carte  du 
dioceie  d'Autun ,  qu'il  donna  en  1659.  D. 
Alartin  en  a  inféré  le  plan  dans  iareZ/^/o/z  des 
Gaulois  ;  Sc  M.  Rollin  en  a  fait  mention 
dans  Y HiJIoire  ancienne.  M.  Pafumot ,  lavant 
profelleur  de  phylique  à  Auxerre,& connu 
par  fes  do6tes  recherches  fur  leg  voies  ro- 
maines, a  long-temps  étudié  cet  antique, 
qu'il  a  deflîné ,  &  qu'il  doit  donner  au 
public  avec  une  diflertation.  En  attendant 
j'ai  cru  pouvoir  donner  la  delcription  qu'en 
a  faite  M.  ThomalTin ,  fameux  ingénieur, 
habile  dans  la  connoiflance  des  antiquités  ; 
j'ajouterai  plufieurs  remarques  à  la  delcrip- 
tion de  ce  beau  monument. 

Cujfy-la -colonne ,  ainii  nommé  pour  le 
diftinguer  de  plufieurs  autres  villages  de 
mêmenom  dans  la  province ,  eft  uneparoilîe 
du  bailliage  de  Beaune,  à  trois  lieues  oueft- 
nord-oueffc  de  Beaune ,  cinq  d'Autun ,  & 
à  un  quart  du  village  d'Yvry,  où  palïent  en 
été  les  voitures  de  Paris  à  Lyon. 

A  deux  portées  de  fufil  de  CuJfy ,  tirant 
droit  au  nord  ,  dans  un  fonds  aflèz  ouvert , 
au  pié  des  chaumes  d*Auvenet ,  connues  par 
le  gibier  &  les  plantes  curieufes  qu'on  y 
trouve ,  &  par  la  voie  romaine  qui  traverfe 
ce  canton  ,  on  voie  une  colonne  de  pierres  en 
plufieurs  alïifes  :  elle  a  deux  pies  trois  pou- 
ces &  demi  de  diamètre  par  le  bas,  &  elle 
eft  élevée  fur  un  double  piédeftal. 

Il  ne  refte  de  ce  monument  que  les  deux 
piédeftaux  ,  &:  environ  les  deux  tiers  de  la 
hauteur  de  la  colonne  ;  le  refte  y  manque , 
favoir ,  le  chapiteau  &  l'entablement. 
Tome    Vin. 


COL  51-^ 

Le  premier  piédeftal  n'eft  qu'un  foubaf- 
fement ,  il  a  fept  pies  de  hauteur ,  compris 
fa  bafe ,  qui  n'eft  qu'un  chanfrein ,  (ànsmou- 
lure  &  fans  corniche ,  qui  fe  termine  en 
gorge  ;  il  fait  un  plan  quatre ,  ayant  cepen- 
dant les  angles  en  pans-coupés  &  les  races 
concaves  ;  fa  corniche  eft  un  plinthe  de  fept 
pouces  d'épaifi^ur,faifant  le  même  plan  que 
le  deflous ,  &  fur  lequel  polè  le  fécond  pié- 
deftal ,  qui  eft  celui  de  la  colonne.  Dans  le 
père  Montfaucon ,  les  trous  ronds  qui  font 
marqués  fur  ce  plinthe ,  font  imaginaires , 
il  n'y  en  a  point  fur  le  lieu. 

Le  fécond  piédeftal  eft  différent  du  fbu- 
baflèment ,  en  ce  qu'il  fait  un  plan  oétogonc 
parfait  ;  c'eft-à-dire ,  qu'il  a  nuit  faces  éga- 
les ,  fur  lefquelles  il  y  a  de  belles  figures  en 
demi-reliefs ,  qui repré (entent  des  divinités, 
&  dont  on  verra  l'explication  plus  bas  ;  il  n'a 
point  de  bafe ,  &  il  a  quatre  pies  neuf  pou- 
ces de  hauteur,  compris  fa  corniche  ,  qui  le 
termine  aulli  en  gorge ,  &  qui  eft  très-belle  ; 
on  y  voit  trois  modillons  fur  chaque  face 
avec  des  rofes  entre  deux. 

Sur  ce  piédeftal  s'élève  la  colonne ,  dont  la 
bafe  qui  eft  attique  eft  d'une  très-belle  pro- 
portion ,  le  refte  du  fuft  de  la  colonne  com- 
pris. La  bafe  eft  de  treize  pies  trois  pouces  de 
hauteur ,  faifant  prefque  les  deux  tiers  de  là 
hauteur  entière.  Celle  de  tout  l'édifice  eft  à 
préfent  de  vingt-cinq  pies  fept  pouces ,  non 
compris  le  chapiteau  &c  l'entablement  qui 
manquent.  Le  P.  Montfaucon  n'eft  pasexaâ:, 
en  portant  la  hauteur  à  vingt-huit  pies.  Le  P. 
Lempereur ,  jéfuite,  dit,  dans  fes  Dijfcrta^ 
dons  ,  imprimées  chez  Cot,  Paris,  \joG  , 
que  les  gens  de  Cz/^afluroient  de  fbn  temps, 
que  la  colonne  étoit  une  fois  auflî  haute  lorf- 
qu'elle  étoit  entière  ;  mais  c'eft  une  erreur , 
les  proportions  ne  permettent  pas  de  le  croire. 
Le  fuft  entier  de  la  colonne  étoit  orné  de 
fculpture ,  à  en  juger  par  ce  qui  refte  ;  le  bas 
eft  une  efpece  de  moiaïque  qui  a  troi^  pies 
deux  pouces  de  hauteur  deftus  la  bafe  ;  cette 
mofaïque  eft  compofée  de  plufieurs  petites 
bandelettes  d'un  pouce  de  largeur  qui  fe  croi-  ^ 
fent  en  rempanu  autour  de  \xcolonne,  &  dont 
les  vuides  forment  de  grands  lofanges ,  rem- 
plis par  de  beaux  fleurons  ;  le  refte  de  la  co- 
lonne eft  chargé  de  plufieurs  feuilles  d'eau , 
la  pointe  en  bas  :  on  en  compte  encore  feize 
étages.  Toute  cette  partie  de  l'édifice  eft  mal 

Xxx 


K 


530  COL 

repréfèntée  dans  le  plan  qu'en  donne  le  P. 
Montfaucon  ,  SuppL  t.  II ,  page  ZZ^f  ;  les 
bandelettes  formant  les  lofanges  n'y  font 
point  exprimées ,  &  il  prend  les  feuilles  d'eau 
pour  de  petites  écailles ,  ce  qui  fait  im  mau- 
vais effet. 

Tout  ce  monument  efl  conftruit  d'une 
fort  belle  pierre  rouflatre  qui  a  pu  être  polie 
comme  du  marbre;  chaque  alTife  efl  d'une 
feule  pierre  ,  elles  font  toutes  pofees  à  (te , 
c'efl-à-dire  5  fans  mortier  ni  ciment ,  ma- 
nière de  bâtir  volontiers  obfervée  parles  an- 
ciens dans  les  bâtimens  de  conféquence.  Le 
P.  Lempereur  dit  que  fes  affiles  étoient  rete- 
nues par  des  grampons  d'airain  qui  ont  été 
enlevés  par  un  feigneur  de  Cujfy. 

M.  ThomalTin  avoir  toujours  regardé 
cette  colonne  comme  étant  d'ordre  corin- 
thien par  fon  renflement ,  qui  eft  toujours 
au  tiers  de  fa  hauteur  par  en  bas  ;  car  ce  tiers 
fe  trouve  ici  de  peu  plus  de  deux  diamètres 
&  demi  du  bas  de  la  colonne  :  cette  conjec- 
ture fe  vérifia  par  la  découverte  qu'il  fît  en 
feprembre  17^4 ,  de  Li  partie  fupérieure  du 
chapiteau  de  cette  co/o/z/2e ,  qui  eft  à  la  grange 
d'Auvenet ,  métairie  à  une  lieue  de  la 
Colonne,  où  un  feigneur  de  Ciijfy  la  fît  tranf- 
porrer  pour  faire  une  margelle  au  puits  de 
cette  métairie.  M.  Thomaffîn  trompé  parla 
mauvailedefcription  du  prétendu  chapiteau, 
donnée  par  le  P.  Lempereur  &  par  la  ridi- 
cule anecdote  q^u^on  en  débitoitdans  le  pays, 
avoit  négligé  d'aller  vifîter  cette  pierre  ;mais 
s'y  étant  trouvé  par  hazard,  il  fut  furpris  d'y 
voir  la  figure  du  chapiteau  corinthien  ;  en 
ayant  pris  les  dimenfîons ,  il  trouva  que 
cette  margelle  ne  pouvoir  venir  que  de  la 
colonne  de  CuJfy  :  même  goût  de  travail  & 
même  pierre.  Suivant  le  diamètre  du  bas 
de  la  colonne  ,  ce  chapiteau  de  voit  avoir  ^1 
pouces  de  hauteur  ;  il  étoit  apparemment  de 
deux  afiîles ,  car  la  partie  fupérieure ,  la 
feule  qui  fe  trouve  ,  n*à  que. vingt  pouces, 
celle  du  deflous  devoit  en  avoir  douze  de 
hauteur  ;  8c  félon  toutes  les  apparences  elle 
^  portoit  les  premières  feuilles  du  cl-tapiteau, 
mais  on  n'en  voit  plus  aucun  veftige. 

Ce  chapiteau  déplacé  n'eft  pas  moins  fym- 
bolique  que  le  piédeftal  de  la  colonne;  au 
lieu  des  rofes  du  tailloir  on  y  voit  fur  cha- 
cune des  quatre  faces  une  tête  de  divinité 
païenne,  auxquelles  on  a  donné  une  grof- 


COL 

feur  confidérable  pour  les  mieux  faire  diftin- 
guer  d'en  bas  de  h  colonne,  en  forte  qu'elles 
occupent  une  bonne  partie  des  faces  du  cha- 
piteau ,  ce  qui  a  empêché  d'y  mettre  des  vo- 
lutes ,  desygettes,  des  colicoles ,  S-c.  ce  font 
feulement  de  grandes  feuilles  d'acanthe  qui 
garni  (lent  le  refte  de  chaque  face  du  cha- 
piteau ,  dont  les  revers  du  fommet  qui  fe 
recourbent  fous  les  angles  du  taillant ,  font 
l'eifet  des  volutes.  On  voit  dans  Vignole  des, 
exemples  de  pareils  fymboles  fur  des  chapi- 
teaux corinthiens  anciens,  où  au  lieu  de 
rofes  du  tailloir ,  ce  font  des  têtes  de  divi- 
nités, quoiqu'elles  ne  loient  pas  d'une  pro- 
portion i\  grofl'e  que  celle  du  chapiteau  en. 
queftion.  L'une  de  ces  têtes  eft  environnée 
de  rayons  &  n'a  point  de  barbe ,  ce  qui  l'a 
fait  aifément  reconnoître  pour  celle  d'A- 
pollon ;  l'autre  tête  ayant  une  barbe  fort 
toufïue&:  un  air  majeftueux  fembleroit  être 
celle  de  Jupiter  -Jatroifieme  tête  ,quoiqu'af- 
fez  effacée  ,  eft  auffi  d'un  homme  barbu  :. 
elle  eft  frufte  &  porte  quelque  chofe  qui  peut 
donner  l'idée  d'une  dépouille  de  Uon  &  an- 
noncer Hercule;  pour  la  dernière  tête  il 
n'y  refte  que  la  place ,  &:  l'on  n'y  peut  rien 
diftinguer  :  les  trois  autres  font  belles  &  de 
grand  goût. 

Il  eftaifé  de  fe  convaincre  que  cette  pierre  ,. 
que  M.  Thomaftin  affure  être  le  chapiteau 
de  la. colonne  (elle  n'eft  point  furie  dellîn), 
a  été  portée  à  Auvenet  pour  en  faire  la  mar- 
gelle du  puits ,  puifque  le  diamètre  du  puits 
eft  plus  grand  que  celui  de  l'ouverture  de  la 
pierre ,  qui  n'a  pas  permis  d'en  faire  une  plus 
grande.  Suivant  la  tradition  du  pays ,  la  mé- 
tairie d'Auvenet  appartenoit  autrefois  à  un 
feigneur  de  la  Rochepot  &c  de  Cufty,  fans 
goût  pour  les  belles  chofes ,  qui  détruifit ,  i\ 
y  a  plus  d'un  fîecle ,  ce  qui  manque  de  cette 
colonne ,  pour  en  prendre  des  matériaux  à 
bâtir  ;  on  lui  a  du  moins  l'obligation  de  ne 
pas  l'avoir  entièrement  détruite.  Le  P.  Lem- 
pereur, qui  tient  le  fait  des  gens  du  lieu  , 
dit  que  ce  feigneur  mériteroit  bien  d'être 
nommé,  &  qu'on  fit  fon  éloge ;c'eft  en 
effet  cette  ftupide  ignorance  qui  a  occa- 
fîoné  la  deftrudion  des  plus  beaux  monu* 
mens  de  l'antiquité  ,  dont  on  employoit  à 
de  nouvelles  eonftruâions  les  matérieux  tout 
préparés. 

Il  y  a  une  autre  grande  jicrre  dans  le  cime- 


COL 

tiere  de  CuJJy ,  qu'on  peut  voir  fur  le  plan  , 
&  qu'on  donne  ordinairement  pour  le  cha- 
piteau de  la  colonne  ;  mais  il  eft  aifé  de  voir 
que  c'eft  une  erreur  dans  laquelle  ont  donné 
les  PP.  Lempereur  &  Montfaucon  ;  le  pre- 
mier dit  que  cette  pierre  a  huit  pies  de  dia- 
mètre ,  &  qu'elle  a  la  forme  d'un  paraiol  à 
l'antique,  avec  des  compones  d'efpace  en 
efpace  ,  au  nombre  de  dix  \  le  fécond  en 
donne  le  plan  comme  étant  celui  du  cou- 
ronnement de  la  colonne  ;  dans  le  fait  cette 
pierre  eft  octogone ,  ayant  fcpt  pies  un  pouce 
d'un  angle  extérieur  à  l'autre ,  ôc  dix-neuf 
pouces  d'épailleur.  Il  eft  vraifemblable  qu'el- 
le portoit  fur  huit  petits  piliers  ou  colonnes , 
qui  avec  les  cintres  qui  font  à  chacune  des 
huit  faces ,  formoient  autant  d'arcades ,  & 
qu'elle  fervoitde  couronnement  à  un  maufo- 
lée  ;  car  il  n'y  a  ni  ftruAure  ni  caradtere  qui 
puifle  en  donner  connoiftànce.  Il  y  a  au  mi- 
lieu de  cette  pierre  un  trou  rond  d'un  demi- 
pouce  d'épaifleur  ôc  de  quatorze  pouces  de 
diamètre  ,  qui  annonce  qu'elle  étoit  encore 
foutenue  dans  fon  milieu ,  ou  par  une  colonne 
plus  grofïc  que  les  autres ,  ou  par  une  grande 
urne  quirenfermoit  des  cendres,  mais  jamais 
elle  n'a  pu  fervir  de  chapiteau  à  la  colonne 
de  Cujfy. 

Pour  revenir  à  cette  colonne ,  les  figures 
de  fbn  piédeftal  (ont  des  efpeces  de  niches 
peu  enfoncées  terminées  alternativement, 
les  unes  en  pointe ,  les  autres  en  cintres  fur- 
baiiTés  (  ce  qui  n'eft  point  diftingué  dans  le 
plan  du  P.  Monfaucon  ) ,  ces  figures  étant 
prifes  dans  l'épaifteur  de  la  pierre  ont  peu 
de  relief. 

La  première  qui  regarde  le  midi ,  repré- 
fente  Minerve  j  fon  cafque  &  fa  chouette  la 
font  aifément  connoître. 

La  féconde  tournant  à  droite  eft  Junon , 
habillée  en  matrone ,  qui  tient  de  la  droite 
une  patere  qu'elle  femble  préfènrer  à  fon 
paon ,  &  de  la  gauche  une  hajîa  pura ,  qui 
eft  une  pique  fans  fer ,  marque  de  fà  divinité. 

La  troifieme  eft  un  jeune  homme  prefque 
nu,  qui  a  le  pié  gauche  monté  fur  une 
pierre  ou  fur  un  cippe ,  Se  la  main  droite  éle- 
vée; il  eft  difficile  d'expliquer  cette  figure  , 
parce  que  les  fymboles  en  font  prefque  en- 
tièrement efficés  :  cependant  M.  Thomaflin 
croit  avoir  apperçu  un  foudre  à  fa  main 
droite  j  en  ce  cas  ce  feroit  un  Jupiter  fans 


COL  j3r 

barbe ,  aînfî  qu'il  eft  repréfenté  fur  quelques 
médailles,  avec  la  légende  Jovi  crefcenti. 

La  quatrième  figure  eft  un  homme , 
tenant  Ibus  fon  bras  gauche  un  poulet ,  au- 
quel il  donne  à  manger  dans  une  patere  qu'il 
tient  de  la  main  droite ,  au  lieu  d'un  cafque, 
ce  qui  achevé  de  le  faire  connoitrc  pour  un 
augure. 

La  cinquième  figure  repréfenté  un  jeune 
Bacchus ,  appuyé  fur  fon  bâton  ,  qui  pou- 
voir être  un  thyrfe  ;  il  eft  orné  de  la  dépouille 
d'un  tigre ,  &  il  a  un  jeune  mâtin  à  fes  pics. 

La  iîxieme  femble%inoncer  une  divinité 
marine ,  c'eft  une  femme  prefque  nue ,  ap- 
puyée de  la  main  droite  fur  un  timon  ou  gou- 
vernail de  navire  ,  &  fbutenant  de  la  gauche 
une  urne  renveriée ,  qui  répand  del'eau  juf- 
qu'en  bas. 

La  feptieme  eft  un  Hercule ,  appuyé  de 
la  droite  fur  fa  clave  ou  malfue ,  &c  tenant 
de  la  gauche  la  dépouille  du  lion  ;  ce  n'eft 
point  un  Hercule  Gaulois ,  dont  il  n'a  pas 
les  fymboles. 

La  huitième  &  dernière  figure  eft  un  cap- 
tif qui  a  l'air  abattu  &  les  mains  liées  :  il  n'eft 
couvert  que  d'une  fimplc  tunique,  ceinte 
par  le  milieu  du  corps ,  Se  qui  ne  le  couvre 
que  depuis  les  épaules  jufqu'aux  genoux, 
ayant  les  bras  &  les  jambes  découvertes.  Cec 
habit  ne  défigne  ni  un  Romain ,  ni  un  Gau- 
lois, car  les  Gaulois  portoient  leurs  habilk- 
mens  fort  longs  avec  de  grandes  manches  : 
feroit-ce  l'habit  d'un  Helvétien  ?  en  ce  cas 
laconjeéluredu  grand  Saumai(è  feroit  plei- 
nement vérifiée.  M.  Thomaflin  le  foupçonne 
auffi ,  &  il  ajoute  que  la  beauté  de  ces  figu- 
res ne  permet  pas  de  douter  qu'elles  ne  foient 
du  haut  empire,  vers  Augufte  ou  Tibère  au 
plus  tard. 

On  voit  que  la  defcription  de  ce  beau  mo- 
nument eft  allez  différente  de  celle  qu'en 
donne  le  père  Montfaucon  ,  &  même  de 
le  figure  qui  m'a  été  communiquée  par 
un  ami;  mais  j'ai  cru  devoir  préférer  ce 
qu'en  ont  dit  d'habiles  gens  qui  ont  examiné 
cette  colonne  avec  attention  ,  à  des  delîîns 
fouvent  altérés  par  les  defïînateurs.  Le  P. 
Lempereur  ne  donne  aucune  defcription  de 
ces  figures  :  il  dit  qu'elles  ont  fouftert  des 
injures  de  l'air,  qu'on  y  diftingué  feulement 
j  un  hommequia  le  doigt  fur  la  bouche  (c'eft 
i  apparemment  l'attitude  de  la  Minerve  qui 

X  XX  2 


531  COL 

iui  a  fait  faire  cette  bévue  )  ,  &  un  autre  en 
habit  facerdotal  :  on  croiroit  que  ce  jéfuite 
n'a  parlé  aufïi  légèrement  de  ce  monument 
que  parce  qu'il  ne  Pa  pas  vu. 

Je  vais  ajouter  quelques  éclaircilTèmens 
pris  dans  une  lettre  écrite  le  1 5  octobre  1755, 
à  M.  Lardilion,  par  M.  Tiflerand,  ancien 
curé  de  Crugé  &  de  Savigny,  mort  fort  âgé 
en  1760  j  il  étoit  allé  viiirer  la  colonne  avec 
M.  Parifot  de  Crugey ,  maître  des  requêtes , 
qui  y  fit  f lire  des  fouilles  en  170  3 . 

Selon  M.  Tilîeraii|lj  la  baie  de  \z  colonne 
qui  eft  d'une  feule  pierre  ,  eft  de  quinze  à 
feize  pies  de  circonférence  :  elle  a  été  pofée , 
comme  on  le  reccfnnût  par  les  fouilles ,  fur 
un  fondement  de  couroy  ou  maftic,dans 
lequel  on  avoir  jeté  à  pierres  perdues  du 
laverin  en  pointe. 

Dans  la  fouille  du  côté  du  levant ,  on  trou- 
va à  un  pié  de  profondeur ,  les  oflemens  de 
trois  corps  ,  la  tête  contre  la  colonne ,  &  cha- 
que oflement  dans  fa  place,  avec  fix  médail- 
les ,  dont  trois  de  petit  bronze ,  &  trois 
de  moyen  bronze ,  toutes  repréfentant  An- 
tonin  le  pieux ,  dont  le  nom  étoit  dans  la 
légende  ,  c'étoit  apparemment  pour  payer  le 
droit  de  Caron.  En  creufant  au  couchant , 
on  trouva  encore  des  oflemens  &  des  mé- 
dailles d'Antonin  le  pieux  :  on  fit  aulîî  creu- 
fer  fous  la  colonne  même ,  enforre  qu^on  paf- 
foit  pardeflous  ,  mais  on  n'y  trouva  rien.  Le 
nouvel  hiftorien  de  Eeaune  dit  que  dans  les 
différentes  fouilles  on  n'eutpas  l'attention  de 
foumurer  les  deux  grandes  pierres  qui  por- 
tent la  cdunne,  &  forment  un  quarré  de  iix 
pies  de  chaque  face ,  ce  qui  les  a  fait  fur- 
bailîer  au  milieu  où  elles  fe  j  oignent,  cnforte 
qu'il  eft  à  craindre  que  cette  inattention  ne 
caufe  un  jour  la  ruine  de^e  monument  :  il 
rapporte  aufli  qu'on  a  trouvé  par  la  fuite, 
aux  environs  de  cette  colonne ,  des  médailles 
d'Augufte  &  d'autres  empereurs.  M.  Tilîè- 
rand ,  qui  étoit  préfent  à  ces  fouilles ,  &  qui 
les  place  en  1703  &  non  en  1716  _,  comme 
Phillorien  de  Beaune ,  ne  fait  point  mention 
de  ces  pierres  quarrées  qui  fervent  de  fonda- 
tion à  la  colonne. 

Lors  de  la  vifite  de  M .  Parifot  de  Crugey , 
çn  l'aflura  que  dans  le  bois  voifin ,  appelle 
la  Pompéiane,  à  deux  cents  pasde  la  colonne  ^ 
en  montant  le  coteau  qui  conduit  aux  chau- 
mes d'Auvenet ,  on  trouvoit  beaucoup  d-e 


COL 

corps  humains  6c  des  tombeaux,  de  dif- 
tance  cndiftance,avec  leurs  couvercles,  qui 
fembloientêtre  les  cercueils  des  chefs,  parce 
que  fur  le  même  alignement  on  trouvoit 
des  corps  de  foldats  ,  ayant  feulement  des 
pierres  rangées  pour  couvrir  la  tête  ;  la  plu- 
parc  de  ces  tombeaux  avoient  été  enlevés  par 
lespayfans  pour  en  faire  des  auges.  M.  Parifot 
s'y  étant  fait  conduire,  on  en  trouva  un  en- 
tier ,  dont  on  avoit  feulement  cafle  un  coin 
du  couvercle  pour  y  fouiller  ,  on  y  trouva 
des  olTèmens  ,  une  boucle  de  ceinturon  ,  & 
des  armes  rongées  par  la  rouille. 

En  quel  temps  &  à  quelle  occafion  la 
colonne  de  Cujfy  a-t-elle  été  élevée  ?  voilà  ce 
qui  exerce  les  favans  depuis  long-temps  , 
parce  qu'il  n'y  a  aucune  inlcription  apparente 
qui  puifle  donner  des  éclairciiîemens  fur 
cette  queftion. 

Le  P.  Lempereur  met  cette  colonne  au 
rang  des  tombeaux  qu'on  élevoit  lur  les  cen- 
dres des  princes;  ce  qui  lembleroit  donner 
quelque  lieu  de  croire  que  cette  colonne  eft 
un  tombeau  ,  c'eft  qu'elle  n'eftqu'à  cent  pas 
de  l'ancienne  voie  Romaine,  quiconduiloit 
de  Befançon  à  Autun  ,  ôc  que  Pulage  étoit 
alors  de  placer  les  fepulcres  le  long  des  voies 
publiques  :  on  fait  d'ailleurs  qu'on  élevoit  ces 
iojjjtes  de  monumens  iur  les  tombeaux.  C'eft 
ainli ,  dit  le  P.  Lempereur  ,  que  les  cendres 
de  Trajan  furent  enfermées  fous  la  colonne  qui 
porte  fon  nom  ,  &  celles  de  Klarcien  dans 
un  vafe  de  pierre  qui  étoit  au  dcflhs  de  la 
iienne.  Foje:^^  les  vojû^e^  de  Spon ,  liv.I, 
page  rx^  ;  il  penfe  en  conféquence  qi^e  la 
colonne  de  Cu£y  a  été  érigée  à  la  mémoire  de 
quelque  prince  Gaulois  ;  il  n'en  apporte  au- 
cune preuve ,  &  le  peu  qu'il  dit  de  ce  mo- 
nument eft  il  pitoyable  ,  qu'on  ne  doit  pns 
s'y  arrêter.  Les  divinités  qui  l'ornent  iont 
plus  Romaines  que  Gauloifes ,  &  l'ouvrage 
eft  d'ailleurs  des  plus  beaux  jours  de  Rome  ; 
ce  n'eft  pas  non  plus  un  maufolée,  puifque 
l'on  n'a  trouvé  fous  la  colonne  ni  urne  ,  ni 
oflemens,  ùc. 

Le  P.  Montfaucon  ,  loco  citato  ,  regarde 
cet  édifice  comme  un  monument  de  la  dé- 
votion des  Gaulois;  Pinterprétation  qu'iî 
donne  des  figures  fe  rapporte  toute  à  cette 
idée  :  le  captif  eft  peut-être  une  de  ces  divi- 
nités enchaînées ,  dont  il  eft  fait  mention 
dans  la  Mythologie  ,ùc,\^  nombre  déduit. 


COL 

qui  forme  celui  de  ces  divinités,  eft:  myfté- 
rieux  ;  elles  lont  placées  d'ailleurs  de  manière 
qu''on  en  a  toujours  une  en  face  ^  de  quelque 
coté  que  Ton  aborde  la  colonne ,  &c.  &c. 
On  voit  que  cette  explication  forcée  n^a  rien 
de  fatisfailant  5  ainii  je  ne  m'y  arrêterai  pas , 
outre  que  l'obfervation  générale  ,  qu'il  n'y  a 
aucune  divinité  Gauloile  parmi  ces  figures , 
fufïît  pour  faire  rejeter  l'interprétation  du 
{avant  religieux. 

Il  ne  relie  donc  que  Topinion  du  grand 
Saumaife  ,  qui ,  après  avoir  bien  examiné 
cette  colonne ,  la  regarde  comme  un  trophée 
élevé  en  mémoire  de  la  célèbre  vidloire  de 
Céfar  lur  les  Helvétiens-,  c'eft  aulTi  le  lenti- 
ment  de  MM.  Tillèrand  ik  Thomalïin ,  qui 
penfent  que  ce  monument  a  été  élevé  par 
Augufte  ou  par  Antonin  le  pieux  ,  qui  étoit 
Gaulois  d'origine ,  en  l'honneur  de  Céfar  , 
&  de  la  victoire  qu'il  remporta  dans  ce  lieu 
même  fur  les  Helvétiens:  on  ne  peu  c  douter, 
en  liiant  les  commentaires  de  Céfar ,  que  ce 
ne  foir  là  le  lieu  où  ce  général  Romain  les 
barrit  ;  les  tombeaux  &c  les  oflèmens  qui  font 
fur  la  colline  en  fi  grande  quantité ,  annon- 
cent qu'il  y  a  eu  là  un  combat.  M.  Cotin  , 
curé  de  Monceaux  ,  à  une  demi-lieue  de  la 
colonne ,  ailura  M.  ThomafTin ,  qu'en  faifant 
rétablir  ion  jardin,  il  trou  va  les  oflèmens  de 
plus  de  trente  corps  morts  dans  une  auiïi 
petite  étendue ,  &  que  les  cadavres  étoient 
aufH  fréquens  dans  le  reftc  de  la  campagne 
des  environs  de  Cufly. 

Les  Romains  enterrés  au  pie  de  la  co/o/z/ze, 
du  temps  d'Anronin  le  pieux ,  marquent 
ièulementl'ufage  où  étoit  ce  peuple  de  fe  faire 
enterrer  auprès  des  monumens  érigés  en 
l'honneur  de  leur  république.  On  ne  fau  - 
roit  attribuer  cet  édifice  aux  Gaulois ,  ils  y 
auroient  mêlé  quelques-unes  de  leurs  divini- 
tés 5  quant  aux  médailles  d' Antonin  le  pieux , 
on  ne  peut  en  tirer  aucune  conféquencepour 
le  temps  auquel  a  été  élevée  la  colonne ,  puif- 
qu'on  trouve  dans  le  même  lieu  des  médail- 
les de  fes  prédécefleurs  &  de  fes  fuccefleurs  : 
M.  Thomaffin  en  avoir  d' Augufte  &  d'A- 
drien ,  trouvées  dans  un  endroit  peu  éloigné 
de  la  Colonne. 

Le  même  auteur  applique  les  figures  fym- 
boliques  de  ce  monument  à  la  vidoire  de 
Céfar  j  il  prétend  que  l'augure  qui  fuit  Mi- 
nerve ,  Junon  Se  Jupiter ,  marque  un  vœu 


COL  53^ 

fait  à  CCS  trois  divinités  pour  Leur  offrir  des 
facrifices ,  en  reconnoilîknce  de  la  vidoire 
qu'il  en  efpéroiil  que  Bacchus  qui  fuit  l'au- 
gure annonce  qu'elle  a  été  remportée  dans 
un  pays  de  vignoble  5  que  la  nymphe  qui 
tient  un  gouvernail ,  marque  que  c'eft  après 
le paflage  delà  Saône  ;  PHercule  défigneCé- 
fir  &  fa  valeur  ;  de  le  captif  prouve  la  dé- 
faite entière  d'un  peuple  en  cet  endroit-là , 
&c.  ùc. 

M.  Moreau  de  Mautour  ,  favant  anti- 
quaire de  Pacadémie  des  infcriptions ,  né  à 
Beaune  ,  donna  vers  le  même  temps ,  une 
diflértation ,  imprimée  au  mercure  de  juin 
IJ16 ,  dans  laquelle  il  prend  aulïl  Xz  colonne 
de  Cujfy  pour  un  trophée  militaire  ,  mais  il 
interprète  différemment  les  fymboles  ;  il 
prend  le  captif  pour  Saturne ,  enchaîné  par 
fon  père;  Bacchus  pour  le  chafTeur  Adonis; 
la  nymphe  pour  une  Vénus  marine,  é'c.  &c. 

Et  comme  il  avoit  vu  plufieurs  médailles 
du  bas-empire ,  trouvées  aux  environs  de  la 
colonne ,  qui  repréfenroient  Gallien ,  Claude 
le  gothique  &  Tetricus ,  il  penfc  que  ce 
monument  a  été  élevé  en  l'honneur  de  la 
vidoire  remportée  par  Tetricus ,  l'an  167  , 
fur  les  troupes  du  parti  de  Claude  ,  après 
laquelle  Tetricus  s'empara  d'Autun ,  dont  il 
avoit  formé  le  fiege  ,  qui  dura  fept  mois  , 
félon  Eumenes. 

L'antiquaire  parle,  danscettedilîertation, 
des  recherches  de  M.  Parifot  de  Crugey  , 
faites  fous  la  colonne  en  1 70  5  ,  &  rapporte 
au  {fi  une  autre  fouille  ajitérieure ,  faite  en 
1700  par  M.  Joly  ,  feigneur  d'Ecutigny  ,  & 
M.  Moreîet ,  qui  trouvèrent  beaucoup  d'of^ 
femens  ,  de  médailles  ,  6c  des  figures  de 
bronze  de  quatorze  pouces  de  hauteur  ,  que 
le  favant  académicien  croit  être  des  dieux 
Lares. 

L'hiftorien  de  Beaune  qui  parle  de  cette 
fouille ,  faite  en  1 700  par  M  AI.  Morelet  & 
d'Ecutigny ,  dit  qu'elle  fut  faite  au  midi  de 
la  colonne  ,  &  qu'on  trouva  à  trois  pies  en 
terre  lîx  petites ftatues de  pierre  blanche,  au 
cou  defquelles  pendoit  le  fymbole  de  Priape , 
avec  quelques  médailles  du  bas  empire  ;  ces 
ftatues  font-elles  les  mêmes  que  celles  que  M. 
de  Mautour  prenoit  pour  des  dieux  Lares  ? 

Les  médailles  du  bas-empire ,  trouvéesaux 
environs  de  la  colonne  ,  ont  donné  lieu  à 
quelques  antiquaires  de  fixer  Téredion  de  ce 


534  C  O  t 

monument  fur  la  fin  du  troifieme  /îecîe.  On 
voit ,  par  une  note  manufcrite  de  M.  le  pré- 
/îdent  Bouhier,  que  M.  pfigenbach ,  favant 
profefîeur  à  Zurich ,  lui  écrivit ,  le  premier 
îcptembre  1723,  qu^ilcroyoitquelaco/o/z/ze 
de  Cujfy  avoitété  érigée  pour  monument  de 
la  vidtoire  remportée  par  Maximien  Hercu- 
les fur  les  Bagaudes. 

Maison  a  déjà  remarqué  qu'on  y  trouve 
également  des  médailles  des  premiers  empe- 
reurs ,  6c  que  l'ouvrage  de  la  colonne  eft  des 
plus  beaux  jours  de  Rome  -,  M.  ThomafTin 
allure  même  que  la  beauté  des  figures  ne 
permet  pas  d'en  retarder  l'érection  plus  bas 
que  Tibère  j  c'eft  auiTi  le  fentiment  de  M. 
Halée  Gandelot  y  qui  vient  de  donner  la 
nouvelle  hijioire  de  Beaune  ;  il  croit  que  cette 
colonne  a  été  élevée  par  Augufte ,  en  mé- 
moire de  la  célèbre  vidoire  remportée  fur 
les  Suiflès  par  Céfar ,  (on  père  adoptif  ;  &c  il 
ajoute  que  la  médaille  qui  en  fixe  l'époque 
doit  fe  trouver  entre  la  première  &  la  féconde 
pierre  de  l'édifice. 

Ce  fentiment  doit  acquérir  d''autant  plus 
de  créance  ,  que  c'étoit  celui  du  grand  Sau- 
maife  &  de  MM.  Tifferand  6c  Thomaflin 
qui  «voient  examiné  la  colonne  avec  loin. 
La  dilfertation  que  M.  Pafumot  doit  bien- 
tôt faire  paroître ,  fur  un  monument  qu'il  a 
étudié  pendant  plufieursannécs,  lèvera  tou- 
tes nos  incertitudes.  (M.  Beguilzet. ) 

Colonne  ,  en  terme  millitnire,  eft  un  corps 
de  troupes  rangé  fur  beaucoup  de  hauteur 
&  peu  de  front ,  qui  marche  d'un  même 
mouvement  ,  en  lailïant  aflèz  d'intervalle 
entre  les  rangs  &  les  files  pour  éviter  la  con- 
fufion. 

Une  armée  marche  fur  une ,  deux ,  trois , 
ou  un  plus  grand  nombre  de  colonnes ,  fui- 
vant  la  nature  du  terrain  ,  &  le  but  que  le 
général  fè  propoie. 

Il  ne  convient  point  à  une  armée  de  mar- 
cher en  bataille ,  hors  le  moment  d'un  com- 
bat ,  quand  même  ,  ce  qui  eft  fort  rare ,  le 
terrain  le  permettroit  ;  fouvent  même  la 
marche  ne  fe  fait  point  en  avant  de  l'armée  : 
il  eft  donc  nécelTaire  de  rompre  l'armée 
pour  faire  pafl'er  les  troupes  les  unes  après 
les  autres.  Comme  il  y  en  a  un  grand  nom- 
bre ,  ce  ne  feroit  pas  aflez  ii  on  ne  la  rom- 
poit  que  pour  faire  pafler  toutes  les  troupes 
dans  un  même  endroit  j  il;  faut ,  pour  la 


COL 

facilité  de  la  marche ,  divifer  l'armée  en  plu- 
fîeurs  portions  ou  parties,  qui  prennent  des 
chemins  différens  pour  aller  le  rallèmbler 
au  lieu  où  l'on  a  réfolu  de  le  faire  ,  l'exé- 
cution de  cette  manœuvre  s'appelle  meurt 
l'armée  en  colonnes. 

La  méthode  de  bien  diftribuer  une  ar- 
mée fur  un  nombre  de  colonnes  convenable  , 
tant  par  rapport  à  l'armée  conlîdérée  en 
elle-même ,  que  par  rapport  au  pays  qu'elle 
a  à  traverfer,  eft  un  objet  des  plus  coniidé- 
rables  &  des  plus  importans,  qui  mérite  toute 
l'attention  ^es  plus  habiles  généraux.  Ceux 
qui  voudront  voir  ce  que  l'on  a  de  meilleur 
fur  ce  fujet ,  pourront  confulter  Vart  de  la. 
guerre  &  par  règles  &  par  principes  de  feu 
M.  le  maréchal  de  Puyfegur ,  imprimé  chez 
Jombert  à  Paris  en  1748. 

La  colonne  eft  encore  un  corps  d'infante- 
rie ferré  &  fupprellé ,  c'eft-à-dire  un  corps 
rangé  fur  un  quarré  long  ,  dont  le  front  eft 
beaucoup  moindre  que  la  hauteur,  qui  n'eft 
pas  moins  redoutable  par  la  pefanteur  de 
(on  choc ,  que  par  la  force  avec  laquelle  il 
perce  de  réhfte  également  par-tout ,  &  con- 
tre toutes  fortes  d'efforts.  Les  rangs  &  les 
files  doivent  être  tellement  ferrés  &  conden- 
fés ,  que  les  foldats  ne  confervent  qu'autant 
d'efpace  qu'il  leur  en  faut  pour  marcher  & 
fe  fervir  de  leurs  armes. 

Cette  colonne  eft  celle  de  M.  le  cheva- 
her  de  Folard  ,  &  c'eft  fa  propre  définition 
ou  defcription  qu'on  vient  de  donner.  Elle 
eft  compofée  de  plufîeurs  bataillons  à  la 
queue  les  uns  des  autres  ,  depuis  un  batail- 
lon jufqu'à  fîx  ,  fur  plus  ou  moins  de  files 
&  de  rangs  ,  félon  la  fit  nation  du  pays  où 
l'on  fe  trouve  obHgé  d'agir  &  de  combattre.. 
On  a  prétendu  qu'à  la  bataille  de  Fontenoy , 
gagnée  par  Louis  XV  en  perfonne  le  1 1 
mai  1745  y  l^s  Anglois  avoient  combattu 
en  colonne  ;  mais  on  fait  que  leur  colonne 
s'étoit  trouvée  formée  fans  deflein ,  plufîeurs 
de  leurs  bataillons  voulant  éviter  le  feu  des 
François  qui  les  prenoit  en  flanc  ,  fe  pofte- 
rent ,  pour  l'éviter  ,  les  uns  derrière  les  au- 
tres ;  ce  qui  forma  ainfi  la  colonne  de  M.  de 
Folard.  Au  refte  les  plus  habiles  militaires 
conviennent  que  cette  colonne  eft  excellente 
dans  plufieurs  cas ,  mais  qu'on  ne  doit  pas  la 
regarder  comme  devant  être  employée  in- 
différemment dans  toutes  fortes  d'attaques. 


<^ 


COL 

ployer  te  traité  de  la  colonne  du  chevalier  de 
Folard ,  tome  I,  defon  comment,  fur  Polybe , 
Se  le  livre  'mût\Aé  fentiment  d'un  homme  de 
guerre  fur  le  nouveau  fyjîéme  du  chevalier  dit 
f  olard  ,  par  rapport  à  la  colonne  ,  Sec.  (  Q  ) 

Colonne  Militaire  ,  écoit  chez  les  ro- 
mains une  colonne  fur  laquelle  étoit  gravé  le 
dénombrement  des  troupes  d'une  armée  ro  - 
maine  par  légions  ,  félon  leur  rang.,  Koye^ 
Colonne.  (Q) 

Colonne  ,  Marcher  en  colonne  , 
(  Marine  )  c^eft  lorfqu'uue  armée  navale 
marche  fur  deux  ou  trois  lignes  ,  &  que 
les  vaiilèaux  de  chaque  ligne  fe  fuivent  les 
uns  derrière  les  autres.  Voye:^  Ordre  de 

JMARCHE.  (Z) 

Colonne,  f.  f.  columna  ,  œ ,  {terme  de 
hlafon.  )  meuble  qui  repréfcnte  une  colonne 
d'archite6ture  ;  la  colonne  efi:  toujours  de  pro- 
porticHi  tofcane  dans  les  armoiries ,  c'eft-à- 
dire  qu'elle  a  fept  diamètres  de  hauteur  ;  on 
ta  poie  fur  un  louballement  ou  fbcle  d'un 
diamètre ,  ce  qui  lui  donne  en  totalhuir  dia- 
mètres de  haut.. 

On,  ne  nomme  point  le  chapiteau  ,  la 
bafe ,  ni  lefocle ,  que  lorfqu'il  fièitrouved'un 
autre  émail  que  le  fuft. 

La  colonne  cft  l'hiéroglyphe  de  la  folidité 
&  de  la  fermeté.  Dans  les  édifices ,  elle  an- 
nonce la  magnificence ,  étant  proportionnée 
fuivant  les  préceptesMe  l'art.  ^ 

Colonne  d'Ornano  à  Aubenas  en  Vîva- 
rais;  de  gueules  ^  aune  colonne  d'argent ,  une 
couronne  d'or  antique  poféefur  le  chapiteau. 

Le  nom  &  les  armes  de  Colonne  vien- 
uenr ,  félon  la  tradition ,  de  ce  que  l'un  de 
leurs  ancêtrps  apporta  à  Rome  la  fainte  co- 
illb/z/iede  la  Judée. 

De  Lionne  de  Clevefon  en  Dauphiné  >  de 
gueules  ,àla  colonne  d'argent ,  le  chapiteau ,  i.a 
bafe  &  lefocle  d'or.  (  G.D.  L.T.)        N 

Colonnes  du  Chatelet,  (Jîirifpr.) 
ne  font  autre  choie  que  des  diviiions  ou  dif- 
tributionsque  l'on  fait  de  cinquante-fix  con- 
ieillersau  châtelet  de  Paris  en  pluiieurs  fer- 
vices  difïerens  ,  que  chaque  colonne  ou  divi- 
fion  remplit  alternativement.  Se.  fucceilive- 
ment  de  mois  en  mois.. 

Ce  terme  de  cohnnesvltnx.  {ans  doute  de 
œ  ç[ue  le. tableau  o.u.  lifte  qui  marque  cet 


COL  J3J 

arrangement  eft  divifé  en  autant  de  colonnes 
qu'il  y  a  de  fervices  différens. 

La  diftind:ion  de  ces  colonnes  eft  fort  an- 
cienne 5  mais  elle  n'a  pas  toujours  été  faite  de 
la  même  manière  :  pour  mieux  faire  entendre 
les  changemens  qu'il  y  a  eu  à  cet  égard  ,  il 
faut  expliquer  féparément  d'abord  la  diftinc- 
tion  des  différens  fervices ,  enfuite  le  nom- 
bre des  confeillers  qui  y  eft  employé,  &  en- 
fin la  durée  de  chaque  fervice. 

Premièrement  pour  ce  qui  eft  de  la  diffé- 
rence des  fervices  ,  anciennement  il  n'y  en 
avoir  que  deux  au  châtelet ,  favoir  le  civil- 
Se  le  criminel., 

La  confervation  des  privilèges  royaux  de 
Puniverfîté  qui  avoit  été  démembrée  du: 
châtelet  5  y  fut  réunie^ar  édin  de  15.16  ,. 
regiftré  au  parlement  en  1 5  5.2  :  mais  non- 
obftant  cette  réunion  ,  Se  quoique  les  juges, 
de  la  confervation  fuflent  transférés  au  châ- 
telet ,  ils  continuèrent  à  connoître  feuls  des; 
caufes  de  l'univerlité ,  &les  juges  de  la  pré- 
voté continuèrent  à  connoître  feuls  des  ma- 
tières de  la  prévoté  i  ce  ne  fut  qu'en  1543 
qu'on  ordonna  le  mélange  des  confeillers 
des  deux  iieges ,  Se  qu'à  cet  eftet  ils  feroient 
tous  infcrits  dans  un.même  tableau  paror-- 
dre  de  réception; 

Au  moyen  de  ce  mélange  il  y  eut  alors, 
trois  fervices  au  châtelet;  favoir  celui  de  la 
prévôté  pour  le  civil  ordinaire  ,  celui  de  la 
confervation  pour  les  caufesdel'univeriité. 
Se  le  fervice  de  la  chambre  criminelle. 

Les  chofes  demeurèrent  en  cet  état  j  u  fq  u^'à 
rétabliflèmentdespréfidiaux.en  15  5,1  ;  alors 
le  châtelet.  étant  érigé  en  préfidial ,  il  coiir 
tinua  d'y  avoir  trois  feivices,  celui  du  pré- 
fidial  ayant  pris  la  place  de.  celui  de  la  conr 
fervation  qui  fut  fupprimé  rSe  il  eft  à  pré- 
fumer que  la  chambre,  du  confeil  fut  alops. 
étabhe ,  Se  forma  un  quatrième  fervice  pour 
juger  ;  comme  il  paroît  par  une  délibération^ 
de  1678  ,  qui  porte  que  fuivant  ràncieiii 
ufàge  ,  les  confeillers  demeureront  divifés  em 
quatre  colonnes. 

Au  mois  d'avril  i6ij  y.  if  y  eut  un  édir 
portant  augmentation  de  quelques  officiers; 
en  chaque  préfidial ,  pour  être  avec  les  an*-- 
ciens  divifés  en  deux  fervices  femeftres;  ^: 
fuivant  un  autre  édit  du  mois  de  février 
1643 ,  onavoitcréé  plufîeurs  nouveaux  of- 
ficiers au  châcelerde  Paris ,  gouL  avec.  les. 


53(^  COL 

anciens  former  deux  femeftrcs  ;  mais  ces 
deux  édits  ne  furent  point  vérifiés. 

En  1 674  le  chârelet  fut  divifé  en  deux 
fieges  ,  fous  le  nom  à'ancien  &  de  nouveau 
châtelet  :  on  obferva  dans  chaque  tribunal 
la  diftindion  des  quatre  fervices;  les  affaires 
de  rapport  ,  tant  de  la  prévoté  &  du  pré- 
(idial ,  que  de  la  police  ,  ce  qui  vraiièmbla- 
blement  n  avoit  point  encore  eu  beu  ;  le  fer- 
vice^  civil  de  la  prévôté  ayant  pu  ,  avant 
1153,)  uger  tes  affaires  d-*audicnce  &  de  rap- 
port de  la  prévoté ,  comme  celui  de  la  con- 
/èrvation  depuis  1543  pouvoit  juger  les 
affaires  d'audience  &  de  rapport  de  la  con- 
fervation  ,  en  fuppofant  que  ce  fut  à  des 
jours  différens  omà  des  heures  différentes  j 
&  les  deux  châtelets  ayant  été  réunis  en 
1 684 ,  leshuit  fervices  furent  réduits  à  qua- 
tre ,  comme  ils  étoient  avant  la  divifion  du 
châtelet  ;  6c  tel  eft  encore  le  dernier  état  con- 
firmé par  Pédit  du  mois  de  janvier  1685. 

2°.  Pour  le  nombre  des  conseils  employés 
à  chaque  fervice,  il  a  dû  néceflairement  va- 
rier à  proportion  que  le  nombre  total  des 
confeillers  a  été  augmenté. 

On  ignore  de  quelle  manière  les  confeil- 
lers étoient  diftribucs  ,  du  temps  qu'il  n'y 
avoit  que  le  fervice  du  civil  &;.du  criminel^ 
il  y  a  néanmoins  apparence  qu'ils  étoient 
diftribués  également  pour  ces  deux  fervices. 
Quand  la  confervation  eut  été  réunie  à  la 
prévôté  ,  &  que  l'on  eut  fait  le  mélange  des 
confeillers  des  deux  fieges ,  ce  qui  n'arriva , 
comme  on  l'a  déjà  dit ,  qu'en  1 543  ,  il  n^y 
avoit  plus  qi*  vingt  confeillers  ,  dont  dix 
fervoient  à  la  prévoté ,  &  dix  à  la  conferva- 
tion ;  on  en  prenoit  alternativement  un  cer- 
tain nombre  de  ceux  qui  fervoient  à  la  pré- 
vôté ,  &  enfuite  de  ceux  de  la  confervation , 
pour  faire  le  fervice  du  criminel. 

Le  nombre  des  confeillers  n'étant  plus  que 
de  dix -neuf ,  lorfque  le  châtelet  fut  érige  en 
préiîdial  en  i  j  5 1 ,  on  en  ajouta  ^lors  cinq , 
pour  faire  le  nombre  de  vingt-quatre  porté 
par  l'édit  ,  dont  il  y  en  avoit  quatre  feule- 
ment pour  le  fervice  du  criminel ,  &  les 
vingt  autres  étoient  diftribués  pour  les  trois 
autres  fervices  :  ils  avoient  néanmoins  la 
liberté  d'alTîfter  &c  d'opiner  au  criminel.  Il 
y  a  apparence  que  de  ces  vingt  confeillers 
m  fervoient  à  laudience  de  la  prévoté ,  fix 


CO  L 

à  celle  du  préfidial ,  &c  les  huit  autres  en  k 
chambre  du  conleil. 

Il  fut  arrêté  en  1668  qu'il  y  auroit  à  l'a- 
venir huit  confeillers  au  criminel  :  il  y  avoit 
alors  en  tout  trente-quatre  confeillers. 

En  1 67 1  on  arrêta  qu'il  y  en  auroit  pareil 
nombre  de  huit  à  ^audience ,  ce  qui  (e  doit 
entendre  du  parc  civil  &  autant  pour  le  pré- 
fidial ,  ôc  que  le  furplus  des  conseillers  qui 
n^étoient  point  de  fervice  à  l'audience  ni  au 
criminel ,  lerviroit  es  chambres  du  confeil 
ôc  de  la  police.  Il  n'y  avoit  toujours  que 
trente-quatre  confeillers  ;  ainfî  il  y  en  avoit 
dix  à  la  chambre  du  confeil ,  de  huit  pour 
chacun  des  trois  autres  fervices. 

il  eft  bon  de  remarquer  à  cette  occafion 
que  la  chambre  de  la  police  n'a  jamais  formé 
une  Cvlunae  particulière  pour  les  confeillers , 
mais  qu^ils  rapportent  en  la  chambre  du 
confeil  toutes  les  affaires  criminelles  qui  font 
du  rellort  de  la  police. 

Le  nouveau  châtelet  qui  fut  établi  en  1 674 
étant  compofé  du  même  nombre  d^ofïiciers 
que  Tancien  ,  &  les  fervices  divifés  de  mê- 
me dans  les  deux  fieges,  il  y  a  lieu  de  croire 
aufli  que  le  nombre  de  confeillers  employé  à 
chaque  fervice  étoit  aufli  le  même  dans  les 
deux  fieges ,  fi  ce  n^eft  que  la  chambre  du 
conleil  de  chaque  fîège  devoir  être  compoféc 
de  onze  confeillers  ,  attendu  qu'ils  étoient 

Éors  en  touttrenie-cinq. 
;  En  1 678  il  fut  arrêté  dans  l'un  des  deux 
châtelets ,  qu'au  heu  de  huit  confeillers  au 
criminel  il  y  en  auroit  dix,  &c  que  les  deux 
d'augmentation  feroient  pris  de  la  chambre 
du  confeil  j  ce  qui  dut  néceflàirement  ré- 
duire le  fervice  de  la  chambre  du  confeil  de 
OHze  à  neuf:  ainfi  de  trente-cinq  confeillers 
il  y  en  avoit  huit  à  Paudience  du  parc  civil , 
huit  à  celle  du  préfidial ,  dix  au  criminel , 
&  neuf  à  la  chambre  du  confeil. 

il  y  a  lieu  de  croire  que  le  même  arrange- 
ment fut  (ibfervé  dans  l'autre  châtelet. 

Depuis  la  réunion  du  nouveau  châtelet 
à  l'ancien  ,  faite  en  1684  ,  le  nombre  des 
confeillers  ayant  été  réduit  de  foixante  &  dix 
à  cinquante-fix  ,  chacune  des  quatre  co/0/2- 
nes  ou  fervices  a  été  fixée  à  quatorze  con- 
feillers ,  fuivant  l'édit  du  mois  de  jan- 
vier 1685. 

3°.  Quant  à  la  durée  du  temps  pendant 
le<juel  les  confeillers  font  employés  à  chaque 

fervice 


COL 

/èrvice ,  il  efl:  à  préfumer  qu'au  commence- 
ment, lorfqu'il  n'y  avoit  que  le  civil  ôc  le 
criminel,  les  conieillers  iervoient  tour-à- 
cour  ,  de  mois  en  mois. 

Lorfque  la  confervation  fut  réunie  au 
châtelet ,  les  confeillers  fervoicnt  un  an  en  la 
prévoté,  ôc  Pannée  fuivante  à  la  confer- 
vation ;  de  l'on  prenoit  alternativement  un 
certain  nombre  de  conieillers  de  la  prévôté 
ôc  enfuite  de  la  confervation ,  pour  faire 
de  mois  en  mois  le  fervice  du  criminel. 

Depuis  1 55 1  le  fervice  de  la  chambre  cri- 
minelle fut  fixé  à  deux  mois  ;  les  trois  autres 
fervices  étoient  probablement  de  même 
durée. 

En  1 668  le  fervice  criminel  fut  fixé  à  trois 
mois}  ce  qui  fait  encore  juger  que  les  autres 
fervicesétoientauffi chacun  de  trois  mois. 

Mais  en  1678  on  remit  le  fervice  criminel 
à  deux  mois,  pour  être  fait  alternativement 
par  les  quatre  colonnes  ;  ôc  il  fut  arrêté  que 
les  trois  colonnes  qui  ne  leroient  point  de  fer- 
vice au  criminel,  ferviroient  par  iemaine  à 
l'audience  auffi  fuccefïivement  l'une  à  l'autre. 

A  l'égard  de  la  chambre  du  confeil  ,  il  y 
a  apparence  que  le  fervice  s'en  f  lifoit  alors  par 
femaine  alternativement  par  chacune  des  co- 
lonnes qui  n'étoient  pas  de  fervice  au  criminel. 

Il  efl  auflî  à  préfumer  que  Ton  obfervoit 
alors  la  même  chofè  dans  le  nouveau  châte- 
let pour  la  durée  des  fervices. 

Enfin  Pédit  de  1685  qui  confirme  la  divi- 
Cion  des  confeillers  en  quatre  colonnes ,  or- 
donne qu'elles  ferviront  le  premier  mois  à  la 
prévôté  ,  le  fécond  au  préfidial ,  le  troifîe- 
me  à  la  chambre  du  confeil ,  ôc  le  quatrième 
à  la  chambre  criminelle. 

Enfinl'édit  de  1685  qui  confirme  la  ^vi- 
fion  des  confeillers  en  quatre  colonnes, 
ordonne  qu^elles  ferviront  le  premier  mois  à 
la  prévôté,  le  fécond  au  préfidial,  le  troifieme 
à  la  chambre  du  confeil ,  le  quatrième  à  la 
chambre  criminelle. 

Suivant  ce  même  édit  l'arrangement  des 
colonnes  fe  fait  félon  l'ordre  de  réception  ; 
cnforte  que  le  premier  de  la  lifte  efl:  le  doyen 
de  la  première  colonne;  le  fécond  efl:  le 
doyen  de  la  féconde  colonne  ;  le  troifieme 
î'efl:  de  la  troifieme  i  &  le  quatrième  Tefl;  de 
la  quatrième  colonne;  le  cinquième  efl  le 
fécond  de  la  première  colonne  ,  ôc  ainiî  des 
«utres.  J 

Tome  VIIL 


Quand  il  arrive  une  mutation  par  le 
décès  d'un  confeiiler ,  ou  que  l'un  d'eux  eft 
reçu  dans  un  autre  office  ,  ou  qu'ayant 
vendu  fa  charge  le  nouveau  titulaire  a  obtenu 
fur  fes  provifions  une  ordonnance  de  foit 
montré;  alors  tous  ceux  qui  fout  poflérieurs 
en  réception  à  celui  qui  opère  la  mutation  , 
changent  de  colonne ,  ôc  vont  de  la  pre- 
mière à  la  quatrième ,  de  la  féconde  à  la 
première,  de  la  troifieme  à  la  féconde ,  ÔC 
de  la  quatrième  à  la  troifieme. 

Ces  quatre  colonnes  ou  fervices  (è  réunif- 
fent  dans  les  occafions ,  foit  pour  les  affaires 
de  la  compagnie  ,  réception  d'officierj , 
ou  autres  matières  importantes  ;  ôc  alors 
l'afîèmblée  le  tient  dans  la  chambre  du 
confeil. 

Colonnes  charnues,  en  terme  d'Ana- 
tomie ,  appellées  quelquefois  lacenuU  ôc  co- 
lumncscordisy  font  plufieurs  petits  mufcles 
des  ventricules  du  cœur  qui  font  comme 
détachés  de  leurs  parois ,  Ôc  joints  par  des 
extrémités  tendineufes  aux  valvules  du  cœur. 
?^oje^  CœuR. 

Ces  petites  colonnes  ou  piliers  étant  atta^ 
chés  d'un  côté  aux  parois  du  cœ-ur ,  ÔC  de 
l'autre  aux  valrulestricufpides  ôc  mitrales,  fe 
raccourci ffent  dans  la  fy fiole  du  cœur,  pouf^ 
fènt  les  valvules  ,  ôc  ferment  par  ce  moyen 
non  feulement  les  orifices  des  veines ,  mais 
encore  les  ventricules  dans  leur  fyflole.  V, 
Systole,  Diastole,   &  Circulation. 

Colonne  ,  (  Hydraulique.  )  On  dillingue 
dans  rhydraulique  deux  fortes  de  colonnes  , 
la  co/o/z/ze  d'air  ôc  celle  de  l'eau. 

La  colonne  d'air  efl  l'air  même  qui  entoure 
une  fontaine;  c'efl:  l'atmofphere  qui  nous 
environne  jufqu'à  la  plus  haute  région  de 
l'air.  Le  poids  de  cette  atmofphere  efl:  égal  à 
une  co/o/z^e d'eau  de  bafe  égale  ,  ôc  de  trente- 
deux  pies  de  haut ,  ou  à  une  colonne  de  mer- 
cure de  vingt-huit  pouces  de  haut  ôc  de 
même  bafe,  ce  que  l'on  connoit  par  le 
baromètre. 

Une  colonne  d'eau  efl  le  contenu  d'un 
tuyau  qui  monte  l'eau  d'une  rivière  ou  d'un 
puits  dans  un  réfèrvoir ,  par  le  moyen  d'une 
machine  hydraulique  :  c'eft  de  même  le 
volume  d'eau  du  tuyau  qui  defcend  d'un 
réfèrvoir ,  ôc  qui  à  la  fortie  de  l'ajutage 
tend  à  regagner  la  hauteur  dont  il  eft  parti , 

Yyy 


538  COL 

en  farmant  un  jet  d'eau  :  ce  même  jet  d'eau 
cft  une  véritable  colonne  d^eau  qui  réfifte  à  la 
colonne  d'air  dont  il  cft  environné.  Voye{^ 
Air.  6"  Atmosphère.  (  JC) 

*  COLOPHONE,  C  f.  (  Pharm.  ù  Arts 
méch/in.  )  préparation  de  térébenthine  qu'on 
a  fait  cuire  dans  de  l'eau  jufqu'à  ce  qu'elle  ait 
pris  la  confiftance  néceflaire. 

Cette  préparation  cft  d'ufage  en  médecine; 

l'oy^c;^  TÉRÉBENTHINE. 

Les  joueurs  d'inftrumens  à  cordes  de 
boyau  s'en  fervent  auiïî  pour  frotter  leurs 
archets ,  ou  ce  qui  en  fait  la  fondion  ;  l'en- 
duit de  colophane  dont  fe  chargent  les  crins 
de  l'archet ,  les  rend  âpres,  &  les  fait  prendre 
plus  fortement  fur  les  cordes  qui  en  devien- 
nent plus  fonores  fous  l'archet. 

Les  mufîciens  ont  leur  colophane  enfermée 
dans  une  petite  boîte  ;  quand  leur  archet , 
ou  ce  qui  tient  heu  d'archet,  a  befoin  d'être 
frotté ,  ils  ouvrent  la  boîte ,  &  le  paftent  for- 
tement à  plufieurs  allées  avenues  fur  la  colo- 
phone  qui  déborde  la  boîte. 

J'ai  dit  leur  archet  ou  ce  qui  en  tient  lieu , 
parce  que  les  joueurs  de  vielle  fe  fervent  de 
colophane  ainfi  que  les  joueurs  de  violon. 

COLOQUINTE  ,  f .  f .  (  Hiji.  nat.  Bot.  ) 
colocynthis  ,  genre  degplante  qui  diffère  des 
autres  cucurbitacées  en  ce  que  fes  feuilles 
font  profondément  découpées,  que  fon 
fruit  cft  amer ,  &  qu'il  n'eft  pas  bon  à  man- 
ger. Tournefort,  injiitut,  rei  herh.  Voye-^ 
Plante.  (J) 

La  plante  de  ce  genre  qui  s'appelle  colo- 
cynthis fruclus  ratundo  minor  ,  C.  B.  C.  B. 
T.  Tourn.  ùc.  coloquinte  à  fruit  rond ,  fe 
répand  fur  la  terre  par  des  franches  rudes  & 
cannelées.  Les  feuilles  naiflent  feules  ,  éloi- 
gnées les  unes  des  autres  ,  attachées  à  de 
longues  queues  ;  elles  font  rudes  ,  blan- 
châtres, velues  5  découpées  comme  les  feuil- 
les du  melon  d'eau  ,  mais  plus  petites.  Aux 
aiftèlles  de  ces  feuilles  naiftent  des  vrilles. 
Les  fleurs  font  jaunes,  évafëes  en  cloche, 
découpées  en  cinq  quartiers  :  les  unes  font 
ftériles ,  &  ne  portent  point  fur  un  embryon  ; 
les  autres  font  fécondes ,  foutenues  fur  un 
calice ,  &  un  embryon  qui  fe  change  enfuite 
en  un  fruit  d'une  couleur  herbacée  d'abord, 
&  jaunâtre  lorfqu'il  eft  parfaitement  mûr  , 
d'une  odeur  fort  défagréable  &  d'un  goût 
amer.  Ce  fruit  fous  une  écorce  mince , 


COL 

coriace ,  renferme  une  moelle  blanche  divî- 
fée  en  trois  parties ,  dont  chacune  contient 
deux  loges  dans  Icfquelles  fe  trouvent  de 
petites  graines  renfermant  une  amende  blan- 
che ,  huileufe  &.  douce. 

La  coloquinte  naît  dans  les  îles  de  PArchi- 
pel ,  fur  les  côtes  maritimes  de  POrient ,  & 
dans  les  deux  Indes  où  il  y  en  a  plufieurs  va- 
riétés. Ceux  qui  feroient  curieux  de  la  culti- 
ver dans  nos  climats ,  doivent  en  femer  les 
graines  dans  des  lits  chauds  de  terre  préparée, 
&:  en  diriger  la  culture  comme  celle  des  con- 
combres dont  on  veut  hâter  la  maturité. 
Par  M,  le  chevalier  de  J AU  court. 

Coloquinte.  (  Mat.  médic.  &  Pharm^^ 
La  coloquinte  eft  un  médicament  aufli  ancien 
que  la  médecine ,  très-connu  d'Hippocrate  , 
de  Diofcoride ,  de  Galien  ,  de  Pline  ,  des 
Grecs ,  &  enfin  des  Arabes.  C'eft  un  purgatif 
très-fort  &  très-violent.  Tous  les  médecins 
le  recommandent  pour  évacuer  les  humeurs 
épaiftes  &  vifqueufes ,  &:  fur-tout  la  pituite 
qu'ils  croient  que  la  coloquinte  tire  des  parties 
les  plus  éloignées  &  \t^  plus  cachées.  P.  Egi- 
nette  dit  que  la  coloquinte  wç.  purge  pas  tant 
le  fang  que  les  nerfs.  On  en  recommande 
l'ufage  dans  les  maladies  invétérées  &  opi- 
niâtres ,  que  Pagaric  &:  le  turbith  n'*ont  pu 
guérir  ;  dans  les  maladies  des  nerfs ,  des 
articulations ,  dans  les  obftrudions  des 
vifceres ,  dans  les  migraines  invétérées  , 
dans  l'apoplexie  ,  l'épilepfie ,  le  vertige  , 
l'afthme  ,  la  difficulté  derefpirer,  les  miala- 
dies  froides  des  articulations ,  les  douleurs 
de  la  fciatique  &  de  la  coHque  venteufej 
l'hydropifie  ,  la  leprc ,  la  gale  ;  &  enfin  dans 
tous  les  cas  où  il  faut  fe  tirer  d'un  danger 
par  un  autre,  dit  C.  HofFman  j  &il ajoute , 
d'après  Maflaria ,  que  nous  ne  guériflons 
jamais  les  grandes  maladies,  parce  que  nous 
nous  en  tenons  toujours  aux  adouciflàns, 
Geoffroy  ,  mat.  médic. 

On  ne  fauroit  trop  infifter  fur  Pimportance 
de  cette  dernière  réflexion ,  mais  elle  eft 
d'une  application  trop  étendue  ,  pour  que 
nous  devions  nous  y  arrêter  dans  cet  article 
particulier.  Voye^  Remède  Héroïque  , 
medicatio  heroïca  ,  fous  le  mot  HÉROÏQUE  ; 
voye:^  aujfi  Evacuant  &  Purgatif. 

Quelques  médecins,  fansdoutede  laclafte 
de  ceux  qui  négligent  de  s'inftruire  de  l'ac^ 
tion  des  remèdes  par  l'obfervation ,  ^  qui 


COL 

arrêtés  par  des  préjugés  invincibles  puifés 
dans  les  livres  des  théoriciens  ôc  dans  les 
écoles,  (e  croiroient  coupables  de  la  plus 
haute  témérité ,  s'ils  ofoient  éprouver  1  e- 
nergie  des  remèdes  de  cette  efpecc  :  des 
médecins  de  cette  claflè,  dis-je  ,  ont  voulu 
chafler  la  coloquinte  de  la  médecine  com- 
me un  poifon  des  plus  funeftes  •  mais  l'ex- 
périence &  l'autorité  des  praticiens  les  plus 
confommés  doit  ralTurer  contre  cette  vaine 
terreur  ;  il  ne  s'agit  que  de  l'appliquer  avec 
difcernement  dans  les  cas  convenables  ;  & 
CCS  cas  ne  (ont  pas  très-rares  dans  la  pra- 
tique de  la  médecine ,  comme  on  peut 
voir  par  l'énumération  des  maladies  con- 
tenues dans  le  partage  de  la  matière  mé- 
dicale de  M.  Geoffroy  ,  que  nous  venons  de 
rapporter. 

Au  refte ,  il  fufïit  pour  les  médecins  de 
fàvoir  que  la  coloquinte  eft  un  purgatif  très- 
violent  pour  fe  diriger  lagement  dans  Ton 
adminiftration ,  tant  par  rapport  aux  cas 
où  elle  convient,  que  par  rapport  à  Tes 
différentes  dofes  &  à  la  forme  fous  laquelle 
ils  la  doivent  prefcrire. 

La  déco6lion  de  coloquinte  Se  fbn  infu- 
iîon  dans  l'eau  ou  dans  le  vin ,  font  des 
purgatifs  efficaces ,  mais  moins  violens  que 
la  coloquinte  en  fubftance.  Au  refte  ,  il  eft 
très-peu  de  gens  pour  qui  la  grande  amer- 
tume de  ce  remède  foit  fupportable  ;  c'eft 
pourquoi  il  vaudroit  mieux  en  ce  cas  em- 
ployer l'extrait  de  coloquinte  fous  la  forme 
de  pilules. 

La  coloquinte ,  foit  en  fubftance ,  fbit  en 
extrait ,  eft  très-rarement  employée  feule;  on 
la  donne  le  plus  fouvent  mêlée  en  petite  dofe 
avec  les  autres  purgatifs. 

On  peut  établir  en  général  que  fous  cette 
dernière  forme  même,  on  ne  doit  guère 
la  donner  qu'aux  gens  robuftes ,  &  qui 
(ont  dans  la  fleur  de  leur  âge  :  il  faut 
s'abftenir  de  la  donner  aux  femmes  grof- 
(es  ;  car  on  prétend  qu'elle  eft  abfolument 
mortelle  pour  le  fœtus,  quand  même  on 
ne  l'emploiroit  qu'en  lavement  ou  en  fup- 
pofîtoire. 

L'ufage  de  la  coloquinte  n'a  que  très-rare- 
ment lieu  dans  les  maladies;  mais  Van- 
hclmont  la  regarde  comme  un  des  plus 
grands  remèdes  qu'on  puiftè  employer  dans 
les  maladies  chroniques  j  il  la  met  avec 


la  icammonee  a  la  tête  des  autres  purgatil^ , 
ôc  il  obferve  avec  raifbn  que  c'eft  à  ces  deux 
drogues  que  doivent  leurs  vertus  réelles  tou- 
tes les  préparatiom  officinales  purgatives, 
dont  l'ancienne  célébrité  fe  foutient  encore 
aujourd'hui  à  fi  jufte  titre,  que  ce  font  mê- 
me ces  deux  chefs  ,  nntefigaani  ,  qui  ont  fait 
un  nom  aux  laxatifs  doux,  comme  la  man- 
ne ,  la  cafte,  la  rhubarbe,  ùc.  V^oye^  Pur- 
gatifs. 

Les  anciens  5c  les  nouveaux  Grecs,  les 
Arabes ,  de  quelques-uns  de  nos  auteurs  de 
pharmacie  qui  font  venus  après  eux  ,  ont 
propofé  différentes  correcbions  de  la  colo^ 
quinte,  comme  de  la  faire  macérer  dans 
les  liqueurs  acides ,  alkahnes ,  fpiritueufes, 
&c.  Rivière  la  faifoit  macérer  dans  de  l'u- 
rine ;  mais  ces  efpeces  de  corredifs  qui 
châtrent  la  vertu  du  remède,  &  prefquc 
toujours  à  un  degré  indéterminé,  vont 
diredement  contre  le  but  qu'on  fe  propofe 
dans  l'adrniniftration  des  remèdes  violens , 
&  fourniflent  d'ailleurs  des  médicamenstou- 
jours infidèles.  Fb^e:^ Correctif. 

La  feule  correction  qui  foit  encore  en 
ufage  dans  nos  boutiques  ,  ôc  qui  ne  four- 
nit proprement  qu'un  moyen  pour  réduire 
en  poudre  la  coloquinte ,  qui  ,  fans  ce  fe- 
cours  ,  fcroic  très-difficile  à  pulvérifer  :  cette 
unique  corredion  ,  dis-je  ,  confifte  à  incor- 
porer la  pulpe  de  coloquinte  mondée  de  fcs 
femences  &  coupée  menu  avec  une  fuffi- 
fante  quantité  de  mucilage  de  gomme  adra- 
gant ,  à  faire  fécher  exadtement  la  maffe  qui 
en  réfulte ,  à  la  mettre  en  poudre  ,  à  incor- 
porer cette  poudre  une  féconde  fois  avec  de 
nouveau  mucilage  ,  à  faire  fécher  cette  nou- 
velle maflè  &  la  réduire  en  poudre  fine  ou 
pafféeau  tamis ,  qu'on  peut  garder  fouS  cette 
forme  dans  une  bouteille  exadement  bou- 
chée, ou  qu'on  peut  incorporer  avec  de 
nouveau  mucilage  de  gomme  adragantpour 
en  former  des  trochifques  (  voye^TB.  ochïs- 
QUEs  )  ,  connus  dans  l'art  fous  le  nom  de' 
trochifques  alhandal ,  du  nom  arabe  de  la 
Coloquinte, 

Il  n'eft  pas  inutile  d'obferver  qae  cetxe 
dernière  opération  eft  au  moins  fuperflue, 
&  qu'il  eft  plus  commode  pour  l'artifte ,  èc 
peut-être  plus  sûr  pour  le  malade,  que  cette 
préparation  foit  confervée  fous  la  forme  de 
poudre ,  puifqu'il  faudra  bien  pulvérifer  ié* 
Yyy  2 


540  COL 

petit  trochifque  pour  le  mêler  avec  Texci- 
pient  dans  lequel  il  fera  prefcric  ,  Se  qu'on 
ne  'peut  pas  iè  flatter  qu'il  foit  réduit  en 
poudre  auffi  fixe  par  la  pulvérilàtion  ex- 
temporanée  d'une  petite  madè  de  4  ou  j 
grains ,  que  parle  tamis  fin  employé  dans  la 
pulvérifation  officinale ,  &  que  par  confé- 
quent  le  trçchifque  pulvérifé  fera  diftribué 
moins  également  dans  deux  ou  trois  pilules , 
par  exernple ,  que  fi  on  employoit  une  pou- 
dre plus  fubtile. 

On  trouve  dans  le?  mémoires  de  Vacad. 
des  fciences ,  année  lyoî  ,  une  analyfe  de 
la  coloquinte  par  M.  Boulduc  le  per&  ,  qui 
procéda  à  cet  examen  par  la  voie  des 
menftrues  auflï-bien  que  par  celle  de  la 
diftillatioii. 

De  huit  onces  de  pulpe  de  coloquinte  il  a 
retiré  par  l'eau  trois  onces  d'extr.<it ,  que  cet 
auteur  appelle  extrait  gommeuçc  ^  félon  le  lan- 
gage ufité  dans  ce  temps-là  ;  &  de  la  même 
quantité  de  pulpe  ,  par  le  moyen  de  l'efprit- 
de-vin ,  une  demi-once  de  réfine,  qu'il  ap- 
pelle extrait  réfineux. 

Il  eft  à  remaïquer  que  refprit-de-vin  n'a 
pas  touché  à  la  pulpe  de  coloquinte  y  qui  a  voit 
très-long-temps  macéré  dans  de  l'eau  bouil- 
lante ,  &  qu'au  contraire  l'eau  appliquée  à 
cette  pulpe,  auparavant  macérée  dans  de 
l'efprit-de-vin ,  en  a  tiré  près  de  deux  onces 
d'extrait. 

Il  eft  clair  par  cette  analyfe  ,  que  l'eau 
peut  fe  charger  de  toutes  les  parties  folu- 
Bles  dans  Pefprit-dc-vin ,  &  que  ce  der- 
nier menftrue  au  contraire  n'attaque  que  les 
parties  de  la  coloquinte  qui  font  vraiment 
réfineufes. 

L'extrait  de  coloquinte  donné  à  la  dofe 
de  10  grains,  purge  allez  doucement,  fans 
violence  ,  fans  douleur  ,  &  en  même  temps 
très-copieufement  î  la  réfine  de  coloquinte 
au  contraire  purge  très-peu ,  excite  de  très- 
grandes  douleurs  dans  le  ventre;  aufli 
cft-elle  abfolument  exclue  de  l'ulàge  mé- 
dicinal. 

La  dofe  de  la  coloquinte  en  fubftance ,  ou 
plutôt  celle  des  trochifques  alhandal  ou  de  la 
poudre  que  nous  avons  recommandée  à  leur 
place  ,  eft  de 4  ou  5  grains jufqu'à  i  z  ou  i  y. 
Un  ou  deux  grains  de  ces  trochifques  réduits 
en  poudre  fine  ,  donnés  avec  un  abforbant 
leireux  pendaijt  dix  ou  douze  marins,  coa- 


C  O  L 

fécutifs ,   eft  un   remède    éprouvé  contre 
l'afthme. 

On  donnelaco/o^'/r/2/eendéco(5tion  pour 
un  lavement ,  à  la  dofe  d'un  gros  ou  de  deux 
dans  l'apoplexie  &  les  autres  a£fe6tions  fopo- 
reufès. 

La  pulpe  de  coloquinte  entre  dans  la  con- 
feârion  Hamech ,  les  pilules  de  Rudius , 
l  extrait  panchimagogue  de  CroUius ,  l'on- 
guent d'Arthanita.  Les  trochifques  alhan- 
dal entrent  dans  les  pilules  foctides ,  co- 
chées Se  de  fagapenum.  Outre  cela  il  y  a 
un  éleétuaire  qui  porte  le  nom  de  la  colo- 
quinte, &  qui  eft  connu  dans  les  bou- 
tiques fous  le  nom  de  hiera  diacolocyn" 
tkidos ,  dont  voici  la  compofition  :  ^  ftae- 
chas  arabique  ,  marrube  blanc ,  cLimae- 
dris ,  agaric  ,  coloquinte ,  de  chacun  dix 
gros  ;  opopanax  ,  fagapenum ,  femence  de 
perfil,  ariftoloche  ronde ,  poivre  blanc,  de 
chacun  cinq  gros  ;  canelle ,  fpicanard  5  myr- 
rhe, polium,  fafran ,  de  chacun  quatre  gros  ; 
miel  écume ,  trois  livres  :  faites  du  tout  un 
éleétuaire  félon  l'art. 

Cet  éleduaire  eft  un  puiflant  hydra- 
gogue  qu'on  peut  donner  dans  les  cas  où 
ces  remèdes  font  indiqués ,  depuis  deux 
gros  jufqu'à  une  once  par  la  bouche  ,  èc 
depuis  \  once  jufqu'à  une  once  &  I  en  lave- 
ment.* (h) 

COLOR  ,  f  m.  {Hijîoire  naturelle.^  Ich- 
thyologie.  )  poiflbn  des  îles  Moluques  ,  fort 
bien  gravé  &  enluminé  fous  ce  nom ,  &:  fous 
celui  de  color  foufounam  ,  par  Coyett ,  au  n°, 
106  >  de^  la  première  partie  de  fon  Recueil 
d'hijîoire  naturelle. 

Il  a  le  corps  elliptique ,  court ,  extrême- 
ment comprimé  par  les  côtés,  pointu  vers 
la  queue ,  arrondi  vers  la  tête  ,  couvert  de 
petites  écailles  ;  la  tête  ,  la  bouche  &  les 
yeux  petits. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fopr} 
favoir ,  deux  ventrales ,  petites ,  fous  le  milieu 
du  ventre ,  loin  derrière  les  pedorales ,  qui 
font  triangulaires  \  une  dorfale  triangulaire  , 
plus  longue  que  profonde .  à  rayons  anté- 
rieurs, plus  courts  ;  une  derrière  l'anus  ,  de 
même  forme  &  grandeur;  enfin  une  arron- 
die à  la  queue. 

La  moitié  antérieure  du  corps  eft  rouge  ,, 

avec  une  tache  bleue  fur  la  tête  ;  la  moitié  pof. 

,  téiieuie  noire  ,  à  q.U€LUC  rouge  i  les  nageoires 


COL 

pedorales  &:  ventrales  font  jaunes;  celle  du 
QOci  &  ce  '.e  de  lanus  font  bleues.  La  pru- 
nelle de  Toeil  eft  blanche,  entourée  d'un 
iris  jaune. 

Mœurs.  Le  coîor  ell:  commun  dans  la 
mer  d'Amboine  ,  autour  des  rochers. 

Remarques.  Ce  poilïon  forme ,  avec  ce- 
lui qu'on  nomme  ekor  dans  le  même  pays, 
un  genre  particulier ,  qui  fe  range  natu- 
rellement dans  la  famille  des  carpes,  où 
nous  l'avons  placé  dans  notre  Ichthyologie. 
{M.  AnANSON.) 

COLORATION  ,  f.  f.  COLORER  , 
(  Pharmaeie.  )  On  colore  ,  ea  pharmacie  , 
diiFérentes  préparations.  Toit  pour  leur  don- 
ner de  l'élégance ,  foit  pour  les  dcguifer 
ou  cacher  leur  compoiltionj  c'eft  dans  la 
première  vue  qu'on  colore  plufieurs  ratafias , 
6c  fur -tout  ceux  qu'on  ne  fauroit  avoir 
parfaitement  limpides  {voye-^  PvAtafia)  ; 
pluiieurs  remèdes  extérieurs ,  comme  huiles, 
onguens ,  &  fur-tout  ceux  qui  font  deftinés 
à  i'embeUiflèment  du  corps,  comme  la 
pommade  pour  les  lèvres  qu'ion  colore  avec 
Torcanette ,  la  poudre  dentrifique  qu'on 
colore  avec  la  cochenille  ou  le  carmin. 

Le  peu  de  cinnabre  qui  entre  dans  la 
poudre  tempérante  de  Stalh ,  &  dans  quel- 
ques autres  poudres  rougies  par  ce  minéral , 
ne  paroît  pas  avoir  été  employé  dans  leur 
compofition  dans  la  vue  d'en  augmenter 
la  vertu,  mais  plutôt  dans  celle  de  maf- 
quer  les  ingrédiens. 

C'eft  apparemment  parce  que  quelques 
médecins  ou  le  public  ont  imaginé  que 
l'huile  ou  l'onguent  rofat  devoit  avoir  la 
couleur  des  roies  avec  lefquelles  on  les  pré- 
pare, &  qu'il  a  été  facile  de  les  contenter 
à  cet  égard,  que  les  apothicaires  fe  font 
mis  dans  l'ufage  de  colorer  avec  l'orcanette 
ces  préparations  dans  lefquelles  il  ne  paflè 
prefque  rien  de  la  partie  colorante  des  rofes. 

La  coloration  des  matières  fèches ,  comme 
des  poudres,  fe  fait  pas  un  iimple  mélange; 
mais  celle  des  préparations  liquides  ou 
molles  (è  fait  par  la  diflblution  de  différentes 
parties  colorantes  ;  c'eft  aind  que  la  partie 
colorante  de  l'orcanette  foluble  dans  toutes 
les  fubftances  huileufès  parte  dans  l'onguent 
©u  dans  l'huile  rofat  dont  nous  venons  de 
parler  ;  que  la  fécule  ou  partie  colorante 
i^£ce  des  plantes  >  colore  ceitaius  emplâtxes 


COL  54.r 

&c  onguens ,  tels  que  l'emplâtre  de  ciguë, 
Ponguent  martiatum  ,  &c.    • 

La  coloration  fe  fait  au  (Il  quelquefois 
par  cette  adion  des  acides  &;  des  alkalis , 
par  laquelle  ils  exaltent  certaines  couleurs 
végétales ,  ou  les  changent  rnême  entière- 
ment ;  c'eft  ainii  qu'on  exalte  la  couleur 
de  la  conferve  de  rofes  rouges  par  quelques 
gouttes  d'acide  vitriolique ,  celle  de  Pinfa- 
iion  de  rhubarbe  par  l'addition,  d'une  très- 
petite  quantité  d'alkali  fixe  ;  qu'on  pourroit 
donner  un  julep  rouge  préparé  avec  le 
fyrop  de  violettes  rougi  par  deux  ou  trois- 
goutres  d'acide,  ùc.  {b) 

COLORBASIENS,  v.  Colarbasiens. 
_  COLORÉ  ,  adj.  {Jurifp.  )  fe  dit  d'un 
titre  qui  paroît  valable  ,  Ôc  qui  néanmoins 
par  l'événement  ne  l'eft  pas  ;  conîme  quand 
un  particulier  a  acquis  de  celui  qu'il  croyoit 
être  propriétaire ,  il  n'a  qu'un  titre  coloré  : 
mais  ce  titre,  joint  à  une  poflèfîion  de  dix 
ans  entre  préfens  &c  vingt  ans  entre  abfens , 
fuffit  pour  prefcrire.  Fbje:(^  Prescription: 

&"    TITRE.    (A)  . 

COLORER  ,  terme  de  Marqueterie  ù 
de  Menuijerie  de  placage  ;  c'eft  donner  de 
la  couleur  aux  pierres  &:  aux  bois  qu'on 
emploie  dans  ces  fortes  d'ouvrages ,  fuivant 
les  teintes  dont  l'ouvrier  a  befoin ,  ou  pour 
fes  clairs  ou  pour  Çts  ombres.  V.  Mar- 
queterie &  Pièces  D8  rapport.  Voyer 
aujfi  Vernis.  Diâ.  de  Trév. 

COLORIS ,  f.  m.  {Peinture.)  Le  terme 
coloris  eft  diftingué  du  mot  de  couleur  :  la. 
couleur  eft  ce  qui  rend  les  objets  fcnfîbles  à 
la  vue ,  6c  le  coloris  eft  l'art  d'imiter  les- 
couleurs  des  objets  naturels ,  relativement  à. 
leur  pofition.  Par  relativement  à  leur  pofition , 
j'entends  la  façon  dont  ils  font  frappés  par 
la  lumière ,  C(i  qu'ils  paroi  fient  perdre  ou 
acquérir  de  leur  couleur  locale ,  par  l'effet 
que  produit  fur  eux  l'aârion  de  l'air  qui  les 
entoure  6c  la  réflexion  des  corps  qui  les. 
environnent ,  6c  enfin ,  Péloignement  dans- 
lequel  ils  font  de  l'œil;  car  l'air  qui  eft  entre 
nous  ôc  les  objets ,  nous  les  fait  paroître' 
.  de  couleur  moins  entière  ,  à  proportion, 
-qu'ils  font  éloignés  de  nous.  Les  lumières. 
è>c  les  ombres  font  beaucoup  moins  fenfibles- 
'.dans les  objets  éloignes  que  dans  ceux  quï 

i  font  proches. 
I^  partie  du  c<il(;iris  qui  comprend  auJpGi 


541  COL 

celle  du  clair-obfcur ,  eft  une  des  plus  efleii- 
tielles  de  la  peinture ,  &c  d  autant  plus  re- 
commandable ,  qu'on  ne  peut  que  la  per- 
fedionner  par  l^écude ,  mais  non  l'acquérir, 
liiutilement  un  tableau  réuniroit-il  tout^es 
les  autres  parties  de  la  peinture ,  s'il  efl:  mé- 
diocrement colorié  il  ne  produira  jamais 
qu'un  médiocre  effet;  &c  quand  bien  les 
autres  parties  léroient  foibles ,  la  fédudion 
fera  toujours  infaillible  fi  le  coloris  y  efl: 
au  fouvcrain  degré.  V.  de  Piles  &  le  diâ. 
de  Peint. 

Quoique  le  terme  de  colorié  s'étende  fur 
tous  les  objets,  on  l'emploie  plus  générale- 
ment fur  les  carnations ,  par  la  raifbn  qu'é- 
tant plus  fenfible  que  toutes  les  autres  par- 
ties ,  on  diftingue  plus  aifément  les  teintes , 
les  demi-teintes,  le  travail  de  la  peau,  la 
fonte  du  pinceau,  enfin,  tout  ce  qu^exige 
cette  grande  partie  de  Tart.  Le  coloris  étoit 
comiu  &  pratiqué  avant  Homère;  r.  fa  dt(- 
cription  du  bouclier  d'Achille  :  on  y  voyoit, 
dit-il ,  un  laboureur  ;  le  coutre  de  la  charrue 
fendoit  la  terre ,  &  à  mefure  qu*il  avançoit, 
la  terre ,  de  jaune  qu'elle  étoit ,  fembloit  de- 
venir noire;  &  ailleurs  il  peint  une  vigne  d'or, 
dont  les  raifinsannonçoient  leur  maturité  par 
une  teinte  de  noir ,  5c  des  lions  qui  s'abreu- 
vent du  fang  noirâtre  d'un  taureau.  {R) 

C'eft  par  le  coloris qwt  la  peinture  fe  dif- 
tingue du  fimple  <lemn  &:  de  l'eftampe.  Si 
la  nature  n'avoit  qu'une  couleur  pour  tous 
les  objets ,  comme  la  gravure  en  taille 
douce ,  elle  lèroit  fans  doute  privée  d'une 
partie  confidérable  de  fa  beauté.  Il  y  a  dans 
les  couleurs  un  attrait  qui  fouvent  ne  le  cède 
guère  à  celui  qui  réfijltc  de  la  beauté  des 
formes.  Rien  dans  la  nature  inanimée  n'é- 
gale la  beauté  d'un  foleil  couchant ,  ou  le 
gracieux  d'une  aurore  riante.  Même  dans  la 
nature  animée  ,  les  charmes  des  couleurs 
qui  brillent  fur  le  vifage  d'une  belle  jeuiief- 
fe ,  ne  le  cèdent  point  aux  appas  de  la  figure. 
Tous  les  effets  qui  réfultent  des  formes,  font 
aufTi  produits  par  les  couleurs ,  &  peut-être 
avec  la  même  énergie.  La  pâleur  mortelle 
réveille  la  compaflîon  ;  &:  certaines  couleurs 
qui  révoltent  par  leur  désharmonic,  font 
très-capables  d'exciter  l'horreur. 

Ceux  qui  n'admirent  que  le  deiTîn ,  font 
peu  de  cas  du  coloris  ,  méconnoiflent  la 
beauté  qui  réfide  dans  les  couleurs,  ôc 


COL 

oublient  que  dans  les  ou  vrages  de  l'art ,  c'eft: 
l'illulion  qui  produit  le  plus  haut   degré 
d'énergie.  Or,  il  n'y  a  point  d'illufion  où 
la  vérité  n'efl  pas  parfaitement  repréfentée , 
&  par  conféquent  en  fait  d'objets  vilibles , 
la  j)erfcdion  du  coloris  eft  un  article  très- 
eflentiel  pour  atteindre  au  grand  but  de 
Tarr.  On  eft  frappé  à  la  vue  du  Laocoon  de 
marbre  :  cet  afpeâ:  excite  en  nous  divers 
fentimens  très-vifs.  Mais  que  ne  feroit-ce 
pas  fi  ce  grouppe  commençoit  à  s'animer  ? 
Si  nous  appcrcevions  la  pâleur  d'une  an- 
goiflè  mortelle  fur  le  vifage  &c  fur  toutes  les 
chairs,  les  traces  du  fang  fur  la  peau,  l'é- 
cume venim.eufe  du  ferpent,  collée  fur  le 
bandeau  du  malheureux  prêtre,  c'eft  alors 
feulement  que  l'impreflîon  feroit  à  fon  plus 
haut  degré,  &  qu'il  nous  fembleroit  enten- 
dre les  pénibles  accens  d'une  refpiration  fuf- 
foquée.  La  Niobé  de  marbre  excite  la  plus 
forte  compalTîon  ;  mais  qu'on  y  ajoute  le  co- 
loris  de  Teffroi,  des  yeux  hagards,  fixes  & 
mornes,  perfonne  ne  pourra  foutenir  l'afped 
d'un  pareil  tableau.  L'Apollon  du  Belvé- 
dère eft  aduellement  d'une  beauté  ravi  {fante; 
qu'on  conçoive  l'effet  qu'il  pourroit  pro- 
duire ,  fi  à  tout  ce  qu'il  a  d'attrayant ,  fc 
joignoit  encore  le  coloris  d'une  divine  jeu- 
nefîè ,  &  l'éclat  éblouiffant  du  père  de  la 
lumière.  Convenons  donc  que  le  coloris  par- 
fait a  un  prix  indépendant  de  la  beauté  des 
formes ,  &  qu'il  conftitue  une  partie  aufli 
efientielle  de  l'art  du  peintre  que  le  defTîn. 
Mais  en  quoi  confifle  cette  perfedion  du 
coloris  ?  ôc  par  quelle  voie ,  par  quelle  étude 
le  peintre  parvient-il  à  la  pofïéder?  C'eft 
peut-être  là  le  problême  le  plus  difficile  de 
l'art.  Le  Titien  lui  -même  auroit  fans  doute 
été  embarraffé  à  exprimer  ce  qu'il  fcntoit  fur 
la  beauté  &  l'énergie  du  coloris.  Puifqu'il  eft 
déjà  fi  mal-aifé  de  déterminer  en  quoi  con- 
Ciûe  la  beauté  dans  les  formes,  quoique  l'on 
ait  diverfes  notions  diftindes  fur  les  figures, 
comment  feroit  -  il  poflîble  de  décrire  la 
beauté  qui  réfulte  du  mélange  &  de  l'har- 
monie des  couleurs ,  fur  lesquelles  on  ne 
peut  avoir  que  des  notions  confufesî  Les 
proportions  du  corps  humain ,  pour  me  fer- 
vir  des  exprefïîons  d'un  grand  connoiffeur 
(  M.  de  Hagedorn  )  ,  nous  font  beaucoup 
moins  inconnues  que  les  phénomènes  de  la 
nature  qui  fontconftamnjeut  fous  nos  yeux. 


COL 

&  que  les  effets  de  la  lumière  relativement 
à  la  peinture.  Qu'on  ne  demande  point  com- 
ment les  couleurs  impriment  dans  l'ame  l'a- 
mour, la  volupté ,  une  douce  langueur,  une 
délicieufe  extafe  :  on  peut  le  fentir,  mais  on 
ne  lauroit  l'exprimer. 

C'ell  ce  qui  rend  l'étude  du  coloris  Ci  diffi- 
cile. Je  ne  parle  point  encore  de  l'art  d'ap- 
pliquer les  couleurs ,  mais  de  celui  d'exercer 
l'œil  à  bien  fentir  leur  beauté  j  car  quiconque 
n'a  pas  ce  fentiment  du  beau  à  l'égard  des 
couleurs ,  maniât-il  toute  fa  vie  le  pinceau , 
ne  fera  jamais  ni  un  Titien  ni  un  Corregei 
auflî  peu,  qu'à  force  de  s'exercer  au  delTin, 
l'on  peut  devenir  un  Raphaël ,  fi  l'on  ne  fent 
pas  la  beauté  qui  réfide  dans  les  formes.  Pour 
s'élever  au  defîus  du  fimple  deiTinateur  , 
pour  deveioir  peintre  ,  il  faut  donc  com- 
mencer par  accoutumer  l'œU  à  fentir  la 
beauté  du  coloris, 

C'eft  à  l'école  de  la  nature  que  l^artifte 
doit  recourir  i  il  y  verra ,  fous  toutes  les  for- 
mes polTibles ,  les  plus  parfaits  modèles  dans 
tous  les  genres  du  beau.  Ceft  dans  cette 
école  qu'il  pourra  fe  former  un  coup  d'œil 
(ur  ôc  pénétrant,  comme  le  deffinateur  grec 
fe  formoit  le  fien  dans  les  gymnafes,  dans 
les  ieux  publics  &  dans  les  fêtes  folennelles, 
à  force  d'avoir  fous  Tes  yeux  la  belle  nature 
diverfifiéc  en  mille  manières.  Dans  ces  heu- 
feufes  contrées  où  la  nature  femble  rajeunie, 
où  elle  eft  iuépuifable  en  beautés  de  divers 
genres,  un  amateur  de  belles  vues,  qui  aux 
différentes  heures  du  jour ,  &  dans  toutes 
les  fàifons  de  l'année,  les  cherchera  d'un  œil 
empreffé  &  contemplatif,  tantôt  dans  un 
vallon  folitaire,  tantôt  fur  le  haut  d'une 
colline ,  d'où  il  pourra  découvrir  au  loin  une 
infinie  variété  d'objets  diftingués  par  l'éclat 
des  couleurs ,  fe  livrera  d'abord  aux  douces 
imprejffions  de  ce  raviflànt  fpedaclc;  il  com- 
mencera par  (èntir  i  mais  en  examinant  de 
plus  près  la  caufe  du  fentiment  qu'il  éprouve, 
il  reconnoîtra  enfin  que  du  fimple  mélange 
des  couleurs  réfulte  une  efpece  particulière 
de  beauté  qui  ne  le  cède  point  aux  beautés 
d'une  nature  différente. 

Des  oblèrvations  fouvent  répétées  lui  fe- 
ront enfin  démêler  une  partie  des  raifons  qui 
rendent  ces  fenfations  fi  délicieufçs.  Il  re- 
marquera que  les  mêmes  objets ,  apperçus 
d'au  même  point  de  vue,  forment  tantôt  le 


COL  543 

fpcdacle  le  plus  raviflànt,  &  d'autres  fois 
n'ont  rien  qui  l'émeuve ,  quoique  les  mêmes 
couleurs  femblcnt  fixées  aux  mêmes  places  : 
il  découvrira  deux  caufes  de  cette  difpariré > 
l'une  dans  l'efpece  de  lumière  que  les  objets 
lui  renvoient ,  &  l'autre  dans  la  manière  que 
ces  objets  la  reçoivent. 

La  plus  grande  beauté  de  la  lumière  réfide 
dans  la  fource  même  d'où  la  lumière  émane  j 
mais  les  organes  de  notre  œil  font  trop  foibles 
pour  foutenir  l'éclat  de  cette  beauté  ;  fenv- 
blable  aux  divinités ,  elle  éblouiroit  les  mor- 
tels, fi  elle  fe  préfentoit  fans  voile.  Quand 
l'air  eft  trop  pur ,  les  rayons,  du  foieil  répan- 
dent une  lumière  trop  fijrte  fur  les  objets ,  6c 
les  ombres  en  deviennent  trop  tranchantes. 
D'un  autre  côté ,  quand  toute  l'atmofphere 
eft  enveloppée  d'un  épais  nuage,  l'éclat  de  I^ 
lumière  en  eft  totalement  éteint ,  &  les  cou* 
leurs  naturelles  perdent  toute  leur  force.  Une 
contrée  n'eft  jamais  plus  riante  à  la  vue ,  que 
lor 'qu'elle  eft  im.médiatement  éclairée  par  les 
rayons  du  foieil  modérément  amortis  dans 
les  va|)eurs  de  l'air,  &  que  l'obfcurité  des 
ombres  eft  adoucie  parles  rayons  que  l'azur 
du  ciel  y  réfléchit.  Cette  obfervationenfeigne 
au  peintre  qu'une  des  principales  caufes  de  la 
beauté  du  coloris,  eft  le  ton  gracieux  d'une 
lumière  adoucie.  Elle  lui  en  feigne  encore 
que  le  tableau  entier  de  la  fcene  qui  s'offre  à 
les  regards,  &  chaque  grande  partie  de  cette 
fcene  tire  la  beauté  de  fon  coloris  de  deux 
jours  principaux ,  l'un  qui  eft  la  lumière  im- 
^  médiate  du  fbleil,  mais  bien  tempérée;  & 
l'autre  le  reflet  d'un  ciel  ferein  qui  répand  fur 
les  ombres  une  douceur  agréable  ôc  variée. 

Notre  obfervateur  découvrirarune  féconde 
caufe  principale  de  la  beauté  du  coloris  dans 
la  direction  des  rayons  qui  éclairent  les  ob- 
jets de  la  fcene;  telle  contrée  qui,  à  certaine 
heure  du  jour,  fe  repréfente à  l'œil  comm.e 
k  tableau  le  plus  riant ,  paroît  fans  beauté 
quelques  heures  après,  bien  que  le  ciel  con- 
ferve  la  même  férénité.  Un  petit  nombre 
d'obfervations  fur  ce  phénomène ,  feront 
connoitre  au  peinrje  différentes  fources  du' 
beau  dans  le  coloris.  Il  apprendra  qu'un  objet 
{wroit  dans  fa  plus  grande  beauté ,  lorfque  la 
lumière  incidente  le  divMe  en  deux  grandes 
maflès  bien  proportionnées ,  l'une  claire ,  ÔC 
l'autre  obfcure.  Il  fentira  que  l'œil  ne  fe  re- 
pofe  avec  plaifir.fur  une  contrée,  que  lorfquê. 


544  COL    - 

les  diverfes  couleurs  qu'il  y  apperçoît ,  en 
tant  qu'elles  font  claires  &  obicures ,  ne  font 
pas  cparlès  au  hafard  ôc  fans  ordre ,  mais 
qu'elles  font  diftinguées  en  deux  grouppes 
principaux ,  enforte  que  le  clair  foit  oppoié 
à  loblcur.  Cette  remarque  le  conduira  à  la 
connoiilance  générale  des  effets  du  clair- 
obfcur  Se  des  malTes  (  F.  les  articles  Clair- 
obscur  ,  &c.) ,  d'où  il  parviendra  à  recon- 
noîrre  des  myfteres  plus  profondément  ca- 
chés fur  la  beauté  du  coloris. 

En  comparant  ces  deux  mafïes  oppofées , 
il  s'appercevra  qu'elles  difputent  entre  elles 
de  la  préférence,  tant  fur  la  beauté  que  fur 
la  variété.  Le  clair  le  charmera  par  le  riant 
&  le  gracieux  de  fesielles  couleurs,  &  par 
l'harmonie  de  leur  dmriburion  ;  l'obfcur  le 
.touchera  par  une  beauté  plus  mâle ,  par  la 
variété  des  couleurs  8^  par  leur  feu  ;  il  admi- 
rera le  fingulier  mélange  des  parties  brillantes 
avec  des  parxies  fombres.  Au  milieu  d'une 
infinité  de  couleurs  fans  nom ,  diverfiliées 
ôc  multipliées  encore  par  mille  reflets  difFé- 
rens,  il  fera  vivement  frappé  deséclaits  qui 
contraftent  çà  &c  là'flvec  l  obfcurité  du  fond 
d'où  ils  femblent  partir  ;  il  fentira  que  c'eft  là 
ce  qui  donne  de  la  vie  à  Tenlemble ,  &:  qui 
f  n  rend  l'effet  allure. 

Muni  de  ces  notions  fur  la  beauté  du  cc/o- 
i'arti/te  pafle  de  la  contemplation  de  la 


ns 


nature  à  celle  de  l'art.  Il  obferve  comment 
les  grands  maîtres  des  écoles  vénitiennes  & 
flamandes,  ont  lu  tranfporter  fur  le  bois 
&  1a "toile  les  beautés  de  la  nature  par  un 
heureux  choix  de.  couleurs  bien  afîbrties  ;  il 
admire  chez  l'une  la  vérité  portée  au  ^lus 
•haut  degré,  &  chez  l'autre  la  beauté  du 
coloris  élevée  même  au-delà  du  vrai  jufqu'à 
l'idéal.  Il  commence  alors  à  rechercher  par 
quels  moyens  ces  peintres  font  parvenus  à 
produire  cet  effet  magiq^ue.  C'eft  alors  qu-'il 
reconnoît  qu'un  coloris  parfait  demande  un 
aufii  grand  génie  qu'en  fuppofe  le  delTin 
correét  des  formes;  que  la  peinture  efl  bien 
moins  Pouvrage  d'une  main  exercée,  qu^elle 
n'eft la  production  d'un  jaeureux génie,  d'un 
efprit  éclairé  par  des  obfervations  fines  &  des 
recherches  profondes,  &  d'un  goût  épuré 
qui  faifit  toujours  le  bon  &  choiiit  toujours 
le  meilleur. 

Après  que  le  peintre  aura  formé  fbn  goût 
à  regardée  la  vérité  6c  de  la  beauté  du 


COL 

co/orh,  par  l'obfervation  de  la  nature  &  des 
ouvrages  de  l'art;  il  fe  fervira  encore  de  ce 
double  fecours  pour  apprendre  l'art  difficile 
de  colorier.  A  Pimitation  de  Léonard  de 
Vinci ,  il  obfcrvera  d'un  œil  éclairé  par  le 
génie  &c  la  fagacité ,  chaque  effet  particulier 
des  couleurs  dans  la  nature  ;  ôc  ce  qui  après 
les  obfervations  reftera  encore  douteux  ou 
indécis ,  il  s'en  aflurera  par  des  elfais  ôc  des 
expériences  faites  à  delfein. 

D^abord  il  recherche  avec  attention  com- 
ment ce  qu'on  nomme  l'effet  eft  produit 
uniquement  au  moyen  des  jours  ôc  des  om- 
bres ;  il  confidere  enfuite  comment ,  à  l'aide 
des  couleurs  claires  ôc  obicures ,  on  produit 
un  effet  analogue  au  premier ,  qui  réfultoic 
de  la  lumière  ôc  de  Pombre.  Il  ié  forme  un 
recueil  des  obfervations  que  la  nature  lui 
fournit  là  -  defllis  ;,  &  il  l'augmente  de  fes 
propres e liais;  enfuite  il  remarque  les  cas  où 
il  arrive  qu'un  corps  éclairé,  oppofé  à  un 
fond  obfcur,  ou  un  corps  obfcur  placé  fur 
un  fond  clair ,  produit  l'effet  fingulier ,  ôc 
prefquc  magique  ,  d'éloigner  les  objets  ôc 
de  les  repoufler  en  arrière. 

Enfin ,  il  obferve  en  général  les  modifica- 
tions ôc  la  dégradation  des  couleurs  à  mefure 
quePccil  s'en  éloigne  davantage;  comment 
chaque  corps  dans  fon  cloignement  fucceilif 
reçoit  de  plus  en  plus  la  teinte  de  la  couleur 
de  l'air  ;  ôc  comment  enfin  des  corps  de  cou- 
leurs tout-à-fait  différentes ,  vus  à  des  gran- 
des diftances,  prennent  tous  la  couleur  com- 
mune d'une  perfpeétive  aérienne.  C'eft  un 
phénomène  pittorefque  elTentiel  à  obferver. 

La  recherche  des  caufes  qui  produifenc 
^harmonie  de  couleurs,  n'exige  pas  une  étude 
moins  longue  ni  moins  profonde.  Notre 
peintre  apprendra  ^  les  découvrir ,  s'il  ob- 
'ferve  bien  comment  un  objet ,  à  l'aide  de  fa 
liimiere  ou  de  fa  couleur,  femble  s'avancer 
hors  du  refte  de  la  mafïe ,  ôc  s'en  détache  de 
manière  à  ne  pouvoir  être  confondu  ni  réuni 
avec  les  autres  objets  :  dès-là  il  commencera 
à  fentir  comment  par  un  effet  contraire,  di- 
vers objets  peuvent  fe  perdre  dans  une  feule 
mafle  ;  ôc  il  comprendra  pourquoi  il  faut  en 
tel  endroit  un  jour  ou  une  couleuFplus  vive, 
ôc  en  tel  autre  une  lumière  ou  une  couleur 
plus  tempérée. 

La  plus  grande  difficulté  fera  d'acquérir 
une  connoifïànce  exade  de  l'afFoibliflèment 

fucceffif 


COL 

fuccelTif  des  couleurs  propres  de  chaque 
objet,  depuis  le  point  le  plus  éclairé  jufqu'à 
Tombre  la  plus  forte.  La  fcience  des  demi- 
teintes  (  Fbye^  Demi -teintes)  eft  peur- 
être  ce  que  l'art  du  coloris  a  de  plus  difficile. 
Ce  n  eft  qu'à  force  d^obferver  avec  de  bons 
yeux  la  nature  &  les  ouvrages  des  maîtres  de 
lart  qu'on  peut  fe  flatter  d'y  réuflir. 

A  ces  études  fe  joint  enfin  celle  des  reflets. 
Ce  font  les  reflets  qui  produifent  le  plus 
haut  degré  de  vérité ,  accompagné  de  la  plus 
grande  variété.  Cette  partie ,  au  refte ,  n'a 
dans  la  théorie  que  peu  de  difficultés  5  mais 
elle  eft  d'un  détail  pénible  dans  l'exécution. 
L'homme  étant  l'objet  le  plus  intérefîànt, 
les  perfonnages  font  aulïi  le  fujet  principal 
de  la  peinture  j  &:  la  partie  du  coloris  qui 
les  concerne ,  exige  une  étude  particulière 
de  la  part  du  peintre.  (  Voye':^ci-devantQAK- 
NATioN.  )  Heureufement  on  a  dans  cette 
partie  les  plus  excellcns  modèles.  Le  Titien 
a  porté  l'art  des  carnations  au  plus  haut 
degré  de  beauté,  même  de  la  beauté  idéale, 
bc  Pon  peut  dire  fans  exagérer ,  qu'il  a  (ur- 
pafle  en  cela  la  nature  elle  -  même.  Van- 
Dyck  s'eft  contenté  de  la  repréfenter  dans 
toute  fa  perfection.  Ces  deux  grands  maîtres 
font  en  ce  genre  des  oracles  que  le  colorifl:c 
ne  fàuroit  trop  confulter. 

Quand  on  réfléchit  qu'à  toutes  ces  con- 
noiflances  que  le  co/om  exige,  il  faut  en- 
core y  ajouter  celle  des  couleurs  matérielles, 
de  leur  manipulation,  de  leurs  mélanges, 
de  leur  conftance  ou  de  leur  altération  fuc- 
ceffive;  chofe  qui,  de  même  que  le  manie- 
ment du  pinceau ,  ne  s'apprennent  que  par 
un  long  ufage ,  on  ne  fera  plus  furpris  qu'il 
foit  fi  rare  de  voir  un  peintre  excellent  dans 
le  coloris.  (  Voye^  ci-aprh  Couleurs.  ) 
C'cft  ici  où  la  maxime  d'Apelle ,  nulla  dies 
fine  linea ,  eft  plus  indifpcnfable  que  par- 
tout ailleurs ,  &  où  l'art  eft  le  plus  inépui- 
sable. Le  célèbre  Pefne ,  l'un  des  meilleurs 
coloriftes  de  nos  jours ,  bien  que  feptuagé- 
naire ,  s'appliquoit  très- fou  vent  encore  avec 
tout  l'empreflement  &  l'étude  d'un  com- 
mençant ,  pour  acquérir  un  plus  haut  degré 
de  perfedtion  dans  la  partie  du  coloris. 

Les  caradleres  d'un  coloris  parfait  ne  (t 

rcflemblent  pas  néceflàirement.  Le  Titien , 

le  Correge  &  le  Giorgion,  ont  porté  le 

coloris  jufqu'au  beau  idéal.  Van-Dyck,  & 

Tome  Vni, 


COL  54J 

divers  peintres  flamands  aflèz  connus ,  ont 
un  cojoris  de  la  plus  grande  vérité.  Rubens 
a  même  prêté  encore  à  la  nature  quelque 
cho  e  du  feu  de  fon  génie  i  il  y  a  dans  Çqs 
meilleurs  tableaux  un  coloris  qui  étonne 
Claude  Gillot ,  Nicolas  Eerghem ,  Cornélius 
Poelembourg  &  divers  autres  peintres  de 
payfages ,  fe  font  diftingués  pour  le  gracieux 
de  leur  coloris.  Celui  de  Rembrand  eft  en- 
chanteur :^  &  bien  qu'on  n'ait  point  de  nom 
pour  le  défigner ,  il  fait  cependant  un  genre 
à  part,  digne  d'être  remarqué.  Il  y  a  encore 
un  coloris  févere  &  férieux ,  qu'on  poûrroic 
nommer  le  coloris  folide  :  il  n'a  prefque  point 
de  couleurs  claires j  c'eft  un  brun-clair,  avec 
un  agréable  mélange  de  bleu,  de  verdâtre 
&  de  beau  rouge  :  à  en  juger  fur  une  fimple 
copie ,  le  meilleur  modèle  en  ce  genre  de 
Coloris  y  ed  un  tableau  du  Titien  dans  l'églife 
de  Santa-Maria  délia  Salute  à  Venife,  dont 
le  fujet  eft  la  defcente  du  Saint-Efprit  fur 
les  apôtres. 

Il  feroit  à  fouhaiter  qu'on  pût  donner  une 
clafnfication  plus  complète  des  divers  genres 
de  coloris.  Les  noms  font  d'une  grande  ref- 
fource ,  lorfqu'on  ne  peut  pas  mettre  l'objet 
même  fous  les  yeux.  On  voudroit  fouvent 
indiquer  au  peintre  le  genre  de  coloris  qui 
convient  à  tel  fujet;  mais  ce  genre  n;a  point 
de  nom  fixe  :  la  fimple  dénomination  ne  ren- 
droit  pas  fans  doute  l'artifte  plus  habile  ;  mais 
elle  ferviroit  à  diriger  fon  habileté  du  coté  le 
plus  avantageux.  {Cet  article  ejl  tiré  delà  théo- 
rie générale  des  beaux-arts  de  M.  SULZER.)  • 

Coloris  ,  (Jardinage.  )  il  fe  dit  des  fruits 
qui  mûriflènt  &c  qui  prennent  de  la  couleur , 
tels  que  les  pêches,  les  prunes,  les  poires 
&  les  abricots  :  même  pour  la  leur  faire 
prendre,  fouvent  on  d%arnit  les  feuilles 
autour  da  fruit,  qu'alors  le  foleil  frappe 
plus  vivement  Ôc  dore  mieux.  Il  y  a  des 
curieux  qui,  avec  un  pinceau  trempé  dans 
l'eau,  le  mouillent  plufieurs  fois  dans  la 
plus  grande  ardeur  du  foleil.  (K) 

*  COLORITE,  f.  m.  (  Hi/f.  eccléf.) 
congrégation  d'auguftins,  ainfi  àppellée  de 
Colorito ,  petite  montagne  voifine  du  village 
de  Morano  y  au  diocefe  de  Caflàno,  dans 
la  Calabre  citérieure  :  ce  fut  dans  une 
cabane  proche  d'une  églife  dédiée  à  la 
Vierge  lur  le  Colorito  ,  que  fe  retira  eil 
1530  Bernard  de  Rogliano,  &  qu'il com* 

Zzz 


54^  COL 

mença  l'inftitution  de  la  congrégation  des  ' 
Colorites. 

COLORNO  ,  {Géog.  mod.)  petite  ville 
d'Italie ,  dans  le  duché  de  Parme  près  du 
V6.  Long.  2,7,  ^o;  lat,  44,  54. 

COLOSSE,  terme  dArchiteclure^  du 
grec  Kohoffooi ,  compofé  de  koKo?  ,  grand ,  & 
israoi  y  œil  ,  c'eft-à-dire  ,  grand  à  la  vue. 
On  entend  foub  ce  nom  un  bâtiment  d'une 
grandeur  conndérable ,  tels  qu^étoient  les 
pyramides  en  Egypte ,  les  amphithéâtres  en 
Grèce  &  en  Italie.  Colojfei  fe  dit  aulïï  d  une 
iîgure  dont  la  proportion  eft  fort  au-deflus 
de  la  naturelle  ,  telle  qu'étoit  celle  du  foleil 
à  Rhodes  &  les  ftatues  des  empereurs  Né- 
ron &  Commode ,  dont  il  refte  encore  quel- 
ques fragmens  dans  la  cour  du  capifole  à 
Rome.  On  dit  auffi  qu'une  colonne  eft  co- 
loflàle,  lorfqu^elle  furpalTe  deux  ou  trois 
pies  de  diamètre.   Fbye:(_  Colonne.  (P) 

Colosse  de  Rhodes  ,  {Hijl.  anc.)  ftatue 
d'airain'd'une  grandeur  prodigieufe,  lîtuée 
à  l'entrée  du  port  de  Rhodes,  &  qui  paf- 
ioit  pour  une  des  lept  merveilles  du  monde. 

En  voici  l'hiftoire  tirée  principalement 
de  M.  Prideaux  ,  part.  II,  liv.  II. 

Cette  ftatue  étoit  dédiée  au  foleil;  elle 
avoit  70  coudées  ou  105  pies  de  haut,  & 
le  refte  à  proportion  j  peu  de  gens  pou- 
\oient  embrallèr  Ton  pouce  ;  les  navires 
paflbient  à  pleines  voiles  entre  fes  jambes. 

Démétrius ,  après  avoir  affiégé  vivement 
la  ville  de  Rhodes  pendaiit  un  an  fans  pou- 
voir h  prendre ,  las  d'un  fi  long  fiege,  fit  la 
paix  avec  les  Rhodiens ,  &  en  s'en  retour- 
nant il  leur  donna  en  préfent  toutes  les 
machines  de  guerre  qu'il  avoit  envoyées  à 
ce  fiege.  Ils  les^endirent  dans  la  fuite 
pour  300  talens  C^n  million  loo  mille  liv. 
ou  environ),  dont  ils  fe  fervirent,  avec 
l'argent  qu'on  y  ajouta ,  pour  faire  ce  colojfe. 
Ce  fut  l'ouvrage  de  Charès  de  Lindo ,  dif- 
ciple  du  fameux  Lyfippe ,  qui  y  employa 
1 2  ans.  Mais  6G  ans  après  l'exécution  de  fon 
entreprife,  le  colojfe  fut  abattu  par  un  grand 
tremblement  de  terre  qui  fe  fit  fentir  en 
Orient  &  qui  caufa  des  défolations  prodi- 
gieufes,  fur-tout  dans  la  Carie  "&  dans  Pile 
de  Rhodes.  On  commença  à  travailler  à  ce 
fameux  colojfe  Vzn  300  avant  Jefus-Chriftj 
il  fut  achevé  l'an  188 ,  &  renverfé  l'an  122. 

'  Les  Rhodiens  i  pour  réparer  le  dommage 


c  ot. 

que  cet  accident  leur  avoit  caufé,  quêtèrent 
chez  tous  les  princes  &  les  états  grecs  de 
nom  ou  d'origine  ,  &  exagérèrent  telle- 
ment leurs  pertes ,  que  la  collecte  qui  Ce 
fit  pour  eux ,  fur-tout  chez  les  rois  d'Egypte, 
de  Macédoine,  de  Syrie,  du  Pont  Se  de 
Bithynie ,  alla  pour  le  moins  à  cinq  fois 
autant  que  la  véritable  fomme  à  laquelle 
ces  pertes  fe  montoient. 

En  effet ,  Pémulation  qui  régna  entre  les 
princes  pour  foulager  cette  ville  défolée , 
eft  fans  exemple  dans  l'hiftoire  :  Ptolémée , 
roi  d'Egypte,  fournit  feul  3  00  talens,que  nous 
n'évaluerons  ici  que  350000  écus,  un  mil- 
lion de  mefures  de  froment ,  des  matériaux 
pour  bâtir  vingt  galères ,  tant  à  cinq  rames 
qu'à  trois  rames ,  une  quantité  infinie  de 
bois  pour  d'autres  bâtimens,  &  en  parti- 
culier pour  rétablir  le  colojfe,  30CO  talens, 
t'eft-à-dire,  9000000  fuivant.M.  Rollin, 
&  plus  de  1 0000000  fuivant  le  doâreur 
Bernard.  Outre  les  rois,  toutes  les  villes 
fignalerent  leurs  libéralités  :  les  particuliers 
voulurent  auffi  entrer  en  part  de  cette  gloirej 
&  l'on  cite  une  dame  appellée  Chryféis , 
véritablement  digne  de  fon  nom ,  qui  four- 
nit feule  looGoo  mefures  de  froment.  Qiie 
les  princes  d'à  préfent.,  dit  Polybe ,  &  nous 
pouvons  dire  2000  ans  après  lui ,  que  les 
princes  de  nos  jours  comprennent  combien 
ils  font  éloignés  de  ceux  dont  on  vient  de 
parler.  En  aftèz  peu  d'années ,  Rhodes  fut 
rétablie  dans  un  état  plus  magnifique  qu'elle 
n'a  voit  jamais  été,  à  l'exception  du  colojfe; 
car  les  Rhodiens  au  lieu  d'employer  une 
partie  de  cet  argent ,  comme  c'étoit  la 
principale  intention  de  ceux  qui  l'avoient 
donné ,  à  relever  le  coloffe  ,  prétendirent 
fort  fàgement  que  l'oracle  de  Delphes  le 
leur  avoit  défendu,  &  gardèrent  toutes 
ces  fommes ,  dont  ils  s'enrichirent. 

Le  colojfe  demeura  abattu  comme  il  étoit 
fans  qu'on  y  touchât  pendant  894  ans,  au 
bou,t  defquels,  l'an  de  Jefus-Chrift  672  ,. 
Moawias,  le  fixieme  caHfe  ou  empereur 
des  Sarraiins,  ayant  pris  Rhodes,  le  vendit: 
à  un  marchand  juif  qui  en  eut  la  charge 
de  900  chameaux  ,»  c'eft  -  à  -  dire ,  qu'eri 
comptant  huit  quintaux  pour  une  charge , 
Pairain  de  cette  ftatue ,  après  le  déchet  de 
\  tant  d'années  par  la  rouille ,  ùc.  &  ce  qui 
vraifemblablement  en  avoit  été  volé,  fè 


COL 

^ontoît  encore  à  720000  liv.  ou  à  7100 
guintauf. 

Ces  faits  prefque  tous  rapportés  par  M. 
Prideaux ,  font  appuyés  des  témoignages 
d'Eufebe,  ckron.  d'Orofe,  lib.  IV^  cap.  xiij; 
de  Polybe,  lib.  V;  de  Pline,  Ub.  XXXIV, 
cap.  vij;  de  Strabon,  lib.  XVI;  de  Zonare, 
annal,  fub  rcgno  Confiant,  imper.  Heraclii. 
nepot.  de  Ccdrenus,  annal,  6c  de  Scaliger, 
animadv.  in  Eufeb.  chron.  n.   IJS4. 

Le  coloffe  de  Rhodes  n'eft  pas  le  feul  dont 
il  ioit  fait  mention  dans  les  antiquités.  Il  y 
avoit  à  Memphis  en  Egypte  plufieurs  ftatucs 
.coloflales  de  Séioftris  &  de  fa  famille^  à  Apol- 
lonie  dans  le  Pont ,  une  ftatue  d'Apollon  de 
trente  coudées ,  que  LucuUus  fit  tranfporter 
à  Rome  \  dans  cette  ville ,  fept  colojfes,  deux 
d'Apollon ,  deux  de  Jupiter,  un  de  Néron , 
un  de  Domitien,  un  du  Soleil.  Article  de 
M.  le  Chevalier  de  Jaucourt. 

COLOSTRE,  colojlrum,  {Phyfrologie.) 
premier  lait  qui  fè  trouve  dans  le  fein  des 
femmes  après  leur  délivrance.   V.  Lait. 

COLOSTRUM,  {Pharmacie.)  quelques 
auteurs  ont  donné  ce  nom  à  une  efpece 
d'émulfion  créparée  avec  la  térébenthine  & 
le  jaune  d'oeuf.  Blancard.  V.  Emulsion. 
.  COLOURI ,  {Géog.  mod.)  île  de  la  Grèce 
dans  le  golfe  d'Angia.  Lon(r.  42,  40;  lat.^8. 

COLPORTAGE,  f.  m.  {Comm.)  em- 
ploi ou  fonction  de  celui  qui  eft  colpor- 
teur. V,  Colporteur. 

COLPORTER,  porter  des  marchan- 
difes  dans  les  rues  ou  de  maifon  en  mai- 
fon;  il  fîgnifie  auffi  porter  pendues  à  (on 
cou  dans  une  manne ,  de  petites  &  me- 
nues merceries,  comme  couteaux ,  peignes , 
cileaux ,  ùc. 

Colporter  ,  en  termes  de  Librairie  , 
c'eft  porter  des  livres  dans  les  maifons  pour 
les  y  vendre  ;  c'eft  auiïî  vendre  dans  les 
rues  des  feuilles  volantes  ou  papiers  publics , 
comme  arrêts > fentences ,  gazettes,  loterie, 
€'c.  V.  Colporteurs. 

COLPORTEURS ,  f.  m.  c'éroient  an- 
ciennement des  gens  de  mauvaife  foi,  qui 
rodoient  de  ville  en  villc^  vendant  &  ache- 
tant de  la  vaiflèlle  de  cuivre ,  d'étain  & 
autres  femblables  marchandifes ,  qu'on  ne 
doit  vendre  qu'en  plein  marché.  C'eft  en 
ce  fens  que  ce  mot  eft  employé  dans  des 
réglemens  de  la  z;®.  année  de  Henri  VIII, 


COL  547 

ckap.  vjy  Se  par  d'autres  de  la  53^^  année 
du  règne  du  mcme  prince ,  chap.  iv.  C'efl: 
ce  qu'on  appelle  en  Vxznce.  perte -balles , 
coureurs  y  mercelots  ou  brocanteurs.     . 

Nous  nommons  aujourd'hui  colporteurs, 
des  gens  qui  font  métier  de  porter  dans 
les  maifons  des  marchandifes  ,  comm.e 
étoffes ,  pommades ,  linge  ,  ùc. 

Ou  de  petits  marchands  qui  les  crient 
dans  les  rues  ;  on  les  appelle  ain/i ,  parce 
qu'ils  portent  &  étalent  ce  qu'ils  ont  à 
vendre  dans  une  petite  manne  ou  caflètre 
pendue  à  leur  cou  avec  une  large  courroie 
de  cu*r,  ou  une  fangle. 

Ou  des  gens  qui  font  métier  de  porter 
à^s  livres  dans  les  maifons  ou  de  vendre 
des  papiers  pubHcs  dans  les  rues.  Comme 
ce  font  pour  l'ordinaire  ces  fortes  de  gens 
qui  font  le  commerce  des  livres  ou  papiers 
volans  non  autorifés  ,  leur  état  à  Paris  a 
attiré  l'attention  du  gouvernement  :  leur 
nombre  eft  fixé  ;  leurs  noms  doivent  être  ciî- 
régiftrés  à  la  chambre  royale  &  fyndicale  de 
la  librairie.  V.  Colporteurs  {Jurifpr.) 
_  Colporteurs,  {Jurifpr.)  dans  les  an- 
ciennes ordonnances  font  nommes  compor- 
teurs  ,  quia  fecum  portant  les  chofes  qu'ils 
vendent  par  la  ville.  On  trouve  pluficurs 
ordonnances  qui  les  mettent  dans  la  même 
clafle  que  les  menus  feneftriers ,  c'eft-à-dire , 
les  petits  marchands  qui  expofent  des  den- 
rées à  vendre  feulement  fur  une  fenêtre.  Le 
commerce  des  uns  &  des  autres  étant  peu 
confidérable ,  ils  étoient  exempts  de  certaines 
impofitions.  Les  lettres  de  Ph'ilipe  VI,  du  17 
février  1349,  difent  que  menus  feneftriers, 
petits  conujorteurs  aval  la  ville  de  Paris,  ne 
feront  tenus  de  rien  payer  de  l'impo/ition 
qui  étoit  établie  fur  les  marchandifes  &  den- 
rées qui  fe  vendent  à  Paris,  s'ils  ne  vendent 
en  un  jour  dix  (buS  de  denrées;  que  s'ils  les 
vendent,  ils  feront  tenus  de  payer;  &  que 
s'ils  vendent  au-de(Ious ,  ils  ne  feront  tenus 
de  rien  payer.  Les  lettres  du  roi ,  du  3  mai 
175 1 ,  portent  la  même  chofe ,  à  Poccafion 
d'une  nouvelle  aide  ou  impofition  accordée 
,au  roi  par  la  ville  de  Paris. 

Les  revendeufes ,  petits-merciers  &  autres 
qui  portent  dans  les  rues  des  marchandifes 
vieilles  ou  neuves  à  vendre ,  étoient  autrefois 
tous  compris  fous  ce  terme  de  colporteurs. 

En  temps  de  contagion,  les  colporteurs  &c 
Zzz  1 


54»  C  O  L 

revendeufes  ne  peuvent  vendre  ni  porter 
pai-  la  ville  aucunes  hardes .  habits ,  linges , 
ni  autres  meubles ,  fur  peine  de  la  hart.  Il 
eft  défendu  à  routes  perfonnes  ,  même  aux 
fripiers  d'en  acheter,  fur  peine  d'amende 
'de  de  punition  corporelle.  Ordonnance  de 
police  du  ^0  oclobre  IS9^'  Traité  de  la  po- 
lice ,   tome  I,  page  6^^. 

Les  colporteurs  qui  vendent  des  livres 
dans  les  maifons,  &  les  imprimés  qui  fe 
crient  dans  les  rues,  tels  que  les  ordon- 
nances ,  édits ,  déclarations ,  arrêts  de  ré- 
glemens ,  fentences  de  police ,  condamna- 
tions à  mort ,  &  autres  chofes  qui  doivent 
être  rendues  publiques ,  vendent  aulTi  d'au- 
tres imprimés  qui  ne  font  faits  que  pour 
amufer  le  peuple  :  ceux  qui  s'adonnent  à  ce 
métier,  ont  pour  cet  effet  une  attache 
de  la  police ,  &  portent  à  leur  habit  une 
pièce  de  cuivre  qui  annonce  leur  état.  L'arrêt 
du  confcil  du  4  mai  1669,  fait  défenfe  à 
tous  colporteurs  de  vendre  ni  colporter  ou 
afficher  aucunes  feuilles  &  placards,  fans 
peî-mifTîon  du  lieutenant  de  police  j  &  l'or- 
donnance de  police,  du  17  mai  1680,  leur 
réitère  les  mêmes  défenfes  par  rapport  aux 
affiches.  Voye^  le  tr.  de  la  police ,  tom.  /, 
pag.  %S2  à  ^84 

On  permet  quelquefois  aux  colporteurs  de 
vendre  certaines  pièces ,  qu'on  leur  défend 
néanmoins  de  crier,  pour  éviter  le  grand 
éclat  qu'elles  pourroient  faire  parmi  le  bas 
peuple.  Il  ne  leur  eft  pas  permis  d'annoncer 
les  pièces  qu'ils  vendent. fous  un  autre  titre 
que  celui  qu'elles  portent ,  ou  de  la  manière 
qui  leur  eft  prefcrite  5  Se  ils  doivent  fe  con- 
former en  tout  aux  ordres  de  la  police.  {j4) 
COLRAINE,  {Géog.  mo^.)  ville  d'Ir- 
lande dans  la  province  d'Ulfter,  au  comté 
de  Londondery ,  fur  la  rivière  de  Banne. 
^  COLSAT,  f.  m.  {^agriculture.)  efpece 
de  chou  fauvagc  qui  ne  pomme  point,  6c 
dont  la  graine  fournit  de  l'huile. 

La  plus  nojre ,  la  plus  féche,  la  plus  pleine 
Se  qui  paroît  la  plus  ondueufe  en  l'écra- 
fant ,  efl  là  nieilleure  pour  le  moulin  ;  elle 
peut  être  feméc  avec  de  moindres  qualités. 
Elle  eft  fouvent  mêlée  par  le  défaut  de 
maturité  égale ,  &  l'on  diftingue  la  moins 
mûre  à  fa  couleur  un  peu  rouge. 

On  attribue  cette  inégalité  aux  vers  qui 
fc  jettent  dans  les  racines  des  jeunes  plantes  i 


COL 

il  faut  y  regarder  quand  on  les  tranfplante/ 
&  rebuter  celles  qui  en  font  attaquées  i  le 
ver  doit  fe  trouver  dans  le  nœud. 

Son  prix  varie  félon  l'abondance  ou  la 
difette  j  il  dépend  aufli  des  recherches  que 
l'on  en  fait  plus  ou  moins  grandes,  félon 
la  réufïite  des  huiles  de  noix  Se  autres , 
dans  les  pays  qui  en  tirent. 

On  pourroit  l'apprécier  à  7  liv.  lo  f.  la 
rafîere  ,  année  commune,  depuis  dix  ans  : 
elle  en  vaut  aujourd'hui  iz  :  elle  pourroit 
monter  jufqu'à  16  llv.  par  extraordinaire. 
La  rafiere  eft  une  mefure  qui  doit  contenir 
à-peu-près  cent  livres  poids  de  marc,  la  grai- 
ne étant  bien  feche ,  deux  rafieres  font  un 
fac  de  ce  pays ,  &  fix  avots  font  une  rafiere. 
Il  en  faut  une  livre  pour  femer  un  cent 
de  terre,  qui  fait  zi  toifes  4  pies  8  pouces 
quarrés.  C'eft  fur  cette  mefure  que  l'on  fe 
déterminera,  &  fur  laquelle  on  peut  em- 
ployer les  plus  grands  terrains. 

La  terre  légère  eft  la  meilleure ,  pourvu 
qu'elle  n'ait  pas  moins  d'un  pié  de  bon 
fonds ,   &  qu'elle  ne  fbit  pas  pierreufe. 

Celle  où  l'on  fème  n'eft  pas  celle  oii  Ton 
plante.  '  , 

On  doit  préparer  la  première  en  la  fumant; 
quatre  charretées  de  fumier  fuffiront  :  cha- 
cune peut  pefer  environ  1400  livres. 

Le  fumier  bien  étendu ,  on  y  paflè  la 
herfe  pour  faire  prendre  nourriture  à  la 
terre;  on  laboure  peu  après  deux  ou  trois 
fois,  félon  qu'elle  eft  chargée  d'ordures; 
enfin ,  on  l'applanit  en  y  ramenant  de  nou- 
veau la  herfe  pour  recevoir  la  femence  > 
dont  une  livre  fur  un  cent  de  terre  pro- 
duira dequoi  planter  une  pièce  de  300. 

Si-tôt  après  la  moiflbn ,  on  fume  &  on 
prépare,  comme  nous  avons  dit,  la  terre 
deftinée  à  planter. 

Au  furplus,  tout  le  monde  fait  que  l'on 
fume  plus  ou  moins,  félon  la  chaleur  des 
terres. 

Il  faut  que  la  terre  foit  repofée. 
On  feme  vers  le  io  de  juillet ,  vieille 
ou  nouvelle  femence ,  pourvu  qu'elle  foit 
afïez  bonne  ,  &  l'on  plante  au  commen- 
cement d'oÂobre. 

Qiiand  la  terre  eft  enfèmencée ,  il  n'eft 
plus   queftion  que  de   laiffer  croître   les, 
plantes ,    qui   doivent  être   fuffifamment 
montées  à  la  fin  de  feptembre. 


COL 

On  les  déplante  pour  lors  par  un  beau 
îour  ;  on  rebute  les  véreufes  ôc  les  langui  (Tan- 
tes ,  &  on  les  tranfporte  fur  Tautre  terre  pré- 
parée comme  il  a  été  dit  :  on  y  fait  des  trous 
avec  un  plantoir ,  à  ladiftance  de^  demi-pié 
en  ligne  perpendiculaire,  Ôcd'unpié  en  ligne 
horizontale  :  chaque  trou  reçoit  ia  plante  , 
qu'un  homme  reflèrre  avec  le  pié  à  mefure 
qu'un  enfant  la  place. 

Tousles  huit  pies,  on  fait  une  rigole  en 
talur  d'un  pié  d'ouverture,  &  autant  de  pro- 
fondeur ;  on  en  jette  la  terre  à  droite  &  à 
gauche ,  fur  la  diftance  d'un  pié  qu'on  a 
laide  pour  cela  entre  chaque  plante:  c'eftce 
qu'on  appelle  recouvrir.  Cela  fe  fait  pour  l'é- 
coulement des  eaux,  ôc  pour  garantir  de  la 
gelée. 

Il  n'y  a  plus  d'autre  façon  à  donner  ,  à 
moins  que  d'arracher  les  mauvaifes  herbes , 
s'il  en  poulloitaflez  pour  étouffer. 

Il  n'y  a  que  des  événemens  extraordinai- 
res qui  puiiiènt  nuire  zucolfat  dans  toutes  les 
faifonsitous  les  temps  lui  font  propres,  fi 
l'on  en  excepte  les  gelées  trop  fortes  &  tar- 
dives ,  les  grands  orages ,  la  grêle ,  &  les 
grands  brouillards ,  dans  le  temps  de  fa  ma- 
turité. •* 

On  fait  la  récolte  à  la  fin  de  juin  ,  quand 
la  graine  eft  prête  à  épiler  j  &  pour  éviter  cet 
accident ,  on  fè  garde  de  la  laiflèr  trop 
mûrir  pour  recueillir. 

On  fcie  avec  la  faucille ,  &  Ton  couche 
les  tiges  fur  terre  comme  le  blé  ,  on  les  y 
lailïè  pendant  deux  beaux  jours 5  fi  la  pluie 
ne  permet  pas  de  les  relever  après  ce  temps , 
il  faut  attendre. 

On  les  relevé  dans  un  drap,  ôc  on  les 
porte  au  lieu  préparé  -pour  faire  la  meule 
fur  la  même  pièce  de  terre  ,  afin  de  ne  pas 
perdre  la  graine  j  on  y  fait  autant  de  meu- 
les que  la  dépouille  en  demande  :  celle  de 
huit  cents  déterre  doit  fufïire  pourune  meu- 
le ;&  pour  la  faire  ,  on  forme  une  terraflè 
bien  feche  Se  bien  battue,  de  vingt  pies 
quarrés  ;  on  y  met  un  lit  de  paille ,  fur  lequel 
on  arrange  les  tiges  la  tête  en  dedans  -,  on  ar- 
rondit cette  meule  dès  le  pié  jufqu'à  la  hau- 
teur de  trois  toifes  plus  ou  moins ,  en  termi- 
nant en  pain  de  fucrc ,  &  l'on  couvre  le  def- 
fus  pour  être  à  l'abri  de  la  pluie. 

Quand  les  grands  venrJa  mettent  en  dan- 
ger de  culbuter ,  on  a  foin  de  l'étayer. 


COL  549 

Le  colfût  repofe  ainfi  juiqu'apres  la  moif^ 
fon  ,  à  moins  que  l'on  n'ait  lieu  de  crain- 
dre l'échauffement  de  la  graine  ;  ce  qui  pour-    ^ 
roit  arriver  par  des  temps  fort  plufieux ,  ou 
pour  l'avoir  recueillie  trop  verte. 

Il  efl  efTentiel  de  choifir  un  beau  jour  pour 
défaire  la  meule  ;  mais  avant  tout  on  prépare 
au  pié  une  plate-forme  battue  ,  auflî  dure 
que  les  battines  de  grange  i  &  c'eft  U-Jcdus 
que  l'on  bat  à  mefure  que  la  meule  fe  défiic 
avec  la  précaution  de  n'en  lever  les  tiges 
que  dans  un  drap. 

Dès  qu'on  en  a  battu  une  certaine  quan- 
tité ,  il  feut  retirer  avec  un  râteau  la  paille 
écrafée  ;  cela  aide  à  bien  battre  le  refte ,  &c 
fait  perdre  moins  de  graine. 

Qiiand  tout  efl  battu ,  on  la  nettoie  par 
le  moyen  d''un  puroir. 

îl  y  en  a  de  deux  fortes.  L'un  eft  un  grand 
tambour  troué  en  rond ,  pour  y  faire  pafler 
la  graine  :  c'eft  le  premier  dont  on  feferr, 
&  on  jette  au  rebut  ce  qui  refte  dans  le 
tambour. 

Le  fécond  eft  aufîi  un  tambour  dont  les 
trous  font  en  long  ,  pour  y  fiire  pafler  la 
poufliere ,  en  y  mettant  ce  qui  a  pafle  par    .♦ 
le  premier. 

En  tamifant ,  on  a  foin  de  retirer  vers  les 
bords  ce  qui  peut  reft'er  de  gros  marc  ,  &  l'on 
fait  toujours  la  même  chofe  jufqu'à  la  fin. 

La  graine  ainfi  purifiée ,  on  la  porte  dans 
des  facs  au  grenier ,  Se  on  l'y  garde  comme 
le  blé ,  jufqu'à  ce  qu'on  la  vende.  Si  1  on  y 
trouvoit  un  peu  d'humidité ,  il  faudroit  la 
remuer. 

Le  plancher  du  grenier  doic  être  d'autant 
moins  ouvert ,  que  la  graine  eft  petite.  Bien 
des  gens  y  étendent  une  grande  toile  pour 
l'y  renverfer. 

Il  eft  bon  d'obferver  qu'elle  ne  profite  pas 
dansle  grenier  ;  c'eft  pourquoi  l'on  s'en  défait 
le  plutôt  que  l'on  en  trouve  i^i  prix. 

Tout  ce-  qui  refte  de  paille  courte  ou  ha- 
chée ,  on  le  donne  aux  pauvres ,  ou  bien  on  le 
brûle  fur  les  lieux  :  c'eft  un  engrais. 

Les  tiges  battuesferventàéchaufferle  four, 
ou  pour  le  feu  des  pauvres.  Les  fermiers  qui 
n'en  font  pas  cet  ufage ,  les  vendent  afTez 
ordinairement. 

Il  ne  faut  à  la* graine  aucune  façon  ,  après 
quelle  eft  recueillie  :  pour  la  porter  au  mou- 
lin ,  tous  les  temps  font:  propres  quand  il  y 


5P 


COL 


a  du  vent ,  excepté  par  les  gelées   fortes. 

Vingt  rafieres  de  graine  rendent  année 
commune  quatre  tonnes  d'huile  ,  chaque 
tonne  pefant  ico  livres  poids  de  marc,  ians 
y  comprendre  la  futaille. 

■  Il  faut  encore  oblerver  que  le  marc  de 
rhuile  fe  met  à  profit  :  on  en  fait  des  tour- 
teaux qui  entretiennent  le  lait  des  vaches 
pendant  l'hiver,  en  les  délayant^  dans  le 
boire. 

On  s'en  fert  aulTi  à  fumer  les  terres ,  en 
les  réduifant  en  poufTiere.  C'eft  un  engrais 
un  peu  cher. 

Ces  tourteaux  font  de  la  figure  d'une 
gauffre  de  quatorze  pouces  de  long  ôc  huit 
de  large  ,  fur  demi  -  pouce  d'épail^èur  :  ils 
doivent  pe.'er  chacun  huit  livres  &  demie 
poids  de  marc,  félon  les  ordonnances  de  la 
province. 

Ils  fe  font  à  la  preflè,  que  Le  vent  fait 
agir  dans  le  moulin. 

Vingt  raiieres  de  co//i?  rapportent  ordinai- 
rement 550  tourteaux.  Dans  un  pays  où  l'on 
ne  feroit  point  cas  des  tourteaux  ,  la  dimi- 
nution du  profit  feroit  bien  grande. 

*  §  COLTIS ,  f.  m.  (  Architecl,  navale.  ) 
Le  ccltis  eft  le  premier  couple  de  l'avant  du 
vailîeau  ;  il  porte  ordinairement  fur  le  haut 
du  brion ,  &  plus  fouvent  il  eft  avancé  fur 
l'élancement  de  l'étrave ,  afin  qu'il  donne 
plus  d'appui  aux  alonges  d'écubiers  ;  cepen- 
dant la  pofition  &c  la  coupe  du  coltis  font 
foumifesau  travail  duconftrudeur  :  car  on 
ne  pourroit  prétnter  que  des  principes  trop 
généraux  pour  la  coupe  des  façons  de  l'avant 
du  vaillèau ,  flans  lefquels  eft  comprife  & 
influe  eflêntiellement  la  coupe  du  coltis  Se 
même  fa  pofition. 

Le  couple  du  coltis  n'eft  pas  établi  per- 
pendiculairement comme  les  autres  couples, 
fa  fituation  eft  oblique ,  en  forte  qu'il  fait 
avec  la  quille  un  angle  d'environ  vingt 
degrés.  Ce  dévoiement  lui  procurc  plus  de 
ftabilité  ôc  diminue  l'équerfage  des  couples 
de  cette  partie  du  vaifteau. 

La  grande  fortie  de  l'alonge  de  revers  du 
coltis  donne  plus  de  faillie  &  de  folidité  aux 
bofioirs,  plus  de  facilité  pour  Pabordage  dans 
un  combat,  plus  d'aifènce  rour  la  manœuvre 
du  gaillard  -  d'avant ,  &z  (ert  enfin  à  rejeter 
en  dehors  leslam>esqui.,  fins  cette  réfiftance, 
fe  brifcroiçnt  fur  le  gaillard -d'avant.  Les 


COL 

couples  de  rempliflage  placé  en  arrière  du 
col:is  y  participent  beaucoup  de  fes  contours. 
Inpruclicn  élémentaire  6  raijonnéejar  la  ccnf- 
rruclion  praàquj  des  vmjfeauxy  par  M.  Du- 
ranti  de  Lironcourt. 

COLOMBO  ,  C  m.iHiJÏ.  nat.  Tchthyo^ 
log.)  nom  que  les  habitansd'Amboine  don- 
nent à  un  poiflbn  qui  a  été  paflablement 
gravé  par  Ruyich,  darsfa  Colàâion  nouvelle 
des  poijjuns  a'Amboiney  pt.  XIX;  n°.  XO  ^ 

P^g^  SS- 
II a  le  corps  cylindr-que  ,  pointu  aux  deux 
extrémités ,  trois  fois  pius  long  que  large ,  la 
tête  médiocrement  longue  ,  les  yeux  petits , 
le  mufeau  alongé  en  cylindre  ,  de  manière 
que  la  mâchoire  fupérieureeft  beaucoup  plus 
longue  q;!e  l'inférieure. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fept  ; 
(avoir ,  deux  ventrales  petites ,  placées  fous 
le  milieu  du  ventre ,  loin  derrière  les  pedo- 
rales  qui  iont  quarréesjune  dorfale  étendue 
de  la  tête  à  la  queue ,  un  peu  plus  haute  de- 
vant que  derrière;  une  derrière  l'anus  aflèz 
longue,  enfin  une  à  la  queue  creufée  en  arc 
jufqu'au  quart  de  fa  longueur. 

Son  corps  eft  jaune  marqué  de  neuf  an- 
neaux noirs;  fa  queue  a  de  chaque  côté 
quatre  lignes  longitudinales  noires  ;  fa  mâ- 
choire fupérieurea  aufifi  deux  anneaux  noirs. 
Mœurs.  Le  Colombo  eft  commun  aux  îles 
Moluques,  fur-tout  autour  deCeram  fur  les 
cotes  couvertes  de  vafos. 

Qualités.  Il  a  la  chair  in/îpide ,  ^  fî  molle 
qu'elle  tombe  en  putréfaction ,  fans  pouvoir  * 
lécher,  comme  il  arrive  aux  autres  poiftbns 
lorfqu'on  les  expofe  au  foleil. 

Remarque.  Ce  poiflbn  forme  un  genre 
particulier  dans  la  famille  des  carpes.  (  M. 

Ad  AN  SON.) 

COLUG  A ,  (  Géog,  moà.  )  viUe  de  Pem- 
jDire  rufïien  aux  confins  du  duché  de  Rezan, 
Fur  la  rivière  d'Occa. 

/^COLUMBARIA,  {Wjl.  anc.)  c'eïï 
ainfi  qu'on  appelloit  des  trous  pratiqués  aux 
flancs  des  vaiflcaux  vers  leurs  Bords ,  par  où 
paflbient  les  rames  :  ce  nom  leur  venoit  de 
leur  reflemblance  avec  l'entrée  des  boulins 
ronds  des  colombiers. 

On  donnoit  encore  le  même  nom  à  des 
maufoléesde  familles  de  diftindion,  ou  l'on 
avoit  pratiqué  des  cellules ,  &  dans  ces  cellu-* 
les  des  rangées  dt  iiiches,  placées  les  unes 


COL  COL  551 

fur  les  autres,  comme  les  boulins  dans  un  |  aux  riges,  fans  aucun  pédicule,  à  des  dif- 
colombier.   Ces    niches    renfermoienc  des    tances  égales  à  le^jr  longueur. 


urnes  rondes ,  offce  ;  il  y  en  avoit  auiïi  de 
quarrées.  Un  columbaria  contenoit  fouvent 
pluiieurs  urnes.  V.  l'antiq.  expliq. 

COLUMNA ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  de 
r^mpire  ruiïien  fur  la  rivière  d^Occa.  Long. 
55,  çl;  lat.  54,  50. 

COLUiMNEA,  {Wjî.nat.  hot.)  genre 
de  plante  ,  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  ce-  ' 
lui  de  Fabius  Colomne.  La  fleur  des  plantes 
de  ce  genre  eft  monopétalc,  &  faite  en 
forme  de  mafque ,  dont  la  lèvre  fupérieure 
eft  un  peu  voiitée  &:  concave ,  &  l'inférieure 
eft  diviféc  en  trois  parties.  Il  fort  du  calice 
un  piftil  qui  eft  attaché  comme  un  clou 
à  la  partie  poftérieure  de  la  fleur,  &  qui 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  globuleux , 
mou  &  rempli  de  petites  femences  oblon- 
gues.  Plumier ,  nova  plant.  Americ.  gêner. 
Voyei  Plante.  (J) 

COLUPPA*  f  m.  {Hfjf.  nat.  Satan.) 
plante  du  Malabar ,  alTez  bien  gravée  fous 
ce  nom  par  Van-Rheede  dans  fon  Hortus 
Malabaricus ,  volume  X ,  planche  XI,  page 
%i  ;  J.  Commelin  dans  fes  Notes  fur  cet 
ouvrage  ,  l'appelle  perjîcarico  folio  ,  repens 
Malabar ica ,  flore  globofo  albefcente.  M. 
Linné ,  dans  fon  Species  plantarum ,  impri- 
mé en  1 7  5"  3 ,  page  zz^,  Pappelle  gromphrena 
jfeJfHis^  caule  repente,  folii s  lanceolatis  fejji- 
libus,  capitulis  oblongis  fejfilibus  aphyllis  ;  & 
il  le  confond  avec  X'amaranthus  humilis  foliis 
cppojitis ,  fiofculis  in  aliis  glomeratis,  Bur- 
.  niann.    Thef.  Zeyl.  tab.  iP^  fig.  z. 

C'eft  une  plante  vivace  à  tige  cylindrique 
longue  de  3  à  4  pies ,  fur  3  à  4  lignes  de 
diamètre,  rampaïite,  ramifiée  de  quelques 
branches  alternes ,  élevées  d'un  dcmi-pié , 
vertes ,  jetant  de  chaque  noeud  un  faifceau 
de  15  à  20  racines  capillaires,  "blanches 
d'abord,  enfuite  rougeâtres,  longues  d'un 
pouce.  • 

La  racine  principale  eft  cylindrique  lon- 
gue de  3  à  6  pouces,  fur  5  à  6  lignes  de 
diamètre. 

Les  feuilles  font  oppofées  deux  à  deux, 
difpofées  parallèlement  fur  le  même  plan, 
elliptiques ,  pointues  aux  deux  extrémités , 
longues  de  1  pouCes  à  x  pouces  &  demi, 
trois  à  quatre  fois  moins  larges,  entières, 
ifpallfes,  molles,  attachées  horizontalement 


Des  aillclles  alternes  de  chaque  paire  de 
feuilles ,  fort  une  tête  fphérique  feffile  , 
de  4  lighes  de  diamètre,  compofée  de  20 
à  30  fleurs  fefliies  contiguës,  imbriquées, 
très-ferrées ,  blanchâtres ,  à  centre  verd  , 
longues  d'une  Hgne ,  ouvertes  Ibus  un  an- 
gle de  45  degrés. 

Chaque"  flçur  eft  hermaphrodite ,  polypé- 
tale  incomplète ,  pofée  autour  de  l'ovaire  : 
elle  coniîfte  en  un  caHce  à  8  feuilles ,  dont 
cinq  intérieures  aflez  égales ,  triangulaires , 
concaves,  pointues,  une  à  deux  fois  plus 
longues  que  Irftges ,  blanchkres ,  perfif- 
tantes,  en  trois  étamines  à  anthères  jaunes, 
réunies  en  bas  par  leurs  filets ,  en  une  mem- 
brane courte;  du  centre  du  calice  s'élève 
un  ovaire  fphérique,  terminé  par  un  ftyle 
cylindrique ,  couronné  par  un  ftigmate  cy- 
lindrique, tronqué,  velu. 

L'ovaire  en  mûrilîant  devient  une  caplule 
lenticulaire  comprim.ée  en  forme  de  cœur, 
membraneufe,  blanc- jaunâtre,  à  une  loge, 
ne  «'ouvrant  point  &  contenant  une  graine 
lenticulaire  dune  demi-ligne  de  diamètre, 
d^abord  roufle ,  enfuite  bleue-terne ,  ayant 
fur  fes  bords  un  petit  tubercule  Uanchâtre , 
tranfparent,  par  lequel  elle  eft  attachée 
droite ,  élevée  au  fond  de  la  capfule.-  ;    * 

Culture.  Le  coluppa  croit  au  Malabar  dans 
les  terres  humides  &  aqueufes ,  où  elle 
rampe  au  fond  de  l'eau,  en  élevant  fes 
branches  un  peu  au  deftus  de  la  furface. 
Qualités.  Cette  plante  n'a  ni  faveur ,  ni 
odeur ,  à  moins  qu'elle  ne  croifle  fur  des 
terrains  faHns  de  la  côte  maritime  j  alors 
elle  prend  un  goût  de  fel. 

Vfages.  Les  Malabares  la  pilent  ôc  Pap- 
pliquent  en  cataplafme  fur  la  tête  pour  dif- 
fiper  la  migraine  ;  fon  fuc  exprimé  fe  boit 
dans  l'eau  tiède ,  dans  les  coliques  venteufes  > 
fa  racine  pilée  &c  mêlée  avec  le  cumin  Se 
le  fucre ,  fe  prend  avec  le  lait  ou  Peau  de 
coco  pour  réparer  les  forces. 

Renu^ques.  Le  coluppa  du  Malabar  n'efè 
donc  jPl  la  même  plante  que  le  mugunu- 
venna  de  Ceylan ,  figurée  par  M.  Burmann  , 
dans  fon  Thefaurus  Zeylanicus ,  planche  IV, 
fig.  Z,  fous  le  nom  à'amaranthus ,  dcc.  qui 
a  cinq  étamines  &c  cinq  denticules  entre 
elles.  Ce  n'eft  pas  non  plus  une  efpece  der 


551  COL 

grompkrena,  c'eft-à-dire,  du  wadapu,  comme 
la  penfé  M.  Linné ,  mais  un  genre  parti- 
culier qui  vient  naturellement  dans  la  fa- 
mille des  amaranthes  où  nous  l'avons  placé. 
Voy  e'^nos  Familles  des  plantes  y  volume  II, 
page  %6q.  (  M.  Adanson.  ) 

COLURE ,  f.  m.  fe  dit ,  en  terme  de 
Géographie  &  d'ajironomie ,  de  deux  grands 
cercles,  que  Pon  fuppofe  s'entrecouper  à 
angles  droits  aux  pôles  du  monde.  Voyei^ 
Cercle. 

L'un  paflè  par  les  points  folfticiaux ,  c'eft- 
à-dire  par  les  points  où  l'écliptique  touche 
les  deux  tropiques  ;*  de  l'autre  par  les  points 
équinoxiaux,  c'cft-à-dire^^par  les  points  où 
l'écliptique  coupe  l'équateur  ;  ce  qui  a  fait 
donner  au  premier  le  nom  de  colure  des 
folftices ,  &:  au  fécond  celui  de  colure  des 
équinoxes.   V.  Solstice  ù  Equinoxe. 

Les  colures  en  coupant  ainii  l-'équateur, 
marquent  les  quatre  làifons  de  l'année  ;  car 
ils  divifent  l'écliptique  en  quatre  parties 
égales ,  à  commencer  par  le  point  de  î'équi- 
noxe  du  printemps.  Comme  ces  cercles 
pafïènt  par  les  pôles  du  monde ,  il  eft  évi- 
dent qu'ils  font  l'un  ôc  l'autre  au  nombre 
des  méridiens.  F".  Saisons. 

Au  rcfte  ,  ces  cercles  étoient  plus  d-'ufàge 

dans  Paftronomie  ancienne  qu'ils  ne  font 

.  aujourd'hui.  Ce  n'eft  prefque  plus  que  par 

habitude  qu'on  en  fait  mention  dans  les 

ouvrages  fur  la  fphere.  (  O  ) 

COLUTEA,  {Jard.)  plante  de  Pefpece 
du  baguenaudier  :  elle  s'élève  peu,  &  donne 
des  fleurs  de  couleur  pourpre  très-agréablesj 
fa  feuille  petite  ,  d'un  verd  pâle  ,  &  faite 
en  ombelle ,  ne  tombe  point  pendant  l'hiver^ 
fon  bois  eft  mélangé  de  verd  &  de  rouge , 
&  fa  forme  eft  pyramidale;  fà  graine  eft 
renfermée  dans  de  groftes  gonfles. 

On  a  foin  de  le  ferrer  pendant  l'hiver  avec 
les  autres  arbres  qui  craignent  le  froid.  (K) 

COLYBES,  f  m.  pi.  {Hijl.  eccléf.)  nom 
que  les  Grecs ,  dans  leur  lithurgie ,  ont 
donné  à  une  offrande  de  froment  8c  de 
légumes  cuits ,  qu'ils  font  en  l'honneur  des 
faints  &  en  mémoire  des  mortag| 

Balfamon ,  le  P.  Goar  &  Léon  mlatius , 
ont  écrit  fur  cette  matière.  Voici  ce  qu'ils  en 
difent  en  fubftance  :  les  Grecs  font  bouillir 
une  certaine  quantité  de  froment ,  &  la 
mettent  en  petits  morceaux  fur  une  affiette  j 


C  O  M 

ils  y  ajoutent  des  pois  piles,  des  noîx  coupées 
en  fort  petits  morceaux  ,  &  des  pépins  de 
raiiîns  :  ilsdivilèntle  tout  en  pluficurs  com- 
partimens  féparés  par  des  feuilles  de  perfil  ; 
&  c'eft  à  cette  compoiition  qu'ils  donnent 
le  nom  de  Ko\iCcc. 

Ils  ont  pour  la  bénédivtlon  des  colybes 
une  formule  particulière  ,  dans  laquelle  ils 
font  des  vœux  pour  que  Dieu  béniflè  ces 
fruits  &  ceux  qui  en  mangeront  \  parce  qu'ils 
font  offerts  à  la  gloire  en  mémoire  de  tel 
ou  tel  faint ,  &  de  quelques  fidèles  décédés. 
Balfamon  attribue  à  S.  Athanafe  l'inftitu- 
tion  de  cette  cérémonie  :  mais  le  fînaxaire  , 
qui  eft  un  abrégé  de  la  vie  des  faints ,  en  fixe 
l'origine  au  tempsde  Julien  l'Apoftat ,  &  dit 
que  ce  prince  ayant  fait  profaner  le  pain  & 
les  autres  denrées  qui  fe  vendoient  aux  mar- 
chés de  Conftantinople  au  commencement 
du  carême ,  par  le  fang  des  viandes  immo- 
lées ,   le  patriarche  Eudoxe   ordonna  aux 
chrétiens  de  ne  manger  que  des  colybes  ou 
du  froment  cuit ,  &  que  c'eft  en  mémoire 
de  cet  événement  qu'on  a  coutume  de  bénir 
&  de  diftribuer  les  colybes  aux  fidèles  le 
premier  fàmedi  de  carême.   Au  refte  ,  les 
Grecs  donnent  encore  à  cet  ufage  des  in- 
terprétations myftiques ,  difaiit  que  les  coly^ 
bes  font  des  fymboles  d'une  réfurredion 
générale ,  &  les  divers  ingrédiens  qu'on  y 
mêle  avec  le  froment,  des  figures  d'autant 
de  différentes  vertus.  C'eft  ce   qu'on  peut 
voir  dans  un  petit  traité  des  colybes  écrit 
par    Gabriel    de  Philadelphie,   pour    ré- 
pondre aux  imputations  de  quelques  écri- 
vains de  l'églife  latine ,  qui  défapprouvoient 
cet  ufàge,  &  que  M.  Simon  a  fait  impri- 
mer à  Paris  en  grec  &;  en  latin ,  avec  des 
remarques.  (  G  ) 

COMA,  {Méd.  pratiq.)  efpece  d'affec- 
tion foporeufè ,  que  les  anciens  ont  fubdi- 
vifee  en  coma  vigd,  &  en  coma  fomnolen- 
tum,  Le#  autres  affeétions  du  même  genre  , 
que  l'exadtitude  de  l'école  a  érigées  en  au- 
tant de  maladies  diftin6tes,  &  dont  on  nous 
a  donné  des  hiftoires  &  des  traitemens  par- 
ticuliers ,  font  le  larus  ,  la  léthargie  ,  l'apo- 
plexie  :  mais  il  vaut  beaucoup  mieux,  avec 
les  médecins  exaâs,  ne  les  regarder  que  com- 
me les  différens  degrés  d'une  même  maladie 
du  fommeil  contre  nature.  Voy,  Soporeuse 
(Affection).  (^  ) 

Coma 


C  O  M 

Coma  aurea  ,  f.  f.  {Hifî.  nat^  bot.) 
genre  de  plante  qui  porte  des  têtes  écail- 
leufes  &:  inégales  ,  qui  contiennent  des  fleurs 
monopétaies  en  fleurons  proprement  dits. 
Les  embryons  deviennent  des  lemences,  qui 
font  terminées  par  des  écailles  ou  de  petites 
membranes  :  ces  lemences  mûriflent  entre 
les  écailles  qui  font  fur  la  couche.  Pontedera , 
dijf.  oB.  Foje:(^  Plante.  (  J) 

COMACHIO  ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville 
d'Italie  au  Ferrarois ,  dans  Técat  de  l'Eglife. 
Long:  zg  ,  45  ;  lût.  44  ,  4f . 

COMAGENE  ,  f.  f.  (  Géog.  anc.)  con- 
trée delà  Syrie,  volilne  de  TEuphrate:  ce  qui 
l'a  fait  appeller  Euphrateufe.  Elle  étoit  bor- 
née d'un  coté  par  le  mont  Amman  ,  de  l'au- 
tre par  l'Euphratc  ,  &  reflerrce  par  derrière 
parle  mont  Taurus  :  au  refte  ,  ces  limites  ne 
font  pas  bien  certaines.  La  capitale  de  cette 
contrée  ou  de  ce  royaume  portoit  le  même 
nom  ,  lelon  quelques  autres  :  d'autres  difent 
que  c'écoit  Samofate^aujourd'huiSiemprat, 
patrie  de  Lucien. 

COMANA ,  {Géog.  mod.)  ville  de  l'Amé- 
rique méridionale  fur  la  côte  des  Caraques  ^ 
dans  la  Terre-Ferme. 

COMANE  ,  f  f.  (  Géog.  anc.  ù  mod.  ) 
nom  propre  de  ville  :  il  y  avoir  une  Comane 
dans  les  vallées  de  l'anti-Taurus  :  une  dans 
l'Arménie  mineure ,  ou  Ç^Xon  d'autres  dans 
la  Cappadocc  :  on  l'appelloit  Comane  la  Pon- 
tique  ;  unetroifieme  dans  la  Taprobane  ;  une 
quatrième  en  Phrygie  ;  une  cinquième  en 
Pyiidie.  Celle  de  l'anti-Taurus  s'appelle  au- 
jourd'hui Corn  on  Tubachi^an;  celle  de  l'Ar- 
ménie mineure  eft  au  confluent  du  Jar  6c 
de  Firis,  &  s'appelle  Arminiacha.  Voye'^le 
DiB.  de  Trév.  iic  la  Martiniere. 

COMANIE  ,  {Géog.  mod.)  pays  d'Afie 
borné  par  la  mer  Cafpiennc ,  la  Circaflîe  ,  la 
Mofcovie ,  &;  la  Géorgie.  Les  habitans  en 
font  mahométans ,  &;  fous  la  protedion  du 
roi  de  Perfe. 

COMARCIOS,  {Mufiq.  des  anc.)  air 
ou  nome  dejlûte  des  Grecs.  T'^oye^  Flute. 
COMAROIDES  ,  {HiJI.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  dont  les  fleurs  îont  compofées  de 
cinq  pétales  difpofées  en  rofc ,  &  loutenues 
par  un  calice  découpé  :  cette  fleur  a  des  éra- 
mines  &  des  fommets  ;  fa  partie  intérieure 
eft  garnie  de  plufieurs  embryons,  dont  cha- 
cun a  une  trompe ,  &  devient  une  femence 
Tome  VJIL 


COM  555 

nue.P'onteder3,^^/^r/l/?^.  ///.  F^Plânte-CJ) 
COM  ARQUE,  f.  f.  ju  (lices  fubalternes 
de  Portugal ,  qui  y  font  au  nombre  de  vingt- 
quatre,  &  qui  ont  beaucoup  de  rapport  avec 
nos  bailliages  de  France.  Voy.  ledicl.  de  Trév. 
ÔC  le  Quien  de  J^euville. 

^  COMASQUE  ,  {Géogr.)  leComafyuê 
qui  tire  fon  nom  de  la  ville  de  Côme  ,  Co- 
menfîsager,  efl:  entouré  du  Bergamafque,  des 
montagnes  des Gri(ons,& de  celles  delà Val- 
teline.  Le  lac  appelle  par  les  Romains  larius 
lacus ,  z  dans  fà  longueur  qui  eft:  du  nord  aw 
fud  ,  environ  quinze  Heues  ;  mais  il  n'a  pas 
plus  de  deux  ou  trois  lieues  de  largeur. 

COMATEUX  ,  adj.  en  Médecine ,  fe  dît 
de  ce  qui  prpduit  ou  annonce  le  Coma.  Voyc^ 
Coma. 

COM  ATI,  f.  m.  {HiJ}.  nat.  BoranJgue.) 
nom  Brame  d'un  arbre  du  MaUbnr ,  allez 
bien  gravé  ,  avec  la  plupart  de  (es  détails  par 
Van-R  heede,  dans  (on  Hortus  Malabaricus, 
volume  V ipage  ffj  ,  planche  XXXI l ,  fous 
le  nom  de  watta-tali  ;  les  Portugais  l'appel- 
\Qnx.folhas  da  minta  ,  6<:  les  HoUandois  loog" 
boom. 

Cet  arbre  s'élève  à  la  hauteur  de  vingt-cinq 
pies  environ;  fon  tronc  en  a  flx  à  huit ,  (ur 
un  pié  à  deux  pies  de  diamètre ,  &  eft  cou- 
ronné par  une  cime  Iphérique  compofée  de 
branches  peu  nombreufes ,  alterne»,  épaifles, 
courtes ,  cylindriques ,  écartées  d'abord  fous 
un  angle  de  45  degrés  ,  en  fuite  horizontale- 
ment ,  dont  le  bois  eft  blanc ,  denlè ,  moel- 
leux au  centre ,  à  moelle  jaune  ,  recouverte 
d'une  écorce  épaifle  ,  brune. 
Sa  racine  eft  brune. 

Ses  feuilles  font  alternes ,  raflemblées  au 

nombre  de  dix  à  douz;e,  fort  ferrées  vers 

le  bout  des  branches,  taillées  à-peu-près 

comme  celles  du  peuplier  blanc  en  forme  dfc 

cœur  arrondi ,  un  peu  échancré  à  leur  ori* 

gine,  avec  une  petite  pointe  à  l'extrémité  bp- 

pofée ,  de  trois  à  quatre  pouces  de  longueur, 

fort  peu  moins  larges ,  marquées  de  fept  à 

huit  ondes  ou  dentelures  obtufes  de  chaque 

coté  de  leurs  bords ,  lilfes ,  luifantes ,  verd- 

claires  deflus ,  plus  foncées  deflous  où  elles 

font  velues,  relevées  de  trois  côtes  principales 

&  portées  d'abord  ,  relevées  fous  un  angle 

de  45  degrés ,  enl  uite  horizontalement ,  6c 

pendantes  fur  un  péduncule  cylindrique  de 

moitié  plus  court  qu'elles. 

Aaaa 


554  C  O  M 

De  l'aififèlle  de  chaque  feuille  fort  un  épi 
une  fois  plus  court  qu'elle ,,  compofé  d'une 
vingtaine  de  fleurs  fefiiiesairez  ferrées,  verd- 
jaunes ,  ouvertes  en  étoile ,  de  quatre  à  cinq 
lignes  de  diamètre. 

Chaque  fleur  eft  hermaphrodite ,  polypé- 
tale  incomplète,  régulière ,  difpofée  autour 
de  Povaire  ;  elle  conlifte  en  un  calice  perfif- 
lant  à  deux  feuilles  ,  fans  corolle ,  en  vingt  à 
trente  étamines  à  anthères  jaunes  ,  &c  en  un 
ovaire  fphérique  d'une  ligne  de  diamètre, 
couronné  par  deux  fligraates  cylindriques  , 
longs,  épanouis  horizontalement,  blanchâ- 
tres ,  veloutés  ,  ou  liériflés  en  aigrette  en 
defl'us. 

L'ovaire  en  mûriflànt  devient  une  baie 
fphériq  ue  de  quatre  lignes  de  diamètre,  verd- 
jaune,  à  chair  épaifie,  d'une  demi-ligne  au 
plus ,  à  une  loge ,  ne  s'ouvrant  point ,  con- 
tenant un  oflelet  de  même  forme  de  trois 
lignes  de  diamètre ,  verdâire  ;  cet  ovaire  eft 
communément  accompagné  furie  côté  d'un 
appendice  en  tubercule  velouté  ,  qui  a  l'air 
■d'une  féconde  loge  avortée. 

Culture.  Cet  arbre  croît  en  plufieurs  en- 
droits de  la  côte  du  Malabar,  fur-tout  auprès 
de  Cranganor  ;  il  eîl  toujours  verd  ;  il  fleurit 
&  fructifie  une  fois  Tan  ;  fes  fruits  font  mûrs 
en  janvier  &  février. 

Qualités.  Toutes  les  parties  de  cet  arbre 
font  fans  faveur  &  fans  odeur  ;  fes  racines 
feules  ont  une  faveur  faline  &  mucilagineufe. 

Ufages.  Ses  feuilles  pilées  avec  le  tabac 
verd  &  Pinfu/îon  de  riz ,  s'appliquent  avec 
fuccès  fur  les  ulcères  invétérés  &  vermi- 
neux  ;  la  décoétion  de  ces  mêmes  feuilles 
dans  l'eau  fe  prend  en  bain  dans  les  fièvres 
froides  j  fes  fleurs  &  fes  fruits  piles  mis  en 
nouet ,  &  cuits  dans  le  lait  de  femme ,  fbur- 
nifîènt  un  fternutatoire  qui  guérit,  dit -on, 
les  fièvres  froides. 

Remarque.  Le  comati  fait  donc  un  genre 
.particulier  de  plante ,  voifindu  micacoulier, 
xTe/z/^sdans  la  famille  des  châtaigniers  où  nous 
l'avons  placé.  Voye':^  nos  Familles  des  plantes  y 
volume II, p.  -^jj.  {M.  Adanson.) 
:  §  COMBAT,  {Art  militaire.)  on  dif- 
.tingue  deux  fortes  de  combats  :  les  uns  géné- 
raux ,  qu'on  nomme  batailles  ,  où  les  troupes 
dedeux  armées  qui fè  choquent  agilîent  tou- 
tes, ou  en  grande  partie  de  part  oc  d''autre  j  les , 
autres  particuliers ,  où  Taclion  fepafle ,  tan- 


C  OM 

tôt  entre  les  avant-gardes  de  deux  armées, 
tantôt  entre l'avant-ga  rde  de  l'une  &  l'arriere- 
garde  de  Pautre ,  tantôt  entre  leurs  détache- 
mens  ;  tels  font  les  efcarmouches,  Pattaque 
ou  la  dcfcnfe  d'un  pofte  ,  d  un  retranclie- 
mentj  d'un  pont,  d'un  fourrage,  d'un  con- 
voi ,  les  embuicades ,  les  furpnfes ,  les  ren- 
contres imprévues  :  mais  ces  deux  fortes  de 
combats  ne  différent  que  par  le  nombre  des 
troupes  qu'on  y  emploie,  ou  qui  s'y  trou- 
vent j  &  les  règles  générales  à  obferver  dans 
Pune'  comme  dans  l'autre  font  les  mêmes» 
Nous  renvcrronsdonc  les  lecteursauxar//c/ej 
Bataille  ù  Ordre  de  bataille  ,  dont 
les  détails  font  également  relatifs  à  l'article 
Combat.  Voye:^  aujjî  Escarmouche  , 
Embuscade,  Surprise,  Fourrage  , 
Convoi  j  Retraite. 

"  Ungénéral,  dit  le  marquis  de  Feuquiercs, 
peut  avoir  différentes  vues  pour  engager  un 
comb-it  particulier  ;  mais  il  ne  doit  jamais  en 
venir  là  malgré  lui ,  ni  fans  favoir  bien  pré- 
cifément  quelle  eft  la  force  du  corps  ennemi 
qu'il  veut  combattre ,  afin  de  le  faire  attaquet 
par  un  corps  fi  fupérieur ,  que  l'événement 
n'en  puifle  point  être  balancé  \  »  car ,  ajoute 
cet  auteur ,  "  fa  réputation ,  &  la  confiance 
des  troupes  en  fa  conduite ,  dépendent  tou* 
jours  de  la  manière  dont  il  les  engage  dans 
des  affaires  particulières,  qui  coûtent  fbuvent 
beaucoup,quand  elles  ne  font  pas  entrepriiès 
avec  prudence  &  connoiflance.  »> 

Cette  maxime  eft,on  ne  peut  pasplus  fage  ; 
mais  il  faut  avouer  qu'un  commandant  en 
chef  d'une  armée ,  qui  ne  fauroit  pas  stn 
écarter  quelquefois ,  çourroit  rifque  de  ne 
pas  faire  grand'chofe  :  nous  avons  quantité 
d'exemples  où  à  nombre  égal  &  même  infé- 
rieur ,  un  général  a  attaqué  &  battu  un  corps 
d'ennemis  ,  foit  parce  qu'il  en  avoir  bien 
examiné  la  pofition  ,  qu'il  a  fu  profiter  des 
défauts  qu'il  y  avoit  remarqués ,  ou  de  la  né- 
gligence de  ion  adverfaire  à  occuper  certains 
poftes  eflèntiels  pour  fa  fureté  ,  foit  parce 
qu'il  connoiflôit  le  caraâere  timide  de  ce 
dernier ,  ou  le  peu  d'expérience  ou  de  fer- 
meté de  fes  troupes ,  foit  par  fes  talens  fupé- 
rieurs  &  la  confiance  que  les  troupes  avoient 
en  lui ,  foit  enfin  parce  qu'avec  une  capacité 
ordinaire ,  il  étoit  entreprenant ,  hardi ,  & 
qu'ilvoyoit  des  moyensderéufTiroù  un  autre 
n'eût  trouvé  que  des  obftades.  Le  maféchal 


C  O  M 

oe  Villars  difbit  qu'il  falloir  quelquefois  fup- 
plcer  au  manque  de  force  parla  hardiefTè. 

"  Un  corps  peu  confidérable ,  dit  l'auteur 
que  j''ai  cité  ci-devant ,  quoiqu'il  fe  croie  à 
porte'e  de  Tarmée  de  laquelle  il  a  été  détaché, 
ne  doit  jamais  s'opiniatrer  à  fe  tenir  trop  près 
dé  Tennemi ,  qui  eft  en  plaine  &  qui  marche 
avec  toute  Ton  armée  ,  à  moins  que  ce  corps 
n'ait  un  bon  défilé  devant  Iri  ■■,  fans  quoi  cette 
préfomption  le  fait  toujours  battre.  »  Voye:^ 
dans  les  mémoires  de  cet  autcurles  réflexions 
qu'il  fait  fur  les  combats  particuliers  donnés 
par  des  armées  entières ,  à  deflèin  d'engager 
des  affaires  générales  j  tome  II ^  chap,  LXIII. 
(M.D.L.R.) 

Combat  naval  ,  (Jlf^r//?^.)  c'efl:  la  ren- 
contre d'un  ou  plufieurs  vaifleaux  ennemis 
qui  fe  canonent  &  fe  batient.  On  le  dit  éga- 
lement desarmées  navales  &  des  efcadres  qui 
fe  livrent  un  co/ni^û/'.  Fbje:^  Ordre  de  ba- 
taille. (Z) 

Combat  ,  {Hijï.  mod.)  ou  combat  jiiigu- 
lier ,  (îgnifie  une  épreuve  formelle  entre  deux 
champions ,  qui  le  faifoit  par  l'épée  ou  par  le 
bâton  pour  décider  quelque  caufe  ou  quel- 
que différent  douteux. 

Cette  manière  de  procéder  étoit  autrefois 
fort  ordinaire ,  &:  avoit  lieu  non  feulement 
en  matière  criminelle ,  mais  encore  dans  les 
eau  Tes  civiles  :  elle  étoit  fondée  fur  cette  pré- 
fomption, que  Dieu  n'accorderoit  la  victoire 
qu'à  celui  qui  auroit  le  meilleur  droit.  Voye^ 
Duel. 

On  trouve  que  cette efpece de ^rom^^rn'eft 
pas  moins  ancien  que  le  règne  d'Othon.  Le 
dernier  que  l'on  ait  admis  en  Angleterre ,  fe 
pafîa  la  fixieme  année  du  règne  de  Charles  I , 
entre  Danald  lord  Rhée  ou  Rey ,  &  David 
Ramfey ,  écuyer  dans  la  chambre  peinte. 

On  peut  voir  ce  qui  fe  trouve  à  ce  fujet 
dans  le  coutumicr  de  Normandie ,  ou  la  cé- 
rémonie de  ce  combat  eft  décrite.  L'accufa- 
teur  étoit  obligé  de  protefter  avec  ferment  de 
la  vérité  de  fon  accufation  :  l'accufie  lui  don- 
noit  le  démenti ,  alors  chacun  jetoit  fbn  gage 
du  combat,  8c  l'on  conftituoit  les  parties  pri- 
fonnieres  jufqu'au  jour  du  combat.  Voye^ 
Champion, 

Les  hiftoricns  nous  apprennent  qu'Al- 
phonfe  ,  roi  de  Caflille  ,  defirant  abolir  la 
lithurgie  mofarabique  &  introduire  l'office 
romain  3"  comme  le  peuple  s'y  ôppofoit ,  il  fut 


COM  îjj 

convenu  de  terminer  le  différent  par  la  voie 
(\\x  combat  y  &  d'en  remettre  la  caufe  à  la  dé- 
cifîon  du  ciel. 

Philippe  le  Bel ,  en  1 505 ,  avoit  défendu 
ces  combats  :  malgré  cette  défenfe ,  le  roi 
Henri  II  permit  en  fa  préfence  le  combat  de 
Jarnac  &  la  Chateigneraye  ;  mais  depuis  ces 
duels  ont  été  totalement  prohibes ,  parce 
qu'il  étoit  très-poffibli;  que  k  coupable  de- 
meurât vainqueur. 

Ce  terme  de  combat  exprime  aufîî  les  jeujJ 
fblemnels  des  anciens  Grecs  &:  Romains,  tels 
étoient  les  jeux  olympiques,les  jeux  pythiens/ 
iflhmiens  &  néméens ,  ludi  aâiaci  Circen/es  , 
&c.  Voye:ç^z\ix  articles  qui  leur  font  propres, 

comme  aux  mOtsOLYMPIQUESjIsTHMIENS, 

&c.  Les  combats  que  l'on  y  célébroit  étoient  la 
courfc  ,  la  lutte  ,  le  combat  à  coups  de  poing , 
le  cefte.  Les  combattans ,  que  Pon  appelloit 
athlètes  ,  faifoient  une  profellîon  particulière 
mais  fervile  ;  &  dès  leur  jeunefle,  ilss'accou- 
tumoicnt  à  une  nourriture  groiïïere ,  à  un 
régime  fort  févere  ;  ils  ne  buv  oient  point  de 
vin  ,  &  fe  privoient  du  commerce  des  fem- 
mes. Leur  travail ,  comme  tout  le  rcfte  de 
leur  vie ,  fe  faifoit  régulièrement.  F".  Ath- 
lète, Gladiateur,  6'c.  Chambers  6*  Trév, 
(G) 

^  Combat  du  pont  de  Pisb,  (HiJl.  mod.f 
à  la  Saint  Antoine  ,  un  quartier  du  côté  du 
pont  défie  un  quartier  de  l'autre  côté  j  Les 
combattans  s'appellent  les  Guelfes  &  les  Gi- 
belins  ;  ils  font  divifés  comme  une  armée  , 
en  troupe  qui  a  fes  officiers  ;  chaque  fbldàt 
eft  armé  de  cuirafle  &  de  cafque ,  avec  une 
maffue  de  bois  en  forme  de  palette.  Le  pont 
efl  fcparé  en  deux  par  une  barricade  ;  les 
troupes  s'avancent  vers  le  pont  étendards  dé- 
ployés ;  on  donne  le  fignal  ;  la  barrière  s'ou- 
vre :  alors  les  combattans  s'avancent  &  fe 
frappent  avec  leurs  maflues ,  &c  tâchent  à 
gagner  le  terrain  les  uns  fur  les  autres.  Il  y 
en  a  d'armés  de  crocs ,  avec  lefquels  ils  accro- 
chent leurs  antagonifles  &  les  tirent  de  leur 
côté  ;  celui  qui  eft  accroché  &  tiré  eft  fait 
prifbnnier  :  d'autres  s'élancent  ;  d'autres 
montent  fur  les  parapets ,  d'où  ils  font  préci- 
pités dans  la  rivière  :  le  combat  dure  jufqu'à 
ce  quel'un  des  partis  fbit  chafTe  hors  du  pont. 
Le  parti  vaincu  met  bas  les  armes  &  fe  ca- 
che ;  l'autre  marche  triomphant.  Ce  combat 
ne  finit  guère  fans  accident.  Les  vainqueurs 
Aaaa  t 


5  5^  COM 

font  maîrres  du  quartier  vaincu.  Il  fe  fait 
beaucoup  de  paris. 

Combat -A -PLAISANCE,  {Hijî.mod.) 
Les  combats  -à-  pLiifance  étoient  des  tour- 
nois qui  fe  faifoient  autrefois  dans  les  occa- 
fions  d'une  réjouillance  publique,  ou  à  Thon- 
neur  des  fouverains ,  ou  pour  foutenir  la 
beauté  Se  le  mérite  d'une  maîtrellè,  de  fur- 
tout  ,  au  rapport  de  la  Colombiere  (  Théat. 
d'honneur  &  de  c/ievnkrie  ,  ch.j.)  ,  "  pour  fe 
'j  garantir  de  Toiliveté ,  laquelle  nos  ancêtres 
«  avoient  en  fi  grande  horreur  ,  que  nous 
*»  lifonstoujoursau  commencement  des  def- 
"  criptions  de  leurs  entreprises ,  que  c'ctoit 
>'  principalement  pour  la  fuir  de  toute  leur 
"  puiflànce ,  comme  la  principale  ennemie 
»>  de  leurs  cœurs  généreux.  »  Article  de  M. 
le  chevalier  de  Jaucourt. 

Combat  de  fief  ,  {Juri/prud.)  eft  la 
conteftation  qui  fe  meut  entre  deux  leigneurs 
de  fief,  qui  prétendent  refpedivement  la 
mouvance  d'un  même  héritage ,  foit  en  fief 
ou  en  cenlive.  Vo^ e^ Fief.  {-A) 

COMBATTANT  ,  f.  m,  c'eft  un  terme 
héraldique  c\m  fe  dit  de  deux  animaux ,  lions 
ou  fanglicrs ,  que  l^on  porte  fur  un  écullbn 
d^armoiries  ,  dans  l'attitude  de  combatians , 
dreflés  fur  les  pies  de  derrière  Se  affrontés  , 
ou  les  faces  tournées  l'une  contre  l'autre.  (  V) 

COMBINAISON  ,  f.  f.  {Mathémat)  ne 
dcvroit  fe  dire  proprement  que  de  l'afifem- 
blagede  pluiieurs  cKofesdeux  à  deux  ;  mais 
on  l'applique  dans  les  mathématiques  à  toutes 
Içs  manières poOTihles de  pjendie unnombre 
de  quantités  données. 

Le  P.  Merfènne  a  donné  les  combina- fons 
de  toutes  le^  notes  &  fons  de  la  mufique  au 
nombre  de  64  \  la  fomme  qui  en  vient  ne 
peut  s'exprimer,  félon  lui,qu'avec  <?o  chiffres 
ou  figures. 

Le  P.  Sébaftien  a  montre  dans  les  mémoires 
de  t académie  1704,  que  deux  carreaux  par- 
tagés chacun  par  leurs  diagonales  en  deux 
triangles  de  différentes  couleurs ,  fburnif- 
ioient  64arrangemens  difFérens d'échiquier  : 
ce  qui  doit  étonner  ,  lorfqu'on  coniîdere 
que  deux  figures  ne  fauroient  fe  combmer 
que  de  deux  manières.  Fbye;(_CARREAu. 

On  peut  fair^ufage  de  cette  remarque  du 
P.  Sébaftien,  pour  carreler  des  appartemens» 

Docîrine  des  combinai  fons.  Un  nombre 
de  quantités  étant  donné  avec  celui  des  quan- 


C  O  M 

tirés  qui  doit  entrer  dans  chaque  comhinai- 
fon  y  trouver  le  nombre  de  combinai  fons. 

Une  feule  quantité  ,  comme  il  eft  évident , 
n'admet  point  de  ccmbinaifon;  dcuxquantités 
a  &  adonnent  une  combinaifon;  trois  quantités 
a  ,  b ,  c  j  combinées  deux  à  deux  ,  donnent 
trois  combinai  fons  a  by  a  c ,  b  c  ;  quatre  en 
donneroient  fix  ab,aCybCyadybdyCd; 
cinq  en  donneroient  dix  a  b,  aCy  bc ,  ad, 
bdyCdyaeybcyCeyde. 

En  général ,  la  fuite  des  nombres  des  com- 
binaifons  eft  i  ,  3,6,10,  ùc.  c'eft-à-dire  , 
la  fuite  des  nombres  triangulaires  ;  ainti  q 
repréfentant  le  nombre  des  quantités  à  com- 
biner , X fera  le  nombre  de  leurs 

I  2 

combinaifons  deux  à  deux.  Koje:^^ Nombres 
triangulaires. 

Si  on  a  trois  quantités  a  ,  b  y  c  y  à  combi- 
ner trois  à  trois ,  elles  ne  fourniront  qu'une 
feule  combinaifon  abc;  qu'on  prenne  une 
quatrième  quantité  d ,  les  combinaifons  que 
ces  quatre  quantités  peuvent  avoir  trois  à 
trois  ,  feront  les  quatre  a  b  c  y  a  b  d  y  b  c  n  y 
a  c  d;  qu'on  en  prenne  une  cinquième  ,  on 
aura  les  dix  combinaifons  abc  y  ab  dyb  c  d  y 
ac  d  y  abeybdcybccyaccyade;  qu'on 
en  mette  une  fixicme,  on  aura  vingt  combi- 
naifons y  &c.  Enforte  que  la  fuite  des  combi- 
naifons trois  à  trois  eft  celle  des  nombres  py  ra- 
midaux  i  &  que  q  exprimant  toujours  le 

nombre  des  quantirés  données ,  ^-^  X  '^- —  X 
7—0  _  _  .  . 

~~^ y  eft  celui dç  leurs  combinaifons  trois  à  trois. 

Le  nombre  des  combinaifons  quatre  à  qua- 
tre des  mêmes  quantités  fe  trouvcroit  de  l* 
même  manière  ''-—■  X  '^-^  X  ^  X  -^  \ 
8c  en  général  n  exprimant  le  nombre  de  let- 
tres qu'on  veut  faire  entrer  dans  chaque  terme 
de  la  combinaifon  ,   la  quantité         -^        A 

<7 


'LZ-l+iv  i 


n-V?      ff-/»  -f-4  y^ 


exprimera  le  nombre  demandé  des  combi- 
naifons. 

.Qvve  l'on  demande ,  par  exemple ,  en  com- 
bien de  manières  fix  quantités  peuvent  fe 
prendre  quatre  à  quatre,  on  fera  q=i6  &c 
n=:^y  Se  l'on  fubftituera  ces  nombres  dans, 
la  formule  précédente ,  ce  qui  donnera 
6-4+1,   '        •         '         .... 


4+26-  4+"3  v6-4  +  4. 
1         ^""1  *         A 


li- 


C  O  M 

Corollaire.  Si  on  veut  avoir  toures  les  com- 
binaifons  poiïlbles  d'un  nombre  de  lettres 
quelconque ,  prifes  tant  deux  à  deux  que  trois 
à  trois ,  que  434,  frc.  il  faudra  ajouter  tou- 
tes les  formules  précédentes 

ç  _  I  9-o;<7-ix<7-ix    <y-0 


3     ' 


X   ? 


'-^  X 


I ,  ^c.  c'eft-à-dire  que 
^'       le  nombre  de  toutes  ces  combinaisons  fera 


exprime  par 


t      9x7-1 
I. 


+ 


7.  7-1.7-2   ,   7x7-1. 7-2. 7-3 


(yc. 


Si  on  compare  préientement  cette  fuite 
avec  celle  qui  repréfcnte  l'élévation  d'un 
binôme  quelconque  à  la  puilïànce  ^,  on  verra 
qu'en  faifant  égal  à  l'unité  chacun  des  ter- 
mes de  ce  binôme ,  les  deux  fuites  font  les 
mêmes  aux  deux  premiers  termes  près  i  ,  & 
q  .  qui  manquent  à  la  fuite  précédente.  De- 
là il  fuit  qu'au  lieu  de  cette  fuite  ,  on  peut 
écrire  z^  — i  —  q -,  ce  qui  donne  une  ma- 
nière bien  fimple  d'avoir  toutes  les  combinai- 
fons  pofPibles  d'un  nombre  q  de  lettres.  Qiie 
ce  nombre  foit,  par  exemple  $  ,  on  aura  donc 
,  pour  le  nom.bre  total  de  fes  combinaifons 
2'  — 5  —  1=  32  —  6  =  i6.  Fbyei^ Binôme. 

ifn  nombre  quelconque  de  quantités  étant 
donné  i  trouver  le  nombre  des  combinaiions  ù 
d'alternat  ions  qu'elles  peuvent  recevoir  ,  en  les 
prerMnt  de  toutes  les  manières  pojfiblcs, 

Suppofons  d'ubord  qu'il  n'y  ait  que  deux 
quantités  a  ,  b  ^  on  aura  d'abord  a  b  Se  b  a  ^ 
c'ell-à-dire  le  nombre  2  ;  &:  comme  chacune 
.  de  ces  quantités  peut  aulTi  fè  combiner  avec 
elle-même  ,  on  aura  encore  a  a^k.  bb ,  c'eft- 
à-dire  que  le  nombre  des  combinaifons  &  al- 
ternations  eft  en  ce  cas  2  +  z  =  4.  S'il  y  a 
trois  quantités  a  ^b ,  c ,  Se  que  l'expofant  de 
leur  variation  foit  2  ,  on  aura  trois  termes 
pour  leurs  combinaifons  ,  lefquels  feront  a  b, 
b  c yoc  :  à  ces  trois  termes  on  en  ajoutera 
encore  trois  autres  ba  yCb  ^c  a^  pour  les  alter- 
nations  :  &  enfin  trois  autres  pour  les  combi- 
naifons aa  ,blb  j  ce  y  des  lettres^,  b^c ,  prifes 
chacune  avec  elle-même ,  ce  qui  donnera 
3  "4-  3  +  3  =  9.  En  général ,  il  fera  aifé  de 
voir  que  fî  le  nombre  des  quantités  tkn ,  d<. 
que  l'expofant  de  la  variation  foit  2 ,  n  fera 
celui  de  toutes  leurs  combinaifons  &  de  leurs 
alternations. 

Si  l'expofant  de  la  variation  ed  3  ,  &  qu'on 
BC  fuppofe  d'abord  que  trois  lettres  a»  ^  j  c  ^ 


C  O  M  557 

on  aura  pour  toutes  les  combinaifons  ôc  alter- 
nations aaa y aab , ab a , baa  y  abb  y aac y 
acaycaay  abc  y  b  ac  y  bc  ay  acbyCab, 
cb  a  y  acc  y  cac  y  ce  a  y  bb  a  y  bab ,  b  bb  y 
bbcy  cbby  bcby  bcCy  cbCy  ccb,  ccc , 
c'eft-à-dire  le  nombre  27  ou  3'. 

De  la  même  manière  ,  iî  le  nombre  des 
lettres  étoit  4,  l'expofant  de  la  variation  3  , 
4^  y  ou  64  j  feroit  le  nombre  des  combinai- 
fons &c  alternations  ;  &  en  général  fi  le  nom- 
bre des  lettres  étoit  n ,  n^  feroit  celui  des  com- 
binaifons  ôc  alternations  pour  l'expofant  3,. 
Enfin ,  fi  l'expofant  eft  un  nombre  quelcon- 
que ,  m ,  /z*"  exprimera  toutes  les  combinaifons 
ôc  alternations  pour  cet  expofànt. 

Si  on  veut  donc  avoir  toutes  les  combinai- 
fons &  alternations  d'un  nombre  n  de  lettres 
dans  toutes  les  variétés  poiïibles ,  il  faudra 

prendre  la  fomme  de  la  férié  «"H-zz  "    -f- 

n        -+-/Z       -f-n        •+-n        -f-zz       -+-C/C. 

jufqu'à  ce  que  le  dernier  terme  foit  n. 

Cr ,  comme  tous  les  termes  de  cette  fuite 
font  en  progrelTion  géométrique ,  &  qu'on  a 
le  premier  terme  n"  ,  le  fécond  /z""'  Se  te 
dernier /2,  il s'eniuit  qu'on  aura  aulTi  la  ibmm'e 

de  cette  progrefïion  ,  laquelle  fera  n  ^ 
—  I. 

Que  n  y  par  exemple  ,  foit  égal  à  4 ,  le 
nombre  de  toutes  les  combinaifons  Se  alterna- 

4  ^  I  I  02.^ 

tions  poflibles  fera = =  340.Que 

n  foit  24,  on  aura  alors  par  toutes  les  com- 


binaifons Se  alternations  pofïiblcs 


14  —  i 

}2oo9ff  5.8*44^  cff  8  I  89  8*7779  5  î  J48  Î7  îtf  00  , 

-_ 

i3tji7i4zSS887zyz95)94Z5iz84c;3402zco; 
Se  c'eft  cet  énorme  nombre  qui  exprime  les 
combinaifons  de  toutes  les  lettres  de  l'alphabet 
entre  elles. 

Voyez  Vars  conjectandi  de  Jacques  Ber- 
noulli  y  Se  Vanatyfe  des  jeux  de  hasard  de 
Montmort.  Ces  deux  auteurs ,  fur-tout  le 
premier  ,  ont  traité  avec  beaucoup  de  foiiï 
la  matière  des  combinaifons.  Cette  théorie  eft: 
en  effet  très-utile  dans  le  calcul  des  jeux  de 
hazard  ;  Se  c'eft  fur  elle  que  roule  toute  la 
fcience  des  probabilités.  Voye^^  Jeu  ,  Pari  , 
Avantage  ,  Probabilité,  Certitudf^ 

Il  eft  vifible  que  la  fcience  des  anagram- 
mes {voj.  Anagramme)  dépend  de  celles 


5^8  COM 

àes  combinnifons.  Par  exemple ,  dans  Rotna ,  1 
qui  eft  compofé  de  quatre  lettres ,  ily  a  vingt- 
quatre  combinaifons  {voy.  Alternation)  ; 
&  de  ces  vingt-quatre  combinaifons  on  en 
trouvera  plui-leurs  qui  forment  des  noms  la- 
tins ,  armo ,  rama ,  mora  ,  amor ,  maro  ;  on  y 
trouve  aulH  omar  ;  de  même  dans  Rome  , 
on  trouve  more ,  orner ,  &c.  (  O  ) 

On  ne  fera  peut-être  pas  fâché  de  lire 
récrit  fuivant  de  M.  de  Mairan  ,  fur  le  nom- 
bre confidérablede  manières  différentes  dont 
certains  mots  françois  peuvent  être  écrits. 

Manières  difereiues  d'écrire  le  /tzoïHain  aux 
en  françois  ,  dans  la  fuppofition  que  l'\i  ne 
s'afpire  pas. 

1°.  Par  h  y  ou  fans  h i  man. 

1°.  e,  ee ,  ei ,  ai ,  ey,onay  6 

Dont  le  produit  eft  2  X  ($ ,  & 
donne 12,  man. 

3°.  Enfuite  avec  n^oxinn  .  2. 

Produit.  .  li  X  2  &:  donne       24  man. 

4**.  Dans  le  cas  d'une  feule  n ,  il 
peut  être  précédé  de/,  ou  x,  ce 
qui  fe  combine  avec  la  moitié  du 
dernier  produit ,  &;  donne  24 
à  ajouter  audit  produit ,  fommc       48  man. 

5°.  Dans  les  deux  cas  de  /z ,  ou 
nn ,  il  peut  y  avoir  après  ,  ou  n'y 

avoir  pas  un  h 2, 

Produit. .  48  X  2  ,  &  donne       96  man. 

6°.  Dans  tous  les  casprécédens 
on  peut  finir  le  mot  par  o,  au  om 
eau ,  fans  confonne ,  ce  qui  fait  5 
cas  qui  fe  combinent,  &:c.  ci.  ? 

Produit. .  96  X  5 ,  &:  donne     28 8  man. 

7°.  Enfin  on  peut  terminer  ce 
mot  par  ces  confonnes  Syt,l,ls:, 
xjt.th,  Ith  ;  cela  fait  8  nou- 
veaux cas ,  qui  par  leur  combi- 
naifon  avec  les  précédens  ,  don- 
nent le  produit  288x8  ,  ou.  .  .  1^0^ man. 

Le  mot  Hainaut  peut  donc  être  écrit  de 
2304  différentes  manières  fans  qu  un  Fran- 
çois le  prononce  différemment. 

Combinaison  ,  {Chymie.)  mot  générique 
exprimant  l'union  chymique  de  deux  ou  de 
plufieuis  principes  de  nature  différente.  Les 
chymiftcs  prennent  fouvcnt  le  mot  mixtion 
dans  le   même  fens.    Foye^  Mixtion  & 

Principes.  (^)    ^        /  ^    .„    •   \       j 
COMBLON ,  f.  m.  {Artillerie.)  cordage 


COM 

qui  fert ,  (bit  à  traîner  l'artillerie ,  foit  à  l'éle- 
ver ;  c'eft  le  fynonyme  de  combleau. 

COMBLE  ,  f.  m.  {Architeâure.  )  du  latin 
culmen ,  fommet ,  ou  culmus ,  chaume.  Ce 
terme  en  général  déligne  la  forme  des  cou- 
vertures de  toutes  les  elpeces  de  bâtimens 
civils  &  militaires  :  on  les  appelle  aullî  toit , 
du  latin  teclum ,  fait  de  tegere ,  couvrir. 

Ordinairement  la  conflruétion  des  combles 
eft  de  charpente  recouverte  de  cuivre ,  de 
plomb ,  d'ardoife  ,  de  tuile ,  &c.  VoyeiQvi- 
VRE ,  Plomb  ,  Ardoise  ,  Tuile  ,  ùc.  Leur 
hauteur  dépend  de  l'ufage  intérieur  qu'on 
en  veut  faire ,  &  de  l'importance  du  bâti- 
ment dans  lequel  ces  fortes  d'ouvrages  entrent 
pour  quelque  chofe  quant  à  la  décoration  des 
façades  ,  félon  qu'ils  les  terminent  avec  plus 
ou  moins  de  luccès. 

Dans  le  dernier  iiecle,on  regardoit  comme 
un  genre  de  beauté  dans  nos  édifices ,  de  faire 
des  combles  d'une  élévation  extraordinaire, 
tels  qu'il  s'en  voit  aux  châteaux  de  Verfailles 
du  côté  de  l'entrée ,  de  Mcudon  ,  de  Mai- 
fons ,  ùe.  &c  à  Paris  aux  palais  des  Tuileries 
&;  du  Luxembou rg  j  au  j ou rd'hui  au  contrai re 
l'on  regarde  comme  une  beauté  réelle  de 
mafquer  les  couvertures  par  des  baluftrades, 
à  l'imitation  des  bâtimens  d'Italie ,  tels  que 
fe  voient  à  Verfailles  la  nouvelle  façade  du 
coté  des  jardins ,  le  palais  Bourbon  à  Paris , 
l'hôtel  de  Lallày ,  ùc.  Ce  qui  eft  certain , 
c'cft  que  la  néceffité  d'écouler  les  eaux  du 
ciel  doit  déterminer  leur  hauteur ,  relative- 
ment, à  leur  largeur  ,  afin  de  leur  procurer 
une  pente  convenable  à  cette  nécefïité.  Cette 
pente  doit  être  déterminée  fclon  la  tempéra- 
ture du  climat  où  l'on  bâtit ,  de  forte  que  dans 
le  nord  l'on  peut  faire  leur  hauteur  égale  à 
leur  bafe  ,  afin  d'écouler  plus  promptement 
les  neiges  qui  y  font  abondantes  :  dans  les 
pays  chauds  au  contraire ,  leur  hauteur  peut 
être  réduite  au  quart  de  leur  bafe  ;  &  dans 
les  paystempérés ,  tels  que  la  France ,  le  tiers 
ou  la  moitié  au  plus  fuffit  pour  fe  préferver 
de  Pintempérie  des  faifons. 

Sous  le  nom  de  combles ,  Pon  comprend 
aufTi  les  dômes  de  forme  quadrangulaire  Se 
circulaire  qui  terminent  les  principaux  avant- 
corps  des  façades ,  tels  que  fe  remarquent 
ceux  des  châteaux  des  Tuileries ,  &  de  la 
Meute ,  les  ambles  à  l'impériale  ,  en  plate- 
forme ,  6'c. 


C  O  M 

Dans  les  combles  les  plus  ordinaires  on  en 
compte  de  trois  efpeces  :  favoir ,  les  combles 
à  deux  égoûts  formés  d'un  triangle  ifocele  , 
les  combles  brifés  ou  à  manfivrdes ,  dont  la 
partie  fupérieure  eft  formée  d'un  triangle 
ifocele,  &  Pinférieure  d'un  rrapézoïde;  les 
combles  en  terrafïes  font  formés  feulement  par 
un  trapézoïde.  (P) 

CoiviBLE  ,  terme  de  Mefureiir  ,  ufité  fur- 
It  tout  dans  le  comm.erce  des  grains.  Il  fe  dit 
de  ce  qui  refte  enfaité  au  defius  des  bords 
de  la  mefure  après  que  le  mefurcur  Ta  rem- 
plie. Il  y  a  deux  manières  de  mefurer ,  Punc 
à  mefure  comble  ^  &c  Pautre  à  m-efiue  raie. 
La  mefure  comble  eft  quand  on  donne  à 
l'acheteur  ce  qui  refte  au  deflus  des  bords 
avec  la  mefure  mêm.e  -,  &  la  mefure  ra(e , 
quand  avant  de  la  délivrer  le  vendeur  la  racle 
avec  un  morceau  de  bois  qu'on  appelle  ra- 
doire  &  ailleurs  rouleau  ,  &  en  fait  tomber 
ce  qui  eft  au  deflus  des  bords.  Il  y  a  des 
grains  &  des  légumes  qui  le  vendent  à  me- 
fure rafe  ,  5c  d'autres  à  mefure  comble.  Le 
charbon  ,  le  plâtre  ,  la  chaux  fc  vendent  à 
mefure  comble.  Voy.  Mesure  &  Mesurer. 
Diclionn.  du  Comm.  Disk.  Ù  Trév. 

Comble  ,  pié comble.  Foye:^]?ii. 

Combles  ,  ce  font ,  che-^les  vanniers ,  tous 
les  intervalles  à  jours  ou  pleins  qu'il  y  a  entre 
les  faîtes  d'un  ouvrage. 

COMBLER  y  v.  ad.  c'eft  remplir  autant 
qu'il  eft  poiTible. 

COMBLETTE  ,  f.  f.  (  Vénerie.  )  c'efl 
ainfi  qu'on  appelle  la  fente  du  milieu  du  pié 
du  cerf. 
'  COM-BOURGEOIS ,  f.  m.  (  Comm.erce. 
àe  mer.)  c'eft  celui  qui  a  part  avec  un  autre 
à  la  propriété  d''un  vaiflèau.  On  dit  plus 
communément  co-bourgeois.  V.  Co-bour- 
GEOîs  &  Bourgeois.  Dicl.  du  Com.  &  Trév. 
(G) 

COMBR AILLES,  {Géog.  mod.)  petit 
diftriét  en  France  ,  dans  le  Limofin. 

COMBRIERE,  fub.  f.  (  P/cAe.  )  filet  à 
prendre  de  grands  poilTons,  tels  que  les  thons, 
d^ufage  fur  les  cotes  de  Provence.  Voye^ 
t'anjcle  T HOU ,  fa  pêche. 

COMBUGER  des  futailles ,  c'eft  les  rem- 
plir d'eau  pour  les  en  imbiber  avant  que  de 
ks  faire  fervir.  (  Z  ) 

COMBUSTION,  {Ckymie.  Pkyfique.) 
Quelques  fubftancesne  conciennenr ,  avec  le 


C  o  M  559 

phlogiftique  qu'une  matière  trop  pefànte, 
pour  qu'il  puifle  élever  une  quantité  capable 
de  produire  la  flamme  en  retardant  fa  vola- 
tilité ,  Se  lui  donnant  un  corps  vifible ,  c'efl 
ce  qu'on  peut  appeller  pmprement  calcina- 
tien  ;  d  "autres  fubftances  à  raifon  d'une  conv 
binaiîbn  plus  intime ,  d'une  moindre  denfîté 
ou  d'une  quantité  plus  confîdérable  de  phlo- 
giftique perdent  en  brûlant  une  partie  fen- 
fible  des  matières  dans  lefquelles  il  étoit  en- 
gagé ,  de  le  terme  de  combujîion  paroît  leur 
convenir  davantage  :  cette  diftincfcion  eft 
fondée  fur  i'impoiîibilité  d'enflammer  le 
phlogiftique  pur  ;  il  y  a  donc  combufiion , 
quand  on  fait  détonner  les  métaux  avec  le 
nitre, &  même lorfqu'onexpofe flmplement 
au  feu  le  régule  d'antimoine  &  le  zinc  :  dans 
la  première  opération  ,  le  phlogiftique  de 
métal  enlevé  quelques  parties  falines;  dans  la 
féconde  la  terre  métallique  fuit  &;  marque  le 
courant  du  phlogiftique  par  une  fumée 
épaifle ,  ou  par  une  flamme. 

La  condition  qui  fait  le  principe  de  cette 
diftinélion,  peut  changer  par  le  feul  procédé, 
&  c'eft  ce  qui  arrive  par  rapport  au  foie  de 
foufre  :  expofé  à  un  feu  violent ,  il  brûle  avec 
fumée  &  flamme ,  parce  que  le  phlogiftique 
enlevé  en  très-peu  de  temps  beaucoup  de 
parties  falines  j  rfxpofe  à  un  feu  très-modéré , 
il  fe  calcine  feulement ,  parce  qu'il  ne  perd  que 
peu  de  parties  falines  ,  &  pendant  un  temps 
allez  long  ,  pour  que  la  fomme  de  chaque 
inftant  ne  puiflè  produire  un  eifet  vifîble. 

De-là  la  différence  des  réfultats  dans  les 
expériences  fur  la  calcination  des  corps  les 
plus  fixes.  Voye-{_  Calcination  &  Phlo- 

GISTIQUE. 

L'air  eft  nécefïàire  à  la  combujîion  ;  mais 
ce  n'eft  pas  comme  aliment.  Voyei^^  Air.  Il 
ne  fert  qu'à  entretenir  le  mouvement  ofcilla- 
roire ,  &  dès  qu'il  devient  ou  trop  rare  ou 
trop  dcnfe ,  il  ceffè  également  de  favorifer  la 
combujîion ,  parce  qu'il  lui  faut  un  fluide  qui 
cède  &  réagi ffe  continuellement.  Cette  pre- 
mière vérité  reconnue ,  on  peut ,  à  l'aide  d'un 
feul  principe  méchanique ,  donner  une  expli- 
cation farisfaifante  du  charbon  ,  qui  n'é- 
prouve aucune  altération  ,  aucun  déchet 
quand  on  l'expofe  en  vaiflèaux  clos  au  feu  le 
plus  violent  :  ce  principe  eft  que  l'effort  de 
dilatation  dans  un  cfpace  borné  équivaut  à; 
denfité.  Plus  il  paftè  de  feu  dans  rincérieur 


5^0  C  O   M 

ciu  vailleau  ,  plus  1  air  qu'il  contient  tend  à 
Je  raréfier  ;  cet  efîort  étant  continu  &c  fans 
iiueivallc,  comme  lacaufequi  le  produit , 
il  ne  laide  à  l'air  qu^une  force  confiante  de 
comprefTîon  en  toucfens,  i!  cède  d^êtreélaf- 
rique  par  la  trop  grande  tenfion  de  Ton  ref- 
iort ,  èc  cette  tenfion  continue  à  unepuillancc 
ép;ile  ,  foit  à  la  plus  grande  denlité ,  fbit  à 
l"a(5l;ion  d'une pe'anteur  équivalente.  L'expé- 
rience confirme  cette  théorie ,  i°.  en  ce  qu'un 
charbon  allumé  s'éteint  fur  le  champ  dans 
refprit-de-vin,  quoique  ce  fluide  foit  inflam- 
mable ,  parce  qu^il  eft  trop  denfe  pour  céder 
au  mouvement  igné  ;  i°.  en  ce  que  le  char- 
bon fe  confume  lenfîblement ,  fi  l'on  adapte 
au  vaifleau  un  tuyau  long  &  étroit ,  par  où 
l'air  nouveau  ne  peut  rentrer ,  mais  qui  per- 
met feulemenrl'expanfion  de  celui  qui  eft  ren- 
fermé j  5°.  en  ce  que  la  calcination  ,  qui  fe 
fait  en  vaiflcaux  fermés  ,  eft  en  proportion 
de  leur  capacité  ;  4°.  enfin  en  ce  que  le  char- 
bon fe  confume  de  fiit  une  perte  confidéra- 
ble  ,  fi  la  réunion  des  deux  vaifleaux  qui  le 
renferment  fe  fait  fous  le  récipient  de  la  ma- 
chine pneumatique  après  avoir  pompé  l'air. 
(  Cet  article  eji  de  M.  DE  MoRVAU.) 

Combustion  ,  terme  de  l'ancienne  Ajlro- 
nomic  :  quand  une  planète  eft  en  conjonc- 
tion avec  le  foleil ,  ôc  que  lesicentres  de  ces 
aftres  font  éloignés  l'un  de  Fautre  de  moins 
que  la  fomme  de  leurs  demà-diametres ,  on 
dit  que  la  planète  eft  en  ccmbuflion.  Ce  mot 
vient  du  latin  comkirere,  briller,  parce  qu'une 
planète  qui  eft  en  cet  état  doit  paroitre  palier 
fur  le  difque  du  foleil  ou  derrière  le  corps 
de  cet  aftre ,  &  par  conféquent  fe  plonger  , 
pour  ainfi  dire  ,  daiîs  les  rayons ,  6c  en  être 
comme  brûlée. 

Suivant  Argolus  ,  une  planète  eft  en  ccm- 
buftion  y  quand  elle  n'eft  pas  éloignée  du  fo- 
leil de  plus  de  huit  degrés  trente  minutes, 
à  l'orient  ou  à  Poccident.  On  ne  fe  fert 
plus  de  ce  mot ,  qui  n'a  été  inventé  que 
par  les  aftrologues.    Harris   &c    Chambers. 

COMCHE  ,  (  Gécg.  mod.  )  grande  ville 
d'Afie ,  au  royaume  de  Perfe ,  fur  la  route 
d'ifpahan  à  Ormus. 

§  COME  ,  {Géogr.)  cette  ville  eft  fîtuée 
à  la  pointe  méridionale  du  lac  de  Côme ,  & 
paflèpourunedcspluspeuplées&  des  mieux 
foitifiécs  qu'il  y  ait  dans  le  Milanez.  Son 


C  O  M 

évêque  eft  fuffragant  d'Aquiiée  ;  fes  habitans 
font  réputés  les  meilleurs  foldats  de  lltalie. 
On  dit  que  le  voliinagc  des  montagnes  les 
rend  moins  polis  que  les  habitans  de  Milan. 
Cette  ville  ibuffrit  beaucoup  dans  le  temps 
de  l'invalion  d'Annibal  ;  mais  les  Romains , 
pour  les  récompenfer  de  leur  fidélité  ,  rebâ- 
tirent leur  ville ,  &  c'cft  depuis  ce  nouvel 
établiflement  qu'elle  prie  ie  nom  de  Kova 
Corna.  C'eft  la  patrie  du  pcece  comique  Ceci- 
lius ,  de  Pline  le  jeune ,  de  Paul  Jove ,  &  du 
pape  Innocent  XI. 

COMÉDIE  ,  Cf.  (  Belles-Lettres.  )  c'eft 
Pimitation  des  mœurs  mife  en  aélion  :  imi- 
tation des  mœurs ,  en  quoi  elle  diffère  de 
la  tragédie  &  du  poëme  héroïque  :  imi- 
tation en  action  ,  en  quoi  elle  diffère  du 
poëme  didactique  ,  moral ,  Ôc  du  fimplc 
dialogue. 

Elle  diffère  particulièrement  de  la  tragédie 
dans  fon  principe,  dans  fès  moyens  &  dans 
fa  fin.  La  fenfibilité  humaine  eft  le  principe 
d'où  part  la  tragédie  :  le  pathétique  en  eft 
le  moyen  ;  l'horreur  des  grands  crimes  &c 
l'amour  des  fublimes  vertus  font  les  fins 
qu'elle  fe  propofe.  La  ma'ice  naturelle  aux 
bornâmes  eft  le  principe  de  la  comédie.  Nous 
voyons  les  défauts  de  nos  fembbbles  avec 
une  complaifance  mêlée  de  mépris  ,  lorfque 
ces  défauts  ne  font  ni  afî'ez  aftligeans  pour 
exciter  la  compafïion  ,  ni  allez  révoltans 
pour  donner  de  la  haine  ,  ni  allez  dange- 
reux pour  infpirer  de  l'eftroi.  Ces  images 
nous  font  fourire  ,  fi  elles  font  peintes  avec 
fineflè  :  elles  nous  font  rire ,  fi  les  traits  de 
cette  maligne  joie  ,  aufTi  firappans  qu'inat- 
tendus ,  font  aiguifés  par  la  furprife.  De 
cette  difpoiîtion  à  faifir  le  ridicule  ,  la  co^ 
méde  tire  la  force  &  fes  moyens.  Il  eût 
été  fans  doute  plus  avantageux  de  changer  eu 
nous  cette  complaifance  vicieufe  en  une  pi- 
tié philofophique  ;  mais  on  a  trouvé  plus  fa- 
cile &  plus  fur  de  faire  fervir  la  malice  hu- 
maine à  corriger  les  autres  vices  de  l'huma- 
nité 5  à-peu-près  comme  on  emploie  les 
pointes  du  diamant  à  polir  le  diamant 
même.  C'eft -là  l'objet  ou  la  fin  de  la 
comédie. 

Mal  à  propos  l'a-t-on  diftinguée  de  la 
tragédie  par  la  qualité  des  perfonnages  :  k 
roi  de  Thebes,  &  Jupiter  lui-même ,  font 
des  perfonnages  comiques  dans  PAmphy- 

trion  ; 


COM 

trions  Se  Spartacus  de  la  même  condition 
que  Solie  ,  fèroit  un  perfonnage  tragique 
à  la  tête  de  fes  conjurés.  Le  degré  des  paf- 
fions  ne  diftingue  pas  mieux  la  comédie  de 
la  tragédie.  Le  défefpoir  de  l'Avare  lorf- 
qu'il  a  perdu  fa  caflètte  ,  ne  le  cède  en  rien 
au  défefpoir  de  Philoâiete  à  qui  on  enlevé  les 
flèches  d'Hercule.  Des  malheurs  ,  des  pé- 
rils, des  ièntimens  extraordinaires  caradléri- 
fknt  la  tragédie  '■,  des  intérêts  &  de^  carac- 
tères communs  conftituent  la  comédie.  L'une 
peint  les  hommes  comme  ils  ont  été  quel- 
quefois ,  l'autre ,  conwne  ils  ont  coutume 
d'être.  La  tragédie  eft  un  tableau  d'hiftoire , 
la  comédie  eft  un  portrait  ^  non  le  portrait 
d'un  feul  homme ,  comme  la  fatyre  ,  mais 
d'une  efpcce  d'hommes  répandus  dans  la 
fbciété  dont  les  traits  les  plus,  marqués  font 
réunis  dans  une  même  figure.  Enfin  le  vice 
n'appartient  à  la  comédie ,  qu'autant  qu'il  eft 
ridicule  &  méprifable.  Dès  que  le  vice  eft 
odieux ,  il  eft  du  relTort  de  la  tragédie  ^ 
c'eft  ainfî  que  Molière  a  fait  de  l'impof- 
teur  un  perfonnage  comique  dans  Tartufe  , 
&  Shakefpear  un  perfonnage  tragique  dans 
Glocejire.  Si  Molière  a  rendu  Tartufe  odieux 
au  5^  a6ie  ,  c'eft  ,  comme  Roulfeau  le  re- 
marque,  par  la  nécejjité  de  donner  le  der- 
nier coup  de  pinceau  à  fon perfonnage. 

On  demande  fi  la  comédie  eft  un  poème  y 
queftion  aufli  difficile  à  réfoudre  qu'inutile  à 
propofer ,  comme  toutes  les  diiputes  de  mots. 
Veut-on  approfondir  un  fon ,  qui  n'eft  qu'un 
fon ,  comme  s'ilrenfermoit  la  nature  des  cho- 
ies ?  La  comédie  n'eft  point  un  poëme  pour  ce- 
lui qui  ne  donne  ce  nom  qu'à  l'héroïque  &  au 
merveilleux  \  elle  en  eft  un  pour  celui  qui 
met  l'eflence  de  la  poéfie  dans  la  peinture  : 
un  troifîeme  donne  le  nom  de  poème  à  la 
comédie  en  vers  ,  &  le  refufe  à  la  comédie 
en  profe  ,  fur  ce  principe  que  la  melure  n'eft 
pas  moins  elfentielle  à  la  poéfie  qu'à  la  mu- 
fique.  Mais  qu'importe  qu'on  diffère  fur  le 
nom ,  pourvu  qu'on  ait  la  même  idée  de 
la  chofè  ?  YJ Avare  ainfi  que  le  Télémaque 
fera  ou  ne  fera  point  un  poëme ,  il  n'en  fera 
pas  moins  un  ouvTage  excellent..  On  difpu- 
toit  à  Adiffon  que  le  Paradis  perdu  fût  un 
poëme  héroïque  :  hé  bien  y  dit-'û ,  ce  fera  un 
poème  divin. 

Comme  prefque  toutes  les  règles  du 
poème  dramatique  concourent  à  rapprocher 
Tome  VUh 


C  O  M  5^t 

par  la  vraifemblance  la  fiâiion  de  la  réalité, 
î'aôion  de  la  comédie  nous  étant  plus  fami- 
lière que  celle  de  la  tragédie  ,  Se  le  défaut 
de  vraifemblance  plus  facile  à  remarquer  y. 
les  règles  y  doivent  être  plus  rigoureufement 
obfervées.  Delà  cette  unité ,  cette  continuité 
de  caractère ,  cette  aifànce ,  cette  fimplicité 
dans  le  tiffu  de  l'intrigue  ,  ce  naturel  dans  le 
dialogue  y  cette  vérité  dans  les  fcntimens  , 
cet  art  de  cacher  l'art  même  dans  l'enchaî- 
nement des  fituations ,  d'où  réfulte  rillufiott 
théâtrale. 

Si  l'on  confidere  le  nombre  des  traits  qui 
caraélérifent  un  perfonnage  comique  ,  on 
peut  dire  que  la  comédie  eft  une  imitation 
exagérée.  Il  eft  bien  difficile  en  effet ,  qu'il 
échappe  en  un  jour  à  un  feul  homme  au- 
tant de  traits  d'avarice  que  Molière  en  a  raf- 
femblés  dans  Harpagon  ^  mais  cette  exagé- 
ration rentre  dans  la  vraifemblance  lorfque 
les  traits  font  multipliés  par  des  circonftances 
ménagées  avec  art.  Quant  à  la  force  de  cha- 
que trait,  la  vraifemblance  a  des  bornes. 
L'Avare  de  Plante  examinant  les  mains 
de  fon  valet  lui  dit,  voyons  la  troifitme'y 
ce  qui  eft  choquant  :  Molière  a  traduit  , 
t autre  ,  ce  qui  eft  naturel ,  attendu  que  la 
précipitation  de  l'avare  a  pu  lui  faire  oublier 
qu'ail  a  déjà  examiné  deux  mains,  Se  pren- 
dre celle-ci  pour  la  féconde.  Les  autres  ,  eft 
une  faute  du  comédien  qui  s'eft  ^\&iQ.  dans 
l'impreffion. 

Il  eft  vrai  que  la  perfjpeâ:ive  du  théâtre 
exige  un  coloris  fort  &  de  grandes  touches , 
mais  dans  de  juftes  proportions ,  c'eft-à-dire  y 
telles  que  l'œil  du  fpeÂateur  \q^  réduife  fans 
peine  à  la  vérité  de  la  nature.  Le  Bourgeois 
gentilhomme  paie  les  titres  que  lui  donne 
un  complaifant  mercenaire ,  c'eft  ce  qu'on 
voit  tous  les  jours  ^  mais  il  avoue  qu'il  \qs 
paie ,  voilà  pour  le  monfeigneur  ;  c'eft  en  quoi 
il  renchérit  fur  fès  modèles.  Molière  tire 
d'un  foî  l'aveu  de  ceridicule,  pour  le  mieux 
faire  appercevoir  dans  ceux  qui  ont  l'efprit 
de  le  difïïmuler.  Cette  çfpece  d'exagération 
demande  une  grande  juftefTe  de  raifbn  Sc 
de  goût.  Le  théâtre  a  fon  optique  ,  Se  le 
tableau  eft  manqué  dès  que  le  fpedateur 
s'apperçoit  qu'on  a  outré  la  nature. 

Par  la  même  raifbn  ,  il  nefiiffit  pas  pour 
rendre  l'intrigue  Se  le  dialogue  vraifèmbla- 
hÏQS ,  d'en  exclure  ces  à  parte  ,  que  tout  Iq 
Bbbb 


5^1  C  O  M 

monde  entend  excepté  l'interlocuteur,  &  ces 
méprifes  fondées  fiir  une  refTeinblance  ou  un 
dégaifement  prétendu ,  fuppofïtion  que  tous 
les  yeux  démentent  ,  hors  ceux  du  perfon- 
iiage  qu'on  a  defTein  de  tromper  ^  il  faut  en- 
core que  tout  ce  qui  fe  pafTe  &  fe  dit  fur  la 
fcene  fbit  une  peinture  fi  naïve  de  la  fociété  , 
qu'on  oublie  qu'on  eft  au  fpedacle.  Un  ta- 
bleau eft  mal  peint ,  fi  au  premier  coup  d'œil 
on  penfe  à  la  toile ,  &  fi  l'on  remarque  la 
dégradation  des  couleurs  avant  que  de  voir 
des  contours  ,  des  reliefs  &  des  lointains.  Le 
prefiiige  de  l'art ,  c'eft  de  le  faire  difparoitre 
au  point  que  non-feulement  l'illufion  pré- 
cède la  réflexion,  mais  qu'elle  la  repoufl~e 
&  l'écarté.  Telle  devoit  être  l'illufion  des 
Grecs  &  des  Romains  aux  comédies  de  Ale- 
xandre &  de  Térence ,  non  à  celle  d'Arifl:o- 
phane  &  de  Plante.  Obfervons  cependant , 
à  propos  de  Térence  ,  que  le  pofiible  qui 
fijffit  à  la  vraifèinblance  d'un  caraâ:ere  ou  d'un 
événement  tragique ,  ne  iùffit  pas  à  la  vérité 
des  mœurs  de  la  comédie.  Ce  n'eft  point  un 
père  comme  il  peut  y  en  avoir  ,  m.ais  un 
père  comme  il  y  en  a  ^  ce  n'efl  point  un  in- 
dividu, mais  une  efpece  qu'il  faut  prendre 
pour  modèle  3  contre  cette  règle  pêche  le 
caraftere  unique  du  bourreau  de  lui-même. 

Ce  n'efi:  point  une  combinaifon  pofiible 
à  la  rigueur  ^  c'efi  une  fuite  naturelle  d'évé- 
nemens  familiers  qui  doivent  former  l'intri- 
gue de  la  comédie  ,  principe  qui  ^condamne 
f  intrigue  de  ÏHecyre  :  fi  toutefois  Térence  a 
eu  delfein  de  faire  une  comédie  d'une  action 
toute  pathétique ,  &  d'où  il  écarte  jufqu'à  la 
fin  avec  une  précaution  marquée  le  feul  per- 
fonnage  qui  pouvoit  être  plaifant. 

D'après  cqs  règles  que  nous  allons  avoir 
occafion  de  développer  &  d'appliquer  ,  on 
peut  juger  des  progrès  de  la  comédie  ,  ou 
plutôt  de  fès  révolutions. 

Sur  le  chariot  de  Thefpis  la  comédie  n'é- 
toit  qu'un  tiifu  d'injures  adrelTées  aux  pafTans 
par  des  vendangeurs  barbouillés  de  lie.  Cra- 
«ès  ,  à  l'exem.ple  d'Epicharmus  &  de  Phor- 
mis ,  poètes  Siciliens ,  l'éleva  fur  un  théâtre 
plus  décent ,  &  dans  un  ordre  plus  régu- 
lier. Alors  la  comédie  prit  pour  modèle  la 
tragédie  inventée  par  Efchyle ,  ou  plutôt 
VimQ  &  l'autre  fe  formèrent  fur  les  poéfies 
d'Homère  ,  l'une  fur  l'Iliade  &  l'Odyffée  , 
îautre  fur  le  Margitès ,  poème  .fatyrique 


C  O  M 

du  même  auteur  ^  8c  c'eft-là  proprement  l'é- 
poque de  la  naiflance  de  la  comédie  greque. 

On  la  divifè  eu.  ancienne ,  moyenne  &  nou- 
velle ,  moins  par  fes  âges  que  par  les  diffé- 
rentes modifications  qu'on  y  obferva  fuccef- 
fiVem.ent  dans  la  peinture  des  mœurs.  D'a- 
bord on  ofa  mettre  fur  le  théâtre  d'Athènes 
des  fatyres  en  aftion  ,  c'eft-à-dire ,  des  per- 
fonnages  connus  &  nommés  ,  dont  on  imi- 
toit  les  ridicules  &  les  vices  ;  telle  fut  la 
comédie  ancienne.  Les  loix  ,  pour  réprimer 
cette  licence  ,  défendirent  de  nommer.  La 
malignité  des  poëtes^ii  celle  des  fpeftateurs 
ne  perdit  rienàcette  défcnfe  ^  lareifemblance 
desmafques,  des  vêtemens ,  de  l'aâiion ,  dé- 
fignerent  Çi  bien  les  perlbnnages  ,  qu'on  les 
nommoit  en  les  voyant  :  telle  fut  la  comédie 
moyenne ,  où  le  poè'ie  n'ayant  plus  à  crain- 
dre le  reproche  de  la  perfbnnalité,  n'en  étoit 
que  plus  hardi  dans  fes  infulîes  5  d'autant 
plus  fur  d'ailleurs  d'être  applaudi  ,  qu'en 
repaiifant  la  malice  des  fpeâiateurs  par  la 
noirceur  de  fes  portraits ,  il  ménageoit  encore 
à  leur  vanité  le  plaifir  de  deviner  les  modèles. 
C'eî^  dans  ces  deux  genres  qu'Arifiephane 
triompha  tantde  fois  àlahontedesAthéniens. 

La  comédie  fatyrique  préfentoit  d'abord 
une  face  avantageufe.  Il  ertdes  vices  con- 
tre lefquels  les  loix  n'ont  point  févi  :  l'in- 
gratitude ,  l'infidélité  au  fecret  &  à  là  pa- 
role ,  l'ufurpation  tacite  &  artificieufe  du 
mérite  d'autrui  ,  l'intérêt  pcrfoiinel  dans  les 
affaires  publiques  ,  échappent  à  la  fevérité 
des  loix  ^  Vu.  corné  die  fatyrique  y  a'ttachoit  une 
peine  d'autant  plus  terrible  ,  qu'il  falloit  la 
fiibir  en  plein  théâtre.  Le  coupable  y  étoit 
traduit ,  &  le  public  fè  faifoit  juiiice.  C'é- 
toit  fans  doute  pour  entretenir  une  terreur  fi 
falutaire ,  que  non  feulement  les  poètes  ià- 
tyriques  furent  d'abord  tolérés  ,  mais  gagés 
par  \zs  magifi:rats  comme  cenfèurs  de  la  ré- 
publique. Platon  lui-même  s'étoit  laifié  fé- 
duire  à  cet  avantage  apparent ,  lorfqu'il  ad- 
mit Arifi:ophane  dans  fbn  banquet ,  li  toute- 
fois l'Arifiophane  comique  eft  l'Ariftophane 
du  banquet ,  ce  qu'on  peut  au  moins  rcvo- 
queî-  en  doute.  11  eft  vrai  que  Platon  con- 
fèilloit  à  Denis  la  leâure  des  comédies  de  ce 
poète  ,  pour  comioître  \es  mœurs  de  la  ré- 
publique d'Athènes  ;  mais  c'étoit  lui  indi-, 
quer  un  bon  délateur  ,'un  efjjion  adroit , 
qu'il  u'ea  eftimoit  pas  davantage. 


C  O  M 

Quant  aux  fufFrages  des  Athéniens  ,  un 
peuple  ennemi  de  toute  domination  devoit 
craindre  fur-tout  la  fupériorité  du  mérite. 
La  plus  fanglante  fatyre  étoit  donc  fûre  de 
plaire  à  ce  peuple  jaloux ,  lorfqu'elle  tomboit 
fur  l'objet  de  fa  jaloulie.  Il  eft  deux  chofes 
que  les  hommes  vains  ne  trouvent  jamais 
trop  fortes  ^  la  flatterie  pour  eux-mêmes ,  la 
médifance  contre  les  autres  :  ainfl  tout  con- 
courut d'abord  à  favorifer  la  comédie  faty- 
rique.  Ou  ne  fut  pas  long-temps  à  s'apper- 
cevoir  que  le  talent  de  cenfurer  le  vice  pour 
être  utile  ,  devoit  être  dirigé  par  la  vertu  ^ 
&  que  la  liberté  de  la  fatyre  accordée  à  un 
mal  honnête  homme  ,  étoit  un  poignard 
dans  les  mains  d'un  furieux:  mais  ce  furieux 
confoloit  l'envie.  Voilà  pourquoi  dans  Athè- 
nes ,  comme  ailleurs  ,  les  méchans  ont 
trouvé  tant  d'indulgence  &  les  bons  tant 
de  fevérité.  Témoin  la  comédie  des  Nuées  , 
exemple  mémorable  de  la  fcélérateife  àe^ 
envieux  ,  &  des  combats  que  doit  fè  pré- 
parer à  foutenir  celui  qui  ofe  être  plus  fage 
&  plus  vertueux  que  fon  fiecle. 

La  fligcffe  &  la  vertu  de  Socrate  étoient 
parvenues  à  un  fi  haut  point  de  fùblimité , 
qu'il  ne  falloit  pas  moins  qu'un  opprobre 
folemnel  pour  en  confolcr  fa  patrie.  Arifto- 
phane  fut  chargé  de  l'infâme  emploi  de  ca- 
lomnier Socrate  en  plein  théâtre  j  &  ce  peu- 
ple qui  profcrivoit  un  jufte  ,  par  la  feul© 
raifon  qu'il  fc  laflbit  de  fentcndre  appeller 
jufie ,  courut  en  foule  à  ce  i^îc^acle.  So- 
crate y  affifta  debout. 

Telle  étoit  la  comédie  à  Athènes ,  dans  le 
même  temps  que  Sophocle  &  Eurypide  s'y 
diiputoient  la  gloire  de  rendre  la  vertu  inté- 
reffante  ,  &  le  crime  odieux  ,  par  des  ta- 
bleaux touchans  ou  terribles.  Comment  fe 
pouvoit-il  que  les  mêmes  fpeftateurs  applau- 
diffent  à  des  mœurs  fi  oppoiees  ?  Les  héros  cé- 
lébrés par  Sophocle  &  par  Eurypide  étoient 
morts  ^  le  fage  calomnié  par  Ariftophane 
ctoit  vivant  :  on  loue  les  grands  hommes 
d'avoir  été  ^  on  ne  leur  pardonne  pas  d'être. 

Mais  ce  qui  eft  inconcevable,  c'eft  qu'un 
comique  groflier ,  rampant  &  obfcene ,  fans 
goût,  fans  mœurs,  fans  vraifemblance ,  ait 
trouvé  des  enthoufiaftes  dans  le  fiecle  de 
Molière.  Il  ne  faut  que  lire  ce  qui  nous  refte 
d' Ariftophane ,  pour  juger ,  comme  Plutar- 
que ,  que  ceji  moins  pour  les  honnêtes  gens 


C  O  M  5^3 

quil  a  écrit ,  que  pour  la  vile  populace  , 
pour  des  hommes  perdus  d'envie ,  de  noirceur  , 
&  de  débauche.  Qu'on  life  après  cela  l'éloge 
qu'en  fait  madame  DviCÏQV  :  jamais  homme 
na  eu  plus  de  fineffe  ^  ni  un  tour  plus  ingé- 
nieux ;  leflyle  £  Ariftophane  eft  aufti  agréable 
que  fon  efprit;fi  ton  napas  lu  Ariftophane  ^ 
on  ne  connaît  pas  encore  tous  les  charmes  & 
toutes  les  beautés  du  grec ,  &c. 

Les  magiftrats  s'apperçurent ,  mais  trop 
tard ,  que  dans  la  comédie  appellée  moyenne 
les  poètes  n'avoient  fait  qu'éluder  la  loi  qui 
défendoit  de  nommer  j  ils  en  portèrent  une 
féconde ,  qui  bannifl'ant  du  théâtre  toute 
imitation  perlbnnelle  ,  borna  la  comédie  à  la 
peinture  générale  des  mœurs. 

C'eft  alors  que  la  comédie  nouvelle  celîk 
d'être  une  fatyre ,  &;  prit  la  forme  honnête 
&  décente  qu'elle  a  confèrvée  depuis.  C'eft 
dans  ce  genre  que  fleurit  Ménandre ,  poète 
aufli  pur ,  aufli  élégant ,  aufil  naturel ,  aufti 
fimple ,  qu'Ariftophane  l'étoit  peu.  On  ne 
peut ,  fans  regrcter  fenfiblement  les  ouvra- 
ges de  ce  poète ,  lire  l'éloge  qu'en  a  fait 
Plutarque  ,  d'accord  avec  toute  l'antiquité  : 
ceft  une  prairie  émaillée  de  fleurs ,  ou  ton 
aime  h  rçfpirer  un  air  pur. . .,  La  mufe  d'A- 
ri/lophane  rejjemblea  une  femme  perdue ^  celle 
de  Ménandre  a  une  honnête  femme. 

Mais  comme  il  eft  plus  aifé  d'imiter  le 
groffier  &  le  bas  ,  que  le  délicat  &  le  no- 
ble ,  les  premiers  poètes  latins ,  enhardis 
par  la  liberté  &  la  jaloufie  républicaine , 
fuivirent  les  traces  d' Ariftophane.  De  ce 
nombre  fut  Plante  lui-même  ^  fà  muiè  eft , 
comme  celle  d'Ariftophane ,  de  l'aveu  non 
fufpeâ:  de  l'un  de  leurs  apologiftes  ,  une  bac- 
chante ,  pour  ne  rien  dire  de  pis ,  dont  la 
langue  eft  détrempée  de  fiel, 

Térence  qui  fuivit  Plante ,  comme  Mé- 
nandre Ariftophane  ,  imita  Ménandre  fans 
l'égaler.  Céfar  l'appelloit  un  demi-Ménan- 
dre ,  &  lui  reprochoit  de  n'avoir  pas  la  force 
comique  ;  expreffion  que  les  commentateurs 
ont  interprétée  à  leur  façon  ,  mais  qui  doit 
s'entendre  de  ces  grands  traits  qui  appro- 
fondifîènt  les  caraôeres ,  &  qui  vont  cher- 
cher le  vice  jufque  dans  les  replis  dei'ame, 
pour  l'expofer  en  plein  théâtre  au  mépris 
des  fpeétateurs. 

Plante  eft  plus  vif,  plus  gai,  plus  fort, 
plus  varié  j  Térence  plus  fin ,  plus  vrai,  plus 
Bbbb  2 


5^4  C  O  M 

pur ,  plus  élégant  :  l'un  a  l'avantage  que 
donne  l'imagination  qui  n'efl:  captivée  ni  par 
les  règles  de  l'art  ni  par  celles  des  mœurs , 
iiir  le  talent  affujetti  à  toutes  ces  règles;,  l'au- 
tre a  le  mérite  d'avoir  concilié  l'agrément 
&  la  décence  ,  la  politelTe  &  la  plaifante- 
rie  ,  i'exaâiitude  &  la  facilité  :  Plante  tou- 
jours varié  ,  n'a  pas  toujours  l'art  de  plaire  j 
Tércnce  trop  femblable  à  lui-même  ,  a  le 
îdon  de  paroître  toujours  nouveau  :  on  fou- 
haiteroit  à  Plaute  i'am.e  de  Térence ,  à  Té- 
Tence  l'eiprit  de  Plaute. 

Les  révolutions  que  la  comédie  a  éprou- 
vées dans  fes  premiers  âges ,  &.  les  différen- 
ces qu^on  y  obferve  encore  aujourd'hui , 
jjrennent  leur  fburce  dans  le  génie  des  peu- 
ples &  dans  la  forme  des  gouvernemens  : 
Tadminiftration  des  affaires  publiques  ,  & 
■par  conféquent  la  conduite  des  chefs ,  étant 
l'objet  principal  de  l'envie  &  de  la  cenfure 
■dans  mi  état  démocratique  ,  le  peuple  d'A- 
thènes, toujours  inquiet  &:  mécontent,  de- 
voit  fe  plaire  à  voir  expofer  fur  la  fcene ,  non 
^  feulement  les  vices  des  particuliers ,  mais 
i'intérieur  du  gouvernement ,  les  prévarica- 
tions des  magiftrats ,  les  fautes  des  généraux , 
&  fa  propre  facilité  à  ië  laiffer  corrompre 
X)u  féduire.  C'eft  ainii  qu'il  a  couronné  Iqs 
Satyres  politiques  d'Ariftophane. 

Cette  licence  devoit  être  réprimée  à  me- 
fure  que  le  gouvernement  devenoit  moins 
populaire  ^  &  l'on  s'apperçoit  de  cette  mo- 
dération dans  les  dernières  comédies  du  même 
^uteiff  ,  mais  plus  encore  dans  l'idée  qui 
nous  reflc  de  celles  de  Ménandre  ,  où  l'é- 
tat fut  toujours  reipeâié  f,  &  où  les  intrigues 
privées  prirent  la  place  des  affaires  publiques. 

Les  Rom.ains  fous  les  confùls  ,  aufli  ja- 
loux de  leur  liberté  que  les  Athéniens  ,  mais 
plus  jaloux  de  la  dignité  de  leur  gouverne- 
Tnent,  n'ouroient  janrais  permis  que  la  ré- 
publique fût  expofée  aux  traits  rn£?ltans  de 
leurs  poètes.  Ainfi  les  premiers  comiques  la- 
tins bazardèrent  la  fatyre  perfonnelle ,  mais 
jamais  la  fatyre  politique. 

Dès  que  l'abondance  '&  le  luxe  eurent 
adouci  les  mœurs  de  Rome,  la  comédie  çMq- 
tnême  changea  fon  âpreté  en  douceur  ^  & 
•comme  les  vices  des  Grecs  avoient  paffé 
chez  les  Romains  ,  Térence ,  pour  les  imi- 
ter ,  ne  fit. que  copier  Ménandre. 

JLemênie  rapport  de  conveiiattçe  adéter- 


C  O  M 

mîné  le  cara£lere  de  la  comédie  ilir  tous  les 
théâtres  de  l'Europe  ,  depuis  la  renaiffance 
des  lettres. 

Un  peuple  qui  affeôoit  autrefois  dans  ks 
mœurs  une  gravite  fuperbe ,  &c  dans  fes  fen- 
timens  une  enflure  romanelque ,  a  dû  fer- 
vir  de  modèle  à  des  intrigues  pleines  d'in- 
cidens  &  de  carafteres  hyperboliques.  Tel 
eft  le  théâtre  eipagnol  j  c'eft-là  feulement 
que  fcroit  vraifemblable  le  caraâere  de  cet 
amant  (  Villa  Mediana.  ) 

Qui  brûla famaifon pour  emhrajfer fa  dame^ 
L'emportant  a  travers  la  flamme. 

Mais  ni  ces  exagérations  forcées  ,  ni  une  li- 
cence d'imagination  qui  viole  toutes  les  rè- 
gles ,  ni  un  raffinement  de  plaifanterie  fou- 
vent  puérile  ,  n'ont  pu  faire  refufèr  à  Lo- 
pès  de  Vega  une  des  premières  places  parmi 
les  poètes  comiques  modernes.  Il  joint  en 
effet  à  la  plus  heureufe  fagacité  dans  le  chois 
des  caractères  ,  une  force  d'imagination  que 
le  grand  Corneille  admiroit  lui-même.  C'eft 
de  I.opès  de  Vega  qu'il  a  emprunté  le  ca- 
raftere  du  menteur ,  dont  il  difoit  avec  tant 
de  modeftie  &  iî  peu  de  raifon ,  quil  don- 
nerait -deux  de  fes  meilleures  piec<s  peur  Sa- 
voir imaginé. 

Un  peuple  qui  a  mis  long-temps  fon  hon- 
neur dans  la  fidélité  des  femmes  ,  &  dans 
une  vengeance  cruelle  de  l'atJront  d'être  trahi 
en  amour,  a  dû  fournir  des  intrigues  péril- 
ieufès  pour  les  amans ,  &  capables  d'exercer 
la  fourberie  des  valets  :  ce  peuple  d'ailleurs 
pantomime  ,  a  donné  lieu  à  ce  jeu  muet, 
qui  quelquefois  par  une  expreiîion  vive  &: 
plaifante ,  &  fouvent  par  des  grimaces  qui 
rapprochent  l'homme  du  finge  ,  foutient 
feul  une  intrigue  dépourvue  d'art ,  de  fens , 
d'e^it  &  de  goût.  Tel  eft  le  comique  ita- 
lien ,  aufîî  chargé  d'incidens  ,  mais  moins 
bien  intrigué  que  le  comique  efpagnol.  Ce 
qui  caraôérife  encore  plus  le  comique  ita- 
lien ,  eft  ce  mélange  de  mœurs  nationales , 
que  la  communication  &  la  jaloufie  mu- 
tuelle àes  petits  états  d'Italie  a  fait  imaginer 
a  leurs  poètes.  On  voit  dans  une  même  m- 
trige  un  bolonnois ,  un  vénitien ,  un  napo- 
litain ,  un  bergamafque  ,  chacun  avec  le 
ridicule  dominant  de  fa  patrie.  Ce  mélange 
bizarre  ne  pouvoit  manquer  de  réuffir  dans 
ià  Jiouveauîé.  Les  Italiens  en  firent  ujîc 


C  O  M 

tegic  efTenticIle  de  leur  théâtre ,  &  la  coml- 
■die  s'y  vit  par-là  condamnée  à  la  grofTiere 
«uniformité  qu'elle  avoit  eue  dans  fon  ori- 
rgine.  AuiTi  dans  le  recueil  immenfe  de  leurs 
^pièces  ,  n'en  trouve-t- on  pas  une  feule  dont 
.un  homme  de  goût  foutieune  la  ledure.  Les 
Italiens  ont  eux-mêmes  reconnu  la  fupério- 
rité  du  comique  François  :  &  tandis  qiie 
deurs  liiftrions  le  fbutiennent  dans  le  centre 
•ÀQS  beaux  arts ,  Florence  les  a  profcritsdans 
ion  théâtre  ,  Se  a  fubftitué  à  leurs  farces  les 
;metlleures  comédies  de  Molière  traduites  en 
Italien.  A  l'exemple  de  Florence  ,  Rome  & 
Naples  admirent  fur  leur  théâtre  les  chefs- 
-d'œuvre du  nôtre.  Venife  fe  défend  encore 
de  la  révolution  j  mais  elle  cédera  bientôt 
.au  torrent  de  l'exemple  &  à  l'attrait  du  plaifir. 
Paris  feul  ne  verra-t-il  plus  jouer  Molière  ? 

Un  état  où  chaque  citoyen  fè  fait  gloire 
vde  penfer  avec  indépendance  ,  a  dû  four- 
ni ir  un  grand  nombre  d'originaux  à  pein- 
dre. L'afîédtation  de  ne  reifembler  à  per- 
ribnne  fait  fouvent  qu'on  ne  jefTemble  pas  à 
**  Xoi-même  ,  &  qu'on  outre  ibn  propre  carac- 
tère ,  de  peur  de  £b  plier  au  caradtere  d'au- 
-trui.  Là  ce  ne  font  point  des  ridicules  cou- 
•rans  j  ce  font  àes  fingularités  perfbnnelles  , 
qui  donnent  priiè  à  la  plaifanteris  ;  le 
vice  dominant  de  la  fbciété  eJft  de  n'être 
.pas  ibciable.  Telle  eft  la  fource  du  comi- 
que Anglais.,  d'ailleurs  plus  iîmple,  &plus 
jiaturel ,  plus  philofophique  que  les  deux  au- 
-tres  j  &  dans  lequel  la  vraifemblance  eft  ri- 
-goureufement  obfervée,  aux  dépens  même 
ide  la  pudeur. 

Mais  une  nation  douce  &  polie  -,  où  cha- 
cun fe  fait  un  devoir  de  conformer  fes  fèn- 
itimens  &  iks  idées  aux  mœurs  de  la  focicté  , 
.où  des  préjugés  font  des  principes  ,  où  les 
■ufàges  font  des  loix  ,  où  Ton  eft  condamné 
à  vivre  fèul  dès  qu'on  veut  vivre  pour  foi- 
•jnême  ^  cette  nation  ne  doit  préfènter  que 
ides  caraâeres  adoucis  par  les  égards,  & 
•que  des  vices  palliés  par  les  bienféances. 
Tel  eu  le  comique  firançois ,  dont  le  théâtre 
anglois  s'eft  enrichi  autant  que  l'oppolîtioii 
•des  mœurs  a  pu  le  permettre. 

Le  comique  françois  fe  divife.,  fiiivantles 
mœurs  qu'il  peint ,  en  comique  bas  ,  comique 
^bourgeois  ,  &  haut  comique.  V,  COMIQUE. 

Mais  une  divifion  plus  elTentielle  fe  tire 
:dfiiaxiiâféreiice  des  objets  que  la  comédie  fc 


€  O  M  5^5:5' 

propofe  :  ou  elle  peint  le  vice  qu'elle  rend 
méprifable ,  comm.e  la  tragédie  rend  le  crime 
odieux  ^  de-là  le  comique  de  caraôere  :  ou 
elle  fait  les  hommes  le  jouet  des  événemensj 
de-là  le  comique  de  fituation  :  ou  &\\q  pré- 
fente les  vertus  communes  avec  des  traits  qui 
les  font  aimer  ,&  dans  des  périls  ou  des  mal- 
heurs qui  les  rendent  intéreifantes  3  de-là  le 
comique  attendriffant. 

De  ces  trois  genres ,  le  premier  eft  le  plus 
utile  aux  mœurs  ,  le  plus  fort ,  le  plus  difiî- 
cile,  &  par  conféquent  le  plus  rare  :  le  plus 
utile  aux  mœurs ,  en  ce  qu'il  remonte  à  la 
fburce  des  vices ,  &  les  attaque  dans  leur 
principe  3  le  plus  fort ,  en  ce  qu^il  préfente 
le  miroir  aux  hommes  ,  &  les  fait  rougir  de 
leur  propre  image  3  le  plus  difficile  &  le  plus 
rare ,  en  ce  qu'il  feppofe  dans  fon  auteur 
une  étude  confe)mmée  des  mœurs  de  fon 
iiecle  ,  un  difeernemient  jufte  &  prompt,  8c 
une  force  d'imagination  qui  réunifie  fous  un 
feul  point  de  vue  les  traits  que  ià  pénétra- 
tion n'a  pu  faifir  qu'en  détail.  Ce  qui  man- 
que à  la  plupart  des  peintres  de  carafteres, 
&  ce  que  Molière  ,  ce  grand  modèle  ea 
tout  genre ,  pofTédoit  éminemment  3  c'eft 
ce  coup  d'œil  philofophique  ,  qui  failît  non 
feulement  \qs  extrêmes  ,  mais  le  milieu  des 
chofes  ;  entre  l'hypocrite  fcélérat ,  &  le  dévot 
crédule ,  on  voit  l'homme  de  bien  qui  démaf^ 
que  la  feélérateffe  de  l'un ,  &  qui  plaint  la 
crédulité  de  l'autre.  Molière  met  en  opposi- 
tion les  mœurs  corrompues  de  la  fociété ,  & 
la  probité  farouche  du  Mifantrope  :  entre  ces 
deux  excès  paroît  la  modération  du  fage ,  qui 
hait  le  vice  &  qui  ne  hait  pas  les  hommes. 
Quel  fonds  de  philofophie  ne  faut-il  point 
pour  faifir  le  point  ainfî  fîx«  de  la  vertu  !  C'eft 
à  cette  précifion  qu'on  reconnoît  Molière  , 
bien  mieux  qu'un  peintre  de  l'antiquité  ne 
reconnut  fon  rival  au  trait  de  pinceau  qu'iî 
avoit  tracé  fur  une  toile. 

Si  l'on  nous  demande  pourquoi  le  comi- 
que de  fituation  nous  excite  à  rire  ,  même 
fous  le  concours  du  comique  de  caraftere  , 
nous  demanderons  à  notre  tour  d'où  vient 
qu'on  rit  de  la  chute  imprévue  d'un  paffant. 
C'eft  de  ce  genre  deplaifanterie  que  Henfîus 
a  eu  raifon  de  dire  ypîebis  aucupiumeji  6? 
abuÇus,  Voyei  Rire.  Il  n'^en  eft  pasainiî 
du  comique  attendriffant  ;,  peut-être  mêtnc 
elVilplus  utile  aux  mœurs  que  kira^idie. 


^66  C  O  M 

vu  qu'il  nous  intérefTedeplus  près,&qu'ainfi 
les  exemples  qu'il  nous  propofe  nous  tou- 
chent plus  ièniiblement  :  c'eft  du  moins  l'o- 
pinion de  Corneille.  Mais  comme  ce  genre 
ne  peut  être  ni  foutenu  par  la  grandeur  des 
objets,  ni  animé  par  la  force  des  fituations, 
&  qu'il  doit  être  à  la  fois  familier  &  inté- 
reflant ,  il  eft  difficile  d'y  éviter  le  double 
écueil  d'être  froid  ou  romanefque  ^  c'eft  la 
fimple  nature  qu'il  faut  faifir  ^  &  c'eft  le 
dernier  effort  de  l'art  d'imiter  la  fimple  na- 
ture. Quant  à  l'origine  du  comique  atten-^ 
driftànt ,  il  faut  n'avoir  jamais  lu  les  anciens 
pour  en  attribuer  l'invention  à  notre  Ciecle  ^ 
on  ne  conçoit  mêirie  pas  que  cette  erreur  ait 
pu  fubfifter  un  inftant  chez  une  nation  ac- 
coutumée à  voir  jouer  l'Andrienne  de  Té- 
rence  ,  où  l'on  pleure  dès  le  premier  aâ:e. 
Quelque  critique  pour  condamner  ce  genre  , 
a  oie  dire  qu'il  étoit  nouveau  '^  on  l'en  a  cru 
fur  fa  parole ,  tant  la  légèreté  &  l'indifférence 
d'un  certain  public  fur  les  opinions  littérai- 
res ,  donne  beau  jeu  à  l'eftronterie  &  à  l'igno- 
rance. 

Tels  font  les  trois  genres  de  comiques , 
parmi  lefquels  nous  ne  comptons  ni  le  comi- 
que de  mots  fi  fort  en  ufage  dans  la  fbciété , 
foible  reffource  des  efprits  fans  talent ,  fans 
étude  &  fans  goût  ^  ni  ce  comique  obfcene , 
qui  n'eft  plus  fouffert  fur  notre  théâtre  que 
par  une  forte  de  prefcription  ,  &  auquel  les 
honnêtes  gens  ne  peuvent  rire  fans  rougir  j 
ni  cette  efpece  de  traveftiffement ,  où  le  pa- 
rodifte  fe  traîne  après  l'original  pour  avilir 
par  une  imitation  burlefque ,  ra6tion  la  plus 
noble  &  la  plus  touchante  :  genres  méprifa- 
bles,  dont  Ariftophane  eft  l'auteur. 

Mais  un  genre  fupérieur  à  tous  les  autres , 
eft  celui  qui  réunit  le  comique  de  fituation 
&  le  comique  de  caraftere ,  c'eft-à-dire  dans 
lequel  les  perfonnages  font  engagés  par  les 
vices  du  cœur ,  ou  par  les  travers  de  i'e^irit , 
dans  les  cirçonftances  humiliantes  qui  les  ex- 
pofènt  à  la  rifée  &  au  mépris  des  ipeâa- 
teurs.  Tel  eft  ,  dans  l'Avare  de  Molière  ,  la 
rencontre  d'Harpagon  avec  fon  fils ,  lorfque 
iàns  Ce  connoître  ils  viennent  traiter  enfem- 
ble  ,  l'un  comme  ufurier  ,  l'autre  comme 
difîipateur. 

Il  eft  des  cara6i:eres  trop  peu  marqués 
pour  foui  ir  unea6Hon  foutenue;  les  habiles 
peintres  les  ont  groupés  avec  des  caractères 


C  OM 

dominans  ;  c'eft  l'art  de  Molière  :  ou  ils 
ont  fait  contrafter  plufieurs  de  ces  petits  ca- 
raderes  entre  eux  ^  c'eft  là  manière  de  Du- 
freny ,  qui ,  quoique  moins  heureux  dans 
l'économie  de  l'intrigue  ^  eft  celui  de  nos 
auteurs  comiques ,  après  Molière ,  qui  a  le 
mieux -faifi  la  nature  ^  avec  cette  différence 
que  nous  croyons  tous  avoir  apperçu  les  traits 
que  nous  peint  Molière  ,  &  que  nous  nous 
étonnons  de  n'avoir  pas  remarqué  ceux  que 
Dufreny  nous  fait  appercevoir. 

Mais  combien  Molière  n'eft- il  pas  au 
defîiis  de  tous  ceux  qui  l'ont  précédé  ,  ou 
qui  l'ont  fuivi  ?  Qu'on  life  le  parallèle  qu'en 
a  fait  ,  avec  Térence ,  l'auteur  du  fiecîe  de 
Louis  XIV  ,  le  plus  digne  de  les  juger  ,  la 
Bruyère.  //  na  ,  dit-il  ,  manqué  h  Térence 
que  d'être  moins  froid  :  quelle  pureté  !  quelle 
exaclitude  !  quelle  politeffe  !  quelle  élégance  ! 
quels  caractères  !  Il  na  manqué  à  Molière  que 
d'éviter  ie  jargon  ,  &  d'écrire  purement  :  quel 
feu  !  quelle  naïveté  !  quelle  fource  de  la  bonne 
plaifanterie  !  quelle  imitation  des  moeurs  !  & 
quel  fléau  de  ridicule  !  mais  quel  homme  on 
aurait  pu  faire  de  ces  deux  comiques  ! 

La  difficulté  de  faifir  comme  eux  les  ridi- 
cules &  les  vices ,  a  fait  dire  qu'il  n'étoit 
plus  poffible  de  faire  des  comédies  de  carac- 
tères. On  prétend  que  les  grands  traits  ont 
été  rendus  ,  &  qu'il  ne  refte  plus  que  des 
nuances  imperceptibles  :  c'eft  avoir  bien  peu 
étudié  les  mœurs  du  fiecle  ,  que  de  n'y  voir 
aucun  nouveau  caractère  à  peindre.  L'hypo- 
crifie  de  la  vertu  eft-elle  moins  facile  à  dé- 
mafquer  que  l'hypocrifîe  de  la  dévotion? 
lemifantropeparaireft-il  moins  ridicule  que 
le  mifantrope  par  principes  ?  le  fat  modefte, 
le  petit  feigneur  ,  le  faux  magnifique  ,  le 
défiant ,  l'ami  de  cour  ,  &  tant  d'autres  , 
viennent  s'offrir  en  foule  à  qui  aura  le  talent 
&  le  courage  de  les  traiter,  La  politeffe  gafe 
les  vices  j  mais  c'eft  une  efpece  de  draperie 
légère ,  à  travers  laquelle  les  grands  maîtres 
favent  bien  deffiner  le  nu. 

■  Quant  à  l'utilité  de  la  comédie  morale  & 
décente  ,  comme  elle  l'eft  aujourd'hui  fiir 
notre  théâtre  ,  la  ré^'oquer  en  doute ,  c'eft 
prétendre  que  les  hommes  foient  infenfibles 
au  mépris  &  à  la  honte  ^  c'eft  fuppofer ,  ou 
qu'ils  ne  peuvent  rougir ,  ou  qu'ils  ne  peu- 
vent fè  corriger  des  défauts  dont  ils  rougif- 
fènt  \  c'eft  rendre  les.  caraéteres  indépendans 


CO  M 

de  l'amour  propre  qui  en  eft  l'ame  ,  &  nous 
Ipnettre  au  defîiis  de  l'opinion  publique  , 
dont  la  foibleffe  &  l'orgueil  font  les  efcla- 
ves ,  &  dont  la  vertu  même  a  tant  de  peine 
à  s'affranchir. 

Les  hommes ,  dit-on ,  ne  fe  recônnoiffent 
pas  à  leur  image  :  c'eft  ce  qu'on  peut  nier 
hardiment.  On  croit  tromper  les  autres  , 
mais  on  ne  fe  trompe  jamais  ^  &  tel  prétend 
à  l'eftime  publique  ,  qui  n'ofercit  fe  mon- 
trer s'il  croyoit  être  connu  comme  il  fe  con^ 
iioît  Ini-m.ême. 

Perfonne  ne  fe  corrige ,  dit-on  encore  : 
malheur  à  ceux  pour  qui  ce  principe  eii  une 
vérité  de  fentim.ent  ^  mais  fi  en  efièt  le  fond 
du  naturel  eft  incorrigible ,  du  moins  le  de- 
hors ne  l'eft  pas.  Les  homjmes  ne  fc  touchent 
que  par  la  furface  ^  &  tout  feroit  dans  l'or- 
dre ,  il  on  poKvoit  réduire  ceux  qui  font  nés 
vicieux ,  ridicules  ou  mxéchans  3  à  ne  l'être 
qu'au  dedans  d'eux-mêmes.  C'eft  le  but  que 
fe  propofe  la  comédie  ;  &:  le  théâtre  eft  pour 
le  vice  &  le  ridicule ,  ce  que  font  pour  le 
crime  les  tribunaux  où  il  eft  jugé,  &  les 
échafauds  où  il  eft  puni. 

On  pourroit  encore  divifer  la  comédie  re- 
lativement aux  états ,  &  on  verroit  naître 
de  cette  divifion  ,  la  comédie  dont  nous  ve- 
nons de  parler  dans  cet  article  ,  la  pajîorale 
&  la  féerie  :  mais  la  paftorale  &  la  féerie  ne 
méritent  guère  le  nom  de  comédie  que  par 
une  forte  d'abus.  Fby.  ies  articles  FÉERIE  & 
PASTORALE.Cf/ûr/.  f/?ife  M.  de  Marmontel. 

*  Comédie  5  CH//?.  anc)  ha.  comédie 
des  anciens  prit  différens  noms  ,  relative- 
ment à  différentes  circonftances  dent  nous 
allons  faire  mention. 

Ils  eurent  les  comédies  Atellanes  ,  ainfî 
nommées  d'Atella  ,  dans  la  Cam.panie  : 
c'étoit  un  tilfu  de  plaifanteries  ^  la  langue  en 
étoit  oicique  j  elle  étoit  divifée  en  aâ:es  3  il 
y  avoit  de  la  mufique ,  de  la  pantomime , 
&  de  la  danfë  ^  de  jeunes  romains  en  étoient 
lesafteurs.  F'oj^^Âtellanes. 

Les  comédies  mixtes  ,  où  une  partie  fe 
paifoit  en  écrit  ,  une  autre  en  adiicn  j  ils 
difoient  qu'elles  éto'xQwt partimjiatariae  ^par- 
tim  mctoriœ ,  &  ils  citoisnt  en  exemple 
VEunuque  de  Térence. 
■  Les  comédies  appcllées  motorice  ,  celles 
où  tout  étoit  en  action ,  comme  dansl'y^/r.- 
vhytrion  de  Plaute, 


C  OM  5^7 

Les  comédies  appellées  palliatœ  ,  où  le 
fujet  &  les  perfonnages  étoient  grecs ,  où 
les  habits  étoient  grecs  ,  où  l'on  fe  fervoit 
du  pailium  :  ^  les  appelloit  au^x  crepidae  y 
chaulfure  commune  des  Grecs. 

Les  comédies  appellées  planipedice  ,  cel- 
les qui  fe  jouoient  à  pies  nus ,  ou  plutôt  fur 
un  théâtre  de  plain-pié  avec  le  rez-dc- 
chauifée. 

Les  comédies  appellées  prœtextatœ ,  où  le 
fîijet  &  les  perfonnages  étoient  pris  dans 
l'état  de  la  nobleife  ,  &  de  ceux  qui  por- 
toient  les  togœ  prmextœ. 

Les  comédies  appellées  rhintonic.v  ,  ou 
comique  larmoyant ,  qui  s'appelloit  encore 
hitnro  tragedia  ,  ou  latina  comedia^  ou  co- 
media  italien.  L'inventeur  fut  un  bouffon  de 
Tarente  nommé  Rhintone. 

Les  comédies  a^-^elléQs  Jfatariœ ,  celles  où 
il  y  a  beaucoup  de  dialogue  &  peu  d'aétion  , 
telles  que  YHecyre  de  Térence  &  XAjinairt 
de  Plaute. 

Les  comédies  appellées  tabernariœ ,  dont 
le  fujet  &  \ç.%  perfonnages  étoient  pris  du  bas 
peuple ,  &.  tirés  des  tavernes.  Les  acleurs  y 
jouoient  en  robes  longues  ,  togis^  fans  man- 
teaux à  la  greque  ,  palliis.  .Afranius  &  En- 
nius  fe  difèinguerent  dans  ce  genre. 

Les  comédies  appellées  togatœ ,  où  les  ac- 
teurs étoient  habillés  de  la  toge.  Ste^hanius 
fit  \^s  premières  j  on  les  fubdivifk  en  togatœ 
proprement  dites ,  prœtextatœ  ,  tabernariœ  , 
&:  Atellanœ,  Les  togatœ  tenoient  propre- 
ment le  \ri)Siç:\\ç.\\Xxc\QS prœtextatœ  &:les  ta- 
bernariœ :  c'étoient  les  oppofées  depalliatœ. 

Les  comédies  appellées  trabcatœ  :  on  en 
attribue  l'invention  à  Caïus  Melifliis.  Les 
adeursyparoiffoient/Vz  trabeis^  &  y  jouoient 
àQs  triomphateurs, des  chevaliers.  La  dignité 
de  ces  perfoiuiages  fi  propres  au  comique  , 
a  répandu  bien  de  l'obfcurité  fur  la  nature 
de  ce  fpedacle. 

Mettons  fous  les  yeux  du  lecîeur  les  ob~ 
fervations  de  M.  Sulzer  fur  le  même 
fujct  :  cet  écrivain  auffi  judicieux  qu  élégant  ^ 
rend  tout  ce  qiiil  traite  trop  intérejpint  pour 
être  omis. 

Si  fans  s'attacher  ni  à  la  nature  dé  la  comé- 
die greque  ,  ni  aux  différentes  formes  de  la 
comédie  moderne ,  on  veut  fe  faire  la  notion 
la  plus  générale  de  ce  qui  peut  être  compris 
ibus  ce  nom ,  ou  définir 3.1  a  comédie  en  difaat 


5(Î8  COM 

que  c'eft  la  repréfentation  d'une  aâiott  qui 
amufe  &  injiruit  le  fpcâateur  ^  tant  par  la  va- 
riété des  événemens  ,  que  par  le  car  acier  e ,  les 
mœurs  ,  &  la  conduite  des  ff$rfonnages.  On 
entend  fouvent  dire  que  le  but  de  la  comédie 
eft  de  tourner  en  ridicule  les  folies  des  hom- 
mes j  mais  cela  n'eft  vrai  ni  de  la  comédie 
ancienne ,  ni  de  celle  d'aujourd'hui.  Com- 
bien ne  voit-on  pas  de  bonnes  comédies ,  qui 
font  très-amufantes ,  &qui  néamnoins  n'ont 
point  ce  but-là  ?.  Dans  plufieurs  pièces  de 
Plaute ,  ce  qu'elles  ont  de  rifible roule  plutôt 
iijr  les  idées  comiques  y  &  quelquefois  gigan- 
tesques du  poëte ,  que  fur  le  fujet  même  :  & 
fî  l'on  raflemble  les  traits  les  plus  amufans 
de  Térence ,  on  trouvera  que  cet  excellent 
comique  n'a  eu  que  bien  rarement  en  vue  de 
jouer  les  ridicules.  Ce  peut  être  là  un  des  ob- 
jets de  la  comédie  ,  fouvent  elle  a  amufé  les 
fpedateurs  au  dépens  des  fous ,  ou  des  per- 
fonnes  que  le  poëte  n'aimôit  pas  ;,  mais  cet 
objet  n'eft  pas  elî'entiel  à  la  bonne  comédie  : 

Non  fatis  ejï  rifu  diducere  riclum 
Auditoris  :  6"  eft  quœdam  tamen  hic  quoque 
virtus.  (  Horat.  Serm.  l.  X.  ) 

Toute  action  mife  fur  la  fcene,  qui  peut 
amufer  agréablement  des  perfonnes  d'eiprit 
&;  de  goût ,  fans  remuer  le  fentiment  avec 
trop  de  véhémence,  ni  exciter  fortement  des 
paiîions  férieufes  ,  eft  une  bonne  comédie. 
Plus  enfiiite  l'auteur  aura  fu  traiter  cette  ac- 
tion d'une  manière  fine,  fpirituelle,  &  inf- 
truâive ,  plus  fa  pièce  ièra  eftimée  des  con- 
noifteurs. 

Pour  déterminer  donc  avec  plus  de  préci- 
fîon  le  caraâ:ere  &  la  nature  de  la  comédie , 
il  faut  examiner  attentivement  ce  qu'il  peut 
y  avoir  d'amufant ,  d'intéreiTant ,  &  d'inf- 
truâif  dans  les  aéiions  ,  les  mœurs ,  le  ca- 
raftere  &  la  conduite  des  hommes ,  fans 
remuer  trop  fortement  le  cœur. 

Ariftote  a  donné  de  la  comédie  une  idée 
conforme  à  ce  qu'elle  étoit  de  fon  temps  ^ 
félon  lui  c'eft  la  repréfentation  de  ce  qu'il  y  a 
de  ridicule ,  de  repréhenfible  ,  ou  de  bizarre 
dans  lecaradere&dans  les  avions  des  hom- 
mes. Nous  difons  que  c'eft  plutôt  la  repréfen- 
tation de  ce  que  la  vie  civile  ,  les  caradleres  , 
les  mœurs  &  les  a£Hons  ont  d'amufant  &  de 
rcjouiflànt.  Chacun  fait  par  expérience  que 
des  allions  raifoiinables  &  vertueufes ,  des 


COM 

'  mœurs- coirformes  à  la  nature ,  des  cara^Veiirs. 
exempts  de  ridicule  &  de  bizarrerie  ,  pcuvci^ 
plaire  fur  le  théâtre  ;,  nous  voyons  que  la  co- 
médie romaine  a  déjà  iii  employer  des  ftjjets 
un  peu  nobles.  La  vie  civile  préfente  plus 
d'une  fact  fous  laquelle  on  la  voit  avec  plai- 
fir.  La  nature  toute  pure  peut  même  déjà 
fournir  des  mœurs  &  des  actions  qui  nous 
amufent.  Comment  ne  trouverions-nous  pas 
plus  d'intérêt  encore  à  voir  agir  les  hommes 
dans  l'immeufe  variété  des  conjondtures  de 
la  vie  ?  Tout  tableau  moral  qui  nous  pré- 
fente  l'homme  dans  fon  véritable  caraâ:ere  y 
toute  fcene  qui  exprime  bien  les  fentimens  , 
les  pcnfées  ,  les  projets  &  les  entreprifes  des 
hommes  ^  font  pour  le  ipeâiateur  qui  peniè^ 
un  coup  d'œil  agréable.  Pourquoi  interdire 
au  peintre  des  mœurs ,  tout  fujet  qui  ne  fera 
pas  rifible  ^  pourquoi  verrions-nous  avec 
moins  de  plaiiir  le  côté  aimable  &  raifbii- 
nable  de  l'homme  ,  que  fes  défauts  &  fes 
ridicules  ? 

Il  eft  très-utile  fans  doute  d'^expofèr  les 
folies  des  hommes  dans  leur  vrai  jour  j  mais 
feroit-il  moins  utile  de  mettre  fous  nos  yeux 
des  exemples  de  procédés  honnêtes ,  de  fen- 
timens nobles  ,  de  droiture  ,  de  toutes  les 
vertus  civiles  j  en  forte  que  ces  exemples  nous 
touchent ,  nous  attendriiîent ,  &  fafîènt  fur 
nous  une  imprefîion  durable  ?  Et  qu'on  ne 
craigne  pas  que  le  beau  &  l'honnête  foient 
moins  propres  à  donner  du  plaifir ,  que  le  ri- 
dicule ^  nous  voyons  au  contraire  que  Plaute 
&  Molière  n'excellent  nulle  part  davantage 
que  dans  le  férieux.  Ainfî  fans  rien  retrancher 
de  fon  prix  à  la  comédie  fatyrique  &  enjouée  , 
ne  fermons  pas  nos  théâtres  à  la  comédie  qui 
nous  amufe  par  des  tableaux  plus  nobles  , 
&  qui,  au  lieu  de  nous  faire  rire  des  foiblef^ 
fès  de  l'humanité  ,  nous  réjouit  par  la  vue 
de  fes  perfeâions. 

Ne  nous  laifTons  pas  alarmer  par  les  in- 
quiétudes de  quelques  critiques  ,  qui  fem- 
blent  craindre  que  l'introdudiion  du  genre 
férieux  ne  confondît  les  limites  qu'on  a  miles 
entre  la  comédie  &  la  tragédie  ,  &  ne  pro- 
duisît un  ambigu  monftrueux.  La  nature  ne 
connoît  point  ces  limites  j  aufTi  peu  que  la 
critique  pourroit  en  afîigner  entre  le  haut  & 
le  bas  ,  le  grand  &  le  petit ,  la  chanfon  & 
l'ode  5  aufli  peu  a-t-elle  droit  d'en  mettre  en- 

,  tre  le  tragique  &  le  comique  3  ils  ne  différent 

point 


C  0  M 

point  en  efleiice ,  ce  u'efl;  que  le  àegrê  qtiî  < 
les  dillingue. 

La  règle  fondamentale  qu'Ariftophane 
fcniblc  s'être  propcfée,  ctoit  de  railler  & 
d'exciter  des  éclu.s  de  rire  ,  &  du  mépris.  Celle 
du  poète  comique  doit  être  Aq  peindre  des 
mœurs  &  de  dejfincrdes  caractères  qui puijfent 
intércjjer  le  fpecîateur  judicieux  &  fenfihle. 
En  confëquence  de  cette  règle  ,  le  premier 
foin  du  comique  fera  d'obferver  attentive- 
ment les  mœurs  des  hotr.tncs  de  tout  état , 
afin  de  mettre  de  la  vérité  &  de  la  force 
<îans  lès  portraits.  Il  cherchera  à  corriger  , 
par  une  fine  raillerie  ,  les  défauts  qu'il  aura 
obièrvés  ;,  il  placera  dans  un  jour  attrayant 
ce  qu'il  aura  remarqué  de  beau  &  de  noble  , 
&  fes  tableaux  nous  feront  fcntir  d'un  côté 
ce  que  les  m^œurs  ont  d'aifé,  d'aimable  ,  de 
grand  &  d'élevé ,  &  de  l'autre  ce  qu'elles 
oiit  de  ridicule ,  de  gêné  ,  de  bas  ,  de  ram- 
pant &  de  méprifàble.  Nous  nous  verrons 
nous-mêmes  ,  6c  nos  contemporains ,  dans 
un  point  de  vue  qui  nous  permettra  d'appré  • 
cier  nos  mœurs  avec  impartialité. 

Le  poè'te  comique  fera  enfuite  une  étude 
très-particulière  des  divers  carafteres  des 
homnies.  Il  obfervcra  comment  ces  carac- 
tères font  encore  modiîlés  par  le  genre  de 
vie  ,  les  liaifons  extérieures ,  \qs  égards ,  les 
tlevoirs  &  autres  circonlîances.  Pour  exciter 
notre  attention,  il  fera  coutraîlcr  enfèmbîe 
les  caraéieres,  les  devoirs,  les  palfions  & 
les  ntuations  ^  il  nous  préfenîcra  fouvent  le 
combat  de  la  raifon  &  du  penchant  j  il  dé- 
niàfquera  à  nos  yeux  le  fourbe  Z4.  l'hypocrite , 
&  nous  les  montrera  fous  leurs  véritables 
traits^  il  placera  l'honnête  homjne  dans  les 
diverfes  fituations  critiques  de  la  vie  ,  &  il 
aura  foin  de  le  mettre  dans  un  jour  qui  nous 
pénètre  d'eftime  &  d'affeclion  pour  lui. 
Tous  ces  objets  font  très  intcreiî'nn-s  par  eux- 
mêmes,  Se  peuvent  \?.  devenir  infiniment  da- 
vantage par  l'art  du  poète  ^  il  trouvera  encore 
une  fource  très-abondante  de  tableaux  intc- 
reflans  dans  les  divers  accidens  de  la  vie  hu- 
maine, &  dans  la  manière  différente  dont 
les  divers  carafteres  en  font  affêftés. 

La  grande   diverfité  des  fujets  comiques 

doit  néceiïhiremxnt produire  des  comédies  de 

plufieurs  efpeces  différentes.  Il  ne  feroit  pas 

inutile  de  déterminer  plus  précifément  ces 

Tome  VJII, 


C  O  M  5^f 

efpeces ,  8c  de  rechercher  le  cara£lere  dil- 
thidif  qui  convient  à  chscune. 

Une  de  ces  efpeces ,  c'eft  la  comédie  deçà- 
radere ,  qui  s'occupe  principalem.ent  à  dé- 
veîoppper  un  caradere  particulier ,  &  à  le 
defîiner  corredement  ^  nous  en  avons  déjà 
plufieurs  de  cette  efpece  ,  comme  ï Avare  , 
le  Glorieux ,  le  Meraeur ,  &c.  mais  il  y  a 
encore  un  très-grand  nombre  de  caradleres, 
qui  quoiqu'intéreflans  n'ont  point  été  traités. 
Et  comme  les  nuances  à<is,  caraderes  varient 
à  l'infini ,  on  peut  dire  que  cette  efpece 
feule  leroit  déjà  inépuifable. 

On  a  fait  pour  les  peintres  en  hifloire  un 
recueil  des  fujets  les  pins  intérelTans ,  tirés  ou 
des  hiiloriens ,  ou  àcs  poètes ,  ou  ôjq.z  roman- 
ciers^ il  fèroit  bien  plus  importî'mt  de  for- 
mer, pour  le  théâtre,  un  pareil  recifeil des 
caraderes  remarquables  qui  n'ont  point  en- 
core été  mis  fi^r  la  Icenc. 

Dans  les  comédies  de  ce  getire  ,  il  faut  faire 
choix  d'une  adion  qui  place  le  peribnnagc 
principal  dans  des  cireonflances  oppofées  ii 
fon  caradere.  Il  faut ,  comm.e  f  obierve  M. 
Diderot,  que  le  miifantrope  foit  amoureux 
d'une  coquette,  &  Harpagon  d'une  fijlequi 
eft  dans  l'indigence.  La  plupart  des  critiques 
exigent  que  le  poète  comique  falfe  contrafter 
les  caractères  pour  donner  plus  de  faillie  an 
caradere  qu'il  veut  peindre.  Mais  l'auteur 
que  je  viens  de  citer ,  remarque ,  avec  beau- 
coup de  iligacité,  que  le  contrafte  doit  être  > 
non  dans  les  diffcrcns  caraderes ,  mais  dans 
les  fituations.  îlefi;  très-elfentieldans  ic>  pic- 
ces  de  ce  genre ,  qu'il  n'y  ait  qu'un  feul  ca- 
radere principal ,  auquel  toîit  le  relie  foit 
fubordonné  ,  c'eft  là  ce  qui  conftitue  l'unité 
du  fjjet,  qui  eft  beaucoup  plus  elfentielîe 
que  celle  du  temps  ou  du.lieu.  Le  plan  d'iuic 
telle  comédie  fèroit ,  de  placer  un  homme 
dans  une  fituation  qui  fût  exadement  en 
conflit  avec  (on  caradere  dominant  ^  dès- 
lors  il  faut  ou  que  le  caradere  plie  fous  l'ef- 
fort des  circonftances ,  ou  qu-i#par  des  ac- 
tions conformes  au  caradere ,  ks  circonf- 
tances prennent  une  tournure  qui  fc  prête  au 
caradere  ;  en  un  inot,  ou  la  fituation  ou  le 
caradere  doivent  enfin  avoir  le  deffus. 

Il  eft  aifé  de  voir  qu'un  tel  plan  bien  con- 
duit doit  iutérefler  pendant  toute  la  ô-wriQ  de 
Fadion  ,  &  que  les  perfonnages  fiîbr.îrernes 
peuvent  encore  y  répandre  une  grande  va.- 
C  c  c  c 


570  C  O  M 

riété  d'idées.  Le  Tartufe  de  Molière  tient 
un  peu  de  ceplauçinais  fon  Avare  (mt  un 
plan  tout  dilîerent,  auffi  eft-iifort  inférieur 
au  Tartuffe.  Car  d'amener  à  chaque  inftant 
une  nouvelle  fituation ,  qui  ne  réfulte  point 
de  l'aâiion  principale  ,  uniquement  pour  la 
mettre  en  oppofition  avec  le  caradlere  ,  c'eft 
caudre  des  fcenes  détachées  pour  en  former 
une  comédie.  Le  poëte  pèche  toujours  contre 
l'unité  d'aâ:ion,  dès  qu'il  fuppofe  des  événe- 
mens  qui  ne  font  pas  une  fuite  naturelle  de 
la  pofition  des  chofes  dans  l'aéïion  principale , 
quoique  ces  événemens  répondent  exafte- 
mcnt  au  caraftere  de  fes  perifonnages  ;,  car  c'eft 
écarter  le  fpeélateur  de  l'adiion  qui  feule  doit 
l'occ^iper.  Ain»idans  rJ5'z//;z/^//fde  Térence, 
la  première  fcene  du  troifieme  ad:e  a  ce  dé- 
faut ;  elle  eft  très-propre  à  bien  caraâ:ériièr 
Thrafon ,  mais  elle  ne  tient  point  à  l'acSèion. 
Le  but  des  comédies  de  caraélere  peut  être , 
ou  fîmplement  d'amufcrpar  la  bizarrerie  du 
jcaraciere  ,  ou  d'infpirer  du  mépris  &  de  l'a- 
verfion  pour  les  caractères  hailfables ,  ou  de 
jnonîrer  ceux  qui  font  bons  &  nobles  ,  fous 
un  jour  propre  à  \qs  faire  aimer.  Il  eft  donc 
iiifé  de  voir  que  cette  première  efpece  de 
comédie  eft  ilifceptible  d'une  grande  variété. 
L9  féconde  efpece  eft  la  comédie  des  mœurs. 
Elle  a  pour  objet  de  mettre  fous  \&s  yeux  du 
fpeèiateur  un  tableau  frappant  &  vrai  des 
iifagesoudugenre  dévie  particulier,  que  les 
hommes  d'un  certain  état  ou  condition  ont 
généralement  adoptés.  Ce  fera  ,  par  exem- 
ple ,  le  tableau  de  la  cour ,  celui  des  mœurs 
ties  gens  opulens ,  celui  d'une  nation  entière. 
Les  comédies  de  toutes  les  efpeces  repréfen- 
tent  à  la  vérité  des  mœurs  ;,  mais  cette  efpece 
particulière  fait  fon  objet  principal  de  tracer 
les  mœurs  d'un  genre  de  vie  déterminé.  C'eft 
ainli  que  Gay ,  dans  fon  opéra  des  Bcggars , 
ou  des  Gueux ,  qui  a  eu  tant  de  fiiccès  en 
Angleterre ,  donne  le  tableau  des  mœurs  de 
l'état  le  plus  vil  dans  la  fociété ,  celui  des 
mendians.  uLes  fpeètacles  fatyriques  des 
Grecs  étoient  des  comédies  de  ce  genre  :  on 
y  repréfontoit  \&5  mœurs  des  fatyres. 

Cette  efpece  de  cow.édie  admet  une  grande 
variété  de  caraderes ,  &  elle  eft  fiifceptible 
de  beaucoup  d'agrémens.  Les  mœurs  à^s 
diverfes  nations  &.  des  diiïerens  états  de  la 
vie  civile  font  un  à^^  plus  agréables  &  des 
plus  intéreilàns  objets  de  nos  réflexions.  Il  y 


C  O  M 

â  à^^  fnœurs  ridicules ,  il  y  en  a  de  déteftables^ 
mais  il  y  en  a  auln  d'ingénues  &d'aim.ables  : 
il  y  en  a  même  dont  la  defcription  enchante. 
On  peut ,  fans  faire  de  grands  efforts  d'efprit , 
imaginer  une  aétion  propre  à  bien  peindre 
les  mœurs  qu'on  fe  propofë  de  repréfenter. 
Il  n'eft  pas  befoin  de  détailler  ici  l'avantage 
que  de  pareils  tableaux  peuvent  produire  , 
indépendamment  du  plaifîr  qu'ils  donnent. 
Chacun  font ,  pour  ne  citer  que  ce  feul  exem- 
ple ,  de  quelle  utilité  il  feroit  de  repréfenter 
fiir  la  fcene  \^s  mœurs  &  le  fort  de  cette 
clafTe  de  perfbnnes  perdues  ,  que  Hogarth  a 
il  bien  dcilinées  dans  fes  eftampes ,  connues 
fous  le  nom  de  Harlofs-Progreff.  Térence 
avoit  déjà  fonti  cet  avantage,  &  l'a  admi- 
rablement bien  exprimé  dans  les  vers  que 
nous  croyons  devoir  rappeller  ici. 

Id  vero  efi^  quodego  mihi  putopalmarium 
Me  reperiife  ,  quomodo  adolefccntulus 
Meretricum  ingénia  &  mores  pcj/et  notare  : 
Mature  ut  eam  cognorit  ^  perpetuh  oderit 
Quœ  dumforisfunt ,  nihil  videtur  mundius  , 
liée  magis  compofitum  quidquam ,  nec  ma^ 

gis  elegans  , 
Quœ  cum  amatore  fuo    cum  cœnant ,  li- 

guriunt. 
Harum  videre  ingluviem  ^fardes  ,  inopiam , 
Quam    inhonefix  folœ  Jlnt  demi  ,   atque 

avidœ  cibi  ; 
Quo  pacîo  ex  jure  hejierno ,  panera  atrum 

verrent  : 
NofTe  omnia  hase ,  falus  eft  adoîefcentulis. 
Eu  nue  A.  aci.  V ,  je.  4. 

Mais  pour  retirer  cet  important  avantage 
de  la  comédie  ,  il  faudroit  fans  doute  que  le 
poète  &  les  adeurs  excellalFent  égale m.ent 
dans  l'art  de  peindre  ^  dans  cette  fuppoii- 
tion  ,  on  croit  pouvoir  dire  que  de  tous  hs 
ipeâacles  dramatiques  ,  la  comédie  àcs 
mœurs  foroit  la  plus  utile. 

Une  troifieme  efpece  de  comédie  foroit 
celle  qui  s'attacheroit  à  repréfenter  une 
fîtuatioH  particulière  &  intérefTante.  Celle 
d'un  pcre  malheureux  ,  d'un  homme  ré- 
duit à  l'indigence,  ou  aufîi  la  fituation  plus 
particulière  à  laquelle  peut  conduire  telle  ou 
telle  aélion  bonne  ou  mauvaife. 

Il  ne  fomble  pas  difficile  d'inventer  une 
aâion  qui  donne  lieu  au  poète  de  mettre 
daas  tout  fon  jour  la  iituatiou  c^u'ii  aura 


C  G  M 

eTioI/îe.  Des  comédies  daus  ce  goût  forftie- 
roient  un  tableau  vivant  des  bieiis  &  des 
maux  de  la  vie  humaine. 

La  moindre  efpace  de  toutes ,  c'eft  la  co- 
médie d'intrigue  ^  laâion  n'en  eft établie  ni 
iùr  le  caraitere  ,  ni  fur  la  fituatioii  des  psr- 
fonnao^es  ;  elle  n'intérelTe  que  par  la  fingula- 
rité  àzî  événcmen'j  j  &  le  merveilleux  de 
l'intrigue,  &  des  incidens  ,  une  fuite  variée 
d'aventures  extraordinaires  ,  inattendues  , 
fouvent  romanefquc3,quife  fuccedent  coup 
fur  coup  ,  8c  qui  font  croître  l'embarras  , 
font  très-propres  à  foutenir  l'attention  an 
lpeâ:a^èur  jusqu'au  moment  où  •  l'adHon  fe 
termiae  par  un  dénouement  imprévu.  Ce 
genre  eft  le  plus  facile  de  tous  ^  il  exige  jîlus 
d'imagination  que  de  jugement.  Il  ne  faut 
mêïîje  qu'un  degré  d'imagination  aifez  mé- 
diocre ,  pour  trouver  une  foule  d'incidens  , 
qui  en  fe  croifant  réciproquem.ent ,  mettent 
obftacle  à  des  delîeins  prêts  à  s'accomplir , 
donnent  lieu  à  des  intrigues  bizarres,  &c  re- 
tardent ainfil'a^èion  pendant  quelques  aâes. 
Les  comédies  de  cette  efpece  ne  font  néan- 
moins pas  à  rebuter  '^  elles  fervent  à  l'amu- 
fement  Stàladiverlité  ;,  elles  font  d'ailleurs 
propres  à  fournir  de  très-jolies  fcenes  à  tiroir. 

Ce  petit  nombre  de  remarques  peut  fuf- 
fire ,  pour  montrer  quel  vafte  champ  eil  ou- 
vert au  poète  comique  ,  &  quels  font  les 
avantages  &  les  pîailirs  variés  qu'on  peut 
retirer  de  cette  ièule  branche  des  beaux  arts. 

Toutes  ces  remarques  ne  roulent  encore 
que  fur  le  fujet  général  de  la  comédie.  En 
examinant  la  chofe  de  plus  près ,  il  fe  trou- 
vera peut-être  que  le  prix  de  la  comédie  dé- 
pend moins  du  fiijet ,  que  de  la  manière  de 
le  traiter.  De  la  meilleure  pièce  qui  ait  ja- 
mais été  mife  fur  la  fcene ,  on  pourroit  aifé- 
ment  faire  une  pièce  déteftable  fans  rien 
changer  ,  ni  au  fujet ,  ni  même  à  l'ordon- 
nance ,  &  à  la  plupart  des  fituations.  Tout 
comme  un  traduâeur  mal-adroit  feroit  de 
Y  Iliade  une  maulfade  épopée  j  ou  comme  un 
mauvais  peintre  feroit  d'un  des  meilleurs  ta- 
bleaux de  Raphaël ,  une  copie  infupporta- 
ble  aux  yeux  des  connoilTeurs. 

Il  réfulte  delà  que  l'invention ,  le  plan  & 
l'ordonnance  du  fujet  ne  font  encore  que  la 
moindre  partie  de  l'ouvrage  ^  ce  n'eft  que  la 
charpente  d'une  comédie.  Il  lui  faut  fans  doute 
im  corps ,  &  ce  corps  doit  avoir  une  forme 


C  O  M      .  571 

agréable  ,  Se  i}f-B  membres  bien  proportioîi- 
nés.  Mais  il  lui  faut  principalement  de  la  vie, 
une  ame  qui  penfe  ,  &  qui  ait  du  icntiment. 
Or  cette  vie  fe  manifefte  par  le  dialogue  , 
par  la  manière  dont  les  perfonnages  expri- 
ment ce  quifepaife  en  eux,  par  des  impreP 
lions  exadfement  conformes  à  la  nature  des 
circonliances.  Un  ipe£l:ateur  intelligent  fré- 
quente le  fpeôacle,  bien  moins  pour  y  voir 
des  événemens  remarquables  ,  ou  des  fitua- 
tions fingulieret'  qu'il  imagiueroit  lui-même 
en  cent  manières  tout  aufîi  amufantes ,  que 
pour  oblèrver  l'effet  que  ces  événemens  ou 
ces  lîtuations  font  fur  des  hommes  d'un  cer- 
tain génie  ,  ou  d'un  certain  caraé-tere.  Il  fè 
plaît  à  rembarquer  l'attitude  ,  les  geftes  ,  la 
phyfionomie  ,  les  diicours  &  la  contenance 
entière  d'inie  perfonne  dont  l'ame  doit  être 
agitée  par  telle  ou  telle  paillon. 

Delà  naifiènt  les  principales  règles  que  le 
poè'te  comique  doit  fuivre  dans  fon  travail. 
La  première ,  &:  la  plus  importante ,  c'eil  que 
ces  perfonnages  fuivent  exactement  la  nature 
dans  leurs  difcours  &  dans  leurs  actions.  Il 
faut  que  dans  tout  fpeftacle  dramatique  ,  le 
ipeâateur  puilfe  oublier  que  ce  n'ell  qu'une 
produdion  de  l'art  qu'il  a  fous  les  yeux  \  il 
ne  goûte  parfaitement  le  plaifir  du  fpectacie 
qu'autant  qu'il  ne  voit  ni  le  poète  ,  ni  l'ac- 
teur. Aulîi-tôt  qu'il  apperçoit  quelque  chofe 
qui  n'eft  pas  dans  l'ordre  de  la  nature ,  il  fort 
de  fon  agréable  illufion ,  il  fe  retrouve  au 
théâtre  j  le  ijjeâacle  fait  place  à  la  critique  ^ 
toutes  les  imprelTions  fe  diflîpent  à  l'inftant , 
parce  que  le  lped:ateur  fent  que  d'un  monde 
réel  qu'il  penfoit  obferver  ,  il  a  paflé  dans 
un  monde  imaginaire. 

Si  le  fimple  doute  iùr  la  réalité  de  ce  que 
le  Ipeâacle  nous  montre  ,  fiiffit  déjà  pour 
produire  un  fi  mauvais  effet  ,  que  lèra-ce 
lorfqu'on  y  remarquera  des  chofes  qui  font 
manifeftementoppofées  à  la  nature?  Le  fpec- 
tateur  en  fera  indigné ,  &  il  n'aura  pas  tort. 
Voilà  pourquoi  on  n'aime  point  à  voir  àzs 
perfonnages  affe£èer  de  la  gaieté ,  lorsqu'ils 
n'ont  aucun  fujet  de  rire  :  &  qu'on  fe  dépite 
contre  le  poète  qui  veut  emporter  de  force  ce 
que  nous  ne  pouvons  accorder  qu'à  l'adreffe. 
Qu'un  auteur  ait  eu  en  certaines  rencontres 
une  heureufe faillie,  une  penfée  ingénieufe, 
unfentiment  vif  &  délicat ,  cela  eft  très  bien  j 
mais  pourquoi  faut-il  qu'il  mette  ces  belles 
Cccc  2 


57^  ,     C  O  M 

eholcs  dans  h  boi'.ehe  d'un  de  Ces  perfbnna- 
gcs ,  q'.îi  par  fon  caraftere ,  ou  par  fa  fîtuation 
lî^liueile ,  ne  dcvroit  poiîit  les  dire  ?  Qu'y 
a-t-il.  par  exemple^  de  plus  iiifipide  que 
cette  froide  plaifanterie  que  Plaute  met  dans 
4a  bouche  d'un  amant  affligé  de  la  perte  de 
ia  maîtrefle  ? 

Ira  miki  in  pcclore  &  in  corde  facit  amor 

incendium 
Ni  lacrumjc  os  défendant  y^m  ardeat  credo 

cap  ut. 

Chaque  difcours ,  chaque  mot  qui  n'a  pas 
wn  rapport  fenfibîe  &  naturel  aucaraâere  & 
n  la.vîtuation  de  la  perfonne  qui  parle ,  bielFe 
un  auditeur  intelligent. 

Il  ne  TufTit  pas  même  que  les  Y)Qn[éQs  ,  les 
fentimcns  .  les  actions  foicnt  naturelles ,  la 
manière  de  les  exprimer  doit  l'être  encore  ç,  il 
faut  que  l'acceur  ,  fur  la  fccne  -  s'exprime 
précifément  comme  celui  qu'il  rcpréfente  a 
i\i\  s'énonctr.  Un  feul  terme  trop  haut,  trop 
recherché,  ou  qui  aiibrtit  mal  au  caractère 
<ki  perlbnnaje  ,  gâte  toute  une  fcene  ,  il  le. 
t^n  du  dialogue  n'eft  pas  naturel,  la  pièce 
Cîitiere  fera  froide.  C'eft  l'un  des  points  les 
plus  difficiles  de  l'art  dramatique.  Peu  de 
]>erfonnes  même,  dans  les  convcrfations  or- 
dinaires ,  favent  rendre  le  dialogue  intéref- 
£lnt.  La  plupart  manquent  dans  leur  manière 
de  s'énoncer,  ou  de  brié  l'été  ou  de  précilîon  y 
ou  d'énergie  j  leur  difcours  efllanguiffant , 
ou  vague  ,  ou  fans  force.  Le  poète  qui  fènt 
ces  défauts ,  &  qui  voudroit  mieux  faire  , 
tombe  fouvent  dans  l'excès  oppofé  ^  il  donne 
dans  le  fablime ,  le  précieux ,  le  méthodique , 
&  s'écarte  du  vrai.  Horace  a  raffemblé  dans 
les  vers  que  nous  allons  citer ,  tout  ce  qu'on 
peut  pi-cfcrire  d'efîéntiei  fiir  le  ftyle  &  k  ton 
de  la  cotnédit. 

Eft  brevitate  opusy  ut  cur  rat  fente  ntia  neuf 
Impediat  vcrbis  laffas  cnerantibus  aures. 
Etfermone  opus  tfi  modo  trifti ,  fœpe  }ocofo. 
Dcfendente  viccm  modo  rhetoris  y  ctque 
Foi  ta? , 
Interdum  urbaniy  parcentis  viribus  j  aîquc 
E'xtenuantisi-  eas  ccnfulto. 

Sermon.  /.  XX. 

■-  Si  fa  comédie  exige  qiie  tout  y  ibit  naturel , 
elle  ne  demande  pas  moins  que  tout  y  foit 
feiérejûknt*  Maliieur  au  poëte  comiqijc  ^ui 


C   O  M 

fera  bâiller  une  feule  fois  les  fpe£îatcurs.  lî 

n'efl  cependant  pas  pofTible  que  l'action  fbit 
dans  tous  les  momens  de  fa  durée  également 
vi\'e  &  également  digne  d'attention.  Il  y  a 
néceifairement  des  fcenes  peu  importantes  ^ 
des  perfonnages  fubalternes  ,  de  petits  inci- 
dens  qui  n'influeiît  que  foiblement  fiir  l'ac- 
tion principale.  Tous  ces  acceiîbires  néan- 
moins doivent  iutéreffer  chacun  d'eux  à  fa 
manière. 

On  fait  comment  s'y  prennent  les  poètes 
médiocres ,  les  bons  même ,  lorfque  quelque- 
fois ilî s'oublient,  pour  répandre  de  l'intérêt 
fjr  CC3  petits  détails.  Ils  imaginent  quelques 
fcenes  épifcdiqucs  qui  ne  tiennent  point  au 
iujef,  ils  donnent  aux  perfonnages  fiîbalternes 
des  caraîlsres  burlefques ,  pour  amufer  le- 
fïîe£^ateur  par  leurs  faillies  pendant  que  l'ac- 
tion languit.  Delà  la  plupart  de  ces  fcenes 
toujours  au  fond  trcs-infipides  ,  entre  les 
valets  &iles  fuivantes  qui  s'épuifènt  en  plai- 
fanteries.  Delà  les  carafteres  d'arlequin  ,  de 
fcaraîiîouche ,  fi'c.  qu'on  retrouve  dans  tant 
de  comédies  ,  quoique  leurs  habits  n'y  pa- 
roiiient  pas.  Il  ne  fiiflit  pas  peur  excufer  le 
poète  de  dire  que  ces  fcenes  détachées  font 
dans  la  nature  ,  que  les  domefliques  en  ont 
fouvent  de  telles  ,  ta:*dis  que  leurs  maîtres 
s'occupent  des  plus  grands  intérêts  ,  &  que 
ceux-ci  au  inilicu  de  l'aétion  principale  font 
quelquefois  interrompus  par  des  afîâires 
étrangères.  L'auteur  n'efl  pas  plus  nutorifé 
à  faire  entrer  ces  épifodes  dans  fon  plan  y 
on  ne  lui  demande  pas  de  nous  montrer  les, 
vhofès  de  la  manière  commune  dont  elles 
arrivent  tous  les  jours ,  aycc  tout  faccom- 
pagnement  qui  peut  s'y  trouver  ^  mais  on 
exige  de  lui  qu'il  les  repréfcntc  de  la  manière 
qu'elles  ont  pu  fe  paffer,  &  qu'elles  ont  dii-. 
le  faire  pour  produire  furunfpeélateur  intel- 
ligent &  de  bon  goût  le  plailîr  le  plus  vif  Se 
la  fatisfaâicnla  plus  complète. 

Ces  défauts  de  recourir  aux  fcen-es  épifb- 
diques  ,  ou  à  dés  reinj^liluiges  languiffans  », 
pour  cacher  le  vuide  de  l'aétion ,  font  pour 
l'ordinaire  la  fuite  d'un  manf}uc  de  juge- 
ment ou  de  talent  comique  dans  l'auteur  de- 
la  pièce.  Pour  réuffir  dans  ce  genre  ,  il  faut 
plus  qu'en  tout  autre  un  grand  fonds  d'idée» 
&  d'imagination.  SI  en  développant  l'aélioii 
dans  l'ordre  naturel,  il  ne  s'offre  rien  à  l'ef- 
prit  du  pocte  ^ue  te  cjiii  fc  ]^)rérçiit^Qit  a 


C  O  M 

feiprit  de  tout  le  monde  ,  fi  fon  intelligence 
ne  pénètre  pas  plus  avant  dans  l'intérieur  de 
fou  fujet  ^  que  juiqu'où  le  iiinple  bon  fens 
peut  aller  fans  effort  j  (Iles  objets  ne  font  fur 
fon  imagination  &  Rir  fon  cœur  ,  que  des 
impreflions  ordinaires  &  communes ,  il  peut 
en  épargner  le  détail  aux  Ipeôateurs.  Ceux- 
ci  s'attendent  à  voir  fur  la  icene  des  perfon- 
iiages  qui  dans  toutes  les  conjon61:ures  ,  les 
iituations  ,  les  circonitanccs  iè  diftinguent 
du  commun  des  hommes  par  leur  raifon  , 
leur  elprit,  ou  leurs  fëntimens  ,  &qui  par 
ce  moyen  paroiifent  dignes  de  nous  intéref- 
fêr.  De  tels  perfonnages  font  toujours  fûrs 
rie  plaire  ,  on  les  voit ,  on  les  écoute  avec 
fatisfaâiion  ;  &  bien  que  leurs  occupations 
actuelles  n'aient  rien  d'intérefiànt  ,  leur  ma- 
nière de  penfer  &.  de  fentir  répand  ds  l'in- 
térêt fiir  la  fcene  la  moins  importante.  L'intel- 
Vigence,  l'efjjrit,  l'humeur  joviale,  le  carac- 
tère font  des  chofcs  qui  excitent  notre  atten- 
tion ,  même  dans  les  événem.cns  de  la  vie 
les  plus  comm.uns.  Les  moindres  actions  d'un 
homme  fingulier  amulent ,  &  chaque  m.ot 
d'un  homme  diftingué  par  fon  efprit  ou  par 
fcs  lumières  ,  fait  une  imprcïïion  agréable. 
Ainfi  les  fcenes  accelToircs  ,  pourvu  qu'elles 
tiennent  réellement  à  l'ad^ion,  peuvent  très- 
bien  foutenir  l'attention  des  ipeélateurs.  Il 
efî;  même  poffiblede  donner  de  l'importance 
à  des  fcenes  qui  au  fond  ne  font  placées  que 
pour  remplir  le  vuide  de  l'aéticii ,  loriquc' 
celle-ci  eft  arrêtée  par  quelque  caufè  inévi- 
table. On  peut  employer  ces  fcenes  à  faire 
raifonner  im  ou  plusieurs  perfonnages  fur  ce 
qui  a  précédé ,  fiir  la  pofition  actuelle  des 
chofes,  fur  ce  qui  va  fuivre  ,  ou  fur  le  carac- 
tère des  autres  aêleurs.C'eft-là  le  lieu  propre 
à  placer  des  réflexions  lumineufesfur  ce  que 
la  pièce  contient  de  moral  &  d'inftruétif;, 
mais  il  faut  que  le  poète  foit  affez  judicieux 
pour  mettre  âsins  la  bouche  de  fis  perfon- 
nages ,  au  lieu  de  penfées  triviales  &  com- 
munes ,  des  remarques  fines  ,  &  d'une  appli 
cation  bien  jufie  qui ,  répandant  un  nouveau 
jour  fur  les  vérités  morales  &  philofophiqucs, 
&  leur  donnant  un  plus  haut  degré  d'énergie, 
puilfent  les  graver  dans  l'efprit  &  le  cœur 
d'une  manière  forte  8c  ineffaçable.  C'eft 
dans  ces  fcencs-là  que  les  belles  maximes  , 
fes  fentences  mémorables  ,  que  les  bons 
Fges  regardent  winme  l'obiet  ic  plus  iutércf- 


C  O  M  575 

faut  de  la  poéfie  ,  font  véritablement  à  leur 
place.  Il  y  a  en  effet  très-peu  de  ces  vérités 
pratiques  ,  qu'il  importe  tant  à  l'homme 
d'avoir  conftamment  préfentes  à  l'efprit  , 
qu'un  poète  comique  ne  puiffc  développer 
d'une  manière  également  frappante  &  con- 
vaincante ,  dans  des  fcenes  de  l'efpece  dont 
nous  parlons.  Quoique  peu  vives  ,  ces  fcenes 
deviennent  très-intcrefiantcs  pour  des  fpec- 
tateurs  qui  cherchent  quelque  chofè  de  plus 
que  le  fimple  amufemcnt  des  yeux  bc  de 
rim.agination.  Ce  n'efl  que  dans  le  bas  co- 
mique où  l'on  ne  fauroitfupportcrdesfaenes 
vuides  d'aftion. 

La  comédie  eft  beaucoup  plus  propre  que 
la  tragédie  à  donner  des  fcenes  inftruélives. 
Les  événemens  tragiques  font  hors  du  cours 
ordinaire  de  la  nature  ,  au  lieu  qu'il  fe  pré- 
fente  tous  les  jours  des  cas  où  l'heureux  flic- 
cès  dépend  du  bon  ièns  ,  de  la  prudence  , 
de  la  modération  ,  de  la  connoilTance  du 
monde  ,  de  la  droiture  ou  de  quelque  vertu 
particulière  ,  &  où  l'oppofé  de  ces  qualités 
produit  le  défbrdre  oC  l'embarras,  il  n  y  a 
point  d'homme  qui ,  par  fès  liaifons  civiles 
&  morales  ,  ne  puiffe  à  tout  luom.ent  fe 
trouver  dans  des  conjonélures  où  fon  pro- 
cédé envers  les  autres ,  &  fa  façon  de  penfer 
en  général ,  aient  une  influence  fcnfible  fur 
fon  fort.  Si  notre  corps  eft  chaque  jour  cxpofé 
à  divers  accidens  ,  notre  état  moral  ne 
l'eft  pas  moins.  Pouvons-nous  un  fèul  mo- 
ment nous  promettre  de  n'avoir  ni  procès  , 
ni  infultes ,  ni  difjnites ,  de  ne  nous  point 
faire  d'ennemis  ,  ou  de  n'être  pas  la  dupe 
d'autrui  ?  Tantôt  pour  nous  épargner  des 
embarras  &  des  chagrins ,  la  priidenceexiga 
que  nous  fâchions  plier  ,  tantôt  que  nous 
ayons  une  fermeté  convenable,  &: que  nous 
fâchions  même  contre-quarrer  des  pcrfbnnes 
c[ue  nous  n'ofbns  ni  ne  voulons  offenfcr. 
'l'antôt  il  s'agit  de  nous  calmer  nous-mêmes, 
tantôt  de  calmer  les  autres  ^  ici  c'eft  à  nous 
à  fi^Jre  entendre  raifon  à  une  perfbnne  préoc- 
civ^ée  ,  là  c'eft  à  nous  à  écouter  les  avis 
d'autnii  ,  &  à  les  pelé*  avec  impartialité  :,  un 
jour  nous  fommes  appelles  à  pacifier  les  que- 
relles des  autres  j  le  lendemjain  nous  dei  eus. 
nous  îaiffer  réconcilier.  Veniam  dare  fctere- 
que  vicijfim  ,  c'eft  la  plus  fréquente  occupa- 
tion de  la  vie  focialc. 

Q.ui  feront  i'bainine  aiîcz.  dépourvu  de 


57+  C  O  U^ 

r.iilaii  j  on  pDiirroit  dire  rôTcz  brutal ,  pour 
ne  pas  defirer  d'avoir  fous  les  yeux  des  mo- 
dèles e>:a<Els  &  bien  defiinés  ,  qui  lui  indi- 
quent d'une  manière  lumineufe  ce  qu'il  lui 
convient  de  faire  &  d'éviter  eu  mille  rencon- 
tre;; d'où  dépendent  (a  ttanquillitc,  fon hon- 
neur ,  fouvent  tout  le  bonheur  de  fh  vie  ? 
Ce  feroit  vainement  qu'il  voudroit  confulter 
les  traités  de  morale  :  ces  ouvrages ,  quelque 
cxccllens- qu'ils  foient  ,  s'énoncent  d'une 
manière  trop  générale  ^  l'application  de  leurs 
préceptes, au  cas  particulier  qui  fepréfènte, 
xi'cft  ni  fûre  ni  facile.  Il  n'y  a  que  le  théâtre 
comique  qui,  pour  toutes  les  fcenes  delà  vie 
humaine ,  puiffe  fournir  les  vrais  modèles  du 
bon  &  du  mauvais  ç,  d'un  procédé  raifon- 
iiable  &  d'un  procédé  fou  ;,  d'ailleurs  les  cas 
y  font  déterminés  par  descirconftances  fi  pré- 
cifes  ,  que  le  fpcâateur  n'y  apprend  pas 
ilmplement  ce  qu'il  doit  faire  ;,  mai3  encore 
comment  il  doit  le  faire:Ja  comédie  ne  fe  borne 
pas  à  un  jugement  fpéculatif ,  elle  joint  le 
jugement  pratique,  qui  efl  le  feui  utile  dans 
la  vie. 

Perfonne  ne  doutera  que  ces  importans 
objets  dont  nous  venons  de  parler ,  ne  foient 
les  véritables  fojeîs  dont  la  comédie  devroit 
s'occuper.  C'eft  à  l'intelligence  &  au  génie 
du  poè'te  comique  à  les  traiter  de  manière 
qu'ils  deviennent  très-inftruélifs ,  &  parcon- 
féquent  très-intéreffans  pour  tout  homme 
qui  aime  à  réfléchir  j  mais  coin  me  d'après 
cette  notionh.  comédie  ne  feroit  que  ia  phiio- 
fophie  pratique  mifc  en  aftion  ,  il  eiï  clair 
que  pour  y  travailler  avec  fuccès  ,  les  talens 
du  poète  doivent  être  accompagnés  des  con- 
uollfances  du  vrai  philofophe  moral  ^  c'efl  ici 
qu'on  peut  dire  avec  Horace  ; 

....  Ne>/i/e  enim  concludere  verfum 
Dixeris  ejje  fatis 

Le  génie  poétique  dénué  d'autres  fecours , 
feroit  d'une  foible  reflburce  ,  fi  l'auteur  ne 
fait  pas  embrafier  d'un  coup  d'œil  l'enfem- 
ble  de  la  vie  civile  ,  s'il  n'a  pas  afîéz  appro- 
fondi la  nature  humaiue  ,  s'il  ne  connoît  pas 
tous  les  replis  du  cœur  de  l'homme,  s'il  n'a 
pas  le  don  d'apprécier  la  fageffe  ,  la  vertu , 
l'honnêteté,  fous  quelque  forme  qu'elles pa- 
roiflent  \  &  s'il  n'a  pas  encore  démêlé  les 
fources  morales  &  psychologiques  d'où  dé- 
coulent les  travers ,  les  folies  &  les  fottifes 


;  C  O  M 

des  hoîriir.es ,  ii  ni;  lera  jamais  un  eîrceîîent 
poëte  comique. 

Faut-il  s'étomier  après  cela  que  ce  X^Q.\\t 
foit  fi  rare  ?  Il  n'y  a  qusi  les  meilleures  xkxzs 
de  la  nation  qui  puiiîènt  exceller  dans  ce 
genre.  Nous  ne  parlons  pas  ici  du  génie  5 
car  le  génie  feul,  fans  une  grande  expé- 
rience du  monde  ,  ne  fauroit  donner  tout  ce 
que  !c  théâtre  comique  exige  ,  il  demande 
des  connoilîances  qu'on  n'acquiert  point 
dmis  la  retraite  d'un  cabinet.  Pour  \^%  acqué- 
rir ,  il  faut  avoir  vu  \qs  hommes  fous  leurs 
diverfes  relations  mutuelles  ,  avoir  cblèrvé 
leurs  aélions  &  leurs  mouvemens  en  mille 
rencontres  ,  &  avoir  été  foi-même  aéleur 
avec  eux.  Sans  cette  connoiifance  pratique, 
on  auroiî  étudié  toute  la  vie  les  règles  du 
théâtre  ,  qu'on  nepourroitpas  compolërune 
iccne  vraiment  bpnne.  Les  règles  ne  font 
utiles  qu'à  celui  qui  a  fa  provjlion  de  maté- 
riaux ,  Se  qui  n'eft  plus  occupé  qu!à  leur 
donner  une  forme  régulière. 

Après  ce  que  nous  avons  dit  jufqu'ici  fur 
la  nature  de  la  comédie ,  il  feroit  très-fuperflu 
de  traiter  au  long  de  fbn  utilité.  Il  eft  évident 
qu'elle  ne  le  cède  en  importance  à  aucun 
autre  genre  de  poéfie.  Si  la  comédie  n'efi:  en- 
core nullepart  tout  ce  qu'elle  devroit  être , 
on  ne  peut  l'attribuer  qu'à  la  négligence  de 
ceux  qui  ont  en  leur  main  le  fort  des  beaux 
arts ,  &  qui  nefentent  pas  alfez  l'importance 
de  celte  heureufe  invention  pour  égayer  & 
infiruire  leshonunes.  On  envifage  le  théâtre 
comme  un  aiilufcment  :  c'en  eft  un ,  la  chofo 
cft  hors  de  doute  ;,  mais  puifque  fans  rien 
diminuer  de  l'amuîénient  qu'il  procure  ,  il 
pourroit  iwq'xx  une  puiflante  influence  for  les 
m.œurs  ,  qu'il  ferviroit  à  étendre  l'empire  de 
la  raifon  ,  &  les  fentimicns  de  l'honnêteté , 
à  réprimer  les  folies ,  &  à  corriger  \t%  vices 
des  hommes  \  ne  pas  en  tirer  un  parti  fi  utile, 
c'eft  imiter  cet  empereur  romain ,  qui  menoit 
à  grands  frais  une  belle  armée  dans  les  Gau- 
les ,  pour  ne  l'occuper  qu'à  ramaifer  des  co- 
quillages. 

Quant  à  l'origine  de  la  comédie  ,  on  n'a 
pas  de  relations  bien  fûres  du  lieu  &  du  temps 
de  cette  invention.  Les  Athéniens  fe  l'attri- 
buoient  \  mais  Ariftote  a  déjà  obfervé  qu'on 
n'avoit  pas  di.Q%  mémoires  auflî  certains  for 
l'origine  de  la  comédie  ,  qu'on  en  avoit  à 
l'égard  de  la  tragédie.Il  nous  apprend  qu'Epi- 


CO  M 

charme  &  Phormys  ,  tous  deux  Siciliens  , 
avoient  été  les  premiers  à  introduire  dans 
la  comédie  une  aftion  fuivie  &  déterminée. 
C  eft  à  leur  imitation  que  Cratès ,  athénien  , 
qui  n'a  précédé  Ariftophane  que  de  quel- 
ques années ,  corapofà  des  pièces  comiques 
d'une  forme  régulière.  Jufqu'alors  ce  n'avoit 
été  apparemment  qu'un  fimpie  divertifTe- 
ment  de  fêtes  bacchanales  ,  comme  prefqiie 
tous  les  peuples  libres  en  ont  eu  dans  tous 
\es  temps.  Il  eft  vraifèmblable  que  ces  diver- 
tiffemens  dans  lefquels  on  fe  permettoit , 
comme  on  le  fait  encore  aujourd'hui  en 
divers  lieux ,  d'attaquer  par  des  brocards  & 
des  injures  tous  les  pafl'ans ,  ont  donné  la 
première  idée  de  la  comédie.  C'eft  au  moins 
la  plus  ancienne  forme  fous  laquelle  elle  pa- 
rut à  Athènes  \  Ariftophane  reproche  aux 
poètes  comiques  qui  l'avoient  précédé  ,  & 
même  à  fes  contemporains  de  faire  conliiter 
leurs  comédies' en  pures  bouffonneries  ,  &  en 
farces  propres  à  faire  rire  les  enfans.  Il  fe 
peut  encore  que  la  comédie  tire  fa  première 
origine  des  îètes  que  le  peuple  faifoit  apr^s 
la  récolte  de  la  moilîbn  ^  &  des  fatires  per- 
fonnelles  qu'on,  y  toléroit ,  pour  lailîèr  un 
cours  libre  à  la  gaieté  grofliere  des  moif- 
fonneurs  qui  fouvent  n'épargnoient  par  leurs 
propres  rxiaîtres. 

La  comédie  proprement  dite  eut  £ucce^\- 
vement  trois  formes  différentes  à  Athènes. 
L'ajicienne  comédie  s'y  introduifît  vers  la 
quatre-vingt-deuxième  olympiade.  Horace 
ne  nous  nomime  que  trois  poètes  qui  fe  ibient 
diflingués  dans  ce  genre  :  Eupolis,Cratinus , 
8c  Ariftophane.  Il  ne  nous  refte  que  des 
pièces  de  ce  dernier  ,  &  en  petit  nombre  f, 
mais  elles  fufBfent  pour  donner  une  idée  de 
ce  premier  genre.  L'adion  y  roule  fur  des 
événemens  réels  ,  arrivés  dans  le  temps 
même ,  les  peribnnages  y  font  défîgnés  par 
leur  véritable  nom ,  &  les  mafques  imitoient 
iîiême  leurs  traits  ,  aufîî  exaâ:ement  que  la 
chofe  pouvoit  fe  faire.  On  y  jouoit  des  per- 
fonnes  ad:uellement  vivantes ,  &  qui  fou- 
vent  étoient  préfentes  au  fpcs^cle.  La  pièce 
entière  n'étoit  qu'une  latire  continuelle. 
Quiconque  avoit  fait  une  fottife  mémorable , 
ibit  dans  le  maniment  de  la  chofè  publique  , 
foit  dans  les  affaires  particulières  ,  ou  qui 
avoit  le  malheur  de  déplaire  au  poète ,  étoit 
bafoué  eu  plein  diéatr^ ,  Se  expofé  à  la  rifée 


C  O  M  J7J 

"de  la  populace.  Le  gouvernement ,  les  ins- 
titutions politiques ,  la  religion  mêmie  n'e- 
toient  point  épargnés.  Horace  nous  a  traCé 
le  caradere  de  l'ancienne  comédie  dans  les 
vers  fuivans  : 

Eupolis  atque  Cratinus^AriJîophanefquepoétce 
Atque  alii  quorum  comœdiaprifca  virorum  efl , 
Si  quis  trat  dignus  defcribi^quod  malus  autfur^ 
Quod  mœchus  foret ,  autficarius  aut  alioqui 
Famcfus  ,  multa  cum  libertate  notabant. 
Serm.  1.  VI. 

Ainfi  le  fond  de  cette  comédie  rouloit  flir 
des  railleries  mordantes  du  caraâere  &  de 
la  conduite  des  Athéniens  ,  ou  ne  s'y  atta- 
choit  à  aucune  forme  régulière  dans  l'ordon-  ' 
nance  du  fujet.  Souvent  celui-ci  étoit  allé- 
gorique :  on  y  intrcduifbit  en  fonr.e  de  per- 
fonnages  des  nuées,  des  grenouilles  ,  des 
oiièaux,  des  guêpes  ,  &c. 

On  a  de  la  peine  à  concevoir  aujourd'hui 
qu'une  licence  fi  effrénée  ait  jamais  pu  être 
tolérée  ^  mal  en  prendroit  dans  notre  fiecle 
au  poète  dramatique  qui  auroit  l'iniblence 
de  traduire  fiir  la  fcene  le  moindre  des  ci- 
toyens. Il  eft  fur-tout  difSciie  de  compren- 
dre qu'Ariftophanc  ait  ofé  impunément  in- 
(ulxei  la  nation  entière  par  les  railleries  les 
plus  ameres ,  &  ofTenlèr  par  coniéquent  tous 
les  fpeâateurs.  On  a  cru  que  cette  impunité 
étoit  due  au  penchant  décidé  des  Athéniens 
pour  les  railleries  ingénieufes ,  penchant  qui 
les  portoit  à  tout  pardonner  pourvu  qu'on 
•les  lit  rire.  Le  père  Brumoi  a  penfé  que  c'é- 
toit  par  politique  qu'on  accordoit  cette  li- 
cence aux  poètes  ,  &  que  les  principaux 
chefs  de  la  république  aimoient  bien  que  le 
peuple  plaifantât  fur  leur  adminiflration  , 
pour  l'empêcher  de  l'examiner  trop  férieufe- 
ment»  Mais  ces  explications  ne  fèmiblent  pas 
affez  fàtisfaifantes ,  &  elles  font  en  partie 
faulTes  ^  car  fi  le  peuple  d'Athènes  avoit  ap- 
prouvé les  fatires  perfonnelles  ,  il  ne  les 
auroit  pas  réprimées  par  un  édit  public  ^  &: 
l'on  voit  à  quel  point  il  étoit  lènfible  à  la  li- 
cence des  poètes  qui  attaquoient  le  gouver- 
nement ,  puifqu'il  fit  condamner  à  mort  ■ 
Anaximandride  pour  un  feul  vers  fatirique  , 
moins  offenfant  que  ce  qu'Ariftophanc  avoit 
dit  en  mille  endroits  de  £es  comédies  impu- 
nément. Anaximandride  n'avoit  fait  que 
parodier  ce  vers  d'Euripide  ; 


c.(;  c  o  M 

Tout&n  cHme  étoit  d'avoir  fubftitiic  dans 
et  vers  'Ts'oKii  à  ma-ts ,  le  g-ou\'ernement  po- 
litique à  la  nature  ,  ck:  d'avoir  dit  par-là  : 
Le  magijîrat  ta  voulu ,  il  ne  fe  fouc'u  point 
des  loix. 

Si  Ariftophane  a  eu  plus  de  li}3erté ,  c'eft 
que  de  fou  temps  la  comédie  jouiiîbit  encore 
du  droit  attaché  à  fa  première  forme.  Cette 
licence  faifoit  alors  partie  de  la  fête  pour  la- 
quelle la  comédie  étoit  compofée  ^  hors  de 
.C3  tetr.ps-Ià  ,  &  loin  du  théaTe  ,  Ariilo- 
pliane  n'eût  pas  ofc  faire  le  plaifant  :  c'eli 
parce  qu'il  étoit  autorifé  ou  par  la  loi ,  ou 
du  moins  par  un  anci2n  ufagc  ,  qu'il  fallut 
dans  la  fiiite  un  édit  exprès  pour  prohiber  de 
pareille?  licences  fur  la  fccne. 

L'édit  dont  nous  venons  de  parler  intro- 
(luifit  à  Athènes  la  comédie  moyenne.  Le 
goiiverncm.ent  devenu  ariltocratique  défendit 
de  traduire  fur  la  fcene  des  perfonnes  aéhiel- 
Icment  vivantes.  Ainfî  on  donnoit  des  cvé- 
Ecmens  vrais  fous  des  noms  déguifés  ou  iiip- 
pofés ,  à  cela  près  cette  comédie  n'étoit  pas 
moins  mordante  que  l'ancienne  -,  on  y  reprc- 
fentoit  les  adfions  3c  les  perfonnes  avec  tant 
de  vérité  ,  qu'on  ne  pcuvoit  guère  s'y  trom- 
per. Ariilrophane  ck  a  autres  qui  continuèrent 
à  compofer  après  la  publicarion  de  l'cdit , 
furent  l'éhider  par  cette  rufe  ,  &  n'en  furent 
pas  moins  licencieux  3  il  fallut  un  fécond  cdit 
pour  réformer  ce  nouvel  abus. 

La  comédie  prit  alors  ia  troiflcmc  formé 
chez  les  Grecs  :  c'efc  celle  qu'on  nomma  la 
nouvîlh  comédie.  Elle  n'ofa  plus  prendre  fon 
fujet  dans  un  événement  véritable  &  récent. 
L'aétion  Se  les  perfbnnages  dévoient  être 
d'invention  ,  comme  ils  le  font  aujourd'hui  \ 
&c  parce  que  la  fiftion  a  beaucoup  moins 
d'attraits  que  la  réalité ,  les  poètes  durent  fup- 
pléer  au  défaut  d'intérêt ,  par  des  intrigues 
ingénieuiês  ,  &  une  exécution  plus  travail- 
lée 5  ce  n'eft  qu'alors  que  la  comédie  devint 
véritablement  un  ouvrage  de  l'art ,  cftreint 
à  un  plan  ,  &  à  des  règles  fixes.  Ménandre  , 
parmi  les  Grecs  ,  fut  celui  qui  acquit  la  plus 
grande  gloire  dans  ce  nouveau  genre ,  &qui , 
à  ce  qu'on  a  lieu  de  croire  ,  donna  en  effet 
d'excellentes  pièces  au  théâtre  :  les  fragmens 
qui  nous  en  reftent  augmentent  nos  regrets, 
ôc  inlpirent  la  plus  haute  idée  pour  l'auteur. 


Il  paroît  qvc  dans  la  Crccc  prcprô ,  Atî:c«  ' 
res  feule  a  eu  ia  véïiv<ihlc  comédie  ;  on  igîicre 
julqu'à  quel  temps  elle  s'y  toutinr.  Elle  ne 
s'intrcduifit  à  Rome  que  long-temps  après  , 
dans  la  cent  trente-cinquième  olyn-'piade  , 
l'nn  de  Rome  5 14  ;  on  l'y  fit  aufii  fcrvir  aux 
icîcs  facrées ,  Se  on  l'employa  ,  au  rapport 
de  Tite-Live,  comme  un  moyen  propre  à 
appaiferla  colère  des  dieux.  Ludi  Jcenici  in^ 
ter  alia  cœlejlis  irœ  placamina  injlituti  dicun- 
tur.  Les  Romains  l'avoieut  reçue  des  Etruf- 
ques  :  Primi  fcenici  ex  Hetruria  acciti  ;  mais 
on  ne  fait  ni  d'cù  ,  ni  à  quelle  cccafion  l.i 
comédie  avoit  padé  en  Etriirie.  Les  premiers 
poètes  comiques  chez  les  Romains  furtnt 
Livius  Andronicus ,  Naccnis  &  enfjite  En- 
niiis ,  ils  ctoient  à  la  fois  auteurs  &  afteurs  : 
la  forme  de  leurs  comédies  n'efi:  pas  connue. 
Au  jugement  de  Cicéron  ,  ks  pièces  de  Li- 
vins  ne  foutenoient  pas  une  féconde  lechire  : 
Livianœ  fahulcc  non  fctis  dignœ  quœ  iterum 
legantur.  A  Ennius  fuccéderent  Plante  & 
Ceecilius ,  qui ,  de  m.êmie  que  Térence  après 
eux ,  prirent  leurs  comédies  du  théâtre  des 
Grecs  :  ces  pièces  n'étoient  pour  la  plupart 
qu'une  traduéticn  libre  des  comédies  greques 
de  la  nouvelle  ferme.  Sous  le  regn^  d'Au- 
gufte,  lepcëte  Afranius  devint  célèbre  pour 
fes  comédies ,  mais  il  n'en  elt  parveiui  aucune 
jufqua  nous  :  il  difîeroit  de  Térence,  en  ce 
qu'il  avoit  choifi  des  perfonnages  romains. 

La  comédie  romiaine  étoit  diftinguée  en 
diverfès  elpeces ,  d'après  la  condition  &  l'ha- 
billement des  perfonnages.  Quand  ceux-ci 
remplifibient  les  premiers  emplois  de  l'état, 
la  comédie  étoit  nomm.ée  prœtcxtata  ou  tra- 
beata  ;  étoit-ce  des  particuliers  d'unrangdif- 
tinguc  ,  elle  fe  nom.m.oit  togata  ;  enfin  on 
l'appelloit  tabernaria ,  quand  les  perfonnages 
étoientpris  d'entre  le  comirun  du  peuple  ; 
celle-ci  le  fjbdivifoit  encore  en  deux  espè- 
ces ,  ïatîcllana  &  la  palliata  :  cette  dernière 
diipallium  ou  du'mianteau  à  la  greque  ,  & 
l'autre  de  ia  ville  d'Attella  en  Italie. 

On  n'a  rien  de  bien  certain  fur  l'origine  de 
la  comédie  m>odernc  •  il  eft  probable  que  du- 
rant les  fieclcs  du  moyen  âge  il  fs  conferva 
toujours  en  Italie  quelque  relie  de  la  comédie 
romaine  ,  qui  fe  rapprocha  petit  à  petit  de 
l'ancienne  fonre,lorfque  le  goût  commença 
à  renaître.  Il  n'eft  pas  impofTible  néanmoins 
que  la  comédie  ait  pri »  naiifance  chez  quelques 

nationi 


cou 

ques  nations  modernes ,  de  la  même  manière 
qu'autrefois  chez  les  Grecs  ,  fans  aucune  imi- 
tation ^  quoi  qu'il  en  foit ,  ce  n'eft  pas  la 
peine  de  faire  de  longues  recherches  fur  l'o- 
rigine &  les  progrès  de  la  comédie  moderne 
avant  le  feizieme  iîecle  ,  puifqu'on  fait  que 
ce  fiecle-làn'avoit  que  de  mifcrables  farces  , 
fans  goût  ni  régularité.  Il  faut  cependant  ob- 
ferverque  déjà  fous  le  pontificat  de  Léon  X  , 
le  célèbre  Machiavel  compofa  quelques  co- 
médies où  l'on  retrouve  des  vertiges  de  l'ef- 
prit  de  Tcrence.  Une  pièce  françoife  de  plus 
ancienne  date  encore  ,  dans  le  genre  du  bas- 
comique  ,  c'eft  Yavocat  Patelin .  qu'ondonne 
encore  aujourd'hui  au  théâtre  françois.  Ce 
n'eft  qu'au  fiecle  palfé  que  la  cemédie  reprit 
une  forme  fupportable  ^  ce  ne  fut  d'abord 
que  par  des  tours  d'intrigues  ,  des  incidens 
bizarres,  des  traveftiiremcns,  des  reconnoif 
fances ,  &  des  aventures  noéiurnes  qu'elle 
plut  :  les  poètes  e^agnols  brillèrent  fur-tout 
dans  ce  genres,  mais  vers  le  milieu  du  dernier 
fiecle  la  comédie  parut  fous  une  meilleure 
forme ,  &  avec  la  dignité  qui  lui  convient. 
Molière  en  France  mit  des  pièces  fur  la 
fcene,  qui  s'y  foutiendront  aufîi  -loijfc- temps 
que  le  fpeâracle  comique  fubfifterWF  Notre 
liecle  a  produit  les  comédies  du  genre  férieux, 
touchant ,  &  qui  donne  dans  le  tragique  \ 
mais  il  femble  que  même  dans  ce  haut  co- 
mique ,  on  n'eft  pas  encore  revenu  du  pré- 
jugé qui  regarde  la  comédie  comme  un  {pec- 
tacle  burlefque ,  puifque  dans  les  pièces  les 
plus  férieufes  on  retrouve  des  valets  bouffons , 
&  des  fuivantes  qui  les  agacent.  C  Cet  article 
eji  tiré  de  la  théorie  générale  des  beaux-arts 
de  M.  SvLZEJi.  ) 

Comédie  sainte  ,  {Hift-  mod.  Théat.) 
Les  comédies  faintes  étoient  des  cfpeces  de 
farces  fur  des  fujets  de  piété ,  qu'on  re- 
préfentoit  publiquement  dans  le  quinzième 
&  le  feizieme  fiecle.  Tous  les  hiftoriens  en 
parlent. 

C//f{  nos  dévots  a'ieux  le  théâtre  abhorré 
Fut  long- temps  dans  la  F  ronce  unplaifir 

ignoré. 
De  pèlerins  ,  dit-on  ,  une  troupe  grojfierc 
En  public  a  Paris  y  monta  la  première  , 
Et  fottement  "{élée  tn  fa  [implicite 
Joua  les  Saints  ,  la  Vierge  ,  &  Dieu  par 

piété.  Art  poétiq. 

Tome  FUI, 


CO  M  577 

La  fin  du  règne  de  Charles  V  ,  ayant  vu 
naître  le  chant  royal ,  genre  de  poéfie  de 
même  conftruôion  que  la  ballade  ,  &  qui 
iè'  faifoit  en  l'honneur  de  Dieu  ou  de  la 
Vierge  ,  il  fe  forma  des  fociétés  ,  qui ,  fous 
Charles  VI ,  en  compoferent  des  pièces  dif- 
tribuées  en  aftes,  en  fcenes ,  &  en  autant  de 
différens  perfonnages  qu'il  étoit  nécelTaire 
pour  la  repréfentation.  Le  premier  effai  fe 
fit  au  bourg  Saint-Maur  ,  ils  prh-ent  powr 
fujct  la  paflion  de  notre-Seigneur.  Le  prévôt 
de  Paris  en  fut  averti.,  &  leur  défendit  de 
continuer  :  mais  ils  fe  pourvurent  à  la  cour  ^ 
&  pour  fè  la  rendre  plus  favorable ,  ils  érigè- 
rent leur  fociété  en  confrérie  ,  fous  le  titre 
des  confrères  de  la  pajfion  de  notre-Seigneur. 
Le  roi  Charles  VI  voulut  voir  quelques- 
unes  de  leurs  pièces  :  elles  lui  plurent ,  &  ils 
obtinrent  des  lettres  patentes  du  4  décembre 
1402  ,  pour  leur  établilTement  à  Paris.  M. 
de  la  Mare  les  rapporte  dans  fon  tr.  de pol. 
l.  III.  tom.  III  ^  ch.  iv.  Charles  \l  lelir  ac- 
corda par  ces  lettres  patentes  ,  la  liberté  de 
continuer  publiquement  les  repréfentstions 
de  leurs  comédies pieufes^  en  y  appellant  quel- 
ques-uns de  fès  officiers  ^  il  leur  perm.it 
même  d'aller  &  de  venir  par  la  ville  habillés 
fuivant  le  fujet  &  la  qualité  des  myfteres 
qu'ils  dévoient  repréfènter. 

Après  cette  permifiion  ,  la  fociété  de  la 
pafi^ion  fonda  dans  la  chapelle  de  la  Sainte 
Trinité  le  fèrvice  de  la  confrérie,  La  maifon 
dont  dépendoit  cette  chapelle  avoit  été  bâtie 
hors  la  porte  de  Paris  du  côté  de  Saint-De- 
nis ,  par  deux  gentilshommes  allemands  , 
frères  utérins  ,  pour  recevoir  les  pékrins  & 
les  pauvres  voyageurs  qui  arrivoient  trop 
tard  pour  entrer  dans  la  ville  ,  dont  les  por- 
tes fe  fermoient  alors.  Dans  cette  maifon  il 
y  avoit  une  grande  falle  que  les  confrères  de 
la.  pafîîon  louèrent  :  ils  y  conftxuifirent  un 
théâtre  &  y  repréfènterent  leurs  jeux  ,  qu'ils 
nommèrent  d'abord  moralités  ,  &  enfuite 
myjleres  ,  comme  le  myftere  de  la  paflion  , 
le  myftere  des  adles  des  apôtres ,  le  myftere 
de  l'apocalypfè  ,  Çic.  Ces  fortes  de  comédies 
prirent  tant  de  faveur ,  que  bientôt  elles  fu- 
rent jouées  en  plufieurs  endroits  du  royaume 
fur  des  théâtres  publics  \  &  la  Fétc-Dieu 
d'Aix  en  Provence  en  eft  encore  de  nos  jours 
un  refte  ridicule. 

Alain  Chartier ,  dans  îon  hijîoire  de  Charles. 
Dddd 


J78  C  O  M 

/-"// ,  parlant  de  l'entrée  de  ce  roi  à  Paris  en 
l'année  1437,  pag.  109,  dit  que ,  «  tout 
au  lon,^  de  la  grande  rue  Saint-Denis  ,  au- 
près d'un  jeâ:  de  pierre  l'wn  de  l'autre  , 
étoient  des  échafîaulds  bien  &  richement 
tendus ,  où  eftoient  fait  par  perfonnages 
l'annonciation  Notre  -  Dame  ,  la  nativité 
Notre-Seigneur  ,  fa  pafilon  ,  fa  réfurrec- 
tion.  la  pentecofte ,  &  le  jugement  qui  féoit 
très-bien  :'car  il  fè  jouoit  devant  le  chaftelet 
où  eft  la  juftice  du  roi.  Et  emmy  la  ville  , 
y  avoit  pluficurs  autres  jeux  de  divers  myf- 
teres  ,  qui  (broient  très-longs  à  racompter. 
Et  là  venoient  gens  de  toutes  parts  criant 
Noei ,  &  les  autres  pleuroient  de  joie.  » 

En  l'ann-ée  i486 ,  le  chapitre  de  l'églife 
de  Lyon  ordonna  fbixante  livres  à  ceux  qui 
avoient  jouélemyfterede  la  pafllon  de  Jefus- 
Chrift,  /iv.  XXFIII  j  des  actes  capitulaires , 
fol.  153.  De  Rubis  ,  dans  fon  hiftoire  de  la 
même  ville ,  liv.  lll.,  chap.  liij ,  fait  mention 
d'un  théâtre  public  drelië  à  Lyon  en  1 540. 
«  Et  là  5  dit-il ,  par  l'efpace  de  trois  ou 
quatre  ans  ,  les  jours  de  dimanches  &  les 
fctes  après  le  difiier ,  furent  repréfentée?  la 
plupart  des  hiftoires  du  vieil  &  nouveau 
tcftament  ,  avec  la  farce  au  bout ,  pour  re- 
créer les  afllftans.  »  Le  peuple  nommoit  ce 
théâtre  le  paradis. 

François  I ,  qui  prenoit  grand  pîaifir  à  la 
représentation  de  ces  fortes  de  comédies 
faintes ,  confirma  les  privilèges  des  confrères 
de  la  paiïion  par  lettres  patentes  du  mots  de 
janvier  1518.  Voici  le  titre  de  deux  de  ces 
pièces ,  par  où  le  leâieur  pourra  s'en  former 
quelque  idée.  S'enfuit  hmyjiere  de  lapaffion 
de  Notre-  Seigneur  Jefus-Chriji ,  nouvellement 
reveu  &  corrige'  outre  les  précédentes  im- 
preffîons ,  avec  les  additions  faites  par  très- 
éloquent  &Jcientifique  maifire  Jean  Michel  \ 
lequel  myjiere  fut  joué  à  Angiers  moult  trium- 
phamment ,  6»  dernièrement  à  Paris  j  avec  le 
nombre  des  perfonnages  qui  font  a  la  fin  dudit 
livre  ^   &  font  en  nombre  cxlj.   1541  j  in-^. 

L'autre  pièce  contient  le  myftere  des 
aôes  des  apôtres  :  il  fut  imprimé  à  Paris  en 
15A0 ,  in-é^.  &  on  marqua  dans  le  titre 
qu'il  étoit  joué  a  Bourges.  L'année  fiiivante 
il  fut  réimprimé  in- fol.  à  Paris ,  où  il  iè  jouoit. 
Cette  comédie  eft  divifée  en  deux  parties  \  la 
première  cil  intitulée  :  Le  premier  volume  des 
€atkoliqMes  œuvres  &  acies  des  apôtres^  rédige^ 


CO  M 

en  efcrip  par  faint  Luc  évangélifle  ^  6»  hyfl»- 
rio graphe^  député  par  le  faint-Efprit ^  icellui 
faint  Luc  efcripvant  a  Théophile^  avec  pluficurs 
hipoires  en  icellui  inférées  des  geftes  des  Ce  fars. 
Le  tout  veu  &  corrigé  bien  &du€went  félon  la 
vraie  vérité  ,  &  joué  par  perfonnages  à  Paris 
en  thofîel  de  Flandres ,  fan  mil  cinq  cents 
XLI  ,  avec  privilège  du  roi.  On  les  vend  à  la 
grand-falle  du  palais  par  Arnould  &  Charles 
les  Angeliers  .  frères  ,  tenons  leurs  boutiques 
au  premier  &  deuxième  pilier  ,  devant  la  cha- 
pelle des  mejfeigneurs  lespréfdens  ;  in-fol.  La 
féconde  partie  a  pour  titre  :  Le  fécond  volume 
du  magnifique  myjiere  des  aâes  des  apôtres  , 
continuant  la  narration  de  leurs  faits  &  gefes 
félon  tEfcripiure  faincle ,  avecques  pluficurs 
hi foires  en  icellui  inférées  desgefies  des  Ce  far  s, 
Veu  &  corrigé  bien&  duementfelonla  vraie  vé- 
rité^ &  ainfique  le  myflere  efijouéa  Paris  cette 
préfente  année  mil  cinq  cents  quarante-ung. 

Cet  ouvrage  fut  commencé  vers  le  milieu 
du  xv^  fiecle  par  Arnoul  Greban,  chanoine 
du  Mans ,  &  continué  par  Simon  Greban 
fon  frère  ,  fecrétaire  de  Charles  d'Anjou 
comte  du  Maine  ;  il  fiit  enfiiite  revu ,  cor- 
rigé ,  âc  imprimé  par  les  foins  de  Pierre 
Cuevr^ou  Curet ,  chanoine  du  Mans ,  qui 
vivoit  au  commencement  du  xvj^  fiecle.  V, 
la  bibliothèque  de  la  Croix  du  Maine  ,  pag, 
24,   391  6' 456. 

Quelques  particuliers  entreprirent  de  faire 
jouer  de  cette  manière  en  1542  ,  à  Paris  ^ 
le  myftere  de  l'ancien  teftament ,  &  Fran- 
çois I  avoit  approuvé  leur  deffein  ^  mais  le 
parlement  s'y  oppofa  par  afte  du  9  décem- 
bre 1541 ,  &  ce  morceau  des  regiftres  du 
parlement  eft  très-curieux  y  au  jugement  de 
M.  du  Montcil. 

La  repréfentation  de  ces  pièces  férieufès 
dura  près  d'un  fiecls  &  demi  ^  mais  infenfî- 
blement  les  joueurs  y  mêlèrent  quelques  far- 
ces tirées  de  fujcts  burlefques ,  quiamufoient 
beaucoup  le  peuple  ,  &  qu'on  nomina  lei 
jeux  des  poils  piles  ,  apparemment  par  allu- 
fion  à  quelque  fcene  d'une  des  pièces. 

Ce  mélange  de  religion  &  de  bouftbn- 
nerie  déplut  aux  gens  fages.  En  1 545  la  mai- 
fon  de  la  Trinité  fut  de  nouveau  convertie 
en  hôpital ,  fuivant  fa  fondation  :  ce  qui  fut 
ordonné  par  un  arrêt  du  parlement.  Alors 
les  confrères  de  la  paflîon,  obligés  de  quitter 
■  leur  falle ,  choifîrent  un  autre  lieu  pour  leitf 


C  O  M 

théâtre  ^  &  comme  ils  avoient  fait  des  gains 
conficlérablcs  ,  ils  achetèrent  en  1548  la 
place  &  les  mafiires  de  l'hôtel  de  Bourgogne , 
où  ils  bâtirent  un  nouveau  théâtre.  Le  parle- 
ment leur  permit  de  s'y  établir  par  arrêt  du 
19  novembre  1548  ,  à  condition  de  n'y 
jouer  que  des  fujets  profanes,  licites,  & 
honnêtes  ,  &  leur  fit  de  très-expreffes  défen- 
fes  d'y  repréfenter  aucun  myftere  de  la  paf- 
fion ,  ni  autre  myftere  facré  ;  il  les  confirma 
néanmoins  dans  tous  leurs  privilèges  ,  &  fit 
défenfes  à  tous  autres ,  qu'aux  confrères  de 
la  pafllon  ,  de  jouer  ,  ni  repréfenter  aucuns 
jeux  ,  tant  dans  la  ville  ,  fauxbourgs ,  que 
banlieue  de  Paris  ,  finon  fous  le  nom  &  au 
profit  de  la  confrérie  :  ce  qui  fut  confirmé 
par  lettres  patentes  d'Henri  II ,  du  mois  de 
mars  1559. 

Les  confrères  de  la  pafllon  qui  avoient 
feuls  le  privilège ,  cefTerent  de  monter  eux- 
mêmes  fiir  le  théâtre  ^  ils  trouvèrent  que  les 
pièces  profanes  ne  con\'enoient  plus  au  titre 
religieux  qui  caradlérifbit  leur  compagnie. 
Une  troupe  d'autres  comédiens  fe  forma 
pour  la  première  fois  ,  &  prit  d'eux  à  loyer 
le  privilège  ,  &  l'hôtel  de  Bourgogne.  Les 
bailleurs  s'y  réferverent  feulement  deux  lo- 
ges pour  eux  &  pour  leurs  amis  :  c'étoient 
les  plus  proches  du  théâtre ,  diftinguées  par 
des  barreaux ,  &  ou  les  nommoit  les  loges 
des  maîtres.  La  farce  de  Patelin  y  fut  jouée  : 
mais  le  premier  plan  de  comédie  profane  eft 
dû  à  Etienne  Jodelle  ,  qui  compofa  la  pièce 
intitulé  la  rencontre  ,  qui  plut  fort  à  Henri 
II  ,  devant  lequel  elle  fut  repréfentée.  Cléo- 
patre  &  Didon  font  deux  tragédies  du  même 
auteur,  qui  parurent  des  premières  fur  le 
théâtre  au  lieu  &  place  des  tragédies  faintes. 

Dès  qu'Henri  III  fut  monté  fur  le  trône  , 
il  infefta  le  royaume  de  farceurs  3  il  fit  venir 
de  Venife  les  comédiens  italiens  fùrnommés 
//'  Gelofi  ,  lefquels  au  rapport  de  M.  de  l'E- 
toile (  que  je  vais  copier  ici  )  ,  commencè- 
rent le  dimanche  29  mai  1577  leurs  comé- 
dies en  l'hôtel  de  Bourbon  à  Paris  ^  ils  pre- 
noient  quatre  fous  de  falaire  par  tête  de  tous 
ies  françois .  &  il  y  avoit  tel  concours  ,  que 
\cs  quatre  meilleurs  prédicateurs  de  Paris 
n'en  avoient  pas  tous  enfemble  autant  quand 
ils  prêchoient....  Le  mercredi  2,6  juin,  la  cour 
affeinblée  aux  Mercuriales  ,  fit  défenfcs  ai:x 
Gélofi  de  plus  jouer  leurs  comédies  ,  pour  ce 


C  O  M  579 

qu'elles  n'enfeignoient  que  paillardifes....  Le 
famedi  27  juillet ,  //  Geloji^  après  avoir  pré- 
(ènté  à  la  cour  les  lettres  patentes  ,  par  eux 
obtenues  du  roi ,  afin  qu'il  leur  ft'it  permis 
de  jouer  leurs  comédies  ,  nonobftant  les  dé- 
fenfes  de  la  cour  ,  furent  renvoyés  par  fin 
de  non-recevoir ,  &  défenfes  à  eux  faites  de 
plus  obtenir  &  préfènter  à  la  cour  de  telles 
lettres  ,  fbus  peine  de  dix  mille  livres  parifis 
d'amende  ,  applicables  à  la  boîte  des  pau- 
vres ^  nonobftant  lefquelles  défenfes ,  au  com- 
mencement de  feptembre  fuivant,  ils  recom- 
mencèrent à  jouer  leurs  comédies  en  l'hôtel 
de  Bourbon ,  comme  auparavant ,  par  la 
jufllou  exprefle  du  roi  :  la  corruption  de  ce 
temps  étant  telle  ,  que  les  farceurs  ,  bouf- 
fons ,  put....  &  magnons  ,  avoient  tout  crédit 
auprès  du  roi.  Journal  d'Henri  III  ,  par 
Pierre  de  l'Etoile,  à  la  Haye  ,  1744 ,  //z-8°. 
tome  /,  page  106  ,    209  6'  211. 

La  licence  s'étant  également  gliftee  dans 
toutes  les  autres  troupes  de  comédiens  ,  le 
parlement  refufe  pendant  long-temps  d'enré- 
giftrer  leurs  lettres  patentes ,  &:  il  permit 
feulement  en  1 596  aux  comédiens  de  pro- 
vince ,  de  jouer  à  la  foire  Saint-Germain ,  à 
la  charge  de  payer  par  chacune  année  qu'ils 
joueroient ,  deux  écus  aux  adminiftrateurs 
de  la  confrérie  de  la  paflion.  En  1609,  une 
ordonnance  de  police  défendit  à  tous  comé- 
diens de  repréfenter  aucunes  comédies  ou 
farces  ,  qu'ils  ne  les  euifent  communiquées 
au  procureur  du  roi.  Enfin  on  réunit  le  re- 
venu de  la  confrérie  de  la  paflion  à  l'hôpital 
général.  Voye^  fur  tout  ceci  Pafquier ,  rech. 
liv  VII.  ch,  V.  De  la  Mare ,  traité  de  pol. 
liv.  III ,  tome  III.  ouvres  de  Defpréaux  , 
1747^  m- 8°.  &c. 

Les  accroiiîèmens  de  Paris  ayant  obligé 
les  comédiens  à  fe  féparer  en  deux  bandes  ^ 
les  uns  reftcrent  à  l'hôtel  de  Bourgogne  ,  &c 
les  autres  allèrent  à  l'hôtel  d'argent  au  Ma- 
rais. On  y  jouoit  encore  \z%  pièces  de  Jo- 
delle, de  Garnier  ,  &  de  leurs  fèmblables  , 
quand  Corneille  vint  à  donner  fa  Méliie  , 
qui  fut  fiiivie  du  Menteur  ,  pièce  de  carac- 
tère &  d'intrigue.  Alors  parut  Molière  ,  le 
plus  parfait  des  poètes  comiques  ,  &  qui  a 
remporté  le  prix  de  fonart  malgré  ^qs  jaloux 
Se  ÏQ%  contem.porains. 

Le  comique  né  d'une  dévotion  ignorante, 
paiTa  dans  uuc  bouffonnerie  ridicule  3    eii- 
Dddd  2 


580  C  O  M 

£iite  tomba  dans  une  licence  groiTiere ,  & 
demeura  tel ,  ou  baibouilié  de  lie  ,  jufqu'aii 
coinmencement  du  iïecle  de  Louis  XIV.  Le 
cardinal  de  Richelieu  ,  par  ics  libéralités  , 
l'habilla  cVun  mafqne  plus  honnête  ^  Molière 
en  le  chauiîant  de  brodequins  ,  jufqu'uicrs 
inconnus ,  l'éleva  au  plus  haut  point  de  gloire  ;, 
&  à  fa  mort ,  la  nature  l'enievelit  avec  lui. 
Article  de  M.  le  chevalier  de  J au  court. 

Comédie  ballet:  on  donne  ce  nom  au 
théâtre  François ,  aux  comédies  qui  ont  des 
intermedes'comme  Pfyché ,  la  princelîe  d'E- 
lide  ,  &c.  Voyei  Intermède.  Autrefois  , 
&  dans  fa  nouveauté  ,  Georges  Dandin  cC 
le  Malade  imaginaire  étoient  appelles  de  ce 
nom ,  parce  qu'ils  avoient  des  intermèdes. 

Au  théâtre  lyrique  ,  la  comédie  ballet  eft 
une  eipece  de  comédie  en  trois  ou  quatre 
aôes ,  précédés  d'un  prologue. 

Le  Carnaval  de  Venife  de  Renard  ,  mis  en 
muiique  par  Campra  ,  eft  la  première  come'- 
die  ballet ,  qu'on  ait  repréfentée  fur  le  théâtre 
de  l'opéra:  elle  le  fut  en  1699.  Nous  n'avons 
dans  ce^enre  que  le  Carnaval  &  la  Folie  , 
ouvrage  de  la  Mothe ,  fort  ingénieux  &  très- 
bien  écrit,  donné  en  1704  ,  qui  Ibit  refté 
au  théâtre.  La  mufique  eft  deDeftouchés. 

Cet  ouvrage  n'eft  point  copie  d'un  genre 
trouvé.  La  Mothe  a  manié  fon  ftijet  d'une 
manière  originale.  L'allégorie  eft  le  fond  de 
fa  pièce ,  &  c'eft  prefque  un  genre  neuf  qu'il 
a  créé.  C'eft  dans  ces  fortes  d'ouvrages  qu'il 
a  imaginés  ,  où  il  a  été  excellent.  Il  étoit 
foibje  quand  il  marchoit  ftir  les  pas  d^au- 
trui ,  ôc  prelque  toujours  parfait ,  quelque- 
fois même  fublime  y  loriqu'il  fuivoit  le  feu 
de  {es  propres  idées.  Voye^  PASTORALE  & 
Ballet.  (B) 

COMEDIEN,  f.  m.  i Belles-lettres.  ) 
perfonne  qui  fait  profeflion  de  repréfènter 
des  pièces  de  théâtre ,  compofées  pour  l'inf- 
truâion  &  l'amufement  du  public. 

On  donne  ce  nom ,  en  général  ,  aux  ac- 
teurs &  actrices  qui  montent  fur  le  théâtre  , 
&  jouent  des  rôles  tant  dans  le  comique  que 
dans  le  tragique ,  dans  les  fpeétacles  où  l'on 
déclame  :  car  à  l'opéra  on  ne  leuf  donne  que 
le  nom  à'aâeurs  ou  d'aârices  ,  danfeurs  ^ 
filles  des  choeurs ,  &c. 

Nos  premiers  comédiens  ont  été  les  Trou- 
badours ,  connus  aufti  fous  le  nom  de  Trou- 
reurs  &  Jongleurs ,  ils  étoiçnt  tout  à  la.  fois 


CO  M 

auteurs  &  a£lcurs ,  comme  on  a  vu  Molière , 
Dancour  ,  Montfleury  ,  le  Grand,  &c.  Aux 
Jongleurs  fuccéderent  les  confrères  de  la 
paillon  ,  qui  repréfentoient  les  pièces  ap- 
pellées  myjleres ,  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut.  F"oje;{  Comédie  sainte. 

A  ces  confrères  ont  fuccédé  les  troupes  de 
comédiens  ,  qui  font  ou  fédentiures  comme 
les  comédiens  françois  j  les  comédiens  italiens 
établis  à  Paris ,  &  plulîeurs  autres  troupes 
qui  ont  des  théâtres  fixes  dans  plufieurs 
grandes  villes  du  royaume  ,  comme  Stras- 
bourg ,  Lille ,  ùc.  &  les  comédiens  qui  cou- 
rent les  provinces ,  &  vont  de  ville  en  ville  y 
&  qu'on  nomme  comédiens  de  campagne. 

La  profeifion  de  comédien  eft  honorée  en 
Angleterre  j  on  n'y  a  point  fait  difticultc 
d'accorder  à  M"«  Olfilds  un  tombeau  à  Weft- 
minfter  à  côté  de  Newton  &  des  rois.  En 
France  ,  elle  eft  moins  honorée.  L'églifè 
romaine  les  excommunie ,  &  leiu*  refuiè  la 
fépulture  chrétienne  ,  s'ils  n'ont  pas  renoncé 
au  théâtre  avant  leur  mort.  Voyei^  k<z- 
TEURS.    (G) 

*  Si  l'on  confîdere  le  but  de  nos  ipeéla- 
clés  ,  &  les  tajens  nécelfaires  dans  celui  qui 
fait  y  faire  un  rôle  avec  iiicccs,  l'état  de  co^ 
médien  prendra  néceftairement  dans  tout  bon 
efprit  le  degré  de  conftdération  qui  lui  eft 
dû.  Il  s'agit  maintenant,  fur  notre  théâtre 
françois  particulièrement  ,  d'exciter  à  la 
vertu  ,  d'infpirer  l'horreur  du  vice  ,  &  d'ex- 
pofer  les  ridicules  :  ceux  qui  l'occupent  font 
les  organes  àcs  premiers  génies  &  des  hom- 
mes \qs  plus  célebresde  la  nation ,  Corneille , 
Racine  ,  Molière  ,  Renard ,  M.  de  Voltaire  , 
&c.  leur  fonâ:ion  exige  ,  pour  y  exceller  , 
de  la  figure  ,  de  la  dignité ,  de  la  voix ,  de 
la  mémoire  ,  du  gefte ,  de  la  fenfibilité  ,.  de 
l'intelligence  ,  de  la  comioilfance  même  des 
mœurs  &  des  caraâieres ,  en  un  mot  un  grand 
nombre  de  qualités  quqjia  nature  réunit  fi 
rarement  dans  une  même  perfonne  ,  qu'on 
compte  phis  de  grands  auteurs  que  de  grands 
comédiens.  Malgré  tout  cela ,  ils  ont  été  trai- 
tés t!:ès-durement  par  quelques-unes  de  nos 
loix  ,  que  nous  allons  expolèr  dans  la  fuite 
de  cet  article  ,  pour  fatisfaire  à  la  nature  de 
notre  ouvrage.  Fbjf:{ Geste,  Déclama- 
tion ,  Intonation,  &c. 

Comédiens,  (  Jurifpr.  )  Chez  \qs  Ro- 
,  mains,  les  comédiens  étoient  dans  uneeipece 


C  O  M 

d'incapacité  de  s'obliger  ,  tellement  que 
quoiqu'ils  le  biffent  engagés  fous  caution  , 
&  même  par  ferment ,  ils  pouvoient  fe  re- 
tirer. Novell.  51.  Cette  loi  ne  s'obferve 
point  parmi  nous. 

Il  a  toujours  été  défendu  aux  comédiens  de 
repréfcnter  fijr  le  théâtre  \qs  ecclélîaftiques 
&:  les  religieux.  Novell.  123  ,  ch.  xliv.  Et 
/.  minus  cod.  de  epifcop.  aud.  §.  omnibus  auth. 
de  fanâijf.  epifcop. 

Les  comédiens  étoient  autrefois  regardés 
comme  infâmes  (  l.fi  fratres  cod.  ex  quitus 
caufis  infamia  irrogat.  C.  lib.  II ,  cap.  xij  ;  ) 
&  par  cette  raifononles  a  regardés  comme 
incapables  de  rendre  témoignage,  f^oy.  Per- 
chambaut  ,  fur  îart.  i-^^i  de  la  coutume  de 
Bretagne.  Le  canon  defînimus  ,  4,  quœfî.j  , 
dit  qu'un  comédien  n'ell  pas  recevable  à  in- 
tenter une  accufation  :  &  le  §.  caufas  auth. 
ut  cum  de  appell.  cognof.  porte  qu'un  fils  qui , 
contre  la  volonté  d.Q  £on  père  ,  s'eft  fait  co- 
médien ,  encourt  fon  indignation. 

Cliarlemagne ,  par  une  ordonnance  de  l'an 
789  5  mit  aulTi  les  hiftoriens  au  nombre  des 
perfonnes  infimes  ,  &  auxquelles  il  n'étoit 
pas  permis  de  former  aucune  accufation  en 
jufticc. 

Les  conciles  de  Mayence  ,  de  Tours ,  de 
Rheims  ,  de  Châlons-fur-Saône  ,  tenus  en 
813  ,  défendirent  aux  évêques,  aux  prêtres 
&  autres  eccléiiaftiques ,  d'alîîiler  à  aucini 
fpedlacle  ,  à  peine  de  fùfpenlion  ,  &:  d'être 
mis  en  pénitence  j  &  Charlemagne  autorifa 
cette  difp®fition  par  une  ordonnance  de  la 
même  année.  Voye[  les  capitul.  tom.  / ,  col. 
219,  1163  ^   1170. 

Mais  il  faut  avouer  que  la  plupart  de  ces 
peines  ont  moins  été  prononcées  contre  àes 
comédiens  proprement  dits  ,  que  contre  des 
hiilrions  ou  farceurs  publics  ,  qui  mêloient 
^ans  leurs  jeux  toutes  fortes  dobfcénitési  & 
que  le  théâtre  étant  devenu  plus,  épuré  ,  on 
a  conçu  une  idée  moins  défavantageiiiè  des 
comédiens. 

On  tient  néanmoins  toujours  pour  certain 
que  les  comédiens  dérogent  ^  mais  il  en  faut 
excepter  ceux  du  roi  qui  ne  dérogent  point, 
comme  il  réfulte  d'une  déclaration  deLouis 
XIII  ,  du  16  avril  1641  ,  regiftrée  en 
parlement  le  24  du  même  mois ,  &  d'un 
arrêt  da  confeil  du  10  feptembre  1668  , 
rçiidu  en  faveur  de  Floridor  comédien  du 


C  O  M  581 

roi  ,  qui  éîoit  gentilhomme  ;  par  lequel  il 
lui  fut  accordé  un  an  pour  rapporter  {^qs  titres 
de  nobielfe  ,  &  cependant  défenles  furent 
faites  au  traitant  de  l'inquiéter  pour  la  qua- 
lité d'écuyer. 

Les  aéieiirs  &  a£lrices  de  l'opéra  ne  dé- 
rogent pas  non  plus  ,  attendu  que  ce  ijjec- 
tacle  eft  établi  fous  le  titre  d'académie  royale 
de  mufique. 

La  part  que  chaque  comédien  a  dai:s  les 
profits  peut  être  faifie  par  k%  créanciers. 
Arrêt  du  2  juin  1^92.  Journ.  des  audiences. 

Il  y  a  plufieurs  régîem.ens  pour  la  profef- 
fion  dQ5  comédiens  &  pour  les  (peftacles  en 
général ,  qui  font  rapportés  ou  cités  dans  le 
tr.  de  la  police  ,  tome  I ,  liv.  III ,  tit.  iij  ,  d» 
dans  le  dicîionnaire  des  arrêts ,  au  mot  comé- 
dien. {A) 

COMENOLITARI  (Le  ),  Géogr.  mod. 
grand  pays  de  la  Turquie  en  Europe  ,  dans 
la  Grèce  ,  qui  comprend  la  Theiîalie  an- 
cienne &  la  Macédoine. 

COMETE  ,LÎ.{  Phyfq.  &  Aflron.  ) 
corps  célefte  de  la  nature  des  planètes  ,  qui 
paroît  foudaineîiient  &  difparoîtde  même  , 
&  qui  pendant  le  tcm.ps  de  fon  apparition  fe 
meut  dans  une  orbite  de  même  nature  que 
celles  des  planètes  ,  m.ais  très- excentrique, 
f^oyei  Etoile  &  Planète. 

Les  comètes  font  diftinguces  principale- 
ment des  autres  aftres,  en  ce  qu'elles  font 
ordinairement  accompagnées  d'une  queue 
ou  traînée  de  lumière  toujours  oppofée  au 
foleil ,  &  qui  diminue  de  vivacité  à  mefure 
qu'elle  s'éloigi-ie  du  corps  de  la  comète.  C'efl 
cette  traînée  de  lumière  qui  a  occafioné  Ja 
divifion^  vulgaire  des  comètes  en  come:es  à 
queue  ,  à  barbe  &  à  chevelure  :  mais  cette  di- 
vifion  convient  plutôt  aux  différens  états 
d'une  mêm.c  comète,  qu'aux  phenom.encs 
diftindifs  de  différentes  comètes. 

Ainfi  lorfque  la  comète  fe  meut  à  l'orient 
du  foleil  &  s'en  écarte ,  on  dit  que  la  comète 
efi  barbue  ,  parce  que  fa  lumière  va  devant 
elle.  F.  Barbe. 

Quand  la  comète  va  à  Toccidcnt  du  foleil , 
&  qu'elle  le  fijit ,  on  dit  que  la  comète  a  une 
queue  ,  parce  que  fa  lumière  la  fuit. 

Enfin  quand  la  ro;72^r€  &  le  ^ok'dîonX.  dia- 
métralement oppofés,(la  terre  étant  entr'eux) 
la  traînée  de  lumière  qui  accompagne  la  cp- 
metc  étant  cachée  par  le  corps  de  la  comète. 


5S2  cou 

excepté  les  parties  les  plus  extérieures  qui 
débordent  un  peu  la  comète  &  l'environnent, 
on  dit  que  la  comète  a  une  chevelure.  Voy.  la 
fie'  T^S  •)  plo.nche  ajironom. 

'Nature  des  comètes.  Les  philofophes  ont  été 
fort  embarraiTés  fur  la  nature  àes  comètes  ^ 
à  caufe  de  la  rareté  de  ces  aftres ,  &  des  irré- 
gularités apparentes  de  leurs  phénomènes. 
Avant  Arilloîe  on  regardoit  les  efpaces  célef- 
tes  comme  remplis  d'un  nombre  infini  d'é- 
toiles qui  avoient  chacune  leur  mouvement 
particulier ,  &  dont  la  plupart  étoient  trop 
éloignées  ou  trop  petites  pour  pouvoir  être 
apperçues  ^  &  l'on  s'imaginoit  qu'un  certain 
nombre  de  ces  petites  étoiles  venant  à  fe  ren- 
contrer ,  &  à  ne  faire  pour  les  yeux  qu'une 
feule  maiTe ,  elles  formoient  par  ce  moyen 
l'apparence  d'ime  comète  ^  jufqu'àce  qu'elles 
fë  féparalTent  pour  cotitinuer  leurs  cours. 
Mais  comment  fë  peut  faire  la  rencontre  & 
la  réunion  de  ces  étoiles  ?  comment  peut-il 
en  naître  un  corps  en  forme  de  queue  qui 
s'oppofe  toujours  au  foleil  ,  &  comment 
ces  étoiles  peuvent-elles  enfuite  fe  féparer 
après  la  réunion  ?  c'eft  ce  qui  ell:  difficile  à 
concevoir, 

Ariftote  a  aifément  réfuté  cette  hypothefè, 
&  lui  en  a  fubftitué  une  autre  où  il  prétend 
que  les  cor^etes  font  des  feux  palTagers  ,  ou 
des  météores  compofés  d'exhalaifons  élevées 
au  delTus  de  la  région  de  l'air  dans  le  lieu  où , 
fuivant  lui ,  efi:  le  feu  j  &  il  regardoit  dans 
cette  hypothefè  \&s  comètes  comme  beaucoup 
au  delfous  de  la  lune. 

Cette  hypothefè  n'a  cependant  pas  plus  de 
réalité  que  la  première  j  car  il  enréfulte  que 
la  lumière  de  la  comète  eft  indépendante  du 
foleil  \  d'où  il  s'enfuit  évidemment  que  cette 
lumière  devroit  fe  répandre  de  tous  les  côtés 
fans  fe  difpofer  en  forme  de  queue  ,  ainfi 
qu'il  arrive  réellement  :  d'ailleurs ,  les  comè- 
tes font  apperçues  en  même  tem.ps  des  en- 
droits de  la  terre  les  plus  éloignés  ;  elles  font 
par  confëqucnt  fort  élevées  au-deffus  de  l'at- 
mofphere  terreftre  ,  au  contraire  de  ce  qui 
arrive  à  l'égard  de  quelque  météore  que  ce 
foit  formé  dans  notre  air ,  à  caufe  de  fon 
peu  d'élévation  au  deffus  de  la  furface  de  la 
terre. 

Pe  plus  le  peu  de  parallaxe  des  comètes 
prouve  qu'elles  font  à  une  plus  grande  hau- 


C  O  M 

I  teur  que  la  lune.  On  peut  prendre  pour  exem- 
ple la  comète  de  1 577  ;  Tycho  Brahé  l'ob- 
iërvoit  à  Uranibourg ,  &  Hagecius  à  Prague 
en  Bohême, c'eft-à-dire  àenviron  150  lieues 
fous  le  même  méridien.  Or  ,  ils  trouvèrent 
que  la  diftance  de  la  comète  à  la  luifante  du 
vautour  étoit  la  même  au  même  inftant  : 
d'où  ils  ont  conclu  que  la.  comète  ïinvo'w^o'mt 
de  parallaxe  fènfible  ç,  &  comme  la  lune  en 
a  une  fort  confidérable  ,  il  s'enfuit  que  cette 
com.ete  étoit  fort  au  delà  de  la  lune  par  rap- 
port à  la  terre.  V.  les  infi.  aJîr.de'bA.lQ. Mon- 
nier. 

Comme  c'eft  par  le  défaut  de  parallaxe  du 
mouvement  diurne  qu'on  eft  parvenu  à  prou- 
ver que  les  comètes  étoient  dans  àes  régions 
fort  au  deffus  de  la  lune  ,  c'eft  au  contraire 
par  la  quantité  obfervée  d'im  autre  paral- 
laxe ,  qui  eft  celle  de  l'orbe  annuel  ,  qu'on 
peut  prouver  que  ces  aftres  defcendent  dans 
la  région  des  planètes.  Car  les  comètes  qui 
s'avancent  félon  la  fiiite  des  figues  ,  nous 
femblent  vers  la  fin  de  leurs  apparitions,  ou 
ralentir  trop  fenfiblement  leurs  mouvemiens, 
ou  même  rétrograder  ,  &  cela  Icrfque  la 
terre  eft  entr'elles  &  le  foleil.  Au  contraire  , 
elles  paroifTent  fe  mouvoir  trop  rapidement, 
fi  la  terre  eft  en  oppofition  ,  c'efî-à-dire  fi 
elles  fe  trouvent  en  conjonéîioH  avec  le  fo- 
leil :  or ,  c'eft  précifémentce  que  nous  obfer- 
vons  à  l'égard  des  planètes.  D'un  autre  côté 
celles  qu'en  nomme  rétrogrades,  parce  qu'el- 
les fe  meuvent  en  efîèt  contre  l'ordre  des 
fignes ,  femblent  plus  rapides  vers  la  fin  de 
leur  apparition  ,  fi  la  terre  eft  entr'elles  &  le 
foleil.  Enfin  elles  paroiffent  ou  ralentir  très- 
fènfiblement  leur  cours ,  ou  m.ême  rétrogra- 
der, fi  la  terre  eft  dans  une  fituation  oppofée, 
c'eft-à-dire  fi  la  comète  paroît  en  conjonftiou 
avec  le  foleil.  Il  eft  donc  aifé  de  voir  que  la 
caufe  de  ces  apparences  eft  le  mouvement  d^ 
la  terre  dans  fbn  orbite ,  de  la  même  manière 
qu'il  arrive  à  l'égard  des  planètes  :  car  félon 
que  le  mouvement  de  la  terre  fë  fait  dans  le 
même  fèns ,  ou  eft  contraire  à  celui  delà  pla- 
nète ,  elle  paroît  tantôt  rétrograder ,  tantôt 
fè  mouvoir  trop  lentement ,  &  avec  trop  de 
rapidité.  Newton  ,  /.  ///. 

Hévélius  qui  a  fait  un  grand  nombre  d'ob- 
fèrvations  fur  les  comètes ,  prétend  qu'elles 
fortent  du  foleil  ^  que  ce  font  les  exhalaifons 
les  plus  grofîieres  que  produit  cet  aftre  ,  ôc 


CO  M 

qu'elles  font  de  même  nature  que  les  taches 
du  foleil. 

Kepler  penfe ,  comme  Ariflote ,  que  les 
comètes  font  des  exhalaifons  ,  &  croit 
qu'elles  font  difperfées  fans  nombre  dans  le 
ciel  ^  8c  que  fi  elles  ne  font  pas  toutes  viu- 
bles ,  c'eil  à  caufè  de  leur  petitefTe ,  ou  parce 
qu'elles  font  long-temps  fous  l'horizon. 

Mais  indépendamment  de  la  réfutation 
précédente ,  M.  Newton  a  fait  voir  lafaulfeté 
de  cette  hypothefb ,  en  prouvant  que  la  comere 
de  1680  auroit  été  entièrement  difllpée  dans 
fon  paffage  auprès  du  foleil ,  fi  elle  n'avoit 
été  qu'un  corps  compofé  d'exhalaifons ,  foit 
du  foleil,  fbit  des  planètes  :  car  la  chaleur  du 
foleil ,  comme  on  le  fait,'eft  enraifbn  réci- 
proque des  quarrés  des  difiances  du  foleil^ 
&  la  diftance  de  cette  comète  au  foleil  dans 
ion  périhélie  le  8  décembre  ,  étoit  à  la  dif- 
tance de  la  terre  au  foleil  comme  6  à  1000  ; 
d'où  il  fiiit  que  la  chaleur  communiquée  par 
le  foleil  à  la  comète ,  devoit  être  alors  à  celle 
qu'on  éprouve  fur  la  terre  au  milieu  de  l'été , 
comme  loooooo  à  36,  ou  comme  28000  à 
I  :  fâchant  enfuite  par  l'expérience  que  la 
chaleur  de  l'eau  bouillante  eft  un  peu  plus 
que  triple  de  celle  de  la  terre  échauffée  par 
\qs  rayons  du  foleil  au  fort  de  l'été  ,  &  pre- 
nant la  chaleur  du  fer  rouge  pour  trois  ou 
quatre  fois  plus  grande  que  celle  de  l'eau 
bouillante  ,  il  en  conclut  que  la  chaleur  du 
corps  de  la  comète  dans  le  temps  de  fon 
périhélie  ,  devoit  être  2000  fois  plus  grande 
que  celle  du  fer  rouge. 

La  comète  ayant  acquis  une  auflî  grande 
chaleur ,  doit  être  un  temps  immenfe  à  iè 
refroidir.  Le  même  auteur  a  calculé  qu'un 
globe  de  fer  rouge  de  la  grolfeur  de  la  terre 
ièroit  à  peine  refroidi  en  50000  ans.  Ainfi 
quand  même  la  comète  fe  refroidiroit  cent 
fois  plus  vite  que  le  fer  rouge ,  elle  ne  laifl^- 
roit  pas  encore ,  à  caufe  que  fa  chaleur  eft 
2000  fois  plus  grande  ,  de  mettre  un  mil- 
lion d'années  à  fe  refroidir. 

Jacq.  BernouUi ,  dans  fon  conamen  novi 
fyjiematis  cometarum  ,  imagine  une  planète 
principale  qui  fait  fa  révolution  autour  du  fo- 
leil dans  l'eipace  de  quatre  années  &  157 
jours ,  &  qui  eft  éloignée  de  cet  aftre  de  2  5  8  3 
demi-diametres  du  grand  orbe  ^  il  veut 
que  cette  planète  invifible  par  l'immenfité  de 
fa  diftance ,  ou  par  lapetiteffe  de  fon  difque  j 


C  O  M  <^%^ 

foit  accompagnée  de  différens  fatellites  plus 
ou  moins  éloignés  3  &  félon  lui ,  ces  fatel- 
lites defcendent  quelquefois  dans  leur  péri- 
gée aufli  bas  que  l'orbite  de  Saturne  ,  de- 
viennent alors  vifibîes  pour  nous,  &  ce 
font  ce  que  nous  appelions  comètes. 

Defcartes  penfe  que  les  comètes  font  des 
étoiles  qui  étoient  d'abord  fixes  comme  les 
autres ,  mais  qui  s'étant  enfuite  couvertes  de 
taches  &  de  croûtes  ont  à  la  fin  perdu  en- 
tièrement leur  lumière  '^  &  que  ne  pouvant 
plus  alors  conièrver  leurs  places ,  elles  ont 
été  entraînées  par  les  tourbillons  des  étoiles 
voifines  ^  enforte  que  fuivant  leurs  différen- 
tes grandeurs  &  folidités  elles  ont  pu  être 
portées  jufqu'à  l'orbe  de  Saturne ,  diftance 
à  laquelle  recevant  les  rayons  du  foleil 
avec  aflbz  de  force ,  elles  deviennent  vifi- 
bîes. Voyei  Cartésianisme. 

Mais  le  peu  de  vérité  de  toutes  ces  hypo- 
thefès  faute  aux  yeux  par  les  phénomeneg 
des  comètes  :  nous  allons  expofer  les  princi- 
paux de  ces  phénomènes  ,  comme  étant  la 
pierre  de  touche  de  toutes  les  théories. 

I  °.  On  obferve  des  altérations fenjibles  dans 
la  vitejfe  apparente  des  comètes  ^  félon  quelles 
font  fituées par  rapport  a  la  terre  ;  cefi  ce  que 
nous  avons  déjà  remarqué  plus  haut, 

2*^.-  Tant  que  leur  viteffe  augmente  ,  elles 
paroijfent  décrire  à-peu-pres  de  grands  cer- 
cles ;  mais  vers  la  fin  de  leuK  courfe  elles  sé~ 
cartent  un  peu  de  ces  cercles  ;  &  dans  le  cas 
ou  la  terre  va  du  même  côté  quelles  y  elles  pa- 
roijfent  aller  du  côté  oppofé.  s 

3°.  Elles  fe  meuvent  dans  les  ellipfes  qui 
ont  le  foleil  pour  un  de  leurs  foyers ,  6'  dé- 
crivent autour  de  ce  foyer  des  aires  propor- 
tionnelles aux  temps. 

4°.  La  lumière  de  leur  corps  central  ou 
tête  augmente  quoiquelles  s'éloignent  de  la 
terre  ,  lorf quelles  s  approchent  du  foleil  ;  & 
elle  décroît  au  contraire  lorfgu  elles  s  éloi- 
gnent du  foleil ,  quoiquelles  deviennent  plus 
proches  de  la  terre. 

5°.  Leurs  queues  font  les  plus  grandes  & 
les  plus  brillantes  immédiatement  après  leur 
périhélie.  " 

6°.  Leurs  queues  s^ écartent  un  peu  de  la  di' 
reSion  du  foleil  au  noyau  ou  corps  de  la. 
comète  ^  &  fe  courbent  vers  le  côté  que  l(t 
comète  vient  de  quitter^ 

7°.  Cette  déviation  ^toutes  chef  es  égales  ^efi 


584  C  O  M 

la  plus  petite  lorfque  la  tête  de  la  comete  ap- 
proche le  plus  du  foleil  ;  &  elle  ejl  moindre  au- 
près de  la  tête  que  vers  t extrémité  de  la  queue. 

8°.  Les  queues  font  un  peu  plus  brillantes 
6'  plus  dijiinclement  terminées  dans  leur  partie 
convexe  que  dans  la  concave, 

9°.  Les  queues  paroijfent  toujours  plus 
larges  vers  textrémité  qu  auprès  du  centre 
de  la  comete. 

10^.  Les  queues fonttranfparentcs^Ç^lesplus 
petites  étoiles  peuvent  s  appercevoir  .au  travers. 

Ce  font-là  \qz  principaux  phénomènes  des 
comètes ,  que  l'on  voit  aifément  démentir  les 
opinions  étranges  que  les  anciens  avoientde 
ces  aftres ,  &  peu  quadrer  avec  les  foibles 
conjeâiures  de  la  plupart  des  auteurs  moder- 
nes. A  la  vérité  il  y  a  eu  quelques  anciens , 
comme  Pline  le  rapporte ,  qui  ont  eu  à^s  idées 
plus  juftes  fur  les  comètes ,  qui  ont  penfé  que 
c'étoient  des  aftres  perpétuels  qui  failbient 
leurs  révolutions  dans  des  orbites  particuliè- 
res :  ilparoît  même  que  les  plus  anciens  phi- 
lofophes  avoient  placé  les  comètes  dans  ces 
vaftss  régions  du  ciel  qui  font  au-delfus  de 
l'orbite  de  la  lune ,  félon  le  témoignage  d'A- 
riftote ,  de  Plurarque  ,  &  de  divers  auteurs 
tant  grecs  que  latins  \  c'étoit  le  fentimentdes 
pythagoriciens  &  des  autres  philofophes  de  la 
feâ:e  italique  \  c'étoit  aufli  celui  d'Hippocrate 
de  Chio ,  célèbre  par  la  quadrature  des  lunu- 
les qui  portent  fon  nom  (  voye\^  LuNULE  )  :, 
c'étoit  enfin  l'opinion  de  Démocrite.  Sénë- 
que  nous  rapporte  au  liv.  Vil ,  ck.  iij  defes 
que/lions  naturelles ,  ce  qui  en  avoit  été  dit 
par  ce  philofophe  ,  l'un  des  plus  ingénieux , 
&  peut-être  le  plus  profond  de  toute  l'anti- 
quité :  il  dit  qu'entre  tous  les  aftres  qu'on 
a\'oit  obfervés ,  on  pourroit  foupçonner  qu'il 
y  a  encore  un  grand  nombre  d'autres  planè- 
tes différentes  de  celles  que  nous  connoiftons  ^ 
ce  qui  doit  s'entendre  ,  comme  l'on  voit,  des 
comètes^  que  l'on  regardoit  alors  comme  des 
étoiles  errantes ,  c'eft-à-dire  qu'on  mettoit  au 
nombre  des  plauetes.  On  ignore  cependant 
fî  le  nombre  en  a  été  fixé  ^  ni  fi  plufieurs  de 
ces  comètes  ont  été  diftinguées  par  des  noms 
particuliers  ^  il  eft  d'ailleurs  incertain  fi  l'on 
avoit  quelque  théorie  du  mouvement  des 
cinq  planètes  qui  nous  environnent.  Cepen- 
dant Séneque  ajoutejencore  qu'Apollonius  le 
Myndien  5  l'nn  de  ceux  qui  avoient  le  plus 
de  connoiffance  dans  la  phyfiqne  ,  étoit  per- 


C  O  M 

fîiadé  que  les  Chaldéens  plaçoient  depuis 
long-temps  les  comètes  au  nombre  des  étoi» 
les  errantes ,  qu'elles  avoient  un  cours  régie , 
&  dans  des  orbites  particulières  qui  leur 
étoient  connues.  Le  même  Apollonius  fbu- 
tenoit  aufîi  que  les  comètes  étoient  de  véri- 
tables aftres  femblables  au  foleil  &  à  la  lune  : 
leur  cours ,  ajoute-t-il ,  ne  fe  fait  pas  dans  l'u- 
nivers fans  être  aifujetti  à  quelque  loi  conf- 
tante  ;,  elles  defcendent  &  remontent  alter- 
nativement au  plus  haut  des  cieux  j  mais  lorf- 
qu'elles  achèvent  de  defcendre ,  il  nous  eft 
permis  de  les  appcrcevoir,  parce  qu'elles  dé- 
crivent la  partie  la  plus  bafib  de  leur  orbite. 
Séneque  paroît  avoir  adopté  ce  ièntiment  : 
«  Je  ne  fuis  pas  ,  dit-il ,  de  l'opinion  com- 
mune fur  les  comètes  ;  je  ne  les  regarde  pas 
comme  des  feux  pafikgers ,  mais  comme  des 
ouvrages  éternels  de  la  nature.  Chaque  comete 
a  un  certain  efpace  alîigné  à  parcourir.  Les 
comètes  ne  font  point  détruites ,  mais  elles  fe 
trouvent  bientôt  hors  de  la  portée  de  notre 
vue.  Si  on  les  met  au  nombre  des  planètes , 
il  ièmbîe  qu'elles  ne  devroient  jamais  fortir 
du  zodiaque.  Mais  pourquoi  le,  zodiaque 
renfermeroit-il  le  cours  de  tous  les  aftres  ? 
pourquoi  les  reftreindre  à  un  fi  petit  elpace  ? 
Le  petit  nombre  des  corps  céleftes,  qui  font 
les  feuls  qui  paroiftent  fe  mouvoir ,  décrivent 
des  orbites  diftcrentes  les  unes  des  autres  ^ 
pourquoi  donc  n'yauroit-ilpas  d'autres  corps 
céleftes  qui  auroient  chacun  leurs  routes  parti- 
culières à  parcourir  ,  quoique  fort  éloignées 
de  celles  des  planètes  ?  »  Ce  philofophe  ajoute 
encore  qu'il  faudroit,  pour  les  reconnoître  , 
avoir  recueilli  une  fu  ite  non  interrompue  d'ob- 
fervations  des  anciennes  comètes  qu'on  auroit 
vues  3  mais  que  faute  d'un  tel  fecours ,  ces  ob- 
fervations  ne  lui  étant  pas  parvenues,  &  l'ap- 
parition des  comètes  étant  d'ailleurs  alfez  rare , 
il  ne  croyoit  pas  qu'il  fûtpofiible ,  dans  le  fie- 
cle  où  il  vivoit ,  de  parvenir  à  régler  leurs 
mouvemens ,  ni  le  temps  de  leurs  révolu- 
tions périodiques  ;,  qu'ainfi  il  ignore  entière- 
ment le  temps  de  leurs  apparitions,  &  la  loi 
fuivant  laquelle  elles  doivent  revenir  à  la 
même  diftance  de  la  terre  ou  du  foleil.  Enfin 
il  ajoute  :  ((  Le  temps  viendra  que  les  fecrets 
les  plus  cachés  de  la  nature  feront  dévoilés 
&  mis  au  plus  grand  jour,  par  la  vigilance  ôc 
par  l'attention  que  les  hommes  y  apporteront 
pendant  une  longue  fuite  d'années.  Un  fiecle 

ou 


C  O  M 

mi  deux  Î12  avaient  pas  pour  une  aufTÎ  grancîe 
reclnrchs  :  un  jour  la  poilcrité  fera  étonnée 
de  ce  que  nous  avons  cherché  l'explication 
d'un  phénomène  fî  (Impie  ,  fur-tout  lorfqn'a- 
près  avoir  trouvé  la  vraie  méuiocie  d'étudier 
la  nature  ,  quelque  grand  philofophe  ièra 
parvenu  à  dimoatrer  dans  quels  endroits  des 
cieux  les  comètes  fe  répandent  ,  &.  parmi 
quelles  efpcces  de  corps  céleiles  on  doit  les 
ranger.  )>  Quoique  ce  paffage  fait  un  peu 
long  ,j  ai  cru  devoir  le  rapporter  dans  un  ou- 
vrage delliîîé  pri'.icipalement  à  l'hiftoiredes 
Sciences  &  de  refprit.  Je  l'ai  tiré  des  inji.  aji. 
de  M.  le  Monnisr. 

La  prédiction  de  Séneque  aété accomplie 
de  nos  jours  par  M.  Newton,  dont  la  doc- 
trine eft  celle-ci. 

Les  comcus  font  des  corps  foîides  ,  fixes 
&  durables  \  en  un  mot  c'eft  une  efpsce  par- 
ticulière de  planètes  qui  fe  ineiivent  librement 
&  vers  toutes  les  parties  du  ciel  dans  d&^  or- 
bites très-excentriques ,  &  faiîanî  de  fort 
grands  angles  avec  l'éclipîique.  Les  comètes 
pcrféverent  dans  leur  mouvement,  aufli-bien 
quand  elles  vont  contre  le  cours  des  planètes 
ordinaires ,  que  lorfqu'elies  fe  meuvent  du 
même  côté  ^  &  leurs  queues  font  des  vapeurs 
fortfubtilcs  qui  s'exhalent  delà  tôteau  noyau 
de  la  comète  échauffée  par  la  chaleur  du  foleil. 
Ce  faitune  fois  étabii,explique  tous  les  phéno- 
mènes. Car  1°.  nous  avons  déjà  fait  voir  que 
les  irrégularicés  dans  la  vîtcfïe  apparente  des 
co/;2i?/^.f, viennent  de  ce  qu'elles  ne  font  point 
dans  les  régions  des  fixes,  mais  au  contraire 
dans  celles  des  planètes,  ou  fuivant  qu'elles 
ont  i\Qs  mouvemeiis  confpirans  avec  celui  de 
la  terre  ,  ou  de  dircâ:ionoppofce  ,  elles  doi- 
vent avoir  les  apparences  d'accélération  & 
de  rétrogradation  que  l'on  remarque  dans  les 
planètes.  F.  RétrogRx\DATION  ,  &c. 

2?.  Si  les  comètes  paroiffent  fe  mouvoir  le 
plus  vite  lorfque  leur  courfe  eji  reclilignc ,  &c. 
ia  raifon  en  eft  qu'à  la  Ç\\\  de  leur  courfe,  lorf 
qu'elles  s'éloignent  directement  du  foleil ,  la 
partie  du  mouvement  apparent  qui  vient  de 
la  parallaxe ,  a  dans  ces  cas  une  plus  grande 
proportion  à  la  totalité  du  mouvement  appa- 
rent j  c'cft-à-dire  cette  partie  de  leur  mouve- 
ment apparent  qui  vient  de  la  parallaxe  de 
l'orbe  annuel ,  devient  trop  confidérable  par 
rapport  au  mouvement  propre  de  la  comète  , 
ou  au  mouvement  qu'elle  paroîtroit  avoir  fi 
Tome  VllU 


C  O  M  5^5 

îa  terre  demcuroitau  mêine  point  de  fonorbe  : 
alors  ces  aflres  paroiffent  fe  détourner  de  leur 
route  ordinaire  ,  ou  s'écarter  de  la  circonfé- 
rence d'un  grand  cercle  \  enforte  que  fi  la 
terre  fe  meut  d'un  côté,  elles  femblent  au  con- 
traire être  emî^ortées  fuivant  une  direction 
oppofée.  Les  différences  des  parallaxes  qui 
font  caufces  chaque  jour  par  le  mouvement 
de  la  terre  for  fon  orbe  étant  donc  très-fenfi- 
bles,  l'obfervation  quien  aété  faite plufieurs 
fois  aenfin  faitconclure  que  vers  le  commen- 
cement ou  la  fin  de  l'apparition  des  comètes  , 
leur  diO:ancen'étoitpas  fi  exceffive  que  quel- 
ques philofophes  l'avoient  fiippofé  ,  mais 
qu'elles  fo  trouvoient  alors  bien  au  dellous 
de  l'orbite  de  Jupiter.  De-îà  on  eft  bientôt 
parvenu  à  conclure  qu'au  temps  de  leur  péri- 
gée ou  de  leur  périhélie ,  les  comct\es  paroiffanî 
alors  fous  un  bien  plus  grand  angle  ,  parce 
qu'elles  font  beaucoup  plus  proch.es  de  la 
terre ,  elles  dévoient  deicendre  au  deffous  des 
orbites  de  Mars  &  de  la  terre  ^  quelques-unes 
aufli  ont  defoendu  au-delfous^  des  platietes 
inférieures.  Inff.af}. 

3^.  Les  comètes  ,  fuivantles  obfer/aîlons , 
fe  meuvent  dans  des  ellipfes  qui  ont  le  foleil  à 
un  de  leurs  foyers  ,  &c.  cela  fait  bien  voir 
que  ce  ne  font  pas  des  aftres  errans  de  tour- 
billons en  tourbillons ,  mais  qu'elles  font  par- 
tie du  fyftême  folaire ,  &  qu'elles  reviennent 
fans  celfe  dans  leurs  mêmes  orbes.  V.  Orbe. 
Comme  leurs  orbites  font  tjès- allongées 
&  très-centriques-,  elles  deviennent  invifibles 
lorfqu'elies  font  dans  ia  partie  la  plus  éloi- 
gnée du  foleil. 

4°.  La  lumière  de  leur  tête  augmente  en 
s  approchant  du  foleil ,  &c.  cela  s'accorde 
avec  les  phénomènes  des  autres  planètes. 

Par  les  obfervations  de  la  comète  de  i68o., 
M.  Newton  a  trouvé  que  la  vapeur  qui  étoît 
à  l'extrémité  de  la  queue  le  25  janvier ,  avoit 
commencé  à  s'élever  du  corps  a\'cint  le  11 
décembre  précédent ,  &  qu'anifi  t.\\Q  avoit 
employé  plus  de  quarante-cinq  jours  à  s'é- 
lever •,  mais  que  toute  ia  queue  qui  avoit 
paru  le  10  décembre  ,  s'étoit  élevée  dans 
i'efpace  de  deux  jours  écoulés  depuis  le  péri- 
hélie. 

Ainfi  dans  le  commencement  ,  lorfque 
la  conute  étoit  proche  du  foleil ,  la  vapeur 
?'élevoit  prodigieufoment  vite ,  &  continuant 
eiiihite  de  iiionter  en  fouffrant  du  retarde* 

F  ese 


\ 


58^  C  O  M 

ment  dans  fon  mouvement  par  la  gravité  de 
{es  particules  ,  elle  augmentoit  la  longueur 
de  la  qneue  :  Si  cette  queue,  malgré  l'im- 
m.enfité  de  fon  étendue  ,  n'étoit  autre  chofe 
qu'une  Cmple  vapeur  exhalée  pendant  le 
temps  du  périhélie  ^  la  vapeur  qui  s'étoit  éle- 
vée la  première ,  &;  qui  compofoit  l'extrémité 
de  la  queue  ,ne  s'évanouit  que  lorlqu'eile  fut 
trop  loin  dufoleil  pour  réfléchir  une  lumière 
lénlîble- 

On  voit  aufll  que  les  queues  des  comètes 
qui  font  plus  courtes  ,  ne  s'élèvent  pas  d'un 
mouvement  prompt  &  continuel  pour  dif- 
paroître  tout  de  liiite  ;,  mais  que  ce  font  des 
colonnes  permanentes  de  vapeurs  qui  fbrtent 
de  la  tête  avec  un  mouvement  très-modéré 
pendant  un  grand  eipace  de  temps ,  &  qui 
en  participant  du  mouvement  qu'elles  ont 
d'abord  reçu  de  la  tcte  ,  continuent  à  fe 
mouvoir  avec  facilité  dans  les  efpaces  célef- 
les  5  d'où  l'on  peut  aifémeut  inférer  le  vuide 
de  ces  efpaces.  J^.  VuiDE. 

5°.  Les  queues  pcroijjent  les  plus  grandes 
&  les  plus  brillantes  immédiatement  après  quel- 
les ont  pajfé  près  dufoleil.  Cela  foit  de  ce  que 
le  corps  central  étant  alors  le  plus  échaufté  , 
doit  exlialer  le  plus  de  vapeurs. 

La  lumière  du  noyau  ou  étoile  apparente 
de  la  comète ,  fait  conclure  que  ces  aftres  font 
dans  notre  fyflême,  &  qu'ils  ne  font  en  au- 
cune manière  dans  la  région  des  fixes,  puif- 
que  dans  ce  cas  leurs  têtes  ne  feroient  pas 
plus  éclairées  par  le  foleil ,  que  les  planètes 
ne  le  font  par  les  étoiles  fixes. 

6".  Les  queues  déclinent  un  peu  delà  ligne 
■  tirée  par  le  foleil  &  par  la  comète  ^enfe  rap- 
prochant vers  le  coté  que  la  comète  vient  de 
quitter  ;  parce  que  toute  fumée  ou  vapeur 
poufTée  par  un  corps  en  mouvement  s'élève 
obliquement,  en s'éloignanî  un  peu  du  côté 
vers  lequel  va  le  corps  fumant. 

7°.  Cette  déviation  ejl plus  petite  auprès  du 
corps  de  la  comète  que  vers  l'extrémité  de  la 
queue  y  &  ejl  la  moindre  lorfque  la  comète  eft 
dans  fa  plus  petite  difîancc  3U  foleil  ;  parce 
que  la  vapeur  monte  avec  plus  de  vîtefle  au- 
près du  corps  de  la  comète  qu'à  l'extrémité 
de  la  queue  ,  &  qu'elle  s'élève  aufîi  avec 
plus  de  vîtelTe  lorfque  la  comète  eil  plus  pro- 
che du  foleil. 

8°.  La  queue  eft  plus  brillante  &  mieux 
îfrminée  dans  fa  partie  convexe  que  dans  fa 


G  O  M 

partie  concave;  parce  que  la  vapeur  qui  efl 
dans  la  partie  convexe  s'étant  élevée  la  pre- 
mière ,  eit  un  peu  plus  denfe  &  plus  propre 
à  réfléchir  la  lumière. 

9°.  Zû  queue paroit  plus  large  vers  t extré- 
mité qu  auprès  de  la  tête  ;  parce  que  la  vapeur 
qui  eft  dans  un  efpace  libre  fe  raréfie  &  fo 
dilate  continuellement. 

io°.  Les  queues  font  tranfparentes  y  parce 
qu'elles  ne  font  que  des  vapeurs  très- déliées  , 
&c. 

On  voit  donc  que  cette  hypothefe  fur  les 
queues  des  comètes  s'accorde  avec  tous  IcjS 
phénomènes. 

Phafes  des  comètes.  Le  noyau  qu'on  ap- 
pelle auffi  corps  ou  tête  de  la  comète  ,  étant 
regardé  au  travers  d'un  télefcope  ,  paroît 
d'une  forme  diftcrente  de  celle  des  étoiles, 
fixes  ou  des  planètes. 

Sturmius  rapporte  qu'en  obfèrvant  la  co- 
mete  de  i68o  avec  un  télefcope,  il  la  trouva; 
moins  liirriineufe  vers  les  bords  que  dans  le- 
centre,  &  qu'elle  lui  parut  plutôt  refferabler. 
à  un  charbon  enflammé  d'un  feu  obfcur^ou 
à  une  m.afiè  informée  de  matière  éclairée  parr 
une  lumière  accompagnée  de  fumée  ,  qu'à-; 
une  étoile  ronde  &  d'une  lumière  vive. 

Hévéiius  obfèrvant  la  comète  de  i66i  y, 
trouva  que  le  corps  étoit  d'une  lumière  jau-- 
nâtre ,  brillante ,  &  terminée ,  mais  fans  étin- 
celer  ,  ayant  dans  le  milieu  un  noyau  rou-- 
geâtre  delà  grofTcur  de  Jupiter ,  &  environné 
d'une  matière  beaucoup  plus  rare.  Le  5  fé-- 
vrier  fa  tête  étoit  un  peu  plus  foncée  &  plus.. 
brillante  que  la  couleur  d'or  ,  mais  d'une  lu- 
mière plus  fbmibre  que  le  refle  des  étoiles  :, 
de  plus  le  noyau  lui  parut  divifé  en  pîufieura 
parties.  Le  6  le  difque  étoit  dimJnué  ,  le 
noyau  toujours  exiflant,  mais  moindre  qu'au- 
paravant :   une  de  ces  parties  dont  on  vient: 
de  parler  ,  celle  qui  étoit  au  bas  de  la  comète 
&  fur  la  gauche ,  fembloit  plus  denfe  &  plus 
lumincufè  que  le  reile  :  le  corps  entier  étoit 
rond,  &  repréfentoit  une  étoile  très  peu  lu- 
mineufè,  &  le  noyau  paroiHoit  toujours  en- 
\'ironné  d'une  matière  clifîérente  de  la  iienncé 
Le  lo  la  tête  de  la  comète  étoit  m\  peu  obf- 
cure  ,   &  le  noyau  moins  term.ir.é  ,   mais-, 
plus  brillant  vers  le  haut  que  vers  le  bas.  Le' 
i3latête  étoit  fort  diminuée  ,  tant  en  gran- 
deur qu'en  lumière.  Le  i  miars  fa  rondeur 
étoit  altérée  5  &  fcs  bords  dentelés ,  &ci  Lo; 


C  O  M 

2.8  mars  elle  étoit  très-pâle ,  &  extrêmement 
rare ,  fa  matière  fort  diiperfée  ,  &  faiis 
noyau  diftingué  du  reftc. 

Weigelius  qui  en  obfervant  la  comète  de 
1664,  vit  dans  le  même  moment  la  lune  & 
m\  petit  nuage  éclairé  par  le  foleil  ,  trouva 
({iiQ.  la  comète  ,  au  lieu  d'être  d'une  lumière 
continue  comme  la  lune ,  reffembloit  au  con- 
traire à  une  efpece  de  nuage  :  c'eil  ce  qui  lui 
avoit  fait  conclure  que  les  comètes  étoient  , 
ainfi  que  les  taches  du  foleil ,  des  exhalaifons 
de  cet  aftre.  La  longueur  de  la  queue  des 
comètes  eft  variable  j  celle  de  1680 ,  fuivant 
Sturmius ,  n'avoit  guère  le  20  décembre  que 
vingt  degrés  de  longueur  :  en  peu  de  temps 
elle  s'accrut  jufqu'à  foixante  degrés  j  enfuite 
elle  diminua  très-fenfîblement.  Wolf. 

Formation  des  queues  des  comètes.  M. 
Newton  a  fait  voir  que  l'atmofphere  àQS  co- 
mètes ^entïounÙY  une  vapeur  fuffifante  pour 
former  leurs  queues  j  il  fe  fonde  fur  l'extrême 
dilatation  de  l'air  à  une  certaine  diftance  de 
la  terre  ^  un  pouce  cube  d'air  commun  cievé 
à  la  diftance  d'un  demi-diametre  de  la  terre  , 
feroit  fuffifant  pour  remplir  un  efpace  aufii 
grand  que  toute  la  région  des  étoiles  ,  c'eft 
ce  qu'a  démontré  M.  Gregory  dans  fon  af- 
tronomie  phyfique.  Puis  donc  que  la  cheve- 
lure ou  l'atmoiphere  de  la  comcte  eft  dix  fois 
plus  haute  que  la  furface  du  noyau ,  qWq  doit 
être  prodigieufement  rare  ,  &  il  eft  tout  fîm- 
ple  qu'on  voie  les  étoiles  au  travers. 

Quant  à  l'afcenfion  à^s  vapeurs  qui  for- 
ment la  queue  des  comètes ,  Newton  la  fup; 
pofë  occafionée  par  la  raréfaâion  de  l'at- 
inofphere  au  temps  du  périhélie.  La  fumée 
comme  tout  le  monde  fut ,  s'élève  par  l'im- 
pulfion  de  l'air  dans  lequel  elle  nage  ^  l'air  le 
plus  raréfié  monte  par  la  diminution  de  fa 
pefanteur  fpccifîque  ,  &  enlevé  avec  lui  la 
ftimée.  Pourquoi  ne  fuppoferoit-on  pas  que 
la  queue  d'une  comète  fèroit  élevée  de  la 
même  manière  par  la  chaleur  du  fokil? 

Les  queues  étant  ainfi  produites ,  la  force 
qu'elles  ont  po"ur  conferver  leur  mouvement 
&  celle  qui  les  pouffe  vers  le  foleil,  les  oblige 
à  décrire  des  ellipses  ainfi  que  la  comète 
même  ,  &  à  l'accompagner  dans  toute  fon 
orbite.  En  effet ,  la  gravitation  des  vapeurs 
vers  le  foleil ,  n'eft  pas  plus  propre  à  déta- 
cher la  queue  d'une  comète  de  fa  tête  &  à  la 
f^ire  tomber  fur  le  foleil,  qu'à  détachcM"  la 


C  O  M  5^7 

terre  de  ion  atmosphère  ^  mais  leur  gravita- 
tion commune  cik  caufe  qu'elles  fè  m.euvent 
également ,  &  qu'elles  font  pouffées  de  la 
miêmc  manière. 

Par  ce  moyen  les  queues  des  comètes  pro- 
duites pendant  le  temps  de  leurs  périhélies, 
peuvent  être  entraînées  avec  ces  aftres  dans 
les  régions  du  ciel  les  plus  reculées  ,  &  reve- 
nir enfuite  avec  les  comètes  au  bout  à'm\ 
grand  nombre  d'années  :  mais  il  eft  plus 
naturel  qu'elles  iè  détruifent  peu  à  peu  en- 
tièrement, &  qu'en  fè  rapprochant  du  foleil 
les  comètes  Qw  reprennent  de  nouvelles,  d'a- 
bord très-peu  fenfibles  ,  enfuit&pîus  gran- 
des par  degrés  jufqu'au  périhélie  ,  temps 
auquel  elles  reprennent  toute  leur  grandeur , 
la  comète  étant  alors  le  plus  échauffée  qu'il 
eft  pofîîble. 

Les  vapeurs  dont  zç.%  queues  font  compo- 
iô.QS^  fe  dilatant  &  fe  répandant  dans  toutes 
\qs  régions  céleftes ,  font  vraifèmbîablement , 
ainfi  que  M.  Newton  l'obferve,  attirées  par 
les  planètes  ,  &  mêlées  avec  leurs  atmofphe- 
res.  Il  ajoute  que  les  comètes  femblent  nécef- 
faires  pour  l'entretien  des  liquides  qui  fbïit 
fur  \c^  planètes  ,  le/quels  s'évaporent  conti- 
nuellement par  les  végétations  &  \(^s  putré- 
factions ,  &  fè  convertiffent  en  terre  feche. 
Car  comme  tous  \^.%  végétaux  fë  nourriffent 
&  s'accroifiënt  par  \^s  fluides,  &  qu'ils  re- 
deviennent terre  pour  la  plus  grande  partie 
par  la  putréfaftion  (  comme  on  le  peut  voir 
par  le  limon  que  \zs  liqueurs  putréfiantes  dé- 
pofènt continuellement  ) ,  il  s'enfuitque  pen- 
dant que  la  terre  s'accroît  fans  ceffe  ,  reali 
diminueroit  en  même  proportion,  fila  perte 
n'en  étoit  pas  rétablie  par  d'autres  matières. 
M.  Newton  foupçonne  que  cette  partie  ,  la 
plus  fubtile  &  la  meilleure  de  notre  air ,'  la- 
quelle eft  abfolument  néceffaire  pour  la  vie 
&  l'entretien  de  tous  les  êtres ,  vient  princi- 
palement des  comètes. 

D'après  ce  principe  ,  il  y  auroit  quelque 
fondement  aux  opinions  populaires  des  pré- 
fages  des  comètes ,  puifque  \qs  queues  des 
comètes  (c  mêlant  ainfi  avec  notre  atmofphe- 
re ,  pourroient  avoir  des  influences  fenfibles 
fur  les  corps  animaux  &  végétaux. 

Il  y  a  beaucoup  de  variétés  dans  la  gran- 
deur des  comètes.  Quelques-unes  ,  indépen- 
damment de  leur  queue  ,  paroilfent  fiirpaf- 
ièi"  daiis  certaines  circonftances  favorables 
E  e  e  e  2 


V 


588  C  O  M 

cie  leur  apparition  5  les  étoiles  de  la  première 
&  de  la  féconde  grandeur.  Enfin ,  fi  on  coii- 
iiilte  les  hiftoriens  qui  en  ont  parlé  ,  il  fëm- 
ble  qu'aucune  comète  n'ait  jamais  paru  aufll 
grande  que  celle  qui  fut  obfervée  du  temps 
de  Néron  :  cette  comète  ,  félon  Séneque  , 
égaloit  le  foleil  en  groflcur.  Hévélius  en  a 
cependant  obfervé  une  autre  en  1651  pref- 
qu'aufîi  grande  que  la  lune  ,  mais  elle  étoit 
bien  inférieure  en  lumière  à  cette  planète  , 
étant  extraordinairement  pâle  &  comme  en- 
veloppée de  fumées ,  qui ,  loin  de  lui  lailîèr 
quelque  éclat ,  rendoient  fon  afpe6è  allez 
trille  &  peu  agréable  aux  yeux. 

M.  Fatio  remarque  que  quelques-unes  des 
comètes  ayant  leurs  nœuds  proche  de  l'or- 
bite de  la  terre  ,  il  pourroit  arriver  que  la 
terre  fe  trouveroit  dans  la  partie  de  fon  or- 
bite ,  qui  feroit  voifîne  de  ce  nœud  au  temps 
où  la  coOTf re  viendroit  àypaficr^  &  comme 
le  mouvement  apparent  de  la  comète  fèroit 
alors  fi  prom.pt ,  que  fa  parallaxe  feroit  très- 
fènfible,  &  que  la  proportion  de  cette  paral- 
laxe à  celle  du  foleil  leroit  donnée,  on  pour- 
roit avoir  en  ce  cas  la  parallaxe  du  Ibleil 
déterminée  plusexad^ement  que  par  aucune 
méthode. 

La  comète  de  1472. ,  par  exemple  ,  avoit 
une  parallaxe  qui  furpalfoit  plus  de  vingt 
fois  celle  du  foleil  j  &  celle  de  1 5 1 3  en  auroit 
eu  une  beaucoup  plus  fènfible  ,  fi  elle  fût 
arrivée  à  fon  nceud  au  commencement  de 
niars.  Quoi  qu'il  en  foit ,  aucune  n'a  plus 
menacé  la  terre  de  fon  voifinage  que  celle 
de  1680^  car  M.  Halley  a  trouvé  par  le  cal- 
cul ,  que  le  1 1  novembre  cette  comète  avoit 
paifé  au  nord  de  l'orbite  de  la  terre  à  envi- 
ron 60  derai-diametres  de  la  terre  ,  enforte 
que  H  dans  ce  temps  la  terre  avoit  été  dans 
cette  partie  de  fon  orbite  ,  la  parallaxe  de 
la  comète  auroit  égalé  celle  de  la  lune  j  &  il 
feroit  peut-être  réiiilté  de  ce  voifinage  un 
conta£^  ou  un  choc  des  deux  planètes  :  fui- 
vant  M.  Whifton  il  en  feroit  rcfulté  mi  dé- 
luge. Voye[  plus  bas. 

Mouvement  des  comètes.  Le  mouvement 
propre  de  chaque  comète  ne  iê  fait  pas  ,  à 
beaucoup  près ,  dans  le  même  fens ,  puifqu'il 
eft  varié  à  l'infini ,  les  unes  s'avançant  d'oc- 
cident en  orient ,  lorfqu'au  contraire  les  au- 
tres fe  trouvent  emportées  contre  l'ordre  des 
iignes^  c'ej8:-à-dirc  dans  unfeûs  oppofé  à  ce- 


C  O  M 

lui  des  planètes.  Bien  plus  ,  depuis  que  l'em 
obièr^'e  le  cours  des  comètes  avec  quelque  at- 
tention ,  on  s'efi:  apperçu  qu'il  le  dirigeoit 
tantôt  vers  le  nord ,  &  tantôt  vers  le  midi , 
&  cela  avec  des  iiiclinaifons  fi  différentes , 
qu'il  n'a  pas  été  poffible  de  les  renfermer  dans 
un  zodiaque  de  la  même  manière  que  les  pla- 
nètes j  car  fi  elles  fe  trouvent  une  fois  dans  ce 
zodiaque ,  elles  en  fortent  bientôt  avec  plus 
on  moins  de  vîtefie  &  par  différens  côtés.. 
Regiom.ontanus  en  a  obfervé  une  qui  paroif- 
foit  avoir  une  vîteffe  bien  extraordinaire  , 
puisqu'elle  parcourut  en  un  jour  40  degrés. 
Enfin  j  il  y  a  des  comètes  dont  le  mouvement 
efc  plus  rapide  au  commencement  qu'à  la  fin 
de  leur  cours  \  d'autres  au  contraire  fe  meu- 
vent très-rapidement  au  milieu  ,  &  très-len  - 
temeut ,  foit  au  commencement ,  foit  à  la 
fin  de  leur  apparition.  Toutes  ces  variétés, 
dans  le  mouvement  des  comètes  ,  fiir-tout  la 
diverfité  de  l'iuclinaifon  de  leurs  orbites ,  6c 
la  direûion  fi  variée  de  leurs  mouvemens  , 
prouvent  bien  qu'elles  ne  font  point  empor- 
tées par  un  fluide  en  tourbillon  ,  qui  devroit 
les  diriger  toutes  dans  le  m,ênie  fens  ,  &  à 
peu-près  dans  le  même  plan  ^  aulTi  eft-ce  une 
des  objei^ions  des  plus  fortes  contre  le  fyf- 
tême  des  Cartéfiens  ,  &  à  laquelle  ils  n'ont 
jamais  répondu. 

Si  on  fùppofe  avec  quelques  auteurs  que 
les  comètes  parcourent  des  lignes  exactement 
paraboliques  ,  elles  doivent  venir  d'une  dif- 
tance  infiniment  éloignée  ,  en  s'apprcchant 
continuellement  du  foleil  par  la  force  centri- 
pète ,  &  acquérir  par  ce  moyen  affez  de  vî- 
tefie pour  remonter  l'autre  branche  de  la  pa- 
rabole en  s'éloignant  du  foleil  jufqu'à  l'infi- 
ni ,  &  de  cette  manière  ne  revenir  jamais. 
Mais  la  fréquence  de  leur  apparition  fembie 
mettre  hors  de  doute  qu'elles  fe  meuvent 
comme  les  planètes  dans  des  orbites  ellipti- 
ques fort  excentriques,  &  qu'elles  reviennent 
dans  des  périodes  fixes  quoique  très-longues» 
Voyei  Orbite  &  Planète. 

Les  aftronomes  font  partagés  £m  leur  re- 
tour :  Newton  ,  Flamfteed  ,  Halley  &  tous 
les  afironomes  anglois  font  pour  le  retour  de 
ces  aflres  j  Caffini  &  plufieurs  autres  aftro- 
nomes de  France  l'ont  regardé  auffi  comme 
très -probable^  la  Hire  s'y  oppofe  avec  quel- 
ques aflronomes  ,  &c.  Ceux  qui  fon-t  pour  le 
retQur  veulent  que  les  comctcs  décrivent  des 


C  O  M 

orbes  fort  excentriques  :  félon  eux  ce  n'eft 
que  dans  une  très -petite  partie  de  leur  révo- 
lution que  nous  les  pouvons  appercevoir  j 
au  delà  de  cette  partie  on  ne  fauroit  plus  les 
découvrir  ,  ni  à  la  vue  fimple ,  ni  avec  les 
meilleurs  télefcopes.  La  queftion  du  retour 
des  comètes  cft  du  nombre  de  celles  que  no- 
tre poftérité  feule  pourra  réfoudre.  Cepen- 
dant l'opinion  de  Newton  eft  la  plus  vrai- 
ièmblable.  En  voici  les  preuves. 

On  ne  fauroit  regarder  comme  deux  diffé- 
rentes planètes ,  celles  dont  les  orbites  cou- 
pent leeliptique  fous  le  même  angle,  &  dont 
la  vîtefîé  eft  la  même  dans  le  périhélie  ^  il  faut 
donc  aufll  que  deux  comètes  vues  dans  diffé- 
rens  temps ,  mais  qui  s'accordent  à  l'égard 
de  ces  trois  circonftances ,  ne  puillént  être 
autre  chofe  que  la  même  comète  ;  c'eit  ce 
qu'on  a  obfervé  ,  fuivant  quelques  auteurs , 
pour  différentes  comètes  ,  comme  on  le  verra 
dans  la  fuite  de  cet  article  ^  cependant  il  n'eft 
pas  néceffaire  que  l'accord  foit  ft  exad  pour 
conclure  que  deux  comètes  font  la  même.  La 
lune  qui  eft  fi  irréguliere  dans  toutes  ces  cir- 
conftances ,  fait  penfer  à  M.  CaiTini  qu'il  en 
pourroitêtre  de  même  dss  comètes  ,  &  qu'on 
en  a  pris  pour  de  différentes  plulieurs  qui 
li'éroient  que  les  mêmes. 

La  grande  objedlion  qu'on  fait  contre  le 
retour  des  comètes  ,  c'eft  la  rareté  de  leurs 
apparitions  par  rapport  au  nsmbre  de  révo- 
lutions qu'on  leur  fuppofe. 

En  1702  on  vit  à  Rome  une  comète  ,  ou 
plutôt  la  queue  d'une  comète,  que  M.Caftîni 
prit  pour  la  même  que  celle  qui  fut  obfervée 
par  Ariftote ,  &  qui  avoit  reparu  depuis  en 
166'i  ,  enibrte  que  fa  révolution  feroit  de 
34  ans  ^  mais  il  paroît  bien  étrange  qu'une 
comète  qui  a  une  révolution  II  courte  ,  &  qui 
revient  par  conféquent  fî  fouvent ,  fe«montre 
cependant  fi  rarement. 

Dans  le  mois  d'avril  de  la  même  année 
1702  ,  MM.  Bianchini  &  Maraldi  cbfer- 
verentune  comète  ,  qu'ils  regardèrent  comme 
la  même  que  celle  de  1664  ,  tant  par  rap- 
port à  fon  mouvement  qu'à  fa  vîteiTe  &  à  fe 
direction.  M.  de  la  Hire  voulut  que  cette 
comète  eût  quelque  relation  à  une  autre  qu'il 
avoit  obfervée  en  1698  ,  tk  que  M.  Caflîni 
rapporte  à  celle  de  i<552.  Dans  cette /fiip- 
pofition  la  période  de  cette  comète  feroit  de 
43  mois  j  &le  nombre  des  révolutions  qu'elle 


C  O  M  5S5 

auroit  euesdel'année  1652  à  l'année  1698  , 
feroit  de  quatorze. 

Mais  on  ne  peut  fuppofer  que  dans  un 
temps  où  le  ciel  eft  obfervé  fi  foigneufement, 
un  aftre  fît  quatorze  révolutions  fans  qu'on 
s'en  apperçût ,  &  fur-tout  un  aftre  dont  les 
apparitions  feroieut  de  plus  d'un  mois  ,  & 
fouvent  dégagées  des  crépufcules. 

C'eft  pour  cette  raifon  que  M.  Caflîni  eft 
très-réfervé  dans  l'affertion  du  retour  des 
comètes  ;  il  regarde  ces  aftres  comme  des 
planètes  ,  à  la  vérité ,  mais  fujettes  à  beau- 
coup d'irrégularités. 

M.  de  la  Hire  fait  une  objeâ:ion  géné- 
rale contre  le  fyftême  entier  des  comètes  , 
qui  ièmbleroit  retrancher  ces  aftres  du  nom- 
bre des  planètes  \  c'eft  que  par  la  diipofition 
donnée  néceffairement  à  leur  cours  ,  elles 
devroient  paroître  auffi  petites  au  com.men- 
cement  qu'à  la  fin  ,  &  augmenter  jufqu'à  ce 
qu'elles  arrivent  à  leur  plus  grande  proxi- 
mité de  la  terre  ^  ou  du  moins  que  s  il  ne 
leur  arrive  d'être  obfervées  que  lorfqu'clles 
font  d'une  certaine  grandeur,  faute  d'y  avoir 
fait  attention  auparavant  ,  il  faudroit  au 
moins  qu'on  les  apperçût  fouvent  avant  qu'el- 
les fuffent  arrivées  à  leur  plus  grand  éclat  ; 
cependant,  ajoute-t-il,  aucune  n'a  été  ob- 
fervée avant  d'être  arrivée  à  ce  point. 

Mais  la  comète  que  l'on  a  vue  dans  le 
mois  d'oâiobre  1723  ,  à  une  fi  grande  dif- 
tance  qu'elle  étoit  trop  petite  &  trop  obfcure 
pour  être  apperçue  fans  télefcope ,  peut  fer- 
vir  à  réfuter  cette  objeftion  &  à  rétablir  les 
comètes  au  rang  des  planètes. 

Le  dofteur  Halley  a  donné  une  table  des 
élémens  aftronomiques  de  toutes  les  comètes 
qui  ont  été  observées  avec  quelque  foin ,  par 
le  fecours  de  laquelle  on  pourra  toujours  re- 
connoître  fi  quelque  comète  qu'on  viendra 
à  obferver  nepourroit  pas  être  quelqu'une 
de  celles  qu'il  a  calculées ,  &  favoir  par  con- 
séquent &  la  période  &:  la  pofition  de  l'axe 
de  fon  orbite. 

La  comète  obfervée  en  1532  a  plufieurs 
circonftances  qui  la  doivent  faire  croire  la 
même  que  celle  qui  a  été  obfervée  en  1607, 
par  Kepler  &  par  Longomoutan ,  &:  que 
celle  que  le  doâ:eur  Hailey  a  obfervée  en- 
fuite  en  1682.  Tous  les  élémens  s'accordent  y 
&  rien  ne  s'oppofe  à  cette  opinion  que  l'iné- 
I  galité  des  temps  des  révolutions  :  mais  fiiv; 


55-3 


C  O  M 


vaut  le  cîodleur  Halley  on  pourrolt  expîiqi:er' 
par  des  caiifes  phyfiqaes  cette  inégalité  3  & 
l'on  en  a  un  exemple  clans  Saturne  ,  dont  le 
mouvement  eft  tellement  troublé  par  les  au- 
tres planètes ,  &  principalement  par  Jupiter , 
que  fa  période  varie  de  plufieurs  jours.  Pour- 
quoi donc  ne  fuppoferoit-on  pas  de  pareil- 
les altérations  dans  les  comètes ,  qui  font  beau- 
coup plus  éloignées  que  Saturne  ,  &  dont  la 
Vi telle  ,  avec  la  plus  petite  augmicntation  , 
pourroit  donner  au  lieu  d'un  orbe  ellipti- 
que un  orbe  parabolique  ? 

Ce  qui  confirme  le  plus  cette  identité  , 
c'eft  l'apparition  d'une  autre  co;;:^/^  dans  l'été 
de  1456  ,  qui  à  la  vérité  n'a  pas  été  obfervée 
a\"ec  préciiîcn  ,  mais  fe  rencontre  tellement 
avec  les  trois  autres  par  rapport  à  la  période 
&  aux  circonftances  de  fa  route  ,  que  Hal- 
ley ne  fait  point  de  difficulté  de  les  regar- 
der toutes  comme  la  même  comète  ,  &  il 
s'eft  avancé  jufqu'à  prédire  le  retour  de  cette 
co//'2£'i'e  pour  Tannée  1758. 

La  période  de  cette  comète ,  félon  M. 
Halley  ,  eft  de  75  ans  1 ,  &  il  en  a  déjà 
eompté  quatre  révolutions ,  fa  période  fe  fai- 
fanî  en  beaucoup  moins  de  temps  que  celle 
des  comètes.  M.  Machin  croit  que  celle  de 
1737  a  une  période  d'environ  180  ans  , 
parce  qu'elle  lui  paroît  la  même  que  celle 
qui  a  paru  en  1556.  Voye^  les  Tranfaâions 
philofophiqiies  ^  rP.â^G.  M.  Halley  a  remar- 
qué de  plus  qu'il  avoit  paru  quatre  fois 
de  fuite  une  comète  dans  l'intervalle  de  575 
ans  ^  favoir  au  mois  de  Icptembre  ,  im.mé- 
diatement  après  la  mort  de  Juîes-Céfar  , 
enfuite  l'an  de  Jefus-Chift  531  fous  le  con- 
fulat  de  Lampadius  &  d'Oreftes ,  puis  au 
mois  de  février  1106,  &  en  dernier  lieu 
fur  la  fin  de  l'année  1680  j  ce  favant  af- 
tronome  conje£iure  de- là  que  la  période 
de  la  fameufe  comète  de  1680  pourroit  bien 
^tre  de  575  ans  \  c'eft  ce  que  nos  defcen- 
dans  pourront  vérifier.  Il  y  a  une  chofe 
finguliere  fur  cette  période  ,  c'eft  qu'en  re- 
montant de  575  ans  en  575  depuis  l'année 
de  la  mort  de  Jules-Céfar  ,  où  on  croit 
que  cette  comète  a  paru ,  on  tombe  dans 
l'année  du  déluge  ^  c'eft  ce  qui  a  fait  pen- 
fer  à  Whifton  que  le  déluge  univerfel  pour- 
roit bien  avoir  été  occafioné  par  la  rencon- 
tre ou  l'approche  de  la  comète ,  qui  fe  trouva 
apparemment  alors  fort  près  de  la  terre  j 


C  O  M 

&  cette  opinion  qui  au  fond  ne  doit  être 
regardée  que  comme  une  conjecture  aflèz 
légère  ,  n'a  rien  en  foi  de  contraire  ni  à 
la  faine  philofophie  qui  nous  apprend  (  quel- 
que fyftême  que  l'on  fuive  )  que  l'appro- 
che d'une  telle  comète  cft  capable  de  bou- 
leverfer  le  globe  que  nous  habitons  :  ni  à 
la  foi  5  qui  nous  apprend  que  Dieu  fe  fer- 
vit  du  déluge  pour  punir  les  crimes  des 
hommes.  Car  Dieu  qui  avoit  prévu  de  toute 
éternité  cette  punition  ,  avoit  pu  diipofer 
le  mouvement  de  "cette  comète  de  manière 
que  par  fon  approche  elle  fervît  à  fa  ven- 
geance. Whifton  croit  cependant  que  cette 
queue  de  comète  auroit  fait  courir  à  l'arche 
un  grand  péril  ^  mais  Dieu  qui  avoit  fait 
conftruire  l'arche  veilloit  à  fa  confervation. 
Voyei^  le  fjjlême  folaire  de  Whifton  où  les 
orbites  des  différentes  comètes  font  tracées  , 
&  où  l'on  trouve  les  périodes  de  plufieurs 
qui  font  connues. 

Déterminer  le  lieu  6*  le  cours  dtune  comète» 
Obfervez  la  diftance  d'une  comète  à  deux 
étoiles  fixes  dont  \q.s  longitudes  &:  \&z  lati- 
tudes font  connues.  Par  le  moyen  de  ces 
diftances  ainfi  trouvées ,  calculez  le  lieu  de 
la  comète  par  la  trigonométrie  ,  en  fuivant 
la  nîéthode  enfeignée  à  Vanicle  Planete^ 
Répétant  enfiiite  ces  obfèrvations  &  ces 
opérations  pendant  pluiîeurs  jours  confécu- 
tifs ,  le  cours  de  la  comète  fera  déterminé. 

Déterminer  le  cours  d'une  Comète  mécha- 
niquement  6»  fans  les  injirumens  ordinaires, 

L'ingénieufe  méthode  que  nous  allons 
expliquer  ,  eft  due  à  Longcmontan  :  elle 
confîfte  à  obfcrver  ,  par  le  fecours  d'un  fil 
la  comète  dans  l'interfediion  des  deux  lignes 
qui  pallént  par  deux  étoiles  :  ce  qui  eft 
fort  facile  dans  la  pratique.  Suppofons,par 
exemple ,  que  le  lieu  de  la  comète  foit  en 
A  X  P.  aftron.  fig.  2^.^,  entre  les  quatre 
étoiles  B  j  C  ,  D  ,  E  ,  dans  l'interfeâiioii 
de  la  ligne  qui  pafteroit  par  B  &  par  D , 
&  de  celle  qui  pafîeroit  par  C  &  par  E, 

Ayant  pris  un  globe  où  ces  quatre  étoi- 
les foient  marquées,  on  tendra  un  fil  qui 
paflé  par  B  &  par  D  ,  &  un  autre  par  D 
&  par  E  :  le  point  d'interfeftion  fera  le 
lieu  de  la  comète.  Répétant  cette  opération 
pendant  phifieurs  jours,  on  aura  fur  le  globe 
le  cours  de  la  comète  ,  qui  fè  trouvera 
un  grand  cercle ,  par  deux  points  duquel 


CO  M 

on  trouvera  aîfément  rincliiialfon  à  1  eclip- 
tique  ,  &  ie  lien  des  nœuds ,  en  obicrvant 
limplement  le  lieu  où  un  fil  tendu  fur  ces  deux 
points  coupe  1  ecliptique.  Pour  déterminer  la 
parallaxe  d'une  comcte^  voye^  PAR.ALLAXE. 

Voilà  à-peu-près  tout  ce  que  nous  pou- 
vons dire  fur  les  ccmetes ,  dans  un  ouvrage 
de  la  nature  de  celui-ci.  Tout  ce  que  nous 
avons  dit  fur  la  nature  des  orbites  que  ces 
corps  décrivent ,  &  fur  leurs  mouvemcns  , 
peut  être  regardé  comme  vrai  géométrique- 
ment. Il  n'en  eft  pas  de  même  de  leurs 
queues ,  &  de  la  nature  des  particules  qui 
les  compofent  :  nous  n'avons  fait  qu'expo- 
fer  fur  cela  les  conjeftures  les  plus  proba- 
bles. Les  obfervations  nous  apprendront 
dans  la  fuite  ce  qu'on  doit  penièr  de  leur 
retour.  Ce  qu'on  peut  au  moins  aiTurer  , 
c'eft  qu'il  réiiilte  des  obfervations  que  les 
comètes  décrivent  des  orbites  à-peu-près  pa- 
raboliques ,  c'efl-à-dire  qui  peuvent  être 
traitées  comme  paraboliques  dans  la  par- 
tie de  l'orbite  de  la  comète  que  nous  pou- 
vons appercevoir.  Si  ces  orbites  font  des 
ellipfes ,  le  retour  de  la  comète  eft  certain  f, 
fi  ce  font  des  paraboles  ou  des  hyperboles , 
le  retour  eft  impoflible.  Le  célèbre  M. 
Newton  nous  a  donné  la  méthode  de  cal- 
culer leurs  mouvemens  ^  8c  ce  problême  , 
Win  des  plus  difficiles  de  l'aftronomie  ,  eft 
expliqué  fort  au  long  à  la  fin  du  troifieme 
livre  de  ks  principes.  M.  le  Monnier  ,  de 
l'académie  royale  des  fciences  ,  nous  a 
auiîî  donné,  en  1743  ,  un  ouvrage  intitulé 
la  théorie  des  comètes  ^  in-%^:  Cet  ouvrage 
peut  être  conçu  com.me  divifé  en  cinq  par- 
ties. Dans  la  première  ,  qui  a  pour  titre 
difcours fur  la  théorie  des  comètes^  M.  le 
Monnier  expofc  les  principaux  phénomènes 
du  mouvement  des  comètes ,  &  les  plus  in> 
portans  préceptes  de  l'aftronomie  qui  leur 
eft  propre.  Il  donne  enfuite  un  précis  de 
la  doftrine  de  M.  Newton  fur  les  comètes-^ 
&  il  termiine  ce  difcours  par  le  calcul  de 
l'orbite  de  la  comète  de  1742  ,  d'après  la 
méthode  de  M.  Newton ,  à  laquelle  il  a 
fait  quelques  changemens. 

La  ^zovAq  partie  contient  l'abrégé  de 
Faftronomie  cométique ,  ou  la  cométogra- 
phie  de  M.  Halley  ,  qui  eft  imprimée  en 
latin  à  la  fin  de  l'allronomie  de  Grégori , 
§c  dpiit  M,  le  Moiuiier    nous  douue.  la 


G  O  M  ^^  p 

tradudion  a\'ec  les  notes  de  M.  Whiftoii 
hiférées  dans  le  texte  ,  &  accompagnées 
chs  remarques  &  des  explications'du  tra- 
dudeur. 

La  troifieme  partie  eft  un  fupplém.cnt 
qui  contient  une  hiftoire  abrégée  de  ce 
qu'on  a  fait  depuis  le  commencement  de 
ce  fiecle  ,  pour  perfedionner  la  théorie  des 
comètes. 

Les  deux  autres  parties  contiennent  ^es 
recherches  iîir  les  pofitions  de  différentes 
étoiles  ,  &    fur  les   tables  du   foleil  ,  qui 
n'ont  qu'un    rapport  indired  au   fond  de 
l'ouvrage,  mais  qui  n'en  font  pas  moins, 
utiles  ni  moins   importantes.  Cet  ouvrage 
eft  encore  orné  du  planifphere  de  Whiftoii 
où  font  repréièntées  les  trajeâ:oires  ou  or- 
bites de  toutes  les  comètes   les  mieux  con- 
nues ,  &  les  deux  planifpheres   céleftes  de- 
Flamfteed ,  réduits  en  petit  avec  beaucoup- 
d'art  &  de  propreté.  Ainfi  on  peut  afiurer 
qu'il  eft  peu  de  livres  qui  dans  un  fi  petit 
volume  ,  contiennent   tant  de  choies  eu- 
rieufes   &  utiles  fur  la  fcience   qui  en  fait, 
l'objet.    Auflî    l'académie    a-t-elle    jugé  ,. 
comme  on   le  voit  par  l'extrait  de  fes  re- 
giftres ,  imprimé  au  commencement  de  ce- 
livre  ,  qu'un  ouvrage  fi  utile  à  l'avancement 
de  l'aftronomie  &  au  progrès  de  la  vraie- 
phyfique  célefte ,  ne  pouvoit  que  faire  hon- 
neur à  fon  auteur ,  &  étoit  très  -  digne  de . 
i'imprefllon. 

Ceux  qui  voudront  fe  contenter  d'une  ■ 
expofition  plus  générale  &  plus  fimple  de 
la  théorie  des  comètes  ,  pourront  avoir  re- 
cours au  petit  ouvrage  de  M.  de  Mauper- 
tuis ,  intitulé  lettre  fur  la  comète  qui  parut 
en  1742  ,.  à  l'occafion  de  la  comète  de  cette 
année.  L'auteur  y  explique  avec  beaucoup- 
d'élégance  &  de  clarté ,  le  fyftême  de  M;. 
Newton  fur  \qs  comètes  <,  ^  y  met  ce  lyf-"- 
tême  à  la  portée  du  commun  des  leâreurs,. 

M.  Euler,  géomètre  £  célèbre  aujour- 
d'hui dans  toute  l'Europe  ,  aauftî  fait  im- 
primer à  Berlin  ,  en  1744,  un  ouvrage  in- 
tixulé  theoria  plane/arum  &  cometarum  ,  dans- 
lequel  il  donne  une  méthode  nouvelle  & 
différente  de  celle  de  M.  Newton,  poun- 
déterminer  le  mouvement  des  comètes^ 

Il  a  paru  ^depuis  le  commencement  de 
ce  fiecle  un  affez  grand  nombre  de  come-^ 
jes  ^ks  principales  Qnt  clé  celle,  de  rji-J.^; 


55)1  C  O  M 

do-At  M.  Bradloy  a  donné  le  calcul  dans 
les  Tranfaclions  pkilofophiques  de  la  fbcicté 
royale  de  Londres^  celle  de  172.9,  celle  de 
1737  ,  &  celle  de  1744.  La  première  a 
éré  calcules  par  M.  Deliile,  la  féconde  pir 
M.  Bradley ,  la  troideme  par  M.  le  Mon- 
iiier  ,  &:  plufrjurs  autres  altronomes.  Celic 
de  1723  a  été  rétrograde  ,  les  autres  ont  été 
directes  ^  celle  de  1744  cft  la  plus  brillante 
&  la  plus  remarquable  qu'on  ait  vue  depuii; 

1060. 

Fininbds  cG  long-  article  par  une  obfer- 
varion  bien  propre  à  humilier  les  philofo 
phcs.  En  1596,  dans  un  temps  où  l'on 
étoit  fort  ignorant  fiir  les  comètes  ,  parut  un 
traité  des  cotr.cres  du  fîeur  Jean-Bernard 
Lo!it^ae,  pliilofophe  &  médecin,  où  font 
réiiités  hs  abus  &  témérités  des  vains  afîro- 
log-ues  qui  prédilent  ordinairement  mal- 
heurs à  l'apparition  d'icellcs  ,  traduit  par 
Charles  Ne[)vcu  chirurgien  du  roi  ^  cepen- 
dant en  1680,' les  philofbphes  étoient  en- 
core tellement  dans  l'erreur  fur  ce  ftîjet , 
que  le  fameux  Jacques  Bernoulli  dit  dans 
fbn  ouvrage  far  les  comètes ,  que  lî  le  corps 
de  la  comète  n'eft  pas  un  fîgne  vifible  de 
la  colère  du  ciel,  la  queue  en  pourroit  bien 
être  un.  Dans  ce  même  traité  ,  il  prédit  le 
retour  de  la  comète  de  1680  pour  le  17 
mai  1710  ,  dans  le  figue  de  la  balance.  Au- 
cun agronome  .  dit  M.  de  Voltaire ,  ne  {c 
coucha  cette  nuit  j  mais  la  comète  ne  pa- 
rut point.  (  O  ) 

ce  Si  cet  article  lailfoit  encore  quelque 
chofe  à  délirer,  on  peut  voir  dans  ce  qui  fuit  ,00 
que  M.  de  la  Lande  a  écrit  fur  cette  matière.  » 

Le  retour  de  la  comète  de  1682  ,  obfervée 
en  1759 ,  a  donné  le  dernier  degré  de  certi- 
tude &  d'évidence  à  la  théorie  que  Fon  vient 
d'expliquer:/a  période  s'eft  trouvée  à  la  vérité 
plus  longue  que  la  précédente  d'environ  600 
jours  j  mais  il  eft  prouvé  que  \es  attractions 
ièules  de  Jupiter  &  de  Saturne  pouvoient pro- 
duire une  aulTi  grande  diiîerence.  Je  propofai 
en  1757  à  iVl.  Clairauî  de  lui  calculer  une 
table  des  diftances  de  la  comète  à  Jupiter  &  à 
Saturne  depuis  I53iju{qu"'à  1759  avec  les 
angles  de  commutation  &  les  forces  attrad:i- 
ves  de  ces  deux  planètes  fur  la  comète ,  afin 
qu'il  y  appliquât  fa  théorie  du  problême  des 
trois  corps, &  que  nous  puffions  voir  fi  cette 
atîradion  devoit  accélérer  ou  retarder  le 


C  O  M 

retour  de  hicomcte  qu'on  attendoJt  pour  1757 
ou  1759.  Ce  travail  immenfè  eut  tout  le  ii;c- 
cèsquc  nous  enefpérioas,  comme  je  l'ai  ex- 
pliqué fort  au  long  dans  Xhifloive  &  dans  les 
mémoires  de  l'académie  pour  1769.  M.  Clai- 
rauî trouva  que  la  révolution  de  la  comète 
devoit  être  de  6r  r  jours  plus  grande  que  celle 
de  1607  à  1682,  dont  100  jours  pourl'aétion 
de  Saturne  ,  &  511  pour  l'elfet  de  Jupiter. 
Suivant  ces  premiers  calculs,  elle  devoit  palfer 
dans  fbn  périhélie  au  milieu  d'avril.  [Voye-^^ 
tna  Théorie  des  comètes  ,  à  la  fuite  des  Telles 
de  Halky ,  17  59  ,  page  1 10.  )  Elle  y  paiia  le 
13  mars  :  &  malgré  rimmenfilé  des  calculs 
que  nous  fîmes,  M.  Cîairauttk  moi,  les  quan- 
tités négligées  produifircnt  un  mois  d'erreur 
dans  la  prédidtion  ^  mais  M.  Clairaut  l'avoit 
prévu ,  ôc  il  a  fait  voir  enfuite  que  l'erreur  le 
réduifoit  à  22  jours  ,  &:  qu'il  y  auroit  des 
moyens  de  pouflèr  l'approximation  allez  loin, 
pour  rendre  l'erreur  encore  moindre ,  à  moins 
que  d'autres  attradionsnefè  joignent  à  celles 
de  Jupiter  &  de  Saturne.  Les  recherches  de 
M.  Clairaut  fur  cette  matière  ,  fe  trouvent  en 
abrégé  dans  une  pièce  qui  a  remiporté  le  prix 
de  l'académie  à  Pétersbc»  irgen  1762 ,  &  plus 
en  détail  dans  fa  Théorie  du  mouvement  des 
comètes  \,  C/>z-8°,  1760,  1^1  pag.  A  Paris, 
chez  Lam.bert.  )  On  trouvera  aufli  de  très- 
belles  recherches  de  M.  d'Alembert ,  fur  le 
même  liijeî ,  dans  le  iècond  volume  de  fes 
Opufcules  mathématiques  ^pag.  97  &fuivantes 
&  dans  la  pièce  de  M.  Albert  Euler,  qui  a 
remporté  en  1762  le  prix  propofé  par  l'aca- 
démie de  Pétersbourg ,  concurremment  avec 
M.  Clairaut. 

Il  y  a  encore  deux  comètes  dont  la  période  pa- 
raît connue ,  &  dont  o'i  efpere  le  retour  -^  celle 
de  153 1  &  1661  qu'on  attend  pour  1789  ou 
1790^  celle  de  1264  &de  15  56  qu'on  attend 
pour  1 848.  Au  fujeî  de  cette  dernière ,  on  peut 
voir  les  Mém.  detacad.  1760 ,  pag.  192.  La 
grande  comète  de  1680,  fuivant  M.  Halley  , 
devroitreparoître  en  2254.  Il  croit  quec'eft 
celle  qui  parut  du  temps  de  Céfar  ;  dans  ce 
cas-là  ce  feroit  aufii  celle  dont  parle  Hom.ere 
(  lliad.lV  ^  75.  )  &  cWq.  auroit  paru  619  ans 
avant  J.  C.  Si  cette  comète  de  1680  achevé 
lèpt  révolutions  en  4028  ans ,  elle  a  dû  palfer 
près  de  nous  2349  ans  avant  J.  C. ,  &  peut 
ferviràceux  qui  veulent  expliquer  phyfique- 
mcnt  le  déluge,  comme  M.  Whifton  ,  {t^ew 

theory 


COM 

theory  ofthe  tarth ,  page  i8(5.  )  Mais  il  y  a  1 
des  doutes  fur  celle-ci.  Voye^  à  ce  fujet  ma 
Théorie  des  comptes  ,  page  92.  Quoi  qu'il  en 
foit  de  cette  dernière  ,  il  eft  évident  par  le 
retour  de  la  comète  de  1682  ,  que  les  comètes 
font  périodiques  ,  que  leurs  orbites  font 
elliptiques ,  de  même  quecelles  des  planètes. 

Àinli  les  comètes  ^eiivQnt  fe  calculer  par  les 
mêmes  règles  que  les  planètes,  en  cherchant 
leurs  anomalies ,  leurs  excentricités ,  leurs 
rayons  vefteurs ,  &  leurs  longitudes  géocen- 
triques.  Mais  comme  \qs  ellipfes  des  comètes 
font  très-alongées,  &  que  nous  n'en  voyons 
que  la  partie  inférieure  qui  approche  de  beau- 
coup d'un  iègment  de  parabole ,  tous  les  artro- 
nonies  fe  fervent  de  la  parabole  ,  dont  le 
calcul  eft  beaucoup  plus  (impie ,  &  qui  donne 
à-peii-près  les  mômes  réfultats.  Nous  allons 
expliquer  les  principales  règles  du  mouve- 
ment parabolique  des  comètes ,  eu  ren- 
voyant feulement  pour  les  démonftrations  à 
notre  Aflronomie  ,  liv.  XIX. 

Suppofbns  une  comète  qui  tourne  dans  une 
jîarabolc ,  dont  le  foyer  ou  le  centre  d'attrac- 
tion foit  au  centre  S  du  foleil ,  {Suppl,  des 
planches  ajiron.fig.  8.  )  &  que  cette  parabole 
P D  ait  une  diftance  périhélie  S  P^  égale  à 
la  diftance  moyenne  du  foleil  à  la  terre ,  ou 
au  rayon  du  cercle  PA ,  que  la  terre  eft  fup- 
pofée  décrire  quand  on  néglige  l'excentricité 
de  fon  orbite.  La  vîteife  de  la  comète  en  P 
eft  à  celle  de  la  terre  dans  fon  cercle  ,  à  pa- 
reille diftance ,  comme  la  racine  de  deux  eft 
à  l'unité  ,  environ  comme  fept  eft  à  cinq  ^ 
tel  eft  le  rapport  des  aires  ou  des  furfaces  dé- 
crites qui  ont  lieu  perpétuellement  dans  la 
parabol*  &  dans  le  cercle. 

Les  aires  étant  proportionnelles  au  temps , 
liiivant  la  loi  générale  &  univerfelle  des 
mouvemens  planétaires  ,  on  a  toujours  pour 
un  temps  donné  l'aire  parabolique  PSD, 
aufti~tôt  qu'on  fait  le  temps  que  la  comète  a 
employé  à  aller  du  périhélie  P  au  point  D 
de  fa  parabole. 

Connoiflant  le  temps  qui  répond  à  90^^ 
d'anomalie  vraie,  ou  à  l'angle  droit  P  S  R, 
on  trouve  le  temps  qui  répond  à  une  autre 
anomalie  quelconque  ,  ou  à  un  autre  angle 
P  S  Dj  car  nommant  t  la  tangente  de  la 
moitié  de  l'anomalie  vraie  ,  il  fuffit  de  mul- 
tiplier le  quart  de  r^  -|-  3  ^  par  le  temps  qui 
répond  à  90 ,  pour  avoir  le  temps  qui  répond 
à  l'angle  propofé.  Par  ce  moyen  qui  eft  fort 
Tome  FUI, 


COM  ^9i 

fimple ,  on  conftruit  des  tables ,  où  pour  cha-  ' 
que  jour  on  marque  l'anomalie  vraie  corref- 
pondante  ,  &  l'on  diviiè  en  jours  de  grandes 
figures  ,  où  l'on  marque  la  fituation  d'une 
comète  fur  fon  orbite  ,  comme  on  le  voit  fur 
la  parabole PUD,  pour  10  jours,  20,  30, 
&c,  de  diftance  au  périhélie. 

Par  conféquent  on  trouve  le  palTage  d'une 
comète  à  fon  périhélie  ,  lorfqu'on  connoît  le 
jour  où  elle  étoit  en  un  point  D  de  fa  para- 
bole, &  l'angle  PSD,  d'anomalie  vraie  ; 
ainfi  dès  qu'on  connoît  l'anomalie  d'une  co- 
mète pour  un  jour  donné ,  il  eft  aifé  d'en  con- 
clure quel  jour  elle  a  paffé  par  fon  périhélie , 
&  nous  en  ferons  bientôt  ufage  dans  la  dé- 
termination de  ces  orbites. 

Le  rayon  veôeur  <S  D  de  la  comète,  ou  fâ 
diftance  au  foleil  ,eft  égale  à  la  diftance  péri- 
hélie S  P ,  divifée  par  le  carré  du  cofînus  , 
de  la  moitié  de  l'anomalie  vraie ,  ou  de  l'angle 
PSD,  par  une  autre  propriété  de  la  para- 
bole. Ainfi ,  quand  pour  un  temps  donné 
l'on  a  trouvé  l'anomalie  vraie  d'une  comète 
dans  fon  orbite  ,  on  a  le  rayon  veâeur  S  D , 
en  divifant  la  diftance  périhélie  S  P ,  par  le 
carré  du  cofinus  ,  de  la  moitié  de  cette  ano- 
malie ,  &  fi  l'on  a  un  rayon  vecteur  S  D  avec 
l'anomalie  correfpondante  PSD,  on  peut 
également  trouver  la  diftance  périhélie  S  P 
de  cette  même  comète. 

Enfin  il  y  a  une  dernière  propriété  de  la 
parabole ,  qui  eft  d'un  grand  ufage  dans  la 
détermination  des  orbites  descometes.  Quand 
on  connoît  deux  rayons  vecteurs  d'une  para- 
bole ,  avec  l'angle  compris ,  on  peut  trouver 
la  diftance  périhélie ,  &  les  deux  anomalies 
qui  répondent  aux  rayons  veâeurs.  En  fai- 
fant  cette  proportion  ,  la  fomme  des  racines 
des  rayons  vecteurs  eft  à  leur  différence  , 
comme  la  cotangente  de  la  demi-fomme 
des  demi-anomalies  vraies  eft  à  la  tangente 
de  leur  demi-différence.  Quand  on  a  la 
fbmme  &  la  différence  ,  il  eft  aifé  d'avoir 
chacune  des  anomalies  vraies ,  &  de  trotiver, 
par  le  temps  qui  leur  répond ,  le  moment  du 
paffage  par  le  périhélie ,  en  même  temps  que 
le  lieu  clu  périhélie  de  la  comète.  Au  moyen 
d^  théorèmes  précédens ,  on  peut  trouver 
une  parabole  qui  fatisfaffe  à  deux  longitudes 
d'une  comète  obfcrvée  de  la  terre  ,  &  c'eft  en 
quoi  confifte  le  problême  important  de  la 
détermination  des  orbites  des  comètes  ,  quC 
j'ai  expliquées  fort  au  long  dans  mon  Aftro-  ' 

Ffff 


^94  C  O  M 

nome.  Supposons  que  la  terre  fort  en  2'  à  i 
une  di  tance  T  S  da  foleil  .  &  qu'elle  voie  le 
lieu  àz  la  comète  réduit  à  l'écliptique  fur  un 
rayon  T  D  ,  enforte  que  l'angle  ST  D  foit 
l'angle  d'élongation  ,  ou  la  différence  entre 
la  longitude  du  foleil  ,  &:  celle  de  la  comète. 
On  ne  connoît  dans  le  triangle  T  S  D  qu'ua^ 
côté  &  un  angle  ;  on  eft  obligé  de  faire  une 
fuppoiîtion  ou  une  hypothefe  iiir  la  valeur 
du  côté  S  D ,  diilance  accourcie  de  la  comète 
au  foleil  ^  d'après  cette  iiippofitioi-î  arbitraire , 
fi  l'on  veut ,  mais  qui  fera  vérifiée  ou  réfor- 
mée par  la  fuite  du  calcul ,  on  cherche  l'angle 
au  foleil,  fous  la  commutation  T  S  D,  eu 
réfolvaut  le  triangle  2'  S  D,  &l  l'on  a  la  lon- 
gitude héliocentrique  de  la  comète  ;  on  en 
conchit  fa  latitude  héliocentrique ,  f  i  dillancc 
vraie ,  OM  le  rayon  veéreur.  On  fait  la  même 
çliofc  pour  um  féconde  obfervation  ,  &  l'on 
a  deux  longitudes  héliocentriqucs  comptées 
fur  l'orbite  de  la  comète  ,  &  par  confequent 
l'angle  des  deux  rayons  veâreurs ,  qui  efi  né- 
ceiliiirem.ent  la  fomnie  ou  la  différence  de 
deux  anomalies  vraies  f,  on  en  conclura  cha- 
cune des  deux  anoixiaiies  par  la  règle  précé- 
dente, &  par  confequent  le  lieu  du  périhélie 
P,  la  diftance  périhélie  S  F,  ^le  temps  qui 
répond  à  cqs  deux  anomalies  dans  Thypo- 
thefe  qu'on  a  faite  fur  la  dillance  5"  Z>  de  la 
comète  au  foleil.  Si  l'intervalle  de  temps  trouvé 
par  le  moyen  de  ces  deux  anomidies  n'cil 
pas  d'accord  avec  Fintervalie  donné  des  deux 
qbfervations  ,  c'cft  une  preuve  qu'une  des 
deux  diilancesau  foleil  ,  qui  ont  été  fuppo- 
féss  ,  doit  être  changée  :  on  en  confervera 
une  ,  &  l'on  fera  varier  l'autre  par  diverfes 
fuppoiitions  ,  jufqu'à  ce  qu'a  la  fin  du  calcu! 
on  trouve  un  intervalle  de  tempségal  à  celui 
des  deux  obfervationsj  alors  on  aura  une  pa- 
rabole qui  fatisfait  à  tontes  deux  dans  la  pre- 
mière hypothefe  faite  fur  la  diftance  de  la 
comète  au  foleil. 

Mais  il  ne  fuffit  pas  d'avoir  une  parabole 
qui  fatisfalîë  à  l'intervalle  de  deux  obfèrva- 
tions ,  car  il  y  en  a  une  infinité",  &  à  chaque 
hypothefe  qu'on  aura  faite  fur  la  première 
diftance  SD  de  la  comète  au  foleil ,  on  trou- 
vera par  les  diverfes  fuppofitions  de  la  fecont^ 
diftance ,  ou  de  la  diftance  au  foleil ,  dans  ra 
féconde  obfervation ,  une  parabole  qui  fatis- 
fçra  aux  deux  mêmes  obfervations.  La  diffi- 
cplté  qui  refte  eft  de  fe  déterminer  par  une 
troiiîeme  obfervation ,  c'eft-à-dire ^  de  faire 


C  O  M 

un  choix  tntte  toutes  ces  paraboles  qui  repré- 
ientcntles  deux  premières  oblèrvations,  mais: 
dont  une  feule  s'accorde  avec  la  troiiieme. 

Quand  on  a  trois  obfervations  d'une  co- 
mète ,  on  peut  déterminer  fon  orbite  avi 
moyen  des  théorèmes  préccdens,  car  Ton  eft 
en  état  de  trouver  quelle  eft  la  parabole  qui 
fatisfait  à  trois  obfervations  ,  quand  on  en  a 
plufieurs  qui  fatisfont  à  deux  de  ces  obferva- 
tions. On  choiiit  d'abord  deux  longitudes  & 
deux  latitudes  géocentriques  obicrvécs.  On 
cherche  des  paraboles  qui  puiflènt  fetisfaire 
à  ces  deu^K  cbfervations  :  quand  on  a  deux 
ou  trois  paraboles  ,c'eft- à-dire,  deux  ou  trois 
hypothefès  qui  s'accordent  égalem.ent  bien 
avec  les  deux  obfenations  ,  on  calcule  dans 
chacune  de  ces  trois  hypothefès  le  lieu  de  la 
comète  au  temps  de  la  troifieme  obfor\'ation  , 
en  cherchant  le  lieu  du  périhélie  ,  la  diftance 
aphélie ,  le  rayon  veâeur ,  la  longitude  hélio- 
centrique &  enfin  la  longitude  géocentri- 
que  au  temps  de  la  troifieme  obfervation  , 
comme  pour  les  planètes.  Celle  des  différen- 
tes hypothefès ,  qui  s'accorde  le  mieux  avec 
la  longitude  de  la  troifieme  obfervation,  eft 
la  m.eilleure ,  &c  une  fimple  proportion  fuftiî , 
quelquefois  pour  trouver  une  autre  hypothefe 
qui  fatisfalîë  exaéteiricnt  à  toutes  les  trois 
obfervations.  Cette  méthode  indirefte  &  de 
faulîè  pofiticn,  me  paroît  plus  fimpîe  &  plus 
commode  que  les  méthodes  plus  directes  & 
plus  élégantes  ,  données  par  MM.  Euler  ^ 
Fontaine  ,  &c.  <Sv.  J'en  ai  donné  les  détaib , 
!es  préceptes ,  &  les  exemples  dans  le  XIX 
l'ivre  de  mon  ^^honcmie^  je  ne  pcuvois  don- 
ner ici  que  i'eijîriî  de  la  méthode. 

C'eft  par  des  eftais  à-peu-près  feiif^Iables , 
inais  bien  plus  longs  fans  doute  ,  que  M. 
Halley  détermina  par  les  anciennes  obfer- 
vations vingt- quatre  paraboles  ou  orbites 
cométaires ,  y  compris  celle  de  1698.  M. 
Bradiey,  M.  Maraldi  ,  M.  de  la  Caille,  M. 
Struyck  ,  M.  Pingre  ,  &  moi ,  en  avons 
calcule  plufieurs  autres  ,  enforte  que  le 
nombre  s'eft  accru  jufqu'à  61 ,  y  compris 
celle  de  1772  ^  mais  je  ne  compte  que  pour 
une  feule  toutes  les  apparitions  de  celles 
dont  les  périodes  font  connues. 

Les  élémens  d'une  comète  font  les  fix  arti- 
cîesgui  déterminent  la  lituation  &  la  gran- 
deur de  forbite  qu'elle  décrit,  &  qui  établif- 
font  fil  théorie ,  c'eft-à-dire  ,  le  lieu  du  nœud 
vu  du  foleil  j  rincliiiaifoii  5  le  lieu  du  péri- 


C  O  M 

hélie,  la  diilance  périh  lie ,  &  le  temps  moyen 
du  paflkge  par  le  périh  -1  ie  qui  tient  lieu  d'épo- 
que 3  enfin  la  diredion  de  fon  mouvement 
qui  peut  être  direéèe  ou  rétrograde  :  j'ai 
donné  une  grande  table  de  tous  les  élémens 
pour  les  <5i  comètes  connues  dans  mon  Agro- 
nomie. 

Ce  calcul  fondé  fur  l'hypothefe  paraboli- 
que donne  affez  exaé^ement  la  diftance  péri- 
hélie S  F  d'une  comète  au  fbleil ,  &  le  tem.ps 
où  elle  y  a  palTé.  Quand  on  voit  enfuite  que 
deux  comètes  ont  eu  la  même  diftance  péri- 
hélie &  les  mêmes  élémens ,  on  en  conclut 
que  c'eftune  feule  &  même  comète;  la  diffé- 
rence des  deux  palfages  au  périhélie  donne 
la  durée  de  fa  révolution.  Ainli  la  comète  de 
1682  paffapar  fon  périhélie  le  14  (èptembre, 
&  l'on  en  a  vu  en  1759  une  qui ,  fuivant  la 
même  orbite ,  a  paffé  par  fon  périhélie  le  12 
mars  f,  la  différence  eft  de  jô  ans  &  demi  , 
c'eft  la  durée  de  fa  révolution. 

Connoiffant  la  durée  de  fa  révolution,  on 
trouve  la  diftance  moyenne  au  foleil  par  la 
loi  de  Kepler  ,  que  les  carrés  des  temps 
font  comme  les  cubes  des  diftances  j  on  con- 
noît  donc  le  grand  axe  de  l'ellipic  que  la  co- 
mète a  réellement  parcourue  ,  de  même  que 
la  diftance  périhélie ,  &  par  conféquent  l'ex- 
centricité :  on  en  conclut  facilement  fon  ano- 
inalie  m.oyenne  &eniiiite  fon  anomalie  vraie 
•&  fon  rayon  ve£ieur  ,  par  les  méthodes  que 
nous  avons  expl  iquées  pour  les  planètes  j  ainfi 
Von  calcule  le  lieu  d'une  comète  de  la  même 
manière. 

Unefeule  apparition  d'une  comète  obfervée 
pendant  quelques  mois ,  pourroit  fufiTre  à  la 
rigueur  pour  déterminer  cette  ellipfe  toute 
entière  ,  &  par  conféquent  pour  connoître 
la  diftance^oyenne  &  la  révolution ,  &  pré- 
dire le  retour  de  la  comète;  mais  la  partie  PD 
que  nous  pouvons  appercevoir  de  la  terre  , 
eft  /î  petite  en  comparaifon  de  la  partie  de 
l'orbite  qui  échappe  à  notre  vue,  que  les 
erreurs  inévitables  de  nos  obfervations  pro- 
duiroient  des  erreurs  énormes  dans  de  fem- 
blables  prédirions..  Il  eft  inutile  de  lesentre- 
prendre,ni  de  chercher  le  retour  d'une  comète , 
il  ce  n'eft  quand  on  l'a  déjà  vue  deux  fois. 

Quoique  nous  ne  connoiflions  encore  (en 
Ï773  j  que  foixante  Scune  comètes ,  il  eft  évi- 
dent qu'il  y  en  a  un  bien  plus  grand  nombre 
dans  le  fyftême  folaire.  Il  n'y  a  pas  un  iiecle 
cju'on  obierve  les  comètes  avec  foin  j  or  leur» 


C  O  M  ^9ç 

j  périodes  font  ccrtainem.ent  plus  longues  : 
voilà  pourquoi  il  n'y  en  a  qu'une  feule  qu'on 
ait  vue  deux  fois  depuis  un  fîeclc.  Depuis 
quinze  ans  qu'on  obierve  les  cowetes  avec 
encore  plus  d'attention  ,  &  qu'il  y  a  plus 
d'r.ftronomes  attentifs  ,  on  en  a  vu  jufijn'à 
quinze  ,  iJ  peut  donc  fe  faire  qu'il  y  en  ait 
plus  de  trois  cents. 

Whifton  ,  M.  de  Buffon ,  M.'de  Mauper- 
tuis  ,  (S'c.  avoient  déjà  remarqué  que  les  co- 
mètes pourroient  fe  rencontrer  ,  ou  rencon- 
trer la  terre,  &  y  produire  les  plus  étranges 
révolutions  ^  mais  on  n'avoit  fait  à  cet  égard 
que  des  conjeftures  vagues.  J'ai  voulu  exa- 
miner parmi  les  comètes  déjà  connues  ,  s'il  y 
en  avoit  qui  naturellement  puffent  rencon- 
trer la  terre  ,  ou  en  approcher  de  manière  à 
nous  mettre  en  danger;  j'ai  trouvé  qu'il  y  en 
avoit  huit  dont  les  orbites  paffent  très-près 
de  celle  de  la  terre  ^  &  fi  nous  ne  connoif- 
fons  que  la  cinquième  partie  des  comètes ,  il 
peut  y  en  avoir  plus  de  quarante  dans  ce  cas- 
là. Les  dérangemens  que  les  attrapions  étran- 
gères produifent  fiir  le  mouvement  des  co/;??- 
tes^  fuffifent  pour  rapprocher  leurs  nœuds  de 
la  route  de  la  terre  ,  &  par  conféquent  pour 
faire  concourir  les  circonférences  de  leurs 
orbites  avec  la  pôtre  ;  dans  ce  cas-là  ,  chacune 
de  ces  comètes  pourroit  venir  choquer  la  terre, 
ou  du  moins  en  paffer  fi  près  que  la  mer  en 
feroit  foulevée ,  com>me  elle  l'eft  tous  les  jours 
par  le  foleil  &  par  la  lune,&  qu'une  partie  delà 
terre  pourroit  en  être  fubmergéc  :  c'eft  l'objet 
d'un  mémoire  que  j'ai  publié  cette  année ,  & 
qui  a  pour  titre  :  Réflexions  furies  comètes  qui 
peuvent  approcher  de  la  terre  ^  à  Paris  ,  chez 
Gibcrt.  Ces  calculs  qui  avoient  été  annoncés 
dans  quelques  converfations  ,  occafionerent 
dans  Paris  la  terreur  &  ks  bruits  les  plus 
étranges  ^  on  prétendoit  que  j'avois  prédit  la 
fin  du  monde ,  &  il  a  fallu  que  mon  mémoire 
fût  publié  pour  diffper  les  bruits  populaires. 
J'ai  fait  voir  dans  cet  écrit  que  ,  quoique  ces 
rencontres  de  planètes  foicnt  très-poffibles  , 
elles  fiippofont  tant  de  circonftances  réirnies , 
qu'on  ne  fauroit  en  faire  un  objet  de  terreur. 
J'ai  d'ailleurs  obièrvé  que  la  terre  parcou- 
rant fix  cents  mille  lieues  par  jour  dans  feu 
orbite  ,  elle  ne  pouvoit  être  au  plus  qu'une 
heure  de  temps  expofée  à  l'attraciiion  d'une 
comète  ,  &  qu'il  étoit  difficile  qu'en  fi  peu  de 
remips  les  eaux  puffent  s'élever  à  une  bien 
gramle  hauteur.  Cependant ,  il  me  paraît 
Ffffi 


^c^6  C  O  M 

que  (î  Ton  cherche  une  caufc  phyfîque  &  na- 
turelle des  révolutions  anciennes  de  notre 
globe  ,  dont  on  trouve  des  traces  dans  le  fein 
de  la  terre  comme  au  fommet  des  monta- 
gnes ,  on  la  peut  trouver  dans  les  approches 
de  quelques-unes  de  ces  comètes. 

On  a  vu  précédemment ,  que  ces  corps 
font  des  planètes  qui  tendent  à  décrire  au- 
tour du  folsil  des  ellipfes  fort  alongées ,  qu'on 
peut  même  regarder  la  partie  de  leurs  orbites 
où  nous  les  pouvons  obferver  ,  comme  une 
partie  de  parabole  ,  &  déterminer  dans  cette 
hypothcfe  le  lieu  de  fon  périhélie ,  fadiftance 
du  foleii  à  ce  lieu  &  la  pofîtion  de  l'orbite. 
Le  temps  d'une  révolution  périodique  eft  le 
feul  élé'ment  qu'on  ne  puifTe  déduire  d'une 
feule  apparition ,  parce  que  rellipfe  décrite 
par  la  com^/f,  ne  diffère  d'une  parabole ,  dans 
toute  la  partie  oii  l'on  peut  l'obferver  ,  que 
d'une  quantité  qui  échappe  aux  obfervateursi, 
ainfi ,  tout  ce  qu'on  peut  déterminer  dans  ce 
cas,  c'eft  un  temps  en-deçà  duquel  il  eft  im- 
pçffible  que  la  comète  reparoiffe. 

Ainfi ,  le  premier  problême  qu'on  fe  doive 
propofer  ,  c'eft  de  déterminer  par  les  obfer- 
vations  l'orbite  d'une  comète ,  fuppofce  para- 
bolique ^  &  le  fécond  eft  de  s'alfurer  ii  une 
foule  apparition  ne  peut  point  faire  détermi- 
ner l'orbite  elliptique  |,  ou  du  moins  forvir  à 
en  déterminer  les  limites. 

Comme  la  parabole  ,  dont  le  foyer  eft  au 
foleii  5  n'a  que  quatre  élémens  -4  déterminer, 
favoir  ,  fon  ^paramètre  ,  l'angle  qiie  fait  avec 
l'écliptique  le  plan  delà  parabole  ^l'interfec- 
tion  de  ce  plan  avec  une  ligne  prife  fur  l'éclip- 
tique,  &  l'angle  que  fait  l'axe  de  la  parabole 
avec  cette  interfèâ:ion  ou  toute  autre  ligne 
donnée  de  pofition  ;,  fi  on  rapporte  l'équation 
d'une  parabole  quelconque  fur  un  plan  quel- 
conque à  l'écliptique  &  à  une  ligne  donnée 
for  î  ecliptique  ,  il  fuffira  de  fubftituer  dans 
cette  équation  trois  valeurs  obforvées  des 
coordonnées  ,  ce  qui  donne  trois  équations 
pour  déterminer  les  quatre  inconnues  ^  en- 
foite  fe  fervant  de  l'équation  qui  fournit  la 
proportionnalité  des  aires  &  des  temps ,  on 
aura  ,  en  fubftltuant  les  valeurs  obfervées  , 
quatre  équations  pour  déterminer  les  quatre 
inconnues. 

Si  on  cherchoit  ainfi  à  réfoudre  direéle- 
rnent  le  problême ,  on  trouveroit  bientôt  que 
les  quatre  inconnues  dépendent  d'équations 
trop  élevées  pour  que  cette  méthode  puiffe 


C  O  M 
être  employée  f,  aufli  les  géomètres  fe  font-ils 
occupés  d'en  chercher  de  plus  commodes. 
r-Iewton  a  propofé  de  regarder  d'abord  l'or- 
bite comme  rediligne  ,  ce  qui  eft  aflez  exa£l: 
lorfque  les  obfervations  fontvoifînes  ^  Cafilni 
même  ,  guidé  par  l'obfervation  feule  ,  avoit 
cru  trouver  que  les  comètes  fe  mouvoient  en 
ligne  droite  ^  on  fe  fort  enfuite  de  cette  pre- 
mière approximation  pour  trouver  les  autres. 
Halley  aperfeâiionné  la  méthode  de  fon  maî- 
tre j  le  père  Bofcovitz  a  publié  deux  difl'erta- 
tions,  dont  l'objet  eft  de  rendre  cette  mé- 
thode plus  ufuelle  &.  plus  fûre.  M.  Fontaine 
&:M.  Eulerontauffi  travaillé  forcettematie- 
re ,  &  M.  Laixell ,  digne  élevé  de  cet  homme 
illuftre ,  vient ,  d'après  fes  idées  &  fes  vues  , 
de  donner  un  ouvrage  particulier  &:  très-' 
étendu  fur  ce  fujet. 

Il  feroit  étranger  au  but  de  cet  ouvrage 
d'entrer  ici  dans  des  difcufîîons  for  le  mérite 
de  ces  différentes  méthodes^  toutes  font  très- 
ingénievffes ,  mais  leur  principal  mérite  doit 
être  leur  utilité  pratique  ,  &  il  n'y  a  que  le 
tem^ps  qui  puiffe  en  décider  f,  je  dis  le  temps  , 
parce  que  les  aftronomes ,  accoutumés  à  cer- 
taines méthodes,  fe  déterminent  difficilement 
à  en  adopter  d'autres;,  en  effet,  il  n'y  a  qu'une 
longue  habitude  qui  rende  praticables  des 
opérations  auffi  longues  &  aufii  compliquées 
que  celles  qu'exige  maintenant l'aftronomie. 

Le  focond  problème  a  été  examiné  par  plu- 
fieurs  géomètres  italiens,  &  ils  ont  prétendu 
avoir  trouvé  que  lapparition  qu'ils  avoient 
calculée,  fuffifoit  feule  pour  déterminer  l'or- 
bite elliptique  :  il  eft  aifé  de  voir  qu'alors  il 
faut  quatre  obforvations. 

Lorfque  la  même  comète  a  paru  deux  fors  , 
&  qu'on  connoît  la  diftance  de  temps  qui 
s'eft  écoulé  entre  fes  deux  partages  au  péri- 
hélie 5  on  peut  en  déduire  l'excenn-icité  de  fon 
orbite  elliptique  &  la  calculer. 

Il  peut  arriver  que  ces  planètes  foient  dé- 
rangées dans  leurs  cours  par  TattradHoii 
d'une  planète  ou  par  celle  d'une  Siutre  ccmete^ 

Halley  ,  en  calculant  dans  une  cllipfe  le 
mouvement  de  la  comète  de  1682  ,  avoit 
remarqué  que  le  temps  de  fon  retour  pou- 
voit  être  retardé  par  l'aârion  de  Jupiter  &.  par 
celle  de  Saturne.  Il  calcula  l'altération  qui 
pouvoit  être  produite  par  Jupiter,  l'évalua  à 
un  an  environ  ,  &  annonça  par  conféquent 
que  la  demi- période  foroit  à-peu-près  de  76 
^  ans  environ  3  il  laiffcit  quelque  latitude,  foit 


C  O  M 

à  ca-iife  de  Taftion  de  Saturne ,  à  laquelle  il 
n'avoit  point  eu  égard,  foit  à  caufe  de l'ine- 
xaétitude  de  fon  calcul  pour  celle  de  Jupiter  ^ 
&  cette  inexaétitude  qu'il  attribua  au  peu  de 
foin  avec  lequel  il  a  fait  lès  calculs  ,  venoit  en 
grande  partie  de  l'infuffifance  de  fa  méthode. 

M.  Clairault ,  en  étendant  aux  comètes  la 
méthode  qu'il  a  donnée  pour  les  équations 
de  l'orbite  lunaire ,  l'a  appliquée  à  cette 
inêine  comète  de  1682  ^  il  s'eft  trouvé  trente- 
trois  jours  d'crrejir  entre  le  retour  au  péri- 
hélie ,  &  le  temps  que  fa  théorie  donnoit  \, 
cette  erreur ,  quieft  d'undix-huitieme,  puif- 
que  la  quantité  qu'on  cherche  eftla  différence 
des  deux  périodes ,  vient  en  partie  de  la  na- 
ture du  problême  qui  eft  telle  qu'on  ne  peut 
calculer  cette  différence ,  qu'en  calculant  les 
deux  révolutions  ,  enforte  qu'une  petite  er- 
reur répandue  fur  tout  cet  eipace  ,  en  pro- 
duit une  très-fenfible. 

Les  théories  que  M.  d'Alembert  &  M. 
Albert  Euler  ont  auffi  données  des  perturba- 
tions de  comètes  ,  n'ont  été  appliquées  en  dé- 
tail à  aucune  comète  ;  ainli  on  ne  peut  en  ju- 
ger encore  que  comme  de  méthodes  ana- 
lytiques ,  dignes  du  nom  de  ceux  qui  les 
ont  propofées. 

Nous  verrons  à  Yarticle  PROBLEME  des 
trois  corps ,  que  pourvu  que  nous  ayons 
une  quantité  incomparablement  plus  petite 
qu'une  autre  ,  tant  que  cette  incomparabilité 
aura  lieu  ,  le  rapport  de  ces  deux  qualités 
pourra  être  regardé  commue  très-petit ,  &  fes 
puiffauces  négligées  en  comparaifbn  du  temps 
ou  de  l'arc  parcouru. 

Pour  appliquer  cela  aux  comètes ,  nous  dif- 
tinguerons  plufieufs  cas  dans  leurs  perturba- 
tions j  le  premier  où  la  force  perturbatrice 
fera  incomparablement  plus  petite  que  la 
forme  principale  ^  alors  on  emploiera  la  fup- 
pofition  de  l'orbite  à-peu- près  elliptique  par 
toute  la  partie  de  fbn  orbite  où  la  comète  eft 
dans  ce  cas. 

2^.  Le  cas  où  Ve&et  de  la  force  perturba- 
trice d'iine  planète  fur  une  comète  ,  eft  beau- 
coup plus  grand  que  celui  de  la  planette  prin- 
cipale ^  &  ce  cas  ,  comme  l'a  obfervé  M. 
d'Alembert ,  eft  celui  d'un  fatellite  ^  on  fup- 
pofera  donc  que  l'orbite  de  la  comète  ,  rap- 
portée à  la  planète  ,  eft  à-peu-près  elliptique. 
Le  troifieme  cas  eft  celui  qui  échappe  aux 
deux  autres  ^  dans  le  dernier  cas ,  fi  la  planète 
©u  la  comète  perturbatrice  font  d'une  piaiTe 


COM  557 

incomparablement  plus  petite  que  le  foleil , 
elles  retomberont  dans  le  premier  cas,  tant 
que  leur  diftance  ne  fera  pas  incomparable 
avec  celle  du  foleil  ç,  donc  lorfqu'elles  ne  fe- 
ront plus  dans  ce  cas  ,  leurs  diftances  au  fo- 
leil pourront  être  regardées  comme  égales 
à  très-peu-près  ^  &  par  conféquent  la  folu- 
tion  du  problême  des  trois  corps  pourra  en- 
core s'appliquer  à  ce  cas. 

Il  ne  refte  plus  qu'à  obferver  que  les  arbi- 
traires néceffaires  à  la  folution  du  problême 
des  trois  corps ,  devant  varier  ici  par  chaque 
partie  de  l'orbite  qui  exige  une  méthode  dif^ 
férenteç,&  toutes  ces  parties  ne  pouvant  pas 
être  obfèrvées,  il  en  rcfiilte,que  la  détermi- 
nation de  ces  arbitraires  devient  très-difficile 
&  très-incertaine  ^  dans  ce  cas ,  il  faut  déter- 
miner les  arbitraires  de  la  partie  où  ces  ob- 
fêrvations  ne  peuvent  fè  faire  par  les  valeurs 
approchées  que  donne  la  folution  de  la  par- 
tie précédente ,  &  cette  comparaifbn  doit  fè 
faire  dans  la  partie  qu'on  peut  regarder 
comme  commiune  aux  deux  foîutions.  (  0  ) 

Comète  ,  (  Artificier.  )  Les  artificiers 
appellent  ainfî  les  fiifées  volantes  dont  la 
tête  eft  lumineufe  aufli-bien  que  la  queue  , 
à  l'imitation  des  comètes  :  quelques-uns  les 
appellent Jlaml^oyantes.V.  FusÉE  VOLANTE. 

Comète  ou  de  Manille  ,  {Jeu  de  la  ) 
jeu  de  cartes  qui  fe  joue  de  la  manière 
fuivante  :  l'enjeu  ordinaire  eft  de  neuf  fi- 
ches ,  qui  valent  dix  jetons  chacmie  ,  & 
de  dix  jetons  l'on  peut  ,  comme  l'on  voit , 
perdre  au  jeu  deux  ou  trois  m.ille  j«tons 
dans  une  féance.  On  fè  fert  de  toutes  les 
cartes  ,  c'eft-à-dire  des  cinquante- deux  :  & 
l'on  peut  y  jouer  depuis  deux  perfonnes 
jufqu'à  cinq  \  le  jeu  à  deux  n  eft  cependant 
pas  fi  beau  qu'à  trois  &  au  deffus.  Il  y  a 
de  l'avantagera  faife  au  jeu  de  la  comète. 
Les  cartes  battues  ,  coupées  à  l'ordinaire  , 
fe  partagent  aux  joueurs  trois  à  trois  ,  ou 
quatre  à  quatre ,  &  de  cette  manière  \  vingt- 
fix  à  chacun  ,  ii  on  joue  deux  perfonnes  \ 
dix-fept ,  fi  c'eft  à  trois  ,  &  il  en  refte 
une  qu'on  ne  peut  pas  voir  -%  à  quatre  , 
treize  ^  &  à  cinq ,  dix ,  &  il  en  reftêra  encore 
deux  qu'on  ne  pourra  point  voir  non  phis. 

Toutes  les  cartes  étant  données  ,  on  les 
arrange  félon  l'ordre  naturel  en  commen- 
çant par  Tas ,  qui  dans  ce  jeu ,  ne  vaut  qu'un, 
par  le  deux  ,  le  trois ,  ainfî  du  refte  juf- 
qu'au  roi.  On  coïnmence  à  jouer  par  telle 


yjî  C    O    M 

carte  qu'on  veut  ,  mais  il  efl  plus  avanta- 
geux cle  jouer  d'abord  celle  dont  il  y  a  le 
plus  de  cartes  de  faite  :  ainfi  en  fuppofant 
qu'il  y  ait  depuis  le  fix  des  cartes  qui  fè 
fuivent  jnfqu'au  roi  ,  on  les  jettera  toutes 
l'une  après  l'autre  ,  en  difaiit  fix  ,  fept , 
huit,  neuf,  dix,  valet,  dame,  &  roi  j 
mais  s'il  manquoit  une  de  ces  cartes  ,  on 
nommeroit  celle  qui  efè  immédiatement 
devant ,  &  on  diroit  y2z/z5  tel/e  cane  ,  qui  fe- 
roit  celle  qui  devroit  fliivre  celle  qu'on  dé- 
clare ^  il  c'étoit  le  huit ,  par  exemple  ,  qui 
manquât  dans  ûi  féquence  ,  on  diroit  fept 
fans  huit  ,  &c.  le  joueur  fliivant  qui  auroit 
\ù.  carte  dont  l'autre  manqueroit  ,  continue- 
roit  en  la  jetant  ,  &  diroit  comme  le  pre- 
mier jufqu'à  ce  qu'il  lui  manquât  quelque 
nombre  dans  fa  fuite  ^  auquel  cas  un  au- 
tre qui  auroit  ce  nombre ,  rccommenccroit 
de  la  même  manière  \  s'il  avoit  poulfc  juf- 
qu'au  roi  ,  il  continueroit  de  jouer  p.ir  telle 
carte  qu'il  voudroit.  La  différence  des  cou- 
leurs ne  fait  rien  à  ce  jeu  ,  pourvu  que  les 
cartes  que  l'on  a  forment  une  fuite  jufte. 
Le  joueur  qui  vient  après  celui  qui  dit  huit 
fans  neuf  ^  ou  toute  autre  carte  ,  reprend  le 
jeu  s'il  a  le  nombre  manquant  ^  fi  ni  lui , 
ni  les  autres  ne  l'ont  ,  le  premier  qui  a  dit 
huit  fans  neuf  ^  continue  à  jouer  le  refte  de 
fou  ]su  par  telle  carte  qu'il  lui  plaît  ,  &  fe 
fait  donner  un  jeton  de  chaque  joueur.  Il 
faut ,  autant  qu'on  le  peut ,  fe  défaire  de  ^zs 
cartes  les  plus  hautes  en  point ,  parce  que 
l'on  paie  autant  de  jetons  que  l'on  a  de 
points  dans  toutes  les  cartes  quireftcnt  dans 
la  main  à  la  fin  du  coup.  Ceux  qui  jouent 
petit  jeu ,  ne  donnent  qu'autant  de  jetons 
qu'il  leur  refte  de  cartes.  Il  n'eft  pas  moins 
avantageux  de  fe  défaire  des  as  ,  parce  que 
fi  l'on  attend  trop  tard  à  les  jouer  ,  on  ne 
fe  remet  dedans  qu'avec  peine  ,  à  moins 
qu'on  n'ait  un  roi  pour  rentrer.  On  doit  don- 
ner une  fiche  ou  mohis ,  félon  la  convention 
à  celui  qui  joue  la  comète  ;  il  n'eil  plus  reçu 
à  la  demander  dès  qu'elle  eft  couverte  de 
quelque  carte  ,  Se  elle  efl  perdue  pour  lui. 
Celui  qui  gagne  la  partie  fe  fait  donner  une 
fiche  &  neuf  jetons  ,  qui  font  la  valeur 
de  la  comète  de  celui  qui  l'ayant  dans  fbn 
jeu  ,  ne  s'en  efi:  point  défait  dans  le  tour. 
Celui  qui  jette  fur  la  table  des  rois  qu'il  a  dans 
ihn  jeu,  gagne  un  jeton  de  chaque  joueur 
pour  chacun  de  £qs  rois  ;  au  lieu  qu'il  paie 


C  O  M 

un  jeton  à  chaque  joueur  ,  &  dix  au  ga- 
gnant ,  pour  chacun  des  rois  qui  lui  reftcnt  : 
fi  l'on  paie  par  point  ,  c'eft  celui  qui  a  plu- 
tôt joué  {es  cartes  qui  gagne  la  partie  &  les 
fiches  que  chaque  joueur  a  mifes  au  jeu ,  fans 
parler  des  marques  qu'il  fë  fait  payer  de 
chacun ,  félon  qu'il  a  plus  ou  moins  de  car- 
tes ou  de  points  dans  fa  main. 

Il  n'eft  pas  permis  de  voir  les  cartes  qu'on 
a  déjà  jouées ,  pour  conduire  fbn  jeu  &  jouer 
plus  avantageufement  pour  foi ,  à  peine  de 
donner  un  jeton  à  chaque  joueur  ;  à  moins 
qu'on  ne  lait  décidé  autreiiîent  avant  de 
commencer. 

Voilà  les  principales  &:  premières  règles 
du  Jeu  de  la  comète  ;  elles  ont  beaucoup 
changé  ,  &  vraifemblablem.ent  elles  change- 
ront encore  beaucoup  ,  fi  ce  jeu  continue 
d'être  à  la  mode.  On  paiera  plus  ou  moins , 
quand  on  fera  opéra  :  faire  opéra  ,  c'cil  jouer 
toutes  fes  cartes  fans  interruption  j  oi\  char- 
gera de  conditions  l'em.ploi  de  la  comète  ;  on 
fera  payer  plus  ou  moins  félon  la  carte  pour 
laquelle  on  la  mettra  :  à  préiènt  on  peut  la 
mettre  pour  toute  carte  :  on  fera  perdre  plus 
ou  moins  à  celui  dans  la  main  de  qui  on  la 
fera  gorger ,  ou  refter ,  c'eft  la  même  chofe  , 
&c.  Nous  ne  nous  piquons  guère  d'exadiitude 
fur  ces  chofes  ,  elles  en  valent  peu  la  peine  ', 
d'ailleurs  ce  qui  feroitcxadt  dans  le  moment 
où  nous  écrivons ,  ceflèroit  bientôt  de  l'être 
par  le  caprice  des  joueurs ,  qui  ajoutent ,  ôtent 
des  conditions  au  jeu ,  ou  les  altèrent. 

*  COMETE  ,  {terme  de  Blafon.  )  Voyei 
Meubles  d'armoiries. 

COMETE  5  adj.  terme  de  Blafon  :  on  dit 
face  cometée  ,  pour  dire  qu'elle  a  un  rayon 
ondoyant ,  tel  que  celui  delà  comète  caudée. 
Les  pals  comètes  différent  des  flaniboyans  ^ 
en  ce  que  les  comètes  font  mouvans  du  chef, 
&  les  flamboyans  de  la  pointe  en  haut.  {V) 

*  COMEUS  ,  (  Myth.  )  fiirnom  d'Apol- 
lon fous  lequel  il  étoit  adoré  à  Seîeucie ,  d'où 
fa  ftafue  fut  portée  à  Rome ,  &  placée  dans  le 
temple  d'Apollon-Palatin.  On  dit  que  les  fol- 
dats  qui  prirent  Seîeucie  s'étant  mis  à  chercher 
dans  le  temple  d'Apollon  Comeus  àzs  tréfors 
qu'ils  y  fuppofoient  cachés ,  il  fortit  par  une 
ouverture  qu'ils  avoient  faite  ,  une  vapeur 
empoifonnée  qui  répandit  la  pefte  depuis 
cette  ville  jufques  fur  \q^  bords  du  Rhin  \  c'efl- 
à-dire ,  que  ce  pillage  &  cette  pefte  (fi  elle  efl 
vraie  )  arrivèrent  en  même  temps ,  &  que 


C  O  M 

le  peuple  toujours  {uperftitieux  &  r aifonnant  | 
à  fa  manière  ordinaire  ,  regarda  1  un  de  ces 
événemens  comme  la  caufe  de  l'autre. 

Apollon-Comeus  ,  c'eft-à-dirc  Apollon  a 
belU  chevelure  :  l'idée  poétique  de  donner  à 
Apollon  une  belle  chevelure  blonde  ,  vient , 
félon  toute  apparence,  de  la  manière  éparfe 
dont  on  vpit  fes  rayons  lorfqu'ils  tombent 
obliquement  fur  une  forêt  épaiffe ,  &  qu'ils 
pallènt  entre  les  feuilles  des  arbres  comme 
de  longs  filets  lumineux  &  blonds.  Les  Nau- 
cratiens  célcbroient  fa  fête  en  habit  blanc. 

COMICES,  f.  m.  plur.  (H/y?.  anc.  )  c'eft 
ainfi  qu'on  appelloit  les  aifemblées  du  peuple 
romain ,  qui  avoient  pour  objet  les  affaires 
de  l'état ,  comiîia.  Elles  étoicnt  convoquées 
&  dirigées  ou  par  un  des  deux  confuls ,  ou 
dans  la  vacance  du  confulat  ,*  par  l'interrex  , 
par  un  préteur  ,  un  didateur ,  un  tribun  du 
peuple ,  un  fouverain  pontife  ,  ce  qui  n'étoit 
pas  ordinaire ,  un  décemvir  ,  ou  un  édile. 

Les  comices  Çk  tenoientou  pourlekclion 
(d'un  magiilratjOU  pour  quelque  innovation 
dans  les  loix,  ou  pour  une  réfolution  de 
guerre ,  l'addition  d'un  gouvernement ,  la 
dépofition  d'un  général ,  le  jugement  d'im 
citoyen.  On  s'afTcmbloit  ou  dans  le  champ 
de  Mars ,  ou  dans  le  marché  ,  ou  au  capi- 
role.  Les  citoyens  h^itans  de  Rome  &  les 
étrangers  y  étoient  in(liftin£l:ement  admis  : 
il  n'y  avoit  point  de  comices  les  jours  de  fétcs , 
les  jours  de  foires ,  ni  les  jours  malheureux. 
On  ne  comptoit  dans  l'année  que  184  jours 
de  comices.  Ils  étoicnt  rem.is  quand  il  tonnoit 
ou  faifoit  mauvais  temps  ;,  lorfque  les  augu- 
res ne  pouvoient  ou  commencer  ou  conti- 
nuer leurs  obfervations.  La  liberté  des  aifem- 
blées romaines  fut  très- gênée  fous  Jules 
Céfàr  ,  mioins  fous  Augufle ,  plus  ou  moins 
dans  la  fu  ite  ,{èlon  le  caradere  des  empereurs. 

La  diftinftion  des  comices  fuivit  la  diflribu- 
tion  du  peuple  romain. Le  peuple  rom.ain  étoit 
divifé  en  centuries ,  en  curies  &  en  tribus  :  il 
y  eut  donc ,  fur-tout  dans  les  commencemens , 
les  comices  appelles  comitia  tributa  ,  les  cu- 
riata ,  &  les  centuriata.  Ils  prirent  auffi  des 
nom.s  différeiis,  fuivant  les  magiflratures 
auxquelles  il  falloit  pourvoir  ^  &  il  y  eut  les 
comices  dits  confularia  ,  les  prœtoria ,  les 
œdiiuia ,  cenforia  ^  pontificia  ^proconfularia  , 
proprceîoria  ,  &  tribunitia ,  fans  compter 
d'autres  comices  dont  l'objet  étant  particu- 
lier j  le  nom  l'étoit  auITi;  tels  ^ue  ks  (:aiata% 


C  O  M  599 

Comices  dits  cediliria  ,  afï'emblées  où  l'on 
élifoit  les  édiles  curules  &  plébéiens  j  elles 
étoient  quelquefois  convoquées  par  les  tri- 
buns ,  quelquefois  par  les  édiles  j  le  peuple 
y  éîoit  diflribué  par  tribus. 

Comices  dits  calata  ;  le  peuple  y  étoit  dif^ 
tribué  par  curies  ou  par  centuries.  C'étoit  un 
Iiâ:eur  qui  appelloit  les  curies  :,  c'étoit  un  cor- 
nicen  qui  appelloit  les  centuries  \  elles  étoient 
demandées  par  le  collège  des  prêtres  ;  on  y 
élifoit  dans  les  centuries  un  rex  facrificulus , 
&  dans  les  curies  un  flamine  ;  on  n'appelloit 
que  dix-fept  tribus  :  ce  n'étoit  donc  pas  pro- 
prem.entdes  affemblées  qu'on  pût  appeller 
comitia ,  mais  conftlia  ;  on  y  faifoit  X'zz  a£les 
appelles  adrogations  ,  ou  adoptions  de  ceux 
qui  étoient  leurs  maîtres ,  fui  juris  ;  on  y  paf 
foit  les  teftamens  appelles  de  ce  nom  ,  tejla- 
menta  calata  ;  on  y  agitoit  de  la  cérémonie 
appellée  detefiatio  facrorum ,  ou  de  l'accom- 
pliffement  des  legs  delHnés  aux  choies  fa- 
crées  ,  félon  quelques-uns,  ou  de  la  confë- 
cration  des  édifices  ,  félon  d'autres. 

Comùces  dits  cenforia ,  aifemblées  où  l'on 
élifoit  les  cenfèurs  :  le  peuple  y  étoit  diflri- 
bué  par  centuries  ^  un  des  confols  y  préfî- 
doit  j  le  cenfeur  élu  entrcit  en  charge  ini  - 
médiatement  après  l'élecèion  ,  à  m.oins  qu'il 
n'y  eût  quelque  caufe  de  nullité. 

Comices  dits  centuriata ,  affemblées  où  le 
peuple  étoit  diftribué  en  193  centuries  :^  on 
y  décidoit  les  affaires  à  la  pluralité  des  voix 
des  centuries  j  on  en  fait  remonter  l'infti- 
tutioii  jufques  fous  le  roi  Servius  Jullius  5 
on  y  élifoit ,  au  temps  de  la  république  , 
\qs  confuls  ,  les  préteurs  ,  les  cenfèurs ,  les 
proconfiils ,  le  rex  facrorum  3  on  y  délibéroit 
des  loix  ,  des  traités  de  paix  ,  des  déclara- 
tions de  guerre  ,  du  jugement  d'un  citoyen 
in  crimine  perduellionis.  Les  coniîils  y  pré  fi- 
doient  ^  en  leur  abfence  c'étoient  \^s  diéta- 
teurs,  les  tribuns  militaires  qui  avoient  puif^ 
fance  confulaire ,  les  décemvirs  appelles  le- 
gibus  fcribendis ,  l'interrex  ^  on  les  annonçoit 
au  peuple  par  des  crieurs,  eu  par  des  afî^ehes 
ou  publications  faites  dans  trois  marchés  con- 
fécutifs^  on  ne  lestenoit  point  dans  la  ville  , 
parce  qu'une  partie  du  peuple  s'y  trouvoiten 
annes  ^  c'étoit  au  champ  de  Mars  j  quand 
les  quefleurs  ou  tribuns  du  peuple  préfî- 
doient,  il  ne  s'agifîbit  que  du  jugement 
d'un  citoyen  :  cependant  il  falloit  que  le 
çomiçç  fût  ^îv^ifé  par  le  cozifentement  d'im 


^00  C  O  M 

cônfiil.  Lorfque  l'objet  de  raiTemblée  étoit 
ou  la  publication  d'une  loi ,  ou  le  juge- 
ment d'un  citoyen ,  elle  n'avoit  point  de  jour 
£xe  j  s'il  s'agilloit  de  l'éleftion  d'un  magif- 
trat ,  elle  fe  faifbit  néceflairement  avant  que 
le  temps  de  la  fonâion  de  cette  magiftra- 
ture  fût  expiré.  Il  n'y  eut  cependant  de  jour 
fixe  qu'en  600  \  on  prit  le  premier  janvier. 
Il  falloir  toujours  l'agrément  du  fcnat ,  & 
il  dépendoit  de  lui  d'infirmer  ou  de  con- 
firmer la  délibération  du  comice.  Ces  aftes 
de  defpotifme  déplaifoient  au  peuple  j  & 
Quintus  Pubiius  Philo  parvint  ,  pour  les  ré- 
primer, à  faire  propofer  au  peuple  les  fujets 
de  délibération ,  &  les  fentimens  du  fénat , 
par  le  fénat  même  ;,  ce  qu'on  appelloit  au- 
torcsfieii.  Le  peuple  devint  aufli  juge  des 
délibérations  du  fénat ,  au  lieu  que  le  fénat 
avoit  été  jufqu'alors  juge  des  fiennes.  Quand 
le  fénat  vouloit  Aqs  comices ,  on  les  publioit 
comme  nous  avons  dit  j  le  jour  venu  ,  on 
confultoit  les  augures ,  on  facrifioit^  &  s'il 
ne  furvenoit  aucun  obftacle ,  le  préfident 
conduifoit  le  peuple  au  champ  de  Mars  ; 
là  il  propofoit  le  fujet  de  la  délibération  , 
&  l'avis  du  fénat ,  &  difoit  au  peuple  :  rogo 
rosy  quirites  ,  velitis  ^  jubeatis  ^  &c.  Aufli- 
tôt  chaque  citoyen  fe  rangeoit  dans  fa  claiTe 
&  dans  fa  centurie  ;,  on  commènçoit  à  pren- 
dre les  voix  par  la  première  claife ,  &  dans 
cette  clafle  par  les  dix-huit  centuries  des 
chevaliers  j  on  paiToit  enfuite  aux  quatre- 
xîingt  centuries  reftantes.  Quand  le  confen- 
tement  étoit  unanime ,  l'alFaire  étoit  pref- 
que  terminée.  Si  les  fentimens  étoient  par- 
tagés,  on  prenoit  les  voix  de  la  féconde 
claffe  j  en  cas  de  partage  des  voix ,  on  pre- 
noit celle  de  la  troifiem.e  ^  &  ainfî  de  fuite 
jufqu'à  la  quatre- vingt- dix-fept.  En  cas  d'é- 
galité de  voix  dans  les  cinq  premières  claf- 
fes  ou  dans  les  192  centuries  qui  les  com- 
pofoient ,  la  fixieme  claife  décidoit.  On  al- 
îoit  rarement  jufqu'à  la  quatrième  ou  cin- 
quième clafle. 

Sous  la  république,  on  mettoit  tous  les 
noms  des  centuries  dans  un  vaiifeau  ,  & 
l'on  en  tiroit  au  fort  le  rang  de  voter.  La 
première  centurie  tirée  ,  s'appelloit  centuria 
prcerogativa.  Les  autres  centuries  adhéroient 
ordinairement  à  fon  avis ,  &  cette  centu- 
rie à  l'avis  de  celui  qui  votoit  le  premier. 
Les  candidats  ne  négligeoient  donc  pas  de 
«'affurer  de  cette  première  voix.  Les  cen- 


C  O  M 

turies  qui  donnoient  leurs  voix  après  la  pre- 
mière ,  félon  que  le  fort  en  avoit  ordonné  , 
s'appelloient  jure  vocatce.  Il  importoit  en- 
core beaucoup  de  s'aifurer  de  la  voix  du  pre- 
mier de  chaque  jure  vocata. 

Ces  comices  par  curies  repréfenterent  dans 
la  fuite  les  comices  par  tribus  ^  au  lieu  qu'an- 
ciennement on  n'enfroit  point  en  charge  , 
fans  avoir  été  élu  par  les  comices  appelles 
trihutaria  èc  centuriata.  Alors  le  peuple  vq- 
toit  à  haute  voix  \  comme  cela  n'étoit  pas 
^ài\s  inconvénient ,  il  fut  arrêté  en  61 1 ,  fur 
les  repréfentations  du  tribun  Gabinius ,  que 
les  voix  fe  prendroient  autrement.  On  em- 
ploya des  tablettes.  S'il  s'agiflbit  des  loix  , 
il  y  avoit  defliis  la  tablette  les  lettres  V,  R. 
uîi  rogas  ,  ou  la  lettre  A  antiquo.  Pour  l'é- 
leéiion  d'un  magiftrat ,  on  mettoit  fur  la 
tablette  la  première  lettre  de  fon  no  m. On 
diftribuoit  de  ces  tablettes  au  peuple ,  par 
\qs  diribiteurs  ^  puis  lacenturiediteT^/'^roij^- 
tiva  ,  appellée  par  un  crieur  ,  approchoit  8c 
entroit  dans  une  enceinte  \  on  en  recevoit 
les  tables  fur  le  pont  à  mefure  qu'elle  paf- 
foit  \,  on  les  jetoit  dans  des  urnes  gardées 
par  les  cujîodes  ,  pour  empêcher  la  fraude  : 
quand  \qs  tablettes  étoient  toutes  reçues , 
les  cujîodes  ou  gardiens  les  tiroient  des  urnes, 
&  féparoient  celles  qui  étoient  pour  &  con- 
tre 5  ce  qui  s  appelloit  dirimere  fujfragia  ;  ils 
marquoient  les  fuffrages  par  différence ,  par 
le  moyen  de  points  j  d'où  l'on  a  fait  omne  tulit 
punâum.  On  annonçoit  au  peuple  le  côté 
pour  lequel  étoit  la  différence ,  &  de  combien 
qWq  étoit  de  points  ^  &  ainfi  des  autres 
centuries  :  quand  il  y  avoit  égalité  de  voix 
pour  &  contre ,  &  que  par  conféquent  la 
différence  étoit  nulle  ,  on  n'annonçoit  point 
cette  centurie  ,  on  la  paffoit  fans  mot  dire  , 
excepté  dans  les  affaires  capitales,  ou  quand 
il  s'agiffoit  d'emploi  ^  alors  on  faifoit  tirer  au 
fort  les  candidats.  Pour  le  confulat,  il  falloit 
avoir  non  feulement  l'avantage  des  fuffrages 
fur  fes  compétiteurs ,  mais  réunir  plus  de  la 
moitié  des  fuffrages  de  chaque  centurie. 
Quand  l'éledion  étoit  valable ,  celui  qui 
tenoit  les  comices  difoit  :  quod  mihi  ,  //la- 
gijiratuique  meo  ,  populo  ,  plebique  romance 
bene atque féliciter eveniat^  L.  Murcenamcon- 
fulem  renuntio.  Cela  fait ,  les  cow/Vm  fè  fépa« 
roient  \  on  accompagnoit  l'élu  jufques  chez 
lui  avec  des  acclamations ,  &  l'on  rendoit  les 
mêmes  honneurs  à  celui  qui  fortuit  décharge. 

CQmicis 


C  O  M 

Comices  confalaires  :  le  peuple  y  ^toit  diftri- 
hxxé  par  centuries  ;  ony  elifokies  confuls.  Les 
premiers  fe  tinrent  en  245  par  Sp.  Lucretius , 
interrex  pour  lors,  &  on  y  nomma  confuls 
M.  Jun.  Brutus  &  Tarquinius  Collatinus.  On 
créa  fouvent  un  interrex  pour  préfider  à  ces 
cornlcesy  quand  l'éledion  des  confuls  ne  fe 
pouvoir  taire  au  temps  marqué.  L'interrex  fous 
lequel  l'éleflion  des  confuls  fe  commençoit, 
n'en  voyoit  pas  ordinairement  la  concluiion  , 
fon  règne  n'étant  que  de  cinq  jours.  On  en 
créoit  un  fécond.  Ce  fut  dans  la  fuite  â  un 
exconful  à  tenir  les  comices  confulaires.  Au 
défaut  d'exconful ,  on  faifoit  un  didateur.  Ils 
fe  tenoient  à  la  fin  du  mois  de  juillet ,  ou  au 
commencement  d'août.  Lorfque  les  féances 
étoient  interrompues,  l'éleélion  duroit  juf- 
qu'au  mois  d'odobre.  Cependaat  les  candi- 
dats au  confulat  s'appelloientcc/z/u/j  defignésy 
confules  defignati  ;  &  la  fondion  des  dida- 
teurs  ne  fîniflbit  qu'au  premier  janvier  ;  & 
avant  qu'on  eut  fixé  le  premier  janvier ,  qu'au 
commencement  de  mars.  Alors  les  confuls 
défignés  entroient  en  exercice. 

Comices  dits  cwiata  y  aflèmblées  où  le 
peuple  étoit  diflriftlié  dans  fes  trente  curies , 
&  où  l'on  terminoit  les  affaires  félon  le  plus 
grand  nombre  de  voix  des  curies.  On  en  fait 
remonter  l'origine  jufques  fous  Romulus.  On 
dit  qu'à  la  mort  d'un  roi ,  on  en  élifoit  un 
autre  par  curies  :  c'étoit  alors  un  interrex  qui 
tenoit  les  comices  ^  dans  la  fuite  ce  furent  les 
confuls,  les  préteurs,  les  didateurs,  les  in- 
terrex, les  fouverains  pontifes,  auxquels  ce- 
pendant les  hifloriens  n'attribuent  pas  ce 
droit  unanimement.  On  délibéra  dans  ces 
comices  des  loix  &  des  affaires  capitales  des 
citoyens  ;  on  y  procéda  à  l'éledion  des  pre- 
miers magiftrats  ,  jufqu'à  ce  que  Servius  Tul- 
lius  inflitua  les  comices  dits  centuriata  ,  &  y 
transféra  les  aifaires  les  plus  importantes.  Les 
augures  y  étoient  appelles,  parce  qu'ils  ne  fe 
tenoient  jamais  fans  les  avoir  confultés.  On  y 
décidoit  de  ce  qui  concerne  le  commande- 
ment des  armées ,  les  forces  des  arrflées ,  des 
légions  qu'on  accordcroit  aux  confuls  ,  du 
gouvernement  des  provinces ,  &  autres  affai- 
res relatives  à  la  police  &  à  la  guerre.  C'étoit 
encore  dans  ces  alfemblées  que  fe  faifoient 
les  adoptions  ,  les  teftamens  ,  l'éledion  des 
fiamines  y  &c.  elles  n'étoient  compofées  que 
des  habitans  de  Rome ,  parce  qu'il  n'y  avoic 
Tome  VIIL 


C  q  M  ^01 

qu*eux  qui  fufTent  divifés  en  curies  :  le  marche 
romain  en  étoit  le  lieu.  On  y  étoit  convoqué 
par  des  crieurs.  Celui  qui  y  préfidoit ,  propo- 
foit  l'affaire  ;  puis  il  ajoutoit  :  fi  ita  vobis  vi- 
detury  Quintes  y  difcedite  in  carias  ^  fuffra~ 
gLum  imie  :  chacun  fe  rangeoit  dans  fa  curie  ; 
on  tiroit  au  fort  le  rang  des  curies  ;  elles  don- 
noient  leurs  fufîrages ,  qu'on  ne  prenoit  que 
jufqu'à  ce  qu'il  y  eût  feize  curies  d'un  mémo 
avis.  Les  délibérations  étoient  précédées  par 
des  augures ,  &  elles  n'avoient  lieu  qu'en  cas 
qu'il  ne  s'opposât  rien  de  leur  part.  Lorfqu'on 
eut  inftitué  les  comices  dits  tributia,  les  droits 
des  comices  dits  curiata  fe  réduisirent  à  fi  peu 
de  chofe  ,  que  les  trente  lideurs  des  curies 
s'aiîemblerent  feuls  ,  &  décidèrent  des  affaires 
pour  lefquelles  on  avoir  auparavant  convoqué 
les  curies.  Au  refle  ils  ne  fe  tinrent  jamais  qu'aux 
jours  comitiaux  ,  fans  égard  pour  la  faifon. 

Comices  dits  pontificia  :  le  peuple  y  étoic 
par  tribus;  on  élifoit  un  fouverain  pontife;  on 
tiroit  le  rang  des  tribus  au  fort;  l'unanimit» 
de  dix-fept  tribus  fufhfoit  pour  l'éledion.  Ce 
fut  un  pontife  qui  les  convoqua ,  &  qui  les  tint 
jufqu'à  ce  que  ce  droit  eût  été  transféré  aux 
confuls  par  la  loi  domitienne. 

Comices  dits  prcetoria  :  le  peuple  y  étoit 
par  centurie  ;  on  y  élifoit  les  préteurs  :  ils 
étoient  tenus  par  un  conful.  Comme  il  y  avoit 
quelquefois  jufqu'à  dix  préteurs  à  nommer,  & 
que  le  nombre  des  candidats  étoit  grand ,  les 
féances  duroient  fi  long-temps  qu'on  divifoic 
l'éledion  ,  &  qu'on  difîeroit  celle  de  quelques 
préteurs.  Ces  comices  fe  tenoient  un  ,  deux, 
trois  jours ,.&  rarement  plus  tard,  après  les 
comices  confulaires. 

Comices  dits  proconfularia  &  proprtxtoria  : 
le  peuple  y  étoit  par  tribus  ;  on  y  élifoit  les 
proconfuls&  les  propréteurs,  lorfque  les  cas? 
î'exigeoient,  comme  pîufieurs  gouvernemens 
de  provinces  à  remplir ,  pîufietirs  guerres  à 
conduire ,  une  feule  guerre  ou  un  (eul  gou- 
vernement, auquel  les  deux  confuls  ou  pré- 
teurs prétendoient  en  même  temps.  Quant**^ 
la  manière  de  les  tenir  ,  voye\  les  comices  dits 
centuriata. 

Comices  dits  quœjîoria  :  le  peuplé  y  fut  paf 
curies;  on  *y  élut  les  quefleurs  jufqu'à  ce  que 
ce  droit  fut  transféré  aux  comices  par  tribus. 
Ils  étoient  tenus  par  un  conful  ;  on  y  procé- 
doit  par  curies  dans  le  marché  romain  ;  &  par 
tribus  dans  le  champ  de  Mars. 


6oi  C  O  M 

Comices  àksfacerdotu/n  :  le  peuple  y  étoit 
par  tribus  ;  on  y  elifoit  les  prêtres  ;  le  conful 
y  préiidoit. 

Comices  dits  tribunitia  :  i!s  fe  tenoient  par 
tribus;  on  y  elifoit  les  tribuns  militaires.  Ils 
commencèrent  en  393  ;  les  uns  étoient  au 
choix  du  peuple ,  les  autres  au  choix  du  géné- 
ral ,  &  on  les  diftinguoic  des  premiers  par  le 
Rom  de  trihuni  rafuli.  Il  ne  faut  pas  confondre 
ces  comices  ni  avec  ceux  où  l'on  elifoit  les 
tribuns  militaires  confulari  potefiaie  ,  ceux-ci 
étoient  par  centuries  ;  n;  avec  ceux  où  l'on 
créoit  les  tribuns  du  peuple.  Quoique  le  peuple 
y  fût  par  tribus ,  ils  n'étoient  point  tenus  par 
un  conful ,  mais  par  un  tribun. 

Comices  dits  tiibuta  :  afîèmblées   où  le  . 
peuple  éroit  divife^  en  fes  trente- cin;  tribus; 
ils  commencèrent  en  2^3,  dans  l'cifFaire  de 
Marcius  Coriolan  ,  &  la  loi  publilia  les  auto- 
rifa  en  18:.  Dans  les  comices  par  centuries, 
tout  dépendoit,  comme  on  a  vu,  de  la  pre-  : 
miere  clafTe  ;   dans  ceux-ci ,    au  contraire  ,  ! 
c'étoir  le  peuple  entier  qui  décidoit.  Les  capi-  . 
tecenfi  ou  pwletarii  y  ou  ceux  de  la  fixieme  . 
clafle ,  pouvoient  autant  que  ceux  de  la  pre-  i 
iniere.  On  y  elifoit  tous  les  magiftrats  compris  ' 
fous  la  dénomination  de  magifiratus  urbani  \ 
minores  ordinani  ;  favoir  les  édiles  curules  I 
&  plébéiens ,  les  tribuns  du  peuple,  les  quef-  ! 
teurs  ,  les  triumvirs  dits  capitales  ,  les  trium-  i 
virs  noâurnes ,  les  triumvirs  dits  monetales  ;  ; 
les  magiftrats  dits  urbani  minores  extraordi'  j 
narii ,    comme  les  préfets  des  vivres ,   les 
duumvirs  dits  navales ^  les  quefteurs  du  parri-  I 
cide ,'  les  infpeâeurs  des  rues  &  chemins ,  les 
quinquevirs  mûris   turribufque    reficiendis  y  \ 
les  triumvirs  ou  quinquevirs  dits  menfarii^  \ 
les  magiftrats   dits  provinciales   ordinarii  y  \ 
comme  les  proconfuïs ,  propréteurs ,  &  prù- 
quefteurs  ;  les  magiftrats  dits  provinciales  ex- 
traordinarii ,'  comme  les  triumvirs ,  les  quin- 
quevirs ou  feptemvirs  colonice  deducendce  aut 
cgris  dividiindis  _,   quelques-uns  des  tribuns 
r^itaires  qu'on  appelloit  par  cette  raifon  tri- 
huni comitiati ,  &  les  prêtres  des  collèges. 
On  y  faifoic  auiTi  les  loix  SippelUes  plébifcites  j 
on  y  jugeoit  les  citoyens ,  mais  non  pour  caufe 
capitale;  ils  pouvoient  y  être  cdndamnés  à 
l'amende  ou  à  l'exil:  on  y  décernoit  le  triom- 
phe ;  on  y  traitoit  des  privilèges  des  citoyens , 
des  alliances ,  de  l'exemption  de  la  loi ,  éc  Ils 
étoient  tenus  par  les  dièateurs ,  les  confuls , 


C  O  M 

les  tribuns  militaires  confulari  poteftate ,  les 
préteurs ,  &  les  tribuns  du  peuple ,  avec  cette 
différence  que  ces  derniers  ne  pouvoient  que 
décider  des  affaires  ,  &  qu'il  appartenoit  aux 
premiers  à  pourvoir  aux  dignités.  Ces  afîèra- 
blées  fe  pouvoient  faire  fans  le  confentement 
du  fénat,  &  les  augures  ne  pouvoient  ni  les 
empêcher,  ni  les  retarder.  On  y  elifoit  les 
magiftrats  dans  le  champ  de  Mars  ;  on  y  expé- 
dioit  les  autres  affaires ,  ou  au  capitole  ,  ou 
dans  le  marché  romain.  Ils  fe  tenoient  les 
jours  comitiaux  ;  on  n'afîèmbloit  que  dix-fept 
tribus  pour  l'éledion  d'un  prêtre  ;  &  celui  qui 
en  a'voit  neuf  pour  lui,  étoit  nommé.  Ces 
comices  par  tribus  ne  méritoient ,  à  propre- 
ment parler ,  que  le  nom  de  concilia  plebis  ; 
aucun  patricien  n'y  affiftoit,  n'étant  point 
formés  du  peuple  en  entitr,  mais  feulement 
du  commun  du  peuple  ,  plebsy  Hed.  lex. 

*  Comice  ,  {Hijî.  ancj  endroit  de  Rome 
dans  la  vii)*^  région,  au  pié  du  mont  Palatin  , 
vers  le  capitole ,  proche  le  marché  romain ,  où 
fe  tenoient  ordinairement  les  comices  par  cu- 
ries ;  il  n'étoit,  félon  toute  apparence ,  fermé 
que  d'un  mur  percé  de  deux  portes ,  par  une 
defquelles  une  curie  fortoit,  tandis  que  la  curie 
fuivante  entroit  par  fautre,  félon  l'ordre  gardé 
dans  les  ovilia  ou  fepta  au  champ  de  Mars.  Il 
ne  fut  couvert  qu'en  545.  On  y  fit  aufîi  des 
portiques  ;  on  y  éleva  des  ftatues  :  c'étoit-là 
qu'éroit  le  puteal  libonis  y  ou  l'autel  où  les. 
magiftrats  prêroient  ferment;  le  figuier  fau- 
vage  fous  lequel  la  louve  avoir  alaité  Remus 
&  Romulus  ;  la  grande  pierre  noire  que  Ro- 
mulus  choifit  de  fon  vivant  pour  fa  tombe  ,  Ùc^ 
On  y  puniffoit  les  malfaiteurs  ;  on  y  fouettoit 
à  mort  ceux  qui  avoient  corrompu  des  vefîa- 
les  :  il  fe  voit  aujourd'hui  entre  les  églifes  de 
fainte  Marie  la  Libératrice  &  de  faint  Théo- 
dore. Les  anciens  y  jouoient  à  la  paume  ;  & 
Caton  s'y  exerçoit  quelquefois. 

COMILLAN,  (GéogJ  V.  Comittan. 

COMIQUE ,  adj.  plaifam,  qui  excite  à 
rire  ,  qui  appartient  à  la  comédie  ;  aventure- 
comique  y  propos  comique  y  figure  comique  y 
flyle  comique. 

Comique,  fubft.  un  comique  y  c'eft-à-dire, 
un  acteur  comique  y  un  poète  comique.  Le- 
comique  y  c'eft-à-dire,  le  genre  de  la  co-^ 
médie.  C'eft  le  comique  de  la  troupe.  Mo- 
lière eft  le  modèle  des  comiques.  Le  comique 
corrige  les  mœurs* 


C  O  M 

Comique  ,  pris  pour  le  genre  de  la  comé- 
die ei\  un  terme  relatif.  Ce  qui  eil  comique  '■ 
pour  tel  peuple ,  pour  telle  fociété ,  pour  tel  j 
homme ,  peut  ne  pas  l'être  pour  tel  autre.  1 
L'effet  du  comique  réfulte  de  la  comparaifon  { 
qu'on  fait ,  même  fans  s'en  appercevoir ,  de  fes 
mœurs  avec  les  mœurs  qu'on  voit  tourner  en 
ridicule ,  &  fuppofe  entre  le  fpedateur  &  le 
perfonnage  repréfenté  une  différence  avanta- 
geufe  pour  le  premier.   Ce  n'efl  pas  que  le 
même  homme  ne  puifTe  cire  de  fa  propre 
image ,  lors  même  qu'il  s'y  reconnoît  ;  cela 
vient  d'une  duplicité  de  caractère  qui  s'obferve 
encore  plus  fenlîblement  dans  le  combat  des 
pafîions ,  où  l'homme  eft  fans  cefTe  en  oppofl- 
tion  avec  lui-même.  On  fe  juge  ,  on  fe  con- 
damne ,  on  fe  plaifante ,  comme.un  tiers,  & 
l'amour-propre  y  trouve  fon  compte.  ï^oye\ 
Raison,  Sentiment,  Identité. 

Le  comique  n'étant  qu'une  relation ,  il  doit 
perdre  à  être  tranfplanté  ;  mais  il  perd  plus  ou 
moins  en  raifon  de  fa  bonté  eflèntielle.  S'il  efl 
peint  avec  force  &  vérité,  il  aura  toujours , 
comme  les  portraits  de  Vandeyk  &  de  Latour, 
le  mérite  de  la  peinture ,  lors  même  qu'on  ne 
fera  plus  en  état  de  juger  de  la  refTemblance  ; 
&  les  connoifTeurs  y  appercevront  cette  ame 
&  cette  vie  ,  qu'on  ne  rend  jamais  qu'en  imi- 
tant la  nature.  D'ailleurs  fî  le  comique  porte 
fur*  des  caraderes  généraux  &  fur  quelque  vice 
radical  de  Thumanicé ,  il  ne  fera  que  trop  ref- 
femblant  dans  tous  les  pays  &  dans  tous  les 
iîecles.  L'avocat  patelin  femble  peint  de  nos 
jours.  L'avare  de  Plante  a  fes  originaux  à 
Paris.  Le  mifanthrope  de  Molière  eût  trouvé 
les  fiens  à  Rome.  Tels  font  malheureufement 
chez  tous  les  hommes  le  contrafte  &  le  mé- 
lange de  l'amour-propre  &  de  la  raifon  ,  que 
la  théorie  des  bonnes  mœurs  &  la  pratique  des 
mauvaifes ,  font  prefque  toujours  &  par- tout 
les  mêmes.  L'avarice,  cette  avidité  infatiable 
qui  fait  qu'on  fe  prive  de  tout  pour  ne  manquer 
de  rien  ;  l'envie ,  ce  mélange  d'eflime  &  de 
haine  pour  les  avantages  qu'on  n'a  pas  ;  l'hy- 
pocrilie ,  ce  mafque  du  vice  déguifé  en  vertu  ; 
la  fîatrerie  ,  ce  commerce  infâme  entre  la  baf- 
feffe  &  la  vanité:  tous  ces  vices  &  une  infinité 
d'autres,  exifleront  par-tout  où  il  y  aura  des 
hommes,  &  par-tout  ils  feront  regardés  comme  | 
des  vices.  Chaque  homme  méprifera  dans  fon  j 
femblable  ceux  dont  il  fe  croira  exempt ,  &  { 
prendra  un  plaifir  malin  à  les  voir  humilier  ;  ' 


C  O  M  605 

ce  qui  afTure  à  jamais  le  fuccés  du  comique  qui 
attaque  les  mœurs  générales. 

Il  n'en  eft  pas  ainfi  du  comique  local  & 
momentané.  Il  efî  borné  pour  les  lieux  &  pour 
les  temps ,  au  cercle  du  ridicule  qu'il  attaque  j 
mais  il  n'en  efl  fouvent  que  plus  louable  ,  at- 
tendu que  c'efl  lui  qui  empêche  le  ridicule  de 
fe  perpétuer  &  de  fe  répandre ,  en  détruifant 
fes  propres  modèles  ;  &  que  s'il  ne  refTemble 
plus  à  perfonne ,  c'efl  que  perfonne  n'ofe  plus 
lui  reffembler.  Ménage  qui  a  dit  tant  de  mots , 
&  qui  en  a  dit  fi  peu  de  bons ,  avoit  pourtant 
raifon  de  s'écrier  à  la  première  repréftn ration 
des  précieufes  ridicules  :  courage  ,  Mol  ère  , 
voilà  le  bon  comique.  Obfervons ,  à  propos  de 
cette  pièce ,  qu'il  y  a  quelquefois  un  grand  art 
à  charger  les  portraits.  La  méprife  des  deux 
provinciales,  leur  emprefTement,  pour  deux 
valets  traveftis ,  les  coups  de  barons  qui  font  le 
dénouement ,  exagèrent  fans  doute  le  mépris 
attaché  aux  airs  &  au  ton  précieux  ;  mais  Mo- 
lière ,  pour  arrêter  la  contagion ,  a  ufé  du  plus 
violent  remède.  C'eft  ainfi  que  dans  un  dénoue- 
ment qui  a  efTuyé  tant  de  critiques,  &  qui 
mérite  les  plus  grands  éloges ,  il  a  ofé  envoyer 
l'hypocrite  à  la  grève.  Son  exemple  doit  ap- 
prendre à  fes  imitateurs  à  ne  pas  ménager  le 
vice ,  &  à  traiter  un  méchant  homme  fur  le 
théâtre  comme  il  doit  l'être  dans  la  fociété. 
Par  exemple ,  il  n'y  a  qu'une  façon  de  ren- 
voyer de  deffus  la  fcene  un  fcélérat  qui  faic 
gloire  de  féduire  une  femine  pour  la  désho- 
norer :  ceux  qui  lui  refîèmblent  trouveront 
mauvais  le  dénouement;  tant  mieux  pour 
l'auteur  &  pour  l'ouvrage. 

Le  genre  comique  françois ,  le  feul  dont  nous 
traiterons  ici ,  comme  étant  le  plus  parfait  de 
tous  (  voyei  CoMÉDIE  ) ,  fe  divife  en  comi" 
que  noble,  comique  bourgeois  y  &  bas  comi- 
que. Comme  on  n'a  fait  qu'indiquer  cette  di- 
vifion  dans  Vanicle  CoMÉDiE,  on  va  la  dé- 
velopper dans  celui-ci.  C'efl  d'une  connoif- 
fance  profonde  de  leurs  objets,  que  les  arts 
tirent  leurs  règles,  &  les  auteurs  leur  fécondité. 

Le  comique  noble  peint  les  mœurs  des 
grands,  &  celles-ci  différent  àcs  mœurs  du 
peuple  &  de  la  bourgeoifie,  moins  par  le  fond 
que  par  la  forme.  Les  vices  des  grands  font 
moins  groJÏîers,  leurs  ridicules  moins  cho- 
quans  ;  ils  font  même,  pour  la  plupart,  fi  bien 
colorés  par  la  polirefïè  ,  qu'ils  entrent  dans  le 
caractère  de  l'homme  aimable  :  ce  font  de« 

Gggg  2 


6o4  COU 

poifons  aflaifonnés  que  le  fpe'culateur  d^com- 
pofe  ;  mais  peu  de  perfonnes  font  à  portée  de 
les  étudier,  moins  encore  en  état  de  les  faifir.. 
On  s'amufe  à  recopier  le /)^r/r/;2tz/rre  fur  lequel 
tous  les  traits  du  ridicule  fontépuifés,  &dont 
la  peinture  n'eft  plus  qu'une  école  pour  les 
jeunes  gens  qui  ont  quelque  difpofition  à  le 
devenir  ;  cependant  on  laiflè  en  paix  V intri- 
gante, le  bas  orgueilleux  ,  le  preneur  de  lui- 
même  ,  &  une  infinité  d'autres  dont  le  monde 
eft  rempli  :  il  eft  vrai  qu'il  ne  faut  pas  moins 
de  courage  que  de  talent  pour  toucher  à  ces 
caraderes;  &  les  auteurs  du/it:/2:-/TrtC(?nf&  du 
glorkux  ont  eu  befoin  de  l'un  &  de  Tautre  : 
mais  aulFi  ce  n'eil:  pas  fans  efFort  qu'on  peut 
marcher  fur  les  pas  de  l'intrépide  auteur  du 
tartufe.  Boileau  racontoit  que  Molière ,  après 
lui  avoir  lu  le  mifamhrope ,  luiavoit  dit:  vous 
j-'errei  bien  autre  chofe.  Qu'auroit-il  donc  fait 
fî  la  mort  ne  Tavoit  furpris ,  cet  homme  qui 
voyojt:  quelque  chofe  au  delà  du  mifamhrope  ? 
Ce  problème  qui  confondoit  Boileau  ,  devroit 
être  pour  les  auteurs  comiques  un  objet  conti- 
nuel d'émulation  &  de  recherches  ;  &  ne  fût-ce 
pour  eux  que  la  pierre  philofophale ,  ils  fe- 
roient  du  moins  en  la  cherchant  inutilement , 
mille  autres  découvertes  utiles. 

Indépendamment  de  l'étude  réfléchie  des 
mœurs  du  grand  monde ,  fans  laquelle  on  ne 
fauroit  faire  un  pas  dans  la  carrière  du  haut 
comique,  ce  genre  préfente  un  obflacle  qui  lui 
eft  propre, &  dont  un  auteur  eft  d'abord  effrayé. 
La  plupart  des  ridicules  des  grands  fontfi  bien 
compofés,  qu'ils  font  à  peine  vifibles.  Leurs 
vices  fur-tout  ont  je  ne  fais  quoi  d'impofant 
qui  refufe  à  la  plaifanterie  :  mais  les  firuations 
les  mettent  en  jeu.  Quoi  de  plusférieuxen  foi 
que  le  mifanthrope?  Molière  le  rend  amoureux 
d'une  coquette  ;  il  efl  comique.  Le  tartufe  eft 
un  chef-d'œuvre  plus  furprenant  encore  dans 
.l'art  des  contraftes  :  dans  cette  intrigue  fî  co- 
mique y  aucun  àes  principaux  perfonnages  ne 
le  feroit ,  pris  féparément  ;  ils  le  deviennent 
tous  par  leur  oppofition.  En  général ,  les  carac- 
tères ne  fe  développent  que  par  leurs  mélanges. 

Les  prétentions  déplacées  &  les  faux  airs 
font  l'objet  principal  du  comique  bourgeois. 
Le.  progrès  de  la  politefTe  &  du  luxe  l'ont  rap- 
proché du  comique  noble,  mais  ne  les  ont  point 
confondus.  La  vanité  qui  a  pris  dans  la  bour- 
geoifie  uii  ton  plus  haut  qu'autrefois ,  traite  de 
grofîier  tout  ce  qui  n'a  pas  l'air  du  beau  monde. 


C  O  M 

C'eft  un  ridicule  de  plus ,  qui  ne  doit  pas  em- 
pêcher un  auteur  de  peindre  les  bourgeois 
avec  les  mœurs  bourgeoifes.  Qu'il  lailTe  mettre 
au  rang  des  farces  Georges  iandin,  le  malade 
imaginaire,  \qs  fourberies  de  fcapin,  le  bour- 
geois gemilnomme ,  &  qu'il  tâche  de  les  imiter. 
La  farce  eft  l'infipide  exagération ,  ou  l'imita- 
tion groffiere  d'une  nature  indigne  d'être  pré- 
fentée  aux  yeux  des  honnêtes  gens.^  Le  choix 
àts  objets  &  la  vérité  de  la  peinture  caradéri- 
fent  la  bonne  comédie.  Le  malade  imaginaire, 
auquel  les  médecins  doivent  plus  qu'ils  ne  pen- 
fent,  eft  un  tableau  aufti  frappant  &  aulïï 
moral  qu'il  y  en  ait  au  théâtre.  Georges  dan- 
din  ,  où  font  peintes  avec  tant  de  fagefTe  les 
mœurs  les  plus  licencieufes  ,  eft  un  chef- 
d'œuvre  de  naturel  &  d'intrigue;  &  ce  n'eft 
pas  la  faute  de  Molière  11  le  fot  orgueil  plus 
fort  que  fes  leçons ,  perpétue  encore  l'alliance 
des  dandins  avec  les  foteni'illes.  Si  dans  ces 
modèles  on  trouve  quelques  traits  qui  ne  peu- 
vent amufer  que  le  peuple ,  en  revanche  com- 
bien de  fcencs  dignes  des  connoifieurs  les  plus 
déHcars  ? 

Boileau  a  eu  tort,  s'il  n'a  pas  reconnu  l'auteur 
du  Mifanthrope  dans  l'éloquence  de  Scapiii 
avec  le  père  de  fon  maître  ;  dans  l'avarice  de 
ce  vieillard  ;  dans  la  fcene  des  deux  pères  ; 
dans  l'amour  des  deux  fils,  tableaux  dignes  de 
Térence  ;  dans  la  confeftion  de  Scapm  qui  fe 
croit  convaincu  ;  dans  fon  infolence  dès  qu'il 
fent  que  fon  maître  a  befoin  de  lui,  Ùc  Boi- 
leau a  eu  raifon ,  s'il  n'a  regardé  comme  in- 
'  digne  de  Molière  que  le  fac  oij  le  vieillard  eft 
:  enveloppé  :  encore  eût-il  mieux  fait  d'en  faire 
la  critique  à  fon  ami  vivant ,  que  d'attendre 
!  qu'il  fût  mort  pour  lui  en  faire  le  reproche. 
1      Pourceaugnac  eft  la  feule  pièce  de  Molière 
I  qu'on  puifTe  mettre  au  rang  des  farces  ;  &  dans 
'  cette  farce  même  on  trouve  des  caraâeres  ; 
;  tel  que  celui  de  Sbiigani ,  &c  des  fîtuations 
telles  que  celle  de  Pourceaugnac  entre  les  deux 
i  médecins  ,  qui  décèlent  le  grand  maître.^ 
j      Le  com-qae  'bas,  ainfi  nom.mé  parce  qu'il 
i  imite  les  mœurs  du  bas  peuple,  peut  avoir, 
comme  les  tableaux  flamands,  le  mérite  du 
coloris ,  de  la  vérité  &  de  la  gaieté.  Il  a  auffi 
fa  finefTe  &  fes  grâces  ;  &  il  ne  faut  pas  le 
1  confondre  avec  le  comique  groffier  :  celui-ci 
j  confîfîe  dan:,  la  manere;  ce  n'eft  point  un 
;  genre  à  part ,  c'eft  nn  défaut  de  tous  les  genres. 
:  Les  amours  d'une  bourgeoife  &  l'ivreflè  d'un 


C  O  M 

marquis,  peuvent  être  du  comique  grojjîer ^ 
comme  coût  ce  qui  bleffs  le  goût  &  les  mœurs. 
Le  comique  bas  au  concraire  eil:  fufceptible 
de  délicatefTe  &  d'honnêteté  ;  il  donne  même 
une  nouvelle  force  au  comique  bourgeois  & 
au  comique  noble,  lorfqu'ii  contrafte  avec 
eux.  Molière  en  fournit  mille  exemples.  Voye:^ 
d^ns  le  dépit  amoureux  ,  la  brouillerie  &  la 
réconciliation  entre  Mat/iurine  &  gros.-René, 
où  font  peints  dans  la  {implicite  villageoife 
les  mêmes  mouvemens  de  dépit  &  les  mêmes 
retours  de  tendrefîè ,  qui  viennent  de  fe  pafTer 
dans  la  fcene  des  deux  amans.  Molière ,  à  la 
vérité ,  mêle  quelquefois  le  comique  grojjler 
avec  le  bas  comique.  Dans  la  fcene  que  nous 
avons  citée  ,  voua  ton  demi-cent  d'épingles 
de  Paris,  eft  du  comique  bas.  Je  poudrois 
bien  aujjl  te  rendre  ton  potage,  eft  du  comique 
grojjier.  hz paille  rompue yt^  un  trait de^énie. 
Ces  fortes  de  fcenes  font  comme  des  miroirs 
où  la  nature,  ailleurs  peinte  avec  le  coloris 
de  l'art,  fe  répète  dans  toute  fa  {implicite. 
Le  fecret  de  ces  miroirs  feroit-il  perdu  depuis 
Molière  ?  Il  a  tiré  des  contraftes  encore  plus 
forts  du  mélange  des  comiques.  C'eft  ainfi  que 
dans  \efefiin- de -Pierre  ,  il  nous  peint  la  cré- 
dulité de  deux  petites  villageoifes ,  &  leur 
facilité  à  fe  laifTer  féduire  par  un  fcélérat  dont 
la  magnificence  les  éblouit.  C'eft  ain{i  que 
dans  le  bourgeois  gentilhomme ,  la  groffiéreté 
de  Nicole  jette  un  nouveau  ridicule  fur  les 
prétentions  impertinentes  &  l'éducation  for- 
cée de  M.  Jourdain.  C'eft  ain{i  que  dans 
V école  des  femmes  l'imbécillité  d'Alain  &  de 
Georgette  {i  bien  nuancée  avec  l'ingénuité 
d'Agnès ,  concourt  à  faire  réufîir  les  entre- 
prifes  de  l'amant ,  &  à  faire  échouer  les  pré- 
cautions du  jaloux. 

Qu'on  nous  pardonne  de  tirer  tous  nos 
exemples  de  Molière  ;  fi  Ménandre  &  Térence 
revenoientau  monde,  ils  étudieroient  ce  grand 
maîcre  ,  &  n'étudieroient  que  lui.  Cet  article 
ejî  de  M.  de  Marmontel. 

COMIRS,  f.m.pl.  (Littér.)  farceurs  la 
plupart  provençaux,  fâchant  mufique  ,  jouant 
des  inftrumens ,  &  débitant  les  ouvrages  des 
troubadours  :  ils  fuccéderent  en  France  aux 
hiftrions  ,  où  on  leur  donna  encore  les  noms 
de  conteurs  ,  jongleurs  ,  mufars ,  plaifan- 
tins  y  pantomimes  ,  &c. 

COMITE,  f  m.  C^^^firie.)  officier  de 
galère  qui  commande  la  chiourme,  &  qui  a  le 


C  O  M  605 

j  foin  de  faire  ramer  les  forçats.  V.  Marine  y 
PL  II  y  lett.  Z  y  \e  comité  en  fondion  fur 
une  galère  à  la  rame.  (Z) 

COxMITÉ  du  Parlement  y  (  Jurijp.)  eft 
l'afTemblée  des  commifîaires  nommés  par  le 
parlement  pour  examiner  d'abord  entr'eux 
quelqu'afFaire  publique  ou  de  la  compagnie  , 
&  en  rendre  compte  enfuite  à  tout  le  parle- 
ment affemblé.  Kqye:^  Commissaires  dit 
Parlement  ù  Parlement.  (A) 
^  COMITTAN,  (Geogr.  mod.)  ville  de 
TAmérique  feptentrionale  dans  la  nouvelle 
Efpagne,  province  de  Chiapa.  Cette  ville  eft 
appeîlée  Comillan  par  M.  de  Lille. 

COMMA ,  f  m.  terme  de  Gram.  ù  d'Impr. 
Ce  mot  eft  grec,  ««'«,««,  fegmen y  incifum. 
Quintilien  ,  vers  le  commencement  du  ch.  iv 
du  liv.  IX y  fait  mention  des  incifes  &  des 
membres  de  la  période ,  incifa  quce  KÎfiuurx  , 
membra  quce  KuXtu.  Les  incifes  font  un  fens 
partiel  qui  entre  dans  la  compofition  du  fens 
total  de  la  période  ,  ou  d'un  membre  de  pé- 
riode. V.  Construction  &  Période. 

On  donne  aufti  le  nom  d'incife  aux  divers 
fens  particuliers  du  ftyle  coupé  :  Turenne  eJî 
mort;  la  vicloire  s'arrête;  la  fortune  chan^ 
celé;  c'eft  ce  que  Cicéron  appelle  incifim 
dicere.  Cic.  orat.  cap.  Ixij  ^  Ixvij. 

On  appelle  auflî  comma  une  forte  de  ponc- 
tuation qui  fe  marque  avec  les  deux  points: 
c'eft  de  toutes  les  ponduations  celles  qui  après 
le  point  indique  une  plus  forte  féparation.  Le 
{leurLcroi,  ce  fameux  protede  Poitiers,  dans 
fon  traité  de  l'orthographe  qui  vient  d'avoir 
l'honneur  d'être  augmenté  par  M.  Reftaut;  le' 
fieur  Leroi ,  dis-je  ,  foutient  que  la  ponâua- 
tîon  des  deux  points  doit  être  appeliée  comma, 
&  que  ceux  qui'  donnent  ce  nom  au  point- 
virgule  Çont  dans  l'erreur.  Apparemment 
l'ufage  a  varié;  car  Martin  Fertel ,  Richeîet, 
&  le  didionnaîredeTrevoux,  édition  de  1721, 
difent  que  le  comma  eft  la  ponâuation  qui  fe 
marque  avec  un  point  &  une  virgule:  le  fîeur 
Leroi  foutient  au  contraire  que  malgré  le 
fentiment  de  ces  auteurs,  la  ponduation  du 
point- virgule  eft  aip^eWée petit  que  par  tous  les 
imprimeurs  ;  parce  qu'en  effet  ce  fîgne  fert  à 
abréger  la  particule  latine  que ,  quand  à  la 
fuite  d'un  mot  elle  fignifie  Ù  :  par  exemple 
illaq;  hominefq;  deofq;  au  lieu  de  illaque 
hominefque,  deofque.  Icx'û  ne  s'agit  que  d'un 
fait  y  on  n'a  qu'à  confulter  les  imprimeurs  ' 


6o6  C  O  M 

ainfi  le  prote  de  Poitiers  pourroit  bien  avoir 
raifon.Noiis  verrons  <zu/7zof  Orthographe 
s'il  eft  auffi  heureux  quand  il  s'agit  de  raifon- 

nement.  (F) 

§  COMMA ,  (Mujjq.)  Si  quelqu  un  pre- 
noit  pour  rapport  du  diamètre  à  la  circonfé- 
rence du  cercle ,  les  différentes  approxima- 
tions qui  en  ont  été  données,  il  pourroit  dire 
que  ce  rapport  eft  à  la  fois  it)  fff  >  Hl  »  ^'^• 
de  même  on  pourroit  dire  que  le  rapport  de 
la  diagonale  au  côté  du  quarré^,  eft  7 ,  j  ,  77 , 
±1  ^  il  ^  &c.  quoique  dans  le  fait  il  ne  foitque 
V"T~.  D'après  cette  réflexion ,  M.  de  Boifge- 
!ou  ,  confeiller  au  grand  confeil  de  Paris ,  & 
habile  géomètre ,  mort  en  17154,3  imaginé 
que  le  rapport  d'un  intervalle  devoit  être  in- 
commenfurable ,  lorfque  les  mufîciens  lui 
aftîgnoient  plufieurs  expreflions ,  dont  la  diffé- 
rence eft  ce  qu'on  appelle  un  comma.  En  effet , 
pour  déterminer  les  rapports  de  tous  les  inter- 
valles ,  on  part  de  la  fuppofîtion  ,  que  ceux  de 
la  cierce  majeure  &  de  la  quinte  font  connus 
par  expérience ,  &  dans  chaque  calcul ,  on 
combine  ces  deux  rapports  concurremment: 
cependant  chacun  des  deux  doit  dépendre  de 
l'autre  :  il  ne  faut  recourir  à  l'expérience  que 
pour  en  connoître  un  ,  &  le  fécond  doit  être 
tiré  du  premier  par  le  calcul  :  de  même  que 
quand  on  a  mefuré  le  diamètre  d'un  cercle , 
on  connoît  fuffifamment  fa  circonférence  , 
Jont  la  mefure  aduelie  ne  donneroit  qu'une 
approximation.  Je  prends  donc  pour  connu  le 
rapport  de  la  tierce  majeure ,  dont  la  jufteffe 
eft  la  moins  douteufe ,  &  je  nomme  celui  de 
la  quinte  :  :  /z  ;  z.  Je  parcours  toutes  les  notes 
par  ordre  de  quinte,  &  je  forme  la  table 
fuivante  : 

b  b  b  b  b  h  \) 
fa>  ut>M>  re,  la  y  mi,  fi  y  fa  y  ut,  fol  y 
%  >K  X  %  XK  ^  M 
Te  y  la,  mi,  fi,  fa,  ut,  fol,  re,  la,  mi,  fi, 
dont  les  notes  auront  refpedivement  pour  va- 
876543  210 
leurs  numériques  n,  n,  n,  11,  n,  n,  n,  n,  n, 
i^-a— 3  —  4  —  î  — 6  —  7  —  8  —  9  —  10— II  —  Il 
n  ,  n  ,  n ,  n  ,  n ,  n ,  n ,  n ,  n ,  n,  n,  n; 
enfuite  pour  ramener  tous  ces  fons  à  une 

fnême  oûave ,  je  confîdere  que  ut ,  par  exem- 
pie,  dont  la  valeur  eft  /z,  eft  à  la  quatrième 


C  O  M 

oftava  de  Vat  qui  fuit  immédiatement  Vut  na- 

,     j       1       ,       ,  3ié       4-7 

turel ,  donc  la  valeur  de  cet  ut  eft  2.  n.  Pat 

cette  méthode,  je  conftruis  la  table  fui  v^nta: 

ut,  ut,  re,  re,  re,  mi,  mi,  mi,  fa,  fa,  fa^ 
t  m     ^  K    b  n    b 

fol}  fol,  fol,  la,  la,  la,  fi,  fi,  fi,  ut,  ut, 
dont  les  notes  ont  refpedivement  pour  va- 
00  4—7  35  1—25—9 
leurs  numériques  xn,  zn,  zn,  zn,  zn, 
23  2— 46 II — 58 — 113 — 6 — 46014—8 
zn,  Zn,  zn,  zn,  Zn,  Zn,  zn,zn,  zn, 
-341—3  5—10—222—56 — 12^—57 — 10 
zn  ,  Zn  ,  zn  ,  zn  ,  zn  ,  zn  ,  z  n,  zn. 
Il  ne  faut  donc  plus  que  déterminer  n  :  pour 
y  parvenir  je  fais  :  :  5  :  4  le  rapport  de  la  tierce 

o  o    2—4  4 

majeure ,  &  j'ai  zn:  zn::  5  :  4  ;  donc  n  = 

4—  4  — 

5  &  n  =  V  5.  Or  V  5  a  dû  naturellement 
être  confondue  avec  |  qui  en  eft  une  ap- 
proximation très- forte.  Il  eft  aifé  maintenant 
d'avoir  le  rapport  numérique  d'un  inter- 
valle quelconque  :  fî  dans  fon  exprefîîon  Tex- 
pofant  de  n  eft  une  puifîànce  de  4 ,  le  rap- 
port eft  jufte  &  commenfurable  ;  li  l'expofant 
eft  tout  autre  nombre ,  le  rapport  eft  incom- 
menfurable,  &  il  faut  fubftituer  7  à  /i  comme 
approximation.  Ainfi  le  rapport  de  la  tierce 

3  4 

mineure  eft  :  :  4  :  «  ou  :  :  4  /z .-  n  ,  c'eft-à- 
dire  :  :  4  /z  ;  5.  Si  on  fubftitue  7  à  n,  le  pre- 
mier rapport  devient  :  :  32  :  27,  &  le  fé- 
cond :  :  6  :  5  ;  ce  font  ces  deux  approxima- 
tions qui  ont  été  prifes  pour  des  valeurs  réel- 
les. Le  rapport  de  la  féconde  mineure  eft  :  : 

3       5        3  3    3  833 

2:/i;:2:5/2::2/z;7z::2/z  :  25.  L'ap- 

3 
proximation  du  rapport  :  ;  2  :  5  ra  eft  :  :  16: 

3   3 
15  ,  &  celle  de  :  :  2  n;  25  eft  :  :  27  :  25.  Ce 
font  ces  deux  rapports  qui  ont  été  donnés 
pour  vrais.  Le  rapport  de  la  féconde  majeure 

2  4  z  2 

eft  :  :  /Z  :  2  :  :  n  :  2  /i  :  :  5  :  2  /i.  Par  la  fubfti- 

2  2 

tution  de  I  à  /z  le  rapport  :  :  n  :  z  devient  :  : 

9  ;  8  ,  &  le  rapport  :  :  5  :  2  n  devient  :  :  10  : 
9  qu'on  reconnoît  pour  les  deux  qui  ont  été 
trouvés.M.deBoifgelou  appuyoit  cette  théorie 


C  O  M 

fur  une  foule  d'autres  preuves  qu'il  feroit  trop 
long  d'inférer  ici.  Remarquons  qu'un  inter- 
valle eft  diatonique,  fi  dans  fon  exprefîion  l'ex- 
pofant  de  n  eft  depuis  o  jufqu'à  6  ;  chromati- 
que ,  fi  rexpofant  eft  depuis  6  jufqu'à  12;  en- 
harmonique, depuis  1 2  jufqu'à  1 8.  Si  l'expofant 
de  n  eft  pre'cifcment  6  ,  l'intervalle  eft  à  la  fois 
diatonique  &  chromatique  ;  c'eft  le  pafTage  de 
l'un  à  l'autre  :  fi  l'expofant  eft  12 ,  l'intervalle 
eft  à  la  fois  chromatique  &  enharmonique. 
Voyei  Tempérament.  (G.  C.J 

COMMAND  ,  f.  m.  (Jurifp.J  ce  terme 
(jgnifie  quelquefois  celui  qui ,  foit  dans  un 
contrat  d'acquifition  volontaire ,  foit  dans  une 
adjudication  par  décret ,  déclare  qu'il  acheté 
pour  lui  ou  pour  un  ami  élu  ou  à  élire,  &  qu'il 
nommera  dans  la  fuite.  Ce  même  terme  co/72- 
mand  fignifie  plus  fouvent  celui  qui  a  donné 
charge  à  un  autre  d'acquérir  pour  lui. 

Cette  manière  d'acquérir  eft  fort  commune 
en  Anjou  &  au  Maine.  Les  coutumes  de 
Peronne ,  Cambrai ,  &  Artois  ,  en  parlent 
nommément  ;  &  elle  eft  permife  dans  toutes 
les  autres  coutumes  qui  ne  la  prohibent  pas 
expreftement. 

La  déclaration  de  ce  que  l'on  acheté  pour 
foi  ou  pour  un  autre ,  doit  être  faite  dans  le 
contrat  même  ,  fi  c'eft  une  vente  volontaire. 

A  l'égard  des  ventes  par  décret ,  comme 
l'adjudicataire  n'eft  pas  tenu  de  figner  l'adjudi- 
cation avec  fon  procureur ,  on  tient  que  s'il  ne 
l'a  pas  fignée ,  il  peut ,  en  confignant  dans  les 
délais  portés  par  les  réglemens ,  c'eft-à-dire , 
dans  la  huitaine  ,  ou  quinzaine  au  plus,  faire 
fa  déclaration  de  command  ,  c'eft-à-dire  ,  que 
l'adjudication  eft  pour  lui  ou  pour  fon  ami 
i\u  ou  à  élire  ;  ce  que  la  coutume  d'Auvergne 
appelle  ^cAer^r  pour  foi  ou  pour  fon  mieux  : 
ce  mieux  fignifie  le  droit  que  l'acquéreur  fc 
réferve  de  chôifir  un  command  ou  ami  pour 
acquéreur  à  fa  place. 

A  l'égard  du  temps  dans  lequel  l'acquéreur 
ou  adjudicataire  doit  nommer  le  command  , 
c'eft-à-dire ,  l'ami  pour  lequel  il  a  fait  l'acquifi- 
tion,  les  coutumes  ne  font  pas  uniformes  ;  quel- 
ques-unes veulent  que  cette  déclaration  foit 
faite  dans  quarante  jours ,  telle  que  Peronne, 
art.  88,  celle  d'Amiens  accorde  un  an ,  art.  3  j 
&  34y  celle  d'Artois  ne  fixe  point  le  temps: 
dans  celle  de  Cambrai  il  n'y  a  que  quarante 
)ours  pour  les  fiefs ,  &  un  an  pour  les  autres 
héritages  :  le  délai  de  quarante  jours  paroît 
le  plus  convenable. 


C  O  M  607 

Il  eft  indiffèrent  que  l'acquéreur  ou  adjudi- 
cataire ait  configné  de  fes  deniers  ou  de  ceux 
de  fon  ami ,  pourvia  qu'en  confignant  il  ait 
fait  la  déclaration  de  command. 

La  nomination  du  command  doit  être  faite 
pour  le  même  prix,  charges,  claufes,  &  condi- 
tions :  autrement  ce  feroit  une  revente  qui  pro- 
duiroit  de  nouveaux  droits  feigneuriaux. 

Il  faut  auffi  que  lors  de  la  nomination  les 
chofes  foient  entières,  c'eft-à-dire,  que  l'acqué- 
reur n'ait  pas  fait  ade  de  propriétaire  en  fon 
nom ,  par  exemple ,  qu'il  ne  fe  foit  pas  fait  re- 
cevoir en  foi  &  hommage ,  &  payé  les  droits. 

Si  le  command  ou  ami  nomme  n'ayant  pas 
donné  de  pouvoir  pour  acquérir  ,  reflifoit 
d'accepter  l'acquifition  ,  le  premier  acqué- 
reur demeureroit  propriétaire ,  fans  que  pour 
cela  il  fût  dû  doubles  droits.  Voye\  le  tr.  des 
fiefs  de  Guyot ,  tome  III ,  ch.  ii>  y  fecl.  3  ,  Ù 
la  pratique  des  terriers  de  M.  de  Freminville  , 
tome  I y  p.  ii$o.  (AJ 

COMMANDS ,  (grandsy  hauts,  ou  petits^ 
Jurifpr,  font  les  injondions  ou  commande- 
mens  que  les  fecretaires  &  fergens  font  de 
l'ordonnance  de  juftice  &  par  fon  mande- 
ment ,  pour  faire  déhvrer  la  poifelfion.  Il  en 
eft  parlé  au  ftyle  de  Liège ,  &  en  la  coutume 
de  Namur,  art.  z&,  &:  dans  les  coutum.es 
des  fiefs  de  ce  comté.  ("AJ 

COMMANDANT ,  f .  m.  fHiJi.  mod.  ù 
Art,  milit.J  Ce  nom  pris  en  général ,  fignifie 
un  officier  militaire  qui  a  autorité  fur  une 
armée  ,  un  corps  de  troupes  ,  &  tant  fur  les 
officiers  que  fur  les  foldats. 

En  le  reftreignant  à  un  fens  plus  particulier, 
il  fignifie  dans  les  troupes  de  France  un  officier 
qui  commande  en  chef  à  tout  un  bataillon.  Qia- 
que  bataillon  a  un  commandant,  qui  eft  ordi- 
nairement le  plus  ancien  capitaine  ou  le  capitai- 
ne des  grenadiers  de  ce  même  bataillon-.  fO  ) 

COMMx\NDATAIRE  ou  COMMEN- 
DATAIRE  ,  fubft.  mafc.  Cette  dernière 
orthographe  eft  plus  ordinaire.  On  appelle  v'e 
ce  nom  en  Jurifprudence  un  eccléfiaftique 
féculier  qui  eft  pourvu  par  le  pape  à  titre  de 
commende  d'un  bénéfice  régulier ,  tel  qu'une 
abbaye  ou  un  prieuré ,  avec  le  droit  de  pro- 
fiter des  fruits  du  bénéfice  tant  qu'il  en  fera 
polTeflëur.  La  qualité  de  commendataire  eft 
oppofée  à  celle  de  titulaire.  Le  bénéficiée 
titulaire  eft  celui  qui  eft  pourvu  en  titre  du 
bénéfice  ;  le  commendataire  eft  celui  qui  en 
eft  pourvu  en  commende  feulement.  Il  ^  a 


6o8  C  O  M 

des  abbés  &  des  prieurs  commendataires.  A 
l'égard  des  évéchés  &  cures ,  on  ne  peut  pas 
les  conférer  en  commende. 

Le  concile  d'Aix  tena  en  158^  ,  veut  que 
les  bénéficiers  commendataires  tiennent  un 
milieu  entre  la  vie  des  réguliers  &  celle  des 
eccléfiaftiques  féculiers  ,  tant  dajis  leur  vête- 
ment que  dans  leur  nourriture  &:  leurs  meu- 
bles :   il  veut  qu'ils  portent  la  tonfure  plus 
grande  que  les  féculiers  ;  qu'ils  fallènt  atten- 
tion que  l'adminiftration  des  biens  des  monaf- 
teres  ne  leur  a  pas  été  confiée  pour  vivre  dans 
le  luxe  ,  dans  la  prodigalité,  ni  pour  enrichir 
leurs  familles  ;  mais  pour  en  faire  un  pieux 
ufage  ,  comme  d'un  bien  dont  ils  n'ont  pas 
la    propriété ,    &  dont  ils   doivent    rendre 
compte  à  Dieu.  Biblioth.  canàn.  au  mot  abbé. 
Les  abbés  commendataires  font  confidérés 
dans  réglife   corpme  conftitués  en  dignité, 
&  comme  de  vrais  prélacs  ;  ils  prennent  pof- 
feiîïon  de  leurs  églifes  abbatiales  ,   baii'ent 
l'autel  ,    touchent  les  livres  &    ornemens , 
prennent  féance  au  chœur  en  leur  première 
place;  ils  peuvent  être  juges  délégués  ,  &  ont 
féance  dans  les  conciles  &  autres  affemblées. 
Dans  les  abbayes  qui  ont  territoire  &  jurif- 
didion ,    ils  exercent   la    jurifdiûion    fpiri- 
tuelle  :  ils  jouiflent  des  mêmes  honneurs  que 
les  abbés  titulaires,  excepté  qu'ils  ne  portant 
point  la  croix  pedorale.  Ils  ont  rang  au  ïief- 
fus  de  tous  les  prélats  inférieurs ,  même  tiru- 
laires  ;  &  lorfqu'ils  décèdent ,  leur  églile  eil  j 
dite  vacante.  1 

Suivant  la  difpoficion  de  plufieurs  conciles  j 
depuis  le  concile  de  Trente ,  les  abbés  com- 
mendataires font  tenus  de  fe  faire  promou- 
voir à  l'ordre  de  prétrife  dans  l'an  de  hurs 
provifions ,  faute  de  quoi  au  bout  de  deux 
ans  leurs  bénéfices  font  déclarés  vacans  & 
împétfables.  Mais  plufieurs  obtiennenn  en 
cour  de  Rome  des  difpenfes  de  non  promo- 
vendo  j'  ces  difpenfes  ne  font  que  pour  un 
temps ,  mais  elles  fe  réitèrent  plufieurs  fois. 
Les  abbés  commendataires  y  quand  même 
ils  feroient  cardinaux  ,  n'ont  point  le  droit 
de  vifîte  ni  de  correûion  fur  les  religieux  de 
leur  abbaye  :  ils  peuvent  néanmoins  difpofer 
des  places  m.onacliales  dans  les  monalleres 
qui  ne  font  pas  en  congrégation ,  à  moins 
que  les  religieux  ne  juftifient  d'un  ufage  & 
pofTefïion  contraire  ;  &  dans  les  monafteres 
même  où  les  abbés  commendataires  ont  cédé 


C  O  M 

aux  religieux  le  droit  de  nommer  aux  places 
monachales  ,  ils  peuvent  obliger  les  fupé- 
rieuts  d'y  mettre  un  certain  nombre  de  re- 
ligieux. Ils  peuvent  aufïï  nommer  aux  béné- 
fices dépendans  de  leur  abbaye  ,  &  aux  of- 
fices de  juftice,  pourvu  que  la  juftice  foit 
dans  leur  lot. 

Il  faut  appliquer  tout  ce  qui  vient  d'être 

I  dit  des  abbés  aux  prieurs  commendataires  y 

qui  font  fujets  aux  mêmes  règles  ,  &  jouif- 

fent  àes  mêmes  droits  en  tant  qu'ils  peuvent 

appartenir  à  la  qualité  de  prieur. 

Les  religieux  ont  leur  menfe  conventuelle 
féparée  de  cdle  de  l'abbé  ou  prieur  commen- 
dataire  :  fi  leur  part  confiile  en  une  penfion , 
ils  font  toujours  reçus  à  demander  un  partage 
en  nature.  »• 

Lqs  commendataires  ne  peuvent ,  en  faveur 
des  religieux,  diminuer  les  droits  de  leur  bé- 
néfice ,  au  préjudice  de  leurs  fucceffeurs. 
Voye\  le  traité  des  matières  bénéf.  de  Fuet  , 
liv.  ly  ch.  des  abb.  &  liv.  II  y  Ù  ch.  ij  y  de  la 
divif.  des  bénéf.  &  le  tr.  de  F  abbé  commendat, 
par  de  Bois- franc.  (A) 

COMMANDE  ou  COMMENDE,  (Mat, 
hénéfic.J  fignifie  garde-dépôt.  Donner  un  béné- 
fice en  commende,  c'eft  donner  en  garde  à  un 
féculier  un  bénéfice  régulier ,  lequel  ne  peut 
être  conféré  en  titre  qu'à  un  régulier,  fuivant 
la  règle  fecularia  fecularibus )  regularia  regu- 
laribus  ,  qui  étoit  la  difcipline  obfervée  dans 
les  premiers  fîecles  de  l'églife. 

Quelques-uns  rapportent  l'établifTement 
des  commendes  à  Urbain  II ,  d'autres  à  Clé- 
ment V,  d'autres  encore  à  Léon  IV,  mais 
i'ulàge  en.paroît  encore  plus  ancien. 

En  efïèt,  on  voit  que  dès  le  temps  du  troi- 
fieme  concile  d'Orléans ,  tenu  fous  Childe- 
bert  en  53S  ,  l^^'^  évêques  donnoient  à  des 
clercs  féculiers  les  monafîeres  qui  étoient 
dans  leurs  diocefes ,  de  même  qu'ils  leur  don- 
noient des  cures  &  des  chapelles  ,  &  que  l'é- 
vêque  avoir  le  pouvoir  de  conferver  au  clerc 
qu'il  avoit  mis  à  la  tête  d'un  monafiere ,  la 
part  qu'il  avoit  dans  les  revenus  de  l'églife 
féculiere  à  laquelle  il  étoit  attaché  ,  ou  de 
l'obliger  à  fe  contenter  de  ce  qu'il  pourroit 
avoir  du  monaftere. 

S.  Grégoire  le  grand  qui  fiégeoit  fur  la  fin 
du  fixieme  fiecle ,  admettoit  qu'il  y  a  des  cas 
où  la  charité ,  qui  eft  au  defîus  des  règles , 
autorife  l'ufage  de  donner  des  monafteres  en 

conimendt 


C  O  M 

commende  â  des  clercs  féculiers  :  Paulin  évê- 
que  de  Tour  en  Sicile ,  s'étant  retiré  en  Sicile, 
ce  S.  pontife  lui  donna  la  conduite  d'un  mo- 
naftere ,  comme  le  defiroit  levêque  du  lieu. 

Du  temps  de  Clotaire ,  S.  Léger  étant  ar- 
chidiacre de  Poitiers ,  eut  par  Tordre  de  fon 
évêque  l'adminiftration  de  l'abbaye  de  S. 
Maixent  ,  qu'il  gouverna  pendant  fix  ans. 

On  voit  par-là  que  le  pape  n'étoit  pas  le 
lèul  qui  conférât  des  bénéfices  réguliers  en 
commende  ,  que  les  évêques  en  conféroient 
aufli  fous  le  même  titre. 

Les  princes  donnèrent  même  àes  abbayes 
à  des  laïques  :  Charles  Martel  maire  du  palais 
fut  le  premier  qui  dilpofa  ainfi  des  abbayes , 
de  même  que  des  dîmes  ,  en  faveur  des  prin- 
ces &  fèigneurs ,  pour  les  récompenfer  de  la 
dépeniè  qu'ils  avoient  faite  dans  la  guerre 
contre  les  Sarrafins.  C'eft  de-là  que  vinrent 
les  noms  âHabbates  milites  ou  abbi-comitts  : 
ceux-ci  établiffoient  un  doyen  ou  prieur  pour 
gouverner  des  moines.  Ces  e^eces  de  com- 
mendes  laïques  continuèrent  fous  les  rois  , 
leurs  enfans  ,  &  fous  leurs  fucceffeurs ,  juf- 
qu'à  Hugues  Capet,  qui  rétablit  les  élcftions 
dans  les  églifes  &  monafteres ,  &  reftitua 
autant  qu'il  fut  poflîble  les  revenus  qui  avoient 
été  pris  par  les  derniers  rois  de  la  race  carlo- 
vingienne. 

Pour  ce  qui  eft  des  commendes  eccléfiafti- 
ques  ,  elles  n'ont  jamais  été  pratiquées  parmi 
nous  pour  les  évêchés  ni  pour  les  cures  , 
mais  feulement  pour  les  abbayes  &  prieu- 
rés,  tant  fimples  que  conventuels. 

Les  commendes  eccléfiaftiques  ne  furent 
introduites  que  pour  l'utilité  de  l'églife,  c'eft 
pourquoi  le  commendataire  n'avoit  pas  la 
jouiffance  ,  mais  feulement  l'adminiftration 
des  fruits  :  d'abord  la  commende  ne  duroit 
que  jufqu'à  la  provilîon  ^  enfuite  on  la  donna 
pour  un  temps  limité ,  quelquefois  aiTez  long. 
Le  pape  défendit  aux  évêques  de  donner  un 
bénéfice  en  commende  pour  plus  de  fix  mois  : 
mais  la  loi  ne  fut  point  pour  le  légiflateur  j 
les  papes  donnoient  en  commende  jufqu'à  ce 
que  le  commendataire  eût  acquis  les  qualités 
nécefTaires.  Enfin  en  1350  les  papes  ,  fans 
permettre  aux  évêques  de  donner  en  com- 
mende pour  plus  de  fix  mois  ,  en  donnèrent 
à  vie.  Difcip.  de  Frapaolo  ,  ».  148. 

Tant  que  les  papes  &  les  évêques ,  en  con- 
férant des  bénéfices  réguliers  en  commende  , 
n'ont  eu  eu  vue  que  le  biea  de  l'égtife  &  ce- 
Tome  nu. 


C  O  M  ^op 

lui  des  monafteres ,  les  pères  &  les  conciles 
n'ont  point  condamné  cet  ufàge  :  mais  vers 
les  viij  &  ixe  fiecles  elles  dégénérèrent  en 
abus  \  &  lorfqu'on  vit  que  ces  commendaCai- 
reslaifToient  tomber  en  ruine  les  monafteres , 
que  le  fèrvice  divin  étoit  abandonné ,  les  re- 
ligieux fans  chef,  &  manquant  du  nécefTaire, 
l'églife  s'eft  élevée  fortement  contre  les  com- 
mendes,  par  rapport  au  mauvais  ufàge  que 
les  commendataires  en  faifoient,  &  a  or- 
donné en  différentes  occafions  que  les  ab- 
bayes ne  fèroient  plus  conférées  qu'à  des  ré- 
guliers :  c'eft  ce  que  l'on  trouve  dans  le  conb- 
cile  de  Thionville  ,  tenu  en  844. 

Jean  VIII ,  préfident  au  concile  de  Troyes 
fous  le  règne  de  Louis  le  Bègue  ,  y  fit  rece- 
voir une  conftitution  ,  qui  en  conformité 
d'un  précédent  concile  de  Rome ,  portoit  que 
les  abbayes  ,  terres,  &  fonds  de  l'églife ,  -ne 
fèroient  plus  donnés  qu'à  ceux  qui  fèroient 
capables  de  les  pofléder  fuivant  les  canons. 
Le  concile  de  Troley  tenu  fous  Charles  le 
Simple  ,  s'expliqua  encore  plus  clairement 
fur  ce  point  :  après  s'être  élevé  fortement 
contre  l'abus  que  l'on  avoit  fait  des  commen- 
des ,  il  ordonna  que  l'on  obfèrveroit  exac- 
tement la  règle  de  S.  Benoît ,  qui  veut  que 
les  religieux  choifîffent  un  d'entre  eux  pour 
gouverner  le  monaftere  en  qualité  d'abbé. 

L'ufàge  des  commendes  laïques  cefîa  y 
comme  nous  l'avons  dit  ,  du  temps  de  Hu- 
gues Capet,  mais  l'abus  des  commendes  con- 
tinua encore  par  rapport  aux  eccléfiaftiques  : 
les  évêques ,  foit  de  leur  autorité  ou  de  celle 
du  pape ,  retenoient  encore  les  abbayes  fbus 
le  titre  de  commende  ;  &  il  arriva  fi-équem- 
ment  dans  les  xij  &  xiije  fiecles  que  les  évê- 
ques titulaires  en  la  Terre-fainte  en  étant 
chaf  les  par  les  infidèles ,  le  pape  leur  donnoit 
d'autres  évêchés  ou  des  monafteres  en  com- 
mende perpétuelle. 

Des  cardinaux  &  autres  prélats  demandè- 
rent ces  monafteres  en  commende  ,  fous  pré- 
texte d'y  mettre  la  réforme  j  ce  qu'ils  ne  fi- 
rent point. 

Les  commendes  devinrent  très-communes 
dans  le  xive  fiecle ,  tandis  que  le  faint-fiege 
étoit  à  Avignon  :  Clément  V  les  avoit  telle- 
ment multipliées ,  qu'il  crut  ne  pouvoir  répa- 
rer le  tort  que  fa  trop  grande  facilité  avoit 
fait  à  l'églife  ,  qu'en  révoquant  lui-même 
toutes  les  commendes  qu'il  avoit  accordées. 
Benoît  XII  révoqua  celles  de  Jean  XXII  - 
H  h  h  h 


éio  C  O  M 

fon  prédéceiTeur  )  &  Innocent  VI  celles  de  ) 
Benoît  XII.  Elles  fuient  néanmoins  rétablies  1 
par  Urbain  VI ,  &  par  Boniface  IX ,  mais 
ïculement  pour  un  temps.  Paul  II ,  eu  1462 , 
les  rendit  perpétuelles. 

Le  cinquième  concile  de  I.atran  tenu  en 
1512  ,  défendit  que  les  monafteres  qui  n'é- 
toient  point  en  commende  y  fulfent  donnés  à 
l'avenir  ;  mais  le  pape  s'étant  réfervé  la  fa- 
culté d'y  déroger  5  l'uiage  des  commendes  con- 
tinua comme  auparavant  :  il  fembloit  encore 
abrogé ,  du  moins  pour  la  France  ,  par  le 
concordat  fait  en  15 16  entre  Léon  X  & 
François  I  ,  cependant  les  chofes  font  ref- 
tées  iur  le  même  pié. 

Le  concile  de  Trente  &  les  conciles  pro- 
vinciaux qui  ont  été  tenus  depuis ,  notam- 
ment celui  de  Rouen  en  1581  ,  &  celui  de 
Rkeims  en  1583  ,  fe  font  contentés  de  faire 
des  vœux  pour  le  rétablillément  de  l'ancienne 
di£'ipline. 

II  y  a  préfentement  en  France  deux  fortes 
de  commendes ,  qui  ne  font  plus  pour  un 
temps  comme  autrefois  ,  mais  à  vie. 

Les  premières  font  celles  des  abbayes  & 
des  prieurés  conventuels ,  auxquels  le  roi 
nomme   en  vertu  du  concordat. 

Les  autres  font  des  prieurés  fimples  ou 
conventuels  ,  qui  font  à  la  nomination  des 
princes ,  cardinaux  ,  abbés ,  &  autres  qui 
ont  des  induits  du  pape  enrégiflrés  &  recon- 
nus au  parlement  pour  les  donner  en  corfi- 
mende.  Mais  comme  les  provifions  en  com- 
mende ibnt  contre  la  difpoiîtion  du  droit  ca- 
nonique 5  &  que  le  pape  fèul  peut  diipenfer 
de  l'inhabilité  des  perfonnes ,  Q  n'y  a  que  lui 
qui  puiflé  conférer  en  commende  avec  lapleine 
diipofîtion  des  fruits. 

Au  refte  la  commende  ne  change  point  le 
bénéfice  de  nature ,  quelque  temps  qu'il  ait 
été  polTédé   en  commende. 

Un  bénéfice  autrefois  en  commende  ,  qui 
eft  depuis  retourné  en  règle  ,  c'eft-à-dire  qui 
a  été  conféré  à  un  régulier ,  ne  peut  plus 
être  pofTédé  en  commende  (ans  obtenir  une 
nouvelle  difpeufe  du  pape. 

On  diftingue  encore  deux  fortes  de  co/72- 
mendes ,  fàvoir  la  commende  libre ,  &  la  com- 
mende décrétée. 

La  commende  libre  eft  celle  à  laquelle  le 
pape  n'a  appofé  aucune  reHriâion  ,  de  ma- 
nière que  le  bénéfice  peut  palfer  d'un  béné- 
ficier à  un  autre  à  titre  de  commende  fùns  nou- 


C  o  M 

velle  difpenfè  du  pape  ,  lequel  en  ce  cas  ne 
peut  refufer  de  le  conférer  en  commende. 

La  commende  décrétée  eft  lorfque  dans  les 
provifions  données  par  le  pape  d'un  bénéfice 
régulier  ,  il  y  a  le  décret  irritant  ou  claufe 
que  le  bénéfice  retournera  en  règle  par  la 
démifiion ,  réfignation  ,  ou  décès  du  titu- 
laire ,  cedente  vel  decedente. 

Celui  qui  poflède  un  bénéfice  en  commende 
décrétée  ,  ne  peut  le  réfigner  en  commende  li- 
bre ;  cependant  s'il  y  a  voit  eu  trois  titulaires 
qui  euffent  fiicceflivement  poflédé  en  com- 
mende y  le  quatrième  ne  fèroit  pas  obligé  de 
faire  mention  du  décret  irritant. 

Quand  un  bénéfice  pofledé  en  commende 
vient  à  vaquer ,  le  collateur  ordinaire  peut  y 
pourvoir  en  titre ,  c'eft-à-dire  le  conférer  à 
un  régulier. 

Un  féculier  pourvu  en  commende  fe  faifant 
religieux ,  fon  bénéfice  vaque  par  fa  profef- 
fion.  Voye^la  bib.  can.  t.  II. , p.  1 59.  Duper- 
ray  ,  moyens  can.  t.  Il ,  ckap.  xj  ^  P^g'  328. 
Dumoulin  ,  de  public,  rejlg.  n.  302.  Loiiet  y. 
ibid.  Fuet  5  liv.  Ill ,  ch.  ij.  le  diclionn.  de 
Brillon  ,  au  mot  bénéfice  ,  §.  commend.  le  tr, 
des  loix  eccléfiaji.  de  M.  d'Héricourt ,  aux 
différensendroits  indiqués  dans  la  table ,  aux 
articles  abbayes  &  abbés  commendataires  ;  & 
la  jurifpr.  cajion.  au  mot  commende.  [A) 

Commande  ou  Commende  ,  (Jurifpr.)  • 
en  la  coutume  de  Bayonne ,  titre  iij ,  article 
I  ,  Çignï^Q  dépôt. 

Commande ,  en  quelques  coutumes ,  eft  un 
droit  qui  fe  levé  fur  les  ferfs  affranchis  par 
leur  fèigneur.  Coût,  de  Chateauneuf^art.  22  y. 
la  charte  de  tan  1278  ,  ch.  Ixviij  ,  des  coût*, 
locales  de  Berry. 

Commande  ,  eft  auffî  en  quelques  lieux  la 
taille  due  par  des  hommes  de  condition  fer- 
vile  \  elle  eft  ainfi  nommée  dans  t article  2^ 
des  coutumes  locales  de  Château- Mellian  en 
Berry  ,  dans  la  charte  d! afi'ranchijfement  des 
habitons  de  Gournay  ,  de  fan  1278  ,  publiée 
par  la  Thaumaftîere  entre  fès  anciennes  cou- 
tumes ,  part.  I ,  ch.  Ixxiv ,  p.  109. 

Droit  de  commande  ,  en  l'ancienne  cou- 
tume de  Mehun  en  Berry ,  art.  2 ,  tit.  ij ,  eft 
le  droit  que  le  fèigneur  prend  chacun  an  fur 
les  veuves  de  condition  ièrvile ,  durant  leur 
viduité ,  pour  connoifiance  bc  confervation 
de  fon  droit  de  fèrvitude  ^  il  eft  de  deux  de- 
niers parifîspar  an.  Dans  la  coutume  de  Châ- 
tcauneuf  iQcale  de  Eerry  y  titre  ij  ,  art.  22 , 


C  O  M 

ce  droit  fè  levé  furies  femmes  fèrves  mariées 
à  autres  qu'à  ceux  de  la  condition  &  fervi- 
tude  du  feigneur  ^  ce  droit  y  eft  de  quatre 
deniers  par  an.  F'oyei  Lauriere  ,  ghjàire  , 
au  mot  Commande. 

Commande  ,  en  matière  bénéficiai  e,  voye^ 
Commande. 

Commande  de  bejiiaux  ,  eft  un  contrat  par 
lequel  ou  donne  à  un  laboureur  ou  à  un  paf- 
teur  une  certaine  quantité  de  bétail ,  tels  que 
bœufs ,  vaches  &  moutons  ,  à  la  charge  que 
le  preneur  les  nourrira  &  en  jouira  comme  un 
bon  père  de  famille  ,  &  qu'au  bout  d'un  cer- 
tain temps  il  le  repréfèntera  afin  que  le  bail- 
leur prélevé  defiusl'eftimation,  &:quelefiir- 
plus  ou  le  croît  fe  partage  entre  lui  &:  le  pre- 
neur. Quelques-uns  confidcrent  ce  contrat 
comme  une  vente ,  d'autres  comme  une  fo- 
ciété ,  d'autres  enfin  comme  un  louage.  Cette 
queftion  eft  amplement  traitée  par  RevelyLrr 
lesjiatuts  de  Bugey.  Voyei ChePTEL.  (A) 

Commande  ,  (  Commerce.  )  ordre ,  com- 
mifîîon  qu'un  marchand  donne  à  fbn  com- 
miflîonnaire  de  lui  acheter ,  vendre  ou  négo- 
cier des  marchandifes.  DiSionn.  de  Comm.  de 
tacad.  franc.  &  Trév. 

Commande  ,  fè  dit  aufll  des  ouvrages 
que  les  manufaéiuriers ,  marchands  ou  arti- 
isiws  font  ou  font  faire  par  ordre  exprès  j  ce 
qui  \ts  diftingue  des  ouvrages  fabriqués  pour 
la  boutique  ou  le  magafin ,  qui  fe  vendent 
au  premier  venu.  On  dit  une  étoffe  de  com- 
mande ,  &c.  Diâionn.  de  Comm.  ù  de  Trév. 

Commande  ,  (Marine.  )  ce  mot  eft  crié 
par  l'équipage  pour  répondre  au  maître ,  qui 
a  appelle  de  la  voix  ou  du  fifflet  pour  quel- 
que commandement  qu'il  va  faire.  (  Z  ) 

Commande  ,  (Marine. >c'eft  ainfî  qu'on 
appelle  de  petites  cordes  de  merlin  ,  dont 
les  garçons  de  navire  font  toujours  munis  à 
la  ceinture  afin  de  s'en  pouvoir  fervir  au 
befoin  ^  elles  fervent  à  ferrer  les  voiles ,  & 
à  renforcer  les  autres  manœuvres.  Elles 
font  faites  de  deux  fils  à  la  main  dans  le 
bond.  On  les  appelle  autrement  rabans.  Il  y 
a  des  commandes  de  palans.  (  Z  ) 

COMMANDEMENT  ,  f.  m.  (  Gram- 
maire. )  il  fe  dit ,  &  de  l'aftion  de  celui  qui 
commande,  comme  dans  cette phrafe  ,  //  eft 
abfolu  dans  fon  commandement  ;  &  de  la 
chofe  commandée  ,  comme  dans  celle-ci , 
voici  les  commandemens  de  Dieu  ;  &  du  di'oit 
de  commander  ôc  de  fe  faire  obéir,  comme 


C  O  M  êit 

\  dans  celle-ci,  le  roi  lui  a  confié  le  commande- 
ment defes  armées.  Voye[^  quant  à  cette  der- 
nière acception,  l'article  COMMANDANT. 

Commandement  ,  en  terme  defortifica^ 
tion,  c'eft  une  éminence  ou  une  élévation  de 
terre  qui  a  la  vue  fur  quelque  pofte  ou  fur 
quelque  place  forte. 

On  diftingue  trois  fortes  de  commande- 
mens :  1°.  le  commandement  de  front  ^  c'eft 
une  hauteur  oppofée  à  la  face  du  pofte  ^ 
qu'elle  bat  par  le  front ,  voye[  FRONT  : 
2°.  le  commandement  de  revers ,  qui  peut 
battre  un  pofte  ou  une  place  par  derrière  : 
3°.  le  commandement  d'enfilade ,  ou  le  com- 
mandement de  courtine  ;  c'eft  une  hauteur 
qui  peut  battre  d'un  feul  coup  toute  la  lon- 
gueur d'une  ligne  droite.  V.  Enfilade. 

Le  commandement  e&  fimple  lorfque  la  hau- 
teur qui  commande  eft  élevée  de  9  pies  plus 
que  le  terrain  commandé.  Il  eft  double  lorf- 
qu'elle  eft  élevée  de  1 8  pies  \  triple  quand 
elle  l'eft  de  27  ,  &  ainfi  de  fuite  en  prenant 
toujours  9  pies  pour  un  commandement. 

Comme  les  commandemens  dans  les  envi- 
rons des  places ,  pourroient  fervir  très-avan- 
tageufement  à  l'ennemi  pour  en  foudroyer 
les  ouvrages ,  on  unit  autant  qu'il  eft  poflible 
le  terrain  autour  des  places  à  la  diftance  de 
1000  ou  12000  toifes  ,  qu'on  peut  confidérer 
comme  la  portée  ordinaire  du  canon.  On  ne 
foufFre  dans  cet  efpace  ni  arbres ,  ni  hauteurs , 
nicheminscreuxoù  l'ennemi  puiflefe  cacher  j 
lorfqu'il  s'en  trouve  on  \qs  fait  combler.  On 
rafe  les  hauteurs ,  finon  on  s'en  faifit  parjquel- 
que  ouvrage  ou  quelque  pièce  de  fortification, 
ou  bien  l'on  couvre  les  endroits  commandés 
par  des  traverfes.  Voye^  TRAVERSES.  (Q) 

Commandement  ,  (  Jurifpr.  )  fignifie 
en  général  une  injonétion  faite  à  quelqu'un 
de  la  part  du  roi  ou  de  la  juftice. 

Arrêt  en  commandement ,  eft  un  arrêt  du 
confeil  d'en  haut ,  qui  eft  figné  en  comman^ 
dément  par  un  fecretaire  d'état. 

Il  y  a  aufti  d'autres  dépêches  que  les  fe- 
cretaires  d'état  fignent  en  commandement , 
telles  que  les  lettres  patentes  portant  règle- 
ment général ,  les  lettres  de  cachet ,  les  bre- 
vets &  dons  du  roi ,  &  les  provifions  \  les 
princes  ont  des  fecretaires  des  commandemens 
dont  les  fondions  font  de  contre-figner  & 
de  feeller  leurs  ordonnances,  mandemens, 
commiflions ,  provifions  d'offices  &  de  bé- 
néfices. 

Hhhh  1 


€ii  C  O  M 

Commandement  ,  en  terme  de  pratique^ 
eft  un  adte  extrajudiciaire  fait  par  un  huif- 
fîer  ou  fergent ,  en  vertu  d'un  jugement  ou 
d'une  obligation  en  forme  exécutoire  ,  par 
lequel  CQt  officier  interpelle  quelqu'un  de 
faire  ,  donner  ou  payer  quelque  chofe.  Le 
commandement  diffère  d'une  fimple  fomma- 
tion  en  ce  que  celle-ci  peut  être  faite ,  iàns 
titre  exécutoire ,  &  même  fans  titre ,  au  lieu 
que  le  commandement  ne  peut  être  fait  qu'en 
vertu  d'un  titre  paré ,  dont  l'huiflier  doit  être 
porteur.  Quoique  ce  commandement  fe  faffe 
à  la  requête  d'une  partie ,  il  eft  toujours  dit 
que  c'eft  de  par  le  roi  &  jujiice  ^  parce  qu'il 
n'y  a  que  le  roi  &:  la  juftice  au  nom  defquels 
on  puifle  ufer  de  contrainte. 

Toute  exécution  que  l'on  veut  faire  fur  la 
perfonne  ou  iiir  les  biens  d'un  débiteur  doit 
être  précédée  d'un  commandement  de  payer 
à  peine  de  nullité  ^  il  faut  qu'il  y  ait  du  moins 
un  jçnir  d'intervalle  entre  le  commandement 
&  la  faifie  ,  ou  l'emprifonnement. 

Dans  l'ufage  commun  un  fimple  comman- 
dement ,  non  fuivi  d'afîîgnation  ,  interrompt 
la  prefcription  pendant  30-ans^  parce  que  ce 
n'eft  qu'un  ade  extrajudiciaire  qui  ne  tombe 
point  en  péremption^  mais  au  parlement  de 
Bordeaux  le  commandement  eft  fujet  à  lapé- 
remption  de  même  que  les  autres  procédu- 
res, c'eft  pourquoi  on  le  renouvelle  tous  les 
trois  ans  ,&  il  n'interrompt  point  la  prefcrip- 
tion trentenaire.  Lapeyrere  ,  lett..  P ,  n.  87. 

C'eft  aufîi  une  jurifprudence  particulière 
à  ce  parlement,  qu'un  fimple  commandement 
fait  courir  les  intérêts  ,  au  lieu  qu'ailleurs 
il  faut  une  demande  judiciaire.  V,  Bretonnier 
en  fon  recueil  de  quejiions  ,  au  mot  intérêt, 
'  Itératif  commandement ,  eft  celui  qui  a  été 
précédé  d'un  autre  commandement;  c'eft  or- 
dinairement celui  qui  précède  immédiate- 
ment la  faifîe-exécution ,  faifîe-réelle  ou  em- 
prifonnement  :  on  fait  néanmoins  quelque- 
fois plufieurs  itératifs  commandemens ,  mais 
deux  commandemens  fiifîifènt  pour  en  venir 
aux  contraintes  ^  favoir  le  premier  qui  doit 
précéder  de  14  heures ,  &  Vïtéï2^.\ï  comman- 
dement qui  fe  fait  lors  des  contraintes. 

Commandement  recordé ,  eft  celui  pour  le- 
quel l'huifTier  ou  fergent  eft  afTifîé  de  deux 
records  ou  témoins  qui  fignent  avec  lui  le 
commandement.  Cette  formalité  qui  s'obfer- 
voit  autrefois  dans  tous  les  exploits ,  a  été 
abrogée  par  l'ordonnance  de  1667  3  mais  elle 


C  O  M 

a  été  confèrvée  pour  certains  exploits ,  du 
nombre  defquels  font  les  commandemens  qui 
précèdent  une  faifîe-réelle.  Voye^déclaration 
du  zi  mars  l6ji  ^  &  tacle  de  notoriété  du 
châtelet ,  du  1^  mai  1699.  (A) 

COMMANDER,  {Gramm.)  v.  aa.  qui 
a  plufieurs  acceptions  difTérentes ,  qu'on  peut 
voir  aux  articles  COMMANDEMENS. 

Commander  a  la  route  3  {Marine.) 
c'eft  donner  la  route  ,  &  prefcrire  celle  que 
doivent  tenir  les  vaifTeaux. 

Dans  une  armée  navale  c'eft  l'amiral  qui 
commande  la  route  qu'il  faut  faire  j  dans  une 
efcadre  c'eft  le  commandant  j  dans  un  vaif- 
fèau  de  guerre  c'efè  le  capitaine  '■,  dans  un 
vaiflèau  marchand  c'eft  le  pilote.  (2) 

COMMANDERIE ,.  f.  f.  {Hifi.mod.) 
efpece  de  bénéfice  deftiné  pour  récompen- 
fer  les  fervices  de  quelque  membre  d'ua 
ordre  militaire.  Voyei  CHEVALIER. 

Il  y  a  des  commanderies  régulières  obte- 
nues par  l'ancienneté  &  par  le  mérite ,  il  y 
en  a  d'autres  de  grâce  accordées  par  la  vo- 
lonté du  grand-maître.  Voye\  Comman- 
de rie.  [Jurifprud.) 

Il  y  en  a  aufîi  pour  les  religieux  des  or-- 
dres  de  S.  Bernard  &  de  S.  Antoine.  Les 
rois  de  France  ont  converti  plufieurs  hôpi- 
taux de  lépreux  en  commanderies  de  l'ordre; 
de  S.  Lazare.  V.  Lépreux  ^  S.Lazare. 

Je  ne  com.pare  point  les  commanderies 
avec  les  prieurés ,  parce  que  ces  derniers  fe 
peuvent  réfigner ,  à  moins  que  ce  ne  foient 
des  prieurés  de  nomination  royale ,  mais  de 
quelque  nature  que  foit  une  commanderie  j 
elle  ne  fauroit  être  réfîgnée.  Ce  font  donc 
des  biens  afïeftés  pour  l'entretien  du  che- 
valier &  pour  le  fèrvice  de  l'ordre. 

Il  y  a  des  commanderies  dans  l'ordre  de 
Malte  de  différentes  efpeces  j  les  unes  pour 
les  chevaliers ,  les  autres  pour  \ç^%  chape- 
lains ,  d'autres  enfin  pour  les  frères  fervans» 

Le  nom  de  commandeur  donné  à  ceux 
qui  pollèdent  les  bénéfices  appelles  comman- 
deries ,  répond  affez  bien  au  nom  de  prœpo^ 
fitus ,  donné  à  ceux  qui  avoient  infpeftion 
fur  les  moines  des  lieux  éloignés  du  monaf- 
tere  principal ,  &  dont  l'adminiftration  étoit 
appellée  obedientia ,  parce  qu'elles  dépen- 
doient  entièrement  de  l'abbé  qui  leur  avoit 
donné  \à.Q,ovi\m\^\ox\.\-.Q% commanderies  fîm- 
ples  deMalte  font  de  même  plutôt  des  fermes 
de  l'ordre  que  des  bénéfices.  Ik  paient  une 


CO  M 

tehte  ou  tribut  appelle  refponfion ,  au  tréfor 
commun  de  l'ordre.  Dans  l'ordre  du  S.  Ef- 
prit  ,  les  prélats  qui  en  font  revêtus  font 
nommés  commandeurs  de  tordre  du  S.  Ef- 
prit ,  &  les  grands  officiers  font  qualifiés  de 
commandeurs  des  ordres  du  roi ,  comme  les 
chevaliers  font  nommés  Amplement  c/ieva- 
liers  des  ordres  du  roi  :  mais  ce  titre  de  com- 
mandeur n'emporte  avec  foi  nul  bénéfice. 
Henri  III  avoit  delTein  d'affigner  un  titre 
de  bénéfice  ou  commanderie  à  chaque  cheva- 
lier ^  mais  les  affaires  dont  il  fut  accablé 
après  l'inititution  de  cet  ordre  ,  &  fa  mort 
fatale  arrivée  en  1 589  ,  empêchèrent  la  réuf 
fite  de  ce  deffein.  Par  provifion  il  affeda 
une  fomme  pour  chaque  chevalier  ou  com- 
mandeur ,  &  aujourd'hui  l'on  taxe  aufli  a 
quelque  fomme  la  plupart  des  charges  du 
royaume  pour  le  même  fujct,  &cesfommes 
particulières  fe  portent  chez  les  tréforiers  du 
Hiarc  d'or ,  qui  font  les  fonâ:ions  de  tréfo- 
riers pour  les  ordres  du  roi.  Il  n'en  eft  pas 
de  même  dans  les  ordres  militaires  en  Efpa- 
gne ,  où  les  commandeurs  jouiifent  réelle- 
inent  d'un  revenu  plus  ou  moins  fort ,  atta- 
ché aux  commanderies  dont  le  roi  en  qualité 
dp  grand- maître  les  a  gratifiés. 

Les  commanderies  des  trois  ordres  d'Efpa- 
gne  font  des  conquêtes  que  les  chevaliers  de 
ces  ordres  ont  faites  fur  les  infidelles ,  &  ces 
commanderies  font  différentes  félon  la  nature 
&la  valeur  du  terrain  qui  fut  conquis  par  ces 
chevaliers.  (G)  [a) 

Commanderie  ,  (/z/r(//jr.)  dans  l'origine 
n'étoit  qu'une  fimple  adminiftration  des  re- 
venus d'un  bénéfice  que  l'on  donnoitenco/7z- 
mende  ,  en  dépôt. 

Préfentement  il  y  en  a  de  deux  fortes^  les 
unes  qu'on  appelle  régulières  ;  d'autres,  qu'on 
^Y>pe\\Qfécu/ieres.  Les  commanderies  réguliè- 
res font  celles  qui  font  établies  dans  certains 
ordres  religieux  en  faveur  y  pour  être  confé- 
rées à  des  religieux  du  même  ordre.  Il  y  en 
a  dans  l'ordre  régulier  &  hofpitalier  du  S. 
Efprit  de  Montpellier  ^  ces  commanderiesÇont 
de  vrais  titres  de  bénéfices  perpétuels  &  non 
révocables  par  le  grand-maître  ni  par  les 
autres  fupérieurs  majeurs,  elles  ne  peuvent 
être  conférées  en  commende  ,  c'eft-à-dire  à 
des  fécuiiers  ,  pas  même  à  des  cardinaux  , 
mais  doivent  être  remplies  par  les  religieux 
profès  du  même  ordre.  Arrêt  du  grand-con- 
fdl  y  du  14  mai  1710,  Ces  bénéfices  exi- 


C  O  M  ^15 

gent  une  adminiftration  perfonnelle  ,  une 
réfidence  a<^uelle  &  un  vœu  particulier  dans 
la  perfonne  du  pourvu  ,  qu'on  appelle  le  vcpu 
d' hofpitalité y  &  qui  eft  le  quatrième  que  les 
religieux  de  cet  ordre  font  obligés  de  pro- 
feffer.  Ceux  qui  font  pour^'us  de  ces  comman- 
deries font  obligés  de  faire  \&^  fondions  curia- 
les  dans  leurs  hôpitaux ,  &  d'adminiftrer  le 
fpirituel  comme  le  temporel  :  ils  ne  gagnent 
point  tous  les  fruits  comme  les  autres  com- 
mandeurs &  commendataires ,  mais  ne  pren- 
nent que  viclum  &  vejiitum ,  8c  appliquent  lé 
furplus  au  foulagement  des  pauvres. 

Il  y  a  aufli  des  commanderies  régulières 
dans  l'ordre  de  S.  Antoine  de  Viennois,  qui. 
font  éleâiives  ,  confirmatives  ,  &  ne  font  pas 
fujettes  à  'la  nomination  du  roi.  Arrêt  du 
confeil  du  ^  feptembre  1585, 

Les  commanderies  feculieres  font  celles  qui 
fout  établies  en  faveur  de  certains  ordres  mi- 
litaires ,  dont  quelques-uns  font  en  même 
temps  réguliers  &  hofpitaliers ,  tels  que  celui 
de  S.  Lazare  ,  celui  de  Malte  ,  &  autres^ 
ces  commanderies  ne  font  point  de  vrais  bé- 
néfices ,  mais  feulement  le  droit  de  jouir 
des  revenus  d'un  bénéfice  que  l'on  confère 
à  des  laïques  qui  font  chevaliers  profès  du 
même  ordre.  Il  y  a  des  commanderies  de  ri- 
gueur que  les  plus  anciens  chevaliers  obtien- 
nent à  leur  rang  ^  &  d'autres  de  grâce ,  que 
le  grand- maître  confrère.  Dans  l'ordre  de 
Malte  il  y  a  plufîeurs  fortes  de  co/Tz/Tza/z^er/w  ; 
il  y  en  a  d'aiîêâées  à  des  religieux  du  même 
ordre  ,  d'autres  aux  chapelains  ,  d'autres  aux 
chevaliers  ,  d'autres  aux  frères  fèrvans. 

Dans  Xqs  ordres  du  S.  Efprit  &  de  S.  Louis  , 
les  grands  ofîiciers  appelles  commandeurs  ne 
;le  font  que  de  nom  ,  n'y  ayant  aucune  com- 
manderie attachée  à  leur  dignité ,  mais  feu- 
lement des  penfions.  {A) 

COMMANDEUR ,  f.  m.  {Kift. mod.)  on 
donne  ce  nom  à  celui  qui  a  été  pourvu  d'une 
commanderie. 

Commandeur, (Comm.)  nom  que  les 
Holîandois  donnent  ordinairement  aux  chefs 
des  comptoirs  qu'ils  ont  dans  les  Indes  ,  en 
'Perfe  ,  &  autres  lieux  de  l'Orient  où  ils  ont 
porté  leur  commerce.  Diâ.  de  Com.  &  T'rév, 

Commandeur, (Cbw/n.)  eft  aufîi  le  nom 
qu'on  donne  dans  les  îles  françoifes  de  l'A- 
mérique ,  à  celui  qui  a  infpeéèionfiir  le  détail 
d'une  habitation  en  général,  ou  d'une  fucrerie 

en  particulier.  V.  JIabitatjon  ^  Sucre. 


6i4-  C  O  M 

Quelques  habltans  veulent  que  leur  corn-  ' 
mandeurfoh  un  blanc  ,  d'autres  le  choifilTcnt 
parmi  les  noirs. 

Les  fonctions  du  commandeur  font  d'être 
toujours  avec  les  nègres  fans  les  abandonner 
jamais  ^  de  preiFer  le  travail  &  d'avoir  l'oeil 
à  ce  qu'il  foit  bien  fait  j  d'empêcher  le  dé- 
fordre  &  les  querelles  très  fréquentes ,  fur- 
tout  parmi  les  négreflcs  ^  de  vifiter  ceux  qui 
travaillent  dans  les  boisj  d'éveiller  les  nègres, 
de  les  faire  affifter  à  la  prière  foir  &:  matin  & 
au  catéchifme  qui  s'y  fait,  de  les  conduire  à 
la  mefTe  fêtes  &  dimanches  j  de  voir  fi  leurs 
maifons  font  propres  &  leurs  jardins  bien 
entretenus  ;,  d'appaifer  les  différens  qui  naif- 
fent  dans  les  ménages  j  de  faire  conduire  les 
malades  à  l'infirmerie  :  d'empêcher  les  nègres 
étrangers  de  Ce  retirer  dans  les  cafés  de  l'ha- 
bitation ^  enfin  de  donner  avis  au  maître  de 
tout  ce  qui  fe  pafle.  Diâ.  du  Corn. 

COMMANDITE  ,  f.  f.  (Comm.)  c'eft 
une  fociété  de  commerce  ,  dans  laquelle  une 
partie  des  intéreffés  n'étant  point  dénommés 
dans  laraifonou  fignature ,  n'eft  engagée  & 
folidaire  avec  les  autres  intéreffés  que  jufqu'à 
la  fomme  portée  par  l'aé^e  de  fociété.  C'eft 
proprement  cette  reftridèion  qui  forme  la 
commandite ;C2X  un  particulier  peut  faire  avec 
un  autre  une  fociété  générale  de  pertes  &  de 
profits ,  fans  que  fon  nom  paroifTe ,  vo jeç  So- 
ciété jcela  ne  fe  pratique  pas  ordinairement, 
mais  aucune  loi  ne  le  défend. 

Il  eft  du  bon  ordre  que  cette  eipece  de  fo- 
ciété foit  enrégiftrée  au  greffe  du  confulat 
comme  la  fociété  collective  j  tédit  de  1673 , 
art.  iv  ,  le  prefcrit  ^  cependant  l'inexécution 
de  cette  formalité  n'annullc  point  l'aûe  en 
lui-même ,  relativement  aux  affociés  ou  à 
leurs  ayans  caufe.  Il  feroit  fans  doute  à  fou- 
haiter  pour  la  confiance  publique ,  que  toutes 
les  fociétés  quelconques  fuffent  enrégiftrées^ 
mais  le  moyeu  de  nullité  feroit  trop  violent 
&  rendroit  les  propriétés  trop  incertaines. 
Cette  fociété  non  plus  que  les  autres  ,  n'eft 
point  cenfée  continuée  fi  elle  ne  l'eft  par  écrit. 
Cette  forme  eft  fortufitée  en  Italie  &  dans 
les  pays  abondans  en  argent  j  c'eft  commu- 
nément celle  dont  on  fe  fert  pour  établir  des 
faveurs  dans  un  pays  étranger. 

\]n.  négociant  prudent  s'informe  exafte- 
ment  des  changemens  qui  furviennent  dans 
les  afTociations  de  Ces  correfpondans  ^  car 
il  arrive  fouvent  qu'un  riche  commanditaire 


C  O  M 

retire  fès  fonds  tout-à-coup  ,  &  qu'il  eft  fuivi 
d'un  autre  qui  n'eft  pas  en  état  de  foutenir 
les  mêmes  enXve^riÇes.V.  le  parfait  négociant  y 
&  le  dicl.  du  Corn.  Art.  de  M.  V.  D.  F. 

COMMANDO,  {Comm.)  terme  origi- 
nairement italien,  mais  ufité  dans  les  provin- 
ces de  France  les  plus  voifines  de  l'Italie.  On 
s'en  fèrt  dans  les  écritures  mercantiles  pour 
fignifier  ordre  ou  commande ,  c'eft-à-dire  la 
commifTion  qu'un  négociant  donne  à  fon 
commifîîonnàire.  V,  Ordre,  Commande, 
Commission  ,  ^c.  dicl.  de  Comm. 

COMMANI ,  {Géog.  mod.)  petit  royaume 
d'Afrique  ,  fur  la  côte  de  Guinée. 

COMMASSE  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  petite 
monnoie  qui  fè  fabrique  ,  &  qui  a  cours  à 
Mocha.  Elle  vaut  environ  trois  fous  deux 
deniers  ,  argent  de  France. 

*  COMMEAT  ,  f.  m..(  HiJI.  anc.)  per- 
mifTion  à  un  foldat  de  s'abfenter  de  fa  légion 
pendant  un  certain  temps.Elle  étoit  accordée 
parle  tribun  ou  fon  vice- gèrent ,  ou  par  l'em- 
pereur. On  donnoit  aufti  le  même  nom  de 
comméat ,  commeatus  ou  de  cataplus  ,  aux  vi- 
vres de  l'armée  ,  à  la  flotte  qui  les  portoit , 
fur-tout  d'Egypte  &  d'Afrique  j  il  défignoit 
aufîi  une  compagnie  de  voyageurs. 

COMMELINA  ,  (  Hiji.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  dont  le  nom  a  été  dérivé  de  celui 
de  Jean  Commelin  ,  fénateur  d'Amfterdam , 
&  de  Gafpar  Commelin  médecin  de  la  même 
ville.  La  fleur  des  plantes  de  ce  genre  eft  com- 
pofée  de  deux  pétales  fitués  du  même  côte  ,  ' 
&  pofés  fur  un  calice  à  quatre  feuilles  ^  il  s'é- 
lève du  milieu  de  ce  calice  un  piftil  qui  de- 
vient dans  la  fiiite  un  fruit  membraneux  à 
trois  coques  ,  ou  divifé  en  trois  loges  qui 
renferment  chacune  une  fèmence  ronde.  On 
peut  ajouter  aux  caraéteres  de  ce  genre ,  que 
plufieurs  fleurs  font  rafiémblées  dans  un 
même  endroit  en  forme  de  conque.  Plumier, 
nova  plant,  amer,  gêner.  K.  PlanTE.  (/) 

COMMÉMORAISON ,  eft  le  nom  d'une 
fête  que  nous  appelions  le  jour  des  morts ,  & 
qui  fe  célèbre  le  2  novembre  en  mémoire 
de  tous  les  fidèles  trcpaftes.  Elle  futinftituée 
dans  le  onzième  fiecle  par  S.  Odilon  abbé  de 
Ciuny.  V.  Fête.  (G) 

COMMEMORATIF  (figne),  adj.  {Méd.) 

Les  fignes  cow.mémoratifs  ou  anamneftiques 

nous  apprennent  ce  qui  s'eft  paffé  avant  la 

maladie,,  &  fe  tirent  de  tout  ce  qui  l'a  pré- 

1  cédée  :  favoir  de  la  manière  de  vivre  du  ma- 


c  o  M  ; 

lade ,  du  pays  qu'il  a  habité  ,  de  la  conftitu- 
tiou  de  Tes  père  &  mère ,  des  maladies  auK- 
qiielles  il  a  été  iujet ,  ou  de  celles  qu'il  a  con- 
traftées  ^  &:  s'il  s'agit  d'une  plaie ,  de  la  pofi- 
tion  du  bleHé  au  temps  de  fa  bleiture  ,  de  la 
Situation  de  la  perfonne  ou  de  la  chofe  qui 
l'a  bleffée  ,  de  la  grolTeur  &  de  la  figure  de 
rinilruraent  qui  a  fait  la  plaie  ,  qu'on  a  foin 
de  comparer  avec  la  plaie  méuie  ,  &c. 

Ces  lignes  conduifent  a  une  connoiflance 
plus  fûre  de  la  maladie ,  de  {qs  caufes ,  de  l'if- 
fue  qu'elle  peut  avoir  ,  &  nous  indiquent 
conjointement  avec  les  diagnoftics   à  em- 
ployer les  remèdes  convenables.  Les  lignes 
£ommémoratifs  en  iriédecine  reviennent  à  ce 
qu'on  nomme  indices  en  matière  de  droit  ^ 
mais  avec  cette  différence  qu'ils  ne  peuvent 
jamais  que  porter  la  lum.iere  dans  l'efprit  du 
médecin ,  bc  que  les  indices  peuvent  cruelle- 
ment égarer  le  juge  :  témoin  en  France  la 
trifte  affaire  du  ïieur  d'Anglade  &  de  fa 
femme  ^  témoin   celle  du  pauvre  Lebrun. 
Art.  de  M.  U  chevalier  DE  Javcourt. 

COMMÉMORATION,  f.  f.  {Hijfoire 
eccl,  &  théol.  )  fouvenir  que  l'on  a  de  quel- 
qu'un ,  ce  qu'on  fait  en  l'honneur  de  fa  mé- 
moire. Voyei^  Monument. 

C'eft  une  coutume  parmi  les  catholiques 
romains ,  que  ceux  qui  meurent  font  quel- 
quefois des  legs  à  l'églifè  ,  à  la  charge  de 
dire  tant  de  meffes  ,  "&  de  faire  commémo- 
ration d'eux  dans  les  prières.  Voye^  Obit  , 
Anniversaire. 

Commémoration  fe  dit  encore  particulière- 
ment de  la  mémoire  qu'on  fait  dans  la  récita- 
tion du  bréviaire  ,  d'un  faiut  ou  quelquefois 
de  la  férié ,  par  une  antienne ,  un  verfet ,  une 
oraifon  aux  premières  vêpres ,  aux  laudes ,  & 
aux  fécondes  vêpres  ^  8c  par  une  colleâ:c ,  & 
une  poft-communion  à  la  meffe.  Koye^  Bré- 
viaire, Férie  ,  Antienne  ,  Verset  ,  ê'c. 
COMMENCEMENT,   (Beaux-Arts.) 
Ariftote  a  fait  la  rei»arque  qu'en  tout  objet 
qui  forme  un  beau  tout ,  il  y  a  un  commence- 
ment &  une  fin  :  le  commencement ,  ielon  lui , 
eft  ce  qui  dans  l'objet  précède  tout  le  refte  , 
&  que  rien  ne  doit  précéder  ^  ainfi  le  com- 
mencement des  événemens  qui  forment  l'ac- 
tion de  l'Iliade,  c'eft  la  dilpute  entre  Achille 
&  Agamemnon  ^  car  tous  les  événemens  qui 
vont  fuivre  ,  font  une  fuite  de  cette  difpute  : 
tout  ce  qui  l'a  précédé  ,  au  contraire ,  n'ap- 
partient point  à  l'adHon  :  elle  eft  parfaite - 


C  O  M  6i^ 

ment  intelligible,  quand  on  ignoreroit  tout 
ce  qui  s'eft  paffé  avant  ce  commencement. 

C'eft  donc  le  commencement  qui  fert  à  don- 
ner aux  chofes  une  liaifon  ,  &  qui  rend  rai- 
fon  de  leur  exiftence.  Un  ouvrage  de  goût , 
pour  être  parfait ,  doit  avoir  un  commence- 
me/2/ bien  marqué.  Si  Homère  nous  eût  chanté 
les  événemens  de  l'Iliade ,  fans  nousinftruire 
du  fujet  qui  avoit  engagé  Achille  à  quitter 
l'armée  ù.  à  s'irriter  contre  les  Atrides ,  une 
partie  principale  de  l'aftion  nous  manque - 
roit^  mais  cq  commencement  pofé  nous  expli- 
que tout  le  refte  :  nous  avons  une  notion 
complète  du  fujet  que  le  poète  a  voulu  chan- 
ter j  nous  en  voyons  le  commencement  ,  le 
progrès  &  la  fin  ,  &  ce  coup  d'œil  nous  fa- 
tisfait. 

Il  réfult-e  de  là  que  le  poète  épique  qui  met 
en  récit ,  ou  le  dramatique ,  qui  met  en  ac- 
tion un  événement  complet,  doit  être  atten- 
tif à  mettre  diftinâiement  fous  nos  yeux  le 
commencement  de  l'aâiion  ^  mais  la  manière 
de  le  faire  n'eft  pas  indifférente  ,  pour  que 
l'effet  ioit  le  meilleur  poffible  ,  la  chofe  mé- 
rite d'être  développée  avec  quelque  détail. 
Le  commencement  étant  ce  qu'il  y  a  de  pre- 
mier dans  un  ftijet ,  l'adion  ne  doit  pas  dé- 
buter par  des  choies  qui  l'ont  précédé  ,   ce 
fèroit  une  abondance  vicieufè,  l'imagination 
fèroit  occupée  mal-à-propos  par  des  hors- 
d'ceuvres  :  c'eft  une  faute  dans  laquelle  Euri- 
pide eft  tombé  quelquefois.  Jlécube ,  dans  la 
tragédie  qui  porte  ion  nom  ,  ouvre  la  icene 
par  des  lamentations  auxquelles  le  ipeâiateur 
ne  comprend  rien  ,  parce  qu'il  ignore  encore 
quel  eft  précifément  le  malheur  qui  menace 
cette  reine  ,  &  qui  doit  faire  le  iùjet  de  la 
pièce.  lL.Qvént3h\s,commencem€ntdQ.  l'aftion, 
c'eft  la  réfblution  que  les  Grecs  ont  formée 
d'immoler  la  fille  de  la  reine  fur  le  tombeay 
d'Achille.  C'étoit  par-là  que  le  poète  devoit 
débuter  :  toutes  les  plaintes  d'Hécube  fur  iès 
malheurs  précédens  ne  font  rien  au  iiijet. 
On  remarque  le  même  défaut  dans  l'Iphigé- 
nie  en  Tauride  :  la  princeffe  paroit  fur  le 
théâtre  avant  d'avoir  appris  l'arrivée  de  Py- 
lade  &  d'Orefte ,  &  cependant  l'adion  ne 
commence  que  par  l'arrivée  de  ces  deux  prin- 
ces. De  tels  débuts  font  réellement  détachés 
de  l'aftion  &détruifent  l'unité  de  l'enièmble. 
Un  autre  défaut  à  éviter  dans  le  poème 
épique  8c  dans  le  dramatique ,  c'eft  de  faire 
remonter  le  commencement  de  l'action  trc^ 


€ië  CO  M 

haut.  Il  feroit  ridicule  5  dit  Horace,  départir 
de  l'œuf  d'où  Hélène  étoit  fortie  pour  racon- 
ter la  guerre  de  Troie.  Ce  n'eft  pas  là  la  caufe 
immédiate  de  cette  guerre  :  le  poète  doit  fè 
hâter  de  venir  au  fait ,  &  débuter  par  ce  qui 
•  eft  le  commencement  prochain  de  l'action  ^  de 
longs  détours  ennuient  le  lecteur  judicieux  , 
&  rendent  l'ouvrage  imparfait. 

Tous  les  événemens  de  l'univers  tiennent 
fans  doute  les  uns  aux  autres  ;  &  dans  la  ri- 
gueur métaphyfîque  ,  aucun  événement  dé- 
taché de  l'hilloire  générale ,  ne  forme  un  tout 
abfolu  ouifoié;  mais  c'eft  à  l'art  du  poète  à 
arranger  fon  plan  de  manière  que  l'aéHon 
paroiite  être  un  tout  complet  ^  pour  cet  effet , 
il  doit  choifir  un  commencement  qui  contente 
notre  curiofité  ,  enforte  que  nous  n'ayons 
rien  à  demander  au-delà.  Quand  le  poète  fe 
défie  de  la  fécondité  de  fbn  imagination ,  il 
prend  l'aâion  de  plus  loin ,  afin  que  la  mul- 
titude des  événemens  fijpplée  au  défaut  de 
l'invention.  Peut-être  Homère  auroit  com- 
mencé Y  Enéide  par  l'arrivée  de  fon  héros  en 
Italie.  Virgile  a  cru  avoir  befoin  de  placer  le 
commencement  plus  haut.  Un  poète  moins 
fertile  en  relfources  que  Klopftock  ,  n'eût 
ofé  commencer  la  Mejfiade  par  la  dernière 
entrée  du  Mefîie  dans  Jérufalem. 

Le  poète  a  donc  la  liberté  de  placer  le 
commencement  plus  ou  moins  loin  du  dé- 
nouement de  l'action  :  mais  ce  commencement 
doit  toujours  être  bien  marqué,  complet,  & 
indiffolublement  lié  à  l'aition  ^  plus  il  fera 
proche  de  la  fin,  plus  l'aftion  eft  concentrée, 
&  mieux  on  en  découvre  l'cnfemble'd'unfeul 
coupd'œil.  Si  au  contraire  ,  le  commencement 
eft  fort  éloigné  de  la  fin ,  l'ouvrage  en  acquiert 
trop  d'étendue ,  ou  bien  il  fe  forme  des  vui- 
des  dans  l'action ,  elle  languit  ,  &  l'effet 
qu'elle  devoit  produire  ,  perd  de  fa  vivacité. 
•  Le  drame  exige  nécefTairement  que  le 
commencement  ne  foit  pas  éloigné  de  la  fin  de. 
l'aftion.  Si  le  poète  manque  à  cette  règle ,  il 
eft  réduit  ou  à  ne  donner  que  le  fquelettc 
d'une  action  décharnée  &  fans  fuc  ,  ou  à 
placer  la  meilleure  partie  des  événemens  der- 
rière la  fcene  ^  dans  l'un  &  l'autre  cas  ,  il  ne 
lui  eft  pas  poiîîble  de  bien  développer  le  ca- 
raétere  de  fès  perfonnages.  Les  anciens  ont 
été  pour  l'ordinaire  très-exadts  à  fuivre  ce 
précepte  :  delà  vient  que  les  caractères  font 
îî  bien  exprimés  dans  leurs  pièces  dramati- 
ques. Nlus  pouvons  aufli  les  propofer  aux 


C  O  M 

dramatiques  modernes ,  comme  des  modè- 
les dans  l'art  de  marquer  avec  précifion  le 
commencement  delà  pièce.  Lapremiere  icene 
chez  les  anciens  ,  expofe  ordinairement  avec 
tant  de  netteté  le  commencement  del'adtion, 
que  l'on  eft  inllruit  dès  l'entrée  du  fujet  qui 
fera  l'aétion ,  &  du  carad:ere  des  principaux 
aéteurs  :  c'eft  ce  qui  manque  fouvent  aux 
pièces  modernes  \  on  eft  long-temps  à  fa- 
voir  fur  quoi  l'action  doit  précifément  rou- 
ler. Pour  fentir  cette  diftérence ,  on  n'a  qu'à 
comparer  le  début  de  Y(Ëdipe  de  Sophocle  , 
avec  le  commencement  de  VCEdipe  de  M.  de 
Voltaire. 

En  mufique ,  chaque  pièce  doit  commen- 
cer de  manière  que  foreille  fente  que  rien 
n'a  dû  précéder  :  l'harmonie  doit  être  com- 
plète ,  &  la  marche  fans  interruption  :  au- 
tant qu'il  eft  poffible ,  il  faut  que  la  première 
période  annonce  déjà  le  caractère  de  toute 
la  pièce.  Il  y  a  néanmoins  des  cas  où  cette 
règle  fouffre  des  exceptions  :  quand  par 
exemple  une  ariette  fuccede  à  un  récitatif  , 
il  peut  arriver  très-  fouvent  que  le  même 
fentiment  continue  j  &  alors  l'ariette  n'a 
point  de  commencement  décidé. 

La  danfè  exige  de  même  un  commence- 
ment fixe.  Il  n'eft  pas  agréable  de  penfèr 
qu'on  ne  voit  que  la  fuite  d'un  moux'ement 
qui  a  dû  précéder.  Nos  ballets  pèchent  fou- 
vent contre  cette  règle  :  les  danfèurs  fautent 
hors  des  couliffes  de  manière  à  nous  faire 
croire  que  les  pas  qu'ils  vont  faire ,  tiennent 
à  une  aâ:ion  commencée  hors  de  la  portée 
de  notre  vue. 

En  général ,  tout  ouvrage  de  goût  doit 
avoir  un  commencement  qui  prévienne  en  nous 
l'inquiétude  de  favoir  ce  qui  a  pu  précéder 
ce  que  nous  voyons  ou  ce  que  nous  enten- 
dons. Lorfque  cette  queftiou  s'élève  naturel- 
lement dans  notre  e^^rit ,  c'eft  une  preuve 
évidente  qu'on  ne  nous  a  pas  préfenté  un  tout , 
mais  feulement  le  fragment  d'un' tout. 

Hermogene ,  à^nsYowTfûité de t invention 
(  liv.  II ,  càap.  I  )  obfèrve ,  à  la  vérité ,  qu'il 
y  a  de  la  groffiéreté  &  de  la  mal-adreffe  d'en- 
trer de  plein  faut  en  matière  dans  une  pièce 
d'éloquence  :  mais  il  faut  remarquer  que 
dans  un  difcours  d'apparat ,  où  l'on  va  trai- 
ter un  fujet  avec  quelque  étendue  ,  ce  n'eft 
pas  l'exorde ,  mais  la  propofition,  qui  conf 
titue  levéritahlecommencement  de  l'ouvrage. 

Dans  les  productions  des  arts  du  defîin 


COM 

Sf  de  la  fciîîpture ,  où  l'ouvrage  entier  fe  prë- 
fente  à  la  fois,  il  fembîe  qu'on  n'y  fauroit 
diftinguer  ni  commencement  ni  fin.  Il  faut 
cependant  de  toute  nécefïité  y  concevoir 
*  quelque  chofe  d'analogue  à  ces  deux  notions, 
pour  que  ces  ouvrages  foient  des  touts  ifoiés 
&  entièrement  déterminés.  ÇCet  article  efl 
tiré  Je  La  théorie  gcnéraîe  des  b^aux  ans  di 
M.SULZER.) 

COMMENCER  un  Cheval,  {Maneg.) 
c'eft  lui  apprendre  fes  premières  leçons  de 
,  manège. Pourco/n/7/e/zçeAuncheval fougueux 
il  faut  lui  mettre  un  caveçon  Oc  le  mettre  au- 
tour du  pilier.  V.  Caveçon,  Pilier.  On 
attache  le  cheval  avec  une  grande  corde  ou 
longe  qu'on  tient  autour  du  pilier,  pour  le 
dénouer ,  le  dégourdir ,  &c  lui  affouplir  le 
corps.  V.  Assouplir.  Il  faut  le  troter  à 
r«ntour  fans  perfonne  deiTus ,  pour  lui  ap- 
prendre à  fuir  la  chambrière  ,  &  à  ne  pas  ga- 
lopper  à  faux  ni  défuni.  y.  CHAMBRIE- 
RE, Galopper.  On  peut  le  monter  enfuite 
autour  du  pilier  &  le  faire  marcher  en  avant, 
fans  qu'il  puifle  fe  cabrer  ni  s'arrêter  pour 
faire  des  contretemps;  car  la  peur  de  la  cham- 
brière préviendra  tous  lesdéfordres,  &  l'em- 
pêchera de  s'arrêter.  Dans  les  manèges  qui 
n'ont  point  de  pilier,  un  homme  tientlebout 
delà  longe  ,  &  fe  met  au  milieu  du  terrain. 
On  d:t  cheval  commencé^  acheminé^  achevé^ 
pour  marquer  un  cheval  qu'on  commence  à 
dreffer,  celui  quieft  déjà  monté,  rompu  &f 
dégourdi ,  &  celui  quieftdreflé  ôc confirmé 
dans  le  manège.  ÇV) 

COMMENSAL,  adj.  c'eft  ainfi  qu'on 
défigne  ceux  des  officiers  du  roi  qui  font  de 
Service,  &  qui  ont  bouche  en  cour  pendant 
ce  temps. 

COMMENSAUX  df.  la  Maison  pu 
Roi,delaReine,desEnfans&cPetits- 
ENFANS  DE  FRANCE,  {Jurifpr.)  &  autres 
pi  inces  qui  ont  une  maifen  couchée  fur  l'état 
du  roi ,  jouiiTent  de  plufieurs  privilèges. 

i*^.  Par  l'édit  de  juillet  1653 ,  leurs  char- 
ges ont  été  exemptées  de  tous  privilèges  &: 
hypothèques,  &;de  tous  partages  &  rapports 
dans  les  fucceffions  ,  ce  qui  a  été  confiimé 
par  éditdu  mois  de  janvier  1678,  &  par  deux 
arrêts duconféil du  13  août  1665  &  1706I0- 
bre  1679,  ^"^  déclarent  en  outre  que  les 
gages  &  émolumens  de  ces  charges  ne  font 
pas  faifilfables. 
Tome  niL 


COM  61^ 

2*.  Cqs  officiers ,  &:  leurs  veuves  durant 
leur  viduité,  font  exempts  de  toutes  contri- 
butions pour  vivres,  munitions,  Recondui- 
tes de  gens  de  gverre;  tailles,  aides,  gros 
quatrième,  huitième,  dixième,  ôcappétif- 
fement  de  vin  ;  de  guet,  gardes  àts  portes  & 
murailles ,  ponts,  paffages,  travers,  détroits, 
fournitures,  &  contributions;  d'étapes,  loge- 
ment de  gens  de  guerre;  charrois  &  chevaux 
d'artillerie,  ban  &  arriere-ban,  fouchet, 
traites  foraines ,  péages,  paffages,  &  de  tou- 
tes chofes  de  leur  crû;  francs- fiefs,  &  atitres 
fubfides,  contributions  &  fubventions  quel- 
conques. 

Mais  par  un  arrêt  de  la  cour  des  aides  du 
10  mai  1607,  leur  exemption  a  été  reftreinte 
aux  impofitions  qui  exifloient  lors  de  la  con- 
ceflion;  on  les  a  déclarés  fujets  aux  répara- 
tions des  chemins,  fortifications  des  villes, 
ponts,  chauffées,  Vautres  ouvrages  publics; 
au  droit  d'appétiffement  de  pinte  ,  traites  &c 
impofitions  foraines  pour  marchandifes  qui 
ne  font  de  leur  crû  ,  &  à  toutes  criées  & 
lev^s  de  deniers  auxquelles  leurs  prédécef- 
feun  ont  contribué. 

3^.  Ils  font  exempts  de  tutelle. 

4*^.  Ils  peuvent  faire  valoir  par  leurs  mains 
une  ferme  de  deux  charrues ,  fans  payer  de 
taille. 

5^.  Pour  jouir  des  exemptions  de  taille, 
il  faut  que  les  commenfaux  aient  au  moins 
60  liv.  de  gages,  &  qu'ils  fervent  aduelle- 
ment  ;  néanmoins  les  officiers  des  fept  offices 
de  la  maifon  du  roi  en  jouiflent ,  quoique 
leurs  gages  foient  moindres  de  60  Hv.  Ceux 
qui  n'ont  point  de  dignité  attachée  à  leur 
office  ,  peuvent  même  faire  trafic  de  mar- 
chandife ,  mais  non  pas  tenir  ferme  d'autrui. 

6^.  Les  commenfaux  ne  peuvent  être  dif- 
penfés  du  fervice  que  pour  caule  de  mala- 
die certifiée  par  les  médecins  &  par  le  juge 
&:  procureur  du  roi  de  leur  demeure,  par 
a(5te  figné  du  greffier,  qui  fera  fignifié  aux 
habitans  du  litu  de  leur  domicile ,  à  l'iffue 
de  la  grand'meffe  un  jour  de  fête  ou  diman- 
che, ôc  à  leur  procureur  fyndic,&  encore  au 
fubftitut  du  procureur  général  en  l'éleêlion. 

7°.  Ceux  qui,  au  bout  de  vingt-cinq  ans 
de  fervice,  obtiennent  des  lettres  de vété-. 
rance    duem.ent  regiftrées  ,    continuent   à 
jouir  de  tous  les  privilèges. 

8°.  Les  commenfaux  titulaires  ou  vétérans 
ne  jouiffent  de  l'exemption  des  tailles  qu'au 

I  i  i  i    • 


éi8  C'O  M 

nombre  de  huit ,  dans  les  paroiïïes  où  le 
principal  de  la  taille  eft  de  900  liv.  &;  au 
deffus ,  &  quatre  feulement  dans  les  lieux 
où  la  taille  eft  moindre.  Ceux  qui  font  établis 
les  premiers  jouifTent  des  privilèges;  les  fur- 
numéraires  en  jouiffent  à  leur  tour;  les  veu- 
ves ne  font  pas  comprifes  dans  ce  nombre 
de  huit  ou  quatre. 

9°.  Faute  de  payer  leur  capitation ,  ils 
font  déchus  de  tous  leurs  privilèges. 

10°.  Ceux  qui  ont  des  bénéfices  font  dif- 
penfés  d'y  réfider  pendant  qu'ils  fervent  au- 
près du  prince. 

1 1  °.Les  commenfaux  ont  la  préféance  dans 
les  cérémonies  fur  tous  les  officiers  même 
royaux ,  &  autres  perf bnnes  dont  l'état  efl: 
inférieur  à  celui  des  commenfaux  :  par  exem- 
ple, les  écuyers  ordinaires  du  roiontrang 
après  les  confëillers  des  bailliages  royaux,  & 
avant  les  officiers  des  élevions  &  greniers  à 
fel,  &  autres  inférieurs  en  ordre.  V.  le  code 
des  privilèges  ;  le  mémorial  alphabétique  des 
tailles,  aux  mots  Commenfaux  ;  le  diclionn. 
des  arrêts ,  au  même  article;  le  traité  des  ma- 
tières bénéfic.  de  Fuet ,  liv.  ///,  ch.  iv.  (A) 

COMMENSAUX^^J  évêques  y  {Jurifpr.) 
fuivant  la  difpofition  du  droit  canonique, 
font  exemptsde  la  réfîdence  à  leurs  bénéfices, 
&  gagnent  les  gros  fruits;  mais  ce  privilège 
ne  s'étend  qu'à  deux  chanoines ,  foit  de  la 
cathédrale  ou  d'une  collégiale.  Cap.  adaud. 
tS  ,  X'  de  cleric.  non  refîd.  Fuet ,  des  mat. 
bénéf.  liv.  III,  ch.  iv.  (A) 

COMMENSURABLE,  adj.  Les  quanti- 
tés commenfurahleSytn  mathémat.  font  celles 
qui  ont  quelque  partie  aliquote  commune, 
ou  qui  peuvent  être  mefurées  par  quelque 
mefure  commune  fans  laiflTer  aucun  refte 
dans  l'une  ni  dans  l'autre.  V,  MESURE  & 
Incommensurable. 

Ainfi  unpié  &  un  autre  font  commenfura- 
hles,  parce  qu'il  y  a  une  troifieme  quantité  qui 
peut  les  mefurerfun  &  l'autre  exa<ftement  ; 
favoir  un  pouce  ,  lequel  pris  douze  fois  fait 
un  pié  ,  -&  pris  quarante-quatre  fois  donne 
une  aune.  V.  Quantité. 

Les  quantités  commenfUrables  font  l'une  à 
l'autre  comme  l'unité  eft  à  un  nombre  entier 
rationel,  ou  comme  un  nombre  entier  ratio- 
nel-eft  à  un  autre  entier  rationeh  En  effet , 
puifque  les  quantités  commenfurables  ont 
une  partie  commune  qui  les  mefure  exafte- 
menr,  elles  contiennent  donc  exaâement 


C  O  M 

I  cette  partie:  l'une,  un  certain  nombre  de  f.(<\%% 
l'autre  ,  un  autre  nombre  de  fois  :  donc  elles 
font  entre  elles  comme  ces  deux  nombres.  Il 
en  eft  autrement  dans  lesincommenfurables. 
V.  Incommensurable,  Nombre,  Ra- 
tionel. 

Les  nombres  commenfurables  font  ceux 
qui  ont  quelque  autre  nombre  qui  les  me- 
fure ,  ou  qui  les  divife  fans  aucun  refte.  V, 
Nombre. 

Ainfi  6  &8fontrun  par  rapport  à  l'autre,' 
des  nombres  commenfurables  ,  parce  que  2; 
les  divife. 

Commenfurable  en  puiftance.  On  dit  que? 
des  lignes  droites  font  commenfurables  en 
puiffance  ,  quand  leurs  quarrés  font  mefu- 
rés  exa(5lement  par  un  même  efpace  ou  une 
même  furface;  ou ,  ce  qui  revient  au  même, 
quand  les  quarrés  de  ces  lignes  ont  entr'eux 
un  rapport  de  nombre  à  nombre.  F.  LiGNE 
6-  Puissance. 

Les  nombres  fourds  commenfurables,  font 
ceux ,  qui  étant  réduits  à  leurs  plus  petits 
ternies,  fontentr'e\ix  comme  une  quantité 
rationelleeft  à  une  autre  quantité  rationelle. 
f^.  Sourd.  Ainfi  3  /  2  &  2  v^  2  font  des 
nombres  fourds  commenfurables,  parce  qu'ils 
font  entr'eux  comme  332. 

Les  nombres  commenfurables  font  propre- 
ment les  feuls  &  vrais  nombres.  En  effet  tout 
nombre  enferme  l'idée  d'un  rapport,  voycT^^ 
Nombre;  &  tout  rapport  réel  entre  deux 
quantitésfuppofe  une  partie  a'iquotequiieur 
foit  commune  ;  c'eft  ce  qui  fera  plus  détaillé 
àl'ar/.lNCOMMENSURABLE.v'in'eftpoint 
un  nombre  proprement  dit,  c'eft  une  quan-^ 
tité  qui n'exifte point,  &  qu'il  eftimpoffible 
de  trouver.  Les  fraftions  même  ne  font  des 
nombres  commenfurables,  que  parce  que  ces 
fraélionsrepréféritent  proprement  des  nom- 
bres entiers.  En  effet qu'eft-ce  quecette  frac- 
tion \  }  c'eft  trois  fois  le  quart  d'un  tout ,  & 
ce  quart  eft  ici  pris  pour  i'unité  :  il  eft  vrai 
que  ce  quart  lui-même  eft  partie  d'une  autre 
unitédans  laquelle  il  eft  contenu  quatre  fois. 
Mais  cela  n'empêche  pas  ce  quart  d'être 
regardé  comme  une  féconde  unité  dans  la 
fradion  \  ;  cela  eft  fi  vrai  ,  qu'on  en  trouve 
I  la  preuve  dans  la  définition  même  des  frac- 
!  tions;  le  dénominateur,  dit-on,  compte  le 
i  nombre  des  parties  dans  lefquels  le  tout  eft- 
I  divife,  &  le  numérateur  compte  combien  oti 
prend  de  ces  parties  j  ou  ce  qui  eft  la  même 


C  O  M 

chofe  ,  combien  de  Fois  on  en  prend  une. 
Cette  partie  eft  donc  ici  une  véritable  unité. 
Après  cela  ,  on  ne  doit  pas  être  furpris  que 
pour  comparer  entr'elles  les  fraftions  ,  on 
change  leur  rapport  en  celui  de  nombres  en- 
tiers co/nz/z^/z/'^^^^/e^. Par  exemple,pour  avoir 
le  rapport  de  ^  à  | ,  on  trouve  par  les  règles 
ordinaires  que  ce  rapport  eft  celui  de  9  à  8  : 
cela  eft  évident.  Qu'eft-ce  que  ^  ?  c'eft  la 
même  chofe  que  tt  ,  ou  8  fois  le  douzième  de 
l'unité.  Qu'eft-ce  que  \  ?  c'eft  la  même  chofe 
que  y'ï  ou  8  fois  le  douzième  de  l'unité  :  donc 
ks  deux  fractions  comparées  à  la  même  unité 
(favoir  ^),  la  contiennent9  &8fois;  donc 
elles  font  entr'elles  comme  9  à  8  ,  c'eft-à- 
dire  que  la  partie  aliquote  commune  qui  me- 
fure,  par  exemple,  lesl  &  les|  d'un  pié,eft 
la  douzième  partie, du  pié,  &  que  cette  dou- 
zième partie  eft  contenue  9  fois  dans  la  pre- 
mière &  8  dans  la  féconde. 

Delà  on  peut  conclure  que  non-feulement 
les  nombres  commenJ'urabUs  font  proprement 
les  feuls  &  vrais  nombres,  mais  que  les  nom- 
bres entiers  font  proprement  les  feuls  vrais 
nombres  commenfurabUs  ,  puifque  tous  les 
nombres  font  proprement  des  nombres  en- 
tiers, y.  Nombre,  Fraction,  &c.  ÇO) 

*  COMMENTAIRE ,  f.  m.  (Hift.  anc.J 
livret  fur  lequel  on  jetoit  tout  ce  qu'on 
craignoit  d'oublier.  On  appelloit  aulîi  de  ce 
nom  les  regiftres  des  commcntarienfcs.  Voy. 
Comment  ARiENSis. 

*  Commentaire  ,  (Lïttlr.)  éclaircifte- 
mentfur  les  endroits  obfcurs  d'un  auteur. 

On  donne  encore  le  même  nom  à  des 
ouvrages  hiftoriquesoù  les  faits  font  rapportés 
avec  rapidité  ,  &  qui  font  écrits  par  ceux  qui 
ont  eu  le  plus  de  part  à  ce  qu'on  y  raconte. 

*  COMMENTARIENSISJHift.  anc.) 
fecretaire  de  l'empereur  chargé  d  infcrire  fur 
un  regiftre  tous  les  noms  de  ceux  qui  occu- 
poient  quelque  dignité  dans  l'empire.  On 
donnoit  le  même  nom  à  celui  qui  tenoit  le 
journal  des  audiences;  à  celui  qui  notoit  l'or- 
dre des  gardes  montées  &  defcendues,  &  la 
diftribution  des  vivres  ;  aux  concierges  des 
prifons ,   &c. 

*  COMMENTATEURS ,  f.  m.  pi.  gens 
très-utiles  dans  la  république  des  lettres ,  s'ils 
y  faifoient  bien  leur  métier,  qui  eft  d'expli- 
quer les  endroits  obfcurs  des  auteurs  anciens, 
&  de  ne  pas  obfcurcir  les  endroits  clairs  par 
yn  fatras.de  verbiage. 


C  O  M  619 

COMMEQUIERS  ,  (Giog.  rroJ.)  petit 
ville  de  France  dans  le  Poitou,  dans  les  Sables 
d'Olonne. 

COMMERÇANT ,  f  m.  celui  qui  com- 
merce, qui  négocie,  qui  trafique.  Voyei^ 
Commerce. 

COMMERCE,  f.  m.  On  entend  parce 
mot ,  dans  le  fens  général ,  une  commuriica" 
lion  réciproque.  Il  s'applique  plus  particuliè- 
rement à  la  communication  que  les  hommes 
fe  font  entr'eux  des  produdions  de  leurs  ter- 
res &  de  leur  induftrie. 

La  providence  infinie  ,  dont  la  nature  eft 
l'ouvrage ,  a  voulu  ,  par  la  variété  qu'elle  y 
répand ,  mettre  les  hommes  dans  la  dépen- 
dance les  uns  des  autres  :  l'Etre  fuprême  en 
a  formé  les  liens,  afin  de  porter  les  peuples  à 
conferver  la  paix  entr'eux  &  à  s'aimer  ,  & 
afin  de  réunir  le  tribut  de  leurs  louanges,  en 
leur  manifeftant  fon  amour  &  fa  grandeur 
par  laconnoiftance  des  merveilles  dont  il  a 
rempli  l'univers.  C'eft  ainfi  que  les  vues  & 
les  pafllons  humaines  rentrent  dans  l'ordre 
inaltérable  des  décrets  éternels. 

Cette  dépendance  réciproque  des  hommes,' 
par  la  variété  des  denrées  qu'ils  peuvent  fe 
fournir,  s'étend  fur  des  befoins  réels  ou  fur 
des  befoins  d'opinion. 

Les  denrées  d'un  pays  en  général,  font  les 
produ(5lions  naturelles  de  fes  terres  ,  de  (qs 
rivières ,  de  fes  mers  Se  de  fon  induftrie. 

Les  produirions  de  la  terre,  telles  que  nous 
les  recevons  des  mains  de  la  nature  ,  appar- 
tiennent à  l'agriculture.  V.  Agriculture. 

Les  produ^ions  de  l'induftrie  fe  varient  à 
l'infini  :  mais  on  peut  les  ranger  fous  deux 
claftes. 

Lorfque  rinduftrie  s'applique  à  perfection- 
ner les  produirions  de  la  terre ,  ou  à  changer 
leur  forme,  elle  s'appelle  manufaclun,  1^, 
Manufacture. 

Lesmatieres  qui  fervent  aux  manufa^ures 
s'appellent  madères  premières.  V.  MATIE- 
RES PREMIERES. 

Lorfque  findurtrie  crée  de  fon  propre 
fonds ,  fans  autre  matière  que  l'étude  de  la 
nature ,  elle  appartient  aux  arts  libéraux, 
V.  Art. 

Les  productions  des  rivières  ou  des  mers 
appartiennent  à  la  pêche.  V.  PÈCHE. 

La  nourriture  &Ie  vêtement  font  nos  feuls 
befoins  réels  :  l'idée  de  la  commodité  n'eft 
dans  les  hommes  qu'une  fuite  de  ce  premier 

liii  2 


620 


cou 


fentiment ,  comme  la  luxe  à  Ton  tour  eft  une 
fuite  de  la  comparaifon  des  commodités 
Cuperflues  dont  jouiiTent  quelques  particuliers. 

Le  commerce  doit  ibn  origine  à  ces  trois 
fortes  de  befoins  ou  de  nécçiîités  que  les 
hommes  fe  font  impofées:  l'indurtrie  en  efl: 
le  fruit  &  le  foutien  tout  à  la  fois  :  chaque 
chofequi  peut  être  communiquée  à  un  hom- 
me par  unaurre  pour  fon  utilité  ou  pour  Ton 
agrément,  ^ft  la  matière  du  commerce;  il  eft 
iufte  de  donner  un  équivalent  de  ce  que  l'on 
reçoit.  Telle  eft  l'eiTence  du  commerce^  qui 
confifte  dans  un  échange  ;  fon  objet  général 
cft  d'établir  l'abondance  des  matières  nécef- 
faires  ou  commodes  ;  enfin  fon  effet  eft  de 
procurer  à  ceux  qu'il  occupe  les  moyens  de 
îatisfaire  leurs  befbins. 

La  communication  générale  entre  les  hom- 
mes répandus  fur  la  terre ,  fuppofe  l'art  de 
traverfer  les  m.ers  qui  les  féparent ,  ou  la  na- 
V  vigation  :  elle  fait  un  nouveau  genre  d'in- 
duftrie  &  d'occupation  entre  les  hom.mes. 
F".  Navigation. 

Les  hommes  étant  convenus  que  l'or  & 
l'argent  feroient  le  figne  des  marchandifes, 
&  depuis  ayant  invenré  une  repréfentation 
des  métaux  mêmes,  ces  métaux  devinrent 
Hiarchandife  ;  le  commem  qui  s'en  fait  eft 
appelié  commerce  d'argent  ou  du  change.  V. 
Change. 

Les  peuples  intelligens  qui  n'ont  pas  trouvé 
dans  leurs  terres  de  quoi  fuppléer  aux  trois 
cfpeces  de  befoins ,  ontacquis  des  terres  dans 
les  climats  prop-es  aux  denrées  qui  leur  man- 
quoient  ;  ils  y  ont  envoyé  une  partie  de  leurs 
hommes  pour  les  cultiver,  en  leur  impofant  la 
loi  deconfommerles  productions  du  pays  de 
la  domination.  Ces  étabiiffemens  font  appel- 
lés  colonies.  Voye{^  CoLONlE. 

Ainfi  l'agriculture,  les  manufa^ures,  les 
arts  libéraux ,  la  pèche,  la  navigation,  les 
colonies ,  &  le  change  ,  forment  fept  bran- 
ches du  commc'Ci-,  le  produit  de  chacune 
ji'eft  point  égal ,  mais  tous  les  fruits  en  font 
précieux. 

Lorfque  le  commerce  eftco.nfidéré  par  rap- 
port à  un  corps  pohtique,  fon  opération  con- 
iîfte  dans  la  circulation  inférieure  des  den- 
rées du  pays  ou  des  colonks  ,  l'exportation 
«le  leur  fuperflu  ,  &  l'importation  des  denrées 
étrangères ,  foit  pour  les  confommer ,  foit 
pour  les  réexporter. 

Lerfque  le  commerce  ejdcoBÛdéfé  ccmïce 


C  O  M 

roccupatlon  d'im  citoyen  dans  un  cofps  polî'^t 
tique,  fon  opération  confifte  dans  l'achat  , 
la  vente,  ou  l'échange  àe^  marchandifes 
dont  d'autres  hommes  ont  befoin ,  dans  le 
dedein  d'y  faire  un  profit. 

Nous  examinerons  le  commerce  fous  ces 
deux  points  de  vue  particuliers-,  mais  aupa- 
ravant il  eft  bon  de  connoître  comment  il 
s'eft  érabli  dans  le  monde  ,  &  les  diverfes 
révolutions  qu'il  a  effuyées. 

D'après  l'idée  générale  que  nous  venons 
d'en  donner,  il  eft  confiant  qu'il  a  dû  exif- 
ter  dèsquela  terre  a  eu  des  habitans;  fa  pre- 
mière époque  aétéle  partage  des  différentes 
occupations  entr'eux. 

Caïn  cultivoit  la  terre ,  Abel  gardoit  les 
troupeaux;  depuis  Tubalca'in  donna  des  for- 
mes au  fer  &  à  l'airain  ;  ces  divers  arts  fup- 
pofent  des  échanges. 

Dans  les  premiers  temps  ces  échanges  fe 
firent  en  nature  ,  c'eft-à-dire  que  telle  quan- 
tité d'une  denrée  équivaloir  à  telle  quantité 
d'une  autre  denrée  ;  tousles  homm.es  étoient 
égaux,  &  chacun  par  fon  travail  fex>rocuroit 
l'équivalent  des  fecours  qu'il  attenooit  d 'au- 
trui. Mais  dans  ces  années  d'innocence  &  de 
paix  ,  on  fongeoit  moins  à  évaluer  la  matière 
des  échanges,  qu'à  s'en  aider  réciproquement. 

Avant  &  après  le  déluge  les  échanges 
durent  fe  multiplier  avec  la  population  ;  alors 
l'abondance  ou  la  rareté  de  certaines  produc- 
tions ,  foit  de  l'art ,  foit  de  la  nature  ,  en 
augmenta  ou  en  diminua  l'équivalent  ; 
l'échange  en  nature  devint  enibarrafîanr. 

L'inconvénient  s'accrut  encore  avec  le  corn- 
merce^  c'eft-à-dire  lorfque  la  formation  des  fo- 
ciétés  eut  diftingué  les  propriétés ,  &  apporté 
des  modifications  à  l'égalité  ab'oluequi  rég- 
noit  entre  les  hommes.  La  fuh^ivifion  inégale 
des  propriétés  par  le  partage  des  enfans,  les 
différences  dans  le  terroir,  dans  les  forces  & 
dansl'induftrie,  occafionerent  unfuperfiude 
befoin  chez  les  uns  deplusquechezles  autres: 
ce  fupeiftudurêtre  payé  par  le  travail  de  ceux 
quienavoient  befoin,  ou  par  de  nouvelles 
commodités  inventées  par  l'art;  fon  ufage 
fut  borné  cependant  tant  que  les  hommes 
fe  contentèrent  de  ce  qui  étoit  jimple. 

Sujets  à  l'injuftice,  ils  avoient  eu  befoin  de 
i^iflateurs  :  la  confiance  établit  des  juges, 
le  refpeélles  diftingua  ,  &  bientôt  la  crainte 
les  fépara  en  quelque  façon  de  leurs  fembla- 
bkï.  L'appareil  &  la  pompe  furent  un  des; 


C  O  M 

apanages  de  ces  hommespuiiïans  ;  leschofes 
rares  furent  deftinée*;  à  leur  ufa^ie,  &  le 
luxe  fut  connu;  il  devint  Tobjet  de  l'ambition 
"des  inférieurs ,  parce  que  chacun  aime  à  fe 
diftinguer.  La  cupidité  anima  Tinduftrie  :  pour 
fe  procurer  quelques  fuperfluités,  on  en  ima- 
gina de  nouvelles,  on  parcourut  la  terre  pour 
en  découvrir:  l'extrême  inégalité  qui  fe  trou- 
voit:  entre  les  hommes  pafTa  jufque  dans  leurs 
befoins. 

Les  échanges  en  nature  devinrent  réelle- 
ment impoiîibles  :  l'on  convint  de  donner 
aux  marchandifes  une  mefure  commune. 
L'or^  l'argent,  &  le  cuivre  furent  choifis  pour 
les  repréfenter.  Alors  il  y  eut  deux  fortes  de 
richelîes  ;  les  ricbeffes  naturelles,  c'eft-à-dlre 
les  produftions  de  l'agriculture  &:  de  l'in- 
duftrie  ;  les  richeffes  de  convention  ou  les 
métaux. 

Ce  changement  n'altéra  point  la  nature  du 
commerce  ^c[\.\\  confifta  toujours  dans  l'échan- 
ge d'une  denrée  ,  foit  pour  une  autre ,  foit 
pour  des  métaux.  On  peut  le  regarder  com- 
me une  féconde  époque  du  commerce. 

L'Afie  qui  avoir  été  le  berceau  du  genre 
humain ,  fe  vit  peup'ée  bien  avant  que  les 
autres  parties  du  monde  fuffent  connues  ;  elle 
futaufïîle  premier  théatredu  commerce^  des 
grands  empires,  &  d'un  luxe  dont  le  nôtre 
eft  effrayé. 

Les  vaftes  conquêtes  des  Any  riens  dans  ces 
riches  contrées ,  le  luxe  de  leurs  rois ,  Se  les 
merveilles  de  Babylone  ,  nous  font  garans 
d'une  grande  perfedion  dans  les  arts,  &  par 
conféquent  d'un  grand  commerce  :  mais  il 
paroît  qu'il  étoit  borné  à  l'intérieur  de  ces 
états  &  à  leurs  produclions. 

Les  Phéniciens  habitans  d'une  petite  con- 
trée de  la  Syrie,  oferent  les  premiers  franchir 
la  barrière  que  les  mers  oppofoient  à  leur 
cupidité,  &  s'approprier  les  denrées  de  tous 
les  peuples  ,  afin  d'acquérir  ce  qui  en  faifoit 
la  mefure. 

Les  richefTes  de  l'Orienr,  de  PAfrique,  & 
de  l'Europe, feraiïemblerentàTyr&àSydon, 
d'où  leurs  vaifTeaux  répandoient  dans  chaque 
contrée  du  monde  le  fupcrflu  des  autres.  Ce 
commerce^  dont  les  Phéniciens  n'étcient  en 
quelque  façon  que  les  commiflîonnaires,  puif- 
qu'ils  n'y  fourniffoient  que  très-peu  de  pro- 
duftions  de  leur  cru  ,  doit  être  diftingué  de 
celui  '\qs  nations  qui  trafiquent  de  leurs  pro- 
pres denrées  \  ainli  il  a  été  appelle  commtrcc 


COU  6ii 

d'économie',  c'a  été  celui  de  prefque  tous  les 
anciens  navigateurs. 

Les  Phéniciens  s'ouvrirent  parles  ports 
d'Elath  &  d'Efiongaber  fur  la  mer  Rouge  ,  le 
commerce  d.ts  côtes  orientales  de  l'Afrique, 
abondantes  en  or,  &:  celui  de  l'Arabie  (1 
renommée  par  fes  parfums.  Leur  colonie  de 
Tyle  ,  dans  un  île  du  golfe  Per{k|ue,  nous 
indique  qu'ils  avoient  étendu  leur  trafic  fur 
ces  cotes. 

Par  la  navigation  de  la  Méditerranée  ils 
établirent  des  colonies  (voy.CoLONiE)  dans 
toutes  ces  îles ,  en  Grèce  ,  le  long  des  côtes 
de  l'Afrique ,  en  Efpagne. 

La  découverte  de  ce  dernier  pays  fut  la 
principale  fource  de  leurs  richefles;  outre  les 
cotons,  les  laines,  les  fruits,  le  fer  &  le  plomb 
qu'ils  en  retiroient,  les  mines  d'or  &:  d'argent 
de  l'Andaloufie  les  rendoient  maîtres  du  prix 
8sC  de  la  préférence  des  denrées  de  tous  les 
pays. 

Ils  pénétrèrent  dans  l'Océan  le  long  des 
côtes,  &  allèrent  chercher  fétain  dans  les 
îles  Cafïiterides,  aujourd'hui  connues  fous 
le  nom  delà  Grande-Bretagne  :  ils  remontè- 
rent même  jufqu'à  Thule,  que  Ton  croit 
communément  être  l'Irlande, 

Tyr  effaça  par  (di  fplendeur  ik  par  fon  com- 
merce toutes  les  autres  villas  des  Phénicien?. 
Enorgueillie  de  fa  longue  profpérité ,  elle  ofa 
faliguer  contre  ié^  anciens  maîrres  :  toutes 
les  forces  de  Nabuchodonofor  roi  deB.'.by- 
lone  fuffirent  à  peine  à  la  foumettre,  après 
un  fiege  de  treize  ans.  Le  vairiqueur  ne  détrui- 
fir  que  fe»  murailles  &  {q%  édifices  ;  les  effets 
les  plus  précieux  avoient  été  tranfportés  dans 
une  île  à  tme  demi-lieue  de  la  côte.  Les 
Tyriens  y  fondèrent  une  nouvelle  ville  ,  à 
laquelle  ra<5i:ivité  du  fow/Tî^rcf  donna  bientôt 
plus  de  réputation  que  l'ancienne  n'en 
avoit   eu. 

Carthage,  colonie  desTyriens,fui  vit-à-peu 
près  le  même  plan,  &  s'étendit  le  long  de» 
côtes  occidentales  de  l'Af-ique.  Pour  accroî- 
tre même  fon  commerce  général,  &:  n€  le 
partager  qu'avec  fa  métropole,  elle  devint 
conquérante. 

La  Grèce  cependant  par  fon  indùf^rie  & 
fa  population ,  vint  à  figurer  parmi  les  puii- 
fances  rl'invafion  des  Perfes  lui  apprit  à  con- 
noître  fesYorces  &  fes  avsntag-es;  fa  marine 
la  rendit  redoutable  à  fon  tour  aux  maîtres 
de  l'Afie  ;  mais  remplie  de  djvilîons  ou  de 


^li 


C  O  M 


projets  de  gloire,  elle  ne  fongea  point  à  éten- 
dre Ton  commerce. 

Celui  d'Athènes ,  la  plus  puiflfante  des  villes 
maritimes  de  la  Grèce,  fe  bornoit  preCqu'à 
fa  iiibfiftance  qu'elle  tiroit  delà  Grèce  même 
ôc  du  Pont-Euxin.  Corinthe  ,  par  fa  fitua- 
tion,  fut  l'entrepôt  des  marchandifes  deTAiie 
oc  de  l'Italie;  mais  fes  marchands  ne  tentè- 
rent aucune  navigation  éloignée  :  elle  s'en- 
richit cependant  par  l'indifférence  des  autres 
Grecs  pour  le  commerce ,  &  par  les  commo- 
dités qu  elle  lui  offroit ,  beaucoup  plus  que 
par  fon  induftrie. 

Les  habitans  de  Phocée ,  colonie  d'Athè- 
nes ,  chaffés  de  leur  pays ,  fondèrent  Mar- 
feille  lur  les  côtes  méridionales  des  Gaules. 
Cette  nouvelle  république,  forcée  par  la  fté- 
rilité  de  fon  territoire  de  s'adonner  à  la  pêche 
&;  au  commerce,  y  réufîit  ;  elle  donna  même 
falarme  à  Carthage ,  dont  elle  repoulTa 
yigoureufementles  attaques. 
.  Alexandre  parut;  il  aima  mieux  être  le 
chef  des  Grecs  que  leur  maître  :  à  leur  tête  il 
fonda  un  nouvel  empire  fur  la  ruine  de  celui 
des  Perfes.  Les  fuites  de  fa  conquête  forment 
la  troifieme  époque  du  commmerce. 

Quatre  grands  événemens  contribuèrent 
à  la  révolution  qu'éprouva  le  commerce  fous 
le  règne   de  ce  pri:.ce. 

Il  détruiiit  la  ville  de  Tyr,  &  la  navigation 
de  la  Syrie  fut  anéantie  avec  elle.  , 

.  L'Egypte  qui  jufqu'alors  ennemie  des 
étrangers  s'étoit  fuffi  à  e'ie-même,  commu- 
niqua avec  les  autres  peuples  après  fa  con- 
quête. 

La  découverte  des  Indes  &  celle  de  la  mer 
qui  eft  au  midi  de  ce  pays  en  ouvrirent  le 
commerce. 

Alexandrie  bâtie  à  l'entrée  de  l'Egypte , 
devint  la  clé  An  commerce  àts  Inàes ,  &  le 
centre  de  celui  de  l'Occident. 
.  Après  la  mort  d'Alexandre,  \qs  Ptolémées 
fes  fuccelTeursen  Egypte  fui  virent  afîidument 
les  vues  de  ce  prince  ;  ils  s'en  affurerent  le 
fuccès  parleurs  flottes  fur  la  mer  Rouge  &  fur 
la  méditerranée. 

Pendant  ces  révolutions,  Rome  jetoitîes 
fondemcns  d'une  domination  encore  plus 
vafte. 

.  Les  petites  républiques  commerçantes  s'ap- 
puyerent  de  fon  alliance  contre  les  Cartha- 
ginois, dont  elles  minoient  fourdemenr  l'em- 
pire maritime.  L'intérêt  comjnun  les  uniiToit. 


CO  M 

Rhodes  déjà  célcbre  par  fon  commerce,' 
&  plus  encore  par  la  fageffe  de  fes  loix  pour 
les  gens  de  m.er,  fut  de  ce  nombre,  Marfeille, 
l'ancienne  alliée  des  romains ,  leur  rendit 
de  grands  fervices  par  fes  colonies  d'Efpagne: 
réciproquement  foutenue  par  eux,  elle  accrut 
toujours  fa  richeffe  &.  fon  crédit,  jufqu'aux 
temps  où  forcée  de  prendreparti  dans  leurs 
guerres  civiles ,  elle  fe  vit  leur  fujette.  Lors 
de  fon  abaiffement,  Arles,  Narbonne,  &  les 
autres  colonies  romaines  dans  les  Gaules, 
démembrèrent  fon  commerce. 

Enfin  le  génie  de  Rome  prévalut:  le  com- 
merce de  Carthage  fut  enfeveli  fous  {qs 
ruines.  Bientôt  l'TLfpagne,  la  Grèce,  l'Afie  , 
&  l'Egypte  à  fon  tour,  furent  des  provinces 
romaines.  Mais  la  maîtreiTe  de  l'univers  dé- 
daigna de  s'enrichir  autrement  que  par  les 
tributs  qu'elle  impofoit  aux  nations  vaincues; 
elle  fe  contenta  de  favorifer  le  commerce  des 
peuples  qui  le  faifoient  fous  fa  protedion, 
La  navigation  qu'elle  entretenoit  pour  tirer 
des  grains  de  l'Afrique,  ne  peut  être  regardée 
que  comme  un  objet  de  police. 

Le  fiege  de  l'empire  transféré  à  Bizance  , 
n'apporta  par  conféquent  prefque  aucun 
changement  zn  commerce  de  Rome  :  mais  la 
fituaîion  de  cette  vil!e  rebâtie  par  Conftantin 
fur  le  détroit  de  l'Hellefpont ,  y  en  établir 
un  coniidérable.  Il  fe  foutint  long-temps  de- 
puis fous  les  empereurs  grecs  ,  Se  même  il 
trouva  grâce  devant  la  politique  deftruélive 
des  Turcs. 

La  chute  de  Tempire  d'Occident  par 
l'inondation  des  peuples  du  Nord ,  &  les  in- 
vafionsdes  Sarrafins,  forment  une  quatrième 
époque  pour  le  commerce. 

Il  s'anéantit  comme  les  autres  arts  fous  le 
joug  de  la  barbarie  ;  réduit  prefque  par- tout 
à  la  circulation  intérieure  néceffaire  dans  un 
pays  où  il  y  a  des  hommes ,  il  fe  réfugia  en 
Italie.  Ce  pays  conferva  une  navigation ,  6c 
fit  feul  le  commeiceào.  l'Europe. 

Venife,  Gènes,  Florence,  Pife,fedifpu- 
terent  l'empire  de  la  mer  ,  &  la  fupériorité 
dans  les  manufactures.  Elles  firent  long- 
temps en  concurrence  le  commerce  de  la  Mo- 
rée  ,  du  Levant,  de  la  mer  Noire  ;  celui  de 
l'Inde  &  de  l'Arabie  par  Alexandrie.  Les 
cahfes  d  Egypte  entreprirent  en  vain  de  dé- 
tourner le  commerce  de  cette  dernière  ville  en 
faveur  du  Caire  ,  ils  ne  firent  que  le  gêner: 
elle  rentra  fous  les  Mammeius  en  pofleifion 


âe  fes  droits,  &  elle  en  jouit  encore  aujour- 
d'hui. 

L'Occixient  étoit  toujours  tributaire  des 
marchands  italiens  ;  chaque  pays  recevoir 
d'eux  les  étoffes  même  dont  il  leur  fournifToit 
la  matière  :  mais  ils  perdirent  une  partie  de 
ce  commerce ,  pour  n'avoir  pas  eu  le  courage 
de  l'augmenter.  Ils  avoient  confervé  le  fyftê- 
medes  Egyptiens  &  àts  Romains,  de  finir 
leurs  voyages  da^  une  même  année.  A  me- 
fure  que  leur  navigation  s'étendit  dans  le 
Nord  ,  il  leur  fut  impoffible  de  revenir  auffi 
fouvent  dans  leurs  ports  ;  ils  firent  de  la  Flan- 
dre l'entrepôt  de  leurs  marchandifes:  elle  de- 
vint par  conféquent  celui  déroutes  les  matiè- 
res que  lesltaliens  avoient  coutume  d'enlever. 
Les  foires  de  Flandre  furent  lemagafin  géné- 
ral du  Nord,  de  l'Allemagne,  de  l'Angleterre, 
de  la  France.  La  néceffiié  établit  entre  ces 
pays  une  petite  navigation  qui  s'accrut  d'elle- 
même.  Les  Flamands ,  peuple  nombreux  &; 
déjà  riche  par  des  produclions  naturelles  de 
fes  terres ,  entreprirent  l'emploi  des  laines 
d'Angleterre ,  de  leurs  lins  &  de  leurs  chan- 
vres ,  à  l'exemple  de  l'Italie.  Vers  l'an  960 
on  y  fabriqua  des  draps  &  àes  toiles.  Les 
franchifes  que  Baudouin  le  jeune  comte  de 
Flandre  accorda  à  l'induftrie,  l'encourageren* 
aupointque  ces  nouvelles  manufaftures  don- 
nèrent Texclufion  à  toutes  les  autres  dans 
l'Occident.  L'Italie  fe  confolade  cette  perte 
parla  récolte  des  foies  qu'elle  entreprit,  avec 
iuccès,  de  fairedans  fes  terres  dès  l'an  1 1 30, 
par  la  confervation  du  commerce  de  Cafa,  du 
Levant,  &  d'Alexandrie,  qui  entretinrent 
fa  navigation.  Mais  la  Flandre  devint  le 
centre  des  échanges  de  l'Europe.  A  mefure 
^ue  la  communication  augmentoit  entre  ces 
divers  états,  les  vues  s'étendoient,  le  co.tz- 
7;j^rce  prenoit  par- tout  de  nouveHts  forces. 

En  11641a  ville  de  Bremen  s'afTocia  avec 
quelques  autres,  pour  fe  foutenir  mutuelle- 
ment dans  le  commerce  qu'elles  faifoient  en 
Livonie.  La  forme  &  les  premiers  fuccès 
de  cette  aifociation  promirent  tant  d'avan- 
tages ,  que  toutes  les  villes  de  l'Allemagne 
qui  faifoient  quelque  commerce  voulurent  y 
être  agrégées.  En  1106  on  en  comptoir 
foixante-deux ,  depuis  Nerva  en  Livonie  juf- 
qu'au  Rhm,  fous  le  nom  de  villes anféatlques. 
V.  Hanse. 

Plufieurs  villes  des  Pays-Bas,  de  France, 
d'Angleterre,  de  Portugal,  d'Eipagne,  & 


C  O  M  ^25 

d'Italie ,  s'y  incorporèrent.  La  Hanfe  teuto- 
nique  fit  alors  prefque  tout  le  commerce  ^•aX^k'^ 
rieur  de  l'Europe. 

Celui  de  l'intérieur  dans  la  plupart  àt% 
états  avoit  été  jufque-là  entre  les  mains  d'un 
peuple  errant,  pour  qui  l'on  pouiïbit  la  haine 
jufqu'à  l'inhumanité.  Les  Juift  tour-à-tour 
bannis  &  rappelles ,  fuivant  les  befoins  des 
princes, eurent  recours  à  l'invention  des  lettres 
de  change  ,  dès  1 181  ,  pour  fouftraire  leurs 
rurhefTes  à  la  cupidité  &  aux  recherches* 
V,  Lettre  de  change. 

Cette  nouvelle  repéfentation  de  la  me-* 
fure  commune  des  marchandifes,  en  fa- 
cilita les  échanges  ;  depuis  elle  forma  une 
nouvelle  branche  de  Commerce,  Voye-^ 
Change. 

Tandis  que  la  Hanfe  fe  rendoit  formida-' 
ble  aux  princes  mêmes,  les  comtes  de  Flan- 
dre, en  130 1  ,effarouchoient  l'induftrie  par  la 
révocation  de  fes  franchifes.  Les  ducs  de 
Brabant  l'attirèrent  par  les  moyens  qu'y  avoit 
employés  Baudouin  le  jeune  en  Flandre,  &  là 
perdirent  par  la  même  imprudence  dont  les 
f  ucce/Teurs  de  ce  comte  avoient  donnél'exem- 
ple.  En  1404  ,  après  la  fédition  de  Louvain  , 
les  ouvriers  fe  répandirent  en  Hollande  & 
en  Angleterre  ;  d'autres  ouvriers  de  Flandre 
les  y  fuivirent;  tels  furent  les  commmence-* 
mens  des  célèbres  manufaâ:ures  de  la  Grande-» 
Bretagne. 

La  manière  de  faler  les  harengs ,  inventée 
en  1400  ,  foutint  encore  quelque  temps  à 
Bruges  &  à  l'Eclnfe  le  commerce  &  les  ma- 
nufa<ftures  de  Flandre  ,  à  la  faveur  d'une- 
grande  navigation.  ' 

Pendant  le  cours  de  ce  fiecle ,  Amfterdain 
&  Anvers  s'élevèrent  par  le  commerce.  En 
1420  les  Portugais,  à  l'aide  de  la  bouffole 
déjà  perfeftionnée  {yoy.  BoussoleJ,  firent 
de  grands  établifïemens  fur  les  côtes  occiden- 
tales de  l'Afrique.  Les  navigateurs  de  Dieppe 
y  avoient  entretenu  quelque  commerce  dès' 
l'an  1364;  mais  les  guerres  des  Anglois  nous 
firent  perdre  le  fruit  de  cette  découverte.  La-' 
France  un  peu  plus  tranquilîeen  1480,  vit 
s'établira  Tours  uhemanufail:uredefoieries;' 
&:  fans  les  guerres  dltalie  ,  fuivies  d'autres 
malheurs  plus  grands  encore  ,  il  eft  vrai-- 
femblable  que  la  nation  auroitdès  ce  temps 
acquis  dans  le  commerce  le  rang  que  lui  mé-- 
ritoient  foa  indullrie  &  la  fertilité  de  i^^- 
terres,  •■  ■        * 


6i4  C  O  M 

Bruges  par  fa  profpérité  continuoit  d'effa 
cer  toutes  les  autres  viiles  commerçantes  de  | 
roccident  de  l'Europe  :  Ik  révolce  contre  ion 
prince  en  1487  en  fut  le  terme;  fa  r^ine  fut 
le  fceau  de  la  grandeur  d'Anvers  &  d'Amf- 
terdam  ;  mais  Anvers  l'emporta  par  fon  heu- 
reufe  fituation. 

La  fin  de  ce  fiecle  fut  célèbre  par  deux 
grands  événemens  qui  changèrent  la  face  du 
commerce,  A  cette  cinquième  époque  fan 
hiftoire  devint  une  partie  de  celle  des  états. 

En  14^*7  Barthelmi  Diaz,  capitaine  por- 
tugais ,  doubla  le  cap  de  Bonne-Efpérance, 
&  s'ouvrit  la  route  des  Indes  orientales. 
Après  lui  Vafco  de  Gama  parcourut  en 
conquérant  les  prefqu'îles  en  de^à  &  au 
delà  du  Gange  :  Lisbonne  fut  le'  magafin 
exclufîf  des  épiceries  &c  des  riches  produc- 
tions de  ces  contrées,  qu'elle  diftribuoit  dans 
Anvers. 

L'Egypte  qui  bornoit  fa  navigation  aux 
premières  côtes  de  la  mer  des  Indes,  He  fut 
pas  en  état  de  foutenir  laconcurrcnce  des  Por- 
tugais ;  la  diminution  de  fon  commerce  en- 
traîna la  chute  de  celui  des  Italiens. 

En  1491  Chriftophe  Colomb  ,  génois  , 
découvrit  l'Amérique  pour  le  roi  de  Caftille, 
dont  les  fujets  coururent  en  foule  conquérir 
les  tréfors  de  ce  nouveau  monde. 

Les  Efpagnols  comme  les  premiers  à  habi- 
ter l'Amérique,  y  eurent  les  plus  riches  &  les 
plus  amples  poiTeflîons. 

Dès  I  ^o  I  le  naufrage  d'Alvarès  Cabra,  ca- 
pitaine portugais ,  fur  les  côtes  du  Brefil,  va- 
lu: à  fa  patrie  la  poifelïion  de  ce  vafte  pays  & 
de  (qs  mines. 

Ces  deux  nations  négligèrent  les  arts  &  la 
culture  d'Europe ,  pour  moifTonner  l'or  & 
l'argent  dans  ces  nouvelles  provinces,  per- 
fuadées  que  propriétaires  des  métaux  qui  font 
la  mefure  de  toute  chofe  ,  elles  feroientles 
maîtreffesdu  monde.  Elles  ont  apfJ\is  depuis 
que  ce  qui  eft  la  mefure  des  denrées  appar- 
tient néceffairement  à  celui  qui  vend  ces 
denrées. 

Les  François  ne  tardèrent  pas  à  faire  des 
découvertes  dans  la  partie  feptentrionale.  En 
i«{04  nos  navigateurs  découvrirent  le  grand 
banc  de  Terre-neuve  ;  &:  pendant  ie  cours 
de  ce  fiecle ,  les  Bafques ,  les  Bretons,  &  les 
Normand^  prirent  pofTeflion  de  plufieurs 
pays  au  nom  de  nos  rois.  La  France  déchirée 
dans  fon  fein  par  les  guerres  de  religion,  fut 


CO  M 

fourdeâ  tout  autre  fentiment  qu'à  celui  de  fa 
douleur. 

La  liberté  de  confcience  &  les  franchifes 
dont  jouiffent  les  Pays-Bas,  &  fur-tout  la 
ville  d'Anvers ,  y  avoient  attiré  un  nombre 
infini  de  François  &  d'Allemands,  qui  dans 
cette  terre  étrangère  n'eurent  de  reffource 
que  le  commerce.  Il  étott  immenfè  dans  ces 
provinces,  lorfque  Philippe  II  le  troubla  par 
l'établififement  de  nouveaux  impôts  <k  de 
l'inquifition. 

La  révolte  fut  générale;  fept  provinces 
fe  réunirent  pour  défendre  la  liberté,  &dès 
1 579  s'érigèrent   en  république  fédérative. 

Tandis  que  TEfpagne  faifoit  la  guerre  à 
(qs  fujets,  fon  prince  envahit  en  i<;8o  la 
fuccemon  du  Portugal -&  de  fes  poffeffions. 
Ce  qui  fembloit  accroître  les  forces  de  cette 
monarchie ,  fut  depuis  le  falut  de  (es,  ennemis. 

La  néceffité  cependant  avoii  forcé  les  Hol- 
landois,  reflerrés  dans  un  territoire  flérile  ÔC 
en  proie  aux  horreurs  de  la  guerre ,  de  fe  pro- 
curer leurs  befoins  avec  économie.  La  pêche 
les  nourrilToit ,  &  leur  avoit  ouvert  une  na- 
vigation confidérable  du  nord  au  midi  de 
l'Europe,  même  en  Efpagne  fous  pavil- 
lon étranger ,  lorfque  deux  événemens  nou- 
veaux concoururent  à  élever  leur  commerce. 

Les  Ei'pagnols  prirent  Anvers  en  1584,  8c 
fermèrent  l'Efcaut  pour  détourner  leco/«wercc 
en  faveur  des  autres  villes  de  Flandre.  Leur 
politique  ne  réuffit  qu'à  leurs  ennemis;  la 
Hollande  profita  feul  de  la  pêche,  de  ia  na- 
vigation, des  manufaâiures  de  toile  &  de  lai- 
ne :  celles  de  foie  paflTerent  en  Angleterre ,  où 
il  n'y  en  avoit  point  encore. 

L'abaifTement  delà  Hanfe  teutonique  fut 
le  fécond  événement  dont  les  Hollandois  pro- 
fitèrent. Depuis  l'expédition  qu'elle  fit  en 
1418  contre  Erik,  roi  de  Danemarck,  fa 
puilTance  déchna  imperceptiblement.  Les 
princes  virent  avec  quelque  jaloufie  leurs  prin- 
cipales villes  engagées  dans  une  aflbciation 
aulîi  formidable,  &  les  forcèrent  de  s'en  reti- 
rer. Elle  fe  borna  aux  villes  de  l'Allemagne. 
En  Angleterre  lés  privilèges  furent  révoqués 
fous  la  reine  Marie  ;  &  dès  i  "588  les  Anglois  , 
fous  le  règne  d'Elifabeth  ,  parvinrent  à  com- 
mercer dans  le  Nord  :  Hambou«'g  même  les 
reçut  dans  fon  port.  La  délunion  fe  mit  en- 
tre les  villes  afTociées.  Malgré  leurs  plaintes 
impuiffantes  ,  les  Anglois  pénétrèrent  dans 
la   mer   Baltique,    dont    les    Hollandois 

partagèrent 


C  O  M 

partagèrent  depuis  le  commerce  avec  eux  pres- 
que exciuiivemenr  aux  autres  peuples.  Au- 
jourd'hui les  villes  anféatiques  lont  réduites 
au  nombre  de  iix ,  dont  quatre  ont  confervé 
un  afTez  bon  commerce  dans  le  nord.  Tou- 
jours traverfées  par  les  Hollandoisdans  celui 
du  midi  ,  elles  n'y  ont  quelque  part  qu'à 
la  faveur  des  intérêts  politiques  de  l'Europe. 

L'interdiction  à^^  ports  de  l'Efpagne  &du 
Portugal  aux  fujets  des  Provinces-Unies, 
porta  leur  défefpoir  &  leur  fortune  à  fon  com- 
ble. Quatre  vnin'eauv  partis  du  Texel  en  1 594 
&  1595,  allèrent  chercher  dans  l'Inde,  à  tra- 
vers des  périls  infinis  ,  les  marchandiles  dont 
ces  provinces  étoient  rigoureufement  privées. 
Trop  foibles  encore  pour  n'être  pas  des  mar- 
chands pacifiques  ,  ces  habiles  républicains 
intérefîerent  pour  eux  les  rois  Indiens  ,  qui 
gémiflbient  fous  le*  joug  impérieux  des  Por- 
tugais. Ceux-ci  «nployerent  en  vain  la  force 
&la  rufe  contre  leurs  nouvealix  concurrens, 
que  rien  ne  dégoûta.  Le  premier  ufàge  auquel 
la  compagnie  hoUandoife  delHna  (ts  richel- 
(es  ,  ce  fut  d'attaquer  ces  rivaux  à  ion  tour. 
Son  premier  effort  la  rendit  maîtrefled'Am- 
boine  &  des  autres  îles  Moluques  en  1605. 
Déjà  afliirée  du  commerce  des  principales 
épiceries  ,  (qs  conquêtes  furent  immenlès  & 
rapides  ,  tant  fur  les  Portugais  que  fur  les  In- 
diens mêmes,  qui  trouvèrent  bientôt  dans  ces 
alliés  de  nouveaux  maîtres  plus  durs  encore. 

D'autres  négocians  hoUandois  avoient  en- 
trepris avec  le  même  fuccès  de  -partager  le 
commerce  de  l'Afrique  avec  les  Portugais. 
Une  trêve  de  douze  ans  conclue  en  1609  en- 
tre l'Eljaagne  &  les  Provinces-Unies  ,  leur 
donna  le  temps  d'accroître  &  d'affermir 
leur  commerce  dans  toutes  les  parties  du 
monde.  Dès  16 1 2  elles  obtinrent  des  capitula- 
tions très-avantageufes  dans  le  Levant. 

En  1 62 1  les  conquêtes  de  la  Hollande  com- 
Tnencerent  avec  la  guerre.  Une  nouvelle  fo- 
"ciété  de  négocians ,  fous  le  nom  de  compa- 
-gnie  des  Indes  Occidentales  ,  s'empara 
d'une  partie  du  Brefil,  de  Curaçao,  de  Saint- 
Euilache,  &  fît  des  prifes  immenfes  fur  le 
commerce  des  Efpagnols  &  des  Portugais. 

Le  Portugal  ,  vidime  d'une  querelle  qui 
n'étoit  point  la  iienne  ,  s'affranchit  en  1640 
<le  la  domination  espagnole.  Jean  IV  ,  légi- 
time héritier  de  cette  couronne  ,  conclut  en 
1641  une  trêve  avec  les  HoUandois. 

Cette  trêve  mal  obfervée  de  part  &  d'au- 
Tome    Vin. 


C  O  M  €1^ 

fre  ,  coûta  aux  Portugais  ce  qui  leur  refioit 
dans  l'île  de  Ceyip.n  ,  où  croît  la  canelle.  Ils 
ne  conlerverent  dans  l'Inde  qu'un  petit  nom- 
bre de  places  peu  importantes  ,  dont  ils  re- 
perdirent depuis  une  partie  pour  toujours. 
Plus  heureux  en  Afrique  ,  ils  y  reprirent  une 
partie  de  leurs  établiifemens.  13ans  l'Améri- 
que leur  fuccès  fut  complet  ;  les  HoUandois 
furent  entièrement  chalfés  du  Breiil. 

Ceux-ci  plus  occupés  du  commerce  àes 
Indes,  formèrent  un  étahliffement  conlidé- 
rable  au  cap  de  Bonne-Eipérance  qui  en  eil 
la  clé  ,  &  ne  gardèrent  dans  l'Amérique  de 
pofics  principaux  que  Surinam  danslnCuia- 
ne,  les  îles  de  Curaçao  &  de  Saint-Euflacbe. 
Ces  colonies  font  peu  importantes  pour  la 
culture,  mais  elles  font  la  lource  d'un  grand 
commerce  avec  \ts  colonies  étrangères. 

Pendant  que  \ts  HoUandois  combattoient 
en  Europe  pour  avoir  une  patrie^  &  dans 
l'Inde  pour  y  régner,  l'Angleterre  s'éroit  en- 
richie d'une  manière  mams  bruyante  & 
moins  hazardeuiè  :  fes  manufactures  de  laine, 
commerce  auflî  lucratif ,  &  qui  l'étoit  encore 
plus  dans  cts  temps,  portèrent  rapidement  fa 
marine  à  un  degré  de  puifïànce  qui  fit  échouer 
toutes  les  forces  de  l'Efpagne  ,  &  la  rendit 
l'arbitre  de  l'Europe. 

Dès  l'an  1599  ,  la  reine  Elifabeth  y  avoit 
formé  une  compagnie  pour  le  commerceàts 
Indes  orientales.  Mais  fa  profpérité  ne  lui 
donna  aucune  vue  de  conquête  ;  elle  établit 
paifiblement  divers  comptoirs  pour  Iba 
commerce  ,  que  l'état  prit  foin  de  faire  reir- 
peder  par  ks  efcadres. 

Quoique  l'Angleterre  eût  pris  pofTefuon 
de  la  Virginie  en  1584,  &  qu'elle  eût  difputé 
la  Jamaïque  aux  Efpagnols  dès  l'an  1596,  ce 
ne  fut  guère  que  vers  le  milieu  du  dix-fep- 
tieme  fiecle  qu'elle  fit  de  grands  établifî'emens 
dans  l'Amérique.  La  partie  méridionale  étoit 
occupée  par  les  Efpagnols  &  les  Portugais  , 
trop  forts  pour  les  en  chafîer.  Mais  les  An- 
glois  ne  cherchoient  point  de  mines;  contens 
de  jouir  de  celles  de  ces  deux  nations  par  la 
confommation  de  leurs  manufadures  ,  ils 
cherchoient  à  augmenter  leur  induftrie  en  ou- 
vrant de  nouveaux  débouchés.  La  pêche  &  la 
navigation  furent  leur  fécond  objet.  L'Amé- 
rique feptentrionale  étoit  plus  propre  à  leurs 
delfeins  ;  ils  s'y  répandirent  &  enlevèrent 
I  aux  François  fans  beaucoup  de  réfif lance  des 
i  terres  donc  ils  ne  faifoient  point  d'uiagc»  i 

K  kkk 


6i6  COM 

En  France,  le  c<irdinal  de  Rickelîeu  portît  ; 
<3ès  les  premiers  iniVsns  de  la  tranquillité  pu- 
blique les  vues  du  coté  des  colonies  &  du 
commerce.  En  i6x6  il  le  forma  par  Tes  foins 
une  compagnie  pour  l'érabliiTcmenr  de  Stùnt- 
Chrifloplile  &  des  autres  Antilles,  depuis  le 
dixierse  degré  de  Féquateur  jufqu'au  trentie- 
ffne;  en  i6z8,  une  autre  compagnie  fut  char- 
gée de  l'établiiTement  delà  nouvelle  France^ 
ciepuis  les  coniins  de  la  Floride  jufqu'au  pôle 
aràique. 

Mais  ce puiflant  génie  affervi  aux  intrigues 
des  courtifans,  n'eut  jamais  le  loifir  de  fuivrc 
lesvailes  projets  qu'il  avoitembrafles  pour  le 
bien  de  la  monarchie.  C'eft  cependant  à  ces 
îbibles  commencemens  que  la  France  doit  le 
iàlut  de  ion  commerce  ,  puifqu'ils  luiafîbre- 
rcnt  ce  qui  lui  relie  de  poiTefllons  dans  l'Amé- 
rique ,  excepté  la  Louifiane  qui  ne  fut  dé- 
couverte qu'à  la  fin  de  ce  fiecle. 

Les  Anglois  ,  &  fur-tout  les  Hollandois^ 
curent  long-temps  le  profit  de  ces  colonies 
naiffantfs.;  c'eii  aufîl  d'eux  qu'elles,  reçurent 
les  premiers  fecours  qui  favorifer.ent  leur  cuir 
ïure.  L'année  1^64  eii proprement  l'époque 
de  notre  commerce;  h  grande  influence  qu'il 
donna  àla  France  dans  les  affaires  de  l'Eu- 
rope ,  en  fait  une  fixierae  époque  générale. 

Louis  XIV  communiqua  à  tout  ce  qui 
l'environnoit  un  caractère. de  grandeur  ;  fon 
habileté  lui  développa  M.  Colbert  ;.facon' 
fiance  fut  entière  ;.tout  lui  réuflît. 

Les  manufactures,  lanavigation,,  les  ajts 
de  toute  efpece  furent  en  peu  d'années  portés, 
il  une  perfedion  qui  étonna  l'Europe  &  l'a- 
larma.  Les  colon^ies  furent  peuplées;  le  com- 
merce en  fut  exclufif  à  leurs  maîtres.  Les  mar- 
chands de  l'Angleterre  &  de  la  Hollande 
virent  par-tout  ceux  de  la  France  entrer  en 
concurrence  avec  eux.  Mais  plus  anciens  que 
nous,  ils  y  ccnferverentla.fupériorité  ;.plus 
expérimentés ,  ils  prévirent  que  le  commerce 
deviendroit  la  bafe  des  intérêts  politiques  & 
de  l'équilibre  des  puiflances,  ils  en  firent  une 
fcfence&  leur  objet  capital,  dans  le  temps  que 
nous  ne  fongions  encore  cfu'à  imiter  leurs  opé- 
rations fans  en  dévoiler  le  principe  :  Tadivité 
de  notre  induHrie  équivalut  à  des  mqximts , 
lorfquek  révocation  de  l'édit  de  Nantes  la 
diminua  par  la  perte  d'un  grand  nombre  de 
iujets,  &  par  le  partage  qui  s'en  fît  dans  tous 
\t&  pays  où  l'on  vouloit  s'enrichir  ;  jamais 
plus  graad  iacriike  ne  tut  offert,  à  la  religion.- 


COM  * 

Depuis,  cîiaque  état  de  l'Europe  a  en  de* 
intérêts  de  commerce  ,  &  a  cherché  à  les. 
agrandir  refpeâiyement  à  fes  forces  ou  à 
celles  de  fes  voiiins  ,  tandis  que  la  France,. 
i^Angleterre  &  la.  Hollande  ie  difputent  le- 
commerce  général. 

La  France  à  qui  la  nature  a  donné  un  fu- 
perflu  coniidérable  ,  femble  s'occuper  plus 
particulièrement  du  commerce  de  luxe. 

L'Angleterre,  quoique  très-riche  ,  craint 
toujours  la  pauvreté,  ou.feint  de  la  craindre;; 
elle  ne  néglige  aucune  efpece  de  profit ,  au- 
cuns moyens  de  fournir  aux  befoins  des  au-- 
tres  nations,.elle  voudroit  feuley  pourvoir,, 
tandis  qu'elle  diminue  fans  cefîe  les   liens ^ 

La  Hollande  fupplée  par  la  vente  exclufive 
des  épiceries  à  la  médiocrité  de  (^is  autres 
produâions  naturelles  ;  fon  objet  eft  d'cnle-- 
ver  avec  économie  celles  de  tous  les  peuples 
pour  les  répandre  avec  profit.  Elle  efl  plus 
jaloufe  qu'aucun  autre  état  de  la  concur- 
rence desétrangers,  parce  que  fon  commerce 
ne  fubfille  que  par  ladeflxudion  de  celui  des 
autres  nations.. 

L'hifloiredu  commercerions  pr.éfente  trois; 
réflexions  importantes.. 

t°.  On  y  a  vu  des  peuples  fuppléer  par 
l'induifrie  au  défaut  des  productions  de  la 
terre  ,  &  pofleder  plus  de  richefî'es  de  con? 
vention  ,  que  ceux  qui  étoient  propriétaires; 
àQs  richefTes  naturelles..  Mais  cette  induffrie 
coniifioit  toujours  à  diflribuer  dans  chaque: 
pays  \ts  richeiîès  naturelles  dont  il  étoit  dé,-- 
pourvu  ;  &;  réciproquement  fans  induflriej 
aucun  peuple  n'a  poflédé  abondamment  l'or- 
ée l'argent  qui  fon  fies  richefTes  de  conventiom. 

2°.  Un  peuple  perd  infenfiblement  ibn; 
commerce  ^  s  Ant  fait  pas  tout  celui  qu'rli 
pourroit  entreprendre.  En.efTet  toute  branche: 
de  commerce  luppofe  un  befoin  ,  foit  réel,  y,. 
ibit  d'opinion  ;  fon  profit  donne  les  moyens.- 
d'une  autre  entreprife;  &  rienn'eflfi  danger-, 
reux  que  de  forcer  d'autres  peuples  à  fepror 
curer  eux-mêmes  leurs  befoins  ,  ou  ày  fup-- 
pléer.  L'on  a  toujours  vu  les. prodiges  de  l'in- 
duftrie  éclore  du  fein  de  la  nécefCté  ;  le», 
grands  efïbrts  qu'elle  occafionefbnt  femblar 
blés  au  cours  d'un  torrent  impétueux,  dont  les, 
ieaux  luttent  avec  violence  contre  les  digues 
qui  les  reiferrent,  les  renverfent  à  la  finr.&  fe; 
r-épandent  dans  les  plaines. 

3°.  Une  grande  population  efl  inféparab.le 
d'un  grand  commerce  ,   dont  le  paiTage.  eifc 


COM 

îbujours  marqué  par  l'opulence.  Ilefl  cenA 
tant  que  les  commodités  de  la  vie  font  pour 
ies  hommes  l'attrait  le  plus  puifl'anr.  Si  l'on 
•fuppofe  un  peuple  commerçant  environné  de 
peuples  qui  ne  le  font  pas ,  le  premier  aura 
fcientôt  tous  les  étrangers  auxquels  Ton  com- 
merce pourra  donner  un  travail  &  unfalaire. 

Ces  trois  réflexions  nous  indiquent  les 
principes  du  commerce  dans  un  corps  politi- 
que en  particulier.  L'agriculture  &  l'induftrie 
en  fontl'eirence  ;leur  union  eft  telle,  que  fi 
l'une  l'emporte  fur  l'autre,  elle  vient  à  le  dé- 
truire elle-même.  Sans  l'induflrie  ,  les  fruits 
tle  la  terre  n'auront  point  de  valeur;  fi  l'agri- 
culture efl  négligée,  les  fources  du  commerce 
ibnt  taries. 

L'objet  du  commerce  dans  un  état  ef!  d'en- 
tretenir dans  l'aifance  par  le  travail  le  plus 
grand  nombre  d'hommes  qu'il  eftpoflible. 
L'agriculture  &  l'indultrie  font  les  feuls 
moyens  de  fubfifter  :  fi  l'une  &  l'autre  font 
avantageufes  à  celui  qu'elles  occupent,  on  ne 
manquera  jamais  d'hommes. 

L'efîèt  du  commerce ç.^àt  revêtir  un  corps 
politique  de  toute  la  force  qu'il  eft  capable 
•de  recevoir;  Cette  force  confifte  dans  la  po- 
pulation qui  lui  attire  {ts  richeirés  politi- 
ques ,  c'cft-à-dire  réelles  &  relatives  tout  à 
îa  fois. 

La  richeffè  réelle  d'un  état  eft  le  plus  grand 
degré  d'indépendance  où  il  eft  des  autres 
états  pour  {^s  befoins  ,  &  le  plus  grand  fu- 
perflu  qu'il  a  à  exporter.  Sa  richcfl^  relative 
dépend  de  la  quantité  des  richelîes  de  conven- 
tions que  lui  attire  fon  commerce^  comparé 
avec  la  quantité  des  mêmes  richciîès  que  le 
commerce  attire  dans  les  états  voifins.  C'eft 
la  combinïiifon  de  ces  richefîes  réelles  & 
relatives  qui  conftitue  l'art  &  la  fcience  de 
î'adminiftration  du   commerce  poHtique. 

Toute  opération  dans  le  commerce  d'un 
état  contraire  à  ces  principes  ,  eft  une  opéra- 
tion deftrudive  àwcommerce  même. 

Ainfi  il  y  a  \m.commerce  utile  &  un  qui  ne 
l'eft  pas  :  pour  s'en  convaincre  ,  il  faut  dif- 
tingucr  le  gain  du  marchand  du'gain  de  l'é- 
tat. Si  le  marchand  introduit  dans  fon  pays 
des  marchandifes  étrangères  qui  nuifent  à  la 
confommation  des  manuladures  nationales, 
jfeft  conftant  que  ce  marchand  gagnera  fur 
la  vente  de  {ts  marchandifes  :  mais  l'état  per- 
dra ,  I®.  la  valeur  de  ce  qu'elles  ont  coûté 
chez  l'étranger  ;  i".  les  falaires  que  l'emploi 


des  marchandifes  nationales  auroît  procuré  à 
divers  ouvriers  ;  3°.  la  valeur  que  la  matière 
première  auroit  produite  aux  terres  du  pays 
ou  des  colonies  ;  4**.  le  bénéfice  de  la  circu- 
lation de  toutes  ces  valeurs,  c'eft- à-dire  l'ai* 
(ance  qu'elle  eût  répandue  par  les  confom- 
mations  fur  divers  autres  fujcts  ;  5°.  les  ref- 
fources  que  le  prince  eft  en  droit  d'attendre 
de  l'aifance  de  {ç.^  fujets. 

Si  les  matières  premières,  font  du  crû  des 
colonies  ,  l'état  perdra  en  outre  le  bénéfice 
de  la  navigation.  Si  ce  font  des  matières 
étrangères  ,  cette  dernière  perte  fubfifte  éga-- 
lement  \  &  au  lieu  de  la  perte  du  produit  des 
terres,  ce  fera  celle  de  l'échange  àts  mar- 
chandifes nationales  que  l'on  auroit  fournies 
en  retour  de  ces  matières  premières.  Le  gain 
de  l'état  eft  donc  précifément  tout  ce  que 
nous  venons  de  dire  qu'il  perdroit  dans  l'hy- 
pothefe  propofée  ;  le  gain  du  marchand  eft 
feulement  l'excédant  du  prix  de  la  vente  fur 
le  prix  d'achat. 

Réciproquement  le  marchand  peut  per- 
dre ,  lorfque  l'état  gagne.  Si  un  négociant 
envoie  imprudemment  des  marchandifes  de 
fon  pays  dans  un  autre  où  elles  ne  font  pas 
de  défaite,  il  pourra  perdre  fur  la  vente;  mais 
l'état  gagnera  toujours  le  montant  qui  en  fera 
payé  par  l'étranger ,  ce  qui  aura  été  paye 
aux  terres  pour  le  prix  de  la  matière  première, 
les  falaires  des  ouvriers  employés  à  la  manu- 
fadure  ;  le  prix  de  la  navigation,  fi  c'eft  par 
mer  que  l'exportation  s'eft  faite,  le  bénéfice 
de  la  circulation  ,  &  le  tribut  que  l'aifance 
pubhque  doit  à  la  patrie. 

Le  gain  que  le  marchand  fait  fur  l'état  des 
autres  fùjets,  eft  donc  abfolument  indifférent 
à  l'état  qui  n'y  gagne  rien  :  mais  ce  gain  ne 
lui  eft  pas  indifférent ,  lorfqu'il  groffit  la 
dette  des  étrangers  ,  &  qu'il  fert  d'encoura- 
gement à  d'autres  entreprifes  lucratives  à  la 
fbciété. 

Avant  d'examiner  comment  les  légifla- 
teurs  parviennent  à  remplir  l'objet  &  l'efîèf 
du  commerce^  j'expoferai  neuf  principes  qut 
les  Anglois,  c'eft-à-dire  le  peuple  le  plus 
favant  dans  le  commerce ,  propofent  dans 
leurs  livres  pour  juger  de  l'utilité  oudéfavan- 
tage  des  opérations  de  commerce. 

1.  L'expoitarion  du  fùperflu  eft  le  gain  le 
plus  clair  que   puiffe  faire  une  nation. 

2.  La  manière  la  plus  avantageufe  d'ex- 
porter les  produdions  fuperflues  de  la  terre, 

Klckk    2 


^2  8  C  O  M 

c'eft  de  les  mettre  en  œuvre  auparavant,  ou 
de  les  manufacturer. 

3.  L'importation  des  matières  étrangères 
pour  être  employées  dans  des  manufadures, 
au  lieu  de  les  tirer  toutes  miles  en  œuvre, 
épargne   beaucoup  d'argent. 

4.  L'échange  de  marchandifcs  contre 
marchandil'es  eft  avantageux  en  général , 
hors  les  cas  où  il  eft  contraire  à  ces  principes 
mêmes. 

$.  L'importation  àss  marchandifcs  qui 
empêchent-  la  conlbmmation  de  celles  du 
pays,  ou  qui  nuifent  au  progrès  de  Ces  manu- 
fadures"&  de  fa  culture,  entraîne  nécefîâire- 
ment  la  ruine  d'une  nation. 

6.  L'importation  des  marchandifcs  étran- 
gères de  pur  luxe  eiï  une  véritable  perte  pour 

.  état. 

7.  L'importation  des  chofes  de  nécellîté 
abfolue  ne  peut  être  elHmée  un  mal  ;  mais 
une  nation  n'en  eft  pas  moins  appauvrie. 

8.  L'importation  des  marchandifcs  étran- 
gères pour  les  réexporter  enfuite  ,  procure 
un   bénéfice  réel. 

9.  C'eft  un  commerce  avantageux  que  de 
donner  fes  vailîeaux  à  fret  aux  autres  nations. 

Od\  fur  ce  plan  qiie  doit  être  guidée  l'o- 
pération générale  du  commerce. 

Nous  avons  défini  cette  opération  ,  la  cir- 
culation intérieure  des  denrées  d'un  pays  ou 
de  {es  colonies  ,  l'exportation  de  leur  fuper- 
flu,  &  l'importation  des  denrées  étrangères ^ 
Jfoit  pour  les  confbmmer  ,  fokpour  les  réex- 
porter. 

Cette  définition  partage  naturellement  le 
commerce  en  deux  parties,  le  commerce  inté- 
rieur &  r extérieur.  Leurs  principes  font  dif- 
férens  ,  &  ne  peuvent  être  confondus  fans  un 
grand  défordre. 

Le  commerce  intérieur  eu  celui  que  les 
membres  d'une focjété  font  entr'cux.  Il  tient 
le  premier  rang  dans  le  commerce  général , 
comme  l'on  prife  le  nécefîàire  avant  le  Hiper- 
flu  ,  qui  n'en  eil  pas  moins  recherché. 

Cette  circulation  intérieure  eu  la  confom- 
mationque  les  citoyens  font  des  produdions 
de  leurs  terres  &  de  leur  induftrie  ,  dont  elle 
cû  le  premier  foutien.  Nous  avons  déjà  ob- 
lervé  que  la  richefle  réelle  d'une  nation  eu  à 
fbn  plus  haut  degré,  forfqu'elle  n'a  recours  à 
aucune  autre  pour  (es  befoins.  Les  règles  éta- 
blies en  conféquence  dans  les  divers  états  , 
varient  fuivant  i'abondance  des  ri£|îelïès  na- 


C  O  M 

tutelles  ;  &  l'habileté  de  plufieurs  a  fupplé4 
par  l'indultric  aux  refus  de  la  nature. 

La  valeur  du  commerce  intérieur  eft  pré- 
cifément  la  fomme  des  dépenfes  particuheres 
de  chaque  citoyen  pour  fe  nourrir  ,  fe  loger  , 
fe  vêtir  ,  fe  procurer  des  commodités ,  & 
entretenir  fon  luxe.  Mais  il  faut  déduire  de 
cette  valeur  tout  ce  qui  efl  confommé  de 
denrées  étrangères,  qui  font  une  perte  réelle 
pour  la  nation,  fi  le  commerce  extérieur  ne 
la  répare. 

La  population  efll'amede  cette  circulation 
intérieure;  fà  perfedion  confifle  dans  l'abon- 
•  dance  des  denrées  du  crû  du  pays  en  propor- 
tion de  leur  néceiilté;  fa  confervation  dépend 
^  du  profit  que  ces  denrées  donnent  à  leur  pro- 
priétaire ,  &  de  l'encouragement  que  l'état 
leur  donne. 

Tant  que  les  terres  reçoivent  la  plus  grande 

&  la  meilleure  culture  pofiible  ,  l'ufage  des 

denrées  de  commodité  &  de  luxe  ne  fauroit 

:  être  trop  grand ,  pourvu  qu'elles  foient  du 

:  crû  du  pays  ou  de  {es  colonies. 

Leur  valeur  augmente  la  (omme  des  dé- 
penfes particulières  ,  &  le  répartit  entre  les 
divers  citoyens  qu'elles  occupent. 

Il  efl:  bon  qu'un  peuple  ne  manque  d'au- 
cun des  agrémcns  de  la  vie  ,  parce  qu'il  en 
efl  plus-heureux.  ll^cefîêroit  de  l'être  ,  fi  ces 
agrémens  &  Ces  commodités  épuifoient  fâ 
richefïè  ;  il  en  feroit  même  bientôt  privé  , 
parce  que  les  befoins  réels  font  des  créan- 
ciers barbnres  &  impatiens  :  mais  lorfqueles. 
commodités  &  le  luxe  font  une  produdion 
du  pays  ,  leur  agrément  efl  accompagné  de 
plufieurs  avantages  ;  leur  appas  attire  ks 
étrangers, les  féduit,  &  procure  à  l'état  qui 
les  poflede  la  matière  d'une  nouvelle  expor- 
tation. 

Qu'il  me  foit  permis  d'étendre  ce  prin- 
cipe aux  fciences ,  aux  produdions  de  Tef- 
prit  ,  aux  arts  libéraux  :  ce  n'efl  point  les 
avihr  que  de  les  envifager  fous  une  nouvelle 
face  d'utilité.  Les  hommes  ont  befoin  d'inf- 
trudion  &  d'am'ufemenr  :  toute  nation  obli- 
gée d'avoir  recours  à  une  autre  pour  fe  les 
procurer ,  efl  appauvrie  de  cette  dépenfe  qui 
tourne  toute  entière  au  profit  de  la  nation  qui 
les  procure. 

L'art  le  plus  frivole  aux  yeux  de  la  raifon,, 
&  la  denrée  la  plus  commune ,  font  des  ob^ 
Jets  très-eiîentiels  dans  le  commerce  politique. 
Philippe  IIj  polfelTeur  des  mines  du  Potozi, 


€  O  M 

rendit  deux  ordonnances  pendant  Ton  règne, 
uniquement  pour  défendre  l'entrée  des  pou- 
pées ,  des  verroteries  ,  des  peignes  ,  &  des 
épingles ,  nommément  de  France. 

Que  les  modes  &  leurs  caprices  foient ,  fi 
l'on  veut ,  le  fruit  de  l'inconllance  &  de  la 
légéreré  d'un  peuple  ;  il  n'en  eft  pas  moins 
fur  qu'il  ne  pourroit  fe  conduire  plus  fage- 
ment  pour  l'intérêt  de  fon  commerce  &  de  la 
circulation.  La  folie  elt  toute  entière  du  côté 
des  citoyens  qui  s'y  aiîûjettifî'ent ,  lorfque  la 
fortune  le  leur  défend  ;  le  vrai  ridicule  elt  de 
fe  plaindre  des  modes  ou  du  faite  ,  &  non 
pas  de  s'en  priver. 

L'abus  du  luxe  n'eftpas  impoffible  cepen- 
dant, à  beaucoup  près  ,  &  fon  excès  feroit 
l'abandon  des  terres  &  des  arts  de  première 
néceliité  ,  pour  s'occuper  des  cultures  &  its 
arts  moins  utiles. 

Le  légiflateur  eft  toujours  en  état  de  ré- 
primer cet  excès  en  corrigeant  fon  principe  : 
il  {aura  toujours  maintenir  l'équilibre  entre 
les  diverfes  occupations  de  fon  peuple  ,  fou- 
lager  par  des  franchifes  &  par  des  privilèges 
ia  partie  qui  fouflre  ,  &  rejeter  les  impôts 
fur  la  confommation  intérieure  des  denrées 
de  luxe. 

Cette  partie  du  commerce  efl  foumife  aux 
loix  particulières  du  corps  politique;  il  peut  à 
fon  gré  permettre,  reltreindre,  ou  abolir  l'u- 
fage  des  denrées  ,  foit  nationales,  foit  étran- 
gères, lorfqu'il  le  juge  convenable  à  ^es  in- 
térêts. C'eft  pour  cette  raifon  que  fes  colonies 
font  toujours  dans  un  état  de  prohibition. 

Enfin  il  fautfe  fouvenir  continuellement , 
que  le  commerce  intérieur  s'applique  particu- 
liéremefit  à  entretenir  la  ricbefle  réelle  d'un 
état. 

"Lt  commerce  extérieur  eft  celui  qu'une  fo- 
ciété  politique  fait  avec  les  autres  :  il  concourt 
au  même  but  que  le  commerce  intérieur,  mais 
il  s'applique  plus  particulièrement  à  procurer 
les  richelîes  relatives.  En  effet ,  fi  nous  fup- 
pofons  un  peuple  commerçant  très  -  riche 
réellement  en  denrées  dont  les  autres  peuples 
ne  veuillent  faire  que  très-peu  d'ufage ,  le 
commerce  intérieur  entretiendra  foigneufe- 
ment  cette  culture  ou  cette  induftrie  par  la 
confommation  du  peuple  ;  mais  le  commerce 
extérieur  ne  s'attachera  qu'à  la  favorifer,  fans 
lui  facrifier  les  occafions  d'augmenter  les  ri- 
chefles  relatives  de  l'état.  Cette  partie  exté- 
rieure du  commerce  eft  fi  étroitement  liée  avec 


COM  <^29 

les  intérêts  politiques ,  qu'elle  contrade  de 
leur  nature. 

Les  princes  font  toujours  dans  un  état 
forcé  refpedivement  aux  autres  princes  i 
&  ceux  qui  veulent  procurer  à  leurs  fu- 
jets  une  grande  exportât  ion  de  leurs  denrées^ 
font  obligés  d-efe  régler  fur  les  circonftances, 
fur  les  principes  ,  &  les  intérêts  des  autres 
peuples  commerçans ,  enfin  iur  le  goût  &  le 
caprice  du  confommateur. 

L'opération  du  commerce  extérieur  confifte 
à  fournir  aux  befoins  àes  autres  peuples  ,  & 
à  en  tirer  de  quoifatistaire  aux  fiens.  Sa  per- 
fedion  confifte  à  fournir  le  plus  qu'il  eft 
poflible ,  &  de  la  manière  la  plus  avanta- 
geufe.  Sa  confervation  dépend  de  la  manière 
dont  il  eft  conduit. 

Les  produdions  de  la  terre  &  de  l'induf- 
^rie  font  la  bafe  de  tout  commerce  ,  comme 
nous  l'avons  obfervé  plufieurs  fois.  Les  pays 
fertiles  ont  néceflairement  un  avantage  pour 
l'exportation  ,  fur  ceux  qui  le  font  moins. 
Enfin  plus  les  denrées  feront  nccelïaires  & 
parfaites  ,  plus  la  dépendance  des  étrangers 
fera  grande. 

Une  grande  population  eft  un  des  avanta-. 
ges  qui  met  un  peuple  en  état  de  fournir  le 
plus  qu'il  eft  pofCble  aux  befoins  des  autres 
peuples  ;  &  réciproquement ,  fon  commerce 
extérieur  occupe  tous  les  hommes  que  le 
commerce  intérieur  n'auroit  pu  nourrir. 

La  population  dépend  de  la  facilité  que 
trouvent  les  citoyens  à  fe  procurer  une  fub- 
fiftance  aifée  par  le  travail,  &  de  leur  fureté. 
Si  ce  travail  ne  fuffit  pas  à  leur  fubliftance  y 
il  eft  d'expérience  qu'ils  vont  fe  la  procurer 
dans  d'autres  états.  Aulil  lorfque  des  circonf- 
tances extraordinaires  ont  caufé  cts  non-va- 
leurs ,  le  légiflateur  a  foin  d'en  prévenir  les 
effets  :  il  nourrit  {es  ouvriers  ,  ou  leur  fournit 
du  travail.  De  ce  que  la  population  eft  lî 
nécefTaire ,  il  s'enfuit  que  l'oifiveté  doit  être 
réprimée  ,  les  maifons  de  travail  font  le 
principal  remède  que  les  peuples  policés  y 
emploient. 

Un  peuple  ne  fournira  rien  aux  autres,  s'il 
ne  donne  {qs  denrées  à  auflî  bon  marché 
que  les  autres  peuples  qui  poffedenc  les 
mêmes  denrées  :  s'il  les  vend  moins  cher  ,  il 
aura  la  préférence  dans  leur  pi-opre  pays. 

Quatre  moyens  y  conduifent  fûrcment  : 
la  concurrence  ,  l'économie  du  travail  des 
hommes ,  la  modicité  des  frais  d'exporta* 


^3o  C  O  M 

tlon  &  le  bas  prix  de  l'intérêt  de  Targent. 

La  concurrence  produit  l'abondance  ,  & 
celle-ci  le  bon  marché  des  vivres,  des  ma- 
tières premières  ,  des  artiftes,  &  de  l'argent. 
La  concurrence  eft  un  des  plus  «mportans 
principes  du  commerce^  &  une  partie  confi- 
dérable  de  fa  liberté.  Tout  ce  qui  la  gêne  ou 
l'altère  dans  ces  quatre  points  ,  eft  ruineux 
pour  l'état ,  diamétralement  oppofé  à  fon 
objet ,  qui  eft  le  bonheur  &  la  fubfiftance 
aifée  du  plus  grand  nombre  d'hommes 
poflible. 

L'économie  du  travail  des  hommes  con- 
fifte  à  le  fuppléer  par  celui  des  machines  & 
des  animaux^  lorfqu'on  le  peut  à  moins  de 
frais,  ou  que  cela  les  conlèrve  :  c'eft  multi- 
pher  la  population  bien-loin  de  la  détruire. 
Ce  dernier  préjugé  s'eft  foutenu  plus  long- 
temps dans  les  pays  qui  ne  s'occupoient  que 
du  commerce  intérieur  :  en  effet  li  le  com- 
merce çxiéntur  eft  médiocre  ,  l'objet  général 
ne  feroit  pas  rempli  fi  l'intérieur  n'occupoit  le 
plus  d'hommes  qu'il  eft  poflible.  Mais  fi  le 
commerce  extérieur  ,  c'eft-à-dire  la  naviga- 
tion ,  les  colonies ,  &  les  befoins  des  autres 
peuples  peuvent  occuper  encore  plus  de  ci- 
toyens qu'il  ne  s'en  trouve,  il  eft  nécelïaire 
d'économifer  leur  travail  pour  remplir  de  fon 
mieux  tous  ces  objets.  L'expérience  démon- 
tre ,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué , 
que  l'on  perd  Ton  commerce  lorfque  l'on  ne 
cultive  pas  tout  celui  que  l'on  pourroit  entre- 
prendre. Enfin  il  eft  évident  que  la  force  d'un 
corps  politique  dépend  du  meilleur  &  du 
plus  grand  emploi  des  hommes  ,  qui  lui  atti- 
rent fes  richefTes  politiques  :  combinaifon 
■qu'il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue.  L'écono- 
mie du  travail  des  hommes  ne  détruira  donc 
point  la  population,  lorfque  le  légiflateur  ne 
fera  que  détourner  avec  précaution  leur  tra- 
vail d'un  objet  à  un  autre  :  ce  qui  eft  la  roa- 
riere  d'une  poHce  iJarticuHere. 

La  modicité  des  Frais  d'exportation  eft  la 
troifieme  fource  du  bon  marché  ,  &  par 
conféquent  de  la  vente  des  produâions  d'un 

Ces  frais  font  ceux  du  tranfport ,  &  les 
droits  de  fortie.  Le  tranfport  fe  fait  ou  par 
terre,  ou  par  eau.  Il  eft  reconnu  que  la  voi- 
ture par  terre  eft  infiniment  plus  coûteufc. 
Ainfi  dans  les  états  commerçans  ,  les  canaux 
pour  fuppléer  au  défaut  des  rivières  naviga- 
bles, l'entretien  &  la  commodité  de  celbs-ci,  | 


C  O  M 

la  franchife  abfolue  de  cette  navigation  inté- 
rieure ,  font  une  partie  eiîentielle  de  l'admi- 
niftration. 

Les  droits  des  douanes  {voy.  DouÀNE), 
foit  à  la  fortie  ,  foit  dans  l'intérieur  ,  fur  les 
produdions  d'une  nation  ,  font  les  frais 
auxquels  les  étrangers  fe  foumettent  avec  le 
plus  de  peine.  Le  négociant  les  regarde 
comme  un  excédant  de  la  valeur  réelle  ,  &c  la 
pohtique  les  envifage  comme  une  augmen- 
tation de  richefle  relative. 

Les  peuples  intelligens,  ou  fuppriment 
ces  droits  à  la  fortie  de  leurs  produdions,  ou 
les  proportionnent  au  befoin  que  les  autres 
peuples  en  ont  ;  fur-tout  ils  comparent  le 
prix  de  leurs  produftions  rendues  dans  le 
lieu  de  la  confommation  ,  avec  le  prix  des 
mêmes  produdions  fournies  en  concurrence 
par  les  nations  rivales.  Cette  comparaifon  eft 
très-importante  :  quoiqu'entre  deux  peu- 
ples manufacturiers  la  quaHté  &  le  prix  d'a- 
chat des  étoffes  foient  femblables ,  les  droits 
de  forrie  ne  doivent  pas  être  les  mêmes,  fi  le 
prix  du  tranfport  n'eft  pas  égal  :  la  plus  pe- 
tite différence  décide  le  confommateun 

Quelquefois  le  légiflateur  ,  au  lieu  de 
prendre  des  droits  fur  l'exportation,  l'encou- 
rage par  àts  récompenfes.  L'objet  de  ces 
récompenfes  eft  d'augmenter  le  profit  de 
l'ouvrier,  lorfqu'ii  n'eft  pas  affez  confidérable 
pour  foutenir  un  genre  de  travail  utile  en 
concurrence  :  fi  la  gratification  va  jufqu'â 
diminuer  le  prix  ,  la  préférence  de  l'étranger 
pendant  quelques  années  ,  fuffit  pour  établir 
cette  nouvelle  branche  de  commerce  ,  qui 
n'aurabientôtplus  befoin  de  foutien.  L'efîèt 
eft  certain  ;  &  la  pratique  n'en  peut  être  que 
falutaire  au  corps  politique  ,  comme  l'eft 
dans  le  corps  humain  la  communication 
qu'un  membre  fait  à  l'autre  de  (à  chaleur , 
lorfqu'ii  en  a  befoin. 

Un  peuple  ne  fourniroit  point  aux  autres 
le  plus  qu'il  eft  poflible  ,  s'il  ne  faifoit  que  le 
commerce  de  (qs  propres  denrées.  Chacun 
fait  par  (a  propre  expérience,  qu'il  eft  naturel 
de  fe  pourvoir  de  fes  befoins  dans  le  magafin 
qui  a  les  plus  grands  aflbrtimens,  &  que  la 
variété  des  raarchandifes  provoque  les  be- 
foins. Ce  qui  fe  pafîe  chez  un  marchand  , 
arrive  dans  la  communication  générale. 

Les  peuples  commerçans  vont  chercher 
chez  d'autres  peuples  les  denrées  qui  leur 
manquent ,  pour  les  diftribuer  à  ceux  qui  les 


C  O  M 

confomment.  Cette  efpece  de  commerce  eft 
proprement  le  commerce  d^ économie.  Une 
nation  habik  ne  renonce  à  aucun;  &  quoi- 
qu'elle ait  un  grand  commerce  de  luxe ,  li 
elle  a  beaucoup  d'hommes  &  beaucoup  d'ar- 
gent à  bon  marché,  il  cil  évident  qu'elle  les 
tcra  tous  avec  fuccès.  J'avancerai  plus  :  le 
moment  où  Tes  négocians  y  trouveront  de 
l'avantage  ,  fera  l'époque  la  plus  fùre  de  fa 
richeiîe. 

Parmi  ces  denrées  étrarrgeres  ,  il  en  efl- 
dont  le  légiflateur  a  défendu  l'ufagedans  le 
commerce  intérieur  ;  mais ,  comme  nous 
Favons  remarqué  ,  il  eft  dans  un  état  forcé 
dans  la  partie  du  commerce  extérieur. 

Pour  ne  pas  priver  la  nation  du  profit 
qu'elle  peut  faire  furies  marchandifes  étran- 
gères ,  &  accroître  conféquemment  ia  ri- 
eheffe  relative,  dans  quelques  états  on  a  éta- 
bli des  ports  où  l'on  permet  l'importation 
franche  de  tout  ce  qu'il  eft  avantageux  de 
réexporter  :  on  les  appelle  ports-francs. 
Voy.  Port-franc 

Dans  d'autres  états  on  entrepolè  ces-mar- 
chandifes;  &  pour  faciliter  la  réexportation 
générale  des  denrées  étrangères  ,  même  per- 
mifes  ,  lorfqu'elle  fe  fait  on  rend. la  totalité 
ou  partie  àts  droits  d^èntrée. 

Le  commerce  extérieur  d'un  peuple  ne 
fera  point  à  fon  plus  haut  degré  de  perfec- 
tion ,  fi  ion  fuperflu  n'eft  exporté,  &  fi  fes  be- 
soins ne  lui  Ibnt  importés  de  la  manière  la 
plus  avantageufe.. 

Cettt  exportation:  &  cette  importation  fe 
lonr  ou  par  Çqs  propres  vaiiTeaux  ,  ou  par 
ceux  d'une  autre  nation,  ^'qyf;^  NAVIGA- 
TION; par  des  commiffionnaires  nationaux, 
ou  par  des  commiflionnaifes  étrangers^  f^. 
GOMMISSLON#AIJlES. 

Ainfi  il  y  a  un  commerce  arfif  ^  un  com- 
■mercepajfif.  Il  eft  évident  que  le  commerce 
paiîif  diminue  le  bénéfice  de  l'exportation,  & 
augmente  le  prix  de  l'importation.  Il  eft 
contraire  à  l'objet  du  commerce  dans  un  état , 
puifqu'il  dérobe  à  fon  peuple  le  travail  & 
les  moyens  defubfifter  ;  il  en  arrête  l'effet, 
puilqu!il  diminue  la.riehefîe  relative  de  cet 
état.. 

Le  êommerce  paflîf  produit  encore  un  aur- 
tre  défavantage-:  la  nation  qui  s'eft  emparée 
du  co/;2/72erce  adif d'une  autre  ,  latient  dans 
Éi  dépendance  ;  fi  leur  union  vient  à  ceflèr , 
ceUe-qjiijr'a  qu'un. ccv7z/22rrce.pafli£ relie. fiins. 


C  DM  <^3î 

vigucvu*  :  fbs  agriculture,  fon  jnduftrie > 
fes  colonies  font  dans  l'inaétion  ,  fa  popu- 
lation diminue,  jufqu'à  ce  que  par  des 
efforts  dont  les  progrès  font  toujours  lents  & 
incertains  ,  elle  reprenne  un  commerce  paflif. 

La  différence  qui  réfulte  de  la  compenf  i- 
tion  des  exportations  &  des  importations-, 
pendant  un  certain  efpace  de  temps  ,  s'ap- 
pelle la  balance  du  commerce.  Elle  eft  toujours, 
payée  ou  reçue  en  argent  ;  puifque  l'échange 
des  denrées  contre  les  métaux  qui  en  font 
la  mefure  ,  eft  indifpenfable  lorfque  l'on  n'a 
plus  d'autre  équivalent  à  donner.  Les  états; 
foldent  entr'cux  comme  les  particuliers. 

Ainfi  lorfque  la  balance  du.  commerce 
d'une  nation  lui  eft  avantageufe  ,  fon  fonds- 
capital  des  richeffes  de  convention  eft  aug- 
menté du.  montant  de  cette  balance:  fi  elle  eft 
défavantageufe,  le  fonds  capital  eft  diminué 
de  toute  la  fomme  qui  a  été  payée. 

Cette  balance  doit  être  envifagée  comme 
particulière  &  comme  générale. 

La  balance  paniculiere  eft  celle  du  com-^ 
.  merce  entre  deux  états  :  elle  eft  l'objet  des 
traités  qu'ils  fonrentr'eux  ,  pburrétablirau- 
tant  qu'il  fepeut  l'égalité  dvLCommercc.  Ces 
traités  règlent  la  nature  des  denrées  qu'ils 
pourront  fe  communiquer  l'un  à  l'autre  ;  les 
facihtés  qu'ils  apporteront  réciproquement  à 
leur  introdudion  ;  les  droits  que  les  mar- 
chandifes paieront  aux  douanes  foit  d'cn-^ 
trée  ,  foit  de  l'intérieur. 

Si  deux  nations  n'avoicnt  queles  tnêmes- 
efpeces  de  produdions  à.  fe  communiquer , 
elles  n'auroient  point  de  traités  entre  elles 
que  celui  de  l'humanité  &  du  bon  traitemeat 
desperfonnes  ;  parce  que  celle  des  deux  qui 
auroit  l'avantage  fur  l'autre  ,  envahiroit  enfin 
fon  commerce  intérieur  &  extérieur  :.  alors: 
le  commerce  eftréduiit  entre  ces  deux  nations 
à  celui  qu'une  troifieme  leur  occafione  par 
la,  réexportation  dont  nous  avons  parlé. 

L'égalité  parfaite  du  commarce  entre  deux 
peuples  eft  celle  des  valeurs,  &  du  nombre- 
d'hommes  néceffairement  occupés  de  part 
&  d'autre.  Il  eft  prefqu'impoffible  qu'elle  fe 
rencontre  ,.&  l!on  ne. calcule  ordinairemenr 
que l'égahté des  valeurs.. 

Quoiquel'on  n'évalue  pas  le  nombre  des> 

hommes  ,  il  lemble  qu'il  devroit  être  confir 

déré  fuivant  la  néceffité  réciproque  de  l'e— 

cl"iange..Si  la  balance  n'eft. pas  ég^le  ,ladifr^ 

I  férenc£:du  aornbiaï.  des-liommes  réd^mqueç- 


6^1  COU 

mcnr  employés ,  ne  doit  point  être  conÇ-  * 
déréc  par  celui  qui  la  gagne  :  car  ileft  certain 
que  la  fomme  payée  en  argent  augmentera 
chez  lui  la  circulation  intérieure  ,  &  par  con- 
féquent  procurera  une  {ubfiftancc  aifëe  à  un 
plus  grand  nombre  d'hommes. 

Lorfqu'un  pays  cfl  dans  la  diiette  abfolue 
<3'une  denrée  ,  la  facilité  que  l'on  apporte 
pour  le  rapprocher  de  l'égalité  du  commerce 
dépend  du  point  de  concurrence  où  eft  cette 
denrée  :  car  fi  d'autres  peuples  la  poflfedent 
également ,  &:  qu'ils  offrent  de  meilleures 
conditions ,  on  perdra  l'occalion  de  vendre 
la  fienne.  5i  cet  état  n'a  d'échange  à  offrir 
que  des  marchandifes  de  même  genre  &  de 
même  efpece,  il  convient  d'abord  de  com- 
parer le  produit  &  les  avantages  de  la  vente 
que  l'on  peut  y  faire  de  fa  propre  denrée, 
avec  la  perte  qui  pourroit  réfuker  de  Fintro- 
dudion  des  denrées  étrangères  ;  enfuite  les 
moyens  que  l'on  a  pour  foutenir  leur  concur- 
rence, &  la  rendre  nulle. 

Enfin  la  confeâion  d'un  pareil  traité  exige 
une  profonde  connoiffance  du  commerce  des 
deux  nations  contradantes,  de  leurs  reflbur- 
ces  réciproques,  de  leur  population  ,  du  prix 
&  de  la  qualité  des  matières  premières  ,  du 
prix  àts  vivres  &  de  la  main-d'œuvre  ,  du 
genre  d'induftrie  ,  des  beloins  réciproques, 
des  balances  particulières  &  générales  ,  des 
■finances  ,  du  taux  de  l'intérêt ,  qui  étant  bas 
chez  une  nation  &  haut  chez  l'autre  ,  fait 
que  celle-ci  perd  où  la  première  gagne  :  il 
peut  arriver  que  la  balance  du  co/;7;nerf^  avec 
un  pays  foit  défavantageufe  ,  &  que  le  com- 
merce en  foit  utile,  c'elt-à-dire  qu'il  loit  l'oc- 
cafion  ou  le  moyen  cécefîaire  d'un  commerce 
qui  dédommage  avec  profit  de  cette  perte. 

La  balance  générale  du  commerce  d'une 
nation  efl  la  perte  ou  le  gain  qui  réfulte  de 
la  compcnfation  des  balances  particulières. 

Quand  même  le  montant  des  exportations 
générales  auroit  diminué  ,  fi  celui  des  impor- 
tations l'eft  dans  la  même  proportion,  l'état 
n'a  point  perdu  de  fon  commerce  utile;  parce 
^uec'eft  ordinairement  une  preuve  que  fon 
commerce  intérieur  aura  occupe  un  plus 
grand  nombre  d'hommes. 

Par  la  même  raifon  ,  quoique  les  expor- 
tations générales  foient  moindres ,  fi  les  im- 
portations ont  diminué  dans  une  plus  grande 
proportion,  le  (TomOT^rce  utile  s'eft  accru. 

Il  eft  évident  qu'entre  divers  peupks  , 


C  O  M 

celui  dont  la  balance  générale  efl  conflam- 
ment  la  plus  avanragcufe ,  deviendra  le 
plus  pui{îî\nt  ;  il  aura  plus  de  richefîés  de 
convention  ,  &  ces  richefles  en  circulant 
dans  l'intérieur  ,  procureront  une  fubfif- 
tance  ailée  à  un  plus  grand  nombre  de  ci- 
toyens. Tel  eft  l'effet  du  commerce^  quand 
il  eft  porté  à  fa  pcrfedion  dans  un  corps  poli- 
tique :  c'ell  à  les  lui  procurer  que  tendent  les 
foins  de  l'adminiltration  ;  c'eft  par  une 
grande  fupériorité  de  vues  ,  par  une  vigi- 
lance afCdue  fur  les  démarches  ,  les  régle- 
mens  ,  &  les  motifs  des  peuples  en  concur- 
rence, enfin  par  la  combinailon  des  richefles 
réelles  &  relatives  ,  qu'elle  y  parvient.  Les 
circonllances  varient  à  l'infini,  mais  les  prin- 
cipes font  toujours  les  mêmes;  leur  applica- 
tion eft  le  fruit  du  génie  qui  en  embraflè  tou- 
tes les  faces. 

Les  reftridionsque  l'intérêt  politique  ap- 
porte au  commerce  ,  ne  peuvent  être  appcl- 
lées  une  gêne  ;  cette  liberté  fi  fou  vent  citée 
&  fi  rarement  entendue,  confifte  feulement 
à  faire  facilement  le  commerce  qvie  permet 
l'intérêt  général  de  la  fociété  bien  entendu. 

Le  fuperflu  eft  une  licence  deftrudive  du 
commerce  même.  J'ai  parlé  de  V intérêt  gêné' 
rai  bien  entendu^  parce  que  l'apparence  d'un 
bien  n'en  eft  pas  toujours  un. 

Lestraudes  &  la  mauvaiie  foi  ne  peuvent 
êtreprofcrites  trop  févérement  ;  l'examen  de 
ces  points  exige  des  formalités  :  leur  excès 
détruit  la  liberté,  leur  oubli  total  introduit 
la  hcence  :  on  ne  doit  donc  pas  les  retrancher 
tout-à-fait  ces  formalités  ,  mais  les  reftrein- 
dre  ,  &  pourvoir  à  l'extrême  facilité  de  leur 
exécution. 

Nous  avons  déjà  prouvé  la  néceflité  de  la 
concurrence  ;  elle  eftl'amWela  hberté  bien 
entendue. 

Cette  partie  de  l'adminiftration  eft  une 
des  plus  délicates  :  mais  fes  principes  rentrent 
toujours  dans  le  plan  qui  procure  à  l'état  une 
balance  générale  plus  avantageufe  qu'à  fes 
voifins. 

Nous  nous  fommes  propofé  d'examiner 
le  commerce  comme  l'occupation  d'un  ci- 
toyen. Nous  n'en  parlerons  que  relativement 
au  corps  politique. 

Puifque  le  commerce  en  eft  l'ame,  Toccu- 
pation  qu'un  citoyen  s'en  fait  eft  honnête  , 
comme  toutes  celles  qui  font  utiles  :  mais  k 
mefure  que  les  dtoyens  rcndeo:  de  plus 

grands 


C  O  M 

grands  fervîces ,  ils  doivent  être  plus  dif- 
tingués  ;  &c  le  commerce  ne  fera  point  en- 
couragé dans  les  pays  qui  ne  favent  point 
faire  ces  différences. 

On  peut  s'occuper  perfonnellement  du 
commerce  de  trois  manières. 

Le  premier  objet  eft  d'acheter  les  pro- 
du<5lions  de  la  terre  &  de  l'jnduftrie  ,  pour 
les  revendre  par  petites  parties  aux  autres 
citoyens.  Ceux  qui  exercent  cefte  profef- 
iion  font  appelles  dkailLeurs,  Voye-{  DÉ- 
TAILLEURS. 

Cette  occupation  plus  commode  que  né- 
ceffiire  pour  la  fociété  ,  concourt  à  la  cir- 
culation intérieure. 

Le  fécond  objet  du  commerce  eft  celui 
d'an  citoyen  dont  i'induftrie  entreprend  de 
guider  le  travail  d*un  nombre  d'autres  ci- 
toyens, pour  donner  des  formes  aux  ma- 
tières premières.  Ceux  qui  s'y  appliquent 
s'appeRent  manufacturiers,  Voje:^  Manu- 
facturiers. 

Cette  induftrie  eft  très-nécefîkire ,  parce 
qu'elle  augmente  les  richeffes  réelles  &  re- 
latives. 

La  troifieme  efpece  de  commerce  eft  l*oc- 
cnpation  d'un  citoyen  qui  fait  paftèr  chez 
l'étranger  les  productions  de  fa  patrie,  pour 
les  échanger  contre  d'autres  produélions  né- 
cefîaires ,  ou  contre  de  l'argent.  Soit  que 
ce  commerce  fe  faffe  par  terre  ou  par  mer, 
«n  Europe  ,  ou  dans  d'autres  parties  du 
monde,  on  le  diftingue  fous  le  nom  de 
commerce  en  gros.  Celui  qui  s'y  applique  eft 
appelle  négociant.  Voye^  NÉGOCIANT. 

Cette  profelfion  eft  très-néceflfaire,  parce 
qu'elle  eft  l'aœe  de  la  navigation  ,  &  qu'die 
augmente  les  richeftes  relatives  à  l'état. 

Ces  trois  manières  d'exercer  le  commerce 
ont  un  devoir  com:Tiun  qui  en  fait  l'adivité; 
c'eft  une  bonne- foi  fcrupuleufe  :  leur  objet 
eft  également  commun,  c'eft  le  gain:  leur 
«ffet  eft  différent  en  ce  qu'il  contribue  plus 
ou  moins  à  l'effet  général  du  commerce  dans 
un  corps  politique.  C'eft  cet  effet  qui  doit 
les  diftinguer  aux  yeux  de  la  patrie  ,  &  qui 
rend  plus  recominandable  chaque  particu- 
lier, à  mefure  qu'il  y  coopère  davantage. 
Ce  n'eft  pas  que  le  plan  immédiat  du 
légiflateur  foit  d'avoir  des  négocians  très- 
puiftans  ,  ils  lui  font  précieux  ,  parce  qu'ils 
ont  beaucoup  concouru  à  ifis  vues  :  mais  il 
Tonu   FUI, 


CO  M  635 

feroît  encore  plus  utile  ,  dans  le  cas  où  le 
commerce (exonhoméy  d'en  avoir  beaucoup 
de  riches ,  qu'un  moindre  nombre  de  très- 
riches.  Vingr  négocians  qui  ont  chacun  cent 
mille  écus,  font  plus  d'affaires  &  ont  entre 
eux  une  plus  grande  femme  de  crédit  que 
(ix  millionnaires.   D'ailleurs,  les  fortunes 
partagées  font   d'une   reftource  infiniment 
plus  grande  pour  la  circulation  &  pour  les 
richeftés  réelles  :  cependant  la  grande  dif- 
p-oportion  des  fortunes  par  le  commerce 
n'eft   pas  onéreufe  à  l'état  ,  en  ce  qu'elle 
circule  ordinairement  toute  entière  au  pro- 
fit des  arts  utiles  ;  il  ferolt  même  à  fouhai- 
ter  qu'elles  reftaffent  dans  le   commerce  , 
parce  qu'elles  établiflent  beaucoup  <le  fac- 
}  teuTS  chez  l'étranger  :  ces  fadeurs  y  aug- 
;  mentent  les  branches  du  commerce  de  leur 
j  nation  ,  ôcenoutre  lui  rapportent  le  bénéfice 
qu'ils  ont  fait  dans  le  commerce  dont  le 
,  pays   qu'ils   habitent  eft    fufceptible.  Ces 
j  fortunes  ne  fortiroient  point  du  commerce  , 
fi  l'état  de  négociant  étoit  auffi  lionoré  qu'il 
mérite  de  l'être. 

A  l'égard  des  grandes  entreprifes  de  com- 
merce pour  le  gouvernement ,  il  n'a  befoin 
que  de  fon  propre  crédit  :  dès  qu'il  offrira 
du  profit  &dela  fureté,  des  fociétés  folides 
s'en  chargeront  an  rabais. 

Savoir  faire  le  commerce  ou  favoir  le  con- 
duire ,  font  4cuK  chofes  très  -  diftinftes. 
Pour  le  bien  conduire ,  il  faut  favoir  com- 
ment il  fe  fait;  pour  le  faire  avec  profit,  il  eft 
inutile  de  favoir  comment  il  doitfeconduire. 
La  fcience  du  négociant  eft  celle  des  détails 
dont  il  s'occupe  ;  la  fcience  du  politique  eft  le 
parti  que  l'on  peut  tirer  de  ces  détails  :  il  faut 
donc  les  connoître ,  &  -ce  n'eft  que  par  les 
négocians  que  Ton  peut  s'en  inftruire.  On  ne 
fàufoittropcojiverfer  avec  eux  pour  appren- 
dre, pour  délibérer,  leurs  confeils  doivent 
être  admis  avec  précaution.  Nous  avons  déjà 
diftingue  le  gain  du  marchand  &  le  gain  de 
l'état  ;  &  il  eft  clair  qu'abforbés  dans  les  dé- 
tails ,  les  négocians  ont  rarement  le  coup 
d'œil  général,  à  moins  que  par  leurs  voya- 
ges, ou  par  une  pratique  étendue  &  raifon- 
née  ,  ils  ne  l'aient  acquis.  Ceux  qui  font 
dans  le  cas  peuvent  décider  furement. 

Le  négociant  doit  à  la  (bciété  dont  il  eft 
membre,  les  fentimens  qu'un  honnête  hom- 
me, c'eft- à-dire  un  vrai  citoyen ,  a  toujours 

LUI 


6^4-  e  OM 

pour  elle  ;  la  roumiffion  à  Tes  loix  ,  &  un  ' 
amour  de  préfétence.  C'eft  être  coupable  , 
<levant  Dieu  &  devant  les  hommes  ,  que  j 
d'y  manquer,  quelque  profeflion  que  l'on  ' 
exerce  ;  mais  ce  principe  ne  fauroit  être  trop  ! 
profondément  gravé  dans  le  cœur  de  ceux 
qui  font  toujours  dans  une  occafion  pro- 
chaine d'y  manquer. 

Cependant  ce  n'eft  point  manquer  à  cet 
amour  de  préférence,  que  de  faire  pafTer 
<l\m  pays  étranger  à  un  autre  les  marchan- 
difes  néceflaires  à  Ces  alTortimens ,  quand 
même  ces  marchandifes  feroient  pro'':rites 
par  la  fociété  dont  on  eft  membre  :  il  cil  é-vi- 
dent  que  puifque  les  marchandifes  ont  été 
néceffaires  ,  c'eft  contribuer  à  la  richefle 
relative  de  fa  patrie  ,  que  de  faire  le  profit 
qu'elles  auroient  donné  à  la  nation  qui  les 
pofTede,  iî  elle  en  eût  fait  elle-même  la 
•vente. 

J'influe  fur  cet  article  particulièrement , 
par  rapport  aux  négocians  d'une  nation  ré- 
pandus chez  l'étranger  :  on  leur  reproche 
quelquefois  ce  genre  de  commerce ,  par  [q- 
quel  même  affez  fouvent  ils  font  parvenus 
à  acquérir  à  leur  nation  la  fupériorité  dans  le 
pays  qu'ils  habitent.  C'eft  malconnoltre  la 
nature  du  commerce  ^  &  confondre  les  prin- 
cipes du  commerce  extérieur  avec  ceux  du 
commerce  intérieur. 

On  en  peut  dire  autant  de  la  proteflion 
qu'un  négociant  particuher  cherche  à  fe  pro- 
curer dans  un  pays  étranger  :  c'eft  un  mau- 
vais citoyen, s'il  en  préfère  une  étrangère; 
mais  il  a  befoin  d'en  avoir  u  le. 
•  La  matière  du  commerce  eft  immenfe  ;  on 
n'a  pu  qu'ébaucher  les  premiers  principes  , 
dont  un  efpiit  droit  &:  réfléchlftant  tirera 
aifément  les  conféquences.  Pour  s'mftruire 
davantage, on  peut  confulterl'excellent  ejjai 
de  M.  Melon  ;  les  réflexions  politiques  de 
M.  Dutot ,  avec  leur  examen  ;  le  parfait 
négociant  ;  le  dictionnaire  du  commerce  ;  \'ef- 
prit  des  loix;  les  réglemens  &  les  ordonnan- 
ces de  France  ;  les  flatuts  d'Angleterre  ,  & 
prefque  tous  les  livres  anglois  fur  le  commer- 
ce ,  font  les  fources  les  plus  fûres. 

Pour  le  commerce  particulier  de  chaque  état, 
voy.  les  mo/i  France,  Grande-Breta- 
gne, Hollande, Espagne,  Venise, 
Naples,  Gènes,  État  ecclésiasti- 
que, PiÉMOî^,  Alleiviague,  Dane- 


'    G  O  M 

MARCK,  StJEDE  ,  MoSCOVïE.   (  M.  île 

V.  D.  FJ 

Co M MERCE  (Confeil  de)yHift:mod.  eft 
un  confeil  que  le  roi  établit  en  1700  pour 
les  affaires  de  commerce.  Il  le  compofa  de 
deux  confeillers  d'état,  &  du  confeirttryal 
des  finances,  d'un  fecretaire  d*état ,  de  deux 
maîtres  des  requêtes ,  &c  de  douze  anciens 
marchands  députés  des  villes  les  plus  com- 
merçantes du  royaume ,  à  favoir  deux  de 
Paris,  un  de  Rouen,  un  de  Lyon  ,  un  de 
Bordeaux  ,un  de  Marfeille  ,  un  de  Nantes , 
un  de  la  Rochelle ,  un  de  Saint-Malo ,  un 
de  Lille ,  un  de  Bayonne ,  un  de  Dunker- 
que.  Ce  confeil  ne  décide  pas  par  lui- 
même  fouvérainement  fur  les  affaires  de 
commerce  :  mais  les  délibérations  qu'on  y 
prend  font  préfentées  au  roi  pour  y  pour- 
voir félon  qu'il  le  juge  à  propos.  (^H) 

Commerce  {Jeu  du) ,  ce  jeu  prend 
fon  nom  de  l'efpece  de  trafic  qu'on  y  fait  des 
cartes  ,  en  les  changeant  pour  d'autres  ou 
pour  de  l'argent.  Le  jeu  dont  on  fe  fert  eft 
un  jeu  entier  ;  les  cartes  confervent  leur  va- 
leur naturelle  &  ordinaire ,  excepté  que  l'as 
y  vaut  onze ,  &  emporte  le  roi,  la  dame,  &c. 

On  peut  jouer  au  commerce  jufqu'à  dix  , 
mais  non  audeftbusde  trois.  Après  avoir  vu 
à  qui  fera,  celui  qui  donne  les  cartes  en  donne 
trois  à  chaque  joueur  félon  leur  rang ,  en 
commençant  par  fa  droite,  les  donnant  tou- 
-tes  trois  à  la  fois  ou  féparément,  ccrnsne  il 
lui  plaît.  Chacun  met  au  jeu  un  des  jetons 
qu'il  a  devant  foi,  &  dont  les  joueurs  ont 
d'abord  déterminé  la  valeur.  On  ne  doit  fe 
propofer  que  le  point  ,  ou  bien  de  fe  faire 
fequence  ou  tricon ,  voy.  PoiNT ,  SE- 
QUENCE, Tricon;  &  l'adrefte  du  joueur 
confifte  à  arranger  fon  jeu  de  façon  qu'il  fafte 
l'un  de  ces  trois  jeux  ;  parce  qu'il  n'y  a  qu'un 
d'eux  qui  puifiTe  gagner.  Quand  il  n'y  a  point 
de  fequence  ni  tricon  ,  c'eft  le  plus  grand 
point  ;  s'il  y  a  plufîeurs  féquences ,  c'eft  la 
plus  haute  ;  ainfi  que  le  plus  haut  tricon  , 
lorfqu'il  y  en  a  plus  d'un  au  jeu  :  ainfi  l'on 
voit  que  le  tricon  gagne  par  préférence  au 
point  &  à  la  fequence  ,  &  la  fequence  au 
point  feulement.  Les  règles  font  aîfez  mani- 
feftées  dans  ce  que  nous  avons  dit  de  ce  jeu, 
&c  de  fon  banquier  ;  nous  n'ajourerons  donc 
ici  qu'une  choie  qui  lui  eft  commune  ,  néan- 
moins avec  pref^}XQ  tous  les  autres  jeux  ;  c'eft 


C  O  M 

de  refaire  ior'q''e.îe  jeu  efcfaux,  ou  qu'il  y 
a  quelque  c  ■!  c  ;':;:ournée. 

L'on  joiioi:' quelquefois  ce  jeu  jufqu'à  ce 
qu'un  joueur  cie  la  compagnie  eût  perdu  Ton 
enjeu;  ce  qui  faifoit  durer  la  partie  fort 
long-temps ,  '&  d'autres  fois  la  faifoit  finir 
fur  le  champ ,  félon  !e  malheur  d'un  joueur, 
ou  le  bonheur  de  tous. 

COMMERCER ,  NÉGOCÎER, TR.A- 
FIQUER,  EXERCER  LE  COMMER- 
CE, vojc:^  COMMER.CE. 

CoMMEB.CER  pour  argent ^^  au  jeu  de 
commeru\  c'efl:  prendre  une  carre. de  la 
banque  ,  en  payant  un  jeton  au  banquier. 

Commercer ûf  U  banque^  c'eft  ache- 
ter k  première  carte. du  talon  pour  un  jeton 
qu'on  donne  au  banquier. 

Commercer  troc  pour  troc^  c'eft  de- 
mander une  carte  à  celui  qui  eft  à  fa  droite 
pour  une  autre  qu'on  lui  donne,  fans  qu'il 
puiiîe  rien  exiger  pour  cet  échange.  Chacun 
peut  commercer  troc  pour  troc  ,  félon  fa 
place  &  fon  rang,  jufqu'à  ce  que  quelqu'un 
ait  trouvé  dans  le  jeu  des  autres  ce  qu'il 
cherchoit  pour  faire  le  (îen. 

COMMERCY  ,  (Géogr,  modj  petite 
ville  de  France,  au  duché  de  Bar,  avec  titre 
de  principauté,  fur  la  Meufe.  Long.  23  , 
16  ;  lat.  ^8  ,  40. 

COMMERE  ACCOMMODEZ- MOI 
ijeu  dt)\  ce  jeu  ainfi  appelle,  parce  que  toute 
l'habileté  du  joueur  eft  de  chercher  à  accom- 
moder fon  jeu ,  a  beaucoup  de  rapport  à  ce- 
lui du  commerce,  &c  ne  laiiîe  pas  d'être  amu- 
iant,  quoique  en  juger  par  fon  nom  il  ne 
foit  guère  joué  que  par  les  petites  gens. 

On  fe  fert  d'un  jeu  de  cartes  tout  ender. 
Ow  peuty  jouer  fept  ou  huit  perfonnes.  Cha- 
cun prend  autant  de  jetons  que  l'on  veut , 
&  dont  on  a  déterminé  la  valeur.  On  met 
peu  ou  beaucoup  au  jeu,  félon  que  l'on  a 
intention  de  perdre  ou  de  gagner  de  même. 
Celui  à  qui  il  eft  échu  de  faire ,  ayant  mêlé 
&  fait  couper  à  l'ordinaire,  donne  trois  car- 
tes à  chaque  joueur  ,  toutes  enfemble  ou  fé- 
parément.  Les  cartes  ainfi  diftribuées  on  ne 
fonge  plus  qu'à  tirer  au  point ,  à  la  fequénce 
&  au  tricon,  la  fequénce  emportant  le  point, 
&  le  tricon  la  fequénce  &  le  point.  Le  plus 
fort  gagne  le  plus  foible ,  &  s'ils  font  égaux , 
c'-eft  celui  qui  eft  le  plus  proche  de  celui  qui 
a  mêlé  à  droite.  L'as  vaut  onze  au  jeu  &.  eft 


C  O  M  (J35 

la  première  de  routes  les  cartes.  Voy.  Tri- 
con, Séquence  &  Point. 

Cel:;z  qui  gagne  la  partie  par  le  point  ne 
rire  que  la  poule;  celui  qui  gagne  par  une 
fequénce,  gagne  un  jeton  de  chaque  joueur, 
avec  la  poule,  &  celui  qui  gagne  avec  tri- 
con ,  en  gagne  deux  outre  la  poule. 

Souvent  les  joueurs  ne  trouvent  point  à 
s'accommoder  dès  la  première  donne,  mal- 
gré tous  les  échanges  qu'ils  aient  pu  faire, 
&  pour  lors  celui  qui  a  fait  prend  le  talon  & 
donne  une  carte  à  chaque  joueur ,  qui  luien 
rend  une  autre  à  la  place  ,  en  com.mençant 
par  la  droite  &  mettant  toujours  les  cartes 
échangées  fous  le  talon  ;  mais  il  faut  que  tous 
les  joueurs  y  confentent ,  fmon  l'on  refait. 

Quand  on  a  reçu  cette  carre  du  talon ,  on 
fait  l'échange  comme  auparavant,  en  s'ac- 
commodant  l'un  l'autre  jufqu'à  ce  qu'un  des 
joueurs  ait  fait  fon  jeu.  Si  les  joueurs  ne 
s'accommodoient  point  encore ,  on  pourroit 
donner  une  féconde  carte ,  ce  qui  pourtant 
n'arrive  guère ,  non  plus  que  de  faire  plus  de 
deux  donnes  à  ce  jeu. 

Celui  qui  donne  mal  n'eft  tenu  que  de 
refaire.  Lorfque  le  jeu  eft  reconnu  faux ,  le 
coup  eft  nul ,  mais  les  pnscédens  font  bons  ; 
&  (i  même  le  coup  où  l'on  s'apperçoit  que 
le  jeu  eft  incomplet  étoit  fini,  &:  que  quel- 
qu'un eût  gagné,  lecoup  feroit  eftimé  valide. 

COMMETAGE  ,  (  Corderie.  )  réunion 
de  plufteurs  fils  ou  cordons  par  le  tortille-" 
menc.  V,  Commettre  &  Corderie.  : 

*  COMMETTRE,  CGa^/tzJ  a  plufieurs 
fignifications;  il  eft  fynonyme  à  faire  ;  il 
marque  feulement  plus  de  mauvailé  inten- 
tion :  je  dis  mauvaife ,  parce  qu'alors  il  ne 
fe  prend  qu'en  mauvaife  part,  au  lieu  que 
faire  fe  prend  en  bonne  &  en  mauvaife  ; 
on  dit  faire  une  bonne  aciion  ,  faire  une 
mauvaife  aciion^  mais  on  ne  dit  point  com- 
mettre une  bonne  action  :  exemple ,  quelle, 
aciion  ave^-vous  commife  ? 

Commettre  fon  jïef^  (Juri/p.)  dans 
certaines  coutumes  c'eft  le  confifquer,  ou 
pour  mieux  dire  ,  en  encourir  la  confifca- 
tion.  V^oye:^  C  ancienne  coutume  d^ Amiens, 
art.  iy;  Bar,  art.  20;  Troyes  ,  j^;  Chau- 
mont,  art.  24;  celle  ^^ Artois  ^  an.  z',  dit 
commettre  ^  for  faire.  fAJ 

Commettre  ,  en  terme  de  commerce , 
c'eft.confîer  quelque  chofe  à  la  conduite ,  à 
-    LUI  2 


6}6  COU 

la  prudence,  à  la  fidélité  d'une  perfonne. 
Un  marchand  commet  à  fa  femme  &  à  fon 
garçon  le  foin  de  fa  boutique. 

Co  M  METTRE  fîgnifieauffi  employer  quel- 
qu'un à  quelque  négoce,  à  quelque  emre- 
priCe,  mrinuidCtnre  ,  &c.  ainfi  l'on  dit,  j'r.i 
commis  telle  perfonne  pour  ie  recouvrement 
des  femmes  qui  me  fc^nt  dues.  DiHionn.  de 
Comm,  &  di  Trév. 

Commettre,  eft  une  des  opérations 
principales  de  la  corder'u  \  c*eft  celle  par  îa- 
q«;jclle  on  réunit  cnfeinble,  au  moyen  du 
tortillemeiit ,  cïes  61s  pour  f^irc  iSt^  ficelles , 
des  torons  pour  faire  des  auff.eres,  des  cor- 
dons peur  faire  des  gielins.  Voy.  P article 
CORUERIH» 

*  COMMILITON,  f.  m.  (Hift.  anc.J 
fbldat  d'une  îSicmc  ccmur-e.  Les  généraux 
s'en  fervoienr  volontiers;  il  revient  à  notre 
€amaTadi.  Ouan-.l  tis  vouî«  ient  ôter  à  ce  moî 
l'air  de  fanuiiaii-é ,  c>:  lui  faire  p;.endre  un  ca- 
ra«51êrededi'j:5ité,,d  horrrrecr  &  ds^religiern-^ 
ils  y  ajouioient  i'épithete  (\(î  f.icmtus  ^  qui 
rapp'clloit  au  loldar  fon  fermenî.Ccux  qji  au- 
ront jeté  les  yeux  !ur  TouvragL'  original  que 
M.  le  Maréclîal  de  Sa;Le  a  laiifé  fous  le  ti:re 
de  mes  rci'eries^  femiront  tou:erimpo' tance 
de  ces  relfources  fi  petites  en  apparence. 

COMMINATOIRE,  ad).  [Juripr.)  {k 
dît  de  certaiiU'S  peines  ou  claufes  pép;a!es 
appoiécs  dans  Ijssaiclcs  &coi\'rats ,  dans  les 
lettres  de  chancellerie ,  dan^  les  jugemens  , 
contre  ceux  qui  contreviendront  à  quelque 
claufe  ou  di'pofifion  ,  lefquelles  peines  ne 
font  pas  néanmoins  encourues  de  plein  droit, 
&  ne  s'exécutenx  pas  toujours  à  la  rigueur». 
Les  claufes  pénales  appolees  dans  les  a<ftes 
font  ordinairement  réptuées  comminatoires^ 
à  moins  que  la  partie  intéreifce  ne  prouve  en 
juftice  qu'elle  a  fouffert  un  préjudice  réel  par 
l'inexécution  de  la  convention  de  la  part  de 
l'obligé;,  car  engénéralces  fortes  de  cbufes 
ne  doivent  tenir  lieu  que  de  dommages  & 
intérêts  ;  il  dépend  donc  de  la  prudence  du 
juge  de  voir  s*il  y  a  liettd'eaad^iger  ,  &  s'ils 
riC  doivent  pas  être  modérés,  nonobftant 
qu'ils  fuflent  fixés  par  l'ade  à  une  femme 
plus  forte. 

Dans  les  lettres  de  chancellerie,  telles  que 
les  ordonnances ,  édits ,  déclarations  &  au- 
feres  lettres-patentes  &  commifïions ,  les  pei- 
Bfis.  ne  font  pas  toujours  réputées  commina- 


C  O  M 

toires  ;  par  exemple  ^  quand  le  roi  prononce 
la  peine  de  nullité,  la  peine  eft  ordinaire- 
ment de  rigueur,  fi  ce  n'eft  dans  certains  édits 
burfiuxoùîa  ilu^îi-é  p'- ut  fe  réparer  en  fatis- 
faifai;t  au  droit  pécuniaiie  qui  eft  dû  :  mais 
les  peines  pécuniaires ,  teîJes  que  du  double, 
triple  &:  quadruple  droit,  ne  font  ordinaire- 
ment réputées  que  comminatoires;  il  dépend 
du  îoi ,  &  même  du  fermier,  de  les  remenre 
ou  modérer.  Les  peines  pron.oncées  par  les 
rcgleir>ens  en  matière  de  pol:ce,font  auffi  or- 
dmairement  xépwtéts comminatoires^  c'eft-à- 
dire  qu'e'.ies  nefojir  pas  encourues  de  plein, 
droit  :  le  règlement  prononce  ordinairement 
h  peine  la  plus  rigoureufe,  dansla  vue  d'arrê- 
ter la  licence ,  mais  lorfiqu'il  s'agit  de  favc;r  d 
eî'e  t([  encourue,  on  peut  la  remetîrc  ou  la 
modérer,  cela  dépendde  la  prudence  du  juge. 

Dans  les  jugemen.s  rendus,  foit  en  maàtre 
civile  ou  criminelle,  lorsqu'il  y  a  queiquedif- 
pofirion  qui  ordonne  à  une  parrie  de  faire 
(^ueique  chcfe  dans  un  certain  temps  à  peina: 
de  déchéance  deq'JclquedrcrityCC'tiedi,p<-fi- 
tion  n'cfl  réputée  que  com.iùjiutoite^  c  tll-à- 
dire  que  celiîiqiù  n'a  pas  exécuté  le  jugement 
d^ns  le  temps  y  porté,  n'ed  pas  pour  cela 
déchu  d'vi  Icti droit,  à  moins  qu'à  l'échéance 
î'au-re: partie  n'ait  obtenu  un  ji:gement  qui 
roicKdime;  iî.ii ,  ou  que  le  premier  jugement 
Me  portât  la  claufe  qu'«^/7  vertu  du  prîferit> 
j Hument ^  &  fans  qu  i'  en  futbefoind'autrej, 
la  partie  dL^me'jreroit  déchue  ,  6-c.  ÇA^ 

COMMINGE  ,  f.  f.  {Artillerie.^  efpece 
de  mortier  phis  gros  que  les  mortiers  ordi- 
naires ,  oc  qui  jette  6fùs  bombes  efent  le 
poids  va  jufqu'à  500  livres..  CQ.J 

COMMLNGES,  (G^^^.)  petite  con- 
trit de  la  Gafcogjie  ,  de  dix-huit  lieues  de 
long,  fur  fix  de  large.  Convennce  de  conve- 
nire  ,  parce  que  les  peuples  qui  Thabitoiene 
tiroient  leur  origine  de  plufieurs  brigands  Ef- 
pagnolsque  Pompée  ât  deicendre  des  Pyré- 
nées&obligeadedenïeurerenfembie,&  for- 
mèrent une  ville  qui  fut  nommée  Convennce^, 
(Hadrien  de  Vallois,  Mi  numenta  GalL) 

La  fituatlon  de  cette  ville  fur  une  hauteur- 
la  fit  appeller  par  les  Gaulois  Lugdununh 
Convennarum. 
Strabon  &  P  toi  ornée  la  nomment  Conve-^ 
narum  urbs  Lugdunum  ,  &  la  mettent  au. 
pié  des  Pyrénées.  L'itinéraire  d'Antonln  la 
place  enue  Acqs  &;  Seiches,  à  quarante-^ 


C  OM 

deyx  milles  de  Lefcar,  &  69  de  Touloufe  : 
à  la  fin  cette  ville  a  pris  le  nom  du  pays 
dont  elle  étoit  la  capitale  :  les  Notices  lui 
donnèrent  le  quatrième  rang  parmi  les  douze 
villes  de  la  Novempopulanie  :  elle  tut  brû- 
lée en  582  par  l'armée  du  roi  Contran;  ce 
qui  fit  que  les  évcques  Te  retirèrent  à  Saint 
Bertrand  ,  bâtie  par  l'évéque  de  ce  nom. 

Le  fiege  épifcopal  de  la  métropole  d'Auch 
eft  ancien,  puiCqu'on  voit  Tévéque  Suavis 
foufcrire  au  concile  d'Agde  en  506  ;  & 
Profidius  au  deuxième  concile  d'Orléans , 
&  Amelius  au  cinquième. 

Ce  comté  fut  réuni  à  la  couronne  en 
1 548.  Le  principal  commerce  du  pays  eft  en 
beftiaux  &  en  mulets.  Lq  haut-Commi^gcs 
jouit  du  privilège  de  lies  ai  paj/c/ies  a\'qc 
les  Espagnols.  Le  bas-Comminges  eft  Fer- 
tile en  blés  &  autres  grains ,  qu'on  fait  def- 
cendre  à  Touloufe.  C^J 

COMMIS,  f.  m.  (Gramm.  &  Jurifpr.J 
fe  prend  en  général  pour  celui  qui  eft  prépofé 
par  un  autre  pour  faire  en  fon  lieu  &  place 
quelque  chofe;  il  eft  parlé  de  ces  fortes  de 
commis  ou  prépofés  dans  les  loix  romaines  : 
le  commis  à\-\  propriétaire  d'un  navire  eft  ap- 
pelle exercitor,  le  commis  ou  fafteur  d'un 
marchand  fur  terre  eft  appelle  infticor,  de 
injiitorid  &  exercitoriâ  aclione.  Voyez  an 
code  Liv,  IV^  tit.  xxv^  ^'^fi-  li^-  Xly'.  tit. 
ïij  ^  6*  aux  inft.  liv.  IV^  tit.  vii  ^  S  3*  ^• 

Mandat,  Mandataire,  Procura- 
tion. {A) 

CoM  MIS  ,  (  Comm,  )  ce  terme  eft  d'un 
grand  ufage  chez  les  financiers, dans  les  bu- 
reaux des  douanes,  dans  ceux  des  entrées  & 
lorties,  ik  chez  les  marchands,  négocians, 
banquiers,  agens de  change,  &: autres  per- 
fonnes  qui  fe  mêlent  du  commerce  ou  d'af- 
faires qui  y  ont  rapport;  mais  ces  commis 
font  amovibles ,  auifi-bien  que  ceux  qui  tra- 
vaillent danslesbureauxdesfecreîairesd'état. 

Les  principaux  commis  des  douanes  ,  & 
particulièrement  de  celle  de  Paris ,  font ,  le 
leceveur  général  &  le  receveur  particulier, 
trois  direfteurs  généraux  des  comptes  ,  un 
contrô'eur,  les  vifiteurs,  &  un  infpeâieur 
général,  Voj^e^  tous  ces  noms  fur  leurs  titres 
particuliers. 

Commis  AMBULANT,  eft  un  commis 
dont  l'emploi  <;onfifte  à  parcourir  certain 
nombre  de  bureaux,  à  y  v»ir  6c  examiner 


COM  (^37 

les  regiftre*;  des  receveurs  &  contrôleurs , 
pour  en  cas  de  malverfation  en  faire  fon  pro- 
cès-verbal ou  fon  rapport,  fuivant  l'exigence 
&  l'importance  de  ce  qu'il  a  remarqué. 

Commis  aux  portes;  ce  font  ceux 
qui  font  chargés  de  veiller  aux  portes  &L  bar- 
rières des  villes  où  fe  paient  des  entrées  pour 
certaines  fortes  de  marchandifes ,  dont  ils 
reçoivent  les  droits  &  donnent  des  acquits. 
V'oyei  Droit  &  Acquit. 

Commis  aux  descentes  ;  ce  font 
certaines  perfonnes  prépofées  par  les  fer- 
miers des  gabelles ,  pour  affifter  à  la  defcente 
des  fels  lorfqu*on  les  fort  des  bateaux  pour 
les  porter  aux  greniers. 
Commis  aux  recherches;  on  nom- 
me ainfi  en  Hollande,  dan  les  bureaux  du^ 
convoi  &  Licenten ,  ce  qu'à  la  douane  de 
Paris  on  nomme  vijiteurs,  C'eft  à  ces  corn-' 
mis  que  les  marchands  qui  veulent  charger 
ou  décharger  des  marchandifes  doivent  re- 
mettre la  déclaration  qu'ils  en  ant  faie  ,  afin 
que  ces  commis  en  faflent  la  vlfice  &  jufti- 
fient  fi  elles  font  conformes  à  la  déclaration. 

CoM  MIS  ,  en  terme  de  commerce  de  mer^ 
fignifie  fur  les  vaifteaux  marchan.is,  celui 
qui  a  la  direftion  de  la  vente  des  marchan- 
difes qui  en  font  Ist  cargaifon. 

Les  comrrûs  àts  marchands ,  négocians  , 
banquiers,  agens  de  change  ,  font  ceux  qui 
'  tiennent  ou  leur  caiile,  ou  leurs  livres ,  ou 
qui  ont  foin  de  leursafFarres.  On  les  nomme 
autrement  caijjiers  ,  teneurs  de  livres,  6* 
facteurs.  Voyez  ces  noms  fous  leurs  titrer 
particuliers. 

Sous-commis .,  eft  cehfi  qui  fait  îa  fonction 
du  commis  en  cas  de  mort ,  de  maladre  ,  oa 
autres  empéchemens..  Z)/t7iV/z/2.  du  Comm. 

Coisï  MIS  aux  aides  ,  font  ceux  que  les 
fermiers  &  fous-fermiers  des  aides  prépofent 
fous  euxjpour  la  perception  desdroiûsd'aides. 

L'ordonnance  des  aides  du  mois  de  juin 
1680,  tit.  V,  veut  que  les  commis  auxaides^ 
■  foiert  âgés  au  moins  de  20  ans ,  non  parens 
ni  alliés  du  fermier,,  ni  inréreftes  dans  la 
ferme  ;  qu'ils  prêtent  ferment  à  réle<5lion 
dans  le  reffort  de  laquelle  ils  feront  employés 
ou  devant  un  autre  juge  des  droits  du  roi, 
le  tout  fans  information  de  vie  &  mœurs. 
Si  fans  conclufions  du  miniftere  public.  Ils- 
peuvent  auffi  prêter  ferment  à  la  cour  des  aiV 
. .  des  ,  auquel  cas  ii  fuflit  qu'ils  faffent  enfuite 


<^38  COU 

enrégiflfer  leur  fe: nient  c-îtis  i'éleifiion  de 
liiir  exercice. 

Les  it'rmiL\-r:;  ou  fous-fermiers  qui  les  nom- 
ment,  demeurent  civilement  reiponlables 
de  leur  adminiftration. 

Les  commis  aux  ai^es dovent  être  deux 
enfemble  lorfqu'ils  font  leurs  exercices,  vifî- 
tes  ^  procès-verbaux,  &  tous  deux  doi- 
vent fur  leiirs  re^iftres  &  procès-verbaux, 
les  affirmer  véritables  dans  le  délai  prefcrir 
par  l'ordonnance. 

Néanmoins ,  un  procès-verbal  fait  par  un 
feul  commis  qH  valable ,  pourvu  qu'il  foit 
afiifté  d'un  huiffier. 

Les  vendaiis  vins  font  obligés  à  la  première 
fommation  de  leurouvrir  leurs  caves, cell'ers 
&  autres  lieux  de  leur  maifon  pour  y  faire 
h  vifi;e. 

lis  jouiffent  de  tous  les  privilèges  accor- 
dés aux  commis  des  fermes  en  général.  J^. 
ci-après  COMMIS  DES  FERMES;  &  le 
eiicl.  des  Aides ,  au  mot  Commis,  {A) 

Commis  des  Fermes;  on  comprend 
fous  ce  nom  tous  les  direéfeurs  ,  receveurs, 
caiffiers,  contrôleurs  &  autres  (impies  com- 
mis ou  prépofés  par  les  fermiers  &  fous-fer- 
miers des  droits  du  roi ,  tels  que  les  commis 
aux  aides ,  les  commis  à  la  recette  du  con- 
trôle, des  infinuations ,  &c. 

L'ordonnance  de  1681  ,  titre  commun 
pour  toutes  les  fermes ,  ordonne  que  les  fer- 
miers &  fous-fermiers  auront  contre  leurs 
commis  les  mêmes  aftions,  privilèges,  hy- 
pothèque &  droits  de  contrainte  que  le  roi 
a  contre  (es  fermiers  ,  &  que  ceux-ci  ont 
contre  leurs  fous-fermiers. 

Chaque  fermier  ou  fous-fermier  efl:  tqÇ- 
ponfable  civilement  du  fait  de  (qs  commis. 

Il  efl:  permis  aux  commis  des  fermes^  ayant 
ferment  à  juftice,  de  porter  des  épées  &c 
autres  armes  ;  ils  font  fous  la  fauve-garde  du 
roi  &  des  juges ,  maires  &  échevins  ;  tous 
juges  royaux  ,  officiers  des  maréchauffées , 
prévôts  &  autres ,  font  obligés  de  leurprê- 
ter  main-forte  en  cas  de  befoin. 

Il  efl:  défendu  par  une  déclaration  de  lyi  4 
à  tous  juges  de  faire  aucunes  pourfuites 
contre  les  commis  qui  auroient  tué  des 
fraudeurs  ou  leurs  complices  ,  en  leur  fai- 
fant  violence  ou  rébellion. 

Ils  font  exempts  de  tutelle  &  curatelle, 
collège,  logement  de  gens  de  guerre  ,  de 


C  O  M 

guet  &:  de  garde  ;  i!s  ne  peuvent  être  impo- 
(és  i:i  augnicnîés  à  Ki  uiilie  pour  raifon  de 
leurcommiliion,  ik  jouilTent  généralcn:.nt 
de  tous  les  autres  privilèges  &  exemptions 
accordées  aux  fermiers  &  fous-fermiers  par 
les  baux,  réfultatsdu  confcîl,  ordonnances 
&  réglemens.  ^ 

Le  fermier  peut  décerner  des  cotitrainte.î 
contre  fes  commis ,  qui  font  en  detneiire  de 
compter  ou  de  payer,  en  vertu  defquelles  ils 
peuvent  être  conflltués  prifonniers,  &  ils 
ne  font  point  reçus  au  bénéfice  de  ceflion. 

Les  gages  dus  commis  des  fermes  ne  peu- 
vent être  failis  à  la  requête  de  leurs  créan- 
ciers, fauf  à  ceux-ci  à  fe  pourvoir  fur  leurs 
autres  biens. 

Ils  doivent  délivrer  gratis  les  congés ,  ac- 
quits ,  pafia vans,  certificats,  billets  d'envoi , 
vu  des  lettres  de  voitures,  (k  autres  nEies  de 
pareille  qualité  :  il  leur  efl  défendu  de  rien 
exiger  ni  recevoir  que  ce  qui  leur  efl  permis 
par  les  réglemens  ,  à  peine  de  concuflion  ; 
ils  peuvent  feulement  fe  faire  rembourfer 
des  frais  pour  le  timbre  du  papier. 

Les  marques  &  démarques  doivent  être  fai- 
tes par  eux  fans  frais  furies  vailTeaux  &  fu- 
tailles,fous  peine  pareillement  de  concuflîon. 

Les  commis  des  fermes  doivent  être  âgés 
au  moins  de  20  ans;  ils  doivent  prêter  fer^ 
ment  comme  on  l'a  dit  ci-devant  pour  L^s 
commis  des  aides  ;  ils  n'ont  pas  befoin  de 
juftiher  qu'ils  font  de  la  religion  catholique, 
apoftolique  &  romaine  ;  ils  peuvent  fe  faire 
affifler  de  tels  huifliiers  que  bon  leur  femble  ; 
ils  peuvent  même  ,  fans  aucun  miniftere 
d'huiflier ,  dénoncer  leurs  procès-verbaux  , 
&:  afïigner  aux  fins  d'iceux  ,  mais  ils  ne 
peuvent  faire  aucuns  autres  exploits. 

Leurs  procès-verbaux  ,  bien  &:duement 
faits  &  affirmés  en  juftice,  font  crus  jufqu'à 
infcription  de  faux.  V^oj,  ci-devant  COM- 
MIS AUX  AIDES. 

L'ordonnance  veut  que  ceux  qui  auront 
fabriqué  ou  fait  fabriquer  de  faux  regiftres  , 
ou  qui  en  auront  délivré  de  faux  extraits 
fignés  d'eux ,  ou  contrefait  les  figatures  des 
juges ,  foient  punis  de  mort. 

La  même  peine  eft  prononcée  contre 
ceux  qui  ayant  en  maniement  des  deniers 
des  fermes  ,  feront  convaincus  de  les  avoir 
emportés,  lorfque  la  fomme  fera  de  300a 
livres  &  au-deffus  ;  &  fi  la  fomme   eft 


C  O  M 

moindre,  ils  feront  punis  de  peine  affliâ:l\«e 
telle  que  les  juges  l'arbitreront. 

Les  commis  ayant  ferment  à  juftlce  ,  ne 
peuvent  être  décrétés  pour  quelque  délit 
que  ce  foit  par  eux  commis  ààns  l'exercice 
de  leur  emploi ,  iinon  par  les  officiers  des 
éleâ:ions ,  greniers  à  fel,  juges  des  traites  & 
autres  de  pareille  qualité ,  chacun  pour  ce 
qui  le  concerne. 

Il  eft  enjoint  aux  commis  de  mettre  au 
dihors  fur  la  porte  du  bureau  ou  en  autre 
lieu  apparent  ,  un  tableau  contenant  les 
droits  de  la  ferme  pour  lefquels  le  bureau  eft 
établi ,  &:  un  tarif  exaâ:  de  fes  droits,  f^oy. 
ci-dei'ûnt  au  mot  COMMIS  AUX  AIDES; 
V ordonnance,  des  gabelles ,  celle  des  aides  & 
des  fermes ,  le  dictionnaire  des  aides  ,  au 
mot  commis',  &  le  diclionn,  des  arrêts  ^  au 
mot  commis  des  fermes.  ÇA) 

(31^ M  MIS  (droit  de)  ,  Jurifpr.  efl  une 
efpece  de  confifcation  qui  a  lieu  en  certains 
pays,  tant  coutumiers  que  de  droit  écrit,  & 
en  vertu  duquel  le  fief,  cens  ,  bourdelage  , 
ou  héritage  de  main-mo;te ,  eft  acquis..^ 
çonfifqué  au  feigneur  pour  le  forfait  ou  dé- 
faveu  du  va0al  ou  emphytéote.  Il  en  eft  parlé 
dans  les  coutumes  des  duché  &  comté  de 
Bourgogne,  Rheims  ,  Nivernois  &  Bor- 
deaux ;  &  en  l'ancienne  coutume  d'Auxerre 
quelquefois  on  dit  commifc  pour  commis. 
Au  parlement  de  Touloufe  ,  le  droit  de  com- 
mis n'a  pas  lieu  pour  les  peines  ftipulées  par 
les  fcigneurs  dans  les  baux  &:  reconnoiftan- 
ces  du  paiement  du  double  de  la  rente,  taute 
par  l'emphytéote  de  la  payer  ,  &  même  de 
la  perte  du  fonds  emphytéoàquej,  s'illaifte 
pafter  trois  années  fans  payer;  mais  le  droit 
de  commis  y  a  lieu  pour  la  félonie  de  l'em- 
phytéote;ce  qui  s'obfervepréfentement  dans 
la  ville,  gardiage  &  viguerie  de  louloufe, 
de  même  que  dans  le  refte  du  parlement. 
Fbye^  Geraud,  des  droits  feign.  liv.  II  , 
xh.  8  y  n.jy  f  p.  ji^.  Maynard,/iv.  Vl, 
ch.  60.  Larochetî.  arrêt  du  6  mai  i6^C)  ; 
.&  la  coutume  de  Paris  ,  art.  43 .  )A) 

Commis  eft  dans  la  congrégation  de 
Saint  Maur,  ce  qu'on  appelle  dans  d'autres 
' ordrGS  frère  donné;  &  qu'on  appelloit  an- 
ciennement, o^^/a/ ,  un  laïque  qui  fe  donne 
au  couvent  fans  faire  des  vœux  ni  prendre 
l'habit ,  fous  la  cotidition  de  rendre  quelque 
^fervice  à  la  maifou  6c  quelquefois  d'y  payer 


C  O  M  639 

penfion.  C'eft  ainfi  qu'étoit  un  desmefîieurs 
Bulteau  dans  la  congrégation  de  faint  Maur, 
qui  nous  a  donné  une  hiftoire  abrégée  de 
l'ordre  de  faint  Benoît ,  l'hiftoire  monaftique 
d'Orient,  &.  quelques  autres  ouvrages  de 
littérature  eccléfiaftique.  (1GJ  {a) 

COMMISE,/,  m.  (Jurifpr.)  en  général 
lignifie  confifcation  d^une  chofe  au  profit  de 
quelqaun\  ce  terme  vient  du  latin  commif- 
fum.,  qui  fignifie  confifcation.  Il  y  a  au  ff. 
/.  XXXIX ^  le  tit.  iv  ,  de  public andis  vec- 
tigalibus  &  commijjîs  :  la  loi  ij  parle  de 
marcbandifesconfifquées ,  merces  commiffœ. 
Voyez  aufti  la  loi  1  ^  &  la  loi  /6^,  §.  8 , 
&  au  code ,  liy.  /K,  ///.  Ixj  ;  l.  j.  Parmi 
nous  le  terme  de  commife  ne  fe  dit  que 
pour  la  confifcation  d'un  héritage  :  cette 
peine  eft  encourue  de  différentes  manières, 
félon  la  nature  des  héritages  :  c'eft  pourquoi 
on  diftingue  différentes  fortes  de  commifesy 
que  nous  allons  expliquer  dans  les  fubdivi- 
(ions  fuivantes. 

Commise  active  ,  eft  le  droit  que  le 
feigneur  a  d'ufer  de  commife  fur  l'héritage  de 
celui  qui  a  encouru  cette  peine.  La  commife 
paffwe  eft  la  peine  de  la  confifcation  de  l'hé- 
ritage ,  encourue  par  le  vaffal  ou  tenancier 
qui  fe  trouve  dans  le  cas  de  la  commife. 

Commise  bordeliere,  ou  d'un  hé- 
ritage tenu  en  bordelage  ou  bourdelage ,  eft 
la  confifcation  de  l'héritage  tenu  à  ce  titre  , 
au  profit  du  feigneur  contre  le  propriétaire, 
faute  parce  dernier  de  payer  pendant  trois 
ans  la  redevance  due  au  feigneur  pour  le 
bordelage.  Cette  commife  a  lieu  dans  quel- 
ques coutumes  où  le  bordelage  eft  ufité,telles 
que  celle  de  Nivernois ,  titre  des  bordela- 
ges  ,  art.  S .,  &  celle  de  Bourbonnois  ,  titre 
XXX ,  des  tailles  réelles ,  art.  5 02  ,  où  le  dé- 
faut de  paiement  du  bordelage  pendant  trois 
ans  eonfécutifs ,  emporte  commife  :  dans  la 
première,  la  commife  a  lieu  parle  feul  défaut 
du  paiement  ,  fans  que  le  feigneur  foit 
obligé  d'interpeller  le  débiteur  de  payer; 
celle  de  Bourbonnois  eft  plus  mitigée ,  6>c 
veut  que  le  feigneur,  avant  de  commettre  , 
mette  le  débiteur  en  demeure  de  payer. 

Si  deux  particuherspofTedentun  héritage 
en  bordelage,  il  ne  devroit,  fuivant  l'é- 
quité, y  avoir  que  la  part  de  celui  qui  eft 
en  demeure  de  payer  qui  tombât  en  com- 
mife ;  néanmoins  ft  le   feigneur  n'a  pas 


640  C  O  M 

confenti  à  la  divifion  de  l'héritage  ,  la  com' 
inij'i  eft  folidaire ,  c'eft-à-dire  emporte  la 
totalité  de  l'héritage. 

Le  feigneur  ne  peut  rentrer  dans  l'héri- 
tage par  droit  de  commlfc  ,  faute  de  paie- 
ment pendant  trois  ans  ,  qu'en  le  faifant 
ordonner  par  juftice  ;  &  le  tenancier  de- 
meure en  pofleifion  jufqu*au  jugement. 

Si  le  feigneur  ne  le  plaint^pas,  ou  qu'il 
remette  la  commifc  ,  ce  ne  fera  pas  pour 
cela  un  nouveau  bail  de  bordelage  ;  c'eft 
toujours  le  même  qui  continue. 

Le  tenancier  peut  purger  fa  contumace 
ou  demeure  de  payer ,  en  offrant  de  payer 
les  arrérages  au  feigneur,  pourvu  que  ce 
foit  avant  la  demande  formée  en  juftice  par 
le  feigneur  à  fin  de  commifc. 

Pour  empêcher  la  commifc ,  il  faut  payer 
en  entier  les  arrérages  qui  Ibnt  dûs  :  le  paie- 
ment d'une  partie  ne  fuffiroir  pas. 

Si  le  tenancier  eft  créancier  du  feigneur 
bordelier,  il  doit,  pour  éviter  la  commifc  , 
demander  la  compenfation  ;  car  en  ce  cas 
elle  ne  fe  fait  pas  de  plein  droit,  à  caufe 
de  la  nature  de  la  dette,  &  que  le  tenan- 
cier doit  reconnoître  le  bordelage  envers 
le  feigneur. 

Au  cas  que  celui-ci  refusât  le  paiement 
pour  ufer  de  commifc  ^  le  tenancier  doit  lui 
faire  des  offres  réelles ,  S:  le  faire  affigner 
pour  voir  ordonner  la  confignation  ;  & 
lorfqu'elle  eft  ordonnée,  Teffedluer  &c  la 
Signifier  au  (éigneur. 

Les  amélioraiioçs  faites  fur  l'héritage  qui 
tombe  en  commifc  ,  fui  vent  le  fonds,  ^fans 
que  le  feigneur  foit  tenu  d'en  faire  raifon 
au  tenancier.  VoyciQo<\\i^.Q  fur  le  Niver- 
nais ,  loc.  cit.  &  Defpommiers ,  art.  S02 
de  celle  de  Bourbonnois. 

Commise  censuelle  ou  en  censi- 
^  VE ,  eft  la  confifcation  qui  fe  fait  au  profit 
du  feigneur  direft  d'un  héritage  roturier  tenu 
de  lui  encenfive ,  pour  caufe  de  défaveu  ou 
félonie  du  cenfitaire  :  cette  forte  de  com- 
mifc n'a  pas  lieu  dans  le  droit  commun  , 
Suivant  lequel  il  n'y  a  que  les  fiefs  qui  font 
fujets  à  tomber  en  commifc ,  au  profit  du 
feigneur  ;  elle  eft  feulement  reçue  dans  quel- 
ques coutumes,  comme  celle  de  Norman- 
die ;  voye^  BiinsLgQ^fur  l''art.  cxxv  de  cette 
coutume  :  &  dans  celle  d'Anjou  &  Maine , 
ffoyci  Poquet  de  Livoniere,  des  fiefs  ^  liv. 


C  O  M 

//,  ch,  ij ,  fccl.  4  ;  Guyot ,  des  fiefs ,  tr.  de 
la  commifc  ,p.  ^oG\  elle  fe  règle  en  tout 
comme  la  commifc  fcodale\  voyez  M.  de 
Boutaric,  en  fon  tr.  des  dr.feign.  part.  III y 
ch.  V  ^  de  la  commifc  des  cenfpcs. 

Commise  emphytéotique  ou  en 
EMPHYTÉOSE,  qu'on  appelle  2M^\ commis 
ou  droit  de  commis ,  eft  le  droit  que  le  bail- 
leur a  de  rentrer  dans  l'héritage  par  lui  donné 
à  titre  d'emphyîéofe  ,  faute  de  paiement  de 
la  redevance  pendant  un  certain  temps. 

Cette  commifc  eft  fondée  fur  les  loix  fé- 
conde &  troifieme,  au  code  de  jure  empliy- 
teutico.  La  loi  ij  ouvre  la  commifc  par  le 
défaut  de  paiement  du  canon  ou  redevance 
emphytéotique  pendant  trois  années  con- 
fécuiives  ,  quand  même  la  condition  de 
payer,  &  la  peine  du  défaut  de  p:iiement  ne 
feroient  pas  écrites  au  contrat.  Godefroy  , 
fur  cette  loi,  obiérve  qu'il  falloir  un  juge- 
ment qui  déclarât  la  commifc  ouverte. 

La  loi  iij  marque  un  fécond  cas  ,  dans 
lequel  il  y  avoit  ouverture  à  la  commifc  ; 
favoir,  lorfque  l'emphytéote  vendoit  l'hé- 
ritage à  un  autre  fans  le  confentement  du 
bailleur:  mais  l'emphytéote  avoit  un  moyen 
pour  éviter  cette  commife\  c'étoit  lorfqu'il 
vouîoit  vendre,  &  qu'il  avoit  fait  lepiix, 
d'aller  trouver  le  bailleur  &  de  lui  offrir  aux 
mêmes  conditions.  Le  bailleur  avoit  deux 
mois  pour  délibérer  &  demander  la  préla- 
tion  ou  préférence  ;  fi  le  bailleur  laiftbit 
écouler  les  deux  mois  fans  ufer  de  fon  droit, 
l'emphytéote  pouvoit  vendre  librement,  & 
le  bailleur  ne  pouvoit  refufer  d'admettre  le 
nouvel  emphyîéote. 

L'ufage  de  la  commifc  ou  commis  em- 
phytéotique appartient  plus  aux  pays  de  droit 
écrit  qu'aux  pays  coutumiers ,  attendu  que 
dans  ceux-ci  les  baux  emphytéotiqites  ne 
font  ordinairement  que  de  99  ans ,  au  lieu 
que  la  vraie  emphytéofe  des  pays  de  droit 
écrit  eft  perpétuelle. 

Cependant  les  parlemens  de  droit  écrit 
n'ont  pas  tous  également  adopté  la  difpo- 
fition  des  loix  dont  on  vient  de  parier  fur 
la  commifc  emphytéotique. 

MM.  Salvaing  &c  Expiliy  difent  qu'elle 
n'a  plus  lieu  en  Dauphiné  ,  même  pour 
les  fiefs  ,  foit  faute  de  paiement  de  la  re- 
devance ,  foit  pour  la  vente  du  fonds  faite 
fans  le  conièncement  du  bailleur. 

Il 


cou 

Il  en  eft  de  même  au  parlement  de  Tou- 
loufe  :  mais  Defpeiiïes  dit ,  que  fi  Temphy- 
téote  s'obilinoit  à  ne  vouloir  point  payer  le  ' 
cens ,  il  feroit  évincé  de  l'héritage  après  quel- 
ques condamnations  comminatoires. 

Le  même  auteur  dit  que  la  commife  n'a 
pas  lieu  à  Montpellier ,  &:  que  dans  le  refte 
du  royaume  elle  ne  s'obferve  pas  non  plus  à 
la  rigueur. 

Cependant  en  Bourgogne  la  commife  n*a 
lieu  ,  faute  de  paiement  de  la  redevance , 
que  quand  cela  eft  ainfi  ftipulé  dans  le  bail 
emphytéotique ,  auquel  cas  il  n'efl:  pas  befoin 
d'interpellation  de  payer  :  elle  y  a  pareille- 
ment lieu  en  cas  de  vente  ,  fans  le  confen- 
tement  du  feigneur ,  lorfque  le  bail  le  porte 
expreffément.  Voye^^ Us  cahiers  d&  réforma- 
tion de  La  coutume. 

Dans  l'emphytéofe  d'un  bien  d'églife ,  la 
commife  a  lieu  par  le  défaut  de  paiement  des 
arrérages  pendant  deux  années.  Novclle  vijy 

CA.  J.§  2. 

La  commife  a  àufli  lieu  lorfque  l'emphy- 
téote  détériore  le  fonds,  de  manière  que  la 
rente  ne  foit  plus  affurée  :cela  s'obferve  aux 
parlemens  de  Touloufe  &  de  Dijon. 

L'emphytéotequieft  évincé  perd  fes  amé- 
liorations. VoycT^  Defpeifîes  ,  tome  III ^  des 
droits  feigneuriaux ,  article  v  ;  Guyot ,  des 
fiefs ,  tome  //^,  titre  du  droit  de  commife  en 
émphythèote. 

Commise  féodale  ,  eft  laconfifcation 
du  fief  du  vaflal  au  profit  du  feigneur  ,  au- 
quel il  appartient  comme  réuni  à  fa  table. 

Suivant  l'ufage  le  plus  général ,  cette  com- 
mife a  lieu  en  deux  cas  ;  favoir ,  pour  caufe 
de  défaveu  formel,  &  pour  caufe  de  félonie. 

Le  droit  de  commife  féodale  paroi  t  avoir 
été  établi  à  l'inftar  de  la  commife  emphytéo- 
tique ,  dont  il  eft  parlé  dans  les  loix  ij  &:  iij , 
au  code  de  jure  emphyteutico. 

Si  ce  que  l'on  dit  de  la  commife  encourue 
par  Clotaire  II ,  eft  vrai ,  l'ufage  de  ce  droit 
feroit  fort  ancien  en  France.  V^oye'^  ci-après 
Commise  PASSIVE.  • 

Ce  qui  eft  de  certain  eft  qu'elle  avoit  déjà 
lieu ,  fuivant  l'ancien  droit  des  fiefs  qui  le 
trouve  dans  les  livres  des  fiefs,  compilés  par 
Obert  de  Ofto  &  Gerad  le  Noir ,  tous  deux 
jurifconfultes  milanois  ,  du  temps  de  l'em- 
pereur Frédéric  qui  régnoit  vers  l'an  1160. 

Suivant  ces  loix  dei  fiefs,  la  commife féo- 
Tome  VIII. 


C  O  M  64Ï 

da/e  avoit  lieu  en  plufieurs  cas,  dont  quel- 
ques-uns font  conformes  à  notre  ufage  :  les 
autres  font  encore  ufités  en  Allemagne  & 
en  Flandre. 

La  commife  avoit  lieiT ,  lorfque  le  nou- 
veau vafîal  négligeoit  d'aller  demander  l'in- 
veftiture  dans  l'an  Ôc  jour; ce  qui  doit  s'en- 
tendre de  l'héritier  du  vafîal ,  &:  non  de 
l'acquéreur  :  car  il  n'étoit  pas  permis  alors  de 
vendre  le  fief  fans  le  confentement  du  fu- 
gueur dominanr.  La  prefcription  de  30  ans 
mettoit  feulement  à  couvert  de  cette  com- 
mife, 

2°.  Celui  qui  aliénoit  fon  fief  invito  vel 
irrequifùo  domino  ,  perdoit  fon  fief;  &  l'ac- 
quéreur de  fa  part  perdoit  le  prix  qu'il  en 
avoit  payé  ,  lequel  tournoit  au  profit  du  fifc  : 
ce  qui  a  encore  lieu  en  Bourgogne  où  les 
fiefsfont  en  danger,  non  pas  àla  vérité  pour 
la  vente ,  mais  pour  la  prife  de  polTeflion. 

^°.  Si  dans  le  combat ,  le  vaflal  abandon- 
noit  lâchement  fon  feigneur. 

4'*.  S'il  avoit  fu  quelques  attentats  contre 
fon  feigrf^ur ,  &  ne  l'eut  pas  averti. 

5°.  S'il  avoit  été  le  délateur  de  fon  fei- 
gneur. 

6'^.  S'il  manquoit  à  quelqu'un  des  fervices 
auxquels  ilétoit  obligé  ,  comme  fervices  de 
plaids,  auquel  cas  il  falloir  que  le  vaflal  fût 
contumace  pour  encourir  la  commife  :  ce 
fervice  de  plaids  eft  encore  ufité  en  Picardie  : 
le  vaflal  eft  appelle /^er^  du  fief  dominant  ; 
mais  s'il  manque  à  ce  fervice  ,  il  ne  perd  pas 
pour  cela  fon  fief. 

j^.  Si  le  vaflal  entroit  en  religion  ou  fe 
faiibit  prêtre ,  il  perdoit  fon  fief ,  parce  qu'il 
ne  pouvoir  plus  en  faire  le  fervice;  mais  en 
cecaslefiefalloita^^_g'/z^W5.  Ilyavoitmême 
des  fiefs  affeftésà  des  eccléfiaftiques. 

8".  Lorfque  le  vaflal  détérioroit  confidé- 
rablement  fon  fief,  6>c  fur-tout  s'il  abufoit 
du  droit  de  juftice. 

9*^.  Le  défaveu  fait  fciemmentemportoit 
auffi  perte  de  fief;  mais  la  commife  n'avoit 
pas  lieu  lorfqu'il  avouoit  un  autre  feigneur. 

lo*^.  La  commife  avoit  lieu  pour  feion.c  , 
&  ce  crime  fe  commetîoit  de  plufieurs  fa- 
çons, par  exemple,  fl  le  valTal  avoit  vécu  en 
concubinage  avec  la  femme  de  fon  feigneur, 
ouqu  il  eût  pris  avec  elle  quelques  familiarités 
déshonnêtes;  s'il  av^t  débauché  la  fille  ou 
la  petite-fille  de  fon  feigneur  :  la  même  peine 
Mm  m  m 


^41  C  O  M 

avoit  lieu  par  rapport  à  la  Cœur  du  Teigneur 
non  mariée,  lorfqu'elle  demeuroit  avec  fon 
frère  ;  il  y  avoit  nuffi  félonie ,  lorfque  le 
vafTal  attaquoit  fon  feigneur ,  ou  le  château 
de  fon  feigneur ,  fâchant  que  le  feigneur  ou 
la  dame  du  lieu  y  étoient.  Le  meurtre  du 
frère  du  feigneur  n'étoit  pas  feul  une  caufe 
de  commife  ,  m.iis  elle  avoit  lieu  lorfque  le 
vaiTal  avoit  tué  le  frère  ou  le  neveu  du  fei- 
gneur ,  pour  avoir  feul  une  hérédité  qui  leur 
étoit  commune.  Koye^  Félonie. 

La  commifi  n'étoit  point  encourue  de 
plein  droit,  il  falloitun  jvigement  qui  la  pro- 
nonçât ,  &  le  vaffal  pouvoit  s'en  défendre 
par  pliifieurs  circonftances  ,  comme  pour 
caufe  de  maladie  ,  abfence,  erreur  de  fait, 
&c.  iefquelles  excufes  recevoient  leur  appli- 
cation félon  les  différens  cas. 

Il  y  avoit  réciprocité  de  commife  entre  le 
.  feigneur  &  le  valîal  ;  c'eft-à-dire ,  que  la  plu- 
part des  cas  qui  faifoient  perdre  au  vaflal 
ion  fief,  faifoient  auffi  perdre  au  feigneur  la 
mouvance,  lorfqu'il  manquoit  à  quelqu'un 
^Q'i  devoirs  dont  il  étoit  tenu  envers  fon 
vaffal. 

En  France  on  ne  connoît,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit ,  que  deux  caufes  qui 
donnent  lieu  à  la  commife ,  favoir ,  le  défa- 
veu  &:  la  félonie. 

Dans  les  pays  de  droit  écrit  ,  &  dans  la 
coutume  d'Angoumois  qui  les  avoifine,  le 
défaveu  ne  fait  pas  encourir  la  commife;  il 
n'y  a  que  la  félonie. 

En  pays  coutumier ,  le  défaveu  &  la  félo- 
nie font  ouvertes  à  la  commife. 

Dans  quelques  coutumes ,  comme  Niver- 
nois  ,  Melun  ,  Bourbonnois  &:  Bretagne, 
il  y  a  \\n  troifieme  cas  où  la  commife  a  lieu  ; 
favoir,  lorfque  le  vaffal ,  fciemment  &  par 
dol,  recelé  quelque  héritage  ou  droit  qu'il 
ne  comprend  pas  dans  fon  aveu  ôc  dénom- 
brement. 

La  commife  n'a  pas  lieu  lorfque  le  vaffal 
foutient  que  fon  fief  relevé  du  roi  ,  parce 
que  ce  n'eff  pas  faire  injure  au  feigneur  que 
de  lui  préférer  le  roi. 

Mais  fi  le  procureur  du  roi  abandonne  la 
mouvance ,  &:  que  le  vaffal  perfifte  dans  fon 
défaveu,  il  encourt  la  commife. 

La  coutume  d'Orléans,  art.  Ixxxj ^  dit 
que  fi  le  feigneur  prouve  fa  mouvance  par 
des  titres  qui  remonttînt  à  plus  de  cent  ans , 


CO  M 

il  n'y  a  point  de  commife ,  parce  que  le  vaffal 
a  pu  ignorer  ces  titres. 

Lorfque  le  vaffal  dénie  que  l'héritage  foit 
tenu  en  fief,  &  prétend  qu'il  eft  en  roture , 
fi  mieux  n'aime  le  feigneur  prouver  qu'il  eft 
en  fief,  il  n'y  a  point  lieu  à  la  commife. 

Elle  n'a  pas  lieu  non  plus  lorfque  le  fei- 
gneur prétend  les  droits  extraordinaires,  & 
que  le  vaffal  refufe  de  les  payer,  le  feigneur 
étant  obligé  d'inftruire  fon  vaffal. 

La  confifcation  du  fief  ne  fe  fait  pas  de 
plein  droit ,  il  faut  qu'il  y  ait  un  jugement 
qui  l'ordonne. 

Si  le  feigneur  ne  l'a  point  demandé  pen- 
dant la  vie  du  vaffal,  la  peine  eft  cenfée 
remife. 

Il  en  eft  de  même  lorfque  le  feigneur  ne  Ta 
point  demandé  de  fon  vivant,  (&s  héritiers 
ne  font  pas  recevabies  à  la  demander. 

Le  fief  confifqué,  &  tout  ce  qui  y  a  été 
réuni,  demeure  acquis  au  fief  dominant, 
fans  qu'il  en  foit  dû  aucune  récompenfe  à  la 
communauté. 

Il  demeure  chargé  des  dettes  hypothécai- 
res du  vaffal. 

Un  bénéficier  ne  peut  pas  commettre  la 
propriété  du  fief  attaché  à  fon  bénéfice  , 
parce  qu'il  n'en  eft  qu'ufufruitier  \  il  ne  perd 
que  les  fruits. 

Le  mari  peut  par  fon  fait  commettre 
feul  les  conquéts  de  la  communauté ,  mais  il 
ne  peut  pas  par  Ion  fait  perfonnel  commettre 
la  propriété  des  propres  de  fa  femme  ,  à 
moins  qu'elle  n'ait  eu  part  au  défaveu  ou 
félonie  ;  il  encourt  feulement  la  confifcation 
des  fruits. 

La  femme  peut  commettre  Ces  propres, 
mais  elle  n'engage  point  les  iruits  au  préju- 
dice de  fon  mari. 

Le  baillifte  ou  gardien  ne  commet  que  les 
fruits. 

La  commife  n'eft  point  folidaire,  c'eft-à- 
dire ,  que  fi  le  fief  fervant  appartient  à  plu- 
fieurs  vaffaux ,  il  n'y  a  que  celui  qui,  défa- 
voue  qui'^commet  fa  portion. 

Le  feigneur  qui  commet  félonie  envers 
fon  vaffal,  perd  la  mouvance  dufieffervanr. 

V^oye^^  les  livres  des  fiefs  ;  Struvius ,  dans 
fon  Syntagma  juris  feudaUs  ^xh.  xv  ,  de 
amijjionefiudi ;  GudeYmus  &i  Zoezius,  fur 
les  mêmes  titres  ;  Julius  Clarus ,  quœft.  xlvi/. 
§  feudum,  Poquet  de  Livonniere  3  Guyot 


C  O  M 

&  Biilecoq,  en  leurs  Traites  des  fufs ;  & 
Us  art.  DÉSAVEU  &  FËLONIE. 

Co  xM M I3E  (Tun  hériiagc  tailUibh ,  eft  la 
confiscation  d'un  héritage  fujet  au  droit  de 
taille  feigneuwale  qui  a  lieu  au  profit  du  fei- 
gaeur  ,  lorfque  le  propriétaire  de  l'héritage 
dirpole  delà  propriété  fans  le  confentement 
du  feigneur.  Cette  commifc  a  lieu  dans  la 
coutume  de  Bourbonnois,  art,  ccccxc  y  & 
dans  celle  de  la  Marche ,  an,  cxli'ii/.p3ins 
ces  coutumes ,  le  tenancier  d'un  héritage 
taillable  ne  le  peut  vendre  en  tout  ni  en  par- 
tie ,  ni  le  donner  ou  tranfporter ,  échanger  , 
ou  autrement  aliéner,  ou  en  difpoler  Toit 
entre-vifs  ou  par  teftament ,  fans'le  confen- 
tement du  feigneur  taillablier ,  quand  même 
ce  feroit  pour  fournir  à  la  fubfiftance  ôc  aux 
alimens  du  propriétaire. 

On  excepte  néanmoins  la  donation  en 
avancement  d'hoirie  faite  àundesenfans  du 
tenancier ,  laquelle  ne  tombe  pas  en  com- 
mife. 

Il  fautauffi  excepter  les  taillabl es  qui  tien- 
nent un  héritage  par  indivis  ;  ils  ne  peuvent 
à  la  vérité  le  démembrer  ,  foit  au  profit  de 
l'un  d'eux  ou  d'un  étranger ,  fans  le  confen- 
tement du  feigneur  ;  mais  chacun  des  co- 
perfonniers  peut  céder  fa  part  indivife  à  un 
de  ks  co-perfonniers  fans  le  confentement 
du  feigneur  ,  parce  que  chacun  d'eux  avoit 
déjà  un  droit  indivis  dans  la  totalité ,  &que 
c'eft  moins  une  nouvelle  acquilition,  que 
Jure  non  decrefceridi. 

Les  co  -  perfonniers  taillables  peuvent 
aufli,  fans  le  confentement  du  feigneur, 
faire  entr'eux  desarrangemenspourlajouif- 
fance,  mais  non  pas  pour  la  propriété. 

Au  refte  la  prohibition  d'aliéner  l'héritage 
taillable  fans  le  confentement  du  feigneur , 
ne  regarde  que  la  propriété;  car  le  tenancier 
peut  librement  difpofer  des  fruits ,  &:  (es 
créanciers  s'y  venger ,  tant  qu'il  en  eft  pof- 
fefTeur. 

Quelques-uns  tiennent  que  fi  une  maifon 
menace  ruine ,  Se  que  le  tenancier  ne  foit  pas 
en  état  d'y  faire  les  réparations ,  il  peut  l'of- 
frir en  vente  au  feigneur  ;  &  que  fi  celui-ci 
refufe  de  l'acheter ,  le  tenancier  peut  la 
vendre  à  un  autre  :  ce  qui  paroît  fondé  fur 
équité. 

Lorfque  le  tenancier  n'a  difpofé  fans  le 
confentement  du  feigneur  que  d'une  partie 


CO  M  643 

de  î'Iiéritage  ,  il  n'y  a  que  C'^tte  portion  qui 
tombe  en  commife. 

Il  ne  tljfnc  pas  pour  prévenir  h  commife  de 
fiipuîer  dans  la  vente  ou  autre  difpofition  , 
qu'elle  n'eft  faire  que  fous  le  bon  plaifir  & 
confentement  du  feigneur  ;  fi  le  vendeur  s'en 
deiTaifit ,  &  que  l'acquéreur  en  prenne  pof- 
fefiion  réelle  avant  d'avoir  obtenu  l'agré- 
ment du  feigneur,  la  commife  efi:  encourue 
à  fon  profit. 

Mais  la  vente  ou  difpofition  ne  fait  pas 
feule  etîcourir  la  commife^  ,  quand  même 
l'acle  contiendroit  une  réferved'ufufruitau 
profit  du  vendeur,  &  que  l'acquéreur  auroit 
par  ce  moyen  une  poirefiion  fidive,  parce 
que  le  vendeur  ,  à  cet  égard ,  n'eft  cenfé  dé- 
pouillé que  par  la  prife  de  poffefiion  réelle 
&:  adluefle  de  l'acqnéreur  :  jiiique-là  les  par- 
ties peuvent  fe  rétra(fter. 

Celui  qui  a  vendu  ou  autrement  aliéné  un 
héritage  taillable,  fans  le  confentement  du 
feigneur ,  n'eft  pas  tenu  de  livrer  l'héritage 
fi  le  feigneur  n'y  confent  ;  attendu  que  l'hé- 
ritage tomberoit  en  commife ,  &  que  par  con- 
féquent  l'acquéreur  n'enprofireroit  pas  :  mais 
fi  l'acquéreur  a  pu  ignorer  &  ignoroit  effec- 
tivement que  l'héritage  fût  taillable ,  il  peut 
agir  endommages  &  intérêts  contre  le  ven- 
deur pour  l'inexécution  du  contrat. 

Quoique  quelques  coutumes  fuppofentla 
commife  encourue  ipfo  facto  ,  néanmoins 
l'ufage  eft  que  le  feigneur  fafte  prononcer 
en  juftice  la  commife;  s'il  n'en  forme  pas  la 
demande ,  fon  fiîence  pafie  pour  un  confen- 
tement tacite  ,  tellement  que  l'acquéreur 
n'eft  tenu  de  rendre  les  fruits  que  du  jour  de 
la  demande ,  &  non  du  jour  que  la  commife 
eft  ouverte. 

Lorfque  le  feigneur  reçoit  les  droits  ,  oti 
approuve  de  quelqu'autre  manière  la  vente, 
la  commife  n'a  pas  lieu  ;  on  tient  même  que  le 
confentement  du  mari  fuffit  pour  les  héri- 
tages taillables  qui  font  de  la  cenfive  de  fa 
femme  ;  ce  qui  eft  fondé  fur  ce  que  ces  droits 
font  infriiclu  ,  &  appartiennent  au  mari. 

Par  une  fuite  du  même  principe ,  quand  le 
feigneur  ufe  de  la  commife ,  l'ufufruitier  ou 
fermier  de  la  feigneurie  jouit  pendant  le 
temps  de  fa  ferme  de  l'ufufruit  de  l'héri- 
tage tombé  en  commife ,  parce  que  la  com^ 
mife  eft  confidérée  comme  ufufruit. 

Le  droit  de  c-ommife  étant  de  pure  faculté^ 
M  m  mm  2 


^44  C  O  M 

ne  ie  prefcrit  point  pour  n'en  avoir  pàsufé 
dans  certains  cas  ;  la  prefcription  ne  com- 
mence à  courir  que  du  jour  de  la  contradic- 
tion faite  par  l'acquéreur  ;  mais  l'exercice  de 
la  commife  qui  eft  ouverte  ,  fe  prefcrit  par 
trente  ans  comme  toutes  les  allions  perfon- 
lîclles. 

Le  roi  ni  ceux  qui  le  repréfentent ,  n'ufent 
pas  du  droit  de  ccmmifc  pour  les  héritages 
taillables  qui  font  tenus  de  lui  -,  mais  ils  ont 
auffi  un  droit  de  lods  éventes  plus  fort. 

Pour  ce  qui  eft  de  l'églife,  elle  n'ufe  de 
commife  fur  fes  héritages  taillables  que  dans 
les  lieux  où  elle  eft  en  pofteftion  de  ie  faire. 
^.Defpommiers  fur  les  art.  ccccxc  &  ccccxcj 
de  la  coutume  de  Bourbonnois ,  &  Jabely  fur 
Vart.  cxlv'ùj  de  celle  de  la  Marche  ,  &  Cart. 
Taille  seigneuriale. 

Commise  passive  eft  oppofé  à  com- 
mife aclive.N.  ci'dev.  COMMISE  ACTIVE. 

La  commife  paffive  peut  auffi  s'entendre 
de  la  confifcation  qui  a  lieu  contre  le  feigneur 
pour  la  mouvance  d'un  fief,  lorfqu'il  s'eft 
rendu  coupable  de  félonie  envers  fon  vaftal , 
c'eft-à-dire,  lorfqu'il  a  commis  contre  lui 
quelque  forfait  &  déloyauté  notable.  On 
trouve  dans  quelques-uns  de  nos  hiftorie*ns 
•un  exemple  fameux  de  cette  forte  de  commife 
faffîve  ;  favoir ,  celui  de  Clotaire  II ,  qui  Sui- 
vant quelques-uns  de  nos  hiftoriens,  perdit 
la  mouvance  de  la  feigneurie  d'Yvetot  dans 
le  pays  de  Caux  ,  pour  le  meurtre  par  lui 
commis  en  la  perfonne  de  Gautier ,  feigneur 
d'Yvetot.  Le  fait  à  la  vérité  paroît  juftement 
■contefté  ;  mais  ce  qui  en  eft  dit  prouve  tou- 
jours qu'on  étoit  dès-lors  dans  l'opinion  que 
la  commife  auroit  lieu  contre  le  feigneur  en 
pareil  cas. 

Commise  TAILLABLIERE,  voyei  ci- 
devant  Commise  d'un  héritage  taillablc 

Co  M  M ISE  du  feigneur  contre  le  vafjal  & 
cenfitaire.  V.  ci-devant  COMMISE  FÉO- 
DALE &  Commise  censuelle. 

Commise  </«  vafj'al  contre  le  feigneur , 
voyez  a-û'a'<zm  Commise  passive.  {A) 
COxMMISS  AIRES ,  fub.  m.  pi.  (  Junfp:) 
eft  le  nom  que  l'on  donne  à  certains  officiers 
qui  font  commis ,  foii  par  le  roi  direâ;ement , 
ibit  par  quelque  juge ,  pour  faire  certaines 
-fonélions  de  juftïce  ou  police.  Il  y  en  a  de 
plufieurs  fortes  :  les  uns  qui  font  en  titre  d'of- 
&e  ou  commiffion  permanente,  qui  font 


C  O  M 

établis  parle  roi  pour  faire  ordinairement  cer- 
taines foncf  ions;  les  autres  qui  n'ont  qu'une 
fimpie  commiflion  pour  un  temps  limité  & 
pour  une  affaire  particulière ,  foit  que  la 
commiffion  émane  du  roi ,  0>j  qu'elle  foit 
feulement  émanée  de  quelque  juge. 

La  première  ordonnance  où  l'on  trouve  le 
terme  de  commifjaire  employé,  commiffarii^ 
eft  celle  de  S.  Louis  en  1254;  depuis  ce 
temps  il  eft  devenu  d'un  ufage  fréquent  ;  nous 
expliquerons  dans  les  fubdivifions  fuivantes 
les  fondions  des  différentes  fortes  de  com^ 
mifjaires  qui  ont  rapport  à  la  juftice.  {A) 

Commissaires  AuCHATELET,(yi/- 
rifprud.  )  qu'on  appelle  auffi  commijfaires- 
enquêteurs-examinateurs  ,  font  des  officiers 
de  robe  longue  établis  pour  faire  certaines 
inftruftions  ou  fondions  de  juftice  &  police , 
à  la  décharge  des  magiftrats  du  châtelet. 

Le  commiffaire  de  la  Mare  qui  étoit  fort 
zélé  pour  l'honneur  de  fa  compagnie  ,  pré- 
tend dans  foîi  Tr.  de  la  police  ,  tom.  1 ,  1. 1  ^ 
tit.  a:i/,que  les  enquêteurs-examinateurs  font 
plus  anciens  que  les  confeillers  au  châtelet. 

Mais  il  eft  certain ,  comme  nous  le  prou- 
verons ci-après  au  mot  CONSEILLERS  au 
châtelet ,  que  ceux-ci  font  plus  anciens  ;  que 
c'étoient  eux  qui  faifoient  autrefois  les  en- 
quêtes, informations,  partages,&  toute  l'inf- 
trudion;  que  ce  qui  eft  dit  dans  les  anciens  au- 
teurs &  dans  les  regiftres  publics  jufque  vers 
l'an  1300  au  fujet  des  auditeurs  &  enquê- 
teurs ,  ne  doit  point  s'entendre  d'officiers  qui 
fuffent  en  titre  pour  ces  fondions ,  mais  de 
confeillers  ou  avocats  qui  étoient  délégués  à 
cet  t^et  par  le  prévôt  de  Paris ,  &  autres  ju- 
ges ;  il  n'eft  donc  pas  étonnant  qu'il  foit  dit  en 
plufieurs  endroits  que  lesauditeurs  &  enquê- 
teurs avoient  féance  &  voix  délibérative  au 
châtelet,  puifque  c'étoient  ordinairement  des 
confeillers  qui  faifoient  cette  fondion  ,  5c 
c'étoit  comme  confeillers  qu'ils  avoient 
cette  féance. 

On  ne  trouve  point  de  preuve  certaine 
qu'avant  l'an  1300,  il  y  eût  au  châtelet  des 
enquêteurs  ou  examinateurs  en  titre ,  &:  dont 
la  fondion  fur  permanente  &  féparée  de 
celle  des  confeillers.  {A) 

Les  examinateur?,  appelles  depuis  com- 
miffaires  au  châtelet ,  ont  eux-mêmes  re- 
connu dans  deux  arrêts  que  les  confeillers 
du  châtelet  étoient  plus  anciens  qu'eux. 


CO  M 

On  voltdans  le  [,re:nier  de  ces  arrêts ,  qui 
cft  du  5  août  1434,  qu'il  fut  dit  par  Chauvin 
&  conforts ,  examinateurs  au  châtelet ,  qu'^^ 
amiquo  il  n'y  avoit  nombre  d'examinateurs 
qui  fût  ordinaire  ;  mais  que  les  confeillers 
du  châtelet ,  qui  font  douze ,  étoient  comme 
les  confeillers  de  la  cour;  qu'eux-mêmes 
faifoient  les  enquêtes  ,  oc  ne  poftuloient 
point  en  manière  d'avocats  ;  &  que  depuis 
fut  mis  certain  nombre  d'examinateurs. 

Le  fécond  arrêt ,  qui  eft  du  10  mai  1 502 , 
fut  rendu  entre  lesfeize  examinateurs  d'une 
part ,  &  les  lieutenans  civil  &  criminel ,  & 
les  confeillers  au  châtelet  d'autre  part.  Les 
examinateurs  reconnurent ,  du  moins  taci- 
tement ,  que  leur  éreâiion  ne  remontoit 
pas  plus  haut  que  vers  l'an  1 300.  En  effet ,  à 
l'audience  du  2  mai  1 502 ,  leur  avocat  parla 
feulement  de  l'ordonnance  qui  avoit  établi 
les  feize  examinateurs  ^  fans  la  dater  :  l'avo- 
cat des  confeillers  au  châtelet  dit  qu'on  avoit 
d'abord  érigé  au  châtelet  le  prévôt  de  Paris 
&  douze  confeillers  ;  que  depuis  flirent  com- 
mis deux  lieutenans,  l'un  civil,  l'autre  cri- 
minel :  &  l'avocat  du  lieutenant  criminel  dit 
que  de  tout  temps  &;  d'ancienneté  ,plus  de 
deux  cents  ans,  &  long-temps  avant  l'érec- 
tion des  examinateurs ,  les  lieutenans  civil  & 
criminel  de  la  prévôté  avoient  accoutumé  de 
faire  jles  enquêtes  ;  qu'il  n'y  avoit  qu'eux 
qui  les  fiffent ,  n'étoient  les  confeillers  ou 
avocats  auxquels  ils  les  cammettoient  ;  que 
depuis  pour  le  foulagement  àes  lieutenans , 
qui  ne  pouvoient  bonnement  entendre  à  faire 
les  enquêtes  &  expéditions  des  procès  pen- 
dans  au  châtelet,  pour  la  grande  multitude 
des  caufes  &  affluence  du  peuple  ,  il  fut  or- 
donné par  le  roi  qu'il  y  auroit  feize  examina- 
teurs dans  cette  ville  es  feize  quartiers,  fous 
lefdits  lieutenans ,  pour  eux  s'enquérir  des  va- 
gabonds &  maléfices ,  &  le  rapporter  au  châ- 
telet ,  &  aufîi  pour  faire  nettoyer  les  rues  , 
vifiter  les  boulangers ,  &  entendre  furie  fait 
de  la  police  ;  qu'il  fut  aufli  dit  qu'Us  feroient 
les  enquêtes  des  procès  pendans  au  châtelet. 

Tels  font  les  faits  énoncés  dans  cet  arrêt, 
qui  ne  paroiffent  point  avoir  été  contredits 
par  les  examinateurs  ;  ce  qui  confirme  que 
les  confeillers  ont  été  établis  avant  les  exa- 
minateurs en  titre  ,  &  que  ces  derniers  l'ont 
eux-mêmes  reconnu. 

li  paf  oît  par  des  lettres  de  Philippe-Ie-Bel, 


C  O  M 

du  mois  d'avril  1301 ,  que  les  notaires  du 
châtelet  fe  plaignirent  de  ce  que  le  prévôt, 
les  auditeurs  ,  6»^  les  enquêteurs  ou  exami- 
nateurs faifoient  écrire  leurs  expéditions  par 
d'autres  perfonnes  qu'eux  ;  &  Philippe-!e- 
Bel  leur  ordonne  de  fe  fervir  du  miniftere 
des  notaires. 

Au  mois  de  mai  1313  ,  ce  même  prince 
trouvant  que  les  examinateurs  qui  éroient 
alors  en  place  avoient  abufé  de  l|airs  char- 
ges ,  les  fupprima  ,  &  ordonna  que  les  en- 
quêtes feroient  faites  par  les  notaires ,  ou 
par  d'autres  perfonnes  qui  feroient  nommées 
par  les  auditeurs  ou  par  le  prévôt. 

Philippe  V  ,  au  mois  de  février  1310,  or- 
donna que  les  notaires  du  châtelet  pour- 
roient  examiner  témoins  en  toutes  les  caufes 
mues  &  à  mouvoir  au  châtelet,  félon  ce  que  le 
prévôt  &  les  auditeurs  du  châtelet  leur  com- 
mettroient,  &  fpécialement  ceux  que  les 
parties  requéreroient  &  nommeroient  de 
commun  accord. 

Il  ordonna  cependant  en  même  temps 
qu'il  y  auroit  au  châtelet  huit  examinateurs 
feulement ,  qui  feroient  loyaux  &  difcretes 
perfonnes  choifiespar  les  gens  de  comptes; 
que  ces  examinateurs  pourroient  examiner 
les  témoins  en  toutes  caufes,  ayant  chacun 
pcHjr  adjoint  un  notaire.  Leur  falaire  eft  auffi 
réglé  par  la  même  ordonnance. 

Celle  de  Philippe  de  Valois ,  du  mois  de 
février  1 3  2.7  ?  fixa  le  nombre  des  examina- 
teurs du  châtelet  à  douze ,  qui  étoient  diftri- 
bués  deux  à  deux  en  fix  chambres ,  où  l'un 
interrogeoit  les  témoins,  &  l'autre  écrivoit 
les  dépofitipns.Cette  ordonnance  défend  aux 
examinateurs  de  fe  mettre  au  rang  du  fiege  du 
prévôt  de  Paris  :  elle  leur  défend  auili  d'être 
avocats ,  notaires ,  penfionnaires ,  ni  procu- 
reurs, &c  détenir  aucun  autre  office  au  châ- 
telet. Elle  règle  aufii  leurs  falaires ,  &  la  ma- 
nière de  leur  donner  les  faits  &  articles. 

llfe  trouva  quelques  années  après  jufqu'à 
vingt- deux,  examinateurs  pourvus  par  le 
roi;  c'eft  pourquoi  Philippe  de  Valois,  par 
des  lettres  du  24  avril  1337,  eniixa  le  nom- 
bre à  feize  ,  qu'il  choifit  parmi  ceux  qui 
exerçoient  alors ,  &  ordonna  que  les  fix 
furnuméraires  rempliroient  \qs  places  qui 
deviendroient  vacantes. 

Ce  nombre  de  feize  fut  confirmé  par  des 
lettres  du  roi  Jean,  du  premier  juin  1353  ; 


6^G  C  G  M 

de  Charles  V  ,  du  mois  àz  juin  1366  ;&  de 
Charles  VI ,  du  mois  de  juin  1 3  80. 

Ces  charges  étoient  recherchées  avec  tant 
d'empreiTeinent ,  que  Louis  XI  en  attendant 
qu'il  y  en  eût  de  vacantes ,  en  créa  quatre 
extraordinaires ,  par  édit  du  mois  de  janvier 
1 464  :  il  en  donna  deux  aux  nommés  AJfailly 
&  Chauvin ,  pour  récompenfe  des  lervices 
qu'ils  lui  avoient  rendus.  Mais  les feize  ordi- 
naires s'é^ant  oppofés  à  leur  réception  ,  cela 
donna  lieu  à  une  longue  conteftation;ce  qui 
engagea  Louis  XI  à  fupprimer  les  quatre 
nouveaux  offices ,  par  un  édit  du  mois  de 
mars  1473. 

AfTaiîly  eut  cependant  le  crédit  de  faire  ré- 
tablir pour  lui  un  de  ces  offices ,  &  y  fut  reçu. 

Comme  il  s'éleva  encore  à  ce  fujet  des 
difficultés;  LouisXI,au  mois  de  juin  1374, 
créa  quatre  offices  d'examinateurs  ordinai- 
res, &  en  donna  un  à  ce  nouveau  pourvu. 
Il  y  eut  oppofition  à  l'enrégiftrement ,  & 
cette  nouvelle  création  n'eut  pas  lieu. 

Au  mois  de  décembre  1477,  Louis  XI 
créa  encore  deux  nouvelles  charges  d'exa- 
minateurs ,  &  au'mois  de  février  fuivant  un 
office  d'examinateur  extraordinaire. 

Mais  Charles  VIII,  par  des  lettres  du  27 
feptembre  1393  ,  rétablit  l'ancien  nombre 
de  feize  ,  &  fupprima  les  furnuméraires  :  & 
Louis  XII  au  mois  d'oftobre  1 507 ,  ordonna 
que  ce  nombre  demeureroit  fixe  ,  fans  pou- 
voir être  augmenté. 

Cependant  François  I,  pas  fon  édit  du 
mois  de  février  i^ii  ,  en  créa  feize  nou- 
veaux ,  &  leur  donna  à  tous  le  titre  de  cnm- 
mijfaires  ^qm  renferme  tous  les  autres  titres 
qu'ils  portoient  autrefois.  Il  y  eut  plufieurs 
conteftations  entre  les  anciens  &  les  nou- 
veaux ,  qui  furent  terminées  par  farrêt  du 
grand-confeil ,  du  premier  août'  1 534  ,  por- 
tant que  les  uns  &  les  autres  jouiroient  des 
mêmes  droits  &  prérogatives. 

Il  fut  créé  le  7  feptembre  i«;70,untrente- 
troifieme  office  de  commijfaire  au  châteîet, 
&  au  mois  de  juin  1586  huit  autres  ,qui  par 
une  déclaration  du  même  mois  furent  réduits 
àfept;  ce  qui  fit  en  tout  le  nombre  de  40. 

Dans  la  fuite  ce  nombre  ayant  paru  excef- 
{îf,  eu  égard  à  l'état  où  étoit  alors  la  ville  de 
Paris ,  il  fut  ordonné  par  un  édit  d'oélobre 
1603  ,  que  ceux  qui  vaqueroient  feroient 
fupprimés ,  jufqu'à  c&  qu'Us  fuffent  réduits  à  ( 


C  O  M 

trente-deux;  mais  il  n'y  en  eut  qu'un  qui 
fut  rembourfé. 

Au  mois  de  décembre  1635  ,  Louis  XIII 
créa  vingt-un  offices  de  comm'ijjairc  au  châ- 
teîet ,  pour  faire  avec  les  trente-neuf  qui 
fubfiftoient ,  le  nombre  de  foixante.  Par  des 
lettres  du  mois  de  juillet  1638,  les  vingt-un 
nouveaux  offices  fiirent  réduits  à  neuf,  au 
moyen  de  quoi  il  y  avoit  alors  quarante- huit 
commiffaires. 

Ils  prennent  tous  le  titre  de  maîtres  ;  Se 
depuis  1668  ils  prennent  auffile  titre  de  con- 
fciUcrs  du  roi ,  en  vertu  de  lettres-patentes 
du  mois  de  juin  de  ladite  année ,  qui  leur  ont 
donné  le  titre  de  confeiUers  du  roi ,  commif- 
faires enquêteurs  examinateurs  au  châteîet 
de  Paris. 

Ces  lettres  leur  accordent  auffi  le  droit 
de  parler  couverts  aux  audiences  ;  le  droit 
de  vétérance  au  bout  de  vingt  années  d'exer- 
cice ,  la  confirmation  de  leur  franc-falé ,  & 
l'extenfion  de  leurs  privilèges  à  leurs  veuves. 
Le  roi  accorda  auffi  une  penfion  à  la  compa- 
gnie ,  &c  en  fit  efpérer  de  particulières  à  ceux 
qui  fe  diftingueroient  dans  leur  emploi. 

En  1674,  lorfque  l'on  créa  le  nouveau 
châteîet ,  on  créa  en  même  temps  dix-neuf 
commijfaires  qui  furent  incorporés  aux  an- 
ciens,  pour  fervir  en  l'un  &  l'autre  iiege. 
Par  une  déclaration  du  23  d'avril  de  la  même 
année  ,  les  dix-neuf  nouveaux  offices  fu- 
rent réduits  à  fept ,  pour  ne  compofer 
qu'un  même  corps  avec  les  quarante-huit 
anciens.  Enfin  par  fucceffion  de  temps  ,  le 
nombre  des  charges  a  été  réduit  à  cinquante , 
dont  deux  ont  été  acquifes  par  la  compagnie, 
enforte  qu'il  ne  refle  que  quarante-huit  titu- 
laires. 

La  foncflion  àes  commiffaires  en  matière 
civile,  confifte  à  appofer  &  lever  les  fcellés 
dans  la  ville  ,  fauxbourgs  &  banlieue  de 
Paris  ,  &  par  fuite  dans  toute  l'étendue  du 
royaume.  Ils  font  les  enquêtes  &  interroga- 
toires fur  faits  &  articles ,  entendent  les 
comptes  de  tutelle ,  de  commufiauté ,  d'exé- 
cution teflamentaire  ;  font  les  partages  entre 
héritiers,  les  ordres  &  contributions,  les 
liquidations  dédommages  &  intérêts,  &les 
taxes  des  dépens. 

Par  rapporta  la  police ,  ils  font  diftribués 
dans  les  vingt-un  quartiers  difFérens  de  la 
ville ,  pour  veiller  au  bon  ordre  6c  à  la  fureté 


C  O  M 

publique.  Il  y  en  a  communément  deux  ou 
trois  dans  chaque  quartier.  Ils  fontauffi  pré- 
pofés  pour  tenir  la  main  à  l'exécution  des 
réglemens  de  police  ,  &:  peuvent  faire  affi- 
gner  les  contrevenans  à  la  police  pour  être 
condamnés  en  l'apnende ,  &  en  telle  autre 
peine  qu'il  y  échet. 

En  matière  criminelle  ils  ont  auffi  plu- 
fieurs  fondions,  qui  confiftent  entre  autres 
à  recevoir  les  plaintes  qui  leur  font  portées  , 
à  faire  d'office  les  informations ,  interroga- 
toires ,  &:  procès-verbaux  préparatoires  ; 
lorfque  l'accufé  eft  pris  en  flagrant  délit,  ils 
peuvent  même  le  faire  conduire  en  prifon, 
mais  ils  ne  peuvent  pas  le  faire  écrouer.  Ils 
font  aufli  en  vertu  d'ordonnance  du  lieute- 
nant criminel  ,  toutes  informations ,  procès- 
verbaux  ,  interrogatoires  de  ceux  qui  font 
décrétés  d'ajournement  perfonnel.  Ils  ren- 
dent des  ordonnances  pour  faire  affigner  les 
témoins  en  vertu  d'ordonnance  du  juge  qui 
permet  d'informer ,  &  pour  affigner  à  com- 
paroître  au  tribunal  dans  certains  cas  , 
comme  pour  répondre  au  rapport  d'une 
plainte  ,  foit  au  civil  ou  au  criminel ,  &  pour 
affigner  en  leur  hôtel  dans  les  matières  de 
comptes ,  partages ,  ordres ,  &c. 

Enfin  ils  font  prépofés  pour  exécuter  tous 
les  ordres ,  mandemens ,  &  commiffions  des 
iieutenans  civil,  de  police  &  criminel. 

Ils  jouiffient  de  plufieurs  prérogatives  & 
privilèges  ,  tels  que  le  droit  d'avoir  une 
féance  marquée  aux  audiences  aux  pies  des 
juges,  &  à  toutes  les  affi^mblées  générales 
de  police  ;  &c  ils  peuvent  fe  couvrir  en  fai- 
fant  leur  rapport. 

Ils  ont  auffi  le  droit  de  garde-gardienne  , 
committimus  aux  requêtes  de  l'hôtel  &  du 
palais,  le  franc-falé,  exemptions  du  droit 
d'aides  &  autres  impofîtionspour  les  vins  & 
grains  de  leur  crû;  exemptions  de  tailles, 
emprunts ,  &  autres  fubiicfes  ordinaires  &: 
extraordinaires;  exemption  de  logement  de 
gens  de  guerre  &  de  fuite  de  la  cour,  de 
toutes  charges  de  ville  &  publiques,  de  tu- 
telle &  curatelle.  Le  roi  les  difpenfe  de  payer 
leur  paulette,  au  moyen  d'un  acquit  patent 
qui  leur  eft  délivré,  ainfi  qu'à  plufieurs  auires 
officiers  du  châtelet.  Ils  jouiflTeat  auffi  du 
droit  de  vétérance  ,  &:  de  plufieurs  autres. 

Oii  trouvera  un  plus  ample  détail  de  ce  qui 
concerne  l'établiflement,  les  fondions  ÔC 


COU  647 

privilèges  des  commijfairesau  chdtelct\  dans 
le  Tr.  de  la  police  ,  tome  I ,  liv.  /,  lit.  xij. 

Commissaires  du  conseil,  voye^^ 
ci-après  CoNSEiL  DU  ROI ,  à  l'article  Com- 
miJJ aires.  • 

X^OMMISS AIRES  conferi-'aeeurs gériéraux 
des  décrets  volontaires  ,  étoient  des  officiers 
établis  parédit  du  mois  de  janvieriyoS,  dans 
toutes  les  juftices  royales,  pour  avoir  inf- 
peclion  fur  tous  les  décrets  volontaires  qui 
fe  feroient  dans  leur  reflort,  confcrver  les 
droits  des  vendeurs  &  acquéreurs  des  hérita- 
ges Vautres  immeubles  décrétés  volontaire- 
ment, &  empêcher  que  par  dol ,  fraude, 
collufion  ,  ni  autrement.  Ces  décrets  volon- 
taires ne  devinrent  forcés.  L'acquéreur  qui 
pourfuivoir  un  décret  volontaire,  étoit  obligé 
de  faire  enrégiftrer  fa  faifie  réelle  &  fon  con- 
trat d'acquifition  au  bureau  de  ces  commif- 
faires ,  avant  de  faire  procéder  aux  criées. 
Onleur  donna  des  contrôleurs, &  on  attribua 
aux  uns  &  aux  autres  des  droits  fur  les  dé- 
crets ,  &  différens  privilèges.  Mais  les  con- 
trôleurs furent  réunis  aux  commijjaires  pour 
toutes  les  jufiices  de  la  ville  ,  fauxbourgs  & 
généralité  de  Paris,  par  une  déclaration  di\ 
19  février  1709;  &  par  une  autre  déclaration 
du  9  avril  îliivanf,  il  fut  ordonné  que  les 
offices  de  commijfaires  des  décrets  volon- 
taires anciens  ,  alternatifs  &  triennaux ,  dans 
les  cours  &  jurifdidions  de  la  ville,  faux- 
bourgs  &:  généralité  de  Paris,  &  ceux  de 
leurs  contrôleurs ,  feroient  exercés  fous  les 
titres  à^ anciens  mi-triennaux ,  &  ai  alterna- 
tifs mi-triennaux. 

Ces  offices  àe  commijfaires  furent  fuppri- 
méspour  la  Bourgogne ,  par  un  éditdu  mois 
de  mai  1708  ;  &  par  un  autre  édit  du  mois 
d'août  171 8  ,  ils  forent  fupprimés  dans  tout 
le  refte  du  royaume.  Cet  édit  a  feulement 
réfervé  la  moitié  du  droit  qui  fe  payoit  pour 
les  décrets  volontaires.  Voye:^  ce  qui  eft  dit 
de  ces  offices ,  dans  le  Traité  de  la  vente 
des  immeubles  par  décret  de  M.  d'Héricourt, 
pan,  I  ,  ckap.  dernier ,  n.  S. 

Commissaires  DES  dé  ci  mes,  furent 
créés  par  édit  de  novembre  1703  »  pour  faire 
dans  chaque  diocefe  le  recouvrement  des 
décimes  :  mais  par  déclaration  du  4  mars 
1704 ,  ils  furent  réunis  aux  offices  de  rece- 
veurs généraux  &  particuliers. 

Commissaires  aux  décrets  yo- 


^45  C  O  M 

LONTArnES,  V.  ci-dcv.  Commissaires 

confevatèurs  généraux  des  décrets  volon- 
taires. 

Co  M  MISS  AiRïS  départis  par  le  roi  dans 
les  provinces.  ^^07^:5;  IntENDANS. 

Commissaires  enquêteurs  exa- 
minateurs, (Jwifp.J  font  des  officiers 
de  robe  longue,  établis  pour  faire  certaines 
inftruftions  &  fonctions  de  juftice  &  poli- 
ce, à  la  décharge  des  juges  tant  civils  que 
criminels  ,  &  de  police. 

De  la  Mare ,  en  fon  Tr.  delà  police ,  tom, 
/,  liv.  ly  tit.  xij ,  fait  remonter  l'origine  dt 
ces  officiers  jurqu'aux  temps  les  plus  reculés. 
Il  y  avoit ,  feloniui ,  de  femblables  officiers 
chez  les  Hébreux ,  chez  les  Grecs  Se  chez  les 
Romains.  Il  prétend  que  chez  tous  ces  peu- 
ples ,  &  en  particulier  chez  les  Romains  ,  il 
y  avoit  deux  fortes  d'officiers  principaux 
établis  auprès  des  magiftrats ,  &  qui  en- 
troient en  participation  de  foins  &  de  leurs 
tondions;  que  les  uns,  qui  font  toujours 
nommés  ûjfejfores  magiftratuum  ,  étoient 
établis  pour  affifter  le  magiftrat  au  tribunal, 
&  lui  donner  avis  &  confeil  dans  le  juge- 
ment &  la  décifion  des  affaires  les  plus  im- 
portantes; &  que  c'eft  de-là  que  le  nom  de 
confdlUr  tire  fon  origine  ;  que  les  autres 
étoient  deftinés  à  veiller  fur  le  peuple ,  à  faire 
une  partie  des  inftruftions  néceffaires  ,  &:  à 
décharger  les  magiftrats  de  certaines  fonc- 
tions auxquelles  ils  ne  pouvoient  fuffire  ;  que 
ces  officiers  étoient  prépofés  pour  faire  les 
enquêtes  &  entendre  les  témoins  ,  &  en  gé- 
néral pour  la  recherche  des  preuves  ;  que  c  e- 
\.6\QT\\^\ix(\\x^^  on-à^^z'X6\iadjutores  magif- 
tratuum  ,  fervatores  loci^  curatores  urbis  , 
vicarii  magiflratuum  ,  defcnfores  civitatis , 
quœJîtoreSy  inquijltores  ^  auditores  y  difcuf- 
fores. 

11  ajoute  que  les  Romains  ayant  conquis  les 
Gaules ,  &  y  ayant  établi  le  même  ordre  que 
dans  l'empire  pour  l'adminiftrationdelajuf- 
tice ,  y  inftituerent  des  enquêteurs  examina- 
teurs ",  &  que  nos  rois  ayant  trouvé  cet  ufage 
établi  dans  les  Gaules,  le  conferverent. 

Il  cite  un  édit  de  Clotaire  II ,  de  l'an  615, 
&  plufieurs  autres  ordonnances  rendues  en 
différens  temps  ,  &qui  font  rapportées  dans 
les  capitulaires,  où  il  eft  parlé  de  ces  offi- 
ciers ,  appelles  mijjl^  difcujfores  ,  inqui/ùo- 1 
Tes  y  adjutores  ,  A«  vicarii  comitum  ,  &c. 


C  O  M 

De-là  il  pafTe  au  détail  des  différentes  fonc- 
tions de  police  qui  étoient  remplies  par  ces 
officiers ,  dont  les  principales  étoient ,  dit-il , 
de  recevoir  les  loix  &  les  ordonnances  par 
les  mains  des  comtes ,  pour  les  faire  enfuite 
entendre  &:  oblerver  aux  citoyens  ;  de  veil-^ 
1er  à  ce  que  rien  ne  fût  entrepris  ,  ni  aucuns 
difcours  tenus  contre  le  fervice  du  roi  ou  le 
bien  public  ;  de  maintenir  le  bon  ordre  6>:la 
difcipline  en  toutes  chofes  ,  enforte  que  les 
gens  de  mauvaife  volonté  fuftent  contenus 
dans  leur  devoir,  les  vagabonds  chaffés ,  les 
pauvres  protégés,  &  que  les  gens  de  bien 
vécufTent  en  lûreté  &c  en  paix;  de  recher- 
cher tous  les  abus  ,  malve!  fations  &  crimes 
qui  fecommettoientdans  le  public;  de  faire 
arrêter  les  coupables,  en  informer  &  faire 
les  autres  inftruclions  pour  parvenir  à  les 
faire  corriger  ou  punir,  d'interroger  les  mal- 
faiteurs qui  étoient  arrêtés  ,  Se  dévoient 
d'abord  être  conduits  devant  eux  ;  d'empê- 
cher le  port  des  armes  défendues  ;  &  qu'on 
n'en  tranfportât  aux  étrangers  fans  ordre  du 
roi:  de  veiller  fur  les  étrangers  qui  arrivoient 
dans  leurs  départemens,  en-  tenir  regiftre, 
ai.  ne  les  y  foufFrir  demeurer  que  le  temps 
permis  par  les  loix;  d'avoir  l'infpedion  fur 
e  commerce ,  les  arts  &:  métiers ,  pour  y  faire 
obferver  l'ordre  établi  par  les  réglemens  ; 
vifiter  les  marchés ,  y  procurer  l'abondance 
des  vivres  &  autres  denrées  néceffaires  à  la 
fubfiftance  des  citoyens,empêcher  qu'il  nefe 
commît  aucune  fraude  ,  fait  en  la  qualité  ou 
au  prix  ,  foit  au  poids  ou  en  la  mefure  ,  & 
fur-tout  pour  les  grains  ,  le  pain ,  le  vin  èf 
la  viande  ;  pour  faire  entretenir  le  pavé ,  net- 
toyer les  rues,  réparer  les  grands  chemins. 

Enfin  félon  lui,  ces  comrriijffaires  avoient 
toute  l'autorité  des  comtes  en  leur  abfence , 
&  les  repréfentoient  dans  toutes  leurs  fonc- 
tions, Ilstenoientmême,à  ce  qu'il  dit , leurs 
audiences;  mansilsne  connoiffoientquedes 
caufes  pures ,  perfonnelles  i  &  jufqu'à  une 
certaine  fomme. 

M,  de  la  Mare  convient  que  dans  ce  même 
temps  les  comtes  avoient  des  confeillers 
qui  affiftoient  au  jugement  des  affaires  ,  au 
nombre  de  fept  ou  de  douze ,  félon  l'impor- 
tance de  la  matière  ;  que  ceux-ci  furent 
nommés  en  certains  l'ieux/cabini^  &  end'au- 
t:es  ruckimburgi ,  noms  dérivés  de  la  langue 
allemande  :  mais,  feion  lui ,  les  commiJJ'aires 

ou 


CO  M 


C  O  M 


^49 


èhï  enquêteurs  étoicnt  des  officiers  differensT  refit  encore  long-temps  unies  ;  enfin  que  fi 

i_^    r-ii   .^  I' !^ I 1-  : r-:.._  i__   -.. 


des  confeillers 

Depuis  l'an  922  ,  temps  auquel  finiflent 
les  capitulaires ,  jufqu'au  règne  de  Philippe- 
Auguftc ,  l'état  fut  11  agité  de  troubles 
domefliques  ou  de  guerres  étrangères ,  que 
l'adminiltration  de  la  juftice  fut  fort  négli- 
gée :  les  juges  établis  par  les  feigneurs  en 
changèrent  la  forme  ;  &  M.  de  la  Mare 
tient  que  ce  ne  fut  plus  que  dans  les  villes 
royaks  ^  ou  dans  celles  que  nos  rois  don- 
noient  en  partage  aux  princes  de  leur  fang 
que  l'ufage  des  commijjaires  examinateurs  & 
àQs  confeillers  des  magiflrats  fut  confervé. 

Pour  preuve  de  ce  qu'il  avance ,  il  cite 
deux  auteurs  ;  favoir  Ughellus  contempo- 
rain de  Henri  I ,  qui  écrivoit  l'an  1033  ,  & 
Baldricus  fous  Philippe  I ,  l'an  1039  ;  lefquels 
rapportent  que  de  leur  temps  il  y  avoit  des 
officiers  établis  pour  aider  les  juges  dans  la 
recherche  &  la  découverte  de  la  vérité  ;  que 
les  affaires  leur  étoient  renvoyées  pour  les 
inftruire  ;  qu'ils  entendoient  les  témoins ,  en 
référoient  aux  juges,  affifloient enfuite  avec 
eux  au  jugement  ;  &  que  par  rapport  à  leurs 
fondions ,  ils  étoient  nommés  inquijitores  & 
auditores. 

M.  de  la  Mare  {îippofe  donc  comme  cer- 
tain ,  que  dès  le  commencement  de  la  mo- 
narchie il  y  avoit  à  Paris  des  auditeurs  ou 
enquêteurs  examinateurs  ,  &  que  la  fonc- 
tion de  cts  officiers  étoit  diftinde  &  féparée 
de  celle  des  confeillers ,  qu'il  prétend  n'avoir 
été  établis  qu'en  13^7*  Mais  nous  avons  déjà 
obfervé  ci-devant  au  /720i  COMMISSAIRES 
AU  Chatelet  ,  qu'il  n'y  a  point  de  preuve 
certaine  qu'il  y  eût  des  commijjaires  en  titre 
avant  l'an  1 300  ,  &  l'on  étabhra  ci-après  au 
mot  Conseillers  au  Chatelet  ,  que 
ceux-ci  font  beaucoup  plus  anciens  que  les 
enquêteurs  examinateurs. 

Il  y  a  donc  heu  de  croire  que  tout  ce  qui 
efl  dit  dans  les  anciens  auteurs  des  enquê- 
teurs &  examinateurs  ,  ne  doit  s'entendre 
que  des  afïèfleurs  ou  confeillers  des  juges  , 
qui  réunilToient  alors  les  fondions  de  con- 
jfeillers  &:  celles  de  commijjaires  enquêteurs 
examinateurs  ;  &  que  ce  ne  fut  que  vers  l'an 
1300  que  la  fondion  de  ces  derniers  com- 
mença -1  être  féparée  à  Paris ,  à  caufe  de  la 
grande  affluence  des  affaires  ;  que  dans  les 
jproviiices  cts  diverfes  fondions  demeure-» 
Tome  VIIL 


l'on  nommoit  quelquefois  pour  faire  les  en- 
quêtes d'autres  perfonnes  que  des  confeillers, 
la  fondion  de  ces  commijjaires  n'étoit  que 
momentanée ,  &  que  ce  n'étoienr  point  des 
officiers  ordinaires  ni  en  titre.  Voye:[  ce  qui 
eil  dit  ci-devant  au  mot  CoMMTSSAIE.ES. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage  ici 
fur  ce  qui  concerne  les  commijjaires  enquê- 
teurs examinateurs  de  Paris  ,  ayant  déjà 
traité  cet  objet  au  mot  COMMISSAIRES  AU 
Chatelet. 

A  l'égard  des  autres  commijjaires  enquê- 
teurs examinateurs  ^  les  différentes  créations 
de  ces  offices  font  marquées  dans  le  didion- 
naire  des  arrêts ,  au  mot  commijjaires ,  «.  13. 
Leurs  fondions  font  à-peu-près  les  mêmes 
que  celles  des  commijjaires  au  chatelet.  Les 
réglemens  intervenus  à  ce  (u  jet  font  rapporté» 
par  Joly ,  tome  II  y  liv.  III  y  tit.  xvj. 

Il  y  a  eu  des  commijjaires  examinateiirs 
créés  pour  les  éledions  ,  &  d'autres  pour  les 
greniers  à  fel  ;  mais  ces  offices  ont  été  fup- 
primés.  {A) 

Commissaires  envoyés  par  le 
Roi,  royf:^  Intend  ans. 

Commissaires-experts  :  on  donne 

quelquefois  aux  experts  la  qualité  de  commij- 
jaires y  parce  qu'en  effet  ils  font  commis  par 
jnffice  pour  faire  leur  rapport  liir  quelque 
chofe.  Vojei  la  pratique  d'Imbert ,  iiy.  I  y 
ch.  Ixj  y  &  aux  notes.  {A) 

Commissaires  DES  foires,  omdes 
Gardes  des  Foires  de  Champagne 

ET  DE  Brie  ,  étoient  des  officiers  députés 
par  le  roi  aux  foires  de  Champagne  &  de 
Brie  ,  pour  la  confervation  des  privilèges  de> 
CCS  foires.  Ils  avoient  à  leur  tête  un  maître  ou 
garde  des  foires,  comme  on  voit  par  des  lettres 
de  Philippe  VI,  du  mois  de  décembre  133 1. 
Ils  étoient  chargés  de  faire  exécuter  les  man* 
démens  du  maître  des  foires  ;  comme  il  eff 
dit  dans  une  ordonnance  du  même  roi ,  da 
mois  de  juillet  1344,    art,  xvj.  {A) 

Commissaires  {Grands) ,  voyei  Par- 
lement ù  Commissaires.  {A) 

Commissaires  AUX  Inventaires, 
étoient  des  officiers  créés  pour  la  confedion 
des  inventaires  qui  fe  font  des  biens  des  dé- 
funts. Par  édits  des  mois  de  mai  1622  ,  &; 
décembre  1639  ,  il  enfiJt  créé  dans  les  re(^ 
l  forts  des  parleoaens  de  Touloufe ,  Bordeaiu^ 

Nnnft 


^50  C  O  M 

&  Aix  ,  &  des  greffiers  pour  écrire  fous  eux 
ces  inventaires.  Il  n'y    eut  qu'un  très-petit 
nombre  de  ces  offices  qui  furent  levés  ,    & 
cette  création  n'eut  point  lieu  dans  le  reffort 
àes  autres  parlemens.  Ces  premiers  offices  de 
4:ommîJJaires  aux  inventaires  &  leurs  gref- 
fiers furent  fupprimés  par  édit  du  mois  de 
mars  172.0 ;  lequel  au  lieu  de  ces  offices,  en 
créa  d'autres  fous  le  titre  de  confeiilers  du  roi 
eommijfaires  aux  inventaires  ,  dans  tous  les 
îieux  où  la  juftice  appartient  au  roi ,   à  l'ex- 
ception de  la  ville  de  Paris  ,  où  îes  notaires 
furent  confirmés  dans  la  pofïeffion  où  ils  font 
de  faire  (èuls  les  inventaires.  On  créa  quatre 
de  ces  nouveaux  commijj aires  dans  les  villes 
où  il  y  a  cour  fupérieure ,  deux  dans  chacune 
des  autres  villes  où  il  y  a  préfidial ,  bailliage 
ou  fénéchauffée  rcffornfTant  es  cours  y    & 
un  dans  chaque  ville  &  bourg  où  il  y  a  jurif- 
didion  royale  ordinaire,  pour  procéder  feuls, 
à  l'exclufion  de  tous  autres  officiers,  lorfqu'ils 
€n  feroient  requis ,  à  l'appofition  &  levée  des 
fceilés  &  aux  inventaires  des  biens  meubles 
&  immeubles  ,  titres  ,  papiers  &  enfeigne- 
ftiens  des  défunts,   même  aux   inventaires 
qui  feroient  ordonnés  par  }.uffice  lors    des 
banqueroutes  &  faillites  des  marchands ,.  né- 
gocians ,  ou  autres  cas  femblables  ,j  à  l'effet 
de  quoi  ils  dévoient  avoir  chacun  leur  fceau 
pour  i'appofirion  des  fceilés.  On  créa  par  le 
même  édit  pareil  nombre  de  greffiers  dans 
chaque  ville  pour  écrire  les  inventaires.  Cet 
^ditne  fut  pas  exécuté  dans  quelques  provin- 
ces ,  comme  en  Artois  ;  &  les  inconvéniens 
que  l'on  reconnut  par  la  fuite  dans  cts  offi- 
ces ,  déterminererM:  à  les  fupprimer  par  une 
déclaration  du  "j  décembre  1714..  (^) 

Commissaires  aux  Main-mises,  font 
ceux  ét.iblis  aux  failles  féodales  qui  fe  font 
en  Flandre  &  dans  le  Hainaut ,  que  l'on 
appelle  main-mifes  au  lieu  de  faijîe  Jéodale. 
Par  l'éditde  février  1692  ,  on  créa  des  eom- 
mijfaires receveurs  des  faiiies  réelles  en  Flan- 
dre &  Hainaut  ;  &  par  une  déclaration  du  2 
janvier  1694  ,  il  fut  ordonné  que  ce^  mêmes 
eommijfaires  feroient  établis  à  toutes  \e^ 
main-mifes  qui  fe  feroient  tant  en  Hainaut 
qu'en  Flandre.  {A) 

Commissaires  JURÉS  de  la  Marée, 
font  ceux  qui  ont  infpedion  &  jurifdidiort 
fur  èies  vendeurs  de  marée.  11  en  eiî  parlé 
4ans  une  ordonnance  du  roi  Jean ,  du  moi& 


C  O   M 

de  févfîcr  i3^o,.amWe  ^5)..  Foyq  CHAM- 
BRE DE  LA  Marée.,  (yi) 
Commissaires    députés   sur    le. 

FAIT  des  MoNNOIES,    V.  MONNOIES»- 

Commissaires  nommés  par  le  Roi  , 
font  des  magifîrats  commis  par  S.  M.  pour- 
certaines  afiaires  ,  comme  pour  la  vente  , 
échange  ou  autre  aliénation  de  quelques  do- 
maines, de  rentes  affignées  fur  les  revenus, 
du  roi ,  ou  pour  connoitre  d'une  affaire  par- 
culiere  ,  fbit  civile  ou  criminelle  ,  ou  de 
toutes  les  affaires  d'une  certaine  nature.  Voy^ 
c/-a/rr<?i  Conseil  ,  à  tajuldivifionCoM.- 
missaires.  {a) 

Commissaires  sur  les  Ordonnan- 
ces du  Roi  ,  étoient  ài:s  gens  du  confèil  5,. 
que  le  roi  commertoit  pour  délibérer  avec  le 
parlement  fur  les  nouvelles  ordonnances.  Le 
roi  Jean  finit  une  c>rdonnance  de  1351  ,  en 
difant  que  s^il  y  a  quelque  chofè  à  y  ajouter  ^ 
changer  ou  interpréter  j,  cela  fe  fa*a  par  des 
co/:^/72/^^Vej' qu'il  députera  à  cet  efièt ,  &: 
qui  en  délibéreront  avec  les  gens  dti  parle- 
ment. Ordonnance  de  la.  troijieme  race  ^  tome- 
II y  pagejSo.  {A) 

Commissaires  nu  parlement  ;  V. 
âVart^  Parlement  ,  le  §.  Commijfaires^ 
[A) 

Commissaires^!?  partes  ,  font  ceux: 
que  l'on  choifit  dans  le  lieu  mêm.e  cù  fe  doir 
remplir  la  commiffion ,  à  la  difiérence  de  ceux 
qui  fe  tranfportent  à  ctt  effet  fur  les  Heux,.  On. 
nomme  autant  que  l'on  peut  des  eommijfaires 
ad  partes ,  pour  éviter  aux  parties  les  frais  dtt 
tranlport.  Cela  le  pratique  en-  plufieurs  cas  y. 
comme  lorfqu'il  s'agit  de  faire  une  enquête  ou* 
une  information  ,  un  interrogatoire  fur  faits 
&  articles  ,%n  procès-verbal.  L'ordonnance- 
de  Philippe  V  ,  du  mois  de  février  13 18  ,  art^. 
s,  y  dit  qu'au  cas  que  les  parties  feront  d'ac- 
cord en  parlement  de  prendre  àes  commif-^ 
faire  s  en  leur  pays,  il  leur  en  fera  odroyé , 
afin  que  chacun  puiffe  pourfuivre  fa  cauiê  à 
moins  de  frais  ,  Ùc.  Voye-^  la  pratique  d'Ln- 
bert ,  liv.  I ,  ch.  xxxix.  {A) 

Commissaires  {Petits)^  voy.  Parle^ 
MENT  au  §.  Çommijfaires^  (A) 

Commissaires  de  Police  ,  font  dé» 
officiers  de  robe  établis  dans  certaines  villes 
pour  aider  le  juge  dé  police  dans  fes  fonc- 
tions ;  commç  pour  faire  la  police  dans.  le$ 


C  O  M 

Tues  &  marchés ,  faire  des  vifites  &  procès- 
verbaux.  Les  commijfaires  au  châtelet  de 
Paris  &  les  CGmmiJJaires  enquêteurs  &  exa- 
minareurs  établis  dans  plufieurs  autres  villes  , 
font  des  commijfaires  de  police  qui  ont  des 
titres  plus  ou  moins  étendus  ,  lèlon  les  édits  de 
création  de  leurs  charges.  Voye\  ce  qui  eft 
dit  ci-devant  awarmofj- COMMISSAIRES  AU 

Chatelet  ,  &:aî/x/7zorj Commissaires 

ENQUÊTEURS  EXAMINATEURS.  {A) 

COMM,ISSAIRES  RECEVEURS  ET  GAR- 
DES DÉPOSITAIRES  DANS  LES  SiEGES 
d'Amirauté  ,  furent  fupprimés  par  l'édit 
du  mois  d'odobre  17 16.  (^A) 

Commissaires  réformateurs, K. 
Réformateurs.  [A) 

Commissaires  aux  Requêtes  du 
Palais  ,  voye-{  Parlement  &  Requè-- 
tes  du  palais,  {a) 

Commissaires  aux  Saisies  réel- 
les ,  voye\  Saisies  réelles.  {A) 

Commissaires  séquestres  ,  voye\ 
Séquestres.  [A) 

Commissaires  du  Roi  contre  les  ufu- 
res  y  étoient  ceux  à  qui  le  roi  donnoit  com- 
mifîîon  de  réprimer  les  ufures  des  Lombards , 
Italiens  &  autres  qui  prêtoient  à  un  intérêt 
plus  fort  que  celui  qui  étoit  permis  par  les 
ordonnances.  On  trouve  dans  le  fécond  vo- 
lume des  ordonnances  de  la  troifieme  race  , 
un  mandement  du  roi  Jean  ,  du  mois  d'avril 
13  50  ,  adrefTé  à  l'abbé  de  Saint-Pierre  d'Au- 
xerre ,  commijfaire  fur  le  fait  des  Lombards 
&  Italiens  ufuricrs.  {A) 

Commissaires  des  Tailles  ,  furent 
créés  par  édit  du  mois  de  Juin  1702,  pour 
faire  dans  chaque  éleâion  l'exécution  de  toutes 
les  contraintes  décernées  par  les  receveurs 
des  tailles  &  leurs  commis  pour  le  recouvre- 
îiicnt  des  tailles ,  crues  y  jointes  &  autres 
impoiîtions.  Ces  commijfaires  furent  fubfti- 
îués  aux  huiffiers  des  tailles,  pour  la  faculté 
que  ceux-ci  avoient  de  faire  tous  exploits  en 
matière  de  tailles  :  ils  ont  depuis  été  iuppri- 
més.  i^A) 

Commissaire  vérificateur  des 
RÔLES  des  tailles  ;  ce  titre  étoit  attaché 
à  l'office  de  confèiller  lieutenant-criminel , 
créé  dans  chaque  éledion  par  édit  du  mois 
d'août  1693.  Sa  fondion  ,  en  qualité  de  <:»/7Z- 
mijffaire  pe'rificateur  ,  étoit  de  faire  la  vérifi- 
cation &  fignaturc  des  rôles  des  tailles ,  tail- 


C  O  M  ^51 

Ion ,  fubfides  ,  Ùc.  faites  par  les  afTécurs  &: 
coUedleurs  ;  mais  ces  offices  de  lieutenans- 
criminels  commiffaives-^vérificateurs  ,  ont 
été  fupprimés  par  un  édit  du  mois  d'août 
17M.  {A) 
Commissaires  provinciaux  ,  dans 

l  artillerie^  font  des  officiers  qui  commandent: 
les  équipages  de  l'artillerie  en  Tabfence  des 
lieutenans,  6c  qui  doivent  être  préfens  k  tous 
les  raouvemens  qui  fe  font  dans  les  arfenaux. 
Leurs  principaux  foins  font  : 

Devoir  fi  les  armes  de  guerre  font  bien 
claires  &  bien  entretenues; 

Si  Its  magafms  font  bien  fermés  de  portes 
&  de  fenêtres  ; 

S'il  ne  manque  rien  aux  afïuts  des  pièces  ; 
&  fi  l'on  pourroit  s'en  iervir  en  cas  de  befoin; 

Si  les  armes  pour  les  pièces  font  en  bon  état; 

Si  les  pièces  ne  font  point  engorgées  ou 
chambrées  ; 

S'il  y  a  fuffifamment  de  poudre  dans  la 
place  pour  fa  défenfe  en  cas  d'attaque ,  enfin 
il  doit  examiner  fi  toutes  les  chofês  qui  con- 
cernent l'artillerie  font  en  bon  état  &  en 
quantité  fuffifantc. 

Il  doit  avoir  une  clé  du  magafin  ;  le  gou- 
verneur une  autre  ;  le  contrôleur  ,  s'il  y  en  a 
un  dans  la  place  ,  la  troifieme  ;  &  le  garde-. 
magafin  la  quatrième.  Ils  ne  doivent  pas  en- 
trer dans  le  magafm  les  uns  fans  les  autres. 

Après  les  commijjaires  proi'inciaux  ij  y  a 
\ei  commijfaires  ordinaires  ,  qui  ont  les  mê-- 
mes  fondions ,  &  qu'on  répand  indifFérem-. 
ment  dans  les  places  &  dans  les  équipages. 

Il  y  aaufli  àts  commijfaire  s  extraordinaires 
qui  fervent  de  même.  (Ç) 
Commissaire  général  des  Fontes, 

eft  un  titre  qui ,  dans  X artillerie  ,  efl  ordinai- 
rement la  récompenfe  àts  anciens  &  habiles 
fondeurs.  Il  dépend ,  aufG-bien  que  les  appoin- 
remens  &  les  privilèges  qui  s'y  attachent ,  de 
la  pure  volonté  du  grand-maître.  (O) 

Commissaire  général  de  la  Ca- 
valerie"", efl  un  officier  ,  qui  cft  le  troifie- 
me de  la  cavalerie  n'ayant  au-defîîis  de  lui .■ 
que  le  meflre-de-camp  général  &  le  colonel 
général.  La  principale  fondion  du  commif^ 
faire  général  efl  de  tenir  un  état  de  la  cava- 
lerie ,  d'en  taire  la  revue  lorfqu'il  lui  plaît  ;  de 
rendre  compte  au-  roi  de  la  force  des  rcgi- 
mens  &  de  la  conduire  des  officiers.  Il  com- 
mande ordinairement  la  cavalerie  dans  l'ai- 

N  n  n  n  2 


€^1  C  O  M 

mée ,  où  il  fert  avec  la  même  autorité  que  le 
colonel  général  &  le  mefîre-cie-camp  général  ; 
il  a  les  mêmes  honneurs  &.  les  mêmes  appoin- 
temens  de  campagne.  Cette  charge  vaut  fix 
mille  liv.  par  an  fans  le  cafuel.  Il  a  un  régi- 
ment qui  lui  eft  affeâé  fous  le  nom  de  régiment 
iie  commijpiire  général,  {Q) 

Commissaire  des  Guerres,  font  des 
officiers  chargés  de  la  conduite  ,  police  & 
difcipline  des  troupes ,  &  de  leur  faire  obfer- 
ver  les  ordonnances  militaires.  Ils  peuvent 
procéder  contre  ceux  qui  contreviennent  aux 
■ordonnances  ,  par  interdiction  d'officiers  , 
arrêts  d'appointemens  &  même  àcs  pcrfon- 
nes ,  fuivant  l'exigence  des  cas  :  ces  interdic- 
tions &  arrêfs  des  perfonnes ,  ne  peuvent  être 
levées  fans  ordre  de  fa  majcflé. 

Ils  marchent  en  toute  occaiion  à  la  gauche 
du  commandant  de  la  troupe,  dont  ils  ont 
la  conduite  &  police.  Dans  une  place  de 
guerre  ils  marchent  après  le  lieutenant  de  roi  ; 
&  en  fon  abfence  ,  après  celui  qui  commande 
dans  la  place-. 

Ceux  qui  font  employés  dans  les  armées 
ont  le  détail  des  hôpitaux  y.  du  pain  y  de  la 
viande ,  &<;.  fous  les  ordres  de  l'intendant. 
Ils  font  les  inventaires  du  grain  qui  fe  trouve 
dans  les  lieux  voifms  de  l'armée ,  &  ils  ont 
la  conduite  des  convois  qui  fe  font  par  voi- 
ture. M.  d'Héricourt ,  élém.  de  Van.  milit. 

Commissaire  GÉNÉRAL  DES  Vivres, 

c'eft  à  l'armée  celui  qui  eft  chargé  de  tout  ce 
qui  concerne  la  fubfiftance  des  troupes.  Il 
doit  faire  les  magafms  dans  les  lieux  les  plus 
convenables  ,  pour  erre  prêt  à  faire  fes  four-, 
nitures  lors  de  l'ouverture  de  la  campagne, 
il  prend  l'ordre  du  général  pour  la  marche 
des  convois  ;  il  fait  faire  la  difîribution  du 
pain  de  munition  par  àts  commis  qui  Çonz 
il  la  fuite  des  caifTons  ,  ou  dans  les  villes  ; 
lefquels  commis  tiennent  des  regifires  de  ce 
qu*ils  délivrent  aux  majors  ou  aux  aides-ma- 
jors des  régimens  ,  fuivant  la  revue  des  com~ 
mijjaires.  Le  pain  de  munition-doit  pefer  trois 
livres;  il  fert  pour  deux  jours.  Il  y  a  deux  tiers 
de  froment  &  un  tiers  de  feigle  ,  dont  on  tire 
trois  livres  de  fon  &  quinze  livres  de  farine 
qu'on  pétrit  avec  dix  livres  d'eau.  (Q) 

Commissaire  des  Montres  ,  (  Ma- 
rine.  )  officier  dont  la  fondion  ttt  de  faire 
4«s  revue»  (ur   les  vaiHèaux  hgliaEKioi^  ^ 


C  O  M 

nu  défaut    d'un    confeiller  de     ramiratuef. 

On  appelle  encore  en  Hollande  commif- 
faires  des  ports ,  ceux  qui  ont  l'infpedion  fur 
tout  ce  qui  entre  ou  fort  ^qs  ports  des  Pays- 
bas  ;  &  commijj'aires  des  ventes ,  ceux  qui 
ont  foin  d'annoncer  les  ventes  des  choies 
confifquées,  &  d'y  veiller.  Chamhers. 

Commissaire  général  des  Re- 
vues ,  (  Art  militaire.  )  eft  en  Angleterre  , 
celui  qui  fe  tait  rendre  un  compte  exad  de 
l'état  de  chaque  régiment ,  les  pafîë  en  revue , 
prend  foin  que  les  cavaliers  foient  bien  mon- 
tés ,  &  que  toutes  les  troupes  foient  bien  ar- 
mées &  bien  équipées.    Ibid. 

Nous  n'avons  point  en  France  de  pareil 
officier  ;  il  n'y  a  que  le  commiflaire  général 
de  la  cavalerie  qui  a  bien  les  mêmes  fonc- 
tions ,  mais  pour  la  cavalerie  feulement.  V. 
Revue.  {Q) 

Commissaires  de  la  Chambre  des 
Assurances  ;  on  nomme ainfi  en  Hollande 
à^s  juges  commis  pour  régler  les  affaires  de  la 
chambre  des  afîurances  ,  établie  à  Arafter.* 
dam  en  159^-  ^^s  juges  font  au  nombre  de- 
trois  ,  qui  doivent  juger  conformément  aux 
réglemens  flatués  touchant  le  fait  des  aflu— 
rances ,  particulièrement  fur  ce  qui  regarde 
It^  avaries ,  dont  ils  ne  peuvent  charger  les 
aflureurs  au-delà  de  ce  qui  eft  porté  dans  ces 
r-églemens.  Ils  ont  néanmoins  le  pouvoir  de 
condamner  aux  dépens.  !>/(?.  ^f  Comm.  V^, 
Chambre  des  Assurances. 

Commissaires  des  Manufactu- 
res ;,  ce  font  ceux  qui  fontcommis  de  la  pare 
du  roi  à  Paris  &  dans  les  provinces,  pour, 
tenir  la  main  à  l'exécufion  dès  réglemens  con- 
cernant la  fabrique  des  étoffes  &  des  toiles,. 
Ils  font  plus  connus  fous  le  nom  à^infpecleurs- 
des  manufactures.  Voye-\  INSPECTEURS; 
Id.  ibid. 

Commissaire  des  Pauvres  ,  (Hifl:. 
rnod.  )  bourgeois  chargé  de  recueillir  les  de- 
niers de  la  taxe  pour  les  pauvres.  Cette  taxe 
le  fait  tous  les  ans  à  un  bureau  général.  Cha- 
que paroifl'e  a  fon  commijjaire.  Il  efl  le  diftri-- 
buteur  d'une  partie  des  aumônes  de  cette  pa- 
roilfe;  il  a  foin  quand  un  pauvre  meurt ,  dé- 
faire vendre  les  meubles  ,  &  d'en  porter  les 
deniers  au  bureau.  On  donne  le  titre  de  com- 
rrtijfaires  du  grand  bureau  des  pauvres  ,  à 
ceux  qui  ont  la  voix  adive  &  paffive  à  ce  bu- 
reau* le  commiiTarkc  des  {>auvres  cp&duifi- 


C  O  M 

au  tîrre  de  rcargu illier,  &  le  commîflariat  du 
grand  bureau  conduit  à  la  direction  d'hô- 
pital. 

*  COMMISSION  ,  C  f.  (  Gram.  )  fe  dit 
1°.  d'un  ordre  qu'un  fupérieur  dans  une  mai- 
fbn  donne  à  un  inférieur ,  pour  être  exécuté 
au  dehors  ;  20.  de  la  charge  de  quelque  achat, 
ou  d'une  autre  affaire  légère ,  &  de  pareille 
nature  ,  donnée  à  quelqu'un  qui  veut  bien  la 
prendre  ;  3**.  d'un  emploi  ou  conilant  ou 
palîàger  ,  auquel  on  a  attaché  des  devoirs  & 
«les  éraolumens.  Voyei  COMMIS  ,  &  ks  ar- 
ticles fuip  ans. 

*  Commission  ,  (  Ilifl.  anc  )  d'où  nous 
avons  fait  notre  verbe  commettre  ;  c'étoit 
chez  les  anciens  l'adion  de  naettre  publique- 
ment aux  prifes  deux  gladiateurs  ,  deux  lut- 
teurs ,  deux  poètes.,  Ùc.  pour  difputer  le  prix 
de  l'habileté. 

Commission  ^  {Jurifpr.  )  efl  un  mande- 
ment par  lequel  le  roi  ou  quelqu'un  de  (qs 
officiers  de  julHce  commet  un  juge  ou  autre 
officier  de  juffice,  pour  faire  quelque  fonc- 
tion qui  a  rapport  à,  i'adminillration  de  la 
juffice. 

Quelquefois,  le  terme  de  commijjion  fe 
prend  pour  la  fonélion  même  qui  ell,  délé- 
guée à  remplir. 

Toute  commijjion  en  général  doit  être  par 
écrit  ;  autrement  celui  qui  l'a  donnée,  pour- 
roit  la  défavouer. 

Le  coramifîaire  >  c'efl-à-dire  celui  qui  efl 
commis  pour  le  fait  dont  il  s'agit ,  doit  ayant 
d'y  procéder  faire  apparoir  de  fa  commijjion, 
&  en  faire  mention,  dans  l'ade».. 

Lorfqu'une  commijjion  eft  adreflee  au  lieu- 
tenant-général d'un  liège-,  ou  au  lieutenant 
particulier  &  premier  des  confeillers  fur  ce 
requis,  l'exécution. de  la  i:o/n/72i//?o«  appar- 
tient d'abord  au  premier  officier  ,  &  à  fon 
défaut  au  fécond  ;  &  ainli  fucceifivement  aux 
autres ,  fuivant  l'ordre  du  tableau. 

Si  \iiCommiJJion  eft  adreflee  au premiei»huif- 
fierou  fergent  royal  fur  ce  requis,,  tout  huif- 
lier  ou  fergent  de  cetçe  quaUté  peut  la  mettre 
à  exécution. 

Mais  lorfqu'elle  ejft  adreflee  à  un  juge  nom-^ 
niément ,  il  ne  peut  déléguer  ni  en  commet- 
tre un  autre  à  fa  place  :  un  autre  officier  du 
fiege  ne  peut  fe  charger  pour  lui  de  l'exécu- 
tion fi  ce  n'efl  en  cas  d'abfence  ou.  autre  lé- 
gitime, çmi^ê.cheiTieat , . 


C  O  M  ^f^ 

Il  y  a  plufieurs  fortes  àc  commijjions  ,  qui 
font  la  plupart  diflinguées  par  quelque  épithete 
particulière  :  nous  allons  expliquer  les  prin- 
cipales dans  les  fubdivifions  fuivantes. 

Commission  attributive  de  jurifdiclion  , 
eft  celle  qui  renvoie  le  jugement  d'une  con- 
tellation  devant  quelqu'un ,  foit  qu'il  n'eût  en 
aucune  façon  le  caradere  de  juge  ,  ou  qu'il 
ne  fût  pas  le  juge  naturel  de  l'affaire. 

Le  roi  peut  donner  de  telles  commijjîons  2 
qui  bon  lui  femble. 

Pour  ce  qui  eft  des  juges  ,  ils  ne  peuvent 
intervertir  l'ordre  des  jurifdidions  ,  fi  ce  n'eiî 
que  le  juge  fupérieur  ait  quelque  caufe  légiti- 
me pour  commettre  un  juge  inférieur  autre 
que  le  juge  naturel.  Voye'^  ci-après  Com- 
mission EXCITATIVE. 

Commission  de  la  Chancellerie  » 
font  des  lettres  royaux  qu'on  obtient  en  clian- 
cellerie  ,  portant  perraiffion  d'aflïgner,  de> 
mettre  un  jugement  à  exécution  ,  ou  de  faire 
quel  qu'autre  exploit. 

Lorfqu'on  veut  faire  aflîgner  quelqu'un 
diieâement  au  parlement,  on  ne  peut 
le  faire  qu'en  vectu  d'ordonnance  ou  arrêt  de 
la  cGur  ,  ou  en  vertu  d'une  commijjion  de  Ix 
chancellerie. 

De  même  lorfqu'on  veut  mettre  un  arrêt  à 
exécution  dans  le  reffort  du  parlement  ,  on 
obtient  une  commijjion  en  chancellerie  ,  por- 
tant pouvoir  au  premier  buiflier  ou  fergent 
royal  lur  ce  requis  de  le  mettre  à  exécution  , 
n'y  ayant  que  les  huiflîers  de  la  cour  qui  puif- 
fent  les  mettre  en  exécution  dans  tout  le 
reflôrt  fans  commijjion.. 

On  obtient  aufli  en  chancellerie  des  com-^ 
mijjions  pour  divers  autres  objets,  comme 
pour  le  parachèvement  d'un  terrier ,  pour  an- 
ticiper fur  un  appel ,  Ùc, 

Il  y  a  deux  Çontsàt  commijjîons  de-chan- 
cellerie ;  les  unes  que  l'on  obtient  dans  les 
chancelleries-établies  près  les  cours  fùpérieu- 
rçs  ou  près  des  préfidiaux ,  fuivant  que  la  ma- 
tière eft  de  leur  reffort  ;  les  autres  que  l'on  ob- 
tient en  la  grande  chancellerie  de  France  ; 
l'effet  de  celles-ci-  eft  qu'elles  peuvent  être 
mifes  à  exécution  dan«  tout  le  royaume,  fans 
aucun  l'ija  mpareatis.._ 

Commission  en  comm-andeMent  , 

ou  par  lettre  de  commandement  efl    celle 

qu'un  juge  donne  à  un  autre  juge  qui  lui  efl 

l^fubordooaé,  pour  Éaii'equelqu'iiâte  de  jullice; 


^54  C  O  M 

comme  une  enquête  ,  information  ,  interfo- 
gatoire  ,  procès-verbal ,  ôv. 

Ces  fortes  de  commijjlons  font  oppofées  à 
celles  que  l'on  appelle  rogaioires. 

Commission  de  dettes  des  communautés 
de  Bourgogne  y  ell  une  jurifdidion  établie  à 
Dijon  par  commiffion  du  confeil ,  &  exercée 
par  k  gouverneur  du  duché  de  Bourgogne  & 
par  l'intendant  de  la  même  province  pour  la 
vérification  des  dettes  &  affaires  des  commu- 
nautés Ats,  villes  ,  bourgs  ,  &  paroifles  du  du- 
ché de  Bourgogne  ,  &  des  comtés  de  Charo- 
lois  ,  Mâcon ,  Auxerr^ ,  &  Bar-fur-feine.  On 
y  porte  aufli  les  infiances  qui  concernent  la 
levée  des  odrois  des  villes  &  bourgs  ,  de 
même  que  ceile  des  odrois  de  la  province 
de  Bourgogne  fur  la  rivière  de  Saône  ,  & 
îes  comptes  par  état  des  oétrois  des  villes  & 
i)0urgs  du  duché  ,  &  àts  quatre  comtés  ad- 
jaccns.  VoycT^^  la.  defcription  de  Bourgogne 
par  Carreau. 

Commission  ^«c-o/z/è//;,  ou  Commis- 
sions extraordinaires  du  confeil  y  voyez  ci- 
après  au  mot  Conseil  du  Roi  ,  à  l'article 

commijjlons. 

Commission  e:r^/f^«Vf  de  ]urif diction  y 
efl  celle  qui  ne  contient  point  ^'attribution  de 
jurifdidion  &  ne  fait  que  provoquer  le  juge 
auquel  elle  efl  adreffé^  à  taire  ce  qui  lui  efl 
indiqué  par  la  commijjion.  C'efl  ainfi  que 
Loy'èau  ,  en  ion  tr.  des  off.  liv,  IV y  ch.  v  yn. 
yo  y  qualifie  toutes  les  co/nmi^o/zj- -expédiées 
dans  les  petites  chancelleries. 

Commission  en  fom.mation ,  c'eft  une 
commijjion  de  chancellerie  pour  fair«  affigner 
quelqu'un  en  fommation  ou  garantie. 

Commission  de  pacijicis pojjejforihus  y 
font  des  lettres  obtenues  en  chancellerie 
adreffantes  à  un  juge  royal  ;  par  lefquelles  il  lui 
cfi  mandé ,  que  fi  le  bénéficier  qui  a  im- 
pétré  ces  lettres  efl  pofTefTeur  triennal  du 
bénéfice  contentieux ,  il  ait  à  le  mainte- 
nir &  garder  en  la  pofTeffion  de  ce  béné- 
fice ,  fans  préjudice  du  droit  des  parties  au  ' 
|).rincipàl. 

Commission  rogatoire,  eil  celle  qui  efl 
donnée  &  adreffée  par  un  juge  à  un  autre 
juge  fur  lequel  il  n'a  point  de  pouvoir  ,  par 
laquelle  il  le  prie  de  mettre  à  exécution  quel- 
que jugement,  ordonnance,  ou  autre  man- 
dement ,  décret  ou  appointemcnt  de  juf- 
itice  dans  l'étendue  de    fa  jurifdiâion  ,    ou 


C  O  M 

d'informer  de  quelque  fait  ,  d'interroger 
quelqu'un  fur  faits  &  articles  ,  d'enrégiflrer 
quelqu'aftc ,  ou  faire  quelqu'autre  chofe.  (A) 

Commission  dans  le  commerce  y  ou  droit 
de  commijjion  ,  c'efi  le  droit  qu'un  commif- 
fionnaire  reçoit  pour  fon  faiaire  ;  &  ce  droit 
efl  plus  ou  moins  fort  ,  fuivant  le  prix  àts 
marchandifes  ,  ou  félon  la  convention  que  le 
marchand  a  faite  avec  fon  commiflîonnaire 
de  lui  donner  tant  pour  cent ,  ou  telle  fora- 
me  fixée  pour  telle  affaire. 

En  fait  de  banque ,  on  fc  fert  plus  or- 
dinairement du  terme  de  proi'ijion  y  que  de 
celui  de  commijjion ,  cp\  ne  fe  dit  guère  que 
pour  les  marchandifes.  Ainfi  l'on  dit  ,  il 
m'en  coûte  demi  pour  cent  de  commijjion  des 
marchandifes  que  je  fais  venir  de  Lyon  ;  & 
pour  affaires  de  banque  ,  on  dit  :  je  donne 
un  demi  pour  cent  de  provijion  à  celui  à  que 
je  fais  mes  remifes  à  Venife  y  &  qui  me  re- 
met ici  l'argent  qu'il  refoit  pour  moi.   Voye\ 

Commissionnaire.  Diâionn.de  Com- 
merce &  de  Trévoux. 

Commission  ,  emploi  qu'exerce  un  com- 
mis. Voye\  Commis. 

Commission  fe  dit  auflï  des  lettres ,  pro- 
vifions  ,  ou  pouvoir  que  les  fùpérieurs  don- 
nent à  leurs  commis  pour  qu'ils  foient  reçus 
h  leur  emploi ,  &  qu'ils  aient  droit  de  l'exer- 
cer. On  dit  en  ce  fens  ,  je  lui  ai  fait  ea> 
pédierja  commijfion.  Diclionn.  de  Comm. 

Commission  fignifie  auffi  la  charge  ou 
X ordre  qu'on  donne  à  quelqu'un  ,  pour  l'a- 
chat ou  la  vente  de  quelque  marchandife  , 
ou  pour  quelque  négociation  <ie  banque,  id, 
ihid.    (G) 

*  COMMISSIONNAIRE  ,  f.  m.  (  Ccm^ 
merce.  )  celui  qui  efl  «liargé  de  commifîions. 
Voy,  Commission.  Si  la  commiffion  cor- 
fifle  à  acheter  des  marchandifes  pour  le 
compte  d'un  autre  à  qui  on  les  envoie , 
moyennant  tant  peur  cent ,  ce  qu'on  appelle 
droit  de  commijjion;  le  commifflonnaire  s'ap- 
pelle commijjîonnaire  d'achat  :  fi  elle  confifle 
à  vendre  des  marchandifes  pour  le  compte 
d'un  autre  de  qui  on  les  reçoit ,  moyennant 
tant  pour  cent ,  le  commijjîonnaire  s'appelle 
commijfionnaire  de  vente  :  fi  elle  confille  à 
recevoir  de  correfpondans  négocians  ,  ou 
banquiers ,  des  lettres  de  change ,  pour  en 
procurer  l'acceptation  &  le  paiement  ,  & 
pour  en  faire  pafïèr  la  valeur  en  des  lieux 


C  OM 

marqués  moyennant  un  falaireje  commijjiori'- 
naire  s'appelle  commijjionnaire  de  banque  : 
ï\  elle  conilfte  à  recevoir  dans  des  magafins 
des  marchandifes  ,  pour  les  envoyer  àt-là. 
à  leur  deilination  ,  moyennant  aufli  un  falai- 
,re ,  le  commijjlonnaire  s'appelle  commijjion- 
naire  d'entrepôt  :  fi  elle  coniille  à  prendre  des 
voituriers  les  marchandifes  dont  ils  font  char- 
gés ,  &  à  les  diftribuer  dans  une  ville  aux 
perfonnes  à  qui  elles  font  adreflées  ,  le  com- 
mijjhnnaire  s'appelle  commijjlonnaire  de 
voituriers.  On  donne  encore  le  nom  de  com- 
mijjionnaires  ,  &  de  compagnie  de  commij- 
Jionnaires  ,  à  des  fadeurs  anglois  établis  dans 
le  Levant  :  ce  font  des  perfonnes  alliées  aux 
familles  de  la  première  dillinélion ,  qui  après 
un  apprentiflage  paflent  principalement  à 
Smyrne  :  le  préjugé  de  la  noble fle  qui  con- 
traint ailleurs  ,  fous  peine  de  déroger  ,  de 
vivre  dans  l'ignorance  ,  l'inutilité  &  la 
pauvreté  ,  permet  là  de  trafiquer  pour  fon 
compte  ,  de  fervir  l'état ,  &  de  faire  des  for- 
tunes confidérables ,  fans  manquer  à  ce  qu'on 
doit  à  fa  naifîance. 

COMMISSOIRE,  (/«n7>.  )v9yeiL0l 

coMMissoiRE  ,  &  Pacte  de  la  Loi 

COMMISSOIRE. 

*  COMMISSURE  ,  f.  f.  terme  peu  ufité , 
mais  qui  étant  le  figne  d'une  idée  trés-réelle , 
mériteroit  d'être  adopté  :  c'eft  la  ligne  fé- 
lon laquelle  deux  corps  appliqués  font  unis 
enfemble. 

Commissure  ,  (  Anatem.  &  Chirur.) 

Ce  mot  lignifie  le  lieu  où  s'abouchent  certai- 
nes parties  du  corps  ,  comme  les  lèvres.  Les 
commijjures  des  lèvres  font  les  endroits  où 
elles  fe  joignent  enfemble  du  côté  des  joues. 
Les  endroits  où  les  ailes  de  la  vulve  s'unif^ 
fent  en  haut  &  en  bas  ,  fe  nomment  auffi 
commijjures.  Le  lieu  où  les  paupières  (è  joi- 
gnent porte  encore  le  même  nom.  Immé- 
diatement au  deffous  de  la  bafe  du  pilier 
antérieur  du  cerveau  ,  on  apperçoit  un  gros 
cordon  médullaire  très-blanc  ,  court ,  & 
pofé  tranfverfalement  d'un  hémiiphere  à 
l'autre  :  onï ap^WecommiJfure antérieure  du 
cerveau.  Sur' quoi  je  n£  puis  m'empêcher  de  . 
remarquer  que  quand  on  eft  contraint  d'a- 
grandir l'ouverture  de  la  fiftule  lacrymale  , 
ou  d'y  faire  une  incifion  ,  on  doit  avoir 
pour  principe  de  ménager  cette  commijfure 
des  paupières  >  parce  que  fa  deûrudioacaule 


C  O  M  ^5î 

l'éraiîlement  de  l'œil  ,  bien  plutôt  que  k 
lèdion  du  mufcle  orbiculaire  ,  qu'il  ne  faut 
pas  craindre  de  couper  s'ileiî  néceffaire;  ce 
que  je  remarque  en  pafTant ,  contre  l'opinion 
commune. 

Le  mot  commijjure  efl  une  très-bonne  ex- 
preilion  ,  dont  la  chirurgie  moderne  a  enrichi 
notre  langue  :  les  termes  à^ articulation  &  de 
jointure,  s'emploient  pour  l'emboîtement 
àts  os.  (  M.  le chev.  DE  Ja  uco urt.  ) 

COMMITTIMUS ,  f.  m.  {Jurijp.  > 
Ce  mot  latin ,  qui  fignifie  nous  commettons  , 
eft  confacré  dans  le  lîyle  de  la  chancellerie  & 
du  palais  ,  pour  exprimer  Un  droit  ou  pri- 
vilège que  le  roi  accorde  aux  officiers  de 
fa  maifon  &  à  quelques  autres  perfonnes  ,•; 
&  à  certaines  communautés  ,  de  plaider 
en  première  infiance  aux  requêtes  du  palais 
ou  del'hôtel ,  dans  les  matières  pures  per- 
fonnelles  ,  poiîèffoires  ,  ou  mixtes  ,  &  d'y^ 
faire  retivoyer  ou  évoquer  celles  où  ils  ont 
intérêt ,  qui  feroient  commencées  devant 
d'autres  juges  ,  pourvu  que  la  caufe  foit  en- 
core entière ,  &:  non  conteflée  à  l'égard  du 
privilégié.  On  entend  quelquefois  par  le  ter- 
me de  committimus  y  les  lettres  de  chanceU 
lerie  qui  autorifent  à  ufer  de  ce  dr»it ,  &  que 
Loyfeau  ,dans  fbn  traité  des  offices  y  appelle 
Vorijîamme  de  la  pratique. 

Le  droit  de  committimus  a  beaucoup  de 
rapport  avec  ce  que  les  jurifconfultes  ap- 
pt^entprii'ilegium/oris ,  autjus  revocandi. 
domum  :  ce  privilège  conliftoit  à  plaider  de- 
vant un  juge  plus  relevé  que  le  juge  ordinaire  y 
ou  devant  un  jugeauquel  la  connoiiîance  de^ 
certaines  matiei-es-étoit attribuée.  Ainfi  chezr 
les  Romains  les  foîdats  avoient  leurs  caufes 
commifes  devant  l'olficier  appelle  magijîer 
militum.  Il  y  avoit  un  préteur  particulier 
pour  les  étrangers  ;  un  autre  qui  ne  connoif^ 
foit  que  du  crime  de  faux  ,  un  autre  qui  ne" 
connoiiîbit  que  des  fidéi-corarais. 

Les  empereurs  romains  avoient  auflî  pour 
les  matières  civiles  un  magiftrat  appeUé/jro 
curator  C<sjaris  y  &  pour  les  madères  crimi- 
nelles un  autre  appelle  prœjes  y  devant  lef- 
quels  les  officiers  de  leur  maifon  devoienr 
être  traduits ,  félon  la  matière  dont  il  s'agifl^ 
(bit.  Les  fénatcurs  avoient  aulïi  un  juge  de: 
privilège  en  matière  civife  &  ennuaiiere  cri- 
minelle; ils  avoient  pour  ji^e  celui  q^ui  étOJf 
délégué  par  le  prince^ 


L'origine  des  committimus  en  France  elî 
fort  ancienne.  Comme  rérabliilement  des 
maîtres  des  requêtes  d^  l'hôtel  eft  beaucoup 
plus  ancienque  celui  des  requêtes  du  palais , 
î'ufage  du  committimus  aux  requêtes  de  l'hô- 
tel efl  auffi  beaucoup  plus  ancien  que  pour 
les  requêtes  du  palais.  Les  maîtres  des  re- 
quêtes avoient  anciennement  le  droit  de  con- 
ïioître  de  toutes  les  requêtes  qui  étoient  pré- 
fentées  au  roi  ;  mais  Philippe  de  Valois  ,  par 
Une  ordonnance  de  I344  >  régla  que  dans  la 
fuite  on  ne  pourroit  plus  afligner  de  parties 
devant  les  maîtres  des  requêtes  de  l'hôtel ,  fi 
ce  n'étoit  de  la'certaine  fcience  du  roi ,  ou 
dans  lescaufes  des  offices  donnés  par  le  roi, , 
ou  dans  les  caufes  purement  perfonnelles  qui 
s'éléveroient  entre  des  officiers  de  l'hôtel  du 
roi  ;  ou  enfin  lorfque  quelques  autres  per- 
fonnes  intenteroient  contre  les  officiers  de 
l'hôtel  du  roi  des  adions  purement  perfon- 
nelles ,  &  qui  regarderoient  leurs  offices  ;  ce 
•qu'il  prefcrivit  de  nouveau  en  134'). 

La  chambre  des  requêtes  du  palais  ne  fiit 
établie  que  fous  Philippe-le-Long  ,  vers  Tan 
132.0,  pour  connoître  des  requêtes  préfen- 
tées  au  parlement ,  comme  les  maîtres  Aqs 
requêtes  de  l'hôtel  du  roi  connoiffoient  àç.s 
requêtes  pré  Tentées  au  roi. 

Les  officiers  commenfaux  de  la  maifon 
du  roi  penfant  avoir  plus  prompte  expédi- 
tion aux  requêtes  du  palais  ,  obtinrent  en 
chancellerie  des  commiilîons  pour  intenter 
aux  requêtes  du  palais  leurs  caufes  perfon- 
nelles ,  tant  en  demandant  qu'en  défendant , 
Tnême  pour  y  faire  renvoyer  celles  qui  étoient 
intentées  devant  les  maîtres  des  requêtes  de 
l'hôtel. 

Ces  commiffions  furent  dès  leur  naifîance 
iappellées  committimus  ;  &  par  fucceffion  de 
temps  on  en  étendit  I'ufage  aux  matières  pef- 
ièffoires  &  mixtes  :  on  en  accordoit  déjà  fré- 
quemment dès  13^4  ,  fuivant  une  ordon- 
nance de  Charles  V ,  du  mois  de  novem- 
bre de  cette  année  ,  qui  porte  que  les  requê- 
tes du  palais  étoient  déjà  fijrchargées  de  cau- 
ses touchant  fes  officiers,  &  autres  qu'il  leur 
commettoit  journellement  par  fes  lettres  ;  & 
les  fecrctaires  du  roi  y  avoient  déjà  leurs 
caufes  commifes  dès  l'an  1365. 

Ces  committimus  étoient  d'abord  tous  au 
grand  fceau ,  attendu  qu'il  n'y  avoit  encore 
qu'une  feule  chancellerie.     . 


COM 


On  donna  même  aux  requêtes  du  paîaîf      m 
le  droit  d'être  juges  de  leur  propre  compé-      ^ 
tcnce ,  par  rapport  à  ceux  qui  y  viennent 
plaider  en  vertu  de  committimus  ;  ce  qui  fut 
ainfi  ju^é  par  arrêt  du  8  juillet  1367. 

Les  maîtres  des  requêtes  de  l'hôtel  ne  vou- 
lant pas  endurer  que  leur  jurifdidion  fût 
ainfi  divifée  ,  Charles  VII ,  en  1453  >  évo- 
qua aux  requêtes  du  palais  toutes  les  caufes 
de  la  nature  dont  on  a  parlé ,  qui  étoient 
pendantes  &  indécifes  devant  les  maîtres  des 
requêtes  de  l'hôtel. 

Néanmoins  dans  I'ufage  ,  il  eft  au  choix 
de  ceux  qui  ont  committimus  de  fe  pourvoir 
aux  requêtes  de  l'hôtel  ou  aux  requêtes,  du 
palais  ,  excepté  que  les  officiers  des  requêtes 
du  palais  de  Paris  doivent  fe  pourvoir  aux 
requêtes  de  l'hôtel  ;  &  pareillement  ceux  Aq's 
requêtes  de  l'hôtel  ont  leur  committimus  aux 
requêtes  du  palais.  Les  officiers  des  requê- 
tes du  palais  des  autres  parlemens  ont  pour 
juge  de  leur  privilège  le  principal  fiege  de 
leur  refTort. 

Les  requêtes  de  l'hôtel  connoiflent  auffi 
privativement  aux  requêtes  du  palais  de  ce 
qui  concerne  les  offices. 

Charles  VI ,  voyant  que  chacun  ufurpoit 
le  privilège  du  committimus  ,  ordonna  que 
dorénavant  nul  n'en  jouiroit  plus  qu'il  n'eût 
aduellement  des  gages  du  roi. 

Le  chancelier  Briçonnet  déclara  auffi  en 
plein  parlement ,  le  i<5  février  1497 ,  qu'il  ne 
délivreroit  plus  de  committimus  qu'aux  do- 
mefiiques  du  roi  ;  cependant  il  y  a  encore 
plufieurs  autres  perfonnes  qui  en  jouifTent. 

L'édit  de  Moulins  de  l'an  1566  ,  faitl'é- 
numération  de  ceux  qui  avoient  alors  droit 
de  committimus  ;  ce  qui  a  reçu  plufieurs  ex- 
tenfions ,  tant  par  l'ordonnance  de  i66<)  ap- 
pellée  des  committimus  ,  qui  contient  un 
titre  exprès  fur  cette  matière  ,  que  par  divers 
édits  &  déclarations  poftérieurs. 

Depuis  l'établifîèment  des  petites  chan- 
celleries on  a  diffingué  deux  fortes  de  com» 
mittimus  ,  fàvoir  au  grand  fceau  &  au  petit 
fceau. 

Le  committimus  au  grand  fceau  efl  celui 
qui  le  délivre  en  la  grande  chancellerie  J  il 
s'exécute  par  tout  le  royaume ,  &  attire  auffi 
de  tout  le  royaume  aux  requêtes  de  l'hôtel 
ou  aux  requêtes  du  palais  à  Paris,  au  choix 
du  privilégié.  On  ne  peut  en  ufer  iorfqu'il 

''  s'agit 


C  O  M 

s'agit  de  dl{lradion  d'un  parlement ,  que  I 
pour  la  ibmme  de  mille  livres  &  au  de(îus. 
On  ne  l'accordoit autrefois  qu'aux  comraen- 
faux  du  roi  ;  mais  il  a  été  étendu  à  plufieurs 
autres  perfcmnes. 

Ceux  qui  en  jouiflent  font  les  princes  du 
fang  ,  &  autres  princes  reconnus  en  France  , 
les  ducs  &  pairs  ,  &  autres  officiers  de  la  cou- 
ronne ;  les  chevaliers  &  officiers  de  l'ordre 
du  S.  Efprit  ;  les  deux  plus  anciens  cheva- 
liers de  l'ordre  de  S.  Michel  ;  les  confeillers 
d'état  qui  fervent  aâuellement  au  confeil  ; 
ceux  qui  font  employés  dans  les  ambaflades  ; 
les  maîtres  des  requêtes  ,  les  préfidens  ,  con- 
feillers ,  avocats  &  procureurs  généraux  de 
fa  majefîé  ;  le  greffier  en  chef ,  &  prjeffîier 
huiffier  du  parlement  &  du  grand  confeil  ; 
le  grand  prévôt  de  l'hôtel ,  fes  lieutenans  , 
avocats  &  procureurs  de  fa  majefté  ,  & 
greffier  ;  les  lécretaires ,  audienciers ,  &  con- 
trôleurs du  roi  de  la  grande  chancellerie  ; 
les  avocats  au  confeil  ;  les  agens  généraux 
du  clergé  pendant  leur  agence  ;  les  doyen , 
dignitaires  ,  &  chanoines  de  Notre-Dame 
de  Paris  ,  les  quarante  de  l'académie  fran- 
çoife  ,  les  officiers  ,  commifTaires  ,  fergent 
major  &  fon  aide ,  les  prévôt  &  maréchal 
des  logis  du  régiment  des  gardes  ;  les  offi- 
ciers ,  domefHques  ,  &  commenfaux  de  la 
maifon  du  roi ,  de  celles  de  reines  ,  enfans 
de  France ,  &  premier  prince  du  fang  ,  dont 
les  états  font  portés  à  la  cour  des  aides  ,  & 
qui  fervent  ordinairement  ou  par  quartier 
aux  gages  de  60  liv.  au  moins.  Tous  ces 
officiers  &  domeffiques  font  tenus  faire  ap- 
pari^ir  par  certificat  en  bonne  forme  qu'ils 
font  employés  dans  ces  états. 

Ceux  qui  jouifïènt  du  commitùmus  au  petit 
fceau  ;  font  les  officiers  des  parlemens  autres 
que  celui  de  Paris  ;  favoir  les  préfidens ,  con- 
seillers ,  avocats  &  procureurs  généraux , 
greffier  en  chef  civil  &  criminel  ,  &  des 
préfentations ,  fecretaires  &  premier  huiffier  ; 
les  commis  &  clercs  du  greffe  ;  l'avocat  & 
'  le  procureur  général ,  &  le  greffier  en  chef 
Ats  requêtes  de  l'hôtel ,  &  le  greffier  en  chef 
des  requêtes  du  palais  ;  les  officiers  des  cham- 
bres des  comptes  ,  favoir  les  préfidens  ,  maî- 
tres ,  correcteurs  &  auditeurs  ;  les  avocat  & 
procureur  généraux  ,  greffier  en  chef  ,  & 
premier  huiffier  ;  les  officiers  des  cours  des 
aides ,  lavoir  les  préfidens  ,  confeillers  ,  avo- 
Tome  VIII, 


C  O  M  ^J7 

cats  &  procureurs  généraux ,  gi'effier  en  chef 
&  premier  huiffier  ;  les  officiers  de  la  cour 
desmonnoiesde  Pari^  ,  favoir  les  préfidens  , 
confeillers ,  avocat  &  procureur  généraux  , 
greffier  en  chef  &  premier  huiffier  ;  les  tri- 
Ibriers  de  France  de  Paris  ;  les  quatre  anciens? 
de  chaque  autre  généralité  ,  entre  lefquels 
pourront  être  compris  le  premier  avocat  &c 
procureur  du  roi ,  iliivant  l'ordre  de  leur  ré- - 
ception  ;  les  fecretaires  du  roi  près  des  par- 
lemens ,  chambres  des  comptes ,  cour  des 
aides  ;  le  prévôt  de  Paris  ,  fes  lieutenans  gé- 
néraux ,  civil ,  de  police ,  criminel  &  parti- 
culier ,  &  le  procureur  du  roi  au  châtelet  ; 
le  bailli ,  le  lieutenant  &  le  procureur  du  rot 
du  bailliage  du  palais  à  Paris  ;  les  préfidens 
&  confeillers  de  l'éledion  de  Paris  ,  les  offi- 
ciers vétérans  de  la  qualité  ci-deffiis ,  pourvu 
qu'ils  en  aient  obtenu  des  lettres  du  roi;  le  col- 
lège de  Navarre ,  pour  les  affaires  communes; 
&  les  diredeurs  de  l'hôpital  général  de  Paris. 

Le  prévôt  des  marchands  &  les  échevins 
de  Paris  pendant  leurs  charges  ,  les  confeil- 
lers de  ville  ,  le  procureur  du  roi  ,  le  rece- 
veur &  greffier,  le  colonel  des  trois  cents 
archers  de  ville  ,  jouifïènt  auffi  du  commit- 
timus  au  petit  fceau. 

Les  douze  anciens  avocats  du  parlement 
de  Paris  ,  &  fix  de  chacun  des  autres  parle- 
mens de  ceux  qui  font  fur  le  tableau  ,  jouif^ 
fènt  du  même  droit. 

Il  y  a  encore  quelques  officiers  &  commu- 
nautés qui  jouilfent  du  droit  de  committi" 
mus  ,  en  vertu  de  titres  particuhers. 

Les  maris  ne  peuvent  pas  ufer  du  droit  de 
committimus  appartenant  à  leurs  femmes  fer- 
vant  dans  les  maifons  royales  ,  &  employées 
dans  lis  états  envoyés  à  la  cour  des  aides  ; 
mais  les  femmes  féparées  jouiffent  du  com- 
mittimus de  leur  mari  :  il  efl  en  de  même  des 
veuves  ,  tant  qu'elles  demeurent  en  viduité. 

Les  privilégiés  peuvent  ufer  de  leur  com" 
mittimus  ,  foit  en  demandant ,  foit  en  défen- 
dant ,  pour  renvoyer  la  demande  formée 
contre  eux  dans  un  autre  fiege  ,  foit  pour  in- 
tervenir &  renvoyer  pareillement  la  caufb  ; 
lequel  renvoi  le  fait  par  l'exploit  même  en 
vertu  du  committimus ,  fans  qu'il  foit  befoia 
d'ordonnance  du  juge.  > 

Les  lettres  de  committimus  ne  font  plus 
valables  après  l'année  ,  &  l'exploit  fait  en 
vertu  des  lettres  furannées  feroit  nul. 

O  000 


^5S  C  O  M 

Il  y  a  certains  cas  dans  lefquels  îcs  privilé- 
giés ne  peuvent  ufer  de  leur  committimus. 

1°.  Pour  tranfports  à  eux  faits  ,  fi  ce  n'eft 
pour  dettes  véritables  &  par  ades  palTés  de- 
vant notaires  ,  &  lignifiés  trois  ans  avant 
l'aâion  intentée  ;  &  les  privilégiés  font  tenus 
de  donner  copie  de  ces  tranfports  avec  l'af- 
iignation ,  &  même'd'en  affirmer  la  vérité 
en  jugement ,  en  cas  de  déciinatoire  &  s'ils 
en  font  requis  ,  à  peine  de  500  livres  d'a- 
mende contre  ceux  qui  auront  abufé  de  leur 
privilège. 

On  excepte  néanmoins  de  la  règle  précé- 
dente ,  pour  la  date  des  tranfports  ,  ceux  qui 
ièroïent  faits  par  contrat  de  mariage  ,  par 
des  partages  ,  ou  à  titre  de  donations  bien 
&  duement  infmuées  ,  à  l'égard  defquels  les 
privilégiés  peuvent  u fer  de  leur  committimus 
quand  bon  leur  femble. 

2®.  Les  privilégiés  ne  peuvent  pas  fè  fcr- 
vir  de  leur  committimus  pour  alîîgner  aux 
fcquêres  de  i'hôiel  ou  du  palais  les  débiteurs 
de  leurs  débiteurs ,  pour  affirmer  ce  qu'ils 
doivent ,  11  la  créance  n'efî:  établie  par  pièces 
authentiques  paHees  trois  années  avant  l'af- 
iignation  donnée  ;  &  ils  font  de  plus  tenus 
d'afBrmer ,  s'ils  en  font  requis  ,  que  leur 
créance  eft  véritable  ,  &  qu'ils  ne  prêtent 
point  leur  nom  ,  le  tout  fous  les  peines  c\- 
cclTus  expliquées. 

3°.  Les  committimus  n  ont  point  lieu  aux 
«îemandes  pour  palier  déclaration  ou  titre 
nouvel  de  cenlives  ou  rentes  foncières ,  ni 
peur  paiement  des  arrérages  qui  en  font  dus , 
à  quelque  fomme  qu'ils  puilTent  monter  ,  ni 
£iux  fins  de  quitter  la  polleifion  d'héritages 
ou  immeubles  ,  ni  pour  les  élevions  ,  tutel- 
les ,  curatelles  ,  fcellés  &  inventaires ,  accep- 
tation de  garde-noble  ,  ou  pour  matières 
réelles  ,  quand  même  la  demande  feroit  aulii 
à  fin  de  relHtution  des  fruits. 

4°.  Les  affiiires  concernant  le  domaine  , 
^  celles  où  le  procureur  du  roi  eft  feul  par- 
lie  ,  ne  peuvent  auffiêtre  évoquées  des  fieges 
ordinaires  en  vertu  des  committimus. 

5°.  Il  en  eft  de  même  à  l'égard  du  grand 
confeil ,  des  chambres  des  comptes  ,  cours 
des  aides  ,  cours  des  monnoies  ,  éledions  , 
greniers  à  fel  ,  juges  extraordinaires  ,  pour 
les  affaires  qui  y  font  pendantes  ,  &  dont  la 
connoiffànce  leur  appartient  par  le  titre  de 
kur  établilTement  ou  par  attribution. 


C  O  M 

S'^.  Les  tuteurs  honoraires  ou  onéraires  , 
&  les  curateurs ,  ne  peu  vent  fe  fervir  de  leur 
committimus  pour  les  affaires  de  ceux  dont 
ils  ont  l'adminiftration. 

7®.  Les  committimus  r\  ont  pas  lieu  en  ma- 
tière criminelle  &  de  pohce. 

8®.  Ils  n'ont  pas  lieu  en  Bretagne  ni  en 
Artois. 

9°.  On  ne  peut  pas  s'en  fervir  fur  les  de- 
mandes formées  aux  confuls  ,  ou  en  la  con- 
fervation  de  Lyon ,  ou  en  la  connétabhe.  À 

io<*.  Enfin  les  bénéficiers  qui  ont  droit  de  1 
committimus  ne  peuvent  s'en  fervir  que  pour 
ce  qui  concerne  leur  bénéfice  ;  il  faut  néan- 
moins excepter  les  chanoines  de  Notre-Dame 
de  Paris  ,  qui  peuvent  s'en  fervir  dans  toutes 
leurs  affaires  ;  ce  qui  eft  apparemment  fondé 
fur  quelque  titre  particulier.  Voye^  Pordon- 
nance  de  i  66 q  ,  tit.  iv  y  des  committimus  \ 
<&  Bornier  ,  ibid.  Pafquier  ,  recherches  de  la. 
France  y  liv.  IV  ^  ch.  i:j  ;  dictionnaire  des 
arrêts  ,  au  mot  committimus.  {A) 

■  COMMITTlTUR,{Jurifpr.)  QÛimQ 
ordonnance  de  celui  qui  préfide  à  un  tribu- 
nal ,  appofée  au  bas  d'une  requête  ,  par  la- 
quelle il  commet  un  confeiller  du  fiege  pour 
faire  quelque  inftrudion  dans  une  affaire  , 
foit  civile  ou  criminelle  ,  comme  pour  faire 
une  enquête  ou  une  information  ,  un  inter- 
rogatoire fur  faits  &  articles  ,  un  procès- 
verbal. 

Dans  les  petites  jurifdiâions  où  il  n'y  a 
qu'un  feul  juge ,  ou  lorfque  les  autres  .font 
retenus  par  quelque  empêchement  ,  le  jugé 
qui  répond  la  requête  fe  commet  lui-même 
pourl'aire  Pinftrucl:ion  ,  c'eft-à-dire  qu'il  or- 
donne qu'il  procédera  à  l'audition  des  té- 
moins ,  ou  qu'il  fe  tranfportera  ,  ^c.  (A) 

COMMODAT  ,  f.  m.  {Junfpr.)  amiï 
nommé  du  latin  commodatum  ^  eft  un  con- 
trat par  lequel  on  prête  à  quelqu'un  un  corps 
certain  gratuitement  &:  pour  un  certain 
temps  ,  à  condition  qu'après  ce  temps  ex- 
piré la  chofe  fera  rendue  en  elpece  à  celui 
qui  l'a  prêtée. 

Le  commodat  eft  ,  comme  on  voit ,  une 
efpece  de  prêt  ;  &  dans  le  langage  ordinaire 
on  le  confond  communément  avec  le  prêt\f 
mais  en  droit  on  diftingue  trois  fortes  de 
prêts  ;  favoir  ,  le  précaire  ,  le  prêt  propre^- 
ment  dit ,  &  le  commodat. 

Dans  le  contrat  appelle^  refaire ,  on  pref& 


C  OM 

une  chofe  à  conditioii  de  la  rendre  en  eC- 
pcce ,  mais  fans  limiter  le  temps  pour  lequel 
.rufagc  en  eft  cédé  ;  enforte  que  celui  qui  l'a 
confiée  ,  peut  la  redemander  quand  bon  lui 
fcmble. 

Le  prêt  proprement  dit ,  appelle  chez  les 
Homa'msmumum  y  eu  un  contrat  par  lequel- 
quclqu'un  prête  à  un  autre  une  chofe  qui  fe 
coniume  par  l'ulage  ,  mais  que  l'on  peut  rem- 
placer par  une  autre  de  même  qualité  ;  pour 
quoi  on  l'appelle  chofe  fiingible  ,  comme  de 
l'iirgent  ,  du  blé  ,  du  vin  ,  de  l'huile. 

Le  commodat ,  au  contraire  ,  n'a  lieu  que 
pour  les  chofes  qui  ne  fe  confument  point 
par  l'ulage ,  &  que  l'on  doit  rendre  en  ef^ 
pece  ,  comme  une  tapilTerie  ,  un  cl:eval ,  & 
autres  femblablcs  ;  &  la  chofe  ne  peut  être 
répétée  avant  l'expiration  du  temps  conve- 
nu ,  à  moins  que  le  commodataire  n'en 
abufe. 

.  Ce  contrat  eu  fynnallagmatique  ,  c'efî-à- 
dire  obligatoire  des  deux  cotés  ;  en  effet  il 
produit  de  part  &  d'autre  une  aciion ,  favoir 
l'adion  appellée  <i/re^^  au  profit  du  proprié- 
taire de  la  chofe  prêtée  ,  qui  conclut  ;t  la 
reftitution  de  cette  chofe  avec  dépens ,  dom- 
mages &  intérêts  ;  &  l'aclion  appellée  con- 
traire au  profit  du  commodataire  ,  qui  con- 
clut à  ce  que  le  propriétaire  de  la  chofe 
foit  tenu  de  lui  payer  les  frais  qu'il  a  été 
obligé  de  faire  pour  la  conférvation  de  la 
chofe  qu'il  lui  a  prêtée  ;  par  exemple  ,  fi  c'efl 
un  cheval  qui  a  été  prêté  à  titre  de  commo- 
dat ,  &  qu'il  foit  tombé  malade  ,  le  com- 
modataire peut  répéter  les  panfemens  & 
médicamens  qu'il  a  débourfés  ,  à  moins  que 
la  maladie  n'eût  été  occafionée  par  fa  fau- 
te ;  mais  il  ne  peut  pas  répéter  les  nourritures 
du  cheval  ;  ni  autres  impenfes  femblables  , 
(ans  lefquelles  il  ne  peut  faire  ufage  de  la 
chofe  prêtée. 

Toutes  fortes  de  perfonnes  peuvent  prêter 
à  titre  de  commodat  ;  la  femme  non  com- 
mune en  biens  peut  prêter  à  fon  mari.  On 
peut  prêter  une  chofe  que  l'on  poiTede  ,  quoi- 
que l'on  fâche  qu'elle  appartienne  à  autrui. 
Non  feulement  les  effets  mobiliei  s  &  les  droits 
incorporels  ,  mais  auflî  les  biens-fonds  fo/it 
propres  au  commodat  ;  on  peut  même  prêter 
«n  elclave  afin  que  l'on  fe  ierve  de  fon  mi- 
niftere. 

Celui  qui  prête  à  ce  titre  ne.ccfïê  point 


C  O  M  ^)9 

d'être  propriétaire  de  la  chofe  ,  il  lui  e(I  libre 
de  ne  pas  prêter  ;  mais  le  commodat  çtant 
fait ,  il  ne  peut  plus  le  réfoudre  avant  le 
temps  convenu  ,  à  moins  que  le  coninioda- 
taire  n'abuie  de  la  chofe. 

I^a  chofe  prêtée  à  titre  de  commodat ,  ne 
peut  pas  être  retenue  par  forme  de  compen- 
fation  avec  une  dette  ,  même  liquide  ,  duc 
au  commodataire  ,  &:  encore  moins  pour,  ce 
qui  feroit  dû  à  un  tiers  ;  parce  que  ce  feroit 
manquer  à  la  bonne  foi  qu'exige  ce  prêt  gra- 
tuit ,  &  que  la  condition  étant  de  rendre  la 
chofe  en  efpece  ,  elle  ne  peut  point  être  fup- 
pléée  par  une  autre  ;  mais  la  cliofe  peut  ètro 
retenue  pour  raifon  àes  impenies  nécelTâircs 
que  le  commodataire.  5'  a  laites  ,  auquel  cas 
il  doit  la  faire  faifir  entre  (es  mains  ,  en  vertu 
d'ordonnance  de  juflice  ,  pour  sûreté  de  ce 
qui  lui  efl  du  ,  ne  pouvant  la  retenir  de  (oa 
autorité  privée. 

Le  véritable  propriétaire  de  la  chofe  4 
aufiî  une  adion  pour  la  répéter  ,  quoique  c» 
ne  foit  pas  lui  qui  l'ait  prêtée  ;  il  n'efî  pas 
même  aflrcint  aux  conditions  qui  avoieac 
été  arrêtées  fans  lui. 

Le  commodataire  efî  refponfable  du  dom- 
mage qui  arrive  à  la  chofe  prêtée  ,  foit  par 
fou  dol  ou  par  fa  faute ,  même  la  plus  légère» 

Le  comm.odat  ne  fiait  point  par  la  mort 
du  commodant  ni  du  commodataire  ,  mais 
feulement  par  l'expiration  du  temps  convenu. 
Voye-^  ail  code  ,  liv.  IV y  tit.  xxii]  y  &"  au 
digefle  ,  IU>.  XIII ,  tit.  pj  y  &  aux  injlît, 
lii'.ni,tit.xv.{A) 

COMMODATAIRE  ,  (  Jmifp.^  )  efî 
celui  qui  emprunte  quelque  chofe  à  titre 
de  commodat.  Voy.\  ci-devant  COMMO- 
DAT.  (  A) 

COMiMODAU  ,  (  Gcog.  mod.)  ville  de 
Bohême  ,  dans  le  cercle  de  Satz  ,  remarqua- 
ble parfes  mines.  Long,  jz  ,  lat.  £o  ,  ^o, 

COMMODE ,  (  Hifioire  Romaine.  )  Lu- 
cius-Aurelius  Co^nmode  ,  après  la  mort  dé 
fon  père  Antonin  le  philofophe ,  fut  proclamé 
empereur  l'an  161  de  Jefus-Chrift.  Son  édu- 
cation confiée  à  des  maîtres  fagcs  &  éclairés  , 
là  phyfionomic  intérefîànte,  là  taille  majcfr 
lueufe ,  annonçoient  qu'il  étoitné  pour  com- 
mander aux  hommes.  Cet  efpcir  fut  bientôt 
évanoui  :  le  nouvel  empereur  eut  tous  les 
vices  de  Caligula ,  de  Néron  &  de  Domitien^ , 
dont  il  furpalîa  les  atrocités.  Laperver|jii 
O  0  o  o  i        '      ■ 


é6o  COU 

de  fes  pencbans  fît  croire  qu'il  ne  pouvoit 
être  le  fils  d'Amonin ,  &  que  d'une  fource 
aufll  pure  il  ne  pouvoit  fortir  des  eaux  em- 
poifonn^es.  La  vieîlicencieufe  de  fa  mère  ac- 
crédita tous  ces  bruits  ,  &  quand  on  repré- 
fentoit  fes  débordemens  à  l'empereur ,  il  avoit 
coutume  de  répondre  :  "  Je  ne  puis  faire  di- 
vorce avec  elle  fans  lui  rendre  fa  dot.  »  Le 
facrifice  eût  été  pénible  ,  puifque  l'empire 
avoit  fait  fa  dot.  C'efl  dans  le  choix  de  leurs 
miniflres  ,  que  les  maîtres  de  la  terre  mani- 
fellent  leurs  penchans  &  leur  difcernement  : 
Commode  les  tira  de  la  claife  des  efclaves  , 
complices  de  fes  débauches.  La  comparaifon 
qu'on  faifoit  de  fes  vices  avec  les  vertus  de 
fon  père,  le  fit  rougir  de  fanaifïance  ;  &  dans 
l'ivreiTe  de  fon  orgueil  infenfé ,  il  prit  le  nom 
A' Hercule ,  fils  de  Jupiter.  Il  fe  monrroit  dans 
les  rues  &  les  places  de  Rome  ,  vêtu  d'une 
peau  de  lion  ,  s'élançantfur  les  paffans ,  qu'il 
frappoit  avec  fa  maffue  ,  fous  prétexte  de  dé- 
truire les  monftres.  Il  fe  faifoit  un  amufe- 
ment  barbare  de  faire  afTembler  les  malades 
&leseftropiés  dans  la  place  publique ,  où  , 
après  leur  avoir  fait  lier  les  jambes  ,  il  leur 
donnoit  àts  éponges  pour  les  lui  jeter  à  la 
tête  :  enfuite  il  fe  précipitoit  fur  eux  &  les 
exterminoit  à  coups  de  maifue  ,  pour  les  pu- 
nir d'avoir  ofFenfé  la  majel^é  de  l'empire 
dans  fa  perfonne. 

Tandis  qu'il  abandonnoit  les  foins  de  l'em 
pire  à  Perennis  ,  efclave  Pannonien  ,  qu'il 
avoit  fait  préfet  du  prétoire  ,  il  fe  tpontroit 
iur  l'arène  ,  confondu  avec  les  gladiateurs  : 
c'étoit  iiir-tout  à  tirer  de  l'arc  qu'il  faifoit 
éclater  fon  adrefle.  Un  jour  il  fit  lâcher  cent 
lions  qu'il  tua  tous  de  cent  flèches ,  qu'il  avoit 
jprifes  pour  donner  au  peuple  le  fpedacle  de 
fon  talent  :  une  autre  rois  il  fit  lâcher  cent 
autruches  ,  à  qui  il  coupa  la  tête  avec  des 
ilechcs  faites  en  forme  de  croiffant.  Cette 
adrefTe  devint  fouvent  fatale  aux  fpedateurs 
dont  il  fit  fouvent  un  grand  carnage  dans 
l'amphithéâtre.  Il  oublioit  quelquefois  qu'il 
^toit  Hercule  >  &  alors  il  fe  montroir  avec 
tous  les  attributs  de  Mercure  ou  d'Apollon. 
On  le  vit  plufieurs  fois  combattre  nu  l'épée 
à  la  main  contre  des  gladiateurs  ;  &  comme 
ils  av  oient  foin  de  l'épargner,  il  fc  conten- 
toit  de  les  blelTer  fans  les  tuer  :  c'étoit  la  feule 
cfpece  d'hommes  qui  excitât  fa  pitié.  Un 
jeaa^  romain  de  diitiudion ,  le  rencontrant 


C  O  M 

dans  un  lieu  obfcur  ,lui  montra  un  poignard  , 
en  lui  difant  :  «  voilà  ce  que  le  fénat  icn-^ 
voie.  »  Tout  tyran  efl:  fans  courage.  Corn- 
mode  efïi-ayé,  conçut  contre  les  fénateurs  une 
haine  qui  fe  convertit  en  fureur  :  il  fuppofa 
des  conjurations  pour  avoir  droit  de  les  pu- 
nir. Rome  devint  une  arène  arrofée  du  fang 
des  plus  vertueux  citoyens.  Ce  monflre  en- 
touré de  vidimes  ,  s'abandonnoit  encore  à 
toutes  les  brutahtés  de  l'amour  ;  trois  cents 
femmes  &  autant  de  jeunes  garçons,  furent 
defîinés  à  fervir  à  l'infamie  de  (ts  débau- 
ches ;  &  (qs  propres  fœurs  ne  fe  dérobèrent 
à  la  mort  que  par  une  incefhieulè  proflitu- 
tion.  Il  avoit  commis  trop  d'atrocités  pour 
fe  diflimuler  qu'il  étoit  haï  :  il  regarda  tous 
les  hommes  comme  fes  ennemis  ;  &  n'ofant 
plus  fe  fier  à  perfonne  pour  fe  faire  rafer  ,  il 
fe  brûloit  lui-même  la  barbe. 

C'étoit  une  ancienne  coutume  que  le  fé- 
nat ,  au  renouvellement  de  l'année  ,  accom- 
pagnât l'empereur  dans  la  piaco  publique  où 
il  haranguoit  le  peuple  Ce  prince  ,  qui  pré- 
féroit  le  plaifir  barbare  de  torraficr  les  lions 
&  les  tigres  à  la  gloire  de  régir  un  empire  , 
fe  rendit  la  veille  à  l'amphithéâtre  des  gladia- 
teurs ,  où  s'étant  retiré  dans  fa  chambre  ,  il 
écrivit  la  lifle  des  cenfeurs  de  fon  adminil^ 
tration,  dont  il  prononça  l'arrêt  de  mort.  Il 
s'ouvrit  de  fon  deffein  à  Martia  fa  concn- 
bine  ,  qui  avoit  un  empire  abfolu  fur  lui  ;  il 
exigeoit  même  qu'on  lui  rendît  les  mêmes 
honneurs  qu'à  l'impératrice  ,  excepté  qu'on 
ne  portoit  point  devant  elle  le  feu  (àcré. 
Cette  femme  ,  qui  avoit  partagé  l'opprobre 
de^  fon  lit ,  ne  voulut  point  être  a  fociée  à  i'çs 
afîaflinats  :  elle  forma  une  conjuration  avec 
L^tus  &  Eledus  ,  qui  préfenterent  au  tyran 
un  breuvage  empoifonné  ;  &  voyant  que  la 
mort  étoit  trop  lente  ,  ils  l'étranglèrent  à 
l'âge  de  trente-deux  ans  ,  dont  il  en  avoit 
régné  treize.  Sa  mémoire  inipira  tant  d'hor- 
reur ,  qu'après  fa  mort  il  fut  déclaré  ennemi 
du  genre  humain.  (  T-N.  ) 

COMMODEVES ,  f.  f.  plur.  (  Myth.  ) 
furnom  de  quelques  divinités  champêtres. 

COMMODITES  ,  f.  f.  pi.  en  bâtiment , 
efî  un  petit  endroit  dégagé  des  autres  pie- 
ces  d'un  appartement  ,  ordinairement  au 
deflus  d'un  efcaher  ou  au  bas  ,  dans  lequel 
efl  un  fiege  d'aifance  ,  dont  le  haut  du  tuyau 
ou  conduit   de   poterie  ,  efl  garni    d'une 


C  O  M 

planche  percée  en  rond  ;  il  fe  nomme  aufîî 
lieux.  Foxf;^LATRiNEè  Aisance.  {P) 

COMMODU ,  f.  m.  (  Hijh  nat.  botan.  ) 
Les  Brames  appellent  de  ce  nom  une  plante 
du  Malabar  que  Van-Rlieede  a  fort  bien 
gravée  ,  avec  la  plupart  de  Tes  dérails ,  dans 
fbn  Hortus  Malabaricus^  volume  II,  planche 
JCXVlTIypage  ^ ^  ,  fous  le  nom  de  nedel 
amhel.  C'eil  le  nymphœx  minons  affinis  In- 
dicUy  flore  albo  pilofo  de  Jean  Commelin  ;  & 
le  menyanthes  z  Indica,foLiis  cordatis  fub- 
crenatis  petiolis  florïferis  ,  corollis  interne 
pilojis  de  M.  Linné  ,  dans  fon  Syflema  na~ 
turce  ,  édit.  I2,  imprimé  en  1767  ,  p.  z  £2,. 

D'une  racine  en  tubercule  rond  ,  accom- 
pagnée d'un  autre  petit  tubercule  deltiné  à 
la  propagation  ,  &  environné  en  defî'us  d'un 
faifceau  de  vingt  à  quarante  fibres  capillai- 
res ,  cylindriques  ,  fiituleufes  ,  blanches  , 
longues  de  deux  pouces  ,  s'élève  un  faifceau 
de  huit  à  dix  pédicules  cyhndriques  ,  long 
d'un  pié  ,  de  trois  lignes  de  diamètre  ,  fiftu- 
leux  ,  terminés  chacun  par  une  feuille  orbi- 
culaire  de  trois  à  fix  pouces  de  diamètre  ,  en- 
tière ,  verd-claire ,  entaillée  à  ion  origine  juf- 
qu'au  quart  de  fa  longueur  ,  légèrement  pa- 
voifée  ,  c'eft-à-dire  ,  attachée  au  pédicule 
un  peu  au-delà  de  l'échancrure  ,  HÂc  ,  lui- 
fan  te  ,  mince  ,  relevée  en  defîbus  de  fix 
côtes  rayonnantes  &  flottantes  (ùr  l'eau. 

Au  fommet  du  pédicule  ,  à  un  pouce  en- 
viron de  la  feuille  ,  on  voit  une  petite  fente 
d'où  fort  une  ombelle  de  neuf  à  dix  fleurs 
blanches  ,  longues  d'un  pouce  un  quart , 
ouvertes  en  cloche  d'un  pouce  un  quart  de 
diamètre  ,  portées  chacune  fur  un  pédicule 
cylindrique  ,  trois  ou  quatre  fois  plus  -court , 
&  une  fois  plus  court  que  les  feuilles. 

Chaque  fleur  efl  hermaphrodite  ,  com- 
plète ,  monopétale  ,  régulière  ,  difpofée  au- 
tour d'un  difque  un  peu  au  deffous  de  l'o- 
vaire. Elle  confifte  en  un  calice  verd-clair , 
a  cinq  feuilles  perfiftantes  triangulaires  ,  trois 
à  quatre  fois  plus  courtes  que  la  corolIe,dont 
le  tube  efl  très-court  ,  blanc ,  partagé  en 
cinq  diviflons  triangulaires  ,  deux  à  trois  fois 
plus  longues  que  larges  ,  très-velues ,  arquées 
en  demi-cercle.  Du  bas  du  tube  de  la  corolle 
s'élèvent  dix  étamines  dont  cinq  alternes  avec 
fes  divifions  font  au  niveau  du  bord  du  tube  , 
&  cinq  oppofeés  à  elles  font  une  fois  plus 
courtes.  Au  fond  du  calice  on  apjpçrçoit  un 


C  O  M  66î 

pedt  difque  ,  portant  un  ovaire  conique  verd 
couronné  par  un  ftyle  à  quatre  ftigraates 
fphériques. 

L'ovaire  ,  en  mûrifïant ,  devient  une  cap- 
flile  conique  ,  longue  de  quatre  lignes  ,  une 
fois  moins  large  ,  à  une  loge  ,  s'ouvrant  par 
le  haut  en  deux  valves ,  &  contenant  une 
vingtaine  de  graines  ovoïdes  ,  longues  de 
deux  tiers  de  ligne  ,  de  moitié  moins  larges  , 
blanches  d'abord  ,  enfuite  jaunes  ,  luifantes. 

Culture.  Le  commodu  croît  au  Malabar 
dans  les  mares  des  terres  fablonneufes  & 
argilleufes. 

Qualités.  Toute  la  plante  a  une  faveur 
amere. 

Vf  âges.  Pilée  &  cuite  avec  le  beurre  ,  elle 
fe  donne  intérieurement  contre  les  morfures 
du  ferpent  appelle  co^raca/îf //a. 

Remarques.  Cette  plante  a  beaucoup  d& 
rapports  avec  le  menyante  ;  elle  en  diffère 
cependant  en  ce  que  i®.  le  menyante  a  les 
feuilles  digitées  ;  2,°.  fes  fleurs  font  en  épi  \ 
3**.  le  tube  de  la  corolle  elt  plus  long  à  pro- 
portion ;  4''.  fes  étamines  font  au  nombre 
de  cinq  feulement  ;  5°.  enfin  fes  ffigmatcs 
font  au  nombre  de  deux  lames  feulement. 

D'où  il  fuit  qu'elle  doit  former  un  genre 
particuHer  ,  &  que  M.  Linné  ,  au  lieu  de  la 
confondre  avec  le  menyante  qui  efl  dans  fa 
claffe  de  la  pentandrie ,  c'elf-à-dire  ,  des 
plantes  à  cinq  étamines  ,  auroit  dû  ,  fjivant 
(&s  principes  ,  la  placer  dans  la  claflê  de  la 
décandrie  ,  c'efl-à-dire  des  plantes  qui  ont 
dix  étamines. 

Le  commodu  doit  donc  être  placé  auprès 
du  menyante  dans  la  féconde  lèéfion  de  la 
famille  des  apocins.  Voye:^  nos  Familles  des 
plantes  _,  volume  II  ,  pages  iji  ^  £Oî  , 
(M.  Adanson.) 

*  COMMOTACULUM  ou  COM^ 
MENTACULUM  ou  COMMET  A- 
C  UL  UM ,  (  Hifl.  anc.  )  petit  bâton  que  les 
flamines  avoient  à  la  mai  n  ,  &  avec  lequel 
ils  écartoient  le  peuple  dans  leurs  facrifices. 

*COMMOTIy€  ^{.f.pl{Myth.}nom 
des  nymphes  qui  habitoient  le  lac  Cutdienfisi 
comme  il  y  avoir  dans  ce  lac  une  île  flottan- 
te ,  on  donna  à  ces  déeflês  l'épithete  ou  le 
flirnom  de  commotije. 

COMMOTION  ,  fubfl.  f.  (  Gramm.  & 
Chir.  )  fecoufle  ou  ébranlement  de  quelque 
objet  ou  partie.  La  commotion  du  cerveau 


t6i  C  O  M 

produit    des    accidens    auxquels     un    chi- 
rurgien doit   être  très- attentif.  Lorfque  le 
crâne    cfl  frappé  par    quelque  corps  dur  , 
il  communique  nu  cerveau   une    partie  du 
mouvement  qu'il  a  reçu.  Plus  le  crâne  réfifîe, 
plus  l'ébranlement  du  cerveau  eft  confidé- 
rable  ,  ainfi  la  commotion  eft  proportionnée 
à  la  violence  du  coup  ,  &  à  la  réfiffance  du 
crâne  :  on  a  remarqué  que   les  coups  avec 
grand  fracas  d'os  ,  ne  cauient  ordinairement 
û:c\}nccommotio7i.  V.  Ame  Ê'CerVEAU. 
-  La  commotion  du  cerveau  produit  la  rup- 
ture; d'une  infinité  de    petits  vaifleaux  qui 
arrofcnt  le  cerveau  &  Tes  membranes  ;  il  en 
ré'-ulte  une  perte  de  connoilîànce  &  unaflou- 
pificment  léthargique.  Ces  accidens  n'indi- 
quent point  l'opération  du  trépan  lorfqu'ils 
arrivent  dans  finflant  du  coup  ,  parce  qu'ils 
font  l'eiTet  de  la  commotion.  Le  iaignemcnt 
du  nez  ,  des  yeux  ,   de  la  boucbe  ,  &  è^zs, 
oreilles  ;  le  vomiilèment  bilieux ,  l'ilTue  invo- 
lontaire des  déjeélions^  font  les  efFets  de  cet 
accident  primitif.  Dans  ce  cas  on  n'a  de  ref- 
fource  que  dans  les  faignées  ;  on  les  a  fouvent 
faites  avec  (uccès  de  deux  heures  en  deux 
heures  ,  peur  procurer  la  réfolution  du  fang 
épanché.  Lorfque  la  perte  de  connoifTance 
&  l'aflbupinèment  font  des  accidens  confé- 
•cutifs  ,  ils  indiquent  l'opération  du  trépan  , 
quand  même  il  n'y  auroit  point  de  fradure  , 
parce  qu'ils  font  l'effet  d'un  épanchement 
qui  s'eft  tait  à  la  longue ,  ou  le  produit  d  une 
ifuppuration  qui   n'a  pu  erre  un  fymptome 
primitif.  On  a  vu  des  personnes  frappées  lé- 
gèrement à  la  x.Lt.t ,  étourdies  feulement  par 
le  coup  ;  on   a  vu  ,  dis-je  ces    perfonnes 
mourir  plufieurs  mois  après  par  des  acci- 
-dcns  furvenus  peu  de  jours  avant  leur  mort. 
On  a  trouvé  à  l'ouverture  un  épanchement 
de   fang    ou  i;n   abcès  dans    quelque   coin 
•  du  cerveau.  Il  y  a  apparence  que  cela  n'ar- 
rive  que  parce  que   les    vailTeaux  qui  ont 
foufrert  du  coup  étoient  fi  fins  ,  qu'il  a  fallu 
un  temps  affez  long  pour  qu'il  pût  s'échap- 
per une  quantité  de  liqueur  fuffifante  pour 
produire  des  accidens  &  caufer  la  mort. 

De  pareils  exemples  doivent  faire  recourir 
à  la  (aignée  &  aux  remèdes  généraux  dans 
les  plus  petits  coups  qu'on  reçoit  à  la  tête  , 
pour  prévenit  les  accidens  funcftes  ,  qui  ne 
iont  que  trop  fouvent  la  fuite  de  la  négli- 
^gcncc  de  ces  moyens.  Voyei^  TréPAN. 


C  O  M 

On  trouve  dans  le  premier  volume  des 
mémoires  de  l'académie  royale  de  chirurgie 
un  précis  des  obfervations  envoyées  à  cette 
aca  ^émie ,  fur  lelquelles  M.  Queliiay  a  fondé 
plufieurs  dogmes  qui  regardent  l'applica- 
tion du  trépan  dans  les  cas  douteux.  Les 
égards  dus  à  la  commotion  y  Iont  expoiés 
dans  tout  leur  jour  ;  &  on  tâche  de  décou- 
vrir les  cas  où  il  faut  prendre  fon  parti  pour 
ou  contre  l'opération  du  trépan  ,  d'après 
les  bons  &  mauvais  fuccès  déterminés  par 
les  circonflances  ou  les  particularités  qui  pa- 
roilTent  en  faire  di/hnguer  la  caufe.  (  J^) 

Addition  à  V article  précédent.  L'expé- 
rience, adoptée  pour  expliquer  l'effet  de  la 
commotion  au  cerveau ,  a  répandu  beaucoup 
de  confufion  en  chirurgie  fur  cette  matière  ; 
car  il  efî  certain  que  les  praticiens  qui  ont 
écrit  fur  les  léfions  de  la  tête ,  ont  toujours 
confondu  xlans  Fhiflolre  de  leurs  obferva- 
tions ,  la  comm.otion  ,  avec  le  contre-coup. 

Cependant  la  diiîérence  en  efl  bien  cer- 
taine par  rapport  à  leurs  effets  ;  étoient-ils 
inilruirs  éralem,ent  de  l'événement  mecha- 
nique  du  choc  des  corps ,  ou  ne  l'étoient-ils 
pas  ?  cela  ne  fait  rien  à  la  queflion  ;  mais  il 
efl  certain  que  l'expérience  qu'ils  avoient 
adoptée  pour  expliquer  cette  aûion ,  n'elt 
point  celle-là. 

M.  de  la  Faye  (  Opérât,  de  chirurgie  ,  p. 
43^)  ^  pour  faire  concevoir  l'idée  qu'on 
doit  s'en  former ,  dit ,  "  il  l'on  prend  par 
un  bout  une  planche  mince  ,  comme  celle 
dont  l'on  fait  les  tonnçaux  ,  &  qu'on  frappe 
avec  force  quelque  corps  dur  ,  li  elle  ne  fe 
caffe  point  ,  une  bonne  partie  du  mouve- 
ment palTe  dans  les  mains  qui  la  tiennent  &. 
y  caufe  un  engourdifiement  fort  doulou- 
reux ;  mais  fi  elle  fe  caflè  ,  les  mains  ne 
refTèntent  point  le  coup  ,  ou  ne  le  reffentent 
qu'à  proportion  qu'elle  eil  plus  ou  moins 
brifée  ;  »  de-là  ,  il  en  conclut  ,  que  plus  le 
crâne  réfifie  à  l'effort  du  coup  ,  plus  la  corn'- 
motion  eft  grande ,  6'  vice  versa.  Mais  en  fai- 
faut  l'application  de  cette  expérience  à  la 
matière  qu'on  trftite  ,  on  fentira  aifément 
qu'elle  ne  produit  qu'un  contre- coup.  Par 
exemple ,  qu'une  planche  égale  en  force  ou 
folidité  dans  tous  fes  points  A  ,  tombe  ou 
foit  frappée  violemment  fur  une  maffe  plus 
dure  B  ,  elle  doit  néceffairement  fe  réfléchir 
dans  rinllant  de  la  percufiion  ,  comme  o» 


{ 


C   O  M 

le  voit  dunsh figure  z  ,  planche  II  de phy- 
jique  ,  Suppl.  des  planches ,  fuivant  la  ponc- 
tuation -E",  qui  décrit  une  courbe  vers  C  ; 
parce  que  dans  un  corps  également  folide  , 
ce  mouvement  ne  fauroit  arriver  ,  que  Tex- 
trémité  jD  ,  y^f ,  qui  regarde  vers  D ,  ne  dé- 
crive une  courbe  de  réflexion  parallèle  ,  fi  la 
planche  ne  fe  cafie  pas  dans  l'inilant  ^u 
choc  ;  c'eft  donc  la  furface  du  corps  A  ,  par 
fa  courbure  de  réflexion  ,  qui  frappe  pour 
produire  le  contre-coup  dans  la  main  ;  le 
coup  confond  ,  rompt  ou  déchire  ,  c'eft-là 
fon  propre  ;  la  commotion  au  contraire  fe- 
coue  ,  ébranle  &  produit  des  vibrations  in- 
déterminées ,  qui  (ont  auiîî  le  propre  ou  le 
figne  caraâérifl:ique  de  la  commotion. 

C'ell  ce  qu'il  falloit  démontrer  pour  faire 
fentir  qu'il  ne  s'agit  dans  l'expérience  de  M. 
de  la  Faye  que  d'un  contre-coup  ,  puifqu'il 
refaite  un  engourdiiîement  tort  douloureux 
imprimé  aux  mains  qui  tiennent  la  planche  , 
fur-tout  dans  l'idée  où  nous  fommes  que  par 
ce  mot ,  l'on  ne  conçoit  d'autre  adion  qu'un 
choc  à  la  partie  oppofée  où  fe  termine  la  per- 
cuffion  ,  ou  bien  dans  une  partie  où  les  fibres 
ne/ont  point  capables  de  le  prêter  au  chan- 
gement de  figure  qu'exige  l'adion  du  choc. 
L'on  doit  entendre  par  commotion  ,  un 
ébranlement  avec  une  agitaiion  confufe  & 
indéterminée,  produite  par  la  continuité  d'un 
mouvement  quelconque  ,  jufqu'aux  plus  pe- 
tites parties  d'un  corps  qui  en  eff  frappé  , 
fans  néanmoins  le  contondre  ,  le  divifer  ou 
le  rompre. 

La  conflifion  &  l'indétermination  d'éy- 
branlement  font  fon  caraftere  diilindif , 
toujours  en  raifon  de  l'homogénéité  des  par- 
ties dures  &  molles  qui  la  reçoivent  ;  elles 
n'arrivent  donc  au  cerveau  que  par  la  tranf- 
miflion  du  mouvement  jufqu'aux  plus  peti- 
tes ramifications  des  nerfs  qui  adhèrent  à  ce 
vilcere  ,  parcequc  l'inertie  de  la  capacité  of- 
fenfée  ne  fauroit  s'oppofer  d'une  manière 
vidorieufe  à  i'impreflion  du  mouvement 
qu'elle  a  reçu  ,  à  moins  que  la  force  avec 
laquelle  elle  réfifteroit  au  choc  ne  fût  pro- 
portionnée à  fa  mafle  ;  c'efl  ce  qu'on  pour- 
roit  apprécier  &  donner  à  entendre  par  un 
fait  bien  naturel  &  aifé  à  concevoir  :  par 
exemple  ,  fi  quelqu'un  jetoit  une  pierre  con- 
tre un  arbre  de  médiocre  groffeur  ,  il  cff 
certain  qu'elle  cauferoit  une  émotion  par  fon 


C  O  M  6^^ 

choc  ,  qui  pafîèroit  fenfiblement  jufqu'aux 
plus  petites  branches  de  l'arbre  ,  parce  que 
fi  réliflance  trop  foible  n'ayant  pu  s'oppo- 
fer à  la  force  qui  l'a  follicité  à  fe  mouvoir  , 
le  coup  a  déterminé  plus  ou  moins  d'émo- 
tion ou  de  vibrations  confécutives  ,  jufqu'» 
ce  que  le  mouvement  fe  foit  réellement  con- 
fbmmé  pour  laiffer  l'arbre  dans  fon  premier 
état  de  repos. 

Il  en  arriveroit  de  même  par  rapport  aux 
fluides  expofés  à  nos  fens;  car  fi  un  corps  étoit 
poufl!e  dans  un  volumt  d'eau  déterminé  ,  la 
percuffion  de  ce  corps  produiroit  un  dépla- 
cement des  particules  du  fluide  ,  de  manière 
que  toutes  en  feroient  fuccelîîvement  agi- 
tées ;  &  il  eff  confiant  que  cette  agitation , 
déterminée  par  l'effet  de  la  percuifion  ,  ne 
reprendroit  qu'après  un  certain  temps  fon 
premier  état  de  repos  ;  que  cette  confufion 
de  mouvement  ne  cefl'eroit  aufii  qu'à  pro- 
portion qu'il  le  perdroit ,  pour  lai  fier  le  fluide- 
dans  fon  premier  état  de  tranquillité. 

Si  nous  comparions  maintenant  la  tête  & 
l'épine  vertébrale  au  tronc  d'un  arbre ,  dont 
les  extrémités  du  corps  feroient  comm.e  Iqs 
branches  ,  nous  pourrions  rendre  fenfible 
l'explication  dts  effets  que  pourroit  produire 
la  percuffion  fur  l'économie  animale  ,  c'efl- 
à-dire  ,  jufqu'où  elle  produiroit  quelque  dé- 
rangement dans  l'ordre  de  la  circulation. 

Il  efi  donc  évident  que  lorfque  i'impref^ 
fion  d'un  corps  arrive  fur  une  partie  fèniible ,. 
elle  la  tend  ou  elle  la  rompt ,  d'où  il  réfulte 
une  fenfation  qui  n'efi  plus  fimple ,  mais 
compliquée  &  doulourcufe  ;  alors  \qs  orga- 
nes àts  fens  qui  font  frappés  par  ce  corps  >. 
étant  irrités  fuivant  les  divers  degrés  de  la 
flexibilité  de  la  partie  frappée  ,  il  doit  ré-^ 
fulter  que  les  chocs  impriment  un  mouve- 
ment proportionné  à  la  force  qui  les  fait  agir , 
&  à  la  nature  foible  ou  forte  de  forgane  qui 
le  reçoit.  L'on  voit  par-là  qLte  l'aétion  que 
nous  rapportons  à  la  commotion  ,  efi  tout-à- 
fait  différente  du  contre-coup ,  parce  que  le 
propre  de  ce  dernier  eff  de  contondre  ,  de 
rompre  ou  de  divifer  ;  -au  lieu  que  dcins  la 
commotion  iln'y  a  ni  fradure  ni  contre-coup. 

Lorfque  la  percuffion  fe  fait  fentir  fur  une 
étendue  peu  élafiique  ,  elle  rompt  la  partie- 
qui  la  reçoit ,  ou  bien.fi  la  partie  réfifie  trop^ 
le  coup  efi  intérieur  &  fe  porte  quelquefois- 
fort  avant  ;,  mais  fi  le  corps  choquant  agit 


6^4-  C  O  M 

fur  une  large  furiace  ,  cettQ  imprefîion  ne 
trouble  réellement  nos  folides  que  par  une 
impuHîon  lèmblable  à  une  agitation  confufe 
&  indéterminée  ,  laquelle  eliauffi  Tpécifique- 
ment  le  propre  de  la  commotion.  Ainli,  ces 
principes  pofés ,  examinons  ce  que  doit  pro- 
duire un  coup  appliqué  fur  la  tête  ,  afin  de 
concevoir  ta  révolution  qu'éprouvent  nos 
fluides  dans  leurs  diamètres- 

Toute  la  tête  eft  ébranlée  à  l'inflant  du 
coup  ,  les  liqueurs  fouffrenc  auiii  un  mouve- 
ment invcrfe  ,  qui  co«|tinue  tant  qu'elles  trou- 
vent des  vaifTeaux  de  communication  ;  la 
commotion  qui  arrive  à  l'inftant  au  cerveau  , 
l'oblige  à  s'abaifîèr  en  quelque  forte ,  &  à 
s'éloigner  de  la  dure-mere  ;  les  vaiflêaux  qui 
l'unifToient  (  pour  ainfi  dire)  ,  avec  ceux  de 
la  pie-mere ,  le  gorgent  plus  ou  moins  ,  mais 
ne  fe  rompent  pas,  fans  cela  ily  auroit  contre- 
coup ;  il  s'enfuit  non-feulement  la  ftagnation 
des  liqueurs  dans  ces  vaiflêaux  ,  mais  même 
dans  ceux  du  cerveau  ,  qui  produit  engorge- 
ment ;  cette  comprellïon  alors  eft  accom- 
pagnée de  fymptomes  qui  ne  font  plus  équi- 
voques ;  le  malade  fans  connoifîance  &  fans 
mouvement  ,  touche  bientôt  à  fa  fin  ,  s'il 
n'efl  fecouru  promptement. 

L'on  fent  très-bien  que  les  caufes  qui  peu- 
vent déterminer  de  femblables  maladies  ,  ne 
manqueroient  pas  d'arriver ,  d'après  la  pref- 
fion  fubite  &  violente  de  l'air  contre  nos  foli- 
des ,  foit  que  cela  fût  occafioné  par  l'explolion 
de  la  poudre  ou  du  tonnerre  ,  foit  encore  que 
cela  arrivât  par  la  chute  d'une  botte  de  paille 
ou  de  foin  ,  d'un  matelas  ou  d'un  lit  de  plume , 
ou  bien  encore^par  la  réfiftance  d'un  volume 
d'eau  aflez  coniidérable  qui  ofFriroit  une 
furface  plane  ,  dans  laquelle  l'on  fe  précipi- 
teroit  d'aflez  haut  la  tête  la  première-;  car 
c'eft  pour  s'en  garantir  que  les  nageurs  ont 
l'attention  de  joindre  les  mains  au-deflus  de 
la  tête  pour  fendre  la  colonne  d'eau.  Il  n'ar- 
riveroit  pas  non  plus  d'accident  à  celui  qui 
feroit  tombé  fur  fes  pies  ,  fur  fes  genoux  ou 
fur  fes  fefles  ,  fi  la  colonne  vertébrale  n'eût 
point  frappé  l'occipital ,  &  déterminé  l'é- 
branlement fur  une  large  (iirface  du  crâne. 
Il  n'y  a  point  de  doute  que  ce  ne  foit  à 
l'impreflionde  femblables  mouvemens  qu'on 
doive  attribuer  l'effet  de  la  commotion  ,  parce 
que  les  folides  n'ayant  pu  être  divifés  ,  il 
s'efl  engendré  (  pour  ainfi  dire  )  des  mouve-  , 
C  a)  Mem.  de  l'acad.  des  Se.  de  Berlin  ,(ow?.  ^ ,  ^. 


C  0  M 

rnens  ifochrones  ,  qui  ont  fuccefllvcmcnt 
ébranlé  tous  les  organes  des  lènlations ,  pour 
produire  les  dérangemens  que  nous  avons 
expliqués  précédemment.  De  plus ,  les  nerfs 
qui  fortent  par  les  trous  fymmétriques  de  la 
bafe  du  crâne  ,  ne  recevant  pas  moins  les 
mêmes  impreiiîons  &  fcnfations  qui ,  comme 
nous  l'avons  remarqué  ,  pafl'cnt  jufqu'aux 
plus  petites  extrémités  de  l'arbre  frappé  ,  il 
doit  coniécutivement  en  réfulter  que  l'ébran- 
lement que  les  nerfs  ont  foufièrt ,  ainfi  que 
les  ganglions  fphéno-palatins,  découverts  par 
M.  Meckel  (  u),  d'où  iortent  les  rameaux 
de  la  cinquième  paire  ,  pour  former  l'inter- 
coflal  avec  fès  communications  ,  peuvent 
nous  fournir  matière  à  l'explication  des  ac- 
cidens  les  plus  urgens  qui  arrivent  par  l'effet 
de  la  commotion  :  nous  devons  donc  confi- 
dérerles  nerfs  ,  lorfqu'ils  Ibrtcntdu  cerveau  , 
ainfi  que  leurs  ganglions  ,  comme  autant  de 
divifions  de  branches  de  ramifications  ou 
de  filets  de  nerfs  qui  partent  d'un  même 
tronc  ,  afin  que  nous  rendions  raifon  des 
mouvemens  fj'mpathiques  qui  arrivent  à  fé- 
conoraie  animale  ,  dans  l'inffant  où  quelque 
partie  eff  afFedée  par  la  percufllon  de  quel- 
que corps ,  lorf  qu'elle  ell  capable  de  produire 
des  dérangemens. 

Nous  voyons  d'après  tous  ces  raifonne- 
mens  ,  que  les  exemples  que  nous  fourniflènt 
tous  les  efFets  de  la  percufiion  ,  nous  font 
juger  ,  avec  beaucoup  de  certitude  ,  qu'ils 
ne  fauroient  arriver  dans  aucunes  parties  de 
la  tète  ,  que  le  jeu  de  l'hydrauhque  ,  qui 
s'exerçoit  auparavant ,  n'en  foit  dérangé  ;  car 
tous  les  fluides  ,  pour  ainfi  dire  ,  refoulés 
dans  leurs  diamètres ,  n'ayant  pas  le  temps 
de  céder  librement  à  fébranlement  déter- 
miné ,  &  de  vuider  les  lieux  du  cerveau  com- 
primé ,  une  partie  du  fluide  par  fon  reflux 
précipité ,  s'infiltre  &  s'extravafe  dans  la  fubf- 
tance  des  parties  ,  pour  produire  par  la  flag- 
nation  des  liqueurs  ,  le  coma ,  le  carus  ,  fa- 
poplexie  ,  la  paralyjie  ,  l'opprefîion ,  les  fiè- 
vres irrégulieres  ,  les  lyncopes  ,  les  douleurs 
fixes  &  poignantes  dans  les  parties  où  cet 
ébranlement  fe  fait  feniir. 

Lorlque  dans  l'inftant  du  choc  il  arrive  le^ 
fîiignement  du  nez  ,  des  yeux,  delà  bouche 
&  des  oreilles ,  avec  le  vomiflèment  ou  l'iffue 
involontaire  des  déjeâions  ;  ces  accidens 
font  les  effets  de  i'efFervefcence  ou  du  mou- 
44»  vement 


C  O  M 

verhent  inverfe  ,  &  pour  ainfi  dire  tumul- 
tueux de  nos  liqueurs  ;  c'eft  pourquoi ,  dans 
ces  fymptomes ,  les  faignées  font  d'une  gran- 
de reflburce  ,  puifque  fou  vent ,  d'après  la 
complexion  du  malade  ,  l'on  tire  du  fang  de 
deux  en  deux  heures  ,  pour  arrêter  &  s'op- 
pofer  à  l'effet  du  mouvement  inverfe  du  fang: 
c'efl  auffi  dans  ce  cas ,  que  confécutivement 
l'on  amis  en ufage  l'application  des  ventou- 
fes  ,  des  fêtons  ,  des  véficatoires  ,  des  topi- 
ques ,  des  douches ,  des  bains  &  des  purga- 
tifs ,  pour  débarraffer  le  cerveau  d'un  relte 
d'engorgemens  que  les  faignées  n'avoient  pu 
obtenir  dans  la  cure  de  la  commotion. 

Mais  s'il  arrive  ,  malgré  ces  moyens ,  que 
le  dérangement  de  l'économie  animale  per- 
fifîe  avec  perte  de  connoifTance ,  délire , 
afîbupifTement ,  agitation  involontaire ,  dou- 
leur fixe  &  poignante  ,  &  une  irrégularité 
confiante  dans  le  pouls,  on  peut  prononcer 
avec  certitude  que  ces  accidens  confécutifs 
font  des  fymptomes  certains  d'une  maladie 
par  contre-coup,  parce  que  fûrementles  par- 
ties qui  auront  reçu  l'effet  de  la  percuiïîon 
auront  fouffert ,  dans  l'inflant  du  choc ,  une 
contufion  violente,  qui  aura  occafioné  la 
rupture  des  parties  folides  ,  ou  la  diviiion  de 
quelques  vailîeaux  qui  aura  produit  un  épan- 
chement  de  fang  ,  ou  un  -abcès  dans  quel- 
que endroit  du  cerveau;  auquel  cas  il  faudroit 
très-promptement  avoir  recours  à  l'opération 
du  trépan.  V T RÉF Aii^  (cet  article eji  de  M. 
Chabrol  ,  ancien  chirurgien-aide-major 
des  camps  &  armées  du  roiychirurgien-major 
du  corps  de  Génie,  aj/bcie' correfpondant  du 
collège  royal  de  chirurgie  de  Nancy  ,  détaché 
à  Vécoleroyale  du  corps  deGénie  àMe\ieres.) 

Commotion,  (Phy/iq.)  ce  mot  s'em- 
ploie auflî  aujourd'hui ,  en  parlant  de  ce  .que 
l'on  reffent  ,  ou  que  l'on  éprouve  en  faifant 
une  expérience  de  l'éledricîté ,  qui  de-là 
même  a  pris  le  nom  ^expérience  de  la  com- 
motion ;  elle  s'appelle  encore  le  coup  fou- 
droyant. V.  ce  mot  ,  &  Van,  ÉLECTRI- 
CITÉ, (r) 

COMMOTE  ,  f.  f.  {Hifl.  mod.)  étoit  un 
terme  anciennementulité  dans  la  province  de 
Galles,  qui  lignifie  un  demi-hundred,  c'efl-à- 
dire  cinquante  villages  ;  car  hundred  fignifie 
cent. 

Autrefois  la  province  de  Galles  étoit  di- 
vifée  en  trois  provinces ,  chacune  defquel- 
Tome  VIJL  , 


C  O  M  €€^ 

les  étoit  divifée  en  cautreds  ou  hundreds  , 
ce  qui  efl  la  même  cl  ofe  ,  &  chaque  hun- 
dred ou  caudred  en  deux  commotes. 

Sylvtflre  Girard  dit  cependant  dans  fon 
itinéraire  ^  que  la  commote  v^e^  qu'un  quart 
de  hundred.  Chamb. 

COMMUER ,  [Jurifp.)  fignifie  chan^ 
ger  une  peine  en  une  autre  ,  ce  que  le  prince 
lèul  peut  faire.  Voye^  ci-après  CohlMU  TA" 
TION  DE  PEINE.  (A) 

COMMUN  ,  ad).  (  Gram.  )  fe  dit  du 
genre  par  rapport  aux  noms ,  &  fe  dit  de 
la  lignification  à  l'égard  des  verbes. 

Pour  bien  entendre  ce  que  les  grammai- 
riens appeilentg'^/2reco/72;7ZM/2,il  faut  obferver 
que  les  individus  de  chaque  efpece  d'animal 
font  divifés  en  deux  ordres;  l'ordre  des  mâles, 
&  l'ordre  des  feraelles.Un  nom  efl  dit  être  du 
genre  mafculin  dans  les  animaux,  quand  il  efl 
dit  de  l'individu  de  l'ordre  des  mâles  ;  au 
contraire  il  efl  du  genre  féminin  quand  il 
efl  de  l'ordre  des  femelles  ;  ainfi  coq  efl  du 
genre  mafculin  ,  &  poule  efl  du  féminin. 

A  l'égard  des  noms  d'êtres  inanimés ,  tels 
que  foleil ,  lune ,  terre ,  &c.  ces  fortes  de 
noms  n'ont  point  de  genre  proprement  dit. 
Cependant  on  dit  que  foleil  efl  du  genre 
mafcuhn ,  &  que  lune  efl  du  féminin  ,  ce 
qui  ne  veut  dire  autre  chofe ,  finon  que  lorf- 
qu'on  voudra  joindre  un  adjedif  à  foleil , 
l'ufàge  veut  en  France  que  des  deux  termi- 
naifons  de  l'adjedif  on  choififîè  celle  qui 
efl  déjà  confacrée  aux  noms  fubflantifs  des 
mâles  dans  l'ordre  des  animaux  ;  ainfi  on 
dira  beau  foleil  j  comme  on  dit  beau  coq,  6c 
l'on  dira  belle  lune  comme  on  dit  belle  poule. 
J'ai  dit  en  France ,  car  en  Allemagne  ,  par 
exemple  ,foleil  eu  du  genre  féminin  ;  ce  qui 
fait  voir  que  cette  forte  de  genre  efl  pure- 
ment arbitraire  ,  &  dépend  uniquement  du 
choix  aveugle  que  l'ufage  a  fait  de  la  ter- 
minaifon  mafcuhne  de  l'adjeâif  ou  de  la 
féminine  ;  en  adoptant  l'une  plutôt  que  l'au- 
tre à  tel  ou  tel  nom. 

A  l'égard  du  genre  commun,  on  dit  qu'ua 
nom  efl  de  ce  genre  ,  c'efl-à-dire  de  cette 
clalTe  ou  forte  ,  lorfqu'il  y  a  une  terminaifon 
qui  convient  également  au  mâle  &  à  la  fe- 
melle: ainfï  auteur  efl  du  genre  commun  ;  on 
dit  d'une  dame  qu'elle  efl  auteur  d'un  tel  ou- 
vrage :  notre  qui  efl  du  genre  commun  ;  on 
diit  un  homme  qui,  &c.  une  femme  qui ,  ôcc. 

Pppp 


€6$  C  O  M 

Fideîe  ,  fage  ,  font  des  adjedifs  du  genre 
.commun\un  amant  fidèle^  une  femme  fidelle. 

En  latin  ,  civis  fe  dit  également  d'un  ci- 
toyen &  d'une  cito5^enne.  Conjux ,  fe  dit 
du  mari  &  aufli  de  la  femme.  Parens  ,  fe  dit 
du  père  &  fe  dit  auffi  de  la  raere.  Bos  y  fe 
ilit  également  du  bœuf  &  de  la  vache.  Canis 
du  chien  ou  de  la  chienne.  Fêles  ^  fe  dit  d'un 
^haf  ou  d'une  chatte. 

Ainii  Ton  dit.de  tous  ces  noms4à ,  qu'ils 
font  du  genre  commun. 

Obfervez  que  homo  cfl  un  nom  commun 
quant  à  la  lignification  ,  c'eft-à-dire ,  qu'il 
fignifie  également  l'/ioz/zme  ou  lafemme-^mAis 
on  ne  dira  pas  en  latin  mala  homo,  pour  dire 
une  méchante  femme\3^mÇi  homo  qW.  du  genre 
mafculin  par  rapport  à  la  conflrudion  gram- 
maticale. C'eft  ainfi  qu'en  françois  perfonne 
eft  du  genre  féminin  en  confliudion ,  quoi- 
que par  rapport  à  la  fignification  ce  mot 
défigoe  également  un  homme  ou  une  femme. 

A  l'égard  àts  verbes  ,  on  appelle  verbes 
communs  ceux  qui,  fous  une  même  termi- 
naifon  ,  ont  la  fignificarion  adive  &  la  paf- 
live  ,  ce  qui  fe  connoît  par  les  adjoints. 
V.  la  quatrième  Ufie  de  la  méthode  de  P.  R. 
p.  ^SZy  des  déponens  qui  fe  prennent  palîl- 
vement.  Il  y  a  apparence  que  ces  verbes  ont 
eu  autrefois  la  terminaifon  adive  &  paflive  : 
en  effet  on  trouve  criminare  ,  crimino  y  & 
criminari  y  criminor  y  blâmer. 

En  grec  ;  les  verbes  qui  fous  une  même 
terminaifon  ont  la  fignification  adive  &  la 
paflive  ,  font  appelles  verbes  moyens  ou  ver- 
bes de  la  voix  moyenne.  (F) 

Commun  (le)  ,  Beaux-Arts.  C'eft  ce 
qui  ne  fe  diflingue  par  aucun  degré  fènfible 
de  beauté  ou  de  perfeâion  des  autres  objets 
du  même  genre ,  ou  ce  qui  n*k  que  le  degré 
médiocre  de  perfedion  ,  qui  eft  commun  à 
la  plupart  des  chofes  de  la  même  efpece.  Le 
commun  c{\  par  conféquent,  en  toutes  chofes, 
ce  qu'on  voit  le  plus  ordinairement  ;  par 
cette  raifon  il  nous  touche  peu  ,  &  n'a  point 
d'énergie  efthétique.  Des  pen(ées communes, 
des  peintures  ordinaires  de  la  nature  ou  des 
mœurs ,  des  événemens  de  tous  les  jours , 
ne  font  pas  des  fujets  propres  aux  ouvrages 
de  l'art.  Auflî  les  critiques  recommandent- 
ils  à  l'artifle  de  choilir  unfujet  noble  ,  grand , 
&  s'il  fe  peut  neuf ,  &  d'éviter  le  trivial  & 
k  commun» 


C  O  M 

Mais  une  chofc  peut  être  commune  en  demt 
manières  ,  ou  par  fa  nature ,  ou  par  Ces  de- 
hors, c'efl-à-dire,  en  faits  d'arts,  par  la  façon 
dont  elle  efl  repréfentée.  Une  penfée  relevée 
peut  être  exprimée  d'une  manière  commune  ; 
&  une  penlée  commune  peut  être  relevée  paf 
la  noblefîe  de  l'expreffion. 

On  ne  doit  pas  exclure  des  arts  tout  fujec 
commun;  il  eft  fouvent  néceffaire  à  complé- 
ter l'enfemble.  Dans  un  tableau  hiflorique  , 
dans  une  tragédie ,  dans  une  épopée  ,'  tous 
les  objets  ne  peuvent  pas  être  également  no- 
bles. Il  fufïît  que  le  commun  n'y  entre  qu'au- 
tant qu'il  gÛ  néceffaire ,  qu'il  n'y  domine 
jamais  ,  &  qu'on  l'évite  le  plus  qu'on  pourra, 
puifqu'il  ne  contribue  point-  au  plàifir. 

Il  y  a  des  ouvrages  qui,  par  le  choix  du. 
fujet ,  font  communs  y  mais  qui  deviennent- 
grands  &  excellens  par  la  manière  de  le  trai-- 
ter.  Tels  font  les  tableaux  hifloriques  d'un 
Rcmbrant ,    d'un   Tenieres ,    d'un  Gérard: 
Dou ,  &  de  plufieurs  peintres  Hollandois  ,, 
dont  on  fait  néanmoins  un  grand  cas.  Tel 
efl  encore  le  Therfite  d'Horriere  ,  fujet  bas , 
&  commun  y  mais  qu'on  tolère  entre  tant  de 
héros ,  parce  que  le  poëte  a  fu  le  peindre  de 
main  de  maître.. 

Dans  tous  ces  cas  ,  ce  n'eft  pas  l'objet  qui 
plaît ,  c'efl  l'habileté  de  l'artifte  qui  donne- 
dû  plailir  ;  mais  comme  cette  habileté  n'cfli 
pas  précifément  le  but  dired  des  beaux-arts , , 
le  plaifir  qu'on  trouve  à,  de  pareils  ouvrages- 
n'empêche  pas  que  le  commun  ne  fbit  blâma- 
ble. On  regrette  avec  raifon ,  àla  vuedeces. 
produdions  ,  que  l'artifle  n'ait  pas  confacré. 
fes  précieux  talens  à  des  objets  plus  dignes, 
d'être  perpétués. 

Le  défaut  oppofé ,  c'efl  d'être  trop  fcru-» 
pul^ux  à  admettre  le  commun  y  lorfqu'il  fert 
à  là  liaifbn  de  l'enfemble.  S'imaginer  qu'il 
n'efl:  jamais  permis  de  baiffer  le  ton  dans  ce 
qui  n'efl  qu'accefibire  ,  c'efl  le  moyen  d'être 
fouvent  guindé  ,  gêné  &  enflée  Lorfqu'il 
faut  employer  des  ô\oits-communes ,  le  plus 
sûr  eft  de  les  repréfènter  dans  leur  air  natu- 
rel. Il  efl  plus  ridicule  d'étaler  avec  pompe 
un  objet  commun,  que  d'exprimer  baffement 
unfujet  relevé.  La  meilleure  règle  à  fuivre 
ici ,  c'efl  de  ne  placer  l'objet  commun  que 
dans  un  jour  médiocre ,  &  de  ne  le  préfenter 
que  fous  des  couleurs  peu  vives  ;  qu'il  ne  foit 
que  foiblement  apperçu ,  &  qu'il  n'ait  riea 


C  O  M 

qui  puîflè  trop  long-temps  fixer  l'attention. 
Un  limple  particulier  peut  aifément  fe  glifler 
à  la  (ùite  d'un  grand  ,  en  fe  mêlant  dans  la 
foule  ;  mais  Ça.  préfence  choqueroit  s'il  mar- 
choit  de  front  au  milieu  des  principaux  fei- 
gneurs ,  ou  qu'il  fe  diflinguât  dans  la  foule 
par  la  richeffè  de  fes  habits.  {Cet  article  efl 
tiré  de  la  théorie  générale  des  beaux-arts  de 

M.   SULZER,  ) 

Commun,  en  Géométrie ,  s'entend  d'un 
angle ,  d'une  ligne  ,  d'une  furface  ,  ou  de 
quelque  chofe  de  femblable  qui  appartient 
également  à  deux  figures  ,  &  qui  fait  une 
partie  néceflaire  de  l'une  &  de  l'autre.  Fby. 
Figure. 

Les  parties  communes  à  deux  figures  fer- 
vent à  trouver  fouvent  l'égalité  entre  deux 
figures  différentes ,  comme  dans  le  théorème 
des  parallélogrammes  fur  même  bafe  &  de 
même  hauteur  ,  dans  celui  de  la  quadrature 
Acs  lunules  d'Hippocrate  ,  &c.  V.  PARAL- 
LÉLOGRAMME ,  Lunule  ,  àc  (O) 

Commun  ,  (Jurifprud.)  fe  dit  des  cho- 
fes  dont  la  propriété  ou  l'ufage ,  &  quel- 
quefois l'un  &  l'autre  ,  appartiennent  à  plu- 
fieurs  perfonnes.  F".  CHOSES  COMMUNES. 

Etre  commun  en  biens  avec  quelqu'un , 
fignifie  être  &  avoir  des  biens  en  commun 
avec  lui ,  comme  cela  efl  fréquent  entre  mari 
&  femme  dans  les  pays  coutumiers;  ces  for- 
tes de  fociétés  ont  auffi  lieu  entre  d'autres 
perfonnes  dans  certaines  coutumes.  Voye-{ 
ci-après  COMMUNAUTÉS  &  SOCIÉTÉS 
TACITES. 

Délit  commun  ,   voye\  DÉLIT. 

Droit  commun  y    voye'{  Y) KOIT. 

Commun  de  paix,  {Jurifprud.)  eft  un 
droit  qui  appartient  au  roi  comme  comte  de 
Rhodez ,  au  pays  de  Rouergue  ,  en  vertu 
duquel  il  levé  annuellement  6  deniers  fur 
chaque  homme  ayant  atteint  l'âge  de  14  ans; 
lur  chaque  homme  marié  ,  12  deniers  ;  fur 
chaque  paire  tJe  bœufs  labourans  ,  2,  fous  ; 
fur  chaque  vache  ou  bœuf  non  labourant  , 
6  deniers  ;  fur  chaque  âne  ,  12.  deniers  ;  fur 
chaque  brebis  ou  mouton  y  i  denier  ;  fur 
chaque  chèvre  ou  pourceau ,  i  denier  ;  & 
fur  chaque  moulin  ,  2  fous. 

M.  Dolive ,  qui  traite  au  long  de  ce  droit 
en  fes  quefl.  not.  liv.  II ,  ch.  ix^  prétend  que 
ce  droit  a  été  ainfi  appelle  ,  parce  que  les 
habitans  du  Rouergue  s'obligèrent  de  le  payer 


C  O  M  €6f 

au  foi ,  en  reconnoifTance  de  ce  qu'en  les 
défendant  del'invafion  des  Anglois,  il  main- 
tenoit  leur  communauté  en  paix. 

Mais  M.  de  Lauriere  enfon  glojjaire  ,  a» 
mot  commun  de  paix  ,  foutient  que  ce  droit 
n'a  été  établi  dans  le  Rouergue  que  pour  y 
abolir  entièrement  les  guerres  privées  ,  ou 
pour  y  rendre  continuelle  cette  fufpenfioti 
d'armes  que  l'on  appelloit  la  Trêve  de  Dieu, 
qui  ne  duroit  que  depuis  le  mercredi  au  foir 
de  chaque  femaine  ,  jufqu'au  lundi  matin 
delà  femaine  fuivante  ;  c'ell  en  effet  ce  que 
prouve  une  décrétale  d'Alexandre  III ,  pu- 
bliée par  M.  de  Marca  dans  Çts  notes  fur  le 
premier  canon  du  concile  de  Clermom ,  pag* 
S.8 1  /elle  eff  rapportée  par  M.  de  Lauriere, 
loco  cit.  {A) 

*  Commun  ,  adj.  {Myth.)  épithete  que 
l'on  donnoit  à  plufieurs  divinités ,  mais  fur- 
tout  à  Mars  ,  à  Bèlionne  &  à  la  Vidoire  ; 
parce  que  fans  aucun  égard  pour  le  culte 
qu'on  leur  rendoit ,  elles  protégeoient  indif- 
tindement  &  l'ami  &  l'ennemi.  Les  latins 
appelloient  encore  dii  communes  ;  ceux  que 
les  Grecs  nommoient  a^eavoi  ;  ils  n'avoient 
aucun  département  particulier  au  ciel  ;  on, 
les  honoroit  toutefois  fur  la  terre  d'un  culte 
qui  leur  étoit  propre  ;  telle  étoit  Cybele.  On 
donnoit  auffi  l'épithete  de  corûmuns  y  aux 
dieux  reconnus  de  toutes  les  nations,  comme 
le  Soleil ,  la  Lune ,  Pluton  ,  Mars  ,  ^c. 

Commun  ,  en  Architecl^ure^  eft  un  corps 
de  bâtiment  avec  cuifines  &  offices  ,  où  l'oa 
apprête  les  viandes  pour  la  bouche  du  roi 
&  les  offices  de  (à  majefté.  Dans  un  hôtel 
c'eft  une  ou  plufieurs  pièces  où  mangent  les 
officiers  &  les  gens  de  livrée.  V.  Salle. 

Dans  une  maifbn  religieufe  on  appelle 
commun^  le  lieu  où  mangent  les  domeftiques. 

Il  y  a  chez  le  roi  le  grand  commun  &  le 
petit  commun. 

Commun,  {Hifi.  mod.)  chez  le  roi  &  les 
grands  feigneurs.  Le  grand  commun  eft  un 
vafte  corps  de  bâtiment  ifolé  ,  &  élevé  fur  la 
gauche  du  château  de  Verfaiiles  ;  &  ce  bâ- 
timent fert  de  demeure  à  un  grand  nombre 
d'officiers  deftinés  pour  la  perfonne  de  nos 
rois. 

Le  petit  commun  eft  une  autre  cuifine  ou 
table ,  établie  en  1664.  >  différente  de  celle 
qu'on  appelle  le  grand commun.Le petit  com^ 
mun  ne  regarde  dcnc  queles  tables  du  grand- 
Pppp  2 


é62  C  O  M 

maître  &  du  grand-chambellan ,  aiïtrefois 
lupprimées  ,  &  depuis  rétablies  par  le  roi 
Louis  XIV;  &  ce  petit  commun ^  dont  les  dé- 
penfes  font  réglées  par  ordc>nnance  du  roi 
en  1726 ,  a  comme  1-e  grand-commun  tous 
les  officiers  néceflaires  pour  le  fervice  de 
leurs  tables.  {G)  (a) 

COMMUNAGES  owCOxMMUNAUX, 
{Jurifp.)  Voyei  COMMUNAL. 

COMxMUNAL,  \jurifpr.)  fe  dit  d'un 
héritage  qui  efl  commun  à  tous  les  habitans 
d'un  même  lieu  ,  tel  qu'un  pré  ou  un  bois. 
On  appelle  cependant  plus  ordinairement 
le  prés  de  cette  qualité  ,  des  communes. 
Voyei  ci-aprês  COMMUNAUX  &  COM- 
MUNES. (A) 

COMMUNAUTÉ  ,  f.  f.  {Junfp.)  en 
tant  que  ce  terme  fe  prend  pour  corps  poli- 
tique ,  cfi  l'aflèmblée  de  plufieurs  perfonnes 
unies  en  un  corps  ,  formé  par  la  permiiiion 
dés  puiiîîincesqui  ont  droit  d'en  autoriîer  ou 
empêcher  l'établiflement.  On  ne  donne  pas 
le  nom  de  communauté  aune  nation  entière  , 
ni  même  aux  habitans  de  toute  une  pro- 
vince ,  mais  à  '.'eux  d'une  ville  ,  bourg  ,  ou 
paroifle,  &  à  d'autres  corps  particuliers ,  qui 
font  membres  d'une  ville  ou  paroifle  ,  &  qui 
font  diftingués  des  autres  particuliers  &  corps 
du  même  lieu. 

Les  communaute's  ont  été  établies  pour  le 
l)ien  commun  de  ceux  qui  en  font  membres  ; 
elles  ont  auflî  ordinairement  quelque  rapport 
au  bien  public:  c'eit  pourquoi  elles  font  de 
leur  nature  perpétuelles,  à  la  différence  des 
fociétés  qui  ibnt  bien  une  efpece  de  com- 
munauté tntrt  plufieurs  perfonnes ,  mais  feu- 
lement pour  un  temps. 

Il  y  avoit  chez  les  Romains  grand  nom- 
bre de  communautés  ou  confréries  ,  que  l'on 
appelloitco/Zé'gej  ou  unii'erjités.  On  tient  que 
ce  fut  Numa  qui  divifa  ainfi  le  peuple  en 
différens  corps  ou  communaute's ,  afin  de  les 
divifer  auili  d'intérêts  ,  &  d'empêcher  qu'ils 
ne  s'uniflent  tous  enlèmble  pour  troubler  le 
repos  public.  Les  gens  d'un  même  état  ou 
profeflion  formoient  entre  eux  un  collège  , 
tel  que  le  collège  des  augures  ,  celui  des  arti- 
fans  de  chaque  efpece ,  6*c.  Ces  collèges  ou 
iro/72/72w/2awrfVpouvQientavoir  leurs  juges  pro- 
pres; &  lorfqu'ils  en  avoient ,  ceux  qui  en 
ctoient  membres  ne  pouvoient  pas  décliner  la 
juriiliiâion*  Le  collège  fuccédoit  à  ^ts  mem-  I 


C  O  M 

bres  décédés  inteflati  ;  il  pouvoit  aufK  être- 
inftitué  héritier  &  légataire  :  mais  les  collèges 
prohibés  ,  tels  que  ceux  des  juifs  &  des  héré- 
tiques ,  étoient  incapables  de  fucceffion.  On 
ne  pouvoit  en  établir  fans  l'autorité  de  l'em- 
pereur ,  ni.  au  préjudice  des  loix  &  fénatuf^ 
confultes  quiledéfendoient.  Cescommunau- 
tés  ou  collèges  fe  mettoient  chacune  fous  la 
proteâion  de  quelque  famille  patricienne. 
Le  devoir  des  patrons  étoit  de  veiller  aux 
intérêts  de  la  communauté  y  d'en  foutenir 
ou  augmenter  les  privilèges. 

A  l'égard  des  communaute's ,  elles  étoient 
perpétuelles,  &  pouvoient  pofféder  des  biens;, 
avoir  un  coffre  commun  pour  y  mettre  leurs 
deniers  ;  agir  par  les  fyndics  ;  députer 
auprès  des  magiflrats ,  même  de  faire  des 
Ifatuts  &  réglemens  ,  pourvu  qu'ils  ne  fuf^ 
fent  pas  contraires  aux  loix. 

En  France  ,  il  y  a  deux  fortes  de  commu-m 
naute's ,  favoir  eccléfiafliques  &  laïques.  ^, 
ci-après  COMMUNAUTÉS  ECCLÉSIASTI- 
QUES Ê?  Communautés  laïques. 

hcscommunautés  eccléjiaftiques  fc  divifenf 
en  féculieres  &  réguheres.  l^  oyei^  au  mot 
Communautés  ecclésiastiques. 

Il  n'y  a  point  de  communauté  quiioit  véri- 
tablement mixte  ,  c'efl-à-dire  partie  eccléliaf^ 
tiçue  &  parne  laïque;  car  les  univerfités, 
que  r  n  dit  quelquefois  être  mixtes ,  parce 
qu'elles  font  compofées  d'eccléfiafliques  & 
de  laïques,  font  néanmoins  des  corps  laïques, 
de  même  que  les  compagnies  de  Jullice  où  il 
y  a  des  confeillers-clercs. 

L'objet  que  l'on  fe  propofe  dans  Fétablif- 
fement  àts^communautés  ,  efl  de  pourvoir  à 
quelque  bien  utile    au  public ,  par  le  con- 
cours de   plufieurs  perfonnes  unies  en  un. 
même  corps. 

-  L'établifîèmenr  de  certaines  communautés 
fe  rapporte  à  la  religion  ;  tels  que  les  chapi- 
tres des  égiifes  cathédrales  &  collégiales ,  \qs 
monafleres  ,  &  autres  communautés  ecclé- 
fiafliques  ;,  les  contréries  &  congrégations  , . 
qui  font  des  communautés  laïques ,  ont  aufli 
le  même  objet. 

La  plupart  des  autres^OT/TZi/naz/fe'j  laïques, 
ont  rapport  ^  la  police  temporelle  ;  telles  que: 
les  communautés  de  marcliands  &  artilàns  , , 
les  corps  de  ville ,  les  compagnies  de  juf^ 
tice ,  ^c. 

Il  y  à  néanmoins  quelques  communautés^. 


C  O  M. 

laïques  qui  ont  pour  objet  &  la  religion  & 
la  police  temporelle  ;  telles  que  les  univerfi- 
tés  dans  lefquelles  ,  outre  la  théologie ,  on 
enfeigne  aufll  les  fciences  humaines. 

Aucune  communauté  y  foit  laïque  ou 
eccléliaflique,  ne  peut  être  établie  fans  l'^ttres 
patentes  du  prince ,  duement  enregistrées  ; 
&li  c'efl  une  communauté tcc\èï\i^^\(\\it ,  ou 
une  co/72/7zw/2awf/ laïque  qui  ait  rapport  à  la 
religion  ,  comme  une  confrérie ,  il  faut  aufli 
la  permiffion  de  l'évêque  diocéfain. 

Quoique  l'état  foit  compofé  de  plufieurs 
membres  qui  forment  tous  enfemble  une 
nation  ,  cependant  cette  nation  n'eft  point 
confidérée  comme  une  communauté  ;  mais 
dans  les  provinces  qu'on appellepoyi-  d'états^ 
les  habitans  forment  un  corps  oucommunauté 
pour  ce  q\ii  regarde  l'intérêt  commun  de  la 
province. 

II  y  a  dans  l'état  certains  ordres  compofés 
de  plufieurs  membres  ,  qui  ne  forment  point 
un  corps ,  tels  que  le  clergé  &  la  noblelTe  ; 
c'efl  pourquoi  le  clergé  ne  peut  s'afTembler 
fans  permiilion  du  roi.  Les  avocats  font 
aufli  un  ordre  &  non  une  communauté.  V. 
ce  qui  en  efl  dit  au  mot  COMMUNAUTÉ 

DES  Avocats  ê?  Procureurs. 

Les  communautés  font  perpétuelles,  telle- 
ment que  quand  tou.v  ceux  qui  compofent 
une  communauté  viendroient  à  mourir  en 
même  temps ,  par  une  pefte  ou  dans  une 
guerre ,  on  rctabliroit  la  communauté  en  y 
mettant  d'autres  perlbnnes  de  la  qualité 
requife. 

Chaque  communauté  a  {çs  biens ,.  {ts 
droits,  &  fes  flatuts. 

Il  ne  leur  efl  pas  permis  d'acquérir  à  quel- 
que titre  que  ce  foit  aucuns  immeubles,  fans 
y  ê'^re  autorifés  par  lettres  patentes  du  roi 
duement  enregiflrées,  &  fans  payer  au  roi 
un  droit  d'amortifîement..  Voy.  AMORTIS- 
SEMENT 6"  Main.- MORTE ,.  &  \Udit 
dlaoût  1^4-9' 

Les  biens  &  droits  appartiennent  à  toute 
la  communauté  y  &  non.  à  chaque,  membre 
qpi  n'en  a  que  Tufage.. 

Les  flatuts  des  communautés- ^omv  ttrc 
valables,  doivent  être  revêtus  de  lettres 
patentes  du  roi  duement  enregiflrées. . 

Il  efl  d'ufage  dans  chaque  commiinautéàQ 
npramer  certains  officiers  ou  prépofés  ,  pour 
gérer  les  atfaires  communes  confoirmément 


C  O  M  ^9 

auxfîatufs  &délibérationsdeIa^om;nj//7aMre';: 
&  ces  délibérations  pour  être  valables  ,  doi- 
vent être  faites  en  la  forme  portée  par  les 
réglemens  généraux,  &  par  l:s  flatuts  parti- 
culiers de  la  communauté.  Vojr^  ci-après 
Communautés  d'habitans.  Fqyqaa 

d'igeûe  quod  cujufq.  unii^erf.  nom.  Domat^ 
loix  cii^iles  ,  part.  II ,  lip.  I ,  tit.  xv. 

Communauté  d'anifans,  ou  d'ans &' 
métiers,  voyez  ci-ap,ès  COMMUNAUTÉ- 
(Commerce.) 

Communauté  des  Avocats  et 
Procureurs  de  lacour,  c'efl-à-dire  du 
parlement ,  eft  une  jurifdiûion  économique 
déléguée  par  la  cour  aux  avocats  &  procu- 
reurs ,  pour  avoir  entr'eux  l'infpeftion  fur  ce 
qu  ils  doivent  obferver  par  rapport  à  l'ordre 
judiciaire ,  pour  maintenir  les  règles  qui  leur 
font  prefcrites  ,  recevoir  les  plaintes  qui  leur 
font  portées  contre  ceux  qui  y  contrevien- 
nent,  &  donner  leur  avis  fur  ces  plaintes.- 
Ces  avis  font  donnés  fous  le  bon  plaifir  de  la 
cour  ;  &  pour  les  mettra  à  exécution ,  on  Iqs- 
fait  homologuer  en  la  cour. 

Sous  le  nom  de  communauté  des  avocats  &^ . 
procureurs ,  on  entend  quelquefois  la  cham-- 
bre  où  fe  tient  cette  jurifdidion ,  quelque-- 
fois  la  jurifdiélion  même,  &   quelquefois 
ceux  qui  la  compofent. 

Beaucoup  de  perfonnes  entendant  parler 
delà  communauté  des  avocats Ù procureurs, 
s'imaginent  que  ce  terme  communauté  figni--. 
fie  que  les  avocats  &  procureurs  ne  forment 
qu'une  même  communauté  ou  corn],  agnie:  ce 
qui  eii  une  erreur  manifelle  ;  les  avocats  ne' 
formant  point  un  corps  même  entr'eux,  mais  . 
feulement  un  ordre  plus  ancien  que  l'état  des 
procureurs ,  dont  il  a  toujours  été  féparé  au- 
parlement  ;  les  procureurs  au  contra-re  for--, 
mant  entr'eux  un  corps  ou  compagnie  qui  n'a* 
rien  de  commun  avec  les  avocats,  que  cenç^- 
jurildidion  appellée  la  communauté,  qu'ils-, 
exercent  conjoi;  tement  pour  In  manutentioniç 
d'une  bonne  dilclphne  dans  ie~  palais  ,  par- 
rapport  à  1  exercice  deleur<;  fondions. 

Pour  bien  entendre  ce  que  c'efl  que  cette  ' 
jurifd'dion,  &  de  quelle  manière  elle  s'efl  ' 
établie  ,  il  faur  obferver  qu'il  y  avoir  en^. 
France  des  avocats  dès  le  commencement- 
de  la  monarchie,  qui  alloient  plnjder  au^ 
parleinent  dans  les  di'féren-s  endroits  où  ill 
I  tenoit  lès  léauces  ;  &  depuis  quePiiilipp.e-le-«f-;  1 


^7©  C  O  M 

Bel  eut  en  1310  rendu  le  parlement  féden- 
taire  à  Paris  ,  il  y  eut  des  avocats  qui  s'y  atta- 
chèrent ;  &  ce  fut  le  commencement  de 
l'ordre  des  avocats  au  parlement. 

L'inftitution  des  procureurs  ad  Utes  n'efl 
pas  11  ancienne.Les  établifî'emens  de  S.  Louis, 
faits  en  1270  ,  font  la  première  ordonnance 
qui  en  parle  ;  encore  falloit-il  alors  une  dif- 
penfe  pour  plaider  par  procureur.  L'ordon- 
nance des  états  tenus  à  Tours  en  1484 ,  fut 
la  première  qui  permit  à  toutes  fortes  de  per- 
fonnes  d'eller  en  jugement  par  procureur. 

Il  paroît  néanmoins  que  dès  1341  les  pro- 
cureurs au  parlement ,  au  nombre  de  vingt- 
fept  ,  paflèrent  un  contrat  avec  le  curé  de 
Sainte-Croix  en  la  cité ,  pour  établir  entr'eux 
une  confrérie  dans  fon  églife. 

Cette  confrérie  fut  confirmée  par  des  let- 
tres de  Philippe  VI,  du  mois  d'avril  1342.. 

Les  avocats  n'étoient  point  de  cette  con- 
frérie. 

Cette  confrérie  de  procureurs  fut  le  pre- 
mier commencement  de  leur  communauté , 
de  même  que  la  plupart  des  autres  corps  & 
communautés ^Q^\  ont  commencé  par  de  fem- 
blables  confréries. 

Celle-ci  ayant  dans  la  fuite  été  transférée 
en  la  chapelle  de  S.  Nicolas  du  palais  ,  les 
avocats  fe  mirent  de  la  confrérie ,  où  ils  ont 
toujours  tenu  le  premier  rang  ;  &  depuis  ce 
temps ,  il  a  toujours  été  d'ufage  de  choifir 
un  des  anciens  avocats  pour  être  le  premier 
marguillier  de  la  confrérie  ;  &  on  lui  a 
donné  le  nom  de  bâtonnier  y  à  caufe  que 
c'étoit  lui  autrefois  qui  portoit  le  bâton  de 
S.Nicolas, 

Jufqu'alors  les  avocats  &  les  procureurs 
n'avoient  encore  de  commun  entr'eux  que 
cette  confrérie. 

Les  procureurs  étoient  déjà  unis  plus  par- 
ticulièrement entr'eux ,  &  formoient  une 
efpece  de  corps  ,  au  moyen  du  contrat  qu'ils 
avoient  paiTé  enfemble  ,  &  des  lettres  paten- 
tes de  Philippe  VI,  confirmatives  de  ce  con- 
trat &  de  leur  première  confrérie. 

Ils  s'afTembloient  en  une  chambre  du  pa- 
lais pour  délibérer  entr'eux ,  tant  des  afiàires 
de  la  confrérie  dont  ils  étoient  principale- 
ment chargés ,  que  de  ce  qui  concernoit  leur 
difcipline  entr'eux  dans  l'exercice  de  leurs 
fondions  ;  &  cette  aflemblée  fut  appellée  la 
commwiAiUd  des  procureurs,  La  compagnie 


C  O  M 

elifoîf  un  de  fes  membres ,  pour  veiller  aux 
intérêts  communs  ;  &  le  procureur  charge 
de  ce  foin,  fut  appelle  \q  procureur  de  lacom-> 
munauté. 

Il  paroît  même  que  l'on  en  nommoit  plu- 
fleurs  pour  faire  la  même  fondion. 

M.  Boyer,  procureur  au  parlement ,  dans 
Ufiyle  du  parlement  qu'il  a  donné  au  public, 
fait  mention  d'un  arrêt  du  18  mars  1508  , 
rendu  fur  les  remontrances  faites  à  la  CQur 
par  le  procureur  général  du  roi ,  qui  enjoint 
aux  procureurs  de  la  communauté  de  faire 
afîèmblée  entre  les  avocats  &  procureurs  , 
pour  entendre  les  plaintes  ,  chicaneries  de 
ceux  qui  ne  fuivent  les  formes  anciennes ,  & 
contreviennent  au  flyle  &  ordonnances  de 
la  cour;  &  de  faire  regiftre,  le  communiquer 
au  procureur  général  pour  en  faire  rapport 
à  la  cour. 

Les  avocats  ayant  été  appelles  à  cette 
afïemblée  avec  les  procureurs  ,  elle  a  été 
nommée  la  communauté  des  avocats  Ù  pro- 
cureurs. Cette  alTemblee  fè  tient  dans  la 
chambre  de  S.  Louis  ,  &  non  dans  la  cham- 
bre dite  de  la  comwMnamé  y  où  les  procu- 
reurs délibèrent  entr'eux  des  affaires  qui 
intéreflent  feulement  leur  compagnie. 

Le  bâtonnier  des  avocats  préfide  à  la  com" 
munauté  des  avocats  Ù  procureurs ^  &  s'y  fait 
affifler ,  quand  il  le  juge  à  propos ,  d'un  cer- 
tain nombre  d'anciens  bâtonniers  &  autres 
anciens  avocats ,  en  nombre  égal  à  celui  des 
procureurs  de  communauté :c^ti\  ce  qui  ré- 
fulte  d'un  arrêt  de  règlement  du  9  janvier 
1710,  par  lequel,  en  conformité  d'une  déli- 
bération de  la  comrnunauté  des  avocats  Ù 
procureurs  de  la  cour,  du  9  defdits  mois  & 
an,  homologuée  par  ledit  arrêt,  il  a  été  arrêté 
que  l'état  de  diflribution  des  aumônes  feroit 
arrêté  dans  la  chambre  de  la  communauté,  en 
préfence  &  de  l'avis  tant  du  bâtonnier  des 
avocats  &  de  l'ancien  procureur  de  commu- 
nauté,  que  de  quatre  anciens  avocats  qui  y 
feront  invités  par  le  bâtonnier  ,  dont  il  y  en 
aura  deux  au  moins  anciens  bâtonniers,  & 
de  quatre  procureurs  de  communauté^  que  fi 
le  procureur  de  communauté  fe  fait  aflifler 
d'autres  procureurs,  le  bâtonnier  fe  fera  pa- 
reillement afCfter  d'avocats  en  nombre  égal 
à  celui  des  procureurs  :  que  s'ils  fe  trouvent 
partagés  d'opinions  ,  ils  fe  retireront  au  par- 
quet des  gens  du  roi ,  pour  y  être  réglés. 


C  O  M 

Le  bâtonnier  des  avocats  &  les  anciens 
|)âtonniers  &  autres  avocats  qu'il  appelle 
avec  lui,  vont,  quand  ils  le  jugent  à  propos  , 
à  la  communauté  y  pour  y  juger  les  plaintes  , 
conjointement  avec  les  procureurs  de  com- 
munauté :  mais  comme  il  eft  rare  qu'il  y  ait 
quelque  chofe  qui  inrérefîê  les  fondions 
d'avocat,ils  laifîènt  ordinairement  ce  foin  aux 
procureurs  de  communauté^  c'eft  pourquoi  le 
plus  ancien  d'entre  eux  fe  qualifie  de  préfî- 
dent  de  fa  communauté'^  ce  qui  ne  doit  néan- 
moins s'entendre  c^uQàtlQwx  communauté  ou 
compagnie  particulière ,  &  non  de  la  com- 
munauté des  avocats  Ù  procureurs  y  où  ces 
derniers  ne  préfident  qu'en  l'abfence  des 
avocats. 

Communauté  de hiens entre  conjoints^ 
ell  une  fociété.  établie  entr'eux  par  la  loi  ou 
par  le  contrat  de  mariage  ,  en  conféquence 
de  laquelle  tous  les  meubles  qu'ils  ont  de  part 
&  d'autre  ,  &  les  meubles  &;  immeubles 
qu'ils  acquièrent  pendant  le  mariage  ,  font 
communs  entr'eux.  Il  y  a  même  des  co/72- 
inunautés  de  tous  biens  indiftin(3ement:.ce 
qui  dépend  de  la  convention. 

La  communauté  de  hiens  entre  conjoints 
n'étoit  point  abfolument  inconnue  aux  Ro- 
mains ;  on  en  trouve  des  vertiges  dans  une  loi 
attribuée  àRomulus,oii  la  femme  efl  appellée 
focia  fortunarum.* Mulier  viro  fecundum 
facratas  leges  conluncià  ^fortunarum  Ù  fa^ 
crorum  focia  illi  ejio,  utque  domus  ille  domi- . 
nus ,  ita  hçec.  domino  y  filia.  ut  patris  y  ita 
defuncfo  marito  y  hceres  efto.  Voye^  Càtal: 
kg.  antiq.  pag.  Q,  Comme  la  femme  étoit 
en  la  puiflânce  de  fon»  mari,  il  étoit  le 
maître  de  la  fociété  ou  communauté.. 

Il  faut  néanmoins  convenir  que  ce  qui  eft 
dit  dans  les  loix  romaines  de  la  fociété  du 
mari  &  de  la  femme  ,  doit  s'entendre  feule- 
ment de  la  vie  commune  qui  eft  l'objet  du 
mariage,  plutôt- que  d'une  communauté  de 
biens  proprement  dite;  au  moins  n'y  avoit-il 
point  parmi  eux  de  communauté  légale^. 

On  pouvoir  à  la  vérité  en  établir  par  con- 
vention. Il  y  en  a  une  preuve  en  la  loi  ali- 
menta^ au  digeftei^e  a/z;;2e7z^  qui  parle  d'un 
mari  &  d'une  fename  qui  avoient  été  en  com^ 
munauté  de  tous  biens.  Cette  communauté 
contradée  pendant  le  mariage  ,  ne  fut  fans 
doute^  approuvée  qu'à  caufe  qu'il  y  avoir 
^^alité  de  biens  ;  car  il  n'étoit  pas  permis  .aux 


C  O  M  ^71 

conjoints  de  fe  faire  aucun  avantage  entre- 
vifs  ,  même  fous  prétexte  de  s'aflocier.  lib. 
JCXXJIj  §  de  donat.  intervir.  &  ux.Ainii  la 
communauté  ne  pouvoit  régulièrement  être 
fîipulée  que  par  contrat  de  mariage  ;  mais  la 
donation  faite  entre  conjoints  par  forme  de 
fociété ,  étoit  confirmée  comme  donatioa 
par  la  mort  d'un  des  conjoints. 

IJ  n'y  a  pas  d'apparence  cependant  que  la 
communauté  de  biens  ufitée  entre  conjoints, 
dans  la  plupart  des  pays  coutumiers  ,  ait  été 
empruntée  des  Romains  ,  d'autant  qu'elle 
n'a  point  lieu  fans  une  convention  expreiîe 
dans  les  pays  de  droit  écrit  qui  avoifinent  le- 
plus  l'Italie ,  &.  où  l'on  obferve  les  loixr: 
romaines. 

Quelques-uns   prétendent  tirer  l'origine- 
Je  h  communauté  y  de  ce  qui  fe  pratiquoit 
chez  les  Gaulois  :  ils  fe  fondent  fur  ce  que:- 
Céfar ,  en  (es  commentaires,  de  bello  gallicoy^ 
hv.  VI .,  n.  4 ,  dit  en  parlant  des  mœurs  des.; 
Gaulois,  que  le  mari  en  fe  mariant   étoitr 
obligé  de  donner  à  fa  femme  autant  qu'elle 
lui  apportoit  en, dot ,  &  que  le  tout  apparre— 
noit  au  furvivant ,  avec  le  profit  qui  en  étoit- 
furvenu:  Quantas pecunias  ab  uxoribus  dotis 
nomine  acceperunt^  tantas  exhis  bonis  ûs/h- 
matione  facfâ  cum   dotibus  communicant». 
Hujus  omnis  pecunice  conjunciim  ratio  ha-»- 
beturfrucfufquefervamur. .  Uter  eorum  vitâ  ' 
fuperai-'itj  ad  eum  pars  utriufque  cumfrucli-  - 
bus  fuperiorum  temporum  pervenit.  Mais  il 
eft  aifé  d'appcrcevoir  que  ce  don  réciproque 
de  furvie  eit  tout  différent  de  notre,  «rom- 
munauté. 

Il  y  a  plutôt  lieu  de  croire  que  lès  pays 
coutumiers  ,  qui  font  plus  voifins  de  l'Alle- 
magne que  les  pays  de  droit  écrit,  ont  em- 
prunté cet  ufage  des  anciens  Germains,  chez  • 
lefquels  le  tiers  ou  la  moitié  des  acquêts  faits 
pendant  le  mariage,  appartenoit  à  la  femme, 
fuivantlewVre  ï-'i//  dé  la  loi  des  Saxons:  De 
eo  quod  vir  Ù  mulierfimul  acquijierim^  mu- 
lie  r  mediam  partem  accipiat  ;  &  lé-  f/V., 
xxix  de  la  loi  ripuaire  :  Mulier  tertiam 
partem  de  omni  re  quam  conjuges  Jîmul. 
collahoraverint  y  fiudeat  revindicare. 
',  Sous  la  première  &•  là  féconde  race  dé 
nos  rois ,  la  femme  n'avoit  que  le  tiers  des 
biens  acquis  pendant  le  mariage;  ce  qui 
étoit  conforme  à  la  loi  des  ripuaires.  La  com- 
.munautényoïthm  alors  pour  les  reines  ;  ;  e^. 


^7*  C  O  M 

^fFeton  lit  daps  Aimion,  que  lors  du  partage 
qui  fut  fait  de  lafucceflion  de  Dagobert  entre 
i'esenfans,  on  réfervale  tiers  des  acquihtions 
■qu'il  avoir  faites  pour  la  reine  fa  veuve  ;  ce 
•qui  confirme  que  l'ufage  étoit  alors  de  donner 
aux  femmes  le  tiers  de  la  communauté.  Louis 
le  ]3éboni.iaire  &  Lothaire  Ion  fils ,  en  firent 
une  loi  générale:  l^olumus  iitiixores  defunc- 
torum  paji  obitum  maritorum  tertiam  par- 
tem  collaboradonis  ^  quam  fimul  in  benefi- 
icio  collaboraverunt ,  accipiant. 

Cette  loi  fut  encore  obfervée  pour  les  veu- 
ves des  rois  iubféquens,  comme  Flodoard 
le  fait  connoître  en  parlant  de  Raoul  roi  de 
France  ,  lequel  aumônant  une  partie  de  fes 
biens  à  diverfes  églifes  ,  réferva  la  part  de  la 
reine  fon-époulè;  mais  il  ne  dit  pas  quelle 
étoit  la  quotité  de  cette  part.  Ce  paflage  juf- 
tifie  auffi  qu'il  n'étoit  pas  au  pouvoir  du  mari 
çie  difpolèr  des  biens  de  \^  communauté  y  au 
préjudice  de  fa  femme. 

Préfentement  il  n'y  a  plus  de  communauté 
entre  les  rois  &  les  reines  ;  elles  partagent 
feulement  L  s  conquêts  faits  avant  l'avéne- 
ment  du  roi  à  la  couronne. 

Le  mari  peut  diipofer  àes  biens  dq  la  com' 
munauùépar  ade  entre-vifs  ,  pourvu  que  ce 
foit  à  perlonne  capable  &  fans  fraude  ;  mais 
par  teflament  il  ne  peut  difpofer  que  de  fa 
xnoitié. 

Les  coutumes  de  Bourgogne ,  rédigées  en 
1459 1  ^cmf  l^s  premières  où  il  foit  parlé  de 
la  communauté  de  biens  j  dont  elles  donnent 
à  la  femme  moitié  ;  ce  qui  eft  conforme  à 
la  loi  des  Saxons.  Cet  ufage  nouveau  par 
tapport  à  la  part  de  la  femme ,  adopté  dans 
ces  coutumes  &  dans  la  plupart  de  celles  qui 
ont  été  rédigées  dans  la  fuite ,  pourroit  bien 
avoir  été  introduit  en  France  par  les  Anglois, 
qui ,  comme  l'on  fait ,  font  Saxons  d'origi- 
ne ;  &  fous  k  règne  dp  Charles  VI,  s'étoient 
emparés  d'une  partie  du;-oyaume. 

Le  droit  de  communauté  eft  accordé  à  la 
femme ,  en  coinfidération  de  la  commune 
collaboration  qu'elle  fait ,  ou  eft  préfumée 
faire,  foit  en  aidant  réellement  fon  mari  dans 
fon  compierce ,  s'il  en  a ,  foit  par  fon  induf- 
irieperfonnelle,  ou  par  fes  foins  &  fon  éco- 
nomie dans  le  ménage. 

La  plupart  àes  coutumes  étaKlifîênt  de 
f)lein  droit  la  communauté  entre  conjoints  :  il 
^  ,#.n  .j^  néanmoins  quelques-unes ,  comme 


C  O  M 

Normandie  &  Rheims ,  qui  excluent  cètTt 
communauté',  mais  elles  ont  pourvu  autre- 
ment à  la  fubfiftance  de  la  femme  en  cas  de 
viduité. 

Les  contrats  de  mariage  étant  (ufceptibles 
de  toutes  fortes  de  claulés  qui  ne  font  pas 
contre  les  bonnes  mœurs ,  il  eft  permis  aux 
futurs  conjoints  de  ftipuler  la  communauté 
de  biens  entr'eux,  même  dans  les  pays  de 
droit ,  &  dans  les  coutumes  où  elle  n'a  pas 
lieu  de  plein  droit. 

Il  leur  eft  pareillement  permis  de  l'admet- 
tre ou  de  l'exclure  dans  les  coutumes  où  elle 
a  lieu  ;  fi  la  femme  eft  exclue  de  la  commu- 
nauté ^  fes  enfans  &  autres  héritiers  le  font 
auffi. 

Lorfque  le  contrat  de  mariage  ne  règle 
rien  à  ce  fujet  :  pour  favoir  s'il  y  a  commu~ 
nautéy  on  doit  fuivre  la  loi  du  lieu  du  domi- 
cile du  mari  au  temps  de  la  célébration  du 
mariage  ,  ou  de  celui  où  il  avoit  intention 
d'établir  fon  domicile  en  fe  mariant  ,  \ts 
conjoints  étant  préfumés  avoir  voulu  fc 
régler  fuivânt  la  loi  de  ce  lieu. 

Quoique  de  Aro\tcommMn.\2i communauté 
fe  partage  par  moitié  entre  le  furvivant  & 
les  héritiers  du  prédécédé  ,  il  eft  permis  aux 
futurs  conjoints  ,  par  contrat  de  mariage  , 
de  régler  autrement  la  part  de  chacun  6es 
conjoints.  On  peut  ftipuler  que  la  femme 
n'aura  que  le  tiers,  ou  autre  moindre  por- 
tion; ou  que  le  furvivant  jouira  feul  de  toute 
la  communauté  y  foit  en  ufufruir  ou  en  pro- 
priété ,  &  autres  claufes  femblables. 

J^a communauté \ega\c  ou  conventionnelle 
a  lieu  du  moment  de  la  bénédiftion  nup- 
tiale ,  &  non  du  jour  du  contrat.  Il  y  a  néan- 
moins quelques  coutumes ,  comme  Anjou 
&  Bretagne  ,  où  elle  n'a  lieu  qu'après  l'an  & 
jour;  c'eft-à-dire  ,  que  fi  l'un  des  Conjoints 
décède  pendant  ce  temps ,  la  communauté 
n'a  point  lieu  :  mais  s'il  ne  décède  qu'après 
l'année  ,  la  communauté  a  lieu  ,  &  a  eftèt 
rétroadif  au  jour  du  mariage. 

Les  claufes  les  plus  ordinaires  que  Kon  in- 
fère dans  les  contrats  de  mariage  par  rapport 
à \n  communauté f  font: 

Que  les  futurs  époux  feront  uns  &  com- 
muns en  tous  biens ,  meubles  &  conquêts 
immeubles,  fuivant  ]a  coufume  de  leur 
domicile. 

Qu'ils  ne  feront  néanmoins  tenus  des 

dette* 


C  O  M 

tes  l'un  de  l'autre  créées  avant  le  mariage  , 
lefquelles  feront  acquittées  par  celui  qui  les 
aura  faites  ,  &  fur  fcs  biens. 

Que  de  la  dot  de  la  future  il  entrera  une 
telle  fomme  tn  communauté  ^  &  que  le  fur- 
plus  lui  demeurera  propre  à  elle  &  aux  fiens 
de  fon  côté  &  ligne. 

Que  le  furvivant  prendra  par  préciput ,  & 
avant  partage  de  la  communauté ,  des  meu- 
bles pour  une  certaine  fomme  ,  fuivant  la 
prifce  de  l'inventaire  &  fans  crue  ,  ou  ladite 
fomme  en  deniers  à  fon  choix. 

Que  s'il  eft  vendu  ou  aliéné  quelque  pro- 
pre pendant  le  mariage ,  le  remploi  en  fera 
fait  fur  la  communauté  ;  &  s'ils  ne  fuffifent 
pas  à  l'égai'd  de  la  femme  ,  fur  les  autres 
biens  du  mari  :  que  l'adion  de  ce  remploi 
lera  propre  aux  conjoints  &  à  leurs  enfans  , 
&  à  ceux  de  leur  côté  &  ligne. 

Qu'il  fera  permis  à  la  future  &  à  fes  en- 
fans  qui  naîtront  de  ce  mariage  ,  de  renon- 
cer à  la  communauté  ;  Ù  en  ce  faifant ,  de 
reprendre  franchement  &  quittement  tout 
ce  qu'elle  y  aura  apporté  ,  &  ce  qui  lui  fera 
échu  pendant  le  mariage  ,  en  meubles  & 
immeubles  ,  parfùcceffion  ,  donation,  legs , 
ou  autrement  :  même  la  future  ,  fi  elle  fur- 
vit ,  fcs  douaire  &  préciput ,  le  tout  franc 
&  quitte  de  toutes  dettes  ,  encore  qu'elle  y 
eût  parlé  ou  y  eût  été  condamnée  ;  dont  audit 
cas  elle  &  Ces  enfans  feront  indemnifés  far 
les  biens  du  mari  ,  pour  raifon  de  quoi  il  y 
aura  hypothèque  du  jour  du  contrat. 

Il  eft  aufli  d'ufage  que  le  mari  fixe  la  por- 
tion de  fon  mobilier  qu'il  veut  mettre  en 
communauté ,  &  il  flipule  que  le  furplus  lui 
demeurera  propre  ,  &  aux  fiens  de  fon  côté 
&  ligne. 

Le  mariage  une  fois  célébré  ,  les  conjoints 
ne  peuvent  plus  faire  aucune  convention 
pour  changer  leurs  droits  par  rapport  à  la 
communauté. 

Un  mariage  nul ,  ou  qui  ne  produit  pas 
d'effets  civils  ,  ne  produit  pas  non  plus  de 
communauté. 

Quant  au^iens  qui  entrent  en  la  commu- 
nauté ,   il  faut  diflinguer. 

'Lîi  communauté  légale  ,  c'efî-à-dire' celle 
qui  a  lieu  en  vertu  de  la  coutume  feule  ,  & 
celle  qui  efl  flipulée  conformément  à  la  cou- 
tume ,  comprend  tous  les  meubles  préfens 
&i  à  venir  des  conjoints ,  &  tous  les  con- 
Tome  VUL 


C  O  M  Cy^ 

quêts  immeubles  ,  c'efl-à-dire  ceux  qu'ils 
acquièrent  pendant  le  mariage  ,  à  quelque 
titre  que  cefoit ,  lorfqu'ils  ne  leur  font  pas 
propres. 

La  communauté  conventionnelle  ,  c'efî-à- 
dire  celle  qui  n'efl  fondée  que  fur  la  conven- 
tion ,  &  qui  n'eft  point  établie  par  la  cou- 
tume du  lieu  ,  ne  corapread  point  les  meu- 
bles préfens  ,  mais  feulement  les  meubles  à 
venir  ,  &  les  conquéts  immeubles. 

Il  efl  d'ufage  que  les  conjoints  en  fe  ma- 
riant mettent  chacun  une  certaine  fomme 
en  communauté  ;  cette  mife  peut  être  iné- 
gale. Celui  des  conjoints  qui  n'a  point  de 
meubles  à  mettre  en  communauté  ^  ameublit 
ordinairement  par  fidion  une  portion  de 
fes  immeubles  ,  &  cette  portion  ainfi  ameu- 
blie efl  réputée  meuble  à  l'égard  de  la  com- 
munauté. 

Quand  au  contraire  les  conjoints  n'ont 
que  des  meubles  ,  ils  peuvent  en  réaHfer 
par  fidion  une  partie  pour  l'empêchej* 
d'entrer  en  communauté  ;  cette  réalifa- 
tion  fe  peut  faire  ,  ou  par  une  claufè  ex- 
preffe  de  réalifation  ,  ou  par  une  fimple 
flipulation  d'emploi  ,  ou  par  une  claufe 
que  les  deniers  ou  autres  meubles  que  l'on- 
vdut  excepter  de  la  communauté  demeu- 
reront propres  a-ux  conjoints. 

La  flipulation  de  propre  fimplement,  ne 
conferveroit  le  miobilier  flipulé  propre  qu'aii 
conjoint  feulement  :  pour  tranfmcttre  lé 
même  droit  à  fes  enfans  ,  il  faut  ajouterpro- 
pre  à  lui  ù  aux  fiens  ;  &  fi  on  veut  étendre 
l'efïèt  de  la  claufe  aux  collatéraux  du  con- 
joint, il  faut  encore  a]ouzer  de  fon  c6t/&  li^né. 

La  pratique  d'un  office  entre  en  lacommu" 
nauté  comme ,  les  autres  meubles  ;  &  les 
offices  comme  les  autres  immeubles ,  excepté 
néanmoins  les  offices  de  la  maifon  du  roi  & 
des  gouvernemens  ,  qui  n'entrent  point  en 
communauté  ,  fuivant  l'édif  du  mois  de 
janvier  2678. 

Les  rentes  foncières  entrent  pareillement' 
en  la  communauté  comme  les  autres  im- 
meubles ;  à  l'égard  des  rentes  conflituées  , 
elles  y  entrent  comme  meubles  ou  immeu- 
bles ,  fuivant  que  la  coutume  du  domicile 
du  créancier  leur  donne  l'une  ou  l'autre 
qualité. 

Les  immeubles  ,  foit  propres  ou  acquêts  , 
que  les  conjoints  pofîldoient  au  temps  du 

Qqqq 


^74  C  O  M 

mariage ,  &  ceux  qui  leur  font  <^chus  depuis 
par  fucceflion  direde  ou  coliarérale  ,  même 
par  legs  ou  donation  direélc  ,  qui  font  tous 
biens  propres  ,  n'entrent  point  en  commu- 
nauté ,  à  moins  qu'il'n'y  eût  claufe  contraire 
dans  le  contrat  de  mariage  :  il  en  efl  de  même 
des  biens  qui  ont  été  échangés  contre  des 
propres  ,  &  de  ceux  qui  font  échus  à  un 
des  conjoints  par  licitation  ,  les  uns  &  les 
autres  étant  propres. 

Pc«ir  ce  qui  eft  des  fruits  des  propres  & 
acquêts  ,  ils  entrent  de  droit  en  la  commu- 
nauté ,  auffi-bien  que  les  fruits  des  con- 
quêts  immeubles. 

Tous  biens  meubles  ou  immeubles  ac- 
quis pendant  le  mariage  font  cenfés  acquis 
éQs  deniers  de  la  communauté  ,  &:  com- 
muns entre  les  conjoints  ,  (bit  que  l'ac- 
quifition  (bit  faite  par  eux  conjointement 
©u  pour  eux  deux  ,  loit  qu'elle  ait  été 
faite  au  nom  d'un  des  conjoints  feulement. 

Le  mari  Cil  le  maître  delà  communauté , 
c'efl  pourquoi  la  femme  ne  peut  pafl'er  au- 
cun ade  ,  même  en  fa  prélence  ,  ni  efter 
en  jugement  ,  fans  être  autorifée  dé  lui  , 
ou  par  juOice  au  refus  du  mari  ,  s'il  y  a 
lieu  de  le  faire. 

.  En  qualité  de  maître  de  la  communauté' , 
le  mari  peut  non-feulement  faire  feul  tous 
ades  d'adminiilration  ,  comme  recevoir  & 
•donner  quittance  ,  faire  des  baux  ;  mais  il 
peut  auffi  difpofer  feul  entre-vifs  des  meu- 
bles &  immeubles  de  la  communauté ,  foit 
par  obligation  ,  aliénation  ,  ou  donation  , 
&  autrement  ,  etiam  perdendo  ,  pourvu 
que  ce  foit  à  perfonne  capable  &:  fans  fraude. 

La  femme  ,  pendant  la  vie  de  fon  mari , 
n'a  qu'un  droit  éventuel  fur  la  communauté, 
pour  partager  ce  qui  fe  trouvera  au  jour  de 
la  diflblution  ;  ainfi  elle  ne  peut  dilpofer 
d'aucun  des  effets  de  la  communauté  ,  & 
fi  elle  le  fait  conjointement  avec  fon  mari  , 
c'ell:  proprement  lui  feul  qui  difpofe  ,  puif- 
qu'il  eft  feul  maître  de  la  communauté. 

Elle  ne  peut  ,  par  la  même  raifon  ,  em- 
pêcher fon  mari  de  vendre  ou  aliéner  les 
bins  de  la  communauté  ;  mais  feulement , 
s'il  y  a  dilfipation  de  la  part  du  mari  ,  de- 
mander en  juftiçc  fa  féparation  de  biens  , 
dont  l'eifet  eft  de  difibudrc  la  communauté 
pour  l'avenir. 

La  femrae  ne  peut  pas  non  plus  obliger 


C  O  M 

la  communauté  par  aucune  emplette  ou 
emprunt  ,  fi  ce  n'eft  lorfqu'elle  ell  fac- 
trice  de  fon  mari  ,  ou  qu'au  vu  &  au  fti 
de  fon  mari  elle  fait  un  commerce  féparé , 
auquel  cas  elle  oblige  fon  mari  &  la  com- 
munauté. 

Autrefois  les  réparations  civiles  ou  confif- 
cations  prononcées  contre  le  mari  ,  fe  pre- 
noient  fur  toute  la  com/rzz/waiif f' indifîinde- 
ment  ;  mais  fuivant  des /f frrf j-  du  z6  dé- 
cembre z^^z  y  données  par  Henri  VI , 
roi  d'Angleterre  ,  &  foi  dilant  roi  France  , 
il  fut  accordé  en  faveur  des  bourgeois  de 
Paris  ,  que  la  moitié  de  la  fem-me  en  la 
communauté  ne  feroit  pas  flijette  aux  con- 
lifcations  prononcées  contre  le  mari. 

Quelques  coutumes  ,  comme  celle  de 
Bretagne  ,  donnoient  feulement  une  provi- 
fion  à  la  femme  fur  les  biens  confiiqués  : 
DHmoulin  s'éleva  fort  contre  cet  abus  ; 
&  c'elf  peut-être  ce  qui  a  donné  lieu  à  far- 
rêt  de  1532  ,  qui  a  jugé  que  la  confifcation 
du  mari  ne  préjudicie  pas  aux  conventions 
de  la  femme  ,  ni  même  à  fon  droit  en 
la  communauté. 

La  confifcation  prononcée  contre  la  fem- 
me ne  comprend  qite  (es  propres  ,  &  non 
fa  part  en  la  communauté ,  qui  demeure  au 
mari  par  non  décroifîément  :  à  l'égard  des 
amendes  &  réparations  civiles  &  des  dépens 
prononcés  contre  la  femme  ,  même  en  ma- 
tière civile  ,  lorfqu'elle  n'a  point  été  auto- 
rifée par  fon  mari  ^  ces  condamnations  ne 
peuvent  s'exécuter  fur  la  part  de  la  femme 
en  la  communauté  qu'après  la  diffolurion. 

Pour  ce  qui  eff  des  charges  de  la  commu- 
nauté ,  il  faut  diflinguer  les  dettes  créées 
avant  le  mariage  ,  de  celles  qui  font  créées 
depuis. 

Les  dettes  immobiliaires  créées  avant  le 
mariage  ^  ne  font  point  une  charge  de  com- 
munauté ;  chacun  des  conjoints  efl  tenu 
d'acquitter  celles  qui  le  concernent. 

A  l'égard  des  dettes  mobiliaires  ,  auflî 
créées  avant  le  mariage  ,  elles  (ç^t  à  la  charge 
de  la  communauté ,  à  moins  qu'on  n'ait  IH- 
pulé  le  contraire  ;  cette  claufe  n'empêche  pas 
néanmoins  le  créancier  de  fe  pourvoir  con- 
tre le  mari ,  &  fur  les  biens  de  la  communau- 
té,  quand  même  ce  feroit  une  dette  perfon- 
nelle  de  la  femme  ;  fon  effet  efl  feulement 
d'obliger  celui  des  conjoints  dont  la  dette  a 


C  O  M 

été  payée  des  deniers  de  la  communauté  , 
d'en  taire  raifon  à  l'autre  ou  k  ies  héritiers 
lors  àc  la  diffolution  de  la  communauté. 

Quant  aux  dettes  contradées  depuis  le 
mariage  ,  foit  mobiliaires  ou  immobiliaires , 
elles  font  toutes  à  la  charge  de  la  commu- 
nauté :  Il  la  femme  n'y  a  pas  parlé  ,  elle 
n'y  eft  obligée  qu'en  cas  d'acceptation  à  la 
communauté ,  &  elle  ne  peut  être  tenue  que 
jufqu'à  concurrence  de  ce  qu'elle  ou  fes  héri- 
tiers amendent  de  la  communauté  ,  pourvu 
qu'après  le  décès  du  premier  mourant  il  foit 
fait  loyal  inventaire  ;  à  la  diiiérencedu  mari 
qui  eft  toujours  tenu  folidairementdes  dettes 
de  communauté  envers  les  créanciers  ,  fauf 
fon  recours  contre  les  héritiers  de  (a  femme  , 
pour  la  part  dqint  ils  en  font   tenus. 

Si  la  femme  s'efl:  obhgée  avec  fon  mari  , 
elle  n'a  plus  le  privilège  de  n'être  tenu  qu'//z- 
fra  rires  ,'  elle  doit  remplir  fon  obligation  , 
fauf  fon  recours  contre  les  héritiers  de  fon 
raari ,  pour  ce  qu'elle  a  été  obligée  de  payer 
au-delà  de  la  part  qu'elle  devoit  fupporter 
des  dettes. 

Les  frais  de  la  dernière  maladie  du  prédé- 
cédé font  une  dette  de  communauté  ;  mais 
les  frais  funéraires  ne  fe  prennent  que  fur 
la  part  du  prédécédé  &  fur  fes  biens  perion- 
nels  :  le  deuil  delà  veuve  efî  aufli  à  la  charge 
delà  communauté  y  foit  qu'elle  accepte  ou 
qu'elle  renonce. 

Les  dettes  immobiliaires  des  fucceffions 
échues  aux  conjoints  pendant  le  mariage , 
ne  font  point  à  la  charge  de  la  communauté  j 
&  à  l'égaid  des  dettes  mobiliaires  ,  la  com- 
munauté nçn  eft  tenue  qu'à  proportion  des 
meubles  dont  elle  amende  de  la  même  fuc- 
celîion. 

La  communauté  finit  par  la  mort  natu- 
relle ou  civile  d'un  des  conjoints  ,  &  par 
la  iéparation. 

La  mort  civile  du  mafi  difTout  tellement 
la  communauté,  que  le  partage  en  peut  être 
?-uiîi-tôt  demandé  par  la  femme  ;  au  lieu  que 
la  mort  civile  de  la  femme  difTout  bien  la 
communauté ,  mais  la  totalité  en  demeure 
au  mari. 

Pour  que  laféparation  opère  la  diffolution 
de  lacommunauté ,  il  faut  qu'elle  foit  ordon- 
née en  juftice  après  une  enquête;  car  les  le- 
parations  volontaires  font  réprouvées. 
Après  la  difïblution  de  lu' communauté  y 


C  O  M 


7Î 


la  femme  ou  fes  héritiers  ont  la  libe-rté  de 
l'accepter  ou  d'y  renoncer  ;  au  lieu  que  le 
mari  n'a  pas  la  liberté  d'y  renoncer  ,  attendu 
que  tout  eft  cenië  de  fon  fait. 

Lorfque  la  femme  ou  fes  héritiers  accep- 
tent lacommunauté ,  chacun  commence  par 
reprendre  Ces  propres  réels  en  nature  ;  enfuite 
on  reprend  fur  la  maffe  de  la  communauté  le 
remploi  des  propres  aliénés ,  les  deniers  ftipu- 
lés  propres  ,  les  récompenfes  que  les  con- 
joints fe  doivent  pour  leurs  dettes  perfonnel- 
les  qui  ont  été  acquittées  fur  la  communauté  y 
ou  pour  les  impenfes  faites  fur  leurs  propres 
des  deniers  de  la  communauté. 

Sur  le  furplus  de  la  communauté  le  furvî- 
vant  prélevé  fon  préciput  en  meubles  ou  en 
argent  ,  félon  ce  qui  a  été  ftipulé  ,  fans 
être  tenu  de  payer  plus  grande  part  des 
dettes  pour  raifbn  de  ce  préciput. 

Dans  la  coutume  de  Paris  ,  entre  nobles  , 
lefurvivant  a  de  plus  le  droit  de  prendre  le 
préciput  légal ,  qui  comprend  tous  les  meu- 
bles étant  hors  la  ville  &  fauxbourgs  de 
Paris  ,  à  la  charge  de  payer  les  dettes 
mobiliaires  &  frais  funéraires  du  défunt  ^  • 
pourvu  qu'il  n'y  ait  point  d'enfans  ;  & 
s'il   y  a  enfans  ,  ils  partagent  par  moitié. 

Après  tous  ces  prélevemens  ,  le  reftant  de 
la  communauté  Ce  partage  entre  le  furvivanc 
&  les  héritiers  du  prédécédé  ,  fuivant  ce  quî 
a  été  convenu  par  le  contrat. 

La  faculté  de  renoncer  à  la  communauté  , 
ne  fut  d'abord  accordée  qu'en  faveur  des  no- 
bles ,  des  gentilshommes  qui  le  croifoient 
contre  les  Infidèles  ,  lefquels  étant  obligés  à 
d'excefiives  dépenfes  ^  engageoient  fouvent 
tous  leurs  biens  ,  ou  la  plus  grande  partie. 
Cet  ufage  ne  commença  par  conféquent  au 
plutôt  que  vers  la  fin  du  xj^  fiecle  ;  Monflre- 
kt  ,  la'.  /,  ch.  ocviij  de  fon  hifl.  dit  que  Phi- 
hppe  I ,  duc  de  Bourgogne  ,  étant  mort  cri 
1363  ,  la  veuve  renonça  à  (es  biens-meubles , 
craignant  fes  dettes  ,  en  métrant  fur  la  repré- 
fentation ,  l'a  ceinture  avec  la  bourfe  &  fes 
clés  comme  il  étoit  de  coutume ,  &  qu'elle 
en  demanda  acle  à  un  notaire  public.  Bonne , 
veuve  de  Valeran  comte  de  S.  Poî  ,  fit  la 
mêmechofe,  au  rapport  du  même  auteur,' 
ch.  cxxxix.  La  veuve  jetoit  fa  bourfe  &  fes 
clés  fur  la  fofîe  ou  fur  la  repréfcntntion  de 
fon  mari ,  pour  marquer  qu'elle  ne  retenoit 
rien  de  fa  maifon.  Il  eft  fait  mention  de  cette 
Qqqqi 


^7^  G  O  M 

formalité  dnnsplufieurs  coutumes  ,  telles  que 
Meaux  ,  Chaumont ,  Vkry  ,  Laon  ,  Châ- 
lons  ,  &  autres  ,  ce  qui  ne  fe  pratique  plus 
depuis  long-temps.  La  forme  nécefïaire  pour 
]a  validité  de  la  renonciation  ,  efl  qu'elle  i'oit 
faite  au  greffe  ou  devant  notaire  ,  qu'il  yen 
ait  minute  ,    &  qu'elle  foit  inlinuée. 

Ce  privilège  ,  qui  n'étoit  accordé  qu'aux 
veuves  des  nobles  ,  a  été  étendu  par  la  nou- 
velle coutume  de  Paris  aux  veuves  des  rotu- 
riers ,  &  cela  ell  aujourd'hui  de  droit  com- 
mun. 

La  renonciation  pour  être  valable  ,  doit 
être  précédée  d'un  inventaire  fait  avec  un 
légitime  contradideur. 

Si  la  femme  ou  les  héritiers  renoncent  à  la 
communauté ,  en  ce  cas  ils  reprennent ,  tant 
fur  \ts  biens  de  la  communauté ,  que  fur  tous 
les  autres  biens  du  mari  indillindement ,  les 
deniers  dotaux  de  la  femme  ftipulés  propres , 
fon  apport  mobilier  quand  il  y  a  claulé  de 
reprife  ,  (ts  remplois  de  propres  ,  les  répara- 
tions qui  font  à  faire  fur  ^qs  propres  exiftans , 
fon  douaire  préfix  ou  coutumier  fi  elle  furvit , 
&  même  fon  préciput  au  cas  que  cela  ait  été 
flipulé  ;  elle  reprend  aufli  fur  ces  mêmes  biens 
les  dons  qui  lui  ont  été  faits  par  fon  mari  par 
contrat  de  mariage  ,  &  elle  a  fur  ces  mêmes 
biens  une  indemnité  contre  fon  mari  ou  fes 
héritiers ,  pour  les  dettes  auxquelles  il  l'a 
fait  obliger  durant  lacommunautéy  avec  hy- 
pothèque pour  cette  indemnité  du  jour  du 
contrat  de  mariage. 

La  femme  peut  être  privée  de  fon  droit  en 
la  communauté ^our  caufe  d'adultère ,  &  dans 
le  cas  où  elle  a  abandonné  fon  mari ,  &  a 
perfiflé  à  vivre  éloignée  de  lui ,  nonobllant 
les  fomraations  qu'il  lui  a  faites  de  revenir 
dans  fa  maifon  ;  mais  le  défaut  de  paiement 
de  la  dot  n'eil:  pas  une  raifon  pour  la  priver 
^e  la  iommunauté, 

Lorfqu'au  jour  de  la  diflolution  de  la  com- 
munauté'A  y  a  des  enfans  mineurs  nés  du  fiir- 
vivant  &  du  prédécédé  ,  &  que  le  furvivant 
néglige  de  faire  inventaire  ,  il  eft  au  choix 
àes  mineurs  de  prendre  la  corn/;? w/za^f/ en 
Fétat  qu'elle  étoitau^jour  de  la  dilîblution  , 
ou  de  demander  la  continuation  de  commu- 
nauté jufqu'au  jour  de  l'inventaire  ,  s'il  en  a 
été  fait  un  depuis  ;  ou  jufqu'au  jour  du  par- 
tage ,  Vil  n'y  a  point  eu  d'inventaire. 
La  oaaiorité  fur  venue  anK  mineurs  depuis 


C  O  M 

la  difïblution  de  la  communauté ,  n'empêche 
pas  qu'elle  ne  continue  jufqu'à  ce  qu'il  iit 
fait  inventaire  valable.  .ji 

Quand  les  mineurs  optent  la  continuation 
àe  communauté ,  les  enfans  majeurs  peuvent 
aulil  faire  la  même  option. 

Pour  empêcher  la  continuation  de  co/tz- 
munauté,  il  faut  que  le  furvivant  fafîê  faire 
un  inventaire  folemnelavec  un  légitime  con- 
tradideur  ;  il  faut  même  ,  à  Paris  &  dans 
quelques  autres  coutumes  ,  que  cet  inventaire 
foit  clos  en  jufîice. 

La  communauté  commuée  efl  compofée  de 
tous  les  meubles  de  la  première  communauté  y 
des  fruits  des  conquêts  ,  &  des  fruits  des  pro- 
preij  du  prédécédé  ;  tout  ce  qui  échoit  au 
furvivant ,  qui  efl  de  nature  A  entrer  en  com-- 
munauté ^  entre  aufli  dans  cette  continuation , 
mais  ce  qui  échoit  aux  enfans  ,  ou  qu'ils  ac- 
quièrent de  leur  chef  depuis  la  difTolution  de 
la  communauté^  n'entre  point  dans  la  conti- 
nuation ni  pour  le  fonds  ni  pour  les  fruits. 
-  Le  fécond  mariage  du  furvivant  n'opère 
point  la  difïblution  àe\^  communauté  conti- 
nuée ;  en  ce  cas  fi  les  enfans  mineurs  optent 
la  continuation  de  communauté ,  elle  fe  par- 
tage par  tiers  entr'eux  avec  le  iur vivant  & 
fon  fécond  conjoint. 

Après  la  diffolutionde  la  communauté ,  le 
furvivant  des  conjoints  doit  rendre  compte 
delaco/n/;zw/2aMrf'auxhéritiersdu  prédécédé  ; 
quand  le  furvivant  a  été  tuteur  de  fes  enfans , 
ce  compte  fe  confond  avec  celui  de  la  tutelle; 
enfin  après  le  compte  on  procède  au  par- 
tage. 

On  peut  voir  fur  cette  matière  les  traités 
de  la  communauté  par  de  Renulfon  &  Le- 
brun ,  &:  les  commentateurs  des  coutumes 
fur  le  titre  de  la  communauté  ;  Pafquier  en- 
fes  recherches  ,  liv.  IV  y  ch.  ocxj  ;  de  Lau- 
riere  en  fon  glojf.  au  mot  communauté  de 
biens  ,  au  mot  ceinture  ,  au  mot  clé.  {A) 
Communauté  conjugale  ,  efl  hcom^ 
munauté  àe  biens  qui  a  heu  entre  conjoints  , 
en  vertu  de  la  coutume  ou  du  contrat  de  ma- 
riage. F".  c/Wf^'.CoMMUNAUTÉDEBlENS. 

Communauté  continuée  ,  J-'oye^ 
Communauté  de  biens. 

Communauté  conventionelle  ^ 
eu  celle  qui  eff  flipulée  entre  conjoints  par  le 
contrat  de  mariage.  Fbjf;^CoMMUNAUTÉ. 
DE  BIENS. 


C  O  M 
Communauté  coutumiëre  oulé- 

GALE  ,  eH  celle  qui  a  lieu  de  plein  droit  en 
vertu  de  la  coutume  ,  &  qui  n'a  point  été 
réglée  par  le  contrat  de  mariage.  Voye\ 
ci-devant  COMMUNAUTÉ  DE  BIENS  ,  6" 
ci-après  COMMUNAUTÉ  LÉGALE.  (^  ) 

Communautés  Ecclésiastiques  , 

{Wifi.  eccl.  &  mod.)  corps  politiques  compo- 
lës  de  perfonnes  eccléliaftique.s  qui  ont  des 
intérêts  communs.  Ces  communautés  font  de 
deux  fortes  ;  favoir  régulières  ,  &  féculieres. 
Les  communautés  régulières  font  les  collèges 
ou  chapitres  de  chanoines  réguliers  ,  les  mai- 
fons  conventuelles  de  religieux  ,  les  couvents 
de  religieufes  :  ceux  qui  compofent  ces  com- 
munautés régulières  vivent  enfemble  &  en 
commun  ;  ils  ne  pofledent  rien  en  propre. 
Voyei  Chanoines  réguliers  ,  Cou- 
vent ,  Monastère  ,  Religieux  , 
Religieuses. 

Les  communautés  ecclé/iaJliquesCécuWeres 
font  les  chapitres  des  égliies  cachédrales  & 
collégiales  ,  les  féminaires  &  autres  maiions 
compofées  d'cccléfiaftiquei.  qui  ne  font  point 
de  vœux  &  ne  font  ailreinrs  à  aucune  règle 
particulière. 

On  ne  peut  établir  aucune  communauté 
eccléjiafiique  fans  le  concours  des  deux  puil- 
fànces  :  il  faut  la  permiflion  de  l'évêque  dio- 
célain  pour  le  fpiricuel ,  &  des  lettres  pa- 
tentes du  roi  duemcnt  enregiilirées  ,  pourau- 
torifer  l'établiflément  quant  au  temporel. 

Les  univerfités  font  des  corp<;  mixtes  ,  en 
ce  qu'ils  font  compofés  de  laïques  &  d'ecclé- 
liafHques  ;  mais  confidérés  en  général  ,  ce 
font  des  corps  laïques.  V.  UNIVERSITÉS. 

On  attribue  à  S.  Auguflin  l'origine  &  f  inf- 
titution  descommunaucé  eccléjiafiiques  fé- 
culieres. Il  eft  certain  qu'il  en  forma  une  des 
clercs  près  de  fa  ville  épifcopale  ,  où  ils  man- 
geoient  &  logeoicnt  avec  leur  évêque  ,  étant 
tous  nourris  &  vêtus  aux  dépens  de  la  com- 
munauté ^  ufant  des  habits  &  des  meubles 
ordinaires  fans  fe  faire  remarquer  par  aucune 
fmgul^rité.  Ils  renonçoient  à  tout  ce  qu'ils 
avoienten  propre  ,  mais  ne  faifoient  vœu  de 
continence  que  quand  ils  recevoient  les  or- 
dres auxquels  il  étoit  attaché. 

On  trouve  beaucoup  d  exemples  de  ces 
communautés  eccléjiafiiques  dans  l'Occident 
depuis  le  temps  de  S.  Auguflin  ;  &  l'on  croit 
qu'elles  ont  fervi  de  modèle  aux  chanûioes 


C  O  M  Cjy 

*  réguliers  ,  qui  fe  font  aujourd'hui  honneur 
de  porter  le  nom  de  S.  Auguflin;  mais  on  n'en 
trouve  qu'un  dans  Thifloire  de  l'églife  grc- 
que.  Il  efl  vrai  qu'en  Orient  le  grand  nom- 
bre de  monafleres  fuppléoit  à  ces  commu^ 
nautés. 

Julien  dé  Pomere  dit  qu'il  y  avoît  des  com" 
munautés  compofées  de  trois  fortes  de  clercs: 
\&s  uns  n'avoient  jamais  eu  de  patrimoine  , 
\qs  autres  avoient  abandonné  celui  qui  leur 
appartenoit ,  d'autres  l'avoient  confervé  & 
en  faifoient  part  à  la  communauté.  En  Efpa- 
gne  il  y  avoir  plufieurs  communautés  ecclé- 
jiafiiques ,  où  l'on  formoit  les  jeunes  clercs 
aux  lettres  &  à  la  piété  ,  comme  il  paroît 
par  le  II  concile  de  Tolède.  C'étoient  ce 
que  font  aujourd'hui  nos  féminaires. 

L'hiltoire  eccléfiaflique  fait  aufïi  mention 
de  communautés  eccléjiafiiques  &  monajli- 
ques  tout  enfemble  ;  tels  étoient  les  monaf^ 
teres  de  S.  Fulgence ,  évêque  de  Rufpe  en 
Afrique  ,  &  celui  de  S.  Grégoire  le  grand. 

Nous  appelions  aujourd'hui  communautés 
eccléjiafiiques  ,  toutes  celles  qui  ne  tiennent 
à  aucun  ordre  ou  congrégation  étabhe  par 
lettres  patentes.  Il  y  a  aufli  plufieurs  commu- 
nautés religieuiés  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  ,. 
qui  forment  àe^  maifons  particulières  ;  & 
d'autres  de  lilles  ou  veuves  qui  ne  font  point 
de  vœux ,  ou  au  moins  de  vœux  folemnels^ 
&  qui  font  en  très-grand  nombre.  Thoraafîl 
difcip,  eccléf.  part.  I ,    lip'.  I  y  ch.  xxxix y 

Xl    £     Xlj  y     pan.   II  y     //>.    I  y    cIl.     XXX.    (G) 

Communauté  d'Habitans  :  c'elHe 
corps  des  habitans  d  une  ville  ,  bourg  ,  ou 
fimple  paroiffe  ,  confidérés  colledivemenc 
pour  leurs  intérêts  communs.  Quoiqu'il  ne 
foit  pas  permis  d'établir  dans  le  royaume  au- 
cune communauté  fans  lettres  patentes  ,  ce— 
P'?ndanr  les  habitans  de  chaque  ville  ,  bourg  ,  • 
ou  paroiffe  ,  formeni  entre  eux  une  commu- 
nauté ^  quand  même  ils  n'auroient  point  de 
chart re  de  commune  :  Fobjet  de  cette  commit^ 
naitté con{\^Q  feulemem  à  pouvoir  s'afîèmbler 
pour  délibérer  de  leurs  aflàires  communes ,  & 
avoir  un  lieu  dcffiné  à  cet  eftèt  ;  à  nommer 
des  maire  &  échevins  ,  confuls  &  fyndics  ^ 
ou  autres  ofîiciers ,  félon  l'ufage  du  lieu  y 
pour  adminiiîrer  les  aŒiires  communes  ;  de» 
afîéeurs  &  colledeurs  dans  les  heux  tailla* 
blés  ,  pour  Tafliette  &  recouvrement  de  la 
taille  ,  des  nieiiiers  ,  &  autres  prépofcspoujr 


€;S  C   O   M 

la  garde  des  moiiTons ,  des  vignes  ,  &  autres 
fruits. 

Les  aflignations  que  l'on  donne  aux  com- 
munautés dliabitans  doivent  être  données  un 
jour  de  dimanche  ou  fête  ,  à  l'ifîbe  de  la 
mefîè  paroiffiale  ou  des  vêpres  ,  en  parlant 
au  lyndic  ,  ou  en  l'on  ablence  au  marguil- 
iier  ,  en  préfence  de  deux  habitans  au  moins 
que  le  fergent  doit  nommer  dans  l'exploit , 
il  peine  de  nullité  ;  &  à  l'égard  des  villes  où 
il  y  a  maire  &  échevins  ,  les  aflîgnarions  doi- 
vent être  données  à  leurs  peribnnesou  do- 
miciles. 

Les  communautés  d'hahltans  ne  peuvent 
jntenDer  aucun  procès  fans  y  être  autorifées 
par  le  commiflaire  départi  dans  la  province; 
&  en  général  ils  ne  peuvent  entreprendre  au- 
cune affaire  ,  foit  en  demandant  ou  défen- 
dant ,  ni  faire  aucune  députation  ou  autre 
chofe  concernant  la  communauté,  fans  que 
cela  ait  été  arrêté  par  une  délibération  en 
bonne  forme  ,  &  du  confentemcnt  de  la 
majeure  partie  des   habitans. 

Ces  délibérations  doivent  être  faites  dans 
une  aflemblée  convoquée  régulièrement  , 
c'eft-à-dire  que  l'affemblée  loit  convoquée 
au  fon  de  la  cloche  ou  du  tambour  ,  lelon 
l'ufage  du  lieu  ,  à  Tiflue  de  la  méfié  paroif- 
fiale ,  un  jour  de  dimanche  ou  iète  ,  &:  que 
Tade  d'aflemblée  &  délibération  (bit  rédigé 
par  un  notaire  ,  &  (igné  ats  habitans  qui 
étoient  préfens  &  qui  lavoient  figner  ;  & 
pour  ceux  qui  ne  le.  favoient  pas  ,  qu'on  en 
fafîe  mention. 

La  manière  dont  ils  doivent  nommer  les 
afféeurs  &  colleâeurs,  eflexphquée  ci-devant 
au  mot  Collecteur  ;  &  ce  qui  concerne 
les  furtaux  &  la  taille  ,  fera  dit  aux  mots 
Surtaux  &  taille. 

Les  communautés  cT habitans  poflèdent  en 
certains  lieux  des  biens  communaux  , 
tels  que  des  maifons  ,  terres ,  bois  ,  prés  , 
pâturages,  dont  la  propriété  appartient  à  route 
la  communauté  ,  &  l'ufage  à  chacun  des  ha- 
bitans ,  à  moins  qu'ils  ne  Ibient  loués  au  pro- 
fit de  la  communauté ,  comme  celafe  prati- 
que ordinairement  pour  les  maiions  &  les 
terres  :  les  revenus  communs  qu'ils  en  re- 
tirent font  ce  que  l'on  appelle  Us  deniers 
patrimoniaux. 

Dans  la  plupart  des  villes  les  habitans  pof- 
(êde;it   des   odrois  ,    c'ell-à-dire  certains 


C  O  M 

droits  qui  leur  ont  été  concédés  par  le  roi 
à  prendre  fur  marchandifes  &  denrées  qui 
entrent  ou  iortent  de  ces  villes  ,  ou  qui  s'y 
débitent. 

L'édit  de  16S3  ,  &  k  déclaration  du  2 
août  1687  ,  détendent  aux  communautés 
cThabitansde  faire  aucunes  ventes  ni  aliéna- 
tions de  leurs  biens  patrimoniaux  ,  commu- 
naux ,  &  d'oclroi ,  ni  d'emprunter  aucuns 
deniers  pour  quelque  caufe  que  ce  foit ,  fi- 
non  en  cas  de  perte  ,  ou  pour  logement  & 
ufleniiles  des  troupes  ,  &  réédificarion  des 
nefs  des  éghfes  tombées  par  vêtu  fié  ou  in- 
cendie ,  &  dont  ils  peuvent  être  tenus  ;  & 
dans  ces  cas  mêmes  il  faut  une  affemblée  en 
la  manière  accoutumée  ,  que  l'affaire  pafle 
à  la  piurahîé  des  voix  ,  &c  que  le  greffier  de 
la  ville  ,  s'il  y  en  a  un  ,  fmon  un  notaire , 
rédige  l'ade  ,  &  qu'on  y  falîê  mention  de 
ce  qui  doit  erre  fait.  Cet  aâ:e  doit  être  en- 
fuite  porté  à  l'intendant  ,  pour  être  par  lui 
autorifé  ,  s'il  le  juge  à-propos  ;  &  s'il  s'agit 
d'un  emprunt ,  il  en  donne  avis  au  roi ,  pour 
être  par  lui  pourvu  au  rembourfement. 

La  forme  en  laquelle  on  doit  faire  le  pro- 
cès aux  communautés  d' habitans  &  autres  , 
lorfqu'il  y  a  lieu  ,  efl  prefcrice  par  l'ordon- 
nance de  1670  ,  tit.  xxj.  Il  faut  que  la  com- 
munauté nomme  un  lyndic  ou  député  ,  fui- 
vant  ce  qui  fera  ordonné  ,  finon  on  nomme 
d'office  un  curateur.  Le  fyndic  député  ,  ou 
curateur  ,  iubit  interrogatoire  ,  &  la  con- 
froBi^non  àz^  témoins  ;  il  elf  employé  dans 
toutes  les  procédures  en  la  même  qualité  : 
maisledifpofitif  du  jugement  ell  rendu  con- 
tre la  communauté  même.  Les  condamna- 
tions ne  peuvent  être  que  de  réparation  ci- 
vile ,  dommages  &  intérêts  envers  la  partie  , 
d'amende  envers  le  roi ,  privation  de  leur 
privilège,  &  autres  punitions  qui  marquent 
publiquement  la  peine  que  la  communauté  a 
encourue  par  ion  crime.  On  fait  aufli  en  par- 
ticulier le  procès  aux  principaux  auteurs  du 
crime  &  à  leurs  complices  ;  &  s'ils  fbnt  con- 
damnés à  quelques  peines  pécuniaires  ,  ils  ne 
font  pas  tenus  de  celles  qui  ont  été  pronon- 
cées contre  la  communauté. 

Communautés  laïques  ,  qu'on  ap- 
pelle auSî  communautés féculieres  y  font  des 
corps  &  compagnies  compofees  deperfbnnes 
laïques  unies  pour  leurs  intérêts  communs  \ 
,  telles  font  'les  corps  de  ville  &.les  commua 


C  OM 

nantis  dl-iabitans  ;  les  compagnies  de 
jufîice  compofées  des  magiftrats  d'un  même 
tribunal  ;  les  autres  compagnies  d'officiers  , 
telles  que  celles  des  procureurs  ,  notaires  , 
huiffiers  ,  &  autres  femblables  ;  le  collège 
des  fecretaires  du  roi  ,  les  univerfités ,  & 
même  chaque  collège  qui  en  dépend  ,  les 
hôpitaux  ,  &  autres  corps  femblables. 

Communauté  légale  de  biens ,  eft  celle 
qui  a  lieu  de  plein  droit  entre  conjoints  ,  en 
vertu  de  la  loi  ou  de  la  coutume ,  fans  qu'elle 
ait  été  flipulée  par  le  contrat  de  mariage. 

Communauté  de  Marchands  , 
voye^  ci  F  article  COMMUNAUTÉ  (  Com- 
merce ,  <&  ci-après  MARCHAND. 

Communauté  des  Procureurs  , 

eft  l'allemblée  de  ceux  des  procureurs  au 
parlement  qui  font  prépofés  pour  adminiftrer 
les  alîliires  de  la  com.pagnie  ,  &  qu'on  appelle 
par  cette  raifon />/'c»an"£'£/rj  de  communauté. 
Cette  afîèmblée  fe  tient  dans  une  chambre 
du  palais  qui  eft  près  de  la  chapelle  de  S.  Ni- 
colas ,  &  qu'on  appelle  la  communauté.  On 
ne  doit  pas  confondre  cette  afîèmblée  avec 
la  communauté  des  avocats  &  procureurs. 
Voyei   ci-devant     COMMUNAUTÉ     DES 

Avocats  ,  ùc. 

COMMUliAVTÈ  (Procureurs  de  )  ,  poye:[ 
ci-devant  au    mot    COMMUNAUTÉ    DES 

Avocats  &  Procureurs  ,  &  ci-après 
au  woz^Procureurs. 
Communautés  régulières  ,  font 

des  maifons  compolées  de  pcrfonnes  unies 
en  un  même  corps  ,  qui_  vivent  félon  une 
règle  canonique  ou  monaftique  ;  tels  font 
les  chapitres  de  chanoines  réguliers ,  les  cou- 
vens  de  chanoineffes  régulières  ,  &  tous  les 
couvens  &  monafteres  de  religieux  &  de  re- 
ligieufes  en  général 

Communautés    séculières.    On 

comprend  (ous  ce  nom  deux  fortes  de  commu- 
nautés ;  favoir  les  communautés  laïques  & 
les  communautés  eccléjiafiiques  féculieres  , 
(jue  l'on  appelle  ainfi.  par  oppofition  aux 
communautés  régulières. 

Communautés  tacites  ,    font  des 

fociétés  qui  lé  forment  fans  contrat  par  écrit 
dans  certaines  coutumes  &  entre  certaines 
perfonnes  ,  par  la  demeure  &  vie  commune 
pendant  un  an  &  jour ,  avec  intention  de 
vivre  en  communauté. 
Ces  fociétés  ou  communautés  tacites  avoient 


C  O  M  ^75) 

j  lieu  autrefois  dans  tout  le  pays  coutumier  ; 
mais  lors  de  la  rédadion  des  coutumes  par 
écrit  l'ulage  n'en  a  été  retenu  que  dans  un 
petit  nombre  de  coutumes  ,  où  il  fè  pratique 
mêmediverfement.  Ces  coutumes  font  An- 
goumois  ,  Saintonge  ,  Poitou  ,  Berri ,  Bour-' 
bonnois  ,  Nivernois  ,  Auxerre ,  Sens  ,  Mon- 
targis  ,  Chartres  ,  Chateau-neuf  ,  Dreux  , 
Chaum.ont ,  &  Troyes. 

Quelques-unes  de  ces  coutumes  n'admet- 
tent de  communauté  tacite  qu'entre  frères 
demeuransenfemble ,  comme  celles  de  Bour- 
bonnois. 

D'autres  les'admettent  entre  tous  parens  & 
lignagers  ,  comme  Montargis ,  Chartres  ,. 
Dreux  ,   Ùc. 

La  plupart  les  reçoivent  entre  toutes  fortes 
de  perlonnes  ,  parens  ou  autres. 

A  Troyes  elles  ont  lieu  entre  nobles  & 
roturiers  ;  en  Angoumois  ,  Saintonge  ,  & 
Poitou  ,  entre  roturiers  feulement  ;  &  d^ns 
ces  dernières  coutumes  ,  les  eccléfiaftiques, 
roturiers  qui  demeurent  avec  des  perfonnes 
de  même  condition  ,  deviennent  communs 
de  même  que  les  féculiers. 

Ceux  entre  lefquels  fè  forment  cçscommu- 
nautés  tacites  ,  font  appelles  communs  y 
communiers  ,  coperfonniers  ou  comparfon- 
niers  ^  &  perfonniers  y    conforts  y  &c. 

Lorfqu'un  des  communiers  fe  marie  ,  f^i 
femme  n'entre  point  en  chef  dans  la  commu- 
nauté générÛQ  ;  elle  ne  fait  qu'une  tête  avec 
fon  mari. 

Les  mineurs  n'entrent  point  dans  ces  com- 
munautés tacites  ,  à  moins  que  leur  père  n'eût 
été  de  la  communauté  ;  auquel  cas  ,  s'il  n'y 
a tpoint  eu  d'inventaire  ,  les  enfans  mineurs 
ont  la  facuké  de  demander  la  continuation 
de  la  communauté. 

Les  conditions  requifes  par  les  coutumes 
pour  que  la  communauté  ait  lieu  ,    font  : 

i*^.  Que  les  parens  ou  autres  afîbciés  foienc 
majeurs. 

2°.  Qu'ils  foientufans  de  leurs  droits  :  ainfî 
un  fils  de  famille  ne  peut  être  en  communauté 
avec  fon  père  ,  en  la  puifîance  duquel  il  eft , 
fi  ce  n'eft,  qu'il  mette  fon  pécule  caflrenfe  y 
ou  quqfi-cafirenfe  ,  en  communauté. 

3^^.  Les  afTociés  doivent  avoir  une  même 
demeure  ,  &  vivre  en  commun  ;  ce  que  les 
coutumes  appellent  vivre  à  commun  pot  y 
ffl  0  dépenfe.  Quelques  coutumes  veulent 


6^0 


C  O  M 


qu'outre  la  vie  commune  ,  il  y  ait  auffi  mé- 
lange de  biens  ,  &  communication  de 
gains  &  de  pertes. 

4°.  Il  faut  avoir  vécu  enfemble  de  cette 
manière  pendant  an  &  jour. 

Enfin  pour  que  la  communauté  tacite  ait 
lieu  ,  il  faut  que  ceux  qui  demeurent  enfemble 
n'aient  point  tait  d'acte  qui  annonce  une  in- 
tention de  leur  part  d'exclure  la  co/;7;7îw/2ai^/'^'; 
qu'au  contraire  il  paroifTe  que  leur  intention 
eft  d'être  en  fociété  ,  &  qu€  les  a<5tes  qu'ils 
paflent ,  foitnt  faits  au  nom  commun. 

Quant  aux  biens  qui  entrent  dans  ces 
communautés  tacites  ,  ce  lont  tous  les 
meubles  préfens  &  à  venir  ,  &  les  conquêts 
immeubles  ;  les  propres  n'y  font  pas  compris, 
à  moins  qu'il  n'y  eût  quelqu'ade  qui  marquât 
une  intention  des  coperfonniers  de  mettre  en 
communauté  tous  leurs  biens. 

On  établit  ordinairement  un  maître  ou 
chef  de  la  communauté  tacite ,  lequel  a  le 
pouvoir  d'en  régir  les  biens  ,  &  d'engager  la 
communauté  :  mais  fi  elle  efl:  de  tous  biens  , 
on  reilreint  fon  pouvoir  à  la  libre  difpofition 
des  meubles  &  conquêts  immeubles  ;  il  ne 
peut  même  en  aucun  cas  aliéner  les  immeu- 
bles à  titre  gratuit. 

Le  fiîdeur  ou  agent  de  la  communauté &.  le 
même  droit  que  celui  qui  en  eft  le  chef ,  pour 
l'adminiflration  &  la  difpofition  des  biens  ; 
il  oblige  pareillement  les  affociés. 

S'il  ni  a  n'y  chef  ni  fadeur  établi,  cha- 
cun âss  perfonniers  peut  agir  pour  la  com- 
munauté. 

La  mort  naturelle  d'un  aflbclé  fait  finir  la 
communauté  ,  même  à  l'égard  des  autres 
aiTociés  ,  à  moins  qu'il  n'y  eût  convention  %u 
contraire.  ^ 

Elle  finit  auffi  par  la  condarmation  d'un 
des  afîbclés  à  une  peine  qui  emporte  mort 
civile. 

Elle  fe  difTout  encore  par  l'inexécution  de 
la  condition  fous  laquelle  elle  s'étoit  formée. 

Un  des  afl'ociés  peut  renoncer  h  la  commu- 
nauté ,  pourvu  que  ce  ne  foit  pas  en  fraude 
de  ces  aflbciés  ;  &  dans  le  cas  où  la  renon- 
ciation eft  valable  ,  elle  opère  la  difTolution 
de  la  communauté^  tant  à  fon  égard  que  pour 
les  autres  affociés. 

La  difcuffion  générale  des  biens  d'un  aflb- 
cié  opère  auffi  le  même  efFet. 

Celui  qui  gère  les  biens  &  affaires    de  la 


Ç  O  M 

communauté  peut  être  contraint  d'en  rendre 
compte  chaque  année. 

En  cas  de  diffolution  delà  communauté  y 
chaque  aflbcié  peut  demander  partage  des 
biens  qui  font  de  nature  à  pouvoir  être  par- 
tagés. Voje:^  le  traité  des  communautés  oufo- 
ciétés  tacites  <^e  Lebrun  ;Boucheul ,  fur  Van. 
Z'^î  delà  coutume  de  Poitou  ;   Ù  ci-dei'ant 

ûi/a-/72ofjCoMMUNAUx ,  Communauté 

DHABITANS,&i:/-apr^jCOMMUNES.(^), 

Communauté  ,  (  Commerce.  )  On  en- 
tend par  ce  mot  la  réunion  des  particuliers  qui 
exercent  un  même  art  ou  un  même  métier  , 
fous  certaines  règles  communes  qui  en  for- 
ment un  corps  politique. 

Les  Romains  font  le  feul  peuple  qui  nous 
fournifTe  dans  l'antiquité  l'exemple  de  ces 
fortes  de  corporations  :  l'origine  en  étoit  due 
à  la  fage  poh tique  de  Numa.  Il  les  imagina  , 
ditPlutarque  ,  pour  multiplier  les  intérêts 
particuliers  dans  une  fociété  compofée  de 
deux  nations  ,  &  pour  détourner  les  efprits 
d'une  partialité  qui  féparoit  trop  entr'eux  les 
defcendans  des  Romains  &  des  Sabins  ,  de- 
venus citoyens  de  la  ville.  Ces  communautés 
étoient  connues  à  Piome  fous  le  nom  de  col- 
lèges. Ce  mot  s'eil  long-temps  confervé  dans 
les  villes  anféatiques  ,  pour  lignifier  l'o//^/;?- 
blée  des  marchands  ,  &  enfin  le  lieu  où 
ils  s* ajjemblent pour  négocier  entr'eux. 

Il  eflaflez  difficile  de  décider  quelle  a  été 
l'origine  du  renouvellement  des  communautés 
dans  les  empires  fondés  par  les  Barbares  fur 
les  ruines  de  celui  des  Romains  :  il  efi  vrai- 
femblable  que  la  tradition  confcrva  le  fou- 
venir  de  cet  ufage  des  Romains ,  &  que  les 
feigneurs  particuliers  le  firent  revivre  dans 
leurs  diflrièls  par  un  motif  différent.  D'a- 
bord ce  fut  fans  doute  pour  honorer  les  arts , 
&  les  encourager  par  àes  privilèges  ou  des 
diffindions.  On  en  voit  m.cme  encore  quel- 
ques traces  dans  l'efprit  aftuel  de  ces  diverfes 
communautés  ,  qui  fe  difputent  fans  cefîc 
de  prééminence,  d'ancienneté,  &  qui  cher- 
chent à  s'ifoler  ;  à  moins  que  ce  ne  foit  l'idée 
générale  de  tout  ce  qui  forme  une  fociété  par- 
ticulière. 

Ces  corps  politiques  n'entrèrent  pas  tou- 
jours dans  les  vues  des  légiflateurs  ,  &  dans 
les  temps  de  troubles  ils  facilitèrent  quel- 
quefois la  rébellion.  On  les  a  vu  ii  Gand 
s'armer  contre  leurs  maîtres  en  1301.  Jacques 

d'Artevel  j 


C  O  M 

d'Ârtevel ,  et)J^^6,  de  brafTeur  de  bière , 
devint  le  chef  des  Flamands  par  fon  crédit 
parmi  les  communautés  ;  en  1404,  les  ouvriers 
de  Louvain  égorgèrent  leurs  magifirats. 

Chez  des  peuples  plus  fidèles  ,  les  fouve- 
rams  en  ont  retiré  d'aflez  grands  fecours. 

En  Angleterre  cqs  privilèges  forment  une 
partie  de  la  liberté  politique.  Ces  corporations 
s'y  appellent  mijîery ,  nom  qui  convient  aflez 
à  leur  efprit.  Par-tout  il  s'y  eft  introduit  des 
abus.  En  effet  ces  communautés  ont  des  loix 
particulières,  qui  font  prefque  toutes  oppo- 
{éts  au  bien  général  &  aux  vues  du  légifla- 
teur.  La  première  &  la  plus  dangereufe  ,  efl 
celle  qui  oppofe  des  barrières  a  l'induftrie  , 
en  multipliant  les  frais  &  les  formalités  des 
réceptions.  Dans  quek^ues  communautés 
même  où  le  nombre  des  membres  eft  limité, 
&  dans  celles  où  la  faculté  d'en  être  mem- 
bre eft  reftreinte  aux  fils  des  maîtres  ,  on  ne 
voit  qu'un  monopole  contraire  aux  loix  de 
la  raifon  &  de  l'état ,  une  occafion  prochaine 
de  manquer  à  celles  de  la  confcience  &  de 
la   religion. 

Le  premier  principe  du  commerce  efl  la 
concurrence  ;  c'eil  par  elle  feule  que  les  arts 
fe  pertedionnent ,  que  les  denrées  abondent , 
que  l'étift  fe  procure  un  grand  fuperflu  à  ex- 
porter ,  qu'il  obtient  la  préférence  parle  bon 
marché,  enfin  qu'il  remplit  fon  objet  im- 
médiat d'occuper  &  de  nourrir  le  plus  grand 
nombre  d'hommes  qu'il  lui  eft  poflible. 

Il  n'eft  aucune  exception  à  cette  règle, 
pas  même  dans  les  communautés  où  ilfe  pré- 
fènte  de  grandes  entreprilès.  Dans  ces  cir- 
conllances ,  les  petites  fortunes  fe  réunilTent 
pour  former  un  capital  confidérable ,  les  in- 
térêts de  la  fociéxé  en  font  plus  mêlés  :  le  cré- 
dit de  CCS  fortunes  divifées  eft  plus  grand  que 
s'il  étoic  réuni  fur  deux  ou  trois  têtes  ;  &  dans 
le  cas  même  où  elles  ne  fe  rcuniroient  pas  , 
àhs  qu'il  y  a  beaucoup  d'argent  dans  une 
nation  ,  il  eft  conftant  qu'aucune  entreprife 
lucrative  ne  manquera  d'adionnaires. 

Les  profits  àcs  particuhers  diminueront , 
mais  la  maTe  générale  du  gain  fera  augmen- 
tée ;  c'eft  le  but  de  l'état. 

On  ne  peut  citer  dans  ces  matières  une 
autorité  plus  refpedable  que  celle  du  célèbre 
Jean  de  Wit  :  voici  ce  qu'il  dit  au  ch.  x  de 
la  première  partie  de  fes  mémoires. 

<*  Le  gain  afîuré  des  corps  de  métiers  ou  1 
Tome  VIIL 


C  O  M  C%\ 

de  marchands  y  les  rend  indoîens  &  paref- 
feux ,  pendant  qu'ils  excluent  des  gens  fort 
habiles  ,  à  qui  la  néceffité  donneront  de  Tin- 
duftrie  :  car  il  eft  conftant  que  la  Hollande 
qui  eft  fi  chargée  ,  et  peur  conferver  l'avan- 
tage de  tenir  les  autres  peuples  hors  du  com- 
merce ,  que  par  le  travail ,  l'induftrie  ,  la 
hardiefïè ,  le  bon  ménage ,  &  la  fobriété  des 

habitaris Il  eft  certain  que  les  Hollan- 

dois  n'ont  jamais  perdu  aucun  commerce  en 
Europe  par  le  trop  grand  tranfport  de  mar- 
chandifes  ,  tant  que  le  trafic  a  été  fibre  à 
chacun.  » 

Ce  qu'a  dit  ce  grand  homme  pour  le  com- 
merce àts  manufactures  de  fa  patrie  ,  peut 
être  appliqué  à  tous  \ts  pays.  L'expérience 
feule  peut  ajouter  à  l'évidence  de  fon  prin- 
cipe :  comme  de  voir  àts  communautés  dont 
les  apprentis  ne  peuvent  être  mariés  ;  règle- 
ment deftruftif  de  la  population  d'un  état  : 
des  métiers  où  il  faut  paiîêr  ièpt  années  de  fa 
vie  en  apprentiffage  ;  ftatut  qui  décourage 
l'induftrie,  qui  diminue  le  nombre  èits  ar- 
tiftes ,  ou  qui  les  fait  pafter  chez  des  peuples 
qui  ne  leur  refufent  pas  un  droit  que  mérite 
leur  habileté. 

Si  les  communautés  Ats  marchands  ou  àizs 
artiftes  veulent  fe  diftinguer  ,  ce  doit  être  en 
concourant  de  tout  leur  pouvoir  au  bien 
général  de  la  grande  fociété  :  elles  deman- 
deront la  fupprelîion  de  ceux  de  leurs  ftatuts 
qui  ferment  la  porte  à  l'induftrie  :  elles  di- 
minueront leurs  frais  ,  leurs  dettes  ,  leurs 
revenus  ;  revenus  prefque  toujours  confom- 
més  en  mauvais  procès ,  en  repas  entre  les 
jurés,  ou  en  autres  dépenfès  inuriles  ;  elles 
conferveront  ceux  qu'emploient  les  occafions 
néceflltées  ,  ou  quelque  chofe  de  plus  ,  pour 
récompenfer  d'une  main  équit;ible  ,  foit  les 
découvertes  utiles  relatives  à  leur  art ,  foit  les 
ouvriers  qui  fe  feront  le  plus  diftingués  cha- 
que année  pi<r  leurs  ouvrages. 

L'abus  n'eft  pas  qu'il  y  ait  des  comrnunaU" 
tés  y  puifqu'il  faut  une  police;  mais  qu'elles 
foienr  indifférentes  fur  le  progrès  àts  arts 
mêmes  dont  elles  s'occupent  ;  que  l'intérêt 
pardculier  y  abforbe  l'intérêt  public  ,  c'eff  un 
inconvénient  très-honteux  pour  elles.  Sur  le 
détail  des  communautés ,  confultez  le  diclion. 
du  Comm..  Ù  les  différens  articles  de  celui-ci, 
(Tkr.V.D.F.) 

COMMUNAUX ,  (  Jurifprud.  )  poje:^ 

Pvr  rr 


^6îi  C  O  M 

ci'd^j^.  Communal  ,  &  d-aprês  Comum- 

NES. 

COMMUNE  ou  COxMMUNES,  (  Ju- 

TÏ/prud.  )  fignifie  quelquefois  le  menu  peuple 
d'une  ville  ou  bourg.  C'eûauffi  une  efpece 
de  fociéré  que  les  habitan?T)ubourgeois  d'un 
même  lieu  contraclent  entr'eux  par  la  pcr- 
miffion  de  leur  fei^neur ,  au  moyen  de  la- 
ijuelle  ils  forment  tous  enferable  un  corps  , 
ont  droit  de  s'aiTembler  &  de  délibérer  de 
leurs  affaires  communes  ,  de  fe  choifu"  des 
officiers  pour  les  gouverner  ,  percevoir  les 
revenus  communs  ,  d'avoir  un  iceau  &  un 
coffre    commun  ,    &c. 

L'origine  des  concédions  de  communes  eft 

-^fort  ancienne  :  on  tient  que  les  Gaulois  joulf- 

foient  de  ce  droit  fous  les  Romains  ;  &:  il  y 

a  quelques  privilèges   femblables  accordés 

par  les  rois  de  la  féconde  race. 

Louis-Ie-Gros  pafîe  néanmoins  commu- 
nément pour  le  premier  qui  les  ait  établies.  La 
plupart  de  (es  lujets  ,   même  de  ceux  qui 
habitoient  les  villes ,  étoient  encore  ferfs  :  ils 
ne  formoient  point  de  corps  entre  eux  ,  & 
ne  pouvoient  par  conféquent  s'aflemblcr  : 
c'ell  pourquoi  ils  fe  rachetèrent ,  moyennant 
une  lomme  conlidérable  qu'ils  payoient  au 
roi  ou  autre  feigneur  pour  toute  redevance. 
La  première  charte  de  commune  qui  foit 
connue  ,  eft  celle  que  Louis-le-Gros  accorda 
à  la  ville  de  Laon  en  1 1 12  ;  elle  excita  une 
{édition  contre  l'évêque.  La  commune  d'A- 
miens lut  établie  en  1114.  Louis-le- Jeune 
&  Philippe  Augufte  multiplièrent  l'étaMlflè- 
nient  de  ces  communes ,  dont  l'objet  étoit  de 
mettre  les  fujets  à  couvert  de  l'oppreffion  & 
des  violences  des  feigneurs  particuliers  ,  de 
donner  aux  villes  des  citoyens  &  des  juges , 
&  aux  rois  des  affranchis  en  état  de  porter 
les  armes. 

Ceux  qui  compofoient  la  commune  fe  nom- 
jnoient  proprement  bourgeois  ,  &  élifoientde 
leur  corps  des  officiers  pour  les  gouverner  , 
lôus  les  noms  de  maire  Jures  ,échepins  ,  &  c. 
c'eft  l'origine  des  corps  de  ville.  Ces  officiers 
rendoient  la  juftice  entre  les  bourgeois. 

La  commune  tenon  fur  pié  une  milice  ré- 
glée où  tous  les  habitans  étoient  enrôlés  ,  & 
impofoit,  lorfqu'il  étoit  nécefTaire  ,  des  tail- 
les extraordinaires. 

Le  roi  n'établifToit  des  communes  que 
dans  Çqs  domaines ,  &  non  dans  les  villes  des 


C  OM 

hauts  feigneurs  ,  excep'té  à  Soinbns ,  dont  le- 
comte  n'étoit  pas  alTez  puilTant  pour  l'empê- 
cher. 

Il  n'y  en  avoit  cependant  pas  dans  toutes 
les  villes  :  c'eft  ce  que  dit  Philippe  VI ,  dans 
des  lettres  du  mois  de  mars  I33^'  Ces  villes 
qui  n'avoient  point  de  communes  étoient 
gouvernées  par  les  officiers  du  roi. 

Les  villes  de  communes  étoient  toutes  répu- 
tées en  la  feigneurie  du  roi  :  elles  ne  pou- 
voient fans  la  permiffion  prêter  àperfonne, 
ni  faire  aucun  préfent ,  excepté  de  vin  ,  en 
pots  ou  en  barils.  La  commune  ne  pouvoit 
députer  en  cour  que  le  maire  ,  le  greffier  ,  & 
deux  autres  perfonnes  ;  &  ces  députés  ne  dé- 
voient pas  faire  plus  de  dépenfe  que  û  c'eût 
été  pour  eux.  Les  deniers  de  la  commune  dé- 
voient être  mis  dans  un  coffre.  La  commune 
pouvoit  lever  annuellement  une  taille  fur  elle- 
même  pour  fes  bcfoins.  C'eft  ce  que  l'on 
trouve  dans  deux  réglemcns  faits  par  S.  Louis 
en  1256. 

Quelques  villes  du  premier  ordre  ,  telles 
que  Paris  ,  étoient  tenues  pour  libres  ,  & 
avoient  leurs  officiers,  fans  avoir  jamais  ob- 
tenu de  charte  ou  conceffion  de  commune. 
Les  feigneurs,  &  fur-tout  les  eccléliafti- 
ques  ,  conçurent  bientôt  de  l'ombsage  de 
l'établifièment  des  communes,  parce  que  leurs 
terres  devenoient  défertes  par  le  grand  nom- 
bre de  leurs  fujets  qui  fe  réfugioient  dans  les 
lieux  de  franchife  :  mais  les  efforts  qu'ils  fi- 
rent pour  ôter  aux  villes  &  bourgs  ie  droit 
de  commune  ,  hâtèrent  ladeftrudion  de  leur 
tyrannie  ;  car  dès  que  les  villes  prenoien^  les 
armes ,  le  roi  venoità  leur  fecours  ;  &  Louis 
VIII  déclara  qu'il  regardoit  comme  à  lui 
appartenantes  toutes  les  villes  danslelquelles 
il  y  avoit  des  communes. 

La  plupart  des  feigneurs  ,  à  l'imitation  de 
nos  rois ,  affranchirent  auffi  leurs  fujets ,  & 
les  hauts  feigneurs  établirent  des  communes 
dans  les  lieux  de  leur  dépendance.  Le  comte 
de  Champagne  en  accorda  une  en  1179 
pour  la  ville   de  Meaux. 

Il  ne  faut  cependant  pas  confondre  les  fîm- 
ples  afiranchllfemens  avec  les  conceflions  de 
commune  :  la  Rochelle  étoit  libre  dès  1 199 , 
avant  l'établiflèraent  de  la  commune. 

Les  concédions  de  communes taites  parle 
roi ,  &  celles  faites  par  les  feigneurs,  lorfqu'el* 
les  ont  été  confirmées  par  le  roi ,  font  perpé- 


C  O  M 

celles  &  irrévocables ,  à  moins  que  les  com- 
munautés n'aient  mérité  d'en  être  privées 
par  quelque  mauvaife  adion  ;  comme  il  ar- 
riva aux  habitans  de  la  ville  de  Laon  fous 
Louis  VI ,  pour  avoir  tué  leur  évêquc ,  &  aux 
Rochelois  fous  Louis  XIII ,  à  caule  de  leur 
rébellion. 

La  plupart  des  privilèges  qui  avoient  été 
accordés  aux  communes  ,  tels  que  la  jullice  , 
le  droit  d'entretenir  une  milice  fur  pié  ,  de 
faire  de^  levées  extraordinaires  ,  leur  ont  été 
6tés  peu  à  peu  par  nos  rois.  L'ordonnance  de 
Moulins  ,  an.  j  i  ,  leur  ôta  la  julHce  civile  , 
leur  laifTant  encore  l'exercice  de  la  juflice 
criminelle  &  de  la  police.  Mais  cela  a  en- 
core depuis  été  beaucoup  reilreint,  &  dans 
la  plupart  àt^  villes  les  officiers  municipaux 
n'ont  plus  aucune  jurildidion  ;  quelques-uns 
onr  lèulement  une  portion  de  la  police. 

Sur  l'établifTement  des  commurtes  ,  voyei^^ 
Chopin ,  de  dom.  lih.  III ,  tit.  xx  ^n.  ^ ,& 
feq.  La  Thaumaflîere  ,/i/r/fi  coutumes  loca- 
les de  Berri  ,  ch.  xix  ;  Ducange  y  glojf.  lat. 
verb.  communanda  ;  Hauteferre ,  de  ducibus^ 
cap.  /V,  in  fine;  Defid.  Heraldus ,  qucefi.  que- 
tid.  p.  S  3  6"  5>4  ,  /f^  auteurs  de  la  préface 
de  la  bibliothèque  des  coutumes^  le  recueil  des 
ordonnances  de  la  troijieme  rdce  ;  hifi.  eccle'f. 
de  Fleury,  tome  XIV,  in-iz  ,  liv.  LXVI , 
p.  t  ^J  (i  i  ^8  ;  le preJidentBouKier ,  en/es 
obferi>.  fur  la  coutume  de  Bourgogne ,  ch.  Ij, 
p.  ^  z  ,  &  le  préfident  Hénault  ,  à  la  fin 
defon  abrégé  de  Vhifioire  de  France.  {A) 

Commune  ,  (  Jurifprud.  )  en  tant  que  ce 
terme  s'applique  à  quelque  pâturage ,  lignifie 
tout  pâturage  appartenant  à  une  communauté 
d'iiabitans  ,  foit  que  ce  pâturage  foit  un  bas 
pré  ,  ou  que  ce  foit  quelque  autre  lieu  de 
pafcage  ,  tel  que  les  landes  &  bruyères  ;  foit 
en  plaine  ou  fur  les  montagnes  &  coteaux. 
En  quelques  endroits  on  les  nomme  ufelles  , 
quaji  ufalia  ;  en  d'autres  ujines  :  ce  qui  vient 
toujours  du  mot  ufage. 
•  La  propriété  des  communes  appartient  à 
toute  la  communauté  enfemble ,  de  manière 
<|ue  chaque  habitant  en  particulier  ne  peut  dif- 
pofer  feuldu  droit  qu'il  a  dans  la  propriété  :  la 
Communauté  même  nepeut  en  général  aliéner 
fes  communes  ;  &  s'il  fe  trouve  des  cas  où  elle 
cfl  autorifée  en  juftice  à  le  faire ,  ce  n'eft  qu'a- 
vec toutes  les  formalités  étabhes  pour  l'a-lié- 
ûation  des  biens  des  gens  de  main-morte. 


C  O  M 


^^5 


On  rient  aufîî  pour  maxime ,  que  les  coz/z- 
munes  ne  peuvent  être  faifies  réellement , 
ni  vendues  par  décret ,  même  pour  dettes  de 
la  communauté;  que  l'on  peut  feulement 
impofer  la  dette  commune  (ùr  les  habitans , 
pour  être  par  eux  acquittée  aux  portions  & 
dettes  convenables.  Voye\ci- devant  COM- 
MUNAUTÉ d'Habitans. 

Quant  â  l'ufage  des  communes ,  il  appar- 
tient à  chaque  habitant ,  tellement  que  cha- 
curi  peut  y  faire  paître  tel  nombre  de  beftiaux 
qu'il  veut ,  niême   un  troupeau  étranger  , 
pourvu  qu'il  foit  hébergé  dans  le  lieu  dont 
dépend  la  com.mune  ,  en  quoi  il  y  a  une  dif- 
férence eflenticlle  entre  les  communes  &  les 
terres  des  particuliers  fujettes  à  la  vaine  pâ- 
ture :  car  dans  ces  dernières  auxquelles  on 
n'a  droit  de  pafcage  que   par  une  fociété 
tacite  ,  l'ufàge  de  ce  droit  doit  être  propor- 
tionné aux  terres  que  chacun  pofîede  dans 
le  lieu  ;  enforte  que  ceux  qui  n'y  ont  point 
de  terres  ,  ne  peuvent  faire  pâturer  leurs  bet 
tiaux  fur  celles  des  autres  ;  &  ceux  qui  ont 
des  terres  ,  ne  peuvent  envoyer  des  beltiaux 
dans  les  vaines  pâtures  ,  qu'à  proportion  de 
la  quantité  de  terres  qu'ils  polTedent  dans 
la  paroifîe  :  ils  ne  peuvent  avoir  qu'aune  bête 
à  laine  par  arpent  de  terre  en  labour  ;  &  à 
l'égard  des  autres  Sefiiaux,  ils  ne  peuvent 
y  envoyer  que  ceux  qui  font  nécefîàires  pour 
leur  ufage  ,  &  qu'ils  font  en  état  de  nourrir 
pendant  l'hiver  du  produit  de  leur  récolte  : 
au  lieu  que  dans  les  communes ,  chaque  ha- 
bitant a  la  liberté  d'envoyer  tant  de  befliaux 
que  bon  lui  femble  ,  pourvu  néanmoins  que 
le  pâturage  y  puiffe  fuffire  ;  autrement  cha-^ 
cun  ne  pourroit  en  ufcr  qu'à  proportion  de  ce 
qu'il  lùpporte  de  charges  dans  la  paroiiTe. 

Le  féigneur  du  lieu  participe  à  l'ufage  des 
communes ,  comme  premier  habitant  ;  il  peut 
même  demander  qu'il  lui  en  foit  fait  un  tria- 
ge ,  c'efl-à-dire  qu'on  en  diftingue  un  tiers 
qui  ne  foit  que  pour  fon  ufage  :  mais  pour 
favoir  en  quel  cas  il  peut  demander  ce  tria- 
ge ,  il  faitt  dilHnguer  : 
.  Si  la  commune  a  été  cédée  aux  habitans  A 
la  charge  de  la  tenir  du  féigneur  ,  moyen- 
nant un  cens  ou  autre  redevance  ,  foit  en 
argent,  grain,  corvées,  ou  autrement;  en 
ce  cas  la  conceffion  eft  préfumée  faite  à  titre 
onéreux,  quand  même  le  titre  primitif  n'en 
feroit  pas  rapporté  par  les  habitans  ;  &  comme 

Rrrr  2 


6^4  C  O  M 

il  y  a  eu  aliénation  de  la  propriété  utile  de  h 
part  du  feigneur  au  profit  des  habitans  ,  le  fei- 
gneur  ne  peut  pas  rentrer  dans  cette  propriété 
entout  ni  en  partie;  &  par  une  fuite  du  même 
principe ,  il  ne  peut  demander  partage  ou 
triage  pour  jouir  de  Ton  tiers  féparément. 

Mais  fi  la  conceffion  deh commune  a  été 
fliite  gratuitement  par  le  feigneur  ou  par  fes 
auteurs  ,  qu'ils  n'aient  donné  aux  habitans 
que  l'ufage  de  la  commune ,  &  non  la  pro- 
priété ;  en  ce  cas  le  feigneur  eft  toujours  ré- 
puté propriétaire  de  la  commune  ;  il  peut  en 
tout  temps  demander  un  partage  ou  triage 
pour  avoir  fon  tiers  à  part  &  divis  ,  pourvu 
que  les  deux  autres  tiers  fuffifent  pour  l'ufage 
des  habitans ,  finon  le  partage  n'auroit  pas 
lieu  ,  ou  du  moins  on  le  régleroit  autrement. 

Ce  partage  ou  triage  neil  admis  que  pour 
les  communes  de  grande  étendue,  parce  qu'on 
.ne  préfume  pas  qu'il  foit  préjudiciable  :  mais 
pour  les  petites  communes ,  par  exemple  au- 
deflous  de  cinquante  arpens  ,  on  ne  reçoit 
pas  le  feigneur  à  en  demander  le  triage. 

Quand  il  y  a  plulieurs  feigneurs ,  il  faut 
qu'ils  demandent  tous  conjointement  à  faire 
le  triage. 

Les  feigneurs  qui  ont  leur  tiers  à  part ,  nî 
peuvent  plus  ni  eux ,  ni  leurs  fermiers ,  ufer 
du  furplus  des  communes. 
^  Lorfqu'une  même  commune  fèrt  pour  plu- 
lieurs paroifles  ,  villages ,  hameaux  ,  les  ha- 
bitans de  ces  difFérens  lieux  peuvent  aufli 
demander  qu'il  foit  fait  un  triage  ou  parta- 
ge, pourvu  qu'il  foit  fait  avec  toutes  les  par- 
ties inîéreiïees ,  préfentes  ou  duement  appel- 
lées  au  moyen  du  partage  qui  cft  fait  cntr'cux: 
chaque  paroifîe  ,  chaque  village  ou  hameau  , 
&  même  quelquefois  chaque  canton  de  vil- 
lage ,  a  fon  triage  diflind  &  féparé  ;  auquel 
cas  ,  le  terme  de  triage  ne  fignifie  pas  tou- 
jours un  tiers  de  la  commune  :  car  les  parts 
que  l'on  afïigne  aux  habitans  de  chaque  lieu  , 
font  plus  ou  moins  fortes  ,  félon  le  nombre 
des  lieux  &  des  habitans  qui  les  compofènt. 

L'ordonnance  de  1669 ,  tit.  xxij/ ,  art.  7  , 
porte  que  li  dans  les  pâtures  ,  marais ,  prés  , 
&  pâtis  échus  au  triage  des  habitans ,  ou 
tenus  en  commun  fans  partage ,  il  fe  trou- 
voit  quelques  endroits  inutiles  &  fuperflus 
dont  la  communauté  pût  profiter  fans  in- 
commoder le  pâturage  ,  ils  pourront  être 
donnés  à  ferme ,  après  un  rcfultat  d'afTena- 


C  O  M 

blée  faite  dans  les  formes ,  pouf  une  ,  deuir," 
ou  trois  années  par  adjudication  des  offi- 
ciers des  heux  ,  fans  frais  ;  &  le  prix  employa 
aux  réparations  des  paroifTes  dont  les  habi- 
tans font  tenus  ,  ou  autres  urgentes  affaire» 
de  la  communauté. 

Chaque  habitant  en  particulier  ne  peut  de- 
mander qu'on  lui  affigne  fà  part  de  la  co/tï- 
mune  ;  ce  feroit  contrevenir  diredement  à 
l'objet  que  l'on  a  eu  lors  de  la  conceilion 
delà  commune  y  &  anéantir  l'avantage  que 
la  cornmunauté  en  doit  retirer  à  perpétuité. 

Mais  chaque  habitant  peut  céder  ou  louer 
fondroitindivisdepâturagedanslaco/7z/ni//ie 
à  un  étranger ,  pourvu  que  celui-ci  en 
ufe  comme  auroit  fait  fon  cédant ,  &  n'y 
mette  pas  plus  de  befliaux  qu'il  en  auroit  mis. 
V.  lejourn.  des  aud.  arrêt  du  z  fept.  lyo  ^, 

En  1^67  le  roi  fit  remifè  aux  communau- 
tés d'habitans  du  tiers  ou  triage ,  qu'il  étoit 
en  droit  de  leur  demander  dans  les  commu^ 
nés  relevantes  de  lui.  La  même  chofe  fut  or- 
donnée pour  les  droits  de  tiers  ou  triage ,  que 
\qs  feigneurs  particuliers  pouvoient  s'être  t'ait 
faire  depuis  l'an  1630.  Les  triages  plus  an- 
ciens furent  confervés  aux  feigneurs ,  en  rap- 
portant leur  titre.  Voy,  le  Journal  des  aud. 
aux  arrêts  des  2. 5  avril  z  G ^  z  ,  &  z/f. 
mai  z  G £8  j  DefpeifTes ,  tom.  I ,  pag.  z  z^.; 
Bzfmge  p  fur  Tanicle  Ixxxij  delà  coût,  de 
Normandie  ;  Ù  le  die},  des  arrêts  ^  au  mot 
communes  &  ufages. 

Les  amendes  &  confifcations  qui  s'adju- 
gent pour  les  prés  &  pâtis  communs  contre 
\ts  particuliers  ,  appartiennent  au  feigneur 
haut-juflicicr ,  excepté  en  cas  de  réformation 
où  elles  appartiennent  au  roi  ;  mais  les  refli- 
tutions  &  dommages  &  intérêts  appartien- 
nent toujours  à  la  paroifîe  ,  &  doivent  être 
mis  es  mains  d'un  fyndic  ou  d'un  notable 
habitant ,  nommé  à  cet  effet  à  la  pluraUté 
des  iufïrages  ,  pour  être  employés  aux  répa- 
rations &  nécefîités  pubHques.  Ordonn.  de 
zGGq  y  tit.  xxii> ,  art.    zz    &  zz. 

On  comprend  auflî  quelquefois  les  bois 
àts  communautés  fous  le  titre  de  communes  ; 
mais  on  les  appelle  plus  ordinairement  hois 
communs  ,  ou  bois  communaux.  V^oye^  Por- 
donn.  de   z  GGg  ,  tit.  xxiv. 

Commune  ,  Çfurifpr.)  femme  commune 
ou  commune  en  biens ,  eft  celle  qui  efl  en 
communauté  de  biens  avec  fon  mari ,  ou 


C  O  M 

en  continuation  de  communauté  avec  les  en- 
fans  de  ion  mari  décédé. 

Femme  non  commune ,  ed  celle  qui  a  été 
mariée  dans  un  pays  où  la  communauté  n'a 
pas  lieu ,  ou  qui  a  llipulé  en  le  manant  qu'il 
n'y  auroit  point  de  communauté. 

Il  ne  faut  pas  confondre  la  femme  fépa- 
rée  de  biens  ,  avec  la  femme  non  commune. 

Une  femme  peut  être  féparée  de  biens  par 
contrat  de  mariage  ,  ou  depuis  ;  &  dans  l'un 
&  l'autre  cas ,  elle  a  l'adminilhation  de  fon 
bien  :  au  lieu  que  la  femme  qui  efl  ample- 
ment non  commune  ,  ne  peut  devenir  telle 
que  par  le  contrat  exprès  ou  tacite  du  ma- 
riage ;  &  elle  n'a  pas  pour  ce  l'adminifira- 
tion  de  (es  biens  ,  li  ce  n'ed  de  fes  parapher- 
naux.  Voyei  ci-devant  COMMUNAUTÉ, 
6"  ci-après   PaRAPHERNAUX.  {A) 

Commune  renommée  j/i/r/Tp^.  voy. 

Vreuye  par  commune  renommée.  {A) 

Communes  ,  (  Nijh  mod.  )  nom  qu'on 
donne  en  Angleterre  à  la  féconde  chambre 
du  parlement ,  ou  à  la  chambre  baffe ,  com- 
pofée  des  députés  des  provinces  ou  comtés 
des  villes ,  &  des  bourgs.  V.  PARLEMENT , 

Chambre  haute  ,  Député. 

Tout  le  peuple  donnoit  anciennement  fa 
voix  aux  éledions  de  ces  députés.  Mais  , 
dans  le  xv^  liecle  ,  le  roi  Henri  VI  pour  évi- 
ter le  tumulte  trop  ordinaire  dans  les  grandes 
aflemblées  tenues  à  ce  fujet ,  ordonna  le  pre- 
mier ,  que  perfonne  ne  pourroit  voter  pour 
la  nomination  des  députés  de  la  province , 
que  les  ycomans  ou  les  pofîèfleurs  de  francsr 
fiefs  au  moins  de  40  fchelins  de  revenu  an- 
nuel ,  &  qui  habitoient  dans  la  même  pro- 
vince ;  que  les  perfonnes  élues  pour  les  pro- 
vinces, (eroient  de  condition  noble;  &  au 
mo'ns  écuyers  ou  gentilshommes  ,  qualifiés 
pour  être  chevaliers  ,  anglois  de  naiflance , 
ou  au  moins  naturalifés  ,  de  l'âge  de  vingt-un 
ans  &  non  au-deflbus ,  &  que  perfonne  ne 
pourroit  prendre  féance  dans  la  chambre  des 
communes ,  s'il  étoit  juge  ou  prévôt  d'un 
comté  ,  ou  eccléfiafiique. 

Pendant  la  féance  du  parlement ,  tous  les 
membres  de  la  chambre  baffe  jouiiTent  des 
mêmes  privilèges  que  ceux  de  la  chambre 
haute  ;  c'eft-à-dire  qu'eux  ,  &  tous  les  fer- 
viteurs  &  domefiiques  ,  font  exempts  de 
toutes  pouriuites  ,  arrêts ,  &  emprifcnne- 
mcns ,  à  moins  qu'ils  ne  foient  accufés  de 


C  O  M  (?8j 

trahifon ,  de  meurtre ,  ou  de  rupture  de  paix. 
Tous  les  meubles  néceffaires  qu'ils  tranfpor- 
tent  avec  eux  pendant  la  féance,  font  aufîi 
exernpts  de  faifie.  Ce  privilège  s'étendoit  au- 
trefois depuis  le  moment  de  leur  départ  de 
chez  eux,  jufqu'à  celui  de  leur  retour  :  mais 
par  un  ade  du  parlement ,  paffé  de  nos  jours 
fous  le  règne  de  Georges  I ,  il  fut  ordonné 
qu'aufiî-tôt  que  le  parlement  feroit  diflbus 
ou  prorogé  ,  les  créanciers  feroient  en  droit 
de  pourluivre  tous  les  membres  qui  auroient 
contradé  des  dettes. 

Les  membres  de  la  chambre  des  corn" 
munes  n'ont  ni  robes  de  cérémonie  comme 
les  pairs  ,  ni  rang  &  places  marquées  dans 
leur  chambre  ;  ils  y  fiegent  tous  confufément  :^ 
il  n'y  a  que  l'orateur  qui  ait  un  fauteuil  ou 
une  efpece  de  fiege  à  bras ,  fitué  vers  le  haut 
bout  de  la  chambre  ;  fon  clerc  &  fon  affif^ 
tant  font  aflis  à  coté  de  Ini.  Ces  trois  oificiers 
font  auffi  les  feuls  qui  aient  des  robes ,  aulll- 
bien  que  les  députés  pour  la  ville  de  Londres  , 
&  quelquefois  les  profeflèurs  en  droit  pen- 
dant le  temps  de  la  plaidoirie. 

Le  premier  jour  que  s'afTemble  un  nou- 
veau parlement ,  avant  qu'on  entame  aucune 
affaire ,  tous  les  membres  des  communes 
prêtent  ferment  entre  les  mains  du  grand- 
maître  de  la  maifon  du  roi ,  &  dans  la  cour 
des  pupiles.  Enfuite  ils  procèdent  à  l'éledion 
d'un  orateur  ;  &  après  cette  éledion  ,  &; 
que  l'orateur  a  été  agréé  par  le  roi ,  ils  prêtent 
ferment  une  féconde  fois.   V.  ORATEUR. 

Les  principaux  privilèges  de  la  chambre 
des  communes  font ,  que  tou?  les  bils  pour 
lever  de  l'argent  fur  les  fujets ,  fortent  immé- 
diatement de  la  chambre  des  communes  ; 
parce  que  c'efl  fur  eux  que  fc  levé  la  plus 
grande  partie  des  impofitions  :  ils  ne  fouf- 
trent  pas  même  que  les  feigneurs  fafTent  au- 
cun changement  à  ces  fortes  de  bils.  Les 
communes  Çom  {^oprement  les  grandes  en- 
quêtes du  royaume  ;  elles  ont  le  privilège  de 
propofer  des  loix  ,  de  repréfenter  les  cala- 
mités publiques ,  d'accufer  les  criminels 
d'état ,  même  les  plus  grands  officiers  du 
royaume ,  &  de  les  pourfuivre  comme  partie 
publique  à  la  chambre  des  feigneurs ,  qui  efl 
la  fùprême  chambre  de  jufiice  de  la  nation  ; 
mais  elles  n'ont  pas  droit  de  juger ,  comme 
elles  l'ont  elles-mêmes  reconnu  en  i68QfQus 
le  roi  Charles  U. 


€U  COU 

Autrefois  on  accordoit  aux  membres  àQS 
communes ,  des  fomroes  pour  leurs  dépenfes 
pendant  la  leance  du  parlement  ;  radonabiles 
expenfas  :  ce  font  les  termes  des  lettres  circu- 
laires ;  c'cfl-à-dire  tels  appointemens  que  le 
roi,  en  coniidérant  le  prix  des  chofes  ,  ju- 
gera à  propos  d'impoler  au  peuple  ,  que  ces 
députés  repréfentent ,  &;  aux  dépens  duquel 
ceux-ci  dévoient  être  défrayés.  Ti^ns^  article 
xvij  du  règlement  d'Edouard  II ,  ces  appoin- 
temens étoient  alors  de  dix  groats  pour  cha- 
que député  de  la  province,  &  de  cinq  pour 
ceux  des  bourgs  ,  fomme  modique  relative- 
ment au  taux  préfent  des  monnoies ,  &  au  prix 
Acs  choies  ;  mais  qui  étoit  alors  fuffifante  , 
&  même  conlidérable.  Depuis  ils  montèrent 
jurqu'à4  fchelins  par  jour  pour  ceux  qui 
étoient  chevaliers,  &  2-  fchelins  pour  les 
autres.  Aujourd'hui  \qs  communes  ne  reçoi- 
vent plus  d'appointemens  ;  l'impôt  ne  laifîe 
pas  que  de  le  lever  :  mais  ces  fonds  font 
employés  à  d'autres  dépenfes.  On  a  cru  que 
de  bons  citoyens  étoient  afTez  indemnifés  par 
l'honneur  qu'ils  reçoivent  de  foutenir  les  inté- 
rêts de  la  nation  ,  fans  vendre  leurs  fervices 
pour  une  modique  rétribution. 

Les  communes  ,  ou  plutôt  le  tiers  ctat ,  en 
Angleterre  ^  fe  dit  par  oppofition  aux  nobles 
&  aux  pairs  ,  c'efl-à-dire  de  toures  fortes  de 
perfonnes  au-delîbus  du  rang  de  baron  ;  car 
dans  ce  royaume  il  n'y  a  de  nobles ,  fuivant 
la  loi ,  que  les  barons  ou  les  feigneurs  mem- 
bres de  la  chambre  haute  :  tout  le  refîe, 
comme  les  chevaliers  ,  écuyers ,  &<:.  ne  font 
pas  nobles  ;  on  les  regarde  feulement  comme 
étant  d'une  bonne  famille.  Ainii  un  gentil- 
homme n'eft  autre  chofe  qu'un  homme  ilTu 
d'une  famillehonnête  ,  qui  porte  des  armes  , 
&  qui  a  un  certain  revenu.  Le  tiers  état  com- 
prend donc,  les  chevaliers  ,  les  écuyers  ,  les 
gentilshommes ,  les  fils  de  la  noblelîè  qui 
ne  font  pas  titrés  ,  &  les  vcomans.  Voye\ 
ÉcuYER,  Gentilhomme  ,  YcoMAN 
çu  Yeman.  [G] 

COMMUNJBUS  LOCIS  ,  terme 
latin  aflèz  fréquemment  en  ufagc  chez  les 
phydciens ,  &  fignifiant  une  efpcce  de  mi- 
lieu ,  ou  un  rapport  moyen  qui  rcfulte  de  la 
Combinaifon  de  plufieurs  rapports. 

Ainli  on  ht  dans  quelques  auteurs  anglois , 
que  l'Océan  efl  un  quart  de  mille  de  pro- 
â)ndeur  ,  communibus  locis ,  dans  les  lieux  , 


C  O  M 

moyens  ou  communs  ,  en  prenant  un  milieu 
entre  \ts  profondeurs  de  dillérens  endroits  de 
l'Océan.  Le  mille  d'Angleterre  eft  le  tiers 
d'une  heue  commune  de  France  ;  de  forte 
qu'un  quart  de  mille  répond  à  environ  un 
douzierne  de  nos  lieues  ,  ou  à  peu  près  deux 
cents  toifes.  Nous  dout  ons  que  la  profondeur 
moyenne  de  l'Océan  ne  foit  pas  plus  grande. 
(O) 

COMMUNICANS  ,  f.  m.  pi.  (  Hifl. 
eccUf.  )  fede  d'anabaptifles  dans  le  feizieme 
fiecle  :  ils  furent  ainfi  nommes  de  la  commu- 
nauté de  femmes  &  d'enfans  qu'ils  avoient 
établie  entre  eux ,  à  l'exemple  des  Nicolaïtes. 
Prateole  ,  5  comm.  Sanderus  ^ /zer.  1^8, 
Gautier,  dans  fa   chron,  xvj*  fiecle.  (G) 

*  COMMUNICATION  ,  (  Gram.  )  ce 
terme  a  un  grand  nombre  d'acceptions , 
qu'on  trouvera  ci-après.  Il  déligne  quelque- 
fois Vidée  départage  y  ou  de  cejfion  ,  comme 
dans  communication  du  mouvement  ;  celle 
de  contiguïté ,  de  communauté .,  &  de  conti- 
nuité ^  comme  dans  communication  de  deux 
canaux  ,  portes  de  communication  ;  celle 
à' exhibition  par  une  perfonne  d  une  autre  , 
comme  dans  communication  de  pièces  y  &c. 
Communication  du  mouvement, 
eff  l'adion  par  laquelle  un  corps  qui  en  frappe 
un  autre ,  met  en  mouvement  le  corps  qu'il 
frappe. 

L'expérience  nous  fait  voir  tous  les  jours , 
que  les  corps  fe  communiquent  du  mouve- 
m.ent  les  uns  aux  autres.  Les  philofophes 
ont  enfin  découvert  les  loix  fuivant  lelquelles 
fe  fait  cette  communication  y  après  avoir 
long-temps  ignoré  qu'il  y  en  eût,  &  après 
s'être  long-temps  trompé  fur  les  véritables. 
Ces  loix  confirmées  par  l'expérience  &  par 
le  raiibnnement ,  ne  font  plus  révoquées  en 
doute  de  la  plus  faine  partie  àç.s  phyficiens. 
Mais  la  raifbn  métaphyfique,  &  le  principe 
primitif  de  làcommunication  dumouvement^ 
ïbntfujets  à  beaucoup  de  difficultés. 

Le  P.  Mallebranche  prétend  que  la  commu- 
nication du  moui'ement  ridï  point  nécefllùrc-' 
ment  dépendante  de  principes  phyfiques  ,  ou 
d'aucune  propriété  des  corps  ,  mais  qu'elle 
procède  de  la  volonté  &  de  l'adion  immé- 
diate de  Dieu.  Selon  lui ,  il  n'y  a  pas  plus  de 
connexion  entre  le  mouvement  ou  le  repos 
d'un  corps ,  &  le  mouvement  ou  le  repos 
d'un  autre ,  qu'il  n'y  en  a  entre  la  forme ,  la 


C  OM 

couleur ,  la  grandeur ,  Ùc,  d'un  corps  &  celle 
d'un  autre  ;  &  ce  phiiorophe  conclut  de-là  , 
que  le  mouvement  du  corps  choquant  n'ell: 
point  la  caufe  phyfique  du  mouvement  du 
corps  choqué. 

Il  n'y  a  point  de  doute  que  la  volonté  du 
Créateur  nefoit  la  caufe  primitive  &  immé- 
diate de  la  communication  du  mouvement , 
comme  de  tous  les  autres  effets  de  la  nature. 
Mais  s'il  nous  efl:  permis  d'entrer  dans  les 
vues  de  l'Être  fuprême^  nous  devons  croire 
que  les  loix  de  la  communication  du  mouve- 
ment qu'il  a  établies  ,  font  celles  qui  conve- 
noient  le  mieux  à  la  fagefle  &  à  la  fimplicité 
defes  defleins.  Ce  principe  du  P.  Mallebran- 
che  ,  qu'//  n^y  a  pas  plus  de  connexion  entre 
le  mouvement  d'un  corps  &  celui  d'un  autre, 
qu'entre  la  figure  &  la  couleur  de  ces  corps  , 
ne  paroît  pas  exadement  vrai  :  car  il  eft  certain 
que  la  figure  &  la  couleur  d'un  corpsn'infîuent 
point  fur  celles  d'un  autre;  au  lieu  que  quand 
un  corps  A  en  choque  un  au  tre  B  ,  il  fautné- 
celîîiirement  qu'il  arrive  quelque  changement 
•  dans  l'état  aduel  de  l'un  de  ces  corps  ,  ou 
dans  l'état  de  tous  les  deux  ;  car  le  corps  B 
étant  impénétrable,  le  corps ^  ne  peut  con- 
tinuer fon  chemin  fuivant  la  direction  qu'il 
avoit ,  à  moins  que  le  corps  B  ne  foit  dé- 
placé ;  ou  fi  le  corps  54  perd  tout  fon  mou- 
vement ,  en  ce  cas  ce  corps  A  change  par  la 
rencontre  du  corps  B  fon  état  de  mouvement 
en  celui  de  repos.  C'efl:  pourquoi  il  faut  né- 
cefl'airement  que  l'état  du  corps  B  change  , 
ou  que  l'état  du  corps  A  change. 

De-là  on  peut  tirer  une  autre  conféquence; 
c'ell:  que  l'impénétrabilité  des  corps  ,  qui  efl 
une^de  leurs  propriétés  efTentielles ,  deman- 
dant nécelTairement  que  le  choc  de  deux 
corps  produife  du  changement  dans  leur  état, 
il  a  été  nécefTaire  au  Créateur  d'établir  <ies 
loix  générales  pour  ces  changemens  :  or  quel- 
ques-unes de  ces  loix  ont  dû  nécefïairement 
être  déterminées  par  la  feule  impénétrabihté, 
&  en  général  par  la  feule  effence  des  corps  ; 
par  exemple ,  deux  corps  égaux  &  femblables 
lans  refîbrt ,  venant  fe  frapper  dircdement 
avec  des  vîtefTes  égales  ,  c'efl  une  fuite  né- 
cefTaire de  leur  impénétrabihté  qu'ils  refient 
en  repos.  Il  en  efl  de  même  ,  fi  les  malTes  de 
ces  corps  font  en  rai'bn  inverfe  de  leurs  vî- 
tefTes. Or  fi  d'après  ce  principe ,  on  peut  dé- 
terminer généralement  les  loix  de  la  commu- 


C  O  M  ^87 

nication  du  mouvement^  ne  fera-t-il  pas  bien 
vraifemblable  que  ces  loix  font  celles  que  le 
Créateur  a  dû  établir  par  préférence  ,  puifque 
ces  loix  feroient  fondées  fur  des  principes 
aufîl  fimples  qu'on  pourroit  le  defircr  ,  & 
liées  en  quelque  manière  à  une  propriété  des 
corps  auifi  efTentlelle  que  l'impénétrahiliré  ? 
On  peut  voir  ce  raifonnement  plus  dévdoppé 
dans  V article  PERCUSSION. 

Loix  de  communication  du  mouvement. 
Dans  la  fuite  de  cet  article  nous  appellerons 
mouvement  d'un  corps  ou  degré  de  mouve~ 
ment ,  un  nombre  qui  exprime  le  produit  de 
la  mafTe  de  ce  corps  par  fà  vîtefTe  ;  &  en  effet 
il  efl  évident  que  le  mouvement  d'un  corps 
efl  d'autant  plus  grand  que  fa  maffe  efl  plus 
grande ,  &  que  là  vîtefi'e  efl  plus  grande  ; 
puifque  plus  fa  mafTe  &  fa  vîtefïê  font  gran- 
des ,  plus  il  a  de  parties  qui  fe  meuvent ,  & 
plus  chacune  de  ces  parties  a  de  vîtefïê. 

Si  un  corps  qui  fe  meut  frappe  un  autre 
corps  déjà  en  mouvement ,  &  qui  fe  meuve 
dans  la  même  diredion  ,  le  premier  augmen- 
tera la  vîtefîè  du  fécond  ,  mais  perdra  moins 
de  {a.  vîtefTe  propre  ,  que  fi  ce  dernier  avoit 
été  abfolument  en  repos. 

Par  exemple  ,  fi  un  corps  en  mouvement 
triple  d'un  autre  corps  en  repos  ,  le  frappe 
avec  32,dde  mouvement,  il  lui  communi- 
quera 8^  de  fon  mouvement,  &  n'en  gar- 
dera que  24  •  ^1  l'autre  corps  avoit  eu  déjà 
4^  de  mouvement ,  le  premierne  lui  en  auroit 
communiqué  que  5  >  &  en  auroit  gardé  27, 
puifque  ces  5**  auroient  été  luHifans  par  rap- 
port à  l'inégalité  de  ces  corps  ,  pour  \çs  faire 
continuer  à  fe  mouvoir  avec  la  même  vîtefîè. 
En  effet  dans  le  premier  cas ,  les  mouvemens 
après  le  choc  étant  8  &  24  ,  &  les  mafîes  i 
&  3  ,  les  vîtefîés  feront  8  &  8  ,  c'efl-a-dire 
égales  ;&  dans  le  fécond  cas,  on  trouvera 
de  même  que  les  vîtefTes  feront  9  &  9. 

On  peut  déterminer  de  la  même  manière 
les  autres  loix  de  la  communication  du  mou- 
vement y  pour  les  corps  parfaitement  durs 
&  deffitués  de  toute  élaflicité.  Mais  tous  \ts 
corps  durs  que  nous  connoilTons  étant  en 
même  temps  élafliques  ,  cette  propriété  rend 
XtsXdxs. àt\â.communication  du  mouvement 
fort  différentes  ,  &  beaucoup  plus  compli- 
quées. F.  ÉLASTICITÉ  &  Percussion. 
Tout  corps  qui  en  rencontre  un  autre, 
perdnécefTairement  une  partie  plus  ou  moing. 


<?88 


C  O  M 


grande  du  mouvemcnr  qu'il  a  su  moment 
de  la  rencontre.  Ainfi,  un  corps  qui  a  déjà 
perdu  une  partie  de  Ton  mouvement  par  la 
rencontre  d'un  autre  corps ,  en  perdra  encore 
davantage  par  la  rencontre  d'un  lecond  , 
d'un  rroiiieme.  C'elt  pour  cette  raifon  qu'un 
corpsg^ui  le  meut  dans  un  fluide  ,  perd  con- 
tinuellement de  fa  vîtefle ,  parce  qu'il  ren- 
contre continuellement  des  corpufcules  aux- 
quels il  en  communique  une  partie. 

D'où  il  s'enfuit ,  i°.  que  lî  deux  corps  ho- 
mogènes de  différentes  mafles,  fe  meuvent  en 
ligne  droite  dans  un  fluide  avec  la  même 
vîtefle  ,  le  plus  grand  conferveraplus  long- 
temps fon  mouvement  que  le  plus  petit  :  car 
lesvîtefl'es  étant  égales  par  la  fuppofition,  les 
mouvemens  de  ces  corps  font  comme  leurs 
mafles ,  &  chacun  communique  de  fon  mou- 
vement aux  corps  qui  l'environnent,  &  qui 
touchent  fa  furface  en  raifon  de  la  grandeur 
de  ctttQ  même  furface.  Or  quoique  le  plus 
grand  corps  ait  plus  de  furface  abfolument 
que  le  plus  p:tit ,  il  en  a  moins  à  propor- 
tion ,  comme  nousl'allons  prouver  ;  donc  il 
perdra  à  chaque  inftant  moins  de  fon  mou- 
vement que  le  plus  petit. 

Suppofons,  par  exemple ,  que  le  côté  d'un 
cube  A  foit  de  deux  pies  ,  &  celui  d'un  cube 
-S d'un  pié  ;  les  furfaces  feront  comme  4-  à  i; 
&  les  mafl!es  comme  8  à  i  ;  c'eiî  pourquoi  fi 
ces  corps  fe  meuvent  avec  la  même  vîtefle  , 
le  cube  A  aura  huit  fois  plus  de  mouvement 
que  le  cube  B  :  donc  ,  afin  que  chacun  par- 
vienne au  repos  en  môme  temps ,  le  cube  yi 
doit  perdre  à  chaque  moment  huit  fois  plus 
de  fon  mouvement  que  le  cube  B  :  mais 
cela  efl  impoflible  ;  car  leurs  furfaces  étant 
l'une  à  l'autre  comme  4  a  i  ,  le  corps  A  ne 
doit  perdre  que  quatre  fois  plus  de  mouve- 
ment que  le  corps  B ,  en  fuppofant  (  ce  qui 
n'efl  pas  fort  éloigné  du  vrai)  que  la  quan- 
tité de  mouvement  perdue  efl  proportion- 
nelle à  la  furface  :  c'efl  pourquoi  quand  le 
cube  B  deviendra  parfaitement  en  repos,  A 
aura  encore  une  grande'partie  de  fon  mou- 
vement. 

2°.  De-là  nous  voyons  la  raifon  pourquoi 
un  corps  fort  long  ,  comme  un  dard  ,  lancé 
félon  fa  longueur  ,  demeure  en  mouvement 
beaucoup  plus  long-temps ,  que  quand  il  efl 
lancé  tranlverfalcment  ;  car  quand  il  efl  lancé 
iîiivant  fà   longueur ,  il  rencontre  dans  fa 


COU. 

dire<îl:ion  un  p!us  petit  nombre  de  corps  aux- 
quels il  efl  obligé  de  communiquer  fon  mou- 
vement ,  que  quand  il  efl  lancé  tranfverla- 
icment.  Dans  le  premier  cas  ,  il  ne  choque 
que  fort  peu  de  corpufcules  par  fa  pointe  ; 
&  dans  le  fécond  cas ,  il  choque  tous  les 
corpufcules  qui  font  diipofés  fuivantfa  lon- 
gueur. 

3°.  De-là  il  fuit  qu'un  corps  qui  fe  meut 
prelque  entièrement  fur  lui-même ,  de  lorte 
qu'il  communique  peu  de  Ion  mouvement 
aux  corps  cnvironnans  ,  doit  confervcr  fon 
mouvement  pendant  un  long  temps.  C'efl 
pour  cette  raifon  qu'une  boule  de  laiton 
polie  ,  d'un  demi-pié  de  diamètre,  portée 
fur  un  axe  déUé  &  poU ,  &  ayant  reçu  une 
aflez  petite  impulfion,  tournera  fur  elle-r 
même  pendant  un  temps  confidérable.  V^oy. 
Résistance  ,  ùc. 

Au  refle,  quoique  l'expérience  &  le  rai- 
fonnement  nous  aient  inflruits  fur  les  loix 
de  la  communication  du  mouvement ,  nous 
n'en  fommes  pas  plus  éclairés  fur  le  prin- 
cipe métaphylique  de  cette  communication. 
Nous  ignorons  par  quelle  vertu  un  corps 
partage  ,  pour  ainfi  dire  ,  avec  un  autre 
le  mouvement  qu'il  a  ;  le  mouvement  n'é- 
tant rien  de  réel  en  lui-même ,  mais  une 
Ample  manière  d'être  du  corps  ,  dont  la 
communication  efl  aufll  diflScile  à  compren- 
dre que  le  feroit  celle  du  repos  d'un  corps 
à  un  autre  corps.  Plufieurs  philofophes  ont 
imaginé  les  mots  à^  force  ^  de  puijfance  y 
a*acîion  ,  &c.  qui  ont  embrouillé  cette  ma- 
tière au  lieu  de  l'éclaircir.  Voye\  êes  mots. 
Tenons-nous  en  donc  au  (impie  fait ,  & 
avouons  de  bonne  foi  notre  ignorance  •fur 
la  caufe  première.  (  O  )  ' 

C  O  M  M  U  N  I  C  AT  ION  d'i  D  I  O  M  E  S, 
(  Théol.  )  terme  confacré  parmi  les  théolo- 
giens en  traitantlemyflere  de  l'Incarnation; 
pour  exprimer  l'application  d'un  attribut 
d'une  des  deux  natures  en  Jtfus-Chrifl  à 
l'autre  nature. 

La  communication  d* idiomes  efl  fondée 
fur  l'union  hypoflatique  des  deux  natures  en 
Jefus-Chrifl.  C'efl  par  communication  d^i- 
diomes  qu'on  dit  que  Dieuafoujfert  ^  que 
Dieu  efl  mort ,  &c.  chofes  qui  à  la  rigueur  ne 
fe  peuvent-dire  que  de  la  nature  humaine  ,  & 
flgnifient  que  Dieu  efl  mort  quant  à  fon  hu- 
manité ,  qu'iZ  a  foujfen  en  tant  qu'homme  ; 

car  > 


C  O  M 

car  ,  difent  les  théologiens ,  les  dériommâ- 
tioiis  qui  fignificnt  les  natures  ou  les  pro- 
priétés de  nature  ,  font  des  dénominations 
de  fuppofita  y  c'eft-à-dirc ,  de  perfonnes.  Or 
comme  il  n'y  a  en  Jefus-Chrift  qu  une  feule 
perfbnne  ,  qui  eft  celle  du  Verbe  ,  c'eft  à 
cette  perfonne  qu'il  faut  attribuer  les  dé- 
nominations des  deux  natures ,  &  de  leurs 
propriétés.  Mais  on  ne  {àuroit  par  la  commu- 
nication d'idiomes  attribuer  à  J.  C.  ce  qui 
feroit  fuppofer  qu'il  ne feroit  pas  Dieu;  car 
ce  feroit  détruite  l'union  hypoftatique ,  qui 
eft  le  fondement  de  la  communication  d'i- 
diomes. Ainii  Ton  ne  fauroit  dire  que  Jefus- 
Chrift  foit  un  pur  homme,  qu'il  loit  fàiUi- 
ble  j  ùc. 

.  Les  Neftoriens  rejetoient  cette  communi- 
cation d'idiomes ,  ne  pouvant  fouffrir  qu'on 
dî.que  Dieu  aroitfoujff'ert y  qu'il  étoit mort: 
autTi  admettoient-ils  dans  Jefus-Chrift  deux 
perfonnes.  Fbje:(_NESTORiENS.  0 

Les  Luthériens  font  tombés  dans  l'excès 
oppofé  ,  en  pouflant  la  communication  d'i- 
diomes ,  &c  en  prétendant  que  Jefus-Chrift , 
non-feulement  en  tant  qu'il  eft  une  des  trois 
perfonnes  divines  ,  &:  à  raifon  de  fa  divi- 
nité ,  mais  encore  en  tant  qu'homme ,  ôc 
à  raiion  de  fon  humanité  ,  eft  immortel , 
immenfe.  Fbje:^^  Ubiquistes  &  Ufiicyji- 

.TÉ.(G) 

Communication,  {Belles-lett.)  figure 
de  rhétorique  par  laquelle  l'orateur,  fur  de 
la  bonté  de  fa  caufe  ou  affectant  de  l'être  , 
s'en  rapporte  fur  quelque  point  à  la  déci- 
fion  des  juges  ,  des  auditeurs  ,  même  à 
celle  de  fon  adverfaire.  Cicéron  l'emploie 
fouvent  ainfi  dans  l'oraifon  pour  Ligarius  : 
Qu'en  penfe^-vous  ,  dit-il  à  Céfar  ,  croye:(- 
vous  que  je  fois  fort  emharrajfé  à  défendre  Li- 
garius ?  Vousfemble-t-il  que  je  fois  unique- 
ment occupe  de  fa  jujîificaîion  ?  Ce  qu'il  dit 
"après  avoir  poufte  vivement  fon  accufateur 
Tuberon.  Et  dans  celle  pour  Caius  Rabî- 
rius ,  il  s'adrefle  ainfi  à  Labienus  fon  ad 
verfaire  :  Q^u  euiJie';^vous fait  dans  une  occajlor^ 
aujfi  délicate  ,  vous  gui  prîtes  la  fuite  par  lâ- 
cheté,  tandis  que  la  fureur  ù  la  méchanceté 
de  Saturnin  vous  appzlloient  d'un  coté  au  ca- 
pitale y  Ù  que  d'un  autre  les  confuls  implo- 


COM  6%^ 

Ù  dé  ïa  Hier  té  ?  Quelle  autorité  aurie'^vcus 
refpeâée  ?  Quelle  voix  aur  ejj-vous  écoutée  ? 
Quel  parti  aurieT^vous  embr.a£e?  Aux  ordres 
de  qui  vousferie[-v<msfoumis  ?  Cette  ligure  : 
peut  produire  an  très-grand  effet ,  pourvu 
qu'elle  fbit  placée  à  propos.  (  G  ) 

Communication  de  Pièces  ,  {Jurif- 
prud.  )  eft  l'exhibition  ,  &  même  quelque- 
fois la  remife  qui  eft  faite  d'une  pièce  à  la 
partie  intérellee  pour  l'examiner  ;  fous  ce 
terme  de  pièces  on  entend  toutes  fortes 
d'écrits  ,  foit  publics  ou  privés ,  tels  que  des 
billets  &  obligations  ,  des  contrats  ,  juge- 
mens ,  procédures  ,  6'c. 

On  ne  doit  pas  confondre  la  fîgnifîcation 
de  l'adle  de  baillé  copie  d'une  pièce  avec  la 
communication  ;  on  iîgnifie  une  pièce  en  noti- 
fiant en  fubftance ,  par  un  exploit ,  ce  qu'elle 
contient;avec  cette  lignification  on  donne  or- 
dinairement en  même  temps  copie  de  la  pie- 
ce  •)  mais  tout  cela  n'eft  pas  encore  la  ccmniunr- 
cation  de  lapiece  même .  Celui  qui  en  a  copie  a 
fouvent  intérêt  d'en  voir  l'original  pour  exa- 
miner s'il  y  a  des  ratures  ou  interlignes ,  des 
renvois  &  apoftilles ,  fi  l'écriture  &  lesfîgna- 
tures  font  véritables  ;  c'eft  pour  ceîaque  l'on 
communique  la  pièce  même.  Cette  commu- 
nication fe  fait  ou  de  la  main  à  la  raain  fam 
autre  formalité ,  ou  fous  le  récépiile  du  pro- 
cureur ,  ou  par  la  voie  du  greffe ,  ou  devant 
le  rapporteur  ;  le  greffier  remet  quelquefois 
la  pièce  fous  le  récépiffé  du  procureur ,  quel-, 
quefois  auffi  la  communication  fe  ^zit  fans 
déplacer  ;  enfin  on  donne  quelqu  efois  en  com- 
niunication  les  facs  entiers ,  &  même  tout  un 
procès  ;  on  communique  au  (Il  au  parquet  : 
nous  expliquerons  féparément  chacune  de 
ces  différentes  fortes  de  communications. 

Un  des  principaux  e^ets  de  la  communia 
cation  y  eft  qu'elle  rend  les  pièces  communes 
à  toutes  les  parties  ,  c'eft-à-dire  que  celui 
contre  qui  on  s'en  eft  férvi  peut  aufTi  argu- 
menter de  ces  pièces  en  ce  qu'elles  lui  font 
vorables  \  Se  cela  a  lieu ,  quand  même 
^elui  qui  a  produit  les  pièces  les  retireroit  de 
fondoffierou  de  fon  fac&  produdion,  8c 
quoiqu'il  n'en  auroit  pas  été  donné  copie. 

Communication  s  ANS  déplacer  ,  eft 
celle  qui  fe  fait  au  greffe  ,  ou  en  l'horel  du 


$We 


raient  votre  fecour  s  pour  la  défenfede  la  patrie  j  rapporteur  ou  autre  juge  ,  en  exhibant  feu- 
Tome  VUl,  .  .  ^^^^ 


6po  cou 

lement  ks  pièces  pour  les  cxafnnî€F  en  pré- 
iencedu  )uge  ou  greffier,  fans  qu  il  foit  per- 
mis à  la  partie  ni  à  Ton  procureur  d'empor- 
ter ces  pièces,  pour  les  examiner  ailleurs. 

Communication  aux  Gens  du  Roi  , 

ou  au  minifiere  public  ,  ou  au  parquet  ,  eft  k 
remile  que  Fon  fait  aux  gens  du  roi  dans  les 
juftiees  royales ,  ou  aux  avocats  àc  procu- 
reurs fifcaux  dans  les  juftiees  feigneurialcs  , 
des  pièces  fur  lerquelles  ils  doivent  donner 
des  conclulions,  afan  qu'ils  puifleui aupara- 
vant les  examiner. 

Cette  ccmmurJcatkn  fe  fait  cn  plufieurs 
manières  &  pour  difftrens  objets.    . 

L'on  ccmmu nique  au  minifliere  public  ks 
ordonnances ,  édiïs ,  déclarations ,  lettres  pa- 
tentes ,  pour  l'ewrcgiftrerasnt  defquels  ils 
doivent  dominer  des  conclullons.  Le  roi  en- 
voie ordinairement  ces  nom-eaux  réglemens 
à  (on  procureur  général  dans  les  cours  fou- 
veraines  ;  pour  les  autres  fieges  royaux  infé- 
rieurs ,  &c  autres  reHortiflant  nuémeut  es 
cours  fouvecaines,  c'eft  le  procureur  général 
qui  envoie  les  réglemens  au  procureur  du 
roi  de  chaque  li^ge. 

Dans  les  affiiires  civSes  où  le  miniftere  pu- 
blic doit  porter  la  parole  ,  qui  font  celles  où 
le  roi ,  Pcgîile  ou  le  public  a  intérêt,  les  par- 
tics  font  obligées  de  ccmmuniquer  leurs  pie- 
ces  au  minifiere  pnbbc,  quand  même  la  par- 
tie n'auroit  point  d'autre  contradi^eur  : 
cette  communication  fe  fait  par  le  mini  frère 
d'es  avocats  ;  &  lorlque  le  miwiftere  public 
cft  partie  ,  il  communique  auffi  les  pièces  à 
I  avocat  qui  eft  cliargé  contre  lui. 


Cette  communicaticn  de  pièces  entre  le 
miniftere  public  &  les  avocats ,  fe  fiit  de  la 
main  à  la  main  (ans  aucun  récépiiîe ,  &  c'eft 
une  fuite  de  la  confiance  réciproque  que  les 
avocats  ont  mutuellement  entr'eux  ;  en  effet 
ceux  qui  font  chargés  du  miniftere  public 
ont  toujours  étéchoifîs  parmi  les  avocats,  & 
confidérés  comme  membres  de  l''ordre 
avocats. 

On  appelle  auffi  communication  au  minif- 
iere publie  ,  une  brieve  expoiâtion  que  les 
avocats  font  verbalement  de  leurs  moyens 
à  celui  qui  doit  porter  la  parole  pour  le  minif- 


COM 

înftpuk  de  l'affaire  :  cette  communication  vet- 
bale  des  moyens  n'eft  point  d'obligation  de 
la  parc  des  avocats  j  en  effet  tes  arKiennes 
ordonnaïKcs  portent  bien  que  (i  dans  les 
eau* es  dont  les  avocats  font  chargés  ,  ils 
trouvent  quelque  chofè  qui  touche  les  inté- 
rêts du  roi  ou  du  public ,  ^e  hoc  curiam  avi^ 
fahunt;  mais  il  n'y  a  aucune  ordonnance  qut 
oblige  les  avocats  d'aller  au  parquet  commu- 
niq-uer  leurs  moyens  \  &  loriqu  il  eft  ordonné 
par  quelque  jugement  que  les  parties  commu- 
niqueront  au  parquet  ,  on  n'entend  autre 
chofe  finon  qu'elles  donneront  leurs  pièces  : 
en  un  mot  il  n'y  a  aucune  loi  qui  oblige  les 
avocats  de  faire  ouverture  de  leurs  moyens 
ailleurs  qu'à  Paudience. 

Il  eft  vrai  qu'ordinairement  les  avocats  , 
foit  pir  confidération  perionneile  pour  ceux 
qui  exercent  le  miniftere  public  ,  foit  pour 
Tiiitérêc  même  de  leurs  parties  ,  commuai- 
qu^  leurs  moyens  en  remettant  leurs  pièces  : 
mais  eîicore  une  fois  ccZtQ  communication  des 
moyens  eft  volontaire  j  &  lorlque  les  avocats 
le  contentent  de  remettre  Leurs  pièces ,  on  ne 
'.  peut  rien  exiger  de  plus. 

L'ufa ge  des  communicatiens ,  (bit  de  pièces 
ou  de  moyens,  au  miniftere  public,  cil  Isns 
doute  foiT  ancien  ;  cn  en  trouve  des  exem- 
ples dans  les  rcgiftres  du  châtelet  des  l'an 
1 5 1 3 ,  où  il  eft  dit  que  les  ftatu-ts  des  Megif- 
liers  furent  faits  après  avoir  oui  les  avocats  èc 
procureur  du  |oi  qui  en  avoient  eu  commu^ 
iiication. 

Autrefois  les  communications  descaufes  le 
failoient  avec  moins  d^appareil  qu'aujour- 
d'hui. Dans  les  premiers  temps  où  le  parle- 
ment de  Paris  fut  rendu  fédentaire  à  Paris , 
les  avocats  du  roi  qui  n'étoient  point  encore 
en  titse  d'office  ,  n'avoient  point  encore 
de  parquet  ou  lieu  particulier  defiiné  à  rece- 
voir ces  communications  :  ils  plridoient  eux- 
mêmesfouvent  pour  les  parties  dans  les  cau- 
fes  où  le  miniftere  public  n'éroit  pas  inté- 
refle ,  au  moyen  de  quoi  les  communications 
'e  pièces 5^:  de  moyens  fe  fiifbienr  debout  S<. 
en  (è  promenant  dans  lagrand'falle  en  atten- 
dant l'heure  de  l'audience. 

Mais  depuis  que  les  ordonnances  ont  at- 
tribué aux  avocats  du  roi  la  connoi fiance  de 
certiines  affaires  que  les  avocats  vont  plai-fer 


Kie  pubiic  j  afin  que  celui-ci  foit  pleinement  1  devant,  eux ,  &  que  Pon  c  établis, pour  ks. 


C  O  M 

gens  du  roi ,  ditis  chatjue  (itgt,  Un  parquet 
ou  lieu  dans  lequel  ils  s'âflettibieht  pour  va- 
<|uet-  à  leurs  affaires  ,  on  à  aulli  conftruit 
dans  chaque  parquet  Uli  (iege  où  les  gens  du 
roi  fe  placent  avec  un  bureau  devant  eux  , 
fbit  pour  entendre  les  caufes  dont  ils  ibnt 
juges ,  foit  pour  recevoir  les  communications  : 
il  fèmble  néanmoins  que  ce  fiege  ait  été  éta- 
bli pour  juger  plutôt  que  pour  recevoir  les 
communications  ,  Cette  dernière  fonébion 
n'étant  point  un  afte  de  puiflànce  publique^ 

Mais  comme  l'expédition  des  caufes  &  les 
communications  fe  font  fuivant  qu'elles  le 
préfentent  (ans  diftinébion  ,  les  gens  du  roi 
relient  ordinairement  à  leur  bureau  pour  les 
unes  comme  pour  les  autres ,  ii  ce  n'eft  en 
hiver  où  ils  fe  tiennent  debout  à  la  cheminée 
du  parquet  ,  &  y  entendent  également  les 
caufes  dont  ils  font  juges  &  les  communica- 
tions. 

Au  parlement  te  dans  les  autres  fiejcs 
royaux  où  les  gens  du  roi  ont  quelque  forte 
de  jurifdiftion  ,  les  avocats  leur  communi- 
quent debout  ;  mais  ils  ont  droit  de  fe  cou- 
vrir ,  quoiqu'ils  ne  le  fallent  pas  toujours  : 
ks  procureurs  qui  y  plaident  ou  commùni- 
f[uent ,  doivent  toujours  parler  découverts. 

Dans  les  autres  fieges  inférieurs  lorlque 
ceux  qui  exercent  le  miniftere  public  s  af- 
fèient  à  leur  bureau  ,  les  avocats  qui  com- 
ftiuniquenr  y  prennent  place  à  côte  d'eux. 

En  temps  de  vacations  c'eft  un  fubftitut 
ou  procureur  général  qui  reçoit  les  commu- 
nications au  parquet;  maisPufage  elt  que 
l'on  y  obferve  une  parfaite  égalité ,  c'eft- 
à-dire  ,  que ,  s'il  s'afTied au  bureau  ,  l'avo- 
CM  qui  communique  doit  être  alîis  à  côté 
de  lui: 

On  observe  aulTi  une  efpece  de  confra- 
ternité dans  les  communications  qui  le  font 
^x  avocats  généraux  &:  avocats  du  roi  ; 
car  en  parlant  aux  avocats  ils  les  appellent 
OîeJJieurs ,  à  la  différence  des  procureurs  , 
^ue  les  avocats  y  qualifient  feulement  de 
maîtres  ,  &  que  les  gens  du  roi  appellent 
amplement  par  leur  nom, 

L'ordonnance  de  Moulins  ,  article  ^i  , 
veut  que  les  requêtes  civiles  ne  foient  plai- 
éées  qu'après  avoir  été  comiftuftiquécs  aux 


C  O  M  è^  t 

avocats  ^  pîocurears  généraux,  à  peine  de 
nullité. 

L'ordonnance  de  \56j ,  tit.  xxxv , an. %J , 
ordonne  la  même  choie. 

L'article  fuivant  veut  que  lors  de  la  com^ 
munication  au  parquet  aux  avocats  &  procu- 
reur généraux  ,  l'avocat  qui  communique 
pour  le  demandeur  en  requête  civile  ,  re- 
pré  fente  l'avis  des  avocats  qui  ont  été  con- 
iukés  fur  la  requête  civile. 

L'article  xxxiv  met  au  nombre  des  ou- 
vertures de  requêtes  civiles,  ii  es  chofes  qui 
concernent  le  roi  ,  l'églife  ,  le  public  ou  la 
police ,  ii  n'y  a  point  eu  de  communicatiomMU, 
avocats  ou  procureur  généraux. 

Dans  quelques  tribunaux  on  communique 
auffi  les  caufes  où  il  y  a  des  mineurs ,  ou 
lorfqu'il  s'agit  de  lettres  de  refciiion.  Les 
arrêts  des  J  feptanbre  1 6So  ,  6*  %G  février 
i6$i ,  rapportés  au  journal  des  audiences , 
rendus  l'un  pour  le  lîege  royal  de  Dreux  , 
l'autre  pour  la  duché-pairie  de  la  Rochfi- 
fur-Yon ,  ont  ordonné  de  communiquer  aux 
gens  du  roi  les  caufes  où  il  s'agit  d'aliéna- 
tions de  biens  des  mineurs  :  on  les  commu- 
nique auiîî  au  châtelet  de  Paris ,  mais  noo 
pas  au  parlement  ;  ainfî  cela  dépend  de  Tu- 
fage  de  chaque  fiege  ,  les  ordonnances  ne 
.  prefcrivant  rien  à  ce  fujet. 

Au  parlement,  toutes  les  caufes  qui  fc 
plaident  aux  grandes  audiences  des  lundi , 
mardi  &  jeudi  matin ,  font  communiquées 
fans  diftindion  j  cd  qui  vient  apparemment 
de  ce  que  ces  caules  étant  ordinairement  àt 
celles  qu'on  appelle  majeures  ,  le  public  el^ 
toujours  préfumé  y  avoir  intérêt. 

Dans  les^nftancésou  procès  appointésdans 
lefquelsle  procureur  général  ou  Ion  fubftitut 
doit  donner  des  conclufions ,  on  leur  com- 
munique tout  le  procès  lorfqu'il  efi:  fur  le 
point  d'être  jugé ,  pour  l'examiner  &  donner 
leurs  conclufions. 

L^èdit  du  mois  de  janvier  î  ^8^  ,  portant 
règlement  pour  l'adminiftration  de  la  juftice 
au  châtelet ,  ordonne ,  ati^le  xxiv  ,  que  le 
plus  ancien  des  avocats  du  roi  refondra  en 
l'abience  ou  autre  empêchement  du  procu- 
reur du  roi ,  toutes  les  cojiclufions  prépa- 
ratoires 5c  définitives  fur  les  informations  Sc 
Ssss  1 


é^i  C  O  M 

procès  criminels,  de  fur  les  procès  civils  qui 
ont  accoutumé  d'être  communiqués  au  pro- 
cureur du  roi ,  ùc.  Il  y  a  eu  divers  autres 
réglemens  à  ce  fujet  pour  les  gens  du  roi  de 
difiérens  iîeges  royaux. 

En  matière  criminelle  on  communique 
aux  gers  du  roi  les  chai-ges  &  informa- 
tions, c'eil  ce  G  u^'on appelle  cpyr7r//er/e5  o'r^r- 
gcs  aux  gens  du  roi.  L'ordonnance  de  Louis 
XII  j  du  mois  de  mars  14,^8  ,  art,  C)8 ,  or- 
donne aux  baillis ,  fcnéchiux  &  autres  ju 
ges  avant  de  donner  commiilion  fur  les  in 
formations ,  de  les  communiquer  aux  avo- 
cats ik  procureurs  de  fa  majefté  ,  ce  qui  a 
été  confirmé  par  pluiicurs  ordonnances  pof- 
térieures. 


C  O  M 

lité ,  qu'il  eft  fans  exemple  qu'il  y  ait  jamais 
eu  aucune  plainte  contre  un  avocat  pour  rai- 
fon  de  ces  fortes  de  communications.  Dans 
les  caufes  où  le  miniftere  public  eft  partie  ,• 
l'avocat  général  ou  l'avocat  du  roi  qui  doit, 
porrer  la  parole  ,  6c  les  avocats  des  autres 
parties,  (é  communiquent  de  même  mu- 
tueUement  leurs  pièces  de  la  main  àlamain  ; 
au  lieu  que  le  miniftere  public  ne  comm.u- 
nique  aucune  pièce  aux  procureursque  (ous. 
leur  récépiflé  ou  par  la  voie  du  grefte ,  &  les. 


Communication  au  Greffe  ou  par 
LA  VOIE  DU  Greffe  5  eft  l'exhibition  qui  fe 
fait  d'une  pièce  au  greffe  •■,  ce  qui  arrive  lorf- 
qu'ui:>e  partie  demande  à  voir  une  pièce  ori- 
-ginale ,  &  qu'on  ne  veut  pas  la  lui  commu- 
niquer lous  le  récépiflé  de  (on  procureur  : 
on  met  la  pièce  au  greffe  ,  dont  le  greffier 
drefle  un  a  été  que  l'on  fignifie,  afin  que  ce- 
lui qui  a  demandé  la  pièce  l'aille  voir  entre 
les  mains  du  greffier. 

CoîvlMUNICATION  DU  JuCEMENT  ,  cft  la 

connoilïànce  que  le  greffier  donne  aux  par- 
ties de  la  teneur  du  jugement  qui  eft  inter- 
venu entre  les  parties.  \J ordonnance  de  î  66q  , 
titre  des  épices  ù  vacations ,  art.  vj ,  veut  que 
Ton  donne  cette  communication  aux  parties , 
quoique  les  épices  n'aient  pas  été  payées. 


.  avocats  ne  leur  communiquent  point  leurs 
pièces  en  aucune  façon  :  lorfqu'un  procureur 
veut  avoir  communication  des  pièces  qui  font 
entre  les  mains  de  l'avocat  de  fa  partie  ad- 
verfe ,  l'avocat  remet  les  pièces  au  procureur 
de  fa  partie  ,  &  celui-ci  les  communique  à 
fon  confrère  fous  fon  récépiflé  ou  par  la  voie 
du  greft'e. 


Communication  au  Parquet, rojc^^. 
ci~dev.  Communication  aux  Gens  du 
Roi. 

Communication  d^une  Production  9 
Instance  ou  Procès  ;  ce  font  les  procureurs 
qui  prennent  en  communication  les  inftances 
&c  procès ,  &  les  productions  nouvelles  &'. 
autres  ,  pour  les  examiner  &  débattre  ,  &. 
fournir  de  leur  part  des  réponfes  ,  contre- 
dits ,  falvations  Vautres  écritures  néceflaires. 


Suivant  V ordonnance  de  îGGj ,  titre  xiv  , 
art.  Q ,  la  communication  de  pièces  produites 
par  une  partie ,  ne  doit  être  donnée  à  l'autre 

I  qu'après  que  celle  qui  la  demande  a  produit 
de  (a  part  ou  renoncé  de  produire  ,  par  un 
.     „         .,  ç.  .        ,       ade  ifgné  de  fon  procureur  &  lignifié. 

MAIN  ,  elt  celle  qui  le  fait  en  conhant  des 


pièces  pour  les  examiiner ,  fans  en  exiger  de 
récépiflé  ou  reconnoiflance  de  celui  auquel 
on  les  remet  ;  comme  cette  confiance  eft  Vo- 
lontaire ,  la  juftice  n'ordonne  point  que  les 
psrtics  ni  leurs  procureurs  fe  communiquè- 
rent de  la  main  à  la  main ,  mais  par  la  voie 
du  greffe  ou  fous  le  récépiffé  du  procureur. 
Il  n'eft  pas  non  plus  d'ufage  entre  les  procu- 
reurs ,  de  fe  communiquer  leurs  pièces  de  la 
main  à  la  main  \  ils  ne  le  font  que  par  l'une 
des  deux  voies  que  l'on  vient  de  dire.  Pour 
ce  qui  eft  des  avocats ,  ils  fe  communiquent 
entr'eux  de  la  m^ain  à  la  main  toutes  les  pie- 
ces  même  les  plus  importantes  de  leurs  cliens , 
ce  qui  fe  fait  aveo  tant  d'honneur  ôc  de  fidé- 


iigné  de  fon  procureur  &  iigi 

1J article  10  du  même  titre  ,  ordonne  que 
cette  communication  fe  fera  par  les  mains  du 
rapporteur,  &  non  pas  fous  un  fîmpk  récé- 
piflé de  procureur  à  procureur. 

Lorfqu'un  procureur  qui  a  pris  des  pieceS' 
en  communication  les  retient  trop  long-temps 
pour  éloigner  le  jugement ,  on  obtient  con- 
tre lui  une  contrainte  pour  lui  faire  rendre 
les  pièces  ;  ce  qui  s'exécute  contre  lui-même, 
par  corps. 

Les  procureurs  au  parlement  prennent  auflft 
quelquefois  entr'eux  lavoiede  rendre  plainte 
à  la  communauté  des  avocats  &  procureurs 
contre  celui  qui  retient  les  pièces  :  on  rend 


COM 

jufqu'à  trois  plaintes:  fur  la  première,  la 
compagnie  ordonne  que  le  procureur  vien- 
dra répandre  àla  plainte  \  fur  la  féconde  ,  on 
ordonne  que  le  procureur  rendra  les  pièces 
dans  tel  temps  &  fous  telle  peine  \  Se  fur  la 
troifieme plainte,  la  peine  eft  déclarée  en- 
courue. Voyeii  le  recueilles  réglemens  concer- 
nant les  procureurs  y  pag.  zzA ,  zyz  £>'  130  3 
où  il  y  a  pluiieurs  délibérations  de  la  com- 
munauté à  ce  fujet. 

Communication  des  sacs  ,  eft  celle 
qui  fe  fût  entre  les  avocats  des  différentes 
puties ,  qui  fe  confient  ^mutuellement  leurs 
facs  de  la  main  à  la  maîn  pour  les  examiner 
avant  la plaidoierie  delà  caufe.  Voye^Cou- 

MUNICATION  DE   LA  MAIN  A  LA    MAIN. 

Communication,  en  terme  de  Fortifi- 
cation ,  eft  louverture  fai^te  pour  aller  à  un 
fort ,  un  baftlon  ou  lieu  femblable  ,  ou  un 
partage  pour  y  aller  &  pour  en  venir  Voy. 
Fort  ,  Bastion  ,  Fortification  ,  û'c. 

On  appelle  communication ,  dans  Tatraque 
des  places,  des  chemins  en  forme  de  tran- 
chées ou  de  parallèles  qu'on  conftruit  pour 
joindre  les  différentes  parties  des  attaques  & 
deslogemens.  On  f^it  aufïi  de  ces  communi- 
cations pour  joindre  les  batteries  aux  places 
d'armes  ,  c'eft-à-dire  pour  aller  à  couvert 
de  ces  places  ou  parallèles  aux  batteries.  Ces 
communications  fervent  à  lier  enfembletous 
les  travaux  de  l'attaque;  elles  fervent auffi  à 
donner  plus  defûrctc  aux  affiégeans  pour 
aller  d'un  endroit  à  un  autre.  Voyei{^  Batte- 
ries ;  voye[auJJî  les  articles  Tranchée, 
Parallèle  ,  ùc.  {Q) 

COMMUNION  ,  f.  f.  (  Théol.  )  créance 
uniforme  de  plufieurs  perfonnes  ,  qui  les 
unit  fous  un  même  chef  dans  une  même 
égïiCe.   Foye;{^  Unité,  Eglise. 

C'eft  dans  ce  fens  que  l'on  dit  çue  les 
Luthériens  &  les  Calvinifîes  ont  été  retranchés 
de  la  communion  de  Véglife  romaine.  Dès 
les  premiers  temps  le  mot  de  communion  eft 
pris  en  ce  fens ,  comme  il  paroit  par  les 
canons  du  concile  d'Elvire.  Le  pape  eft  le 
chef  de  la  communion  catholique ,  &  Péglife 
ou  le  fiege  de  Rome  en  eft  le  centre  :  on  ne 
peut  s'en  féparer  fans  être  fchifniatiquc.  Voy. 
Unité  &  Schisme, 


C  O  M  ^5)3 

Coii£MUNioN  DES  SAîNTS,c'eft  l'union, 
la  communication  qu'ont  en rr 'elles  Tcglifè 
triomphante  ,  l  eglife  militante ,  Se  Pégliie 
fouffrants ,  c'cft-à- dire  les  fainrsqui  regiienr 
dans  le  ciel ,  les  r^mes  qui  font  daiis  lepurga-' 
toire  ,  &  les  fidèles  qui  viven:  lur  la  terre  : 
ces  trois  parties  d'une  feule  &  même  églife 
forment  un  corps  do]it  Jefus-Chrift  eft  le  chef 
inviUble  le  pape  ,  vicaire  de  Tefus-Chrift , 
le  chef  vifible ,  &  dont  les  membres  fcjnt  unis 
entre  eux  par  les  liens  de  la  charité,  &  par 
une  correfpondance  mutuelle  d'interceiïiou 
&  de  prières.  De-là  l'invocation  des  fiims, 
la  prière  pour  les  défunts  ,  Se  la  confiance 
au  pouvoir  des  bienheureux  auprès"  du  trône 
de  Dieu.  La  communion  des  faints  eft  uil 
dogme  de  foi ,  un  des  articles  du  fymbole 

des  apôtres.  Credo fanclorum  commu- 

nionem.  Elle  fe  trouve  afïèz  clairement  ex- 
primée au  Jlliv.  des  Macchab.ch.xij\rerf, 
^A&fuiv.  &  elle  a  a  été  conftamment  recon- 
ntre  par  toute  la  tradition. 

Communion  eft  auflîl'adion  par  laquelle 
on  reçoit  le  corps  Se  lefang  de  Jefus-Chrift 
au  très-faint  facrementdePeuchariftie.  Cette 
action  ,  la  plus  auguftcdc  notre  religion,  eft 
ainfî  décrite  par  faint  Paul ,  prem.  aux  Cor, 
ch.x:  Calix  benediâionis  cui  benedicimus  ^ 
nonne  communicatio  fanguinis  Chrijii  efi  ?  & 
panis  quemfrangimus ,  nonne  par  ticipatiocor- 
poris  Domini  ejî  ?  L'apôtre  au  même  endroit 
explique  refprit  de  cette  cérémonie  religieu- 
fe  :  Unus  panis  &  unum  corpus  multi  fumus  _, 
omnes  qui  de  unopane  Ù  de  uno  calice  parti- 
cipamus.  On  peut  voir  dans  l'apologétique 
de  TertuUien  ,  Se  dans  la  féconde  apologie 
de  S.  Juftin  ,  avec  quelle  ferveur  Se  quelle 
pureté  les  premiers  fidèles  célébroient  cette 
adion  ,  à  l'occafion  de  laquelle  les  païens 
lesnoircifToientdes  plus  horribles  calomnies. 
Foye;(^EucHARiSTiE  &  Présence  réelleI 

Communion  sous  les  deux  espèces  > 
c'eft-à-direfousl'efpece  dupain&  fous  l'ef- 
pece  du  vin.  Il  eft  conftant  par  plufieurs  mo- 
numens  des  premiers  fiecles,  quePéglife  n'a 
pas  jugé  la  communion  fous  les  deux  efpeces 
nccefl'aire  ,  Se  qu'elle  a  cru  que  Jefus-Chrift 
étant  touft  entier  fous  chaque  efpece ,  on  le 
recevoir  également  fous  chaque  efpece  fcpa^» 
rée,  comme  fous  les  deux  efpeces  réunies. 


^^4  C    G  M 

Mais  ia  difcipline  a  varié  fur  ctt  article, 
qoioique  fa  foi  ai:  toujours  été  la  même. 
Dans  le  ixe  iiecle  on  donnoit  la  communion 
fous  les  deux  efpeces ,  ou  plutôt  on  donnoit 
i'eipece  du  pain  trempée  dans  celle  du  vin. 
jiâa  SS.  Bencd.fcec,  iij.  M.  de  Marca  dans 
Ton  hiftoire  de  Béarn ,  liv.  V,  ch.  :r,  §.  3 ,  ob- 
fervc  aulTi  qu'on  la  recevoir  dans  la  main  ; 
&  il  croit  que  la  communion  fous  une  feule 
cfpece  a  commencé  en  Occident  fous  le  pape 
Urbain  II  ,  l'an  1096  ,  au  temps  de  b  con- 
^ête  de  la  Terre-fainte. 

Le  vingt-huiticme  Canon  du  concile  de 
Clermont  auquel  ce  pape  préiida ,  ordonne 
quel  on  communie  fous  les  deux  espèces  fé- 
parémenc  :  mais  il  ajoute  cependant  deux 
exceptions,  l'une  de  nécelTiré ,  &  Tautre  de 
précaution ,  nifiper  necejfuatemaut  cautelam  ; 
la  première  pour  les  malades,  &la  féconde 
en  faveur  des  abftemes ,  ou  de  ceux  qui  au- 
roient  horreur  du  vin.  ♦ 

Cette  obfervation  prouve  combien  étoicnt 
mal  fondées  les  inftances  qu'ont  faites  par  la 
fuite  les  Huffites ,  les  Calixtins ,  &  après  eux 
Carlofrad ,  pour  faire  rétablir  l'ufage  de  la 
Communion  fous  les  deux  efpeces.  Le  retran- 
chement de  la  coupe étoit  une  difcipline  de- 
puis long-temps  établie  pour  remédier  à  mille 
abus,  &  fur-tout  au  dangerde  la  profanation 
du  fang  de  Jefus-Chrift.  L'indulgence  qu'eût 
l'églife  de  s'en  relâcher  parle  compaclatum  du 
concile  de  Confiance  en  faveur  des  Huflîtes, 
ne  produiiît  aucun  des  bons  effets  qu'on  s'en 
étoit  promis  :  ces  hérétiques  perlevérerent 
dans  leur  révolte  contre  Péglifc ,  &  n'en  fu- 
rent pas  moins  acharnés  à  inonder  de  fàng 
leur  patrie.  La  même  quefiion  fut  agitée 
depuis  au  concile  de  Trente  ,  où  Pempereur 
Ferdinand  &  le  roi  de  France  Charles  IX  , 
demandoient  qu'on  rendît  au  peuple  Pufàge 
de  là  coupe.  Le  fentiment  contraire  prévalut 
d'abord  ,  maisà  la  fin  de  la  vingt-deuxième 
feflîon  les  pères  laifîerent  à  la  prudence  du 
pape  à  décider  s'il  étoit  expédient  ou  non 
d'accorder  cette  grâce.  En  conféquence  Pie 
IV  ,  à  la  prière  de  l'empereur  Ferdinand, 
l'accorda  à  quelques  peu  pies  d^  Allemagne  , 
qui  n'ufbienr  pas  mieux  de  cette  condefcen- 
dance  que  n'avoient  fait  les  Bohémiens.  Une 
foule  de  monumens  d'antiquité  eccléiîafti- 
quc ,   qu'on  peut  voir  dans  les  théolo- 


C  O  M 

gienà  Catholiques  ,  prouvent  que  la  cow- 
munio.'ifous  les  deux  efpec  s  n'ç,ik  wéc^Çùht 
ni  de  précepte  divin  ni  de  précepte  eccli- 
iiaftique  ,  &c  par  coniéquent  qu  il  n'y  a 
nulle  nccefîité  de  changer  la  dirciyline  pré- 
sente de  l'cglife  romaine ,  qUc  les  Procef- 
tans  n'attaquent  d'ailleurs  que  par  de  mau- 
vaifes  railons. 

Communion  fréquentf..  La  commu- 
nion  eft  de  précepte  diviii  pour  les  adultes  , 
félon  ces  paroles  de  Jefus-Chr.ft ,  en  S. 
Jean ,  ch.  vj,  verf.  ^5.  Nifi  manducaveritis 
carnem  Filii  hominis ,  Ù  hibcriiis  fanguinem  , 
non  habebitis  vitam'in  vobis.  Mais  Jefus- 
Chrift  n'ayant  fixé  ni  le  temps  ni  les  cir- 
conftances  où  ce  précepte  oblige,  c'eft  à 
l'églife  leule  à  les  déterminer.  Dans  les  pre- 
miers lîecles  de  l'églife  la  ferveur  &  la  piété 
des  fidèles  étoient  fi  grandes  ,  qu'ils  parti- 
cipoient  fréquemment  à  l'euchariflie.  Onf 
voit  dans  les  ades  des  apôtres  que  les  fidè- 
les de  Jcrufàiem  perfcvéïoient  dans  la  prière 
Se  dans  la  fra6bion  du  pain  ;  ce  que  les 
interprètes  entendent  de  l'euchariflie.  Lorf- 
que  la  perfécution  étoit  allumée  ,  les  chré- 
tiens fe  munilloient  tous  les  jours  de  ce 
pain  des  fores,  pour  réfîfler  à  la  fureur  deS 
tyrans  ;  confiderantes  ideirco ,  dit  S.  Cyprien  , 
épir.  $6  jje  quotidie  calicem  fanguinis  Chrifrt 
bibere  ,  utpo{jïnt  6'  ipfipr opter  Chrijîum  fan- 
guinem  fundere.  Mais  quand  la  paix  eut  été 
rendue  à  l'églife ,  cette  ferveur  fe  ralentit , 
l'éghfe  même  fut  obligée  défaire  des  loix 
pour  fixer  le  temps  de  la  communion.  Le  dix- 
huitieme  canon  du  concile  d'Agdc  enjoint 
aux  clercs  de  communier  toutes  les  fois  qu'ils 
ferviront  au  f^crifice  de  la  mefle ,  tomz  TV, 
concil.  p.  Î^ê6.  Mais,  il  ne  paro't  pas  qu'il  y 
en  eût  encore  de  bien  prccife  pour  obliger 
les  bïques  à  la  communion  fréquente.  S.  Am* 
broife  en  exhortîtnt  les  fidèles  à  s'approcher 
louvent  de  la  fainte  table  ,  remarque  qu'en 
Orient  il  y  en  avoir  beaucoup  qui  ne  com- 
munioient  qu'une  fois  l'année:  Siquotidia- 
dus  efîpanis,  cur  pofl  annumfumis  ,  quemad* 
moàum  Grcecifacere  in  Oriente Con\'ue\'erunt? 
Ib.  V  y  defacram.  c.  iv.  Et  S.  Chryfbftcir.tf 
rapporte  que  de  fon  temps  les  uns  ne  com- 
munioient  qu'une  fois  l'année  ,  les  autres 
deux  fois  ,  ^  d'autres  enfin  plus  fouvent  : 
Muli  hujus  facrifîcii  fcmel  intoto  annofunt 
participes  ,  alii  autem  bis  y  alii  fcep}.  HvmiL 


C  O  M 

tf  .  tit  fptfi,  (iâ  Hebr.  Et  le  jugement  qu'en 
porte  ce  père  eft  très-remarquable:  Quid  crgo, 
ajouie-r-jl  ,  tjuinamerunt mbismagis aceepti? 
an  qui  femd?  an  qui  fcepè  ?  an  qui  rnro  ? 
nec  hi  ,  me  illi  ,-fed  qui  cum  munda  ccnfciai- 
tia ,  qui  cum  mundo  corde  ,  qui  cum  vita  qux 
miUi  ejl  af^nis  reprehenjîuni. 

Genade  prêtre  de  Mirfeille  ,  qui  vivoit 
au  \^  fiecle,  dans  Ion  livre  des  dogmesecclé- 
fîaftiques  qu'on  aautrefoisatrribué  à  S.  Au- 
guftin  ,  <lk  qui  Te  trouve  imprimé  dans  Tap- 
pendix  du  tome  Vill  des  ouvrages  de  ce 
père ,  parle  ainii  de  la  communion  journa- 
lière: Quotidiè  eucharijiice  communionemper- 
cipcre ,    nec   lai:do  ,  nsc  ritupci-o  :  omnibus 
tamen  dvminicis  diebus  communicandum  [ua^ 
eeo  ù  hortor  ;  fi  tamenmciis  in  ajfeâu pec can- 
di non  fit  :  nam  habentem  adhuc  voluntatem 
p.eccandi ,  gravaridico  magis  eucharijlice  per- 
cepîione,  quû  m  pu  rifica  ri. Cas  pères,  &  une  in- 
finité d^iutres  que  nous  pourrions  citer ,  en 
ex  hortaiu  les  fidèles  à  hi  commun  on  fréquente, 
ôc  même  très- fréquente  ,  &c  leur  intimant 
la  menace  de  Jeius-Chrift ,  nifi  manducave- 
ritis  carnem  ,  &LC.  ne  manquoient  jamais  de 
leur  remettre  fous  les  yeux  ces  paroles  terri- 
bles de  S.  Paul  aux  Corinthiens  :  Quicumque 
manducaverit  pancm  hune  ,  velbiberit  calicem 
Dominiindign}  ,  reus  eritcorporis  Ùfanguinis 
Dcmini.  .  .  Probet  autemfe  ipfiim  homo. . . . 
JTon  pct^fîis  participes  ejfe  menfiv  Domini  ,  & 
menfje  dccmG.ncrum.  C'eil:-à-dii'e  qu^'ils  ne 
féparoicnt  jamais  ces  deux  chofes  ,  le  defir 
ou  la  ircquent.ocion  du  facrement ,  &:  le  re(- 
pect  ou  les  diipofirioiisnéccflaires  pour  s'en 
approcher  dignement ,  &  le  recevoir  avec 
ftfuit.  Mais  iis  n'ont  jamais  perlé  de  h.  corn-' 
munion  fréquente  ,  encore  moins  de  la  ccm- 
munioa  journnliere  ,  comme  d''une  chofe 
prefcrite  par  aucuupiécepte  divin  ou  ecclé- 
îiallique. 

Ce  ne  fut  que  vers  le  huitième  fiecle  que 
l'cglife  voyant  la  communion  devenue  très- 
nire ,  obligea  les  chrétiens  à  communier  trois 
fois  Tannée,  c'eft-à-dire  à  Pâque,  à  la  Pen- 
tecôte ,  &  à  Noël,  C'eft  ce  que  nous  voyons 
par  le  chafitTÇ  etfi  nonfrequentius ,  de  confecr . 
dijl.fecund.  &  par  la  décrétale  que  Gratien 
attribue  nu  pape  S.  Fabien ,  mais  que  la  criti- 
que a  fait  voir  être  un  ouvrage  du  huitième 
iîecic»  Vers  le  treizieœs  ûecle  la  tiédeur  des 


C  O  M  (?5>T 

fidetes  ^toit  encore  devenge plus  grande ,  cq> 
qui  obligea  le  quatrième  concile  de  Latran 
à  ordonner  de  recevoir  au  moins  à  Pâque 
le  facrement  de  Teuchariftie,  fous  les  peines 
portées  par  le  canon  fuivant  ;  Omnis  utriufi 
que  jexus  fidelis ,  pof.quam  ad  annQS  difcretio^ 
nis  pcrvenerit ,    omnia  fua  peecata  ,  faltem. 
feinel  in  anno  ,  conjiteatur  proprio  facerdoti  , 
&  injunêam  fibi  pcsnitentiamfiudeat  pro  viiÀ 
bus  adimplere  ,fufcipiens  reverem'er  ad  minus 
inpafcha  cucharifiicc  facrameritum  ,  nifi  for  it 
de  confilio  proprii  f  ccrdvtis  vb  nliquc  n  ra- 
tionabilem  caufam  ,  ad  tempus  ab  eji:?percep~ 
tione  duxerit  abfiimndum  ;  alioquin  iV  vivens 
abingrcjfuçcclefice  arceatur ,  ù  moricns  chrif- 
îianâ  careat  fepuliurâ.  Il    eft    bon  de  re- 
marquer daiis  ce  canon  ,  que  parle  mot  ad 
minusle  concile  moucre  o^u'il  fou  h  ai  le  que 
les  fidèles  ne  fe  bornent  point  à  commu- 
nier à  p/.que  ,  mais   qu'ils  le  faficnt  plus, 
iouvent ,  pour  ramener  la  pratique  des  pre- 
miers fiecles  où  l'on  communioit  plus  fré- 
quemment ;  2*.  que  le  concile  lailfe  à  la 
prudence  du  corifcllèur  à  décider  il  dana 
certaines  occalions  il  n'eft   pas  expédient 
de  différer  la  communion  même  pafchale , 
eu  égard  aux  difpofirions  du  pénitent  ;  ce 
qui  prouve  que  le  concile  n'a  pas  eu  moins 
d'attention  que  les  pères  à  la  néceflîté  de 
ces  difpofitions. 

Le  concile  de  Trente  a  renouvcBé  le  même 
canon  ,  fejf.  z^  ,  ck.  xix.  Mais  pour  ce  qui 
regarde  la  communion  fréquente ,  voici  comme 
il  s'exprime  dans  !a  mémefelTîon  ,  ch.  viij  t 
Paterno  aJfcBM.  admonet  fiancfa  fynodus  per 

vifcera    mifertcordiœ    Dei    nofiri :i/ 

panem  illum  fuperfuhfianliahm  fréquenter  fi~ 
deles percipere pojjint.  Ht  dans  laTefllon  22  » 
chap.  vj  ;  Op:aret  quidemfanâa fynodus  ut  in 
fingalis  mijfis  fi.detes  adfianies  ,  f^n  folum. 
fpirituali  ajjïctu  ,  fcd  facramenîaii  eiiam  eu^ 
charifiiiV  perceptions  ccmmunicarent ,  quo  cd 
eos fanclijjimi  hujus  facrificii  fruftus  uberior 
perveniret.  Tel  eft  le  vœu  de  l'églife  fur  la. 
fréquente  communion  ;  mais  cen'eft  ni  une  or- 
donnance ni  un  décret  formel  Quant  aux 
difpofirionsà  la  communion  en  général ,  outre 
que  le,  concile  exige  l'état  de  grâce  ou 
l'exemption  de  pkhé  moitel  pour  ne  pas 
recevoir  indignement  l'euchariftie  ,  qui  , 
félon  le  langage  de  Técole ,  eft  un  facrement 
des  viviins  Se  Don  des  morts,  il  exige  eijcoat 


ôc^ô  C  O  M 

pour  comn|i||ier  avec  fruît ,  on 
:c  des 


que 


aoprocheavecaes  ailpGÛtior.s  pius  émmea- 
ZtiSi(kqu:iiïi  à  h.co:rtmunionfré.^ucnt.e^\Oiâ. 
ce  qu  ii  enfeigne  ,  fcjf.  13  ,  ch.  viij  :  îLxc 
facra  myfieria  corpcris  Ù  fanguinis  Dcmini 
'cmaes  ùfinguli  ,  ea  fidci  confiantia  ùfir/ru- 
taie ,  ea  aiumi  dévouons  ac  pi  et  aie  &  cuUu 
a-edanî  &  venereatur ,  ut  pansm  lUumfupzr- 

tlantiakm  frequenw  fufcipere  pcffi^f .  îl  en- 
rne  encore  dans  la  même  (eiîîon ,  qu'un 
chrétien  ne  doit  pas  s'approcher  de  i^eucha 
riftie  fans  un  grand  reiped  ôc  une  grande 
lainteté.  Nous  verrons  bientôt  ce  que  les 
pères  &c  les  maîtres  de  la  vie  fpirituelle  en- 
tendent par  cette  fainreté 

La  nécelTîté  ou  la  lumiance  des  dnpo- 
fitionsrequiies  pour  la  communiQU  fréquente , 
ont  jeté  divers  théologiens  modernes  dans 
des  excès  &  des  erreurs  bien  oppofées  à  la 
dodrine  des  pères  &  à  Pefprit  de  réglilè. 
Lesuns  uniquement  occupés  de  la  grandeur 
&  de  la  dignité  du  facrement ,  &  de  la 
diftance  infinie  qu'il  y  a  entre  la  m.ajefté  de 
Dieu  &  la  baflellè  de  Thomme,  ont  exigé  des 
difpofitions  (i  fublimes^que  non  feulement 
lesiuftes,  mais  les  plus  grands  faints,  ne  pour- 
roiént  communier  même  à  pâque.  Te'.le  eft 
la  pernicieufe  dodrine  condarnnée  dans  ces 
deux  propolitions  par  le  pape  Alexandre  Vilî. 
Sacrikgi  judicandi  funt ,  qui  jus  ad  commu- 
nicttcm  pcrcipiendam  prxîendunt ,  antequam 
condignam  de  déliais  fuis  pœnitentiam  ege- 
rint ....  Similiter  arccndi  funt  à  facra 
communione  quitus  nondum  itieji  amor  Dci 
purijjimus  ,  6r  ornais  mixtionis  expers.  Les 
autres,  oubliant  le  refpeddù  à  J.C.  préfent 
dans  l'euchariftie  ,  &c  uniquement  attentifs 
aux  avantages  qu'on  retire  ou  qu'on  peut 
retirer  de  la  communion  fréquente  ik  même 
journalière  ,  n'ont  cherché  qu'à  faciliter  la 
pratique,  en  négligeant  d'infifter  ou  d'ap- 
puyer fur  les  diipoiitions  que  demande  un 
facrement  fiaugufte.  Ils  ont  donc  en  feigne 
nue  la  feule  exemption  du  péché  mortel 
fufïît  pour  communier  fouvent ,  très-fou- 
vcnt ,  &  même  tous  les  jours  ;  que  les  difpofi- 
tions aduelles  de  refped,  d'attention,  de 
defir,  8c  la  pureté  d'intention,  ne  fonr  que  de 
confeil  ;  qu'il  eft  meilleur  de  plus  falutaire 
de  recevoir  la  comm-inion ,  &  même  tous  les 
jours ,  fans  ces  difpofitions ,  que  de  la  difï"> 


C  o  M 

en  ^  '  rîr  :  que  jamais ,  &  dans  aucune  occaiîon , 
il  n  elc  permis  à  un  jufte  de  s'éloigner  de 
la  communion  "ÇQcc  re'peél:  que  touç  pécheur 
coupable  même  de  crimes  énormes  &  mul- 
lipliés  ,  doit  communier  aufïi-tot  après  Pab- 
■olution  reçue  :  qu'il  ne  faut  ni  plus  de  difpo- 
iition  ni  plus  de  perfection  pourcommunier 
tous  les  jours  que  pour  communier  rare- 
ment :  que  les  confelleurs  ne  doivent  ja- 
mais impofer  pour  pénitence  le  délai  de  la 
communion ,  quelque  court  qu'il puiflè  être  ; 
que  les  pénitcns  (ont  Iculs  juges  par  rapport 
\  eux  dans  cette  matière  :  que  pour  commu- 
nier plus  ou  moins  fouvent ,  ils  ne  doivent 
ni  demander  confeil  à  leurs  direéteurs ,  ni 
%ivre  leur  avis ,  (ur-rout  s'il  tend  à  les  éloi- 
gner de  la  lainte  t^sbie  ,  ne  fut-ce  que  pour 
quelque  temps  ;  cn^w  ils  taxent  d'impru- 
dence les  règles  des  communautés  religieu- 
ses qui  fixent  le  nombre  des  communions  , 
quoique  ces  règles  loient  approuvées  par 
les  iouverains  pontifes  ,  &:  autorifées 
par  l'uiage  conrtant*de  tous  les  ordres 
religieux. 

Comme  on  a  accufé  M.  Arnauld  d''a- 
voir  établi  le  rigorifme  dans  fon  livre  de 
la  fréquente  cotnmunion  &  qu'on  taxe  le 
père  Pichon  jéfuite  de  favorifer  ouverte- 
ment le  relâchement  dans  fon  ouvrage 
indtulé  l'efprit  de  Jefus^Ckrijî  (j  deVéglife 
fur  la  fréquente  communion ,  nous  allons 
donner  au  ledteur  une  idée  de  ces  deux 
fameux  écrits. 

Le  livre  de  la  fréquente  communion  fut 
compofé  par  M.  Arnauld  à  cette  occafion. 
Le  père  de  Saifmaifons  jéfuite ,  ayant  vu  par 
le  moyen  d'une  de  fes  pénitentes ,  une  inf- 
trudionque  M.  de  S.  Cyran  avoir  drelîee 
pour  la  diredion  de  madame  la  princefle  de 
Guimené  quife  conduifoit  par  les  avis ,  crut 
y  trouver  des  maximes  dangereufes ,  &  en- 
treprit aufïi-ror  de  le  réfuter  par  un  écrit 
intitulé,  queflion  ,  s^il  efi  meilleur  de  commu" 
nier  fouvent  que  rarement.  Cette  réfutation 
étant  tombée  ertrre  les  mains  de  M.  Ar- 
nauld, il  fe  crut  obligé  d'y  répondre. 

Cet  ouvrage  eft  divifé  en  trois  parties.  Dans 
la  première ,  M.  Arnauld  traite  de  la  vérita- 
ble intelligence  de  l'écTÎture  &  des  pères  , 
que  le  pcre  de  Saifmaifons  allègue  pour  la 
fréquente  communion  \  z°.  des  conditions  d'un 


îer  pendant  quelque  temps  pour  les  acqué-1  bon  diredeur  pour  régler  les  communions j 

3  2 


C  O  M 

5**.  fi  l'on  doit  porter  îndifrcremment  tou- 
tes fortes  de  perionnes  à  commun  er  tous 
les  huit  jours;  4°.  de  Imdi  policion  que 
les  péchés  véniels  peuvent  apporcer  à  la/re- 
quente    communion.    Dans    les    vingt-fept 
premiers  cliapitres  ce   dodeur  difcute  les 
partages  de  l'écriture  èc  des  perc»  allégués 
par  le  jéfuite.  Depuis  le   chapitre   xxviij 
jufqu'au  xxxiv  incluliYement  ,  on  expofe 
les  qualités  prefcrites  par  le  père  de  Saif- 
maifons    mûme   pour  un  ban    direéleur. 
Le  troiiieme  objet  remplit    les   chapitres 
XXXV,  xxxvj  ,  xxxvij  &  xxxviij  ,  où  Ion 
combat    encore  des    raifons  allez  légères 
que  le  père  de  Saifmaifons  avoit  alléguées 
pour  prouver  qu'on  peut  permettre  indif- 
fc:remment   la  communion  à  toutes  lortes 
de  perfonnes  tous  les  huit  jours.  Les  deux 
chapitres  fuivans  font  deftincs  à  prouver , 
par  des  témoignages  des  pères  &  par  des 
exemples  des  faints  ,  qu  on  a  eu  égard  aux 
péchés  véniels  pour  régler  les  communions. 
Daiis    la    féconde  partie   M.    Arnauld 
examine  cette  queftioii ,  s'il   eft  meilleur 
6i.  plus    utile    aux  âmes     qui  fe    fentent 
coupables  de  péchés  mortels  de  commu- 
nier aulTi-tot  qu'elles  fe   font  confelfees  , 
ou   de  prendre    quelque  temps    pour   fe 
purifier  par  la  pénitence  avant  que  de  le 
préfenter  au  fàint  autel.  Il  divife  fa  réponlè 
en  trois  points  :  1°.  il  examine   les  auto- 
rités   de    l  écriture  ,    des    pères ,   &    des 
conciles  ,  dont  le  P.   de  Saifmaifons  ap- 
puyoit  fon  fentiment  :   z°.  il   examine  ii 
ce    n'a  jamais  été  la   pratique  de  l'églife 
de   faire    pénitence  plulîeurs  jours    avant 
que  de  communier  ;  &  fur  ce  point  il  conclut 
de  la  difcipline  de  Téglife  primitive  fur  la  pé- 
nitence ,  à  l'ufage  préfent  de  l'églife  j  &  c'eft 
fans  doute  ce  quia  donné  occafion  à  cerigo- 
rifme  introduit  dans  la  fpéculation  &  dans 
la  pratique ,  &  qui  a  fait  dire  fans  diftinc- 
tion  ,  que  c'eft  une  conduite  pleine  defagejfe , 
de   lumière  ù  de   charité  ,   de   donner  aux 
âmes   le   temps  de  porter  oi'ec  humilité  6' 
de  fentir  Vétat  du  péché ,  de  demander  Vef- 
prit  de  pénitence  &  de  contrition  ^  &  de  com- 
mencer au  moins   à   fatisfaire    à  la  jujîice 
de  Dieu  avant  que  de   les  réconcilier  ;  c'eft 
la  quatre  -  vingt -(eptieme  proportion  du 
P.  Qiicfnel  condamnée    par  la  bulle  ,  & 
évidemment  faulîe  dans  fa  généralité  :  3°. 
Tome  VI  IL 


C  O  M  Ccf-j 

M.  Arnauld  s'efforce  de  prouver  que  c'eft 
à  tort  qu'on  condamne  de  témérité  ceux 
qui  s'efforcent  de  fléchir  la  miféricorde 
de  Dieu  par  la  mortification  de  leur  cliair 
&  Pexercice  des  bonnes  œuvres  avant 
que  de  s'approcher  du  fancStuaire  :  &  il  le 
prouve  allez  bien  par  différentes  autorités 
qui  concernent  les  péchés  mortels  public» 
ou  d'habitude.  Mais  on  fait  allez  juf- 
qu'où  les  rigoriftes  ont  porté  les  confé- 
e|uences  de  ce  principe  ,  qui  eft  vrai  8û 
inconteftable  à  quelques  égards. 

La  troiiieme  partie  roule  fur  quelques 
difpofitions  plus  particulières  pour  com- 
munier avec  fruit  ;  M.  Arnauld  y  exami- 
ne il  l'on  doit  s'approcher  de  l'euchariftie 
fans  aucune  crainte  ,  dans  quelque  froi- 
deur ,  indévotion  ,  inapplication  aux  cho- 
fes  de  Dieu  ,  privation  de  g  race,  plénitude 
de  Pamour  de  foi-même ,  &  prodigieux 
attachement  au  monde  que  l'on  fe  trouve, 
&  fi  le  délai  ne  peut  point  fèrvir  à  com* 
munier  avec  plus  de  révérence  &  meil- 
leure difpoiition  :  il  montre  qu'au  moins 
pour  la  communion  fréquence  on  doit  avoir 
beaucoup  d'égards  à  toutes  ces  indiipoiitions. 

Il  rélulte  de  cet  ouvrage  que  M.  Ar- 
nauld ,  &  tous  ceux  qui  penfent  comme 
lui ,  exigent  pour  la  fréquente  communion 
des  dilpofltions  bien  fublimes ,  &  par  con- 
féquent  rares  dans  la  plupart  des  chrétiens  r 
auiïî  leurs  adverfaires  les  ont-ils  accufés  de 
retirer  d'une  main  la  communiomxyyi  fidèles, 
tandis  qu'ils  la  leur  préfentoient  de  l'autre. 

Quoi  qu'il  en  puillè  être  des  intentions  & 
de  la  conduite  de  M.  Arnauld  &  de  fes 
partifans  ,  dans  la  pratique ,  le  livre  de  la 
fréquente  Communion  parut  imprimé  en  1 643  ^ 
muni  des  approbations  de  feize  archevê- 
ques &  évêques  de  Frajice ,  &  de  vingt- 
quatre  dodleurs  de  Sorbonne  :  on  peut  les 
voir  à  la  tête  de  Pouvrage.  A  ces  premiers 
prélats  fe  joignit  deux  ans  après  ,  la  pro- 
vince eccléiiaftique  d'Aufch  ,  compofée  de 
fon  archevêque  &  de  dix  évêques  fuffra- 
gans ,  qui  avec  quantité  d'eccléfiaftiques 
du  fécond  ordre  ,  approuvèrent  le  livre 
tout  d'une  voix  dans  une  alTemblée  provin- 
ciale tenue  en  i64j'. 

Cet  ouvrage  dès  là  nai  (Tance  excita 
des  plaintes  très  -  vives.  Il  fut  dénoncé  à 
Rome.  Les  feize  évêques  premiers  appro*- 

*Ssss 


^5>g  C  O  M 

Kîtcurs.  en  écrivirent  ,  en  1 644  ,  au  pape 
Urbain  Vlll ,  une  longue  lercre  ,  où  ils 
font  l'éloge  du  livre ,  &c  s'en  déclarent 
les  défenfeurs.  Les  mêmes  évêques ,  excep- 
té trois  qui  écoient  morts  ,  écrivirent  Tan- 
née d'^après ,  fur  le  même  fujet ,  au  pape 
Innocent  X  ,  qui  avoit  fuccédé  à  Urbain 
VIII.  Ces  deux  lettres  furent  rendues 
au  pape  par  M.  Bourgeois ,  l'un  des  vingt- 
quatre  dofteurs  de  Sorbonne  qui  avoient 
approuvé  le  livre  ;  &  il  lui  prcfenta  de- 
puis une  procuration  fignée  de  quatre  ar- 
chevêques ôc  de  feize  évêques  ,  qui  lui 
donnoit  le  pouvoir  de  comparoitre  pour 
eux  ôc  en  leur  nom  devant  le  pape  , 
pour  y  défendre  le  livre  de  la  fréquente 
communion.  Ce  doéheur  fut  reçu  par  la 
congrégation  en  qualité  de  contradicteur  , 
on  lui  communiqua  les  plaintes  &  accu- 
fations  :  il  y  répondit  par  des  mémoires  : 
il  inftruilît  les  cardinaux  ,  les  officiers  j& 
les  théologiens  de  la  congrégation  ;  6c 
enfin  Taffaire  ayant  été  rapportée  &  mife 
en  délibération  ,  tous  les  cardinaux  con- 
clurent d^une  voix  à  laifler  le  livre  fans 
atteinte  ;  &  jamais  depuis  le  livre  de  la 
fréquente  communion  n'a  été  condamné  à 
Rome.  Les  lettres  des  évêques  approba- 
teurs aux  papes  Urbain  VIÎI  6c  Inno- 
cent X  ,  fe  trouvent  à  la  fin  des  nouvelles 
éditions  de  cet  ouvrage. 

Cependant  le  père  Nouet ,  jéfuite  , 
avoit  prêché  publiquement  dans  Paris  con- 
tre le  livre  de  .Li  fréquente  communion^ 
fans  ménager  Tauteur  ni  les  évêques  appro- 
bateurs. D'un  autre  côté  le  fameux  père 
Petau  entra  en  lice  ,  tant  par  une  lettre 
qu'il  adrelïà  .  à  la  reine  régente  Marie- 
Anne  d'Autriche  ,  que  par  un  autre  écrit 
plus  étendu  ,  où  il  combattit  méthodique- 
ment le  livre  de  M.  Arnauld  :  celui-ci 
répondit  à  l'un  &  à  l'autre  \  1°.  par  un 
avertiflement  fur  quelques  fermons  prê- 
ches à  Paris  ",  z°.  p^jr  une  lettre  à  la  reine , 
ôc  par  une  préface  qu'on  trouve  à  la  tête 
de  la  tradition  de  l'églife  ,  fur  le  fujet 
delà  pénitence  ôc  de  la  communion. 

Le  livre  du  père  Pichon  ,  jéfuite  ,  dont 
nous  avons  déjà  rapporté  le  titre  ,  parut 
en  1745  j  muni  des  approbations  ordi- 
naire? ,  ôc  annoncé  avec  éloge  par  le  iour- 
^iiUfte   de  T/évoux  ,  oâo^re    ij^^  ,   art» 


C  O  M 

îxxxn'ij.  Il  fut  depuis  approuvé  formelle- 
m.ent  par  M.  l'archevêque  de  Befançon  , 
par  M.  Têvêque  de  Marfeille  ôc  par  M. 
Pévêque  &  prince  de  Bâle.  Les  archevêques 
de  Paris ,  de  Sens ,  de  Tours,  de  Rouen  j  les 
évêques  d'Evreux,dc  Lodeve,de  Saint- Pons, 
6'c.  n'en  portèrent  pas  le  même  jugement. 

Ces  prélats  furent  donc  cboquçs  d'en- 
tendre le  père  Pichon  enfeigner  ,  1°. 
que  lorfque  l'apôtre  dit  ,  probet  autem  fe 
ipfum  homo  ,  c'eft  comme  s'il  difoit  ; 
"  avant  de  communier  tous  les  jours ,  à 
quoi  il  exhorte  ,  examinez  bien  iî  vous 
êtes  exempt  de  péché  mortel  i  ôc  fî  vous 
Pêtes  ,  communiez  \  fi  vous  ne  Têtes  pas  , 
purihez-vous  au  plutôt ,  afin  de  ne  pas 
manquer  à  la  communion  quotidienne.  » 
Entrct.  II,  page  ÇLîZ. 

1°.  "  Que  la  coutume  de  Téglife  déclare 
que  cette  épreuve  confifte  en  ce  que  nulle 
perfonne  tentant  là  confcience  fouillée 
d\m  péché  mortel  ,  quelque  contrition 
qu'il  lui  lemble  en  avoir  ,  ne  doit  s'ap- 
procher de  la  fainte  euchariftie  fans  avoir 
fait  précéder  Pabfolution  facramentelle  ; 
ce  que  le  iaint  concile  de  Trente  ordonne 
devoir  être  obfervé  par  tous  les  chré- 
tiens ,  ôc  même  par  .  les  prêtres  q.ui  fe 
trouvent  obligés  de  célébrer  par  le  devoir 
de  leur  emploi.  »  Les  évêques  déclarent 
que  le  père  Pichon  a  pui^  cette  maxi- 
me dans  le  livre  de  Molinos  fur  la  fré- 
quente communion,  ÔC  ils  la  condamnent, 
aulïi-bien  que  le  commentaire  fuivant  qu'en 
fait  le  jéfuite  à  la pj^e  z5j  de  fon  ouvrage. 

»  Le  concile  ne  demande  point  en  ri- 
gueur d'autre  difpofition  ,  parce  qu'il  n'en 
connoît  point  d'autre  qui  foit  abfolument 
nécelTàire  :  autrement  il  n'auroit  pas  man- 
qué un  point  d'une  aufïî  grande  confé- 
quence  ,  fur-tout  pour  les  prêtres  qui 
communient  tous  les  jours.  L'exemption 
du  péché  mortel ,  ou  l'état  de  grâce ,  eft 
donc  la  feule  difpofition  néceflaire  :  elle 
eft  donc  une  difpofition  fuffifante  pour 
bien  communier.  Bien  plus ,  le  concile 
exhorte  à  .la  communion  de  tous  les  jours , 
fans  dire  un  mot  d'une  plus  grande  dif- 
pofition :  il  le  pouvoit  ,  ôc  s'il  eût  été 
néceflaire,  il  le  devoir  ;  cependant  il  fe 
tient  ferme  à  dire  ,  que  les  prêtres  obli- 
gés par  office  de  célébrer  tous  les  jours. 


C  O  M 

font  obligés  feulement  ,  s'ils  font  coupa- 
bles d'un  péché  mortel ,  de  s'en  confeflèr , 
fans  quoi  ils  ne  peuvent  pas  célébrer. 
Avec  cette  dilpolition  ils  peuvent  donc  le 
faire.  Cette  difpolition  eft  donc  fuffi- 
fante  ,  ôc  feule  commandée.  Une  com- 
paraifbn ,  ajoute  le  père  Pichon  ,  ren- 
dra la  chofe  fenfible.  Vous  voulez  ache- 
ter une  charge  ,  on  exige  dix  mille 
livres  ;  ce  n'eft  qu^\  ce  prix  que  vous 
la  poficderez  :  ne  fuflît-il  pas  de  donner 
ce  qu'on  exige  ?  Ell-il  néceflàire  de  donner 
quelque  chofe  de  plus ,  puifqu'on  n'exige 
rien  au-delà  ?  Concluons  :  les  PP.  aflem- 
blés  au  concile  de  Trente  ,  ne  deman- 
dent point  d'autre  difpofition  que  l'exemp- 
tion du  péché  mortel La  fain- 

teté  commandée  par  Jefus-Chrift ,  par 
l'apôtre ,  &  par  l'églife ,  pour  recevoir 
dignement  l'euchariftie  conlifte  donc  pré- 
cifement  à  être  en  état  de  grâce  ,  & 
exempt  de  péché  mortel.  Voilà  l'oracle 
qui  a  parlé  ,  qui  ofera  dire  le  con- 
traire ?  >î 

3".  De  la  diftinction  de  fainteté  com- 
mandée &c  de  fainteté  xonfeillée  ou  de 
bienféance  ,  qui  eft  la  clé  de  tout  l'ou- 
vrage &  la  bafe  du  fyftême  du  P.  Pi- 
chon. Il  eft  néceflàire  de  rapporter  ici 
le  texte  de  l'auteur  ,  quoique  fort  éten- 
du. Il  fe  trouve  aux  pages  %6^  ,  2.% 
6*  fuiv.  de  fon  Hvre. 

"  L'abbé.  Il  faut  être  faint  pour  com- 
munier dignement  j  les  facrés  myfteres 
ne  ie  donnent  qu'aux  faints  ,  fancîa  fanais , 
difoit  autrefois  le  diacre  à  ceux  qui  dé- 
voient communier. 

"  Le  doâeur.  Je  le  dis  aufli-bien  que 
vous  ^  aufli-bien  que  l'égUfe  par  la  bou- 
che du  diacre  j  mais  de  quelle  fainteté 
eft-il  ici  queftion  :  Diftinguons-en  de  deux 
fortes  ;  fainteté  de  précepte  ,  ou  fainteté 
confeillée  :  la  fainteté  de  précepte  eft  ab- 
folument  néceflàire ,  &  fans  elle  on  com- 
munie indignement  &  facrilégement  :  elle 
confifte  dans  l'aduelle  exemption  du 
péché  mortel ,  &  à  être  par  une  foi  ani- 
mée de  la  charité  en  état  de  grâce.  La 
fainteté  du  confeil  eft  l'aéluelle  exemp- 
tion de  péchés  véniels  ,  dans  une  actuelle 
difpofition  de  ferveur  ,  de  dévotion  pro- 
portionnée aux  grâces  prcfentes.   On  a  la 


C  O  M 


^09 


fainteté  commandée  quand  on  eft  en  état 
de  grâce  :  alors  on  eft  jufte,  on  eft  (àint, 
on  eft  féparé  des  pécheurs  :  c'eft  en  ce 
fens  que  les  apôtres  ont  appelle  les  fidè- 
les des  faints.     . 


L'abbé.  Quoi  ,  la  feule  néceflàire  & 
indifpenfable  difpofition  pour  recevoir  di- 
gnement Jefus-Chrift  ,  c'eft  l'exemption 
de  tout  péché  mortel  ,  enforte  qu'étant 
en  état  de  grâce  ,  &  poflédant  I>ieu  par 
la  charité,  je  puis  communier  &  efpérer 
que  ma  communion  fera  bonne  ,  chré- 
tienne ,  qu'elle  plaira  à  Dieu  ,  qu'elle 
augmentera  la  grâce  en  moi  ?  cela  fup- 
pofe  ,  tout  jufte  peut  donc  approcher' de 
ce  facrement  ;  c'eft-là   votre    fentiment  ? 

"  Le  doâeur.  C'eft  mon  fentiment  , 
parce  que  c'eft  celui  de  Jefus-Chrift  & 
celui  de  l'églife  ,  ni  l'un  ni  l'autre  ne 
demandent  rien  davantage  :  c'eft-là  une 
vérité  catholique  qu'on  ne  peut  combattre 
fans  errer  dans  la  foi.  Concevez  bien  ma 
penfée.  » 

"  L'abbé.  Je  la  conçois  bien  :  vous  ne 
parlez  que  de  la  fainteté  commandée  ,  & 
vous  dites  que  l'état  de  grâce  fufïît,  & 
qu'il  eft  néceflàirement  requis  pour  com- 
munier dignement  ;  &  vous  ajoutez  que 
c'eft-là  une  vérité  catholique  que  l'on  ne 
peut  combattre  fans  errer  dans  la  foi  : 
vos  idées  font  nettes ,  &  faute  de  cela  je 
vois  bien  maintenant  que  l'on  confond  tout , 
que  l'on  brouille  tout  ;  c'eft  la  reflburce  des 
novateurs,  que  j'ai  trop  écoutés  pour  mon 
malheur 


«  L'abbé.  Cela  eftpofîtif ,  j'en  conviens  : 
mais  ne  déguifons  rien  ;  les  faints  pères 
font  bien  contraires  à  cette  décifion  j 
que  d'années  de  pénitence  n'exigeoient-ils 
pas  avant  que  d'admettre  à  la  communion  ?  >» 

"  Le  docteur.  Errez-vous  toujours  avec 
vos  novateurs  ?  1°.  Il  n'eft  queftion  ici 
que  des  juftes  ,  que  des  âmes  exemptes 
de  péché  ,  que  des  chrétiens  en  état  de 
grâce.  i°.  Tous  les  pères  ont  toujours 
penfé  que  félon  J.  C.  l'exemption  du 
péché  mortel  étoit  une  difpofition  indif- 
penfable pour  la  fréquente  communion  , 
mais  ils  ont  aufli  penfe  que  cette  difpofi- 
tion étott  fuffifànte 

•*  S  s  s  s  z 


700  C  O  M 

Voici  donc  la  véricé  catholique  décidée 
par  réglife  :  l'exemption  de  tout  péchi 
mortel  dont  on  a  obtenu  la  rémillion  dans 
le  facrement  de  pénitence  ,  c'eft  la  grande 
faintcté  qui  nous  rend  dignes  de  commu- 
nier ;  tout  le  refte  eft  confeillé  ,  tout  lé 
refte  eft  une  fainteté  qui  n'eft  pas  com- 
mandée pour  pouvoir  communier.  Je  me 
fixe  là  avec  l'églife  ,  &c  je  conclus  :  dès- 
lors  que  ma  confcience  ne  me  reproche 
aucun  péché  mortel ,  foit  à  caufe  de  l'in- 
jiocence  de  ma  vie ,  foit  à  caufe  d'une 
bonne  tonfcffion  où  je  me  fuis  purifié  , 
j'ai  la  grande  fainteté  commandée  ,  la  fain- 
teté néceflàire  6c  fuffifante  pour  commu- 
nier de  bien  communier  :  je  ne  profane- 
rai donc  pas  le  facrement  ;  je  n'y  rece- 
vrai donc  pas  ma  mort  ,  ma  condamna- 
tion ,  mon  jugement;  ma  communion  no: 
fera  donc  pas  indigne  ni  facrilege.  Si  je 
luis  donc  aflez  heureux  pour  être  iou- 
yent  exempt  de  fautes  mortelles  par  la 
denieure  du  S.  Efprit  en  moi  _,  je  puis 
ibuvent  communier ,  &  communier  digne- 
ment. Et  fi  par  un  bonheur  encore  plus 
digne  d'envie  ,  je  fuis  toujours  exempt  de 
feutes  mortelles  ,  je  puis  toujours  com- 
munier ,  &  j'aurai  la  confol.ition  d'appor- 
ter à  la  communion  la  grande  fainteté 
commandée  par  l'égli'e.  Voilà  ma  religion,  [ 
c'eft  réglife  qui  me  l'enfeigne.  »> 

"  L  abbé.  Excluez- vous  la  fainteté  con- 
leillée  j  &  pourvu  que  l'on  foit .  fans 
péché  mortel ,  ne  demanderiez- vous  rien 
autre  chofe  ?  Si  cela  eft ,  n'eft-ce  pas 
donner  dans  un  autre  excès  ,  &  permettre 
les  communions  imparfaites  ,  &  même 
celles  que  l'on  feroit  avec  des  péchés 
ycniels  î  »j 

"  Xe  docteur.  La  fainteté  confeillée  ,  ou 
rexemption  du  péché  véniel ,  &  d'afFedion 
au  péché  véniel  ou  à  des  imperfections, 
■Je  les  confeillé  auffi ,  autant  ^ue  la  fragi- 
lité humaine  en  eft  capable.  « 

«  Vûbbé.  S.  François  de  Sales  ordonne 

"que  pour  communier  fouvenr,   Se  même 

tous  les  huit  jours ,  on  foit  exempt  de  tout 

■péché  véniel ,  &  même  de  toute  affedion 

au  péché  vén;el.  » 

"  Le  docieur.  Jefus-Chrift  ni  l'églife  ne 

r ordonnant  p:  s ,  ce  faint  n'avoit  garde  de  le 

"faire 3  ^  ctoittrop  habile  théologien  pour 


C  o  M 

cela  ;  inais  il  le  confeillé.  Cette  affedic-n  eft 
une  volonté  délibérée  de  perfévérer  dans 
fes  fautes  :  or  quel  chrétien  communiant 
en  chtétien  ,  ne  tâche  pas  de  fe  purifier 
de  tout  ce  qui  peut  en  lui  déplaire  à  Dieu.  » 

»  Vabbé.  Dieu  me  parle  par  votre  bou- 
che ,  &  je  me  fens  animé  de  plus  en  plus 
à  communier  fouvent.  Vous  exigez  avec 
l'églife  une  préparation  fage  ,  digne  de 
Dieu  ,  qui  ne  défefpere  point ,  qui  ote  toute 
inquiétude  :  vous  fixez  pour  tous  une  fainteté 
commandée  ,  une  fiinteté  que  tous  peuvent 
aifément  avoir  :  car  qui  voudroit  communier 
en  haïftànt  Dieu?  Vous conleillez  toujours 
une  fainteté  plus  parRiite  ;  vous  y  exhortez , 
&  vous  en  donnez  le  moyen  dans  là  fréquente 
communion  :  c'eft  le  vrai  efprit  de  Jeius- 
Chrift  &  de  l'églife.  » 

4°.  On  a  été  révolté  d'entendre  dire  au 
père  Pichon,  "qu'on  peut  donner  pour 
pénitence  de  communier  fouvent  ,  puifque 
félon  les  (zintsconcA&sX^  fréquente  commu^ 
/2.'o/2  eft  le  moyen  le  plus  efficace  &  le  plus 
abrégé  de  converfion  &  de  fandlification  j 
qu'un  pénitent ,  jquand  il  eft  aiîèz  heureux 
pour  trouver  un  directeur  qui  lui  impofe  pa- 
reille pénitence  ,  eft  fur  d'être  conduit  par 
l'efprit  de  Jefus-Chrift  &  de  l'églife  ;  qu'il 
n'y  a  que  l'enfer  ,  les  libertins ,  les  mauvais 
chrétiens ,  les  novateurs ,  qui  blâment  cette 
pratique.  Pag.  4S)6 ^  4^7.  » 

En  conféquence  d'avoir  fubftitué  ^a.  fré- 
quente communion  aux  œuvres  fatisfadtoires  , 
voici  fes  paroles,  pages ^^6,  "Vous  ne  comp- 
tez pour  pénitence  que  de  vivre  dans  un 
dé  ert ,  de  coucher  fur  la  dure  ,  de  porter 
leciiice  :  ah  ,  meffieurs ,  ce  n'eft-là  quePex- 
térieur  de  la  pénitence  !  »  Et  aux  pages  47^ 
&  474.  «  Pour  la  plupart  des  chrétiens  il  n'y 
a  guère ,  moralement  parlant,  d'autre  moyen 
de  fàluz queh  fréçuentecommunion .  Venons 
à  la  preuve.  Combien  ne  peuvent  pas  jeûner., 
combien  ne  peuvent  pas  faire  de  longues 
prières  ?  l'aumône  eft  impofTible  à  tous  les 
pauvres  :  la  folitude  ôc  la  fui-e  du  monde 
ne  conviennertpas  à  ceux  qui  font  mariés  y 
&  à  ceux  qui  font  en  place.  Pour  fe  fauver , 
ajoute-t-il ,  il  faudroit  une  prière  fervente  &: 
con.  nuelle  ,  les  gens  du  monde  font  trop 
occupés,  trop  difîipés  :  il  faudroit  faire  l'au- 
mône j   une  nombre  ufe  fifniUe  met  hors 


CO  M 

d'crat  delà  faîrc  :  il  faudroir  jeûner ,  Homptef 
la  chair  rebelle  ;  un  tempérament:  délicat  & 
infirme  s  y  oppofe  :  il  faudroit  par  un  tra- 
vail affidu  fe  tirer  d'une  dangercufe  oifive- 
té  y  les  riclielïès  donnent  un  funefte  repos  : 
votre  lalut  demanderoitla  fuicc  du  monde , 
une  profonde  iblitude  ;  une  époufe ,  des  en- 
tans  retiennent  dans  le  tracas  du  fiecle.  Que 
faire  donc  ?  Comparons  dit-il  ,  page  36^  , 
Jes  moyens  de  iàlut  marqués  dans  revangile  : 
auquel  de  ces  moyens  vous  déterraincrez- 
vous  ?  eft-ce  à  une  prière  continuelle ,  à  un 
jeune  continuel ,  à  une  folitude  profonde , 
à  la  diftribution  de  tout  votre  bien  aux  pau- 
vres ,  aux  exercices  les  plus  humilians  de  la 
charité  dans  les  hôpitaux  ,  dans  les  prifons , 
à  la  pratique  d'une  pureté  virginale?  chacun 
de  ces  moyens  alarme  l'amour  -  propre  , 
effraie  les  fens  ,  &  défefpcre  une  foible  vo- 
lonté comme  la  notre  :  mais  communier 
fouvent ,  fouvent  nous  unir  h.  Jelus-Clirift , 
eft  une  voie  bien  plus  aifée.  Et  à  la  p.  ^j% , 
le  pauvre  &  le  riche  ,  l'homme  d'épée  & 
l'homme  de  robe ,  Partilan  &  le  marchand  , 

'  tout  le  monde  enfin  peut  aifément  partici- 
per à  ce  facrement  adorable  ,  fans  ruiner  fa 
iànté  j  ians  abandonner  fa  famille ,  fon  com- 
merce ,  fbn  emploi  ;  on  ne  peut  y  oppofer 

i^aifonnablement  aucune  impof libilité  ;  di- 
fbns-mieux ,  on  a  pour  communier  fouvent , 
toutes  les  facilités  imaginables.  D'où  cet  au- 
teur conclut  ,  p/7(g^e 471,  que  c'efl  un  grand  ; 
mal  que  de  ne  pas  employer  un  remède  qui 
eft ,  pour  ainfî  dire  ,  àla  main  ,  qui  nous  efl 


C  O  M  701 

<>*'.  D'avoir  parlé  avec  peu  de  décence  de 
la  pénitence  publique  autrefois  en  ufage  dans 
l'égliie  i  en  l'appellant ,  page  J3.J  ,  une  perd-' 
tence  de  cérémonie. 

7°.  D^'avoir  tronqué ,  altéré ,  falfifié  des 
partages  des  pères  ,  des  papes ,  des  conciles , 
pour  en  tirer  des  preuves  ai  faveur  de  Ion 
lèntiment. 

8°.  D'avoir  imaginé  ou  allégué  des  hif^ 
toires  apocryphes ,  pour  i'appiiyer  &  eu 
tirer  des  conféquences  favorables  à  (f^s  opi- 
nions. 


Ce  livre  fit  tant  de  bruit ,  que  l'auteur  fe 
crut  obligé  de  fe  rétrader  :  &:  c'eft  ce  qu'il 
fit  par  une  lettre  datée  de  Strasbourg  ,  le  24 
de  janvier  1748  ,  &  adrefTée  à  M.  l'arche- 
vêque de  Paris  ,  qui  la  rendit  publique. 
Cette  rétraélation  mit  à  couvert  la  perfonlÉl 
de  l'auteur  ;  mais  elle  ne  garantit  pas  fon 
livre  de  la  condamnation  qu'en  portèrent 
vingt  évoques  de  France  ,  les  uns  par  des 
remarques ,  les  autres  par  des  mandemens 
ou  inftru6bions  paftorales ,  par  lefquels  ils 
interdirent  la  ledure  de  ce  livre  dans  leurs 
dioceies.  M.  l'archevêque  de  Befançon 
&  M.  l'évêque  de  Marfeille  rétraélerent 
les  approbations  qu'ils  avoient  d'abord 
données  à  Touvrage  j  &  les  évêques  fe 
crurent  d'autant  plus  en  droit  de  le  con- 
damner ,  malgré  la  foumifîion  de  l'au- 
teur ,  que  5  comme  dit  l'un  d'entre  ces 
;  prélats  ,  "  un  auteur  qui  condamne  de 
bonne  foi  fbn  ouvrage  ,    qui    fe  répent 


fi  porportionne   &  qui  peut  fuppleer  a  tons^^^^^,^^^,,,  devant  Di?u  de  l'avoir  domié 


les  autres  remèdes.  Or  il  avoir  dit  de  ce  re- ■ 
mede  ,  page  ^yo ,  qu'il  corrige  nos  défauts 
fans  amertume  \  qu'il  guérit  nos  plaies  fans 
douleurs  •■,  qu'il  purifie  notre  cœur  fans  vio- 
lence ;  qu'il  fanétifie  fans  alarme  ,  &  pref- 
que  fans  combat  \  qu'il  nous  détache  &  fé- 
f are  de  nous-mêmes,  fans  nous  donner  les' 
convulfions  de  la  mort  ;  &  qu'il  nous  arra- 
che aux  créatures  &  nous  unit  à  Dieu  fans 
agonie.  N'eft-ce  pasenfeigner  allez  claire- 
ment qu'il  n'y  a  guère  pour  les  gens  du 
monde  de  pénitence  plus  facile  !k  plusabré- 
gée  que  Xs.  fréquente  communion  ?  " 

5°.  On  lui  a  reproché  d'avoir  dit ,  page 
355  )  9.^  i^  C"  ^^  de  l'eu  char  iflie  comme  du 
baptême ,  qui  agit  fur  les  enfans  &  donne  la 
^race  fans  aucune  autre  difpoiîtion. 


au  public  j  defire  fîncirement  qu'il  ne  fbit 
point  épargné  :  plein  d'indignation  contre 
les  mallieureufès  produdions  ,  qui  ont 
alarmé  tous  les  gens  de  bien  ,  il  les  livre  à 
l'autorité  de  la  juftice  la  plus  refpediable  : 
plus  il  détefte  toutes  les  erreurs  qui  lui  ont 
échappé  y  plus  il  fouhaite  qu'il  n'y  en  ait  au- 
cune qui  foit  exempte  de  condamnation.  >> 
Avis  de  M.  l'archevêque  de  Tours  aux  fidèles 
de  fon  diocefe. 

Les  principales  autorités  qu'on  a  oppo- 
fées  au  père  Pichon  ,  font,  outre  lespafîiges 
de  S.  Chryfoftome  Se  deGennade,  que  nous 
avons  rapportés  au  commencement  de  cet 
article  ,  1°.  cet  endroit  de  la  dix-feptieme 
homélie  de  S.  Chryfoilome  fur  l'épître  aux 


701  C  O  M 

Hébreux  :  "  Les  chofes  faintes  font  pour 
les  faints  ,  fancia  fanBis  :  le  cri  plein  de 
majeftc  que  le  diacre  ,  élevant  fa  main  & 
fe  tenant  debout  ,  fait  retentir  au  milieu 
du  iîlence  qui  règne  dans  la  célébration 
des  faints  myfteres ,  eft  comme  une  main 
inviiible  qui  repouffe  les  uns  ,  pendant 
qu'elle  appelle  &  feit  approcher  les  au- 
tres :  comme  fi  le  miniftre  facré  difoit  , 
fi  quelqu'un  neji  pas  faint ,  qu'il  fe  reti- 
re. Il  ne  dit  pas  ,  fi  quelqu'un  n*ejl  pas 
purifié  de  fes  péchés  ,  mais  fi  quelqu'un 
n'efi  pas  faint  ;  car  c*eft  la  leule  habita- 
tion du  faint-Efprit  ,  &  l'abondance  des 
bonnes  œuvres  ,  &  non  la  feule  exemp- 
tion du  péché  ,  qui  fait  les  faints.  Ce  n'efl: 
donc  pas  affez  que  vous  foye^  lavés  de  la 
boue  ,  j'exige  encore  que  vous  foyez  écla- 
4^ns  par  la  blancheur  &  par  la  beauté 
de  votre  ame.  Que  ceux-là  donc  appro- 
chent ,  &  touchent  avec  refped  à  la  coupe 
facrée  du  roi.  »  Cet  endroit  de  faint 
Thomas  ,  /«  4  ,  difl-^  ix  ,  art.  4  :  Non 
effet  confukndum  alicui  quod  flatim  pqft 
veccatum  mortale ,  etiam  contritus  &  confef- 
fus  ,  ad  eucharifliam  accederet  ;  fed  debe- 
ret ,  nifi  magna  necejfitas  urgeret ,  per  ali- 
quod  tempus  propter  reverentiam  abflinere. 
Autorités  qui  paroiflent  bien  diamétra- 
lement oppofées  à  ce  qu'a  avancé  le  P. 
Pichon  ,  que  Vexemption  du  péché  mor- 
tel étoit  la  feule  difpofition  néceffaire  Ù  fuf- 
fifante  pour  communier  fréquemment. 

i°.  Qu'outre  cette  exemption  de  pé- 
ché mortel ,  le  concile  de  Trente  exige  , 
du  moins  pour  \d.  communion  fréquente  , 
d  autres  difpofitions  de  ferveur  :  Si  non  de- 
cet  ad  facras  ullas  funâiones  quempiam  ac- 
cedere  nifi  fanâè  ;  certè  quo  magis  fanc- 
titas  &  divinitas  caeleftis  hujus  facramenti 
viro  chrifiano  comperta  eft  ,  diligentiùs  ca- 
vcre  débet  ,  ne  abfque  magna  reverentiâ  & 
fanâitate  ad  id  percipiendum  accédât.  Seff. 
l^  ych.  vij. 

5°.  A  fa  diftindion  de  fainteté  cotn- 
mandée  &  de  fainteté  confeillée  ,  on  a  op- 
pofé  ce  paflàge  de  Salazar  jéfuite  ,  dans 
ion  traité  de  la  pratique  &  de  l'ufage  de  la 
communion  ,  ch.  viij  ,  où  à  l'exemption  du 
péché  m.ortel  il  ajoute  la  droiture  d'in- 
tention ,  l'attention  »  la  révérence  &c  la 
dévotion  ou  defir.  "  Prétendre  ,  ccftnme 


C  O  M 

le  difent  quelques-uns  ,  que  le  défaut 
d'attention  n'eft  pas  contraire  à  la  fainte 
communion  ,  eft  une  dodtrine  fàufle  ,  con- 
traire à  la  raifbn  ,  à  la  dodrine  des  faints 
pcrcs ,  &  de  S.  Thomas  en  particulier.  "  Et 
à  la  fin  du  même  chapitre  :  ".  Il  fe  collige 
clairement  de  tout  ce  qui  a  été  dit  jufqu'ici  : 
Combien  fe  trompent  lourdement  ceux 
qui  difent  que  toutes  ces  difpofitions  font 
feulement  de  confeil  ,  &  précifément  volon-- 
ta  ires  ,  excepté  Vétat  de  grâce  &  la  con- 
feffion  facramentelle  ,  fuppofé  quelque  péché 
mortel.  Car  cela  eft  grandement  éloigne 
de  la  vérité  ,  &  ce  font  doctrines  qui 
n'ont  jamais  été  ouies  en  l'églifc  de  Dieu , 
qui  font  contraires  à  ce  que  nous  ont  enfeigné 
les  SS,  pères  &  les  doâeurs  fcholaftiques.» 

A  ce  que  le  P.  Pichon  avoir  répondu  à 
fon  interlocuteur  ,  que  S.  François  de  Sales 
étoit  trop  habile  théologien  pour  avoir  exigé 
l'exemption  de  toute  affedion  au  péché 
véniel ,  comme  une  difpofition  néceflàirc 
à  la  fréquente  communion  ,  mais  qu'il  la 
confeilloit  feulement  ,  on  lui  a  oppofé  ce 
texte  du  faint  évêque  de  Genève  ,  qui  n'a 
pas  befoinde  commentaire.  "  De  recevoir  la 
communion  de  l'euchariftie  tous  les  jours,  ni 
je  ne  loue ,  ni  je  ne  blâme  :  mais  de  com- 
munier tous  les  jours  de  dimanche,  je  \<^ 
confeille,  &  y  exhorte  un  chacun,  pourvu 
que  l'efprit  foit  fans  aucune  affecîion  de  pé- 
cher ....  Pour  communier  tous  les  huit 
jours ,  il  eft  requis  de  n'avoir  ni  péché  mor- 
tel y  ni  aucune  affecîion  au  péché  véniel ,  Ô€ 
d'avoir  un  grand  defir  de  communier  : 
mais  pour  communier  tous  les  jours ,  il 
faut  avoir  furmonté  la  plupart  des  mau- 
vaifes  inclinations ,  &  que  ce  foit  par  l'avis 
du  père  fpirituel  ».  Ces  mots ,  //  ejft  requis, 
ne  peuvent  jamais  s'entendre  d'une  fain- 
teté de  confeil  &  de  bien/eance. 

4°.  On  a  fait  voir  par  une  foule  de  pafîà- 
ges  de  l'écriture ,  des  pères  ôc  des  conciles, 
que  la  pénitence  étant  un  baptême  laborieux  -, 
qui  demande  des  combats  ,  des  efforts ,  qui 
coûte  à  la  nature,  on  ne  pouvoir  regarder 
comme  une  pénitence  l'euchariftie,  qui  eft 
le  prix  de  ces  combats  &  de  ces  efforts  ,  ni 
afiigner  comme  un  moyen  de  cônverfion , 
un  facrement  qui  fuppofe  la  cônverfion  ;  & 
l'on  a  fait  voir  que  tant  par  la  communion 
en  général,que  pour  la  communion  fréquente. 


CO  M 

il  falloic  avoir  égard  aux  dirpofitions  des  pé- 
lairens  ;  qu'il  étoit  quelquefois  à  propos 
de  leur  différer  la  communion ,  fuivant  Tef- 
prit  du  concile  de  Trente  fur  la  péniten- 
ce ,  &  les  règles  prefcrites  par  S.  Char- 
les Borromée  aux  confclfeurs  5  règles  adop- 
tées par  le  clergé  de  France  en  1700  , 
Se  renouvellées  par  les  évêques  dans  leurs 
mandemens  ,  qu'on  peut  confulter  à  cet 
égard  :  on  y  verra  qu'ils  ont  aurti  pris  la 
iage  précaution  de  ne  pas  faire  dégénérer 
cette  épreuve  en  une  févérité  outrée  ,  pro- 
pre à  déiefpércr  le  pécheur  j  Se  dans  quel 
fens  Taflemblée  de  17 14  a  condamné  la 
quatre  -  vingt  -  feptieme  propofition  du  P. 
Quefnel. 

5°.  On  n'a  pas  eu  de  peine  à  faire  fentir 
le  faux  de  la  comparaifon  entre  le  baptême 
&  l'cuchariftie:  c'eft  une  des  premières  no- 
tions du  catéchifme  ,  que  Pun  agit  fur 
les  enfans  fans  aucune  dilpofition  ,  &  que 
l'autre  en  demande  de  très-grandes  dans  les 
adultes. 

6°.  On  a  cru  que  le  P.  Pichbn  en  appel- 
ant l'ancienne  pénitence  publique  une  péni- 
tence de  cérémonie  ,  approchoit  beaucoup  de 
ces  exprelTions  de  Mclanchton  :  Sckoîajîici 
viderunt  in  ecclejia  ejfc  fatisfacliones  ,  fed 
non  animadverterunt  illa  fpeâacula  inftituta 
e(fe  ,  tàm  exempli  caufa  ,  îûm  ad  probandos 
hos  qui  petebant  recipi  ab  ecclejia  :  infumma 
non  viderunt  ejfe  difciplinam  h  rem  prorfus 
politicaw..  Apolog.  confcjf.  Auguji.  art.  de  con- 
M.&fatisf       ^ 

Quant  au  ieptieme  &  au  huitième  article, 
on  peut  confulter  les  remarques  de  M.  l'ar- 
chevêque de  Sens  ,  ôc  les  mandemens  des 
autres  prélats.  (G) 

Communion  laïque  :  c'étoit  autrefois 
une  efpece  de  châtiment  pour  les  clercs  qui 
•  avoienr  commis  quelque  faute  ,  que  d'ê- 
tre réduits  à  la  communion  des  laïques  , 
c'eft-à-dire  à  la  communion  fous  une  ieule 
efpece. 

Communion  étrangère  ,  étoit  auffi  un 
châtiment  de  même  nature  ,  quoique  fous 
un  nom  différent  ,  auquel  les  canons  con- 
damnoient  fouvent  les  évêques  &  les  clercs. 
Cette  peine  n*étoit  ni  une  excommunication, 
ni  une  dépofition  ,  mais  une  efpece  de  fuf- 
penfe  de  fondions  de  Pordre ,  avec  la  perte 
du  rang  que  l'on  tenoit.  Ce  nom  de  commu- 


C  O  M       '         70J 

nion  étrangère  vient  de  ce  qu'on  n'accordoit 
la  communion  à  ces  clercs ,  que  comme  on  la 
donnoit  aux  clercs  étran^rs.  Si  un  prê- 
tre étoit  réduit  à  la  communion  étrangère , 
il  avoit  le  dernier  rang  parmi  les  prêtres ,  & 
avant  les  diacres  ,  comme  l'auroit  eu  un 
prêtre  étranger  ;  &  ainfi  des  diacres  &  dos 
fous-diacres.  Le  fécond  concile  d'Agde 
veut  qu'un  clerc  qui  refufe  de  fréquenter 
l'églife  5  foit  réduit  à  la  communion  étran- 
gère. 

Communion,  dans  la  Litkurgie  ,e([h 
partie  de  la  mciTe  où  le  prêtre  prend  &con- 
fume  le  corps  Se  le  ikng  de  N.  S.  J.  C.  con- 
facré  fous  les  efpeces  du  pain  Se  du  vin.  Ce 
terme  fe  prend  auffi  pour  le  moment  où 
l'on  adminiure  aux  fidèles  le  facrement  de 
l'euchariilie.  On  dit  en  ce  fens ,  la  mejfe  ejî  à 
la  Communion. 

Communion  fe  dit  auffi  de  l'antienne 
que  récite  le  prêtre  après  avoir  pris  les  ablu- 
tions ,'Sc  avant  les  dernières  oraifons qu'on 
nomme  pojî-communicn.  V,  Post-commu- 
nion. (G) 

Communion,  f.  f.  {Jurifp.)  fe  prend 
quelquefois  pour  fociéié  de  biens  entre  toutes 
fortes  de  perfonnes  ;  c'efl  fous  ce  nom  qu'elle 
eft  le  plus'connue  dans  les  deux  Bourgognes. 
C'eft  une  maxime  en  droit ,  que  in  commu- 
nione  nemo  invitus  detinetur  ;  cod.  lib.  JJI  y 
tit.  xxxvij  y  /.  5.  Dans  quelques  provinces  , 
comme  dans  les  deux  Bourgognes  ,  la  com- 
munauté de  biens  entre  mari  Si  femme  n'eft 
guère  connue  que  fous  le  terme  de  commu- 
nion. OnÇe  (ertaulli  quelquefois  de  ce  même 
terme  en  Bourgogne ,  pour  déiigner  la  por- 
tion de  la  dot  qui  entre  en  communauté  : 
enfin  c'efè  le  nom  que  l'on  donne  aux  aiîo- 
ciations  qui  ont  lieu  en  certaines  provinces 
entre  toutes  fortes  de  perfonnes,  &:  fîngulié- 
rement  entre  main-mortables.  Qe.x.ttcomnm.- 
nion  entre  main-mortables  efl  une  efpece  de 
fociété  qui  a  fes  règles  particulières  ;  elle  doit 
être  de  tous  biens  ;  elle  fe  contracte  expref- 
fément  ou  tacitement.  La  communion  tacite 
eft  celle  qui  fe  contradbe  par  le  fèul  fait,  par 
le  mélange  des  biens  Si  la  demeure  com- 
mune par  an  Se  jour.  Cette  communiontacite 
a  lieu  entre  le  père  Se  les  enfans  main-morta- 
bles ,  Se  entre  les  enfans  de  l'un  des  commu- 
niers  décédé  Se  les  autres  communiers  fur\à- 
vans.  Si  les  enfans  font  mineurs  Se  que  la 


704  C  O  M 

contipuation  de  communion  leur  (oit  one- 
reufe  ,  ils  foi^  rcftiruables  dans  la  cou- 
tume de  Nivernois.  La  communion  tacite 
a  lieu  entre  les  père  &c  mère  &  leurs  en- 
fans  mariés  lorfqu'ils  contiiiuent  de  de- 
meurer avec  eux  par  an  &  jour  ,  à  moins 
qu'il  n'y  ait  quelque  ade  à  ce  contrai- 
re ;  en  Bourgogne  la  communion  n'a  pas 
lieu  dans  ce  cas.  La  communion  par  con- 
vention exprelle  fe  peut  contrafter  entre 
toutes  fortes  de  perfonnes  capables  de  con- 
tradler  ,  foit  parens  entr'eux  ou  étrangers , 
foit  avec  une  perfonne  franche  ou  avec 
un  main-morta'ole  i  ils  n'ont  même  pas  be- 
foin  pour  cet  effet  du  confentement  du  fei- 
gneur  de  la  main-morte.  Cependant  la 
coutume  de  Bourgogne  veut  que  les  com- 
muniers  qui  fe  font  féparés  ne  puiîfent  fe 
remettre  en  communion  fans  le  confente- 
ment du  feigneur  ;  mais  cette  difpofition 
exorbitante  du  droit  commun  doit  être 
renfermée  dans  ce  cas  particulier.  Il  faut 
auffi  excepter  les  communions  qui  ne  fe- 
roient  contradbécs  qu'en  fraude  du  fei- 
gneur ,  &  pour  le  fruftrer  d'une  fucceilion 
qui  lui  feroit  échue.  Le  fils  émancipé  peut 
contracter  une  communion  expjefle  avec 
fon  père  ,  &  la  femme  de  ce  fils  parti- 
cipe à  cette  fociété  ;  mais  les  mineurs  ne 
peêvent  contrarier  aucune  nouvelle  com- 
munion ,  foit  exprefle  ou  tacite.  Pour  que 
l?s  main-mortables  foient  en  communion 
de  biens  à  l'effet  d'exclure  le  feigneur  de 
fon  droit  d'échute  ,  il  ne  fufifit  pas  qu'ils 
fe  communiquent  tous  leurs  revenus  & 
le  produit  de  leur  travail ,  il  faut  de  plus 
qu'ils  demeurent  enfemble  ,  &  qu'ils  aient 
un  même  pain  &  un  même  feu.  L'ab- 
fence  d'un  des  communiers  ne  rompt  point 
la  Communion  ,  tant  qu'il  n'a  point  pris 
aÉleurs  d'établiflement  pour  perpétuelle  de- 
meure. L'émancipation  exprefle  ou  tacite 
ne  rompt  pas  non  plus  la  communion  du 
père  avec  le  fils  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait 
habitation  féparée  i  &  une  féparation  vo- 
lontaire ,  ou  que  le  père  en  mariant  fon 
fils  ait  fouffert  que  celui-ci  ait  ftipulc  une 
communauté  pr.rtiCuHere  de  biens  entre 
lut  &  fa  femme.  L'habitation  féparée  rompt 
auflî  la  communion  entre  les  héritiers  , 
foit  directs  ou  collatéraux  :  la  vente  & 
le  partage  produifent  auifi  le  même  cftet 


C  O  M 

Cette  matière  efc  amplement  traitée  par 
M.  le  préfident  Bouhier  ,  en  fes  oi>Jerva- 
,  tions  fur  la  coutume  de -Bourgogne  ,  ar- 
ticle Ixix ,  où  l'on  trouvera  encore  beaucoup 
d'autres  queftions  qui  y  ont  rapport.  Voyez 
aujfi  CoqiiWli:  fur  Nivernois  ,  ch.  viij ,  §,  7  ; 
Dunod  5  de  la  msin-morte  ,  ch.  iij  ,Jecl.  î  , 

p.  77-  C-^) 

COMMUT-ATION  ,  fubft.  f.  (Ajlron.) 
V angle  de  commutation  efl:  la  diftance  entre 
le  véritable  lieu  du  foleil  vu  de  la  terre ,  & 
le  lieu  d'une  planète  réduit  à  1  ecliptique. 
Voyci  Lieu. 

Ainfi  l'angle  ESR( Plane. d'Aflron.fig. 
%€.)  qui  a  pour  bafe  la  diil:ance  entre  le 
vrai  lieu  du  foleil  S  vu  de  la  Terre  en  Q , 
&  celui  d'une  planète  réduit  à  l'écliptique  en 
R ,  Q^  l'angle  de  commutation. 

C'efl  pourquoi  on  trouve  Y  angle  de  com- 
mutation en  foufîrayant  la  longitude  du  fb- 
ieil  ,  de  la  longitude  héliocentrlque  de  la 
planète  ,  ou  au  contraire.  Voy.  Héliocen- 
T  RI  QUE.  Harris  &  Chambers.  (  O) 

Commutation  de  peine,  {Jurifprud.) 
efl  le  changement  qui  fe  fiit  d'une  peine  af- 
fliélive  à  laquelle  un  criminel  a  été  condam- 
né ,  en  une  moindre  peine  ;  par  exemple  , 
lorfqu'au  Hsu  d'une  peine  qui  emportoit  la 
mort  naturelle ,  on  ordonne  que  le  condamne 
fubira  feulement  la  peine  des  galères  ou  du 
bannifleKient  ,  foit  perpétuel  ou  à  temps , 
ou  qu'il  gardera  prifon ,  ou  enfin  qu'il  fubira 
quelque  peine  pécuniaire. 

Cette  commutation  £^e/7ei/zene(epeut  faire 
que  par  l'autorité  du  prince ,  en  obtenant  de 
la  part  du  condamné  des  lettres  en  la  grande 
chancellerie  ,  portant  commutation  de  veine ^ 
&  ces  lettres  ,  pour  avoir  leur  exécution  i 
doivent  être  entérinées. 

La  Commutation  de  peine  ne  donne  point 
atteinte  au  jugement  de  condamnation,  de  ' 
forte  que  le  condamné  ne  recouvre  point  la 
vie  civile ,  fi  le  jugement  efl  de  nature  à  la 
lui  faire  perdre  ;  il  n'efl  pas  non  plus  relevé 
de  l'infamie ,  ce  n'efl  que  la  peine  corporelle 
qui  efl  adoucie.  Fojc:^  Anne  robert,  Uv.  II y 
cfiap.  XV  ;  ordonnance  d'Henri  II ,  de  25^9, 
art.  7  ;  Louet  &  Brodeau  ,  lett.  Q  ,  n.  8  ; 
Maynard  ,  Uv,  VIIT,  chap.  xlv  &  xlvj.  Ferre- 
rius  ifur  la  quellion  îjg  de  Guypape  ;  Bou- 
chel ,  en  fa  bibliothèque  ,  au  mot  commuta  , 
tion.i^A) 

COMMUTATIVE  , 


C  O  M  C  O  M 

COMMUTATIVE,  {Jurifpr.)  Voyei    de  modération  pour  la  refufe 


Justice  commutative. 

COMNENE  (IsAAc),   Hift.  du  Sas- 
Empire  ,  d'une  des  plus  illuftres  familles  de 
PEmpire ,  fut  placé  fur  le  trône  de  Conftan- 
tinoplc  en  1059  ,  par  une  fa<5tion  qui  obli- 
gea Michel-lc-viewx  à  en  defecndre  pour 
embrafïèr  la  vie  monaftique.  Le  patriarche 
de  Conftanrinople  qui  avoir  eu  le  plus  de 
parc  à  cette  révolution ,  fit  la  trifte  expé- 
rience que  l'ambitieux  qui   profite  de  la 
trahifon  ,  en  punit  fouvent  Pauteur  :  au  lieu 
de  jouir  de  la  confidération  ôc  du  crédit  ^ 
dont  il  s'étoit  flatté ,  il  fut  chalïc  de  Ton 
liège  ôc  envoyé  en  exil  avec  toute  (a  fa- 
mille. Comnene  ,    également  fait   pour   la 
guerre  &  les  affaires ,  avoir  l'ame  élevée  & 
capable   d'embrafl,r  tous   les  objets.   Les 
envieux  de  (a   gloire  ne  lui  conteftoient 
point  d  être  le  plus  gra'nd  capitaine  de  Ton 
ïiecle  }  mais  l'éclat  de  fes  vertus  fut  un  peu 
obfcurci  par   un  orgueil  altier  qui  le   fit 
détefter  par  ceux  même  qui  étoient  forcés 
de  l'admirer.  Tous  les  hiftoriens  font  Péloge 
de  fa    chafteté  ;    ils    racontent    quêtant 
éloigné  de  l'impératrice  ,    il  fut  attaqué 
d'une  maladie  occafionée  par  fon  tempé- 
rament trop  brûlant  :  les  médecins  qu'il 
confulta  ,  décidèrent  qu'il  ne  pouvoit  iau- 
ver  fa  vie  que  par  un  commerce  charnel 
avec  une  femme ,  ou  qu'en  fe  fbumettant  à 
une  mutilation  douloureufe  qui  le  mettroit 
dans  l'impuiflance  d'avoir  des  enfans.    Il 
confentit  à  ceflèr  d'être  homme  en  difant  : 
Faites  Vopcration  ,  fans  la  chajïeté  Von  ne 
peut  entrer  dans  le  royaume  du  ciel  ;  mais 
Von  peut  y  arriver  fans  avoir  des  enfans. 
Ce  prince  politique  fe  rendit  odieux  aux 
moines ,  qu'il  dépouilla  de  leurs  riche  dès 
Superflues ,  pour  les  réduire  au  nécefTaire 
pour  vivre  dans  l'état  de  pauvreté  qu'ils 
avoient  embrafTé.  Il  ne  fit  ni  rebelles ,  ni 
murmurateurs ,  parce  que  fes  mœurs ,  con- 
formes aux  maximes  évangéliques ,  ne  don- 
noient  aucune  prife  à  la  cenfure.  L'ambition 
l'avoit  placé  fur  un  trône  ufurpé ,   il  eut 
des  remords  qui  empoifonnerent  le  refïe  de 
fa  vie.  Ce  fut  pour  expier  fa  faute ,  qu'il 
forma  le  projet  d'embrafler  là  vie  monaf- 
tique^ :  une  colique  dont  il  fut  attaqué  en 
chafîànt ,  hâta  l'exécution  de  ce  projet.  Il 
offrit  la  couronne  à  fon  frère,  qui  eut  afîez 
Tome  VIIJ. 


705 
il  fixa  fon 
choix  fur  Conflantin  Ducas,  à  qui  il  re- 
commanda fa  famille  avant  de  dépofer  la 
pourpre  ,  dont  il  revêtit  lui-même  Ion  fuc- 
cefleur.  Dès  qu'il  eut  fait  fon  abdication , 
il  fe  retira  dans  ua.monaftere ,  où  il  donna 
l'exemple  de  routes  les  vertus  évangéliques. 
Sa  femme  &  fa  fille  fe  firent  rcligieufes.  Il 
mourut  peu  de  temps  après. 

CoMNENE  (Alexis)  ,  fils  de  l'empereur 
Ifaac  ,  étoit  âgé  de  trente-fept  ans ,  lorf- 
qu'après  l'abdication  forcée  de  Nicéphore 
le  botoniate  ,    il   parvint   à   l'empire.    Il 
fignala  les  premiers  jours  de  fon  règne  par 
des  vidoires  fur  les  Turcs  ;  mais  il  ne  fut  pas 
au  fil  heureux  contre  les  Normands  qui , 
fous  la  conduite  de  Robert-  Guifcard ,  duc 
de  la  Fouille ,  lui  enlevèrent  plufîcurs  villes 
confidérables.  Tandis  qu'il   étoit  acharné 
contre  cette  race  de  conquérans ,  les  Tar- 
tares  &  les  Comans  faifoient  des  courfes 
julqu'aux  portes  de  Conftantinople.   Les 
Turcs  établifloient  leur   domination  dans 
l'orient  ;  ôc  aufïi  puiflàns  fur  mer  que  fur 
terre  ,    ils    fe   promcttoient   l'empire    du 
monde.  Alexis ,  trop  foible  contre  tant  d'en- 
nemis ,    implora    l'aflift:ancc    des   princes 
d'occident.  Le  pape  Urbain  II  publia  une 
croifade  ,  ôc  trois  cents  mille  hommes  mar- 
chèrent vers  la  Paleftinc.  Des  alliés  fi  nom- 
breux parurent  plus  redoutables  à  Alexi» 
que  fes  anciens  ennemis.    Leur  conduite 
impérieufe  fit  connoîtrc  qu'ils  étoient  ve- 
nus moins  pour  défendre  les  Grecs  que 
pour  les  opprimer.  Cette  multitude  fans 
frein  ôc  fans  difcipline  ,    défola  tous  les 
lieux  de  fon  pafTage ,  Se  quiconque  ofa  fe 
plaindre  ,  fut  traité  en  ennemi.  Ils  avoient 
promis  de  rendre  aux  Grecs  les  villes  qu'ils 
enleveroient  aux  infidèles;  mais  ces  con- 
quérans parjures,  violèrent  la  faintcté  de 
leur    ferment.    Les    principaux    fèigneurs 
d'occident  s'érigèrent  en  princes  indépen- 
dans  ,   ôc  l'empire  des  Grecs  ne  fut  plus 
qu'un  trône  m-Utilé  ,    qu'ils  avoient  dé- 
pouillé de  fes  rameaux. 

Alexis  ,  aufïi  humilié  de  leur  hauteur 
infultante  que  de  leurs  parjures,  employa 
la  force  ôc  les  artifices  pour  s'oppofer  à 
leurs  ufurpations.  Les  croifés ,  qui  avoient 
tout  enfreint ,  fe  plaignirent  de  la  perfidie 
des  Grecs  qui  ne  vouloient  pas  être  leurs 

Tttt 


-joC  C  O  M 

efclaves.  Les  Grecs ,  à  leur  tour  ,  firent , 
poiur  fe  juftifier,  un  tableau  affreux,  mais 
reflemblant,  des  brigandages  des  occiden- 
taux qui ,  la  croix  fur  leurs  habits ,  violoient 
les  femmes  &  malfacroient  les  enfans.  Alexis 
accablé  également  par  Tes  alliés  &  par  les  in- 
fidèles ,  ne  put  être  que  malheureux  dans 
la  guerre  5  mais  on  ne  put  lui  contefter 
les  talens  d*un  prince  véritablement  né 
pour  occuper  le  trône.  Son  malheur  fut  de 
naître  d^ns  un  fiecle  où  il  y  avoir  plus  de 
férocité  que  de  grandeur  d'ame ,  plus  de 
perfidie  que  de  candeur.  Il  fit  éclater  fa 
bienfaifance  &  fon  amour  pour  l'humanité , 
p;ir  la  fagciîè  de  fes  établlflèmens  :  il  fonda 
des  hofpices  où  les  orphelins  de  Tun  & 
Tautre  fexe  étoient  élevés  aux  dépens  du 
tréfor  public.  Indulgent  pour  les  coupa- 
bles ,  il  eut  tant  d'horreur  pour  les  fup- 
plices,  qu'il  kifla  fouvent  la  licence  impu- 
nie. Sa  clémence  fut  taxée  de  foiblefle  par 
un  peuple  familiarifé  avec  les  empoifonne- 
mens  &  les  afifaflinats.  Cette  humanité,  qui 
fait  plutôt  l'éloge  de  (on  cœur  que  de  fa 
politique ,  eft  la  feule  foiblefle  que  l'hiftoire 
puifle  lui  reprocher.  Ce  prince  ,  ami  des 
iavans  ,  &  favant  lui-même ,  en  eût  été  le 
prote<5teur  ,  fi  les  dépenfes  de  la  guerre 
n'euilènt  épuifé  fes  tréfors.  Il  tomba  dans 
une  maladie  de  langueur  qui  l'emporta 
^ans  fa  foixante  &  dixième  année  :  il  avoit 
régné  trente-trois  ans. 

CoMNENE  (Calo-Jean),  fils  d'Alexis  , 
lui  fuccéda  en  m  6.  Irène  fa  mère  ,  qui 
avoit  des  fentimens  de  prédilection  ,  em- 
jîloya  de  criminelles  intrigues  pour  placer 
iur  le  trône  fon  gendre  Nicéphore  Briene. 
Cette  mère  dénaturée  paya  des  aiTafifuis  qui 
furent  découverts  avant  d'exécuter  leur 
crime.  On  prétend  que  ce  Nicéphore  prellé 
par  fes  remords ,  s'oppofa  lui-même  à  cette 
atrocité  dont  il  auroit  retiré  tout  le  fruit. 
Cette  modération  le  fit  tomber  dans  le  rné- 
pris  de  fa  femme ,  qui  étoit  plus  ambitieufe 
que  lui.  Calo- Jean ,  héritier  de  la  clémence 
de  fon  père ,  fut  aflez  maître  de  lui  pour 
ne  punir  les  çonfpirateurs  que  par  la  con- 
fifcation  de  leurs  biens  :  il  crut  que  les  mé- 
chans  étoient  fuffifamment  châtiés  quand 
ils  étoient  réduits  à  l'impuilîànce  de  nuire. 
Il  eut  en  fuite  des  guerres  à  foutenir  contre 
les  Turcs  j  les  Pcrfes,  les  Servieusi  &;  les 


C  O  M 

Patzinaces  ,  qu'il  vainquit  dans  plufieurs 
combats  fans  pouvoir  les  détruire.  Des 
ennemis  plus  redoutables  profitèrent  de 
fes  embarras  pour  l'attaquer.  Les  François 
ligués  avec  les  Vénitiens  ,  lui  enlevèrent 
les  îles  de  Samos ,  d'Andros  ,  de  Rhodes 
&:  de  Lesbos.  Ce  prince,  qui  avoit  trop 
d'ennemis  pour  faire  la  guerre  avec  gloire, 
avoit  toute  la  capacité  d'un  grand  capitaine , 
comme  il  en  avoit  la  valeur  :  fa  palTion  pour 
la  chaflè  lui  devint  funefte.  Un  jour  qu'il 
pourfuivoit  un  cerf  dans  une  forêt  de  Ci- 
îicie ,  une  flèche  empoifonnée  lui  perça  la 
main  :  les  médeci«is  furent  d'avis  de  la 
couper  ,  &  affurerent  que  c'étoit  le  feul 
moyen  de  confervcr  fa  vie  :  Calo- Jean  leur 
répondit  avec  une  intrépidité  tranquille  , 
qu'il  préférait  la  mort  à  cette  mutilation  , 
6"  qu'il  ne  convenait  pas  à  un  empereur  de. 
tenir  d'une  main  les*rénes  du  gouvernement. 
Le  poifon  fit  de  prompts  ravages.  Alors, 
fentant  approcher  fa  fin  ,  il  fit  venir  les 
officiers ,  &:  nomma  en  leur  préfencc  pour 
fon  fuccefièur  le  plus  jeune  de  fes  fils,  en 
difànt  :  que  fi  fes  frères  avaient  fur  lui  le  privi- 
lège d*ainejje,  il  leur  étoit  fupérieur  en  courage 
&  en  capacité  pour  les  affaires.  Ce  choix  dicté 
par  fon  amour  pour  fes  fujets,  fut  généra- 
lement applaudi ,  6c  fut  le  dernier  de  Çts. 
bienfaits.  Il  mourut  en  1145,  âgé  de  foi- 
xante &  fix  ans  :  ce  fut  le  plus  grand  em- 
pereur de  la  maifon  des  Comnenes.  Les 
occidentaux  ,  accoutumés  à  défigurer  les 
traits  des  princes  Grecs  ,  ont  refpeété  la 
mémoire. 

CoMNENE  (Manuel  ou  Emanuel), 
étoit  le  plus  jeune  des  fils  de  Calo- Jean  , 
dont  quelques-uns  prétendent  qu'il  étoit 
le  frère.  Les  penchans  heureux  qu'il  ma- 
nifefta  dans  fon  enfance ,  déterminèrent  fon 
père  à  le  choifir  pour  foii  fuccefleur. 
Conrad,  empereur  d'Allemagne,  rechercha 
fon  alliance  contre  Roger ,  roi  de  Sicile , 
leur  ennemi  commun.  Ce  prince  Normand 
détruifoit  la  domination  Allemande  dans 
Pltalie,  tandis  que  fes  flottes  ravageoient 
toutes  les  côtes'  de  la  Grèce.  Conrad  81C 
Manuel  réuniient  enfuitc  leurs  forces  pour 
chaflèr  les  Mufulmnns  de  la  Paleftine.  Ils 
eurent  d'abord  quelques  fuccès,  mais  la 
jalouiîe  du  commandement  en  fit  d'impla- 
cables ennemis»  Manuel  qui  étoit  au  milieu 


C  O  M 

de  (es  états  ,  ne  vouloit  point  avoir  un 
maître  dans  Ton  allié.  Conrad  qui  avoir  des 
forces  fupérieures ,  ne  reconnoiflbit  point 
d'égal  :  il  eut  bientôt  à  fe  repentir  de  cette 
hauteur  imprudente.  Son  armée ,  preflée  par 
la  famine ,  n'avoir  d'autres  reflburces  que 
dans  la  générolité  de  Manuel  ,  il  fallut  fe 
dépouiller  de  Ton  orgueil  8c  defcendre  à  la 
prière.  Le  prince  Grec ,  pour  fe  venger  des 
humiliations  qu'il  avoit  elTuyées  ,  parut 
compatir  au  malheur  de  fon  allié  :  il  lui 
fournit  des  farines  mêlées  de  plâtre ,  dont 
le  foldat  fe  ralTafia  avec  avidité.  Ce  fecours 
meurtrier  fît  périr  plus  de  la  moitié  de  l'ar- 
mée Allemande.  Cette  perfidie  l'a  rendu 
odieux  à  tous  les  peuples  d'occident  ;  mais 
les  Grecs  le  juftifient  par  la  nécelTîté  de  fe 
délivrer  de  fes  hôtes  altiers ,  qui  le  tenoient 
dans  l'abaifiement.  L^  politique  luiconfeil- 
loit  de  les  affoiblir  pour  n'être  pas  leur 
efclave.  Il  ufa  quelque  temps  après  de  la 
même  perfidie  envers  les  François  ,  qui 
croyoient  avoir  droit  d'enlever  les  femmes , 
ôc  de  maltraiter  les  maris  dans  tous  les  lieux 
dont  ils  étoient  les  maîtres.  Les'lieutenans 
de  Roger ,  roi  de  Sicile ,  étendirent  leurs 
conquêtes  j  ufques  fous  les  murs  de  Conftan- 
tinople.  Ils  lançoient  par  dérifion  des  flèches 
d'or  &  d'argent  dans  les  jardins  de  l'empe- 
reur. Les  Vénitiens  lui  envoyèrent  des  am- 
baffadeurs  pour  régler  d'anciennes  préten- 
tions. Manuel,  fans  refpeét  pour  leur  carac- 
tère ,  les  fit  mettre  en  prifon  :  cet  attentat  ne 
refta  point  impuni.  Les  Vénitiens  portèrent 
le  fer  &  la  flamme  dans  (es  états ,  &  il  n'ob- 
tint la  paix  qu'en  fe  foumettant  à  leur  payer 
un  tribut  annuel.  Ce  prince ,  qu'on  ne  pour- 
roit  jufl:ifier  de  perfidie ,  fi  ce  crime  n'eût 
pas  été  celui  de  fon  fiecle  barbare  ,  mena 
fur  le  trône  la  vie  d'un  moine  auftere.  Sa 
crédulité  fuperflitieufe  étouffa  en  lui  le 
germe  des  talens  &  du  génie.  Il  eut  cette 
foi  morte  de  fl:érile  qui  rétrécit  Pefprit  fans 
excirer  à  la  vertu.  Il  mourut  dans  fon  lit , 
après  un  règne  de  trente-huit  ans. 

CoMNENE  (Alexis),  fils  de  Manuel, 
n^avoit  que  douze  ans ,  lorfque  la  mort  de 
fon  pcre  le  rendit  pofleffeur  de  l'empire.  Sa 
tutelle  fut  confiée  à  Andronic  Comnene ,  Ion 
parent ,  qui  n'ufa  de  ce  titre  que  pour  dé- 
pouiller fon  pupile.  Ce  prince  ambitieux 
le  fit  d'abord  afiocier  à  l'empire  :  ce  premier 


C  O  M  707 

pas  l'enhardit  à  commettre  un  plus  grand 
crime.  Quelque  temps  après ,  il  fit  maflàcrer 
le  jeune  prince  ,  dont  le  corps  fut  jeté  dans 
la  mer,. afin  qu'il  ne  reftât  fur  la  terre  au- 
cun vertige  de  cette  atrocité.  Il  ne  régna  que 
trois  ans. 

Comnene  (Andronic')»  fils  d'lfaac& 
neveu  de  Calo-Jean  ,  monta  fur  le  trône  de 
Conftantinople  après  la  mort  du  jeune 
Alexis ,  qu'il  avoit  fait  empoifonner.  Guil- 
laume ,  roi  de  Sicile ,  lui  déclara  la  guerre 
fous  prétexte  de  venger  le  meurtre  du  prince 
infortuné.  Andronic ,  après  un  mélange  de 
fuccès  ôc  de  revers ,  fut  vaincu  ôc  fait  pri- 
fonnier.  Le  vainqueur  ,  avant  de  l'envoyer 
au  fupplice ,  lui  fit  efluyer  les  plus  cruels 
outrages.  Il  ordonna  de  lui  crever  un  œil 
&  de  lui  laiffer  l'autre ,  afin  qu'il  fût  le 
fpeétateur  des  humiliations  auxquelles  il 
étoit  condamné.  Ce  rafinement  de  cruauté 
déshonore  fon  ennemi ,  qui  le  fit  promener 
dans  les  rues  de  Conftantinople ,  monté  fur 
un  âne ,  la  tête  tournée  en  arrière  ,  tenant 
dans  fa  main  la  queue  de  l'animal  pour  lui 
fervir  de  fceptrej  ôc  au  lieu  de  diadème ,  ou 
ceignit  fon  front  d'une  botte  d'ail.  Les  fem- 
mes ,  infultant  à  fon  malheur ,  vomifibient 
contre  lui  les  plus  horribles  imprécations  ; 
les  enfans  lui  jetoicnt  les  plus  fales  ordures 
au  vifagc.  Son  plus  grand  fupplice  fut  de 
n'exciter  aucun  fentimerit  de  pitié.  Il  fut  en- 
fuite  étranglé.  Le  peuple  furieux  mit  fon 
cadavre  en  pièces.  Les  femmes  furent  les 
plus  acharnées  à  lui  porter  des  coups.  Il 
n'étoit  que  dans  la  féconde  année  de  fon 
règne,  qui  fut  encore  trop  long  pour  le  bon- 
heur des  peuples.  La  famille  des  Comnenes 
fut  éteinte  par  fà  mort.  (  T-N.  ) 

COMODI,  f  m.  {Hijl.  nat.  Botamq.) 
Les  Brames  nomment  ainfi  une  plante  du. 
Malabar  que  Van-Rheede  a  fait  graver, 
avec  la  plupart  de  fes  détails ,  dans  fon  Hor- 
tus Malabaricus ,  volume. II,plancheLlf  pag. 
J^  ,  fous  le  nom  de  nir  carambu  ;  c'efl  le 
jujjicea  repens ,  floribus  pentapatalis  decan- 
driSfpedunculisfoliolongioribusde  M.  Linné, 
dans  fon  Syjlcma  naturœ  ,  édition  in~î% , 
imprimée  en  1 767 ,  page  i-SJ. 

C'eft  une  plante  vivace ,  à  tige  cylindri- 
que ,  rampante ,  de  trois  à  quatre  pies  de 
longueur ,  fur  trois  à  trois  lignes  &  demie 
de  diamètre  ,  ramifiée  en  nombre  de 
T 1 1 1*  z 


7o8  C  O  M 

branches  alternes ,  cylindriques ,  (impies  , 
relevées ,  fongueufes ,  fiftuleufès ,  lifles , 
luifances  ,  verd-blanchârres  du  côté  expofé 
à  l'ombre ,  ôc  rougeâtres  du  côté  expofé  au 
foleil. 

Au  delïbus  de  chaque  branche  fort  un 
faifceau  de  racines  fibreufes,  blanchâtres  & 
rougeâtres ,  aqueufes  &  fiftuleufès,  longues 
d'un  pouce ,  accompagnées  de  trois  ou  qua- 
tre tubercules  ovoïdes ,  longs  d'un  à  deux 
pouces ,  deux  à  iîx  fois  moins  larges. 

Les  feuilles  font  difpofées  alternative- 
ment &c  circulairemcnt  le  long  des  tiges 
elliptiques ,  obtufes  à  Vexrrémité ,  pointues 
à  leur  origine,  une  à  deux  fois  plus  longues 
que  larges,  entières,  tendres,  verd-bru- 
nes ,  luifantes ,  relevées  en  deflbus  d'une 
côte  ramifiée  de  trois  à  quatre  paires  de  ner- 
vures alternes  ,  &  attachées  aux  tiges  fans 
pédicule ,  fous  un  angle  de  quarante-cinq 
degrés ,  à  des  diftances  égales ,  à-peu-près  , 
à  la  moitié  de  leur  longueur. 

De  l'aiflelle  de  chacune  des  feuilles  fupé- 
rieures ,  fort  une  fleur  une  fois  plus  lon- 
gue qu'elles ,  y  compris  le  péduncule  qui 
les  porte  ôc  qui  eft  prefque  égal  à  leur  lon- 
gueur. 

Chaque  fleur  eft:  hermaphrodite  ,  poly- 
pétale,  complète,  régulière,  pofée  au  delfus 
de  l'ovaire.  Elle  confifte  en  un  ovaire  cy- 
Mndrique ,  long  dehuit  à  neuf  lignes,  deux 
à.  trois  fois  moins  large  i  en  un  calice  verd  , 
à  cinq  feuilles  triangulaires  ;  en  une  corolle 
trois  fois  plus  longue  ,  à  cinq  pétales  orbi- 
culaires  blancs ,  à  racine  jaune ,  ouverte  en 
étoiled'^un  pouce  &c  un  quart  de  diamètre,  & 
en  dix  étaminesaufli  courtes,  verd-claires  , 
à  anthères  jaunes.  Le  ftyle  de  Povaire  s'élève 
un  peu  plus  haut  que  les  étamines ,  &  eft 
terminé  par  un  ftigmate  cubique  jaune  , 
marqué  de  cinq  filions  rayçnnans  en  étoile, 
'  L'ovaire  en  mûriiTant  devient  une  capfule 
ovoïde,  longue  d'un  pouce,  deux  fois  moins 
large ,  à  cinq  loges ,  ne  s'ouvrant  point ,  & 
contenant  un  grand  nombre  de  graines 
ovoïdes ,  longues  d'une  ligne  ,  blanchâtres. 

Culture.  Le  comodi  croît  au  Malabar ,  au 
bord  des  rivières ,  à  une  petite  profondeur 
fous  les  eaux. 

Ufagcs.  Les  Malabares  n'en  font  aucun 
ufage. 

Remarque.  Lc  comodi  fait  un  genre  parti- 


C  O  xM 

culier  de  plante ,  qui  fe  range  naturellement 
dans  la  famille  des  onagres  ,  où  nous  l'avons 
placé .  Voye-;^  nos  familles  des  plantes ,  vol.  Il, 
pag.  8§.iM,  Adanson.  ) 

COMORE  ,  (  Géog.  mod.)  grande  ville 
de  la  haute  Hongrie ,  capitale  d'un  comté 
de  même  nom  ,  dans  une  ile  formée  par 
le  Danube.  Long.  ^6 ;  lat.  47 ,  50. 

COMORIN  (  LE  Cap  ) ,  Gêog.  mod.  pro- 
montoire de  l'Inde ,  en  deçà  du  Gange. 

COMMORES  (les  îles),  Géog.  mod. 
îles  de  la  mer  des  Indes ,  dans  le  canal  de 
Mozambique ,  entre  le  Zanguebar  &c  l'île 
de  Madagafcar. 

COMPACT  ,  iJurifpr.)  on  appelle 
ainfi  un  accord  ou  pa6Ve  ,  compaclum  ,  fait 
entre  les  cardinaux  avant  l'éleétion  de 
Paul  IV  ,  que  celui  qui  ieroit  élu  ne  pour- 
roit  déroger  aux  induits  des  cardinaux  par 
quelques  paroles  &  en  quelque  manière 
que  ce  fut.  Paul  IV  ,  après  fon  élection , 
ratifia ,  en  i  ^55  ,  cet  accord,  par  une  bulle 
fameufe  ,  appellée  bulle  du  compaâ  ;  elle 
fut  regiftrée  au  grand-confeil  le  1 3  février 
15"  5  8,  en 'conféquence  àts  lettres  patentes 
du  roi  Henri  II,  du  1 6  janvier  précédent. 
Les  articles  principaux  de  ce  compacî  fonr 
1°.  que  le  nombre  des  cardinaux  fera  ré- 
duit par  mort  à  40  j  que  deux  frères  , 
ni  oncle  &  neveu  ,  ne  pourront  être 
cardinaux  en  même  temps.  i°.  Qu'ils  pour- 
ront difpofer  de  leurs  biens  par  donation 
ou  teftiament  ;  èc  que  s'ils  meurent  intef- 
tats ,  leurs  biens  ne  feront  point  appliqués 
à  la  chambre  apoftolique  ,  mais  appartien- 
dront à  leurs  héritiers.  3°.  Qu'il  fera  pourvu 
aux  cardinaux  pauvres  ,  de  biens  ou  de 
penfions  jufqu'à  6coo  ducats  de  rente. 
4°.  Qu'ils  feront  exempts  de  toutes  décimes 
&  gabelles  dans  l'état  eccléfiaftique  (fous 
ce  mot  gabelles ,  on  entend  ici  toutes  fortes 
d'impofîtions).  5°.  Qu'ils  pourront  con- 
férer librement  tous  bénéfices  étant  de  leur 
collation ,  excepté  la  réferve  continuas  fami- 
Uaritatis  du  pape  ;  &  enfin  que  les  papes 
ne  pourront,  au  préjudice  de  la  collation 
des  cardinaux  ,  déroger  à  la  règle  des  io 
jours  ,  feu  de  injirmis  rjjignantibus ,  qui 
eft  la  dix-huitieme  règle  de  chancellerie  , 
ni  déroger  à  aucun  des  induits  accordés 
aux  cardinaux  ad  injlantiam  regum  &  prin- 
dpum.  Voyez  la  pratique  de  cour  de  Rome  > 


C  O  M 

de  Cartel ,  tome  I  y  page  ^4  ù  fiiiv.  Brillon  ,  • 
dicî.  des  arrêts ,  au  mot  Bulle ,  n.  2^.  i^A) 
Compact  de  l'alternative  ,  eft  un 
accord  qui  fut  fait  entre  Martin  V  & 
Charles  VI  pour  ufer  en  France  de  la  règle 
de  la  chancellerie  dite  de  \ alternative  ,  qui 
avoit  été  faite  par  Innocent  VII  dès  1 404 , 
qui  établit  Talternative  pour  la  collation 
des  bénéfices  entre  le  pape  &  les  évc- 
ques,  en  faveur  de  la  réiidence.  Enfuite 
du  compaâ  de  Martin  V ,  il  y  eut  une 
ordonnance  de  Charles  VI  en  vertu  de 
laquelle  Pon  commença  à  ufer  de  l'alter- 
native pour  cinq  ans.  V'oyei^  le  tr.  des 
mat.   bénéfic.  de  Fuet ,  liv.  IV ,  ch.  vj ,  p. 

434' (^) 

Compact  Breton,  eft  un  accord  fait 

entre  le  pape  &  le  S.  (iege  d'une  part , 
&  tous  les  coliateurs  &  la  nation  bretonne 
d'autre  part ,  pour  la  partition  des  mois  par 
rapport  à  la  collation  des  bénéfices.  Suivant 
cet  accord,  les  coliateurs  ordinaires  ont 
droit  de  conférer  les  bénéfices  qui  vaquent 
pendant  quatre  mois  de  Tannée  ,  qui  font 
le^  derniers  de  chaque  quartier  ,  favoir , 
mars,  juin,  feptembre  &c  décembre,  & 
les  huit  autres  mois  appartiennent  au  pape , 
lequel  eft  obligé  de  conférer  dans  les  6  mois 
de  la  vacance ,  fuivant  le  concile  de  Latran  ; 
&  au  moyen  de  cet  accord  il  s'eft  départi 
du  droit  de  concours  &  de  prévention. 
Quelques-uns  ont  prétendu  que  ce  fut  au 
concile  de  Conftance  que  fut  dreflé  ce 
compacl  ;  mais  M.  le  préfident  Henault 
tient  qu'on  doit  rapporter  cet  arrange- 
ment à  une  bulle  d'Eugène  IV ,  &  il  eft 
certain  que  ce  n'eft  point  en  vertu  de  h. 
règle  de  menfibus  que  le  pape  jouit  en 
Bretagne  des  mois  réfervés;  c'eft  en  vertu 
d'un  édit  de  Henri  II  du  14  juin  2^4^, 
qui  ordonne ,  entr'autres  chofes ,  que  les 
réferves  apoftoliques  ôc  autres  règles  de 
chancellerie  foient  reçues  en  Bretagne  ;  ce 
qu'il  confirma  par  différentes  déclarations 
des  ^9  juillet  1$^^^  î8  avril  &  %Q  oSobre 

Les  coliateurs  ordmaires  de  Bretagne  , 
autres  que  les  Evêques,  n'ont  fuivant  le 
compaâ  que  quatre  mois  pour  conférer 
les  bénéfices  vacans  per  obitum  ,  (ans 
pouvoir  être  prévenus  -,  les  huit  autres 
mois  appartiennent  au  pape  :  mais  les  cvê- 


C  O  M  70^ 

ques  qui  ont  les  iîx  mois  de  Falternative , 
ont  en  outre  ces  quatre  mois ,  dont  deux , 
favoir  juin  &  décembre  ,  font  partie  de 
leurs  fix  mois  d'alternative;  &  les  deux 
autres ,  qui  font  mars  &  feptembre  ,  en 
vertu  du  compaâ;  ce  qui  fait  en  tout  pour 
eux  huit  mois. 

On  tient  en  Bretagne  que  les  évéques 
peuvent  être  prévenus  dans  les  deux  mois 
qui  leur  font  accordés  par  le  compaâ  oa 
partition ,  outres  leurs  fix  mois  d'alternative. 

Lorfqu'un  fiege  épifcopal  en  Bretagne 
eft  vacant ,  le  chapitre  ne  peut  pas  conférer 
les  bénéfices  qui  viennent  à  vaquer  per 
obitum  y  dans  les  mois  de  l'alternative  de 
l'évêque ,  &  qui  ne  font  pas  fujets  à  la 
régale  ;  mais  il  peut  conférer  ceux  dont  la 
collation  auroit  appartenu  à  Tévêque  par  le 
compaâ  OM  partition  des  mois  pendant  les 
quatre  mois.  {A) 

COMPACTE  ,  adj.  en  Fhyfique  figni- 
fie  un  corps  dcnfe ,  pefant ,  dont  les  par- 
ties font  fort  ferrées ,  &  dont  les  pores 
font  petits  ou  en  petite  quantité ,  au  moins 
par  rapport  à  un  autre  corps.  Koje:^^ Corps  , 
Pore  ,  Densité  ,  &c:. 

Les  métaux  les  plus  pelàns ,  comme  Tor 
&  le  plomb ,  font  les  plus  compaâes  ,  c'eft- 
à-dire ,  font  ceux  qui  ont  le  plus  de  mitiere 
propre. 

Le  mot  compaâe  n'eft  proprement  qu'un 
terme  relatif;  car  il  n''y  a  point  de  corps 
abfolument  compaâe ,  puifqu'il  n'y  en  a 
point  qui  ne  renferme  beaucoup  plus  de  po- 
res que  de  parties  folides.  Voj.  Pore.  (  O) 

COMPAGNE  DE  LA  CYCLOIDE, 
(  Géom.  )  voyf:^^ Trochoïde.  (  O) 

^COMPAGNIE,  f.  f.  {Gram,)  fe  dit 
en  général  d'une  aftociation  libre  de  plu- 
iîcurs  particuliers  ,  qui  ont  un  ou  plusieurs 
objets  communs.  Il  y  a  des  aftociations  de 
perfonnes  religieufes,  militaires  ,  com- 
merçantes ,  ùc.  ce  qui  forme  plufieurs 
fortes  de  compagnies  différentes  par  leur 
objet. 

Compagnie  ,  c'eft,  dsaisV  Art  militaire , 
un  certain  nombre  de  gens  de  guerre  fous 
la  conduite  d'un  chef  appelle  capitaine.  Les 
régimens  font  compofés  de  compagnies. 

Il  y  à  plufieurs  compagnies  en  France  qui 
ne  font  point'  enrégimentées ,  ou  qui  ne 
compoleot  poiiit  de  régimens;  telles  foot 


7IO  C  O  M  C  O  M 

celles  des  grcnadiers-à -cheval:,  des  gardes-    le  cruel,   roi  de  Caftille  ,  en   faveur  du 


du-corps  ,  des  gendarmes  &  chevaux-légers 
de  la  garde ,  des  moufquetaires ,  des  gen- 
darmes ,  des  compagnies  d'ordonnance  ,  ùc. 
Voyei^^  toutes  ces  compagnies  aux  articles  qui 
leur  conviennent ,  c'eft-à-dire,  vojc;(;Gre- 

NADIERS-A-CHEVAL  ,  GaRDE-DU-CORPS  , 

Compagnie  d^Ordonnance  ;  c'étoit 
dans  Torigine  quinze  compagnies  de  gendar- 
'  mes  créés  par  Charles  VII  de  cent  hommes 
d'armes  chacune.  Voye:^  Ho"mme  d'armes. 

Ces  compagnies ,  dont  plufieurs  princes 
&  grands  feigneurs  croient  capitaines,  ont 
fubiiftc  jufque  vers  le  temps  de  la  paix  des 
Pyrénées  fous  le  règne  de  Louis  XIV.  Cel- 
les des  feigneurs  furent  alors  fuppriméesj 
on  ne  confèrva  que  celles  des  princes. 

Le  roi  eft  aujourd'hui  capitaine  de  toutes 
les  compagnies  de  gendarmerie  ,  &  les  com- 
manda ns  de  ces  compagnies  n'ont  ^  que  le 
titre  de  capitaine-lieutenant.  Elles  font  fort 
différentes  des  anciennes  compagnies  d'or- 
donnance ;  cependant,  pour  diflinguer  les 
gendarmes  qui  les  compofent ,  des  gendar- 
mes de  la  garde  du  roi ,  on  les  appelle  or- 
dinairement gendarmes  des  compagnies  d'or- 
donnance. Fbje:(^  Gendarme  ù  Gendar- 
merie. 

Compagnies-  On  a  aînlî  appelle  autre- 
fois en  France  des  efpeces  de  troupes  de 
brigands ,  que  les  princes  prenoient  à  leur 
fblde  dans  le  befoin ,  pour  s'en  fervir  dans 
les  armées. 

Ces  troupes  n^étoient  ni  angîoifes  ni  fran- 
çoifes ,  mais  mélée^de  diverfes  nations.  On 
leur  donne  dans  l'hiftoire  divers  noms  , 
tantôt  on  les  appelle  cotteraux*^  coterelli , 
tantôt  routiers ,  ruptarii ,  rutarii ,  &  tantôt 
Brabançons ,  Brabantiones.  Nos  anciens  hif^ 
toriens  françois  appelloient  ces  troupes  les 
routes  ou  les  compagnies. 

Cette  milice,  dont  le  P.  Daniel  croit  que 
Philippe  Auguftc  fut  le  premier  qui  com- 
mença à  fe  fervir,  fubiifta  jufqu'au  règne 
deCharles  V.  Ce  prince  furnommé  le  Sage, 
6c  dont  en  effet  la  fagcflè  fut  le  principal 
caradtere  ,  trouva  le  moyen  de  délivrer  la 
France  de  ces  brigands  par  l'entremifc  de 
Bertrand  du  Guefclin.  Ce  feigneur  engagea 
les  compagnies  ôc  les  routes  à  le  fuivre  en 


comte  de  Tranftamare  frère  bâtard  de  ce 
prince.  Du  Guefclin  réuffit  fi  bien ,  qu'il 
détrôna  Pierre  le  cruel,  &  mit  fur  Iç 
trône  Henri  de  Tranftamare.  Les  ccm-- 
pagnies  dans  les  deux  expéditions  d'Efpa- 
gne  périrent  prefque  toutes  ou  fe  dilTipe- 
rent;  &  le  roi  donna  de  fi  bons  ordres 
par-tout,  qu'en  peu  d'années  elles  furent 
entièrement  exterminées  en  France.  Le  P. 
Daniel  ,    hijioire    de   la    milice   françoife. 

(Q) 

Compagnie  ,  (jurifpr.)  on  appelle  com- 
pagnies de  jujiice ,  les  tribunaux  qui  font 
corhpofés  de  plufieurs  juges.  Ils  ne  fe  qua- 
lifient pas  de  compagnie  dans  les  jugemens  ; 
les  cours  fbuveraines  ufent  du  terme  de 
cour  ^  Se  les  juges  inférieurs  du  terme 
colleétif  yzow^.  Mais  dans  les  délibérations 
qui  regardent  les  affaires  particulières  du 
tribunal,  de  lorfqu'il  s'agit  de  cérémonies, 
les  tribunaux  ,  fouverains  ou  inférieurs  , 
fe  qualifient  de  compagnie  ;  ils  en  ufent  de 
même  pour  certains  arrêtés  concernant  leur 
difcipline  ou  leur  jurifprudence;  ces  arrê- 
tés portent  que  la  compagnie  a  arrêté ,  &c. 
{A) 

Compagnies  semestres  ,  font  des  cours 
ou  autres  corps  de  juftice ,  dont  les  offi- 
ciers font  partagés  en  deux  colonnes ,  qui 
fervent  chacune  alternativement  pendant 
fix  mois  de  l'année.  Voy.  Semestres. (^) 

Compagnies  souveraines  ou  Cours 
SUPÉRIEURES ,  font  cellcs  qui ,  fous  le  nom 
&  l'autorité  du  roi,  jugent  fouverainement 
&  fans  appel  dans  tous  les  cas ,  de  ma- 
nière qu'elles  ne  reconnoifiènt  point  de  ju- 
ges fupérieurs  auxquels  elles  refiortiflent . j 
tels  font  les  parlemens  ,  le  grand- confèil , 
les  chambres  des  comptes ,  cours  des  aides  ; 
cours  des  monnoiesj  les  confeils  fupé- 
rieurs ,  ùc. 

Les  préfidiaux  ne  font  pas  des  compas 
gnies  fouver aines  ,  quoiqu'ils  jugent  en  der- 
nier refîort  au  premier  chef  de  l'édit  ;  parce 
que  leur  pouvoir  eft  limité  à  certains  ob- 
jets. Voye-^  Loifeau ,  des  feign.  chap.  iij, 
n.  Z^.  (A) 

Compagnie  de  Commerce  :  on  entend 
par  ce  mot  une  alïbciation  formée  pour 
entreprendre ,  exercer  ou  conduire  des  0^6- 


Efpagne ,  pour  aller  faire  la  guerre  à  Pierre  |  rations  quelconques  de  commerce» 


C  O  M 

Ces  compagnies  font  de  deux  fortes ,  ou 
particulières ,  ou  privilégiées. 

Les  compagnies  particulières  font  ordinai- 
rement formées  entre  un  petit  nombre 
d'individus,  qui  fourniflent  chacun  une 
portion  des  fonds  capitiiux ,  ou  limplement 
leurs  confeils  Ôc  leur  temps,  c[uelquefois 
le  tout  enfemble  ,  à  des  conditions  dont  on 
convient  par  le  contrat  d'ail'ociation.  Ces 
compagnies  portent  plus  communément  la 
dénomination  de  fociétés.  J^oye^  Société. 

L'ufage  a  cependant  confervé  le  nom  de 
compagnies ,  à  des  ailociations  ou  fociétés 
particulières ,  lorfque  les  membres  font  en 
grand  nombre ,  les  capitaux  confidérables , 
de  les  entreprifes  relevées ,  foit  par  leur  rif- 
que ,  foit  par  leur  importance.  Ces  fortes 
dt  fociè tés-compagnies  font  le  plus  fbuvent 
comportes  de  perfonnes  de  diverfes  pro- 
fcfîions ,  qui.,  peu  entendues  dans  le  com- 
merce ,  confient  la  direction  des  entrepri- 
fes à  des  aflbciés  ,  ou  à  des  commifïionnai- 
res  capables ,  fous  un  plan  général.  Quoi- 
que les  opérations  de  ces  compagnies  ne  re- 
çoivent aucune  préférence  publique  fur  les 
opérations  particulières ,  elles  font  cepen- 
dant toujours  regardées  d'un  œil  mécontent 
dans  les  places  de  commerce;  parce  que 
toute  concurrence  diminue  les  bénéfices. 
Mais  cette  raifon  même  doit  les  rendre 
très-agréables  à  Pétat,  dont  le  commerce 
ne  peut  être  étendu  &  perfcdionné  que 
par  la  concurrence  des  ncgocians. 

Ces  Compagnies  font  utiles  aux  commer- 
çans ,  même  en  général  ;  parce  qu'elles 
étendent  les  lumières  &:  l'intérêt  d'une  na- 
tion fur  cette  partie  toujours  enviée  & 
fouvent  méprifée,  quoiqu'elle  foit  l'unique 
reflbrt  de  toutes  les  autres. 

L'abondance  de  l'argent ,  le  bas  prix  de 
fon  intérêt ,  le  bon  état  du  crédit  public , 
l'accroiflement  du  luxe  ,  tous  fignes  évidens 
de  la  prolpériré  publique  ,  font  l'épo- 
que ordinaire  de»ces  fortes  d'établifïemens  : 
ils  contribuent  à  leur  tour  à  cette  proipé- 
ritc  ,  en  mukipliant  les  divers  genres  d'oc- 
cupation pour  le  peuple ,  fon  aifance ,  fes 
confommations ,  6c  eniin  les  revenus  de 
Pétat. 

Il  eft  un  cas  cependant  où  ils  pourroieni 
être  nuifibles  -,  c'ell  lorfque  les  intérêts  Ibnt 
partagés  en  actions ,  qui  fe  négocient  5c  fe 


C  O  M  711 

tranfportent  fans  autre  formalité;  par  ce 
moyen  les  étrangers  peuvent  éluder  cette 
loi  fi  fage ,  qui ,  dans  les  états  policés,  défend 
d'ailbcier  les  étrangers  non-naturalifés  ou 
njn  -  domicilias  dans  les  armejien<".  Les 
peuples  qui  ont  Pintérêt  de  l'argent  à  meil- 
leur marché  que  leurs  voifins ,  peuvent  à 
la  faveur  des  adtions  s'attirer  de  loin  tout  le 
bénéfice  du  commerce  de  ces  voifins, 
quelquefois  même  le  ruiner  ,  fi  c'efl  leur 
intérêt  ;  c'efl'  yniquemeiit  alors  que  les  né- 
gocians  ont  droit  de  fc  plaindre.  Autre 
règle  générale  :  tout  ce  qui  peut  être  la. 
mc'.iere  d'un  agiotage ,  eft  dangereux  dans 
une  nation  qui  paie  l'intérêt  de  l'argent 
plus  cher  que  les  aurf:res. 

L'utilité  que  ces  afîociations  portent  aux 
intéreflés  ,  eft  bien  plus  équivoque  que 
celle  qui  en  revient  à  l'état.  Cependant  il 
eft  injufte  de  fe  prévenir  contre  tous  les 
projets,  parce  que  le  plus  grand*  nombre 
de  ceux  qu'on  a  vu  éclore  en  divers 
temps , .  a  échoué.  Les  écueils  ordinaires 
font  le  défaut  d'économie ,  inféparable  des 
grandes  opérations  ;  les  dépenfes  faftueufes 
en  établiflèmens ,  avant  d'avoir  afiuré  les 
profits  ;  l'impatience  de  voir  le  gain  ;  le 
dégoût  précipité  ;  enfin  la  méfîntelligence. 

La  crédulité ,  fille  de  l'ignorance ,  eft  im- 
prudente; mais  il  eft  inconféquent  d'a- 
bandonner une  entreprifè  qu'on  favoit  rif- 
quable  ,  uniquement  parce  que  fes  rifques 
!e  font  déployés.  La  fortune  femble  pren- 
dre plaifir  à  faire  pafïer  par  des  épreuves 
ceux  qui  la  follicitent  ;  fes  largelfes  ne 
font  point  réfervées  à  ceux  que  rebutent 
l'es  premiers  caprices. 

Il  eft  quelques  règles  générales  ,  dont 
les  gens  qui  ne  font  point  au  fait  du  com- 
merce ,  &  qui  veulent  s'y  intérefïer  , 
peuvent  fe  prémunir.  1°.  Dans  un  temps 
où  les  capitaux  d'une  nation  fbnt  augmen- 
tés ^sî^s  toutes  les  claHes  du  peuple ,  quoi- 
qu'avec  quelque  difproportion  entr'elles, 
les  genres  de  comvnerce  qui  ont  élevé  de 
grandes  fortunes,  &  qui  foutiennent  une 
grande  concurrence  de  négocians ,  ne  pro- 
curent jamais  des  profits  bien  confidéra- 
bles ;  plus  cette  concurrence  augmente  , 
plus  le  défavantage  devient  fenfible.  z°.  Il 
eft  imprudent  d'employer  dans  des  com- 
*  merces  éloignés  6c  rifquables ,  les  capitaux 


•^11  C  O  M 

dont  les  rerenus  ne  font  point  fuperflus  à  la 
fubfîftancei  car  fi  les  intérefles  retirent 
annuellement  ou  leurs  bénéfices,  ou  fim- 
plement  leurs  intérêts  à  un  taux  un  peu 
confidérable  ,  les  pertes  qui  peuvent  (ur- 
A'enir  retombent  immédiatement  fur  le  capi- 
tal j  ce  capital  lui-même  fe  trouve  quel- 
quefois déjà  diminué  par  les  dépenfes  ex- 
traordinaires des  premières  années  ;  les  opé- 
rations languiflènt  ou  font  timides  ;  le  plan 
projeté  ne  peut  être  rempli ,  &  les  béné- 
fices feront  certainement  médiocres ,  même 
avec  du  bonheur.  3°.  Tout  projet  qui  ne 
préfente  que  des  profits ,  eft  drelTé  par  un 
homme  ou  peu  fage,  ou  peu  iincere. 
4°.  Une  excellente  opération  de  commerce 
crt  celle  où ,  fuivant  le  cours  ordinaire  des 
événemens ,  les  capitaux  ne  courent  point 
de  rifquc.  5°.  Le  gain  d'un  commerce  eft 
prefque  toujours  proportionné  à  Pincerti- 
tude  du  fuccès  ;  &  Popération  eft  bonne , 
fi  cette  proportion  eft  bien  claire.  6°.  Le 
choix  des  lu  jets  qui  doivent  être  chargés 
de  la  conduite  d'une  entreprife ,  eft  le  point 
le  plus  effentiel  à  fon  fuccès.  Tel  eft  capa- 
ble d'emibraller  la  totalité  des  vues ,  &c  de 
diriger  celles  de  chaque  opération  particu- 
lière à  l'avantage  commun  ,  qui  réullira 
très-mal  dans  les  détails  ;  l'aptitude  à  ceux- 
ci  marque  du  talent ,  mais  louvent  ne  mar- 
que que  cela.  On  peut  fans  lavoir  le  com- 
merce s'être  enrichi  par  fon  moyen  j  Ci  les 
loix  n'étoient  point  chargées  de  formalités , 
un  habile  négociant  feroit  fùrement  un  bon 
juge;  il  feroit  dans  tous  les  cas  un  grand 
financier,  mais  parce  qu'un  homme  fait 
les  loix ,  parce  qu'il  a  bien  adminiftré  les 
revenus  publics ,  ou  qu'il  a  beaucoup  gagné 
dans  un  genre  de  négoce ,  il  ne  s'enfuit  pas 
que  fon  jugement  doive  prévaloir  dans 
toutes  les  délibérations  de  commerce. 

On  n'a  jamais  vu  tant  de  plans  &  de 
projets  de  cette  efpece  ,  que  depuis  le  re- 
nouvellement de  la  paix  ;  &  il  eft;  remar- 
quable que  prefque  tous  ont  tourné  leurs 
vues  vers  Cadix ,  la  Martinique ,  &  Saint- 
Domingue.  Cela  n'exigeoit  pas  une  grande 
habileté  i  &  pour  peu  qu'on  eijt  voulu  rai- 
fonner  ,ilétoit  facile  de  prévoir  le  fort  qu'ont 
éprouvé  les  intéreftés.  Il  ena  réfulté  que  beau- 
coup plus  de  capitaux  font  fortis  de  ces  com- 
merces ^  qu'il  n'en  étoit  entré  d'excédans.  s 


C  O  M 

Si  l'on  s'étoit  occupé  à  découvrir  de 
nouvelles  mines ,  qu'on  eût  établi  de  foli- 
des  faélories  dans  des  villes  moins  con- 
nues ,  comme  à  Naples ,  à  Hambourg  ;  fi  des 
compagnies  avoient  employé  de  grands  ca- 
pitaux, fagement  conduits  dans  le  com- 
merce de  la  Louifiane  ou  du  Nord  ;  fi 
elles  avoient  formé  des  entreprifes  dans  nos 
Antilles  qui  en  font  fufceptibles ,  comme  à 
la  Guadeloupe,  à  Cayenne  ,  on  eût  bien- 
tôt reconnu  qu'il  y  a  encore. plus  de  gran- 
des fortunes  lolides  à  faire  dans  les  bran- 
ches de  commerce  qui  ne  font  pas  ouver- 
tes ,  qu'il  n'en  a  été  fait  jufqu'à  préfent. 
Les  moyens  de  fubfiftance  pour  le  peuple  Se 
les  reflburces  des  familles ,  euftent  doublé 
en  moins  de  dix  ans. 

Ces  détails  ne  feroiefit.  peut-être  pas 
faits  pour  un  dictionnaire  ordinaire  ;  mais 
le  but  de  l'encyclopédie  eft  d'inftruire ,  &c 
il  eft  important  de  difculper  le  commerce 
des  fautes  de  ceux  qui  l'ont  entrepris. 

Les  compagnies  ou  communautés  privi- 
légiées ,  font  celles  qui  ont  reçu  de  l'état 
un  droit-  ou  des  faveurs  particulières  pour 
certaines  entreprifes  ,  à  l'exclulion  des  au- 
tres fujets.  Elles  ont  commencé  dans  des 
temps  de  barbarie  &  d'ignorance,  où  les 
mers  étoient  couvertes  de  pirates ,  l'art  de 
la  navigation  groftfier  8c  incertain ,  &  où 
l'ufàge  des  aflurances  n'étoit-  pas  bien  con- 
nu. Alors  il  étoit  néceftaire  à  ceux  qui 
tenoient  la  fortune  au  milieu  de  tant  de 
périls ,  de  les  diminuer  en  les  partageant , 
de  ie  foutenir  mutuellement ,  de  de  Ce  réu- 
nir en  corps  politique.  L'avantage  que  les 
états  en  retiroient ,  fit  accorder  des  encou- 
ragemens  ôc  une  protection  fpéciale  à  ces 
corps  ;  enfuite  les  befoins  de  ces  états  & 
l'avidité  des  marchands,  perpétuèrent  in- 
fenfiblement  ces  privilèges ,  fous  prétexte 
que  le  commerce  ne  pouvoir  fe  faire  autre- 
ment. 

Gc  préjugé  ne  fe  diffipa  point  entière- 
ment à  mefure  que  les  peuples  fe  poli- 
çoient ,  &c  que  les  connoiflànces  humaines 
fe  perfed:ionnoient  ;  parce  qu'il  eft  plus 
commode  d'imiter  que  de  raifomier  :  & 
encore  aujourd'hui  bien  des  gens  penfent 
que,  dans  certains  cas,  il  eft  utile  de rcf- 
treindre  la  concurrence. 

Un  de  ces  cas  particuliers  que  l'on  cite, 

eft 


C  OM 

eft  celui  d'une  entreprife  nouvelle ,  rlfqui- 
ble  ou  coûteufe.  Tout  le  monde  convien- 
dra fans  douce  que  celles  de  ce  genre  de- 
mandent des  encouragemens  ôc  des  grâces 
particulières  de  1  état. 

Si  ces  grâces  ôc  ces  encouragemens  font 
des  exemptions  de  droits,  il  elt  clair  que 
Tctat  ne  perd  rien  à  ce  qu^un  plus  grand 
nombre  de  fujets  en  profite  ,  puifque  c*t:î\: 
une  induftrie  nouvelle  qu'il  favorite.  Si  ce 
font  des  dépenfès  ,  des  gratifications ,  ce 
qui  eft  le  plus  sûr  ôc  même  indilpenfable , 
on  fent  qu'il  réfulte  trois  conféquences 
abfolues  de  la  concurrence.  La  première, 
qu'un  plus  grand  nombre  s'enrichiflànt , 
les  avances  de  l'état  lui  rentrent  plus  sûre-  ■ 
ment ,  plus  promptement.  La  féconde , 
que  rétabliflement  fera  porté  plutôt  à  la 
perfection ,  qui  eft  l'objet  des  dépenfes ,  à 
mefure  que  de  plus  grands  efforts  y  contri- 
bueront. La  troifieme ,  que  ces  dépenfes 
cefîeront  plutôt. 

Le  leâ:eur  fera  mieux  inftruit  fur  cette 
matière ,  en  mettant  fous  les  yeux  le  fenti- 
ment  d'un  des  plus  habiles  hommes  de  l'An- 
gleterre dans  le  commerce  ;  je  parle  de  M. 
Jofias  Child ,  au  ch.  iij  d'un  de  fes  traités, 
intitulé  Trade,  and  intereji  of  money  conji- 
dered. 

Perfbnne  n'eft  en  droit  de  fe  flatter  de 
penfer  mieux  ;  ^  ce  que  je  veux  dire,  fou- 
tenu  d'une  pareille  autorité  ,  donnera  moins 
de  prife  à  la  critique.  Il  eft  bon  d'obferver 
que  l'auteur  écrivoit  en  1669  ,  ôc  que  plu- 
sieurs chofes  ont  changé  depuis  ;  mais  pref^ 
que  toutes  en  extenfîon  de  Tes  principes. 

*'  Nous  avons  parmi  nous,  dit  M.  J. 
Child  ,  deux  fortes  de  compagnies  de  com- 
merce. Dans  les  unes ,  les  capitaux  font  réu- 
nis comme  dans  la  compagnie  des  indes 
orientales;  dans  celle  de  la  Morée,  qui 
eft  une  branche  de  celle  de  Turquie  ;  ôc  dans 
celle  de  Groenland ,  qui  eft  une  branche  de 
la  compagnie  de  Mofcovie.  Dans  les  autres 
aflbciations  ou  compagnies  de  commerce ,  les 
particuliers  qui  en  font  membres  trafiquent 
avec  des  capitaux  féparés,  mais  fous  une 
direction  &  des  règles  communes.  C^eft  ainfi 
que  fe  font  les  commerces  de  Hambourg , 
de  Turquie ,  du  Nord  &  de  Mofcovie. 

»  Depuis  plufieurs  années ,  on  difpute 

beaucoup  fur  cette  queftion ,  fàvoir,  s'il  eft 

Tome  nu 


COM  713 

utile  au  public  de  réunir  les  marchands  en 
corps  politiques. 

Voici  mon  opinion  à  ce  fujer. 

1°.  Les  compagnies  me  paroifïènt  abfôlu- 
ment  néceflàires  pour  faire  le  commerce  dans 
les  pays  avec  lefquels  S.  M.  n'a  point  d'al- 
liance, ou  n'en  peut  avoir ,  fbit  à  raifon  des 
diftances ,  foit  à  caufe  de  la  barbarie  des 
peuples  qui  habitent  ces  contrées,  ou  du  peu 
de  communication  qu'ils  ont  avec  les  princes 
de  la  chrétienté;  enfin  par-tout  oii  il  eft 
néceflaire  d'entretenir  des  forts  ôc  des  gar- 
nifons.  Tel  eft  le  cas  des  commerces  à  la  côte 
d'Afrique  ôc  aux  Indes  orientales. 

"  2°.  Il  me  paroît  évident  que  la  plus 
grande  partie  de  ces  deux  commerces  doit 
être  faite  par  une  compagnie  dont  les  fonds 
foient  réunies.  »  {Depuis  ce  temps  les  Anglais 
ont  trouvé  le  fecret  de  mettre  d'accord  la. 
liberté  &  la  proteclion  du  commerce  à  la  cotc^ 
d'Afrique.  Voye^^  Grande-Bretagne  ,foit 
commerce.  ) 

"  3°.  Il  me  paroît  fort  difficile  de  décider 
qu'aucune  autre  compagnie  decommerce  privi- 
légiée ,  foit  utile  ou  dommageable  au  public. 

»  4°.  Je  ne  laifîe  pas  de  conclure  en  géné- 
ral ,  que  toutes  les  reftridions  de  commerce 
font  nuifibles  ;  ôc  conféquemment  que  nulle 
compagnie  quelconque  ,  foit  qu'elle  trafique 
avec  des  capitaux  réunis  ou  fîmplement  fous 
des  règles  communes ,  n'eft  utile  au  public  , 
à  moins  que  chaque  fujet  de  S.  M.  n'ait  en 
tout  temps  la  faculté  de  s'y  faire  admettre  à 
très-peu  de  frais.  Si  ces  frais  excédent  au 
total  la  valeur  de  vingt  Uvres  fterlings ,  c'eft 
beaucoup  trop  ,  pour  trois  raifons. 

»  La  première ,  parce  que  les  HoUandois 
dont  le  commerce  eft  le  plus  florifîànt  en 
Europe ,  ôc  qui  ont  les  règles  les  plus  fûres 
pour  s'enrichir  par  fbn  moyen ,  admettent 
librement  ôc  indifféremment ,  dans  toutes 
leurs  aftociations  de  marchands  ôc  même 
de  villes,  non  feulement  tous  les  fujets  de 
l'état ,  mais  encore  les  juifs  Ôc  toutes  fortes 
d'étrangers. 

La  féconde ,  parce  que  rien  au  monde  ne 
peut  nous  mettre  en  état  de  foutenir  la  con- 
currence des  HoUandois  dans  le  commerce, 
que  l'augmentation  des  commerçans  ôc  des 
capitaux  ;  c'eft  ce  que  nous  procurera 
une  entrée  libre  dans  les  communautés 
qui  s'en  occupent.  Le  grand  nombre  dps 

V  YV  T 


714  C  O  M 

hommes  &  la  richefle  des  capitaux  Tonr 
aufTî  néceflàires  pour  poulfcr  avantageufe- 
ment  un  commerce,  que  pour  faire  la 
guerre. 

Troifiémement ,  le  feulbien  qu'on  puifle 
efpércr  des  communautés  ou  aiîbciiitions , 
c'cH:  de  régler  &  dje  guider  le  commerce.  Si 
Ton  rend  libre  l'entrée  à  des  compagnies  , 
es  membres  n'en  feront  pas  moins  loumis 
à  cet  ordre  qu'on  veut  établir;  ainfi  la 
nation  en  retirera  tous  les  avantages  qu'elle 
a  pu  fè  promettre. 

Le  commerce  du  Nord  consomme ,  ou- 
tre une  grande  quantité  de  nos  produdions , 
une  infinité  de  denrées  d'Italie  ,  d'Efpagne, 
du  Portugal  &  de  France.  Le  nombre  de 
nosnégocians  qui  font  ce  commerce,  cft 
bien  peu  de  chofe,  fi  nous  le  comparons 
avec  le  nombre  des  négocians  qui ,  en  Hol- 
lande ,  font  le  même  commerce.  Nos  négo- 
cians du  Nord  s'occupent  principalement 
de  ce  commerce  au  dedans  &  au  dehors,  & 
conféquemment  ils  font  bien  moins  au  fait 
de  ces  denrées  étrangères  ;  peut-être  même 
ne  font-ils  pas  afTez  riches  pour  en  enirc- 
Çrendre  *le  négoce.  Si  d'un  autre  côté  on 
iait  attention  que ,  par  les  chartes  de  cette 
compagnie  ,  nos„  autres  négocians  qui  con- 
lîoiflènt  parfaitement  bien  les  denrées  d'I- 
talie ,  d'Èrpagne ,  du  Portugal  &  de  France , 
font  exclus  d'en  faire  commerce  dans  le 
Nord  ;  ou  qu'au  moins,  s''ils  reçoivent 
permiffion  de  hicompagnieà'y  en  envoyer, 
ils  ne  l'ont  pas  d'en  recevoir  les  retours  , 
il  fera  facile  de  concevoir  que  les  HoUan- 
dois  doivent  fournir  par  préférence  le  Da- 
neiiiark ,  la  Suéde  &  toutes  les  côtes  de  la 
mer  Baltique,  de  ces  mêmes  denrées  étran- 
gères. C'eft  ce  qui  arrive  réellement.  Quoi- 
que les  Hollandois  n'aient  point  de  com- 
pagnies  du  Nord ,  ils  y  font  dix  fois  plus  de 
commerce  que  nous. 

Notre  commerce  en  Portugal ,  en  Ef- 
pagne ,  en  Italie ,  n'eft  point  en  compagnies  y 
&  il  eft  égal  à  celui  que  la  Hollande 
fait  dans  ces  pays ,  s'il  n'eft  plus  coniî- 
dérable.  » 

(  Si ,  dans  cette  pojition  des  chofes ,  le  com- 
merce de  V Angleterre  était  égal  à.  celui  de 
la  Hollande  dans  les  pays  qu'on  vient  de  nom- 
mer ,  /■/  ejî  évident ,  ou  que  ce  commerce  eût 
€ugmsnte  par  la  liberté  de  la  navigation  du 


CO  M 

Nord ,  ou  que  l'Angleterre  revendait  a  ta 
Hollande  une  partie  de  fes  retours  y  ^  fe  pri- 
vait ainji  d'une  portion  confidérable  de  leur 
bénéfice.  C'eji  l'effet  de  toutes  les  navigations 
rejîreintes ,  parce  que  les  grands  ajfortimens 
procurent  Jouis  de  grandes  ventes.  ) 

»  Nous  avons  des  compagnies  pour  le 
commerce  de  la  Ruilie  &  du  Groenland  ; 
mais  il  eft  prefque  entièrement  perdu  pour 
nous ,  &  nous  n'y  en  faifons  pas  la  quaran- 
tième partie  autant  que  les  Hollandois ,  qui 
n'ont  point  eu  recours  aux  compagnies  pour 
rétablir. 

De  ces  faits  il  réfulte  , 
.     1°.  Que  les  compagnies  reftreintes  &  limi- 
tées ne  font  pas  capables  de  conferver  oa 
d'accroître  une  branche  de  commerce. 

2°.  Qu'il  arrive  que  des  compagnies  limi- 
tées ,  quoiqu'établies  &  protégées  par  l'état, 
font  perdre  à  la  nation  une  branche  de  fou 
commerce. 

3°.  Qu'on  peut  étendre  avec  fuccès  notre 
commerce  dans  toute  la  chrétienté,  fans 
établir  de  com.pagnies. 

4°.  Que  nous  avons  plus  déchu ,  ou  fî 
l'on  veut,  que  nous  avons  fait  moins  de 
progrès  dans  les  branches  confiées  à  desco^- 
pagnies  limitées ,  que  dans  celles  où  tous  les 
fujets  de  S.  M.  indifféremment  ont  eu  la 
liberté  du  négoce. 

On  fait  contre  cette  liberté  divcrfes 
objeétions,  auxquelles  il  eft  facile  de  ré- 
pondre. '> 

Première  objection.  Si  tous  ceux  qui 
veulent  faire  un  commerce  en  ont  la  liberté  , 
il  arrivera  que  de  jeunes  gens ,  des  détaillans , 
&  d'autres  voudront  s'ériger  en  marchands , 
leur  inexpérience  caufera  leur  ruine  &  por- 
tera préjudice  au  commerce  ,  parce  qu'ils 
achèteront  cher  ici  pour  vendre  à  bon  mar- 
ché dans  Tétranger  ;  ou  bien  ils  achèteront 
à  haut  prix  les  denrées  étrangères ,  pour  les. 
revendre  à  leur  perte. 

'»  A  cela  je  réponds,  que  c'eft  une  affaire 
perionnelie ,  oii  chacun  doit  être  fon  propre 
tuteur.  Ces  perfonnes,  après  tout,  ne  fe- 
ront dans  les  branches  de  commerce  qui 
font  aujourd'hui  en  compagnies  ^  que  ce 
qu'elles  ont  fait  dans  celles  qui  font  ou- 
vertes à  tous  les  fujets.  Les  foins  des  légif^ 
lateurs  embraftènt  la  totalité  du  peuple», 
5c  lie  s'érendenr  pas  aux  affaires,  domeftï»' 


C  G  M 

ques.  Si  ce  qu^on  allègue  fe  trouve  vrai ,  ' 
que  nos  marchandifes  fe  vendront  au  de- 
hors à  bon  marché,  &  que  les  denrées 
étrangères  feront  données  ici  à  bas  prix  , 
jV  vois  deux  grands  avantages  pour  la 
nation.  " 

//  objeclion.  Si  la  liberté  eft  établie, 
les  boutiquiers  ou  détaillans  qui  reven- 
dent les  denrées  que  nous  importent  en 
retour  les  compagnies  ,  auront  un  tel  avan- 
tage dans  ces  commerces  fur  les  mar- 
chands ,  qu'ils  s'empareront  de  toutes  les 
affaires. 

"  Nous  ne  voyons  rien  de  pareil  en  Hol- 
lande ,  ni  dans  nos  commerces  libres  ;  tels 
que  celui  de  France,  de  Portugal,  d'Ef- 
pagne ,  d'Italie ,  &  de  toutes  nos  colonies  : 
de  plus ,  cela  ne  peut  arriver.  Un  bon  détail 
exige  des  capitaux  fouvent  confidérables ,  &: 
il  elt  d'une  grande  fuiettionj  le  commerce 
en  gros  de  fon  coté  revendique  les  mêmes 
foins  :  ain(î  il  eft  très-difficile  qu'un  homme 
ait  tout  à  la  fois  affez  de  temps  &  d'argent 
pour  fuivre  également  ces  deux  objets.  De 
pluiîeurs  centaines  de  détaillans  qu'on  a 
vu  entreprendre  le  commerce  étranger ,  il 
en  eft  très-peu  qui ,  au  bout  de  deux  ou 
trois  ans  d'expérience  ,  n'aient  renoncé  à 
l'une  de  ces  occupations  pour  s^adonner 
entièrement  à  l'autre.  Quoi  qu'il  en  fbit.  cette 
coniidération  eft  peu  touchante  pour  la 
nation ,  dont  l'intérêt  général  eft  d'acheter 
à  bon  marché ,  quel  que  foit  le  nom  ou  la 
qualité  du  vendeur;  Ibit  gentilhomme, 
négociant  ou  détaillant.» 

///  objeclion.  Si  les  boutiquiers  ou  au- 
tres gens  ignorans  dans  le  commerce  étran- 
ger ,  le  peuvent  Elire  librement ,  ils  néglige- 
ront l'exportation  de  nos  produétions ,  & 
feront  entrer  au  contraire  des  marchandifes 
étrangères ,  qu'ils  paieront  en  argent  pu .  en 
lettres  de  change  ;  ce  qui  fera  une  perte  évi- 
dente pour  la  nation. 

«  Il  eft  clair  que  ces  perfonnes  ont  comme 
toutes  les  autres ,  leur  intérêt  perfonnel  pour 
première  loi  ;  fi  elles  trouvent  de  l'avantage 
à  exporter  nos  productions ,  elles  le  feront  \ 
s'il  leur  convient  mieux  de  remettre  de  l'ar- 
gent ou  des  lettres  de  change  à  l'étranger , 
elles  n'y  manqueront  pas  :  dans  toutes  ces 
chofes^les  négocians  ne  fuivront  point  d'au- 
tres principes.  »* 


C  O  M  yif 

IV  objeclion.  Si  le  commefce  eft  libre , 
que  gagnera-t-on  par  l'engagement  de  fept 
années  de  fervices,  3c  par  les  femmes 
que  les  parens  paient  à  un  marchand  pour 
mettre  leurs  enfans  en  apprentiftàge  i  quels 
font  ceux  qui  prendront  un  tel  parti  ? 

»  Le  fervice  de  fept  années ,  &  Targenç 
que  donnent  les  apprentis ,  n'ont  pour  objet 
quel'inftrudion  de  la  jeunellè  qui  veut  ap- 
prendre l'art  ou  la  fcience  du  commerce  ,  ôc 
nonpasl'acquifition  d'un  monopole  ruineux 
pour  la  patrie.  Cela  eil:  fi  vrai ,  qu'on  con- 
tracte ces  engagemens  avec  des  négociant 
qui  ne  font  incorporés  dans  aucune  commu- 
nauté ou  compagnie  ;  ôc  parmi  ceux  qui  y 
font  incorporés ,  il  en  eft  auxquels  on  ne  vou- 
droit  pour  rien  au  monde  confier  des  appren- 
tis ;  parce  que  c'eft  la  condition  du  maître 
que  l'on  recherche ,  fuivant  fa  capacité,  fa 
probité,  le  nombre  ôc  la  nature  des  affaire» 
qu'il  fait,  fa  bonne  ou  fa  mauvaife  conduite , 
tant  perfonnelie  que  dans  fon  domcftique. 

y  objcâion.  Si  le  commerce  eft  rendu 
libre ,  ne  fera-  ce  pas  une  inj  uftice  manifeftô 
à  l'égard  des  compagnies  de  négocians,  qui  j 
par  eux-mêmes  ou  par  leurs  prédéceflcurs 
ont  dépenlé  de  grandes  fommes  pour  obte- 
nir des  privilèges  au  dehors  ,  comme  font  la 
compagnie  àt  Turquie  &  celle  de  Hambourg  ? 

„  Je  n'ai  jamais  entendu  dire  qu  aucune 
compagnie  fans  réunion  de  capitaux  ait  dé^ 
bourfe  d'argent  pour  obtenir  fes  privilèges , 
qu'elle  ait  conftruit  des  forterefîes ,  ou  faitla 
guerre  à  fes  dépens.  Je  fais  bien  que  la  com- 
pagnie de  Turquie  entretient  à  les  frais  un 
amballadeur  6c  deux  confuls;  que  de  temps 
en  temps  elle  eft  obligée  de  faire  des  préfens 
au  grand-feigneur ,    ou  à  fes   principaux 
officiers;  que  la  compagnie  de  Hambourg  eft 
également  tenue  à  l'encrctiende  fbnminiftre 
ou  député  de  cette  ville  :  auffi  je  penfe  qu'il 
feroit  injufte  que  des  particuliers  euftènt  la 
liberté  d'entreprendre  ces  négoces ,  fans  êtra 
fournis  à  leur  quote-part  des  charges  des  corn» 
pagnies  refpedlives.  Mais  je  ne  conçois  point 
par  quelle  raifon  un  fujet  feroit  privé  de  ces 
\  mêmes  négoces ,  en  fe  foamettant  aux  régle- 
1  mens  &  aux  dépenfes  communes  des  co/tz* 
'  pagnies  ,  ni  pourquoi  fon  aflbciation  devrsiC 
\  lui  coûter  fort  cher.  " 
I      Sixième  objeâion.    Si  Pentrée    des  com- 
'  pagnies  eu,  libre,  elles  fe  rempliront  de  boUti» 

V  V  y  V   X 


71^  C  O  M 

quiers  à  un  tel  point ,  qu  ils  auront  la  plura- 
lité des  fufFragés  dans  les  aflemblées  :  par 
ce  moyen  les  places  de  direéteurs  &  d'affii- 
taijs  feront  occupées  par  des  pcrfonnes  inca- 
pables ,  au  préjudice  des  affaires  communes. 

y>  Si  ceux  qui  font  cette  abjedion  font  né- 
gocians ,  ils  lavent  combien  peu  elle  eft  fon- 
dée :  car  c'eft  beaucoup  fi  une  vingtaine  de 
détaillans  entrent  dans  une  année  dans  une 
flHbciation  ;  &  ce  nombre  n  aura  pas  l'ni- 
fîuence  dans  les  éledions.  S'il  sVn  préfente 
un  plus  grand  nombre  ,  c'eft  un  bonheur 
pour  la  nation ,  &  ce  n'eft  point  un  inal  pour 
les  compagnies;  car  l'intérêt  eft  l'appât  com- 
mun de  tous  les  hommes  ;  car  ce  même 
intérêtconimun  fait  defirer  à  tous  ceux  qui 
s'engagent  dans  un  commerce  ,  de  le  voir 
réglé  &  gouverné  par  des  gens  fages  &  expé- 
rimentés. Les  vœux  fe  réuniront  toujours 
pour  cet  objet  j  &:  la  compagnie  des  Indes 
en  fournit  la  preuve,  depuis  que  tout  An- 
glois  a  pu  y  entrer  en  achetant  une  adion , 
&  en  payant  cinq  livres  pour  fon  aflbcia- 
tion.  Les  contradideurs  fur  cette  matière 
ont  dû  fe  convaincre  que  la  compagnie  a  été 
appuyée  fur  de!  meilleurs  fondemens,  & 
infiniment  mieux  gouvernée  que  dans  les 
temps  où  l'affociationcoûtoit  cinquante  livres 
fterlings. 

Le  hxcch  a  juftifié  cet  arrangement ,  puif- 
que  la  nouvelle  compagnie  étayée  par  des 
principesplus  profitables,  a  triplé  fon  capi- 
tal ;  tandis  que  Pancienne  plus  limitée  ,  a 
déchu  continuellement ,  enfin  s'eft  enfe- 
velie  fous  fes  ruines ,  quoique  commencée 
avec  plus  de  fuccès. ,, 

Ce  qui  regarde  les  diverfes  compagnies  de 
PEurope,  eft  renvoyé  au  commerce  decha- 
que  état.  Cet  article  ejl  de  M.\ .Y>.  F. 

La  règle  Je  Compagnie,  en  arithmétique , 
eft  une  règle  dont  l'ufage  eft  très-néccftàire 
pour  arrêter  les  comptes  entre  les  marchands 
Se  propriétaires  de  vaifl'eaux  ;  lorfqu'un 
certain  nombre  de  perfonnes  ayant  fait 
enfemble  un  fonds,  on  propofe  de  parta- 
ger le  gain  ou  la  perte  proportionnellement 
entre  eux. 

La  règle  de  trois  répétée  plufieurs  fois  eft 
le  fondement  de  la  règle  de  compagnie ,  & 
Satisfait  pleinement  à  toutes  les  queftions  de 
cette  efpecc  ;  car  la  mife  de  chaque  parti- 
culier doit  être  à  fa  part  du  gain  ou  de  h 


C  O  M 

perte ,  comme  le  fonds  total  eft  à  la  perte , 
ou  au  gain  total  :  donc  il  faut  additionner  les 
différentes  fommes  d'argent  que  les  affociés 
ont  fournies,  pour  en  faire  le  premier  terme  ; 
le  gain  ou  la  perte  commune  fera  le  fécond  j 
chaque  mife  particulière  "fera  le  troifieme  ; 
&  il  faudra  répéter  la  règle  de  trois  autant  de 
fois  qu'il  y  a  d'aflociés. 

Cette  règle  a  deux  cas  :  il  y  a  différens 
temps  à  obierver ,  oii  il  n'y  en  a  point. 

La  règle  de  compagnie ,  fans  difîindtion  de 
temps ,  eft  celle  dans  laquelle  on  ne  confî- 
dere  que  la  quantité  de  fonds  que  chaque 
aftbcié  a  fourni ,  fans  avoir  égard  au  temps 
que  cet  argent  a  été  employé ,  parce  que  l'on 
fuppofe  que  tous  les  fonds  ont  été  mis  dans 
le  même  temps.  Un  exemple  rendra  cette 
opération  fecile. 

A ,  B  ,  &  C  ,  ont  chargé  un  vaiffeau  de 
212  tonneaux  de  vin^  A  a  fourni  1342  liv. 
B  1178  liv.  &  C  630  liv.  toute  la  cargai- 
fon  eft  vendue  à  raifon  de  5  2  liv.  chaque 
tonneau.  0\\  demande  combien  il  revient  à 
chacun. 

Trouvez  le  produit  entier  du  vin  en  mul- 
tipliant 212  par  32,  qui  revient  à  6784  liv. 
enfuite  ajoutant  enfemble  les  mifes  particu- 
lières 1342  liv,  ,1178  &  630  liv.  qui  fonc 
3150  liv.  l'opération  fera 

/'1342  eft  à  2890. 

3150:678^4  ^  1 178  eft  à  2537. 
(   630  eft  à  1 356. 


Preuve 3150 


6783. 
Chambers.  {E) 


La  raifon  pour  laquelle  on  n'a  point  d'é- 
gard aux  temps  dans  cette  règle ,  c'eft  qu'é- 
tant le  même  pour  chaque  mife ,  il  doit  in- 
fluer également  fur  le  gain  ou  la  perte  que 
chacune  doit  porter.  Mais  il  n'en  eft  pas  de 
même ,  lorfque  le  temps  de  chaque  mife  clt 
différent. 

C'eft  ce  qu'on  appelle  règle  de  compagnie 
par  temps ,  &  qu'il  eft  bon  d'expliquer  avec 
clarté ,  d'autant  que  plufieurs  de  ceux  qui 
en  ont  parlé  y  ont  laiffé  des  difficultés.  Sup- 
pofoHS  deux  particuliers  que ,  pour  plus  de 
facilité  ,  je  diftinguerai  par  A  èc  par  B  ,  qui 
aient  fait  enfemble  une  lociété.  L'un  met 
au  premier  janvier  la  fomme  a ,  &  au  pre- 
mier avril  la  fbnime3;  le  fécond  mer  aa 
premier  janvier  la  fommc  e,  au  premier 


COM 

juillet  la  fomme  d  ;  &  au  bout  de  quinze 
mois ,  il  leur  vient  la  fomme  e ,  qu  il  faut 
partager  entre  eux.  On  demande  de  quelle 
manière  on  la  doit  partager. 

Il  eft  évident  que  la  mife  de  chacun  doit 
être  regardée  comme  un  fonds  qui  travaille 
pendant  tout  le  temps  qui  s'écoule  depuis 
cette  mife  jufqu'au  temps  du  profit  j  que  par 
conféquent  on  peut  la  regarder  comme  de 
l'argent  placé  à  un  certain  denier  x ,  dont  la 
quantité  dépend  de  la  fomme  e.  De  plus ,  ce 
denier  doit  être  le  même  pour  chacun  des 
intérelTés ,  il  n'y  aura  que  le  plus  ou  moins 
de  temps  qui  fera  varier  le  profit;  enforte 
que  Cl  X  acù:  le  denier  xde  a  pour  un  mois , 
X  5  ,  X  c  y  X  d  y  feront  aufïl  le  denier  de  3  c , 
ôcc.  pour  uij  mois. 

Il  faut  favoir  maintenant  fur  quel  pié 
l'intérêt  doit  être  envifagé  ici ,  s'il  eft  fimple 
ou  compofé.  Fby.  Intérêt.  C'eft  unechofe 
qui  dépend  uniquement  de  la  convention 
entre  les  intéreflés.  C'eft  ce  qu'on  a  déjà  fait 
fentir  à  Vartkle  Arrérages  ,  ôc  qui  fera  ex- 
pliqué plus  en  détail  à  Vartick  Intérêt. 
On  regarde  ordinairement  l'intérêt  comme 
fimple  dans  ces  fortes  de  calculs  ;  nous  allons 
d'abord  le  confidércr  fous  ce  point  de  vue. 

1°.  Suppofons  que  l'intérêt  foit  fimple  , 
que  X  foit  le  denier  de  la  fomme  a  pour  un 
mois ,  il  eft  certain  que  la  fomme  a^  mife  au 
1*"^  janvier ,  doit ,  au  bout  des  quinze  mois , 
produire  a  (i-hi5A:);quela  fomme  b  mife 
au  i"  avril ,  &  travaillant  pendant  douze 
mois ,  doit ,  au  bout  des  douze  mois ,  pro- 
duire (  I  + 12.  -3^  )  j  que  la  fomme  c  mife  au 
premier  janvier  produira  c  {i-^-i^  x)\  &c 
que  la  fomme  d  mife  au  premier  j  uillet,&  tra- 
vaillant pendant  neuf  mois ,  doit  produire 
^  (  I  +  9  ;c).  Or  CCS  quatre  quantités  mifes 
enfembie  doivent  être  égales  à  la  fomme  re- 
tirée e.  Donc  a  +  3-|-c+if+ 15  ûAT-i- iz 
3^;+  15  cx-\-  <)  dx'=e. 

e-a-b  —  c~  d 

Donc  X  =  ,7Tr7zT+T77TM' 

Donc  la  fomme  a-^i^ax-^-B-^iiBx 

gagnée  par  le  premier  fera 

a4-  i  +  if  ae  -  i'i  a  a  —  iK  ha  -  i^  ae  -  l^  a  d 
T.  ir      llf+lib+îTcTTd 

+  TTTTTTm-TTTTTÏ ^  laquelle  fera 

isae~-îba-6a  ,     iiif  +  j  abi^  bc-^jàb 


C  O  M 


7^ 


de^z  (i-f-  i5.r),ilfaudraû(i4-;«:)'5,  Ce, 
&  l'on  auraa  (  i-hx)''  +  3  (  i  -f-or)'*  -h  ;; 
(i-^-x)"  -{-  d(i^xy=^e.  Equation 
beaucoup  plus  difficile  à  réfoudre  que  la 
précédente ,  mais  dont  on  peut  venir  à  bouc 
par  approximation. 

Il  me  femble  que  dans  les  règles  de  com- 
pagnie on  devroit  traiter  l'intérêt  comme 
compofé  ;  car  tout  intérêt  eft  tel  par  fa  na- 
ture, à  moins  qu'il  n'y  ait  entre  les  inté- 
reflés une  convention  formelle  du  contraire  i 
vojc:i[;  Intérêt  &  Arrérages.  Mais  il  fem- 
ble que  l'ufage  ,  fans  qu'on  fâche  trop  pour- 
quoi y  eft  de  regarder  l'intérêt  comme  fimple 
dans  ces  fortes  d'aflbciations. 

Quand  le  temps  des  mifes  eft  égal  y  alors, 
foit  qu'on  regarde  l'intérêt  comme  fimple 
ou  comme  compofé ,  il  eft  inutile  d'avoir 
égard  au  temps.  En  effet ,  fuppofons  que  les 
deux  mifes  foient  a  &c  c  y  on  a  dans  le  pre- 
mier cas  û  (  1  -h  1 5  ;,:)  +  c  (  I  4-  1 5  a:)  =  e; 
onc  X  == ; ÔC 


t= 


c+9<i"^ 


IÇ  d  +12*  +15  c  +9 

ÔC  ainfi  des  autres. 
Si  l'intérêt  eft  compofé,  en  ce  cas,  au  lieu 


1  s  a  +  M  c 

i<;  aa-^^1^  ac  +  ii;  ae-  i<;  aa  ~  i^  ae 
a-i-  li  ax= — -T — 

=  j^  i  d'où  l'on  voit  que  le  gain  de  a  eu.  h. 
la  mile  comme  le  gain  total  e  eft  à  la  mife 
totale  a-\-Cy  ainfi  que  le  donne  la  règle  de  com- 
pagnie y  OÙ  l'on  n'a  point  d'égard  au  temps. 

Si  l'intérêt  eft  compofé, on  aura  a{\'\-x"'') 
H-  c  (  I  4-  a:''  )  =  e  ;    donc  (  i  +  x)'' 

~fl"T^  >  doncfl(i  +  i5;i:)"  =f^^  :>  ce 
qui  donne  encore  la  même  analogie. 

Il  y  a  cependant  une  obfervation  à  faire 
dans  la  règle  de  compagnie  par  temps ,  quand 
l'intérêt  eft  fimple.  Je  fuppofe  ,  comme  ci- 
deffus  ,  que  l'intéreflé  A  mette  a  au  mois  de 
janvier  &  3  au  mois  d'avril ,  il  eft  évident 
qu'au  premier  avril  û  (  i  -f-  3  a:  )  exprimera 
ce  que  l'intéreflé  A  doit  retirer  ,  ou  plutôt 
fa  véritable  mife  ;  &  cette  mife  étant  aug- 
mentée de  by  on  aura  a{i^3,x)'^b  pour 
fà  mife  au  premier  avril.  Or  cette  mife 
étant  multipliée  par  (  i  -f-  iz  :r)  donnera 
[^(1+5  x-f-3]x(i-f-izj;)  pour  la 
mife  totale  de  A  à  la  fin  des  quinze  mois , 
ce  qui  diffère  àQa-\-\^ax-{~b'^iibx 
qu'on  a  trouvé  ci-deifus  pour  la  mife  totale 
de  A,  puifquè  cette  mife  eft  plus  petite  de  la 
quantité  3  bax  x  ;  comment  accorder  tout 
cela  î  çn  voici  le  dénouement. 


7i8  C  O  M 

Tout  dépend  ici  de  la  convention  mu- 
tuelle des  incérelîes  ;  c'eft  précifémen:  le 
même  cas  que  nous  avons  touché  dans  Var- 
ticle  Arrérages  ,  cii  fuppofant  que  le  dé- 
biteur rembourfe  au  créancier  une  partie 
de  Ton  dii.  En  multipliant  û  (  i  -4-  3  x  ;  par 
(  I  +  iz  ;r  ),  l'intérêt  celle  .d'être  limple  ri- 
goureuiement  parlant ,  puifque  l'intérêt  de 
a  qui  dcvroit  être  ly  <z  x ,  eft  15  ^  :r  +  3 
b  a  X  X.  C'eft  pourquoi  l'intérêt  étant  flip- 
pofé  fimple  ,  il  faut  prendre  ilmplement 
û  +  15  rfAT  -h  3  -f-  12.  ^^  pour  la  mile  de  A  , 
à  moins  qu'il  n'y  ait  entre  les  intéreflés  une 
convention  formelle  pour  le  contraire.  Cet 
inconvénient  n'a  pas  lieu  dans  le  cas  de 
Tintérêt  compofé  ;  car  a  (i  +  a:)  ''  -^r  b 
(i4-^)""ou[û(i-f-^)'47'^]-+-(i4-A:)" 
font  la  même  chofe  :  ce  qui  prouve  ,  pour 
le  dire  en  -patlànt ,  que  l'intérêt  doit  p  ir  fa 
nature  êtr^  regardé  comme  compofé ,  puif- 
qu  on  trouve  le  même  réfultat  de  quelque 
manière  qu'on  envifige  la  queftion. 

Si  l'un  des  intérellés  ,  par  exemple  B , 
retire  de  la  fociété  la  fomme/au  bout  de 
trois  mois  ,  alors  dans  le  cas  de  l'intérêt 
compofé  il  faudra  ajouter  à  la  mile  de  A 
la  fomme/  (  i  +  a:)  '\  &  retrancher  de  la 
mile  de  B  la  même  fommc ,  &:  achever  le 
calcul  ,  comme  ci  -  delTus  ,  en  faifant  la 
fomme  des  deux  miles  égale  à  e.  Si  l'intérêt 
cft  /impie ,  il  faudra  retrancher /(i  -\-iix') 
de  la  mife  de  B,  &  l'ajouter  à  la  mife  de  A  , 
ou  (fi  la  convention  entre  les  intérelfés 
clt  telle  )  il  faudra  prendre  pour  la  mife 
de  A  [a  (1  +  3  x)'\-f-\-b'\  (i  +  iza:)  & 
pour  celle  de  B  il  faudra  d'abord  prendre 
[c  (i  +  3  -v)  — /]  -H  [i  -i-  3  ^]  ;  ajouter  cette 
quantité  à  <f  ,  oc  multiplier  le  tout  par 
I  -f-  9  ;c ,  puis  faire  la  fomme  des  deux 
mifes  égales  à  e. 

Il  eft  évident  que ,  quel  que  foit  le  nombre 
des  intérellés ,  on  pourra  employer  la  même 
méthode  pour  trouver  le  gain  ou  la  perte  de 
chacun.  Ainfi  nous  n'en  dirons  pas  davan- 
tage fur  cette  matière.  Nous  aurions  voulu 
employer  un  langage  plus  à  la  portée  de  tout 
le  monde  que  le  langage  algébrique  ;  mais 
nous  aurions  été  beaucoup  plus  longs  ,  & 
beaucoup  moins  clairs  ;  ceux  qui  enten- 
dent cette  langue  n'auront  aucune  difficulté 
^  nous  fuivre. 

0\\  peut  rapporter  aux  règles  de  compagnie 


C-O  M 

ou  de  partage  cette  queftion  fouvent  agitée. 
Un  .père  en  mourant  lailfe  fa  femme  en- 
ceinte ,  &  ordonne  par  ion  tell:ament  que  (i 
fa  femme  accouche  d^in  hls ,  elle  partagera 
Ion  bien  avec  ce  fils ,  de  manière  que  la  part 
du  fils  foit  à  celle  de  la  m'ere  comme  akb  ^ 
&  que  fi  elle  accouche  d'une  fille  ,  elle  par- 
tagera avec  la  fille  ,  de  manière  que  la  part 
de  la  mère  foit  à  celle  de  la  fille  comme  cd,d. 
On  fuppofe  qu'elle  accouche  d'un  fils  & 
d'une  hlle ,  on  demande  comment  le  partage 
doit  fe  faire. 

Soit  A  le  bien  total  du  père ,  ^ ,  y  ,  :?  Jes 
parts  du  fils ,  de  la  mère  ,  &  de  la  fille.  Il 
eft  évident ,  1°.  que  a:  +  J  +  ^  =  -^  ;  i". 
que ,  fuivani  l'intention  du  teftateur  ,  x  doit 

être  à  y  comme  a  eft  à  ^.  Donc  y  =  ~  > 
3°.  que  fuivant  l'intention  du  même  tefta- 
teur ,  y  doit  être  à  -i^  comme  c  'k  d.  Donc 

d  y        db  X    -^  ,     b  X    ,    dbx  . 

7=  — == .Doac  a:  H Y-~~z=.A. 

«-  c  flc^  '       a  ac 

Equation  qui  lervira  à  réibudre  le  problême. 
Plufieurs  arithméticiens  ont  écrit  fur  cette 
queftion  qui  les  a  fort  em.b.irraftés.  La  rai- 
Ibn  de  leur  difficulté  étoit  qu'ils  vouloient 
la  réfoudre  de  manière  que  les  deux  parts 
du  fids  de  de  La  fille  fuflènt  entre  elles  comme 
a  eft  à  <f ,  &  qu'outre  cela  la  part  du  fils  fùc 
à  celle  de  la  mère  comme  ^  eft  à  ^ ,  ôc  celle 
de  la  mère  à  celle  de  la  fille  comme  c  eft  à 
d.  Or  cela  ne  peut  avoir  lieu  que  quand 
h=-  c.  Leur  difficulté  fe  feroit  évanouie  s'ils 
avoient  pris  garde  que  le  cas  du  fils  &  de 
la  fille  n'ayant  été  nullement  prévu  par  le 
teftateur ,  il  n'a  eu  aucune  intention  de  ré- 
gler le  partage  entre  le  fils  àc  la  fille  ,  c'cft 
uniquement  entre  le  fils  &  la  mère  ou  en- 
tre la  fille  &  la  mère  ,  qu'il  a  voulu  faire 
un  partage.  Auifi  ,  en  faifant  x  :  y  '.:  a  :  b  y 
&  y  :  :(^  :  :  c  :  d ,  on  a  fatisfait  à  la  queftion 
fuivant  l'intention  du  teftateur  ,  &  il  ne 
fmt  point  s'embarraller  du  rapport  qu'il 
doit  y  avoir  entre  a:  &  ;(.  Une  preuve  que 
ce  prétendu  rapport  eft  illufoire  ,  c'eft  que 
fi ,  au  lieu  du  rapport  de  c  à  ^ ,  on  mettoit 
celui  de  ne  à  n  d ,  qui  lui  eft  égal ,  il  fau- 
droit  donc  alors  que  x  de  :^,  au  lieu  d'être 
entre  eux  comme  ^  eft  à  d ,  fufiènt  entre  eux 
comme  aed  à.  nd.  Ainfi  comme  n  peut  être 
pris  pour  un  nombre  quelconque ,  la  quef- 
tion auroit  une  infinité  de  folutions ,  ce  qui 
feroit  ridicule.  {O) 


C  O  M 

^  COMPAGNON ,  r.  m.  Ce  dit  de  çeîui 
qui  en  accompagne  un  autre ,  foit  en  voya- 
ge ,  ibit  dans  un  travail ,  (oit  dans  quelque 
autre  action  pu  circonftance.  On  dit  compa- 
gnon de  fortune;  mais  il  déligne  particulière- 
ment dans  les  arts ,  ceux  qui ,  au  forcir  de 
leur  apprentiflage  ,  travaillent  chez  les  maî- 
tres ,  ïoit  à  la  journée  ,  foit  à  leurs  pièces.  Il , 
y  a  encore  les  compagnons  de  marine  ,  & 
compagnons  de  rivière  :  les  premiers  font  ma- 
telots de  l'équipage  ;  les  ieconds  font  ceux 
qui  travaillent  fur  les  ports  à  charger  ôc  dé- 
charger les  marchandilès. 

*  COMPAGNONAGE ,  f.  m.  (^m 
méch.  )  c'eft  le  temps  qu'il  faut  travailler 
chez  les  maîtres  avant  que  d'afpîrer  à  la 
maîtrife.  Ce  temps  varie  lelon  les  difFérens 
corps  de  métiers  j  il  y  en  a  même  où  l'on 
n'exige  point  de  compagnonage  :  alors  on  peut 
fe  préfenter  au  chef-  d'œuvre  immédiate- 
ment après  Papprentiflage. 

COMPAIR  ,  adj.  (i^fz//^^.)  corrélatif  de 
lui-même.  Les  tons  compairs  dans  le  plein- 
chant  ,  font  l'authente  ôc  le  plagal  qui  lui 
correfpond.  Ainli  le  premier  ton  eft  compair 
avec  le  fécond  ,  le  troiiieme  avec  le  qua- 
trième ,  &  ainiî  de  fuite  :  chaque  ton  pair 
eft  compair  avec  Pimpair  qui  le  précède. 
Fbye^ToNS  de  l'église,  {Mufiq.)  (S) 

CÔMPAN  ,  f.  m.  (  Comm.)  petite  mon- 
noie  d'argent  fabriquée ,  qui  a  cours  à  Patane 
&  dans  quelques  autres  endroits  des  Indes 
orientales.  Elle  vaut  argent  de  France  neuf 
fous  cinq  deniers  ;  &  quelquefois  elle  baille 
jufqu'à  quatre  deniers.  Fbye;^  les  diâionn. 
du  Com.  &  de  Trév. 

COMPARAISON,  f  f.  {Philof.log.) 
opération  de  l'efprit  dans  laquelle  nous  con- 
fidérons  diverfes  idées  pour  en  connoîrre 
les  relations  par  rapport  à  l'étendue ,  aux 
degrés,  au  temps,  au  lieu ,  ou  à  quelque  autre 
circonftance. 

Nous  comparons  en  portant  alternative- 
ment notre  attention  d'une  idée  à  Pau- 
tre ,  ou  même  en  la  fixant  en  même-temps 
fur  pluiieurs.  Quand  des  notions  peu  com- 
pofées  font  une  impreflîon  allez  fenfible 
pour  attirer  notre  attention  fans  efforu  de 
notre  part  ,  la  comparaifbn  n'eft  pas  diffi- 
cile :  mais  on  y  trouve  de  plus  grandes  diffi- 
cultés à  melure  qu'elles  fe  compofent 
davantage ,  &  qu'elles  font  uiie  impreilion 


COM  715^ 

plus  légère.  Elles  font ,  par  exemple ,  com- 
munément plus  aifées  en  géométrie  qu'en 
métaphyfique. 

Avec  le  fecours  de  cette  opération  de 
l'efprit ,  nous  rapprochons  les  idées  les  moins 
familières  de  celles  qui  le  font  davantage  j 
&  les  rapports  que  nous  y  trouvons  éta- 
bHflènt  entre  elles  des  liaifons  très-propres 
à  augmenter  ôc  à  fortifier  la  mémoire ,  l'ima- 
gination ,  &  par  contre-coup  la  réflexion. 

Quelquefois,  après  avoir  diftingué  plu- 
f  leurs  idées ,  nous  les  confidérons  comme  ne 
faifant  qu'une  même  notion  :  d'autres  fois 
nous  retranchons  d'une  notion  quelques- 
unes  des  idées  qui  la  compofent  j  c'eft  ce 
qu'on  nomme  compofer  ôc  décompofer  [es 
idées.  Par  le  moyen  de  ces  opérations  nous 
pouvons  les  comparer  fous  toutes  fortes  de 
rapports ,  &,en  faire  tous  les  jours  de  nou- 
velles combinaifons. 

Il  n'eft  pas  aifé  de  déterminer  jufqu'à  quel 
point  cette  faculté  de  comparer  le  trouve 
dans  les  bêtes  ;  mais  il  eft  certain  qu'elles  ne 
la  pollèdent  pas  dans  un  fort  grand  de- 
gré ,  ôc  qu'elles  ne  comparent  leurs  idées  que 
par  rapport  à  quelques  circonftances  ienli- 
bles  attachées  aux  objets  mêmes.  Pour  ce- 
qui  eft  de  la  puillance  de  comparer  qu'on 
obferve  dans  les  hommes  ,  qui  roule  fur  les 
idées  générales ,  ôc  ne  fert  que  pour  les  rai- 
fonnemens  abftraits ,  nous  pouvons  alfurer 
probablement  qu'elle  ne  fe  rencontre  pas- 
dans  les  animaux. 

Il  n'y  a  rien  que  l'efprit  humain  fafïè  Ct 
fou  vent  que  des  comparaifons  :  il  compare- 
les  fubftances  avec  les  modes  ;  il  compare 
les  fubftances  entre  elles  ,  ôc  les  modes  en- 
tre eux  ;  il  s'applique  à  démêler  ce  qu'ils  ont 
de  commun  d'avec  ce  qu'ils  ont  de  diffé- 
rent, ce  qu'ils  ont  de  liaifon  d'avec  ce  qu'ils 
ont  de  contrariété  ;  Ôc  par  tous  ces  exa- 
mens il  tâche  Je  découvrir  les  relations  que. 
les  objets  ont  entre  eux. 

Toute  comparaifon  roule  pour  le  moins- 
fur  deux  objets  ;  ôc  il  faut  1°.  que  ces  ob- 
jets que  l'on  compare  exiftent,  ou  puillènc 
exifter  :  car  l'impoffible  ne  fe  conçoit  pas  » 
ôc  fî  on  le  concevoir ,  il  ne  feroit  pas  impof^ 
fible  :  2°.  il  faut  avoir  l'idée  de  l'un  ôc  àe 
l'autre,  fans  quoi  l'efprit  ne  fauroit  ce  qu'iÊ 
feit  quand  il  hs  compare  ;  5°.  appacevoijf 


710  COM 

ces  deux  idées  d'un  feul  coup  ,  ôc  fe  les 
rendre  préfentes  en  même  temps. 

Quand  on  compare  ,  par  exemple  ,  deux 
pièces  de  monnoie ,  ou  on  les  regarde  l'une 
&  l'autre  d'un  feul  coup-d'ocil  ,  ou  Pon 
conferve  Pidée  de  la  première  qu'on  a  vue , 
ik  on  la  confulre  dans  le  temps  qu'on  jette 
les  yeux  fur  la  féconde  ;  car  il  Ton  n'avoit 
plus  d'idée  de  cette  première ,  il  ne  leroit 
j)as  poiTible  de  décider  li  elle  eft  égale  à  la 
ieconde ,  ou  iî  elle  en  diffère. 

Deux  objets  peuvent  nous  être  préfens  en 
même  temps  ,  fans  que  nous  les  compa- 
rions :  il  y  a  donc  un  aAe  de  l'efprit  qui 
fait  la  comparaifon  ;  &  c'eft  cet  ade  qui 
conftitue  Tedence  de  ce  qu'on  appelle  rela- 
tion y  rapport  ,  lequel  ade  eft  tout  entier 
chez  nous.  ^ 

Comme  en  comparant  des  objets  enfem- 
ble  ,  il  'règne  entre  eux  divers  rapports  de 
figure  ,  d'étendue ,  de  durée  j  &  d'autres 
accidens  ,  on  fe  fert  de  ces  rapports  en 
qualité  d'images  &:  d'exemples  pour  illuf- 
trer  i^s  penfées ,  foit  en  converlation ,  (bit 
par  écrit  :  mais  il  ne  faut  pas  leur  donner 
une  valeur  plus  étendue  ,  ni  prendre  les 
fimilitudes  pour  des  identités  j  ce  feroit  une 
fource  féconde  d'erreurs  &  de  méprifes , 
dont  on  doit  d'autant  plus  fe  garder ,  que 
nous  fommes  naturellement  difpofés  à  y 
donner  notre  acquiefcement.  Il  eft  commo- 
de à  l'efprit  humain  de  trouver  dans  une 
idée  familière,  l'image  relfemblantc  d'un 
objet  nouveau  :  voilà  pourquoi  ces  images 
qui  roulent  fur  les  rapports  lui  plaifent  j  & 
comme  il  les  aime  ,  parce  qu'elles  lui  épar- 
gnent du  travail ,  il  ne  fe  fatigue  pas  à  les 
examiner  ,  &  il  fe  perfuade  aifément 
qu'elles  font  exades.  Bientôt  il  fe  livre  aux 
charmes  de  cette  idée ,  qui  ne  peut  cepen- 
dant tendre  qu'à  gâter  le  jugement ,  &:  à 
rendre  l'efprit  faux. 

Quelquefois  même  ce  goût  à  chercher 
des  rapports  de  reffemblance  ,  fait  qu'on 
en  fuppofe  où  il  n'y  en  a  point ,  &  qu'on 
voit  dans  les  objets  tout  ce  que  l'imagina- 
tion préfente.  Mais  quand  on  ne  fuppofè- 
roit  rien  ,  quand  ces  reffemblances  exifte- 
roient ,  quelque  exades  qu'elles  puiflent  être 
entre  deux  objets  de  différente  efpece ,  elles 
»e  forment  point  une  identité  5  elles  ne  con- 
cluent donc  rien  en  matière  de  raifonne- 


C  O  M 

ment.  C'eft  pourquoi  la  logique  abandonne 
les  images,  les  reilemblances ,  à  la  rhétori- 
que &  à  la  poéiie  ,  qui  s'en  font  emparées 
fous  le  nom  de  comparaifons ,  pour  en  faire 
le  plus  brillant  ufage  ,  ainli  qu'on  le  verra 
dans  l'article  fuivant.  Cet  article  eft  de  M.  le 
chevalier  DE  Jaucoujlt. 

Comparaison,  f.  f.  {Rhét.  &  Poéf.) 
figure  de  rhétorique  &  de  poéfic  ,  qai 
fert  à  l'ornement  &c  à  l'éclaircilfement  d'un 
difcours  ou  d'un  poëme. 

Les  comparaifons  font  appelléespar  Longin, 
&  par  d'autre?  rhéteurs,  icônes,  c'eft-à-dire 
iraagçs  ou  reffemblances.  Telle  eft  cttt& 
image  ,  pareil  à  la  foudre ,  il  frappe,  Ôcc.  il 
fe  jette  comme  un  lion,  ôcc.  Toute  comparaifon 
eft  donc  une  efpece  de  métaphore.  Mais 
voici  la  différence.  Quand  Homère  dit 
quAc/iille  va  comme  un  lion ,  c'eft  une  corn- 
paraifcn  ;  mais  quand  il  dit  du  même  hé- 
ros, ce  lion  s' élançoit ,  c'eft  une  métaphore. 
Dans  la  comparaifon,  ce  héros  rclTèmble  a* 
lion  j  &  dans  la  métaphore  ,  le  héros  eft  u» 
lion.  On  voit  par-là  que  quoique  la  compa- 
raifon fe  contente  de  nous  apprendre  à  quoi 
une  chofe  reffemble ,  fans  indiquer  fa  na- 
ture ,  elle  peut  cependant  avoir  l'avantage 
au  deffus  de  la  métaphore,  d'ajouter,  quand 
elle  eft  jufte,  un  nouveau  jour  à  la  penfée. 

Pour  rendre  une  comparaifon  jufte  ,  il 
faut  1°.  que  la  chofe  que  l'on  y  emploie 
foit  plus  connue  ,  ou  plus  aifée  à  conce- 
voir que  celle  qu'on  veut  faire  connoître  * 
2°.  qu'il  y  ait  un  rapport  convenable  entre 
l'une  &  l'autre  :  5°.  que  la  comparaifon  foie 
courte  autant  qu'il  eft  pofïible  ,  &  relevée 
par  la  jufteffe  des  exprefîrons.  Ariftote  re- 
connoit  dans  fa  rhétorique  ,  que  fi  les 
comparaifons  font  un  grand  ornement  dans 
un  ouvrage  quand  elles  font  juftes ,  elles  le 
rendent  ridicule  quand  elles  ne  le  font  pas  : 
il  en  rapporte  cet  exemple  ;  fes  jambes  font 
tortues  ainfî  que  le  perjil. 

Non  feulement  les  comparaifons  doivent 
être  juftes  ,  mais  elles  ne  doivent  être  ni 
baffes,  ni  triviales,  niufées,  ni  miles  faHs 
néceflité  ,  ni  trop  étendues ,  ni  trop  fouv^nt 
répétées.  Elles  doivent  être  bien  choifies. 
On  peut  les  tirer  de  toutes  fortes  de  fujets  \ 
ôc  de  tous  les  ouvrages  de  la  nature.  Les 
doubles  comparaifons  qui  font  nobles  & 
bien  prifcs  ,  font  un  bel  e&t  en  poéfie  ; 

mais 


T  O  M 

maïs  en  profe  Ton  ne  doit  s'en  fervir  qu'îTvcc 
beaucoup  de  circonfpedion.  Les  curieux 
peuvent  s'inftruire  plus  amplement  dans 
Quintilien ,  liv.  V^  ch.  ij,  ù  liv.  VIII,  ch.  iij. 
Quoique  nous  adoptions  les  comparaifons 
dans  toutes  fortes  d'écrits  en  profe,  il  eft 
pourtant  vrai  que  nous  les  goûtons  encore 
davantage  dans  ceux  qui  tracent  la  peinture 
des  hommes,  de  leurs  pafïions,  de  leurs 
vices  &  de  leurs  vertus.  Article  de  M.  le 
chevalier  DE  Jaucourt. 

"  Comme  c'eft  à  la  belle  imagination  à 
faifir  &  à  fournir  les  fujets  de  comparaifon, 
écoutons  encore  là  -  defl'us  M.  de  Mar- 
montel.  »» 

Dans  la  comparaifon ,  tantôt  l'on  ne  voit 
l'objet  qa'^  travers  l'image  qui  l'enveloppe, 
tantôt  l'objet  fenfible^ar  lui-même  fe  ré- 
pète comme  dans  un  miroir. 

La  première  eipece  eft  ce  qu'on  appelle 
métaphore  ou  allégorie  ;  la  féconde  eft  plus 
proprement  limilitudc  ou  comparaifon. 

Le  mérite  de  la  comparaifon  eft.  dans  un 
rapport  imprévu  &  frappant.  Les  hommes 
ont  peur  de  la  mort ,  dit  Bacon ,  comme  les 
en  fans  ont  peur  des  ténèbres  (i).  La  fleur 
de  la  jeuneflè  Athénienne  ayant  péri  au 
fiegede  Syracuie,  Périclès  comparoir  cette 
perte  à  celle  que  feroit  Tannée  iî  on  lui 
ôtoit  le  printemps. 

L'intention  la  plus  commune  dans  l'em- 
ploi des  comparaifons ,  eft  de  rendre  l'objet 
plus  feniible. 

Lucain  veut  exprimer  le  refpedl  qu'avoir 
Rome  pour  la  vieillefle  de  Pompée  :  il  le 
compare  à  un  vieux  chêne  chargé  d'offrandes 
&  de  trophées.  "  Il  ne  tient  plus  à  la  terre 
que  par  de  foibles  racines,  ion  poids  feul 
Py  attache  encore  ;  c'eft  de  fon  bois,  non  de 
fon  feuillage ,  qu'il  couvre  les  lieux  d'alen- 
tour; mais  quoiqu'il  foit  prêt  à  tomber  fous 
le  premier  effort  des  vents ,  quoiqu'il  s'élève 
autour  de  lui  des  forêts  d'arbres  dont  la 
jeunefte  eft  dans  toute  fa  vigueur  ,  c'eft 
encore  lui  feul  qu'on  révère.  » 

Le  Tafîè  avoit  à  peindre  l'effet  des  char- 
mes d'Armide,  quoiqu'à  demi- voilés,  fur 

(i)  Lucrèce  l'avoit  dit  avant  lui: 

Ndm  veluti  pueri  trepihat ,  atçue  omnk  citcîs 
In  tenelrii  metuun:  ;  fie  nos  in  luce  rimcmus  , 
Inrerdutn  nihilè  quiPjunt  metuenda  mjg's  quam. 
QiL(e  pueri  in  tenebris  pavitant ,  fugianti^iu  furun. 

Tome  FIJI. 


C  O  M  721 

Pâme  des  guerriers  qui  la  virent  paroîtrc 
dans  le  camp  de  Godefroy. 

Comeper  aqua  oper  crijialo  intero 
Trapajfa  ilraggio,  e  non  divide ,  o  parte; 
Per  dentro  ilchiaro  manto  ofa  ilpenfuro 
Si  penetrar,  nella  vietata  parte. 
Ivifîfpa-^a^  ivi  contempla  il  ver  o. 

Si  la  comparaifon  peint  vivement  fon  ob- 
jet, c'eft  aflèz  :  il  n'eft  pas  befoin  qu  elle  le 
relevé  :  ainfi  cette  comparaifon  de  Moyfe  eft 
fublime,  quoiqu'au  deffous  de  fon  objet  : 
fîcut  aquilaprovocans  ad  volandum  pullosfuos 
&fuper  eos  voUtans^  expandit  alasfuas,  {Deus) 
&  ajfumpjît  eum  (  Jacob  )  atque  portavit  in 
humerisfuis.  Ainfi  ,  pourvu  que  les  fourmis 
&;  que  les  abeilles  nous  donnent  une  jufte 
idée  de  la  diligence  des  Troyens  &  de  l'in- 
duftrie  des  Tyriens ,  on  n'a  plus  rien  à  de- 
mander à  Virgile.  Tout  ce  qu'on  peut  exiger, 
c'eft  que  les  images  foient  nobles ,  c'efl-à- 
dire ,  que  l'opinion  commune  n'y  ait  point 
attaché  l'idée  fadice  de  balfelfe.  Mais  l'opi- 
nion change  d'un  fiecle  à  l'autre ,  6:  à  cet 
égard ,  le  iiecle  préfent  n'a  pas  droit  de  juger 
les  fiecles  palfés.  Si  l'on  a  raifon  de  reprocher 
à  Homère  &  à  Virgile,  d'avoir  comparé 
Ajax  &  Turnus  à  un  âne ,  ce  n'eft'  donc  pas 
à  caufe  de  la  balfeflè  de  ces  images;  car  ces 
poètes  fa  voient  mieu  x  que  nous  li  elles  éroient 
viles  aux  yeux  des  Grecs  &  des  Romains ,  &c 
leur  choix  fait  du  moins  préfumer  qu'elles 
ne  Pétoient  pas.  Mais  ce  qu'on  peut  défa- 
vouer,  c'eft  que  lobftination  de  Tâne  ne 
peint  qu'à  demi  l'acharnement  d'Ajax.  Ce 
que  l'ardeur  d'un  guerrier  a  de  fier ,  d'im- 
pétueux ,  de  terrible ,  n'y  eft  point  exprimé  : 
voilà  par  où  la  comparaifon  eft  défeélueufe. 
L'intention  du  poè'te  ,  en  employant  une 
image ,  n'eft  remplie  que  lorfque  tout  fon 
objet  s'y  fait  voir,  au  moins  dans  ce  qu'il 
a  de  relatif  aux  fentimens  qu'il  veut  exciter. 
Or ,  les  fentimens  qui  naiflènt  de  la  peinture 
des  combats ,  font  l'étonnement ,  la  pitié , 
la  crainte.  Il  eft  donc  décidé  par  la  nature 
même ,  &  indépendamment  de  l'opinion 
que  les  images  du  lion ,  du  tigre ,  de  l'aigle 
ou  du  vautour ,  rendent  mieux  l'adion  d'un 
guerrier  au  milieu  du  carnage ,  que  celle  de 
l'âne  qui  ne  peint  qu'une  patiente  ftupidité. 
Je  dis  la  même  chofe  de  la  comparaifon  d'A- 
mat  avec  un  fabot  que  fouette  un  enfiuit  : 

Xx  X  X 


712  C  O  M 

j'y  vois  la  rapidité  du  mouvement,  mah  ce 
n'eft  point  afltz  ;  &  Tcgarement  de  Didon  eft 
bien  mieux  rendu  par  Tirnage  de  la  biche  que 
le  chafîenr  a  bleflée,  &  qui,  courant  dans 
les  forêts,  empone  le  trait  mortel  avec  elle. 
C'eft  la  plénitude  de  Pidée  qui  fait  la  beauté 
de  la  comparai fun  ;  &,  en  fuppofant  même 
que  le  poëte  ne  voulût  que  rendre  <on  objet 
plus  fendble,  la  comparaifon  qui  l'embraflè 
le  mieux ,  eft  celle  qu'il  doit  préférer.  Je  lais 
qu'il  n'eft  pns  be^oii  que  l'image  présente 
toutes  les  faces  de  l'objet ,  mais  la  f^ce  qu'elle 
pr^^ente  doit  ^c  peindre  vivemem  />  Pefprit; 
&  c^eft  l  affo  bljr  que  d*en  retrancher  ce  qui 
en  f?it  la  force  ou  la  grâce. 

Une  épreuve  fùre  de  la  bonté  ou  du  v'ce 
des  ccw-  araifcn.y  c'eft  de  cacher  ie  premier 
terme,  &  de  demander  à  Tes  ji'ges  à  quoi 
refT(  mble  le  fécond.  Si  le  rapport  eft  jufte 
&  fenfible,  il  ^e  préfentera  naturellement. 
Qu'on  donne  à  lirt  n  un  homme  intelligent 

Ces  beaux, vers  de  l'ilnéide  : 

• 

Çualis ,  vhi  alrvpûs  fugii  prœfepia  vincUs , 
Tandem  Lber  equu<;^  campoquc  potitus  aperto , 
Autilleinpnfius^ai  meruaquetaditequarum; 
Aut  cjjuctus  aqaœ ,  pcrfundijlumine  noto 
Emicct ,  ai  récit  [que  fr  mit  ccrvicibiis  ahe 
Zuxurians  ,  ludunique  jubcc  per  colla ,  per 
armos. 

ou  ces  beaux  vers  de  la  Henriade  : 
Tel  qu'échappé  dufein  d*L  n  riant  pâturage  , 
Au  bruit  de  ta  trempette  animant  Ccn  courage , 

'Dans  les  champs  de  la  Thiace  un  courjicr 

orgueilleux , 
Indocile  y  inquiet ,  plein  d'un  feu  belliqueux^ 
Levant  les  crins  mouvons  ce  fu  J.eii  verbe , 
Impatient  du  frein ,  vok  ù  bondit  fur  l  herbe, 

OU  ceux  du  même  poëme  : 

-    Tels  aufnd  des  frets  pr'cipitant  l^urs  /7<z.c , 
Ces  animaux  hardi  -^nourri.'  pour  lesccmbats^ 
Fiers  efclàves  de  l'homme ,  &  nés  pour  le  car- 
nage , 

.  Trejfent  unfanglier,  en  raniment  la  rage  :■ 
Ignorant  le  danger^  aveugles ,  furieux , 
le  cor  excite  au  loin  leur  injlincl  belliqueux. 

on  n'aura  pas  befbin  de  lui  dire  que  ce 
CGurfkr  eft  un  jeune  héros,.  ^  que  ces 
chiens  font  des  combattans  réunis  contre 
un  ennemi  terrible. 

Il  eft  difficile  qu'un  objet  vil  &  lx:s  ait 


C  O  M 

une  parfaite  reftemblance  avec  un  objet  Im- 
portant &  noble;  &  l'analogie  de  l'un  à 
Pautre ,  eft  une  preuve  que  fi  l'image  a  été 
avihe  par  le  caprjce  de  l'opinion  ,  c'eft  une 
tache  paflagere  que  le  bon  fens  efficera.  Par 
exemple,  le  chien  n^eft  pas  chez  nous  un  ani- 
mal aflez  noble  pour  l'épopée  :  M.  de  Vol- 
taire, en  ne  le  nommant  pas ,  a  ménagé  notre  , 
délicatefle  ;  mais  il  l'a  peint  avec  des  traits 
qui  le  vengent  de  ce  mépris ,  ^^.  qui  l'ano- 
bliflent  à  nos  yeux  mêmes.  C'eft  ainfi  qu'on 
doit  en  uler  toutes  les  fois  que  l'aviliftèment 
eft  injufte  ;  car  alors  le  préjug"  s'attache  aux 
mots ,  &:  on  l'élude  en  les  évitant. 

Nous  n'nvons  vu  encore  dans  la  comparai^ 
fon  qu'un  miroir  fimple  &  fidèle  ;  mais  fou- 
vent  elle  errbellit ,  relevé ,  agrandit  fon  ob- 
jet. Telle  eft  dans  une  ode  d"-^orace  la  com- 
paraifon de  Dru^us  avec  Poireau  qui  porte  la 
foudre.  Telle  eft  dans  1 1  Pharf-'îe  la  compa- 
raifon de  l'ame  de  Célar  avec  la  foudre  elle- 
m^m.e  : 

Magnamque  cadens ,  magnamque  rêver tens. 

Dat  flrag  m  !at} ,  fpat  fo^que  recoll  git  ignés. 

Quelquefois  au fTî  l'intenrion  d'ur:  poète  eft. 
de  rava  er  ce  qu'il  peint ,  comme  dans  cette 
compara  fon  li  nouvelle  &  li  jufte  des  Seize, 
avec  le  limon  qui  s  clcve  du  fond  des  eaux  :. 

Ainfi ,  lorfqut  les  ven: s  y  fougueux  tyrans  des 

eaux , 
De  lafeinc  ou  du  rhôm  ont  fouler é  hsjlo^sy 
le  Lmon  croupif'ant  dans  leurs  grotus  pro» 

ft  ndes , 
S'élève  en  bouillonnant  fur  la  face  des  ondes  ^. 

Mais  alors,  &  cet  exemple  c  n  eft  la  preuve, 
l'objet  eft  vil  &  i'imngc  eft  noble  :  ce'a  dé- 
pend du  choix  des  mots  j  car  la  noblellè 
des  termes  tft  indépendante  de  l'id'=^e.  C'eft 
l'u  âge  qui  la  donne  ou  qui  la  refu'e  à  fon, 
gr?  ;  témoins  la  boue  &  le  limon  qu'il  a  reçus, 
dans  îe  ilyle  h  ^roque.  En  cela  l'usage  n'a 
d'autre  règle  que  fon  caprice,  &  c'elt  lui' 
qu'il  faut  conîukcr. 

Enfin,  la  comparaifon  s'amplô  e  quelque- 
fois à  liifîemb.er  en  un  tab  eau  circon'crit  & 
fruppant,  une  colledlion  d'idées  arbitraires,,, 
que  le 'prit,  f^ns  cet  artifice  ,  auroit  de  la-. 
peine  a  faifîr.  Ainfi ,  Bayle  cvr p?re  'e  peuple  ■ 
aux   fiocs  de  la  mer,   &  les  p,  ftîons  àt^ 
grands  aux  vents  qui  les  ^oultvent.  Ainfi 
Fléchier,  dans  l'Eloge  de.  Turenne,  dit,  en. 


C  O  M 

s'adreHant  à  Dieu  :  Comme  il  s'élève  du  fond 
dfes  vallées  des  vapeurs  groflicres  ,  dont  fe 
forme  la  foudre  qui  tombe  furies  montagnes, 
il  fort  du  cœur  des  peuplesdes  iniquités  dont 
vous  déchargez  le  châtiment  lur  la  tête  de 
ceux  qui  les  gouvernent  ou  qui  les  dé- 
fendent. " 

De  ni5me ,  Lucain ,  pour  exprimer  l'incli- 
natiou  des  peuples  à  fuivre  Pompée ,  quoi- 
qu'épouvantés  des  progrès  de  Céfar,  fe  feit 
de  l'image  des  flots  qui  obéiflent  encore  au 
premier  vent  qui  les  a  poulïés ,  quoiqu'un 
vent  oppofé  fè  levé  &  règne  dans  les  airs  : 

Ut  cum  mare  pojfidet  aufier 
Flatibus  hori^^onnis ,  hune  cequora  tota  fe- 

quuntur. 
Si  rurfus  tellus  pulfu  laxata  tridentis 
j^ul/i  y  tumidis  immitatjlucîibus  Eurum  ; 
Quamvis  icla  novo  ,  ventum  tenuerepriorem 
JEjuora  ;    nubiferoque  polus  cum  cejjerit 

aujîro  , 
Vindicat  utùa  notum. 

Que  ceux  qui  refiifent  à  Lucain  le  nom 
de  poète,  nous  difent  fi  cette  façon  d'ex- 
primer une  réflexion  politique  eft  d'un 
lîmple  hiftiorien. 

Dans  la  comparaifon ,  c'eft:  le  plus  fbuvent 
une  idée ,  un  fentiment ,  une  vérité  abftraite 
qu'on  veut  rendre  fenfible  par  une  image. 
Mais  il  arrive  aufli  quelquefois  que  la  com- 
paraifon. eft:  inverfe ,  je  veux  dire  qu'elle  em- 
ploie le  terme  abft:rait  pour  mieux  peindre 
l'objet  fenfible.  Ainfi,  dans  une  ode  au 
printemps  y  on  lui  dit  :  "  Ton  fourire  fait 
fleurir  la  rofe  qui ,  belle  comme  les  jours  de 
V innocence^  répand  une  odeur  embaumée.  » 
On  voit  là  une  image  commune  rendue 
nouvelle,  délicate  &  piquante,  par  le  ren- 
verfement  du  rapport  ufité. 

Il  eft:  de  Teflence  de  la  comparaifon  de 
-circonfcrifc  (on  objet  :  tout  ce  qui  en  ex- 
cède l'image  eft:  fuperflu ,  &  par  conféquent 
nuifible  au  deflèin  du  poète.  La  comparaifon 
finit  où  finiflènt  les  rapports.  Homère , 
emporté  par  le  talent  &  le  plaifir  d'imiter 
la  nature ,  oublioit  Ibuvent  que  le  tableau 
qu'il  peignoit  avec  feu,  n'étoit  placé  qu'au- 
tant qu'il  étoit  relatif,  &  dans  la  chaleur  de 
la  compofition ,  il  l'achevoit  comme  abfolu 
Se  intéreflant  par  lui-même.  C'eft:  un  beau 
défaut,  il  l'on  y&xx.  ;  mais  c'en*  eft  un  grand 


C  O  M  723 

que  d'introduire  dans  un  récit  ^es  circonl^ 
tances  &  des  détails  qui  n'ont  aucun  trait  à 
la  choie.  Le  bon  fens  eft  la  première  qualité 
du  génie,  &  Pà  propos  la  première* loi  du 
bon  feus  :  auffi  ,  quoiqu'on  ait  excufé  k 
furabondance  des  comparaifons  d'Homère , 
aucun  des  poètes  célèbres  ne  l'a  imitée ,  non 
pas  même  dans  l'ode  qui,  de  fa  nature,  eft: 
plus  vagabonde  que  le  poème  épique. 

Au  reft:e,  la  comparaifon  eft  elle-même 
une  excuriîon  du  génie  du  poète ,  &:  cette 
excuriion  n'efl:  pas  également  naturelle  dans 
tous  les  genres.  Plus  l'ame  eft  occupée  de 
Ion  objet  direâ: ,  moins  elle  regarde  autour 
d'elle;  plus  le  mouvement  qui  l'emporte  eft: 
rapide ,  plus  il  eft  impatient  des  obftacles  &; 
des  détours  ;  enfin ,  plus  le  fentiment  a  de 
chaleur  &:  de  force ,  plus  il  maîtrife  l'ima- 
gination &  l'empêche  de  s'égarer.  Il  s'enfuit 
que  la  narration  tranquille  admet  des  com- 
paraifons fréquentes ,  développées ,  étendues 
&;  pri{ès  de  loin  ;  qu'à  mefure  qu'elle  s'anime 
elle  en  veut  moins ,  les  veut  plus  concifes  &: 
apperçues  de  plus  près  ;  que  dans  le  pathé- 
tique, elles  ne  doivent  être  qu'indiquées 
par  un  trait  rapide  ;  &  que ,  s'il  s'en  pré- 
fente quelques-unes  dans  la  véhémence  de 
la  palTion  ,  un  feul  mot  les  doit  exprimer. 

Quant  à  la  fource  de  la  comparaifon  y  elle 
eft:  prife  communément  dans  la  réalité  des 
chofes,  mais  quelquefois  aulîi  dans  l'opi- 
nion &  dans  l'hypothefè  du  merveilleux. 
Ainfi  M.  de  Voltaire  compare  les  liqueurs 
aux  géants:  ainfi  après  avoir  dit  du  vertueux 
Mornai  : 

Jamais  Vair  de  la  cour ,  ^  fonfouffle  infeâé\ 
N' citera  defon  cœur  V aufier e  pureté, 

il  ajoute  :  • 

Belle  Aréthufe ,  aîaji  ton  onde  fortunée 
Roule  au  fein  furieux  d* Ampkitrite  étonnée. 
Un  cryflal  toujours  pur  ù  des  flots  toujours 

clairs , 
Que  jamais  ne  corrompt  l'amertume  des  mert. 

Finiftbns  cet  article  par  la  plus  belle  & 
la  plus  touchajite  comparaifon  qu'il  foit 
pofïibic  de  tranfmettre  à  la  mémoire  des 
hommes  ;  elle  eft  de  notre  bon  roi  Henri 
IV.  Il  s'agifloit  de  prendre  d'aflàut  la  ville 
de  Paris ,  il  ne  le  voulut  pas ,  &  voici  fa 
réponfe  :  «  Je  fuis,  difoit-il>  le  vrai  père 
Xxxx  2 


714  C  O  M 

de  mon  peuple ,  je  reflemble  à  cette  vraie 
mère  dans  Salomon,  j'aimeroisquafi  mieux 
n'avoir  point  de  Paris ,  que  de  Tavoir  tout 
ruiné.  ."  (  M.  Marmontel.  ) 

Comparaison  d'Ecritures,  (Jurifp.) 
eft  la  vérification  qui  fe  fait  d'une  écriture  ou 
fignature  dont  on  ne  connoît  pas  l'auteur , 
en  la  comparant  avec  une  autre  écriture  ou 
Signature  reconnue  pour  être  de  la  main  de 
celui  auquel  on  attribue  Récriture  ou  figna- 
ture conteftée. 

C*eft  une  des  preuves  que  l'on  peut  em- 
ployer pour  connoître  quel  eft  le  véritable 
auteur  d'une  écriture  ou  lignature ,  car  la  vé- 
rification peut  en  être  faite  en  trois  manières  j 
fàvoir,  par  la  dépofition  des  témoins  qui 
atteftent  avoir  vu  faire  en  leur  préfence  l'é- 
criture dont  il  s'agit ,  ou  par  la  dépolition  de 
témoins  qui  n'ont  pas  à  la  vérité  vu  faire 
Pécrit ,  mais  qui  atteftent  qu'ils  connoiflent 
que  l'écriture  &  fignature  eft  d'un  tel ,  pour 
l'avoir  vu  écrire  &  figner  plufieurs  fois;  & 
enfin ,  la  dernière  forte  de  preuve  que  l'on 
emploie  en  cette  matière ,  eft  la  dépolition 
des  experts ,  qui ,  après  comparaifon  faite  de 
deux  écritures ,  déclarent  fi  elles  leur  pa- 
roi fient  de  la  même  main  ou  de  deux  mains 
différentes. 

La  compcraifon  d'écritures  eft  ufitée ,  tant 
en  matière  civile  qu'en  criminelle. 

L'ufage  de  cette  preuve  en  matière  civile 
eft  fort  ancien  ;  il  en  eft  parlé  en  quelques 
endroits  du  code  &  des  novelles. 

Comme  on  admettoit  pour  pièces  de 
compcraifon  des  écritures  privées,  Juftinien 
ordonna  d'abord  par  la  loi  comparât iones, 
ch.  de  fide  infirum.  qu'on  fe  ferviroit  des 
f)ieces  authentiques ,  &  qu'on  ne  pourroit 
ïè  fervir  d'écritures  privées  qu'elles  ne  fufïènt 
iignées  de  trois  témoins. 

Par  fa  novelle  ^g,  il  mit  deux  exceptions 
à  cette  loi  pour  les  écritures  privées ,  qu'il 
permit  d'employer  pour  les  pièces  de  ccm- 
paraifon ,  lorfqu'elles  étoient  produites  par 
celui  contre  lequel  on  vouloir  fe  fervir  de 
pièces  de  comparaifon,  ou  lorfque  l'écriture 
privée  étoit  tirée  d'un  dépôt  public. 

Mais  par  fa  novelle  75,  il  reftreignit  telle- 
ment l'ufage  de  la  preuve  par  comparaifon 
d'écritures,  qu'il  eft  vrai  de  dire  que  fon 
intention  étoit  qu'on  y  eût  peu  d'^égard  , 
du  moiiis  en  matière  civile. 


C  O  M 

Dans  la  préface  de  cette  novelle ,  il  dit  que 
quelques-uns  de  fes  prcdécefteurs  avoient 
admis  cette  preuve ,  que  d'autres  l'avoient 
rejetée  -,  que  ces  derniers  en  avoient  reconnu 
l'abus ,  en  ce  que  les  fauflkires  s-'exerçoient  à 
contrefaire  toutes  fortes  d'écritures;  &  qu'on 
ne  peut  bien  juger  de  la  qualité  d'un  ade 
faux  par  le  feul  rappor:  qu'il  a  avec  un  ade 
véritable,  attendu  que  la  fauffeté  n'eft  autre 
choie  que  l'imitation  d'une  chofe  vraie;  qu'il 
avoir  lui-même  reconnu  les  inconvéniens  de 
cette  preuve ,  étant  arrivé  qu'en  Arménie  un 
contrat  d'échange  tenu  pour  faux  par  les 
experts ,  fut  néanmoins  reconnu  véritable 
par  tous  les  témoins  qui  l'avoient  figné.  ^ 

La  difpof-îtion  de  cette  novelle  eft  aflèz 
compliquée  :  l'empereur  défend  de  vérifier 
aucune  pièce  par  comparaifon  d'écritures ,  fî 
la  pièce  que  l'on  veut  faire  vérifier  n'eft 
fignée  de  trois  témoins  dignes  de  foi,  ou 
d'un  notaire ,  ou  de  deux  témoins    fans 
rcproclie,  ou  du  moins  fi  elle  n'eft  pafic'e 
en  préfence  de  trois  témoins  irréprochables. 
Il  veuf  de  plus  que  le  notaire  &c  les  témoins 
qui  auront  i^gné  avec  la  partie ,  reconnoiilent 
leur  fignature  au  bas  de  l'acte  ;  que  fi  le  nor- 
taire  reconnoit  la  fienne ,  en  ce  cas  c'eft  un.e 
pièce  publique ,  qui  n'a  point  bc^foin  d'être 
vérifiée  par  comparaifon;  que  h  c'eft  un  aâe 
figné  de  trois  témoins ,  ou  ieulem.ent  écrit 
ci^  leur  préfence  fans  être  figné  d'eux  ,  ou 
même  s'il  eft  reçu  par  un  notaire  en  préfence 
de  deux  témoins ,  mais  que  le  notaire  foît 
depuis  décédé  ou  ne  foit  plus  en  état  de  dé- 
pofer  ;  en  ce  cas  Juftinien  veut  qu'outre  la 
vérification  par  comparaifon  d'écritures ,  les 
témoins  qui  ont  figné  reconnoifient  tous 
leur  f eing  ;  &  qu'en  outre ,  fbit  qu'ils  aient 
figné  ou  non,  ils  dépofent  fi  l'écriture  vérifiée 
par  experts  a  été  faite  en  leur  préfence  de  Ja 
même  main  dont  les  experts  ont  jugé  qu'elle 
étoit  écrite  ;  que  fi  les  témoins  &  le  notaire 
ne  font  plus  vivans ,  leur  fignature  ferait 
vérifiée ,  ainfi  que  celle  de  la  partie;  que  fi 
l'ade  ne  fe  trouve  pas  figné  du  nombre  de 
perfonnes  publiques  ou  de  témoins  qui  eft 
ordonné ,  îa  feule  comparaifon  d'écritures  ne 
fera  jamais  fufl[îfante  pour  que  l'on  y  ajoute 
foi  ;  ôc  qu'en  ce  cas ,  après  la  vérification 
faite  ,  le  juge  s'en  rapportera  au  ferment 
décifoire  de  la  partie  qui  veut  fe  fervir  de  la 
pièce  coHttftée.  Enfin  3  la  novelle  ajioiue 


C  O  M 

encore  que  fi  les  contrats  font  de  peu  d'im- 
portance ,  ou  palTés  à  la  campagne ,  on  n'y 
délire  pas  ces  formalités;  mais  qu'à  Tcgard 
de  tous  les  autres ,  la  feule  comparaifon  d'é- 
critures ne  fuffit  pas  pour  y  ajouter  foi  ;  &  la 
raifon  qu'en  donne  la  loi ,  c'eft  que  la  reiîèm- 
blance  des  écritures  eft  trop  fufpedbe;  que 
c'eft  une  voie  qui  a  Ibuvent  induit  en  erreur, 
&  que  l 'on  ne  doit  pas  s'y  rapporter  tant  que 
Ton  ne  voit  pas  de  meilleure  preuve. 

Les  interprètes  du  droit  ont  tous  parlé 
de  la  comparaifon  d'écritures ,  conformé- 
ment à  la  novelle  75,  &  entre  autres  Cujas  , 
qui  tient  que  la  (impie  comparaifon  d'écri- 
tures ne  fait  point  de  foi;  qu'elle  ne  peut 
être  regardée  au  plus  que  comme  une  femi- 
preuve  j  qui  peut  obliger  le  juge  de  déférer 
le  ferment  à  la  partie  qui  foufient  la  vérité 
de  Pa6te  ;  &  que  pour  faire  preuve ,  il  faut 
que  le  rapport  des  experts  foit  appuyé  de  la 
lignaturc  des  témoins  &c  de  leur  dépoiition. 
Il  y  a  beaucoup  de  doAeurs  qui  penfent 
que ,  dans  les  cas  mêmes  portés  par  la  novel'e 
J2  i  oi"^  doit  encore  être  fort  rétervé  fur  la 
foi  qu'on  ajoute  à  la  reflèmblance  des  écri- 
tures ;  d'autres  vont  jufqu'à  dire  qu'elle  ne 
fait  par  toujours  une  lemi-preuve  ;  &  quel- 
ques-uns enfin  nient  qu'elle  fafle  même  la 
plus  légère  préfomption. 

Il  eil  néanmoins  certain  ,  dans  notre 
ufage ,  que  la  preuve  pat  comparaifon  d'é- 
critures eft  admife ,  tant  en  matière  civile 
qu'en  matière  criminelle. 

Elle  eft  admile  en  matière  civile  par  l'or- 
donnance d'Orléans,  art.  245;  par  celle  de 
1539,  art.  ^çi;  par  celle  de  Charles  IX, 
du  mois  de  Janvier  1565;  de  enfin,  par 
l'ordonnance  de  1667,  tit.  xij ,  art.  5. 

La  forme  en  eft  réglée  pour  les  matières 
civiles ,  par  cette  dernière  ordonnance  :  il 
y  eft  dit  que  les  reconnoiftîmces  &:  vérifi- 
cations d'écritures  privées  fe  feront  partie 
préfenre  ou  duement  appellée,  pardevant 
le  rapporteur,  ou  s'il  n'y  en  a  point,  par- 
devant  l'un  des  juges  qui  fera  commis  fur 
une  fimple  requête,  pourvu,  &  non  au- 
trement ,  que  la  partie  contre  laquelle  on 
prétend  fe  fervir  des  pièces,  foit  domiciliée 
ou  préfente  au  lieu  où  l'affaire  eft  pcjidaiite , 
linon  que  la  reconnoiftance  ie  fera  devant 
le  juge  royal  ordinaire  du  domicile  de  la 
partie,,  &  que  s'il  échet  de  faire  quelque 


C  O  M  725 

vérification ,  elle  fera  faite  pardevant  le  j  uge 
où  le  procès  eft  pendant. 

Les  pièces  &  écritures  dont  on  pourfuit 
la  reconnoiflance  ou  vérificarion ,  doivent 
être  communiquées  à  la  partie  en  piéfence 
du  juge  ou  commifl'aire. 

Faute  par  le  défendeur  de  comparoir  à 
l'alîignation ,  on  donne  défaut  contre  lui, 
pour  le  profit  duquel ,  fi  l'on  prérend  que 
l'écriture  foit  de  fa  main,  elle  eft  tenue 
pour  reconnue  \  &c  fi  elle  eft  d'une  autre 
main ,  on  permet  de  la  vérifier ,  tant  par 
témoins  que  par  comparaifon  d'écritures  pu- 
bliques ou  authentiques. 

La  vérification  par  comparaifon  d'écritures 
fe  fait  par  experts  fur  les  pièces  de  comparai-. 
fon  dont  les  parties  conviennent ,  &  à  cette 
fin  on  les  aiîigne  au  premier  jour. 

Enfin,  fi  au  jour  de  l'alîignation  l'une 
des  parties  ne  comparoit  pas,  ou  ne  veut 
pas  nommer  des  experts,  b  vérification  ie 
fait  iur  les  pièces  de  comparaifon  par  les 
experts  nommés  par  la  partie  prélentc ,  6c 
par  ceux  qui  feront  nommés  par  le  juge  au 
lieu  de  la  partie  reftifante  &  défaillante.  ', 

Telles  font  les  formalités  prefcrites  par 
l'ordonnance  de  1 667,  pour  les  vérifications 
d'écritures  privées  par  pièce  de  comparaifon. 
en  matière  civile. 

Cette  preuve  étoit  aulTi  admife  en  matière 
criminelle  chez  les  Romains ,  du  moins  en 
matière  de  faux ,  comme  il  parok  par  une 
loi  de  l'empereur  Conftantin ,  qui  eft  la 
féconde  au  code  théodofien ,  ik  la  iz^. 
dans  le  code  juftinien ,  ad  legem  corneliam 
de  faljîs. 

M.  le  Vayer  de  Boutigay ,  célèbre  avo- 
cat au  Parlement ,  &:  depuis  maître  dt"î 
requêtes,  a  fait  une  favaiue  diflertation  dans 
la  caufe  fameufe  de  Jean  îvLaillart,  où  il 
s'attache  d'abord  à  faire  voir  en  général 
qu'il  y  a  peu  de  certitude  dans  la  comparai- 
fon d'écritures ,  &i  qu'elle  ne  fait  pas  preuve 
feule  ,  même  en  matière  civile  :  il  prétend 
qu'elle  ne  doit  ix>int  avoir  lieu ,  fur-tout 
en  matière  criminelle  ;  qu'elle  n'a  point  été 
admife  par  aucune  loi  dans  ces  fortes  de 
matières;  que  la  loi  n'y  admet  que  trois 
fortes  de  preuves  ;  favair  ,  la  preuve  pai- 
titres  ,  la  preuve  par  témoins ,  &  les  in 
dices  indubitables  &c  plus  clairs  que  le  joui*. 

Mais  m^ilgré  l'érudition  qui  règne  daits 


n^ 


G  O  M 


cet  ouvrage  ,  il  eft  certain  préfentement 
qae  la  preuve  par  camparaifon  d'écritures  eft 
admiiè  en  matière  criminelle  au  (ïi- bien 
qu'en  matière  civile,  a-nli  qu'il  relulte  de 
l'ordonnance  orimineile  de  1670  ,  &  de 
l'ordonnance  du  mois  de  juillet  1737,  con- 
cernant le  ftux  priricipal  6c  incident. 

La  première  de  ces  deux  ordonnances, 
tit.  ix  du  faux  principal  &  incident,  ne  dit 
autre  choie  de  la  preuve  par  comparai/on 
d'écritures ,  finon  que  les  moyens  de  faux 
étant  trouvés  perrinens  ou  admillibles ,  la 
preuve  en  fera  ordonnée ,  tant  par  titres  que 
par  témoins ,  &  par  comparaijun  d'écritures 
&  iignaturcs,  par  experts  qui  feront  nom- 
més d'office  par  le  même  jugement,  fauf 
à  les  reçu  fer  ;  que  les  pièces  infcrites  de 
•faux  &  celles  de  comparaifon ,  feront  mifes 
entre  les  mains  des  experts,  après  avoir 
prêté  ferment  &  leur  rapport  délivré  au 
juge  ,  fuivant  qu'il  eft  prefcrit  par  l'art, 
tz  du  titre  de  la  defcente  fur  les  lieux  ^  de 
l'ordonnance  de  1667;  que  s'il  y  a  charge, 
les  juges  pourront  décréter  &  ordonner 
que  les  experts  feront  répétés  féparément 
en  leur  rapport ,  recollés  &:  confrontés 
aind  que  les  autres  témoins. 

L'ordonnance  du  faux  règle  les  formalités 
de  la  preuve  par  comparaifon  d'écritures. 

Il  eft  dit ,  titre  j  du  faux  principal ,  que 
fur  la  requête  ou  plainte  en  faux ,  foit  par 
5a  partie  publique  ou  par  la  partie  civile, 
il  fera  ordonné  qu'il  fera  informé  des  £iits 
portés  en  la  requête  ou  plainte ,  &  ce ,  tant 
par  titre  que  par  témoins  ,  comme  aufTî 
par  experts ,  enfemble  par  comparaifon  d'é- 
critures ou  fignatures ,  le  tout  félon  que  le 
cas  le  requerra;  que  lorfque  le  juge  n'aura 
pas  ordonné  en  même  terhps  ces  différens 
genres  de  preuve ,  il  pourra  y  être  fuppléé , 
^'il  y  échet,  par  une  ordonnance  ou  un 
jugement. 

Que  quand  la  preuve  par  comparaifon 
d'écritures  aura  été  ordonnée,  les  procu 
reurs  du  roi  eu  ceux  des  hauts-jufticiers, 
i&  la  partie  civile ,  s'il  y  en  a  ,  pourront 
feuls  fournir  les  pièces  de  comparaifon  y  ji^ns 
que  l'accufé  puilTe  être  reçu  à  en  préfi- 
xer de  fa  part ,  fi  ce  n'eft  comme  il  fera 
■dit  ci-après ,  &  ceci  doit  être  obfervé ,  à 
.peine  de  nullité^ 
'    ïQ^  ne  peut  admettre  pour  pièces  de  corn- 


CO  M 

paraifon ,  que  celles  qui  font  authentiques 
par  elles-mêmes  j  &  on  regarde  comme  telles 
les  lignaturesappoféesaux  aétespafles  devant 
notaires  ou  autres  perfonnes  publiques ,  tant 
léculieres  qu'eccléliaftiques  dans  les  cas  où 
elles  ont  droit  de  recevoir 'des  ades  en  cette 
quahté. 

On  répute  auflî  authentiques  à  cet  effet 
les  fignatures  étant  aux  adtes  j  udiciaires  faits 
en  préfence  du  juge  &  du  greffier  ,&  auflî 
les  pièces  écrites  &c  fignées  par  celui  dont 
il  s'agit  de  comparer  l'écriture ,  en  qualité 
de  juge ,  greffier ,-  notaire ,  procureur ,  huiC 
fier  ,  fergent ,  &  en  général  comme  faifant , 
à  quelque  titre  que  ce  (bit ,  fonction  de  per- 
fbnne  publique. 

On  peut  auffi  admettre  pour  pièces  de 
comparaifon  ,  les  écritures  ou  fignatures 
privées  qui  auroient  été  reconnues  par  l'ac- 
culé ;  mais  hors  ce  cas  ,  ces  fortes  d'écritu- 
res &;  fignatures  ne  peuvent  être  reçues 
pour  pièces  de  comparaifon  ,  quand  même 
elles  auroient  été  vérifiées  avec  l'accufé  fur 
la  dénégation  qu'il  en  auroit  faite ,  à  peuie 
de  nullité. 
L'ordonnance  laifTe  à  la  prudence  du  juge, 
fuivant  l'exigence  des  cas,  &  notamment 
lorfque  l'accufation  de  faux  ne  tombe  que 
fur  un  endroit  de  la  pièce  qu'on  prétend 
être  faux  ou  falfifié,  d'ordonner  que  le 
furplus  de  la  pièce  fervira  de  pièce  de  compas 
raifon. 

Si  les  pièces  indiquées  ^onr  comparaifon. 
font  entre  les  mains  dedépofîtaires  publics  ou 
autres,  le  juge  doit  ordonner  qu'elles  ièront 
apportées ,  fuivant  ce  qui  eft  ordonné  pour 
les  pièces  arguées  de  faux  ;  &  les  pièces  admi- 
fes  pour  comparaifon  doivent  demeurer  au 
greffe  pour  fèrvir  à  l'inftrudion,  &:  ce,  quand 
même  les  dépoiîtaires  d'icelles  offriroient  de 
les  repréfenter  toutes  les  fois  qu'il  feroit  né- 
ceflàire ,  fauf  aux  juges  à  y  pourvoir  autre- 
ment ,  s'il  y  échet,  pour  les  regiftres  de  bap- 
têmes ,  mariages  &:  fépultures ,  &  autres 
dont  les  dépofitaiîes  auroient  continuelle- 
ment befoin. 

Sur  la  préfentation  des  pièces  de  compa- 
raifon par  la  partie  publique  ou  civile  ,  &; 
fans  qu'il  foit  befoin  de  requête  ,  il  doit 
être  dreffé  procès-verbal  de  ces  pièces  au 
greffe  ou  autre  lieu  du  fiege  deftiné  aux 
inib:u<3;ions  ,   en  préfence    de  la   partie 


C  O  M 

publique  ^  de  la  partie  civile  ,  s'il  y  en  a , 
à  peine  de  nullité. 

L'ace ufé  ne  peut  être  préfent  à  ce  procès- 
verbal  ,  auffi  à  peine  de  nullité. 

A  la  hn  de  ce  procès-verbal ,  &  fur  la  re- 
quûtionoules  conclaiions  de  la  partie  pu- 
blique ,  le  jugedoit  ftrifiier  rurl'admijGfion  ou 
rejc:  des  pièces,  à  moins  qu'il  n'ordonne  qu  il 
en  'era  référé  ptrlu'  au  fiege ,  auquel  cas  il  y 
do  r  être  pourvu  parle  confeil ,  après  que  le 
procès  verbal  a  et:  communiqué  à  la  partie 
publique  &  civile. 

Si  les  p-ecesdece";  ^-raifon  ^nt  rejetées  , 
k  partie  civile  s'il  y  en  a  ,  ou  la  partie  pu- 
blique ,  {ont  ^enues  ^  en  r.'pporter  ou  indi- 
qui  r  'i  uires  dans  'e  déhi  qui  leur  a  été  pref- 
cri.,  Imcm  il  y  'era  pourvu. 

Dans  tous  Itsc  s  oiilejpiccesdeC'C772p<7r^/- 
fon  font  admiOfS;  elles  doivent  être  paraphées, 
tant  p-'r  le  juge  qae  par  la  p  ;rtie  publ-que  & 
par  la  partie  civile ,  s'il  y  en  a  &  i\  el'e  peut 
ligner  ;  (inonil  faut  enfa.re  mention  ,  le  tout 
à  peine  de  nullité. 

En  proc'dant  à  l'audition  des  experts,  ce 
qui  Te  fait  toujours  danscette  matière  parvo't 
d'information  &  non  de  rrpport  les  pièces 
de  ctmparoifon  ,  lorO^u'il  en  .i  été  fourni ,  le 
procès-verbal  de  pr^ienration  de  ces  pièces  . 
&  !  ordonnance  ou  jugement  qui  lésa  reçus 
doivent  ^re  remis  à  chacun  (^es  experts, 
pour  les  voir  &  examiner  fcpar'^ment  &  en 
particulier  'ans  déplacer  ;  &  il  faut  fa^'re 
mention  de  la  remife  &  examen  de  cçs  pie- 
ces  dans  la  dépoiition  de  ch;  que  expert 
fans  qu'il  en  ioit  drellé  aucun  procès- 
vetbul.. 

On  ne  doit  point  repréfenter  les  pièces 
de  comparaifi.n  lux  autres  témoins  à  moins 
qut:  le  juge  en  proc^-l-mt  4  l'information, 
ré.  '  ivment  ou  co;- frontaron  de  ces  té- 
moins ,  pe  juge  à-propos  de  leur  représenter 
ces  p'tc'-^s  ou  quelques-unes  d'icelles  ,  au- 
quel ci  s  elles  doivent  être  piujplves  par  les 
témoins. 

•  Les  pièces  âe  compara- Ton  on  autres  qui 
doivent  être  repré^ntées  aux  experts .  ne 
peuvent  crr  repr%.*rentces  aux  acculés  avant  la 
confronta  tion. 

-  Ln  touc  crat  de  can'e  les  juges  peuvent 
ordonner  d'office  ou  lir  la  requête  de  la 
partie  pub- que  ou  civile  5  que  l'pccufé  fera 
Gmu  de  faire,  un  corps  d'écriture  tel  qu'il 


C  O   M  727 

lui  feradiébé  par  les  experts,  ce  qui  fera 
tait  par  procès-verbal  au  greffe;  Se  à  la  fin 
du  procès- verbal  le  juge  peur  ordonner  que 
ce  corps  d  écriture  fera  reçu  par  pièce  de 
campa  r  ai  fon^  &  que  les  experts  feront  en- 
tendus par  voie  de  dépoiition  fur  ce  qui 
peut  rélulter  du  corps  d'écriture  comparé 
avec  les  pièces  fa ufTès;  ce  qui  a  lieu  quand 
même  ils  auroient  déjà  dépofé  fur  d'autres 
peces  de  comparai fon  :  le  juge  peut  néan- 
moins en  ce  cas  nommer  d'autres  experts, 
ou  en  adjoindre  de  nouveaux  aux  premiers , 
mais  cela  doit  être  fait  par  délibération  dii 
iîege. 

Si  les  experts  font  incertains  ou  d'avis  diffé- 
rens ,  le  juge  peut  ordonner  qu'il  ^era  fourni 
ie  nouvelles  pièces  de  comparai  fon. 

Lors  du  recollement  des  experts  5c  de  la 
confrontation,  les  piecesde<;om;ûr.^//^/i doi- 
vent êire^  repréfentées  aux  experts  &c  aux 
accufés ,  à  peine  de  nullité. 

En  casque  laccufe demande  par  requête 
qu'il  foit  remis  de  nouvelles  pièces  de  com- 
parai fon  entre  les  mains  des  experts ,  les  ju- 
ges ne  pourront  y  avoir  ég-id  qu'après  l'inf- 
trudlion  achevée  &  par  délibération  de  con- 
feil  fur  le  vu  du  procès,  à  peine  de  nullité. 

Si  la  requête  de  Paccu'e  eft  admife,  lé- 
jugement  doit  lui  être  prononcé  dans  leS- 
24  heures,  &  le  juge  l'interpellera cf'indiquer. 
les  pièces  ,  ce  qu'il  fera  tenu  défaire  fur  le- 
ch.imp  .  le  juge  peut  néanmoins  lui  accorder: 
un  d '-lai ,  mais  ce  délai  ne  peut  être  pro- 
rogerj  &  l'accuCé  ne  peut  préfcnter  dans  la 
luiTe  d'autres  pièces  que  celles  qu'il  a  indi- 
quées, ^aufà  la  partie  publique  ou  civile  à 
les  conte  fter. 

Les  écritures  ou  /îgnaturcs  privées  de  Tac- 
cufé  ne  peuvent  être  rerues  ponr  picces  de 
comnarnifon  ^  encore  q-.i'elles  euflènt  été  par' 
lui  reconnuesouvérih  esavec.lui .  (i  ce  n  eft 
du  çon''entement  le  la  partie  publique  &  ci- 
vile,  s'il  y  en  a  ,  à  peine  H(  nullité. 
■_    Le  pro,rs-verb  il  de  pr-  ent:tion  des  pièces  - 
'n.fiq  r  es  parl'^'cuf '•,  "ioit erre  fiiren  'a  pré- 
sence St  p  r.lu:  paraphé  ,  s'il  le  peut  ou  veutr 
frire ;li:  ->n  il  en  'ern  frt  ment-on  ,  à  peine. 
le  nuilit-  ;  -t^  ii  T  ccufé  n'eft  p,is  pri'onnier: 
&  ne  e  pr  i- 'ente  p  s  au  •  procès  -  vcrb  4  ,  il i 
y  fc'î    procédé  en  lonabience  ,  luiduementi 
appelle. 

En.  procédant,  à.  l'information  fur.» ces- 


7i8  COM 

pièces ,  on  remettra  auffi  les  anciennes  aux 
experts ,  avec  les  procès  verbaux  depréfènta- 
tion  &  les  ordonnances  ou  jugemens  de 
riceprion. 

La  partie  civile  &:  publique  peuvent  pro- 
duire de  nouvelles  pièces  de  comparaifon  en 
tout  état  de  caufe  ,  quand  même  on  n  auroit 
pas  permis  à  l'accufé  d'en  indiquer. 

Lorfqu^il  y  a  des  pièces  indiquées  de  part 
&  d'autre ,  le  juge  peut  ordonner  fur  le  tout 
une  même  information  par  experts. 

Si  Paccufé  demande  de  nouveaux  experts 
fur  les  pièces  de  comparaifon  anciennes  ou 
nouvelles ,  on  ne  peut  l'ordonner  qu'après 
Pinftruébion  achevée  par  délibération  de  con- 
feil ,  à  peine  de  nullité. 

Les  nouveaux  experts  doivent  toujours  être 
nommés  d'office ,  à  peine  de  nullité. 

La  nouvelle  information  peut  être  jointe 
au  procès. 

Dans  le  cas  du  faux  incident ,  l'ordon- 
nance veut  que  fi  les  moyens  de  faux  font 
jugés admifliblcs  ,  il  foit  ordonné  qu'on  en 
informera  tant  par  titres  que  par  témoins  , 
par  experts  &  par  comparaifon  d'écritures  ou 
llgnatares,  fans  qu'il  puifle  être  ordonné 
que  les  experts  feront  leur  rapport  fur  les 
pièces  prétendues  faufles,  ou  qu'il  fera  pro- 
cédé préalablement  à  la  vérification  d'icelles , 
à  peine  d*e  nullité. 

Les  pièces  de  comparaifon  doivent  être  four- 
nies par  le  demandeur  ;  &  celles  que  préfen- 
reroit  le  défendeur  ne  peuvent  être  reçues,  il 
ce  n'eft  du  confentement  du  demandeur  & 
de  la  partie  publique  ,  à  peine  de  nullité  ; 
faufaux  juges,  après l'inftruétion achevée, à 
admettre  le  défendeur  à  fournir  de  nouvelles 
pièces  de  comparaifon ,  s'il  y  échet. 

On  obferve  au  furplus  dans  cette  matière , 
les  mêmes  règles  qu'en  matière  de  faux  prin- 
cipal ,  fur  la  qualité  des  pièces  de  comparai- 
fon y  &  fur  l'apport  de  ces  pièces,  fur  larepré- 
fentation  qui  en  eft  faite  aux  témoins,  &  fur 
le  paraphe  des  pièces. 

Le  procès-verbal  de  préfèntation  des  pie- 
ces  de  comparaifon  doit  être  fait  en  préfencc 
des  parties ,  ou  elles  duement  appellées  ;  les 
parties  peuvent  y  comparoître  par  procu- 
reur, à  moins  que  cela  ne  foit  autrement 
ordonné  :  on  y  fait  mention  fi  le  défendeur 
convient  ou  non  des  pièces  :  fi  elles  ne  font 
pas  reçues,  on  ordonne  que  Iç  demandeur 


COM 

en  fournira  d'autres  dans  un  certain  délai. 

Les  pièces  de  comparaifonComTçimCes  aux 
experts  de  la  même  manière  qu'il  a  été  die 
ci-devant. 

On  obferve  auflî  les  mêmes  règles  quand 
le  défendeur  ou  accufé  demande  à  four- 
nir de  nouvelles  pièces  de  comparaifon ,  ou 
qu'il  foit  entendu  de  nouveaux  experts. 

Lorfqu'il  s'agit  de  procéder  à  la  recon- 
noiflance  des  écritures  &  fignatures  en  ma- 
tière criminelle ,  Ci  l'accufé  nie  l'écriture ,  ou 
s'il  eft  en  défaut  ou  contumace  ,  on  ordonne 
que  l'écriture  fera  vérifiée  fur  pièces  de 
comparaifon. 

Le  procès  verbal  de  préfèntation  de  pie- 
ces  de  comparaifon  fe  fait  en  préfence  de  la 
partie  publique  &  civile ,  s'il  y  en  a ,  & 
de  l'accule  ,  lequel  pour  cet  effet  eft  ame- 
né des  prifons  par  ordre  du  juge ,  pour  ailîf- 
ter  au  procès-verbal  fans  aucune  fomma- 
tion  préalable  ;  on  n'en  fait  point  non  plus 
lorfque  la  contumace  eft  inftruite  contre 
l'accule. 

Qiiand  il  n'eft  pas  dans  les  prifons  &  que 
la  contumace  n'eft  pas  inftruite,  on  le  fom- 
me  de  comparoître  au  procès-verbal ,  com- 
me en  matière  de  faux  principal  i  cette  fom- 
mation  fe  fait  en  la  forme  prefcrite  par  Védit 
de  décembre  1 68o  ,  concernant  l'inftruiSlion 
de  la  contumace  ;  &  faute  par  l'accufé 
de  comparoître ,  on  paffe  outre  au  procès- 
verbal. 

Si  l'accufé  y  eft  préfent,  on  lui  repréfènte 
les  pièces  de  co/np^ra/yo/z pour  en  convenir  ou 
les  contefter  fur  le  champ;  on  ne  lui  accorde 
ni  délai  ni  confeil.  Les  pièces  qui  (ont  admi- 
fes  doivent  être  par  lui  paraphées,  s'il  le  peut 
ou  veut  faire ,  finon  l'on  en  fait  mention  ;  & 
dans  tous  les  cas  elles  font  auffi  paraphées 
par  le  juge ,  par  la  partie  publique,  &  par  la 
partie  civile  ,  fi  elle  peut  &:  veut  les  para- 
pher ,  finon  l'on  doit  en  faire  mention ,  à 
peine  de  nullité. 

Au  cas  que  les  pièces  ne  fbient  par  reçues , 
la  partie  civile ,  s'il  y  en  a ,  ou  la  partie  pu- 
blique ,  doivent  en  rapporter  d'autres  dans 
le  délai  qui  fera  prefcrit ,  finon  il  fera  paffé 
outre. 

Les  experts  qui  procèdent  à  la  vérifica- 
tion ,  doivent  être  nommés  d'office  &  en- 
tendus féparément  par  forme  de.dépofition  : 
on  ne  peut  pas  ordotiner  qu'ils  feront  préa- 
lablement 


C  O  M 

labîement  leur  rapport ,  le  tout  à  peine  de 
liullicé. 

En  procédant  à  l'audition  des  experts , 
on  doit  leur  repréfenter  les  pièces  de  com- 
paru if  on. 

On  peut  auiïî  dans  cette  matière  ordon- 
ner que  Faccufé  fera  tenu  de  faire  un  corps 
d'écriture. 

Enfin ,  on  y  fuit  une  grande  partie  des 
règles  prefcrites  pour  la  comparaijon  d'écri- 
tures en  matière  de  fiux  principal,  ainfî 
que  Tordonnance  de  1737  l'explique  ,  ce 
qu'il  feroit  trop  long  de  détailler  ici. 

De  ces  différentes  formalités  prefcrites 
par  les  ordonnances  pour  la  preuve  par  com- 
paraifon  d'écritures  ,  il  réiulte  bien  claire- 
ment que  cette  preuve  eft  admile  ,  tant 
en  matière  civile  qu'en  matière  criminelle  , 
èc  non  feulement  dans  le  cas  du  faux  prin- 
cipal ou  incident ,  mais  auflî  lorfqu'il  s'agit 
de  reconnoifl'ance  d'écriture  ou  iignature 
en  général. 

Mais  il  cft  certain  que  la  déposition 
même  uniforme  des  experts ,  ne  fait  jamais 
feule  une  preuve  complète  ;  elle  n'eft  con- 
iîdérée  que  comme  une  femi-preuve  ,  à 
caufe  de  l'incertitude  de  leur  nrt  pour  la 
vérification  des  écritures.  Voyelle  commen- 
taire de  Boiceau  ,  fur  l'article  liv  de  l'ordon- 
nance de  Moulins  y  chap.  v;  Ù  Danty  ,  de  la 
preuve  par  témoins ,  ibid.  le  traité  de  la  preuve 
par  comparaifon  d'écritures ,  de  M.  Levaycr  ; 
celui  de  la  vérification  des  écritures ,  par  M. 
de  Blegny,  6c  les  ordoimances  qui  ont  été 
citées.  {A) 

COMPARANT, adj. pris  fub.  (.Jurifpr.) 
ce  terme  qui  vient  de  comparoir  ou  com- 
paroitrc ,  a  deux  ufages  differens  en  ftyle 
de  pratique.  Dans  les  qualités  des  jugemens 
où  l  on  dénomme  d'abord  les  parties  litigan- 
tes  5  chaque  partie  eft  dite  comparante  par  tel 
&  tel  fes  avocat  &  procureur  ,  c'eft-à-dire, 
qu'elle  eft  repréfcntée  par  eux  dans  les  pro- 
cès-verbaux qui  ie  font  devant  un  juge  ou 
devant  notaire.  Onappelie  quelquefois  com- 
parant la  partie  même  qui  comparoît ,  & 
non-comparant  celui  qui  ne  fe  préfente  pas. 
V.  ci-après  Comparoir  ,  Déiaut  faute 

DE  COMPAROIR.  {A) 

COMPARATIF,  adj.pris  fubft.  terme 
de  Grammaire.  Pour  bien  entendre  ce  mot , 
ikfeut  obferver  que  les  objets  peuvent  éure 
Tome  VI ÏL 


C  O  M  71^ 

qualifiés  ou  abfolument  fans  aucun  rapport 
à  d'autres  objets ,  ou  relativement ,  c  eft-à- 
dire  ,  par  rapport  à  d'autres. 

1°.  Lorfque  l'on  qualifie  un  objet  abfolu- 
ment, l'adjedif  qualificatif  eft  dit  être  au 
pofitif.  Ce  premier  degré  eft  appelle ;7q/Z/-/f, 
parce  qu'il  eft  comme  la  première  pierre  qui 
eft  pofée  pour  fervir  de  fondement  aux  au- 
tres degrés  de  fignification  ;  ces  degrés  font 
appelles  communément  degrés  de  comparai- 
fon :  Céfar  étoit  vaillant ,  le  foleil  eft  bril- 
lant ;  vaillant  ôc  brillant  lont  au  pofitif. 

En  fécond  lieu ,  quand  on  qualifie  un 
objet  relativement  à  un  autre ,  ou  à  d'autres, 
alors  il  y  a  entre  ces  objets  ou  un  rapport 
d'égalité ,  ou  un  rapport  de  fupériorité  ,  ou 
enfin  un  rapport  de  prééminence. 

S -"il  y  a  un  rapport  d'égalité ,  l'adj  eârif 
qualificatif  eft  toujours  regardé  comme 
étant  au  pofitif;  alors  l'égalité  eft  marquée 
par  des  adverbes  œque  ac  ,  tdm  quam ,  ita  ut , 
&  en  françois  par  autant  que ,  auffi  que  :  Céfar 
étoit  aufiTi  brave  qu'Alexandre  Pavoit  été  ; 
(î  nous  étions  plus  proche  des  étoiles ,  elles 
nous  paroîtroieiit  aulïî  brillantes  que  le  fo- 
leil ;  aux  folftices ,  les  nuits  font  auflî  lon- 
gues que  les  jours. 

1°.  Lorlqu'on  obierve  un  rapport  de  plus 
ou  un  rapport  de  moins  dans  la  qualité  de 
deux  chofes  comparées  ,  alors  l'adjeéèif  qui 
énonce  ce  rapport  eft  dit  au  comparatif;  c'eft 
le  fécond  degré  de  fignification  ,  ou,  comme 
on  dit ,  de  comparaifon ,  Petrus  efî  doâior 
Paulo  y  Pierre  eft  plus  (avant  que  Paul  - 
le  foleil  eft  plus  brillant  que  la  lune  ;  011 
vous  voyez  qu'en  latin  le  comparatif  ç{i  dii- 
tingué  du  pofitif  par  une  îerminaifon  par- 
ticulière, &:  qu'en  françois  il  eft  diftingué 
par  l'addition  du  moi  plus  ou  du  mot  moins. 

Enfin  ,  le  troificme  degré  eft  appelle  fu^ 
perlatif.  Ce  mot  eft  formé  de  deux  mots 
latins  fuper  ,  au  delTus ,  &  latus  ,  porté  , 
ainfi  le  fu  perlatif  marque  la  qualité  portée 
au  fuprême  degré  de  plus  ou  de  moins. 

Il  y  a  deux  fortes  de  fuperlatifs  en  fran- 
çois ,  1°.  le  fuperlatif  abfolu  que  nous  for- 
mons avec  les  mots  très  ou  2iv&cfort  ;  extrê- 
mement ;  &  quand  il  y  a  admiration ,  avec 
bien  :  il  efl  bien  raifonnable  ;  très  vient  du  la- 
tin /-er  ,  trois  fois  très-grand  ,  c'eft-à-dire, 
trois  fois  grand  j  fort  eft  un  abrégé  de  /or- 
tcment,  ,  ■  .  •      .. 

Yyyy 


730  C  O  M  C  O  M 

2°.  Nous  avons  encore  le  fuperlarif  rela-  \  difpnr  ,  egertf/s,  Ôcc.  Qiiand  on  veut  ex'prî- 
tif  •  /■/  efl  le  plus  raifonnabk  de  fes  frères.         \  mer  un  degré  de  ccmparaifon  ,  &  que  le 


Nous  n'avons  en  françois  de  comparatifs 
en  un  Icul  mot  que  meilleur  ,  pire  èc 
moindre. 

«  Notre  langue ,  dit  le  père  Eouhours ,  n'a 
poins  pris  de  luperlatifs  du  latin  ,  elle  n'en 
a  point  d'autre  que  généralijfimc  ,  qui  eft 
tout  françois  ,  &  que  M.  le  cardinal  de  Ri- 
chelieu fit  de  Ton  autorité ,  allant  comman- 
der les  armées  de  France  en  Italie  ,  il  nous 
en  croyons  M.  de  Balzac.  »  Doutes  fur  la 
langue  françaife  ,  p.  C'a. 

Nous  avons  emprunté  des  Italiens  cinq 
ou  fix  termes  de  dignité ,  dont  nous  nous 
fervons  en  certaines  form.ules ,  &c  auxquels 
nous  nous  contentons  de  donner  une  termi- 
nai lon  françoife ,  qui  n'empêche  pas  de  re- 
coiinoirre  leur  origine  latine  ;  tels  font , 
révérendijjime ,  illujlrijfime  ,  excellentijjîmt , 
éminentifjime. 

Il  y  a  bien  de  L'apparence  que  (1  le  ccm- 
foraùf  èc  le  fuperlatif  des  latins  n'avoient 
pas  été  diftingués  du  poiitif  par  des  termi- 
iwifons  particulières  ,  comme  le  rapport 
d'égalité  ne  l'efl;  point  \  il  y  a ,  dis-je  ,  bien 
cie  Pnpparence  que  les  termes  de  comparât  f 
&  de  Juper  lai  if  nous  feroient  inconnus. 

Les  Grammairiens  ont  obfervé  qu'en  la- 
tin le  Comparatif  &c  le  fuperlatif  fe  forment 
du  cas  en  / ,  du  pofitif  en  ajoumnt  or  pour 
le  mafcijlin  ôc  pour  le  féminin ,  &  us  pour 
le  genre  neutre.  On  zioute JJimus  au  cas  en  / 
f  our  form.er  le  fuperlatif:  ainfi  l'on  dit  fane- 
tus ,  fancîi  ;  fanûior ,  fancîius  ,  fancliJJ'imus  ; 
for  fis ,  fortis ,  forti  ;  foi'tior ,  fortius  ,  for- 
tijfmus. 

Les  adjectifs  dont  le  poiitif  eft  terminé  en 
er ,  forment  aufli  leur  comparatif  du  cas  en  /; 
pulckcr ,  pukhri  ^pulchrior  ,pulchrius  ;  mais 
le  iupcrlatiffc  forme  en  ajoutant  r:jnus  au 
nominatif  maiculin  du  Tpo{^ïf,]>uk/ier,pu! 
therrimus. 

Les  adjeftifs  en  lis  fuirent  la  règle  géné- 
rale pour  le  comparatif  j  facilis ,  facilior , 
facilius  ;  humilis ,  humilior  ;fimilis  ,fimilior  : 
mais  au  luperlatif  on  dit  yfacillimus ,  humil- 
limus  ,  fimillimus  ;  d'auires  fuivent  la  règle 
générale ,  utilis ,  utilior  ,  utilijfimus, 

Pluiieurs  noms  adjectifs  n'ont  ni  compara- 
tif t  ni  fuperlatif ,  tels  font  ,  Romanus , 
f  air  lus  3  dufkx ,  legitimus ,  claudus ,  unicus  j  i  de  mêlUîior  ^  plus  doux  que  le  miel  j  comipfi 


poiitif  n^^  ni  compare:  if :,  ni  fuperlatif,  on  fe 
Tcrtde  magi s  ^oviï  m^arquer  le  comparatifs 
ôc  de  valdè  ou  de  maxime  pour  le  fuperlatif, 
ainii  l'on  dit ,  magis  pius  ,  ou  maxime  pins. 
On  peut  auffi  fe  fervir  des  adverbes 
magis  ôc  maxime  y  avec  les  adje6i;its  qui  ont 
un  comparatif  ôc  un  fuperbtit  :  on  dit  fort 
bien  ,  magis  doclus  ,  ôc  valdè ,  ou  m.axim^ 
doclus. 

Les  nom.s  adjectifs  qui  ont  au  pofitif  une 
voyelle  devant  us ,  comme  crduus  y  pius  ^ 
n'ont  point  ordinairement  de  comparatif  y  ni 
de  fuperlatif.  On  évite  ain(i  le  bâillement 
que  feroit  la  rencontre  de  plusieurs  voyelles 
de  fuite ,  il  on  difoit  arduior  y  piior  :  on 
dit  plutôt  magis  arduus ,  magis  pius  ;  ce- 
pendant on  dix pnjfmus  ,  qui  nVft  pas  ià  rare 
que  piior.  Ce  uioi  piiffimus  étoit  nouveau  du 
temps  de  Cicéron.  Marc  Antoine  l'ayant 
iiazardé  ,  Cicéron  le  lui  reprocha  en  plein 
fénat  {Philipp.  XIII ,  chap.  xix ,  n.  /fz  ,)  : 
Piijfimos  quœris  ;  &  quod  verbum  omninh 
nullum.  in  linguâ  latinâ  ejî,  id  pr opter  tuant 
divinam  pietatem  novum  inducis.  On  trouve 
ce  mot  dans  les  anciennes  infcriptions ,  ôc 
^  dans  les  meilleurs  auteurs  poftérieurs  à  Ci- 
céron. Ainii  ce  mot  qui  commençoit  à  s^in- 
:roduirc  dans  le  temçs  de  Cicéron  ,  fut  en- 
suite autorifé  par  l'uf'age. 

Il  ne  fera  pas  inutile  d'obferver  les  quatre 
adjeélifs  fuivans  bonus  y  malus  y  magnus  ^ 
parvus  ;  ils  n'ont  ni  comparatif,  ni  fuperlatif 
qui  dérivent  d'eux-mêmes  :  on  y  fupplce 
par  d'autres  m.ots  qui  ont  chacun  une  ori- 
gine parnculiere. 

COMPARATIF. 

MelicT, .  .  ,  meilleur. 

Fejcr,  pire,  plus  mau- 
vais. 

Major,   plus  grand, 
&  de-là  majeur. 

Miner  ,    plus   petit , 
mineur. 

Vofïîus  croit  que  melior  vient  de  magis 
velim  ou  malim  ;  Martinius  &  Faber  le  font 
venir  de  /usaw  ,  qui  veut  dire  curœ  c/? ,  gra^ 
tum  eJî  y  fAiKirtt ,  cura.  Quand  une  choie  efl 
meilleure  qu'une  autre ,  on  en  a  plus  de 
loin  ,  elle  nous  efl  pius  chère  ,  mea  cura  j 
fe  difoit  en  latin  de  ce  cp^on  oimoit.  Per- 
rotus  dit  que  mel/or  efl   une  contraction 


POSITIF. 
B:nus, .  .  bc» 
Malus,  mauvais. 

A'Iiignus,  grand. 

Panrus,  . .  petit. 


SUPERLATIF. 

Optimits ,  fort  bon. 

Pefùmui,  très-mau- 
vais. 

Mjximus,  . .  très- 
grand. 

Minimus ,  fort  pe- 
tit. 


CO  M 

on  a  dit  iTe^nior ,  plus  cruel  que  Nér< 
Plaute  a  die  Pœnior ,  plus  Carthaginol 
c'eft-à-dire  ,  plus  fourbe  qu'un  Carthagi- 
nois i  &  c'eft  ainfi  que  Malherbe  a  êài  ,plus 
Mars  que  Mars  de  la  Thrace. 

Ilidore  le  fait  venir  de  molUor ,  non  dur , 
plus  tendre.  M.  Dacier  croit  qu'il  vient  du 
grec  a/jcuvQv ,  qui  fignifîe  meilleur.  C'efl:  le 
fentiment  de  Scaliger  6c  de  l'auteur  du 
N^ovitius. 

Optimus  ,  vient  de  optaîijfirnus ,  maxime 
optatus  ,  très-fouhaité ,  dciirable  ,  &  par 
cxtenfion,  très-bon,  le  meilleur. 

A  Pégard  depejor  ,  Martinius  dit  qu'en 
faxon  l>eus  veut  dire  malus  ;  qu'ainiî  on 
pourroii  bien  avoir  dit  autrefois  en  latin  p:us 
pour  malus  :  ©n  lait  le  rapport  qu'il  y  a  en- 
tre le  è  de  p  ;  :imCipeus,  génitif,  pcï,  com- 
paratif ,  peïor  y  &c  pour  plus  de  facilité 
pejor. 

Pejfimus  vient  de  pejfum  ,  en  bas  ,  (ous 
les  pies ,  qui  doit  être  foulé  aux  pies  ;  ou 
bien  de  pejor ,  on  a  fait  poiJJImus ,  ôc  en- 
(iikt  pejjim us  par  contraction. 

Major  vient  naturellement  de  magnus , 
prononcé  en  mouillant  le  gn  à  la  manière 
des  Itahens ,  ôc  comme  nous  le  prononçons 
en  magnifique feigneur ,  enfcigner ,  àcc,  Ainfi 
on  a  dit  ma-ignior ,  major. 

Maximus  vient  aulTî  de  magnus  ;  car  le 
X  eft  une  lettre  double  qui  vaut  autant  que 
es  ,  &  fouvent^j  :  ainfi ,  au  lieu  de  magiif- 
fimus  y  on  a  écrit  par  la  lettre  double 
maximus. 

Minor  vient  du  grec  fJLiwffoç ,  parvus. 

Minimus  vient  de  minor  ;  on  trouve 
même  dans  Arnobe  miniffimus  digitus  ,  le 
f)lus  petit  doigt.  Les  mots  qui  reviennent 
ibuvent  dans  Tufage  iont  fujets  à  être 
abrégés. 

Au  relie ,  les  adverbes  ont  auiïi  des  de- 
grés de  lignification ,  bien  y  mieux  ,  fort 
bien  ;  ben} ,  melius ,  optimè. 

Les  Anglois,  dans  la  formation  de  la  plu- 
part de  leurs  comparatifs  &c  de  leurs  fuperla- 
tifs ,  ont  fait  comme  les  Latins  ;  ils  ajou- 
tent er  au  pofitif  pour  former  le  comparatif, 
&  ils  ajoutent  e/?  pour  le  fuperlatif  Rich , 
riche;  richer ,  plus  riche  j  Me  richeji,  le 
plus  riche. 

Ils  fe  fervent  aulïî  à  notre  manière  de 
more,  qui  veut  dire  plus ,  &  de  mojl ,  qui 


C  O  M  75Ï 

fignifie  très-fort ,  le  plus  ;  honeff ,  honnête  ; 
mcre  honejî ,  plus  honnête  ;  mojî  honef. ,  très- 
honnête  ,  le  plus  honnête. 

Les  Italiens  ajoutent  au  pofitif  p/i  ,  plus , 
ou  mena,  moins,  félon  que  la  chofe  doit 
être  ou  élevée  ou  abaifiée.  Ils  fe  fervent 
auffi  de  molto  pour  le  fuperlatif,  quoiqu'ils 
aient  des  fuperktifs  à  la  manière  des  Latins  : 
belliffimo .,  très-beau  \  bellrjfnna  ,  très-belle  ; 
buonijfîmo  ,  très  -  bon  ;  buonijjima  ,  très- 
bonne. 

Chaque  langue  a  fiir  ces  points  fès  ufa- 
ges  j  qui  font  expliqués  dans  les  grammaires 
particulières.  {F) 

COMPARATJONE ;punc}um  ex  com^ 
paratione,  c'eft  ainli  quAppollonius appelle 
l'un  d^s  foyers  de  l'ellipfe  ou  de  l'hyperbole. 
^cje:(_  Foyer.  (O) 

COMPARER ,  V.  ad.  quî  défigne  racte 
de  l'entendement ,  appelle  comparaifon.  V. 
Comparaison. 

Comparer  des  équations ,  eft  une  exprell 
fion  dont  on  fe  fert  quelquefois  dans  Tana- 
lyfe  pour  réduire  plufieurs  équations  en 
une  ièule.  Soit ,  par  exemple  ,  x-=^  ayy^ 
x=a  a — y  y ,  comparant  enfemble  les  deux 
valeurs  de  x  que  fournifient  ces  équations,  on 
a.  2  ayy=^aa — yy;  équation  qui  nÊ  ren- 
ferme plus  qu'une  inconnue.  Cet  exemple 
très-fimple  fuffit  pour  en  faire  imaginer 
d'autres.  Foye^ Evanouissement  &  Ré- 
duction. (O) 

COMPARES,  f.  f  pi.  {Jurifpr.)  font 
des  ufages  &  des  redevances  prétendues  par 
les  vicomtes  de  Narbonne  contre  Pévêque 
du  même  lieu.  Il  en  eft  parlé  dans  la  vie 
d' Aymeri  IIl ,  liv.  IV ,  des  mém.  de  Langue" 
doc , page £8G.  {A) 

COMPAROIR  ou  COMPAROITRE, 
V.  n.  {Jurifpr.)  fignifie  ih  préfemer  devant 
le  juge  ,  greffier,  notaire,  ou  autre  offi- 
cier public ,  pour  répondre  à  une  fomma- 
tion  ou  affignatioH.  Voye^  ci'devam  Com- 
parant. 

Il  y  a  des  défauts  faute  de  comparoir.  V. 
au  mot  Défaut. 

Anciennement  lorfqu'un  bourgeois  de 
Bourges,  mandé  par  le  prévôt  ou  par  le 
voyer,  n'avoit  pas  comparu ,  &;  étoit  con- 
damné à  l'amende  ;  fi  ce  bourgeois  vouloit 
être  déchargé  de  l'amende ,  prétendant  qu'il 
n'avoit  pas  reçu  PavertilTement ,  il  faîloic 
Yyyy  i 


75* 


C  O  M 


qu'il  fe  battît  en  duel ,  fuivant  la  coutume 
barbare  de  ce  temps-là ,  où  le  duel  paflbit 
pour  un  moyen  de  s'afTurcr  de  la  vérité  des 
laits.  Louis  VI  abolit  cette  mauvaife  cou- 
tume ,  ik  ordonna  que  quand  un  bourgeois 
de  Bourges  aflSrmeroit  qu'il  n'avoit  pas  reçu 
l'avertiflèment ,  il  feroit  quitte  de  l'amende , 
ôc  qu'il  n'y  auroit  plus  de  duel  comme  aupa- 
ravant. Cette  ordonnance  de  Louis  VI  fut 
confirmée  par  Louis  VII  en  1 145  ,  de  par 
Louis  VIII  en  1224.  Voye^  le  recueil  des 
vrdonnnn  es  de  la  troifîeme  race.  {A) 

COMPARTIMENT,  f.  f.  en  architec- 
ture ,  peinture ,  fculpture  ,  &  autres  arts  , 
eft  la  dépofîtion  de  figures  régulières ,  for- 
mées de  lignes  droites  ou  courbes  &  pa- 
rallèles ,  &  divifées  avec  fymmécrie  p<»urles 
lambris,  les  plafonds  de  plâtre,  de  ftuc, 
de  bois,  &c.  êc  pour  les  pavemens  de  pierre 
dure ,  de  marbre ,  de  mofaïque ,  &x. 

Compariimens  polygones ,  font  cebx  qui 
ibnt  formés  de  figures  régulières  &  répétées, 
ëc  qui  peuvent  être  compris  dans  un  cercle , 
comme  les  compartimens  du  Val-de-Grace 
^  de  l'Aflom-ption  à  Paris, 

Compartimens  des  rues ,  eft  la  diftribution 
régulière  des  rues ,  îles ,  &:  quartiers  d^une 
ville. 

Compartimens  de  tuiles  ,  eft  l'arrangement 
/"ymmétrifé  de  tuiles  blanches ,  rouges  ,  de 
verniflees ,  pour  la  décoration  des  couver- 
tures &  des  combles. 

Compartimens  de  vitres  ^  font  les  diffé- 
rentes figures  que  forment  les  panneaux 
de  vitres  blanches  ou  peintes. 

Compartimens  de  parterre ,  ce  font  les  dif- 
férentes pièces  qui  donnent  la  forme  à  un 
parterre  dans  un  jardin.  (P) 
;  COMPARTITEUR,  r.  m.  (Jz//7/^/-.) 
quafi partitor ,  eft  celui  des  juges  qui  a  ou- 
vert le  premier  un  avis  contraire  à  celui 
du  rapporteur ,  &  qui  a  commencé  le  par- 
tage d'opinions  ;  ce  qui  n'arrive  que  par 
partage  d'opinions  dans  les  procès  par  écrit 
ou  inftances  appointées  en  matière  civile  ; 
car  en  matière  criminelle  il  n'y  a  jamais  de 
partage,  c'eft-à-dire,  que  quand  les  avis 
font  partagés  ,  le  jugement  pafïè  à  l'avis 
le  plus  doux  ;  &  dans  les  affaires  civiles 
d'audience  ,  lorfque  les  avis  font  partagés, 
on  ordonne  un  délibéré  ou  appointement. 
Au  parlement  ;,  lorfqu'une  affaire  fe 


C  O  M 

trouve  partagée ,  elle  eft  portée  dans  une 
autre  chambre  pour  y  être  jugée  \  le  rap- 
porteur &  le  compartiteur  vont  dans  cette 
chambre  expofer  chacun  les  motifs  &  les 
raifons  de  leurs  avis.  Fbjeiç^  Partage.  {A) 
COMPARUIT,  f.  m.  {Jurifpr.)  eft  un 
adle  que  le  juge  délivre  à  l'une  des  parties 
litigantes  ,  pour  certifier  fa  comparution  , 
lorlque  Pautre  partie    eft   défaillante    ou 
décédée  j   pour  faire  appeller  de  nouveau 
en   caufe  le  défaillant  ou   (es   héritiers  i 
pour  reprendre  l'inftance  ,  &  procéder  fui- 
vant les  derniers  erremens.  Il  en  eft  parlé 
dans  la  coutume  de  Lille ,  art.  cxxxvij  de 
l'ancienne i  &  en  la  nouvelle,  titre  de l' ac- 
tion ^  art.  XX  y   &  en  l'ancienne  coutume 
de  Boulonnois ,  à  la  fin  ;  &  celle  de  Dreux  , 
art.  Irij ,  où.  ce  terme  femble  fignlfier  le 
défaut  que  le  demandeur  fait  à  l'alïîgnation 
qu'il  a  fait   donner  au  défendeur.    Dans 
l'ufage  préfènt ,  la  cédule  de  prélentatioii 
que  le  procureur  de  chaque  partie  doit 
prendre  au  greffe ,  tient  lieu  d'ade  de  com- 
paruit.  Voyez  le  glojf.  de  M.  de  Lauriere  à 
ce  mot  comparuit.  {A) 
^  COMPARUTION,  f  f .  {Jurifpr.)  t^ 
l'ade  que  fiit  celui  qui  fe  préfence  en  juf- 
tice  ,  ou  devant  un  notaire ,  ou  autre  ofîî- 
cier  public.  Il  y  a  des  actes  de  juftice  où  la 
Comparution  doit  être  faite  en  perfonne  :  par 
exemple ,  en  matière  civile  ,  lorfqu'une  par- 
tie doit  fubir  interrogatoire  ou  prêter  fer- 
ment en  matière  criminelle ,  lorfque  l'ac- 
cufé  eft  décrété  d'affigné  pour  être  oui ,. 
ou  d'ajournement  perfonnel. 

Il  y  a  d'autres  a(àes  de  juftice  où  la  com- 
parution eft  néanmoins  différente  de  la 
préfentation  proprement  dite ,  par  laquelle 
on  entend  l'adte  par  lequel  un  procureur  fo 
conftitue  pour  fa  partie. 

La  comparution  peut  être  faite  par  la  par- 
tie en  perfonne ,  ou  par  le  miniftere  de  fon 
avocat  de  de  fon  procureur ,  comme  dans 
les  matières  civiles  ordinaires. 

La  comparution  devant  un  notaire ,  ou 
autre  ofïicier  public ,  pour  des  a6tes  extra- 
judiciaires ,  fe  faitaulïi  par  la  partie  en  per- 
fonne ,  ou  par  le  miniftere  de  fon  procu- 
reur ad  lites  ;  mais  elle  peut  aufîî  être  faite- 
par  le  miniftere  d'un  procureur  ad  negotia  , 
qu'on  appelle  communémait  un  fondé  d& 
procuration». 


C  O  M 

Le  demandeur  ou  autre  perfonne  qui 
provoque  le  miniftere  du  juge  ou  aurre 
officier  public ,  fait  fa  comparution  de  fon 
propre  mouvement  j  au  lieu  que  le  défen- 
deur fait  la  lîenne  en  conféquence  d'une 
fommation  çu  d'une  allignation ,  &  quel- 
quefois en  conféquence  d^une  ordonnance 
ou  autre  jugement ,  qui  ordonne  un  procès- 
verbal  ou  autre  a6te  extrajudiciaire  ,  où  les 
parties  doivent  comparoitre  en  perfonne. 

Dans  les  procès- verbaux  &  autres  actes 
faits  par  les  juges  notaires,  ou  autres  of- 
ficiers publics ,  dans  lefquels  les  parties 
doivent  comparoitre  en  perfonne  ou  par 
procureur,  on  donne  adte  refpedtivement 
îiux  parties  ou  à  leurs  procureurs ,  de  leurs 
comparutions  ,  dires ,  &  requilîtions  ,  dé- 
fenfes  au  contraire  ;  ôc  s'il  y  a  des  défaillans , 
on  donne  défaut  contre  eux.  Voye-^ci-devant 
Comparant  &  Comparoir,  ù  Présen- 
tation. (  A  ) 

COMPAS,  f.  m.  inftrument  de  mathé- 
matique ,  dont  on  fe  lert  pour  décrire  des 
cercles  &  mefurer  des  lignes ,  ùc.  Voye^ 
Cercle,  &  Ligne,  &c. 

Le  compas  ordinaire  eft  compofé  de  deux 
jambes  ou  branches  de  laiton ,  de  fer ,  ou 
de  quelque  autre  métal ,  pointues  par  en- 
bas,  de  jointes  en-haut  par  un  rivet  ,  fur 
lequel  elles  fe  meuvent  comme  fur  un 
centre. 

On  attribue  Pinvention  du  compas  à  Ta- 
lalis ,  neveu  de  Dédale  par  fà  fœur.  Selon 
les  poètes.  Dédale  conçut  une  telle  envie 
contre  Talaiis ,  qu  ij  le  tua.  L'auteur  du 
labyrinthe  de  Crète  ne  devoit  pourtant  point 
être  jaloux  d'un  compas. 

Nous  avons  aujourd'hui  des  compas  de 
différentes  efpeces  &  conftruâiions ,  com- 
me des 

Compas  a  trois  branches.  Leur  conf- 
tru6tion  eft  femblable  à  celle  des  compas  or- 
dinaires ,  excepté  qu'ils  ont  une  branche 
de  plus.  Ils  fervent  à  prendre  trois  points 
à  la  fois,  ôc  à  former  ainïi  des  triangles , 
à  placer  trois  pofîtiom  à  la  fois  d'une  carte 
que  l'on  veut  copier,  &c. 

Le  compas  a  verge  confîfte  en  une 
longue  branche  ou  verge,  portant  deux 
curfeurs  ou  boîtes  de  laiton ,  l'une  fixée  à 
un  bout ,  l'autre  pouvant  glilîer  le  long  de 
k  verg.e  avec  uiie  vis ,  pour  l'airujettij;  fuiyant 


COM  -}i 

le  befoin.  On  peut  viffer  à  (es  curfeurs  des 
pointes  de  toute  efpece  ,  foît  d-'acier ,  ou 
de  quelqu^iutre  chofe  femblable.  On  s'en 
ferc  pour  décrire  de  grands  cercles ,  oa  pren- 
dre de  grandes  longueurs. 

Le  Compas  D\ARTisAN€ft  fort&  foH- 
de  ,  fon  ufage  ordinaire  étant  de  fervir  à 
couper  le  carton,  le  cuivre ,  &c.  Il  eft  rra- 
verfé  par  un  quart  de  cercle ,  afin  qu  on 
puilTe  l'arrêter  fixement  à  une  ouverture  ,  ^ 
en  ferrant  une  vis  qui  appuie  fur  le  quart  de 
cercle. 

Le  Compas  a  l'allemande  a  fes  bran- 
ches un  peu  courbées ,  enforte  que  les  poin- 
tes ne  fe  joignent  que  par  les  bouts. 

Compas  a  pointes  changeantes  :  on 
appelle  ainfi  des  compas  qui  onD  dilfcrentes 
pointes  ,  que  l'on  peut  ôter  &  remettre  fe- 
lonje  befoin.^  Ils  ibnr  fon  utiles  dans  les 
delïins  d'archîtedure ,  où  il  s'agit  aflèz  fou- 
vent  de  faire  des  traits  bien  formés ,  bien 
dillinds ,  &c  très-déliés. 

Compas  a  ressort  :  ce  compas  eft  tout 
fait  d'acier  trempé ,  &  fa  tête  eft  contour- 
née de  manière  qu'il  s'ouvre  de  lui-même 
gar  fon  refTort  j  la  vis  qui  le  traverfe  en  arc , 
fert  à  l'ouvrir  ôc  à.  h  fermer  à  volonié  par 
le  moyen  d'un  écrou.  Cette  forte  de  compas 
eft  fort  commode  pour  prendre  de  petites 
mefures,  &  faire  de  petites  diviiîons  :  mais 
ils  doivent  être  un  peu  courts ,  &  trempés 
de  manière  qu'ils  fafTent  bien  refïbrt ,  Ôc 
qu'ils  ne  cafïent  pas. 

Compas  a  pointes  tournantes  ;  c'eft 
une  nouvelle  invention  de  compas  pour  évi- 
ter l'embarras  de  changer  de  pointes  ;  fon 
corps  eft  femblable  au  compas  ordinaire  ; 
vers  le  bas  ôc  en-dehors ,  on  ajoute  aux 
pointes  ordinaires  deux  autres  pointes, 
dont  l'une  porte  un  crayon ,  &  l'autre  fert 
de  plume;  elles  font  ajuftées  toutes  deux 
de  manière  qu'on  puifTc  ks  tourner  au 
befoin. 

Quant  à  la  rrempe  de  ces  compas,  les 
pointes  des  petits  fe  trempent  par  le  moyen 
d'un  chalumeau  ôc  d'une  Limpe  ;  on  les  fait 
chauffer  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  rouges;  on 
les  laifîe  refroidir ,.  &  elles  font  trempées , 
c'eft-à-dire,  durcies.  Les  pointes  plus 
grofîes  fé  trempent  au  feu  de  chaiboiï 
avec  le  chalumeau;  on  les  chauffe  jufqu'à 
ce  qu'elles  foient  d'un  rou^e  cerife ,  Se  oa 


7U  C  O  M 

les  plonge  enfuice  dans  l'eau.  Voy.  Trempe. 
Harris  Ù   Ckambîrs.  (  E) 

Compas  de  proportion  :  cet  inftru- 
menr  de  mathématiques  que  les  Anglois 
appellent  /èc7ci/r,  eft  d'un  grand  ufage  pour 
trouver  des  proportions  entre  des  quantités 
de  même  elpece  ,  comme  entre  lignes  & 
lignes ,  iurfiices  Ôc  furfaces ,  &c.  c'eft  pour- 
quoi on  Pappelle  en  France ,  compas  depro- 
porùor. 

Le  grand  avantage  du  compas  de  propor- 
tion fur  les  échelles  communes ,  confîfte  en 
ce  qu'il  eft  fait  de  telle  forte  ,  qu^il  convient 
à  tous  les  rayons  &  à  toutes  les  échelles.  Par 
les  lignes  des  cordes ,  des  linus ,  ùc.  qui 
iont  fur  le  compas  de  proportion ,  on  a  les 
lignes  des  cordes ,  des  linus ,  ùc.  d'un 
rayon  quelconque ,  compriles  entre  la  lon- 
gueur &  la  largeur  du /cc?ei/r  ou  compas  de 
proportion ,  quand  il  eft  ouvert.  V.  Echelle 
&  Ligne. 

'Lt  compas  de  proportion  eft  fondé  fur  la 
quatrième  proportion  du  iixieme  livre 
d'Euclide  ,  où  il  eft  démontré  que  les  trian- 
gles femblables  ont  leurs  côtés  homologues 
proportioiinels.  Voici  comment  on  peut  en 
prendre  une  idée.  Suppofons  que  les  lignes 
AB ,  A  C  {fig.  x6,  Géom.  )  foient  les  jambes 
du  compas  ^  ôc  que  AD  ,  A  E  repréfentcnt 
deux  ferions  égales  qui  paflent  parle  centre , 
ou  qui  partent  du  centre  ;  fi  alors  on  joint 
les  points  C5 ,  &  Z>  £ ,  les  lignes  C  B  ,D 
E  feront  parallèles  :  c'eft  pourquoi  les  trian- 
gles AD  E,  A  CB  font  femblables  ,  & 
par conféquent  les  côtés  A  D ,  D  E ,  AB , 
(k  B  C  font  proportionels  ;  c'eft-à-dire , 
que  AD.DE  ::  A  B.B  C:  donc  Ci  AD 
eft  la  moitié ,  le  tiers ,  oa  le  quart  de  A  B , 
D  ECera.  aulli  k  moitié,  letiers,  ou  le  quart 
de  B  C.  Il  en  eft  de  même  de  tout  le  refte, 
C'eft  pourquoi  fi  -^  D  eft  corde  ,  finus ,  ou 
tangente  d^un  nombre  quelconque  de  degrés 
pour  le  rayon  A  B  ,D  E  fera  la  mêmcchofe 
pour  le  rayon  B  C.  V.  Corde  j  Sinus  ,  ùc. 

Defcription  du  eompas  de  proportion.  Cet 
inftrum.ent  confifteen  deux  règles  ou  jam- 
bes égales,  de  cuivre  ou  d'autre  matière, 
rivées  l'une  à  l'autre ,  en  forte  néanmoins 
qu'elles  peuvent  tourner  librement  fur  leur 
charnière.  Voye':^  fa  figure ,  Plan,  géom,  fig. 
i£.  Sur  les  furfaces  de  cet  inftrument  font 
tracées  plufieurs  lignes,  dont  les  principales  | 


C  O  M 

font  la  ligne  des  parties  égales ,  la  ligne  des 
cordes,  la  ligne  des  finus ,  la  ligne  des  tan- 
gentes, la  ligne  des  iecantes,  ôc  la  ligne 
des  polygones. 

La  ligne  des  parties  égales ,  que  l'on  ap- 
pelle aulfi  ligne  des  lignes ,  marquée  X  ,  eft 
une  ligne  divifée  en  loo  parties  égales;  & 
quand  la  longueur  de  la  jambe  le  permet , 
chaque  partie  eft  fubdivifée  en  moitiés  & 
quarts.  Cette  ligne  fe  trouve  fur  chaque 
jambe  du  compas ^  &c  du  même  côté,  avec 
les  diviiions  marquées  1,1,3,4,  &c.  juf- 
qu'à  10 ,  qui  eft  vers  l'extrémité  de  chaque 
jambe.  Remarquez  que  dans  la  pratique ,  i 
eft  pris  pour  10,  ou  ico  ,  ou  1000,  ou 
loooo  .&c.  fuivant  le  befoin;  en  ce  cas, 
1  repréfente  20,  ou  200,  ou  2000  ,  6'c.  8c 
ainfi  du  refte.  La  ligne  des  cordes  marquée 
C  fur  chaque  jambe  eft  divifée  fuivant  la 
manière  ordinaire,  &  numérotée  10,  20, 
50  ,  &c.  jufqu'à  60.  Voye:(^  Corde.  La  ligne 
des  iînus  marquée  fur  chaque  jambe  par  la 
lettre  S ,  eft  une  ligne  des  finus  naturels , 
numérotée  10,  20,  30,  &c.  jufqu'à  90, 
^cyer  Sinus. 

La  ligne  des  tangentes ,  marquée  fur  cha- 
que jambe  par  la  lettre  T,  eft  une  ligne  des 
tangentes  naturelles,  numérotée  10,  20, 
30,  &c.  jufqu'à  45.  Outre  cela,  il  y  a  une 
petite  hgne  des  tangentes  fur  chaque  jambe, 
qui  commence  à  48°,  ôc  s'étend  jufqu'à 
7f°;  elle  eft  marquée  par  la  lettre  t.  Voye^ 
Tangente.  La  ligne  des  fécantes  marquée 
lur  chaque  jambe  par  la  lettre  S ,  eft  une 
ligne  des  fécantes  naturelles  numérotée ,  1  o 
20 ,  30 ,  &c.  juiqu'à  75  j  cette  ligne  ne  parc 
pas  du  centre  de  l'inftrument  j  fon  commen- 
cement en  eft  diftant  de  deux  pouces.  Voye':^ 
Sécante.  La  Hgne  des  polygones  marquée 
par  la  lettre  P  far  chaque  jambe,  eft  nu- 
mérotée,  4,  5,  6,  ùc.  jufqu'à  12;  elle 
commence  à  trois  pouces  du  centre  de  l'inf- 
trument. Voyc-;^  Polygone. 

Outre  CQs  lignes ,  qui  font  eftentielles  au 
compas  de  proportion  ,  il  y  en  a  d'autres  pro- 
che de  fes  bords  extérieurs  fur  l'une  &c  l'au- 
tre face ,  &:  parallèles  à  ces  bords  ;  elles  fer- 
vent aufTî  à  des  ufages  particuliers ,  dont 
nous  parlerons. 

Les  lignes  que  l'on  trouve  par  le  moyen 
du  compas  de  prcporiion  font  de  deux  elpe- 
ces  'y  elles  font  latérales  bu  parallèles.  Les 


C  OM 

premières  font  celles  que  l'on  trouve  fur 
la  longueur  des  cotés  de  cet  inlmimcnt , 
comme  A  B ,  A  C,  ifig.  Gx-,)  &c  les  der- 
niereSj  celles  qui  traver'ènt  d'une  jambe  à 
l'autre  ,  comme  D  P2,  C ]3.  P^emarquez que 
Tordre  ou  l'arrangement  des  lignes  fur  les 
compas  de  proportion  les  plus  modernes  ,  eft 
différent  de  celui  qui  eft  obfervé  fur  les 
anciens;  cnr  la  même  ligne  n^eft  pas  mifè 
aujourd'hui  à  la  même  diftance  du  bord 
de  chaque  côté  ;  mais  la  ligne  des  cordes , 
par  exemple ,  eft  la  plus  intérieure  d^'un  coté , 
&  la  ligne  des  tangentes  fur  TaUÉj^  L'avan- 
tage eft  que,  quand  Tinftrument  eft  mis  à 
un  rayon  pour  les  cordes ,  il  fert  auili  pour 
les  iinus  &  les  tangentes,  fans  que  l'on  foit 
obligé  d'en  changer  l'ouverture  ;  car  la  paral- 
lèle entre  les  nombres  60  &  60  des  cor- 
des ,  celle  qui  entre  les  nombres  90  &  90 
des  iii>as ,  àc  celle  qui  eft  entre  les  nombres 
45  ô^  45  des  tangentes ,  font  toutes  égales, 
Chafnbers. 

La  defcription  que  Ton  vient  de  donner 
de  cet  inftrument ,  eft  conforme  à  la  conl- 
rruâ:ion  angloife.  Les  ccmpas  de  proportion 
qui  composent  ce  que  Ton  appelle  en  France 
un  étui  de  mathématiques ,  coniiftent  aufîî 
en  deux  reglesallemblées ,  comme  ci-deflus, 
dont  chacune  a  pour  Tordinaire  G  pouces  de 
'  long  ,  <3  à  7  lignes  de  large ,  &  environ  1 
lignes  d'épaifleur.  On  en  fait  de  plus  petits, 
pour  avoir  la  commodité  de  les  porter  dans 
la  poche  ,  &  de  plus  grands  pour  travailler 
fur  le  terrain  ,  dont  on  proportionne  la  lar-- 
geur  &  Tépaillcur.  On  a  coutume  d'y  tracer 
C  fortes  de  lignes  ;  favoir  la  Hgne  des  parties 
égale  ,  celle  des  plans  &  celle  des  poly- 
gones d'un  côté  ;  la  ligne  des  cordes ,  celle 
des  folides  &  celle  des  métaux  de  l'autre 
côté  des  jambes  de  cet  inftrument. 

On  m^et  encore  ordinairement  fur  le  bord 
d'un  côté  une  ligne  divifée  ,  qui  fert  à  con- 
noltre  le  calibre  des  canons ,  &c  de  l'autre 
côté  une  ligne  qui  fert  à  connoître  le  diamè- 
tre Se  le  poids  des  boulets  de  fer ,  depuis 
un  quart  jufqu''à  64  Hvres. 

Ufcge  de  la  ligne  des  parties  égales  du  com- 
pas de  proportion.  Pour  divifer  une  ligne 
donnée  en  un  nombre  quelconque  de  par- 
ties égales ,  par  exemple  ,  en  fept  ;  prenez 
la  ligne  donnée  avec  votre  compas  ;  mettez 
une  de  fcs  pointes  fm  une  divifion  de  la 


C  O  M  735 

ligne  des  parties  égales  ,  enforte  que 
cetre  longueur  puifle  être  exactement  divi- 
fée par  7  ;  mettez-la ,  par  exemple  ,  fur 
70  ,  dont  la  (eptieme  partie  eft  10  ;  ouvrez 
la  iedbion  ou  plutôt  le  compas  de  proportion  , 
jufqu'ài^e  que  l'autre  pointe  tombe  exaéle- 
ment  fur  le  nombre  70  de  la  même  ligne  des 
parties  égales  tracée  fur  l'autre  jambe  :  dans 
cette  difpoiition  ,  fi  Ton  met  une  pointe  du 
ccmpjs  au  nombre  10  de  la  m^ême ligne,  Se 
qu'on  lui  donne  une  ouverture  telle  que  fon 
autre  pointe  tombe  au  nombre  10  de  la 
même  ligne  tracée  fur  l'autre  jambe,  cette 
ouverture  fera  la  feptieme  partie  de  la  ligne 
donnée.  Remarquez  que  fi  la  ligne  à  diviler 
eft  trop  longue  pour  être  appliquée  aux 
jambes  du  compas  de  proportion,  on  en  divi- 
fera  feulement  une  moitié  ou  une  quatriè- 
me partie  par  7  ,  &  le  double  ou  le  qua- 
druple de  cette  ligne  fera  la  feptieme  partie 
de  la  ligne  totale. 

1°.  Pour  mefurer  les  lignes  du  périmètre 
d'un  polygone  ,  dont  un  des  cotés  contient 
un  nombre  donné  de  parties  égales  ;  prenez 
la  ligne  donnée  avec  votre  compas ,  &  met- 
tez-la fur  la  hgne  des  parties  égales  ,  au 
nombre  des  parties  for  chaque  côté  qui 
exprime  fa  longueur  j  le  compas  depropcrtion 
reftant  dans  cet  état ,  mettez  la  longueur  de 
chacune  des  autres  lignes  parallèlement  à  la 
première  ,  &  les  nombres  où  chacune  d'elles 
tombera ,  exprimeront  la  longueur  de  ces 
lignes. 

5°.  Une  ligne  droite  étant  donnée  &  le 
nombre  des  parties  qu'elle  contient,  par 
exemple  120  ,  pour  en  retrancher  une  plus 
petite  qui  contienne  un  nombre  quelconque 
des  mêmes  parties  égales ,  par  exem.ple  15  , 
prenez  la  ligne  donnée  avec  le  compas  ordi- 
naire ;  ouvrez  le  compas  de  proportion  jus- 
qu'à ce  que  les  deux  pointés  tombent  fur 
1 20  de  chaque  côté  ;  alors  la  diftance  de  25 
à  2^  donnera  la  ligne  demandée. 

4°.  Pour  trouver  une  troifieme  propor- 
tionnelle à  deux  lignes  données  ou  une  qua- 
trième à  trois  ;  dans  le  premier  cas ,  prenez 
avec  votre  co/tî/;^^  la  longueur  de  la  première 
ligne  donnée ,  Se  mettez-la  fur  la  ligne  des 
parties  égales  depuis  le  centre  jufqu'au  nom- 
bre oii  elle  fe  termine  ;  alors  ouvrez  le  com^ 
pas  de  proportion ,  jufqu'àçe  que  la  longueur 
,  de  la  féconde  Hgne  foit  renfermée  dans  Tou- 


73^  COM       ^     ^ 

verrurc  comprife  entre  les  extrémités  de  îa 
première.  Le  compas  de  proportion  reliant 
ainfi  ouvert ,  mettez  la  longueur  de  la  fé- 
conde ligne  fur  les  deux  jambes  de  l^inftru- 
ment ,  en  commençant  au  centre ,  &  remar- 
quez où  elle  fe  termine;  la  diftance  qui  eft 
comprife  entre  ce  nombre  &  le  même  qui 
lui  répond  fur  l'autre  jambe ,  donne  la  troi- 
lieme  proportionnelle  :  dans  le  fécond  cas, 
prenez  la  féconde  ligne  avec  votre  compas  , 
&  ouvrant  le  compas  de  proportion ,  appli- 
quez cette  étendue  aux  extrémités  delà  pre- 
mière ,  que  l'on  a  portée  fur  les  deux  jambes 
de  rinfrrument  depuis  le  centre.  Le  compas 
de  proportion  reflant  ainlî  ouvert ,  portez  la 
troiflem.e  ligne  comme  ci-de(ïus  depuis  le 
centre  ;  alors  l'étendue  qui  eft  entre  le  nom- 
bre oii  elle  fe  termine  fur  les  deux  jambes , 
eft  la  quatrième  proportionnelle. 

5°.  Pourdivifer  une  ligne  en  une  rai{bn 
donnée  quelconque  ,  par  exemple  en  deux 
parties  qui  foientTune  à  l'autre  comme  40 
eft  à  70 ,  ajoutez  enfembleles  deux  nombres 
donnés,  leur  fomme  eft  no  ;  alors  prenez 
avec  votre  compas  la  ligne  propofée  que  l'on 
fuppofe  165  ,  &:  ouvrez  Tinftrument  juf- 
qu'à  ce  que  cette  diftance  s'étende  1 10  à  100 
fur  les  deux  jambes;  le  fecleur  demeurant 
ainli  ouvert ,  prenez  la  diftance  de  40  à  40 , 
comme  aufîi  celle  de  70  à  70  ;  la  première 
donnera  60 ,  &  la  dernière  105  ,  qui  feront 
les  parties  que  Ton  propofoit  de  trouver  ; 
car  40.  70  :  :  60.  loy. 

6°.  Y'our  ouvrir  ]e  compas  de  proportion  de 
forte  que  les  deux  lignes  des  parties  égales 
fadent  un  angle  droit ,  trouvez  trois  nom- 
bres comme  3 ,  4  &  5  ,  ou  leurs  équimul- 
tibles,  60,  80,  100,  qui  puiflent  expri- 
mer les  côtés  d'un  triangle  redangle  ;  pre- 
nez alors  avec  votre  compas  la  diftance  du 
centre  à  loo  ,  &  ouvrez  l'inftrument  juf- 
qu'à  ce  qu'une  des  pointes  de  votre  compas 
étant  mife  fur  80,  l'autre  pointe  tombe 
fur  le  point  60  de  l'autre  jambe,  alors  les 
deux  lignes  des  parties  égales  renferment 
un  angle  droit. 

7**.  Pour  trouver  une  ligiîe  droite  égale 
à  la  circonférence  d'un  cercle  ;  comme  le 
diamètre  d'un  cercle  eft  à  fa  circonférence 
à-peu-près  comme  yo  eft  à  157,  prenez  le 
diamètre  avec  votre  compas ,  6c  mettez  ce 
4iametre  fur  les  jambes  de  Pinftrument  de 


C  OM 

yo  à  |o  ;  en  le  lailTant  ainil  ouvert ,  prenez 
avec  le  compas  la  diftance  de  1 57  à  1 57  ;  elle 
fera  la  circonférence  demandée. 

Ufage  de  la  ligne  des  cordes  du  compas  de 
proportion.  1°.  Pour  ouvrir  cet  inftrument 
enforte  que  les  deux  lignes  des  cordes  faf- 
lent  un  angle  d'un  nombre  quelconque  de 
degrés ,  par  exemple  40  ;  prenez  fur  la  ligne 
des  cordes  la  diftance  depuis  la  charnière 
jufqu'à  40,  nombre  des  degrés  propofés; 
ouvrez  l'inftrument  jufqu'à  ce  que  la  di(- 
tance  de  6g  à  60  fur  chaque  jambe  foit  égale 
à  la  dift^ÉJ^ufdite  de  40  ;  alors  la  ligne  des 
cordes  faSPnigle  requis. 

2°.  L'inftrument  étant  ouvert ,  pour  trou- 
ver les  degrés  de  fon  ouverture,  prenez 
l'étendue  de  60,  à  60  ;  mettez-la  fur  la  ligne 
des  cordes  en  commençant  au  centre ,  le 
nombre  oli  elle  fe  terminera  fera  voir  les 
degrés  de  (on  ouverture.  En  mettant  des 
vifieres  ou  des  pinnules  fur  la  ligne  des  cor- 
des ,  le  Compas  de  proportion  peut  fervir  à 
prendre  des  angles  fur  le  terrain  ,  de  même 
que  réquerre  «d'arpenteur,  le  demi-cercle 
ou  le  graphometre. 

3°.  Pour  faire  un  angle  d'un  nombre  don- 
né de  degrés  quelconque  fur  une  ligne  don- 
née ,  décrivez  fur  la  ligne  donnée  un  arc  de 
cercle ,  dont  le  centre  eft  le  point  où  doit 
être  le  fommet  de  l'angle  ;  mettez  le  rayon 
de  60  à  60  ;  ôc  l'inftrument  reftant  daios 
cette  lituarion ,  prenez  fur  chaque  jambe 
la  diftance  des  deux  nombres  qui  expri- 
ment les  degrés  propofés,  &  portez-la  de 
la  ligne  donnée  fur  Parc  qui  a  été  décrit  ; 
enfin  ,  tirant  une  ligne  du  centre  par  l'ex- 
trémité de  l'arc ,  cette  ligne  fera  l'anale 
propoie. 

4°.  Pour  trouver  les  degrés  que  contient 
un  angle  donné ,  autour  du  fommet  décri- 
vez un  arc,  Ôc  ouvrez  le  compas  de  propor- 
tion  jufqu'à  ce  que  la  diftance  de  60  à  60 
fur  chaque  jambe  foit  égale  au  rayon  du 
cercle  ;  prenant  alors  avec  le  compas  ordi- 
naire la  corde  de  l'arc ,  &  la  portant  fur 
les  jambes  de  cet  inftrument ,  voyez  à  quel 
même  nombre  de  degrés  fur  chaque  jambe 
tombent  les  pointes  du  compas  ;  ce  nom- 
bre eft  la  quantité  de  degfés  que  contient 
l'angle  donné. 

5°.  Pour  retrancher  un  arc  d'une  gran- 
deur quelconque  de  la  circonférence  d'un- 

cercle 


C  OM 

cercle  ,  ouvrez  l'infiruraent  j'ufqu'à  ce  que 
la  diftance  de  60  à  60  foit  égale  au  rayon 
du  cercle  donné  :  prenez  alors  l'étendue  de 
la  corde  du  nombre  de  degrés  donné  fur 
chaque  jambe  de  l'inllrument ,  &  mettez-la 
{urla  circonférence  du  cercle  donné.  Par 
ce  moyen  on  peut  infcrire  dans  un  cercle 
donné  un  polygone  régulier  quelconque , 
aufli-bien  que  par  la  ligne  des  polygones. 

Ufage  de  la  ligne  des  polygones  du  com- 
pas de  proportion  1°.  Pour  infcrire  un  poly- 
gone régulier  dans  un  cercle  donné  ,  prenez 
avec  le  compas  ordinaire  le  rayon  du  cercle 
donné,  &  ajuftez-le  au  nombre  6  de  la  ligne 
des  polygones  (ùr  chaque  jambe  de  l'ini- 
trument  ;  en  le  laiflant  ainfi  ouvert ,  pre- 
nez la  diftance  des  deux  mêmes  nombres 
qui  expriment  le  nombre  des  côtés  que  doit 
avoir  le  polygone  ;  par  exemple  ,  la  diflance 
de  5  à  5  pour  un  pentagone  ,  de  7  à  7  pour 
un  eptagone  ,  &c.  c&s  diiknces  portées  au- 
tour de  la  circonférence  du  cercle,  la  di- 
viferont  en  un  pareil  nombre  de  parties  égales. 
2°.  Pour  décrire  un  polygone  régulier , 
par  exemple  un  pentagone  ,  fur  une  ligne 
droite  donnée  ,  avec  le  compas  ordinaire  , 
prenez  la  longueur  de  la  ligne ,  appliquez- 
la  à  l'étendue  des  nombres  5  »  5  ^^^  l^s  li- 
gnes des  polygones  ;  l'ihflrument  demeu- 
rant ainfi  ouvert,  prenez  fur  les  mêmes  li- 
gnes l'étendue  de  6  à  6  ,  cette  diftance  fera 
le  rayon  du  cercle  dans  lequel  le  polygone 
propofé  doit  être  infcrit  ;  alors,  fi  des  extré- 
mités de  la  ligne  donnée  l'on  décrit  avec  ce 
rayon  deux  arcs  de  cercle ,  leur  interfedion 
fera  le  centre  du  cercle  cherché. 

3°.  Pour  décrire  fur  une  ligne  droite  un 
triangle  ifocele  ,  dont  les  angles  fur  la  bafe 
foient  doubles  chacun  de  l'angle  au  fommet, 
ouvrez  l'inftrument  jufqu'à  ce  que  les  extré- 
mités de  la  ligne  donnée  tombent  (ùr  les 
points  10  &  10  de  chaque  jambe  ;  prenez 
alors  la  diftance  de  6  à  6  ,  elle  fera  la  lon- 
gueur de  chacun  des  deux  côtés  égaux  du 
triangle  cherché. 

Ufage  de  la  ligne  des  plans  du  compas  de 
proportion.  On  voudroit  conflruire  un  trian- 
gle .^  5  C  femblable  au  triangle  donné  abc, 
&  triple  en  furface  {Plane,  d' arpentage, fig. 
z  J.)  ;  il  n'y  a  qu';\  prendre  avec  un  compas 
commun  la  longueur  du  côté  ab  jla.  porter 
fur  la  ligne  des  plans  à  l'ouverture  du  p.'e- 
Tome  VIII. 


COM  737 

rnîer  plan  :  le  compas  de  proportion  refiant 
ainfi  ouvert,  on  prendra  avec  le  compas  com- 
mun l'ouverture  du  troifieme  plan ,  &  l'on 
aura  la  longueur  du  côté  homologue  au  côté 
a  b  :  on  trouvera  de  la  même  matière  les 
côtés  homologues  aux  deux  autres  côtés  du 
triangle  propofé  ,  &  de  ces  trois  côtés  l'on 
en  formera  le  triangle  ABC,  qui  fera  fem- 
blable au  triangle  donné  a  b  c  ,  &c  triple  en 
furface. 

Si  le  plan  propofé  a  plus  de  trois  côtés , 
on  le  réduira  en  triangles  par  une  ou  plu- 
lîeurs  diagonales  :  (i  c'ert  un  cercle  qu'il 
s'agiiîè  de  diminuer  ou  d'augmenter  y  on 
fera  fur  fon  diamètre  l'opération  que  nous 
venons  de  décrire. 

Etant  données  deux  figures  planes  fera- 
blables  (/%•.  24.),  trouver  quel  rapport  elles 
ont  entr 'elles. 

Prenez  lequel  vous  voudrez  des  côtés  de 
l'une  de  ces  figures  ,  &  le  portez  à  l'ou- 
verture de  quelque  plan;  prenez  enfliite  le 
côté  homologue  de  l'autre  figure ,  &  voyez 
à  l'ouverture  de  quel  plan  il  convient  ;  les 
deux  nombres  auxquels  conviennent  les  deux 
côtés  homologues ,  expriment  la  raifon  que 
les  plans  propofés  onf^  entr'eux  :  û  le  côté 
a  b ,  par  exemple  ,  de  la-  plus  petite  ,  con-- 
vient  au  quatrième  plan  ,  &  que  le  côté 
homologue  A  B  de  l'autre  convienne  au 
fixieme  plan  ,  les  deux  plans  propofés  fe- 
ront entr'eux  comme  4  eft  à  6  ,  ou  comme 
2.  efl  à  3.  Mais  fî  le  côté  d'une  figure  ayant 
été  mis  à  l'ouverture  d'un  plan  ,  le  côté 
homologue  ne  peut  s'ajufler  à  l'ouverture 
d'aucun  nombre  entier ,  il  faudra  mettre 
ledit  côté  de  la  première  figure  à  l'ouver- 
ture de  quelque  autre  plarf ,  jufqu'à  ce  qu'on 
trouvt  un  nombre  entier  ,  dont  l'ouver- 
ture convienne  à  la  longueur  du  côté  homo- 
logue de  l'autre  figure  y  afin  d'éviter  les 
fradions. 

Si  les  figures  propofées  font  fi  grandes 
qu'aucun  de  leurs  côtés  ne  fè  puilTe  appli- 
quer à  l'ouverture  des  jamtes  du  compas 
de  proportion  j  prenez  les  moitiés  ,  les  tiers 
ou  les  quarts  ,  &c.  de  chacun  des  deux  cô~ 
tés  homologues  defdites  figures  ,  &  les  com- 
parant enfemble  vous  aurez  la  proportion 
des  plans. 

Entre  deux  lignes  droites  données  trou- 
ver  une  moyenne  proportionnelle.   Portez 

Z  z  z  z 


73?  C  O  M 

jchacune  àes  deux  lignes  données  fur  la  li- 
gne des  parties  égales  du  compas  de  propor- 
tion y  afin  de  favoir  le  nombre  que  chacu- 
ne en  contient  ;  &  fuppofé  ,  par  exemple, 
que  la  moindre  ligne  foit  de  20  parties 
égales ,  &  la  plus  grande  de  45  >  portez 
cette  plus  grande  à  l'ouverture  du  quarante- 
cinquième  plan ,  qui  dénote  le  nombre  de 
fes  parties  :  le  compas  de  proportion  refîant 
ainfi  ouvert ,  prenez  l'ouverture  du  ving- 
tième plan  ,  qui  marque  le  nombre  des  par- 
fiei;  égales  de  la  plus  petite  ligne  ;  cette  ou- 
verturç  qui  doit  contenir  trente  des  mêmes 
parties ,  donnera  la  moyenne  proportion- 
nelle ;  car  2.0  font  à  30  comme  30  lonf  ià45. 

Mais  comme  le  plus  grand  nombre  de 
la  ligne  des  plans  ell  64 ,  fi  quelqu'une  àcs 
lignes  propofées  contenoitun  plus  grand 
nombre  de  parties  égales  ,  on  pourroit  faire 
ladixe  opération  fur  leurs  moitiés ,  tiers  ou 
quarts  ,  Ùc.  en  cette  forte  :  fuppofant ,  par 
exemple ,  que  la  moindre  des  lignes  pro- 
pofées foit  de  32  &  l'autre  de  72  ;  portez 
la  moitié  de  la  grande  ligne  à  l'ouverture 
du  trente-fixieme  plan  ,  &  prenez  l'ouver- 
ture du  feizieme  ;  cette  ouverture  étant  dou- 
blée donnera  la  moyenne  proportionnelle 
que  l'on  cherche. 

Ufagede  la  ligne  des  foUdes  du  compas 
de  proportion.  Augmenter  ou  diminuer  des 
folides  femblables  quelconques  félon  une 
raifbn  donnée. 

Soit  propofé ,  par  exemple ,  un  cube  du- 
quel on  en  demande  un  qui  foit  double  en 
folidité  :  portez  le  côté  du  cube  donné  fur 
la  ligne  des  folides  à  l'ouverture  de  tel 
nombre  que  vous  voudrez  ,  comme  ,  par 
exemple ,  de  20  à  20  ;  prenez  enfuite  l'ou- 
verture d'un  nombre  double  ,  comme  efl 
en  cet  exemple  le  nombre  40  ;  cette  ouver- 
ture efl  le  Qoii  d'un  cube  double  du  propofé. 

Si  l'on  propofé  un  globe  ou  fphere ,  & 
qu'on  veuille  en  faire  une  autre  qui  foit 
trois  fois  plus  groffe  ,  portez  le  diamètre  de 
la  fphere  propofée  à  l'ouverture  de  tel  nom- 
bre qui  vous  plaira ,  comme  par  exemple 
de  20  à  20  ,  &  prenez  l'ouverture  de  60  , 
ce  fera  le  diamètre  d'une  autre  Iphere  tri- 
ple en  fofidité. 

Si  les  lignes  font  trop  grandes  pour  erre 
.appliquées  A  l'ouverture  du  compas  de  pro- 
portion ,  |)iei)ç;?;-,ç9 1^  jnaoitié  j  le  tiers  ou  le 


C  O  M 

quart  \  ce  qui  en  proviendra  après  l'opéra- 
tion ,  fera  moitié  ,  tiers  ou  quart  des  dimen- 
fions  que  l'on  demande. 

Etsnt  donnés  deux  corps  femblables, 
trouver  quel  rapport  ils  ont  entr'eux.  Pre- 
nez lequel  vous  voudrez  des  côtés  de  l'uti 
des  corps  propofés  ;  &  l'ayant  porté  à  Tou- 
verture  de  quelque  folide  ,  prenez  le  côté 
homologue  de  l'autre  corps  ,  &  voyez  % 
quel  nombre  des  folides  il  convient  ;  les 
nombres  auxquels  ces  deux  côtés  homolo- 
gues conviennent ,  indiquent  le  rapport  def 
deux  corps  femblables  propofés. 

Si  le  premiier  ayant  été  mis  à  l'ouverture 
de  quelque  folide ,  le  côté  homologue  du 
fécond  ne  peut  s'accommoder  à  l'ouverture 
d'aucun  nombre  ;  portez-le  du  côté  du  pre- 
mier corps  à  l'ouverture  de  quclqu'autre 
folide  ,  jufqu'à  ce  que  le  côté  homologue  du 
fécond  corps  s'accommode  à  l'ouverture  de 
quelque  nombre  des  folides. 

Ufage  de  la  ligne  des  métaux.  Etant 
donné  le  diamètre  d'un  globe  ou  boulet  de 
quelqu'un  Aqs  fix  métaux  ,  trouver  le  dia- 
mètre d'un  autre  globe  de  même  poids  ,  & 
duquel  on  voudra  defdits  métaux. 

Prenez  le  diamètre  donné  &  le  portez 
à  l'ouverture  des  deux  points  marqués  du 
caradere  qui  dénote  le  métal  du  boulet  ^ 
&  le  compas  de  proportion  demeurant  ainû 
ouvert ,  prenez  l'ouverture  des  points  cotés 
du  caradere  qui  fignifie  le  métal  dont  on 
veut  faire  le  boulet  :  cette  ouverture  fera 
fon  diamètre. 

Si  au  lieu  de  globes  on  propofé  des  corps 
femblables  ayant  plufieurs  faces ,  faites  la 
même  opération  que  ci-deffus  pour  trçuver 
chacun  des  côtés  homologues  ,  les  uns  après 
les  autres ,  afin  d'avoir  les  longueurs  ,  lar- 
geurs ,  &  épaiffeurs  des  corps  qu'on  vevit . 
conflruire. 

Ufages  des  lignes  desjinus  y  des  tang£n~ 
tes  y  desfecœntes  y  lorjqu'il  y  en  a  de  tracées 
furie  compas  de  proportion.  Par  plufieurs  li- 
gnes qui  font  placées  fur  cet  infirument,  nous 
avons  des  échelles  pour  dijflférens  rayons  ; 
enforte  qu'ayant  une  longueur  ou  un  rayon 
donné  ,  qui  n'excède  pas  la  plus  grande 
étendue  de  l'ouverture  de  l'infirumcnt  ,  op 
en  trouve  les  cordes,  les  fmus,  Ùc.  Par  exem- 
ple ,  fuppofons  que  l'on  demande  la  cor- 
de ,  le  finus ,  ou  1^  tangeçite  de  dix  degrés 


C  O  M 

pour  un  rayon  de  trois  pouces  ;  donnez  trois 
pouces  à  l'ouverture  de  l'inflrument  entre 
60  &  60  fur  les  lignes  des  cordes  des  deux 
jambes  ,  alors  la  même  longueur  s'étendra 
de  45  à  4$  fur  la  ligne  des  tangentes ,  &  de 
^oà9orur  la  ligne  des  fmusde  l'autre  côté 
de  l'inflrument  ;  enforte  que  la  ligne  des 
cordes  étant  mife  à  un  rayon  quelconque , 
toutes  les  autres  fe  trouvent  mifes  au  même 
rayon.  C'ert  pourquoi  fi  dans  cette  difpo- 
fition  on  prencT  avec  le  compas  ordinaire 
l'ouverture  entre  10  &  10  fur  [es  lignes  des 
cordes  ,  cela  donnera  la  corde  de  dix  de- 
grés ;  en  prenant  de  la  même  manière  l'ou- 
verture de  10  en  10  fur  les  lignes  des  finus, 
on  aura  le  finus  de  dix  degrés  ;  enfin  ii  l'on 
prend  encore  de  Iji  mêm'e  manière  l'ouver- 
ture de  10  en  10  fur  les  lignes  des  tangen- 
tes ,  cette  diftance  donnera  la  tangente  de 
dix  degrés. 

Si  l'on  veut  la  corde  ou  la  tangente  de 
70  degrés ,  pour  la  corde  on  peut  prendre 
l'ouverture  de  la  moitié  de  cet  arc  ,  c'eft- 
à-dire  3  5  ;  cette  diflance  prife  deux  fois  don- 
ne la  corde  de  70^.  Pour  trouver  la  tan- 
gente de  70^.  pour  le  même  rayon ,  on  doit 
faire  ufage  de  la  petite  ligne  des  tangentes  , 
l'autre  s'étendant  feulement  jufqu'à  45^.  : 
c'eft  pourquoi  donnant  trois  pouces  à  l'ou- 
verture entre  45  &  45  fur  cette  petite  ligne, 
la  diilance  de  70  &  70  degnés  fur  la  même 
ligne,  fera  la  tangente  de  70  degrés  pour 
un  rayon  de  trois  pouces. 

Pour  trouver  la  fecante  d'un  arc  ,  faites 
que  le  rayon  donné  foit  l'ouverture  de  l'inf- 
trument  entre  o  &  o  fur  la  ligne  des  fecan- 
tes  ;  alors  l'ouverture  de  10  en  10  ,  ou  de  70 
entre  70  fur  lefdites  lignes ,  donnera  la  tan- 
gente de  10  ou  de  70  degrés. 

Si  l'on  demande  la  controverfc  de  quel- 
qu'un des  cas  précédens  ,  c'eft-à-dire  fi  l'on 
demande  le  rayon  dont  une  ligne  donnée 
eft  le  finus  ,  la  tangente  ou  la  fecante ,  il  n'y 
a  qu'à  f;ire  que  la  ligne  donnée ,  fi  c'eft 
une  corde ,  foit  l'ouverture  de  la  ligne  des 
cordes  entre  10  &  10  ,  alors  l'infirument 
fera  ouvert  au  rayon  requis  ;  c'efi-à-dire 
que  le  rayon  demandé  eft  l'ouverture  entre 
00  &  60  fur  ladite  ligne.  Si  la  ligne  donnée 
efi  un  finus ,  une  tangente  ,  ou  une  fecan- 
te ,  il  n'y  a  qu'à  faire  qu'elle  foit  l'ouverture 
du  nombre  donné  de  degrés  ;  alors  la  difian- 


C  O  M  75^ 

ce  êe  90  à  90  fur  les  finos ,  de  4^  à  4^  fur 
les  tangentes  ,  de  oào  (urjes  fecantes ,  doa- 
nera  le  rayon. 

Ufage  du  compas  de  proportion  entrlgo^ 
nomùrie.  1°.  La  bafe  &  la  perpendiculaire 
d'un  triangle  redangle  étant  données,  trou- 
ver l'hypothénufe.  Suppofonsla  bafc  ^C(P/. 
Trigonom.  fig.  s..)  =40 milles,  &  laper-» 
pendiculaire  AB=  30;  ouvrez  l'infirument 
jufqu'à  ce  que  les  deux  lignes  des  lignes,  c'eft- 
à-dire  les  deux  lignes  des  parties  égales, 
faflènt  un  angle  droit  ;  puis  pour  la  bafe  pre- 
nez 40  parties  de  la  ligne  des  parties  égales  fur 
une  jambe  ,  &  pour  la  perpendiculaire  3*^ 
parties  de  la  même  ligne  fur  l'autre  jambe  ; 
alors  la  diftance  du  nombre  40  fur  l'une  des 
jambes  _,  au  nombre  30  {ur  l'autre  jambe  , 
étant  prifè  avec  le  compas  ordinaire ,  fera 
la  longueur  de  l'hypothénufe  ,  cette  ligne  (è 
trouvera  =  50  milles. 

2.0.  Etant  donnée  la  perpendiculaire  A  3 
d'un  triangle  redangle  A  B  C  =  30  ,  fie 
l'angle  B  C  A  =  37^  ; j>our  trouver  l'hypo- 
thénufe B  C ,  prenez  le  côté  ^4  B  donné  , 
&  mettez-le  de  chaque  côté  fur  le  finus  de 
l'angle  donné  A  C  B;  alors  la  difiance  pa- 
rallèle du  rayon  ,  ou  la  diftance  de  9c  à  90, 
fera  l'hypothénufe  B  C,  laquelle  mefurera 
ÇO  fur  la  ligne  des  finus. 

3°.  L'hypothénufe  &  la  bafe  étant  don-« 
nées  ,  trouver  la  perpendiculaire-  Ouvrez 
l'inftrument  jufqu'à  ce  que  les  deux  lignes 
des  lignes  foient  à  angles  droits  ;  alors  met* 
tezJa  bafe  donnée  fijr  l'une  de  ces  lignes 
depuis  le  centre  ;  prenez  l'hypothénufe  avec 
votre  compas  y  &c  mettant  l'une  de  fes  pointe? 
à  l'extrémité  de  la  bafe  donnée  ,  faites  que 
l'autre  pointe  tombe  fur  la  ligne  des  lignes 
de  l'autre  jambe  ;  la  diftance  depuis  le  centre 
jufqu'au  point  où  le  compas  tombe  ,fera  la 
longueur  de  la  perpendiculaire. 

4°.  L'hypothénufe  étant  donnée  ,  &  Tan* 
gle  A  C  By  trouver  la  perpendiculaire.  Fai- 
tes que  l'hypothénufe  donnée  foit  un  rayon 
parallèle  ,  c'eft-à-dire  étendez-la  de  90  à  90 
fur  les  lignes  des  lignes  ;  alors  le  finus  pa- 
rallèle de  l'angle  A  C  B  y  fera  la  longueur 
du  côté  A  B. 

5®.  La  bafe  &  la  perpendiculaire  A  3 
étant  données  ,  trouver  l'angle  B  C  A.  Met- 
tez la  bafe  A  C  furies  deux  côtés  de  l'inftru- 
ment depuis  le  centre ,  &  remarquez  fon 
Z  zzz  i 


740  C  O  M 

étendue  ;  alors  prenez  la  perpendiculaire 
-donnée,  ouvrez  l'inilrument  à  l'étendue  de 
cette  perpendiculaire  placée  aux  extrémités 
-de  la  bafe  ;  le  rayon  parallèle  fera  la  tan- 
gente de  l'angle  3  C  A. 

6®.  En  tout  triangle  reâ:iligne  ,  deux  cô- 
'.xàs  étant  donnés  avec  l'angle  compris  entre 
cts  côtés  ,  troiiver  le  troiiieme  côté.    Sup- 
.pofez  le  côté  A  C=  20 ,  le  côté  B  C  =30, 
&  l'angle    compris -<4  CB=iJO  degrés  ; 
.ouvrez  l'inflrument  jufqu'à  ce  que  les  deux 
lignes  des  lignes  faflent  un  triangle  égal  à  l'an- 
gle  donné  ,  c'efl- à-dire  un  angle  de    110 
degrés  ;  mettez  les  côtés  donnés  du  triangle 
.depuis  le  centre  de  l'inflruftient  fur  chaque 
ligne  des  lignes  ;  l'étendue  entre  leurs  ex- 
trémités eiHa  longueur  du  côtéAB  cherché. 
7°.  Les  angles  CAB&cACB  étant  don- 
.nés  avec  le  côté  C  B  ,  trouver  la  bafe  A  B. 
Prenez  le  côté  C  B  donné  ,  &  regardez-le 
comme  le  linus  parallèle  de  fon  angle  op- 
poièCAB  i  &  le  fmus  parallèle  de  l'an- 
gle A  C  B  fera  la  longueur  de  la  bafe  A  B. 
S*'.  Les  trois  angles  d'un    triangle   étant 
donnés  ,  trouver  la  proportion  de  fes  côtés. 
Prenez  lesfinus  latéraux  de  ces  difFérens  an- 
gles, &  mefurez-les  fur  la  ligne  des  hgnes  * 
hs  nombres  qui  y  répandront  donneront 
la  proportion  des  côtés. 
•     9^.  Les  trois  côtés  étant  donnés  trouver 
l'angle  A  .C  B.  Mettez  les  côtés  AC,CB, 
le  long  de  la  ligne  des  lignes  depuis  le  cen- 
tre ,  &  placez    le  côté  A  B  à  leurs  extré- 
mités; l'ouverture  de  ces  lignes  fait  que  l'inf- 
trument  eft  ouvert  de  la  grandeur  de  l'an- 
gle ^C^. 

10°.  L'hypothénufe  -^Cifig.  3.)  d'un 
triangle  redanglefphérique./4  B  C  donné  , 
par  exemple  ,  de  43^  ,  &.  l'angle  C  A  B  de 
2.0^  y  trouver  le  côté  C  B.  La  règle  eu  de 
faire  cette  proportion  :  comme  le  rayon  eu 
«u  fmus  de  l'hypothénufe  donnée  =  43'*; 
ainli  le  fmus  de  l'angle  donné  =  20^  ,  eft 
au  flnus  de  la  perpendiculaire  C  B.  Prenez 
alors  20"^  avec  votre  campas  fur  la  ligne  des 
fmus  depuis  le  centre  ,  &  mettez  cette  éten- 
due de  90  à.  90  fur  les  deux  jambes  del'inf- 
trument ,  le  fmus  parallèle  de  43.^  qui  eft 
l'hypothénufe  donnée  ,  étant  meluré  depuis 
.le  centre  fur  la  ligne  des  finus  ,  donne«a 
13^  30'  pour  le  côté  cherché. 
II".  La  perpendiculaire  B  C  &c  l'hypo- 


C  O  M 

thénufè  A  C  itant  données  ,  pour  trouver 
la  bafe  A  C  faites  cette  proportion  :  com- 
me le  finus  du  complément  de  la  perpen- 
diculaire B  C  eft  au  rayon  ,  ainfi  le  fmus 
du  complément  de  l'hypothénufe  eft  au  fmus 
du  complément  de  la  bafe.'  C'eft  pourquoi 
faites  que  le  rayon  (bit  au  fmus  parallèle 
de  la  perpendiculaire  donnée  ,  par  exem- 
ple ,  de  yô'^  30'  ;.  alors  le  fmus  parallèle  du 
complément  de  l'hypothémjfe ,  par  exem- 
ple ,  de  47^  ,  étant  mefurJifùr  la  ligne  des 
finus,  fera  trouvé  de  49^^  25',  qui  eft  le 
complément  delà  bafe  cherchée  ;  &  parcon- 
féquent  la  bafe  elle-même  fera  de  40*1  3  5'. 

U/ages particuliers  du  compas  de  propor- 
tion en  géométrie j  &c.  1®.  Pour  faire  un  poly- 
gone régulier  donri'aire  doit  être  d'une  gran- 
deur donnée  quelconque  ,  fuppofons  que  la 
figure   cherchée  foit   un    pentagone    dont 
l'aire  =125  pies;  tirez  la  racine  quarrée  de  | 
de   12^  que  l'on   trouvera  ==  5  :  faites    un 
quarré  dont  le  côté  ait    5  pJés  ,  &  par  la 
ligne  des  polygonies,  ainfi  qu'on  l'a  déjà  preA 
crit ,  faites  le  triangle  ifocele  C  G  D  {PI, 
ge'omet.fig.  z^.n.  z.)j  tel  que  CG  étant  le 
demi-diametre  d'un  cercle ,  C  D  puifTe  être 
le  côté  d'un  pentagone  régulier  infcrit  à  ce 
cercle  ,  &  abaiflez  la  perpendiculaire  G  E  ,• 
alors  continuant  les  lignes  £  G  ^E  C  y  faites 
E  F  égal  au  côté  du  quarré  que  vous  avez 
conftruit ,  &  d|^  point  F  tirez  la  ligne  droite 
/'-^  parallèle  à  G  C;  alors  une  moyenne 
proportionnelle  entre  G  E  &c  E  F  y  fera 
égale  à  la  moitié  du  côté  du  polygone  cher- 
ché ;  en  le  doublant  on  aura  donc  le  côté 
entier.  Le  côté  du  pentagone  étant  ainfi  dé- 
terminé ,  on  pourra    décrire  le  pentagone 
lui-même  ,  ainfi  qu'on  Ta  prefcrit  ci-delîùs» 
2°,  Un  cercle  étant  donné ,  trouver  un 
quarré  qui  lui  foit  égal.  Divilèz  le  diamètre, 
en  14  parties  égales  ,  en  vous  fervant  de  la 
ligne  des  lignes  ,  comme  on  l'a  dit;  alors  12. 
4  de  ces  parties  trouvées  par  la  même   li- 
gne feront  le  côté  du  quarré  cherché. 

3°.  Un  quarré  étant  donné  ,  pour  trou- 
ver le  diamètre  d'un  cercle  égal  à  ce  quarré, 
divifèz  le  côté  du  quarré  en  1 1  parties  éga- 
les par  le  moyen  de  la  ligne  des  lignes  ,  & 
continuez  ce  côté  jufqu'à,  12.  4  parties  ;  ce 
fera  le  d  tnmetre  du  cercle  cherché.    . 

4°.  Pour  trouver  le  côté  d'un  quarré 
égal  à  une  ellipfe  dont  les  diamètres  tranP 


CO  M 

verfe  &  conjugué  font  donnés  ,  trouvez 
une  moyenne  proportionnelle  entre  le  dia- 
mètre tranfverfe  &  le  diamètre  conjygué  , 
divifez-la  en  14  parties  égales  ;  12.  t?  de  ces 
parties  feront  le  côté  du  quarré    cherché. 

Ç°.  Pour  décrire  une  ellipfe  dont  les  dia- 
mètres aient  un  rapport  quelconque  ,  & 
qui  foir  égale  en  furface  à  un  quarré  donné, 
fuppofons  que  le  rapport  requis  du  dia- 
mètre tranfverfe  au  diamètre  conjugu4 , 
foit  égal  au  rapport  de  2  à  i  ;  divifez  le 
coxé  du  quarré  donné  en  1 1  parties  égales; 
nlors  comme  2  efl  à  i ,  ainfi  11x14=154 
efl  à  un  quatrième  nombre  ,  dont  le  quarré 
efl:  le  diamètre  conjugué  cherché  :  puis 
comme  i  eil  à  2  ,  ainfi  le  diamètre  con- 
jugué eft  au  diamètre  tranfverfe.  Préfen- 
tement  , 

6^,  Pour  décrire  une  ellipfe  dont  les 
diamètres  tranfverfe  &  conjugué  font  don- 
nés ,  luppofons  que  A  B  ai  E  D  {Planche 
des  coniq.  fig.  zi .)  foient  les  diamètres  don- 
nés :  prenez  A  C  avec  votre  compas  ,  don- 
nez à  l'inftruraent  une  ouverture  égale  à 
cette  ligne ,  c'eft-à-dire  ouvrez  i'inflrument 
jufqu'à  ce  que  la  diftance  de  90  à  90  fur  \ts 
lignes  des  finus  ',  foit  égale  à  la  ligne  A  C  : 
alors  la  ligne -«4  Cpeutêtre  divifée  en  ligne 
des  finus  ,  en  prenant  avec  le  compas  \ç.s 
étendues  parallèles  du  finus  de  chaque  de- 
gré fur  les  jarïibes  de  i'inftrument ,  &  les 
mettant  depuis  le  centre  C.  La  ligne  ainfi 
divifée  en  finus  (dans  la  figure  on  peut  fe 
contenter  de  la  divifer  de  dix  en  dix)  ,  de 
chacun  de  ces  finus  élevez  des  perpendicu- 
laires des  deux  côtés  ,  alors  trouvez  de  la 
manière  fuivante  les  points  par-lefquels  l'el- 
lipfe  doit  pafler  ;  prenez  entre  les  jambes  de 
votre  compas  l'étândue  du  demi-diametre 
conjugué  C  E ,  &c  ouvrez  l'infirument  juf- 
qu'à ce  que  fon  ouverture  de  90  en  90  fijr 
la  ligne  des  finus  foit  égale  à  cette  étendue; 
prenez  alors  les  finus  parallèles  de  chaque 
degré  des  lignes  des  finus  au  compas  depro- 
portion  ,  &  mettez-les  fur  ces  perpendicu- 
laires tirées  pas  leurs,  compiémens  dans  les 
lignes  des  finus,  ^  C  ;  par-là  vous  aurez 
deux  points  dans  chaque  perpendiculaire 
^par  lefquels  l'ellipfe  doitpaffer»  Par  exem- 
ple, le  compas  de  proportion  reftant  toujours 
le  même  ,  prenez  avec  le  compas  ordinaire 
k  diilance  de  80  à  80  fiir  les   ligaes  des 


C  O  M  74î 

finus  ,  mettant  un  pié  de  ce  compas  au 
point  10  fur  la  ligne  A  C ,  avec  l'autre, 
marquez  les  points  a ,  772  fur  les  perpendi- 
culaires qui  paflent  par  ce  point  ,  alors  a  & 
m  feront  deux  points  dans  la  perpendicu- 
laire, par  lefquels  l'ellipfe  doit  pafTer.  Si 
l'on  joint  tous  les  autres  points  trouvés  de 
la  même  manière  ,  ils  donneront  la  derai- 
ellipfeX>  A  E.  Onconftruira  l'autre  moitié 
de  la  même  manière. 

Ufage  du  compas  de  proportion  dans  Par- 
pentage.  Etant  donnée  la  pofition  refpeâive 
de  trois  lieues,  comme  A,B,  C,  (PI.  d' ar- 
pent, fig.  4.  jÎ.  ;2..),c'efl-à-dire  étant  don- 
nés \ts  trois  angles  AB  C  ,B  C  A^&l  C  A 
^  ,  &  la  diftance  de  chacun  de  ces  endroiis 
à  un  quatrième  point  D  pris  entr'eux  , 
c'eft-à-dire  les  diftances  BD,DC,AD, 
étant  données,  trouver  les  diftances  refpec- 
tives  des  difFcrens  endroits  A  ,B  ^  C ,  c'eft- 
à-dire  déterminer  les  longueurs  des  .côtés 
AB  ,B  C  ^AC.  Ayant  fait  le  triangle  E 
F  G  [fig.  4.n.  ^.)  femblable  au  triangle  A 
B  C,  divifez  le  côté  E  G  en  H ,  de  telle 
forte  que  E  /f  foit  k  HG ,  comme  A  D  eft 
iiD  C ^  ainfi  qu'on  l'a  déjà  prefcrit  ;  &  de 
la  même  manière  £  F  doit  être  divilé  en  I  ; 
tellement  que  E  ICokàl  F,  comme  AD 
eft  à  Z>  ^.  Alors  continuant  les  côtés  E  G  y 
E  Fy  dites  :  comme  E  H-—H  G  tHkH  Gy 
^nÇiE  H-^HG  eft  à  G  i^;  &  comme 
£/— /-Peft  à/i^,ainfi£'H-/i='eftà 
F  M:  ces  proportions  fe  trouvent  aifément 
par  la  ligne  des  parties  égales  fur  le  compas 
de  proportion.  Cela  fait  ,  coupez  H  K  &c 
I M  aux  points  L  ,N ,  ^  de  ces  points  y 
comme  centres,  avec  les  diftances  L  H àc 
I N ,  décrivez  deux  cercles  qui  s'entrecou- 
pent au  point  O ,  auquel  du  fommet  des 
angles  E  F  G  ^  tirez  les  lignes  droites  E  O, 
FO&c  QGy  qui  auront  entr'elles  la  même 
I>roportion  qu€  leâ  lignes  A  D^  B  DyD  C. 
Préfentement  fi  les  lignes  E  0,F  OÔc  G  O, 
font  égales  aux  lignes  données  A  D^B  D  y 
D  C,  les  diftances  EF,FG,kEG,  feront 
les  diftances  des  lieux  que  l'on  demande» 
Mais  iîE  O,  O  F,0  G  y  {ont  plus  petites 
que  AD  ,  D  B,DC  y  prolongez-les  fufl 
qu'à  ce  que  P  O,  OR  &  O  Ç,  leur  foient 
égales;  alors  fi  l'on  joint  les  points  P,  Q,  R 
les  diftances  P  R,  R  Q  ëc  P  O  ,  feront  les 
,  diftances  des  lieux  cherchés»  Eafia  û  les, 


74^  C  O  M 

lignes  E0,0  F  ^O  G,  font  plus  grandes 
que  A  D,D  B^DC^  retranchez-en  des  par- 
ties qui  fuient  égales  aux  lignes  A  D,  B  D  , 
JD  C  y&c  joignez  les  points  de  fedion  par 
trois  lignes  droites ,  les  longueurs  de  ces 
trois  lignes  droites  feront  les  diflances  des 
trois  endroits  cherchés.  Remarquez  que  fi 
EH  eûégékH G, ou,  El  à  I  F,ks 
centres  Z  &  N  feront  infiniment  diftans  de 
iï&  de  /  ,*  c'eft-à-dire  qu'aux  points  //"&  I 
il  doit  y  avoir  des  perpendiculaires  élevées  fur* 
les  côtés  E  F ,  F  G  f  SLU  heu  de  cercles  , 
jufqu'à  ce  qu'elles  s'entrecoupent  :  mais  fi 
E  H  eu  plus  petit  que  //"  G ,  le  centre  L 
tombera  fur  l'autre  côté  de  la  bafe  prolongée  ; 
&  l'on  doit  entendre  la  même  chofe  de 
E  I  &cl  F. 

Le  compas  de  proportion  fert  particulière- 
ment à  faciliter  la  projedion  ,  tant  ortho- 
graphique que  fléréographique.  VoyeT^KO- 
jectiong-Stéréographie.  (£■) 

Compas  a  coulisse  ou  Compas  de 

RÉDUCTION  ;  ilconfifle  en  deux  branches 
{Pl.de  géomet.  fig.  j.)  dont  ks  bouts  de 
chacune  font  terminés  par  des  pointes  d'a- 
cier. Ces  branches  font  évidées  dans  leur 
longueur  pour  admettre  une  boîte  ou  coulifle, 
-que  l'on  puifîê  faire  gliffer  à  volonté  dans 
toute  l'étendue  de  leur  longueur  ;  au  milieu 
de  la  coulifîé  il  y  a  une  vis  qui  fert  à  afîèm- 
bler  les  branches  ,  &  à  les  fixer  au  point  où 
l'on  veut. 

Sur  l'une  àts  branches  du  compas  ,  il  y  a 
des  divifions  qui  fervent  à  divifer  les  lignes 
dans  un  nombre  quelconque  de  parties  éga- 
les ,  pour  réduire  àes  figures  ,  6'c.  fur  l'au- 
tre ,  il  y  a  des  nombres  pour  infcrire  toute 
forte  de  polygones  réguhers  dans  un  cercle 
donné.  L'ufage  de  la  première  branche  efl: 
aifé.  Suppofez  ,  par  exemple  ,  qu'on  veuille 
divifer  une  ligne  droite  en  trois  parties  éga- 
les ;  poufTèz  la  coulifîé  jufqu'à  ce  que  la  vis 
foit  diredement  fur  le  nombre  3  ;  &  l'ayant 
fixée  là,  prenez  la  longueur  de  la  ligne 
donnée  yec  les  parties  du  compas  les  plus 
longues;  la  diftance  entre  les  deux  plus  cour- 
tes ,  fera  le  tiers  de  la  ligne  donnée.  On 
peut  de  la  même  manière  divifer  une  ligne 
dans  un  nombre  quelconque  de  parties. 

UJage  de  la  brandie  pour  les  polygones. 
Suppofez ,  par  exemple  ,  qu'on  veuiUe  inf- 
crire un  pentagone  régulier  dans  un  cercle; 


C  O  M 

pouffez  la  coulifîé  Jufqu'à  ce  que  le  milieu  *< 
la  vis  foit  vis-à-vis  de  5  ,  nombre  des  côtés 
d'un  pentagone  ;  prenez  avec  les  jambes  du 
compas  les  plus  courtes  ,  le  rayon  du  cercle 
donné;  l'ouverture  des  pointes  des  jam- 
bes les  plus  longues  ,  fera  le  côté  du  pen- 
tagone qu'on  vouloit  infcrire  dans  le  cer- 
cle. On  en  fera  de  même  pour  un  polygone 
quelconque. 

Compas  de  réduction  avec  les  lU 
gnesdu  compas  de  proportion.  Laconflruc- 
tion  de  ce  compas,  quoiqu'un  peu  plus  par- 
faite que  celle  du  compas  de  réduâion  ordi- 
naire ,  lui  efl  cependant  fi  femblable,  qu'elle 
n'a  pas  beibin  d'une  defcription  particulière. 
{Fig.  4.  PI.  de  géométrie.)  VoycT^plus  haut 
l'article  CoMPAS  DE  PROPORTION. 

Sur  la  première  face  il  y  a  la  ligne  des 
cordes  ,  marquées  cordes  ,  qui  s'étend  juf^ 
qu'à  60  :  &  la  ligne  des  hgnes ,  marquées 
lignes ,  qui  efl  divlfée  en  cent  parties  iné- 
gales ,  dont  chaque  dixième  partie  efl  nu- 
mérotée. 

Sur  l'autre  face  font  tracées  la  ligne  des 
finus  qui  va  jufqu'à  90^  ,  &  la  ligne  des 
tangentes  jufqu'à  45^*.  Sur  le  premier  côté 
l'on  trouve  les  tangentes  dépuis  4$  jufqu'à 
71*^  34'  ;  fur  l'autre  les  fecantes  ,  depuis  o'^ 
jufqu'à  7od  30'. 

Manière  de  fe  fervir  de  ce  compas,  i**. 
Pour  divifer  une  ligne  dans  un  nombre  quel- 
conque de  parties  égales  ,  moindre  que  100; 
divifèz  ICO  par  le  nombre  des  parties  re- 
quifes  :  faites  avancer  la  coulifîé  jufqu'à  ce 
que  la  ligne  marquée  fur  la  queue  d'aronde 
mobile ,  foit  parvenue  vis-à-vis  le  quotient 
fur  l'échelle  des  lignes  :  alors  ,  prenant  toute 
la  ligne  entre  les  pointes  les  plus  éloignées 
du  centre  ,  l'ouverture  cies  autres  donnera 
ladivifion  cherchée.  2°.  Une  ligne  droite 
étant  donnée  ,  que  l'on  fuppofe  divifée  en 
100  parties;  pour  prendre  un  nombre  quel- 
conque de  ces  parties ,  avancez  la  ligne  mar- 
quée fur  la  queue  d'aronde  ,  jufqu'au  nom- 
bre des  parties  requifes ,  &  prenez  la  ligne 
entière  avec  les  pointes  du  ccmpas  les  plus 
diflantes  du  centre ,  l'ouverture  des  deux: 
autres  fera  égale  au  nombre  des  parties  de- 
mandées. 3°.  Un  rayon  étant  donné,  trou- 
ver la  corde  de  tout  arc  au  deffous  de  60^  ; 
amenez  la  ligne  marquée  fur  la  queue  d'a- 
ronde ,  jufqu'au   degré  que  l'on  demande 


C  O  M 

fur  la  ligne  des  cordes  ,  &  prenez  le  rayon 
entre  les  pointes  les  plus  éloignées   du  cen- 
tre de  la  coulifle ,  l'ouverture    des  autres 
pointes  donnera  la  corde  cherchée ,  pourvu 
que  l'arc  foit  au  deflus  de  29**  ;  car  s'ilétoit 
au  deflfous  ,  la  différence  du  rayon    &  de 
cette  ouverture  feroit  alors  la  corde  ^imer- 
chée.  4°.  Si  la  corde  d'un  arc   au  defîbus 
de  6od  eft  donnée  ,  &  qu'^pn  en  cherche  le 
rayon  ;  faites  avancer  la   ligne  marquée  fur 
la  queue  d'aronde ,  jufqu'au  degré  propofé 
fur  la  ligne  des    cordes  ,  prenez  enfuite  la 
corde  donnée  entre  les  pointes  les  plus  pro- 
ches du  centre  ,  l'ouverture  des  autres  poin- 
tes donnera  le  rayon  cherché.  5°.  Un  rayon 
étant  donné  ,  trouver  le  linus  d'un  arc  quel- 
conque;  amenez  la  ligne  marquée    fur  la 
queue  d'aronde  ,  jufqu'au  degré  de  la  ligne 
des  finus  dont  on  veut  avoir  le  linus;  pre- 
nez le  rayon  entre  les  pointes  les  plus  éloi- 
gées  du  centre,  l'ouverture  dos  autres    don- 
nera le  finus  cherché  :  mais  fi  le  finus  cher- 
ché étoit  au  delîbus    de  30*^  ,  alors  la  diffé- 
rence des  ouvertures  des  pointes  oppolées 
donneroit   le  finus  cherché.  6°.  Un   rayon 
étant  donné  ,  trouver  la  tangente  d'un  arc 
quelconque  au  deffous  de  71^  ,  fi  la  tangente 
cherchée    eu  au  defîbus  de  ^6^  30'  ;  faites 
glifîêr  la  ligne  de  la* queue  d'aronde  julqu'au 
degré  propofé  fur  la  ligne  des  tangentes  ; 
prenez  le  rayon  entre  les  pointes  les    plus 
dillantes  du  centre  ,  l'ouverture  des  autres 
donnera  la  tangente  cherchée ,  fi  la  tangente 
requife    efl  au  deffus  de  26^  30'  :  mais  au 
deffous  de  45^* ,   la   ligne  de  la  coulifîê  doit 
être  amenée  jufqu'au  nombre  de  degrés  don- 
nés fur  la  ligne  des  tangentes;  alors  ,  en  pre- 
nant le  rayon  entre  les  pointes  les  plusdiflan- 
tes  du  centre  ,  l'ouverture  des  autres  don- 
nera la  tangente ,  &c.  (E) 

Compas  sphérique  ou  d'épais- 
seur :  on  fe  fert  de  cet  inftrument  pour 
prendre  les  diamètres  ,  l'épaiffeur ,  ou  le 
calibre  des  corps  ronds  ou  cylindriques  ;  tels 
que  des  canons  ,  des  tuyaux,  &c.  Ces  fortes 
de  compas  confifîent  en  quatre  branches 
affemblées  en  un  centre ,  dcftit  deux  font  cir- 
culaires ,  &  deux  autres  plates ,  un  peu  re- 
courbées par  les  bouts. 

Pour  s'en  fervir  ,  on  fa,it  entrer  une  des 
pointes  plates  dans  le  canon  ,  &  l'autre  par- 
debors  ;  lefquelles  ét^t  Cerréf 5  3  ieç  ^c\i^ 


cou  745 

pointes  oppofées  marquent  Pépaiffeur.  Voy, 
Calibre. 

Il  y  a  aufli  des  compas  fphériques  ,  qui 
ne  différent  des  compas  communs  ,  qu'en 
ce  que  leurs  jambes  font  recourbées  pour 
prendre  les  diamètres  des  corps  ronds. 
Cliambcrs.  (F) 

Compas  elliptiques  :  ils  fervent  à  dé- 
crire toutes  fortes  d'ellipfes  ou  d'ovales.  Oa 
en  a  imaginé  de  différentes  fortes  ,  dont  1« 
conflrudion  efl  fondée  fur  difïeren tes  pro- 
priétés de  l'ellipfe.  Par  exemple  foient  deux: 
droites  C  G  _,  G  L  {fig.  z.  Géom.)  égales 
chacune  à  la  moitié  de  la  fomme  ,  où  de  la 
différence  de  deux  axes  C  B^  ÇA.,  attlêhées 
l'une  à  Tautre  par  leur  extrémité  commune 
G,  enforte  qu'elles  puiffent  fe  mouvoir  au- 
tour de  ce  point ,  comme  les  jambes  d'un 
compas  autour  de  fa  tête.  Soit  le  point  C  fixe 
au  centre  (k  l'ellipfe  ,  &  foit  L  B  =  C  A  y 
le  point  j5  décrira  l'ellipfe.  Cette  conflruc- 
tion  efl  démontrée  article  6g  desfeâ.  coniq. 
deyi.àe  l'Hôpital ,  &  nous  y  renvoyons  le 
ledeur.  Au  refle ,  cette  efpece  de  compas  , 
ainfi  que  tous  les  autres  femblables  ,  efl 
affez  peu  commode  par  toutes  fortes  de 
raifons. 

Ceux  qui  ont  befoin  de  décrire  fouvent 
•  des  ellipfes  &  autres  fcdions  coniques  ,  dit 
M.  le  marquis*  de  l'Hôpital,  préfèrent  la 
méthode  de  les  décrire  par  plufieurs  points; 
parce  que  les  méthodes  de  les  décrire  par  des 
mouvemens  continus  font  fautives,  &  peu 
exades  dans  la  pratique.  (O) 
Compas  AZIMUTHAL;  ce  co772;jaj- revient 
au  compas  de  variation  ,  &  diffère  du  co/n- 
pas  de  mer  ordinaire  de  plufieurs  manières  : 
en  voici  la  defcription.  Sur  la  boîte  qui  con- 
tient la  rofe  efl  adapté  un  large  cercle  A  B 
{Plan,  delà  Navigat.  fig.  i ^.)  dont  une 
moitié  eftdivifée  en  90^  ,  &  iûbdivifée  dia- 
gonalement  en  minutes.  Sur  le  cercle  A  B 
eft  pofé  un  index  b  c  mobile  autour  du  cen- 
tre ou  point  b  ,  ayant  une  pinule  b  a  élevéç 
perpendiculairement ,  Sf  mobile  fur  une 
charnière.  Une  foie  fort  fine  a  e  va  du  mi- 
lieu de  l'index  au  haut  de  la  pinule  ,  pour 
former  une  ombre  fur  la  ligne  du  milieu  de 
l'index.  Enfin  le  cercle  A  B  eu  traverfé  à 
angles  droits  par  deux  fils ,  des  extrémités 
defquels  quatre  lignes  font  tirées  dans  l'inté- 
,  rieur  de  la  boîte-  &  5*îl«i  jojjb,  il  y  a  pareilr 


744-  C  O  M 

lemcnt  quatre  lignes  tirées  à  angles  droits. 
La  boîte  ronde ,  (à  rofe,  le  cercle  gradué  & 
l'index  ;  tout  cela  efî  fufpendu  fur  deux  cer- 
cles de  laiton  B  B  ,  Se  ces  cercles  font  ajufîés 
dans  la  boîte  quarrée  c  c. 

Ufage .  du  compas  a.7J.muthal  pour  trou- 
ver L'a-{imuth  dufoleily  ou  plutôt  fon  ampli- 
tude magnétique  y  pour  en  déduire  enfuite  la 
variation  du  compas.  Si  l'on  veut,  par  exem- 
ple ,  obferver  l'amplitude  orientale  du  Soleil, 
ou  fon  azimuth,  on  fera  parvenir  le  centre  de 
l'index  b  c  fur  la  pointe  oueft  delà  rofe  ;  de 
forte ^ue  les  quatre  lignes  de  l'extrémité  de 
la  r^  ,  répondent  aux  quatre  autres  qui 
fonrtrans  l'intérieur  de  la  boîte.  Si  au  con- 
traire on  veut  obferver  Tamplitudc  occiden- 
tale ,  ou  l'azimuth  après  midi ,  on  tournera 
le  centre  de  l'index  diredement  au  àe^us 
de  la  pointe  &  de  la  rofe.  Ceci  étant  fait , 
oiî  tournera  l'index  b  c  jufqu'à  Qg  que  l'om- 
bre du  fil  a  <?  tombe  pofitivement  fur  la  fente 
de  la  pinnle ,  &  le  long  de  la  ligne  du  mi- 
lieu de  l'index  :  alors  fon  bord  intérieur 
marquera  fur  le  cercle  le  degré  &  la  minute 
de  rampljtude  du  Soleil,  prife  ou  du  côté 
du  nord  ,  ou  du  eôté  du  fud. 

Mais  l'on  remarquera  que  le  compas  étant 
ainfi  placé ,  l'azimuth  du  Soleil  fe  trouve 
à  moins  de  45'^  du  fud,  l'index  ne  marquera 
plus  ,  paflant  alors  au  delà  des  divifions  du 
limbe  :  en  ce  cas,  on  tournera  le  compas  d'un 
quart  de  tour  ,  c'eft-à-dire  qu'on  fera  ré- 
pondre ie  centre  de  l'index  à  la  pointe  nùrd 
ou  fud  de  la  rofè,  félon  l'afpeâ  du  Soleil  ; 
alors  le  bord  de  l'index  marquera  le  degré 
de  l'azimuth  magnétique  du  Soleil  ,  en 
comptant  du  nord  comme  ci-devant.  Voje:[ 
Amplitude. 

L'amplitude  magnétique  étant  une  fois 
trouvée,  on  déterminera  la  variation  de 
l'aiguille  aimantée  de  cette  façon.  Exemple. 

Etant  en  mer,  le  15  mai  1715,3  45^  de 
latitude  nord,  les  tables  me  donnant  la  iati- 
.tude  du  Soleil  de  19*1  au  nord  ,  dr  fon  am- 
plitude orientale  de  27^  25'  nord ,  &  je 
trouve  par  le  compas  a:(//72r/f/ia/ l'amplitude 
orientale  dû  Soleil  entre  6i  &  6^*^ ,  en 
comptant  depuis  le  nord  vers  l'eft  ,  ceû-à- 
dire  entre  27^  &  28^  ,  en  comptant  de  Teft 
vers  le  nord  ;  partant  l'amplitude  magnéti- 
que étant  égale  à  la  vraie  amplitude,  l'aiguille 
o'aurji  point  de  variation. 


C  O  M 

Mais  fî  l'amplitude  orientale  que  donne 
le  compas  s'étoit  trouvée  entre  ^^-^  &  ^3^> 
en  comptant  toujours  du  nord  ver»  l'ell , 
on  auroit  eu  en  comptant  deTefl  vers  le 
nord  ,  l'atnplifude  magnétique  entre  37^  & 
38^1  ^lus  grande  de  io<i  que  la  vraie  am- 
pliti^;  ce  qui  donne  la  variation  de  lo^  au 
nord-eft. 

Si  l'amplitude  orientale  trouvée^par  l'inf- 
trument  ell  moindre  que  la  vraie  ampli- 
tude ,  leur  différence  donnera  la  variation 
occidentale. 

Si  la  vraie  amplitude  orientale  efl  méri-' 
dionale  ,  de  même  que  l'amplitude  donnée' 
par  l'inlîrument  y  &  que  celle-ci  foit  la,plus 
grande  ,  la  variation  fera  au  nord-ouefl ,  & 
vice  verfâ. 

Ce  que  l'on  a  dit  de  l'amplitude  nord-eft 
e{{\e  même  pour  l'amplitude  fud-ouefl  : 
comme  ce  que  l'on  a  dit  pour  l'amplitude 
fud-efl ,  eil  vrai  de  l'amplitude  nord-ouefi. 
Voye\  Amplitude. 

Enfin  fi  l'on  trouve  les  amplitudes  de  dif- 
férentes dénominations  ,  comme  par  exem- 
ple la  vraie  amplitude  de  6'^  nord  ,  &  l'am- 
plitude magnétique  de  5^  fùd  ,  la  variation  , 
qui  dans  ce  cas-là  efl  nord-eft  fera  égale 
à  la  forame  des  amplitudes  vraies  &  magné- 
tiques. On  doit  entendre  la  même  chofe  àts 
amplitudes  occidentales. 

On  peut  trouver  de  même  la  variation  par 
les  azimuths  ,  mais  il  faut  alors  que  la  décli- 
naifon  du  Soleil ,  la  hauteur  &  la  latitude 
du  lieu  foient  données  ,  pour  trouver  l'azi- 
muth. Voyei  Azimuth.  {T) 

Compas  de  variation^  rojq Com- 
pas AZIMUTHAL  ^.VARIATION. 

Compas  de  mer  ,  voye^  Boussole. 
Compas  d'Appareilleur  ,  ei\  un 

inflrumentde  fer  compofé  de  deux  branches 
unies  enfemble  :  aux  extrémités  il  y  a  deux 
pointes  ;  la  branche  femelle  eft  fendue  poui- 
recevoir  la  branche  mâle.  La  rivure  de  ce 
compas  doit  être  aflez  ferrée  ,  pour  que 
l'ayant  mis  dans  une  certaine  ouverture  ,  il 
ne  s'en  ôte  pas  facilement.  Les  branches 
doivent  être  droites ,  afin  que  dans  l'occu- 
rence  il  puifîè  fervir  de  fauterclle.  {D) 

Compas  d'épaisseur  ,  à  Vufage  des 

arquebujlers;  cecompas  a  la  tête  faite  comme 
les  compas  ordinaires,  &  les  deux  bran*- 
ches  recourbées  en  dedans   au   lieu  d'être 

droites  , 


C  O  M' 

droites  ,  &  fert  aux  arquebufiefs  pouf  me- 
furer  l'épaiflèur  de  quelque  chofe. 

Compas  a  lunette  ,  à  tufagedes  ar- 
quebuflers  ;  ce  compas  efl:  fait  comme  un  8  , 
il  eft  arrêté  au  milieu  avec  un  clou  rivé  , 
&  s'ouvre  des  deux  côtés.  II  fert  aux  ar- 
quebufiers  pour  mefurer  &  compafTer 
des  chofes  rondes  ,  comme  des  chevilles  , 
à^ts  vis  ,  &c. 

Compas  A  pointe  ,  à  Cufagedes  arque- 
hufiers  ;  ce  compas  eft  de  fer ,  n'a  rien  de 
particulier  ,  &  reiïemble  au  compas  des  fer- 
ru  riers  ,  ^c.  Les  arquebuders  s'en  fervent  à 
difFérens  ufages. 

Compas  a  tête  ,  à  l'ufage  desarquebu- 
Jlers  ,*  ce  compas  eft  de  fer  ,  a  la  tête  faite 
comme  les  petits  compas  ordinaires  ,  &  a 
une  branche  pointue  ;  l'autre  pointe  efl 
beaucoup  plus  grofle  par  en-bas  ,  &  faite 
comme  une  fraife  unie.  Les  arquebufiers 
s'en  fervent  pour  raefiirer  une  pièce  qui  efl 
percée  ,  en  pofant  la  pointe  à  fraife  dans  le 
trou,  &  pofant  la  branche  pointue  où  ils 
veulent. 

COxMPAS  A  RESSORT  ,  à  Vufage  des  ar- 
quebufiers ;  c'eft  une  bande  de  fer  plate  qui 
efl  reployée  par  le  milieu  ,  &  forme  une 
tête  ronde  &  large.  Les  branches  de  ce  com- 
pas font  un  peu  larges  ,  &finifrent  en  pointe 
comme  un  compas  ordinaire  :  ces  deux  bran- 
ches font  percées  par  le  milieu  ,  &  traver- 
fces  d'une  vis  qui  efl  arrêtée  à  demeure  à 
une  des  branches  ;  cette  vis  fe  ferre  avec 
un  écrou  à  oreille  ,  &  fait  fermer  &  ouvrir 
les  branches  de  ter  du  compas  félon  le  be- 
foin.  Les  arquebufiers  s'en  fervent  à  difFé- 
rens ufages. 

Compas  a  quart  de  cercle  ,  à  tu- 
fage  des  bijoutiers  ,  efl:  un  compas  garni  d'un 
quart  de  cercle  fixe  dans  l'une  des  bran- 
ches du  compas  ,  qui  coule  dans  l'autre 
&  y  efl  retenu  par  une  vis  pour  fixer  le 
compas  au  point  où  l'on  veut  le  mettre. 
Sqs  deux  pointes  font  pofliches  ,  &  font 
retenues  dans  le  corps  du  compas  chacun 
par  une  vis. 

Les  bijoutiers  appellent  aufîî  compas  ,  un 
inflrument  avec  lequel  ils  mefurent  les  pie- 
ces  lorfqu'ils  les  taillent. 

Compas  {grand)  à  l'ufage  des  charrons; 
ce  font  deux  morceaux  de  fer  pkts  de  la 
longueur  de  deux  ou  trois  pies  ,  enchafics 
Tome  VIII. 


C  O  M  745^ 

par  en-haut ,  &  arrêtés  avec  un  clou  rivé  , 
&  par  en-bas  les  pointes  de  cts  branches  font 
arrondies  &  pointues.  Cela  fert  aux  char- 
rons pour  égalifer',  compafîèr  ,  &  arrondir 
leurs  ouvrages. 

Cou.? ks\{pe lit)  à  Vufage  des  charrons  ; 
ce  compas  efl  fait  comme  le  grand  ,  &  fert 
aux  charrons  pour  les  mêmes  ufages ,  excepté 
qu'il  eft  plus  petit. 

Compas  ,  ^'  Vufage  des  charpentiers  ;  il 
efl  ordinaire  :  cts  ouvriers  s'en  fervent  à 
prendre  de  petites  mefures  pour  tracer  leurs 
ouvrages. 

Compas  a  cylindre  ,  efl  un  compas 
par  le  moyen  duquel  on  peut  connoître  les 
plus  petites  différences  des  diamètres  d'un 
cylindre  fait  fur  le  tour ,  &  qui  l'empêchent 
d'être  un  cylindre  parfait. 

Compas  à  l'ufage  des  Fondeurs  de  cloches , 
efl  une  règle  de  bois  terminée  d'un  bout  par 
un  talon  du  crochet  ,  dans  lequel  on  fait  en- 
trer un  des  bords  de  la  cloche  ,  pendant  que 
l'on  frotte  l'autre  bout  de  la  règle ,  qui  efl 
divifée  en  pies  &  pouces  ,  contre  le  bord 
de  la  cloche  diamétralement  oppofé.  Le 
point  le  plus  éloigné  du  talon  où  la  cloche 
atteint ,  efl  fon  diamètre.  Voye-{  Cloche. 

Compas  de  construction  à  l'ufage 
des  fondeurs  de  cloches  ,  efl  un  arbre  de  fer 
qui  a  deux  bras  qui  retiennent  la  planche  fur 
laquelle  efl  tracé  le  profil  ou  échantillon  de 
la  cloche  ,  laqi^lle  fert  à  former  le  noyau  , 
le  modèle  ,  la  cnape  ,  en  faifant  tourner  cette 
planche  autour  de  l'axe  ,  qui  roule  en-bas 
par  un  pivot  fur  une  crapaudine  de  fer  ,  & 
en-haut  par  un  tourillon  dans  un  collet  de 
même  métal. 

Compas  à  l'ufage  des  cordonniers  ;  ils  s'en 
fervent  pour  prendre  les  mefures.  Il  efl 
compofé  de  deux  coulifîês  qui  vont  l'une 
dans  l'autre,  de  forte  que  les  deux  femblent 
n'en  faire  qu'une  ;  au  bout  de  l'une  efl  un. 
talon  fixe  ,  &  au  bout  de  l'autre  efl  un  ta- 
lon pareil  &  auffi  fixe  fur  fà  branche;  de 
forte  qu'en  tirant  une  de  ces  branches  ,  le 
talon  qui  y  efl  fixé  ,  la  fuit  &  s'écarte  de 
l'autre  talon  ,  &  laifTe  un  efpace  entre  les 
deux  qui  efl  la  mefure  du  pié.  La  coulifîe 
mobile  efl  marquée  par  parties  é^^ales  numé- 
rotées ;  enforte  que  l'ouvrier  punTe  retrou- 
ver chez  lui  le  même  intervalle  entre  les 
deux  talons  ,  pour  choifir  une  t'orme  de  même 

Aaaaa 


74^  C  O  M 

grandeur  que  le    pie  de  celui  pour  qui  fe 
Fait  la  chauffure.  (D) 

Compas  à  l'ufage  des  Ecrivains  ;  c'efl  un 
compas  ordinaire  dont  ils  le  fervent  pour 
Hielurer  la  hauteur  ou  longueur  des  lignes  , 
des  figures  qui  renferment  les  difterens 
objets  d'un  état  ,  d'un  bordereau  ,  d'un 
compte  ,  &  pour  fixer  l'endroit  où  l'on  doit 
tracer  chaque  figure ,  afin  d'obferver  l'ordre 
&  la  proportion. 

Compas  à  l'ufage  des  eplngUers.  Ces  ou- 
vriers s'en  fervent  pour  tracer  la  lame  d'é- 
tain  dont  ils  le  propofent  de  faire  des  pla- 
ques, voyei  EpiNGLIER. 

Compas  à  l'ufige  des  ferblantiers  ;  il  efl 
de  fer  ,  &  fait  comme  tout  autre  compas. 
Il  fert  aux  ferblantiers  pour  mefurer ,  com- 
paflêr  ,  marquer  des  ronds  &  des  demi- 
cercles  ,  félon  le  befoin  ,  fur  les  feuilles  de 
fer-blanc  qu'ils  emploient. 

Compas  courbe  àl'ufage  des  gainiers: 
il  efl  fait  par  en  haut  comme  le  compas  droit , 
&  a  les  deux  branches  recourbées  en  de- 
dans ;  il  fert  aux  gainiers  pour  compafler 
le  diamètre  des  moules  de  leurs  ouvrages. 
Compas  droit  à  l'ufage  des  gainiers. 
Ce  compas  n'a  rien  de  particuHer  ;  il  efl  de 
fer  ,  &  fert  aux  gainiers  pour  mefurer  leurs 
ouvrages. 

Compas  en  horlogerie  ;  il  yen  a  de  deux 
efpeces  :  le  premier  ne  difïère  des.  compas 
ordinaires  que  par  foii  arc  qui  iert  à  lui 
donner  plus  de  iblidité. 

Les  faifeurs  d'inflrumens  de  mathéma- 
tiques &  les  horlogers  s'en  fervent  beaucoup , 
fur-tout  ceux  qui  travaillent  en  pendule  :  ce 
compas  en  général  eft  un  des  meilleurs. 

Le  compas  d'acier  trempé  efl:  plus  en  ufàge 
parmi  les  horlogers  en  petit ,  ou  qui  travail- 
lent en  montres  :  ils  l'appellent  ordinaire- 
ment compas  d'Angleterre  ou  compas  à  ref- 
fon.[T) 

Compas  d'épaisseur  ou  Huit  de 

CHIFFRE  ,  c'cfl  un  compas  qui  fert  à  pren- 
dre des  grandeurs  ,  des  épaiffeurs  ,  Ê'c.  On 
s*en  fert  dans  la  pratique  de  plufieurs  arts  , 
comme  dans  l'orfèvrerie  y  l'horlogerie ,  Ùc. 
Les  horlogers  s'en  fervent  beaucoup  pour 
prendre  l'épaiffeur  de  certaines  parties  cour- 
bées ,  comme  de  la  cuvette  d'une  boîte  de 
montre  ,  de  la  virole  d'un  barillet ,  &c.  Sa 


f  sxfcftion  confifte.dflas  la  grande  égalité  des  1  appelle,  amre.. 


C  O  M 

difîances  qui  doivent   être  précifément  les 
mêmes  ,  fans  quoi  l'on  prend  de  faufTes  épaif. 
feurs ,  le  compas  ne.  s'auvrant  pas  également, 
des  deux  côtés. 

Compas  au  tiers  efl  un  outil  dont  fc 

fervent  les  horlogers  pour  avoir  tout  d'un 
coup  le  tiers  d'une  grandeur.  Cet  inflru- 
ment  efl  compolé  de  deux  branches  mobi- 
les fur  un  centre  comme  le  calibre  à  pren- 
dre les  hauteurs  ou  maître  à  danfer  ;  la  feule 
différence  ,  c'efl  qu'au  lieu  que  les  parties 
foient  d'égale  longueur  comme  dans  ce  ca- 
hbre ,  elles  font  dans  le  rapport  de  3  a  i. 
Cet  inflrument  fert  particulièrement  à 
prendre  la  grolTer.r  de  l'arbre  du  barillet  , 
dont  le  diamètre  doit  être  le  tiers  du  dia- 
mètre interne  du  barillet.  Il  fert  auffi  pour 
la  rofette  ,  que  l'on  fait  aufli  un  tiers  plus 
petite  ,  ou  à-peu-près  ,  que  le  râteau.  (  T) 

Compas  à  l'ufage  des  menuifiers  y  il  n'a 
rien  de  particulier  ;  ces  ouvriers  s'en  fervent 
pour  prendre  des  mefures. 

Compas  d'épaisseur  ,  à  l'ufage  des 
orfci'res  en  grojjerie;  il  efl  compofe  de  deux 
branches  retenues  cnfemble  vers  le  miliei* 
par  une  charnière  ;  à  une  de  leurs  extrémités 
elles  forment  un  cercle  parfait ,  &  à  l'autre 
la  moitié  d'un  quarré.  C'efl  au  plus  ou 
moins  d'éloignement  de  ces  branches ,  que 
l'on  connoît  l'égalité  ou  la  différence  d'épaif- 
feur  ,  en  plaçant  le  compas  fur  plufieurs  en- 
droits de  l'ouvrage  fuccefUvement. 

Compas  à  l'ufage  des  facteurs  d  orgues; 
ils  s'en  fervent  pour  couper  la  partie  arron- 
die des  bouches  ovales  des  tuyaux  de  mon^ 
tre.  Voyei  BoU€HE  OVALE.  Ce  compcks 
efl  compofé  de  deux  équerres. 

Compas  à  l'ufage  des  peintres ^  dejfina-* 

teurs  ,  &c.  Il  doit  être  pointu  ^  ferme ,  & 

.(es  pointes  d'acier  très-déhcates  :  on  s'en. 

fert  peu ,  mais  il  en  faut  avoir  un  pour  le 

befoin. 

Compas  gambré  a  ature  ,  à  l'ufage 
àcs  relieurs-doreurs  ;  ils  s'en  fervent  pour 
coucher  l'or  fur  les  tranches  ;  il  doit  être  de 
fer  ;  il  a  à  la  tête  un  clou  rivé  defTus  & 
,  delîbus  à  3,  pouces  de  la  tête  ;  ks  branche» 
.  de  6  pouces  de  long  ;  il  efl  cambré  dans  (es 
deux  branches,  pour  avoir  plus  aifémcnt 
moyen  de  s'en  fervir  dans  les  gouttières  ^ 
dans  les  bouts  des  livres  :   c'efl:  ce  qu'opi 


C  O  M 

Les  relîeui*s-doreurs  fe  ferrent  aulTi  d\m 
compas  ordinaire  en  cuivre  ,  pour  mefurer 
k  place  où  ils  ont  à  mettre  de  l'or  ,  &:  n'en 
couper  qu'à  proportion.  Vqye^  DoRER. 

Compas  courbé  &  brisé  à  l'ufage  des 
fculpteurs  ;  ils  s*en  fervent  pour  mefurer  les 
grofleurs  des  corps  ronds  ,  parce  qu'ils  em- 
braflent  les  parties  ,  ce  que  ne  peuvent  pas 
faire  ceux  à  jambes  droites. 

Les  graveurs  s'en  fervent  auffi  pour  trou- 
ver le  véritable  endroit  d'une  planche  qu'ils 
veulent  repouflèr  &  graver.  Vçyei  GRA- 
VURE ou  Burin. 

Compas  de  forge  ,  h  l'ufage  des  fer^ 
ruriers  &  autres  ouvriers  ;  c'eft  un  grand 
Compas  ordinaire  dont  on  ufe  pour  prendre 
les  longueurs  fur  le  fer  chaud. 

Les  {errurîers  en  ont  d'autres  de  diffé- 
rentes grandeurs  ,  qu'ils  appellent  compas 
d'établi. 

Compas  d'épaisseur,  à  l'ufage  des 

ffrruriers  ;  c'efl  un  compas  àonx.  les  branches 
font  courbes  ,  &:  qui  fert  à  l'uiàge  indiqué 
par  (on  nom. 

Compas  droit  et  courbe  ,  à  l'ufage 
des  ouvriers  qui  troj-' aillent  en  pierres  de 
rapport  ,  &  en  tabletterie. 

Compas  ,  à  l'ufage  des  tonneliers,  eft  un 
indrumcnt  dont  ils  fe  fervent  pour  former 
&  marquer  les  douves  des  fonds  de  leurs 
flftailles  en  figure  fphérique.  Cet  inffrument 
eft  fait  d'un  feul  jet  de  bois  pliant  ,  mais 
ëlafliquc ,  dont  les  deux  bouts  fervent  de 
branches  à  l'inflrument ,  &  font  garnis  cha- 
cun d'une  pointe  &  d'une  virole  de  fer  :  ces 
deux  branches  peuvent  s'approcher  &  s'éloi- 
gner au  moyen  d'un  arc  de  bois  à  vis  qui  les 
traverfe. 

Les  tonnehers  ont  auflî  parmi  les  outils  de 
leur  métier  ,  des  compas  ordinaires  qui  font 
de  fer  ,  &  dont  les  branches  n'ont  pas  plus 
de  hiiit  pouc<;s  de  longueur. 

Compas  ,  à  l'ufage  des  Vergmers  ,  e(l 
une  efpece  de  mefure  marquée  de  points  , 
à  chaque  bout  de  laquelle  efl  en  travers  d'un 
côté  feulement ,  un  morceau  de  bois  tra- 
vaillé ,  haut  d'environ  un  pouce  &  demi , 
pour  retenir  le  pié  lur  la  mefure.  Les  cor- 
donniers s'en  fervent  pour  mefurer  la  lon- 
gueur du  pié  de  ceux  qu'ils  ont  à  chauffer. 

Outre  les  compas  dont  nous  venons  de 
faire  jaientlon ,  il  y  eu  a  un  grand  nombre 


C  O  M  74y 

d'autres  à  l'ufage  des  difFérens  ouvriers.  Cc5 
compas  feront  décrits  aux  articles  où  nous 
ferons  le  détail  des  ouvrages ,  quand  ils  en 
vaudront  la  peine.  Il  n'y  a  prelque  point 
d'artifle  qui  n'ait  fon  compas. 

COMPASSER  ,  V.  ad.  c'efl  prendre  âes 
mefures  avec  le  compas.  Voyez  CoMPAS. 
_  COMPASSION  ,  1.  f.  (Morale.)  afflic- 
tion qu'on  éprouve  à  la  vue,  au  récit,  ou 
au  fouvenir  des  maux  de  quelqu'un.  C'efl 
un  fentiment  auquel  on  fe  livre  avec  unci 
(brte  de  plaifir  : 

Non  quia  vexari  quemquam  ejl  jucundct 
voluptas  , 

Sedquihus  ipfe  maliscareasy  quia  cernera 
fuai'e  eji. 
Le  plaifir  qu'on  y  éprouve,  vient  encore  du 
témoignage  qu'on  fe  rend  à  foi-même  qu'oit 
a  de  Thumanité. 

Plus  on  a  été  malheureux  ,  plus  on  cfî 
fufceptible  de  compajjlon.  Non  ignara  mali , 
&c.  iN'on-feulement  on  ne  fe  refufè  point  à 
ce  fentiment ,  on  cherche  même  quelquefois^ 
les  occafions  de  l'exciter  ;  c'elf  pour  cela  , 
&  non  par  un  fentiment  barbare  ,  que  le 
peuple  court  aux  exécutions  des  crimi- 
nels. (O) 

COMPATIBILITÉ,  f.  f.  (Jurifpr.)  efî 
la  faculté  qu'une  même  perfonne  a  de  pofle- 
der  en  même  temps  plufieurs  bénéfices  ou 
offices  ,  ou  un  bénéfice  &  un  office.  Les 
bénéfices  &  offices  entre  lefquels  il  n'y  a  poinc 
d'incompatibihté  prononcée  par  aucune  loi , 
i^ont  de  droit  compatibles.  Il  y  en  a  d'autres 
qui  le  deviennent  au  moyen  d'une  difpenfc  » 
laquelle  pour  les  bénéfices  s'obtient  en  cour 
de  Rome.  A  l'égard  des  offices  ,  on  obtient 
à  cet  efïèt  en  chancellerie  des  lettres  ,  qu'oa 
zppelle  lettres  de  coTrrpatibilïté.Yoy.  ci-après 

Compatible  <&  Incompatible.  (A) 
COMPATIBLE  ,  adj.  [Junfpr.  )  fê  die 
des  bénéfices  &  des  charges  qui  peuvent 
être  polfédés  enfemble  par  une  même  per- 
fonne fans  difpenfe.  Tous  les  bénéfices  &: 
offices  ,  entre  lefquels  il  n'y  a  point  d'in- 
compatibihté prononcée  par  la  loi  ,  font 
compatibles  :  ainfi  un  bénéfice  fin=iple  efî 
compatible  avec  un  autre  de  même  nature, 
pourvu  qu'il  ne  foit  pas  fub  eodem  tecfo. 
L'office  de  fecretaire  du  roi  efî  compatible 
avec  celui  de  confeiller  de  cour  fouveraine  ^ 
,  &  avec  plufieurs  autres  emplois ,  Ùc.  Vo^ez 
A  a  a  a  a  2 


748  C  O  M 

ci^divant  COMPATIBILITÉ  &  INCOMPA- 
TIBLE. {A) 

*  COMPENDIUM,{.  m.  (Philof.) 
terme  à  l'ufage  des  écoles  de  philofophie  ; 
il  défigne  un  abrégé  des  principales  matières 
contenues  dans  la  logique.  On  commence 
par-là  ,  afin  de  faciliter  l'étude  même  de  la 
logique  aux  écoliers  qui  s'inftruifent  dans 
cet  abrégé  des  mots  qui  font  le  plus  en  ufage 
dans  cette  partie  de  la  philofophie ,  &  qu'on 
y  exerce  à  la  manière  de  raifonner  iyllogifîi- 
quc  fur  plufieurs  queftions  qui  pourroient 
£'tre  mieux  choifies  &  plus  intérefîàntes. 
Vqye:[  COLLEGE. 

COMPENSATION,  (Jurifpr.)  eft  la 
confufion  qui  fè  fait  d'une  dttze  mobiliaire 
liquide ,  avec  une  autre  dette  de  même  na- 
ture. Elle  tient  lieu  de  paiement  ;  ou  fi  l'on 
veut ,  c'efl  un  paiement  réciproque ,  mais 
fîâif  &  fans  bourfe  délier  de  part  ni  d'autre. 

La  compenfadon  eft  fondée  fur  l'équité 
naturelle  ,  &  a  pour  objet  d'éviter  un  cir- 
cuit inutile ,  qui  auroit  lieu  fi  un  débiteur 
étoit  obligé  de  payer  à  fon  créancier  la 
même  fomrae  qu'il  eft  en  état  de  lui  deman- 
der ;  il  y  auroit  même  dans  ce  cas  une 
cfpece  de  dol  à  demander  le  paiement  d'une 
fomme  qu'il  faudroit  à  l'inflant  rendre  à  la 
même  perfonne. 

L'exception  tirée  de  la  compenfadon  eft 
admife  en  pays  coutumier ,  aufli  bien  qu'en 
pays  de  droit  écrit  ;  &  c'eft  un  moyen  de 
droit  que  l'on  peut  oppofer  en  tout  état  de 
caufe  ,  &  fans  qu'il  foit  befoin  pour  cet  effet 
de  lettres  de  chancellerie. 

Il  n'eft  pas  non  plus  nécefïàire  que  les  deux 
dittes  foient  égales  ;  la  compenfadon  ne  îaifle 
pas  d'avoir  lieu  jufqu'à  due  concurrence  ;  & 
le  créancier  auquel  étoit  due  la  fomme  la 
plus  forte ,  ne  peut  répéter  que  l'excédant 
qui  refte  dû  après  la  compenfadon  faite. 

C'eft  une  maxime  fondamentale  de  cette 
matière  ,  que  la  compenfadon  n'a  lieu  que 
de  liquide  à  liquide ,  c'eft-à-dire  qu'il  faut 
que  les  deux  dettes  que  l'on  veut  compenfer 
foient  toutes  deux  certaines  ,  liquides  ,  & 
non  litigieufes  ;  qu'elles  foient  l'une  &  l'au- 
tre exigibles  au  temps  où  l'on  prétend  que 
la  compenfadon  doit  avoir  lieu ,  &  qu'elles 
ne  puiftènt  point  être  annullées  ou  éteintes 
par  quelque  exception  pc'remptoirc  ,  telle 
que  la  prefcription. 


C  O  M 

Le  ceflîonnaire  eft  fujet  à  la  compenfadon, 
de  même  que  l'auroit  été  fon  cédant  ;  mais 
il  ne  peut  pas  obliger  de  compenfer  une  dette 
exigible  ,  telle  qu'une  obligation  ,  contre 
une  dette  non  exigible  ,  telle  que  le  principal 
d'une  rente  foncière  ou  conftituée. 

De  même  ,  une  dette  dont  le  terme  eft 
incertain  ou  n'eft  pas  encore  échu  ,  ne  peut 
être  compenfée  avec  une  dette  pure  &  lim- 
ple  &  aduellement  exigible  ;  une  dette  por- 
tant intérêt  ne  peut  être  compenfée  avec  une 
autre  qui  n'en  porte  point  ,  à  moins  que  les 
intérêts  ne  foient  comptés  jufqu'au  jour  de 
la  compenfadon.  Pareillement  ce  qui  eft  dû 
en  vertu  d'une  fentence  dont  il  y  a  appel , 
ne  peut  être  compenfé  contre  une  dette  due 
par  obligation  ou  jugement  qui  ne  font  point 
atraqliés. 

.  Il  y  a  encore  plufieurs  autres  cas  où  la 
compenfadon  n'a  pas  lieu  ,  quoique  les  deux- 
dettes  foient  hquides  de  part  &  d'autre. 

Par  exemple ,  on  ne  peut  obliger  de  corn-  . 
penfer  une  chofe  fongible  avec  un  corps 
certain  &  déterminé  ;  ni  une  chofe  fongible 
d'une  certaine  efpece  ,  centre  une  autre 
chofe  fongible  d'une  efpece  différente  ,  com- 
me du  blé  contre  du  vin;  mais  quand  ces 
chofes  font  eftimées  de  part  &:  d'autre  ,  la 
compenfation  a  lieu  pour  l'eftimation. 

La  compenfation  n'a  lieu  qu'entre  perfon— 
nés  qui  ont  de  leur  chef  la  double  qualité  de 
créancier  &  de  débiteur  ;  de  forte  qu'un 
tuteur  qui  demande  ce  qui  eft  dû  à  fon  mi- 
neur ,  ou  un  mandataire  qui  agit  pour  fon 
commettant ,  ne  font  pas  obligés  de  com- 
penfer ce  qui  leur  eft  dû  perfonncllemcnt 
avec  la  Aent  de  celui  pour  lequel  ils  ftipulcnt. 

On  ne  peut  pas  non  plus  oppofer  la  com- 
penfation  en  matière  de  dépôt ,  fbit  volon- 
taire ou  nécefTaire ,  ni  en  matière  de  com- 
modat  ;  parce  que  ce  feroit  manquer  de 
bonne  foi  que  d'ufer  dans  ces  cas  d'une 
telle  exception. 

Elle  n'a  pas  lieu  non  plus  contre  les  droits 
du  roi ,  parce  que  ces  droits  font  privi- 
légiés. 

De  même  en  matière  de  retrait  lignager  > 
parce  que  le  rembourfement  doit  être  aduel 
&  eft'eaif. 

On  ne  peut  aufîî  compenfer  les  arrérages 
de  cens  ni  des  rentes  feigneuriales  ou  emphy- 
téotiques, parce  que  ces  rede^sinces  font 


C  O  M 

dues  principalement  en  reconoifTance  delà 
direde. 

Les  penfions  viagères  &  alimens  ne  fe 
compenlent  point  ,  à  caufe  de  la  faveur 
de  ces  fortes  de  dettes  qui  ne  doivent  pas 
foufFrir  de  retard  ement. 

En  matière  de  complainte  &  de  réinté- 
grande  il  n'y  a  point  de  compenfadon  ,  parce 
c^XQ  fpoliatiis  ante  omnia  refiituendus  efi. 

Enfin  la  compenfadon  n'a  pas  lieu  en  ma- 
tière de  délits ,  ce  qui  fe  doit  entendre  par 
rapport  à  la  peine  due  pour  lavindide  pu- 
blique ;  mais  les  peines  pécuniaires ,  telles  que 
réparations  &  intérêts  civils  ,  dommages  & 
intérêts  ,  peuvent  être  compenfées.  VoycT^ 
au  digefte  ôc  au  code  ,  le  tirre  de  compenfa- 
tionibus  ;  Mornac  ibid.  Henriys  ,  tom.  II. 
liv.  II.  quejî.  xv.  Guypape  ,  quefi.  dxxdj. 
Ù  dlxpij.  Papon  ,  liv.  XII.  dt.  vj.  Voye^ 
aujfi  Defpeiflës  ,  tom.  I.  part.  IV.  tit.  iij. 
les  arrêtés  de  M.  le  P.  P.  de  Lamoignon  ;  les 
loix  civiles  ,  titre  de  la  corhpenfation  ;. Du- 
moulin ,  tr.  de  ufuris  ,  quœfl.  xlij  ,  n.  322. 
Journ.  des  and.  1. 1.  liv.  l.ch.  Ixxvj.  [A). 
COMPENSER  ,  V.  ad.  qui  exprime 
î'adc  de  la  compenfation.  Voye^  COMPEN- 
SATION. 

COMPERSONNIERS  ,  f.  m.  pi.  (  Ju- 
rifpr.  )  font  ceux  qui  tiennent  enfemble  un 
même  renement  ou  domaine ,  à  la  charge 
d'une  redevance  envers  le  (eigneur  ,  pour 
laquelle  ils  font  obligés  folidairement. 

On  appelle  aufll  comperfonniers  ,  ceux  qui 
vivent  en  commun  &  en  fociété  au  même 
pain  &  au  même  feu  ,  comme  cela  fe  pra- 
tique fur-tout  entre  mainmortables  dans  quel- 
ques provinces  ,  telles  que  celles  de  Bour- 
gogne ,  Nivernois  ,  &  Champagne.  Voye\ 
le  titre  viij  de  la  coutume  de  Nivernois  ; 
&  Coquille ,  ibid.  &  le  gloff.  du  droit  fran- 
çois  ,  au  mot  perfonnier.  {A) 

*  COMPES  ,  f.  m.  pi.  (  Manufaa.  en 
drap.  )  efpeces  de  droguets  croifés  ,  dra- 
pés ,  qui  fe  fabriquent  au  Treuil-barrer ,  la 
Chafîeigneraye,  ^c.  qui  doivent  avoir  \  aune 
de  large  fur  40  de  long  ,  apprêtés  ,*  ou  |  de 
large  fur  48  de  long  en  toile  ,  au  fortir  du 
métier.  La  chaîne  en  eft  de  48  portées  au 
moins  ,  &  chaque  portée  de  16  fils.  Voy.  le 
re'glem.  des  Manu  foc},  tom.  III.  pag.  z  £. 

*  CoMFES  f.  m.  (  Hifi,  anc.  )  efpecc 


C  O  M  749 

de  chauflûre  des  Romains.  Voye\  V article 
Chaussure. 

C'étoit  auffi  une  forte  d'entraves  de  fer 
fort  lourdes  ;  on  les  confacroit  à  Sanirne  , 
quand  oii  en  étoit  délivré.  Les  efclaves  qui 
en  étoit  chargés  ,  même  en  travaillant  à  la 
culture  des  terres  ,  s'appelloient  compediti  , 
alligati.  C'étoit  encore  une  manière  de  don- 
ner la  queftion  aux  criminels  ,  qui  confiftoit 
à  leur  mettre  les  jambes  dans  des  planches 
percées  de  trous  circulaires  y  qu'on  ferroit 
avec  des  coins. 

COMPETENCE,  f.  f.  (  Junfpr.)  efl  le 
droit  qui  appartient  à  un  juge  de  prendre 
connoif/ance  d'une  affaire. 

Le  principe  général  ,  en  matière  de  com- 
pétence ,  elf  que  aclor  fequitur  forum  rei  , 
c'eft-à-dire  ,  que  le  défendeur  doit  être  afll- 
gné  devant  le  Juge  de  fon  domicile.     • 

Il  y  a  néanmoins  plufieurs  caules  quipeu- 
j  \Qni  rendre  un  autre  juge  compéient ,  pour 
connoître  de  l'afTaire  ;  favoir , 

1°.  Le  privilège  du  demandeur  ou  du 
défendeur  :  par  exemple  ,  ii  le  défendeur  eit 
eccléfiailique  ,  &  qu'il  s'agifTe  d'une  matière, 
perfonnelle  ,  il  peut  demander  fon  renvoi 
devant  le  Juge  d'églife  ;  de  m.ême  fi  le  deman- 
deur a  droit  de  committimus,  il  peut  affigner 
devant  le  Ju^e  de  fon  privilège  ;  ou  fi  c'elt  le 
défendeur  qui  a  ce  droit ,  il  peut  demander 
fon  renvoi. 

29.  L'attribution  générale  qui  efl  faite  à 
un  juge  de  certaines  matières  ,  le  rend  feul 
compétent  pour  en  connoître  :  ainfi  les  élec- 
tions"&  les  cours  des  aides  connoillent  fèuls 
des  tailles  ;  les  Juges  àzs  eaux  &  forêts  con- 
noifî'ent  feuls  Aqs  matières  d'eaux  &  forêts  , 
iàuf  l'appel  au  parlement. 

3°.  Un  juge  peut  être  compétent  en 
vertu  d'une  attribution  particulière  qui  lui 
eit  faite  d'une  feule  affaire ,  ou  de  certai- 
nes affaires  qui  ont  rapport  les  unes  aux 
autres. 

4^.  En  vertu  d'une  évocation  ordonne'e 
pour  caufe  de  connexité  ou  litifpendance,' 
un  juge  peut  devenir  compétent  ,  quoi- 
qu'il ne  foit  pas  le  juge  du  domicile  du 
défendeur. 

5".  En  matière  criminelle,  la  connoif^ 

lance  du  délit  appartient  au  juge  du  lieu  où 

il  a  été  commis  ,  faufle  privilège  desgen- 

,  tiishommes ,   &    de  certains  oiEciers  qui 


75©  €  O  M       ^ 

peuvent  demander  d'être  rcnvoyés^devaht  le 
juge  de  leur  privilège. 

Tous  juges  font  compétens  pour  infor- 
mer d'un  délit  ;  ce  quia  été  établi  pour  em- 
pêcher le  dépérifîement  de  la  preuve. 

Un  juge  qui  feroit  compétent  peut  être 
prévenu  par  un  autre  juge  qui  a  droit  de  pré- 
vention fur  lui.   Vqye:{  PRÉVENTION. 

Les  prévôts  des  maréchaux  &  les  licute- 
nans  criminels  ne  peuvent  juger  en  dernier 
reflbrt  un  accufé  qu'ils  n'aient  préalable- 
ment fait  juger  leur  compétence  par  le  préfi- 
dial  ;  fi  le  préfidial  a  prévenu  ,  il  efl  lui- 
même  juge  de  fa  compétence'^  &  fil'accufé 
attaque  le  jugement  de  compétence  par  la 
voie  de  la  caflàtion  ,  c'efl  au  grand-confeil 
qu'il  doit  fe  pourvoir. 

L'ordonnance  criminelle ,  tit.  j.  ordonne 
<^Q\d.dompétence  fera  jugée  au  préfidial  dans 
le^effort  duquel  la  capture  a  été  faite ,  dans 
trois  jours  au  plus  tard  ,  encore  que  l'accufé 
n'ait  point  propofé  de  déclinatoire. 

Que  les  jugemens  de  compétence  ne  pour- 
ront être  rendus  que  par  fept  juges  au  moins, 
qtji  figneront  la  minute. 

Que  la  compétence  ne  pourra  être  jugée  , 
que  l'accufé  n'ait  été  oui  en  la  chambre  en 
préfence  de  tous  les  juges  ;  qu'il  en  fera  fait 
mention  dans  le  jugement  ,  ainfi  que  du 
motif  de  la  compétence. 

Que  le  jugement  de  compétenée  fera  pro- 
noncé &fignifié  fur  le  champ  à  l'accufé. 

Que  fi  le  prévôt  des  maréchaux  efî  décla- 
ré incompétent ,  l'accufé  fera  transféré  dans 
deux  jours  au  plus  tard  es  prifons  du  lieu  du 
délit. 

Enfin  ,  que  le  prévôt  qui  aura  été  déclare 
compétent  ,  fera  tenu  de  procéder  inceflam- 
ment  à  la  confedion  du  procès  avec  ion 
affefleur  ,  finon  avec  un  confeiller  du  fiege 
où  il  devra  être  jugé. 

Les  appels  comme  de  juge  incompétent , 
tant  au  civil  qu'au  criminel ,  fe  relèvent  au 
parlement  omijfo  medio. 

En  matière  civile ,  tous  juges  font  com- 
pétens pour  reconnoîrre  une  promelîè  ; 
c'cfl-à-dire  ,  que  quoiqu'il  y  ait  lieu  de 
renvoyer  le  fond  devant  le  juge  d'attribu- 
tion ou  du  privilège  ,  néanmoins  le  juge 
qui  eft  faifi  de  l'aftàire  ,  peut  donner  aûe 
de  la  reconnoilîance  ou  dénégation  d'une 
promefTe. 


C  OM 

Sur  la  compétence  des  juges ,  voyeT^-ci'apr, 
Incompétence  ,  Juge  d'attribu- 
tion ,  Juge  d'église,  Juge  de  privi- 
lège,Juge  DE  SEIGNEUR,  6"  Justice 
seigneuriale.  ;  Prévôt  des  maré- 
chaux ,Présidiai.  ,  Procès  crimi- 
nel ;  le  DicHonncLire  de  droit ,  au  mot  com- 
pétence y  ^  le  traité  de  la  compétence  des 
juges  en  matière  criminelle  ;  &  aux  décréta^' 
les  y  le  titre  deforo  competenti.  {A) 

COMPÉTENT,  veyeici-depant Coyi-^ 
pétence. 

COMPIEGNE  ,  (  Géog.  mod.  )  ville  de 
France  ,  dans  l'île  de  France.  Long.  ;io^  , 
z^'  ,  4z";lat.  4sà^  ^^'  ^  ^^"^ 

COMPILATEUR,  f.  m.  {Belles-Let- 
tres. )  écrivain  qui  ne  compofe  rien  de  gé- 
nie ,  mais  qui  fe  contente  de  recueillir  &  de 
répéter  ce  que  les  autres  ont  écrit.  La  plu- 
part des  lexicographes  ne  font  que  des  com^ 
pilateurs.  Les  qualités  les  plus  néceftaires  à 
ceux  qui  font  des  compilations ,  font  Texac- 
titude  &  le  difcernement  ,  pour  ne  préfen- 
ter  au  ledeur  que  des  chofes  dignes  de  fon 
attention.  Autrefois  le  nom  àt  compilateur 
fe  prenoit  en  mauvaife  part ,  &  équivaloit  ;i 
plagiaire.  Horace  a  dit  en  ce  fens  a  la  fin  de 
fa  première  fatyre  : 

Ne  me  Crifpini  fcrinialippi 
CompilaJJe  putes. 

Quelques-uns  fontvenir  les  mots  compi. 
lation  &  compilateur  du  grtcjihiiv  qu\  figni- 
fiC  rejjerrer  ,  condenfer  ;  parce  que  les  vo- 
leurs ,  difent-ils  ,  reflerrent  leur  larcin  en 
plus  petit  volume  qu'ils  peuvent  ,  afin  de 
l'emporter  plus  ailément.  Les  anciens  latins 
en  avoient  formé /?/7are  ,  compilare  ^  d'où 
nous  avons  fait  compilation  &  compilateur, 
Voje^  Plagiaire.  (  G  ) 

COMPILATION  ,  f  f.  (  Belles  Lett.  ) 
recueil  formé  de  morceaux  pris  çà  &  là 
dans  le  même  ou  dans  divers  auteurs.  Plu- 
fieurs  ouvrages  des  modernes  ne  font  que 
des  compilations  de  ceux  des  anciens.  Il  y 
a  des  compilations  efiimables  :  celles ,  par 
exemple ,  où  les  textes  de  divers  auteurs 
dont  le  llyle  n'ell  pas  uniforme  ,  font  ii 
bien  fondus  qu'ils  paroificnt  erre  fortis  de 
la  même  plume  ;  telle  eft  l'hifioire  ancienne 
de  M.  Rollin  :  d'autres  neiont  que  des  co- 
pies feches  ou  informes  de  lambeaux  mai 
confus  ;  on  peut  les  comparer  à  un  amas 


cou 

lïe  matériaux  bruts  ,  &  les  autres  à  un  édi- 
fice :  celles-ci  demandent  du  goût;  les  autres 
ne  iuppoient  que  du  temps  ,  des  recherches , 
&  la  patience  infatigable  de  copier  mot  à  mot. 
Fbyq  Abrégé.  (  G  ) 

*  COMPIT ALES.  f.  f.  (  MythoL  )  fêtes 
inftituées  en  l'honneur  des  dieux  lares  ou 
pénates.  On  les  célébroit  dans  les  carre- 
tours  ,  per  compila.  Les  affranchis  &  les 
efclaves  en  étoient  les  minières  &  les  prê- 
tres ;  c'étoit  un  temps  de  liberté  pour  ces 
derniers.  Sous  les  rois  on  y  iacrifioit  des 
cnfans  ;  mais  Brutus  ,  après  l'expuliion  des 
Tarquins  ,  fubilitua  aux  têtes  humaines  que 
lesorad.es  avoient  demandées  ,  &  qui  dé- 
voient tomber  dans  les  compitales  y  des  têtes 
d'ail  &  de  pavot.  Il  y  avoit  dans  les  carre- 
fours des  poteaux  élevés  :  on  pîaçoit  (ùr  ces 
poteaux  des  images  &  des  figures  d'hom- 
mes &  de  femmes.  Les  figures  repréfen- 
toient  les  dieux  lares  ,  &  il  y  avoit  autant 
d'images  que  de  perfonnes  hbres  dans  la 
famille.  Les  compitales  n'étoient  que  pour 
les  efclaves.  Elles  furent  inftituées  par  Tar- 
quin  le  premier  ou  par  Servius  Tullius.  On. 
voit  dans  Ciceron  que  ces  têtes  furent  célé- 
brées de  fon  temps  au  mois  de  décembre  ; 
mais  elles  fe  célébroient  ordinairement  au 
mois  de  mai ,  comme  le  prouve  le  calendrier  ; 
&  c'eft  fous  le  mois  de  mai  qu'Ovide  en  fait 
mention  dans  fes  fafies  ;  le  préteur  en  indi- 
quolt  le  jour.  On  y  facrinoit  une  truye»  Les 
efclaves  offroient  une  balle  de  laine. 

COMPLAIGN ANT ,  adj.  pris  du  fubft. 
(  Jurifprud.  )  fignifie  la  même  chofe  que 
plaignant  ou  accufateur  en  matière  crimi- 
nelle ;  il  ne  faut  pas  confondre  le  complai- 
^nant  avec  le  demandeuren  complainte ,  foit 
profane  ou  bénéficiaie  ;  celui-ci  fembleroit 
devoir  être  appelle  complaignant  plutôt  que 
l'autre ,  à  caufe  qu'il  intente  la  complainte  ; 
ce  terme  efl  même  ufité  en  ce  fens  dans 
quelques  provinces  ,  mais  dans  l'ulàge  com- 
mun ,  on  n'entend  par  le  terme  de  com- 
plaignant ,  que  i'accufateur  \  celui  qui  in- 
tente complainte  efi  qualifié  demandeur  en 
complainte.  {A) 

COMPLAINTE ,  f.  f.  (  Jurifprud.  )  efl 
une  adion  poiTefToire  ,  par  laquelle  celui 
qui  efi:  troublé  en  la  poiTeflîon  d'un  héritage 
ou  droit  réel  ^  ou  d'un  bénéfice  ,  fe  plaint 
à  la  jujftice  de  ce  trouble,  &  demanée  coatre 


C    O  M  7^1 

celui  qui  en  efl  l'auteur  ,  d'être  maintenu 
dans  fa  polfeilion  ,  &  que  défenfes  Ibient 
faites  de  l'y  troubler. 

Le  propriétaire  ,  rufufruitier  ,  l'ufager  &: 
l'emphytéote  peuvent  intenter  complainte  ; 
mais  il  faut  qu'ils  aient  pofTédé  ,  non  vi  , 
non  cldm ,  710/2  precario  y  c'efi-à-dire  publi- 
quement &  fans  violence  ,  à  autre  titre 
que  de  poficfîêur  précaire;  c'efl  pourquoi 
un  fimple  fermier  ou  locataire  ne  peut  pa« 
ufer  de  complainte. 

Aucun  fujet  ne  peut  l'intenter  contre  le 
roi  ,  parce  qu'on  ne  préfume  jamais  que 
le  roi  ait  caufé  de  trouble  ;  l'apanager  jouit 
aufli  à  cet  égard  du  même  privilège  que 
le  roi. 

Les  rafîaux  &  cenfitaires  ne  peuvent  pa- 
reillement intenter  complainte  contre  leur 
feigneur  ^  Qipr  raifon  des  héritages  qui  font 
mouvans  de  lui. 

Pouf  intenter  complainte  ,  il  faut  avoir 
pofîédé  an  &  jour ,  former  fa  demande  en 
complainte  dans  l'an  &  jour  du  trouble  ,  & 
que  cette  demande  foit  formée  &  jugée  avant 
d'en  venir  au  pétitoire. 

Elle  ne  peut  être  intentée  que  pour  héri- 
tages ou  droits  réels;  tels  que  des  fervitudes, 
dîmes  inféodées  ,  droits  de  patronage  y 
droits  feigneuriaux  &  honorifiques,  rentes 
foncières  ,  &c.  Les  rentes  confîituées  n'é- 
tant point  réelles  ,  même  dans  les  lieux  où 
elles  font  réputées  immeubles  ,  ne  peuvent 
faire  la  matière  d'une-  complainte. 

Elle  a  lieu  pour  des  bénéfices  &  droits, 
qui  y  font  attachés  ,  tels  que  àts  dîmes 
eccléfiafiiques. 

On  ne  peut  intenter  complainte  pour  cho>- 
fes  mobiliaires ,  à  moins  qu'il  ne  s'agifïè  d'iwie 
univerfalité  de  meubles. 

On  peut  être  troublé  de  fait ,  ou  par  pa- 
roles ,  ou  par  quelque  ade  qui  tend  à  former 
un  trouble,  &  dans  tous  CQscâsià  complainte 
a  lieu. 

Chaque  juge  connoît  des  complaintes  dans 
fon  territoire ,  &  les  juges  royaux  n'ont  à 
cet  égard  aucune  préférence  ai  préventioa 
fur  les  juges  du  feigneur. 

Le  juge  d'églife  ne  peut  connoître  à^M}-- 

cune  complainte  foit  profane  ,  foit  bénéficia» 

le ,  il  faut  fc  pourvoir  devant  le  juge  laïque. 

La  complainte  s'intente  par  exploit ,  &: 

quelquefois  par  oppofuipa.  Celui  qui  éi 


7Ti 


C  O  M 


afligné  en  complainte  ne  peut  pas  intenter 
lui-même  complainte  pour  le  même  objet , 
en  difant  qu'il  prend  la  demande  en  com- 
plainte pour  trouble. 

Celui  qui  a  été  dépofledé  de  l'héritage 
n'intente  pas  une  firaple  complainte  ,  mais 
l'adion  appellée  re'integrande.  voye\  Louet 
&  Brodeau  ,  lettre  B.n.  il  ^  V  ordonnance 
de  z66y  ,  tit.  xv.  Papon  ,  liv.  VIII ,  tit. 
iv.  Loifel ,  lit-''  V ,  tit.  jv.  Belordeau  y  en 
fes  controverfes  ,  lett.  C.  art.zj. 

Complainte  bénéficiale  ou  en 

MATIERE  BÉNÉFICIALE,  eft  une  adion 
pofTelToire  par  laquelle  celui  qui  eft  en  pofïef^ 
'lion  d'un  bénéfice ,  de  fait  ou  de  droit  feule- 
ment, fe  plaint  du  trouble  qui  lui  efî  lait 'par 
un  autre  prétendant  droit  au  même  bénéfice, 
&  conclut  à  la  fin  d'être  maintenu  &  gardé 
en  fa  poiTeilion  y  avec  défenfiw  à  fa  partie 
adverfe  de  l'y  troubler  ;  &  à  ce  que  pour 
l'avoir  fait  ,  il  foit  condamné  en  lès  dom- 
mages &  intérêts  &  dépens. 

Les  juges  royaux  connoifîent  de  la  com- 
plainte en  matière  bénéficiale  ,  parce  que 
d'eu  une  adion  poiTelToire.  On  voit  dans 
une  ordonnance  de  Philippe  Augufte  de 
l'an  12,14,  que  dès  ce  temps-là  c'étoit  le 
juge  laïque  qui  connoilToit  de  ces  fortes  de 
complaintes  ;  &  le  pape  Martin  V  ,  par  une 
bulle  de  l'an  142.9  ,  a  reconnu  que  c'étoit 
au  roi  &  à  fes  officiers  à  maintenir  les  pol- 
felTeurs  des  bénéfices  y  &  non  au  juge 
d'églifc. 

Anciennement  le  parlement  connoilîbit 
-en  première  infiance  de  toutes  fortes  de 
complaintes ,  même  en  matière  bénéficiale  ,* 
mais  préfentement  la  connoifîance  en  ap- 
partient aux  juges  royaux ,  &  par  appel  au 
parlement. 

Les  baillis  &  fénéchaux  ctoient  d'abord 
les  feuls  qui  en  pufîènt  connoître  en  pre- 
mière infiance  ,  fuivant  un  arrêt  de  l'an 
1277  •  mais  fuivant  l'édit  de  Cremieu  ,  de* 
l'an  153^,  &  l'édit  d'Henri  II  du  mois  de 
Juin  1559  >  l^s  juges  royaux  inférieurs  en 
peuvent  connoître  chacun  dans  leur  rei^ 
fort  ;  les  baillis  &  fénéchaux  ont  feulement 
fur  eux  le  droit  3e  prévention  pour  ces 
•matières. 

Les  juges  des  fèigneurs  ne  peuvent  en 

aucun  cas  prendre  connoifîance  d'une  com- 

ipUintc  hénc'ficiale ,  quand  même  il  s'agiroit 


C  O  M 

des  bénéfices  de  la  fondation  àts  fèigneurs 
ou  de  leurs  auteurs  ,  &  qu'ils  en  auroient  la 
préfentation  ou  collation.  Ordonnance  de 
i  66  j  ,  tit.  XV  ,  art.  4. 

La  connoiffance  du  pétitoire  appartient 
de  droit  au  juge  d'églife  ;  mais  quand  la 
complainte  eft  jugée ,  celui  des  deux  con- 
tendans  qui  a  perdu  devant  le  juge  laïque , 
ne  peut  plus  fe  pourvoir  devant  le  juge 
d'églife  pour  le  pétitoire  ,  parce  que  les 
juges  laïques  ne  jugent  pas  le  pofîefToire  en 
matière  bénéficiale  fur  les  aâes  de  poffef^ 
fion  feulement ,  mais  aufli  fur  les  titres  des 
parties  dont  ils  examinent  la  validité  :  de 
forte  que  le  pofîefToire  étant  jugé  par  le 
mérite  du  fond  ,  il  ne  feroit  pas  jufle  de 
rapporter  la  même  queflion  devant  le  juge 
d'éghfe. 

La  complainte  bénéficiale  diffère  de  la  pro- 
fane en  ce  que  celle-ci  ne  peut  être  intentée 
que  par  ceux  qui  font  en  pofïliiion  aduelle 
&  de  fait  ;  au  lieu  que  celui  qui  a  été  pourvu 
d'un  bénéfice  ,  trouvant  la  place  remplie  par 
un  autre,  peut  prendre  poffeiîion  de  droit 
feulement ,  &  prendre  pour  trouble  la  poffef- 
fion  de  fait  de  fon  adverfaire  ,  &  intenter 
complainte  contre  lui. 

Il  n'y  a  jamais  de  complainte  contre  le 
roi  ;  c'efl  pourquoi  en  matière  de  régale  , 
l'état  ou  récréance  efl  toujours  adjugé  par 
provifion  au  régalifle. 

La  complainte  bénéficiale  doit  être  intentée 
dans  l'an  &  jour  du  trouble  ,  de  même 
qu'en  matière  profane^  Ordonnance  de 
ZS39  ,  art.   6i. 

Le  demandeur  en  complainte  doit  expri- 
mer dans  fa  demande  le  titre  de  fa  provi- 
fion ,  &  le  genre  de  vacance  fur  lequel Jl 
a  été  pourvu  ;  par  exemple  ,  fi  c'efl  par 
mort  ,  réfignation  ,  permutation  ou  dé- 
volut ,  &  donner  avec  le  même  exploit  au 
défendeur  copie  de  fes  titres  &  capacités 
fignée  de  lui  &  de  l'huiffier  ou  du  fergent. 

Si  le  demandeur  ignore  le  domicile  de 
fon  adverfaire  ,  &  ne  peut  le  faire  affigner 
en  parlant  à  fa  perfonne  ,  il  faut  fignifier 
l'exploit  dans  le  chef-lieu  du  bénéfice. 

On  prenôit  autrefois  deux  appointcmens 
fur  une  complainte  ;  l'une  pour  communiquer 
les  titres  &  capacités  ,  l'autre  pour  écrire 
par  mémoires  :  mais  ces  formes  inutiles  ont 
été  abrogées  par  l'ordonnance  de  16^7. 

tiorfque 


C  O  M 

Lorfque  la  caufe  peut  fe  juger  à  Fau- 
•dicnce  ,  le  juge  maintient  en  la  pofïèffion 
vdu  bënéfice  celui  qui  le  trouve  en  avoir  été 
canoniquement  pourvu  ;  fi  l'affaire  ne  peut 
pas  fe  juger  à  l'audience ,  on  appointe  les 
parties  en  droit,  &  cependant  on  adjuge  la 
récréancé  à  celui  qui  a  le  droit  le  plus  ap- 
parent; &  Il  le  droit  eft  fort  problémati- 
que ,  on  ordonne  le  fequeftre  ;  le  grand- 
confeil  prend  ordinairement  ce  parti ,  & 
accorde  rarement  la  récréance. 

Pour  la  validité  d'une  lentence  de  main- 
tenue ou  de  récréance  &  de  fequeftre,  il 
faut  qu'il  y  ait  au  moins  cinq  juges  de  nom- 
més dans  la  fentence  ,*  &  fi  elle  eft  rendue 
fur  une  inftance  appointée  ,  ils  doivent  tous 
iigner  la  minute  de  la  fentence  :  cela  n'eft 
cependant  pas  obièrvé  aux  requêtes  de 
l'hôtel  &  du  palais. 

La  fentence  de  maintenue  peut  être  exé- 
-cutée  nonobftant  l'appel,  pourvu  qu'elle  ait 
été  donnée  par  des  juges  refTortifîàns  immé- 
diatement en  la  cour  ,  &  qu'ils  fuffent  au 
nombre  de  cinq  ,  &  en  donnant  par  l'inti- 
Tné  bonne  &  jufîîfante  caution  de  rendre 
les  fruits  ,  s'il  eft  ainft  ordonné  fur  l'appel: 
•telle  eft  la  dilpoiition  de  l'ordonnance  de 
JLouis  XII  de  l'an  1498  ,  art.  8j. 

Lorfque  l'appel  eft  d'une  fentence  de 
récréancé  ,  elle  doit  être  exécutée  nonobf- 
tant l'appel  à  la  caution  juratoire  de  celui  au 
profit  duquel  elle  aura  été  rendue  ;  il  étoit 
autrefois  obligé  de  donner  bonne  &  fuffi- 
fante  caution ,  mais  cela  a  été  changé  par 
l'ordonnance  de  i66y. 

La  fentence  de  récréance  doit  être  entiè- 
rement exécutée  avant  que  l'on  puifTe  pro- 
céder fur  la  pleine  maintenue.  K.  Vordonn. 
de  l  66  j^  tit.  XV.  &  POSSESSOIRE.  (A) 

Complainte  en  matière  profa- 
ne ,  eft  celle  qui  n'a  point  pour  objet  un  bé- 
néfice ni  aucun  droit  annexé  à  un  bénéfice. 

Complainte  en  cas  de  nouvelle- 
té,  eft  celle  qui  s'intente  dans  l'an  &  jour  du 
trouble ,  que  l'on  appelloit  autrefois  nou- 
velleté;  on  appelle  aufli  complainte  en  cas  de 
faijîne  &  de  nourellete\  ou  complainte  fîm- 
plement.  ^oyq  COMPLAINTE. 

Complainte   possessoire,  eft   la 
même   chofe   que   ce   qu'on   appelle  lim- 
plement    complainte ,    cette  adion  n'étant 
^as  toujours  polTeifoire. 
Tome  VIIL 


C  O  M  753 

Complainte  en  cas  de  simple  sai- 
sine, étoit  une  complainte  particulière,  qui 
pouvoit  autrefois  être  intentée  par  celui  qui 
avoit  joui  d'une  rente  foncière  fur  un  héri- 
tage avant  &  depuis  dix  ans  ;  &  pendant  la 
plus  grande  partie  de  ce  temps ,  il  pouvoit 
intenter  le  cas  de  fimple  faifine  contre  celui 
qui  l'avoit  troublé,  &  demander  d'être  remis 
en  fa  pofTefîion.  Cette  complainte  avoit  lieu  , 
lorfque  celui  qui  pouvoit  intenter  l'aâioii 
de  nouvelleté  en  avoit  laifTé  pafferle  temps 
ou  y  avoit  fuccombé.  Dans  cettQ€omplainte^ 
il  falloit  prouver  une  polTeflîon  qui  remon- 
tât au  defius  de  dix  ans  ;  la  coutume  de 
Paris,  art.  s^  ,  fait  mention  de  cette  com- 
plainte  :  mais  préfèntement  elle  n'eft  plus 
d'ufage  ;  &  quand  celui  qui  pouvoit  in- 
tenter complainte  en  cas  de  nouvelleté  en  a 
laifîe  pafferle  temps  ou  y  a  fuccombé,  il 
ne  peut  plus  agir  qu'au  pétitoire  &:  doit 
rapporter  un  titre.  Voy.  Brodeau ,  Tron- 
çon, Guerin,  &  le  Maiftre  far  Van.  $8 
de  la  coutume  de  Paris.  {A} 

COMPLAISANCE,  f  f.  {Morale.)  La 
complaifance  eft  une  condefcendance  hon- 
nête ,  par  laquelle  nous  facrlfions  notre  vo- 
lonté à  celle  des  autres  :  je  dis  une  eondef- 
cendance  honnête  ,*  car  déférer  en  tout 
indiftindement  à  la  volonté  d'autrui ,  ce 
feroit  plutôt  lâcheté  ou  complicité  que 
complaifance. 

La  complaifance  confifte  à  ne  contrarier  le 
goût  de  qui  que  ce  foit  dans  ce  qui  eft  in- 
différent pour  les  mœurs ,  à  s'y  prêter  mê- 
me autant  que  l'on  peut ,  &  à  le  prévenir 
lorfqu'on  l'a  fu  deviner.  Ce  n'eft  peut-être 
pas  la  plus  excellente  de  toutes  les  vertus  , 
mais  c'en  eft  une  du  moins  bien  utile  &  bien 
agréable  dans  lafociété.  (C) 

Complaisance  ,  {Junfprud?)  'ho'it  de 
complaifance  aux  quatre  cas  ,  eft  la  même 
chofe  que  les  loyaux-aides  que  le  vafïàl  eft 
tenu  de  payer  au  feigneur  dans  les  quatre 
cas,  c'efl-à-dire ,  en  cas  de  chevalerie  du 
fils  aine  ,  de  mariage  d'enfans  ^  de  voyage 
d'outre-mer,  &  de  rançon  du  feigneur.  H 
en  eft  parlé  dans  un  arrêt  du  2,0  Juillet  1^2.4, 
dont  M.  de  Lauriere  fait  mention  en  fon 
glojfairey  au  mot  complaifance.  (A) 

COMPLANT  ,  f.  m.  {Jurifprud.)  efl 
la  conceflîon  que  l'on  fait  à  quelqu'un  d'un  • 
héritage  .   à  Id   charge  d'y  faire   quelque 
J3bbbb 


754  C  O  M 

plantation  d'arbres  &  fur-tout  des  vignes  , 
moyennant  la  redevance  d'une  portion  des 
fruits  qui  fe  perçoit  dans  le  champ  ,  comme 
le   terrage  ou  champart. 

Quand  le  compiant  eu  (ait  par  le  feigneur 
de  l'héritage  ,  la  redevance  eft  feigneuriale. 
On  comprend  auffi  fous  le  terme  de  corn- 
plant  y  le  droit  même  que  le  bailleur  s\ïi 
aéfervé  de  percevoir  une  portion  des  fruits. 

Il  eft  fait  mention  de  ce  droit  dans  la  cou- 
tume de  Saint-Jean  d'Angely  ,  art.  i  8  ,  &c 
dans  celle  de  Poitou,  art.  an.  (A) 

COMFLANTER,  v.  neut.  [Jmifprud.) 
ï\gmÇie  percevoir  le  droit  de  complant  :  il 
n'eft  pas  permis  d'enlever  les  fruits  fujets  à 
ce  droit  avant  que  le  feigneur  ait  comptante. 
V ,  la  coutume  de  Poitou  y  art.  8z  &  ci-de- 
vant Complant.  {A) 

COMPLANTERIE,  f.  f.  [Jurifp.)  c'eft 
le  terroir  où  le  feigneur  a  droit  de  percevoir 
le  droit  de  complant.  Il  en  eft  parlé  dans 
Vart.  y  ^y  de  la  coutume  de  Poitou.  Voyez 
ci-devant  COMPLANT. 

COMPLÉMENT ,  f.  m.  fe  dit  en  géné- 
ral d'une  partie  qui ,  ajoutée  à  une  autre, 
formcroit  un  tout  ou  naturel  ou  artificiel. 

Complément  arithmétique  d'un  loga- 
rithme, c'eft  ce  qui  manque  à  un  logarithme 
pour  être  égal  à  lo.  coococo,  en  fuppo- 
fant  les  logarithmes  dé  neuf  caraderes.  î^. 
Logarithme.  Ainfile  complément  arith- 
métique de  7.1079054  eft  2.8920946.   (O) 

Complément  de  la  hauteur  d'une  étoile, 
en  ARronomie  y  fe  dit  de  la  diftance  d'une 
étoile  au  zénith  ,  ou  de  l'arc  compris  entre 
le  lieu  de  l'étoile  au-deflîis  de  l'horizon  &  le 
zénith.   V.  ZÉNITH. 

On  appelle  ainfi  la  diftance  de  l'étoile  au 
zénith,  parce  qu'elle  eft  véritablement  le 
complément  à  90  degrés  de  la  hauteur  au- 
defllis  de  l'horizon,  c'eft-à-dire  ,  l'excès  de 
<po  degrés,  ou  de  l'angle  droit  fur  l'angle 
ou  l'arc  qui  donne  la  hauteur  de  l'étoile. 
VojeT^  Complément.  (O) 

Complément  de  la  courtine  ,  fè 
dit  en  Fortification ,  de  la  courtine  augmen- 
tée d'une  demi-gorge  ,  c'eft-à-dire  ,  c'eft  le 
coté  inférieur,  du  polygone  diminué  d'une 
demi-gorge.     Voye^  CoURTINE  ,    Jwa 

Gorge.  (Ç)  *^  ^ 

Complément  d^un  angle  ou  d'un  arc,  en 
^éoméifiej  eft  ce  qui  refte.  d'un  angle  droit 


C  O  M 

ou  de  quatre-vin£t-dix  degrés  ,  après  qu^on 

en  a  retranché  cet  angle  ou  cet  arc.  J^oy. 

Arc  ,    Angle. 

Ainfi  l'on  dit  que  le  complément  d'un  an^ 

gle  ou  d'un  arc  de  ^o   degrés ,  eji  de  60 

degrés  ,   puifque  60  -f-  30  =  90. 

L'arc  &  Ion  complément  font  des  termes 

relatifs,  qui  ne  fe  difent  que  de  l'un  à  l'égard 
de  l'autre. 

On  appelle  co-Jinus  le  finus  du  complément 
d'un  arc  ;  &  co-tangente ,  la  tangente  du 
complément.  V.  Co-SINUS  6"  Co-TAN- 
GENTE,6'c.V.  au^SlNUS.  Chambers.{E) 
On  appelle  complément  d'un  angle  à  280 
degrés,  l'excès  de  180  degrés  fur  cet  angle: 
ainfi  le  complément  à  180  degrés  d'un  angle 
de  100  degrés  ,  eft  80  degrés  ;  mais  complé- 
ment tout  court  ne  fe  dit  que  du  complément, 
à  90.  (O) 

Les  complémens  d'un  parallélogramme 
font  deux  parallélogrammes  que  la  diago- 
nale ne  traverfe  pas  ,  &  qui  réfultent  de 
la  divifion  de  ce  parallélogramme  par  deux 
lignes  tirées  d'un  point  quelconque  deU 
diagonale  parallèlement  à  ^chacun  de  les 
côtés.^  Tels  font  les  parallélogrammes  C  &, 
My  Plan,  de  géomét.fig.  £.  77.2..  L'on  a  dé- 
montré que  dans  tout  parallélogramme  les 
complémens  C  &  MÇom  égaux:  car  Z-i-C')C 
0=R'-{- M-\~ X à caufe  que  les  deux  grands 
triangles  font  égaux  (la  diagonale  divifant  le 
parallélogramme  en  deux  égalemfentj  ;  &. 
de  même  Z  =  R,  &c  0  =  x  :  c'eft  pour- 
quoi les  parallélogrammes  reftans  C  &c  M 
font  égaux.  F".  PARALLÉLOGRAMME.  (O) 

Complément  d'un  intervalle,  en 

Mujique ,  eft  la  quantité  qui  lui  manque 
pour  arriver  à  l'odave  :  ainfi  le  complément 
de  la  féconde  eft  la  feptieme  ;  de  la  tierce  , 
la  fixte  ;  &  de  la  quarte  ,  la  quinte  :  &  réci- 
proquement le  complément  de  la  quarte  ;  àù 
la  fixte,  la  tierce;  de  la  feptieme  ,  la  fé- 
conde. Ainfi  complément  &  renverfement  fi- 
gnifient  la  même  chofe ,  toutes  les  fols  qu'il 
n'eft  queftion  que  d'un  intervalle.  Voye\ 
Intervalle  &  Renversement.  (iS) 
Complément  de  route,  terme  de  na- 
vigation; c'eft  le  complément  de  l'angle  que 
fait  la  route  ou  le  rhumb  que  l'on  fuit  avec  le 
méridien  du  lieu  où  l'on  eft  ,  c'eft-à-dire ,  la 
différence  de  cet  angle  à  90  degrés.  Voye\ 
CoJilPLÉMENT  ea  Géométrie.  (O) 


C  O  M 

COMPLEXE,  adj.  terme  de philofophie\ 
il  fe  dit  d'une  propofition  ,  &  des  difîerens 
termes  d'une  propofition  :  ces  terrpes  font 
firaples  quand  ils  ne  défignent  qu'une  feule 
idée  ;  ils  font  complexes  quand  ils  en  com- 
prennent plufieurs.  Il  fe  dit  de  la  propo- 
sition ,  lorfqu'elle  a  plufieurs  membres. 

Complexe  :  une  quantité  complexe ,  en 
algèbre,  efl  une  quantité  comme  a-f-  b-c y 
compofée  de  plufieurs  parties,  a,  b,  Cp 
jointes  enfemble  par  les  fignes  -+■&-.  (O) 

COxMPLEXION  ,  f.  f.  figure  de  rhéto- 
rique qui  contient  en  même  temps  une  répé- 
tition &  une  converfion ,  c'efl-à-dire  ,  dans 
laquelle  divers  membres  de  phrafe  com- 
mencent &  finifîent  par  le  même  mof, 
comme  dans  ce  trait  de  Cicéron ,  qui  con- 
tient de  plus  une  interrogation  :  Q^uis  legem 
tulit  ?  Rullus.  Q^uis  majorempanem  populi 
fuffragiis  privavit  ?  Rullus.  Quis  comitiis 
prœfuit?  Rullus.  (Deleg.  agr.  contra  Rull.) 

Cette  figure  efl  commune  &  triviale  , 
parce  que  l'auditeur  a  à  peine  entendu  la 
queflion  ,  qu'il  prévient  la  réponfe.  Voye-{ 
Conversion  ù  Répétition. 

COMPLEXION  ,  habitude  ,  difpofition 
naturelle  du  corps.  Voy.  CONSTITUTION. 

Quelques  anciens  philofophes  distinguent 
qu'atre  complexions  générales  &  principales 
dans  l'homme  :  la  complexion  fanguine 
répond  ,  félon  eux ,  à  l'air  ;  elle  en  a  les 
qualités  ,  elle  efl  chaude  &  humide.  Elle  efl 
ainfi  nommée  parce  que  le  fang  y  domine. 
Fqytf;^  Sanguin. 

La  complexion  flegmatique ,  qui  tire  fon 
nom  de  la  pituite  ou  du  flegme  dont  elle 
"abonde  ,  répond  à  l'eau  ;  elle  efl  froide  &: 
humide.  Fbjq  FLEGMATIQUE. 

La  complexion  bilieufe  efl  de  la  nature  du 
feu  ;  elle  efl  chaude  &  feche.  Voye^  Cho- 
tÉRIQUE. 

La  complexion  mélancolique  tient  de  la 
nature  de  la  terre  :  elle  efl  froide  &  feche. 
Kqyq  MÉLANCOLIQUE.  Dic^.  de  Tre'v. 
&  Chambers. 

On  ne  fait  plus  guère  d'attention  à  toutes 
ces  fortes  de  divifions  :  l'expérience  a  ouvert 
les  yeux  fur  bien  des  préjugés  ou  des  opi- 
nions, dont  il  faut  cependant  rendre  compte, 
afin  que  chacun  puifle  en  faire  l'ufàge  ou  le 
mépris  qu'il  jugera  à-propos. 

COAIPLÉXUS ,  en  anatomie ,  nom  de 


C  O  M  755 

quafre  mufcles  de  la  tête ,  dont  deux  ont 
été  appelles  les  grands  complexus  ,  &  les 
deux  autres  les  petits  complexus. 

l.t  grand  complexus  vient  de  la  ligne  demi- 
circulaire  inférieure  de  l'os  occipital  ,  & 
fe  termine  aux  apophyfes  obliques  des  ver- 
tèbres du  cou  ,  &  de  trois  ou  quatre  des 
vertèbres  fijpérieures  du  dos. 

Le  petit  complexus  ou  mafloïdien  latéral , 
vient  des  apophyfes  tranfverfes  des  fix  ver- 
tèbres inférieures  du  cou  ,  &  fe  termine  k 
l'apophyfè  mafloïde  poflérieurement.   {L) 

COMPLICATION ,  f.  f.  terme  plus 
d'ufage  -en  médecine  qu'en  aucune  autre 
occaiion  :  il  défigne  généralement  un  afîèni- 
blage  de  caules  ,  d'effets ,  ou  de  circonl- 
tances  tellement  liées  les  unes  aux  autres , 
qu'il  efl  difficile  d'en  appercevoir  diflinde- 
ment  tous  les  rapports. 

Complication,  {médecine.)  com-» 
plexio  y  confujîo  :  ce  terme  efl  employé  en 
difîerens  fens  par  les  Pathologifles. 

Le  plus  grand  nombre  d'entre  eux  appel- 
lent compliquée  ^  une  maladie  à  laquelle  efl 
jointe  une  autre  maladie  dans  le  même 
fujet  :  ainfi  une  hémorrhagie  habituelle  des 
narines  qui  dépend  de  la  léfion  de  quelque 
vifcere  du  bas-ventre ,  efl  une  maladie  com- 
pliquée ;  de  même  que  l'épilepiie ,  qui  efl 
produite  conféquemment  à  une  maladie  de 
la  matrice  :  le  virus  vénérien  joint  avec  le 
virus  fcrophuleux  ,  conflitue  une  maladie 
compliquée  qui  efl  la  vérole.  6v.  Telle  efl 
l'idée  que  donnent  des  auteurs  pathologif^ 
t^s  ,  de  ce  qu'ils  appellent  malaaie  compli- 
quée ^  par  oppofition  à  ce  qu'ils  nomment 
maladie  Jîmple,  qui,  quoiqu'elle  foit  accom*- 
pagnée  de  plufieurs  fymptoraes  difîerens 
qui  en  dépendent  ,  n'efl  jointe  à  aucune 
autre  maladie  diflinguée.  Ainfi  la  fièvre 
tierce  ,  la  pleuréfie  ,  la  douleur  aux  dents , 
prifes  fcparément ,  &  confidérées  comme 
exiflantes  feules  dans  un  fujet ,  font  des  ma- 
ladies fimples. 

D'autres  ,  tels  que  M.  Aflruc  ,  entendent 
par  maladies  compliquées  ,  celles  qui ,  quoi- 
que confidérées  chacune  en  particulier  , 
conflituentdes  léfions  de  fondiondans  l'éco- 
nomie animale ,  de  plufieurs  manières ,  par 
oppofition  aux  maladies  fimples ,  qui  ne 
troublent  les  fondions  que  d'une  manière. 
Ainfi  la  péripneumonie  ,  par  exemple  ,  eft 
Bbbbbi 


73^  C  O  M 

tine  maladie  compliquée ,  pafce  qu^elIe 
afFeâe  en  même  temps  les  parties  folides  & 
les  parties  fluides  des  poumons  ,  &  chacune 
de  ces  parties  de  différente  manière  ;  i**. 
entant  qu'elle  conftitue  une  tumeur  inflam- 
matoire ,  par  laquelle  ks  folides  font  vitiés 
«l'égard  de  leur  volume  qui  eft  augmenté  ^ 
de  leur  figure  qui  eft  changée,  des  con- 
duits qui  font  engorgés ,.  &  des  fibres 
même  dont  ils  font  compolës.  qui  font  ou 
'relâchées  &  afFoiblies  ,  ou  reflerrées  &  ren- 
dues trop  roides  :  2";  entant  qu'elle  donne 
lieu  à  la  fièvre  ,  par  laquelle-  les  folides  font 
vitiés  à  l'égard  de  leur  mouvement  qui  eft 
augmenté  ,  de  lachaleur  qui  efl-plus  forte , 
de  la  qualité  des  humeurs  qui  eft  différem- 
ment altérée ,  &  de  leur  volume  qui  eft 
fou  vent  plus  confidérable  ,:  à.  caufe  de  la 
pléthore  vraie  ou  fauife. 

Mais  comme  ,  dans  ceS'  différentes  figni- 
fications  que  l'on  donne  aux  complications 
des  maladies ,,  on  n'y  donne  pas  une  idée 
diftindè  de  ce  qu'on  appelle  maladies  y.  & 
de  ce  qui  en  eft  le  fymptome  ,.  de  ce  qui 
caraétérife  une  maladie  fimple  &  une  mala- 
die compliquée ,  il  paroît  plus  utile  &  plus 
clair  d'appeller  avec  Pitcarne  {élém.  pJiyf. 
mathém.)  maladie  fimple  y  ce  que  les  auteurs 
d'inûjtutioti  de  médecine  appellent  ^/y/;7/»fo- 
me  ;  &cb-donner  le- nom  de  maladiccom- 
pliquée-y  à  ce  qu'ils  appellentiimplement  ma-- 
ladie  y  c'eft-à-dire  à  la  jonâion,  au  con- 
cours de  plufieurs .  fymptomcs  :  par-là  on 
évite  une  grande  confufioxi  dans  la.  patho-f 
logie. . 

Il  réfulte  de  ce  qui  vient  d'être  dît ,  que 
Va  complication  dans  les  -maladies  n'eft  autre 
chofe  que  la  réunion  des  conditions  requi- 
fes  pour  former  une  maladie  compliquée  , 
«îans  lequel  des  fens  mentionnés  qu'an  puifl^ 
prendre  ce  terme» 

Au  refte  il  paroît  que  ,-  ^r  maladie  com- 
pliquée ^  les  auteurs  entendent  la  même  chofe 
que  par  maladie  compofée.  Galien  ,  lib.  de 
typ.  cap.  il j.  Koy-<f;(  Maladie.  Cet  article  ^ 
efl  de-  M.  7>  'Au  M  ONT. 

Complication, (/Mr///7r.)fedirenma- 

--^ere  criminelle,  lorfque  l'accufé  fe  trouve 

'-prcvenu  de  plufieurs  crimes  :  on  dit  auifi 

de  la  procédure  ou  d'une  affaire  en  général , 

.  c^n^ elle  eji  fort  compliquée  ,  lorfqu'il  y  a  un 

■grand  nombre  d'objets  &:,de  demandes,  refr  ^ 


C  o  m 

pefltives  qui  fe  croifent  mutuellement.  {A) 

COMPLICE,  f  m.  {Jurifpr,)e^  celui 
auquel  on  impute  d'avoir  eu  part  à  quelque 
fraude  ou  à  quelque  délit,  foit  pour  avoir 
donné  confeil ,  ou.  avoir  aidé-  à  commettre 
l'aâion  dont  il;  s'agit. 

Quand  on  ordonne  quelque  informatiorv 
contre  les  complices  d'unaccufé,  on  joint 
ordinairement  au  terme  de  complices ,  ceux 
àe  fauteurs  y  participes  ,  &  adhérens  ,  pour, 
déiigner  toutes  les  différentes  manières  dont 
les  complices  peuvent  avoir  eu  part  au  délit.. 

Celui  qui  eft  complice  d'un  délit  ou  de 
quelque  fraude  repréhenfible  ,  eft  fouvent 
autant  coupable  que  l'auteur  même  du  déht,, 
&.dolt  êcre  puni  également  ;  ce  qui  dépend 
néanmoins  des  circonftanccs  ,  par  lefquelles 
on  connoît  le  plus  ou  moins  de  part  que 
le  complice  a  eu  à  l'adion  :  par  exemple  ^, 
.celui  qui  a  fu  le  deflein  qu'un  autre  avoit 
de  commettre  un  crime  ,  &  qui  ne  l'a  pas 
empêché  pouvant  le  faire.,  eft  coupable  au 
moins  d'une  négligence  qui  approche  beau- 
coup du  délit  ;  mais  celui  qui  a  conlèillé  le 
défit,  ou.  qui  a  aidé  aie  commettre,  eft 
encore  plus  coupable^. 

Un  homme  qui  s'eft  trouvé  par.  hafard 
en  la  compagnie  de  quelqu'un  qui  a  com- 
mis un  crime; ,  n'en  eft  pas  pour  cela 
réputé  complice  ,  pourvu  qu'il  n'y  ait  eu  en 
eftèt  aucune  part. 

La  déclaration  ou  dép.ofition  des  com- 
plices ne  fait  point  une  foi  pleine  &  entière 
contre  le  principal  accufé  ,  ni  pour  un  com- 
plice contre  un.  autre  ;  elle  fert  feulement  ■ 
d'indice  pour  parvenir  à  tirer  la  preuve  du 
crime  par  le  moyen  de  la  queftion  ou  tor-* 
ture;  &  fiLTaccufé-n'avoue  rien,  il  doit  être, 
abfousi 

Il  faut  même  obferver  que-la  dépofition 
d'un  feul  complice ,  qu^nd  il  n'y  a  pas  quel- 
que autre  adminicule  de  preuve,  n'eft  pas 
fufîifante  pour  faire  appliquer  fes  complices 
àJa  queftion;  il.faut  dumoins  en  ce  cas  la  . 
dépofition  de  deux  ou  trois  complices. 

On  excepte  néannK)insde<  cette  règle  cer- 
tains crimes  ,  tels  que  ceux  de  lefe-majefté , 
facrilege,  conjuration ,  fauffemonnoie  ,  hé- 
réfie,  &  aflaflinat,  oiY  la  dépofition  d'un 
complice  fait  pleine  foi  contre. un  autre.  K. 
Clarus,  lib.  V'.  fe/u.  quœfl.  xxj.  n.  8.  à  feq-, 
T-achlnylib,  JX,  cap,  Ixxxviij,  {A) 


C  O  M 

COMPLICITÉ, f.  f.  i^Jurifpr)  efllapart 
que  quelqu'un  a  eue  à  la  fraude  ou  au  crime 
commis  par  un  autre.  Voye\  ci-de^'ant 
Complice.  {A) 

COMPLIES ,  f.  f.  pi.  {Hifl,  ecdéf.)ccû 
dans  l'églife  romaine  la  dernière  partie  de 
l'office  du  jour.  Elle  eft  compofée  du  Deus 
in  adjutorium  y  de  trois  pfeaumes  fous  une 
feule  antienne  ,  d'une  hymne  ,  d'un  capitule 
&  d'un  répons  bref,  puis  du  cantique  de 
Siméon  ISunc  dimittis  y  &  de  quelques  priè- 
res ou  verfets,  du  confiteor  avec  l'abfolution, 
d'un  oremus ,  &  enfin  d'une  antienne  à  la 
Vierge ,  avec  fon  verfet  &  fon  oraiforu 

On  ne  connoît  pas  au  jufle  le  temps  de 
l'inflitution  dé  cette  partie  de  l'office  ,  dans 
laquelle  l'églife  a  en  vue  d'honorer  la  mé- 
moire de  la  fépulture  de  Jefus-Chrifl  ,  ainfi 
que  le  porte  la  glofe,  cap.  x.  de  celebr.  mijfar, 
tumulo  compléta  reponit. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'efl  qu'elle  étoit 
inconnue  dans  la  primitive  églife  ,  comme 
lè  prouve  contre  Bèllarmin  le  cardinal  Bona, 
de  pfalmod.  ch.  xj.  car  les  anciens  termi- 
noient  leur  office  à  none  ;-&  il  paroît  mêr- 
me  par  S.  Baille ,  major,  regular.  quœji.  ^y. 
qu'ils  y  chantoient  le  pfeaume  90  que  nous 
récitons  aujourd'hui  à  compiles.  On  ne  trou- 
ve dans  Tertullien  &  dans  les  autres 
anciens  nulle  tmce  des  compiles:  ileft  vrai  que 
l'auteur  des  conftitutions-apoftoliques  parle 
de  l'hymne  du  foir ,  &  que  Caffien  décrit 
là  pratique  des  moines  d'Egypte  pour  l'of- 
fice du  foir  ;  mais  c'étoit  ce  que  nous  appel- 
ions proprement  vêpres.  Fbjf^j  Vepres. 
Voyerles  antiq.  eccléf.  de  Bingham  ;  tome 
V.lib.XIII.ch.jx.^.8.{G) 

COMPLIMENT  ,f.  m.  {MoraU)  dl'f- 
cours  par  lequel  on  témoigne  de  vive  voix 
ou  par  écrit  à  quelqu'un  l'eflime  qu'on  a 
pour  lui ,  ou  la  part  que  l'on  prend  à  quel- 
que chofe  d'intérefl'ant  qui  lui  arrive.  C'efl 
ordinairement ,  ou  une  fadeur  ,  ou  une  inu- 
tilités, ou  un  menfonge  ;  ce  qui  n'empêche 
pasquecenefôit  quelquefois  un  devoir.  (O) 

COMPLIMENTAIRE ,  f.  m.  ttrme  de 
commerce  :  on  appelle  quelquefois 'le  compli- 
memaire  d'une  fociéte\  celui  des  afîociés  fous 
le  nom  duquel  fe  fait  tout  le  commerce  de 
là  fociété.  Voyei^  SoGIÉTÉ.  Diélion.  du 
Comm.  Ù  de  2^réi'. 

^ COMPLIQUÉ,  adj.  {Gramm.)\\k 


C  O  M  757 

dit  en  général  de  tout  ce  qui  contient  un 
grand  nombre  de  rapports  ,  qu'il  efl  diffi- 
cile d'embrafTer  &  de  concevoir  diflinde- 
ment.  Il  y  a  cette  différence  entre  une 
affaire  délicate  &  une  affaire  compliquée  y  que 
les  rapports  de  la  première  peuvent  être  en 
petit  nombre  ,  au  lieu  que  ceux  de  la  fé- 
conde font  nécelfairement  en  grand  nombre. 

COMPOIX  ,  f  ^  m.  {Hifl.  mod.)  fynony- 
me  à  cadaftre  :  c'ell  en  Languecioc  &  eri 
Provence  l'état  des  fonds  de  chaque  com- 
munauté ,  avec  leur  cflimation  ,  leur  qua- 
lité ,  &  les  noms  de  ceux  qui  les  tiennent. 

COMPONCTION,  terme  de  théologie, 
douleur  qu'on  a  dans  l'ame  d'avoir  ofïenfé" 
Dieu.  Voye\  CONTRITION. 

La  confeflîon  n'cfî  bonne  que  quand  on' 
a  un  vif  repentir,  une  grande  componclioiî 
de  cœur.  Koy^r;^  CONFESSION. 

Componction  ,  dans  la  vie  fpirituelle  ,  ar 
une  fignifîcation  plus  étendue  ;  elle  fe  prend 
non-feulement  pour  la  douleur  qu'on  a  d'à-» 
voir  offenfé  Dieu  ,  mais  aufli  pour  un  fenti- 
ment  pieux  de  douleur ,  de  trifîelîe  ,  de  dé- 
goût, qui  a  diiïerêns  ra'orifs.  Les  miferes  de 
la  vie,  le  danger  où  l'on  efl  de  fe  perdre 
dans  le  monde  ,  l'aveuglement  des  mon- 
dains ,  font  pour  \ts  gens  de  bien  des  fujets 
de  componclion:  Trév.  Ù  Chamb.  [G) 

COMPONÉ  ,  adj.  terme  de  Blafon.  On 
dit  une  bordure  componée  ,  de  celle  qui  eft 
formée  ou  compofée  d'un  rang  de  parties 
angulaires,  ou  qui  efl  échiquetée  de  deux 
couleurs. 

Componé  fe  dit  auflî  généralement  d'une 
bordure  ,  d'un  pal  ,  ou  à^Vint  fafce  com- 
pofée de  deux  difïerentes  couleurs  ou  émauîè 
difpofés  alternativement ,  féparés  &  divifés 
par  des  filets ,  excepté  dans  les  coins ,  où  les 
jondions  ont  la  figure  d'un  pié  de  chèvre: 

Lîi  bordure  de  Bourgogne  &  la  bande  dé 
Vallin  font  compone'es  :  là  bordure  de  Sève 
efl  contre^componéCy  parce  que  leur  écu  étant 
fafcé  d'or  &  de  fable,  &  la  bordure  co/72- 
ponéeàé  même,  les  compons  d'or  répon- 
dent aux  fafces  de  fable ,  &  ceux  de  fable  awi 
fafces  d'or. 

Vallin  en  Dauphiné,  dé  gueules  à  là  bande 
componée  d'argent  &  d'azur.  (  V) 
<    COMPONENDE ,  f.  f.  (Juri/prud.)  efl 
une  efpece  de  compofition  ou  taxe  que  l'oi^  - 
paie  à  la  chambre  appflolique  de  -  Rome  - 


75»  COM 

pour  certains  ades ,  tels  que  les  dirpenfes 
de  mariage,  les  unions,  fuppreffions,  érec- 
tions ,  coadjuroreries  ,  penfions  fans  caufe  , 
les  abfolutions  &  nouvelles  provifions  ,  & 
généralement  pour  tour  ce  qui  procède  de 
fruits  mal  perçus  par  ceux  qui  ont  joui  fans 
titre  légitime  des  bénéfices  ,  &  qui  n'ont  pu 
en  gagner  les  fruits  ,  comme  font  les  con- 
fidentiaires.  Mais  cette  prétention  de  la  cour 
de  Rome  fur  les  fruits  mal  perçus  n'eft  point 
reconnue  en  France  ;  car  le  pape  n'a  pas  le 
pouvoir  d'appliquer  à  la  chambre  apoitoli- 
que  les  fruits  des  bénéfices  de  ce  royaume  , 
&  l'on  n'y  foutFre  point  que  les  intrus  ,  les 
confidentiaires  ,  les  fimoniaques  ,  &  autres 
qui  ont  joui  des  fruits  fans  titre  légitirne  , 
en  compofent  au  préjudice  des  églifes 
auxquelles  ils  font  tenus  de  les  reftituer  , 
pour  être  employés  aux  orneraens  &  aux 
réparations. 

Outre  ces  matières  de  grâce ,  abfolutions  , 
ou  reftitutions  fujettes  à  la  taxç  des  compo- 
nendes  y  la  plus  grande  partie  des  abbayes 
confiiloriales  paie  la  troifieme  partie  de  la 
taxe  qui  eil  dans  les  livres  de  la  chambre , 
lorfque  les  parties  ne  peuvent  ou  ne  veulent 
pas  les  faire  paflerpar  le  confiftoire. 

Amidenius  ,  defiylo  dat.  cap.  xvjii ,  dit 
qu'Alexandre  VI  a  été  le  premier  auteur  àcs 
componendes  ,  &  qu'il  avoit  vu  une  lettre 
d'Ifabelle  &  de  Ferdinand  roi  d'Efpagne  , 
où  ils  fe  plaignoient  de  cette  nouvelle  char- 
ge ,  à  laquelle  ils  fe  font  néanmoins  eniuite 
fournis. 

Il  y  a  à  la  daterie  un  office  ou  bureau  des 
componendes  ;  c'ell  le  lieu  où  l'on  compofè , 
c'e(l-à-dire  où  l'on  règle  \ts  taxes  appellées 
de  ce  nom.  Celui  qui  exerce  cet  office  s'ap- 
pelle le  ^^/jo^ra/re,  ou  tréforier  y  ou  préfet 
lies  componendes:  c'elKm  officier  dépendant 
du  dataire  ,  dont  l'emploi  eft  de  recevoir 
les  fommes  taxées  pour  les  matières  fujettes 
à  componende  :  il  avoit  été  créé  en  titre  per- 
pétuel par  le  pape  Pie  V  ,  mais  il  fiit  depuis 
ïiipprimé  pour  être  exercé  par  un  officier 
amovible.  Il  eft  du  devoir  des  revifeurs  de 
la  daterie  ,  lorfque  les  fuppliques  qui  paf- 
fent  par  leurs  mains  font  fujettes  à  compo- 
nende y  de  mettre  au  bas  de  la  fupplique  un 
C  y  pour  marquer  qu'il  eft  dû  componende  , 
auquel  cas  il  faut  les  porter  à  l'office  des 
componendes.  Voye-^  la  pratique  de  cour  de 


COM 

Rome  de  Caftel ,  tome  lypcige  4^  Ù  fuiv. 
&  page  Zj^z,  {a) 

COMPOSÉ  (ETRE),  Metaphyfique'.c'cû 
celui  qui  a  plufieurs  parties  diftindes  l'une 
de  l'autre.  Le  corps  humain  eft  un  compo~ 
fé  y  dont  les  parties  font  la  tête  ,  le  tronc , 
Ùc.  Chaque  membre  eft  à  fon  tour  un  com~ 
pofé  ;  la  tête  des  yeux  ,  du  nez ,  ^c.  &  cette 
analyfe  peut  être  pouflée  tant  qu'il  refte 
des  parties  diftindes  dans  celles  que  l'oar 
confiderc. 

Chaque  être  compofé  eft  un  tout ,  dont 
l'efTênce  conlifte  dans  la  manière  dont  cer- 
taines parties  données  font  liées  entre  elles. 
Il  faut  d'abord  certaines  parties  ,  douées  de 
telles  ou  telles  qualités.  On  ne  fauroit  faire 
une  maifon  avec  de  l'air ,  de  l'eau  ,  &  du 
feu  ;  il  faut  des  pierres ,  des  briques,  &  d'au- 
tres matériaux  convenables  ;  mais  ces  maté- 
riaux étant  donnés ,  pour  achever  de  déter- 
miner l'eftênce  d'une  maifon  ,  il  s'agit  de 
les  arranger  d'une  certaine  manière;  car  d'au- 
tres afTemblages  produiroient  des  ouvrages 
différens  d'une  maifon.  De  même  relTcnce 
du  triangle  confifte  d'abord  en  trois  lignes  ; 
plus  ou  moins  ne  feroicnt  pas  cette  figure  : 
mais  de  plus  ces  trois  lignes  doivent  être 
dilpofées  d'une  certaine  façon  qui  complète 
l'eiî'ence  du  triangle;  laquelle,  comme  toutes 
celles  des  hres  compofés ,  confifte  donc  & 
dans  la  qualité  des  parties  ,  &  dans  leur  liai- 
fon.  Ainfi  ce  n'eft  pas  aiTez  pour  connoître 
l'eflence  d'un  compofé  y  de  ne  favoir  que 
Tune  ou  l'autre  de  ces  chofes.  Celui  qui 
voit  toutes  les  pièces  d'une  montre  étalées  , 
ignore  l'eflence  de  la  montre ,  s'il  ne  fait 
pas  comment  ces  pièces  s'ajuftent  &  influent 
l'une  fur  l'autre  ;  tout  de  même  que  celui 
qui  voit  la  montre  montée  &  en  mouve- 
'  ment ,  en  ignore  l'efTence ,  s'il  h'eft  pas  ins- 
truit des  différentes  parties  qui  la  compofent. 

C'eft  donc  dans  ces  deux  chofes ,  fàvoir  la 
qualité  des  parties  &  leur  combinaifon ,  que 
confifte  la  raifon  de  tout  ce  qui  convient  au 
compofé.  C'eft  par  la  nature  des  pièces  d'un 
moulin  ,  &  par  la  ftrudure  de  cette  machi- 
ne ,  qu'on  explique  comment  le  blé  peut 
y  être  réduit  en  farine  ,  &  la  farine  être  fé- 
parée  du  fon.  C'eft  de  même  par  les  par- 
ties du  corps  humain  ,  des  animaux  ,  des 
plantes ,  &  par  leur  ftrudure ,  qu'on  rend 


C  O  M 

rairon  de  ce  qui  fe  pafTe  dans  ces   corps 
organifés. 

Les  êtres  compofés  font  femblables  ,  lî  les 
parties  &  l'arrangement  àes  parties  fe  ref- 
îemblcnt  ;  ils  font  diflemblables ,  foit  que 
les  parties  différent,  foit  que  l'arrange- 
ment varie. 

Les  genres  &  les  efpeces  Ats  compofés  fe 
déterminent  par  les  qualités  des  parties,  & 
par  leurliaifon.  Les  quadrupèdes,  par  exem- 
ple ,  ont  les  mêmes  parties  :  mais  les  quali- 
tés de  ces  parties  ,  longueur ,  grofîèur  ,  cou- 
leur, Ùc.    fervent  à  les  diftinguer. 

Un  être  compofé  eft  produit ,  &  pafle  de 
la  limple  poffibilité  à  l'ade ,  fans  qu'aucune 
création  intervienne  ;  il  cft  détruit  fans 
anéantifiement ,  car  les  compofés  ne  font  que 
des  affemblages  de  parties  qui  exiftent  éga- 
lement avant  la  naiflance  &  après  la  deflruc- 
tion  du  compofé.  Il  y  a  une  circulation  per- 
pétuelle dans  la  nature,  &  il  ne  s'y  perd  pas 
le  moindre  atome  de  fubftance.  Génération 
&  corruption  ne  font  que  des  variations  de 
k  fcene  du  monde,  qui  font  paroîtrc  les 
ehofes  fous  diverfcs  apparences  ,  mais  qu: 
laiflent  toujours  fubfiiler  la  même  quan- 
tité de  fubftancc ,  réelle.  Article  de  M. 
Forme  Y. 

CÇMPOSÉ  ,  ÉE  ,  adj.  {Mufiq.)  ce  mot 
a  trois  fens  en  mufique  ;  deux ,  rapport  aux 
intervalles  ,  &  un  ,  rapport  à  la  mefure. 

1°.  Tout  intervalle  qui  pafTe  l'étendue  de 
l'odave>  eft  un  intervalle  compofé ,  parce 
qu'en  retranchant  l'odave  on  fimplifie  l'in- 
tervalle fans  le  changer.  Ainii  la  neuvième , 
la  dixième,  la  douzième  font  àt^  intervalles 
compofés  ;  le  premier  ,  de  la  féconde  &  de 
l'odave  :  le  deuxième  ,  de  la  tierce  &  de 
l'odave  ;  le  troifieme  de  la  quinte  &  de 
Todave  ,  ^c, 

2°.  Tout  intervalle  qu'on  peut  divifer 
ïMuficalement  en  deux  intervalles  ,  peut  en- 
core être  confidéré  comme  compofé.  Ainfi 
la  quinte  eft  compofée  de  deux  tierces  ,  la 
tierce  de  deux  fécondes  ,  la  féconde  ma- 
jeure de  deux  ferai- tons  ;  mais  le  iemi-ton 
n'eft  point  compofé ,  parce  qu'on  ne  peut 
plus  le  divifer  ni  ilir  le  ckvier  ,  ni  par  notes. 
C'eft  le  fens  du  difcours  qui ,  Aqs  deux  pré- 
cédentes acceptions  ,  doit  déterminer  celle 
ielon  laquelle  un  intervalle  eft  dit  compcfé. 
3.  On  appelle  mefures  <:ompofées  ^  toutes 


C  O  M  7f<? 

celles  qui  font  défignées  par  deux  chiffres* 
Voye\  Mesure  ,  {Mufiq,)  (S) 

Composé,  adj.  {Arithmét.)  On  dit  qu'un 
nombre  eft  compofé,  quand  il  peut  être  me- 
fure ou  divifé  exaâement ,  &  fans  refte  ,  par 
quelque  nombre  différent  de  l'unité  :  tel  eft 
le  nombre  12  ,  qui  peut  être  mefuré  ou  di- 
vifé par  2  ,  3  ,  4 ,  6.    ^ 

Les  nombres  compofés  entr'eux  (ont  ceux 
qui  ont  quelque  mefure  commune  différente 
de  l'unité  :  comme  les  nombres  12  &  15, 
dont  l'un  &  l'autre  peut  être  exadement  me- 
furé ou  divifé  par  3.  Chambers.  {E) 

Au  refte  cette  dénomination  eft  peu  en 
ufage.  On  fe  fert  plus  communément  des- 
expreflîons  fuivantes  :  tel  nombre  a  des  di- 
v'ifeurs,  ou  n*  eft  pas  un  nombre  premier;  ces 
deux  nombres  ont  un  divifeur  commun.  V, 

Nombre,  Premier,  Diviseur. 

La  raifon  compofée  eft  celle  qui  réfuîre 
du  produit  des  antécédens  de  deux  ou  de 
plufieurs  raifons  ,  &  de  celui  de  leurs 
conféquens. 

Ainfi  6  eft  à  12  en  raifon  compofée  de  2  à 
5,  &  de  3  à  2.  V.  Antécédent,  Con-;- 
sÉQUENT ,  Proportion.  (O) 

Composé,  en  méchanique  ,*  mouvement 
compoféy  eft  le  mouvement  réfultant  de  l'ac- 
tion de  plufieurs  puifîànces  concourantes  ou 
confpirantes.  V.  PUISSANCE. 

On  dit  que  des  puifTances  confpircnt  ou 
concourent ,  lorfquc  la  direction  de  l'une 
n'eft  pas  direâement  oppolée  à  celle  d& 
l'autre  ;  comme  lorfqu'on  conçoit  qu'un 
point  fe  meut  le  long  d'une  ligne  horizon- 
tale qui  fe  meut  elle-même  verticalement. 
V.  à  Varticle  COMPOSITION  DU  MOUVE- 
MENT ,  les  loix  du  mouvement  compofé. 

Tout  mouverrrenf  dans  une  ligne  courbe 
eft  compofé;  car  un  corps  tend  de  lui-même 
à  fe  mouvoir  en  ligne  droite  ,  &  il  fe  meut 
en  effet  de  cette  manière  tant  que  rien 
ne  l'en  détourne  :  par  conféquent  pour 
qu'il  fe  meuve  en  ligne  courbe  ,  il  faut 
néceflàirement  qu'il  foit  pouffé  au  moins 
par  deux  forces  à  chaque  point  de  cette 
courbe.  K  FORCE  CENTRALE  <&  MOU-^ 
VEMENT.  ^^ 

Tour  le  monde  fait  ce  théorème  de 
méchanique,     que    dans    un    mouvement 

i'  co/;?^©// uniforme,  lapuiiîànce  unique  pro- 
duite par  les  puiftànces.  concourantes ,,  eil: 


7^o  C  O  M 

-à  chacune  de  ces  puifîânces  feparément, 
comme  la  diagonale  d'un  parallélogram- 
me ,  dont  chaque  côté  exprime  la  diredion 
&  l'énergie  dechaquepuifïânce,  ei\  à  chacun 
de    ces    côtés.    Voye^   MOUVEME-NT   i& 

Diagonale.  (O) 

Composé  (pendule)  y  en  mechanique  , 
fignifie celui  qui  confifte  enplufieurs  poids, 
confervant  conlîamment  la  même  poiition 
cntr'eux  &  la  même  diflance  au  centre  du 
mouvement ,  autour  duquel  ils  font  leurs 
•vibrations.  Ainfi  une  verge  A  B  [figure  zz. 
Mech.)  chargée  de  plufieurs  poids -6 ,  //, 
■F,  D  y  qui  font  attachés  à  cette  verge,  eu 
-un  pendule  compofé ,  &  tous  les  pendules 
•font  réellement  de  cette  nature  :  car  dans 
un  pendule  même  qui  paroît  fimple,  c'efl-à- 
<lire  compoféiïunt  verge  &  d'un  feul  poids  , 
toutes  les  particules  de  la  verge  font  cha- 
cune autant  de  poids  placés  à  différentes 
diftances  du  centre  de  fufpenfion;  &  le 
•poids  même  qui  eft  -attaché  au  bout  n'é- 
tant pas  infiniment  petit,  cfl  un  c:o/72jPo/è' de 
^plufieurs  petits  poids  ^  dont  les  diflances 
•au  centre  de  fufpenfion  font  réellement 
différentes.  Le  problême  des  centres  d'of- 
■cillation  confifte  à  trouver  les  vibrations 
•d'un  pendule  compofé.  Voye^^^  OSCILLA- 
^TION.(O) 

Composé  6* Composition,  (Phar- 

imacie.)  on  nomme  médicament  compofé  ou 
xompojition  ,  tout  remède  à  la  préparation 
•duquel  on  a  employé  plufieurs  drogues. 

Les  médicamens co/77po/^j  font  ouofEci- 
;naux  ou  magiftraux. 

Le  plus  grand  nombre  des  préparations 
officinales  font  des  compofitions.  Les  élec- 
.tualres  ,  les  confeâions,  les  pilules ,  les  em- 
.•plâtres,  Ùc.  font  toujours  des  médicamens 
xompofés  ;  &  les  apothicaires  préparent  des 
-médicamens  compo/îrj  dans  toutes  les  for- 
mes fous  lefquelles  ils  confervent  leurs  pré- 
parations fimples  :  ainfi  ils  ont  des  firops 
xompofés yAts  eaux  diftillées  compoféesy  des 
■pouArcs  compofées  y  &c.  comme  des  firops 
liraples,  des  eaux  fimples,  des  poudres  fim- 
ples, ùc.  V.  Sirop,  Poudre  ,  Eau 
'-ïusTiLLÉE,  Vin,  Extrait,  &  Simple 

:(  'Pharmacie  ,  )  &c. 

Le  mot  compofé  s'emploie  fur-tout  en 
•pharmacie,  par  oppofition  au  mot  Jimple, 
.pour  défignjar  jjne  |iréparation  pharmaceu- 


C  O  M 

tique ,  qui  porte  le  nom  d'une  des  drogues 
qui  entrent  dans  fa  compojîtion  ,  lorfqu'il 
exifte  dans  Part  une  autre  préparation,  dont 
la  même  drogue  fait  l'unique  ingrédient  mé- 
dicamenteux. C'eft  ainfi  qu'on  appelle  ^ro/> 
de  guimauve  compofé,  un  firop  dans  lequel, 
outre  la  guimauve  ,  entrent  auffi  plufieurs 
racines,  feuilles  ,  femences,  &c.  &  qu'on  le 
dilHngue  par  cette  dénomination  An  firop 
de  guimauve  fimple ,  dans  la  préparation  du- 
quel on  n'emploie  que  la  guimauve. 

On  n'ajoute  pas  l'épithete  de  compofé  au 
nom  des  préparations  compofées ,  lorfqu'il 
n'en  exifte  point  de  fimple  dans  l'art  ;  c'efl 
pour  cela  qu'on  ne  dira  point/rrop  de  karabé 
compofé -y  quoique  le  firop  qu'on  connoît  en 
pharmacie  fous  le  nom  defirop  de  karabé  y 
foit  compofé. 

Au  refte,  il  faut  obferver  qu'on  ne  compte 
point  au  nombre  des  drogues,  dont  la  plu- 
ralité conflitue  la  qualité  dQCompoféy  dis-je., 
celle  qui  fait  raffaifonnement ,  celle  à  la- 
quelle eft  due  l'aromatifation  ou  la  colo- 
ration dans  les  préparations  aromatifées  ou 
colorées  ;  on  n'a  égardqu'à  la  drogue  qui 
conflitue,  ou  qui  eft  cenfée  conftitiier  la 
vertu  du  remède  :  ainfi  l'on  peut  avoir  des. 
firops  fimples ,  quoiqu'on  ait  befoin  né- 
ceffairemc^t  d'çau  &:  de  fucre  pour  mettre 
un  médicament  fous  cette  forme,  Ùc. 

Les  juleps  ,  les  potions ,  les  mixtures ,  Us 
apozemes  ,  les  bouillons  médicamenteux  , 
Ùc.  font  des  compofitions  magifirales.  V", 
la  méthode  générale  de  procéder  aux  com- 
pofitions ofiicinales  ,  aux  articles  MiX-» 
TION  {Pharmacie)  ,  &  DiSPENSATION 
&  les  règles  que  le  médecin  doit  obferver  en 
prefcrivant  les  compofitions  magifirales ,  au 
mot  Formule  (  Pharmacie  ), 

L'ufage  général  d'employer  dans  le  trai- 
tement des  maladies ,,  des  remèdes  prefque 
toujours  compofés  ,  eft  fans  contredit  un  des 
principaux  obilacles  au  progrès  de  cette  par- 
tie de  la  médecine  qui  s'occupe  de  la  vertu 
des  médicamens.  Il  ne  feroit  pourtant  pas 
fage  de  vouloir  les  abandonner  abfolument 
pour  n'employer  que  les  remèdes  fimples  , 
puifque  l'obfervation  eft  favorable  à  beau- 
coup de  ces  remèdes  compofés,  &  que  nous 
ne  favons  pas  afîez  comment  leurs  difïerens 
ingrédiens  fe  modifient  entr'eux.,  pour  çfer 


C  O  M 

prononcer  qu'une  certaine  drogue  fimple 
pouvoit  produire  le  même  effet  médicinal  , 
qu'une  ctnamecompo/ition.  Ainfi ,  quoiqu'il 
foit  évident  que  c'eft  A  l'ignorance  ,  au  pré- 
jugé ,  à  la  chariatanerie  ,  que  nous  devons 
la  thériaque  ,  le  diafcordium  ,  les  potions 
purgatives  ,  les  apozemes  compofés  ,  &c. 
tant  que  robfervation  raifonriée  ne  nous 
aura  pas  fourni  de  remèdes  fimples  plus  effi- 
caces ,  ou  au  moins  également  efficaces  , 
il  faudra  s'en  tenir  aux  remèdes  compofés 
que  l'obfervation  empyrique  aura  déclarés 
bons.  (^)         ^        . 

Composé;  quantités compofées ,  tn Al- 
gèbre _,  fe  dit  de  l'aflTemblage  de  piuiieurs 
quantités  liées  enfemble  par  les  fignes  X  &  — : 
ainli  a.y-  b-c  ^b  b  —  a  c  y  font  des  quanti-* 
tés  compofées. 

On  les  appelle  autrement  quantités  comw 
plexes  ou  multinomes  ;  pour  les  diftinguer 
desquantités  fimples  oumonomes,  klquelles 
ne  confillent  que  dans  un  terme,  l^^oye^  MO- 
NOME &■  MULTINOME.  (0) 

Composée  ,  maladie  ^  (méd.)  en  aj>- 
pelle  maladie  compofée  ,  celle  à  la  forma- 
tion de  laquelle  diverfes  aifeflions  fimples 
concourent  enfemble  ,  de  manière  qu'elles 
n'en  font  qu''une.  La  maladie  compofée  a 
donc  ,  dans  ce  cas  ,  autant  de  parties  qu'il  y 
a  d'affeclions  fimples  qui  ont  concouru  à 
fa  naiiîànce  ;  elle  prend  leur  nature.  En 
les  connoifîant ,  on  la  connoît  elle-même  , 
&  aucune  d'elles  ne  peut  être  changée  ou 
(fftruite  ,  fans  qu'il  arrive  auffi  change- 
ment dans  la  nature  de»  la  maladie  qu'elles 
compofcnt. 

On  peut  donc  en  général ,  confidérer  ici 
trois  efpeces  de  comportions  ,  luivant  que 
\ts  dilférens  vices  ou  des  Iblides  ou  des 
fluides  ,  concourent  enfemble  &  entr'eux  , 
ou  avec  les  parties  folides  &  fluides  ;  mais 
il  y  a  .un  fi  grand  nombre  d'efpeces  de  l'un 
&  l'autre  genre  ,  qu'il  efl:  à  peine  poffible  de 
trouver  la  quantité  des  combinaiibns  poiîi- 
bles  ,  &  d'expofer  avec  ordre  les  maladies 
qui  naillent  de  chacune. 

De  plus  ,  on  ne  connoît  pas  aflez  claire- 
ment les  caradercs  des  maladies  :  cette 
matière  cil:  encore  un  grand  fujet  de  difpute 
&  de  difcuflîon  ;  de  Ibrte  qu'on  fe  tireroit 
difficilement  d'embarras  ,  en  voulant  em- 
ployer la  dodrine  fynthétique. 
Tom  VIII. 


C  O  M  7^1 

Il  efl  donc  plus  fenfé  de  tirer  l'ordre  con- 
venable au  traitement  de  cette  qucftion  ,  de 
la  partie  la  plus  évidente  de  l'état  morbi- 
fique  ,  &  que  les  fens  font  découvrir.  C'eft 
ainfi  qu'on  peut  ,  par  une  jnéthode  régu- 
lière ,  établir  les  caraderes  certains  ,  par 
lefquels  les  différentes  maladies  fe  i-appor- 
tcnt  réciproquement  ,  oii  différent  les  unes 
des  autres.  C'efl:  ainli  qu'on  peut  connoîrre 
leurs  ciaflês  ,  leurs  efpeces  &  diflérences  ; 
enfbrte  qu'on  les  diflinguc  plus  aifément 
dans  la  pratique  ,  &  qu'on  évite  la  confu- 
fion  &  l'occafion  de  difputer  ;  aufîi  con- 
fidere-t-on  plutôt  les  maladies  compofées 
comme  le  concours  divers  d'autant  de 
iymptomes  ,  &  on  les  renvoie  avec  raifon , 
à  la  matière  des  gens  à  fyflême  ,  à  cette  par- 
tie ipéciale  de  la  pathologie  qui  traite  en 
particulier  des  fyraptomes.  (G) 

Composées  de  simples  ,  glandes 
compofées  dejimples  ,  en  anatomie  ,  ibnt 
celles  dans  lefquelles  plufieurs  conduits  con- 
courent à  la  fortie  de  leur  follicule ,  comme 
des  rameaux  veineux  ,  dans  un  grand  con- 
duit excréteur  commun  à  plufieurs  follicu- 
les. On  peut  rapporter  à  ce  genre  les  glande.%. 
inteflinales  ,  le  trou  borgne-.  Kb>'e;j  SÉCRÉ- 
TION. (Z) 

*  COMPOSER  ,  v.  ad.  qui  défigne  l'ac- 
tion qu'on  7i^\iç[\tcompoJition,  F". COMPO- 
SITION. Une  s'appliv^ue  guère  qu'aux  pro- 
nudions  êiQS  arts  qui  fuppofent  de  l'inven- 
tion &  du  génie  ;  tels  que  les  beaux  arts  y 
la  peinture  ,  la  fculpture  ,  la  méchani- 
que  ,   &c. 

Composer  ,  (  Comm.  )  affembler  plu- 
fieurs parties  pour  faire  un  corps  ,  plufieurs 
fommcs  pour  en  faire  un  total. 

^-  On  dit ,  dans  le  llylc  marchand  ,  compofer 
lacargaifon  d'un  vailfeau  ,  compofer  le  fonds 
d'une  boutique  ,  ^/Tz/îo/èrunefadure  ;  pour 
défigner  l'aftemblagc  ou  l'aflortiment  des 
diverfes  marchandifes  dont  on  charge  un 
vaifîeau  ,  dont  on  fait  le  fonds  d'une  bou- 
tique ;  &  de  même  ,  les  marchandifes  que 
l'on  comprend  dans  un  état  ou  mémoire, 
que  les  marchands  appellent /^c^/z/r. 

Compofer  de  fes  dettes  avec  Ces  créanciers  , 
ou  paffer  avec  eux  un  contrat  ,  faire  un  ac- 
commodement ,  en  obtenir  une  remife  ,  ou 
du  temps  pour  payer. 

Compofer  une  Ibramé  totale  ,  foit  de  k 
C  c  c  ce 


-)i%  G  O  M 

recette  ,  foit  de  In  depenfe ,  foit  du  finito  (f  un 
compte  ,  en  termes  de  teneur  de  livres  , 
c'eft  ajouter  enlemble  les  fommes  qui  font 
toutes  les, parties  d  un  compte,  les  calculer  , 
&  par  diverfe»  opérations  arithmétiques 
voir  à  quoi  toutes  ces  choies  fe  montent. 
Dicfion.  de  Comm.  de  Trév.  &  de  Chamh. 

COMPOSITE  ,  terme  d'Architea.  V. 
Ordre. 

COMPOSITEUR  ,  f.  m.  {Jurifpr.) 
amiable  compojheur  ,  efl  celui  quiefî  choiii 
par  les  parties  pour  juger  leur  différend  , 
ou  pour  le  terminer  à  l'amiable  félon  l'équi- 
ré  ,  fans  être  aflreint  aux  rigueurs  du  droit 
ni  de  la  forme  ,  à  la  différence  de  l'arbitre 
qui  doit  juger  félon  les  loix.  Voye\  ARBI- 
TRE ù  Arbitrateur.  {a) 

COMJPOSITE.UR  ;  quoique  compojition  fe 
dife  dans  tous  les  arts  libéraux  ,  compojiteur 
ne  fe  dit  guère  qu'en  raufique  &  en  impri- 
mene  ;  c'efl  celui  qui  compofe  ou  qui-  fait 
la  Qpmpofition.  V.  au  mot  COMPOSITION  , 
une  eiquiiïè  des  connoiiïances  néceilaires 
pour  lavoir  compofer.  Ce  n'efi:  pa.  encore 
allez  pour  faire  le  bon  compojiteur.  Toute  la 
fcience  poflible  ne  fufîit  point ,  fans  le  génie 
qui  la  met  en  œuvre  :  quelque  effort  que 
l'on  puifle  faire  ,  il  faut  être  né  pour  cet 
art  ,  atitremeiit  on  n'y  fera  jamais  rien  que 
<k  médiocre.  Il  en  eft  du  compojiteur  comme 
du  poëre  ,  fi  fon  aftre  en  nailTant  ne  l'a  for- 
mé tel  : 

S'il  n'4  rfçii  du  cie!  l'infliience  fccrette  ; 

Pour  lui  1  hœbus  eft  fourd  ,  &  Pégafe  eft  rétif. 

Cequej'entensparg'^/r/V  ,  n'eff  point  ce 
goût  bizarre  &  capricieux  qui  feme  par-tout 
le  baroque  &  le  difficile  ,  &  qui  ne  fait  em- 
bellir ou  varier  l'harmonie  qu'à  force  de  bruit 
ou  de  diflonances  ;  c'efl  ce  feu  intérieur 
qui  infpire  fans  celle  àts  chants  nouveaux  & 
toujours  agréables  ;  des  '^preflions  vives  , 
naturelles  &  qui  vont  au  cœur  ;  une  harmo- 
nie pure  ,  touchante  ,  majeflueufe.  C'eff 
ce  divin  guide  qui  a  conduit  Corelli ,  Vinci , 
Haffe,  Gluck  &  Rinaldodi  Capua  dans  le 
fanctuaire  de  l'harmonie  ;  Léo  Pergolefe 
^  TeiTadellas  dans  celui  de  l'exprefîion  & 
du  beau  chant.  (  «S  ) 

C'ert  lui  qui  inljpira  Lulli  dans  l'enfance 
de  la  mufique  ,  &  qui  brille  encore  en 
France  dans  les  opéra  de  M.  Rameau  à  qui 
ftçs  oreilles  ont  tant  d'obligatiop.  (O) 


C  O  M 

Compositeur  (  Mujiq.  )  Aujourd'hui 

les  compojiteurs  fe  contentent  de  favoir  la 
routine  de  la  compofition  &  médiocrement 
les  langues  ;  mais  eff-ce  tout  ce  qu'ils  de- 
vroieritpolTéder  ?  Un  compoJiteurn\mi^-'x.-\\ 
pasune  expreflion  beaucoup  plus  énergique  , 
fi  fâchant  la  théorie  de  l'harmonie ,  il  fait  la 
raifonner  ?  (  qu'on  me  paffe  cette  façon  de 
parler  )  &  non  faire  fuccéder  un  accord  à  un 
autre  ,  parce,  qu'on  a  toujours  fait  ainfi.  Si 
le  compofiteur  n'efl  pas  bon  déclamateur , 
comment  notera-t-il  une  bonne  déclamation  ? 
&  comment  fa  mufique  aura-t-elle  de  l'ex- 
prefîion ,  fi  elle  ne  contient  pas  une  bonne 
déclamation  ? 

he  compojiteurne  doit-il  pas  encore  être 
verfé  dans  la  ledure  des  poètes  anciens  & 
modernes  ?  comment  (ans  cela  pourroit-il 
cennoître  le  caraâere  particulier  de  chacun 
de  ceux  qu'il  lait  parler  ?  Comment  pourra- 
t-il  faire  d' Achille  l'homme  d'Horace  : 

împiger ,  iracundus  ,  inexorabilis  y  acer} 
Saura-t-il  fans  cette  ledure  bien  peindre 
Agamemnon  difputant  dans  un  duo  avec 
Achille  au  fujet  d  Iphigénie  ?  Donner  an- 
premier  une  colère  plus  majeflueufe  ,  des 
retours  de  tendreffe  bientôt  étouffes  par 
l'imprudente  fureur  d'Achille  ?  Non  ,  il 
leur  fera  froidement  chanter  '  l'un  après 
l'autre  le  même  motif. 

Le  co/Tzpq/rVe'ur  doit  encore  donner  en  gé- 
néral un  ton  plus  noble  ,  plus  touchant  au, 
premier  perfonnage  de  fa  pièce  ,  &  il  doir 
dégrader  le  ton  k  mefure  que  les  Ç\x]tts  (om 
moins  intérefîàns  :  &  qu'on  ne  dife  pas  que 
cela  ne  fe  peut  ;  un  des  bons  opéra  de 
Haffe  bien  exécuté  ,  fera  fentir  toutes  ces 
nuances. 

Voilà  ce  qu'un  compojiteur  devroit  être,, 
fi  le  goût  des  fpedateurs  &  du  tnéatre  ly- 
rique en  général  n'étoit  pas  gâté  ;  mais  au-' 
jourd'hui  qu'il  ne  s'agit  pas  feulement  dé 
bien  faire  ,  mais  encore  de*  ramener  le  bon- 
goût  ,  &  la  vraie  expreflion  fur  le  théâtre  , 
il  faut  qu'un  compojiteur  foit  \e  plus  un  vrai 
fîoïcien  ,  &  qu'il  oppo'e  une  fermeté  iné-i 
branlableaux  clameurs  des  croquelols  &  des. 
adeurs  mcdiocres  qui  veulent  fauver  leur: 
peud'ame  à  l'aide  d'iin  chant  léger  &  gra- 
cieux ,  mais  qui  ne  dit  rien.  {F.  D.  G.  ) 

COM?  OSITEVR,  dans  lapratique  de  PIm-- 
.primeriey  s'entend  de  l'ouvrier  qui  travaille. 


C  O  M 

uniquement  à  l'arrangement  des  cara6l:eres  ,  • 
c'eft-à-dire  à  la  cafle  ,  dans  laquelle  il  levé  , 
les  unes  après  les  autres  ,  ce  nombre  prodi- 
gieux de  lettres  dirperfées  dans  les  différens 
cafîètins  ,  dont  rafiemblage  dirigé  iuivant 
la  copie  &:  fuivant  le  tormat  defiré  ,  donne 
les  formes  ou  planches  dellinées  à  être  im- 
primées. 

COMVOSîTîOl^  ,  en  Rhétorique,  s'en- 
tend de  l'ordre  &  de  la  liaifon  que  doit 
mettre  l'orateur  dans  les  parties  d'un  dif- 
cours. 

C'eil"  à  la  compofnion  qu'appartient  l'art 
d'alfembler  &  d'arranger  les  mots  dont  le 
ityie  eft  formé  ,  &  qui  fervent  à  le  rendre 
coulant  ,  léger  ,  harmonieux  ,  vif  ,  &c. 
D'elle  auiC  dépend  l'ordre  que  les  matières 
doiveçt  garder  entr'elles  ,  fuivant  leur  na- 
ture &  leur  dignité  ,  conformément  à  ce 
précepte  d'Horace  commun  à  l'éloquence  & 
a  la  poéiie  ; 

Smgula  qi:aequeIocumtene'antfortit«decenter. 

La  grande  règle  impoféc  par  Cicéron  aux 
orateurs  ,  quant  au  choix  &  à  la  diflribution 
àts  parties  du  difcours  &  des  naoyens  pro- 
pres à  perfuader  ,  c'eft  d'y  oblèrver  une  forte 
de  gradation  en  commiençant  par  les  chofes 
moins  importantes  ,  &  en  s'élevant  (liccef- 

.  fivement  jufqu'à  celles  quj  doivent  faire  le 

plus  d'impreflion  :femper  augeatur&  crefcat 

oratio.    V.  PÉRIODE  &  DISCOURS.  (G) 

Composition,  en  Arithmétique -.  fup- 

pofons  que  l'on  ait  deux  rapports  tels  ,  que 

.  l'antécédent  du  premier  foit  à  fon  confé- 
quent  ,  comme  Tantécédent  du  fécond  efî: 
à  ion  coniéquent  ;  alors  on  faura  par  com- 
pojuion  de  raifon  ,  que  la  fomme  de  l'antécé- 
dent &  du  conféquent  du  premier  rapport  , 
eil  à  l'antécédent  ou  au  conféquent  du  même 
rapport  ,  comme  la  fomme  de  l'antécédent 
&  du  conféquent  du  l(;cond  rapport  àl'an- 

,  técédent ,  ou  au  conféquent  du  même  rap- 
port. 

Par  exemple  ,  fi  y4  :  5  :  :  C  :  JD  ,  on  aura 
par  compqfition  de  raifon  cette  autre  propor- 
tion ^-+-^:^  ou  ^::  C+Z):  Cou  Z>.  (O) 

Composition  du  Mouvement  eft 
la  rédudion  de  plufieurs  mouvemens  à  un 
feul.  La  compofuion  du  mouvement  a  lieu 
lorfqu'un  corps  eft  poufle  ou  tiré  par  plu- 
fieurs puiflances  à-la-fois.  Voye^  MOUVE- 
MENT. Ces  diiîérentes  puifTances  peuvent 


GOM  7<?5 

agir  toutes  fuivant  la  même  direclion  ,  ou 
Iuivant  des  direâions  différentes  ;  ce  qui 
produit  les  loix  fuivantes. 

Si  un  point  qui  fe  meut  en  ligne  droite  eft 
pouHc  par  une  ou  pluiieurs  puiflances  dans 
la  diredion  de  fon  mouvement ,  il  fe  mouvra 
toujours  dans  la  même  ligne  droite:  favî- 
telîe  feule  changera  ,  c'eft-à-dire  augmentera  , 

ou  diminuera  toujours  en  raifon  des  forces 
impulfives.  Si  les  diredions  font  oppofëes  , 
par  exemple  ,  fi  Tune  tend  en-bas  &  l'autre 
en-haut  ,  la  ligne  de  tendance  du  mouve- 
ment fera  cependant  toujours  la  même.  Mais 
fi  les  mouvemens  compofans  ,  ou  ,  ce  qui 
ell  la  même  chofe  ,  les  puiiîances  qui  les 
produifent ,  n'ont  pas  une  même  diredion  , 
le  mouvement  compofé  n'aura  aucune  de 
leurs  diredions  particulières  ,  mais  en  aura 
une  autre  toute  difiérente  qui  fera  dans  une 
ligne  ou  droite  ou  courbe  ,  félon  la  nature 
&  la  diredion  particulière  des  difîérens  mou-  ^ 
vemens  compofans. 

Si  les  deux  mouvemens  compofans  font 
toujours  uniformes  ,  quelque  angle  qu'ils 
fafîént  entr'eux  ,  la  ligne  du  mouvement 
compofé  iera  une  ligne  droite  ,  pourvu  que 
les  mouvemens  compofans  faffkm  toujours  le 
même  angle.  Il  en  efl  de  même  ,  fi  les  mou-  • 
vemens  ne  font  point  uniform.es ,  pourvu 
qu'ils  foient  femblables  ,  c'efl-à-dire  qu'ils 
foient  accélérés  ou  retardés  en  même  pro- 
portion ,  &  pourvu  qu'ils  faflént  toujours  le 
même  angle  entr'eux. 

Ainfi  fi  le  point  a  {Planche  de  Méchanir- 
1^^^  )  fiS'  ^'  )^^  pouflé  par  deux  forces  de 
diredions  différentes  ,  favoir  en-Iîautvers  /' , 
&  en-avant  vers  d\  il  efl  clair'que  quand  il 
aura  été  en-avant  juiqu'en  c  ,  il  devra  nécel^ 
fairement  être  monté  jufqu'au  point  c  de  la 
lignées  ;  de  Ibrte  que  fi  les  mouvemens  , 
fuivant  a  d&cab  y  étoient  unifonr.e^  ,  il  (e 
mouvroit  toiîjours  dans  la  diagonale  a  e  c. 
Car  comme  les  lignes  a  i  y  ie  ,  font  toujours 
en  proportion  confiante  ,  &  que  par  l'hypo- 
thefe  le  mouvement  ,  fuivant  a  d  y  &  le 
mouvemcwit  perpendiculaire  à  celui-ci  ,  font 
tous  deux  uniformes  ;  il  s'enfuit  que  les  lignes 
ai  j  i e  ,  feront  parcourues  dans  le  même 
temps  ;  &  qu'ainfi  ,  tandis  que  le  point  a 
parcourra  a  i  par  un  de  fts  mouvemens  ,  il 
parcourra  en  vertu  de  l'autre  mouvement 
la  ligne  c  i.  D'où  il  s'eniuit  qu'il  fe  trouvera 
Ccccc  2, 


7%  e  O  M 

fuccefîîvcment  fur  tous  les  points  e  dé  la  dia- 
gonale ,  fic-queparconféqucnt  il  parcourra 
cette  ligne. 

Dans  la  yî^r.  6*.  on  a  fait  les  lignes  a  i  ^  e  î  y 
égales  entr'elles,  c'eft-à-dire  qu'on  a  fuppofé 
que  non-feulement  les  mouvemens  étoient 
uniformes  ,  mais  encore  qu'ils  étoient  égaux. 
Cependant  la  démonfiration  précédente  au- 
roit  toujours  lieu  ,  quand  même  les  mouve- 
tnens  ,  fuivant ad  6cab  ,  ne  feroient  point 
é^aux  ,  pourvu  que  ces  mouvemens  fufTent 
uniformes  ,  ou  du  moins  qu'ils  gardaffent 
toujours  entr'eux  la  même  proportion.  Par 
exemple  ,  fi  le  mouvement  ,  fuivant  a  d , 
eu  double  du  mouvement  (tiivant  a  b  \^u 
commencement  ,  le  point  a  parcourra  tou- 
jours la  diagonale  a  c  ,  quelque  variation 
qu'il  arrive  dans  chacun  des  mouvemens  , 
fuivant  a  d  ôi:  a  h  ,  pourvu  que  le  premier 
demeure  toujours  double  du  fécond. 

De  plus  ,  il  çû  évident  que  la  diagonale 
c  c  fera  parcourue  dans  le  même  temps  que 
Yun  des  côtés  .2  d  ouah  auroit  été  parcouru  , 
fi  le  point  a  n'avoit  eu  qu'un  feul  des  deux 
mouvemens.  Si  un  corps  eft  pouflé  à-la-fois 
par  plus  de  deux  forces ,  par  exemple  par 
trois  ,  on  cherche  d'abord  le  mouvement 
f:(7/72po//quiréfulte  de  deux  de  ces  forces  ; 
cnfuite  regardant  ce  mouvement  compofé 
comme  une  force  unique  ,  on  cherche  le 
nouveau  monvtvatnt  compofé  qui  réfultede 
ce  premier  mouvement  &  de  la  troifieme 
force.  Par-là  on  a  le  mouvement  compofé 
qui  réfulte  des  trois  forces. 

S'il  y  aYoit  quatre  forces  au^licu  de  trois  , 
il  faudroit  chercher  le  mouvement  compofé 
de  la  quatrième  force  &  du  fécond  mouve- 
ment compofé ^  &  ainfi  des  autres. 

Mais  files  mouvemens  compofans  ne  gar- 
dent pas  entr'eux  une  proportion  confiante , 
le  pokit  a  décrira  une  courb»  par  fon  mou- 
vement compofé. 

Si  un  corps  comme  3  (/g-.  5.)  efl  pouffé 
ou  tiré  par  trois  différentes  forces  dans  trois 
différentes  diredions^a  ,  ^c,  3  J,  de  forte 
.qu'il  ne  cède  à  aucune  ,  mais  qu'il  refîe  en 
équilibre  ;  alors  ces  trois  forces  ou  puifïân- 
ces  feront  entr'elles  comme  trois  lignes  droi- 
tes parallèles  à  ces  lignes  ,  terminées  par  leur 
concours  mutuel ,  &  exprimant  leurs  diffé- 
rentes directions  ,  c'eli-à-dire  que  ces  trois 


C  O  M 

puJlTances  feront  entr'elles  cdmmc  les  lignes 
be  ^  b  c  ^  b  d.. 

Voilà  dîs  principes  généraux  dont  tous 
les  m.échaniciens  conviennent.  Ils  ne  font 
pas  auffi  parfaitement  d'accord  fur  la  ma- 
nière de  les  démontrer.  Il  efl  certain  qu'un 
corps  pouffé  par  deux  forces  uniformes  , 
qui  ont  différentes  diredions  &  qui  agiffent 
continuellement  fur  lui  ,  décrit  la  diagonale 
d'un  parallélogramme  formé  fur  les  direc- 
tions de  ces  forces  ;  Car  le  point  a  ,  par 
exemple  ,  étant  pouffé  continuellement' , 
fuivant  ad  &:  fuivant  ab  ,  ou  plutôt  fuivanjc 
des  diredions  parallèles  à  ces  deux  lignes  , 
ileffdans  le  même  cas  que  s'il  étoit  fur  une 
règle  ad  qu'il  parcourût  d'un  mouvement 
uniforme  ,  tandis  que  cette  règle  ad  Çq 
raouvroit  toujours  parallèlement  à  elle- 
même  ,  fuivant  <i cou  a 3. 

Or  dans  cette  fùppofltion  ,  on  démontre 
fans  peine  que  le  point  a  décrit  la  diagonale 
ac.  jMah  lorfque  le  point  a  reçoit  une  im- 
pulfion  fuivant  ad ,  &c  une  autre  en  même 
temps  fuivant  ab^&c  que  les  forces  qui  lui 
donnent  ces  impulfions  l'abandonnent  tout- 
à-coup  ,  il  n'eff  pas  alors  aufli  facile  de  dé- 
montrer en  toute  rigueur  que  ce  point  a 
décrit  la  diagonale  ac.  Ileff  vrai  que  pref^ 
que  tous  les  auteurs  ont  voulu  réduire  ce 
fécond  cas  au  premier  ,  &  il  efl  vrai  auflî 
qu'il  doit  s'y  réduire.  Mais  on  ne  voit  pas  , 
cemefemble  ,  affez  évidemment  l'identité 
de  ces  deux  cas  pour  la  fuppofer  fans  dé- 
monflration.  On  peut  prouver  qu'ils  revien- 
nent au  même ,  de  la  manière  fuivante.  Sup- 
pofons  que  les  deux  puiffances  agiffent  fur 
le  point  a  durant  un  certain  temps  ,  & 
qu'elles  l'abandonnent  enfuite  ,  il  cfl  certain 
que  durant  le  premier  temps  il  dfécrira'  la 
diagonale  ,  &  qu'étant  abandonné  par  ces 
puiffances  ,  il  tendra  de  même  à  la  décrire  , 
&  continuera  à  s'y  mouvoir  avec  un  mouve- 
ment uniforme  ,  foit  que  le  temps  pendant 
lequel  elles  ont  agi  ^  foit  long  ou  court.  Ainfi , 
puifque  la  longueur  du  temps  pendant  lequel 
Iss  puiffances  agiffent  ,  ne  détermine  rien 
ni  dans  la  diredion-  du  mcbile  ,  ni  dans  le 
àegré  de  fon  mouvement  ,  il  s'enfuit  qu'il 
décrira  la  diagonale  dans  le  cas  même  où  il 
n' auroit  reçu  des  deux  puiffances  qu'une  im- 
pulfion  fubite. 

M.  Daniel  BçrnoulU  a  donn|  dans   le 


C  O  M      . 

premier  volume  des  mémoires  de  l'acadé- 
mie de  Pérersbourg ,  une  difTerration  où  il  dé- 
montre la  compojnion  des  mouvemens  par 
un  affez  long  appareil  de  propofitions. 
Comme  il  s'efl  propofé  de  la  démontrer  d'une 
manière  abfolument  rigoureufe ,  on  doit 
moins  être  furpris  de  la  longueur  de  fa  dé- 
monlîration.  Cependant  il  femble  que  le 
principe  dont  il  s'agit  étant  un  des  premiers 
de  laméclianique,  il  doitêtre  fondé  lijr  àQs 
preuves  plus  fimples  &  plus  faciles  ;  car  telle 
efl  la  nature  de  prefque  foutes  les  propofi- 
tions dont  l'énoncé  eft  fimple. 

L'auteur  du  traité  de  Dynamique,  im- 
primé à  Paris  en  1743  ,  a  aufli  eiîayé  de 
démontrer  en  route  rigueur  le  principe  de 
la  compojition  des  rriquvemens.  C'elt  aux 
favans  à  décider  s'il  a  réufli. 

Sa  méthode  confifle  à  fuppofer  que  le 
corps  foit  llir  un  plan  ,  &  que  ce  plan  puilîe 
glifièr  entre  deux  coulifles  par  un  mouve- 
ment égal  &  contraire  à  l'un  des  mouve- 
mens co/w/'o/a/zj- ,  tandis  que  les  deux  cou- 
liffes  emportent  le  plan  par  un  mouvement 
égal  &  contraire  "à  l'autre  mouvement-cro/Tz- 
pofant.  Il  eft  facile  de  voir  que  le  corps  dans 
cette  fuppofitlon  demeure  en  repos  dans 
l'elpace  abfolu.  Or  il  n'y  demeureroitpas  ^ 
s'il  ne  décrii^oit  la  diagonale.  Donc ,  ^c.  On 
peut  voir  ce  raifonnement  plus  développé 
dans  l'ouvrage  que  nous  venons  de  citer. 
Pour  lui  donner  encore  plus  de  force  ,  ou 
plutôt  pour  ôter  tout  lieu  à  la  chicane ,  il 
n'y  a  qu'à  fuppofer  que  la  ligne  que  le  corps 
décrit  envertu'des  àt\i\ïotcç:scompofantes , 
foit  tracée  fur  le  plan  en  forme  de  rainure  ; 
en  ce  cas  il  arrivera  de  deux  choies  l'une  : 
ou  cette  rainure  fera  la  diagonale  même , 
&  en  ce  cas  il  n'y  a  plus  de  difficulté  ;  ou^i 
elle  n'eft  pas  la  diagonale  ,  on  n'aura  nulle 
peine  à  concevoir  comment  les  parois  de  la 
rainure  agiflent  fur  le  corps  &  lui  commu- 
niquent les  deux  mouvemens  du  plan  pour 
chaque  inftant  ;  d'où  l'on  conclura  par  le 
repos  abfolu  dans  lequel  le  corps  doit  être  , 
que  cette  rainure  fera  la  diagonale  même. 
C'eft  d'ailleurs  une  fuppoiition  tres-ordinai- 
re  ,  que  d'imaginer  «un  corps  fur  un  plan 
qui  lui  communique  du  mouvement^  & 
qui  l'emporte  avec  lui. 

Au  reftc,  les  loix  de  h  compojition  ^es 
farces  fuient  celles  de  la  compojition  des 


C  O  M  7^5 

mouvemens  ,  &  on  en  déduit  auffi  Les  loix 
de  l'équilibre  des  puilî'ances.  Par  exemple  , 
que  b  e  (  Jig.  5»  }  repréfente  la  force  avec; 
laquelle  le  corps  b  qÛ  pouiTé  de  b  vers  a , 
alors  la  même  ligne  droite  b  e  repréfèntera 
la  force  contraire  égale  ,  par  laquelle  il  doic 
être  poufïë  de  b  vers  e  pour  refter  en  repos  ; 
mais  par  ce  qui  a  été  dit  ci-delTus ,  la  force 
b  e  Ce  peut  réfoudre  dans  deux  forces  agif- 
fantes ,  félon  les  deux  diredions  b  d  &c  b  c  ; 
&  la  force  pouffant  de  b  vers  e  ,  eft  à  ces 
forces  comme  beeûiibdj&iàb  c  on  d  e 
refpeétivement.  Donc  les  deux  forces  qui 
agiffènt  fuivant  les  directions  b  d  ^  b  c  ^  feront 
équivalentes  à  la  force  agilîant  fuivant  la  di- 
rediion  b  a,  èi.  elles  feront  à  cette  force  agii- 
fànt  félon  la  diredion  b  a,  comme  b  d  y  b  c  , 
font  à  ^  3  ;  c'eft-à-dire  que  fi  le  corps  eft 
poufié  par  trois  diftéren tes  puiiîances  dans 
les  directions  ba,  b  d ,  bc ,  lefquelles  falfent 
équihbre  entr'elles ,  ces  trois  lorces  feront 
l'une  à  l'autre  refpedivement  comme  b  a^ 
b  d ,  Se  d  e  ou  b  c.  Ce  théorème  &  Ces  corol- 
laires fervent  de  fondement  ;\  toute  la 
méchanique  de  M.  Varignon  ,  &  on  ea 
peut  déduire  immédiatement  la  plupart 
des  théorèmes  méchaniques  de  Borelli  , 
dans  fon  traité  de  momanimahum  ,  &'cal- 
culer  d'après  ce  théorème  la  force  des 
raufcles.  (O)  • 

Composition  ,  (  Hift.  &  droit  des. 

Barbar.)  iàtisfac^ion,  ftipulation  qui  fe  faifoit 
chez  les  nations  barbares  par  une  conventioa 
réciproque  entre  les  parens  de  la  perfonne 
odFenfée  &  ceux  de  l'oiFenfeur. 

Cette»  fatisfadion  regardoit  celui  qui 
avoit  été  ofîenfe  ,  s'il  pouvoit  la  recevoir  ; 
&  les  parens ,  fi  l'injure  ou  le  tort  leur  étoit 
commun  ,  ou  fi  par  la  mort  de  celui  qui 
avoit  été  offenfé  la  compojition  leur  étoit 
dévolue.    " 

Tacite  en  parle  dans  les  mœurs  des  Ger- 
mains y  de  même  que  1^  loi  des  Frifons , 
qui  kiftbit  le  peuple  ,  pour  ainfi  dire  ,  dans 
l'état  de  nature,  &  où  chaque  famille  pour- 
voit à  fa  fantaifle  exercer  fa  vengeance  , 
jufqu'à  ce  qu'elle  eût  été  fdtisfaite  par  la 
compojition. 

Depuis,   les  fages  des  nations  barbares 
mirent  un  prix  Jufte  à  la  compojition  que  de-  , 
voit  recevoir  celui  à  qui  l'on  avoit  tait  quel- 
que tort  ou  quelque  injure  ,  &  leurs  loix  y 


7^^  C  O  M 

pourvurent  avec  une  exaditude  admirable. 

La  principale  compojuion  étoit  celle  que  le 
meurtrier  devoit  payer  au  parent  du  mort. 
La  différence  des  coiiditions  en  mettoit  une 
dans  les  compojltions  :  ainli  dans  la  loi  des 
Jongles,  ia  compojuion  étoxt  de  fix  cents  Ibus 
^  pour  la  mort  d'un  adalingue  ,  de  deux  cents 
pour  celle  d'un  homme  libre  ,  &  de  trente 
pour  celle  d'un  ferf.  Il  femble  que  dans 
notre  façon  de  penter  ,  nous  avons  retenu 
-quelque  chofe  dans  cetre  loi.  La  grandeur 
de  la  compojuion  établie  fur  la  tcte  d'un 
homme  ,  conlhtuoit  donc  une  de  fes  gran- 
des prérogatives  ;  car  ,'  outre  la  diltindion 
qu'elle  iailoit  de  la  perfonne,  elle  étabiifîbit 
pour  lui  parmi  des  nations  violentes  une 
plus  grande  lûreté.  ^ 
.  Toutes  ces  compojltions  étoient  à  prix  d'ar- 
gent ou  de  denrées ,  dont  la  loi  arbitroit 
même  la  valeur  :. ce  qui  explique  comment 
avec  li  peu  d'argent,  il  y  avoit  chez  les 
peuples  barbares  tant  de  peines  pécuniaires. 
-Cts  loix  s'attachèrent  à  marquer  avec  préci- 
ilon  la  difiérencedes  torts,  des  injures  ,  àts 
crimes ,  afin  que  chacun  connût  au  jufte  le 
montant  de  la  compofition  qu'il  devoit  avoir , 
&  qu'il  n'en  reçût  pas  davantage.  Dans  ce 
point  de  vue  ,  celui  qui  ie  vengeoit  après  la 
iatisfadion  reçue  ,  commettoit  un  grand 
crime.  Un  autre  crime  étoit  de  ne  vouloir 
point  faire  la  iatisfadion.  Nous  voyons  dans 
divers  codes  àzs  loix  de  ces  peuples ,  que  les 
^égiflateurs  y  obligeoient  abfolument. 

Il  auroit  été  injufte  d'accorder  une  com- 
pojuion aux  parens  d'un  voleur  tué  dans 
l'adion  du  vol ,  ou  à  ceux  d'une  femme 
qui  avoit  été  renvoyée  après  une  féparation 
pour  crime  d'adultère.  La  loi  des  Bavarois 
^  ne  donnoitpojnt  de  compojuion  dans  des  cas 
pareils  ,  &  puniiToit  leurs  parens  qui  en 
^ourfuivoient  la  vengeance. 
•  Il  n'eft  pas  rare  de  trouver  dans  leurs 
codes  è^ts  compojiiions  pour  des  adions  in- 
volontaires. La  loi  des  Lomibards  eft  pref- 
<\ut  toujours  fenfée  ;  elle  vouloir  que  dans 
ce  cas  on  compofat  fuivant  {à  générolité , 
&i  que  les  parens  ne  puflent  plus  pourfuivre 
ia  vengeance. 

Clotaire  II  fit  un  décret  très-fage  :  il  dé- 

^  lendit  à  celui  qui  avoit  été  volé  de  recevoir 

^a  compojïtion  en  fecret  y  &  (ans  i'ordon- 

îiaxice  du  juge.  Voici  ia  raifon  de  cette  dcr- 


C  O  M 

niere  partie  de  la  loi  qui  requéroit  l'ordon- 
nance du  juge. 

Il  arriva  par  le  laps  de  temps  ,  qu'outre  la 

compojuion  qu'on  devoit  payer  aux  parens 

I  pour  les  meurtres  ,  les  torts  ,  ou  les  injures  , 

\  il  fallut  payer  en  outre  un  certain  droit  que 

I  \t^  codes  èiQ%  loix  des  Barbares  appellent 

\J'redum  ^    c'elt- à-dire  ,    autant   qu'on  peut 

rendre  ce  mot  dans  nos  langues  modernes , 

une  récompenfe  de  la  protedion  accordée 

contre  le  droit  de  vengeance. 

Quand  la  loi  ne  fixoit  pas  ee  frediim  ,  il 
étoit  ordinairement  le  tiers  de  ce  qu'on 
donnoit  pour  la  com.pojition  ,  comme  il  pa- 
roit  dans  la  loi  àts  Ripuaires  ;  &  c'étoit  le 
coupable  qui  payoit  ce  fredum  ,  lequel  étoit 
un  droit  local  pour  celui  qui  jugcoit  dans  le 
territoire.  La  grandeur  du  fredum  fe  pro- 
portionna à  la  grandeur  de  la  protedion  ; 
cela  étoit  tout  f impie  :  ainfi  le  droit  pour 
la  protedion  du  roi ,  fut  plus  grand  que  le 
droit  accordé  pour  la  protedion  du  comte 
ou  des  aun-es  juges. 

On  voit  déjà  gaître  ici  la  juflice  des  fei- 
gneurs.  Les  fiefs  comprenoient  de  grands 
territoires;  ctux  qui  obtinrent  des  fiefs,  en 
obtinrent  tous  \çs  émolumens  poflibles  ;  & 
comme  un  à^s  plus  grands  étoit  les  profits 
judiciaires ,  Jreda  ,  celui  qui  -jjvoit  le  fief 
avoit  aulli  la  juflice ,  c'efl-à-dire  ,  le  foin 
de  faire  payer  [q.s  compojltions  de  la  loi ,  &: 
fur-tout  celui  d'en  exiger  les  amendes.  Ainfl 
les  compojuions  ont  produit  par  filiation  les 
jufllces  des  feigneurs. 

Enfuite  les  églises  ayant  acquis  des  biens 
très-confidérables  ,  firent  aufli  payer  les 
droits  àts  compojuions  dans  leurs  fiefs  ;  c'efl 
encore  ce  qu'on  devine  fans  peine  :  &  com- 
me ces  droits  emportoient  néceflairement 
celui  d'empêcher  les  officiers  royaux  d'en- 
trer dans  leurs  territoires  pour  exiger  ces 
freda ,  le  droit  qu'eurent  les  ecclélialliques 
de  rendre  la  juffice  dans  leurs  domaines  , 
fut  appelle  immunité  dans  le  fîyle  des  for- 
mules ,  àcs  chartes  &  des  capitulaires. 
Voilà  donc  encore  l'origine  des  immunités 
eccléfiafliques  ;  .&  je  n'en  dirai  pas  davanta- 
ge ,  finon  que  cet  article  elf  extrait  de  l'ef- 
prit  àts  loix ,  livre  où  l'auteur  dégage  per- 
pétuellement des  inconnues  ,  &  en  trouve 
la  valeur  par  des  grandeurs  connues.  Art. 
de  M.  le  Chevalier  de  Ja  ucoj^RT. 


C  O  M 

Composition,  (Jurifpr.) fignifîe dans 

cette  matière  accord ,  tranfuclion  ,  remife  , 
diminution.  Il  eu  parlé  dans  plufieurs  an- 
ciennes ordonnances  de  compoji^ions  hiires 
avec  des  officiers  qui  avoient  malverfé  dans 
leurs  offices ,  &  avec  ceux  qui  avoient  con- 
trevenu aux  ordonnances  ilir  le  fait  cVs  mon- 
noies ,  au  moyen  de  quoi  ils  ne  pourroient 
plus  être  inquiétés  à  ce  (ii)et^Le  règlement 
de  Charles  V ,  du  mois  de  leprembre  1376  , 
défend  aux  officiers  des  eaux  &  forets  de 
plus  faire  de  compofuions  dans  les  procès 
pcndans  devant  eux  ,  &  leur  ordonne  de 
les  juger  conformément  aux  loix.  Il  y  a  auffi 
àQs  lettres  de  remiflion ,  du  mois  de  feptem.- 
bre  1374?  accordées  au  maître  particulier 
de  S.  Aventin  ,  qui  avoir  malverië  dans  (on 
office  ,  après  que  par  compojition  faite  avec 
les  gens  du  grand  confeil  du  roi  &  les|génc- 
raux  dQS  maîtres  des  mionnoies  ,  il  eut  pro- 
mis de  payer  mille  livres  au  roi.  Ordon- 
nance de  la  troijieme  race  y  VI  volume. 
On  voit  par-là  que  le  terme  de  com.pofiùon 
fignifie  quelquefois  une  amende  qui  n'eft 
point  décernée  en  jugement  ,  mais  dont 
eelui  qui  efl  en  faute  convient  en  quelque 
forte  il  l'amiable.         • 

Compositions  de  rentes  ,  à  temps , 
à  vie ,  à  héritage ,  ou  à  volonté.  Cette  exprès- 
fion  fe  trouve  dans  une  ordonnance  de 
Charles  V,.du  dernier  février  1378,  & 
paroît  lignifier  un  ade  par  lequel  une  per- 
fonne  ;\  4aquelle  il  efi  dû  une  rente  ,  con- 
lênt  de  perdre  une  partie  du  fonds  ou  des 
arrérages. 

Compojition  fignifie  auffi  quelquefois  une 
efpece  d'impojitton  qui  a  été  concertée  avec 
les  habitans  d'une  province  ou  d'une  ville  , 
ou  certains  impôts  pour  lefquels  on  avoir 
lia  liberté  de  s'abonner.  Il  en  ell  parlé  com- 
me d'une  impofition  en  général ,  dans  l'or- 
donnance de  Charles  V  du  2  Juin  i  jSo.  {^A) 

Composition  ,  en  Mujique  ;  c'eft  l'art 
d'inventer  &  noter  des  chants,  de  les  ac- 
compagner d'une  harmonie  convenable ,  & 
de  faire  en  un  mot  une  pièce  de.mufique 
complète  avec  toutes  Çq.s  parties-. 

La  connoiffianoe  de  l'harmonie  &  de  (es 
règles  ,  ell  le  fondement  de  la  compojition  ; 
mais  elle  ne  fuffit  pas  pour  y  réuffir  :  il  laut 
outre  cela  bien  connoître  la  portée  &  le  ca- 
raélere    des  voix  &  des  infîrumens  ;   les 


C  O  M  "jSj 

chants  qui  font  de  facile  ou  difficile  exécu- 
tion :  ce  qui  fait  de  l'effet  &  ce  qui  n'en  fait 
pas;fentir  le  caraâeredes  différentes  me- 
iures  ,  celui  des  difîérentes  modulations  y 
pour  appliquer  toujours  l'une  &  l'autre  à 
propos  ;  (avoir  toutes  les  règles  particuliè- 
res que  le  goût  a  établies  ,  comme  les  fu- 
gues ,  les  imitations ,  les  canons  ,  les  balTes- 
contrain tes  (  voye\  cet  mots  )  ;  &  enfin  être 
capable  de  faifir  ou  de  former  l'ordonnance 
de  tout  un  ouvrage  ,  d'en  fuivre  lev  nuan- 
ces ,  &  de  fe  remplir  en  quelque  manière" 
del'efprirdu  poète,  fans  s'amufer  à  courir 
après  les  mots.  C'eil  avec  raifon  que  nos 
rriuficiens  ont  donné  le  nom  de  paroles  aux 
poèmes  qu'ilis  mettent  en  chant.  On  voit 
bien  en  eliet  par  leur  manière  de  les  rendre  j 
que^cene  (ontpour  eux  que  ies  paroles.     ' 

Les  règles  fondamentales  de  la  compofition.- 
font  toujours  \e^  mêmes  ;  mais  elles  reçoi-J- 
venr  plus  ou  moins  d'extenfion  ou  de  relâ- 
chement ,  ièlon  le  nombre  des  parties  :  cat* 
à  mefure  qu'il  y  a  plus  de  parties  ,  la  compo- 
fition devient  plus  difficile  ,  û.  les  règles 
iont  auffi  moins  féveres.  La  compofition  à 
deux  parties  s'appelle  duo  ,  quand  les  deux 
parties  chantent  également ,  &  que  le  fujer 
\voye\  ce  mot)  eil:  partagé  entr'elles.  Que- 
fi  le  fujet  efl:  dans  une  partie  feulement ,  &: 
que'  l'autre  ne-  falïè  qu'accompagner  ,  on 
appelle  alors  la  première  récit  ^  ou  folo  ,  &c  ■ 
l'autre  accompagnement  j  ou  baj/e-continuc 
fi  c'efiune  bafTe.  Il  en  "ell  de  mêmedu  trio  ou 
de  la  compofitionà  trois  parties  du  quatuor  , 
au  quinque  y   &c.  Voye^  ces  mots.  » 

On  compofe  ,  DU   pour  les  voix    feule- 
ment,  ou  pour   les  feuls  inflrumens  ,  ou 
pour  les^  infirumens  &  les  voix.  Les  chan- 
fons  font  les  ieulescompofitions  qui  ne  fbient 
que  pour  les  voix  ;  encore  y  joint-on  fou-- 
vent  quelque  accompagnement  pour  les  foii-- 
tenir..  Vojer  ACCOMPAGNEMENT.  Les  • 
compofitions  inftrumentales   font  pour  un 
cnœur  d'orcheflre  ,  &  alors  elles  s'appellent'. 
fymphonies\,  concerto  ;  ou  pour  quelque  ef-- 
•pece  particuhered'inftrumenf ,  &  elles  s'ap—" 
peWentfonates.  P^oye^ces  mots. 

Quant  aux  compofirions  defîinées  pour." 
lès  voix  &  pour  les  iniirumens  ,  elles  Ce: 
divifent  parmi  nous  en  deux  efpeces  prin-- 
cij  aies  ;  favoir  mufique  latine  ou  mufiquo;^ 
d'églife,  &  mufique  françoiiè.- 


y6S  COU 

■  Les  rauGques  deltïnées  pour  l'églife ,  fbit 
pfeauraes,  hymnes  ,  antiennes ,  répons ,  por- 
tent le  nom  générique  de  motets.  Voye\  ce 
mot.  La  muliquefrançoife  fe  divife  encore  en 
mulîque  de  théâtre ,  co'mme  nos  opéra ,  &  en 
mufique  de  chambre,  comme  nos  cantates  ou 
cantp.tilies.  voy.  aufpi.  les  mots  CANTATE  , 
Opéra  ,  Ùc.  En  gênerai  la  mufique  latine 
demande  plus  de  fcience  de  compofition  ;  la 
mufique  françoifè  ,  plus  de  génie  &  de 
goût.  {S) 

Dans  une  compofuion  ,  l'auteur  a  pour 
fujet  le  Ton  phyfiquement  conlidéré ,  &  pour 
objet  le  feul  plaifir  de  l'oreille ,  ou  bien  il 
s'élève  à  la  mufique  imitative ,  6c  cherche  à 
émouvoir  les  auditeurs  par  des  tÇ^ezs  mo- 
raux. Au  premier  égard  il  fuffit  qu'il  cher- 
che de  beaux  fons  &  des  accords  agréables  ; 
mais  au/iecond  ,  il  doit  confidérer  la  mufi- 
que par  fes  rapports  aux  accens-  de  la  voix 
humaine  ,  &  par  les  conformités  poffibles 
entre  les  ions  harmoniquement  combinés 
&  les  objets  imitables.  On  trouvera  ,  dans 
V article  Oï'ÉRA  ,  quelques  idées  fijr  les 
moyens  ■  d'élever  &  d'ennoblir  l'art  ^  en 
faifant  de  la  mufique  une  langue  plus  élo- 
quente que  le  difcours  même.  (tS') 

COMPOSITIOM  des  corps  ,  (  Chym.  )  La 
co/77/Jo/zr/o;2  chymique  n'ell  autre  chofe  que 
i'union  &  la  combinaifon  de  plufieurs  fijbf- 
.  tances  de  nature  difiérente ,  dont  il  réfulte 
un  corps  compofé.  C'ell:  cette  union  de 
parties  de  différente  nature,  de  laquelle  il 
réfijlte  un  corps  d'une  nature  mixte ,  que 
Becket  &  Stahl  ont  nommé  mixtion  ,  & 
c^u'on  peut  nommer  combinaifon  ou  compo- 
fuion chymique ,  pour  éviter  l'équivoque  des 
termes  de  mixte  &  de  mixtion ,  par  leiquels 
on  pourroit  entendre  un  fimple  mélange, 
une  fimple  interpofition  de  parties,  &  qui 
donneroit  une  idée  très-^ufîe  de  la  compo- 
fuion chymique  ,  dans  laquelle  il  doit  y 
avoir  de  plus  une  adhérence  mutuelle  entre 
les  fubfiances  qui  fe  combinent. 

Les  fubfîances  que  les  chy milles  regar- 
dent comme  fimples ,  ou  les  principes  pri- 
mitifs ,  en  fe  combinant  enfemble ,  forment 
les  premiers  compofés  auxqufls  JBecker  & 
Stahl  donn<înt ,  par  excellence,  le  nom  de. 
mixtes.  Les  mêmes  çhymiftes  donnent  le 
nom  de  compofés  à  ceux  qui  réfultent  de 
lunion  de  z^%  premiers  mixtçs. 


C  O  M 

En  fuivant  toujours  ces  comblnaifons  de 
plus  en  plus  compliquées ,  on  trouve  les 
corps  plus  compofés ,  qu'ils  ont  nommés 
décompofés  àc  furdécompofés. 

Cette  difiribution  de  différentes  efpeces 
de  corps  plus  ou  moins  compofés  ,  eft  elle- 
même  très-jufîe  &  très-conforme  à  ce  que 
démontre  l'expérience.  Mais  il  paroît  que  les 
dénominations  que  Beclcer  &  Stahl  leur  ont 
données  manquent  d'exactitude  &  de  clarté, 
faute  d'être  univoques. 

Il  femble  donc  qu'il  efl:  beaucoup  plus 
fimple  &  plus  clair  de  défigner  ces  diffé- 
rentes clafîès  de  corps  par  des  nombres  qui 
puifîént  indiquer  leur  degré  àtcompojuion  : 
on  peut  les  nommer ,  par  exemple  ,  compofés 
du  premier,  du  fécond,  du  troifieme ,  du 
quatrième  degré  ,  ^c.  ainfi  que  M.  Macqo^r 
le  pr«jpofe  dans  {ts  cours.  (  -f-  j    . 

'* Composition,  en  peinture,  c'eft  la 
partie  de  cet  art  qui  confifle  à  repréfenter 
iijr  la  toile  un  fujet  quel  qu'il  foif ,  de  la 
manière  la  plus  avantageufe.  Elle  fuppofe 
1°.  qu'on  connoît  bien  ,  ou  dans  la  nature 
ou  dans  l'hiflcire  y  ou  dans  l'imagination , 
tout  ce  qui  appartient  au  fujet  ;  2°.  qu'on 
a  reçu  le  génie  qui  fait  employer  toutes  ces 
données  avec  le  goût  convenable;  3**.  qu'on 
tient  de  l'étude  &  de  l'habitude  au  travail  le 
manuel  de  l'art ,  fans  lequel  les  autres  qua- 
lités  reffent  fans  c^ct. 

Un  tableau  bien  compofë  eft  un  tout  ren- 
fermé fous  un  feul  point  de  vue  ,  où 
les  parties  concourent  à  un  même  but ,  & 
forment  par  leur  correfpondance  mutuelle 
un  enfemble  aufli  réel ,  que  celui  àcs  mem- 
bres dans  un  corps  animal;  enforte  qu'un 
morceau  de  peinture  fait  d'un  grand  nombre 
de  figures  jetées  au  hafard  ,  fans  propor- 
tion ,  fans  intelligence ,  &  fans  unité,  ne 
mérite  non  plus  le  nom  d'une  véritable  com- 
pojuion,  que  des  étendues  éparfès  de  jambes , 
de  nez ,  d'yeux ,  fur  un  même  carton  ,  ne 
méritent  celui  de  portrait ,  ou  même  de 
figure  humaine. 

D'où  il  s'enfuit  que  le  peintre  eft  aflujetti 
dans  fa  compofition  aux  mêmes  loix  que  le 
poëte  dans  la  fienne;  &  .que  l'obfervation 
des  trois  unités  ,  ^aclion  ,  de  lieu  ,  &  de 
temps ,  n'efî  pas  moins  effentielle  dans  la 
peinture  hiftorique,  que  dans  la  poéfie  dra- 
matique* 

Mais 


C  O  M 

Mais  les  loix  cie  h.compoJuionéiCint  un  peu 
plus  vagues  dans  les  autres  peintures  que 
dans  rhiiloriquc  ,  c'efl  à  celle-ci  fur-tout  que 
nous  nous  attaclierons  ,  obfervant  feulement 
de  répandre  dans  le  cours  de  cet  article  les 
règles  communes  à  la  repréfèntanon  de  tous 
les  (lijets  ,  hifroriques  ou  poétiques. 

De  Vanité  de  temps  en  peinture.  La  loi  de 
cette  unité  cil  beaucoup  plus  févere  encore 
pour  le  peintre  que  pour  le  poL'te  :  on  ac- 
corde vingt-quatre  heures  à  ceiui-ci ,  c'ed- 
à-dire  qu'il  peut ,  lans  pécher  contre  la  vrai- 
fciTiblance ,  raîlèmbier  dans  Finrcrvallc  de 
trois  beures  que  dure  une  repréi'enration  , 
tous  les  événeraens  qui  ont  pu  fe  fliccéder 
naturellement  dans  l'elpace  d'un  jour.  Mais 
le  peintre  n'a  qu'un  inllant  prefque  indivi- 
Cble  ;  c'eft  à  cet  inflant  que  tous  ks  mouve- 
mens  de  fa  compofition  doivent  le  rappor- 
ter :  entre  ces  mouvemens  ,  fi  j'en  reinar- 
que  quelques-uns  qui  foient  de  linllant  qui 
précède  ou  de  i'infknt  qui  fuit ,  la  loi  dé 
l'unité  de  temps  eil  enfreinte.  Dans  le  mo- 
ment où  Calchas  levé  le  couteau  fur  le  (èin 
d'Iphigénie  ,  l'horreur  ,  la  compafiion ,  la 
douleur  ,  doivent  fe  montrer  au  plus  haut 
degré  fur  les  vifages  des  aliiflans  ;  Clitem- 
neilre  hirieufe  s'élancera  vers  l'autel ,  & 
s'efforcera ,  malgré  les  bras  des  foidats  qui 
la  retiendront ,  de  laifir  la  main  de  Calchas  , 
&  de  s'oppofer  entre  fa  fille  &  lui  ;  Aga- 
memnon  aura  la  thz  couverte  de  fon  man- 
teau ,  Ùc, 

On  peut  diftinguer  dans  c'naque  aûion 
une  multitude  d'inilans  difFércns ,  entre  lef- 
quels  il  y  auroit  de  la  mal-adrefle  à  ne  pas 
choiiir  le  plus  intérefîant  ;  c'efî ,  félon  U 
nature  du  fujet ,  ou  l'inilant  le  plus  pathéti- 
que ,  ou  le  plus  gai ,  ou  le  plus  comique ,  a 
moins  que  des  loix  particulières  à  la  pein- 
ture n'en  ordonnent  autrement  ;  que  Ton 
regagne  du  côté  de  l'efl^t  des  couleurs  ,  des 
ombres  &  des  lumières  ,  de  la  difpoiltion 
générale  des  figures ,  ce  que  Fon  perd  du 
côté  du  choix  de  l'inflant  &  àes  circonflan- 
ces  propres  à  l'adion ,  ou  qu'on  ne  croie 
devoir  loumettre  fon  goût  &  fon  génie  à  une 
certaine  puérilité  nationale  ,  qu'on  n'honore 
que  trop  fouvent  du  nom  de  délicatejje 
du  goût.  Combien  cette  délicatefî'e  qui  ne 
permet  point  au  malheureux  Philodetc  de 
poulîer  des  cris  articulés  fur  notre  fcene , 
Tome  VJII, 


C  O  M  7<?c> 

*  Se  de  fe  fouler  à  l'entrée  de  fa  cavertie  , 
ne  bannit-elle  pas  d'objets  intéreirans  de  la 
peinture  î 

Chaque  Infîant  a  fes  avantages  &.  défà- 
vantages  dans  la  peinture;  l'inflant  une  fois 
choifi ,  tout  le  relie  cil  donné.  Prcxlicus 
fuppole  qu'Hercule  dans  fa  jeuneiTc  ,  après 
la  défaite  du  (anglier  d'Erimanthe  ,  fut  ac- 
cueilli dans  un  lieu  foiitaire  de  la  forêt  par  la 
déefîe  de  la  gloi'e  &  par  oUe  des  plaifu-s  , 
qui  fe  le  difpjtercn':  :  combien  d'infîansdif- 
férens  cette  fable  morale  n'ofFrirolt-elle  pas 
à  un  peiiître  qui  la  choifiroit  pour  c(Ékt  ?  on 
en  co;npoferoit  une  galerie.  Il  .y  a  linflant 
où  le  héros  efi  accuedii  par  les  déefïcs  ;  l'info 
tant  où  la  voix  du  plaifir  fè  fait  entendre  ; 
celui  où  l'honneur  parle  à  fon  caur  ;  l'inf* 
tant  où  il  balance  en  lui-même  la  raifon  de 
l'honneur  &  celle  à\i  plaifir  ;  l'inflant  où  la 
glorire  commence  A  l'emporter  ;  l'inflant  où 
il  efl  entièrement  décidé  pour  elle. 

A  l'afped  des  déefîes  il  doit  être  faifî 
d'admiration  &  de  fjrpril'e  :  il  doit  s'atten- 
drir à  la  voix  du  plaifir;  il  doit  s'enfiammcr 
A  celle  de  l'honneur  :  dans  l'inllant  où  il  ba- 
lance leurs  avantages  ,  il  eff  rêveur,  incer- 
tain ,  fulpendu  ;  à  mefure  que  le  combat 
intérieur  augmente ,  &  que  le  moment  du 
facrifice  approche  ,  le  regret ,  l'agitation  , 
\(y  tjurment  ,  les  angoiffes  s'en-^arent  de 
lui  :  d'  premitur  ratione  unimus  y  vinciquc 
lihorat. 

Le  peintre  qui  manquerait  de  goût  au 
point  de  prendre  Ilinllant  où  Hercule  eff  en- 
tièrement décidé  pour  la  gloire,  abando.n- 
neroit  tout  le  fubhme  de  cette  fable ,  &  fê- 
roit  contraint  de  donner  un  air  affligé  à  ki 
déefïe  du  plaifir  qui  auroit  perdu  fa  caufe; 
ce  qui  efl  contre  fon  cara61ere.  Le  choix  d'ua 
inffant  interdit  au  peintre  tous  les  avantages 
des  autres.  Lorfque  Calchas  aura  enfoncé  le 
couteau  i'acré  dans  le  fein  d'Iphigénie  ,  fi 
mère  doit  s'évanouir  ;  les  efforts  qu'elle  fe- 
roit  pour  arrêter  le  coup  ,  font  d'un  infiant 
paâé  :  revenir  fur  cet  infiant  d'une  minute  , 
c'efl  pécher  aufîi  lourdement  que  d'anticiper 
de  mille  ans  l'ur  l'avenir. 

Il  y  a  pourtant  des  occafions  où  la  préfence 
d'un  infiant  n'efl  pas  incompatible  avec  des 
traces  d'un  infiant  pafîe  :  des  larmes  de  dou- 
leur couvrent  quelquefois  un  vifage  dont  la 
joie   commence    à  s'emparer.    Un  peintre- 

Ddddd 


770  C  O  M 

habile  faifit  un  vifage  dans  FinHant  du  paf- 
fage  de  l'ame  d'une  pallion  à  une  autre ,  & 
fait  un  chef-d'œuvre.  Telle  eft  Marie  de 
Médicis  dans  la  galerie  du  Luxembourg  ; 
Rubens  Ta  peinte  de  manière ,  que  la  joie 
d'avoir  mis  au  monde  un  fils  ,  n'a  point 
eliàcé  l'impreâîon  des  douleurs  de  l'en- 
fantement. De  ces  deux  paffions  contrai- 
res ,  l'une  efl  préiente ,  &  l'autre  n'elî  pas 
iiblènte. 

Comme  il  efî  rare  que  notre  ame  foit 
dans  une  aJÛiette  ferme  &  déterminée  ,  & 
qu'il  s^pfait  prefque  toujours  un  combat  de 
différens  intérêts  oppofés  ,  ce  n'clf  pas  afTez 
que  de  iàvoir  rendre  une  paflion  fimple  ;  tous 
les  inftans  délicats  font  perdus  pour  celui  qui 
ne  porte  fon  talent  que  jufque-là:  il  ne  lor- 
tira  de  fon  pinceau  aucune  de  ces  figures 
qu'on  n'a  jamais  alîèz  vues  ,  &  dans  lel^ 
quelles  on  apperçoit  fans  cefîê  de  nouvelles 
finefîès  à  melijre  qu'on  les  confidere  ,  {es 
caractères  ieront  trop  décidés  pour  donner 
ce  plailir  :  ils  frapperont  plus  au  premier 
coup-d'ail ,  mais  ils  appelleront  moins. 

Die  Vumté  d^aclion.  Cette  unité  tient 
Beaucoup  à  celle  de  temps  :  embrafler  deux 
îr.ifans  ,  c'clf  peindre  à-la-fois  un  même  fait 
lous  deux  points  de  vue  différens  ;  faute 
moins  fenfible  ,  mais  dans  le  fond  plus  lourde 
que  celle  de  la  duplicité  de  (ùjet.  Deux  ac- 
tions ou  liées  ,  ou  même  fepaiées  ,  peuvent 
iè  pafler  en  même  temps  ,  dans  un  même 
lieu  ;  mais  la  préfence  de  deux  inffans  diiîe- 
rens  implique  contradiûion  dans  le  même 
f^it  ;  à  moins  qu'on  ne  veuille  confidércr 
l'un  &  l'autre  cas  comme  la  repréfcntation 
de  deux  avions  différentes  fur  une  même 
toile.  Ceux  d'entre  nos  poètes  qui  ne  fe  fen- 
tent  pas  afîez  de  génie  pour  tirer  cinq  ades 
intérefîans  d'un  objet  fimple ,  fondent  plu- 
sieurs adions  dans  une  ,  abondent  en  épifo- 
des ,  &  chargent  leurs  pièces  à  proportion 
de  leur  flérilité.  Les  peintres  tombent  quel 
quefois  dans  le  même  défaut.  On  ne  nie 
point  qu'une  adion  principale  n'en  entraîne 
d'accidentelles  ;  mais  il  faut  que  celles-ci 
foient  des  circonftances  cflentielles  à  la  pré- 
cédente ,  il  faut  qu'il  y  ait  entr'elles  tant  de 
liaifon  &  tant  de  fubordination  ,  que  le 
fpedateur  ne  foit  jamais  perplexe.  Variez  le 
maflàcre  des  Innocens  en  tant  de  manières 
qu'il  vous  plaira  j  mais  qu'en  quelque  endroit 


CO  M 

de  votre  toile  que  je  jette  les  yeux  ,  je  ren- 
contre par-tout  ce  maffacre  ;  vos  épifodes , 
ou  m'attacheront  au  fujet  ,  ou  m'en  écarte- 
ront ;  &  le  dernier  de  ces  effets  eff  toujours 
un  vice.  La  loi  d'unité  d'adion  efl  encore 
plus  lévere  pour  le  peintre  que  pour  le  poëte. 
Un  bon  tableau  ne  fournira  guère  qu'un 
fujet,  ou  même  qu'une  fcene  de  drame  ;  & 
un  feul  dram.e  peut  fournir  matière  à  cent 
tableaux  différens. 

De  l'unité  de  lieu.  Cette  unité  eff  plus 
fîride  en  un  fens  &:  moins  en  un  autre  pour 
le  peintre  que  pour  le  poëte.  La  fcene  eff  plus 
étendue  en  peinture,  mais  elle  eit  plus  une 
qu'en  poélie.  Le  poëte  ,  qui  n'efl  pas  rcflreint.. 
en  un  infiant  indivifible  comme  le  peintre  , 
promené  fucceflîvement  l'auditeur  d'un  ap- 
partement dans  un  autre  ;  au  lieu  que  fi  le 
peintre  s'eft  établi  dans  un  veflibule ,  dans 
une  falle  ,  fous  un  portique ,  dans  une  cam- 
pagne ,  il  n'en  fort  plus.  Il  peut ,  à  l'aide  dé 
la  perfpedive ,  agrandir  Ion  théâtre  autant 
qu'il  le  juge  à  propos,  mais  fa  décoration; 
reffe  ;  il  n'en  change  pas. 

De  la  fubordination  des  figures.  Il  efl  évi-  - 
dent  que  les  figures  doivent  fe  faire  remar- 
quer à  proportion  de  l'intérêt  que  j'y  dois 
prendre;  qu'il  y  a  des  lieux  relatifs  aux  cir- 
conf lances  de  l'adion,.  qu'elles  doivent  oc- 
cuper naturellement ,  ou  dont  elles  doivenf^ 
être  plus  ou.  moins  éloignées  ;  que  chacune 
doit  erre  animée  &  de  la  paflion  &  du  degré 
de  paillon  qfii  convient  à  fon  caradere  ;  que  ' 
s'il  y  en  a  une  qui  parle  ,  il  faut  que  \ts  au- 
tres écoutent  ;  que  plufieurs  interlocuteurs 
à-la-fois  font  dans  un  tableau  un  aufli  mau- 
vais effet  que  dans  une  compagnie  ;  que  tout 
étant  également  parfait  dans  la  nature  ,  dans 
un  morceau  parfait  routes  les  parties  doivent 
être  également  foignées  ,  &  ne  déterminer 
l'attention  que  par  le  plus  ou  moins  d'impor-  • 
tance  feulement.  Si  le  facrifice  d'Abraham- 
étoit  préfent  à  vo's  yeux,,  le  buiffon  &  le- 
bouc  n'y  auroient  pas  moins  de  vérité  que  le- 
facrificateur  &  fon  fils  ;    qu'ils  foient  donc . 
également  vrais  jiir  votre  toile  ,  &  ne  crai- 
gnez pas  que  ces  objets  fiibalternes  faffenf 
négliger  les  objets  Importans.  Ils  ne  produi— 
fent  point  ces  effets  dans  la  nature,   pour- 
quoi le  produiroient-ils  dans  l'imitation  que. 
vous  en  ferez? 

Des  ornemens  ^  des  draperies  &  autres^ 


C  O  M 

'■objets  accejfoires.  On  ne  peut  trop  recom- 
mander la  Ibbriété  &  la  convenance  dans  les 
ornemens  :  il  eft  en  peinture  ainli  qu'en  poé- 
fie  une  fécondité  malheureufe  ;  vous  avez  une 
crèche  à  peindre  ,  à  quoi  bon  l'uppuyer  con- 
tre les  ruines  de  quelque  grand  édifice  ,  & 
m'élever  des  colonnes  dans  un  endroit  qii 
je  n'en  peui  fuppofer  que  par  des  con- 
jedurcs  forcées  ?  Combien  le  précepte  d'em- 
bellir la  nature  a  gâté  de  tableaux  !  ne 
cherchez  donc  pas  à  embellir  la  nature. 
Choilliîèz  avec  jugement  celle  qui  vous 
convient ,  &  rendez-la  avec  fcrupule.  Con- 
formez-vous dans  les  habits  à  l'hifloire  an- 
cienne &  moderne  ,  &  n'allez  pas  dans 
une  paflion  mettre  aux  Juifs  des  chapeaux 
chargés  de  plumets. 

Chaffez  de  votre  compojîtlon  toute  figure 
oifeufe  ,  qui  ne  l'échauffiint  pas  ,  la  refroidi- 
roit;  que  celles  que  vous  emploierez  ne 
ibient  point  éparfes  &  ifolées  ;  rafîemblez- 
les  par  grouppes  ;  que  vos  grouppcs  foient  liés 
entr'eux  ;  que  les  figures  y  foient  bien  con- 
traflées  ,  non  de  ce  contrafte  de  pofitions 
académiques  ,  où  l'on  voit  l'écolier  toujours 
attentif  au  modèle  &  jamais  à  la  nature  ; 
qu'elles  foient  projetées  les  unes  fur  les  au- 
tres, de  manière  que  les  parties  cachées 
n'empêchent  point  que  l'œil  de  l'imagina- 
tion ne  les  voie  tout  entières  ;  que  les  lu- 
mières y  foient  bien  entendues  ;  point  de 
petites  lumières  éparfes  qui  ne  formeroient 
point  de  mafîes  ,  ou  qui  n'of&iroient  que 
des  formes  ovales  ,  rondes ,  quarrées ,  pa- 
rallèles ;  CCS  formes  feroient  auflî  infuppor- 
tcibles  à  l'œil ,  dans  l'imitation  des  objets 
qu'on  ne  veut  point  fymmétrifer  ,  qu'il  en 
fcroit  flatté  dans  un  arrangement  fymmétri- 
quc.  Obfervez  rigoureufement  les  loix  de 
J  V  perfpedive  ;  lâchez  profiter  du  jet  des 
draperies  :  fi  vous  les  difpofez  convena- 
blement ,  elles  contribueront  beaucoup  à 
l'effet  ;  mais  craignez  que  l'art  ne  s'ap- 
perçoive  &  dans  cette  relTource ,  &  dans 
les  autres  que  l'expérience  vous  iuggé- 
rera ,  &c. 

Telles  font  à-peu-près  les  règles  géné- 
rales de  la  compojhion  ;  elles  font  prefqu'in- 
variables  ;  &  celles  de  la  pratique  de  la  pein- 
ture ne  doivent  y  apporter  que  peu  ou  point 
d'altération.  J'obferverai  feulement  que  ,  de 
même   que  l'homme  de  lettres  raconte  un 


C  O  M  771 

fait  en  hlflorien  ou  en  poëte  ,  un  peintre  eiv 
fait  le  fujet  d'un  tableau  hiilorique  ou  poé- 
tique. Dans  le  premier  cas  ,  il  femble  que 
tous  les  êtres  imaginaires  ,  toutes  les  qualités 
métaphyfiques  perfonifiées  ,  en  doivent  être 
bannis  ;  l'hifloire  veut  plus  de  vérité  ;  il  n'y 
a  pas  un  de  ces  écarts  dans  les  batailles 
d'Alexandre  ;  &  il  femble  dans  le  fécond 
cas  ,  qu'il  ne  foit  guère  permis  de  perfoni- 
fier  que  celles  qui  l'ont  tojiiours  été  ,  à 
moins  qu'on  ne  veuille  répandre  une  obfcu- 
rité  profonde  dans  un  lujet  fort  clair.  Auflî 
je  n'admire  pas  autant  l'allégorie  de  Rubens 
dans  l'accouchement  de  la  reine  ,  que  l'apo- 
théofe  de  Henri  :  il  m'a  toujours  paru  que  le 
premier  de  ces  objets  demandait  toute  la  vé- 
rité de  l'hifloire  ,  &  le  fécond  tout  le  mer- 
veilleux de  la  poéfie. 

On  appelle  compojitions  extravagantes  , 
celles  où  les  figures  ont  des  formes  &  des 
mouvemens  hors  de  la  nature  ;  compojitions 
forcées  ,  celles  où  les  mouvemens  &:  les  paf^ 
fions  pèchent  par  excès  ;  compofitions  con- 
fiifes  y  celles  où  la  multitude  des  objets  & 
des  incidens  éclipfent  le  fujet  principal  ;  com^ 
pofitions  froides  y  celles  où  les  figures  man- 
quent de  pafllons  &  de  mouvemens  ;  com- 
pofitions maigres  f  celles  où  le  peintre  n'a  pas 
iu  tirer  parti  de  fon  fujet,  ou  dont  le  lujet 
eft  ingrat  ;  compofitions  chargées  ,  celles  où 
le  peintre  a  montré  trop  d'objets  ,  &c. 

Une  compofition  peut  aifément  être  riche 
en  figures. &  pauvre  d'idées  ;  une  autre  com^ 
pofition  excitera  beaucoup  d'idées,  ou  en 
inculquera  fortement  une  feule  ,■  &  n'aura 
qu'une  figure.  Combien  la  repréien cation 
d'un  anachorète  ou  d'un  philofophe  abi'orbé 
dans  une  méditation  profonde  ,  n'ajoutcra- 
t-elle  pas  à  la  peinture  d'une  folitude?  il 
femble  qu'une  fohtude  ne  demande  perfon- 
ne  ;  cependant  elle  fera  bien  plus  folirude 
fi  vous  y  mettez  un  être  penfant.  Si  vous 
faites  tomber  un  torrent  des  montagnes ,  & 
que  vous  vouhez  que  j'en  fois  effrayé  ,  imi- 
tez Homère  ,  placez  à  l'écart  un  berger 
dans  la'  montagne ,  qui  en  écoute  le  bruit 
avec  effi-oi. 

Nous  ne  pouvons  trop  inviter  les  pein- 
tres à  la  ledure  des  grands  poètes  ,  &  réci- 
proquement les  poètes  ne  peuvent  trop  voir 
les  ouvrages  des  grands  peintres  ;  les  pre- 
miers y  gagneront  du  goût ,  des  idées ,  de 
Ddddd    2, 


771  CO  M 

iclévarion  ;  les  ieconds  ,  de  l'exaclitudc  &: 
de  la  vérité  Combien  de  tableaux  poétiques 
qu'on  admire,  &  dont  on  (entiroir  bienrot 
l'abfurdité  fi  on  les  exécutoit  en  peinture? 
li  n'y  a  preCque  pas  un  de  ces  poèmes  ap- 
pelles temples  ^  qui  n'ait  un  peu  ce  défaut. 
Nous  lifons  CCS  temples  avec  plailir  ;  mais 
rarchltede  qui  réalife  dans  ion  imagination 
les  objets  à  mcTure  que  le  poëte  les  lui  oiîre , 
n'y  voit  félon  )Çou\e  apparence  qu'un  édifice 
bien  confus  &  bien  mauflàde. 

Un  peintre  qui  aime  le  fimple  ,  le  vrai  & 
le  grand ,  s'attachera  particulièrement  à  Ho- 
mère &  à  Platon.  Je  ne  dirai  rien  d'Home- 
re  ,  perfonne  n'ignore  julqu'cù  ce  poëte  a 
porté  l'imitation  de  la  nature.  Platon.elî  un 
peu  moins  connu  de  ce  côté ,  j'olë^  pour- 
tant alîurer  qu'il  ne  le  cède  guère  à  Home- 
r§.  Pfefqut  toutes  les  entrées  de  l'es  dialo- 
gues font  des    chefs-d'œuvre  de  vérité  pit- 
rorefque  :  on  en  rencontre  même  dans  le 
cours  du  dialogue  ;  je  n'ea  apporterai  qu'un 
exemple  tiré  du  banquet.  Le  banquet  qu'on 
regarde  communément  comme  une  chaîne 
d'hymnes  à  l'amour  ,  chantés  par  une  troupe 
de  phiîofophcs ,    ert  une  des  apologies  les 
plus  délicates  de  Socrate.  On  fait  trop  le 
reproche  injulle  auquel   fes  liaifons  étroi- 
tes avec  Aicibiadel'avoient  expofé.  Le  crime 
imputé  à  Socrate  étoit  de  nature  que  l'apo- 
logie d.ircde  devenoit  une  injure  ;  auiîi  Pla- 
ton n'a-t-il  garde  d'en  faire  le  fujet  princi- 
pal de  fon  dialogue.  Il  aflemble  dits  philo- 
fophes  dans  un  banquet:  il  leur  fait  chan- 
ter l'amour.  Le  repas  &  l'hymne  étoienr 
fur  la  fin  ,  lorfqu'on  entend  un  grand  bruit 
dans  le  veflibule  ;  les  portes  s'ouvrent  ,  & 
l'on  voit  Alcibiade  couronné  de  lierre  & 
environné  d'une   troupe  de  joueufes  d'inf- 
trumens.  Platon  lui  fuppolè  cette  pointe  de 
vin  qui  ajoute  à  la  gaieté  &  qui  difpofe  à 
l'indiicrétion.  Alcibiade  entre  ;  il  divife  fa 
couronne  en  deux  autres  ;  il  en  remet  une 
fur  fa  xtit ,  &  de  l'autre  il  ceint  le  front  de 
Socraie  :  il  s'informe  du  fujet  de  la  conver- 
fanon  ;  \ts  philofophes  ont  tous  chanté  le 
triomphe  de  l'amour.   Alcibiade  chante  fa 
défaite-  par  la.  lagedè  ,  ou  les  efforts  inutiles 
qu'il  a  faits  pour  corrompre  Socrate..   Ce 
récit  efl  conduit  avec  tant  d'art ,  qu'on  n'y 
apperçoit  par-tout  quur^  jeune  libertin  que 
riyjTQiie   tait  parler  j  &  qui  s.^accufe  fans 


C  O   M 

;  mcn.igcmrnr  des  deileins  les  plus  corrompus 
j  &  de  la  débauche  la  plus  honteufe  :  mais 
l'imprefllon  qui  refîe  au  fond  de  l'ame ,  fans 
qu'on  le  ioupçonne  pour  le  moment ,  c'eft^ 
que  Socrate  ell  innocent ,  &  qu'il  eft  très- 
heureux  de  l'avoir  été  ;  car  Alcibiade  entêté 
de  les  propres  charmes  ,  n'eût  pas  manque 
!  d'en  relever  encore  la  puifîânce ,  en  dévoi- 
lant leur  efRt  pernicieux  fur  le  plus  fagedes 
Athéniens.  Quel  tableau  ,  que  l'entrée  d'Al- 
c.biade  &  de  fon  cortège  au  milieu  des  phi- 
lofophes !  n'en  ièroit-ce  pas  encore  un  bien 
Intéreflànt  &  bien  digne  du  pinceau  de  Ra- 
phaël ou  de  Vanloo ,  que  la  repréfentation 
de  cette  aiîemblée  d  hommes  vénérables 
enchaînés  par  l'éloquence  &  les  charmes 
d'un  jeune  libertin ,  pendentes  ab  ore  loquen-- 
tis  ?  Quant  aux  parties  de  la  peinture  dont 
la  compofition   lijppofe    la    connoifîlince  y 

l'oyei  Coloris  ,  Dessin  ,  Draperies  , 
Perspective,  Grouppes,Couleurs, 
Peinture  ,  Claip.-ouscur  ,  Ombre  , 
Lumières  ,  &c.  Nous  n'avons  dû  expofer 
dans  cet  article  que  ce  qui  en  concernoit 
l'objet  particuher. 
Composition,  dans  le  commerce  y  fe 

dit  d'un  contrat  pafle  entre  un  débiteur  in- 
(olvab}e&  Çqs  créanciers  ,  par  lequel  ceux-ci 
conientent  à  recevoir  une  partie  de  la  dette 
en  compenfation  du  tout ,  &  ea  conféquence 
donnent  une  quittance  générale. 

Compqhtion  y  fe  dit  auxii  dj.ns  le  commer-^ 
ce  ,  du  bon  marché  gu'on  donne  d'une  chofe  ; 
faire  bonne  compojuion  de  fa  marchandife^ 
c'eil  fc  relâcher  fur  le  prix. 

Composition  ,  (  Pharm.  )  voy.  Com- 
posé. 

Composition  ,  en  termes  d^imprime- 
rie  y  s'entend  de  l'arrangement  dçs  lettres  , 
qui ,  levées  les  unes  après  les  autres ,  forment 
un  nombre  de  lignes ,  de  pages  &  de  feuilles. 
Un  ouvri.er  compofiteur  ,  interrogé  pour  la- 
voir où  il  en  efî  de  la  compofition  ,  répond  : 
il  me  refle  à  taire  6  pages  20  lignes  de  corn- 
pofcion  pour  parfaire  ma  Veuille. 

COMPOSTELLE  ,  (  Géog.  rnod.  )  ville 
fameufe  d'E'fpagne  à  caufe  du  pèlerinage  de 
S.  Jacques ,  dont  on  croit  que  les  reliques 
y  repolent  ,  fur  les  rivières  de  Tambra  & 
d'LHla.  Long.  5)  ,  z8  ;  lat.  4.Z  ,   ^4. 

CoM?OSTELLE{lanoia'elle) ,  Géog.  mod. 
YÏUc  de  l'Amcriquie  feptentriDaal.e  y.  dans  U 


cou  ^  cou  775 

nouvelle' Efpagne ,  dans  la  province  de  Xa-l  l'autre  extrémité  ,  on  arrange  les  lettres  à 
lli'co.  Long.  a.  j  8  j   25     ''     ~'  -^.-'  i-  i         . 


lat.  zz 
COMPOSTEUR  ,î.  m.  inftrumentd*im. 
primerie  ,  &  particulier  à  l'ouvrier  compo- 
fiteur.  C'ejd:  un  morceau  de  Fer  ou  de  cui- 
vre ,  plat ,  poli ,  de  neuf  à  dix  pouces  de 
long ,  fur  cinq  à  fix  lignes  de  large  ,  &  por- 
tant un  rebord  de  deux  à  trois  lignes  de  haut 
dans  toute  fa  longueur;  il  eil  terminé  à  ion 
extrémité  antérieure  en  forme  d'équerre  ; 
l'autre  extrémité  en  efl:  arrondie  :  le  corps 
eft  une  efpecc  de  lame  percée  de  plufieurs 
trous  de  diiîance  en  diibnce ,  pour  rece- 
voir pardelTous  une  vis  ,  &  pardefîus 
l'écrou  de  cette  vis  ;  cet  écrou  eft  échancré 
par  les  deux  côtés  ,  &  defliné  à  ferrer  ou 
defierrer  deux  petites  coulilîès  de  trois  ou 
quatre  pouces  de  long  pofées  l'une  fur  l'au- 
tre ,  &  fur  la  lame ,  dont  elles  n*excedent 
pas  la  largeur ,  maintenues  entre  la  vis  & 
l'écrou  ,  &  appuyées  contre  le  rebord ,  avec 
lequel  leurs  extrémités  antérieures  forment 
une  autre  équerre  :  ces  couliiTes  ,  ou  plus  ou 
moins  avancées  fur  la  lam^e  ,  déterminent  la 
longueur  des  lignes  d'une  page.  C'eft  dans 
l'elpace  que  laiilèntentr'elles  les  deux  équer- 
res  ,  que  le  compofiteur  tient  de  la  main 
gsuche ,  qu'il  pofe  le  pié  de  la  lettre  qu'il 
levé  de  la  main  droite  ,  jufqu'à  ce  qu'il  ait 
rempli  fa  ligne.  Il  y  a  une  autre  forte  de 
compofieur  qui  fert  à  compofer  de  la  note  , 
êiçs  vignettes  ,  de  l'algèbre  ;  il  ne  diffère  du 
premier,  qu'en  ce  que  celui-ci  porte  un  re- 
bord de  douze  à  quatorze  lignes  géométri- 
ques ,  ce  qui  donne  la  faculté  de  pouvoir  y 
faire  entrer  cinq  à  fix  lignes  de  compolition 
les  unes  fur  les  autres. 

Il  y  a  auili  un  compofieur  de  bois  de  près 
de  deux  pies  de  longueur ,  fait  pour  com- 
pofer les  greffes  lettres  ou  caraderes  des  af- 
fiches. Voyei  Fanicle  IMPRIMER. 

Composteur  ,  (  FonderU  encaracleres 
d'Imprimerie^  il  fert  à  donner  aux  lettres  les 
derniei^es  façons  ;  ce  font  des  morceaux  de 
bois  de  dix-huit  à  vingt  pouces  de  long  , 
fur  un  de  large.  D'un  côté  ,  &  dans  toute  la 
longueur  ,  eft  un  petit  rebord  pour  arrêter 
le  pié  de  la  lettre,  qui  eft  arrêtée  auflî  au 
commencement  par  une  petite  languette  de 
bois  menu  de  deux  pouces  de  long  ,  qui  eft 
collée  fur  le  compofieur  qui  fert  à  le  tenir. 
Depuis  cette  languette  jufqu'à  Un  pouce  de 


côté  les  unes  des  autres  ,  pour  pouvoir  en- 
iiiite  les  faire  tomber  toutes  à  la  fois  dans  le 
juftifieur  ,  les  couper  &  les  reprendre  de 
même  à-la-fois.  C'eft  aulîl  (lir  des  compof^ 
teurs  qu'on  leur  donne  la  dernière  façon, 

t  qu'on  les  apprête.  Voyei^  Vanicle  Ca- 
ACTERE. 

'*'  Composteur  ,  manufacture  en  foie  y 
petite  baguette  de  bois,  fur  laquelle  on  pafîè 
les  portées  de  la  chaîne  pour  la  plier.  Le 
compofieur  Çc  place  dans  une  cavité  qu'on  lui 
a  pratiquée  dans  Feniuple  &  oiiii  eft  retenu. 
voy.  les  articles  Chaque  <&  Velours. 

COMPOTE  ,  f.  f.  en  terme  de  confifeur y 
eft  une  forte  de  confiture  de  peu  de  garde , 
parce  que  les  fruits  dorit  elle  eft  faite  ne  font 
pas  cuits  au  degré  nécefîaire  pou»  être  con- 
îervés  long-temps.  Compote  efî  donc  pro- 
prement une  confiture  dont  les  fruits  ne  font; 
pas  affez  confits. 

Compote  ,  en  terme  de  cuifme ,  eft  une 
manière  d'accommoder  des  pigeons  &  des- 
canards,  en  les  pafTant  dans  du  lard,  du 
beurre ,  ou  même  du  faindoux  ,  &  les  em- 
potant enfuite  avec  du  jus  ou  du  bouillon 
afTaifonné ,  un  bouquet  de  perfil ,  de  l'écor- 
ce  de  citron  ,  Ùc. 

COMPREHENSION  ,  {.^ï.  terme  de 
théologie  :  ce  terme  marque  l'état  de  ceux 
quijouiifent  de  lavifion  béatifique,  &  qu'on 
appelle  compre'henfeurs ,  par  oppofition  à 
ceux  qui  vivent  fur  la  terre  ,  &  qu'on  appelle 
voyageurs.  V oye ■{VlSlO'ii. 

Compréhension,  tn  réthorique ,  trope 
par  lequel  on  donne  au  tout  le  nom  de  la 
partie  ,  ou  à  la  partie  le  nom  du  tout ,  ou  à 
une  chofe  un  nombre  déterminé  pour  un 
nombre  indéterminé.  Ainfi  M.  de  Voltaire 
a  dit  de  l'Angleterre ,  en  parlant  du  règne 
d'Elifabeth: 

Sur  ce  fanglam  théâtre  oii  cent  héros  pe'rirenty 
Sur  ce  thrône  gliffant  y  dont  cent  rois  def" 

cendirent  j 
Une  femme  â  fes  pies  enchaînant  te  s  defiins , 
De  V éclat  defon  règne  étonnait  les  humains, 

Henriad.  ch.j. 
Voyei  Métonimie.  (G) 

*  COMPRENDRE  ,  v.  ad.  terme  de  phi- 

lofophie  ;  c'eft  appercevoir  la  liaifon  d-es 

idées  dans  un  jugement,  ou  la  liaifon  (\ts 

\  propofîrions  dans   un  raifonnement.  Ainli 


774  <^  O  M  C  O  M 

cet  a£le  de  l'entendement  doit  précéder  l'af-    ges  expulfifs  ,  &  font  fort  utiles.  L*applica- 
firraation  ou  la  négation.  Ce  que  l'on  com- 
prend peut  être  vrai  ou  faux  :  s'il  ei\  vrai , 
on  en  convient  ;  s'il  eft  faux  ,  on  le  nie.  J^.  \ 
Juger  ,  Raisonner.  Il  a ,  en  théologie , 
une  autre  acception  relative  à  l'étaidue  de 
nos  facultés  ;  ainfi  comprendre  Dieu  ,  c'e 
connoître  de  cet  être  infini   tout  ce  qui  er 
peut  être  connu  par  une  créature  finie  dans 
ce  monde  &  dans  l'autre. 

COMPRESSE  ,  f.  f.  terme  de  chirurgie , 
eft  un  linge  plié  en  plufieurs  doubles  &  pofé 
fous  le  bandage  ,  pour  empêcher  la  plaie  de 
faigner  ,  ou  pour  y  tenir  les  médicamens 
appliqués. 

Ce  mot  vient  du  latin  comprimere  y  qui 
fjgnific  prejjer  avec  force. 

Scultet ,  dans  Ion  Armam.  chirurg.  ob- 
ferve  que  les  anciens  faifoient  leurs  com- 
prejfes  de  lin  cardé ,  ou  de  duvet  de  plume  , 
couIljs  entr»  deux  linges,  &  les  appelloient 
coujjins  ou  coujjinets.  Chambers, 

Les  comprejfes  font  defîinées  à  être  pla- 
cées flir  une  partie  olFenfée  ,  fbit  pour  y 
contenir  les  médicamens  ,  y  remplir  les  vui- 
des  ,    fervir  d'appui  aux  bandes  ,  '  foit  pour 


comprimer  quelque  partie  molle  ou  dure. 

Les  comprejjes  doivent  avoir  les  mêmes 
conditions  que  les  bandes  ,  c'eft-à-dire  qu'il 
faut  qu'elles  foient,  de  linge  à  demi-ufé , 
fans  ourlet  ni  lifiere. 

On  divife  les  comprejfes  en  lîmples  &  en 
.compofées.  Les  fimpies  ne  font  faites  que 
d'un  feul  lai  de  linge  ,  telles  que  font  les 
premières  comprejfes  dont  on  fe  lert  pour  les 
fraâiures  fimpies  de  la  jambe  ou  du  bras. 

Les  compofées  font  de  deux  fortes  ,  unies 
ou  irrégulieres.  Les  compofées  unies  font 
^loyées  également  ;  elles  font  de  différente 
figure  &  de  diverfe  grandeur.  Les  irrégulie- 
res ou  graduées  font  égales  ou  inégales. 

Les  égales  font  celles  qui ,  étant  de  diffé- 
rente grandeur  &  par  degrés  ,  s'appliquent 
les  unes  fur  les  autres  ,  commençant  par  les 
plus  étroites.  Voye\  ce  que  nous  en  avons 
dit  au  fujet  de  l'anévrifme  qui  peut  fe  guérir 
-par  compreffion. 

Les  comprejfes  gréantes  inégales  font  faites 
■d'une  feule  pièce  de  linge  ,  qui  étant  pioyée 
-plufieurs  fois  fur  elle-même  ,  fe  trouve  plus 
:€paifïe  d'un  côté  que  de  l'autre.  Ces  fortes 
■à.Q  comprejfes  s'emploient  avec  les  b^^da- 


tion  méthodique  àss  comprejfes  expulfives 
vuides  des  finus  ,  procure  le  recollement  de 
la  peau  dilacérée  ,  empêche  de  faire  plufieurs 
fions  &  contre-ouvertures  ,  &  évite 
par-là  beaucoup  de  douleurs  aux  malades. 

y.  Contre-ouverture  &  Compres- 

fSION. 

On  appelle  aufîi  les  comprejfes  y  contemi- 
ves  y  unifiantes  y  dif-'ijipes  ,  &c.  V.  Plan- 
che II.  figure  z  z.  de  chirurgie  ,  comprejfe 
quarrée  i  figure  z  j.  Ê?  z  4-  comprejfes  oblon^ 
gués  ;  figure  î  5?  comprejfe  triangulaire  pour 
l'œil ,  l'aine  ,  &c.fig,  z  G.  comprejfe  en  croix 
de  malte  pour  les  amputations  des  mem- 
bres &  les  extrémités  des  doigts.  On  fe  fert 
aufîi  d'une  comprejfe  de  cette  figure  pour 
panfer  l'extrémité  de  la  verge  ;  on  fait  alors 
un  petit  trou  dans  fon  milieu  ,  pour  répon- 
dre à  l'orifice  de  l'urètre.  Figure  z  j .  com- 
prejfes longuettes  pour  les  amputations.  Fi- 
gure z  8.  comprejfe  fendue  ou  à  deux  chefs. 
Figure  I g.  comprejfe  à  quatre  chefs.  Plan- 
che XXXI.  fig.  z  z ,  comprejfe  graduée  iné- 
gale. (  r) 

COMPRESSIBLE  ,  adj.  fe  dit  d'un  corps 
capable  de  compreffion.  Voy.  COMPRES- 
SION. (O) 

COMPRESSION ,  f.  f.  (  Phyfique.  )  efl 
l'adion  de  prefîèr  ou  de  ferrer  un  corps  , 
de  laquelle  il  réfulte  qu'il  occupe  moins 
d'efpace ,  &:  que  fes  parties  fe  trouvent  plus 
près  les  unes  des  autres.  La  compreffion  eft 
donc  une  preflion  ,  dont  l'effet  elt  une  di- 
minution de  volume  dans  le  corps  preffé  ; 
&  c'efl  par-là  que  la  comprejfion  diffère  de 
la  prefîlon  prife  en  général.  Koyci  PRES- 
SION ù  Volume. 

La  comprefiion  y  félon  quelques  auteurs, 
diffère  de  la  condenfation  ,  en  ce  que  celle- 
ci  eff  produite  par  l'aSion  du  froid  ,  & 
l'autre  par  celle  d'une  force  extérieure.  V^, 
Condensation.  Mais  cette  difîindion 
paroit  aifez  frivole. 

L'eau  eff  incapable  de  compreffion  :  après 
qu'elle  a  été  bien  purgée  d'air  ,  iln'y  a  point 
de  force  capable  d'en  rapprocher  les  parties  , 
ni  d'en  diminuer  le  volume.  L'eau  ayant  été 
violemment  preffée ,  dans  une  expérience  de 
facadémie  del  cimento  ,  elle  s'ouvrit  un  paf^ 
fage  à  travers  les  pores  d'une  boule  d'or ,  plur 
tôt  que  de  fouffrir  la  compreffion.  V.  Eaî/. 


C  O  M 

La  comprejjîon  de  l'air  par  fon  propre 
poids  ,  eft  très-furprenantc.  Il  paroît ,  par 
le  calcul ,  que  l'air  ordinaire  que  nous  ref- 
pirons  proche  la  furface  de  la  terre  ,  efl  con- 
denfë  par  le  poids  de  ratmofpHere  jufqu'à 
n'occuper  plus  que  la  11^96  partie  de  l'el- 
pace  qu'il  occuperoit ,  s'il  étoit  en  liberté. 
Voyiei  Atmosphère. 

Mais  nous  pouvons ,  par  le  fecours  de 
l'art  ,  comprimer  l'air  encore  davantage  ;  & 
il  paroît  par  les  expériences  de  M.  ï3oyle , 
que  l'efpace  que  l'air  remplit  dans  fa  plus 
grande  dilatation  ,  ell:  à  celui  qu'il  occupe 
dans  fa  plus  grande  comprejjîon,  comme  cinq 
cent  cinquante  mille  eit  à  un.  Voye-{  AiR. 

M.  Newton  prétend  qu'il  eft  impolîible 
d'expliquer  cette  grande  comprejjion  &  di- 
latation de  l'air  ,  en  fuppofant  (es  particules 
élafliques  &  branchues  ,  ou  en  forme  de 
petites  aiguilles  entrelacées  en  cercles.  Cet 
auteur  l'explique  par  une  force  répulfive', 
dont  il  Tuppolè  ces  parties  revêtues  ;  &  en 
vertu  de  laquelle ,  quand  elles  font  en  li- 
berté ,  elles  fe  fuient  mutuellement  \t^  unes 
les  autres.  V.  ATTRACTION  Ù  RÉPUL- 
SION. Harris  &  Charniers. 

Au  refle  il  ne  faut  point  (  rigoureufement 
parlant  )  confondre  la  comprejjion  avec  la 
Gondenfation  ,  quoique  dans  l'ufage  ces  mots 
fe  confondent  afïez  fouvent.  Comprejjion  d\ 
proprement  l'adion  d'une  force  qui  prefîe 
un  corps  ,  foit  qu'elle  le  réduife  en  un  moin- 
dre volume  ou  non  ;  condenjation  cft  l'état 
d'un  corps  qui  par  l'adion  de  quelque  force 
efl  réduit  à  un  moindre  volume  :  ainfi  cq.s 
deux  mots  expriment,  l'un  la  force  ,  l'autre 
FelTet  qu'elle  produit  ou  tend  à  produire.  (O) 

Compression,  {Méd.)  maladie,  & 
quelquefois  excellent  remède  :  c^tû  ce  qu'il 
convient  d'expliquer  fuccindement. 

La  comprejjion  y  en  tant  que  maladie  ,  eft 
le  rétrecilîèment  des  parois  oppoiées  des 
vaifîeaux  ou  des  cavités  ,  par  une  caufe  quel- 
conque qui  les  rapproche  au  point  de  fe  tou- 
cher, ou  beaucoup  plus  que  dans  leur  état 
naturel. 

Cette  tnaladie  peut  être  produite  par  une 
infinité  de  caufes  différentes,  externes  ou 
internes. 

Les  vaiffeaux  font  extérieurement  com- 
primés par  le  poids  du  corps  tranquillement 
couché  fur  une  partie ,   par  des  ligatures  , 


C  O  M  775 

par  des  bandages ,  par  des  vêtemens  trop 
étroits ,  par  diverfes  machines  compriman- 
tes ,  par  l'air  plus  pefant ,  par  le  frottement , 
csV.  Si  de  ces  caufes  comprimantes  il  en  ré- 
fulte  l'interruption  de  la  circulation  des  fîui- 
dcs  ,  l'embarras  ,  l'obflrudion  ,  la  mortifî- 
carion  ,  il  faut  promptementôter  la  caufe  qui 
produit  ces  ravages  ,  changer  fouvent  la  pof- 
ture  du  lit  quand  la  comprejjion  vient  du 
poids  du  corps  ,  relâcher  les  ligatures  ,  Ùc. 

La  comprejjion  arrive  intérieurement  par 
quelque  os ,  par  une  fradure ,  une  luxation  , 
une  efquiile  ,  la  diflorfion  ,  la  dillradion  des 
parties  dures  qui  compriment  des  vailîèaux , 
une  pierre  ,  une  excroiilance  ,  une  exoflofe  , 
ùc.  Le  remède  efl  de  recourir  à  une  prompte 
rédudion  ,  ou  d'enlever  la  caufe  s'il  eft 
poffible. 

La  comprejpcon  des  vaiffeaux  peut  encore 
arriver  par  une  tumeur  voiline ,  molle  ou 
dure ,  pléthorique  ,  inflammatoire ,  emphy- 
lémateulè  ,  purulente  ,  skirrheufe  ,  chan- 
creufe  ,  œdémateufe  ,  ampoullée  ,  variqueu- 
fe  ,  '  anévrifmale  ,  topheufe  ,  lymphatique, 
pituiteufe ,  calculeufe ,  calleufe  ;  il  faut  appli- 
quer la  méthode  curative  indiquée  à  chacune 
de  ces  efpeces  de  tumeurs  ;  diminuer  la- 
pléthore  ,  guérir  l'inflammation ,  évacuer  le  ■ 
pus  ,  la  lymphe;  extirper  par  l'art  les  apol^ 
thèmes  qu'on  ne  peut  réfoudre  ,  ^c. 

La  comprejjion  qui  naît  des  excrémens  en- 
durcis, fe  guérit  en  rendant  le  ventre  libre  ;. 
celle  qui  vient  de  la  grofîefl!ê  ,  s'évanouit  par 
l'accouchement  :  ainfi  dans  quelque  comprej- 
jion que  ce  foit  àts  vaiffeaux  &  des  vifceres , 
on  doit  employer  les  remèdes  propres  à  dé- 
truire la  caufe  comprimante  connue. 

Mais  pour  entendre  le  mal  qu'occafione 
une  longue  &  trop  forte  comprejjion  ,  il  faut 
bien connoître  i**.  les  effets  qui  en  dérivent, 
2°.  la  nature  de  la  partie  comprimée.  Or  l'on  < 
conçoit  qu'une  violente  comprejjion  en  rétre- 
cilîant  \ts  parois  du  vailîeau  au  point  de  fe  ' 
toucher  ,  procure  leur  cohéfion,  leur  con-^ 
folidation  ,  interrompt   par   confcquenr  la  ' 
circulation  des  humeurs.  La  circulation  ne 
peut  être  interrompue  dans  une  partie  ,  fans 
caufer  le  froid  ,  la  ifupeur  ,  l'infenfibiiité  , 
la  fcchereffe ,  la  parah  lie  ,  &c.  Les  fluides 
qui  fe  portoient  continuellement  dans  cette  ' 
partie ,   viennent  à  le    jeter   dans  d'autres 
.vailîèaux  qu'ils  dilatent  plus  qu'ils  nei'étoient: 


77^  C  0  M 

(lins  leur  étrù  naturel  :  ces  vaiîlèaux  ne  p:ii-  ' 
vent  erre  ainfi  dilatés ,  que  leur  refïort  ne 
diminue  ,  ne  fe  perde  ,  ou  qu'il  n'arrive  unz 
rupture  ,  félon  que  leur  dilatation  efl  plus 
ou  moins  grande  ,  (ubiiile  plus  ou  moins 
long-temps  ;  ce  qui  produit  l'embarras  , 
l'cpanchcraent ,  la  corruption  ,  la  corrofion , 
la  (ùppuration  ,  la  mortificarion  ,  le  (phacele. 
Les  eiiets  de  la  comprej/ion  font  plus  ou 
moins  nuifibles ,  fuivant  la  nature ,  la  fîruc- 
turc  ,  la  fituation  de  la  partie  comprimée  : 
de-là  vient  le  danger  de  la  comprejjîon  du 
cerveau  ,  dont  l'importance  exige  un  article 
à  part. 

Cependant  nous  avons  donné  la  compref- 
fion  pour  un  excellent  remède ,   &  cela  cfl 
encore  très-vrai  :  mais  celle  que  nous  van- 
tons ainii ,  doit  être  artificielle  ,  générale  , 
modérée ,  &  mife  en  ufage  pnr  degrés  ;  c'eil: 
alors  qu'elle  fournit  à  la  médecine  un  àts 
plus  puifîàns  fecours  dans  les  maladies  nom- 
breufes  qui  naiflent  de  la  débilité  &  du  re- 
lâchement des  fibres.  On  a  vu  de  telles  ma- 
ladies qu'on  regardoit  comme  défefpérées, 
guérir  par  la  comprejfion  générale  de  tous  les 
yaifîeaux  affaiblis ,   prudemment  ménagée  ; 
car  en  diminuant  un  peu  de  leur  capacité  , 
il  arrive  qu'ils  acquièrent  de  l'élafliciré  ,  & 
qu'ils  ne   font  plus   trop  dillendus  par  les 
fluides  qu'ils  contiennent.  Or  par  exemple  , 
les  vêtemens  ,  les  bandages  &  les  appareils 
qui  preffètît  fur  la  chair ,   en  donnant  aux 
vaiîlèaux  une  efpece  de  foutien  &  de  point 
d'appui ,    produifent  ce  que   ne  fauroient 
faire  les  folides  trop  afioiblis  ,  c'efl-à-dire  , 
qu'ils  empêchent  que  les  vaifTeaux  ne  fe  di- 
latent à  l'excès. 

Qui  ne  l'ait  les  avantages  de  cette  compref- 
fion  dans  les  hydropifies  anafarques  &  al- 
cites  ?  Dans  la  première  ,  dès  que  toute  l'eau 
ejfl  écoulée  ,  les  cuifles  &  les  jambes  relient 
immédiatement  après  ,  non-feulement  flaf- 
ques  &  plilTées  ,  mais  elles  ne  -tardent  guère 
enfuite  à  s'enfler  de  nouveau  ,  à  moins  qu'el- 
les ne  foient  fortifiées  &  foutenues  par  un 
bandage  convenable.  Dans  laleconde,  quand 
les  eaux  ont  été  évacuées  par  la  ponélion  de 
l'abdomen ,  fi  l'on  n'a  foin  de  comprimer 
le  ventre  auffi-tôt  par  des  bandages  ,  il  fuc- 
cede  quelquefois  une  fyncope  mortelle  ,  ou 
du  moins  l'hydropifie  redevient  bientôt 
aufll  terrible  qu'auparavant. 


C  O  M 

^  Q':'  ne  connoît  dans  les  iambes  qui  de- 
viennent variqueufes  ,  l'utilité  des  bandages 
ou  des  cliauflùres  étrécies ,  pour  prévenir 
les  accidens  àzs  varices  ,  &  pour  empêcher 
les  fluides  de  fe  loger  dans  les  vaiffeaux  trop 
dilntés  des  parties  ?  Enfin  ,  qui  p«u  ignorer 
les  belles  cures  opérées  par  les  fridions ,  cette 
elpece  fimple  de  comprcjjion  méchanique  ,  & 
de  relâchement  alternatif  des  vaifièaux  ,  qui 
rétablit  l'ndion  &  la  réadion  àz^  folides  & 
des  fluides  ,  d'où  dépendent  l'intégrité  de 
toutes  les  fondions  du  corps.  Article  de  M, 
le  chevalier  DE  Jaucourt. 

Compression  DU  cer-Veau  ,  (Chir.) 
preflion  de  ce  viicere  par  quelque  coup  vio- 
lent qui  a  contus  ,  enfoncé  le  crâne  en  de- 
dans, avec  f raclure  ou  fans  fradure. 

Lorfque  la  tête  efi:  frannée  par  quelque 
coup  ,  ou  que  dans  une  chute  elle  rencontre 
quelque  corps  dur  ,  il  en  peut  réfulter  deux 
trilles  effets  :  i**.  la  commotion  du  cerveau, 
Foj.  Commotion  :  i°.  fa  comprejjîon  ^ 

dont  voici  les  fignes  &  les  fuites. 

Symptômes  de  la  comprejfion  ducen'eau. 
1°.  La  rougeur  du  vifage  ,  l'inflammation 
àts  yeux,  le  faignement  du  nez,  des  oreil- 
les ,  Ùc.  2°.  le  friflbnnement ,  3°.  l'engour- 
diflement  des  fens  ,  4''.  l'aflbupiflèment ,  5°' 
la  léthargie  ,  6*^.  le  vertige  ,  7°.  le  tintement 
dans  les  oreilles  ,  8°.  le  déhre,  9°-  le  vomif- 
ièment  bilieux  ,  10°.  les  douleurs  de  tête , 
1 1°.  les  convulfions ,  12'*.  la  paralyfie  ,  13°. 
la  décharge  involontaire  àts  urines  &  de  la 
matière  fécale  ,  14°.  l'apoplexie.  Voilà  les 
fymptomes  de  la  comprejfion  du  cerveau  , 
qui  le  trouvent  plus  ou  moins  raffemblés ,  &: 
dont  nous  allons  tâcher  de  donner  l'expli- 
cation. 

Explication  phyjiologique  de  ces  fymptO' 
mes.  On  apprend ,  en  géométrie ,  que  de  tou- 
tes les  figures  d'une  égale  circonférence  ,  le 
cercle  eft  celle  qui  comprend  le  plus  grand 
efpaee  :  or  la  figure  du  crâne  eft  à-peu-prcs 
fphérique  ;  par  conféquent  s'il  eft  preffé  en 
dedans  ,  il  faut  que  là  capacité  diminue.  On 
fait  auffi  par  la  Phyfiologie ,  que  la  cavité 
du  crâne  eft  toujours  pleine  dans  l'état  de 
fanté.  Si  donc  la  figure  du  crâne  eft  changée 
par  la  comprejfion  ,  il  faut  néceflairement 
que  cette  comprejjîon  agiife  aufll  fur  le  cer- 
veau qui  y  eft  contenu.  • 
Comme  k  vie  de  l'homme  &  toutes  fe$ 

fonûiops 


#       C  O  M 

fondions  naturelles  i-îépenclent  de  ce  qui  art 
contenu  dans  la  capacité  du  crâne  ,  &  que 
toutQ  la  fubftance  du  cerveau  ,  extrêmement 
molle  ,  efl  facile  à  comprimer  ,  il  eft  clair 
que  toutes  les  fondions  qui  dépendent  de 
l'intégrité  du  cerveau  ,  feront  troublées  par 
la  compiejjîon  ;  &  comme  le  cervelet eft  plus 
à  couvert  que  le  cerveau  ,  il  s'enfuit  que 
les  fâcheux  effets  de  la  comprejfion  ne  par- 
viendront à  détruire  l'aâion  du  cervelet 
à* où  dépend  la  vie  ,  qu'après  avoir  afFedé 
auparavant  les  actions  dépendantes  du 
cerveau. 

Il  eft  fans  difficulté  que  les  effets  de  ce  dé- 
(brdre  varient  à  raifon  des  ditFérentes  por- 
tions du  cerveau  qui  font  comprimées  ,  ou 
félon  que  la  caufe  comprimante  agit  avec 
plus  ou  moins  de  violence  ,  ou  félon  la 
quantité  de  la  liqueur  épanchée  par  la  com- 
prejjion  ,  ou  enfin  félon  que  les  fragmens 
aigus  de  l'os  pénètrent  plus  ou  moins  avant 
dans  la  fubffance  du  cerveau. 

Il  ell:  vrai  que  la  plus  légère  comprejjlon  du 
cerveau  peut  troubler  fon  adion  ;  c'eft  ce 
que  juflifie  un  cas  fort  fingulier,  rapporté 
•dansl'/i/,^.  deVacad.  des  Se.  Une  femme  qui 
avoir  la  moitié  du  crâne  enlevé ,  ne  laiiloit 
pas  d'aller  en  cet  état  dans  les  rues ,  mendiant 
de  porte  en  porte  :  fi  quelqu'un  lui  touchoit 
la  dure-mere  qu'elle  avoir  toute  découverte, 
avec  le  bout  du  doigt  leulemenr ,  &  le  plus 
légèrement  qu'il  îm  poflible  ,  elle  faifoit  un 
^rand  cri ,  &  difoit  qu'elle  avoir  vu  mille 
chandelles.  Il  ne-  faut  donc  pas  être  furpris 
que  [acomprej/lon  ducerreau  puifïe  produire 
tous  les  fymptomes  rafîemblés  ici. 

Premièrement ,  la  rougeur  du  vifage  , 
l'inflammation  des  yeux  ,  le  faignement^ài 
nez,  des  oreilles  ,  &c.  pourront  être  les  ef- 
fets de  hromprej/ion.  La  circulation  du  fang 
dans  les  vaiffeaux  du  cerveau  étant  oblfruée, 
les  yeux  deviennent  rouges  par  la  quantité 
de  fang  qu'y  portent  les  branches  de  la  co- 
ratide  interne  :  cette  quantité  augmentant 
infenfiblement  par  la  cTCulation ,  il  en  ré- 
fultera  un  faignement  du  nez ,  des  yeux  , 
ties  oreilles ,  &c.  d'ailleurs  ,  le  fang  qui  le 
■décharge  par  ces  parties  ,  donne  liçu  de 
craindre  que  les  vaiffeaux  fanguins  qui  en- 
trent dans  le  cerveau  ,  ne  foient  aulïi  rompus. 

2.°.  Le  f rifîbnnement  ei\  un  mauvais  fym- 
ptoîue ,  parce  qu'il  défigne  qu'il  le  décharge 
Tome  VlIL 


C  O  M  777 

I  du  fang  de   vaiffeaux    rompus  ,   fiif-tout 
j  quand  il  n'efl:  pas  réglé  ,  il  indique  encore 
I  un  dérangement  dans  le  fiege  des  fenfations. 
j      3°«  L'engourdilîement  des  fens   efl   un 
'  fymptome  ordinaire  ,  même  de  la  plus  lé- 
'  gère  comprejjlon  du  cerveau  \  parce  que  dès 
'  que  la  fubffance  médullaire  du  cerveau  efî 
affedée  ,  les  fenfations  qui  en  émanent  doi- 
,  vent  être  engourdies  :  enforte  que  cet  effet 
réfultera  proportionnellement  à  la  force  de 
'  la  comprejjlon  ;  &  de  plus  il  durera  pendant 
toute  la  vie  ,  fi  la  caufe  comprimante  fub- 
fifle  toujours.  Nous  avons  un  exemple  qui 
le  prouve  dans  Hildanus ,  cent.  III.  obf.  xxj. 
On  obferve  même  cet  engourdifTement  dans: 
tous  les  fens ,  lorfque  le  fang  trop  abondant 
dans  les  pléthoriques ,  dillend  leurs   gros 
vaifîèaux  ;  ou  dans  les  maladies  aiguës  ,  lorf- 
que par  fa  vélocité  il  fe  raréfie  au  point  de 
dilater  les  vaifTeaux ,  qui  alors  prefîentfur 
'  la  fubflance  médullaire  du  cerveau. 

4*.  Si  la  comprejjlon  efl  plus  forte  ,  l'af^ 
foupiifement  fuit  néceffairement  ;  parce  que 
la  libre  circulation  des  efprits  &  du  fang 
dans  la  fubffance  corticale  du  cerveau  efl 
alors  empêchée  :  ce  qui  produit  l'afroupiiîè- 
ment. 

5°.  La  léthargie  indique  qu'il  y  a  encore 
une  plus  grande  comprejfion  fur  le  cerveau  i 
aufC-tôt  que  les  caufes  qui  produifent  l'af^ 
fbupifTement  font  augmentées  ,  ^lles  for- 
ment la  léthargie.  Il  faut  remarquer  ici 
qu'elle  efl  plus  confidérable  quand  la  com^ 
prejjion  vient  de  quelque  portion  d'os  ,  ou 
d'un  épanchement ,  que  lorfque  la  dure- 
raere  eft  piquée  ou  déchirée  par  quelques 
efquilies  ;  mais  dans  ce  dernier  cas  la  dou- 
leur efl  plus  profonde,  &  la  pefànteur  de 
la  tête  plus  confidérable. 

6^.  Le  vertige  efl  un  des  plus  légers  dé- 
fordrcsqui  arrivent  au  cerveau  dansIacoA^z- 
prejjlon.  Si  le  malade  perd  la  vue  ,  c'efl  une 
marque  que  le  mal  augmente.  Le  cerveau 
étant  comprimé  ,  les  efprits  ne  coulent  plus 
aufC  librement  de  l'origine  de  la  moelle  du 
cerveau  par  les  nerfs  du  cerveau;  il  en  ré- 
fulte  une  rotation  apparente  des  objets.  Si 
le  mouvement  impétueux  du  fang  prefîe 
davantage  le  cerveau  ,  &  qu'il  forme  un 
obflacle  dans  les  vaifîèaux  par  lefquels  le 
fang  proviciit  dii  cerveau  >   il   s'enftiit  Mn* 

Eeces 


77S  C  O  M 

vertige  ténébreux  ,  &  à  la  fin  le  malade 
tombe  à   terre. 

7°.  Le  tintement  dans  les  oreilles  procedç 
ici  de  la  même  caufe  qui  produit  le  vertige  , 
il  eft  preique  toujours  la  luite  d'un  violent 
coup  à  la  tête ,  qui  a  comprimé  le  cerveau. 
Jl  faut  bien  le  diilinguer  de  ce  tintement 
d'oreilles  qu'on  éprouve  en  fanté ,  qu-i  ne 
vient  que  d'un  léger  délordre  dans  l'organe 
de  l'oliie  ;  défordre  qu'on  diffipe  en  enfon- 
çant fmiplement  le  doigt  dans  l'oreille ,  ou 
en  le  paiîànt  autour  ,  ou  en  comprimant  le 
tragus  ,  ou  en  ôtant  la  cire  des  oreilles. 

8^.  Quant  au  délire  ,  on  fent  bien  que 
dans  la  comprejjîon  du  cerveau  il  faut  nécef- 
fàiremcnt qu'il  s'enfuive  un  dérangement  dans 
les  perceptions  de  l'ame  ,  qui  dépendent  de 
l'adion  libre  &  continue  du  cerveau  ,  & 
que  nous  nommons  délire. 

9°.  A  l'égard  du  vomiliément  de  la  bile, 
il  naît  delà  commjLmication  étonnante  qu'il 
y  a  entre  la  têre  &  les  vifceres,  puiiqu'ils 
font  àts  impreffions  fi  réelles  l'un  fur  l'autre. 
Dans  l'état  même  de  fanté,  quelqu'un  qui 
a'efl  point  accoutumé  au  mouvement  d'un 
bateau  ,  ou  qui  tourne  avec  force  pendant 
quelque  temps  ,  éprouve  d  abord"  un  ver- 
toge  qui  annonce  que  le  cerveau  ell  afledé , 
&  bientôt  après  il  vomit  de  la  bile.  Il  fuit 
de-là  que ,  comme  le  vomiffement  de  bile 
procède  de  caufes  ii  légères ,  il  ne  faut  pas 
tirer  un  pronollic  fatal  de  ce  lyraptome 
dans  les  coups  de  i^it^  à  rnoins  qu'il  ne 
ibit  accompagné  d'autres  lymptomes  dan- 
gereux. 

lo".  Pour  ce  qui  regarde  les  douleurs  de 
tête,  illembleque  ce  ibit  un  défordre  par- 
ticulier au  crâne  &  à  ïts  tégumen-s.  Comme 
elles  dénotent  que  les  fondions  du  cerveau 
ne  font  pas  détruites ,  ii  ne  faut  pas  les  met- 
tre au  rang  des  mauvais  préfâges:  car  quand 
Içs  fondions  du  cerveau  font  extrêmement 
dérangées  ,  on  ne  peut  pas  déterminer  fi 
l'on  relient  ou  non ,  des  douleurs  dans  cette 
partie. 

11°.  Les.  convulfîons  marquent  claire- 
ment que  la  comprejjîon ,  la  lefion  du  cer- 
veau ,  a  dérangé  l'égalité  de  l'affluence  des 
cfprits  dans  les  nerfs  qui  fervent  au  mou- 
vement mufculaire. 

Ii*».  La  paralylie  arr've  quand  le  cerveau 
fil  teilemem  bleflTd,  que  cette  lefion  a  to- 


QOM        # 

talefnent  arrêté  le  cours  des  efprits  qui 
affluent  dans  les  nerfs  qui  donnent  le  mou- 
vement aux  mulcles  ;  félon  qu'une  partie 
ou  une  autre  du  cerveau  aura  été  Compri- 
iTÎée  ,  la  paralyfie  affedera ,  ou  tous  les. 
mutcles ,  ou  ceux  d'un  côté  du  corps  feu- 
lement ,  ou  bien  fimplement  quelque 
mulcle  particulier  :  c'elt  un  trè-s-mauvais 
pronoflic  ,  puil'qu'il  dénote  la  violente 
comprejjîon  de  la  llibilance  médiilkire  du 
cerveau. 

13,°.  La  décharge  involontaire  d'urine  & 
de  matière  fécale ,  eil  ici  un  des  plus  fu- 
nefîes  lymptomes  ;  car  les  nerfs  qui  fervenî 
aux  mufcles  iphinders  de  la  veiiie  ëc  de 
l'anus  ,  tirent  leur  origine  àcs  derniers, 
nerfs  de  la  moelle  fpinale ,  qui  paffent  par  les 
trous  de  l'os  facrum  :  d'oii  il  eft  naturel  de 
conclure  que  l'origine  de  la  moelle  fpinale 
dans  le  cerreau  doit  être  léfëe  en  même 
temps. 

14°.  Pour  ce  qui  efl  de  l'apoplexie  &  de 
la  fièvre  qui  l'accompagne  ,  elle  raoritre 
une  comprejjîon  du  cerveau  qui  a  détruit 
toutes  \q,s  iènfations  internes  &  externes  , 
auiTi-bien  que  les  mouvemens  fpontanés^ 
Cet  état  apopledique  efl  prefque  toujours 
accompagné  d'un  pouls  fort  &  vif,  pen- 
dant lequel  l'aâion  du  cervelet  continue 
encore  ;  parce  qu'étant  à  Tabri  fous  la  dures- 
mère  ,  il  eft  bien  plus  difficilement  com- 
primé. 

15°.  Enfin ,  quand  le  cervelet  vient  auflî  a 
être  comprimé ,  parce  que  dans  la  com^ 
prejjîon  du  cerveau  toute  la  force  du  fang, 
qui  devroit  circuler  agit  prelqu'entiérement 
fiir  le  cervelet  ;  la  flructure  tiu  cervelet  fe 
détruit  par  une  augmentation  de  mouve- 
ment ,  d'où    la  mort   fuit  néceffairement.. 

Caufe  de  la  comprejjîon  du  cerveau.  Ces. 
divers  accidens  que  produit  la  comprejjîon  , 
naifiènt  dans  les  coups  reçus  à  la  tête  ,  par 
l'enfoncement  du  crâne  avec  ou  fans  frac- 
ture. Alors  ii  peut  arriver  que  du  làng  ou 
quelque  autre  liqueur  foit  épanchée  fur  la 
dure-mere ,  entre  cette  membrane  &  la 
pie- mère ,  entre  celle-ci  &  le  cerveau  ,, 
ou  dans  la  propre  fùbflance  du  cerveau.  Il 
peut  y  avoir  quelque  portion  d'os  déplacée 
entièrement ,  ou  en  partie  ;  une  pointe  d'os^ 
qui  pique  la  dure-mere  ;  le  corps  qui  a  fait 
:  la  plaie  s'il  reile  dedans  ;  rinûammatioa  des 


C  O  M 

rj^inmges  occafîonée    par  une  petite  divi- 
sion, ou  par  la  contufion   du   péricrâne. 
Voilà  les  cauies  immédiates  de  la  compref- 
Jioii  du  cerveau. 

Cure.  La  cure  confifle  à  rétablir  le  crâne 
dans  Ton  état  naturel,  &  à  l'y  maintenir. 
On  connoît  l'enfoncement  du  crâne  par 
l'attouchement  ,  ou  par  la  vue  feule  , 
fur -tout  quand  les  tégumens  font  levés. 
Il  faut  cependant  ici  quelquefois  de 
l'habileté  &  de  la  prudence  pour  ne  pas 
s'y  méprendre.  Si  l'enfoncement  du  crâne 
cft  11  fenfible  qu'il  ne  faille  que  des  yeux 
pour  le  voir  ,  il  efl  pour  lors  bien  avéré  ; 
&  quand ,  par  la  violence  des  fymptomes , 
on  s'efl  cru  obligé  de  lever  les  tégumens  & 
de  mettre  l'os  à  nu  ,  on  voit  bien  auiii  ce 
qui  en  eft. 

S'il  n'eft  queflion  que  de  la  contufion  du 
péricrâne  ,  on  y  remédie  par  la  faignée  ;  ou 
fi  elle  ne  réuflit  pas  ,  par  une  incifion  cru- 
ciale qu'on  fait  à  cette  partie  avec  un  bif- 
touri  droit ,  dont  on  porte  obliquement  la 
pointe  fous  la  peau ,  afin  que  cette  incifion 
s'étende  plus  fur  le  péricrâne  que  fur  le 
cuir  chevelu.  Par  ce  moyen ,  on  débride 
cette  membrane ,  on  donne  ifîûe  aux  li- 
queurs, on  fait  ceiTer  l'inflammation  &  les 
fymptomes  qui  en  font  les  fuites.  On  panfe 
cette  plaie  fimplement  ;  on  met  fur  l'os  & 
fur  le  péricrâne ,  un  plumaceau  trempé  dans 
une  liqueur  (piritueufè  ,  telle  que  l'eau-de- 
vie  ;  on  couvre  d'un  digefiif  fimple  la  plaie 
des  tégumens ,  &  l'on  apphque  fur  toute 
la  tête  des  réfolutifs   fpiritueux. 

Dans  le  cas  d'épanchement ,  on  a  ordinai- 
rement recours  au  trépan  :  mais  avant  que 
de  faire  cette  opération ,  il  faut  tâcher  de 
connoître  le  lieu  où  ell  le  défordre  ^  &  il 
n'efl  pas  toujours  aifé  de  le  deviner  ;  cepen- 
dant Il  les  fymptomes  menaçans ,  caufés  par 
îa  comprejjion  du  cerveau ,  font  extrêmement 
urgens,il  faudra  appliquer  le  trépan  à  un 
endroit,  ou  à  piufieurs  endroits  du  crâne 
s'il  efl  nécefîàire  ,  pour  taire  ceffer  la  com^ 
prejjion ,  &  évacuer  la  matière  épanchée  ; 
car  il  paroît  plus  raifonnable,  après  avoir 
prévenu  les  aflifians  fur  l'incertitude  du  fuc- 
cès  de  l'opération  ,  de  tenter  un  remède 
douteux  dans  cette  conjondure  ,  que  de 
n'en  point  tenter   du    tout. 

Lorfque  quelque  pointe    d'os  pique  la  , 


C  O  M  77^ 

dure«.mere ,  ou  blefîe  le  cerveau  ,  il  faut 
l'ôter  au  plutôt  ;  car  il  en  réfulte  les  plu» 
cruels  lymptomes.  Lorique  l'os  enfoncé  plie 
ou  cède  fous  le  trépan  ,  on  doit  faire  un 
trou  dans  le  crâne  à  coté  de  la  fradure, 
par  lequel  trou  on  introduira  l'élévatoire 
pour  foulever  l'os  enfoncé. 

Kéflexion.  Dans  tous  ces  cas  l'on  ne  peut 
qu'être  cffi-ayé  de  la  plupart  des  trifles  fym- 
ptomes dont  nous  avons  fait  le  détail  :  ce- 
pendant l'on  ne  manque  pas  d'obfervations 
d'heureufès  cures  arrivées  dans  des  enfon- 
cemens  ,  des  tradures  de  crâne  très-confi- 
dérables ,  dans  le  déchirement  des  ménin- 
ges ,  dans  la  perte  même  d'une  partie  de  la  , 
(ubfîance  du  cerveau.  Ces  faits  confolans 
confondent  notre  foible  raifon  ,  &  nous 
prouvent  que  le  Créateur  ,  en  cachant  à  nos 
yeux  le  fiege  de  l'ame  ,  lui  a  donné  des  rei- 
fources  pour  fa  confervation  qui  nous  fe- 
ront toujours  inconnues.  Article  de  M.  le 
chevalier  DE  Jaucourt. 

Compression,  terme  de  Chirurgie , 
adion  de  preflêr  une  partie  par  le  moyen 
d'un  appareil  &    d'un  bandage. 

La  comprejjion  eft  un  des  meilleurs  moyens 
d'arrêter  le  fang.  Fbjf  ^  HÉMORRHAGIE.. 

Un  A'pçiiYtAcompreJJifA'p'çXiQ^é  avec  intel- 
ligence fur  la  peau  qui  recouvre  un  finus  , 
procure  quelquefois  le  recollement  de  i'ts 
parois ,  &  évite  des  incifions  douloureufes. 

Fûi^.  Compresse  ^  Contre-ouver- 

TITRE. 

Il  eft  des  cas  où  la  comprejjion  eft  nécef^ 
faire  pour  retenir  le  pus  dans  le  finus ,  afin 
de  mettre  le  chirurgien  à  portée  de  faire 
plus  fûrement  les  incifions  &  contre-ouver- 
tures nécefiliires.  C'eft  ainfi  que  M.  Petit  a 
imaginé  de  tamponner  l'inteflin  recfum  dans 
la  fifiule  interne  de  l'anus,  pour  faire  féjour- 
ner  le  pus  dans  le  finus  fifiuleux ,  &  faire 
prononcer  une  tumeur  à  la  marge  du  fon- 
dement ,  laquelle  fert  à  indiquer  le  lieu  où 
il  faut  faire  l'opération.  Voy.  FiSTULE  A 

l'anus. 

Cette  méthode  de  comprimer  l'endroit  par 
où  le  pus  lort ,  s'emploie  avec  iiccès.  dans 
-{'autres  parties  pour  faire  i'o.vcrture  à.:s 
lacs  qui  fourni  fient  les  fuppura  .  i  s.  Le  fé- 
jour  du  pus  qu'on  occaiione  par  ce  moyen  ,, 
procure  fouvent  très-t-lficace  n(  nr  la  fonte 
des  duretés  caileufe- ,  ce  qu  dit'ienie  de, 
Eeeee  i 


70© 


C  O  M 


l'application  des  cathérétiques  qu'il  auroit 
fallu  employer  enfuite  pour  parrenir  à  une 
parfaite  guérifon.    (  1^) 

COMPROMETTRE,  v.  n.  fe  rappor- 
ter de  la  décifion  d'une  condilration  nu  ju- 
gement de  quelqu'un  ,  prendre  Ôqs  arbitres 
pour  régler  Tes  différends.  Cette  manière 
de  finir  les  aflRiires  cfl:  affez  ordinaire  entre 
les  marchands.  Il  y  a  même  dans  le  règle- 
ment pour  les  affureurs  &  les  polices  d'af- 
furance  un  article  exprès  ,  qui  oblige  à  com- 
promettre &  à  s'en  rapporter  à  des  arbitres 
fur  les  conteflations  en  fait  d'aiîîiranccs.  V. 
Assurance  &  Assurer  ;  royei  aujjl 

COaMPROMIS.  Diclionn.    du  Comm. 

COMPROMIS ,  {Jurifprud)  eft  un  écrit 
ligné  des  parties  ,  par  lequel  elles  convien- 
nent d'un  ou  de  plufieurs  arbitres,  à  la  dé- 
cifion defquels  elles  promettent  de  fe  tenir  , 
à  peine  par  le  contrevenant  de  payer  la  fomme 
ipécifiée  dans  le  compromis. 

On  peut  par  compromis  ^  au  lieu  d'arbi- 
tres ,  nommer  un  ou  plufieurs  arbitrateurs  , 
c'efl:-à-dire  amiables  compofiteurs.  Voye-^ 
ci-devant  COMPOSITEUR. 

Pour  la  validité  du  compromis  ,  il  faut , 
1°.  Que  l'on  y  fixe  le  temps  dans  lequel 
lés  arbitres  doivent  juger. 

2®.  Que  l'on  y  exprime  la  foumiffion  àt^ 
parties  au  jugement  des  arbitres. 

3**.  Que  l'on  y  llipule  une  peine  pécuniaire 
contre  la  partie  qui  refufera  d'exécuternic 
jugement. 

Le  pouvoir  réfultanf  du  compromis  efi 
borné  aux  objets  qui  y  font  exprimés  ,  &  ne 
peut  être  étendu  au-delà. 

Celui  qui  n'eft  pas  content  de  la  fentence 
arbitrale,  peut  en  interjerer  appel,  quand 
même  les  parties  y  auroient  renoncé  par  le 
compromis^  ;  mais  Tappellant ,  avant  de  pou- 
voir être  écouté  fur  Ton  appel,  doit  payer 
la  peine  portée  au  compromis  ;  &  elle  fe- 
roit  toujours  due  ,  quand  même  il  renon- 
ceroit  dans  la  fuite  à  fon  appel ,  ou  que  par 
l'événement  la  fentence  feroit  infirmée. 

Il  étoit  libre  chez  les  Romains  de  ftipu- 
1er  par  le  compromis  une  peine  plus  forte 
que  l'objet  même  du  compromis  ;  mais  parmi 
nous  ,  quand  la  peine  paroît  cxceflîve ,  le 
parlement  peut  la  modérer  en  jugeant  l'appel. 
On  peut  compromettre  fur  un  procès  à 
lïiouvoir  j  de  même  que  fur  un  procès  dé]'^ 


C  ©  M 

mu ,  &  généralement  de  toutes  chofes  qui 
concernent  les  parties ,  &  dont  elles  peu- 
vent diipofer. 

Il  y  a  certaines  chofcs  dont  il  n'eft  pas 
permis  de  compromettre  ,  telles  que  les 
droits  fpirituels  d'une  églife  ,  les  chofes  qui 
intéreflcnt  lepublic  ,  ni  fur  àts  alimens  lail- 
fcs  par  teftament  pour  ce  qui  en  doit  écheoir 
dans  la  fuite. 

On  ne  peut  pas  non  plus  compromettre 
fur  la  punition  des  crimes  publics  ;  mais  on 
peut  compromettre  fur  les  intérêts  civils  ôc 
fur  les  dépens  d'un  procès  criminel,  même 
fur  les  délits  que  l'on  ne  pourfuit  que  civi- 
lement. 

Ceux  qui  ne  peuvent  pas  s'engager  ,  ne 
peuvent  pas  compromettre  ,  tels  qu'une 
femme  en  puiffance  de  mari ,  fi  ce  n'eft  de  fon 
autorité  •  un  londé  de  procuration  ne  le  peut 
fans  un  pouvoir  fpécial;  le  prodigue  ou 
furieux  ne  le  peut ,  fans  être  aflifté  de  fon 
curateur. 

Le  mineur  ne  peut  pareillement  compro- 
mettre; &  s'il  l'a  fait ,  il  eft  aifément  relevé 
de  la  peine  portée  au  compromis  ;  mais  un 
bénéficier  mineur  n'en  feroit  pas  relevé  ,. 
étant  réputé  majeur  pour  les  droits  de  fon 
bénéfice. 

Les  communautés  ,  foit  laïques  ou  ccclé~ 
fiaftiques  ,  ne  (ont  pas  non  plus  relevées  de 
la  peine  portée  au  compromis ,  quoiqu'elles 
jouifient  ordinairement  des  mêmes  priviie-  • 
ges  que  les  mineurs. 

Le  compromis  fubfiftant  &  fiiivi  de  pour- 
fuites  devant  les  arbitres ,  a  l'effet  d'empê- 
cher la  péremption  &  la  prefcription  ,  le 
pouvoir  donné  aux  arbitres  ou  arbitrateurs 
par  le  compromis  ,  eft  rélblu. 

I*.  Par  la  mort  d'un  des  arbitres  ou  arbi- 
trateurs ,  ou  par  celle  d'une  des  parties. 

2.**.  Par  l'expiration  du  temps  porté  par 
le  compromis ,  à  moins  qu'il  ne  foit  prorogé. 

3*.  Lorfque  les  parties  tranfigent  fur  le 
procès  qui  faifoit  l'objet  du  compromis. 

Anciennement ,  lorfque  les  évêques  con- 
noiffoient  de  différentes  matières  apparte- 
nantes ii  la  jufrice  lëculiere,  c'étoit  ieulc- 
ment  par  voie  de  compromis ,  comme  on 
voit  par  àts  lettres  de  PhiiippeJe-Bel  du 
15  Juin  1303. 

Voye-^  au  digefl,  l.  IV,  tit.  piij\  Ùaucod. 
2,  tit.  Ivji  les  loix  civiles ^  L  Jj  tit.  xji'jfecl. i  » 


C  O  M 

Brodeau  lùr  Louet,  lett.  c.fomm.  4,Cîiaf 
fanée  fur  la  coutume  de  Bourg,  tït.  des  droits 
des  sens  mariés  ,  §.  J'fr^oenpuiiîance ,  n.  19. 
Barder ,  tome  II ,  liv.  V.  ch.  ij.  Hevin  fur 
Frain  ,p  31.  de/es  additions  aux  notes  ;  Pa- 
pon  ,  liv.  VI,  tit.  iij  ;  la  Peyrere,  au  mot 
arbitre  ;  voye^  ARBITRE  &  SENTENCE 
ARBITRALE    i  -A  \ 

COMPROMISSAIRE ,{Jurifprud.)  ce 
terme  efî  ufité  en  droit  y  &  dans  quelques 
pays  de  droit  écrit ,  pour  fignifier  un  arM- 
tre.  Ceux  qui  pafTent  un  compromis  font 
nomméscompromijfores j  &  les  arbitres rj/;:- 
promijfarii.  Voyez  le  ^/z;//brdeBrederode , 
au  mot  compromijjarius.  {A) 

COMPS  ,  (  Géog.  )  petite  ville  de  France 
en  Provence,  fur  la  rivière  de  Nartabre. 

COMPTABILITÉ  ,  fub.  f.  {Junfprud.) 
Voye^  ci-après  V article  de  la  chambre  des 
comptes  qui  eltà  la  fiiite  du  mot  compte , 
vers  la  fin  dudit  article. 
.  COMPTABLE ,  f.  m.  {Jurifp.  )  en  gé- 
néral eft  celui  qui  manie  des  deniers  dont  il 
doit  rendfie  compte.  Ainli  un  tuteur  efl 
comptable  envers  fbn  mineur  ,  un  héritier 
bénéficiaire  envers  les  créanciers  de  la  fuc- 
ceffionj  un  exécuteur  teiiamentaire  envers 
les  héritiers-légataires  &  créanciers  ;  un  fe- 
queflre  ou  gardien  ell  comptable  des  efîèts  à 
lui  confiés  &  des  fruits  par  lui  perçus,  en- 
vers la  partie  faifie  &  les  créanciers ,  &  ainfi 
àts  autres. 

Tout  comptable  efl  réputé  débiteur  jufqu'à 
ce  qu'il  ait  rendu  compte  &  payé  le  reli- 
quat ,  s'il  en  eft  dû  un  ,  &  remis  toutes  les 
pièces  juftificatives.  Ordonnance  de  i66j  , 
tit.  xxj'x.  art.   2 . 

L'article  fuivant  porte  que  le  comptable 
peut  être  pourfuivi  de  rendre  compte  de- 
vant le  juge  qui  l'a  commis  ;  ou  s'il  n'a  pas 
été  commis  par  juflice  ,  devant  le  juge  de 
Ion  domicile ,   &c. 

Mais  fi  le  comptable  efî  privilégié  ,  il  peut 
demander  Ton  renvoi  devant  le  juge  de  ion 
privilège. 

Pour  ce  qui  concerne  les  comptables  delà 
chambre  des  comptes  ,  poye^  ci-après  Var- 
ticle  de  cette  chambre  ,  qui  ell:  à  la  fuite  du 
mot  compte  ,  vers  la  fin  de  l'article.   (A) 

Comptable  ,  )  Quittance.  )  On  appelle 
quittances  comptables  les  quittances  &  dé- 
charges  qui  font  en  bonne  forme  j,  &.  qui 


C  O  M  7S1 

•peuvent  être  reçues  dans  un  compfe  pour 
en  juflifier  les  dépenfes.  Au  contraire  les 
quittances  non  comptables  font  celles  que 
l'oyant  compte  peut  rejeter  comme  n'étant 
pas  en  forme  compétente  ^  &  ne  jufîifiant 
pas  afTez  l'emploi  des  deniers.  (G) 

Comptable  fign^fie  aûiTi  en  Guiennc  , 
particuhérement  à  Bordeaux  ,  le  fermier  ou 
receveur  du  droit  qu'on  nomme  comptablie, 
Voy. ComPTABLIE àV article  fuivam.  (G) 

COMPTABLIE  DE  BORDEAUX  , 
{Jurifprud.  )  Hilh  &  Finance  ;  ce  terme  pris 
flridementfignifie  le  bureau  où  l'on  compte 
&  paie  les  droits  dûs  au  roi  à  Bordeaux  ; 
"mais  on  entend  par  le  terme  de  comptable  , 
ou  ce  qu'on  appelle  droit  de  comptablie  ou 
coutume  de  Bordeaux ,  le  droit  même  qui  (è 
paie  dans  ce  bureau  ,  &  qui  fe  perçoit  au 
profit  du  roi  dans  la  fénéchaufîee  de  Bor- 
ds^aux  à  l'entrée  &  à  la  fortie  de  toutes  les 
marchandifes  ,  vivres  &  denrées  contenues 
au  tarif  qui  en  a  été  drefTé  ,  fans  exception 
du  fel. 

•  Pour  entendre  ce  que  c'efl  que  ce  droit 
de  comptablie ,  &  en  quoi  ildiiFere  des  droits 
qui  fe  paient  ailleurs,  il  faut  obferver  que 
la>  généralité  de  Bordeaux  eft  toute  entière 
hors  l'étendue  des  cinq  greffes  fermes ,  & 
par  conféquent  répurée  étrangère  à  l'égard' 
du  refle  du  royaume.  C*ef^  pourquoi  l'on 
a  établi  dans  cette  généralité  divers  droit.«i 
d'entrée  &  de  fortie  pour  toutes  les  mar- 
chandifes. Les  deux  efpeces  les  plus  géné- 
rales de  ces  droits ,  font  ceux  de  coutume 
&  de  compt.blie  y  &  ceux  de  convoi.  Les 
premiers,  c'efl-à-dire  les  droits  de  coutume 
&  de  comptablie ,  font  locaux  ,  &  fe  per- 
çoivent fpécialement  dans  la  fénéchauf— 
fée  de  Bordeaux  à  l'entrée  &  à  la  fortie  de 
toutes  les  marchandifes,  vivres  &  denrées* 

Ce  droit  de  comptablie  qui  produifoit  peu 
de  chofe  dans  fon  origine  ,  appartenoit  au- 
trefois à  l'abbaye  de  Sainre-Croix ,  les  reli- 
gieux s'en  défirent  en  faveur  de  la  ville  de 
Bordeaux  y  fur  laquelle  ce  droit  a  été  dans 
la  fuite  confifqué  avec  celui  de  convoi  au 
profit  du  roi  Louis  XIV  ,  lorfque  cette  ville 
eut  le  malheur  de  lui  déplaire. 

Depuis  ce  temps ,  dans  tous  les  baux  des 
fermes  générales  ,  on  comprend  nommé-^ 
ment  la  ferme  du  convoi  &  comptablie  de 
Bordeaux ,  de  même  que  celles  de:s  douanes. 


7^2  C  O  M 

de  Lyon  &  de  Valence ,  Patente  de  Lan- 
guedoc ,  &c. 

Pour  ce  qui  eft  des  droits  de  convoi , 
j-'oyei  ci-après  au  mot  CONVOI  DE  BOR- 
DEAUX. {A  ) 

COMPTANT ,  fub.  m.  terme  qui  dans 
le  commerce  a  plufieurs  fignifications. 

Il  fe  dit  ordinairement  entre  négocians 
pour  lignifier  <:/e  V argent  réel  &  effectif  qu  on 
donne  &  qu'on  reçoit  fur  le  champ  pour 
le  prix  convenu  de  quelque  marchandife. 
J^ai  rendu  comptant ,  j'ai  acheté  comptant  ; 
&  en  ce  fens  il  eft  oppofé  à  crédit.  V^oje^ 
Crédit.  ^ 

2°.  Comptant  fignilie  lefonds^qw  fe  trouve 
en  argent  monnoyé  chez  un  banquier  ou  né- 
gociant ,    &c. 

3°.  Comptant,  argent  comptant ,  s'entend 
des  monnoies  ayant  cours  j  ou  des  efpeces 
Tonnantes  dont  on  llipule  que  certains  paie- 
mens  feront  faits ,  par  oppofirion  aux  bil- 
lets, écritures ,  ou  papiers.  Ainfi  payer  comp- 
tant,  c'ell  payer  en  argent  &  non  en  lettres 
de  change  ou  promelîês. 

Comptant,  en  terme  de  finances  ;  on  ap- 
pelle ordonnance  de  comptant ,  une  ordon- 
nance que  k  roi  donne  pour  être  pa3^ce  &  ac- 
quittée au  tréfor  royal ,  où  il  n'efl  point  ex- 
pliqué la  deflination  des  fommes  accor- 
dées ,  &  pour  le  paiement  defquelles  il 
n'eft  befoin  d'aucunes  formalités.  Voye\ 
h  dictionnaire  du  commerce  y  Trévoux  & 
Chambers. 

COIVIPTE ,  f.  m.  {Commerce.)  eft  un  état 
calculé  ou  non  calculé  d'efîèts  pofîedés  , 
adminiflrés ,  acquis ,  reçus ,  dûs  ,  ou  dépen- 
fés.  Ce  terme  a  un  grand  nombre  d'accep- 
tions différentes  dans  le  commerce.  On  dit 
tn  ce  fens  que  trois  fortes  de  comptes  font 
abfolument  nécefîaires  pour  la  clôture  des 
livres  en  parties  doubles  ;  le  compte  de  capi- 
tal ,  k  compte  de  profits  &  pertes  &  le 
compte  de  bilan. 

■  Le  compte  de  capital  eft  un  compte  parti- 
culier ouvert  au  débit  dû  grand  livre  ;  il  con- 
tient tous  les  effets  d'un  négociant ,  c'eft-à- 
dire  fon  argent  comptant ,  fes  marchandi- 
fes ,  billets ,  promefles ,  obligations  ,  parties 
arrêtées ,  meubles  meublans  ,  immeubles , 
&  généralement  tout  ce  qui  lui  appartient, 
franc  &  quitte  de  toutes  dettes  &  hypo- 
thequcs- 


C  o  M 

Le  compte  de  profits  &  pertes  elî  ouvert 
fur  le  grand  livre  :  il  efl  compofé  de  tous 
les  gains  ou  pertes  qu'un  négociant  a  pu  faire 
dans  fon  négoce.  Les  pertes  s'écrivent  au 
crédit ,  &  les  profits  fê  portent  au  débit.  V, 
Crédit  <&  DÉBIT. 

Le  compte  de  bilan  ne  s*ouvre  au  grand 
livre  que  pour  la  clôture  des  livres.  Quand, 
il  s'agit  de  la  forcie  des  livres  ,  on  l'appelle 
compte  de  bilan  de  f  ortie  ;  &  lorfqu'il  ell 
queflion  de  prendre  de  nouveaux  livres ,  on 
le  nomme  comptt  de  bilan  d'entrée.  Dans  le 
premier  on  porte  au  dcbit  tout  ce  qui  efl 
dû  ,  &  au  crédit  tout  ce  que  l'on  doit.  Dans 
le  fécond  on  porte  au  débit  tout  ce  qui  efl 
au  crédit  du  compte  de  bilan  de  fortie  ,  &  au 
crédit  tout  ce  qui  efl  au  débit  de  ce  même 
compte  de  bilan  de  fortie. 

Comptes  (  livres  de),  ce  font  des  jour- 
naux ,  regiflres ,  fur  lefquels  les  marchands  , 
négocians ,  banquiers ,  &  autres  ,  portent 
leurs  effets  ,  leur  recette  ,  &  leur»dépenfè., 

Ouvrir  un  compte,  c\û  le  placer  pour  la 
première  fois  dans  le  grand  livre^  ce  qui  fe 
fait  en  écrivant  'en  gros  caraderes  les  noms , 
furnoms  &  demeure  de  celui  avec  qui  l'on- 
entre  en  compte  ouvert  ;  enfuite  on  le  charge 
àts  articles ,  foit  en  débit ,  fbit  en  crédit  ,  à 
mefure  que  les  affaires  fe  préfentent  ;  &  l'on 
fait  en  même  temps  mention  de  ce  comptt 
fur  le  répertoire  ou  alphabet.  J^oyf;[  ALPHA- 
BET &  Répertoire. 

Apofliller  un  compte ,  c'efl  mettre  des  no- 
tes &  apoflilies  à  côté  de  chaque  article,, 
aux  uns  pour  les  allouer ,  aux  autres  pour 
les  débattre. 

Vérifier  un  compte  y  c'efl  l'examiner. 

Clorrc  un  compte  ,  c'efl  l'arrêter  ,  &  en 
fixer  ie  reliquat. 

Finito  de  Compte  y  fè  prend  pour  l'arrête 
même  du  compte. 

Coucher  une  fomme  fur  un  compte ,  c'efl 
enrégiflrer  fur  un  grand  livre ,  foit  en  crédit ,. 
foit  en  débit ,  les  parties  dont  les  particuliers 
deviennent  débiteurs  ou  créditeurs. 

Pointer  les  parties  d'un  compte  ,  c'efl 
mettre  un  point  à  côté  de  chaque  partie  que, 
le  teneur  de  livres  vérifie ,  pour  juflifier  que 
la  rencontre  efl  jufle. 

Contre~partie  d'un  compte  y  en  termes  de 
banque  &  de  commis  aux  bureaux  dss  fer- 
mes du  roi  ;  c'efl  le  regiilre  que  tient  le, 


C  O  M 

contrôleur ,  fur  lequel  il  enrégifîre  toutes  les 
parties  dont  le  teneur  de  livres ,  il  c'eft  pour 
la  banque  ,  ou  le  receveur  ,  li  c'elt  pour  les 
fermes  du  roi ,  charge  le  lien. 

Ordre  d'un  compte ,  c'efl  fe  divifion  en 
chapitre  de  recette  ,  dépenfe  ,  &  reprife. 

Examiner  un  compte  ,  c'efl:  le  lire  exade- 
ment ,  en  pointer  les  articles ,  en  vérifier 
le  calcul ,  pour  voir  s'il  n'y  a  point  d'erreur. 

Solder  un  compte  ,  c'efl:  le  calculer  ,  le 
régler  ,  l'arrêter,  en  faire  la  balance.  Voye^ 
Balance  ^  Solde. 

Pajfer  en  compte ,  c*efl  tenir  compte  à 
quelqu'un  d'une  îbmme  qu'on  a  reçue  de 
lui  ou  pour  lui. 

Rendre  compte ,  c'efl ,  lorfqu'on  efl  comp- 
table ,  fournir  l'état  de  fa  recette  &  de  là 
dépenfe. 

Apurer  un  compte  ,  c'efl  en  juger  tous  les 
débats ,  &  en  faire  lever  toutes ks  foufFran- 
ces  ou  apofîilles  mifes  en  marge.  V.  SOUF- 
FRANCE &  Apostille. 

Bordereau  de  compte,  c'efl  l'extrait  d'un 
compte,  dans  lequel  on  comprend  toutes 
les  fommes  d'un  compte  tirées  hors  de  ligne  , 
tant  de  la  recette  que  de  la  dépenfe.  voye'^ 

Bordereau. 

Débet  de  compte  ,  c'efl  la  fomme  dont  la 
recette  excède  la  dépenlè. 

Solde  de  compte  ,  c'efl  la  fomme  dont  le 
débit  excède  le  crédit ,  ou  le  crédit  excède 
ie  débit ,  quand  le  compte  efl  bien  vérifié  & 
arrêté  ,  &  que  la  balance  en  elt  faite. 

Ligne  de  compte ,  c'ell  la  lomme  qu'on 
tire  à  la  marge  blanche  qu'on  lailfe  à  côté 
d'un  compte  lur  la  droite.  Eiie  contient  en 
chifii-es  la  fomme  couchée  en  toutes  lettres 
dans  le  corps  ou  texte  de  fardcle  qui  y 
répond. 

Affirmer  un  compte  ,  c'efl  jurer  &  afTurer 
qu'il  eil  véritable.  L«s  comptables  ,  quand 
ils  prelentent  leurs  comptes  y  ont  couiumc 
de  mettre  à  la  marge  de  la  première  page 
ces  mots  :  préfemé  0  affirme  véritable. 

Débattre  un^compte  y  c'efl  faire  des  remar- 
ques iiir  les  divers  articles  d'un  compte  ,  ibit 
cour  augmenter  la  recette  y  foir  pour  en 
faire  dimmu  r  la  dépenie. 

Compte  en  banque  ,  c'efl  un  fonds 
que  les  marchands  négocians  ,  banquiers  , 
eu  autres  particuliers  ,  dépofent  dans  la 
caifiè  conimune  d'une  banque ,  pour  s'en 


C  O  M  783 

fervîr  au  paiement  àz^  billets ,  lettres  d« 
change ,   ùc. 

Compte  EN  PARTICIPATION,  efl  une 
efpece'de  compte  qui  fe  fait  entre  deux  mar- 
chands ou  négocians,  pour  raifon  d'une  Ib— 
ciété  anonyme  qu'on  appelle/oc/eVe/jamape 
ou  fociété par  participation.  V.  SOCIÉTÉ. 

Compte  ellauili  un  terme  relatif  qui  con- 
cerne urie  fociété ,  quand  deux  ou  trois  per- 
fonnes  font  des  recettes  ou  des  dépenfes  les 
unes  pour  les  autres.  On  dit  en  ce  fens  : 
cet  homme  efl  de  bon  compte. 

Compte  fe  dit  encore  d'un  calcul  ou  dé-r 
nombrement  qui  fe  fait  dans  plufieurs  cho- 
fes  ou  quantités  féparées  qui  font  d'une 
même  efpece.  Dubois  de  compte  y  efl  en  ce 
lèns  une  certaine  quantité  de  bûches  qui 
coinpolént  une  voie. 

Compte  {grand),  ou  Compte  mar- 
chand ,  &  PETIT  Compte  ,  fontdes  ter- 
mes ulités  dans  le  Commerce  ,  pour  figni- 
fier  un  certain  nombre  de  morues  ou  de 
poignées  de  morues.  A  Orléans  &  en  Nor- 
mandie le  cent  de  morues  efl  de  cent  trente— 
deux  morues  ,  ou  de  foixant^-fix  poignées  ^ 
c'efl  ce  qu'on  nomme  grand  compte  :  &  à. 
Pans  il  n'elt  que  de  cent  huit  morues  ;  ce 
qui  s'appcUe  petit  compte. 

Comptes  faits,  font  de  certaines  ta- 
bles ou  tarits  où  l'on  trouve  des  réduâions 
toutes  fiiites  de  poids ,  de  mefures ,  de  chan- 
ges ,  d'efcompres ,  d  m  ter  cts ,  de  mon  noies  >. 
&c.  tels  Ibnt  les  comptes  faits  de  Barrême. 

Compte  lignifie  encore  gain  y  profit , 
ai'antage  ,  bon  marcné.  Faite  fon  compte  ^ 
trouver  fon  compte  y  &c.  Il  fe  dit  encore  des: 
dcbourles  &  frais  volontaires  qu'on  ne 
pourra  fe  faire  pailer  en  compte.  S  *il  dépenfe 
au-delà  de  f es  ordies  y  ce  fer  a  fur  fon  compte». 

Compte  fe  dit  encore  de  pluiieurs petites 
choies  qui  le  prennent  à  la  main  ,  ou  ^u'on 
jette  enlembie  pour  compter  avec  plus  de 
promptitude.  Ainii  un  ccru  de  noix  ell 
compoiè  de  vingt  comptes ,  avec  les  quatre 
au  cent.  Vqye7^^  les  dicl,  de  Trév.  du  Com^ 
Disk.  Chambers.  {G) 

Compte  ,  {Jurifp.  )  ilfe  prend  ici  pour 
l'état  de  recette  &  de  dépenfe  de  biens  dont 
on  a  eu  l'adminillrarion. 

Toute  perlbnne  qui  a  géré  le  bien  d'au*- 
trui  doit  en  rendre  compte ,  lorique  là  gjjf^ 
tioû  ell  finie  ;,  &  jufqu'à  ce  qiie  ce  coi7^tç> 


784  C  O  M 

{bit  rendu  &  apuré  ,  &  les  pièces  juflifica- 
tives  remiiesj  le  comptable  efl  toujours  ré- 
puté débiteur. 

Ainlî  le  mari  ou  lès  héritiers  ,  après  la 
diflblurion  de  la  communauté,  doivent  en 
rendre  compte  à  la  femme  ou  à  fcs  héritiers  ; 
le  tuteur,  protuteur ,  curateur,  doit ''un 
compte  à  Ton  mineur  après  la  tutelle  finie  ; 
l'héritier  bénéficiaire  doit  un  compte  de  la 
tucceflion  aux  créanâers  ;  celui  des  afîbciés 
qui  a  géré  l'atFaire  commune  ,  en  doit  ren- 
dre (:o/72pre  aux  autres  ;un  marguillier  comp- 
t-able  doit  pareillement  compter  de  Ton  ad- 
miniftration  ;  enfin  un  fondé  de  procura- 
tion, les  fermiers  judiciaires,  fequeflres, 
gardiens  ,  &  généralement  tous  ceux  qui 
ont  adminiliré  le  bien  d'autrui  ,  doivent  un 
compte. 

Entre  majeurs  on  peut  rendre  compte  à 
l'amiable  ou  en  jufKce;  mais  on  ne  peut 
compter  qu'en  juiHce  vis-à-vis  des  mineurs 
&  autres  qui  jouifTent  du  même  privilège. 

Quand  le  compte  eft  rendu  en  juftice,  il 
eft  exécutoire  pour  le  reliquat,  s'il  y  en  a 
un,  fans  qu'il  îbit  befoin  d'attendre  le  ju- 
gement pour  cet  objet ,  fauf  en  jugeant  à 
augmenter  le  reliquat,  s'il  y  a  lieu. 

Le  compte  peut  être  rendu  par  bref  état 
ou  être  dreffé  dans  toutes  les  formes  ,  par 
recette  ,  dépenfe  ,    &   reprife. 

L'intitulé  du  compte  contient  les  noms 
&  qualités  du  rendant  compte  &  de  l'oyant. 

On  exphque  enfui  te  ordinairement  dans 
le  préambule  les  objets  du  compte. 

On  porte  enfuite  fuccefllvement  la  re- 
cette ,  la  dépenfe  &  les  reprilès ,  &  chacun 
Ûq  ces  objets  efl  quelquefois  divifé  en  plu- 
fieurs  chapitres ,  félon  que  la  matière  y  eil 
difpofée. 

Siie  comptable  a  été  commis  par  juflice, 
on  ne  peut  le  pourfuivre  que  devant  le  même 
juge  pour  rendre  compte  :  mais  quand  il 
n'a  pas  été  commis  par  juflice,  il  faut  le 
pourfuivre   devant  fon  juge. 

Si  le  comptable  refufe  de  rendre  compte  , 
on  le  condamne  à  payer  quelque  fomme  , 
pour  tenir  lieu  de  ce  qui  pourroit  en  revenir 
à  l'oyant  ;  &  fi  c'ell:  un  dépofitaire  de  de- 
niers royaux  du  public  ,  on  le  condamne 
par  corps. 

En  matière  de  compte ,  on  appointe  ordi- 
îujirement  les  parties  à  fournir  débats  & 


C  O  M 

foutenemens ,  parce  que  ces  fortes  cîe  3if^ 
enflions  ne  peuvent  guère  être  ùtes  à 
l'audience.  *' 

Le  jugement  qui  intervient  fur  un  compte 
doit  en  fixer  le  reliquat. 

Le  compte  jugé ,  on  ne  peut  point  en  de 
mander  la  revifion  ;  mais  s'il  y  a  des  erreurs 
de  calcul ,  omiflions  de  recette ,  faux  &: 
doubles  emplois ,  on  peut  en  demander  la 
réformation  :  ces  fortes  d'erreurs  ne  fe  cou- 
vrent point ,  mais  elles  fe  réforment  auK 
frais  du  rendant  ;  excepté  pour  l'erreur  du 
calcul ,  au  cas  qu'elle  ne  vînt  pas  de  fon  fait , 
mais  de  celui  du  juge.  voye\  Vordoiin.  de 
î  66  j  ,  tit.  xxjx. 

Compte  de  bénéfice  d'inven- 
taire, j'.  Bénéfice  d'inventaire, 
<S' Héritier  bénéficiaire. 

Compte  par  bref  état  ,  efl  celui 
qui  fe  rend  par  unfimple  mémoire  ;  à  ladifle- 
rence  d'un  compte  en  règle ,  qui  doit  être  en 
la  forme  prefcrite  parl'ordonnance'de  1667, 
tit.  xxjxj  art.  z  j .  Suivant  l'arr.  xx  du  même 
tit.  les  majeurs  peuvent  compter  devant  des 
arbitres  ou  à  l'amiable  ;  on  ordonne  même 
en  jufHce  que  les  parties  compteront  par 
bref  état ,  lorfque  c'efl:  entre  les  majeurs, 
Voye\  ci-devant  COMPTE. 

Compte  de  clerc  a  maître,  efl  ce- 
lui où  le  comptable  porte  en  recette  tout  le 
bénéfice  qu'il  a  pu  faire  dans  fa  commiflîon  » 
&  en  dépenfe  tous  les  frais  qu'il  a  été  obligé 
de  faire  ,  &  les  pertes  qu'il  a  cfîûyées.  Les 
fermiers  du  Roi  font  toujours  reçus  à  comp- 
ter de  clerc  à  maître  du  produit  de  leurs 
baux  ,  &  ne  font  point  tenus  d'en  payer  le 
prix  au-delà  du  bénéfice  qu'ils  en  ont  retiré  , 
ou  pu  retirer. 

Compte  par  colonnes  ,efl  celui  dans 

lequel  la  recette  &  la  dépenfe ,  quoique  li- 
quidées à  la  fin  de  chaque  année ,  ne  font 
compenfées  qu'à  la  fin  de  la  dernière  année 
feulement ,  ou  de  trois  en  trois  ans  ;  à  la 
difîerence  du  compte  par  échelette  ,  où  la 
compenfation  fe  fait  année  par  année.  Cho- 
rier  ,  en  (zjurifpr.  de  Guypape  ,  pag.  ^^4> 
,-apporte  plufieurs  arrêts  pour  l'une  &  l'autre 
façon  de  compter  :  mais  le  compte  par  éc fie- 
le  tte  efl  le  plus  ufité ,  &  paroît  en  effet  le  plus 
équitable.  Voye\  le  dici,  des  arr.  au  mot 
compte. 

Compte 


C  O  M 

Compte  des  Comptables  de  la 
Chambre  des  Comptes,  i^oy.  au  Tome 
VU  l'article  Chambre  des  Comptes. 

Compte  de  Communauté  ,  voye^ 

ci-deT'ant  COMMVHAVTÈ  DE  BIENS. 

Compte  par  échelette  ,  eÛ  celui 
danslequeU'imputationde  ladépenfefè  fait 
fur  la  recette  année  par  année;  à  la  différence 
du  compte  par  colonnes ,  où  la  dépenfe  &  la 
recette  font  bien  liquidées  à  la  fin  de  chaque 
année ,  mais  la  compenfation  &  imputation 
ce  s'en  fait  qu'à  la  dernière  année  feulement. 
V.  ci-devant  COUVT'E  PAR  COLONNES. 

Compte   par    livres  ,    sous    ù 

DENIERS  :  l'ufage  en  fut  introduit  àhs  l'an 
755-  ïl  fut  ordonné  de  le  pratiquer  par  Phi- 
lippe VI,  le  22  Août  1343  ,  &  encore  le  26 
Odobre  fuivant ,  &  en  1347  &  1348.  Le 
roi  Jean  ordonna  la  même  chofe  en  135 1, 
I3')3&^3)4'  ^oye\  le  recueil  des  ordon- 
nances de  la  troijieme  race. 

Cette  manière  de  compter  fut  abrogée 
par  édit  de  l'an  1 577;  ^^i  ordonna  de  comp- 
ter par  écu. 

Mais  le  compte  par  livres  y  fous  &  deniers, 
fut  rétabli  par  Henri  IV  ,  en  1602.  EJ/ai 
polit,  fur  le  Corn.  pag.  3.^.7. 

Anciennement  on  avoit  la  liberté  de  fti- 
puler  &  de  compter  par  livres  ,  fous  &  de- 
niers parifis ,  ou  en  même  valeur  tournois  ; 
ce  qui  venoit  de  la  différence  de  monnoies 
parifis  &  tournois  qui  avoient  cours  en  même 
temps ,  ou  qui  l'avoient  eu  précédemment. 
Mais  l'ordonnance  de  1667  ,  tit.  xxvij  ^ 
art.  1 5,  ordonne  de  compter  par  livres,  fous 
ti  deniers  tournois  ,  &  non  par  parifis  ;  ce 
qui  s'entend  pour  les  conventions  nouvelles  : 
car  pour  les  anciennes  redevances  qui  font 
dues  en  livres  ,  fous  &  deniers  parifis  ,  il 
eft  toujours  permis  àt  les  compter  fuivant 
l'ancien  ulage,  conformément  au  titre ,  fauf 
à  les  évaluer  &  réduire  en  fbmmes  tournois. 

Les  HoUandois  com.ptent  par  florins  ou 
livres  de  gros  ;  les  Anglois  ,  par  livres  fler- 
iing;  les  Vénitiens  par  ducats,  Ihid.  p.  ^80. 
Compte  NUMÉRAIRE,fignifiel€cro/;7p^e 
d'une  ou  plufieurs  lommes ,  par  livres  ,  fous 
&  deniers. 

Compte  de  Société, roy.  Société. 

COMPTEDETuTELLEjVqy.TUTELLE. 
COMPTEPAS,  f  m.  inflrumentquiièrt 
imefurer  le  chemin  qu'on  a  fait  à  pié,  ou 
Tome  VIIL 


C  O  M  7S5 

même  en  voiture.  On  l'appelle  aufïî  Odo^ 
mètre.  V.  OdometRE.  (O) 

COMPTER  (Art  de),  Métaph.  Logiq. 
faculté  de  famé  y  attent.  mém.  opération  de 
l'efprit,  qui  joint  par  des  noms  &  des  fignes 
dittérens  ,  plufieurs  choies  d'une  même 
efpece  ,  comme  font  les  unités  ,  &  par  ce 
moyen  forme  l'idée  dilHnde  d'une  dixaine  , 
d'une  vingtaine,  d'une  centaine;  é:lix,  10^ 
vingt ,  20  ;  cent ,   100. 

La  plupart  des  hommes  favent  compter  y 
fans  entendre  le  moins  du  monde  cette  mé- 
chanique  ,  fans  fe  rappeller  la  peine  &  les 
foins  qu'ils  ont  eus  pour  l'apprendre  ,  com- 
ment ils  y  font  parvenus  y  pourquoi  ils  ne 
confondent  pas  les  noms  &  les  fignes,  pour- 
quoi cette  variété  de  noms  &  de  fignes  ne 
caufe  cependant  pas  d'erreur ,  quelle  en  efl 
larailbn,  6'c.  Le  ledeur  pourra  trouver  ces 
explications  dans  l'ouvrage  de  Locke  fur 
l'entendement  humain  ,  &  dans  celui  de 
M.  de  Condillac  fur  l'origine  des  connoif- 
fances  humaines.  Nous  nous  bornerons  à  la 
fimple  expofition  qu'ils  donnent  de  l'opéra- 
tion que  l'efprit  doit  faire  pour  compter. 

Compter,  eft  joindre  à  l'idée  que  nous 
avons  de  l'unité  qui  efHa  plus  fimple  ,  une 
unité  de  plus  dont  nous  faifons  une  idée  col- 
ledive  que  nous  nommons  deux  ;  enfuitc 
avancer  en  ajoutant  toujours  une  unité  de 
plus  à  la  dernière  idée  coUedive  ;  enfin  don- 
ner au  lïombre  total ,  regardé  comme  com- 
pris dans  une  feule  idée  ,  un  nom  &  un 
ligne  nouveau  &  diflind ,  par  lefquels  on. 
puifîè  difcerner  ce  nombre  de  ceux  qui  font 
devant  &  après ,  &  le  diflinguer  de  chaque 
multitude  d'unités  ,  qui  efl  plus  petite  ou 
plus  grande. 

Celui  donc  qui  fait  ajouter  un  à  un ,  i  à  i , 
ce  qui  forme  l'idée  complexe  de  deux ,  2  , 
&  avancer  de  cette  manière  dans  fon  calcul , 
marquant  toujours  en  lui-même  les  noms 
difliiids  qui  appartiennent  à  chaque  pro- 
greflion ,  &  qui  d'autre  part  ôtant  une  unité 
de  chaque  colledion  ,  pour  les  diminuer  au- 
tant qu'il  veut  ;  celui-là  efl  capable  d'acqué- 
rir toutes  les  idées  des  'nombres  dont  \ts 
noms  &■  les  lignes  font  en  ufage  dans  fa  lan- 
gue ;  car  comme  les  difFérens  modes  des 
nombres  ne  font  dans  notre  efprit  que  tout 
autant  de  combinaifons  d'unités  qui  ne  chan-« 
gent  point,  &  ne  font  capables  d'aucune 

Fffff 


yî6  C   O  M 

autre  différence  que  du  plus  ou  du  moins  ; 
il  s'enfuit  que  des  noms  &  des  fignes  parti- 
culiers font  plus  néceflaires  à  chacune  de  ces 
combinaifons  diftindes ,  qu'à  aucune  autre 
etpece  d'idées.  La  raifon  de  cela  efl  que  fans 
de  tels  noms  &  fignes  qui  les  caraâérifent , 
nous  ne  pouvons  faire  aucun  ufage  des  nom- 
bres en  comptant ,  fur-tout  lorfque  la  com- 
binaifon  eu  compofée  d'une  grande  multi- 
tude d'unités  ;  car  alors  il  feroit  difficile  , 
ou  prefque  impoffible  ,  d'empêcher  que  de 
ces  unités  jointes  enfemble  fans  avoir  dif- 
tingué  cette  colleâion  particulière  par  un 
nom  &  un  figne  précis  ,  il  ne  s'en  fafle  un 
parfait  chaos. 

C'eft-là  la  railon  pourquoi  certains  peu- 
ples ne  peuvent  en  iiucune  manière  compter 
au-delà  de  vingt ,  de  cent ,  de  mille  ;  parce 
que  leur  langue,  uniquement  accommodée 
au  peu  de  befoins  d'une  pauvre  &  fimple 
rie  ,  n'a  point  de  mots  qui  fignifient  vingt , 
cent,  mille;  d^  forte  que,  lorfqu'ils  font 
obligés  de  parler  de  quelque  grand  nombre  , 
ils  montrent  les  cheveux  de  leur  tête  ,  pour 
marquer  en  général  une  grande  multitude 
qu'ils  ne  peuvent  nombrer. 

Jean  de  Léry  qui  a  été  chez  les  Toupi- 
nambes ,  peuple  fauvage  de  l'Amérique  mé- 
ridionale au  Brefil ,  nous  apprend  dans  fon 
voyage  fait  en  la  terre  du  Brefil ,  ch.  xx. 
qu'ils  n'avoient  point  de  nombre  au-defîûs 
de  cinq  ;  &  que  lorfqu'ils  vouloient  expri- 
mer quelque  nombre  au-delà ,  ils  mon- 
troient  leurs  doigts  &  les  doigts  des  autres 
perfonnes  (^i  étoient  avec  eux.  -Leur  cal- 
cul n'alloit  pas  plus  loin  ;  ce  qui  prouve  qlie 
des  noms  diilinâs  font  abfolument  néce*^ 
fàires  pour  compter  ,  &  que  pour  aller  aux 
progrellîons  les  plus  étendues  du  calcul  , 
les  langues  ont  befoin  de  dénominations 
propres  &  de  fignes  propres  ,  que  nous 
appelions  chiffres  ,  pour  exprimer  ces  pro- 
grefUons.  Or  voici  comment  cela  s'exécute 
dans  notre  langue, 

Lorfqu'il  y  a  plufieurs  chiffres  fur  une 
même  ligne ,  pour  éviter  la  confufion  ,  on 
les  coupe  de  trois  en  trois  par  tranche  t  ou 
feulement  on  laifîe  un  petit  efpace  vuide  , 
&  chaque  tranche  ou  chaque  ternaire  a  (on 
nom.  Le  premier  ternaire  s'appelle  uni  te  ; 
le  fécond  y  mille  ;  le  troificme ,  million  ;  le 
quatrième ,  billion  i  le  cinquième  ,  trillion  / 


C  O  M 

le  rixiemt,qitatrillion;  puis  quiiitilUor.^  fex-* 
tillion^  feptilUon;  ainfi  de  fuite ,  la  dénomi- 
nation des  nombres  &  des  fignes  peut  être 
infinie. 

Les  enfans  commencent  affcz  tard  à  comp- 
ter y  &  ne  comptent  point  fort  avant  ni 
d'une  manière  fort  aifurée  ,  que  long-temps 
après  qu'ils  ont  Tefprit  rempli  de  quantité 
d'autres  idées  ;  foit  que  d'abord  il  leur  man- 
que des  mots  pour  marquer  les  différentes 
progreffions  des  nombres  ,  ou  qu'ils  n'aient 
pas  encore  la  faculté  de  former  des  idées 
complexes  de  plufieurs  idées  fimples  &  dé- 
tachées les  unes  des  autres  ;  de  les  difnofer 
dans  un  certain  ordre  régulier,  &  de  les 
retenir  ainii  dans  leur  mémoire,  comme  il  efl 
nécefiaire  pour  bien  compter.  Quoi  qu'il  en 
foit ,  on  peut  voir  tous  les  jours  des  enfans 
qui  parlent  &  raifonnent  affez  bien  ,  &  ont 
des  notions  fort  claires  de  bien  des  chofes> 
avant  que  de  pouvoir  compter  jufqu'à  vingt. 
Il  y  a  des  perfonnes  qui ,  faute  de  mémoire, 
ne  pouvant  retenir  différentes  combinaifons 
de  nombres ,  avec  les  noms  qu'on  leur  donne 
parnpport  aux  rangs  diftinds  qui  leur  font 
affignés ,  ni  la  dépendance  d'une  fi  longue 
fuite  de  progreffions  numérales^  dans  \st 
relation  qu'elles  ont  les  unes  avec  les  autres,, 
font  incapables  durant  toute  leur  vie  de 
compter  y  ou  de  fuivre  régulièrement  une 
affez  petite  fuite  de  nombres  :  car  qui  veut 
compter  quatre-vingt ,  ou  avoir  une  idée 
de  ce  nombre  ,  doit  favoir  que  foixante- 
dix-neuf  le  précède  ,  &  connoître  le  nom 
ou  le  figne  de  ces  deux  nombres ,  félon  qu'ils 
font  marqués  dans  leur  ordre  ;  parce  que  , 
dès  que  cela  vient  à  manquer  ,  il  fe  fait  une 
brèche  ,  la  chaîne  fe  rompt ,  &  il  n'y  a  plus 
aucune  progreffion. 

Il  eft  donc  nécefîaire  ,  pour  bien  compter^ 
1°.  que  l'efprit  difiingue  exactement  deux 
idées  ,  qui  ne  différent  l'une  de  l'autre  que 
par  l'addition  ou  la  fouf}raftion  d'une  unité  : 
2.°.  qu'il  conferve  dans  fa  mémoire  les  noms 
des  différentes  combinaifons  depuis  l'unité 
jufqu'à  ce  nombre  qu'il  a  à  compter  ,  &  cela 
fans  aucune  confufion  ,  &  félon  cet  ordre 
exad  dans  lequel  les  nombres  fe  fuivent  [es 
uns  les  autres  :  3**.  qu'il  connoiffe  fans  aucune 
erreur  chaque  chifïre  ou  figne  diftinâ , 
inventé  pour  repréfenter  précifément  la  col- 
leâion  des  diverfes  unités  ,  qui   ont  auiiii 


C  O  M 

chacune  leurs  noms  diftiniâs  &  particuliers. 
Il  doit  Cavo'ir  bien  que  le  figne  9  repréfente 
la  colledion  que  nous  appelions  neuf\  que 
les  deux  chiffres  i  9-  repréfentent  la  col- 
ledion  que  nous  appelions  dix-neuf  ^  tandis 
que  les  deux  chiffres  91  repréfentent  la  col- 
ledion  que  nous  appelions  quatre-vingt-on\e^ 
&  ainfi  de  fuite  pour  raiîèmblagc  de  toutes 
les  colledions. 

Nous  ne  difcernons  différentes  collec- 
tions ,  que  parce  que  nous  avons  des  chif- 
fres qui  font  eux-mêmes  fort  diflinds. 
Otons  ces  chiffres ,  otons  tous  les  fignes  en 
ufage ,  &  nous  appercevrons  qu'il  nous 
eff  impofnble  d'en  conferver  les  idées.  Le 
progrès  de  nos  connoifîances  dans  les  nom- 
bres ,  vient  uniquement  de  Texaditude  avec 
laquelle  nous  avons  ajouté  l'unité  à  elle- 
même,  en  donnant  à  chaque  pfogreffion  un 
nom  &  un  figne  qui  la  fait  diitinguer  de 
celle  qui  la  précède  &  de  celle  qui  la  fuit. 
Je  fais  que  cent  (  locj^eff  fupérieur  d'une 
unité  à  quatre-vingt-dix-neuf  {^s)  t^  in- 
férieur d'une  unité  à  cent  un  (loi)  ;  parce 
que  }e  me  fouviens  que  <)<)  ,  ioo  ,  loi  , 
font  les  trois  fignes  choifis  pour  déligner 
ces  trois  nombres  qui  fe  fuivent. 

II  ne  faut  pas  fe  faire  allufion  ,  en  s'ima- 
ginant  que  les  idées  des  nombres  féparées 
de  leurs  fignes  foient  quelque  chofe  de  clair 
&  de  déterminé  :  il  efl  même  hors  de  doute 
que  ,  quand  un  homme  ne  voudroit  compter 
que  pour  lui ,  il  feroit  autant  oWigé  d'in- 
venter des  fignes  ,  que  s'il  vouloit  commu- 
niquer (ts  comptes. 

Voilà  comme  s'exécute  l'opération  que 
nous  nommons  compter.  Cette  opération  cfï 
la  mefure  de  tout  ce  qui  exiffe  ;  la  méta- 
phyfique  ,  la  morale  ,  la  phyfique  ,  toutes 
les  fciences  y  font  foumifes.  Concluons  avec 
M,  l'Abbé  de  Condillac ,  que  pour  avoir  des 
idées  fur  lefquelles  nous  puifïions  réfléchir  , 
nous  avons  befoin  des  fignes  qui  fervent  de 
liens  aux  différentes  coUedions  d'idées  {im- 
pies. ;  &  ,  pour  le  dire  eji  un  mot ,  nos  no- 
tions ne  font  exades  qu'autant  que  nous 
avons  inventé  avec  ordre  les  fignes  qui  doi- 
vent les  fixer.  Des  geffes  ,  des  fons  ,  des 
chiffres  ,  des  lettres  ,  c'eff  avec  des  inffru- 
mens  auffi  étrangers  à  nos  idées  ,  que  nous 
les  mettons  en  œuvre  pour  nous  élever  aux 
connoifîances  les  plus  fublimcs.  Les  maté- 


C  O  M  787 

riaux  font  les  mêmes  chez  tous  les  hommes  ; 
mais  l'adreffe  à  s'en  fervir  les  diftingue.  Voy. 
Aritmétique  ,  Binaire  ,  Calcul  , 
Caractère  ,  Chiffre  &  Nombre, 
Art.  de  M.  le  chevalier  de  Ja  uco  ur  t. 

Compter,  {Comm?)  on  compte  aux  je- 
tons ou  à  la  plume  ;  c'efl  dans  l'un  &  l'autre 
cas  exécuter  les  différentes  opérations  d'aritiv 
métique.  Il  fe  dit  i®.  des  paiemens  qui  fe 
font  en  efpeces  ou  monnoies  courantes  ;  /'/ 
m' a  compté  /^O  livres  :  2°.  relativement  aux 
arrêtés  de  paiement  ou  de  compte  que  font 
entre  eux  les  marchands  ou  négocians.  Les 
marchands  doivent  compter  tous  les  lix  mois, 
tous  les  ans  au  moins  avec  les  perfbnnes  aux- 
quelles ils  font  crédit ,  pour  éviter  les  fins 
de  non-recevoir.    * 

Compter  par  bref  état  ;  c'eft 
compter  fommairement  fur  de  fimples  mé- 
moires ou  bordereaux  de  compte.  I^oye^^ 
Bordereau.  " 

Compter  en  forme  ;  c'eff  lorfque  le 
compte  qu'on  prélente  eft  en  bonne  forme  , 
ou  bien  libellé.  On  le  dit  encore  lorfqu'on 
examine  un  compte  avec  le  légitime  con- 
tradideur. 

Compter  de  Clerc  a  Maître  ;  c'eft 
lorfqu'un  comptable  ne  compte  que  de  ce  qu'il 
a  reçu  ,  fans  qu'on  le  rende  refponfable  d'au- 
tre chofe  que  de  la  recette  des  deniers. 

Compter  une  chofe  à  quelqu'un  y  c'eff 
quelquefois  lui  en  tenir  compte,  &  quel- 
quefois la  mettre  fur  fon  compte. 

Compter  PAR  PIECE,  c'cû  compter  en 
détail  ;  ce  qui  eft  oppofé  d  compter  en  gros, 
VoyeT^  les  dic^ionn.  de  Comm.  Trév.  Disti» 
Chamb. 

COMPTEUR ,  COMPTABLE  ou  RE- 
CEVEUR ,  f  m.  (  Hifl.  mod.  )  eft  un  offi- 
cier de  l'échiquier  ,  dont  la  fondion  eff  d* 
recevoir  tous  les  deniers  qui  font  dûs  à  la 
couronne  d'Angleterre  :  à  mefure  qu'il  re- 
çoit y  il  fait  paffer  un  billet  par  une  pipe  dans 
la  cour  des  tailles ,  où  ce  billet  eff  ramafîc 
par  les  clercs  de  l'auditeur ,  qui  fe  tiennent 
là  pour  écrire  les  mots  portés  par  ledit  bil- 
let fur  une  taille ,  &  pour  remettre  enfuite 
le  même  billet  aux  clercs  des  peaux  ou  à  fes 
fubftituts.  F.  Echiquier  ,  Taille  ,  ùc. 

Cela  fait ,  les  deux  chamberlans  députes 
fendent  la  taille  :  ils  ont  chacun  leur  fceau  ; 
&  pendant  que  le  plus  ancien  député  fak 
Fffff2 


7^8  C  O  xM 

la  ledure  d'une  moitié  à-e  la  taille  ,  le  plus 
jeune  affiflé  des  deux  autres  clercs  ,  exa- 
mine l'autre  partie. 

Les  compteurs  font  au  nombre  de  quatre. 
Leurs  places  fe  donnent  par  le  roi  ;  &  outre 
le  maître  clerc  ou  député ,  ils  ont  quatre 
autres  clercs  pour  faire  les  expéditions. 
J^oy.  Echiquier.  Cet  ufage  eft  fingulié- 
rement  propre  à  l'Angleterre  ;  les  autres 
nations  ont  une  autre  manière  de  recette 
pour  les  revenus  de  leurs  états  ou  fouve- 
raineté.  V.  CHAMBRE  DES  COMPTES. 
Chambers.  (G) 

Compteur  ,  dans  le  commerce^  celui 
qui  compte  ,    qui  fait  àts  paiemens. 

Compteur  eft  auffi  le  nom  qu'on  donne 
il  Paris  à  dix  officiera  de  police  ,  appelles 
jurés  compteurs  Ù  déchargeurs  depoij^on  de 
mer  frais  ,  fec  Ù  falé ,  dont  les  tondions 
font  de  compter  &  décharger  toutes  les 
marchandifes  de  cette  efpece ,  à  mefure 
qu'elles  arrivent  dans  les  halles  &  qu'elles 
y  font  vendues,  moyennant  un  certain 
droit  par  chaque  cent ,  millier  ,  tonne  ou 
baril ,  fomme  ou  panier ,  de  ces  mar- 
chandifes. 

Les  jurés  mefureurs  de  fel ,  étalonneurs 
des  mefures  de  bois  ,  qui  font  d'autres 
officiers  de  police  ,  font  aulîi  qualifiés  de 
compteurs  de  faline  fur  la  rUiere  ;  parce 
qu'ils  font  prépoiés  pour  compter  toutes 
ks  marchandifes  de  ialines  qui  arrivent  par 
bateaux  ,  &  qui  font  déchargées  dans  les 
ports.  Die},  de  Com.  Trév.  &  Chamb.  {G) 
*  COMP 1 OIR  ,  f  m.  {Com.)  a  deux  ac- 
ceptions ,  l'une  fimple ,  &  l'autre  figurée  : 
comptoir  au  fimple ,  c'efl  une  table  ou  un 
bureau  fur  lequel  un  négociant  expofe  Çqs 
marchandifes ,  paie  ou  reçoit  de  l'argent , 
Ùc.  Au  figuré  ,  il  fe  dit  d'un  lieu  que  les 
Européens  ont  fait ,  &  qu'ils  regardent 
comme  le  centre  de  leur  commerce  dans 
.  l'Inde  en  Afrique  ,  ^c, 

COMPTORISTE,  f.  m.  (Com.)  terme 
qui  parmi  les  négocians  fignifie  un  homme 
de  cabinet ,  expert  dans  les  comptes  ,  ou 
un  habile  teneur  de  hvres. 

COMPULSER,  (  Jurifpr,  >  c'efî  con- 
traindre par  autorité  de  ^fïice  une  peribnne. 
publique  à  exhiber  un  afte  quiefl  entre  ^ts 
mains  pour  en  tirer  copie  ,  partie  préfente 
ou  duement  appcllée  ^  afin  que  cette  copie 


COM 

fafle  foi  contre  la  partie  qui  a  été  préfente 
ou  appellée  au  compulfoire.  Voye-{  ci-après 
COMPULSOIRE.    {A) 

COMPULSEUR  ,T.  m.  {hifl.  anc.)  nom 
d'office  fous  les  empereurs  romains.  Les 
compulfeurs  ctoient  des  gens  envoyés  par  la 
cour  dans  les  provinces  ,•  pour  faire  payer  à 
l'épargne  ce  qui  ne  l'avoit  pas  été  dans  le 
temps  prefcrit. 

Ces  compulfeurs  firent  de  fi  grandes  exac- 
tions ,  lous  prétexte  de  remplir  leur  devoir  ,. 
que  l'empereur  Honorius  les  cafîa  par  une 
loi  donnée  en  412. 

Les  loix  des  Vifigoths  font  mention  des 
compulfeurs  de  l'armée  Les  Goihs  appel- 
loient  ainfi  ceux  qui  obligeoient  les  foldats 
d'aller  au  combat  ou  à  l  attaque. 

Caflien  appelle  aufii  compulfeurs  ,  ceux  qui 
dans  les  monaflere.^  indiquoient  les  heures 
de  l'office  canonique ,  &  qui  avoient  foin 
que  les  moines  fe  rendifTent  à  l'office  à  ces 
heures.  C'ell  ce  qu'on  nomme  encore  au- 
jourd'hui dans  les  coiriraunautés  eccléfiafti- 
qucs  ,  réglementaire  y  homme  chargé  de 
veiller  à  l'exécution  des  réglemens.  Cham- 
bers. {G) 

CuMI'UlSOIRE,  {Jurifpr.y  au  htm 
campe lleie  ,  efl  un  mandement  émané  de 
rautorité  louveraine  ou  de  jufHce  ,  en  vertu 
duquel  le  dépofitaire  d'une  pièce  efl  tenu 
de  la  reprélenter. 

L  ufac,e  des  compulfoires  nous  vient  des 
Romains  :  on^  en  trouve  des  vefliges  dans 
le  code  théodofien ,  tit.  de  edend.  L  6  & 
au  même  titre  du  code  de  Juffinien  ,  l.  z. 

Par  cette  loi,  qui  eft  des  empereurs  Sé- 
vère &  Antonin  ,  il  é^l  dit  que  le  juge  de^ 
vant  lequel  la  caufe  eft  pendante  ,  ordon- 
nera que  l'on  repréiènte  aux  parties  les  ades 
publics ,  tant  civils  que  criminels  ,  afin  que 
les  parties  les  examinent ,  &  puifïént  s'éclair- 
cir  de  la  vérité  d€  ces  ades. 

Il  y  a  long-temps  que  les  compulfoires 
font  aufîi  d'ufage  parmi  nous  ;  en  effet  il  en 
eft  parlé  dans  l'ordonnance  de  Charles  VII 
de  l'an  1446  ,  art.  ^G.  qui  porte  que  les 
parties  produiront  dans  trois  jours",  fans  ef- 
pérance  d'autre  délai ,  fous  ombre  àt  com- 
pulfoire ni  autrement. 

L'ordonnance  de  Charles  VII  de  1493  > 
art.  5  J  ,  ordonne  qu'aucun  délai  &  com- 
pulfoire ne  foit  accordé  par  la  cour  ,  outre 


C  O  M 

les  délais  ordinaires  pour  produire  ,  finon 
que  ce  délai  &  compulfoire  eût  été  demandé 
en  jugement  en  plaidant  la  caufe. 

Le  même  règlement  fut  renouvelle  par 
Louis  XII  en  1507,  art.  81  ,  &  par  Fran- 
çois I  en  Odobre  153^  ,  ch.  xv.  art.  z. 

François  I  par  fon  ordonnance  de  i')39  » 
art.  z  77  ,  a  encore  prévu  le  cas  du  com- 
pulfoire ^  en  défendant  aux  notaires  &  ta- 
bellions ,  de  ne  montrer  &  communiquer 
leurs  regiflres  ,  livres  &:  protocoles  ,  finon 
aux  contraâans ,  leurs  héritiers  &  fuccel- 
feurs  ,  ou  autres  auxquels  le  droit  de  ces 
contrats  appartiendroit  notoirement  ,  ou 
qu'il  fut  ordonné  par  juftice. 

Enfin  l'ordonnance  de  1667  contient  un 
titre  exprès  des  compulfoires  &  collations 
de  pièces  ;  c'ell:  le  titre  xij. 

A  l'égard  des  coutumes  ,  je  ne  connois 
que  celle  de  Bourboruiois ,  rédigée  en  1 52.0, 
qui  fafle  mention  àes  compulfoires.  L'article 
433  dit  que  les  notaires  &  tabellions  font 
tenus  &  peuvent  être  contraints  ,  par  com- 
pulfoire ou  autrement  ,  d'exhiber  aux  li- 
gnagers  ,  feigneurs  féodaux  &  directs ,  la 
note  &  contrat  d'aliénation  par  eux  reçu  , 
&  leur  en  donner  copie  à  leurs  dépens 
s'ils  en  font  requis  ,    Ç^c. 

La  coutume  de  Nivernois  ,  ex.  xxxj.  art. 
15.  contient  une  difpofition  à-peu-près  lèm- 
blabie  pour  l'exhibition  des  pièces  qui  efl  due 
par  \ts  notaires  ;  mais  elle  ne  parle  pas 
de  compulfoire. 

Anciennement  l'ordonnance  du  juge  fuf- 
fifoit  pour  auforifer  une  partie  à  compulfer 
une  pièce  ;  mais  depuis  que  l'on  a  introduit 
l'ulage  des  lettres  de  juflice  en  chancellerie , 
il  eft  néceffaire  d'obtenir  des  lettres  de 
compulfoire. 

Ces  lettres  font  adrefTécs  à  un  huiffier  ; 
enforte  qu'il  n'y  a  qu'un  huiffier  qui  puilïe 
les  mettre  ii  exécution. 

Elles  contiennent  l'expofé  qui  a  été  fait 
par  l'impétrant ,  qu'il  a  intérêt  d'avoir  con- 
noiflànce  de  certaines  pièces  ,  dont  on  lui 
refufe  ou  dont  on  pourroit  lui  refufer  la 
communication  fous  de  vains  prétextes  ; 
qu'il  délire  en  avoir  une  copie  authentique  , 
&  qui  puifle  faire  foi  contre  fa  partie. 

Les  lettres  donnent  enfuite  pouvoir  à 
Ihuiffier  de  faire  commandement  à  tous 
Biotaires  ,  tabellions ,  greffiers ,  curés ,  vi- 


C  O  M  7gp 

caires ,  gard^s-regiflres ,  &  autres  perfonnes 
publiques  ,  de  repréfenter  tous  les  titres  , 
contrats ,  aveux  ,  regiftres  ,  &  autres  ades 
qui  feront  requis  par  l'impétrant ,  pour  en 
être  par  l'huillier  fait  des  copies  ,  extraits , 
vidimus  &  collations  ,  partie  préfente  ou 
duement  appellée ,  pour  fervir  à  l'impé- 
trant au  procès  dont  il  s'agit  ,  &  par-tout 
ailleurs  ;  &  en  cas  d'oppoiition  ,  refus  ou 
délai ,  l'huiffier  eft  autorifé  à  affigner  pour 
en  dire  les  caufès. 

On  voir  par-là  qu'un  compulfoire  peut 
avoir    deux  objets. 

L'un  d'avoir  communication  d'une  pièce 
que  l'on  n'a  pas  ,  pour  en  prendre  une  co- 
pie en  antier  ou  par  extrait ,  ou  pour  vidi- 
mer  &  collationner  la  copie  que  l'ona  avec- 
l'original ,  &   confronter  li  elle  efl  pareille. 

L'autre  objet  que  l'impétrant  fe  propofe 
en  appeilant  fa  partie  au  compulfoire  ,  eft 
d'avoir  une  copie  qui  puifTe  faire  foi  à  l'égard 
de  celui  contre  lequel  il  veut  s'en  fervir  ; 
c'efl  pour  cela  que  l'on  alligne  la  partie  pour 
être  préfente,  fi  bon  lui  femble  ,  au  pro- 
cès-verbal de  compulfoire. 

Autrefois  on  affignoit  la  partie  à  fe  trou-^ 
ver  à  la  porte  d'une  églifè  ou  autre  lieu  pu-^ 
blic  ,  pour  de-là  le  tranfporter  ailleurs  ;  mais 
1  ordonnance  de  i66j  a  abrogé  un  circuit 
inutile  ,  &  veut  que  l'afîîgnation  foit  donnée 
à  comparoir  au  domicile  d'un  greffier  ou 
notaire,  foit  que  les  pièces  foient  en  leur 
poflefïion  ou  entre  les  mains  d'autres  per- 
lonnes. 

Quoique  l'ordonnance  ne  nomme  que  les 
greffiers  &  notaires,  l'ufage  efl   que  l'on' 
peut  auffi  afligner  au  domicile  des  curés, 
vicaires  &  autres  perfonnes  publiques ,  pour 
■les  pièces  dont  ils  font  dépolitaires. 

Il  en  efl  de  même  lorlque  l'on  veut  com- 
pulfer une  pièce  entre  les  mains  de  l'avocat 
de  la  partie  adverfe  ;  l'aiEgnation  fe  donne 
au  domicile  de  l'avocat,  &  le  compulfoire 
fe  fait  entre  les  mains  du  clerc,  qui  eftper- 
fonne  publique  en  cette  partie. 

Un  avocat  qui  a  en  communication  le  fàc 
de  fon  confrère  ,  ne  fait  point  compulfer  les 
pièces  entre  fes  mains  ;  il  commence  par  ' 
le  remettre  ,   pour  ne  point  manquer  à  la* 
fidéhté  qu'ils  obfervenr  dans  ces  communia 
cations  :  mais  la  partie  peut  faire  compulfer" 
la  pièce,    comme  on  vient  de  le  dire^j 


75?o  C  O  M 

entre  les  mains  de  ravocat  adverfe ,  parce 
que  la  communication  des  facs  rend  les  pie- 
ces  communes  ,  au  moyen  dequoi  l'on  ne 
peut  empêcher  le  compulfoire  des  pièces  qui 

Du  refte  on  ne  peut  obliger  un  particulier 
de  laifler  compulfer  des  pièces  qu'il  a  entre 
fes  mains ,  mais  qu'il  n'a  pas  produites  ni 
communiquées  ;  car  la  règle  en  cette  ma- 
tière eil  que  nemo  tenetur  edere  contra  fe. 
LU'.  /.  §   3.  &  leg.  4.  cod.  de  edendo. 

Ainfi ,  hors  le  cas  de  pièces  produites  ou 
communiquées  par  la  partie  ,  oa  ne  peut 
compulfer  que  les  pièces  qui  font  dans  un 
dépôt  public  ,  ou  qu'un  tiers  veut  bien  re- 
préfenter  devant  un  officier  public. 

Les  fenrences ,  arrêts  &  autres  jugemens  , 
les  ordonnances  ,  édits  ,  déclarations  ,  les 
regifires  des  infinuations  &  autres  aftes  fem- 
blabies  ,  qui  par  leur  nature  font  deflinés  à 
être  publics ,  doivent  être  communiqués  par 
ceux  qui  en  font  dépofitaires  ,  à  toutes 
fortes  de  perfonnes  ,  fans  qu'il  foit  befoin 
pour  cet  effet  de  lettres  de  compulfoire. 

Ces  fortes  de  lettres  ne  font  nécefîaires 
que  pour  les  contrats  ,  telîamens  &  autres 
ades  privés  ;  lefquels  ,  aux  termes  des  or- 
donnances ,  ne  doivent  être  communiqués 
qu'aux  parties  ,  leurs  héritiers  ,  fuccefîeurs 
ou  ayans  caufe.  C'efl  pourquoi  ,  lorfqu'un 
tiers  prétend  avoir  intérêt  de  les  compullèr_, 
il  faut  qu'il  y  foit  autorifé  par  àts  lettres. 

Si  celui  qui  eft  dépolitaire  de  la  pièce  re- 
fufe  de  la  communiquer  nonobflant  les 
lettres  ,  en  ce  cas  on  le  fait  afligner  pour  dire 
les  caufes  de  fon  refus ,  &  la  juftice  en  dé- 
cide en  connoiilance  de  caufe. 

Les  affignations  données  aux  perfonnes 
ou  domiciles  des  procureurs  des  parties  , 
ont  le  même  effet  pour  les  compulfoires  que 
fi  elles  avoient  été  données  au  domicile  des 
parties. 

Le  procès-verbal  de  compulfoire  &  de 
collation  de  pièces  ,  ne  peut  être  commencé 
qu'une  heure  après  l'échéance  de  l'afllgna- 
tion ,  &  le  procès-verbal  doit  en  faire 
mention. 

Enfin  fi  la  partie  qui  a  requis  le  compuL 
foire  ,  ne  compare  pas  ,  ou  fon  procureur 
pour  lui ,  à  l'affignation  qu'il  a  donnée  ,  il 
fera  condamné  à  payer  à  la  partie  qui  aura 
£;oraparu ,  U  fomme  de  vingt  liv.  pour  fes 


C  O  M 

dépens  ,  dommages  &  intérêts ,  &  les  frais 
de  fon  voyage  ,  s'il  y  échet  :  ce  qui  fera 
payé  comme  frais  préjudiciaux.  Voye^^  le 
recueil  des  ordonnances  de  Néron  ;  la  confé- 
rence de  Guenois  ,  liv.  IlL  tit.  jv.  des  délais 
&  défauts  y  Bornier ,  fur  le  titre  xij  de  V or- 
donnance. {A) 

*  COMPURGATEUR  ,  f  m.  {Jurif^ 
prudence.  )  Dans  l'ancienne  Jurifprudencc 
civile  &  criminelle  ,  un  accule  étoit  reçu  à 
fe  purger  par  ferment  de  l'imputation 
formée  contre  lui  ,  toutes  les  fois  que  la 
notoriété  du  fait  ne  préfentoit  pas  la  preuve 
la  plus  claire  &  la  plus  direde  ;  &  s'il 
déclaroit  par  ferment  fon  innocence  ,  il 
étoit  abfous.  Cet  ufage  étoit  propre  à 
afliirer  à  la  fraude  le  fecret  de  l'impunité  , 
en  rendant  la  tentation  du  parjure  fi  puif- 
lante ,  qu'il  n'étoit  pas  aifé  d'y  réfifter.  On 
éprouva  bientôt  les  dangereux  effets  d'une 
femblable  coutume  ;  pour  y  remédier ,  lej 
loix  ordonnèrent  que  les  fermens  feroient 
adminifirés  avec  un  appareil  impofant  & 
propre  à  infpirer  aux  hommes  une  crainte 
falutaire  de  fe  parjurer  ;  ce  moyen  fut  d'un 
foible  fecours  ,  on  fe  familiarifa  bientôt 
avec  ces  cérémonies  ,  qui  en  irnpoferent 
d'abord  à  l'imagination  ,  mais  dont  l'effet 
s'affoiblit  infcnfiblement  par  l'habitude. 
Ceux  qui  ne  craignoient  pas  d'outrager  la 
vérité ,  ne  pouvoient  être"  long-temps  re- 
tenus par  l'appareil  d'un  ferment  :  alors  on 
exigea  que  l'accufé  comparût  avec  un  cer- 
tain nombre  d'hommes  libres  ,  {qs  voifms 
ou  ics  parcns  qui ,  pour  donner  plus  de 
poids  à  fon  ferment ,  jurafîent  eux-mêmes 
qu'ils  croyoient  que  l'acculé  difoit  vrai  : 
ces  efpeces  de  témoins  furent  appelles  co/n- 
purgateurs  ;  leur  nombre  varioir  félon  l'im- 
portance de  l'objet  qui  étoit  en  litige  ,  ou 
la  nature  du  crime  dont  un  homme  étoit 
accufé  :  dans  certains  cas  ,  il  ne  fclloit  pas 
moins  que  le  concours  de  trois  cents  de  ces 
témoins  auxiliaires ,  pour  faire  abfoudre  l'ac- 
cufé. Cette  nouvelle  formalité  d'appelier  des 
compurgateurs  ,  n'offrit  encore  qu'une  ref- 
fource  plus  apparente  que  réelle  contre  le 
menfongc  &  le  parjure  ;  dans  ces  ficelés 
d'ignorancç  ,  où  l'on  n'avoit  pas  des  idées 
faines  de  morale  ,  un  accufé  trouvoit  fans 
beaucoup  de  peine  parmi  ceux  qui  lui 
étoient  attachés  par  les  liens  du  fang  ou  de 


C  O  M 

ramitië  ,  des  gens  prêts  à  le  fervir  contre 
leur  confcicnce  &  aux  dépens  de  k  vérité. 

COMPUT,  f.  m.  {ChronoL)  fignifie  pro- 
prement caleul\  mais  ce  mot  s'applique  par- 
ticulièrement aux  calculs  chronologiques  , 
néceflaires  pour  conftruire  le  calendrier  , 
c'eil-à-dire  pour  déterminer  le  cycle  fo- 
laire  ,  le  nombre  d'or  ,  les  épades  ,  les 
fêtes  mobiles ,  &c.  Voye-{  les  différens 
mots.  (O) 

COMPUTISTE  ,  r.  m.  {Hifi.  ecdef.) 
efl  un  officier  de  la  cour  de  Rome  ,  dont 
la  fondion  efl  de  recevoir  les  revenus  du 
facré  collège. 

*  COMTE,  f.  m.  {Hifl.  anc.)  lesuns  font 
remonter  ce  titre  jufqu'au  temps  d'Augufte  ; 
d'autres  jufqu'au  temps  d'Adrien.  Les  pre- 
miers prétendent  qu'Augufle  prit  plulieurs 
fenateurs  pour  l'accompagner  dans  Tes 
voyages  ,  &  lui  fervir  de  confeil  dans  la 
décifion  des  affaires  ;  ils  ajoutent  que  Galien 
fupprima  ces  comités  ou  comtes  ,  défendit 
aux  fenateurs  d'aller  à  l'armée  ,  &  que  fes 
fuccelî'eurs  ne  reprirent  point  de  comités  ou 
comtes.  Les  féconds  difent  que  les  comtes 
furent  des  officiers  du  palais ,  qui  ne  s'é- 
loignoient  jamais  de  la  perfonne  de  l'em- 
pereur ,  &  qu'on  en  diftinguoit  du  premier  y 
du  fécond  &  du  troilieme  ordre ,  félon  le 
degré  de  confidération  &  de  faveur  qu'ils 
avoient  auprès  du  prince. 

Il  y  a  apparence  qu'en  dérivant  le  nom 
de  comte  du  cornes  des  Latins  ,  comme  il  eft 
vraifemblable  qu'il  en  vient  ,  ce  titre  eft 
beaucoup  plus  ancien  qu'on  ne  le  fait.  Au 
temps  de  la  république ,  on  appelloit  c<?/;2/'/-^.r 
les  tribuns  ,  les  prâ:ets  ,  les  écrivains  ,  Ùc. 
qui  accompagnoient  les  proconfuls  ,  les 
propréteurs ,  Ùc.  dans  les  provinces  qui  leur 
étoient  départies ,  &  ils  étoient  leurs  vice- 
gérens  &  leurs  députés  dans  les  occafions 
où  ces  premiers  magiftrats  en  avoient 
befoin. 

Sous  quelques  empereurs ,  le  nom  de 
comte  fut  plutôt  une  marque  de  domefiicité , 
qu'un  titre  de  dignité.  Ce  ne  fut  que  fous 
Conftantin  qu'on  commença  à  défigner  par 
le  nom  de  comte  une  perfonne  conftituée  en 
dignité.  Eufebedit  que  ce  prince  en  fît  trois 
claffes  ,  dont  la  première  fut  des  illufires  y 
la  féconde  des  cîarijjîmes  ou  conjide're's  ,  & 
la  troifieme  des  très-parfaits  :  ces  deniers 


C  O  M  791 

avoient  des  privilèges  particuliers  ;  mais  il 
n'y  avoit  que  les  premiers  &  les  féconds  qui 
compofaiient  le  fénat. 

Mais  à  peine  le  nom  de  comte  fut-il  un 
titre  ,  qu'il  fut  ambitionné  par  une  infinité 
de  particuliers,  &  qu'il  devint  très-com- 
mun ,  &  par  conféquent  peu  honorable.  Il 
y  eut  des  comtes  pour  le  fervice  de  terre , 
pour  le  fervice  de  mer  ,  pour  les  affaires 
civiles  ,  pour  celles  de  la  rehgion  ,  pour  la 
jurifprudence  ,  Ùc.  Nous  allons  expofer  ea 
peu  de  mots  les  titres  &  les  fondions  des 
principaux  officiers  qui  ont  porté  le  nom 
de  comte ,  félon  l'acception  antérieure  a 
celle  qu'il  a  aujour(^'hui  dans  l'Europe. 

On   nomma  comes  Egypti ,  un  miniflre 
chargé  de  la  caifTè  des  impôts  fur  la  foie  , 
les  perles  ,  les  aromates  &  autres  marchan- 
difes  précieufes.  Son  pouvoir  étoit  grand  ; 
il  ne  rendoit  compte  qu'à  l'empereur.   Le 
gouvernement  d'Egypte  étoit  attaché  à  fa 
dignité.   On  le   défignoit  auffi  quelquefois 
par   comes  rationalis  fummarum.    Cornes 
aerariiy  ou  comes  largitionum  ;  une  efpece 
d'intendant  des  finances ,  le  garde  de  leurs 
revenus  ,   &:    le    diflributeur  de  leurs  lar- 
gefîès.  Comes  Africx  ou  dux  limitaneus  y 
un  gouverneur  en  Afrique  des   fortereifes 
&    places    frontières  ;    il  commandoit    à 
feJze  fous-gouverneurs.    Comes  Alanus  , 
le  chef  d'une  compagnie  de  fbldats  Alains  ; 
il    étoit    fubordonné    au    magijîer   mili- 
tum.  Comes  annonce.  ,  un   ofÉcier   chargé 
par  l'empereur  de  l'approvifionnemcnt  & 
de  la  fubfift'ance  générale  de   Conflantino- 
ple.  Comes  archiatrorum  facri  palatii  y  un 
chef  des  archiâtres  du  facré  palais  ,  ou   le 
premier  médecin  de  l'empereur  ;  il  fut  du 
premier  ,   du    fécond ,     ou    du    troifieme 
ordre ,  félon  le  plus  ou  le  moins  de  crédit 
qu'il  eut  auprès  du  prince.  Comes  Argen- 
toratenfis  ,  un  commandant  de  la  garnifon 
de  Strasbourg.  Comes  auri ,  un   garde  de^ 
la  vaiiTelie  d'or  <k  d'argent  de  l'empereur , 
ou  un  officier  chargé  de  mettre  en  or  l'ar- 
gent des  coffres  de  l'empereur;  on  l'appel- 
loit  aulll,  le  diredeur  fcrinii  aureœ  majf<& y 
ou  un  infpedeur  général  des  mines.  Cornes 
Britannice  y  celui  qui   commandoit  fur  les 
côtes  de  cette  province  pour  les  Romains  ; 
il  s'appeiloit  9XiS\comes maritimi trxcfàs y  co^ 
mes  littorisSaxonici  nerBritanniam.  Cornes 


752  cou 

buccinatorttm  y  un  chef  des  trompettes ,  un 
infpecteur  &:  juge  de  cette^  troupe.  Cornes 
cajîrenjis  ,  un  chef  des  officiers  de  cuifine 
ou  un  pourvoyeur  général  du  camp  ;  ou 
dans  àQs  temps  plus  reculés  ,  un  -(eigneur 
d'un  château  fortifié.  Cornes  cataphracîanus y 
un  chef  des  cuirailiers.  Comescivitatis^  le  pre- 
mier magiftrat  d'une  ville.  Cornes  clibana- 
rius  y  le  même  quQ  cataphi aâarius .  Cames 
commerciorum  y  un  infpcdeur  général  du 
commerce  \  il  avoit  fous  lui  les  intendans 
du  commerce  de  l'Orient ,  de  l'Egypte  , 
de  la  Méfie ,  de  la  Scythie  ,  du  Pont ,  & 
de  l'Illyrie  ;  ils  vdlloient  tous  aux  impor- 
tations ,  exportations  yg^^c.  &  ils  étoient 
foutenus  dans  leurs  fondions  par  une  mi- 
lice pai-riculiere.  Cornes  [facri  conjifiorii  , 
un  officier  de  confiance  de  l'empereur  ;  il 
aiïiftoit  à  la  réception  àts  arabafladeurs  , 
il]  avoit  place  au  confeil,  lors  même  qu'on 
y  déiibéroit  des  affaires  les  plus  lècrettes  : 
ce  corme  fîit  du  premier  ordre.  Cornes  con- 
tariorum ,  un  chef  des  piquiers.  Cornes 
difpojinonum  ,  un  minillre  de  la  guerre  ; 
il  avoit  fa  caifïe ,  dont  il  étoit  appelle  prin- 
ceps  fui  fcrinii  y  in  capite  conflitinus y  prior 
in  fcrinio.  Cornes  dôme flicorum y  un  chef  des 
gardes  de  l'empereur  :  fa  fonâion  en  paix 
&  en  guerre  étoit  de  veiller  à  la  perfonne 
de  l'empereur  ,  fans  s'en  éloigner  :  il  abula 
quelquefois  de  fa  place.  Il  y  avoit  des  gar- 
der domefliques  à  pié  &  à  cheval ,  on  ap- 
pelloit  ceux-ci /?roff^or^j-^  &  on  les  com- 
prenoit  fous  le  nom  de  prcctoriani.  Cornes 
domorum  y  un  infpe<fl:eur  des  batimens 
royaux  ;  il  portolt  en  Cappadoce  le  nom  de 
cornes  domûs  divincc.  Cornes  (quorum  regio- 
Tum  ,  un  grand  écuyer  de  l'empereur.  Cornes 
excubitorum  y  un  chef  des  gardes  de  nuit. 
Cornes  exercitûs  y  cornes  rei  militaris  y 
un  général  d'armée.  Comes  fœderatorum  y 
un  chef  des  foldats  étrangers  &  dts  fou- 
doyés.  Comes  formarum  ,  un  infpedeur  des 
?.queducs  ;  on  l'appelloit  aufli  œdilis ,  ou 
curator  formarum.  Forma  fignifioit  une 
charpente  deffinée  à  foutenir  un  canal  de 
fcrique  ou  de  pierre.  Cet  infpedcur  étoit 
fubordonné  ^uprœfeciuswhis.  Comes  gildo- 
niaciy  un  infpeâeur  des  domaines  que  Gildo 
poffédoit  en  Efpagne  ,  &  qu'il  perdit  avec 
la  vie  ;  il  étoit  fubordonné  au  comes  rerum 
jfrivawnim.  Cojjus  horreorum,\xn  infpe^eur 


C  O  M 

des  greniers.  Comes  Italice ,  le  gouverneur 
des  frontières  de  l'Italie.  Comes  Italicianus 
ou  C '..Uicanus y  le  tréforier  de  la  chambre 
des  domaines  des  Gaules  &  d'Italie  ;  on 
l'appel  la  quelquefois  comes  largitiônum,  , 
quand  fon  difirid  fut  borné  à  un  diocefe. 
Comes  largitionum  comitatenjlum  y  un  tré- 
forier de  l'empereur  ,  &  un  difiributeur  de 
fês  bienfaits  privés  ;  il  le  fuivoit  en  voyage  ; 
(es  commis  s'appelloient  largitionales  cemi- 
tatenfes  y  de  largitionibus  y  de  privatis  ,  de 
facris  y  de  comitatenjibus  y  &c.  (ynonyraes 
entre  eux,  comme  largitioy  œrariumyfifcusy 
&c.  Comes  largitionum  pi  ii'aturum,  un  con- 
trôleur des  revenus  perfbnnels  &  propres  de 
l'empereur ,  &  dont  il  ne  devoit  aucun 
compte  à  l'état  ;  (es  fubalternes  s'appel- 
loient rationales  reiprii'atce  ;  leur  chef  por- 
toit  le  nom  de  proefeclus  ou  procurator  rei 
privatce  ;  A  veilloit  aux  bona  caduca  ,  vaga 
municipia,^  c.  Comeslargitionumfacrarum^ 
un  contrôleur  dts  finances  deffinées  aux 
charges  de  l'état ,  comme  les  honoraires  dts 
magjllrats ,  la  paie  des  militaires,  ^c.  on 
l'appelloit  quelquefois  co/nej-/j<:mrz//7Z ,  co^ 
mes  largitionum  y  comes  facrarum  rémunéra- 
tionum.  Il  régloit  les  affaires  du  fifc  ;  il  en 
faifoit  exécuter  les  débiteurs  ;  il  fournilîbit 
à  l'entretien  des  édifices  publics  ;  il  avoit 
un  dillrid  très-étendu  ;  il  jugeoit  à  mort  ; 
il  connoifloit  des  trélors  trouvés ,  des  im- 
pôts ,  des  péages ,  du  change ,  des  répara- 
tions ,  des  confifcarions  ,  Ùc.  Comes  legumy 
un  profefleur  en  droit.  Comes  limitis  ou  Hmi- 
taneus,  un  gouverneur  de  forterefles  limitro- 
phes. Comes  marcarum  ,  le  même  que  limi- 
taneus.  Comes  maritimœ^un  gouverneur  des 
côtes  ;  Ces  fubalrernes  s'appelloient  rices-co^ 
mites  maritimœ,C  ornes  matrona^un  officier 
chargé  d'accompagner  une  femme  ou  une 
fille  ;  c'étoit  une  imprudence  que  de  n'en 
pc  int  avoir.  Comes  metallorumperlllyricum^ 
un  infpedeur  des  mines  de  ce  pays  ;  il  étoit 
{ourmsmicomes  largitionum  facrarum. Comes 
notariorum  ,  un  chef  des  gens  de  robe  ,  au- 
trefois un  chancelier. Cowej-  numeri  cohortis^ 
un  chef  d'une  troupe  de  fix  compagnies  de 
foldats  qu'on  appelloit  numerus .Comes obfe- 
quii ,  un  maréchal-des-logis  de  l'empereur 
en  voyage.  Comes  ojficiorum,  le  chef  de  tous 
les  officiers  fervans  au  palais  de  l'empereur. 
Comes  Orientisj  un  vicergérent  duprafec/us 

pratorii 


C  O  M 

firatoru  Orienùs  ;  Il  s'appelloit  ^vS^prafes 
Oriemis.  Cornes  pagi ,  un  bailli  d'un  village. 
Cornes portuum  ,  un  infpedeur  des  ports  , 
(ur-tout  de  Rome  &  de  Ravennes.  Cornes 
palatinus  ,  ou  cornes  â  latere  ,  un  juge  de 
toutes  les  aiiaires  qui  concernoient  l'empe- 
reur ,  fès  officiers  ,  fon  palais  ,  la  maifon  ; 
c'efl:  delà  que  defcendent  les  princes  pala- 
tins d'aujourd'hui,  &  [ts  comtes  palatins.  Il 
yavoit  quatre  princes  palatins  ,  un  en  Ba- 
vière ,  un  en  Suabe  ,  un  en  Franconie,  & 
un  en  Saxe ,  il  n'en  refte  que  deux  ,  qui 
ont  coniervé  le  vicariat  de  l'empire.  V^oy.  c/- 
ûjDr^j  Comtes  Palatins,&cz  Palatins 
Tamc/e  Princes  Palatins.  Comejpam- 
moniifacri  ,  contrôleur  des  revenus  propres 
de  l'empire  ;  il  ëtoit  lubordonné  au  cornes 
pnvatarum  domûs  divince.  Cornes prœfens y 
un  chef  des  gardes  de  iervice.  Cornes  provin- 
ciœ ^o\x  recior prov'mci<z  y  un  gouverneur  de 
province  ;  il  étoit  comte  du  premier  ordre;  il 
commandoitles  troupes  en  guerre  ;  il  jugeoit 
à  mort  pendant  la  paix  :  les  landgraves  de 
l'Allemagne  y  font  remonter  leur  origine. 
Cornes  reimilitarisÇeu  exercitûs  ou  militum, 
un  général  chargé  de  la  confervarion  d'une 
province  menacée  de  guerre.  Comes  rei pri- 
vâtes ^  ou  rerum  priratarutm,  ou  largitionum, 
voyez  plus  haut.  Comes  remiinerationum  fa- 
cmnim  ,  voyez  plus  haut.  Comes  riparum  ^ 
alvei ,  ou  plus  anciennement  curator  alvei  , 
un  infpeôeur  du  Tibre  ;  il  étoit  fubordonné 
au  préfet  de  la  ville.  Comes  fagittarius  ,  un 
chef  d'archers  :  ces  archers  faifoient  partie 
de  la  garde  achevai  de  l'empereur.  Cav^fj- 
fcholœ  ,  un  chef  de  claiîe  :  les  officiers  du 
palais  étoient  diflnbués  en  claffes  ;  il  yavoit 
celles  des  cutariorum  ^  des  vexillariorum , 
àçsjî'entiariorum^  des  exceptorum,(^es  char- 
tulariorum  y  &c.  Ceux  qui  compofoient  ces 
clafles  fe  nommoient  fcholares  ;  &  leurs 
chefs  ,  comités  fcholarum.  Ils  étoientfubor- 
donnés  au  magifter  officiorum.  Comes  va- 
cans  ,  un  officier  vétéran.  Comes  vejliaii^  un 
garde  du  linge  de  l'empereur  ;  il  s'appelloit 
auiiî  lineœ  l'eJJis  magifler  :  il  étoit  lous  le 
comes  largitionum privatarum. 

Tous  CQs  comtes  jettent  beaucoup  d'obf- 
curité  &  d'embarrasidans  les  auteurs  du  droit 
romain  qui  en  ont  fait  mention.  On  honora 
de  ce  titre ,  outre  1^  officiers  dont  nous  ve- 
nons de  parler  ,  ceux  qui  avoient  biea  mé- 
Tome  VIlL 


C  O  M  7^1 

rite  de  l*état  ;  comme  des  profefrcurs  «n 
droit  qui  avoient  vingt-ans  d'exercice.  Dans 
la  bas  de  l'empire ,  le  premier  comte  s'appella 


protocomes. 
* 


Comte  ,  (  Hijl,  mod.  )  U  qualité  de 
comte  diffère  beaucoup  aujourd'hui  de  ce 
qu'elle  étoit  anciennement  :  elle  n'efl  ni  auiS 
importante  qu'au  temps  des  premiers  comtes 
de  la  nation  ,  nitiuffi  commune'  qu'au  temps 
àts  premiers  comtes  de  l'empire. 

Le  comte  que  les  Latins  appelloient  comes 
à  <:ommeanda  ,  ou  à  comitando ,  que  les 
Allemands  appelloientgrao/",  que  les  anciens 
Saxons  ont  appelle  eoldermati ,  que  les  Da- 
nois nomment  ear/wj^,  &  les  Anglois  earl^  efl 
parmi  nous  un  homme  noble  qui  poffede 
une  terre  érigée  en  comté ,  &  qui  a  droit  de 
porter  dans  fes  armes  une  couronne  perlée  , 
ou  un  bandeau  circulaire  orné  de  trois  pier- 
res précieufes ,  &  furmonté  ou  de  trois 
groffes  perles  ,  ou  d'un  rang  de  perles  qu  î 
fe  doublent  ou  fe  triplent  vers  le  milieu  & 
le  bord  (upérieur  du  bandeau  ,  ôc  font  plus 
élevées  que  les  autres. 

Ce  titre  d'honneur  ou  degré  de  noWefle  , 
cft  immédiatement  au  delîiis  de  celui  de  vi- 
comte ,  &  au  deflbus  de  celui  de  marquis. 

Les  empereurs  firent  des  premiers  comtes 
de  leurs  palais  ,  des  généraux  d'armées  ,  & 
àts  gouverneurs  de  provinces.  Ctux  qui 
avoient  été  vraiment  comtes  de  l'empereur 
avant  que  de  pafTerà  d'autres  dignités,  re- 
tinrent ce  titre  :  d'où  il  arriva  que  ceux  qui 
leur  fuccéderent  dans  ces  dignités ,  fe  firent 
appeller  co/;:^^ j',  quoiqu'ils  ne  l'eufTent  point 
été  réellement.  Les  anciens  comtes  du  palais, 
fous  \qs  empereurs ,  s'appeiloient  d'abord 
comités  &  magiflri  ;  ils  fupprimerent  dans  la 
'  fuite  le  magiflri.  Dans  ces  temps  les  ducs 
n'étoient  diflingués  Acs  comtes  que  par  la 
nature  de  leurs  fondions.  Les  comtes  éto'iQnt 
pour  les  affaires  de  la  paix  ;  les* ducs  pour 
celles  de  la  guerre.  La  grande  diflindion 
qui  exille  maintenant  entre  ces  dignités  , 
n'eil  pas  fort  ancienne. 

Les  François,  les  Allemands,  £'<:.  en  fe 
répandant  dans  les  Gaules  ,  n'abolirent  point- 
la  forme  du  gouvernement  romain  ,  &  cpn- 
fcrverent  les  titres  de  comtes  i^  àcduesqnQ 
portoient  les  gouverneurs  de  provinces  & 
de  villes.  Sous  Charlcmagne  ,  les  comtes 
étoient  gouverneurs  &  juges  àes  villes  & 

GgSSS 


des  provinces.  Les  comtes  qui  jugeoient  & 
gouvernoient  des  provinces  ,  fupérieurs  des 
.comtes  qui  ne  jugeoient  &  ne  gouvernoient 
que  des  villes ,  étoient  les  égaux  des  ducs 
qui  ne  jugeoient  &  gouvernoient  des  pro- 
vinces que  comme  eux  ,  &  qui  étoient  pa- 
reillement amovibles. 

Ce  fut  fous  \qs  derniers  de  nos  rois  de  la 
féconde  race ,  que  ces  feigneurs  rendirent 
leurs  dignités  héréditaires  ;  ils  en  uiurperent 
même  la  fouveraineté  ,  lorfque  Hugues 
Capet ,  qui  en  avoit  fait  autant  lui-même 
pour  le  duché  de  France  &  le  comté  de  Paris, 
parvint  à  la  couronne.  Son  autorité  ne  fut 
pas  d'abord  alïèz  affermie  pour  s'oppofer  à 
cts  ufurpations  ;  &  c'eft  delà  qu'eft  venu 
le  privilège  qu'ils  ont  encore  de  porter  une 
couronne  dans  leurs  armes.  Peu-à-peu  les 
comtés  font  revenus  à  la  couronne ,  &  le 
titre  de  comte  n'a  plus  été  qu'un  titre  accordé 
par  le  roi ,  en  érigeant  en  comté  une  terre 
où  il  fe  réferve  jurildiftion  &  fouveraineté. 

D'abord  la  claufe  de  réverfion  du  comté 
à  la  couronne  au  défaut  d'enlans  mâles  ,  ne 
fut  point  mife  dans  les  lettres  patentes  d'é- 
rcâ:ion  ;  mais  pour  obvier  à  la  fréquence  -de 
ces  titres  ,  Charles  IX  l'ordonna  en  I5^4- 
Cette  réverfion  ne  regarde  que  le  titre  ,  & 
non  le  domaine  ,  c^ui  paffe  toujours  à  ceux 
à  qui  il  doit  aller  lelon  les  loix  ,  mais  fans 
attribution  de  la   dignité. 

Il  y  a  eu  entre  \qs  marquis  &  les  comtes 
des  contefîations  pour  la  préféance.  On  allé- 
guoit  en  faveur  des  c:o/72f^j- qu'il  y  avoit  àcs 
comtes  pairs  y  &  non  des  m.arquis  ;  cepen- 
dant la  chofe  a  été  décidée  pour  les  marquis  : 
ils  précèdent  les  comtes  ,  quoique  leur  titre 
foit  très-moderne  en  France  ;  il  ne  remonte 
pas  au  delà  de  Louis  XII ,  qui  créa  marquis 
de  Trans  un  feigneur  de  Fillufîre  &  ancienne 
inaifon  de  Villeneuve.  Le  titre  de  marquis 
eft  originaire  d'Italie. 

Comme'  l'on  donnoit  anciennement  le 
nom  de  comte  aux  gouverneurs  de  villes  &  de 
provinces  ,  dqnt  une  des  fondions  étoit  de 
conduire  la  nobleffe  à  l'armée  ,  &  que  quel- 
ques capitaines  prirent  le  même  titre  ,  fans 
y  être  autorifés^  par  un  gouvernement  de 
rilie  ou  de  province  j,  on  fit  dans  la  fuite  du 
nom  de  comte  celui  de  comité  ,  qui  eft  refîé 
â  ceux  qui  commandent  les  forçats  fur  nos 
galères  ;  on  fit  auffi  celui  de  vicomte ,  qui,  de 


C  O  M 

même  que  les  anciens  comtes  étoient  juges 
dans  leurs  villes  ou  provinces  ,  font  refîés 
juges  dansquelques-unes  de  la  Normandie  » 
&  ailleurs  ;  à  Paris  même  ,  le  prévôt  de  la 
ville  délégué  par  le  comte ,  eil  encore  juge 
dans  le  vicomte  de  Paris. 

Nos  ambalfadeurs  &  plénipotentiaires 
font  dans  l'ufagede  prendre  le  titre  de  comte ^ 
quoiqu'ils  n'ajent  point  de  comté  ;  ils 
croient  ce  relief  néceflaire  pour  avoir  dans 
le  cours  de  leur  négociation  ^  un  degré  de 
confidération  proportionné  à  l'importance 
de  leurs  fondions. 

En  Angleterre  ,  on  appelle  comtes  les  fils 
des  ducs  ,  &  vicomtes  les  fils  des  comtes. 
Le  titre  de  comte  s'éteignoit  originairement 
avec  celui  qui  le  portoit.  Guillaume  le  con- 
quérant le  rendit  héréditaire ,  en  récora- 
penfa  quelques  grands  de  fa  cour  ,  l'annexa 
à  plufieurs  provinces  ,  &  accorda  au  comte 
pour  fourenir  (on  rang  ,  la  troifieme  partie 
des  deniers  des  plaidoieries  ,  amendes  ,  con- 
fi (cations  ,  &  autres  revenus  propres  du 
prince  ^  dans  toute  l'étendue  de  fbn  comté. 
Cette  forame  fe  payoit  par  l'échevin  de  la 
province.  Aujourd'hui  les  comtes  font  créés 
par  chartre  ;  ils  n'ont  ni  autorité  ,  ni  reve- 
nus dans  les  comtés  dont  ils  portent  les 
noms  :  le  titre  de  comte  ne  leur  vaut  qu'une 
penfion  honoraire  fur  l'échiquier.  Le  nom- 
bre des  comtes  étant  devenu  plus  grand  que 
celui  des  comtés  proprement  dits  ;  il  y  en  a 
dont  le  comté  efi:  défigné  par  le  nom  d'une 
portion  diftinguée  d'une  province  ou  d'un 
autre  comté  ,  par  celui  d'une  ville  ,  d'un 
village,  d'un  bourg  ,  d'un  château,  d'un  parc. 
Il  y  a  même  deux  comtes  ians  nom  de  terre  ; 
\(^comte  de  Rivers,  &  le  Comte  Poulet.  Il  y  a 
une  charge  qui  donne  le  titre  de  comte-maré- 
chal  V.  ci-après  COMTE-MARÉCHAL. 

La  cérémonie  de  création  de  comte  fè  fait 
en  Angleterre  par  le  roi ,  en  ceignant  l'épée , 
mettant  le  manteau  fur  l'épaule ,  le  bonnet 
&  la  couronne  fur  la  tête  ,  &  la  lettre  pa- 
tente à  la  main  ,  à  celui  qui  eft  créé  ,  que  le 
roi  nomme  confanguineus  nofler)  mon  cou- 
fm,  &  à  qui  il  donne  le  titre  de  très-haut  Ù 
très-noble  feigneur.  Les  perles  de  la  couronne 
du  comte  anglois  font  placées  fur  des  pointes 
&  extrémités  de  feuillages.  On  y  fait  moins 
de  façon  en  France.  Lorfque  la  terre  efl  érigée 
en  comté  par  lettres  patcates,  le  titulaire  & 


C  O  M 

là  poftérité  légitime  prennent  le  titre  c^e 
comte  y  {ans  autre  cérémonie  que  les  enrégif- 
tremens  requis  des  lettres  d'éredion. 

*  Comte-maréchal  ,  (-^(^.  mod.) 
c'eil  en  Angleterre  un  officier  de  la  cou- 
ronne. Il  avoit  anciennement  plufieurs  tri- 
bunaux ,  tels  que  la  cour  de  chevalerie , 
prefqu'enfevelie  dans  l'oubli,  &  fa  cour 
d'honneur  qu'on  a  rétablie  depuis  peu.  Il 
juge,  à  la  cour  delà  maréchauffée  ,  les  cri- 
minels pris  dans  les  lieux  privilégiés.  L'offi- 
oier  immédiatement  fous  le  comte-mare- 
chai ,  s'appelle  chei-'alier. -maréchal.  Le  col- 
lège des  hérauts  d'armes  efl  fous  la  jurifdic- 
tion  du  comte.  Cette  dignité  efl  héréditaire 
dans  la  famille  de  Howard.  La  branche  prin- 
cipale en  efl  maintenant  revêtue  ;  mais  des 
raifons  d'état  n'en  permettent  l'exercice  que 
par  députés. 

'^Comtes  de  Lyon,  de  Brioude  , 
DE  Saint-Pierre  DE  Maçon  jèc.  ce 
font  des  chanoines  décorés  de  ce  titre,  parce 
qu'anciennement  ils  étoient  feigneurs  tem- 
porels des  villes  où  leurs  chapitres  font 
fitués.  Nos  rois  ont  retiré  la  plupart  de  ces 
feigneuries,  &  n'ont  laiffc  que  le  nom  de 
comtes  aux  chapitres.  Il  n'y  a  plus  que  quel- 
ques prélats  ,  comme  les  comtes  Ù  pairs ,  à 
qui  il  refle ,  avec  le  titre  ,  des  droits  feigneu- 
riaux  ,  mais  fubordonnés  à  ceux  de  la  fbu- 
veraineté. 

L'ordre  des  Comtes  de  Lyon  fut  inflitue 
par  le  roi  en  vertu  des  lettres-patentes  de 
fa  majeflé  ,  données  à  Verfailles  au  mois 
de  mars  1745  ,  regiflrées  au  parlement  le 
7  avril   fuivant. 

La  marque  de  CQt  ordre  efl  une  croix  à 
huit  pointes,  émaillées  de  blanc,  bordées 
d'or  ;  quatre  fleurs-de-lis  d'or  dans  les  an- 
gles aigus  ;  quatre  couronnes  de  comtes  , 
d'or ,  à  neuf  perles  d'argent  fur  angles 
obtus  ;  au  centre  efl  l'image  de  faint  Jean- 
Baptifle  ,  pofée  fur  une  terrafTe  de  fynople,, 
avec  cette  légende  ,  prima  fedes  Galliarum\ 
au  revers  de  la  crt)ix  efl  la  repréfentation 
du  martyre  de  faint  Etienne ,  avec  la  légende 
€cclejice  comitum  Lugduni.  {G.  D.  L.  T.) 

Comtes  Palatins,  {Jurifpr.  &  Hifi.) 

ïl  y  a  dans  l'Empire  un  titre  de  palatin  qui 
n'a  rien  de  commun  avec  celui  des  princes 
palatins  du  Rhin  ;  c'efl  une  dignité  dont 
l'empereur  décore  quelquefois  des  gens  de 


C  O  M  79  j 

lettres  :  on  les  appelle  comtes  palatins  ;  & 
félon  le  pouvoir  que  leur  donnent  les  lettres 
patentes  de  is'empereur  ,  ils  peuvent  donner 
le  degré  de  dodeur  ,  créer  des  notaires  y, 
légitimer  des  bâtards  ,  donner  des  couron- 
nes de  laurier  aux  poètes  ,  annoblir  des  ro- 
turiers ,  donner  des  armoiries  ,  autorifer 
des  adoptions  &  des  émancipations  ,  accor- 
der des  lettres  de  bénéfice  d'âge  ,  &c.  mais 
cette  dignité  de  comte  efl  vénale  &  s'accor- 
de facilement  ;  on  fait  aufïî  peu  de  cas  de 
ce  qui  efl  émané  de  ces  comtes.  Les  papes 
font  aufîi  de  ces  comtes  palatins.  Jean 
Navar ,  chevalier  &  comte  palatin  ,  fut 
condamné  par  arrêt  du  parlement  de  Tou- 
loufe ,  prononcé  le  2,5  mai  1462  ,  à  faire 
amende  honorable  &  demander  pardon  au 
roi  pour  les  abus  par  lui  commis  ,  en  oc- 
troyant en  France  des  lettres  de  légitima- 
tion ,  de  notariat  ,  &  autres  chofec  dont 
il  avoit  puifîânce  du  pape  ;  ce  qui  étant 
contraire  à  l'autorité  du  roi,  le  tout  (ut 
déclaré  nul  &  abufif.  Vojei  le  tableau  de 
l'empire  germanique ,  page  loy.  ^  les 
arrêts  de  Papon  ,  page  2.4.8.  {A) 

*  COMI'E ,  f  m.  {Hift.  anc.)  L'Em- 
pire fut  divifé  fous  Conflantin  en  deux  dé- 
partemens  appelles  comitatus  ;  ainii  le  mot 
comté  n'a  pas  dans  cet  article  une  acception 
relative  au  mot  comte^  Hift.  anc.  Ces  com- 
tés étoient  des  confeils  dont  les  préfets 
s'appelloient  comités.  Il  y  ea  a  cependant 
qui  font  remonter  l'origine  de  nos  comtes  à 
ces  préfets. 

Comté  ,  {Hifi.  mod.)  fignifîe  le  domai- 
ne d'un  feigneur  qualifié  du  titre  de  comte» 
Voyei  Comte.  || 

En  Angleterre  le  mot  de  comté  efl  fyno- 
nyme  à  celui  de  shire  :  or  une  shire  efl  une 
52^.  partie  du  royaume  d'Angleterre  ,  y 
compris  la  province  de  Galles  ,  le  royaume 
ayant  été  divifé  en  52-  portions  ,  pour  en 
rendre  le  gouvernement  plus  facile ,  &  l'ad- 
miniflration  de  la  juflice  ,  dans  les  diffé- 
rentes provinces,  plus  ponduelle  &  mieux 
réglée. 

Ces  comtés  font  fubdivifés  en  râpes  , 
comme  l'efl  celui  de  Sulîex  ,  ou  en  lathes , 
ou  en  wapentakes  ,  ou  en  hundreds^  c'efl-à- 
dire  en  centaines  ;  &  ces  portions  de  com," 
tés  en  dixaines. 

On  nomme  tous  les  ans ,  A  la  S.  Michel, 
Ggggga 


79^  C  O  M 

des  officiers  appelles  shérif:^  pour  la  manu- 
tention des  loix  dans  ces  différentes  comtés'^ 
excepté  celles  de  Cumberlandf  de  Wefl- 
Morland  ,  &  de  Durham. 

Cet  officier  a  deux  font^ions  diffierentcs  ; 
l'une  de  fimple  exécuteur  des  ordres  qui 
lui  font  adrefles  par  l^^i  cours  de  juftice  ; 
l'autre  5  de  préfider  lui-même  A  deux  ditFé- 
rens  tribunaux  ,  dont  l'un  s'appelle  U  fea/ice 
du  shérif,  l'autre  la  cour  de  la  comte.    . 

Les  autres  officiers  des  différeos  comtés  ^ 
font  un  lord-lieutenant  ,  qui  a  le  comman- 
dement de  la  milice  du  comté ,  les  gardes 
àts  rôles  ,  les  juges  de  paix  ,  les  baillis  ,  le 
grand  connétable  ,  &  le  coroner. 

Des  cinquante-deux  comtés  ,  il  y  en  a 
quatre  dillingués  parmi  les  autres  ,  qu'on 
appelle  pour  cette  raifon  comtés  palatins  , 
qui  font  Lancallre  ,  Chefîer  ,  Durham  & 
Ely.  Pembroke  &  Hexam  étoient  autre- 
fois auili  ^Qs  comtés  palatins^  celui-ci  appar- 
tenoit  à  l'archevêque  d'York ,  &  a  été  dé- 
membré de  fon  domaine  &  dépouillé  de 
fon  privilège  fous  le  règne  d'Elil'abeth  ,  & 
p'efl  plus  à  préfent  qu'une  portion  du  comté 
de   Northumberland. 

Les  gouverneurs  en  chef  de  ces  «>m/f  j 
palatins  par  conceffion  fpéciale  du  roi , 
adreffoient  aux  officiers  du  comté  toutes  les 
ordonnances  en  leur  nom,  &  adminiftroient 
•îa  juftice  d'une  manière  auffi  abfolue  que 
le  roi  lui-même  dans  les  autres  comtés^  fi 
ce  n'efl  qu'ils  le  reconnoilTbient  comme 
leur  maître  :  mais  Henri  VIII  modéra 
cette  étendue  de  pouvoir.  T^oye-{  PalATI- 
NAT.    Chambers.  (  G  ) 

N'oublions  pas  d'obf^'er  que  le  mot 
comté  eft  quelquefois  féminin  ;  on  dit  la 
Franclie-^o;;2r^'  ,  &c.  Tout  cela  dépend  de 
l'ufàge. 

Comtés-Pairies,  (/«r//pr.)  Les  <:o/;2- 

tés-pairies  font  des  grands  fiefs  de  la  cou- 
ronne ,  de  grandes  dignités  de  même  na- 
ture que  les  duchés-pairies ,  &  en  tout  fem- 
blables  à  ces  d'erniers  excepté  par  le  nom, 
&  auxquelles  on  a  attaché  une  jurifdidion 
femblable  à  celle  des  duchés-pairies. 

Le  privilège  _  attaché  à  ces  grands  fiefs 
-«11  de  relever  immédiatement  de  la  cou-^- 
rorine  ;  car  il  ne  peut  pas  exiiler  de  pairie 
Jîui  ne  (oit  dans  la  mouvance  direde  & 
immédiate  de  la  couronAe ,  à  U  diJQTéreocQ 


CO  N 

6csco/ntésCunp\es  ou  du  fécond  ordre  ,  mais 
qui  ne  font  point  pairies  ,  &  parmi  lefquel- 
les  il  peut  y  en  avoir  qui  ne  relèvent  ni  du 
roi  ni  de  la  couronne. 

Il  y  a  eu  dans  le  royaume  un  grand  nom- 
bre de  comtés-pairies  dont  les  unes  ont  été 
éteintes ,  d'autres  érigées  en  duchés-pai- 
ries y  &  quelques-unes  que  Ton  a  fait  re- 
vivre par  de  nouvelles    lettres   d'éredion. 

Il  y  en  a  trois  que  l'on  peut  appeller  ec- 
clejiafiiques  \  elles  font  att^^chées  aux  évê- 
chés  de  Beau  vais  ,  de  Châlons  ,  &  de 
Noyon. 

Les  juflices  de  ces  grands  fiefs  ,  aînfi  que 
celles  des  duchés-pairies  ,  font  toutes  julH- 
ces  royales.  L'éredion  d'une  terre  en  co/n^e- 
paine  mettant  néceiïairement  cette  terr« 
dans  la  mouvance  direde  &  immédiate  de 
la  couronne  ,  il  feroit  abfurde  que  la  juilice 
attachée  à  une  dignité ,  à  un  fief  de  cette 
nature  ,  fût  feigneuriale.    VoycT^  JUSTICE 

6"  Pairie.  {A) 

*  COMUS  ,  f  m.  {Myth.)  dieu  àes 
feflins.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  c'étoit 
le  même  que  le  chamos  des  Moabites  ,  ou 
beelphegor  ou  baalpéor  ,  Priape  &  Bacchus. 
On  le  repréfentoit  fous  la  figure  d'un  jeune- 
homme ,  le  vifage  rouge  &  échauffé  ,  la 
tête  panchée  &  l'air  alToupi  ,  appuyé  du 
côté  gauche  far  un  dard  de  chaflèur  ,  te- 
pant  de  la  main  droite  un  flambeau  renver- 
fé  ,  &  la  tête  couronnée  de  fleurs.  On  pla- 
çoit  fà  flatue  à  l'entrée  de  l'appartement  de 
l'époux  &  de  la  nouvelle  mariée  ;  (on  pié- 
d'effal  étoit  jonché  de  fleurs.  Il  y  en  a  qui 
font  venir  le  mot  comédie  de  cornus  ,  &  qui 
croient  que  no/j^iav  ,  eft  la  même  chofè 
que  como  digna  cancre.  Cette  étymologie  eft 
d'autant  mieux  fondée  ,  que  ce  fut  dans  des 
feftins  que  l'on  joua  les  premières  farces  y 
qui  perfedionnées ,  produifirent  la  comé- 
die telle  que  nous  l'avons,  V^oy.  CoMÉDIE. 

COMUS,  {Mufiq.  des  anc.)  nom  d'un 
air  de  danfe  àes  anciens.  (-F.  D.  G.) 

CONANI-FRANC;f  m.  (  Bifloire  nat. 
Botaniq.)  on  konani  ou  konami^  nom  que 
les  Caraïbes  donnent  à  un  arbriffeau  que  les 
habitans  de  Cayenne  appellent/eu///^  à  eny-- 
j-'rer.  Bafrere  fa  indiqué  dans  jfon  catalogue 
des  plantes  de  la  France  équinoxiales ,  page 
50,  fous  la  dénominaton  ^eupatorium  arbo-» 
rejccns  venenatum^^orihus  albis  glomerati^ 


CON  CON 

Cet  nrbrifireau  s'élève  à  la  hautêuf  de  cinq 
à  fix  pies ,  il  a  les  feuilles  oppofées  en- 
tières ,  les  têtes  ou  enveloppes  des  fleurs 
ralTemblées  aux  aiflTelles  des  feuilles  y  l'en- 
veloppe des  fleurs  fimple ,  comporée  de 
cinq  à  l'ept  feuilles  larges  ,  &  radiée  y  c'efl- 
â-dire  ,  contenant  au  centre  plufieurs  fleurs 
hermaphrodites  blanches,  à  fleurons  de  qua- 
tre à  cinq  dents  &  quatre  à  cinq  étamines,  & 
dans  fon  contour  plufieurs  fleurs  femelles 
demi-fleuronnées  ,  blanches ,  aufli  à  trois 
dents  ,  fans  étamines  ,  toutes  portées  fur 
un  ovaire  couronné  d'un  calice  à  deux  ou 
trois  foies ,  &  iéparées  les  unes  des  autres 
par  des  écailles  larges  ,  qui  rempliflent  le 
fond  de  l'enveloppe  ou  du  calice  commun. 

Culture.  Le  co/jani  croît  communément 
au  bord  des  rivières  à  Ca}  enne ,  d'où  ia 
graine  efl  portée  dans  les  jardins  qui  en  font 
pour  l'orainaire  remplis. 

Qualités.  Cette  plante  a  une  faveur  pi- 
quante &  amere  ,  qui  la  rend  véniraeufe 
pour  les  poillons. 

Vfages.  Les  Caraïbes  profitent  de  cette 
propriété  pour  enivrer  les  poifîbns  ;  pour 
cet  effet  ils  en  pilent  la  feuille  fur  une  pierre 
ou  dans  un  trou  ,  puis  la  jettent  dans  l'eau 
dormante;  fl  l'eau  ^fl  courante,  ils  font 
vers  les  bords  du  rivage  un  trou  dans  lequel 
ils  agitent  le  marc  jufqu'à  ce  que  l'eau  en 
devienne  favonneufe.  Le  poiifon  qui  vient 
à  nager  dans  cette  eau  efl  enivré  ou  plutôt 
aftedé  au  point  que  fa  veflie  d'air  ne  pou- 
vant plus   renouveller  l'air  ,  ni   le  poufler 

au-dehors  ,  il  furnage  &  meurt  bientôt  ^lus  le  même  depuis  l'établiflement  du  pré- 
après;  cepoifon  n'a  d'effet  que  fur  le  poifîcj' ^5"  '•-^ial.  Tous  les  ans  ils  obtenoient  un  arrêt 
fans  que  les  hommes  en  foient  abl'olunà^  '''"^•'equête  du  parlement  de  Paris  avant 
incommodés,  &   ils  mangent  ces  poiiTons^  i»- '-^-'^^t^Âflement  de   celui   de  Rouen  ,  &:  de 


197 

fait  de  cette  plante  ,  qu'elle  efl  une  elpece 
à'ukakoii  dont  le  genre  vient  natnreliemcac 
près  du  bidens  dans  la  dixième  feâion  d^ 
la  famille  des  plantes  compofées  ,  où  nous 
l'avons  placé.  Voy  .ï\os  familles  des  plantes  , 
volume  II,  page  i  j  zJftM.  Adanson\) 

CONARDS  ou  cdBjARDS  ,  fub.  m, 
plur.  nom  d'une  ancienne  fociété  qui  fub- 
lifloit  autrefois  dans  les  villes  d'Evreux  & 
de  Rouen ,  &  qui  y  a  fleuri  pendant  plus 
d'un  fiecle.  L'objet  de  cette  compagnie  étoit 
ridicule  ,  &  reflembloit  alfez  à  celle  des 
fous  &  de  la  mère  folle  de  Dijon. 

Le  premier  but  cependant  étoit  de  cor- 
riger les  mœurs  en  riant  ;  mais  cette  liberté 
ne  demeura  pas  long-temps  dans  les  bornes 
qu'elle  s'étoit  prefcrites  ;  &  les  railleries,  ou* 
pour  mieux  dire  les  fatyres  ,  devinrent  fi 
lànglantes ,  que  l'autorité  royale  ,  de  con- 
cert avec  la  puiffance  eccléfiaftique ,  détrui- 
fit  cette  compagnie.  On  appelloit  le  chef 
Vabbé  des  couards  ou  des  cornards.  Cette 
place  ,  qu'on  n'obtenoit  qu'à  la  pluralité  des 
voix  ,  étoit  fort  enviée  ,  comme  on  le  voit 
par  deux  vers  de  ce  temps-là  : 

Conards  font  les  Bufots  6'/2on  /ej- Rabillis, 

O  fonuna potens  quàm  variabilis  ! 
-  Les  bufots  &  les  'Rabillis  font  deux  fa* 
milles  qui  fubfiftent  encore  à  Evreux  ou 
dans  le  pays  ,  &  qui  avoicnt  fourni  des  ab- 
bés à  la  compagnie.  Les  conards  avoient  droit 
de  jurifdidion  pendant  leur  divertiflement, 
&  ils  l'exerçoient  à  Evreux  dans  le  lieu  où 
ie  tenoit  alors  le  bailliage  ,  mais    qui  n'efl 


avec  autant  de  délices  que  ceux  qui  font 
pris  aux  filets. 

Remarques.  Dans  le  Para  on  trouve  une 
autre  efpece  de  conani ,  dont  l'efl^t  eit  trois 
fois  plus  lent,  &  qui  au  Rapport  de  M. 
Préfontaine  a  été  rapporté  par  les  habitans 
du  Para  chez  les  fauvages  Maillés,  habi- 
tans des  pays  noyés-  d' Y  apoë. 

Le  didionnaire  intitulé  dictionnaire  d'hif- 
toire  naturelle  ,  confond  ces  diverfes  fca-tes 
de  conani. 

Le  conani  n*a  encore  été  rapporté  par 
aucun  auteur  à  fa  famille  naturelle ,  &   il 


ceiui-ci  depuis  le  xvj.  fiecle,  pour  exercer 
leurs  facéties..  Taillcpied,  dans  (on  livre 
des  antiquités  &  fingularités  de  la  ville  de 
Rouen  ,  dit  que  dans  cette  ville  les  conards 
avoient  leur  confrairie  à  Notre-Dame  de 
bonnes-nouvelles  ,  où  ils  avoient  un  bureau 
pourconfulter  de  leurs  affaires  :  "  ils  ontfuc-* 
cédé  ,  dit-il ,  aux  Coque  -  luchiers  ,  qui  fe- 
préfentoient  le  jour  des  rogations  en  diveri»' 
lité  d'habits  ;  mais  parce  qu'on  s'amufbir 
pkitôr  à  les  regarder  qu'à  prier  Dieu ,  cela: 
fut  réfcrvé  pour  les  jours  gras  à  ceux  qui 
jouent  àts  faits  vicieux  qu'on  appelle   vul- 


nûUi»  a  paru  par  l'cxameo  que  nous  avons  [  gisif ement  coiiardi  ou  coroArds  j,  auxqjjej* 


75)§ 


C  O  N 


bbe' 


par  choix  &  éleéHon  prélîde  un  abbé  mi- 
tié ,  crofïfi  ^  ^  cnnchi  die  perles  ,  quand 
folennellement  il  eft  traîné  en  un  charriot 
à  quatre  chevaux  le  dimanche  gras  &  autres 
Jours  de  bachanales  >> .  A  Evreux  on  le  me- 
noit  avec  beaucougade  pompe  ;  on  le  pro- 
menoit  par  toutes  ira  rues  &  dans  tous  les 
villages  de  la  banlieue  ,  monté  fur  un  âne  & 
habillé  grotefquement.  Il  éfoit  fuivi  de  fa 
compagnie  ,  qui  pendant  la  marche  chan- 
toit  des  chanfons  burlefques  moitié  latin 
moitié  François  ,  &  la  plupart  du  temps  très- 
lâtyriques  ;  ce  dernier  excès  fit  fupprimer  la 
compagnie  des  conards ,  dont  la  principale 
fête  le  célébroit  à  la  faint  Barnabe  ;  &  à  fa 
place  Paul  de  Capranic  nommé  à  l'évêché 
d'Evreux  en  1420,  établir  unt  confrairie 
dite  de  S.  Barnabe  y  pour  réparer ,  dit-il , 
les  crimes ,  malfaçons  ^  e^cès  &  autres  cas 
inhumains  commis  par  cette  compagnie  de 
conards  ,  au  déshonneur  &  irrévérence  de 
Dieu  notre  créateur,  de  S.  Barnabe  y  &  de 
fainte Eglife.  Voyez  le  gloj/aire  deDucan- 
ge  y  Ù  lefupplément  de  Moreri.  Il  y  a  dans 
de  vieux  imprimés  des  arrêts  de  l'abbé  dts  co- 
nards ou  des  cornards  j  lorfque  ces  pièces 
miférables  fe  trouvent ,  on  les  acheté  fort 
chèrement.  Quis  leget  hœc  ?  {G) 

§  CONARION  ,  C  Anatomie.  )  glande 
pinéale  des  modernes. 

Cette  glande  cfl  corticale,  elle  a  cependant 
de  la  ^blancheur  à  fa  bafe  ;  elle  eft  placée 
obliquement  de  haut  en  bas  &  de  derrière  en 
devant ,  recouverte  d'un  voile  vafculaire , 
formé  par  la  pie-mere  :  elle  pofe  fur  le^, 
ëminences  jumelles  antérieures. 

Les  petits  filets  médullaires,  parlefqucls 
cette  glande  tient  au  cerveau ,  ne  font  pas 
toujours  aifés  à  voir ,  ils  fe  terminent  à  la 
ligne  blanche  des  couches  optiques ,  &  aux 
couches  elles-mêmes  :  ils  font  plus  gros  dans 
les  quadrupèdes. 

Cette  glande  prétendue  eft  certainement 
un  petit  appendice  du  cerveau  ,  elle  eft: 
corticale,  elle  fournit  de  la  moelle  :  la  glande 
pituitaire  eft  une  autre  glande  de  cette 
efpece ,  la  moelle  qu'elle  produit  ,  eft  ap- 
pellée  entonnoir  ;  dans  les  poifîpns  la  der- 
nière de  ces  glandes  donne  des  branches 
très-vifibles  aux  nerfs  olfadifs, 

Defcartes  a  cru  que  la  glande  pinéale 
fsxÙQ ,  étoli  impaire  dans  le  cerveau  ;  la 


CO  N 

pituitaire  lui  étoit  apparemment  inconnue , 
&  il  n'a  pas  penfé  aux  corps  calleux  ,  à  la 
voûte  ,  aux  deux  commifïùres. 

Elle  ne  fauroit  être  le  fiege  du  principe 
vital ,  elle  manque  à  plufieurs  quadrupèdes  , 
aux  oifêaux  &  à  une  partie  des  poilîbns  : 
l'homme  ,  d'autres  quadrupèdes  ,  &  d'au- 
tres poiflbns  en  font  pourvus  :  une  partie 
du  corps  animal ,  qui  ne  fe  trouve  que  dans 
une  partie  des  animaux  même  les  plus 
compofés ,  ne  fauroit  être  regardée  comme 
un  organe  eflêntiel   à  la  vie. 

La  glande  pinéale  eft  fujette  à  plufieurs 
maladies  ;  elle  s'endurcit  allez  fouvent ,  & 
on  y  trouve  de  petites  pierres.  M.  Mekel 
&  M.  Gun  s'accordent  à  remarquer  que 
ces  concrétions  font  fort  communes  dans 
les  fous.  Elle  s'abreuve  auili  d'eau  &  de- 
vient hydropique.  (  M.  le  Baron  DE 
Haller.) 

CONCA  ,  (  Géog.  mod.  )  rivière  d'Italie 
qui  prend  fà  fource  dans  l'état  de  l'Eghfe  , 
&  fe  jette  dans  le  golfe  de  Venife. 

CONCARNEAUX,  {Géog  mod.)  pçmc 
ville  de  France  en  Bretagne ,  au  pays  de 
Cornouaille. 

CONCASSER  ,  V.  aa.  (  Pharm.  )  c'eft 
réduire  en  poudre  grofliere  ,  ou  même  en 
petits  fragmens  ,  par  le  moyen  du  pilon  ou 
du  marteau ,  les  matières  affez  dures  &  afïez 
caftantes  pour  être  divifées  par  ces  inf« 
trumens. 

La  concajjation  eft  une  de  ces  opérations 
méchaniques ,  que  nous  appellons^r^pam- 
toires.  Celle-ci  eft  employée  dans  l'art  pour 
0t;''Tir  certains  corps,  multiplier  leurs  furfa- 
ces  ,.  &  les  dilpofer  ainfi  à  être  plus  facile- 
ment attaqués  par  difFérens  difîblvans  qu'on 
a  deflêin  de  leur  appliquer ,  foit  qu'on  (e 
propofe  de  les  diffoudre  entièrement  ,  foit 
qu'on  veuille  en  tirer  des  teintures  ou  àts 
extraits. 

C'eft  ainfi  qu'on  concajje  l'antimoine  qu'on 
veut  faire  bouillir  avec  une  leflive  alkaline 
pour  la  préparation  du  kermès  ,  certaines 
racines  ,  femences  &  écorces  dont  on  veut 
faire   la  décodion  ou  l'infufion ,  ^c.  {  b  ) 

CONCAVE  ,  adj.  {Gram  Géom.  Phy 
Jiq.)  fe  dit  de  la  furface  intérieure  d'un 
corps  creux ,  particulièrement  s'il  eft  circu- 
laire. 

Cgncare  eft  proprement  un  terme  rela- 


C   O  N 

îlF:  une  ligne  ou  furface  courbe  concave  vers 
un  côté  ,  eft  convexe  du  côté  oppofé.  Voy. 
Surface,  Convexité,  &c. 

Concaue ,  fe  dit  particulièrement  des  mi- 
roirs &  des  verres  optiques.  Les  verres  <:o/2- 
capes  font  ou  concaves  ats  deux  côtés,  qu'on 
appelle  fimplemenr  concaves  ;  ou  concaves 
d'un  côté  &  pjans^  de  l'autre ,  qu'on  appelle 
plans  concaves  ou  concaves  plans  ;  ou  enfin 
concaves  d'un  côté  &  convexes  de  l'autre. 
Si  dans  ces  derniers  la  convexité  ell  d'une 
moindre  fphere  que  la  concavité,  on  les 
appelle  ménifques\  fi  elle  efl  de  la  même 
fphere  ,  fphérlques  concaves  ;  &  fi  elle  ell 
d'une  fphere  plus  grande  ,  convexe  -  conca- 
ves. Foy^^ Plan  CONCAVE,  ùc. 

Les  verres  concaves  ont  la  propriété  de 
courber  en-dehors  ,  &  d'écarter  les  uns  des 
autres  les  rayons  qui  les  traversent ,  au  lieu 
que  les  verres  convexes  ont  celle  de  les 
courber  en-dedans  &  de  les  rapprocher ,  & 
cela  d'autant  plus,  que  leur  concavité  ou 
leur  convexité  font  des  portions  de  moin- 
dres cercles.  Fqy.  Lentille  &  Miroir. 

D'où  il  s'enfuit  que  les  rayons  parallèles, 
comme  ceux  du  foleil ,  deviennent  diver- 
gens,  c'efl-à-dire  s'écartent  les  uns  des  autres 
après  avoir  pafle  à-travers  un  verre  concave, 
que  les  rayons  déjà  dlvergens  le  devien- 
nent encore  davantage ,  &  que  les  rayons 
convergens  font  rendus  ou  moins  conver- 
gçns  ou  parallèles  ,  ou  même  divergens. 
Fbjq  Rayon. 

C'efî  pour  cette  raifon  que  les  objets  vus 
à-travers  des  verres  concaves,  paroiiTent  d'au- 
tant plus  petits^  que  les  concavités  des  verres 
font  des  portions  de  plus  petites  fpheres. 
J'^oy.  un  plus  grand  détail  fur  ce  fujet  aux 
tfmW^j-LENTILLE, RÉFRACTION,  &C.. 

Les  miroirs  concaves  ont  un  effet  con- 
traire aux  verres  concaves  ;  ils  relié  chifîent 
les  rayons  qu'ils  reçoivent ,  de  manière 
qu'ils  les  rapprochent  prefque  toujours  les 
uns  des  autres  ,  &  qu'ils  les  rendent  plus 
convergens  qu'avant  l'incidence  :  &  ces 
rayons  font  d'autant  plus  convergens  ,  que 
le  miroir  efl  portioTi  d'une  plus  petite  fphere. 
Harris  &  Cliambers. 

Je  dis  prefque  toujours  ;  car  cette  règle 
n'eft  pas  générale  :  quand  l'objet  efl  entre  le 
fommet  &  le  centre  du  miroir  ,  les  rayons 
font  rendus  moins  convergens  par  la  réllec- 


C  O  N  79> 

tion.  Mais  quand  les  rayons  viennent  d'au- 
delà  du  centre  ,  ils  font  rendus  plus  con- 
vergens ;&  c'efl  pour  cela  que  les  miroirs 
concaves  y  expofés  au  foleil ,  brûlent  les  ob- 
jets placés  à  leur  foyer.  Voye^  Varticle. 
Ardent.  {  O) 

CONCAVITÉ  ,  f.  f.  {Gram.  &  Géom.) 
fe  dit  de  la  furface  concave  d'un  corps,  ou 
de  l'efpace  que  cette  furface  renferme.  V, 
Concave.  (  O) 

CONCENTRATION  ,  f.  f.  {Chymie.'^ 
on  nomme  ainfi  certaines  opérations  chymi- 
ques  ,  lorlqu'on  les  confidere  comme  em- 
ployées à  rapprocher  les  parties  d'un  corps 
difibus  dans  une  quantité  de  liqueur  plus 
que  fuffifante  pour  fa  diflblution  ;  en  enle- 
vant entièrement  ou  en  partie  la  portion  fu- 
rabondante  du  menflrue.  C'efl  ainfi  qu'on 
nornme  concentration  ,  l'évaporation  ou  la 
diflillation  par  laquelle  on  fépare  de  l'huile 
de  vitriol  une  partie  de  l'eau  dans  laquelle- 
l'acide  y  efl  diflbus  ;  la  diflillation  ,  par  la- 
quelle on  enlevé  à  une  teinture  une  partie  de 
l'efprit-de-vin  employé  à  la  préparation  de 
cette  teinture  ;  la  congélation  ,  par  laquelle 
on  retire  du  vin  ou  du  vinaigre  une  cer- 
taine quantité  de  leur  eau  ;  l'affufion  de  1'* 
cide  vitriohque  très-déllegmé  dans  un  acide 
moins  avide  d'eau  ,  par  exemple  le  nitreux  , 
auquel  le  premier  l'enlevé  félon  les  loix  d'af- 
finité connues.  Voy.  AciDE  VITRIOLI- 
QUE^M  /TZOf  Vit  RI  OL.  Voye\  VlN,  VI- 
NAIGRE ,  Teinture  ,  Acide  ni- 
treux  au  mot  NITRE.  {b) 

CONCENTRIQUE  ,zà].  terme  de  géo- 
métrie &  a'aflronomie.  On  donne  ce  nom  à 
deux  ou  plufieurs  cercles  ou  courbes  qui  ont 
le  même  centre.  Voye'{  CENTRE. 

Ce  mot  efl  principalement  employé  lorfl- 
qu'on  parle  des  figures  &  des  corps  circulai- 
res ou  elliptiques,  Ùc.  mais  on  peut  s'enfer- 
vir  aufïï  pour  les  polygones  dont  les  côtés 
font  parallèles  ,  &  qui  ont  le  même  centre. 
Voy.  Cercle  ,  Polygone  ,  ùc 

Concentrique    efl  oppofé  à  excentrique, 

Voyei  Excentrique.  Barris  &  Cham- 
bers.  (  E) 

CONCEPTION,  f.  f.  {Logiq.  )  La 
conception  ou  la  compréhenfîon  ,  efl  cette 
opération  de  l'entenderiient  par  laquelle  il 
lie  les  idées  des  cb/ofes  en  les  conlidé- 
rant  fous  certaines  faces  ,  en  failit  les  dif* 


8oo  C  O  N 

férentes  branches  ,  les  rapporfs  ,  &   Ten- 
chaînement. 

Elle  réunifies  fènfations  &  les  perceptions 
qui  nous  font  fournies  par  l'exercice  aduel 
àes  facultés  aduelles.  Mais  fouvent  l'efprit , 
faute  d'avoir  ces  lenfations  &  ces  percep- 
tions bien  dilpofées  ,  faute  d'attention  & 
de  réflexion  ,  ne  faifit  pas  les  rapports  des 
chofes  fous  leur  rentable  point  de  vue;  d'où 
il  arrive  qu'il  ne  les  conçoit  pas  ,  ou  les 
conçoit  mal.  Suivant  la  judicieufe  remar- 
que de  M.  l'abbé  de  Condillac  ,  une  con- 
dition efientielle  pour  bien  concevoir  ,  c'efl 
de  fe  préfenter  toujours  les  chofes  fous  les 
rapports  qui  leur  font  propres.  Quand  les 
fujets  qu'on  préfente  à  l'entendement  lui 
font  familiers ,  il  les  conçoit  avec  prompti- 
tude ,  il  en  connoj  t  les  rapports  ;  il  les  em- 
bralïe  tous  ,  pour  ainfi  dire  ,  en  même 
temps  ;  &  quand  il  en  parle,  l'efprit  les  par- 
court avec  afléz  de  rapidité  pour  devancer 
toujours  la  parole  ,  à-peu-près  comme  l'œil 
de  quelqu'un  qui  lit  haut  devance  la  pro- 
nonciation. 

Il  arrive  encore  que  l'ame  eft  quelque- 
fois entraînée  de  conception  en  conception 
par  la  liaifon  des  idées  qui  quadrent  avec 
fon  intérêt  préfent  :  alors  il  fe  fait  un  enchaî- 
nement (iicceflif  de  proche  en  proche  d'une 
étendue  de  compréhenlion  à  une  autre  , 
delà  encore  à  une  autre  ,  &  toujours 
par  le  fecours  de  l'intérêt  ,  qui  lui  four- 
nit des  connoiiîances  félon  lelquelles  elle 
fe  détermine  plus  ou  moins  convena- 
blement. 

La  progreflîon  de  la  conception  eu  plus 
ou  moins  étendue  ,  félon  le  degré  de  perfec- 
tion du  fenforium  commune  :  plus  il  elî  par- 
fait ,  plus  l'ame  peut  recevoir  de  percep- 
tions diftincles  à-la-fois.  L'étendue  &  le  de- 
gré de  perfection  de  la  conception^  règlent  l'é- 
tendue &  la  promptitude  du  bon  fens  ;  elle 
fournit  même  fouvent  le  fonds  &  la  forme 
des  raifonnemens  ,  fans  le  fecours  de  la  rai- 
Ibn  :  mais  quand  elle  eft  trop  bornée  ,  ou 
trop  irréguliere  ,  elle  tait  toujours  naître  des 
déciiions  vicieufes. 

Il  réfulte  de  ce  détail ,  qu'il  efl  très  -  im- 
portant de  tâcher  de  concevoir  les  chofes 
fous  les  idées  qui  leur  font  propres  ,  de  fe 
rendre  la  conception  familière  par  l'attention  , 
ôc  de  l'étftndre  par  l'exercice:  elle  ne  fait  pas 


C  O  N 

le  génie  ,  mais  elle  y  contribue  quand  elle 
agit  promptement  ;  &  Ibrfqu'elle  efl  adive  , 
elle  donne  l'indufîrie  ,  mère  de  l'invention  y 
Il  nécelfaire  dans  les  arts  ,  &  fi  profitable  à 
certains  peuples.  Art.  de  M,  le  chevalier 
x>E  Jaucourt. 
Conception  ,  {Med,  Phyfiol.)  Voyei^ 

GENERATION  &  GROSSESSE. 

Conception  immaculée  y{Theol.) 
Voj.  Immaculée  Conception. 

Conception  {la) ,  Geogr.  mod.  ville 
de  l'Amérique  méridionale  dans  le  Chili , 
avec  un  bon  port,  fur  la  mer  du  Sud.  Long. 
304  ,  zj  ,  jo  ;  lat.     mérid.    ^S  ,  4.Z. 

Conception  (/a),  Geogr.  mod.  ville  de 
l'Amérique  ièptentrionale  dans  la  nouvelle 
Efi>agne  ,  dans  l'audience  du  Guatimala. 

Conception, (Gfbgr.  mod.)  ville  de 
l'Amérique  méridionale  dans  le  Paraguai ,  à 
l'endroit  où  la  rivière  des  Limaçons  fe  jette 
dans  celle  de  la  Plata. 

CONCERT,  f.  m.  {Mufique.  )  affem- 
blée  de  voix  &  d'inflrumens  qui  exécutent 
des  morceaux  de  mufique.  On  le  dit  auiïî 
pour  exprimer  la  mufique  même  qu'on 
exécute.  Les  Indes  galantes  font  gravées 
en  concert  y  c'eli-à-dire  qu'elles  font  dif^ 
pofées  dans  la  gravure  pour  former  des 
concerts.  (B) 

On  ne  fe  fert  guère  du  mot  concert  que 
pour  une  affemblée  d'au-moins  quatre  ou 
cinq  mulîciens  ,  &  pour  une  mufique  à 
plufieurs  parties  ,  tant  vocale  qu'inflrumen- 
tale.  Quant  aux  anciens  ,  comme  il  paroît 
qu'ils  ne  connoiflbient  pas  la  mufique  à  plu- 
fieurs parties  ,  leurs  concerts  ne  s'exécu- 
toient  probablement  qu'à  l'uniffon  ou  à 
l'odave.  (6*) 

On  fait  àes  concerts  d'inflrumens  fans 
voix  ,  dans  lefquels  on  n'exécute  que  des 
fymphonies.  Dans  quelques  villes  confidé- 
rables  de  province ,  plufieurs  particuliers  fe 
réunifient  pour  entretenir  à  leurs  dépens  des 
muficiens  qui  forment  un  concert.  On  dit 
le  concert  de  Marfeille  ,  de  Touloufe  ,  de 
Bordeaux,  Ùc.  Celui  deJLyon  efl  étabhen 
forme  par  lettres  patentes ,  &  a  le  titre  d'a- 
cadémie royale  de  mufique.  Il  efl:  adminiflré 
par  des  direcleurs  élus  par  les  particu- 
liers alTociés ,  &  c'efl  un  des  meilleurs  qu'il 
I  y  ait  en  province.  Par  un  des  fîatuts  de  cet 
1  établiffement ,  chaque  concert  doit  finir  par 


C  O  N 

un  motet  à  grand  chœur.  Il  n'efl:  guère  de 
villes  en  Europe  où  l'on  air  autant  de  goût 
pour  les  artSj  dont  les  habitans  foient  aulîi 
bons  citoyens, "&  où  les  grands  principes 
des  mœurs  foient  fi  bien  confervés  :  l'opu- 
lence ne  les  a  point  détruits ,  parce  qu'elle 
n'y  fleurit  que  par  le  travail  &  l'induitrie. 
Le  commerce  feul  fait'la  richefle  de  la  ville 
de  Lyon  ,  &  la  bonne  foi  eft  le  grand 
reflbrt  de  cette  utile  &  honnête  manière 
d'acquérir. 

Le  24  août ,  veille  de  S.  Louis  _,  on  élevé 
auprès  de  la  grande  porte  des  Tuileries ,  du 
côté  du  jardin  ,  une'efpece  d'amphithéâtre  : 
tous  les  fymphoniftes  de  l'opéra  s'y  ren- 
dent ;  &  à  l'entrée  de  la  nuit  ou  forme  un 
grand  concert  compofé  des  plus  belles  fym- 
phonies  des  anciens  maîtres  françois.  C'eft 
un  hommage  quç  l'académie  royale  de  mu- 
fiquc  rend  au  roi.  On  ignore  pourquoi 
l'ancienne  muiique ,  beaucoup  moins  bril- 
lante que  la  nouvelle  ,  &  par  cette  raifon 
moins  propre  aujourd'hui  à  former  un  beau 
concert  y  efl  pourtant  la  feule  qu'on  exécute 
dans  cette  occalion  :  peut-être  croit-oi>  de- 
voir la  laifïêr  jouir  encore  de  cette  préro- 
gative ,  dans  une  circonflance  où  perfonne 
n'écoute.  (i5) 

CONCERT  Spirituel  ,  f.  m.  (  Belles- 

lettres.  Poéjîe.)  nous  appelions  ainfi  un  fpec-< 
tacle  où  l'on  n'entend  que  des  lymphonies 
&  des  chants  religieux  ,  &  qui  ,  dans 
certains  jours  confacrés  à  la  piété  ,  tient 
lieu  des  fpedacles  profanes  ;  il  répond  à 
ce  qu'on  appelle  en  Italie  oratorio  ;  mais 
il  s'en  faut  bien  que  la  mufique  vocale  y 
foit  portée  au  même  degré  de  beauté. 

Comme  ce  font  les  muliciens  eux-mêmes 
qui  ,  fervilement  attachés  à  leur  ancienne 
coutume  ,  prennent  comme  au  hazard  ,  un 
dgs  pfeaumes ou  àes  cantiques,  &:  ,  fans  fe 
donner  d'autre  hberté  que  de  l'abréger  quel- 
quefois y  le  mettent  en  chant  tout  de  fuite  , 
&  le  divifent  tant  bien  que  mal  en  récitatif , 
en  duo  &  en  chœur  ,  il  arrive  que  fur  les 
verfets  qui  n'ont  point  de  caraderes  ,  ils 
font  obhgés  de  mettre  un  chant  qui  ne  dit 
rien  ,  ou  dit  tout  autre  chofe  ;  c'ell  ainfi 
qu'après  ce  début  Ç\  fublime  cœli  enarrant , 
vient  ce  verfet ,  nonfunt  loquelœ  y  fur  lequel 
Mondonville  a  mis  précifément  le  babil  de 
deux  commères  ;  c'efi:  ainfi  qii'à  côté  de  ces 
Tome  Vni, 


C  O  N  S'oi 

grandes  im,ages,  à  f  acte  domlml  mata  ejlterra^ 
mare  vidit  &  fugit  ,  le  même  muficien  a 
tait  faurer  dans  une  a^-ierrc  les  montagnes 
&  les  collines  ,  en  jouant  fur  les  mots  , 
exultaverumjicut  arieces,  Ùficut  agni  ovium. 
i'on  fent  combien  ce  faux  goût  eft 
éloigné  du  caraderc  fimple  &  majeflueux 
d'un  cantique. 

Quel  génie  àc  quel  art  n'a-t-il  pas  fallu  \ 
Pergolefe  pour  varier  le  Stabat  ?  Encore  dans 
ce  morceau  unique  tout  n'ell-il  pas  digne 
d'une  égale  beauté  :  la  plus  belle  profe  de 
l'églife  ,  le  dies  ir^e  y  qui  devroit  être  l'objet 
de  l'émulatioiujie  tous  les  grands  muliciens , 
auroit  befoin^i-même  d'être  abrégé  pour 
être  mis  en  mufique  :  les  deux  cantiques 
de  Moïfe  ,  tout  fubhmes  qu'ils  font,  deman- 
deroient  qu'oni^t  un  choix  de  leurs  traits 
les  plus  analogues  à  l'expreflîon  muficale. 
Dans  tous  les  pfeaumes  de  David  ,  il  n'y 
en  a  peut-être  pas  un  qui  ,  d'un  bout  h 
l'autre  ,  foit  fufceptiblc  des  beautés  du 
chant ,  &  des  contrafies  qui  rendent  ces 
beautés  plus  fenfibles  &  plus  frappantes. 

Il  feroit  donc  k  fouhaiter  d'abord  qu'on 
abandonnât  l'ufage  de  mettre  en  mufique 
un  pfeaume  tel  qu'il  fe  préiente  ,  &  qu'on 
le  donnât  la  liberté  de  choifir  ,  non-(eu- 
lement  dans  un  même  pfeaunie  ,  mais  dans 
tous  les  pfeaumes  ,  &  fi  l'on  vouloit  même , 
dans  tout  le  texte  àes  livres  flîints  ,  des 
verfets  analogues  à  une  idée  principale  ,  & 
aflbrtis  entr'eux  pour  former  une  belle 
fuite  de  chants  ;  ces  verfets  pris  çà  &  là  •< 
&  raccordés  avec  intelligence  ,  compo- 
feroient  un  riche  mélange  de  fentimens  & 
d'im.ages  ,  qui  donneroient  à  la  mufique  de 
la  couleur  &:  du  caraôere  ,  &  le  moyen 
de  varier  fes  formes  &  de  difpofer  à  Ion 
gré  l'ordonnance  de  l'es  tableaux. 

La  difficulté  fc  réduit  à  vaincre  l'habi- 
tude &  peut-être  l'opinion;  mais  pourquoi 
ne  feroit-on  pas  dans  un  motet  ce  qu'on  a 
fait  dans  les  fermons ,  dans  les  prières  de 
l'églife ,  où  j  de  divers  pafl'ages  de  l'écriture 
rapportés  à  un  même  objet ,  on  a  formé . 
un  fens  analogue  &  fuivi? 

Mais  une  difficulté  plus  grande  poirr   le 
muficien  y  c'efi:  d'élever  fon  ame  à  la  hau- 
teur de  celle  du  prophète ,  de  fe  remplir , 
s'il  eft  poflible  ,    du  même  efprit  qui  l'ani- 
I  raoit ,   &  de  faire  parler  à  la  mufique  un 
Hhhhh 


Soi  C  O  N 

langage  fubllm^ ,  un  langage  divin.  Ocû  \ 
là  que  tous  les  charmes  de  la  mélodie  , 
toure  la  pompe  de  la  déclamation  ,  toute 
la  puiiîance  de  l'harmonie ,  dans  les  pein- 
tures de  tous  les  genres  ,  doivent  fe  dé- 
ployer avec  magnificence  :  un  beau  motet 
doit  être  un  ouvrage  infpiré  ,  &  le  mufi- 
cien  qui  compofe  de  jolis  chants  &  des 
chœurs  légers  fur  les  paroles  de  David ,  me 
femble  profaner  fa  harpe. 

Au  lieu  du  moyen  que  je  propofe  ,  pour 
former  des  chants  religieux  dignes  de  leur 
objet  ,  on  a  imaginé  en  Italie  de  faire  de 
petits  drames  pieux  ,  qui  n'étant  pas  re- 
préfentés  ,  mais  feulement  e^Butés  en  con- 
cert ^  font  affranchis  par-là  de  toutes  les  con- 
traintes de  la  fcene  :  ces  drames  font  en  petit" 
ce  que  font  en  grand  fu4||inos  théâtres , 
Athalie  ,  Eder  &  Jephté  :  on  les  appelle 
oratorio  ;  &  Métaftafe  en  a  donné  des  mo- 
dèles admirables ,  dont  le  plus  célèbre  efl: , 
^vec  railôn  ,   le  facrifice  d'Abraham. 

On  a  fait  au  concert  fpirituel  de  Paris 
quelques  foibles  eflais  dans  ce  genre  ;  mais 
â  préfent  que  la  mufique  va  prendre  en 
France  un  plus  grand  elfor  ,  &  qu'on  fait 
mieux  ce  qu'elle  demande  pour  être  tou- 
chante &  fubhme  ,  il  y  a  tout  lieu  de  croire 
qu'elle  fera  dans  le  iacré  les  mêjnes  progrès 
que  dans  le  profane.  Voye^  LYRIQUE  ,  &<:. 
CM.  Marmontel.  ) 

CONCERTO  ,  mot  italien  francifé , 
en  mufique  >  fignifie  une  pièce  de  fympho- 
jtie  faite  pour  être  exécutée  par  tout  un 
orcheftre. 

Il  y  a  des  conce no iaits  pour,  quelque  inf- 
trument  particulier  qui  joae  feul  de  temps 
en  temps  avec  un  (impie  accompagnement , 
après  quoi  tout  Porchcflre  reprend  ,  &  la 
pièce  continue  toujours,  ainfi  alternative- 
ment entre  le  même  infiniment  &  l'orchef^ 
tre.  C'efl-là  ce  qu'on  appelle  proprement 
concerto.  Quant  à  ceux  où  tout  fe  joue 
€n  chœur ,  &  où  nul  inflrument  ne  ré- 
cite ,  les  Italiens  les  appellent  aufîl.  J}'m- 
phonies.  {S) 

CONCERTANT  ,  adj.  parties  concer- 

*  Hontes  y  foat  en  mufique  ,  félon  l'abbé  Brof- 

facd  ,  celles  qui  ont  quelque  chofe  à  réciter 

dans  la  pièce  ,    &    ce  mot  fert  à  les  dif- 

tiJnguer  des  parties  qui  ne  font   que  de 


C  O  N 

Ce  mot  efî  vieilli  en  ce  fcns  ;  on  St  au- 
jourd'hui parties  récitantes  ;  mais  on  fe  ièrt 
de  celui  de  concertant  en  parlaijt  du  nombre 
de  muficiens  qui  exécutent  dans  un  con- 
cert ,  &  l'on  dit  fort  bien  :  Nous  étions  vingts 
cinq  concertans  ;  un  concert  de  Jmit  à  dix 
concertans.  {S) 

CONCESSION  ;  f.  f.  figure  de  rhéto- 
rique par  laquelle  l'orateur  .  fur  de  la  bonté 
de  facaufe,  fèmble  accoraer  quelque  chofe 
à  fon  advcrfaire ,  mais  pour  en  tirer  foi- 
même  avantage  ,  ou  pour  prévenir  les  inci- 
dens  inutiles  par  lefquels  on  pourroit  l'ar- 
rêter. Par  exemple  :  je  ne  veux  pas  conte fter 
la  réalité  du  contrat ,  mais  je  me  récrie  con* 
tre  fon  injufiice  ;  c'efi  contre  elle  que  j'im^ 
plore  lefecours  des  loix  ....  Elle  efi belle , 
il  efi  vrai  y  mais  ne  devroit-elle  pas  témoin 
gner  au  ciel  fa  reconnoijfance  des  faveurs^^ 
qiUil  lui  a  prodiguées  ,  par  un  vertueux 
ufage  de  fa  beauté  ? 

Cette  figure  efl  très-fréquente  dans  les 
plaidoyers  de  Cicéron  :  nous  n'en  citerons 
que'  ce  trait  de  la  cinquième  Verrine  ;  Eftoy 
eripe  hœreditatem  propinquis  ^  prcedare  in 
bonis  alienis  y  everte  leges  y  &:c.  nùm  etiam 
amicum  bonis  exturbare  oportuit?  &c.  (G) 

Concession  ,  (  Jurifp.  )  c'efl  ou  ce  qui 

efl  accordé  par  grâce  y  comme  font  les  bre- 
vets &  privilèges  accordés^par  le  prince  y, 
ou  une  certaine  étendue  de  terrain  que  le 
roi  accorde  à  quelqu'un  dan s^  les  colonies 
françoifes ,  à  k-charge  de  le  faire  défricher  ; 
ou  un  abenevis ,  c'efl-à-dire  la  faculté  de 
prendre  une  certaine  quantité  d'eau  d'un^ 
étang  ,  ou  d'une  rivière  ou  ruiflfeau  ,  pour 
taire  tourner  un  moulin  ou  autre  artifice  j,. 
ou  pour  arrofer  un  pré  ;  ou  la  diflribution 
que  le  bureau  de  la  ville  fait  aux  particuliers, 
qui  ont  acheté  de  l'eau..  Voye^  PRIVI- 
LEGE.  {A) 

Concession,  (Comm.jc'efl  ou  toute 
l'étendue  d'un  pays  où  il  efl  permis  à  unC' 
compagnie  de  s'étabhr  ou  de  faire  fon  né- 
goce privativement  à  toute  autre  ;  ou  le  ter* 
rain  que  ces  compagnies  donnent  aux  habi- 
tans  pour  lé  défricher  y  le  cultiver ,  &  le 
faire  valoir  ,  en  leur  rendant  quelque  rede- 
vance ou  droit  annuel.  Dans  le  premier- 
fens  X-Aconceffion  doit  être  obtenue  du  prince^ 
qui  l'accorde  par  les  édits,  déclarations,  char*- 
tes  3,  lettres  patentes  ^  arrêts,  du. confeili.^^ 


C  ON 

Dans  le  fécond  (èns  ,    ce  font  les  cfireâeurs 

qui  donnent  les  concejjîons  ,  par  des  contrats 
ou  arrêtés  de  leurs  compagnies  ,  dont  ils 
chargent  le  regiftre  de  leurs  délibérations. 
J^oye\  les  diciionn.  du  Comm.  de  Trév.  6" 
Chambers.  {G) 

CONCESSIONNAIRE ,  f.  m.  (Comm.) 
celui  à  qui  appartient  une  conceflion.  En 
France  on  las  nomme  autrement  colons  ou 
habitans.  En  Angleterre  on  leur  donne  le 
nom  de  planteurs.  Voyej^  ïarticle  PLAN- 
TEURS. (G) 

C'efl  auflî  le  nom  que  Ton  donne  aux  par- 
ticuliers qui  achètent  de  l'eau  du  prévôt  des 
marchands  ^  échevins  de  la  ville  de  Paris  ; 
ce  droit  d'avoir  de  l'eau  s'appellant  concef- 
fion ,   comme  on  l'a  dit. 

CONCESSUM  UT  PETITUR, 
(  Jurifp.  )  c'efl:  la  fignature  de  cour  de  Ro- 
me ,  ou  pour  parler  plus  jufte  ,  la  réponfe 
que  le  préfet  de  la  fignature  met  entre  la  fup- 
plique  &  les  claufes  des  provifions  ;  il  met 
ces  mots  :  Concejfum  m  petitur ,  in  prce- 
fentiâ  domini  nofiri  papas  ^  &c.  &  ligne: 
au  lieu  que  les  fignatures  qui  doivent  être  don- 
nées par  le  pape  lui-même  ,  telles  que  celles 
qui  portent  difpenfe  ,  celles  qui  concernent 
les  dignités  d'une  cathédrale  ou  collégiale  , 
les  prieurés  conventuels  ,  les  canonicats 
d'une  cathédrale  ,  font  par  lui  appofées  en 
ces  termes  :  Fiat  ut  petitur.  Le  chap.  Jî  â 
Jede  de  prœbend.  in  6'®  &  la  règle  de  chan- 
cellerie romaine  de  concurremibus  in  data  y 
qui  en  elî  tirée  ,  veulent  qu'en  cas  de  con- 
cours de  deux  fignatures  de  cour  de  Rome  , 
Vunt^pdiV  concejfum  y  l'autre  par  ^ar,  la  der- 
nière foit  préférée.  Mais  cette  diftindion  n'efl 
point  reconnue  en  France ,  où  l'on  ne  fuit 
m\e  ôxA'^.jiàfede  ,  ni  la  règle  de  concur- 
remibus. Voyez  la  pratique  de  cour  de  Rome 
de  Caflel ,  tome  I.  fur  la  féconde  partie  de  la 
fignature  ,  aux  notes.  {A) 

*  CONCETTI ,  f.  m.  (  Gramm.  &  rhe- 
toriq.  )  Ce  mot  nous  vient  Ats  Italiens  ,  où 
il  n'efi  pas  pris  en  mauvaife  part  comme 
parmi  nous.  Nous  nous  en  fommes  fervis 
pour  diftinguer  indiftindement  toutes  les 
pointes  d'efprit  recherchées  que  le  bon  goût 
profcrit. 

§  CONCHES  ,  [Géogr.)  petite  ville  dans 
le  pays  ^Ouche.  Cette  ville  nommée  en 
iatin  Conchœ  ,  efl  à  quatre  lieues  d'Evreux 


C  O  N  803 

&  treize  de  Rouen  ;  il  y  a  une  riche  abbaye 
de  Bénédidins  _  fondée  au  onzième  fiecle  , 
un  bailliage  ,  vicomré  &  éledion  qui  com- 
prend cent  foixante-deux  paroifîes  :  on  y 
fait  un  commerce  affez  confidérabîe  ea 
grains,  en  barres  de  fer,  clous,  alênes, 
marmites  ,  pots  ,  Ùc.  Lono;.  1 5^,  a6",  6" : 

lat.4S^,^Sf>  53"- 

^  CONCHITE ,  f.  m.  {Hifl.  nat:)  efpece 
de  pétrification  ,-  c'eft  ,  félon  M.  Tourne- 
fort ,  une  véritable  pierre  ,  dont  les  germes 
liquides  fe  font  infinués  dans  les  creux  de 
la  coquille  appellée  conque  y  dont  ils  ont  pris 
le  relief.  Voye\les  mém.  de  Vacad.  p.  z/^z, 
ann.  ijox.  D'autres  prétendent  au  con- 
traire que  cette  pétrification  n'cfl  qu'une 
marne  délayée  qui  efl  entrée  dans  la  coquille 
vuide  ,  elle  ^z'i\.  enfuite  durcie.  On  voit  en- 
core dans  des  ruines  de  bâti  mens  à  Mégare  , 
de  la  pierre  blanche  appellée  conchite  ^  qu'on 
ne  trouvoit  que  dans  cette  contrée. 

CONCHOIDE,  Ç.î.  (G^b/77.)  c'efl  le 
nom  d'une  courbe  géométrique  qui  a  une 
afymptote.  V,  ASYMPTOTE  <&  CoURBE. 
En  voici  la  defcription. 

Ayant  tiré  deux  lignes  BD  ,  AC  (  PI, 
Anal.jig.  i .)  perpendiculaires  l'une  à  l'autre, 
&  placé  fur  la  ligne  AEC  les  trois  points  A^ 
F  yC  y  dont  les  deux  premiers  foient  à  égale 
diflance  de  E  ,  on  tirera  par  le  point  C  au- 
tant de  droites  CFEA  ,  COM ,  CQN , 
CM,  &c.  qu'on  voudra  avoir  de  points  de 
la  courbe  •  on  prendra  enfuite  fur  ces  lignes  , 
tant  au-defîus  de  BD  qu'au  defîbus ,  les 
parties  QM ,  QN ^  QM,  &g.  toutes  égales 
à  AE.  Cela  fait ,  les  deux  lignes  MM  A 
MM  y  NFNttrm'méts  par  les  extrémités 
de  ces  lignes  droites ,  feront  les  deux  par- 
ties d'une  même  courbe  géométrique  ap- 
pellée conchoide  ;  le  point  C  efl  appelle  le 
pôle  de  cette  conchoide  ,•  la  ligne  B  Dt^  fon 
afymptote ,  &  la  partie  confiante  AE  Ça. 
règle.  Si  EF=CE  ,  la  courbe  a  un  point 
de  rebroulTement  en  F;  ÛEF<CE  ,  elle 
a  un  nœud  en  F.  Qn  peut  la  tracer  ainfi  : 

AEDKG  ,  {jig.  z.)  eflune  équerre  dans 
la  branche  AD  de  laquelle  efl  pratiquée  une 
couliflê  qui  repréfente  l'afymptotc  de  la 
courbe  ,  &  qui  a  dans  fon  autre  branche  un 
clou  K  qui  doit  être  le  pôle  de  la  conchoide. 
CFKB  y  eflune  règle  à  laquelle  efl  attaché 
un  clou  F  qui  paflè  dans  la  couliflê  AD  y 
H  h  h  h  h  2 


foj.  C  O  N 

où  il  a  la  liberté  de  glifler.  C  Se  c  font  deux 
ftylers  ou  crayons  attachés  à  la  même  règle  , 
&  à  égale  diilance  du  clou  F.  OK  elt  une 
couliiiè  pratiquée  dans  cette  règle  ,  &  dont 
le  comtnencement  O  efi  pkcé  à  la  même 
diOance  de  F  que  K  àtAD. 

Cela  pofé  ,  fi  l'on  fait  mouvoir  la  règle 
CD  ,  de  manière  que  le  clou  i^ne  forte  Ja- 
mais de  la  coulifTe  AD  ,  &  que  la  coulifîê 
OB  pafîè  toujours  dans  le  clou  K ,  les  deux 
crayons  placés  en  C  Se  en  c  décriront  les 
deux  branches  CH,  c  hde  la  conchoïde.  Nous 
avons  dit  que  la  ligne  AD  elt  alymptote  de 
cette  courbe,  ceft-à-dire,  qu'elle  en  ap- 
proche toujours  fans  jamais  la  rencontrer  ; 
cela  cft  aifé  à  comprendre  par  fa  dcfcrip- 
tion  ,  pui.'que  la  ligne  confiante  CJPs'incli- 
nant  toujours  lans  fe  coucher  jamais  fur 
AB  ,  le  point  C  doit  toujours  approcher  de 
la  droite  AD  fans  jamais  y  arriver. 

Nicomeue  ell  Tinvenreur  de  cette  courbe  ; 
&  l'on  ajoure  ordinairement  au  nom  de  con- 
choïde ceiui  de  Nicomede  ,  afin  de  la  diflin- 
guer  d'autres  courbes-  analogues  qui  pour- 
roient  avoir  ce  nom. 

Par  exemple  M  coMvhQ MM AMiflg.  i.) 
que  l'on  formeroic  en  prenant  ÇÀf ,  non 
confiant  comme  on  vient  de  faire  ,  mais  de 
.tc''e  grandeur  que  CE'^-  :  CÇ'"  :  :  QM'^  : 
AE'^  feroit  une  courbe  qui  auroit  encore 
BD  pour  alymptote  ,  &  qu'on  peur  nom- 
mer auffi  conchoïde.  Voy.  iiir  les  propriétés 
génerales,de  \^ conchoïde  ^  la  dernière  fe^ion 
de  l'application  de  l'algèbre  à  la  géométrie  ^ 
par  M.  Guifnée. 

MM.  de  la  Hire  &  delà  Condamme  nous 
ont  donné  plulieurs  recherches  fur  les  con- 
choïdes  ;  l'un  dans  les  mém.  eVacadém.  de 
zjo8  ;  l'autre  dans  ceux  de  1733  ^'  ^73.4- 
M.  de  Mairan  ,  dans  \tsmém.  de  Vacadém. 
de  1735  a  remarqué  avec  raifon  que  l'elpacc 
conchoïdale ,  c'efl-à-dire  l'efpacc  renfermé 
par  la  conchoïd.e  Sl  fon  afyraptote,  étoit  in- 
fini &  non  fir» ,  comme  quelques  auteurs 
ont  prétendu.  En  efftt  ,  foir  AE=a, 
CE=bj  &  EQ=x,  on  trouve  que  ^^Ç^lf 

efl<  que  ^  ^  [  log.  X  -f-  .  xx-\-  bb — log.  3.] 
Or  cette  quantité  ell  00  Lorfque  a:  =00. 
Donc  ,  ^c.  (O} 

CONCHOLEPAS  y  C  m.  {Hijf.  nat. 
Conchiliolog.  )  efpece  de  lépas  ou  de  coqui»!- 
ïage  univalvc,  ainft  comme  parce  que  là 


C  O  N 

j  coquille  reflcmble  en  quelque  forte  à  une 

'  valve  de  ces  peéloncles  ,  ou  mieux  encore 

;  de  ces  arches  de  Noé ,  dont  le  côté  voifin 

j  du  fommet  efl  applati  :  mais    ce   qui  fait 

j  reconnoître  cette    coquille  ,    &  ce   qui  la 

j  diflingue  des  coquilles  bivalves  ,  c'ell  qu'elle 

n'a  point  ces  denticules    qui   forment    la 

charnière  au  bord  de  ce   côté  qui  ell  ap- 

.  plati.  Ce  coquillage  approche  beaucoup  des 

ormiers  ou  oreilles  de  mer   dont  il  fembîe 

faire  la  liaifon  avec  le  genre  du  lépas.  V^oy. 

ce  que  nous  avons  dit  à  ce  fujet  dans  notre 

hiftoire  naturelle  des  coquillages  du  Sénégal^ 

publiée  en  1757.  {M.  Adanson.) 

CONCHY  ,  f.  m.  efpece- dÇ  cannelle  des 
Indes  ,  dont  il  le  fait  commerce  au  Caire. 

CONCHYLE,  rq>r:[  Coquillage  , 
Pourpre. 

^  CONCIERGE  ,  efl  celui  qui  a  la  garde 
d'une  maifon  royale  ou  feigneuriale.  On 
confond  quelquefois  les  termes  de  concierge 
&  àc  geôlier  ;  l'ordonnance  de  1670  nomma 
en  quelques  endroits  ,  les  concierges  &  geô- 
liers conjointement  ;  en  d'au  très  elle  nomme 
le  geôlier  avant  le  concierge  ;  en  d'autres  elle 
ne  parle  que  de  geôlier  :  ce  qui  fait  voir  que 
ces  termes  font  fynonymes^Ét ,.  en  effet ,  le 
concierge  d'une  prilôn  efl  le  geôlier  où  garde 
de  la  geôle  ;  ce  n'ell  que  dans  les  prifons 
l'is  plus  confidérables  que  l'on  diflingue  le 
concierge  des  geôliers.  Le  concierge  efl  le 
premier  geôlier ,  &  les  geôliers  &  guiche- 
tiers font  ceux  qui  font  prépofés  ibus  lui 
pour  la  garde  des  prifons. 

L'ordonnance  de  1670  ,  tit.  xiij.  veut  que 
tous  concierges  &  geôliers  exercent  en  per- 
fonne ,  &  non  par  aucun  commis  ;  qu'ils 
fâchent  lire  &  écrire  ,  &  que  dans  les  lieux, 
où  ils  ne  le  fauroient  pas  ,  il  en  foir  nommé 
d'autres  .dans  flx  fcmaines ,  à  peine  contre; 
les  feîgncurs  de  la  privation  de  leur  droit.. 

Pour  ce  qui  concerne  les  fondions  des, 
concierges  &  geôliers ,  Voy.  GeOLE  ,  GEO- 
LIERS ,  Guichetiers  ,  Prisons.  (A) 

Concierge  du  Palais  ,  (  Hijl  mod.. 

&  Jurifprud.  )  étoit  un  juge  royal  auquel  a 
fùccédé  le  bailli  du  palais.  Sous  la  première 
&  la  féconde  race  de  nos  rois ,  l'a  jullice  éfoit 
rendue  dans  le  palais  par  le  maître  ou  maire 
du  palais  ,  auquel  fuccéda  le  comte.  En 
988  ,  cet  office  fut  exercé ,  quant  à  la  juf^ 
tice  dans  le  palais  ,  fous  le  titre  dz.ccnciergs 


C  O  N 

dupahtis  y  avec  moyenne  &  bafle-juftice  , 
dontle  territoire  étoit  peu  étendu.  Phiiippe- 
Augufte ,  par  des  lettres  de  l'an  12.02  ,  y 
ajouta  le  fauxbourgl'aint  Jacques  &  Notre- 
Dame  des  Champs  ,  &  le  fief  royal  de  S. 
André  qui  y  ell  iitué.  Le  concierge  ou  bailli 
du  palais  y  avoit  encore  la  juftice  en  1^67. 

Les  mêmes  lettr-es  afiignent  au  concierge  du 
palais  des  gages  ,  droits  &  privilèges. 

En  1286,  au  commencement  du  règne 
de  Philippe-le-Bel ,  le  palais  que  nous  voj'ons 
aujourd'hui ,  fut  bâti  par  les  Ibins  d'Enguer- 
rand  de  Marigny  ,  général  des  finances.  La 
conciergerie  qui  fért  aujourd'hui  de  prifon  , 
étoit  le  logement  du  concierge  du  palais.  Par 
un  arrêt  de  l'année  131^  ,  elle  fut  réunie  au 
domaine  du  roi ,  avec  (qs  appartenances.  En 
1348  ,  du  temps  de  Phili'ppe-de-Valois ,  le 
concierge  fut  érigé  fous  le  titre  de  bailli;  mais 
on  a  joint  le?  deux  titres  de  concierge-bailli. 
En  l'an  1348  ,  Philippe  de  Savoify  ,  écuyer , 
(m  concierge  du  palais  royal  h  Paris.  Joly, 
en  fes  offices  de  France  ,  a  donné  une  lille 
de  tous  ceux  qui  ont  depuis  rempli  celui-ci 
jufqu'en  1624  ,  dont  plufieurs  étoient  des 
perfonnes  de  grande  confidération.  Sous 
le  roi  Jean ,  Charles  V  alors  régent  du 
royaume  ,  accorda  ,  par  àes  lettres  du  mois 
de  Janvier  1358  ,  plufieurs  droits  au  con- 
cierge du  palais  ;  ces  lettres  font  mention  qu'il 
a  juiîice  moyenne  &  baflè  dans  l'enceinte  du 
palais  ;  qu'il  y  tient  fa  cour  &  jurifdidion 
par  lui ,  fon  Heutenant  ou  garde  de  fa  juf- 
tice  ,  &  {qs  officiers  *,  qu'il  connoît  entre 
quelques  perfonnes  que  ce  foit ,  de  tous  les 
cas  civils  ,  criminels  ,  &  de  police  ;  que  nul. 
aucre  juge  n'a  jurifdidion  temporelle  dans 
l'enceinte  du  palais  ,  fi  n'ell  les  gens  des 
comptes-,  du  parlement,  des  requêtes  du 
palais  ,  &  des  requêtes  de  l'hôtel  :  ces  mê- 
mes lui  attribuent  ditFérens  droits  ,  entr'au- 
tres  la  juffice  fur  les  aa vents  ou  petites  bou- 
tiques adoiiees  aux  murs  du  palais  ,  des  cens 
&:  rentes  fur  plufieurs  mailons  ;  le  droit  de 
donner  &  ôter  les  places  aux  merciers  qui 
vendent  dans  les  allées  de  la  mercerie ,  & 
en-haut  &  en-  bas  au  palais ,  &  les  lettres  lui 
permettent  d  en  recevoir  un  prcfenr  une 
fois  l'an  :  il  y  efl:  encore  dit  qu'il  a  k  juftice 
moyenne  &  balîê  ,  &  la  lèigneurie  cenluelk 
{ur  treize  maifons  fituées  à  Notre-Dame  des 
Cliamps  ;  au  lieu  nommé  les  Mureaux{^ro- 


C  O  N  80J 

che  les  carmélites  du  fauxbourg  faînt  Jac- 
ques )  différens  droits.  Quand  on  faifoit  un 
nouveau  boucher  en  la  boucherie  du  châ- 
telet ,  le  concierge  du  palais  àtwQii^von- .^  a 
caufe  de  fa  conciergerie ,  trente  livres  &: 
demie ,  la  moitié  d'un  quarteron  &  la  moi- 
tié de  demi -quarteron  pefant  de  chair  moi- 
tié bœut  &  moitié  porc  ;  la  moitié  d'un  cha- 
pon plumé,  demi-feptier  de  vin  ,  &  deux 
gâteaux  :  &  celui  qui  les  alloit  chercher , 
devoit  donner  deux  deniers  au  chanteur  qui 
étoit  en  la  falle  des  bouchers.  Il  avoit  feul 
le  droit  de  faire  enlever  les  arbres  fecs  qui 
étoient  entre  toutes  les  voiries  &  chemins 
royaux  de  la  banlieue  &  vicomte  de  Paris. 
Il  avoit  auffi  un  droit  de  fouage  dans  la  fo- 
ret d'Yveline  ,  &  quelque  inff)eâion  furies 
greniers  à  blé  du  roi.  Lorfqu*il  écrivoit  h 
Gonelîe  pour  faire  venir  du  blé  &  autre 
choie  au  grenier  du  roi ,  les  écorcheurs  de 
la  boucherie  de  Paris  étoient  tenus  de  porter 
ou  envoyer  fes  lettres  à  leurs  frais ,  fous 
peine  d'amende.  Il  avoit  toutes  les  clés  du 
palais  ,  excepté  ceiles  de  la  porte  de  devant , 
&  avoit  infpeâion  fur  le  portier  &  fur  les 
fentinelles  du  palais.  Enfin ,  fuivant  cts  let- 
tres ,  il  étoit  voyer  dans  l'étendue  de  Çà. 
jullice.  En  141 3  ,  la  reine  tint  ]a  concier- 
gerie en  lés  mains ,  le  roi  lui  en  ayant  fait 
don  ;  &  liir  l'empêchement  qui  lui  fijt  fait 
à  ce  lujet  parle  procureur-général  ,  dilant 
qu'entre  mari  &  femme  donation  n'avoit 
lieu  ,  elle  répondit  que  cette  loi  n'?voit  pas 
lieu  pour  elle  ,  dont  il  y  a  arrêt  des  29  juillet 
1412  ,  &  22  rnaî  1413-  Juvénal  chevaliei 
fieur  de  Traynel  ,  fut  lait  concierge  bailli  di. 
palais  :  mais  par  arrêt  du  3  Janvier  1416 , 
cet  office  tut  de  nouveau  uni  au  domaine  > 
&  on  ordonna  qu'il  n'y  auroit  plus  au  pa- 
lais qu'un  g;irdien  ,  qui  auroit  trois  fous  pa- 
nfis  par  jour  &  un  muid  de  Wé  par  an.  Ce- 
pendant ceux  qui  ont  été  pourvus  de  cet 
office  depuis  146 1 ,  ont  été  qualifiés  de  bail- 
lis du  palais. 

La  jurifdidion  de  la  conciergerie  ,  qu'on 
appelle  1  relcntemcnt  \e  bailliage  du  palais,  eft 
compolèe  d'un  bailli  d'épée  ,  d'un  lieutenant- 
général  ,  un  procureur  du  roi ,  un  greffier , 
plufieurs  huiiliers.  Les  avocats  au  parlement 
y  plaident ,  &  les  procureurs  au  parlement  y 
occupent.  Cette  juriididion  ne  s'étend  pré- 
ièntcmenx  que  dans  l'enceinrc  du  paiajs..'    .- 


So^  C  O  N 

CONCIERGERIE  DU  PALAIS  ,  voj. 
Concierge. 

Conciergerie  ou  Geôle  de  la 
Conciergerie    du  palais  ,     ainji 

qu^elle  eft  nommée  par  les  ordonnances  y  eft 
la  prifon  qui  eft  dans  l'enceinte  du  palais  : 
on  l'appelle  ainlî ,  parce  que  le  concierge  du 
palais  y  logeoit  anciennement,  avant  qu'il 
eût  l'endroit  appelle  depuis  l'hôtel  du  bail- 
liage ^  &  qu'il  y  avoit  fa  prifon.  Il  y  fait  en- 
core mettre  {es  pnfonniers.  (A) 

*  CONCILE,  f  m.  conciliiim,  {Hift. 
anc.  )  alTemblée  publique  chez  les  Romains , 
où  il  ne  fe  trouvoit  aucun  patricien  r ^lle 
itoit  tenue  &  convoquée  par  les  tribuns  du 
peuple  ;  s'il  s'y  trouvoit  quelques  patriciens 
l'afTemblée  s'appelloit  comice.  Voye\  Co- 
MICE.  Les  auteurs  ont  fouvent  confondu  les 
.comices  avec  les  conciles. 

Concile  ,  (  Hift.  ecclef.  &  Jurifp.  cano- 
fiiq.  )  Le  concile  eft  une  aflemblée  de  prélats 
•catholiques  ,  convoquée    pour  décider  les 
queftions  de  foi  ,  ou  régler  ce  qui  concerne 
la  difcipiine.  Nous  le  définiflbns  une  ajfem- 
hlée  de  prélats ,  parce  que ,  fuivant  la  difci- 
piine moderne  ,    les   {impies   prêtres  n'ont 
point  féance  ni   droit   de  fuffrage  dans  \ts 
conciles.  A  l'égard  des  premiers  fiecles   de 
l'églife  ,  quelques-uns  penfent  que  non-feu- 
lement les  évêques ,  mais  même  les  prêtres  &• 
les  diacres  y  étoient  admis  ,  &  il  faut  conve- 
nir que  plulieurs  textes  leur  font  favorables. 
Nous  voyons  dans  le  concile  de  Jérufalem , 
le  plus  ancien  de  tous ,  &  dans  lequel  on 
décida  la  fameufe  queftion  qui  s'étoit  élevée 
à  Antioche  fur  l'obfervation  des  cérémonies 
légales  ;  nous  voyons  ,  dis-je  ,  que  les  prêtres 
y  prirent  féance  avec  les  apôtres  ,  convene- 
runt  apoftoli  Ù  feniores  videre  de  l'erbohoc, 
jdifent  les  adcs  des  apôtres  ,  c.  xv.  verf.  6*.  Le 
jnot  latin /^/ï/orej- ,  &  le  mot  grec  TÇiiCvrîfoi , 
iic  fignifient  point  autre  chofe  que  les  prê- 
tres. Au  v,erlet  22  du  même  chapitre ,    où 
l'on    conclut   d'envoyer    à  Antioche  avec 
Paul  &  Barnabe  ,  deux  hommes  choifis  & 
-des  premiers  d'entre  les  frères ,  Barfabas  & 
Silas ,  &  où  on  les  charge  d'une  lettre  qui 
-contient  la  décifion  du  concile  ,  cette  réfo- 
iution  paroît  être  également  l'avis  des  pî-ê- 
tres  comme  celui  des  évêques  ;  tune  placuit 
■apeflolis  ^  fenioribas )  &c.  Suivant  mên^e 
^p  texte  grec,  la  lettre  eft  eonçu^  au  nom 


C  O  N 

des  apôtres  ,  des  prêtres ,  &  de  tous  les  frè- 
res   :     01    XTÔÇ'OhOl  Ketï   ol   TfivCvTipl    ol   aj'ihpOl» 

Il  y  a  lieu  de  croire  pareillement  qu'au  corz- 
cile  de  Nicée  les  prêtres  &  les  diacres  pri- 
rent féance  avec  les  évêques  ,  &  que  dans 
le  nombre  des  trois  cent  dix-huit  pères  dont 
ce  concile  fut  compofé ,  on  ne  doit  compter 
que  deux  cent  cinquante  évêques ,  cnfortc 
que  les   autres   étoient  des  prêtres  &  des 
diacres.  En  efibt  Eufebe ,  rie  de  Confiantin, 
lii'.  IIl.  ch.  viij.  dit  qu'il  y  eut  à  ce  concile 
plus  de  deux  cent    cinquante  évêques  ,  & 
un  nombre    confidérable    de  prêtres  ,    de 
diacres  ,  d'acoiytes  &  autres.  Le  témoignage 
d'Euftathe  rapporté  par  Théodoret ,  Up.  I. 
de  fon  hifl.  eccl.  chap.  viij.  vient  à  l'appui  de 
celui  d'Eufcbe.  Euftarhe  prétend  que  plus: 
de  270  évêques  fe  trouvèrent  au  concile  de 
Nicée.  Or  Eufebe  de  Céfarée  &  Euftathe 
d' Antioche  font  des  témoins  oculaires.  L'o- 
pinion néanmoins  la  plus  générale  ,  eft  que 
les  évêques  étoient  au  nombre  de  trois  cent 
dix-huit ,  raflemblés  de  toutes  les  provinces 
de  l'empire.  Voye-^  Socrate  ,  liv.  I.  chap.  v, 
Théodoret ,  liv.  I.  chap.  vij.  Athanafe  dans 
)a    lettre  à  l'empereur  Jovien  ;  Epiphane, 
héréfie  l^cjx.  Ruffin ,  liv.  I.  chap.  j.  Et  fi  dans 
les  actes  qui  nous  reftent  de  ce  concile ,  nous 
ne  trouvons  pas  ce  nombre  d'évêques  par 
les  foufcriptions  ,  il  faut  l'attribuer  à  l'injure 
du  temps.  Mais  quoi  qu'il  en  foit ,  ceux  qui 
veulent  que  les  prêtres  &  les  diacres  ont  eu 
anciennement  droit  de  fliffrage  conjointe- 
ment avec  les  évêques ,    fe  fondent  fur  ce 
que    ces   dilîerens    auteurs    font    mention 
qu' Athanafe  ,  pour  lors  diacre  d'Alexandre, 
patriarche  d'Alexandrie  ,  aflifta  au  concile  &. 
y   foutint  tout  le   poids  des  affaires  ;  que 
Vite  &  Vincent ,  ftmples  prêtres  ,  y  repré- 
fenterent  le  pape  Sylveftre;d'où  ils  concluent 
en  général  que  les  prêtres  &  les  diacres  y 
prirent  féance,  &  y  foulcrivirent.  Ils  s'au- 
torifent  encore  d'im  endroit  des  ades  du 
concile  d^Aquilée  tenu  en   l'année  381.  S. 
Vaférien  d'Aquilée  tenoit  le  premier  rang 
dans  ce  concile  ^  6c  S.  Ambroife  en  étoit 
l'ame  :  celui-ci  interrogeanr  le  prêtre  Attale  , 
lui  demanda  s'il  avoir  foufcrit  au  concile  de 
Nicée-;  mais  Attale  qui  favorifoit  la  caufe 
de  Pallade  &  des  Ariens,  gardant  le  filence  y 
faint  Ambroife  iafifta  en  ces  termes  :  Atta- 
lus  pfefbyter^  lieet  inter  Arianosjit ,  tamen 


C  O  N 

hahetamoruatem  loque  ndi;p  rofiteaturmrum 
fubfcripferit  in  tractam  concililfub  epifcopo 
fuo  Aggrippino  ,  an  non  :  tome  II  des  conci- 
les, p.  ^7<)  Ùfuii'.  Ces  paroles',  difejit-ils, 
annoncent  clairement  que  les  fimples  prêtres 
avoient  droit  de  parler  dans  les  conciles  y  & 
pouvoient  foufcrire  aux  ades  qp'on  y  drc(- 
foit.  Ils  tirent  un  nouvel  avantage  de  ce 
qu'Eufebe ,  liv.  VII.  ch.  xxjx  &  xxxjx  dit 
qu'on  tint  à  Antioche  un  concile  contre  Paul 
de  Samofare  ;  que  Malchion  ,  qui  de  préfet 
de  l'école  d' Antioche ,  avoit  été  promu  à  l'or- 
dre de  prètnfc  à  caufe  de  la  pureté  de 
fa  foi  ,  &  qui  d'ailleurs  étoit  fort  favant  & 
grand  philolophe  5  convainquit  l'iiéréfiar- 
que  ,  découvrit  fes  artifices  ,  &  manifefta 
malgré  lui  (es  fcntimens.  Or  il  parott  que 
dans  ce  concile  ,  les  prêtres  opinèrent  auflî- 
bien  que  les  évêqyes  ,  fi  l'on  fait  attention 
à  l'infcription  de  la  lettre  adrelfée  aux  autres 
eglifès  après  la  condamnation  dts  dogmes 
impies  de  PauLEufebe  nous  aconfervé  cette 
kttre  ,  dont  voici  l'infcripcion  :  Di<miJio  & 
Maximo  ,  &  omnihits  per  univerfum  orbem 
comminifirïs ,  epifcopis  ,  presbyte  ris  ,  &  ec- 
clejiœ  quce  fub  cœlo  eji ,  Helenus  ù  Hyjnœ- 
neus  ,  Theophylus ,  &c.  Ù  reliqui  omnesqui 
Kobifcum  funt  vicinasum  urbium  Ù  prqi^'in- 
ciarum  epifcopi  ,  presbyteri  ac  diaconi  ,  & 
ecclefiœ  IDei  :  carijjimisfratribus  in  Domino 
falmem.  Enfin  ,  pour  dernière  preuve  de  ce 
qu'ils  avancent ,  ils  font  valoir  l'autorité  que 
Louis  Aleman,  vulgairement  appelle  le  cardi- 
nal d"" Arles  ,  employa  dans  la  harangue 
qu'il  prononça  au  concile  de  Baie ,  pour  réfu- 
ter Panorme  &  Louis  Romain  qui  foutenoient 
l'opinion  contraire  ,  &  du  témoignage  que 
cet  illufîre  prélat  rend  en  cette  occafion  lur 
un  fait  qui  lui  eft  perfonnel.  L'autorité  qu'il 
emploie  eft  celle  de  S.  K\igui)jnin.traclatu 
5°.  in  foan.  cap.  xij.  Suivant  ce  faint  doc- 
teur ,  les  clés  ont  été  donaiées  eri  la  per- 
Ibnne  de  S.  Pierre  à  toute  l'églife  ,  &  par 
Gonféquenrai*ic  évêque  &auxprêtress  ;  de- 
là ce  cardinal  infère  que  les  prêtres  font 
partie  du  concile ,  quoiqu'il  foit  principale- 
ment compofé  d'évêques.  Enfuite  il  ajoute 
que  pour  lui  il  s'eft  trouvé  &  a  donné  fa 
voix  au  concile  de  Confiance  ,  dans  le  temps 
qu'il  n'étoit  que  doâeur  &  fimple  prêtre  , 
&  que  les  conciles  précédens  fournifîênt 
.d'autres  exemples  de  ce  genre,  Celas'jiccorde 


C  O  K  go7 

'  parfaîternent  avec  le  fyflême  du  célèbre  Ger- 
ibn  chancelier  de  l'univerfité  de  Paris  ,  d'Al- 
main  profefTeur  en  théologie  à  Navarre  . 
&  de  Simon  Vigor  confeiller  au  grand-con- 
feil  ,  qui  penfent  que  les  prélats  du  fécond 
ordre  ,  c'eft-à -dire  les  curés ,  doivent  avoir 
dans  \QConcileyo\x  déciiive.  Fqy^:^Gerfon  , 
de  origine  juris  &  legiim  ,  Almain  ,  de  fu- 
premâ  potejlate  ecclejiœ ,  &  Vigor  y  deflam 
Ù  regimine  ecclejiœ  ,  liv.  IV.  cap.  ult.  Ce- 
pendant M.  Doujft ,  homme  verfé  dans  les 
m.atieres  du  droit  canon  ,  efl  d'un  fènti- 
raent  oppofé  ;  il  prétend  que  les  évêques 
jouiffent  feuls  de  la  prérogative  de  donner* 
leurs  fuffrages ,  tant  aux  conciles  œcuméni- 
ques que  nationaux  &  provinciaux  ;  &  que 
fi  quelquefois  dans  les  anciens  conciles  il  eit 
fait  mention  de  prêtres  &  de  clercs  ,  ou 
d'abbés  &  autres  perfonnes  religieufes ,  dans 
ceux  qui  font  plus  récens  ,  tels  que  les  co/2- 
ciles  de  Latran  ,  on  doit  entendre  fimple- 
ment  qu'ils  étoient  confultés  ;  &  non  pas 
qu'ils  aient  eu  voix.  Prxnot.  can.  lib.  IL 
cap.  j.  Il  s'appuie  principalement  fur  ces  pa- 
roles du  concile  de  Chalcédoine  ,  fynodus 
epifcoporum  eJi ,  non  clencGrum  ;  fuperflaos 
foras  mittite.  Adion  j.  t.  IV.  des  conc. /î.- 
m.  Mais  on  réplique  que  ces  paroles  ne. 
font  autre  chofe  que  les  clameurs  qu'exci- 
tèrent dans  le  concile  les  évêques  d'Egypte. 
Ils  étoient  du  parti  de  Diofcore  qui  avoir 
tenu  le  faux  concile  d'Ephefe  contre  Flavien 
de  Conftantinople.  Les  évêques  voyant  que 
Diofcore  ctoit  fur  le  point  d'être  condamné  ,. 
&  que  les  clercs  qui  avoient.  affiflé  au  faux 
concile  d'Ephefe  s'excufoient  d'y  avoir  fouf^- 
crit  furies  menaces  &  la  violence  qu'on  leur 
avoit  faites  ,  demandèrent  à-  grands  cris 
&  en  fe  fervant  de  ces  paroles  ,  qiion  chaf- 
fât  du  concile.  Ils  ajoutoient  pour  raifon , 
que  l'empereur  n'avoir  mandé  que  les  évê- 
ques ,  ibid.  p.  i  2  5-  mais  ils  ne  furent  point, 
écoutés  ,  &  les  clercs  ne  fortirent  point. 
Cette  réponfe  efl  celle  que  fit  autrefois  Ic 
cardinal  d'Arles  à  l'objeâion  q'j'on  tire  de- 
ce  pafîage  ,  dans  la  harangue  citée  ci-defl'us.. 
Enée  Sylvius  ,  depuis  le  pape  Pie  II ,  l'a  rap- 
portée toute  entière  ,  liv.  I.  des  mém.fur  ce- 
qui  s^eftpafï  au  concile  de  Sale.  CettehiLm- 
rangue  efl.a  une  éloquence  mâle ,  &  mérite 
d'être  lue.  Nous  avoueronsici  de  bonne  foii 
que  l'éloi^aernent  des.  temps  jette,  fur  cette: 


8gS  C  O  N 

matière  une  grande  obscurité  :  fi  d'un  cote 
l'on  cire  des  exemples  de  fimples  prêtres  qui 
ont  foufcritaux  conciles  ,  &  même  ont  opi- 
né comme  membres  de  i'alî'emblée  ;  d'un 
autre  côté  Ton  peut  dire  i°.  que  la  (ouf- 
cription  toute  feule  n'eft  pas  une  preuve 
qu'on  ait  eu  la  qualité  de  juge  dans  le  con- 
cile )  mais  uniqiiement  une  marqtae  de  ibu- 
miliion  &  d'acquiefcement  à  Tes  diciiions  : 
2'^.  que  même  dans  les  cas  où  il  efl:  mani- 
fefîe  que  des  prêtres  0%  3es  diacres  ont 
donné  leur  voix  ,  ce  font  des  exceptions 
du  droit  commun  ,  fondées  vraifemblable- 
ment  fur  ce  qu'ils  éroient  desrepréfentans  , 
foit  du  pape  ,  comme  dans  le  concile  de 
Nicée  ,  foit  des  évêques.  C'efl  ainfi  que  les 
Théologiens  ,  pour  la  plupart ,  expliquent 
les  divers  paflages  qu'on  allègue  en  faveur 
des  prêtres  &  autres  clercs.  Au  refle  ,  nous 
nous  abfiiendrons  de  prononcer  fur  cqs  dit- 
ficulrés  ,  qui  ne  regardent  ,  comme  nous 
l'avons  déjà  obfervé ,  que  les  premiers  fiecles 
de  i'Eglife  ,  la  difcipline  des  temps  porté- 
rieurs  étant  certaine.  Nous  allons  mainte- 
nant examiner  l'origine  ^qs  conciles  ,  nous 
paiîerons  enfuite  à  leurs  divifions ,  &  nous 
développerons  les  principes  de  chacun  d'eux 
eA  particulier. 

Ifidore  ,  dans  le  premier  canon  d*e  la  dif- 
tindion  dix-feptieme  du  décret  de  Gratien  , 
fait  remonter  l'origine  des  conciles  au  temps 
de  Conflantin.  Avant  lui  ,  dit-il ,  pendant 
le  cours  des  perfécutions  ,  on  n'avoit  pas  la 
liberté  d'inftruire  les  peuples  ;  c^tH  ce  qui 
donna  lieu  aux  diverfes  îtSits  d'hérétiques 
qui  s'élevèrent  parmi  les  chrétiens.  Pour 
rçmédier  à  ces  défordres  ,  Conflantin  accorda 
aux  évêques  la  permiiîionde  s'afîembler.  On 
célébra  difFérens  conciles  ,  dont  le  plus 
remarquable  efl  celui  de  Nicée ,  où  l'on  drefîâ 
un  fécond  fymbole  ,  à  l'imitation  des  apô- 
tres. Il  faut  avouer  néanmoins  qu'avant  ci 
concile  il  s'en  étoit  déjà  tenu  plulieurs  na- 
tjpnaux  ,  par  exemple  en  Afrique  du  temps 
de  Saint  Cyprien  ;  &  d'autres  particuliers  , 
tels  que  celui  d'Elvire  au  commencement 
du  jv  fiecle  ,  &  celui  d'Iconc  en  l'an  251. 
Ajnfi  ce  que  dit  Ifidore  doit  s'appliquer  aux 
conciles  gen4faufe,,En  effet,  fi  vous  en  excep- 
tez celui  de  lérufflem  ,  du  temps  des  apô- 
tres ,  le  premier  concile  général  eft  celui  de 
NJc^e  ,  célébré  dans  un  temps  oy  la  paixfyt 


C  O  N 

rendue  à  l'églife  ,  où  elle  fe  vit  à  l'abri 
àcs  perfécutions  àcs  païens.  Mais  quoiaiie 
les  conciles  ,  &  principalement  ceux  qui  font 
généraux  ,  ne  remontent  de  fait  qu'au  temps 
où  les  prélats  ont  pu  s'aff^mblcr  &  traiter  ou- 
vertement de  la  foi  &  delà  difcipline ,  il  n'en 
ell  pas  moins  vrai  qu'ils  prennent  leur  Iburcc 
dans  la  nature  même  de  réglifè.  Le  corps  de 
l'églife  compofé  de  plufieurs  membres  ,  e(l 
lié  par  la  charité  &  la  conmiunion  âts  Saints. 
J.  C.  lui-même  eft  la  bafe  de  cette  union ,  & 
le  Saint-Eiprit  y  coopère  ,  épitre  première 
aux  Corii\th.  ch.  xij.  Et  dans  X épure  aux 
Ephejîens  ,  cli.  v.  il  efl  dit  que  J.  C.  efl  le 
chef  &  l'époux  de  TEgli 'e  ,  dont  il  cfî  le 
fauveur  ,  qu'il  a  aimé  l'églife  ,  &  s'eft  Hvré 
à  la  mort  pour  elle  ;  qu'il  l'a  fait  paroître 
devant  lui  pleine  de  gloire  ,  &  n'ayant  ni  ta- 
che ,  ni  ride  ,  ni  rien  de  femblable  ,  mais 
étant  fainte  &  irrépréhenfible  ;  qu'il  la  nour- 
rit &  l'entretient ,  parce  que  nous  fommes 
les  membres  de  fon  corps  ,  formés  de  fa 
chair  &  de  i^ts  os.  Ce  langage  de  l'apArre 
efl  conforme  à  celui  de  J.  C.  dans  S.  Mat- 
thieu, ch.  XV,  verf.  z  5.  où ,  après  avoir  don- 
né les  clés  à  {^s  difciples  ,  c'eft-à-dire  la  puif^ 
fance  de  her  &;  de  délier ,  il  leur  adrefle  ces 
paroles  :  Iterum  dico  vcbis  ,  quia  Ji  duo 
exvohis  confenferint  fuper  terram  ^  de  omni 
re  quamcumque petierint  J  fict  illis _à  pâtre 
meo  qui  efl  in  ccclis  ;  ubi  enim  funt  duo  l'el 
trescongregatiin  namine  meo^  ibifum  in  me^ 
dioeorum.  Et  dans  S.  Jean ,  ch.  xvij.  après 
avoir  prié  fon  père  pour  les  apôtres  ,  il  le 
prie  encore  pour  ceux  qui  doivent  croire  en 
lui  par  leur  parole,*  &  il  ajoute  verf.  zj, 
Ego  in  èis ,  &  m  in  me ,  utfint  confam- 
mati  in  unum.  Or  l'EgHfe  a  toujours  cru 
qu'elle  ne  pouvoir  jamais  mieux  repréfenter 
cette  unité  ,  &  n'avoit  point  de  moyen  plus 
efficace  pour  l'alFcrmir  ,  pour  conferver  la 
communion  de  la  foi  ,  lorfque  les  impies 
s'efïôrcent  d'y  porter  atteinte  ,  que  de  rai- 
fembler  les  évêques  envoyés  par  Jefus- 
Chrill  en  la  pcrfonne  des  apôtres  ,  pour 
apprendre  aux  nations  la  parole  de  la 
foi  qui  leur  a  été  rranfmile.  Ce  font  eux 
qui  font  les  dépofitaires  de  la  promeiîe 
qu'il  a  faite  d'être  avec  fon  Eglife  jufqu'à 
la  confommation  des  fiecles  ,  d'empêcher 
que  les  portes  de  l'enfer  ne  prévalent  jamais 
contr'elle  ;  S.  Matthieu ,  ch.  xvj.  verf.   z  $, 

ch.  xxviij^ 


C  O  N  C  O  N  So^ 

ch,  xxpîij.  verf.  zo.  Auiîî  voyons-nous  que  f  qu*ll  nous  e{l  facile  de  démontrej*  en  mar- 


ie cardinal  Bellarmin  ,  lil>.  I.  de  conciliis  Ù 
ecclejiâ  y  cap.  ij.  fonde  la  néceiEté  des  con- 
ciles 1°.  fur  ces  paroles  de  Jefus-Chrill , 
ubifunt  duo  vel  ires  ,  &c.  qui  doivent  s'en- 
tendre des  conciles  f  fuivanc  l'interprétation 
<îu  concile  de  Chalcédoine  dans  la  lettre 
fynodale  au  pape  Léon  :  2°.  fur  ce  que  \ts 
apôtres  ont  pratiqué  eux-mêmes  :  quoique 
chacun  d'eux  eût  une  autorité  fuffifànte  pour 
décider  les  contellations  qui  s'élevoient ,  ils 
ne  voulurent  pas  cejpendant ,  fans  un  concile  , 
prononcer  fui^  l'oblervation  des  cérémonies 
légales  ,  dans  la  crainte  de  paroître  né- 
gliger une  vole  que  Jefus-Chrill  leur  avoit 
cnieignée  :  3°.  fur  la  coutume  que  l'Eglife  a 
obfervée  dans  tous  les  fiecles  ,  de  (;enir  con- 
cile toutes  les  fois  qu'il  s'agiflbit  de  (ij^ueftions 
douteufes.  C'eft  donc  au  foin  important  de 
confèrver  l'unité  de  la  foi ,  c'eft  à  la  nécef- 
iitè  d'avoir  le  fentiment  général  de  l'EgUfè  , 
qu'il  faut  rapporter  l'origine  des  conciles. 
Un  nombre  infmi  de  paifages  àcs  SS.  pères , 
(ùr-tout  l'homélie  xxix.  de  S.  Bafile ,  ad- 
verfus  calumniatores  fanclce  Trinuatis  , 
&  (à  lettre  Ixxxij.  nous  confirment  que 
l'ufage  de  les  convoquer  efl  établi  fur  ces 
puiiîan^  motifs.  Les  conciles  £n  font  d'au- 
tant plus  refpeûables  aux  yeux  des  fidèles , 
puifqu'on  leur  doit  la  même  vénération 
qu'à  l'Eglife  qu'ils  repréfentent. 

On  divife  les  conciles  en  généraux  &  par- 
ticuliers. Les  généraux  ou  œcuméniques  font 
ceux  où  l'on  appelle  les  évêques  de  toute  la 
chrétienté.  Ces  conciles  y  qui  tiennent  avec 
railbn  le  premier  rang  ,  offrent  une  matière 
<iont  les  principes  ne  font  pas  admis  univer- 
fellement  ;  c'e'H  pourquoi  nous  tâcherons  de 
les  difcuter  avec  la  plus  fcrùpuleufe  exac- 
titude :  voici  l'ordre  que  nous  nous  propo- 
fons  de  fuivre  :  Nous  verrons  1°.  par  qui  ces 
conciles  doivent  être  indiqués  ;  2.°.  comment 
on  doit  les  convoquer  ;  3*^.  quelle  efl  la 
matière  qu'on  y  traite  ;  4°.  la  forme  fuivant 
laquelle  fe  tient  le  concile  ;  5°.  quelle  eft  l'au- 
torité des  conciles  généraux.  A  l'égard  de  la 
première  queftion  ,  fi  l'on  confultc  les  neuf 
premiers  fiecles  de  l'églife  ,  ils  femblent  d'é- 
pofer  en  faveur  des  princes.  En  effet ,  nous 
Trouvons  que  pendant  ce  long  cfpace  de 
temps  ,  les  princes  ont  été  en  poflèlCon  de 


quant  la  fuite  des  conciles.  Le  premier  co/x- 
c lie  général  y  tenu  à  Nicsel'an  32,5  ,  fousîe 
confùlat  de  Paulin  &  de  Julien  ,  fut  indiqué 
&    convoqué  par  l'empereur  Conftantin  , 
fuivant  le  témoignage  d'Eufebe  auteur  con- 
temporain, vie  de  Conftantin,  lip  III.  chap, 
l'j.  où  il  dit  que  ce  prince  convoqua  le  coU" 
cile  &c  invita  par  [es  lettres  les  évêques  de 
s'y  trouver  au  plutôt.  Socrate  ,  liv.  /,  ch» 
viij.  Sozomene  ,  liv.  I ,  ch.  xi-'ij.  &  enfin. 
Théodoret,  liv.  I.  ch.  vij.  non-feulemenc 
font  d'accord    fur  ce   point  avec  Eulébe , 
mais  même  aucun  de  ces  écrivains  ne  fait 
mention  que  le  pape  Sylveftre   eut  part  à 
cette  convocation  ;  ce  qu'ils  n'eufîcnt  point 
omis,   s'il  étoit  vrai, qu'on  eût  alTemblé  le 
concile  par  les  ordres  du  pape.  M.  Bignon  , 
qui  eildc  cet  avis  ,  cite  Ruffin  ,  lit-'.  JÇ*»  ch.j^ 
où  cet  auteur  rapporte  que  le  concile  fiit  in- 
diqué par  Conflantin  d'après  le  fentiment  des 
évêques.  Mais  les  paroles  de  Ruffin  ne  ligni- 
fient rien  autre  chofe ,    finon  que  l'empe- 
reur avant  d'alfembler  le  concile  ,  demanda 
aux  évêques  [eur  avis  ;  ce  qui  n'empêche  pas 
qu'il  n'ait  ,  en  le  convoquant ,  fait  un  ade 
d'autorité  j   les  princes  ne  rougilîênt  point 
de  confulter  ceux  de  leurs  fujets  en  qui  ils 
ont  le  plus  de  confiance  ,  &  les  ordres  qu'ils 
donnent  eniuite  n'en  font  pas  moins  éma- 
nés du  trône.  Le  fécond  concile  général  ^  ou 
le  premier  de  Conflanrinople  ,    qui  fe  tinc 
l'an  381  ,  fous  le  confùlat  de  Siagre  &  d'Eu- 
cher ,  fut  convoqué  par  4'autorité  feu!e  de 
Théodofe  le  Grand.  Aucun  hiflorien  n'at- 
tribue la  convocation  de  ce  concile  au  pape 
Damafe  ,  qui  occupoit  alors  le  faint  fiege; 
perfonne  même  n'y  alîifla  de  fa  part.  M. 
Doujat    néanmoins   penfe  le  contraire  ,  fe 
fondant  fur  le  témoignage  tiré  de  la  lettre 
fynodale  que  rapporte  Théodoret ,  liv.  I, 
ch.  ix.  Dans  cette  lettre  les  PP.  du  concile 
de  Conflantinople  afîurent  le  pape  Damaie 
qu'ils  fe   font  affemblés  dans  cette  ville  , 
conformément ,  difent-ils  ,  aux  lettres  que 
votre  révérence  a  écrite^  l'année  précédent?,» 
après  le  concile  d'Aquilée  ,  au  très-religieux 
empereur  Théodofe.  Mais  il  eff  à  remar- 
quer 1°.  que  cette  lettre   n'efl  pas  fimplç- 
ment  adrelfée  au  pape  Damafe,   mais  ea-- 
core  à  Ambroife ,  Britton  &  piufieurs  au- 
convoquer  les  conciles  généraux  \  c'eil  ce  |  très  ,  dpat  les  rtams  fûiU  à  la  tête  de  la  ietup  ^ 


Tome  VIIL 


\iiï 


2io  C  O  N 

&  même  à  tous  les  évêques  qui  pour 
lors  renoient  un  concile  à  Rome  :  2°.  que 
cette  lettre  n'eii  jJoint  des  PP.  du  premier 
concile  de  Conftantinople  ,  mais  d'un  autre 
concile  de  Conllantinopie  qu'on  ne  compte 
point  parmi  les  conciles  œcuméniques ,  & 
qui  fe  tint  l'année  fuivante  381 ,  après  le 
concile  d'Aquilée.  Dans  le  courant  de  Tan- 
née 381,  immédiatement  après  le  premier 
concile  de  Conflantinople  ,  on  avoit  tenu 
celui  d'Aquilée  ;  &  dans  ce  concile  les  PP. 
écrivirent  à  Théodofe  ,  &  le  fupplierent 
d'afTembler  un  concile  à  Alexandrie  pour 
appaifer  les  diflèntions  de  l'églife  d'Orient. 
L'empereur  touché  de  la  milere  des  Occi- 
dentaux ,  convoqua  un  autre  concile  ^  non 
■  à  Alexandrie  ,  mais  à  Conftantinople  ;  c'ell 
de  la  convocation  de  ce  fécond  concile  de 
Coniîantinople  dont  parlent  les  Orientaux 
dans  la  lettre  dont  il  eft  ici  queftion  ,  & 
qu'ils  adreflerent  aux  mêmes  évêques  qui 
s'étoient  auparavant  alîcmblés  au  concile 
d'Aquilée.  Le  rroiiieme  concile  général  y  ou 
le  premier  d'Ephefe  ,  tenu  l'an  43 1  ,  fous 
le  confulat  d'Annius  Ba{îus«&  de  Flavius 
Antiochus  ,  fut  convoqué  par  Théodofe  le 

Î'eune  ;  nous  en  avons  la  preuve  dans  la 
ettre  de  ce  prince  à  Cyrille  ,  patriarche 
d'Alexandrie ,  &  aux  métropolitains  ,  partie 
première  du  concile  d'Ephefe,  ch.  xxxij,  tom. 
III.  des  conciles  y  pag.  43^-  Théodofe  leur 
ordonne  par  cette  lettre ,  de  fe  trouver  après 
la  Pâquc  prochaine  ,  le  jour  même  de  la 
Pentecôte  ,  dans  la  ville  d'Ephefe  pour  y  tenir 
-concile.  Le  pape  Céleflîn  non4eulement  en- 
voya fes  légats  pour  fe  conformer  aux  in'-en- 
tions  de  l'empereur ,  mais  ilreconnoit  encore 
expreffément  qpe  le  concile  fut  convoqué  par 
ce  prince,  dans  la  lettre  qu'il  lui  écrit.  Ces 
paroles  de  la.  lettre  font  remarquables  :  Huic 
f y  no  do  y  dit  le  pape  ,  quam  ejje  jujjifli  y 
nofiram  prcefentiam  in  lus  quos  miaimus  y 
exhibemus  :  tome  IH.  des  conciles  ,  pag. 
609.  Le  concile  de  Chalcedoine  ,  ou  le  qua- 
trième concile  général  ,  fût  célébré  l'an 
451,  à  la  vérité  fur  les  vives  infîances  de 
S.  Léon ,  pour  lors  fouverain  pontife  ;  mais 
ce  fut  l'empereur  Marcien  qui  le  convo- 
qua ,  comme  le  prouvent  deux  lettres  im- 
périales,  à  la  tête  defquelles  font  les  noms 
de  Valentinien  &  de  Marcien.  L'une  de  cts 
lettres  efl  aJreffée  à  tous  les  évoques  de  cd 


COK 

temps-Ii\,  &  l'autre  à  Anaiîafe  eVcque  ât 
Conflantinople,  partie  première  du  concile 
de  Chalcedoine  ,  ch.  xxxij.  &  xxxvij.  tom. 
iVdes  conciles  y  pp.  6'&&  6j.  Marcien  leur 
enjoint  de  s'afîembler  aux  prochaines  kalen- 
des  de  Septembre ,  dans  la  ville  de  Nicée 
de  la  province  de  Bithynie ,   pour  y  tenii: 
concile.  On  a  une  autre  lettre  de  l'empereur, 
par  laquelle  il  transfère  le  concile  de  Nicée  à 
Chalcedoine,  fom.  IV^.  des  conciles  y  p.  jo. 
La  raifon  de  ce  changement  fut  qu'il  vouloit 
affifler  au  concile  y  &  que  ne  pouvant  aller 
à  Nicée ,  il  lui  étoit  plus  commode  qu'on  le 
tînt  à  Chalcedoine  ,  ville  fituée  dans  le  voi- 
fmage  de  la  capitale  de  l'Empire.  Le  pape 
Léon    eft   bien   éloigné    de  defavouer  que 
cette  convocation  du  concile  ait  été  faite 
par  le  prince  :  Fraterna  unii'erjitas  y  dir-il , 
lettre  Ixj.  ou  Ixxxviij.  fuivant  les  nouvelles 
éditions,  6"  omnium  fidelium  corda  cognof- 
cant  y    me  non  foliim  perfratres  qui  i^icem 
m.eam  exfecutifiint  y  fed  etuim per  approka^ 
tionem  gefiorumfynodaliumpropriam  vobif- 
cum  iRii'iJfe  fententiam  y   infolâvldelicet 
fidei  caufâ  y  quod  fœpè  dicendum  efi ,  pfap- 
ter  quàm   générale  concilium  ex  praccepro 
chriflianorum  principum  ù  ex  confenfuapof- 
tolicx  fedis placuit  congregari.  On  voit  allez 
clairement  par  ces  paroles  ,  que  Léon  dillin- 
gue  l'ordre  des  princes  du  confentement  du 
iàint  fiege.  D'ailleurs  plufieurs  autres  lettres 
de  ce  pape  nous  apprennent  qu'il  avoit  con- 
ienti  avec  peine  que  le  concile  fe  tînt   en 
Orient ,  aimant  mieux  qu'il  fc  célébrât  en 
Italie.  Or  s'il  eût  cru  que  le  droit  d'indi- 
quer le  concile  lui  eût  appartenu  ,   il  n'eût 
pas  manqué  ,  vu  les  difpofitions  où  il  étoit  , 
de  le  convoquer  dans  une  àçs  villes  d'Italie. 
Le  cinquième  concile  œcuménique  ,  ou  le 
fécond  de  Conflantinople  ,  fut  indiqué  par 
Juflinien.  Evagre  ,  liv.  IV.  ch.  xxxvij.  Ni- 
cephore ,  In*.  XVII.  ch.  xxt'ij.  Nous  avons 
de  p'us  une  lettre  de  cet  empereur  ,   dans 
laquelle  il  annonce  qu'il  a  mandé  à  Conf- 
tantinopïe  les  métropolitains  ;    &.  ,  ce  qui 
efl    digne   de    remarque ,  il  y  prefcrit  aux 
pères  du  concile  l'ordre  fuivant  lequel  on 
y  traitera  les  différentes  affaires  ,  tom.  V. 
des  conciles  y  p.  419.  Vigile  ,  fous  le  ponti- 
ficat duquel  ie  tint  le  concile  l'an  553,   étoit 
pour  lors  à  Conflantinople.  Il  fut  invité  d'y 
aflifler ,  mais  il  le  refufa  ;  &  quoiqu'il  eût 


C  O  N 

condamné  par  Ton  judicatum  la  doârine 
impie  de  Théodore  deMopfuefte  ,  il  défap- 
prouva  au  commencement  la  conduite  du 
concile  y  en  ce  qu'il  prononçoit  l'excommu- 
nication &  l'anathême  contre  Ats  morts  , 
qui  ,  félon  lui ,  dévoient  être  abandonnés 
au  jugement  de  Dieu.  Cependant  le  pape 
dans  la  fuite  changea  d'avis  ,  &  fix  mois 
après  la  conclufion  du  concile  ,  ratifia  tout 
ce  qui  s'y  étoit  pafTé.  Le  fixieme  concile  gé- 
néral y  bu  le  troilieme  de  Conitantinople , 
fut  indiqué  par  l'empereur  Conltantin  Po- 
gonat ,  &  tenu  contre  les  Monothelites  Tan 
680  &  681,  en  préfence  des  légats  d'Aga- 
thon  ,  fouverain  pontife.  Conllantin  avoit 
écrit  à  ce  fujet  au  pape  Domne ,  prédécef- 
feur  d'Agathon  ,  &  l'avoit  invité  d'envoyer 
au  concile  des  perfonnes  qui  puflènt  y  erre 
utiles  ,  qui  fufl'ent  veriées  dans  la  connoif- 
fance  des  faintes  écritures ,  &  rccomman- 
dables  par  leur  modeftie.  La  lettre  efl  rap- 
portée tom.  VI.  des  conciles  ,  p.  594,  on 
y  trouve  aulii  la  réponle  d'Agathon  ,  fuc- 
celTeur  du  pape  Domne  ,  dont  on  fit  lec- 
ture dans  l'adion  quatrième  du  même  con- 
cile y  tom.  V^I.  p.  030.  Il  déclare  dans  cette 
réponfe  ,  que  pour  obéir  efficacement  & 
comme  il  le  doit  aux  ordres  de  l'empereur  , 
il  a  fait  choix  de  perfonnes  telles  que  le 
prince  les  demande  ,  &  qu'il  les  envoie  à 
Conilantinople.  Le  feptieme  concile  général  y 
ou  le  fécond  de  Nicée  ,  fut  convoqué  l'an 
785  par  l'impératrice  Irène  &  Conftanrin 
fon  fils.  Cell  ce  que  nous  apprend  la 
lettre  impériale  adrefîée  au  pape  Adrien 
premier ,  par  laquelle  on  l'invite  dfe  fe  trou- 
ver au  concile  qui  devolt  fe  tenir  incef- 
famment ,  tom.  VII.  des  conciles  y  p.  32. 
Ce  fouvej[ain  pontife  envoya  en  effet  àts 
légats  qui  "^ili fièrent  au  concile  y  &  lui- 
même  enfuite  en  ratifia  les  ades.  Enfin  le 
huitième  concile  général  ou  le  quatrième 
de  Conflantinople ,  tut  indiqué  par  l'empe- 
reur Bafile  furnpmmé  le  Macédonien  ,  dans 
un  temps  où  Rome  &  l'Italie  ne  faifoient 
plus  partie  de  l'empire  d'Orient.  Ce  con- 
cile fe  tint  l'an  869  fous  le  pontificat  d'A- 
drien II ,  qui  en  approuva  la  décifion.  Nous 
trouvons  la  preuve  que  la  convocation  fijt 
taite  par  l'empereur  Bafile  ,  dans  l'hifloire 
de  ce  concile  écrite  par  Anafhfe  le  biblio- 
thécaire ,    &   dans   i'adion  cinquième    du 


C  O  N  8rr 

mcme  concile  y  telle  qu'Anaflafe  Ta  traduite 
en  latin.  On  y  rapporte  qu'Hélie  prêtre  & 
fyncelle  de  l'églile  de  Jérûfalem  ,  voulant 
prouver  la  légitimité  du  concile  y  adrefîa  la 
parole  en  ces  termes  aux  PP.  dont  il  étoit  ^ 
compolé  :  Scitis  quia  in  prceteritis  tempori^ 
bus  imperatores  erantqui  congregaBantJjnC"' 
dos  y  &ex  toto  terrarum  orbe  vicarios  addif- 
pojitionem  hujufmodicaufarum  colligebant; 
quorum  more ,  Ù  Dei  cultor  imperator  nof^ 
ter  univerfàlem  hanc  fynodura  fecit ,  Ùc, 
Anafîafè  remarque  dans  une  note  margi- 
nale qu'il  efl  ici  queflion  des  conciles  gêné'- 
raux  y  &  que  les  conciles  particuliers  n'ont 
jamais ,  ou  rarement ,  été  convoqués  par 
les  empereurs.  Nous  verrons  dans  la  fuite 
fi  cette  obfervation  efl  jufîe. 

On  ne  peut  donc  pas  douter  que  pendan^ 
un  temps  très  -  confidérable  ,  les  princes 
n'aient  convoqué  les  conciles  généraux.  Mais 
étoient-ils  en  droit  de  le  faire  ?  étoit-ce  une 
ufurpation  de  leur  part  ?  c'cft  ce  qu'une  fim- 
ple  réflexion  va  décider.  Lesprinces  ont  été 
établis  par  Dieu  même  pour  gouverner  les 
peuples  &  maintenir  l'ordre  public  dans 
l'étendue  de  leur  domination  :  d'un  autre 
côté,  la  confervation  de  la  rel'gion  contri- 
bue au  bien  &  à  la  tranquillité  de  l'état  ; 
or ,  il  n'y  a  point  de  voie  plus  fûre  pour 
préferver  la  religion  de  toute  atteinte ,  que 
d'afTêmbler  les  conciles  ;  c'efi  par  eux  que 
la  vérité  fe  fait  jour,  que  la  laine  doârine 
fe  trouve  raffermie  jufque  dans  fes  fonde- 
mens  ,  que  les  liens  de  la  charité  &  de  la 
communion  fraternelle  font  refîêrrés  entre 
les  fidèles.  Cela  étant  ainfi ,  on  a  cru  avec 
raifon  pendant  les  premiers  fiecles  de  l'égli- 
fe  ,  que  le  droit  de  convoquer  les  conciles 
appartenoit  à  celui  qui ,  en  vertu  de  la  di- 
gnité dont  il  efl  revêtu  ,  le  trouve  chargé 
du  foin  de  veiller  au  bien  de  l'état.  Ajoutez 
à  cela  que  ,  lorfqu'il  s'agit  de  la  foi  &  d'^s 
mœurs,  les  hommes  impies  ou  déréglés  fe 
fervent  de  toutes  fortes  de  rufes ,  foit  pour 
éviter  une  condamnation  ,  foit  pour  fe  fouf^ 
traire  à  la  peine  prononcée  contre  eux  ;  que 
d'ailleurs  l'églife  n'a  point  de  puifTance  coac- 
tive ,  mais  limplement  la  voie  de  l'exhor- 
tation ,  &  ne  peut  mettre  en  ufage  que  les 
peines  fpirituelles  &  médicinales.  H  eft  donc 
néceffaire  de  recourir  à  ceux  qui  font  armés 
du  glaive ,  c'efl-à-dire  aux  princes ,  afin  que 

I  i  i  i  i    i 


«iz  CON 

^çi-Tonne  n  ofe  rcMer  aux  conciles  afîem- 

blés  par  leur  autorité. 

Ce  ientiment  à  la  vérité  efl  entièrement 
oppofé  à  celui  qu'çmbralîe  Gratien  dans  la 
àftinûion  dix-feptieme  de  Ton  décret ,  où  il 
fuppofe  comme  un  principe  inconreftable , 
-que  le  droit  de  convoquer  les  co/i^ri/ej  g-/«e- 
raux  n'appartient  qu'au  faint  liège.  De-là 
jîiême  les  interprètes  ont  conçu  ainfi  la  rubri- 
que de  cette  dillinction  :  papœ  eft  generalia 
concilia  congregare.  Gratien  y  a  raflèmblé 
tous  les  canons  qu'il  a  cru  favorables  à  cette 
prétention  des  fouverains  pontifes.  Mais  un 
court  examen  de  ces  canons  appuyé  fur  la 
faine  critique  ,  en  détruira  bientôt  l'authen- 
ticité. 

'  Dans  le  premier  canon  ,  il  efl  dit  que  l'em- 
pereur ne  peut  régulièrement  célébrer  un 
concile  fans  l'autorité  du  pape  ,  ni  condam- 
ner un  évêque  iitot  qu'il  a  une  fois  appelle 
au  fàint  fiege  :  mais  ce  can.on  efl  tiré  de  la 
i^iufîé  décrétale  du  pape  Marcel  au  tyran 
ivlaxence.  Nous  dirons  qu'elle  efl  faufîe  , 
non-feulement  parce  que  ce  vice  efl  com- 
inun  à  toutes  les  décrétalts  attribuées  aux 
fouverains  pontifes  qui  ont  précédé  le  pape 
Sirice ,  mais  encore  parce  que  le  contexte 
ienticr  de  la  lettre  ,  qui  eft  remplie  de  barba- 
tifmes,  &  qui  contient  divers  paffages  de 
l'Ecriture  tirés  de  la  verfion  appellée  vulgate, 
très-poftérieure  au  pape  Marcel ,  nous  four- 
nit àts  preuves  de  fauflété  qui  font  parti- 
"culieres  à  cette  décrétale.  D'ailleurs  ,  eft- 
îl  vraifemblable  que  le  tyran  Maxence  , 
prince  idolâtre ,  ait  jamais  penfé  à  raffemblcr 
un  concile  d'évêques  ,  &  conféquemment 
■que  le  pape  Marcel  ait  eu  lieu  de  lui  tenir 
un  pareil  langage ,  favoir  qu'il  ne  peut  cé- 
lébrer un  concile  fous  l'autorité  du  faint 
"ïiege  ?  Enfin  ,  quand  même  Maxence  n'auroit 
point  été  livré  à  la  fuperftition  du  paganifme  , 
le  pape  auroit-il  pu  lui  dire  qu'il  n'a  plus 
le  droit  de  condamner  un  évcque  ,  fitôt  que 
_<çelui-ci  a  appelle  au  faint  fiege ,  comme 
fi,  du  moins  avant  cet  appel  ,  la  condam- 
nation d'un  évêque  étoit  du  refîbrt  de  la 
jurifdidion  d'un  prince  féculier  ?  Le  lècond 
"canon  renferme  la  même  maxime  ,  que  l'au- 
torité du  pape  eft  néceffaire  pour  la  célé- 
bration des  conciles  généraux  ;  aulii  n'a-t-il 
jpas  une  fourcc  plus  pure.  Il  eft  tiré  d'une 
lettre  faulîèmenr  attribuée  au  pape  Jules  I, 


CON 

qui  contient  un  refcrit  contre  les  Orientaux 
en  faveur  d'Athanafe.  M.  Bignon  dans  Çqs. 
notes  ,  avoue  que  cette  décrétale  eft  altérée  , 
pleine  de  fautes  ,  &  compofée  de  difîerens 
fragmens.  Le  père  Labbe  va  plus  loin  ,  & 
n'befite  point  à  dire  qu'elle  eiî  entièrement 
fauffe  ,  &  forgée  à  plaifir ,  tome  III.  des 
conciles ,  p.  483  Ê?  494..  Elle  paroît  écrite  en 
haine  du  concile  ^ Am\oc\\Q  ,  tenu  l'an  341  , 
&  c'eft  ce  qui  en  fait  voir  la  faulTeté  ;  car 
elle  eft  adreifée  aux  confiais  Félicien  &  Ti- 
tien,  qui,  fuivant  les  faftes  confulaires ,. 
étoient  confuls  en  l'an  337  >  P^r  coniéqucnt 
quatre  ans  avant  la  tenue  du  concile  qu'elle 
blâme.  Les  canons  iij  &  iv  ,  fur  lelquels- 
Gratien  croit  pouvoir  fonder  fon  opinion  , 
&  qu'il  cite  dans  cette  vue ,  ne  prouvent 
nullement  que  le  concile  œcuménique  doive 
être  convoqué  par  l'autorité  du  pape.  Dans 
le  canon  iij  ,  on  y  flatue  en  général  que 
perfonne  n'ait  la'  témérité  de  s'arroger  ce 
qui  n'appartient  qu'au  fouverain  pontife  , 
fous  peine  d'être  privé  de  tous  les  honneurs 
eccltfiaftiques.  Cette  déciiion  ainfi  conçue 
d'une  façon  géiiérale ,  ne  regarde  en  aucune 
manière  les  conciles  ,  fi  ce  n'efl  en  ce  qu'elle 
eft  tirée  de  la  lettre  qui  pafîé  pour  être  la 
quatrième  de  celles  qui  font  attribuées  au 
pape  Darriafe ,  &  adrefîees  à  Etienne  arche- 
vêque d'Afrique  ,  &  aux  conciles  de  la  même 
province.  Or  ,  la  fauflèté  de  cette  lettre  pa- 
roît ,  tant  par  les  réferves  fréquentes  qu'on 
y  fait  au  fàint  fiege  des  caufes  majeures 
(  quoiqu'elles  fu fient  alors  inconnues  de 
nom  &:  d'effet ,  )  que  par  la  date  du  confu- 
lat  qui  rapporte  la  lettre  à  l'an  400 ,  quoi- 
que le  pape  Damafe  fût  mort  dès  l'année- 
384.  Dans  le  canon  i'v  ,  il  eft  queftion  de 
quelques  évêques  qui ,  lorfqu'il  s'élevoit  des 
doutes  fur  ce  qui  avoit  été  ftajjfé  par  les 
conciles  généraux  y  s'aflémbloient  dans  des 
conciles  particuliers,  &  là  jugeoientlei:o/2a7tf 
général ,  ce  que  le  pape  Pelage  1  condam-ne. 
Il  défapprouve  donc  qu'un  concile  particu- 
lier oÇt  juger  un  concile  univerfel ,  dont  la 
décifion  eft  celle  de  toute  l'églife  ;  &  il  or- 
donne que  dans  le  cs.s  où  les  evêqucs  auront 
quelques  doutes  fur  les  ftatuts  des  conciles 
généraux  ,  ils  en  écrivent  au  plutôt  aux 
fieges  apoftoliques  ,  c'eft-à-dire  fondés  par 
les  apôtres ,  dans  les  archives  defquels  on 
gardoit  les  vrais  ades  des  xonciUs  y  afin 


C  O  N 

qu'ils  trouvent  U  furement  ce  qu'ils  cher-  l 
cKent.  On  ajoure  dans  ce  canon  ,  que  li  ces 
ëvêques  font  tellement  opiniâtres  qu'ils  re- 
fusent d'être  iniiruits  ,  alors  il  cû  nécefîaire 
qu'ils  foient  attirés  au  falut  de  quelque  façon 
que  ce  loit  par  les  fieges  apofloliques  ,  ou 
qu'ils  foient  réprimés  fuivant  les  canons  par 
les  puifïànces  féculieres.  Cette  addition  nous 
ferable  fufpede  ,  en  ce  que  nous  ne  voyons 
pas  comment  les  fieges  apoftoliques  peuvent 
attirer  au  falut  ceux  qui  retufent  opiniâtre- 
ment d'être  inflruits  :  ainfi  nous  préfumons 
que  la  fin  du  canon  n'efl  point  de  Pelage  I  ; 
peut-être  même  la  lettre  entière  ,  d'où  le 
canon  efi  tiré ,  eft-elle  faufle.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain ,  c'eft  qu'elle  ne  fe  trouve  pas  parmi 
les  lettres  de  Pelage ,  &  qu'elle  n'a  paru  que 
depuis  environ  un  fiecle,  temps  auquel  Luc 
Holfîein  nous  l'a  |^fituée  d'après  pluficurs 
fragmens.  Le  canon  v,  efl  tiré  de  la  lettre  qui 
porte  le  nom  de  Pelage  II  avec  cette  infcrip- 
tion  :  DilecîiJJfmis  fratribus  unii'erjis  epifco- 
pisquiUlicitâ  P'ocatione  Joannis  Confianti- 
nopolitani  epifcopi  adfynodum  Conjîanti- 
nopolimconvenerunt y  Pelagius.  On  recon- 
noît  la  fuppofition  de  cette  lettre  à  tant  de 
marques  ,  que  le  P.  Labbe ,  tome  V.  des 
conçues  y  p.  948 ,  afîure  avec  confiance  dans 
une  note  marginale  ,  que  ce  feroit  être  de 
mauvaife  foi  que  de  ne  pas  la  mettre  au 
rang  des   faulfes   décrétales  ,  dont  Ifidore 
nous  a  infedés  ;  qu'à  la  vérité  Pelage  II 
avoit  écrit  à  ce  fujet ,  mais  qu'on  a  perdu  la 
véritable  lettre ,  &  qu'on  y  a  fubflitué  celle- 
ci  qui  a  été  fabriquée  à  ce  defl'ein ,  comme  le 
démontrent  le  ftyle,  qui  n'efî  pas  celui  du 
temps  ,  &  plufieurs  autres  cliofes  renfermées 
dans  le  contexte  de  la  lettre.  De-là  on  peut 
juger  de  quel  poids  efl  ce  canon  ,  lorfqu'il 
prononce  qu'on  ne  doit  pas  célébrer  de  con- 
cile faiîs  l'avis  du  fouverain  pontife  ;  qu'au- 
trement ce  n'efl  point  un  concile  y  mais  un 
conciliabule.  Le  mot  latin  fententia%  dont 
fe  fert  ici  l'impofleur ,  fignific  la  convention 
dans  le  fens  qu'il  lui  donne,  au    lieu    que 
nous  nous  contentons  de  dire  qu*il  faut  de- 
mander le  confentement  du  faint  fiege.  A 
l'égard  du  canon  iv  ,  on  ne  peut  lui  impu- 
ter d'être  falfifié  ;  mais  c'efl  mal-à-propos 
que  Gratien  le  cite  pour  appuyer  fon  fyfïê- 
me  ;  il  n'en  peut  rien  conclure  qui  lui  foit 
favorable.  Voici  en  peu  de  mots  l'hiiloire 


C  O  N  813 

&  re.xpofîtîcn  de  ce  canon.  Les  praticiens 
Faullinus    &    Probinus  intentèrent  divers 
chefs  d'accufation  contre  le  pape  Simma- 
que,  pardevant  Théodoric  roi  d'Italie,  qui 
renvoya  la  connoifîance  de  cette  affaire  au 
concile  de  Rome.  Simm.aque  ayant  été  dé- 
chargé de  ces  accufations  dans  le  quatrième 
concile  de  Rome  ,    fcs  ennemis   écrivirent 
contre  le  concile  ,   &  donnèrent  ce  titre  à 
leur  ouvrage.  Adverfiis  fynodum  abfolu- 
tionis   incongrues.    Ennodius  ,    évoque  de 
Pavie  ,  entreprit  l'apologie  du  concile  y  & 
cette  apologie  tut  approuvée  dans  le  cin" 
quieme  concile.  Dans  cette  apologie  Ennodius 
fait  tous  {ts  efforts  pour  relever  l'autorité  du 
faint  fiege  &  du  pape  ;  il  lui  arrive  même 
très-fouvent  de  paflér  les  bornes  légitimes  ; 
par  exemple  ,  il  prétend  que  le  fucceffeur 
de  S.  Pierre  ne  pèche  jamais  ;  il  fonde  ce 
privilège  de  ne  point  pécher ,  tant  fur  les 
mérites  du  chef  des  apôtres  ,  que  fur  la  pré- 
éminence de  la  dignité  en  laquelle  le  pape 
lui  a  fuccédé.  C'eff  de  cette  apologie  rappor- 
tée ,  tcm.  IV.  des  conc.  p.  1 340 ,  jufqu'à la 
page  1359»  qu'efl  tiré  je  canon  dont  nous 
parlons  ici.  Les  adverfaires  d'Ennodius  ob- 
jedoient  ce  qui  fe  lit  au  commencement  du 
canon  :  Numqiiid  ob  id  quod  prcefentiam 
papœ  non  habuerint  y   inftituta  ex   regulis 
ecclejiafiicis  perjingulos  annos  in  quibufque 
proviîiciis  concilia  y  eâ  ratione  invalida  Jint^ 
ce  qui  feroit  abfurde  ,  de  l'aveu  même  des 
correcteurs  romains.  Ennodius  répond  :  Le- 
gifiis  y  infanijjîmi  y   &cc.  &  il  fe  laiffe  telle- 
ment emporter  à  fon  zeie ,  qu'il  foutieçt  qu'on 
ne  trouve  rien  d'établi  dans  les  conciles  pro- 
vinciaux contre  la  décifion  du  faint  fiege  y 
&  même  que  les  caufes  majeures  doivent  y 
être  renvoyées  ;  ce  qu'il  faut  entendre  àes 
provinces  voifines  de  Rome ,  &  non   des 
autres ,  où  certainement  on  célébroit  alors 
des  conciles  provinciaux  fhns  que  le   pape 
s'en  mêlât ,  &  qu'il  y  eût  la  moindre  part.  Il 
eu  donc  évident  qu'il  ne  s'agit  point  dans  ce 
canon  des  conciles  œcuméniques  ;  &c  d'ail- 
leurs l'on  voit  par  les  faits  qui  ont  donné 
lieu  à  l'apologie  d'Ennodius  ,  combien  dans 
ces  temps-là  le  pape  étoit  peu  refpedé  en 
Italie. 

Nous  avons  démontré  le  peu  de  fôliditë 

;  des  autorités  compilées  par  Gratien  ,  peur 

établir  que  le  pape  a  le  droit  de  convoquey 


8i4  C  O  N 

les  conciles  généraux  à  l'cxclufion  de  toute 
autre  puiflance.  Nous  fommes  parvenus  à  ce 
but  en  arrachant  le  mafque  de  l'antiquité 
que  por'toient  la  plupart  de  ces  autorités, 
ou  en  rendant  fenfible  la  faufleté  des  appli- 
cations. Par-là  les  réflexions  que  nous  avons 
faites  pour  juftifier  la  conduite  des  empe- 
reurs qui  ont  convoqué  des  conciles ,  de- 
meurent dans  toute  leur  force  :  s'ils  ont 
cefle  d'exercer  ce  droit  après  l'époque  que 
nous  avons  marquée  ,  c'elt-à-dire ,  après  les 
huit  premiers  coaciUs ,  nous  devons  l'attri- 
buer ,  fans  doute ,  aux  changemens  arrivés 
depuis  dans  la  chrétienté.  Lorfqu'elle  n'o- 
béilToit  qu'à  un  iluverain  ,  il  lui  étoit  facile 
d'ordonner  par  un  éJit  aux  évêques  de  s'af- 
fembler  dans  un  certain  lieu  pour  y  tenir 
concile  ;  mais  depuis  que  l'empire  a  été  di~ 
vifé  ,  &  que  le  monde  chrétien  s'eft  partagé 
en  divers  royaumes ,  cela  eft  devenu  ,  pour 
ainfi  dire  ,  impraticable  ':  car  les  évéques 
étant  foumis  à  difFérens  princes  ,  dont  l'un 
ell  indépendant  de  l'autre  ,  il  faudroit  au- 
tant de  convocations  qu'il  y  a  de  fouverains; 
qu'ils  convinlïent  d'abord  du  lieu  de  l'allêm- 
b!ée  ,  pour  y  convoquer  enfuite  les  métro- 
politains &  les  évêques  de  leur  royaume.  Les 
inconvéniens  qui  auroient  réfulté  de  la  diffi- 
culté de  s'accorder  entr'eux ,  ont  été  caufe 
que  le  droit  de  convoquer  les  conciles  œcu- 
méniques a  été  déféré  au  pape  par  Tulage  & 
du  confentement  des  égliiès.  On  a  jugé  con- 
venable que  celui  qui  occupe  la  chaire  de 
S.  Pierre  ,  d'où  naît  l'unité  l'acerdotale ,  fût 
.chargé  <lu  foin  d'alïembler  l'égUfe  univer- 
felle.  Obfervons  néanmoins  à  ce  fujet  que  le 
pape  ne  peut  pas  convoquer  un  concile  géné- 
ral, à  moins  que  les  princes  chrétiens  n'y 
confentent  ;  premièrement  parce  que  les 
£vêques  font  fujets  du  prince ,  &  par  cette 
raifon  ne  peuvent  quitter  leurs  églifes  fans 
fon  confentement  ;  fecondement  parce  que 
c'ell  le  feul  moyen  de  maintenir  l'union  entre 
le  facerdoce  &  l'empire ,  fans  laquelle  la 
fociété  ne  peut  fubfilter.  Le  concours  des 
deux  puiflances  ,  étant  donc  efîèntiel  dans 
les  choies  qui  regardent  la  foi ,  il  en  faut 
conclure  que  le  confentement  des  prince^ 
chrétiens  efl  néceflaire  toutes  les  fois  qu'il 
.eftqueflion  de  célébrer  un  concile  œcumé- 
nique. Ajoutez  à  cela  que  le  confentement 
^£5^  princes  rcpréfente  celui-  des  peuples  j 


C  O  N 

car  dans  chaque  état  le  prince  efl  le  repré- 
fentant  de  la  nation.  Or  ,  ce  confentement 
àts  peuples  opère  celui  de  toute  l'EgUfe  , 
qui ,  félon  la  réponfe  de  Philippe-le-Bel 
à  une  bulle  de  Boniface  VIII ,  n'eft  pas  feu- 
lement compofée  du  clergé ,  ma*s  encore 
des  laïques.  Une  autre  oblèrvation  à  faire  , 
elf  que  les  princes  chrétiens  n'ont  pas  perdu 
irrévocablement  le  droit  de  convoquer  les 
conciles  œcuméniques.  En  efïet ,  comme  ils 
font  obligés  en  qualité  de  magiflrats  politi- 
ques de  veiller  à  ce  que  le  bien  de  l'état , 
qui  efl  intimement  lié  avec  celui  de  la  reli- 
gion ,  ne  reçoive  aucune  atteinte  ;  il  réfulte 
de-là  que  s'il  arrivoit  qu'ils  convinfîènt  una- 
nimement de  la  tenue  d'un  concile  ,  du  lieu 
de  l'aflèmblée  ,  &  qu'ils  ordonnaient  par 
leurs  édits  aux  évêque^Jpurs  fujets  de  s'y 
trouver  ,  pour  lors  le  co/we/e  feroit  convoque 
légitimement  ;  un  ufàge  contraire  ,  introduit 
par  la  feule  difficulté  de  fe  conciher  fur  ua 
même  objet ,  n'ayant  pu  les  faire  décheoir 
de  leurs  droits. 

On  a  même  été  plus  loin  pendant  le  fchif^ 
me  d'Avignon.  La  chaire  de  S.  Pierre  ,. 
quoique  indivifible  ,  étant  occupée  dans  ce 
temps-là  par  deux  contendans  ,  dont  l'un 
fous  le  nom  de  Grégoire  XII  fiégeoit  à, 
Rome  ,  l'autre  à  Avignon  fous  le  nom  de 
Benoît  XIII ,  &  aucun  des  deux  ne  voulant 
abdiquer  le  pontificat ,  ce  qui  étoit  cepen- 
dant le  feul  moyen  de  rétablir  l'union  &  la 
concorde  ,  les  cardinaux  fe  féparerent ,  tant 
de  Grégoire  que  de  Benoît  ;  &  s'étant  af^ 
iémblés  à  Livourne  afin  de  délibérer  fur  les 
mefures  à  prendre  pour  éteindre  le  fchifme , 
&  célébrer  un  concile  ,  on  éleva  la  queflion  , 
fi ,  dans  le  cas  où  deux  papes  ,  au  mépris 
manifefle  de  leur  ferment ,  diviferoient  l'égli- 
fè ,  &  par  une  collufionfrauduleufe  entretien- 
droiênt  le  fchifme  ,  les  cardinaux  ne  pour- 
roient^pas  convoquer  le  concile.  Sur  ctttQ 
queflion  Laurent  Rodolphe ,  célèbre  dodeur 
es  droits  ,  foutint  dans  une  difpute  qui  dura 
trois  jours  ,  que  le  concile  convoqué  dans 
ce  cas  par  les  cardinaux  feroit  légitime , 
M.  Lenfant ,  hifi.  du  conc.  de  Pife  ,  liv, 
III.  ch.  vij.  Gerfon  prouva  la  même  chofe 
dans  fon  traité  de  auferibilitate  papae  ab 
Ecclef.  favoir  que  dans  un  temps  de  fchifme , 
lorfqu'il  s'agit  de  juger  le  pape ,  le  droit 
de  convoquer  le  concile  cçfîè  de  lui  appar-^ 


C  O  N 

tenir  ,  comme  étant  partie  intéreflee  ,   & 
que  ce  foin  regarde   les    cardinaux  &  ks 
évêques  ,  conjointement  avec  les   princes 
'temporels.  Dans  le  iîecle  fuivant ,  lorfque 
les  fameufes    divifions  de  Jules    II    &  de 
Louis  XII  éclatèrent  ,    cinq   cardinaux  , 
Bernardin  de  Carjaval ,  François   de  Bor- 
gia  ,  René  de  Prié  ,  Frédéric  de  S.  Severin , 
&  Guillaume  Briçonnet  ,  ne  poiivant  plus 
fùpporter  l'ambition  de  ce  pontife  ,   &  mé- 
contens  de  ce  qu'il  ne  tenoit  pas  de  concile 
général  ,   comme  il  avoit  promis  avec  fer- 
ment de  le  faire  deux  ans  après  foH  exalta- 
tion ,  l'abandonnerery:  dans  fon  voyage  de 
Rome  à  Bologne  ,  fe  rendirent  à  Milan  & 
de-là  à  Pife  ,  où  ils  aflemblerent  un  concile 
l'an   1511  ,  fous  le  bon  plaifir  de  Maximi- 
lien  empereur  &  de  Louis  XII.    Dans  ce 
temps-là  on  agita  de  nouveau  la  quefiion  , 
fi  le  pouvoir  d'afîembler   l'églife  apparte 
noit  aux  cardinaux  ,    ou  même    ^  la  plus 
petite  partie  d'entr'eux.  Philippe  Décius  de 
Milan  ,  dofteur  es  droits  ,  alTez  connu  par 
fes  écrits  ,  fe  lignnlà  dans  cette  occafion  , 
&  devint  par-là fi  agréable  au  roi  Louis  XII  , 
Qu'il  en  obtint  une  place  de  confeiller  au 
parlement  de  Grenoble.    On  a  fa  confulta- 
tion  qui  parut  la   môme  année  15 11   ,    & 
ledifcours  qu'il  publia  enfuite  pour  la  juf- 
tification  du  copxile  de  Pife.  Dans  ces  deux 
ouvrages  ,  Décius  après  avoir  accumulé  les 
uns  fur  les  autres  &  textes  &  gloffateurs  , 
fuivant   la   méthode   de   raifonner  de    fon 
temps  ,    conclut    qu'il  y  a  des  cas  où  les 
cardinaux  ,  même  en  plus  petit  nombre  , 
font  en  droit  de  convoquer  un  concile  ;  par 
exemple  fi  le  pape  &  les  cardinaux  de  ion 
parti  négligent  ou  refufént  de  le  faire  ,  quoi- 
que les  befoins  de  l'églife  le  demandent.  Il 
eût  pris  une  voie  plus  fimple  pour  rendre 
fenlible  cette  vérité ,  s'il  fe  fût  reftreint  à 
dire  ,  comme  quelques-uns  l'ofent  avancer , 
que  depuis  long-temps  les  cardinaux  conl- 
tituent  le  collège  de  l'églife  romaine  ,  &  que 
le  droit  de  convoquer  le  concile  n'a  pas  tant 
été  accordé  à  la  perfonne  du  pape  ,  qu'au 
fiege  qu'il  occupe  ;  qu'ainfidnns  les  cas  dont 
nous  parlons  ,   l'églile    romaine  à  laquelle 
préiident  les  cardinaux  qui  lui  font  demeu- 
rés fidèlement  attachés  ,  peut  inviter  les 
autres  évêques  à  s'aflembler  avec  elle  pour 
tenir  concile. 


C  O  N  8,5 

Mais  fi  ce  droit  app-J.rtient  quelquefois  aux 
feuls  cardinaux  ,  à  plus  forte  raifon  un  con- 
cile géam^l  peut-il  en  indiquer  un  autre  , 
du  confentement  des  princes  ,  puifqu'il  re- 
préfente  l'églife  univerfelle  ,  qui  certaine- 
menta  le  pouvoir  de  l'alfembler  elle-même. 
Nous  en  avons  un  exemple  illufiredans  la 
refpcâable  concile  de  Baie  ,  que  la  France  a 
reçLifolemnellement,  &  dont  Charles  VII 
a  fait  inférer  les  décrets  dans  la  pragmatique- 
i'andion.  Ce  concile  fut  indiqué  par  ceux  de 
Confiance  &  de  Sienne  ,  c'ell-à-dire,  que 
dans  la  felfion  24  du  concile  de  Confiance  , 
du  19  avril  1418  ,  on  indiqua  le  concile  X 
Pavie  ,  tom.  Vil.  des  conc.  pag.  z^j.Wf 
commença  l'an  1423  ;  mais  à  caufe  de  Lt 
pefic  qui  ravageoit  Pavie  ,  il  fut  bientct 
transféré  à  Sienne,  où  l'on  convint  le  19 
février  1424  ,  que  le  prochain  cdncih. 
qu'on  devoir  aflerabler  fept  ans  après  en 
exécution  du  décret  du  concile  de  Conf- 
tance  ,  fe  >iendroit  dans  la  ville  de  Baie. 
Voye'^  tome  XII.  des  conc.  pag.  4ffj.  où 
l'on  rapporte  le  décret  du  concile  de  Sienne  , 
qui  fut  lu  dans  la  première  feflion  de  celui 
de  Bà!e. 

Le  droit  de  ceux  auxquels  il  appartient  de 
convoquer  les  conciles  ,  félon  les  diverfès 
circonfiances  ,  étant  folidement  établi ,  il 
faut  expliquer  la  manière  dont  fe  fait  cette 
convocation.  Les  exemples  dont  nous  nous 
fommes  fervis  pour  faire  voir  que  les  prin- 
ces ont  été  en  pofieflion  d'indiquer  les  con- 
ciles y  prouvent  en  même-temps  qu'ils  ren- 
doient  à  ce  lùjet  des  édits  par  lefqueîs  ils 
mandoient  au  concile  les  prélats  ,  fiir-tout 
févêque  de  Rome  &  ceux  des  principaux 
fieges  ,  tels  que  Confiantinople  ,  Alexan- 
drie ,  Antioche  ,  Jérulalem.  A  l'égard  de 
l'évêque  de  Rome  ;  comme  il  efi:  de  droit 
divin  le  chef  de  l'églife  ,  il  efi  de  règle 
qu'on  ne  peut  tenir  de  concile  générai.,  à 
moins  qu'on  ne  demande  en  lorrae  fon  con- 
fentement ,  &  qu'on  ne  l'invite  d'y  aflifier  : 
auiîî  CQt  ufage  a-t-il  été  confiamment  pra- 
tiqué dans  l'églife  dès  les  premiers  temps , 
fi  nous  en  croyons  tous  les  hifioriens  ecclé* 
fiafiiques,  Socrate ,  lip.  II.  chap.  liij.  re- 
proche entr'autres  chofes  au  concile  d'An- 
tioche ,  que  Jules  évêque  de  Rome  n'y^t 
point  afiîfié  ,  ni  envoyé  perfonne  à  fa  place  , 
quoiqu'il  foit  ,  dit-il,  ordonné  par  les  canons 


2iS  C  O  N 

de   ne  fîatuer  fur   rien  dans  l'églife  fans 
que  l'évêque  de  Rome  en  ait  connoilTance. 
Sozomene  ylip.  II I.  chap.  x.  rapporte  qu'a- 
près la  condamnation  d'Athanalè  ,  le  pape 
Jules  écrivit  aux  évêques  qui  avoient  tenu 
le  concile  d'Antioche  ,  &  fc  plaignit  amère- 
ment de  ce  que  ,  contre  les  loix  ecclélialH- 
ques  ,  on  ne  i'avoit  point  appelle  au  concile. 
On  doit  pareillement  inviter  les  évêques  de 
l'univers  entier  ;   car  fi  l'on  ne  convoque 
que  ceux  d'une  certaine  nation  ,  ou  d'une 
certaine  province,  alors  le  concile  n'efl  point 
CECuménique  ,  mais  fimpl.^mert  national  ou 
provincial  :  ainfi  ,  pour  qu'il  ioit  réputé  uni- 
verfel  ,  il  efl  nécefTaire  d'obferver  les  deux 
règles  que  Bellarmin  propolé,  lib.  I.  deconc. 
cap.  xi'ij.  La  première  de  ces  règles  efl  que 
la  convocation  l'oit  notifiée  à  toutes  les  gran- 
des provinces  de  la  chrétienté.    Cette  no- 
tification ié  fait  par  les  métropolitains  ,  qui 
autrefois ,  après  avoir  reçu  les  ordres  des  em- 
pereurs ,  les  communiquoient  aux  évêques 
deleurs  provinces,  &  les  amenoient  avec  eux 
au  concile.  Depuis  que  la  coutume  a  déféré 
au  pape  le  droit  de  convoquer  les  conciles , 
il  adrefîe  au  prince  &   aux  métropolitains 
une  bulle  folennelle  d'indidion ,  qui  mar- 
que le  temps  &c  le  lieu  du  concile.  JPar  cette 
bulle  il  exhorte  les  princes  d'y  afîifier  ,  ou 
du  moins  d'envoyer  leurs  ambaffadeurs  con- 
jointement avec  les  évêques  de  leurs  royau- 
mes ,  &  enjoint  à   ces  mêmes  évêques   de 
s'y  trouver.  Enfuite  ,  lorfque  les  métropoli- 
tains ont  obtenu  la   permilllon  du  fouve- 
rain  ,  ils  avertilTent  leurs  fullragans  par  des 
lettres  circulaires  d'aller  au  concile.  La  fé- 
conde règle  de  Bellarmin  efi  qu'on  ne  don- 
ne l'exclufion  va  aucun  éveque ,  de   quel- 
qu'endroit  qu'il  vienne  ,  pourvu  qu'il  foit 
confiant  qu'il  efiévêque,&  qu'il   n'efi  pas 
excommunié.  Au    refie  ,  quoique   tous  les 
ëvaaues  doivent  être  appelles  au  concile  ,  il 
n'elt  cependant  pas  nécefTaire  que  tous  s'y 
trouvent  ,  autrement  il  n'y  auroit  pas  encore 
eu'dans  l'églife  de  concile  général.  «N'efi-ce 
pas  aflez  ,  dit  M.  Bofluet ,  qu'il  en  vienne 
tant  &  de  tant  d'endroits  ,  &  que  les  autres 
confentent  fi    évidemment  à    leur  alîêm- 
blée  ,  qu'il  fera  clair  qu'on  y  aura  porté  le 
fta-.timent  de  toute  la  terre  ?  w  Hijh  des  va- 
riations ,  liv.  Xl^.  n°.  zoo.  Nous  ne  nous 
étendrons  pas  davantage  fur  la  manière  de 


C  O  N 

convoquer  les  co/2c/7^j-,  &  nous  verrons  auSî 
en  peu  de  mots  quelles  font  les  matières 
qu'on  y  traite. 

Nous  avons  déjà  indiqué  au  commence- 
ment de  cet  article  ,  en  donnant  la  défini- 
tion du  concile  que  les  décifions  eccléfiafii- 
ques  ont  deux  objets  principaux  ,  la  foi  &  la 
difcipline  ;  ce  qui  eft  conforme  à  la  lettre  des 
pères  du  concile  de  Nicée  aux  Egyptiens , 
où  ils  fe  fervent  de  ces  deux  mots  grecs  , 
Aatii^v^  /)/,  KAi è  oyiJiiri(^uy ^c  Q^-^^àiYQ  drejjer 
des  articles  de  foi  ^  faire  des  canons  \  ainfi 
ces  deux  points  font  la  matière  des  conciles 
généraux.  La  foi  q^  contenue  dans  les  dogmes 
qui  la  propofent ,  dans  les  fymboles  ou  for- 
moles  qui  diftinguent  les  fidèles  àes  païens", 
des    juifs  &  des  hérétiques  ,    &  qui  font 
comme  la  marque  à  laquelle  on  rcconnoît 
\qs  troupes  de  J.  C.  Elle  efi  auflî  renfermée 
dans  les  lettres  fynodales  dans  lelquelles  les 
évêques  aflemblés  au  concile  expolent  leur 
cro}'ance  ;  &  enfin  dans  les  décrets  &  ana- 
thêmes  prononcés  contre  les  hérétiques.  On 
ne  peut  rien  ftatuer  de  nouveau  par  rapport 
à  la  foi  ;  parce  qu'elle  efi  un  don  de  Dieu 
auquel  les  hommes  ne  peuvent  rien  ajou- 
ter ,  comme  ils  n'en  peuvent  rien  ôter.  L'é- 
glife déclare  feulement  ce  qui  eft  de  foi  ou 
non  ;  mais  elle  fait  des  loix  par  rapport  à  la 
difcipline.  Or  ce  qui  appartient  à  la  difcipline 
a  coutume  d'être  expliqué  dans  les  canons  , 
ainfi  appelles  du  mot  grec  Kctvav ,  qui  fignific 
règle.  Ifidore ,  lib.  VI.  etymologiarum  ,  cap, 
xvj.  nous  apprend  la  railon  pour  laquelle  on 
s'efi  fervi  de  ce  mot  :  Régula  dicta  efi  canon  , 
eo  quod  reciè  ducit^nec  aliquando  aliorfum 
trahit',  alii dixerunt regulam  diclam^velquod 
regat  velquod normam  rectèvivendiprcebeaty 
velquod  diftortum  pravumque  corrigat.  Il  y 
a  une  autre  différence  très-remarquable  en- 
tre les  dogmes  &  les  canons.  La  foi  eft  une  , 
&  immuable  ;  régula fidei  una  efl  y  omnino 
fola  5  immobilis  &  irreformabilis.  Tertull. 
lib.  I.  de  velandis  virginibus.  La  difcipline 
au  contraire  peut  être  différente  ,  fiiivant  la 
différence  des  nations  &  des  lieux  :  car  on 
doit  regarder  comme  indiffèrent ,  &  ne  faire 
aucune  peine  d'obferver  ce  qui  ne  blefiè  ni 
la  loi  ni  les  bonnes  mœurs  ,  afin  que  par-là 
on  conferve  l'union  avec  ceux  avec  qui  l'on 
vit.  La  diverfité  de  ces  règles  n'empêche  pas 
les  églifes  d'entretenir  la  concorde  ,  lors- 
qu'elles 


C  O  N 

Iju'cllôs  font  réunies  dans  la  fol  ;  &  pour 
lious  fervir  des  paroles  de  Fulbert  évêque 
de  Chartres  :  Ubifidei  non  fcinditur  unitas , 
nos  non  offendit  ecclefiœ  divcrjitas  ;  fie  enim 
fiât  faHÊcta  ecclejia  regina  à  dextris  Dei  in 
pefiitu  deaurato  circumdata  varietate.  De-U 
naît  encore  une  autre  différence  entre  les  dog- 
fnes  &  les  canons  :  les  dogmes  ont  par  eux- 
mêmes  le  fceau  de  l'autorité  ,  &  ailreignent 
également  tous  les  fidèles  ;  au  lieu  que  les 
canons  ont  befoin  d'acceptation  &  du  con* 
cours  des  deux  puiflances  ,  pour  avoir  à 
l'extérieur  leur  exécution.  Cette  même  rai- 
son que  la  foi'eft  une ,  &  la  dilbipline  diffé- 
rente ,  fuivant  la  différence  des  lieux  ,  elt 
caufe  qu'on  traite  féparément  dans  les  con- 
ciles de  ces  deux  objets.  Ilel^  même  arrivé  que 
dans  plufieurs  on  n'a  examiné  que  des  quef- 
tions  de  toi ,  &  dans  d'autres  que  ce  qui  re- 
garde la  difcipline.  Par  exemple ,  les  cin- 
quième &:  fixieme  conciles  fe  font  contentés 
de  condamner  les  hérétiques  ;  &  dans  celui 
de  Trulle ,  qui  a  été  comme  une  (ùite  de  ces 
conciles ,  on  n'a  fait  que  des  canons  pour  le 
maintien  de  la  difcipline ,  &  il  ne  s'eft  point 
agi  de  la  foi. 

Quelquefois  encore  dans  les  conciles  on 
agite  les  caufes  cccléfiaftiques ,  &  elles  y 
font  terminées  par  un  jugement  de  l'églife 
afîemblée.  Souvent  celui  qui  avoit  été  ex- 
communié par  fon  évêque  ou  par  un  pre- 
mier concile  ,  obtenoit  que  fa  caufe  fèroit 
examinée  de  nouveau  ;  &  quelquefois  il  par- 
venoit  à  fe  faire  abfoudre  ;  comme  Théo- 
doret ,  qui ,  après  avoir  été  condamné  dans 
k  concile  d'Ephefe  ,  fut  admis  &  reflitué 
dans  çt\m  de  Chalcédoine.  C'efl  pourquoi 
Zonare  fur  le  canon  7  du  concile  de  Laodi- 
cée ,  obferve  que  les  conciles  fe  tiennent  pour 
finir  les  difputes  qui  s'élèvent  fur  la  vérité 
des  dogmes ,  ou  fur  l'équité  des  peines ,  ou 
pour  y  traiter  les  autres  affaires  ;  &  attendu 
que  les  générales  intéreffent  toute  l'églife  , 
il  eft  d'ufage  qu'on  traire  d'abord  de  celles- 
là  avant  de  pafîer  aux  particulières  ,  ainfi  que 
l'ordonne  le  premier  canon  du  premier  co/z- 
a/f  d'Auvergne  ,  qui  a  été  parmi  nous  un 
concile  national. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  fur  la  ma- 
tière des  conciles  ,  nous  paroît  fuffire  ;  mais 
nous  ne  pouvons  nous  difpenfer  en  parlant 
de  la  forme  fuivant  laquelle  fe  tient  le  con- , 
TomeVllL  -    • 


C  O  N  817 

cite  ,  d'entrer  dans  un  plus  grand  détail.  Cette 
forme  confifle  principalement  dans  l'ordre 
de  la  féance  ,  dans  le  partage  du  concile  en 
différentes  affemblées ,  &  enfin  dans  la  li-. 
berté   des  fuffrages. 

Il  eft  évident  par   la  nature   même  du 
concile  œcuménique  ,  que  l'un  des  prélats 
dont  il  efl  compofé  ,  doit  y  préfider  •  car 
étant  une  afîemblée  de  l'églife  univerfelle  , 
il  efl  d'une  nécefllté  abfolue  que  quelqu'un 
recueille  les  voix ,  &  prononce  les  déciiions 
du  concile  fur  chaque  queflion.  Jéfus-Chrifl 
efl  le  chef  de  toute  l'églife.  Dans  chaque 
églife  particulière  il  efl  repréfenté  par  l'évê- 
que  ;  mais  il  s'agit  de  favoir  ,  lorfque  les  évê-* 
ques    font  affemblés,  quel  efl  celui  parmi 
eux  qui  doit  être  à  leur  tête-  Les  pères  du 
concile  de   Chalcédoine  nous  l'apprennent 
dans  la  lettre  fynodale  au  pape  Léon.  Si 
enim  ,  difent-ils  ,  ubifunt  duo  aut  très  con- 
gregati in  nomine  ejus  {Chrifli)  ,  ibife Chrif- 
tus  in  medio^orum  fore  perhibuit ^   quan- 
tum circa  quingentos  vigintifacerdotesfami'^ 
liaritatem  potuit  demonjîrare ,  qui  &  patries 
Ù  laborifuœ  confefiionis  notitiam  prcetule- 
runtî  Quibus  tu  quidem.ficut  membris  capat 
prœeras ,  in  his  qui  tuum  tenebant  ordinem , 
benevolentiam  prœferens  ,  imperatores  verh 
fidèles  ad  ordinandum  decentijjimè  proefidc'» 
bant ,  ficut  Zorobabel  &  Jefus ,  ecclefiœ  tan- 
quam  Jerufalem  ,  œdificationem  ,  circa  dogm 
mata  renovare  annientes.  Ce  paffage  fait  voir 
que  les  pères  du  concile  de  Chalcédoine  dis- 
tinguent deux  fortes  de  préfidence  dans  lesï 
conciles:  l'une  qui  appartient  aux  pontifes, 
&  l'autre  aux  princes.  En  effet  le  prince  étant 
feul  armé  du  glaive  ,  &  ayant  feul  la  force 
coadive ,  il  doit  y  préfider ,  afin  qqe  tout  s'y 
pafîé  d'une  manière  conforme  aux  loix  éc 
aux  canons  dont  il  eft  le  protedeur.  Au 
refle ,  pour  ne  parler  ici  que  de  la  préfidence 
hiérarchique ,  il  paroît  par  ces  paroles ,  ficut 
membris  caput prceeras  in  his  qui  tuum  tene-   ' 
bant  ordinem  ,  qu'elle  efl  déférée  à  l'évêque 
de  Rome.   Cela  mérite  cependant  quelque 
explication.  Il  efl  bien  vrai  que  dans  le  cas 
où  le  fouverain  pontife  affifle  en  perfonne 
au  concile ,  tous  les  canonifles  reconnoifîênt 
pour  incontcflable  le  droit  qu'il  a  d'y  préfi- 
der ,  comme  étant  l'évêque  du  premier  fiege , 
le    centre    de    l'unité    catholique  ,    &   le 
Ijef  de  toutes  les  églifes  :  mais  ils  ne  coa-. 
Kkkkk 


8i8  COK 

tiennent  point  également  que  cette  proro- 
gative dans  les  premiers  temps  ait  paflë  aux 
légats.  Plufieurs  d'entr'eux  ne  font  pas  re- 
monter l'origine  de  ce  droit  plus  haut  que 
le  concile  de  ChalcOdoine  ;  d'autres  penfent 
que  dès  le  <:o/ïc^/V^  de  Nicée  ,  les  légats  du 
pape  ont  préfKÎé. 

Parmi  ces  derniers  fe  trouve  M.  de 
Marea ,  qui  dans  Ton  fameux  traité  de  con- 
cordia  facerdotii  &  imperii,  lip.  V.  cap.  iij. 
./jp.  V.  l'j.  &  vij.  réduit  la  queftion  de  la  préé- 
minence du  pape  dans  les  conciles  ^  à  trois 
chefs  principaux  qu'il  s'efforce  de  démon- 
trer ;  favoir  à  la  prérogative  de  la  féance  ,  au 
droit  de  recueillir  les  voix ,  à  la  ratification 
de  tout  ce  qui  a  été  fait  ;  &  il  prétend  que 
cette  ratification  ne  nuit  point  à  la  hberté 
des  fufïrages  qui  eff  abfolument  nécefTaire , 
mais'  il  la  compare  au  rapport  qu'autrefois 
les  confùls  &  enfuite  les  princes  faifoient 
au  fénat,  afin  qu'il  eût  à  prononcer ,  en- 
forte  que  le  lenat  néanmoins  décidoit  ce 
qu'il  jugeoit  à  propos.  Le  fouverain  pontife , 
dit  cet  illuffre  prélat,  exerce  un  droit  fem- 
blable  dans  les  conciles ,  ce  qui  n'empêche 
pasqu'onn'y  jouiffede  la  liberté  des  fuffra- 
^es.  Il  ajoute,  chap.vij.  que  cette  préroga- 
tive palfe  à  fes  légats ,  &  même  nécefîaire- 
ment ,  puifqu'il  efl  certain  que  les  papes 
n  ont  point  été  préfens  aux  premiers  co/7- 
ciles ,  &  qu'ils  fe  font  contentés  (J'y  envoyer 
àts  légats.  La  comparaifon  que  fait  M.,  de 
Marca ,  n'ert  point  du  tout  exaâe,  &  ne 
s  accorde  pas  avec  ce  que  nous  avoasprouvé 
ci-deffus ,  que  ce  font  les  empereurs  qui  ont 
convoqué  les  premiers  concîhs ,  &  y  ont 
mvité  les  papes  par  leurs  édits.  De  plus  fi 
l'on  attribuoit  ce  droit  de  rapport  dans  les 
premiers  fiecles  au  fouverain  pontife ,  ce  fc- 
roit  lui  donner  par-h\  une  autorité  fuprême 
ck  l'églife  ;  car  ce  droit  de  rapport  faifoit 
partie  de  la  fouveraineté.  Les  termes  de  la 
loi  royale  renouvellée  fous  Vefpaficn ,  que 
cite  M.  de  Marca  ,  en  font  une  preuve  au- 
thentique. Les  voici  :  Ut  eifenatum  habsre  , 
relationem  facere ,  remittere  ^fenamfconful- 
tum  per  relaiionem  ,  difeujjionemque  facere 
liceat.  M.  de  Marca  n'appelle-t-il  pas  lui- 
même  ce  àro'ix  jus  imperatorium ,  &  n'eft-il 
pas  confiant  que  fans  ce  rapport ,  le  fénatus- 
confulte  ne  pouvoit  avoir  lieu  ?  Nous  en 
avons  un  exemple  dnns  Tacite^  lib,  ^V, 


C  O  N 

ann.  e.  2.2,.  où ,  après  avoir  rapporté  le  dif^ 
cours  que  Thrafeas  prononça  au  fcnat ,  il 
ajoute  tout  de  fuite  ces  paroles  :  magno  af- 
fenfu  celebrata  fententia  y  non  tamenfcitum 
ea  de  re  perfici  potuit  ^  abnuentibus  ^nfuli- 
bus  eâ  de  re  relatum.  Ce  pafïage  montre  affez 
que  quoique  ce  droit  de  rapport  n'ôtât  pas 
tout-à-fait  la  liberté  des  fuffrages ,  cependant 
celui  de  délibérer  &  de  décider  du  temps 
de  la  répubhque  ,  dépendoit  de  la  volonté 
j  à^s  conluls ,  &  dans  la  fuite ,  des  eaipereurs  » 
'  qui  même  en  ont  entièrement  privé  le  fénat^ 
\  Novelle  jS.  de  Léon  fùrnommé  le  p/fZ/o/b-- 
phe.  Or  il  efl  manifefte  que  les  conciles ,  fur- 
tout  dans  les  premiers  fiecles  y  ne  dépen-- 
doient  en  aucune  façon  de  la  volonté  du  pape. 
Ainfi  réduifons  le  droit  de  préfider  à  deux 
chefs  ;  au  droit  de  terir  le  premier  rang  dans 
la  féance,  &  à  celui  dé  recueillir  les  voix  :: 
féparons-en  celui  delà  ratification ,  puifquc: 
nous  venons  de  voir  que  c'efl  pour  concilier, 
ce  droit-là  avec  la  liberté  du  concile ,  que  M. 
de  Marca  a  imaginé  le  droit  de  rapport  &  la 
.comparaifon  qu'il  en  fait.  Le  même  M.  de 
Marca  veut  prouver ,  d'après  l'hifloire ,  que 
le  droit  de  préfidence  a  paffé  aux  légats  des. 
fouverains  pontifes.  H  foutient-  qu'Ofius  j^, 
évêque  de  Cordoue ,  préfida  en  cette  qua- 
lité au  conc/'/e  de  Nicée.  Il  fe  fonde  fur  ce 
qu'Athanafe  appelle  cet  évêque  Vame  &  le- 
chefdes  conciles-,  lib.  defugàfua&  epifio  âad. 
folitarios  \  &  fur  ce  que  Socrate ,  liv.  I.  ch,, 
jx  de  la  v.erfion  latine  ,  ou  ch.  xiîj.  de  l'ori- 
ginalgrec,  enfaifant  l'énumération  des  pré- 
lats les  plus   diflingués   qui  affilièrent  au 
concile  ,  corrmencc  par   Gfius  évêque  de 
Cordoue  ,  Vite  &    Vincent    prêtre^  ,  & 
nomme  enfuite  Alexandre  d'Egypte  ,  Eufla- 
the  d'Antioche,  Macaire  de  Jérufalem.  M., 
dé  Marca  ajoute ,  que  perfbnne  n'afîifîa  de 
la  part  du  pape  au  fécond  concile  œcuméni- 
I  que ,  qui  ne  fut  compoféque  d'évêques  orien-- 
1  taux  y.  &  qu'il'  ne   devint^  général  que  par 
'  Pacquiefcement  de  l'églife  d'occident  à  la. 
décifion  de  celle  d'orient  :  que  Cyrille  pré- 
'  fida  au  troifieme  conciU .,  &  qu'il  repréfen- 
I  toit  le  pape  Céleflin  I.   comme  l'annoncent 
I  les  lettres  de  ce  pontife  adreffées    tant  au 
clergé  &  au  peuple  de  Gonflantinople ,  qu'à 
:  Cyrille  lui-même. 

I      D'un  autre  côté  Simon  Vigor ,  lib.  de  con^ 
'  cJliis  i  caj^.  vij.  prétend  que  la  première  place 


C  O  M 

3ans  les  conciles  eft  due  aux  patriarches ,  & 
qu'ils  y  préildent  tous  conjointement;  mais 
que  parmi  eux  la  préféance  eft  réfervée  au 
fouverain  pontife ,  de  façon  cependant  que  s'il 
eft  abfent ,  fes  légats  ne  fuccedent  point  à  fa 
place ,  mais  le  fécond  patriarche  ;  &  au  dé- 
faut du  fécond ,  le  troifieme.  Ainft  ce  ne  fut 
point,  félon  lui ,  le  pape  Sylveftre  qui  étoit 
abfènt ,  qui  préfida  au  concile  de  Nicée  :  ni 
Alexandre  ,  patriarche  d'Alexandrie  ,  qui  en 
quelque  manière  étoit  partie  intéreiïee  ,  puis- 
qu'il s'agiftbit  d^Arius  qu'il  avoit  le  premier 
condamné  dans  un  concile  tenu  dans  fon  pa- 
triarchat.  Cet  auteur  conclud  que  le  concile 
fut  préfidé  par  Euftathed'Antioche  ,  &  il  le 
prouve  par  la  lettre  qu'écrivit  le  pape  Félix 
III  à  l'empereur  Zenon  ,  contre  Pierre 
Fullon  évêque  d'Antioche.  Cette  lettre  eft 
conçue  en  ces  termes  :  Petrus primogenitus 
diabolifilius  ,  &  qui  fanera;  ecclefice  Antio- 
chenœfe  indigni^mè  ingejjît ,  fancfamque 
fedem  Ignatii  manyris  polluit ,  qui  Pétri 
^extrd  ordinatus  eft  Euftathiique  confejforis 
ac  prsftdentis  ,  recentorum  decem  convene- 
runt  y  au/us  eftdicere ,  &c.  vqye\  tome  IV. 
des  conciles  y  pag.  io6^.  Il  taut  avouer 
que  Qts  dernières  paroles  Ibnt  favorables  au 
fentiment  de  Vigor, 

Mais  M.  Richer ,  célèbre  dodeur  de 
Sorbonne  ,  contrebalance  cette  autorité  dans 
ïbn  hiftoire  des  conciles  généraux  ,  liï\  I.  c. 
ij.  num.  7.  en  rapportant  d'après  Socrate  & 
d'après  Théodoret,  liv,  I.  ch.jx.la  lettre 
lynodflledesPP.  de  Nicée  auxAl^andrins, 
où  ils  difent  que  fi  le  concile  a  ftatué  quelque 
chofe  outre  ce  dont  ils  leur  parlent,  ils  l'ap- 
prendront d'Alexandre  leur  patriarche  ,  qui 
ayant  eu  part  &  ayant  préfidé  aux  décifions 
du  concile  ^  leur  en  rendra  un  compte  plus 
exad.  Voilà  le  fens  que  donne  Richer  au 
texte  grec  dans  la  tradudion  qu'il  en  fait , 
&  on  ne  peut  difconvenir  qu'il  eft  conforme 
à  l'original.  Au  refte  ce  do<Steur  s'accorde 
avec  Vigor  ,  en  ce  qu'il  penfe ,  comme  lui , 
que  le  pape  doit  préfîdcr  au  concile  lorfqu'il 
cftpréfent,  mais  que  cette  prérogative  eft 
attachée  à  la  perfonne  &  au  fiege  qu'il  oc- 
cupe ;  que  (es  légats  n'y  fuccedent  point , 
>&  qu'en  eftèt  ils  n'ont  pas  préfidé  aux  conci- 
les généraux  jufqu'à  celui  de  Chalcédoine  , 
cù  cela  leur  fut  accordé  pour  la  première  fois. 
j    S^'d  nous  eft  permis  de  dire  notre   fenti- 


C  O  N  «rp 

ment  à  ce  fujet ,  nous  n'adoptons  ni  ne  re- 
jetons   entièrement    l'opinion    de    M.    de 
Marca;  &    nous   faifons  de  même  à  l'é- 
gard de  celle  de  Vigor  &  de  Richer.  Nous 
convenons  avec  chacun  d'eux,  que  le  droit 
de  préfider  appartient  au  pape  en  vertu  de 
fa  dignité ,  qu'il  appartient  encore  aux  autres 
patriarches.  Nous  croyons  pareillement  avec 
Richer  &  Vigor,  que  les  légats  n'ont  point 
préfidé    jufqu'au    concile   de  Chalcédoine: 
qu'à  l'e^jception  cependant  du  premier  con- 
cile de  Conftantinople  ,  ils  y  ont  aflifté  ,  & 
qu'ils  ^  ont  eu  une  place  honorable  ,  quoique 
ce  ne  lût  point  la  première.  Examinons  d'a- 
bord la  choie  par   rapport  à  Ofius.  Il  eft 
certain  qu'il  futpréfent  au  concile  de  Nicée. 
Eufebe ,  témoin  oculaire ,  dit ,  liu,   II.  chap. 
viij.  delà  vie  de  Conftantin,  que  cet  homme 
venu  d'Efpagne  &  exalté  par  beaucoup  de 
perfonnes  ,  ailifta  au  concile  &  prit  féance 
avec  les  autres  ;  que  l'évêque  de  la  ville  im- 
périale ,  c'eft-à-dire  k  pape  Sylveftre  (  fui- 
vant  l'interprétation  d'Henri  de  Valois  j ,  ne 
s'y  trouva  point  à  caufe  qu'il  étoit  d'un  âge 
fort  avancé  ;  qu'il  envoya  des  prêtres  pour 
le  repréiènter.    Socrate  ,  d'après  Eufebe , 
rapporte  la  même  cholè  lii'.  I.  c.  v.  Ni 
l'un  ni  l'autre  n'exprime  fi  Ofius  aflifta  au 
concile  comme  légat  de  Sylveftre  ,  ou  bien 
jure  fuo  ,  comme  évêque  de  Cordoue.  Et 
même  Sozomenc  liv.  I.chap.  xvj.  &  Théo-^ 
doret ,  lit'.  L  ch.  vij.  fans  faire  aucune  men-^ 
tion  de  lui  y  difent  fimplement  que  Vite  <Sc 
Vincent  prêtres ,  vinrent  au  concile  à  la  placé 
de  l'évêque  de  Rome  ;  d'ailleurs  Sozomenc 
fcirompe  en  ce  qu'il  donne  au  pape  le  nom 
de  Jules ,  quoique  ce  ne  fût  point  encore 
lui ,  mais  Sylveftre  qui  occupât  pour  lors  le 
faint  fiege.  Ces  difïerens  paflages  femblent 
prouver  qu'Ofius  ne  fut  point  légat  du  fou- 
verain pontife. 

Mais ,  dira-t-on  ,  Ofius  eut  la  préféance 
fiir  tous  [qs  autres  cvêques.  Or  elle  n'etoit 
certainement  point  due  à  fon  fiege ,  inférieur 
de  beaucoup  à  ceux  des  patriarches ,  aux- 
quels il  convenoit  de  la  céder  j  c'eft  donc  en 
vertu  de  là  légation  qu'il  a  obtenu  cette  pré- 
féance. Joignez  à  cela  le  témoignage  de  Ge- 
lafe  de  Cyzique,  qui  vers  l'an  889  a  re- 
cueilh  les  ades  du  concile  de  Nicée.  Cet 
auteur  avance  qu'Ofius  tint  la  place  de 
Sylveftre  évêque  de  l'ancienne  Rome  ^ 
Kkkkk    2 


Sib  C  O  N 

conjointement  avec  les  prêtres  Vite  &  Vin- 
cent. Pour  répondre  à  ces  objedions  ,  nous 
commencerons  par  obferver  avec  tous  les  fa- 
vans  ^  principalement  avec  l'auteur  de  l'a- 
vertiffement  qui  eft  à  la  tête  de  l'édition  de 
Rome  des  conciles ,  &  qu'on  trouve  tom.  II. 
des  conciles  de  Labbe ,  pag.  203.  nous  ob- 
ferverons ,  dis-je  ,  que  l'hirtoire  de  Gelafe  de 
Cyzique  ne  mérite  pas  qu'on  y  apute  foi , 
parce  qu'elle  renferme  beaucoup  de  chofes 
qui  ne  s'accordant  pas  avec  ce  quedifentles 
meilleurs  écrivains  y  la  rendent  fufpede  à 
jufle  titre.  C'eft  pourquoi  l'on  ne  doit  point 
afîurer  qu'Ofius  préfida  au    nom  de  Syl- 
veftre  ,  fur  le  feul  témoignage  de  Gelafe. 
Celui  de  S.  Athanafe  qui  appelle  l'évêque  de 
Cordoue  ,  V.ame  &:  le  chef  des  conciles  ^  eft 
iàns  contredit  d'une  plus  grande  autorité  , 
&  jeteroit  plus  de  doute  furie  rang  que  ce- 
lui-ci eut  au  concile  de  Nlcée  ,  ii  ce  n'eft  qu'il 
fuffifoir  à  S.  Athanafe  pour  tenir  un  pareil 
langage ,  d'envifager  leperfonnage  important 
que  fit  OIîus  dans  l'affaire  d'Arius.   Cette 
héréfie  aj^ant  excité  dès  fa  nailTance  beau- 
coup de  troubles  &  de  divifionsdans  l'églife , 
l'empereur  Conflantin  employa  tous  fes  foins 
pour  rétablir,  la  paix.  Ce  fut  dans  cette  vue  , 
qu'avant  de  convoquer  le  concile  de  Nieée , 
il  envoya  à  Alexandrie  Ofius  en  qui  il  avoit 
une  confiance  particulière  ,  &.  le  chargea 
d'une  lettre  adreflee  conjointementà  Alexan- 
dre &  à  Arius ,  où  il  parle  de  leur  différend 
fuivant  l'idée  qu'on  lui  en  avoit  alors  don-r 
née  ,  &  les  exhorte  à  fe  réunir.  Eufebe  de 
Nicomédie  ,  parrifan  feeret  d'Arius  ,  avoit 
eu  l'adrefTe  de  faire  entendre  à  l'emperÊur 
que  la  caufe  du  mal  étoit  l'averfion  de  l'évê- 
que Alexandre  contre  le  prêtre  Arius  ,  & 
qu'il  étoit  de  fa  piété  de  faire  ufage  de  fon 
autorité  pour  lui  impofer  filence*  Mais  l'em- 
pereur ayant  appris  par  Ofius  le  peu  d'effet 
de  fa  lettre,  &  la  grandeur  des  maux  de 
l'Eglife  qui  exigeoient  un  remède  plus  effi- 
cace ,  il  aflembla  le  concile  où  Ofius  eut  oc- 
cafion  de  fefignaler.  Quelque  temps  après  ce 
concile ,  le  même  Ofius  fut  encore  le  princi- 
pal moteur  de  la  tenue  du  concile  de  Sar- 
dique ,  ce  qui  irrita  contre  lui  les  Ariens.  Ils 
le. déteffoient  comme  un  de  leurs  plus  puil- 
fans  adverf-àires ,  &  ils  mirent  tout  en  œuvre 
pour  l'abattre.  Il  n'eft  donc  point  étonnant 
^ue  S.  Athaaafe  parle  en.  tei*m^  extrême- 


C  O  r^r 

rhent  honorables  d'un  vieillard  digne  de  ve-* 
nération  ,  évêque  depuis  trente  ans  ,  Gon>- 
fefieur  dans  la  perfécutÎLon  de  .Maximien 
renommé  par  toute  l'égiiiè ,  &  qui  récem- 
ment venoit  de  rendre  à  la  bonne  caufe  des 
fer  vices  efTentiels.  Au  relie  il  ne  dit  rien  d'où 
il  faille  abfolument  conclure  qu'Ofius  tint 
au  concile  la  place  de  légat  du  pape.  Enfin  fi 
à  la  tête  des  foufcriptions  du  concile  ,  telles 
que  nous  les  avons  aujourd'hui ,  nous  trou- 
vons le  nom  d'Ofius ,  &  qu'il  foit  fuivi  de 
ceux  de  Vite  &  de  Vincent ,  cela  vient  de 
ce  que  les  évêques  ont  foufcrit  fuivant  l'or- 
dre de  leurs  provinces  ;  d'abord  les  occiden- 
taux >  &  eniuite  ceux  des  différentes  pro- 
vinces d'Orient.  Les  occidentaux  foufcrivi- 
rent  les  premiers  ,  attendu  quelepatriarchat 
d'occident  qui  embraife  la  moitié  du  monde 
chrétien,  eÛ  le  premier  de  tous.  Ofius  efî  à, 
leur  tête  comme  étant  le  feul  évêque  de  ce. 
patriarchat ,  &  après  lui  fe  trouvent  les  prê- 
tres Viteck  Vincent.  Après  les  foufcriptions 
des  Latins ,  l'on  compte  celles  des  évêques 
de  la  province  d'Egypte ,  ayant  à  leur  tête 
Alexandre  patriarche  d'Alexandrie  ;  enfuite 
les  évêques  qui  lui  font  fournis  ,  favoir  ceux 
de  l'Egypte,  de  la  Théhaïde ,  &  de  la  Ly- 
bie  :  pour  lors  le  patriarchat  d'Alexandrie 
fuivoit    immédiatement    celui    de    Rome. 
Après    le.  patriarchat  d'Alexandrie  ,  l'on 
, trouve  lès  évêques   de  celui  de  Jérufalem 
qui  eff  le  troifieme ,  &  à  la  tête  Macaire  leur 
patriarche.  Vient  enfuite  le  patriarchat  d'An^ 
tioche  ,  àja  tête  duquel  étoit  Euffathe.  Ainli; 
les  préfidens  du  concile  furent  Ofius,  Ale- 
xandre ,  Macaire   &  Euffathe  ,  que  nous 
avons. vu  ci-deffus- dénommé  préfident  par 
le  pape  Félix  III,  &  qui  en  cette  quahtc 
adrefïà  un  difcours  à  Conffantin..  Ofius  & 
les  autres  évêques  fe  trouvent  tous  au  con- 
cWejurefuo  ,  en  vertu  de  leur  dignité  ,  & 
non  d'aucun  droit  délégation.  Cette defcrip- 
tionde  la  préfidence  du  concile ,  faite  d'après 
le  co/za/^.  même ,  détruit  entièrement  la  pré- 
tendue préfidence  de  Vite  &  de  Vincent. 
Pour  réfumer  en    deux  mots  tout  ceci,  fi 
Ofius  eût  préfidé  au  concile  comme  légat  du 
pape  Sylveftre ,  les  prêtres  Vite  &  Vincent , 
certainement  envoyés  par  le  pape  en    cette 
quahté,  euflent  préfidé  conjointement  avec 
lui.  Nous  venons  de  voir  qu'ils  n'ont'  point 
préfidé  :  donc  ce  n'eff  point  comme  légat 


C  O  N 

qu'Ofius  a  ^té  un  des  préfidens  du  concile. 
Ûans  les  deux  conciles  généraux  qui  l'uivi- 
rent ,  &  qui  fe  tinrent  avant  celui  de  Chai- 
cédoine  ,  les  légats  du  pape  ne  paroiflènt  pas 
y  avoir  préfidé.  Nous  avons  vu  pîus  haut 
qu'au  premier  concile  de  Conftanrinopîe  ,  il 
ne  fe  trouva  aucun  évêqae  de  Téglife  d'occi- 
dent ,  &  que  les  Grecs  même  s^'en  plaigni- 
rent ;  mais  ce  concile  fut  enfuite  reçu  par  le 
pape  Damafe  &  les  autres  évêques  de  l'éghle 
latine  ;  c'eft  pourquoi  on  l'a  toujours  re- 
connu pour  œcuménique.  Les  légats  du  pape 
Célefîin  I.  Arcadius  &  Projeûus  évêques, 
&  Philippe  prêtre  ,  aifiilerent  au  concile 
d'Ephefe  ;•  mais  ils  n'y  préliderent  point  : 
ce  fut  Cyrille  d'Alexandrie  qui  prélida  ;  ce 
droit  lui  appartenoit  au  défaut  de  Neftorius 
patriarche  de  Conflantinople  ,  qui  étoit  ab- 
fcnt  &  accufé  ,  car  dès  ce  temps-là  le  pa- 
triarche de  Confîantinople  avoit  le  fécond 
rang..  Il  efl:  bien  vrai  que  dans  ce  concile  le 
pape  Céleflin  commit  Cyrille  à  fa  place  ; 
mais  comme  il  avoit  d'ailleurs ,  à  raifon  de 
fbn  Hege  ,  le  droit  de  préiider ,  on  ne  peut 
inférer  d'un  pareil  exemple  que  les  légats  du 
pape  préfidaflent  alors  au  concile  jure  fuo. 
Enfin  \q  concile  de  Chalcédoine  qui  con- 
damna &  dépofa  Diofcore  ,  fut  préfidé  par 
les  légats  du  pape  S.  Léon  ,  favoirPafchalin 
&  Lucentius  évêques  ,.  &  Boniface  prêtre. 
Vigor  ,  lib.  de  conciliis  ,.  cap.  w;.  prétend 
que  cela  fe  paifa  ainfi ,  parce  que  tous  les  pa- 
triarches ,-à  l'exception  de  celui  de:Conflan- 
tinople,  étoient  au  nombre  des  accufés ,  vu 
qu'ils  s'étoient  joints.à  Diofcore  pour  con^ 
damner  Flavien  dans  le  faux  concile  d'Ephefe, 
&  parconféquent  nepouvoient  préfider  à  un 
concile  où  ils  dévoient  être  jugés.  Mais  il 
paroît  par  les  foufcriptions  rapportées  tom. 
ï.y.  des  conciles  ,  pag.  4.48.  Ù  fuivantes 
qu'Anatole  patriarche  de  Conflantinople  , 
fôufcrivit  après  les  légats  ,  &  après  lui  Ma- 
xime d'Antioche  :  ce  qui  réfute  l'opinion  de 
Vigor.  Il  efîtrès'-vraiièmbiable  que  l'empe- 
reur Marciem  ,  prince  religieux,  féconda  la 
déférence  qu'on  eut  en  cette  oecaiion  pour 
le  f>int  fîege.  Quoiqu'il  en  foit-,  c'ert  d'a- 
près cet  exemple  que  les  légats.du  pape  ont 
iîégé  dans  fous  les  conciles. 

A  l'égard  "de  l'ordre  fuivant  lequel  les  au-^ 
très  évêques  afUftent  au  concile  y  \z  dernier 
éjaionid?  ia  difUnâion.  dix  -  fe^t  du-décra 


CON  giT 

de  Gratien  ,  établit  pour  règle  que  les  évê- 
ques doivent  le  conformer  à  la  date  deieur 
ordination  ,  tant  pour  le  rang  qu'ils  occu- 
pent dans  la  féance  ,  que  pour  celui  des  ibuf^ 
criptions.  On  décida  la  même  chofe  dans  le 
premier  concile  de  Prague,  canonvj,  &  cette 
difciphne  fut  pareillement  obfervée  dans  l'é- 
gljfe  d'Afrique  ,  où  l'on  ordonna  que  pour 
terminer  les  contellations  qui  s'élevoient  au 
fujet  de  la  préiéance ,  chaque  évêque  feroit  \ 
tenu  de  rapporter  àos  lettres  de  celui  dont 
il  auroit  reçu  la  confécration  ,  &  qui  en  con*- 
tinflent  la  date.  Canons  viij  Ùjx  du  code  des 
canons  de  Véglife  d^ Afrique,  On  s'eil  néant- 
moins  quelquefois  écarté  de  cette  régie  ea. 
faveur  de  plufieurs  fieges  privilégiés. 

Outre  l'ordre  de  la  féance  r  la  forme  da* 
concile  confilîe  encore  dans  la  divifion  deç; 
afTemblées  ,  &  la  liberté  des  fufîrages. 
Comme  tout  ce  dont  on  doit  traiter  dans  ua 
concile  y  ne  peut  fe  f  nir  en  un  jour,,  on  a 
coutume  de  partager  les  affaires  en  differens 
temps ,  &  de  cjilfinguer  les  diverfe^  afîem- 
blées  en  adionsba  feflîons-,.  ainfi  qu'on  les 
appelle  aujourd'hui  :  dans  ces-adions  ou  Çt(- 
fions  ,  on  propofe  les-quefhons  &.  on  pro-- 
nonce  les  décrets  ;  ce  qui  ne  fe  fait  cepen»- 
dant-qu'après  avoir  tenu  des  congrégations  v. 
c'efl-à-dire  des  afferatlées  privées  d'éve-. 
ques.  Les  pères  d«u  co/2ci/f  délibèrent  en- 
tr' eux  d'abord  dans  un&congrégation  particu- 
lière ,  fur  ce  qui  fait  la  matière  delà  queffion. 
Enfijite- on  fait  le  rapport  de  ce  qui  y  a  été 
agité  dans  une  congrégation  plus  générale  , 
où  l'on  convoque  ceux  même  des  évêques 
qui  n'ont  point  aiQîffé  à  la  première.  J3e 
cette  façon  aucun  d'eux  n'ignore  ce  dont  il 
s'agit.  On  difcute  de  nouveau  la  queflion  , 
&  on  la,  décide  avant  que  de  la  porter  dans 
la  lèÏÏîon' publique.  Cela  a  éxé  introduit  afin 
qu'il  nereff-âr  plus  aucun  fujet- d'altercation 
entre  les  évêques  ,  &  que  les  feffions  publi- 
quesfe  paflafîent  avec  pius  de  décence  :  ctut 
précaution  néanmoins  ne  s'efl  prife  que  dans 
\cs  àQYniQ^S' conciles.  On  ne  trouve  rien  de 
femblable  dans  les  anciens,  &  chaque àfïàire 
fe  difcutoit  dans  les  aélion^s  publiques.  Il 
étoit  pareillement  d'ufage  autrefois  de  pren- 
dre les  voix  de  chaque  membre  de  l'aifem-^ 
blée;  ce  qui  a  été  obfèrvé  jufqu'au  co/2a7e 
dé  Confknce  ,  où  il  parirt  néceiTaire  de  rer- 
cyeiliirles  fuffrages  par  nation ,  c'elî-à^dijre 


«li  C  O  N 

que  chaque  évêque  opinoitdans  fa  narion ,  & 
qu'on  rapportoit  dans  le  concile  les  fulFrages 
des  nations.  De  puiflantes  railons  obligèrent 
Jes  pères  du  concile  de  Conftance  d'intro- 
duire cette  nouveauté.  Il  y  avoit  pour  lors 
trois  contendans  à  la  papauté  ,  Grégoire 
Xn ,  Benoît  XIII  &  Jean  XXIII.  Chacun 
d'eux  avoit  Tes  adhérans  parmi  les  évêques. 
Il  étoit  à  craindre  ,  11  l'on  comptoit  les  voix 
fuivant  l'ancien  ufage  ,  que  les  évêques  d'une 
nation  l'emportant  par  le  nombre  liir  les  au- 
tres ,  on  ne  pût  parvenir  au  rétabhflemenr 
de  la  paix  &  à  l'extinûion  du  fchilrne  ,  qui 
étoient  le  but  principal  de  la  tenue  du  concile. 
On  liiivit  la  même  méthode  au  concile  de 
Baie  ,  &  il  efl  fenfible  que  c'eft  un  moyen 
sûr  pour  réunir  le  conlentement  de  toute 
l'églife.  Quant  à  la  liberté  des  fufFrages ,  elle 
doit  être  très-grande  ;  autrement  le  concile 
cefle  d'être  œcuménique ,  &  ne  contient  plus 
Ja  déciiion  de  l'églife  univerfelle.  Il  n'y  a 
point  de  marque  plus  certaine  pour  connoî- 
<re  fi  un  concile  a  été  œcuménique  ,  ou 
non ,  que  la  liberté  des  lùfFrages.  Nous  en 
avons  un  exemple  dans  le  faux  concile  d'E- 
phcfe ,  tenu  par  Diofcore  ,  &  caffé  par 
celui  de  Chalcédoine.  Ce  faux  concile  avoit 
été  convoqué  dans  la  même  forme  que  les 
trois  précédens  conciles  généraux.  Théodofe 
le  grand  avoir  interpofé  fon  autorité  pour  la 
convocation  de  ce  concile  y  le  pape  S.  Léon 
•avoit  donné  fon  confentement  &  envoyé  fes 
légats  ;  ainfi  rien  ne  paroilîoit  manquer  à 
l'extérieur  ,  de  ce  qui  conflitue  la  forme  des 
conciles.  Mais  on  n'y  eut  point  la  liberté  de 
délibérer  ;  les  évêques  ,  les  prêtres  &  les 
clercs  furent  forcés  par  les  foldats  à  caups 
d'épée  &  de  bâton  de  fignerun  papier  blanc. 
Plufieurs  moururent  de  cette  violence  , 
cntr'autres  Flavien  de  Conftantinople.  Diol^ 
core  avoit  conipiréfa  perte  ,  &  il  le  fit 
condamner  &  dépofer  par  ces  voies  de  fait 
dans  cette  aflemblée  ;  c'eft  pourquoi  on  l'a 
toujours  regardée  comme  un  conciliabule. 
Il  eft  donc  très-important  d'avoir  une  règle 
sûre  "pour  difcerner  fi  le  concile  a  la  liberté 
des  fufFrages  ;  car  il  eft  à  craindre  que  fous 
ce  prétexte  quelqu'un  ne  s'élève  contre  l'au- 
torité àes  conciles  généraux  la  mieux  fon- 
jdée  ,  &  ne  veuille  s'y  fouftraire ,  en  difant 
que  le  concile  n'a  pas  étélibre.  Or  on  peut  ju- 
ger qu'il  a  été  libre  par  i'acquiefceraent  de  l'é- 


CON 

glife  univerfelle  :  fi  au  contraire  toutes  les 
éghfcs  fe  plaignent ,  &  rejettent  les  décifioris 
du  concile ,  c'efi  une  preuve  manifefte  qu'il 
n'a  joui  d'aucune  liberté.  Par  exemple  on 
réclama  de  toutes  parts  contre  le  brigandage 
du  faux  concile  d'Ephefe  ;  on  demanda  un 
au  ire  concile  ,  &:  il  parut  évident  que 
celui  d'Ephefe  n'avoit  point  été  libre  ;  c'efl 
ce  que  prouvent  les  adcs  du  concile  de 
Chalcédoine.  L'églile  univerfelle  réclama 
pareillement  contre  le  faux  concile  de  Ri- 
mini ,  où  l'on  avoit  également  employé  la 
violence  ,  &  à  la  formule  duquel  le  pape 
Libère  avoit  foufcrit. 

Maintenant ,  pour  terminer  ce  qui  con- 
cerne les  conciles  généraux  ,  nous  allons 
examiner  quelle  efl  leur  autorité.  Divers 
pafîàges  de  l'Ecriture  ,  &  la  tradition  conf^ 
tante  de  l'églife  nous  enfeignent ,  qu'il  n'y 
en  a  point  de  plus  refpeélable.  Nous  avons 
déjà  eu  occaiion  de  citer  ces  paroles  de  Je- 
fus-Chrifl,  ubifunt  duQvel  très  y  &c.Nous 
avons  vu  que  les  pères  de  Chalcédoine  en 
font  l'application  aux  conciles  ,  &  en  tirent 
cette  conféquence  ,  qu'à  plus  forte  raifoa 
Jefus-Chrifi:  ne  refufera  point  fon  afTifianc'è 
à  cinq  cents  vingt  évêques  afTemblés  en  fon 
nom.  Nous  ajouterons  ici  que  le  cinquième 
concile  général  ,  ou  le  fécond  de  Conftanti- 
nople ,  prend  dans  le  même  fens  ce  texte  de 
l'évangile  ,  &  reconnoît  l'autorité  fuprême 
des  conciles  généraux  ,  qu'il  démontre  en 
fe  fervant  de  différentes  preuves.  Il  fe  fonde 
1®.  fiir  ce  que  les  apôtres  ,  quoiqu'ils  fufîenc 
tellement  remplis  de  la  grâce  du  S.  Efprit 
qu'ils  n'eufîênt  pas  befoin  les  uns  des  autres 
pour  être  inftruits  de  ce  qu'ils  dévoient  faire , 
cependant  ne  voulurent  rien  ftatuer  à  l'égard 
des  cérémonies  légales  ,  qu'ils  n'eufîênt  dé- 
libéré cnfèmble ,  &  que  chacun  d'eux  n'eût 
appuyé  fon  avis  fur  les  faintes  Ecritures.  2,^. 
Sur  ce  que  la  décifiôn  des  apôtres  conçue  en 
ces  termes,  vifiim  eflfpiritui  fancio  ^  ncbis y 
&c.  témoigne  affez  qu'elle  eft  faite  &  pro- 
noncée en  commun.  L'on  peut  étendre  plus 
loin  la  réflexion  àes  pères  de  Conftantino- 
ple ,  &  avancer  avec  confiance  comme  une 
fuite  naturelle  de  cette  réflexion  ,  que  les 
apôtres  ,  en  attribuant  à  l'infpiration  divine 
ce  qu'ils  ont  défini  ,  nous  autorifent  à  re- 
garder comme  décidé  parle  S.  Efprit ,  tout 
ce  qui  l'eft  par  l'églife   aflêmbiée.  3^.  Sur 


C  O  N 

l'exemple  non  interrompu  de  l'églife  :  car 
les  faints  pères  en  difFérens  temps  (  c'efl  le 
concile  qui  parle  )  ,  fe  font  alTemblés  dans 
\ts  conciles  pour  décider  en  commun  les 
queftions  qui  s'étoient  élevées  :  &  pour  con- 
damner les  héréfies  ,  parce  qu'ils  étoient 
fermement  perfuadés  rue  les  examens  qui 
fe  font  en  commun  ,  6l  où  l'on  pefe  les 
raifons  alléguées  de  part  &  d'autre  ,  fai- 
foient  briller  la  lumière  de  la  vérité  ,  &  dif- 
fipoient  les  ténèbres  du  menfonge;  tom.  V. 
des  conciles  y  page  4-^  ^  Ù  fuivantes.  Non- 
feulement  les  pères  de  Chalcédoine  &  ceux 
de  Conflantinople  relèvent  l'autorité  desco/z- 
ciles   œc-uméniques  au  -  deiTous    de   toute 


verains  pontifes  ont  tenu  le  même  langage. 
Céleftin  premier  nous  en  donne  une  haute 
idée  dans  une  lettre  au  concile  d'Ephefe  ,  où 
il  dit  que  les  apôtres  ont  été  inftruits  par  Je- 
fus-Chrift  ;  que  les  évêques  ont  fuccédé  aux 
apôtres  ,  qu'ils  ont  reçu  leur  puiiîance  du 
même  Jefus-Chrifl;  que  par  conféquent  le 
concile  efî  faint ,  &  mérite  la  plus  profonde 
vénération;  fo/7Z.  ///.  des  conciles, pag.  614. 
Grégoire  le  grand  efl  encore  plus  énergique 
liir  ce  fujetfc  dans  une  lettre  adreflée  aux 
patriarchesTean  de  Conflantinople ,  Elogius 
d'Alexandrie,  Jean  de  Jérufalem  ^  Analkfe 
d'Antioche  ,  pour  leur  faire  part  de  fon  élec- 
tion &  leur  envoyer  fa  profeflion  àts  foi , 
fiiivant  l'ufage  de  ce  temps-là  ,  obfervé  pat 
les  papes  &  autres  évêques  des  grands  liè- 
ges ,  nouvellement  élus.  Voici  comme  ce 
iaint  pontife  s'exprime  vers  la  fin  de  cette 
lettre  :  ficutjancli  evangelii  quatuor  lihros  , 
fie  quatuor  concilia  fdfcipere  ac  venerari  me 
fateor . . .  Ê?  quifquis  eorum  foliditatem  non 
tenety  etiamjl  lapis  ejfe  c^ernitur,  tamen  ex- 
tra œdificiumjacet...cunBas  veroy  quas  prœ- 
fata  concilia  veneranda perfonas  refpuunt, 
refpuo  ;  quas  venerantur  ,  amplecîor  ;  quia 
dumuniverfali  fum.confenfu  confiitutay  fe  , 
dr/zo/i  ilh  defliuityquifquisprixfumit  autfoU 
rere  quos  ligant^aut  ligare  quos  fohum.Lib. 
T.  regefiiy  epift.  24,  Le  commencement  du 
canon  '^.delà  Jiflinclion  15 .  renferme  à-peu- 
prcs  les  mêmes  fentimens.  Gratien  attribue  ce 
canonàGélalè,  mais  il eft incertain  qu'il  foir 
de  ce  pape  ;  quelques-uns  le  donnent  à  Da_ 
mnfe ,  &  d'autres  ,  fur  la  foi  de  plufieurs  m^- 
^uCqritSjpréteadeiit  qu'il  ell  du  pape.  Hor- 


C  O  N  815 

mifdas.  M.  Baluze  dans  fa  note  fur  ce  ca- 
non ,  conjedure  que  le  décret  qu'il  con-'^ 
tient ,  a  d'abord  été  fait  par  le  pape  Damaie  , 
&  enfuite  renouvelle  par  Gelafe  &  Hor- 
misdas.  Quoi  qu'il  en  foit ,  fauteur  de  ce 
canon  déclare  que  la  fainte  églife  romaine 
après  les  livres  de  l'ancien  &  dir'nouveau 
Teftament  ,  ne  reçoit  rien  avec  plus  de  ref- 
ped  que  les  quatre  premiers  conciles.  En 
elfet  la  vénération  pour  ces  conciles  a  été 
pouflee  fi  loin  ,  que  Grégoire  le  grand  , 
comme  nous  venons  de  le  voir  ,  les  com- 
pare aux  quatre  évangiles  ;  &  Ifidore  de 
Séville  dans  le  canon  premier  ,  paragraphe 
premier  de  la  même  diftincîion  ,  afl lire  qu'ils; 


autre ,  mais  nous  voyons  encore  que  les  fou-    renferment  toute  la  foi ,  étant  comme  qua- 


:t 


tre  évangiles  ,   &:  autant  de  fleuves  du  pa- 
radis. Les  papes  ont  reçu  avec  le  même  ref-- 
peâ:  les  quatre  co/icZ/fj  qui  ontfuivicespre-- 
miers  ;  c'efl  ce  que  prouve  la  profeflion  de 
foi  qu'ils  faifoient  d'une  manière  folemnelle, 
&  fous  la  religion  du  ferment  ,  fi-tôt  qu'ils 
étoient  élevés  au  pontificat  ,.  avant  même 
que  d'être   confacrésw    Cette  profeilîon  de 
foi  étoit  enfuite   rédigée  par  écrit  pai*  les; 
notaires  de  l'églife.  romaine  ,.  &    dépofée 
fur  l'autel  &  le.  corps  de  faint  Pierre.  On  en 
trouve  la  formule  dans  le  diurual  romain . 
&  dansles-notes  de.  M,.Bignon  ftirlehui-. 
rieme  cp/zc//^  général  ,•  tome   VIII   ces, 
conciles y.page  4.9a,.  Suivant  cette  formule , 
le  nouveau  pape  promettoit  d'obicrver  en 
tout  &  avec  le  dernier  fcrupule  les  buirco/z- 
ciles  généraux  ,  d'avoir  pour  eux  la.  véuéra-- 
tion  convenable  ,  d'enfeigner  ce  qu'ils  en- 
feignoient,    &  de  condamner  de  cœur  &. 
de  bouche  ce  qu'ils, condamnoiem.. 

Ces  témoignages  non  fufpeéls  en  faveur 
des  conciles  y  font  voir  combien  il  eft  dérai- 
lonnable  de  penfèr  que  Us  conciles  œcu-. 
méniques  foiçnt  lujets  à  l'erreur.  Ceux  qui 
n'ont  pas  là-defTus  des  idées  faines  ,  abu- 
fent  d'un  paffagc  de  S.  Augu/lin  ,  lib.  II. 
de  hapdfmo  contra.Donatifias  ,  cap.  iij.  où 
ce  faint  doâeur  enfeigne  que  les  conciles 
qui  fe  tiennent  dans  chaque  province,  ce- 
dent  ài'autoriré  àes  conciles  univerfels  com- 
pofés  de  toute  la  chrétienté  ;  mais  que 
CCS  mêmes  conciles  univerfels  ,  lorfque 
fexpérience  nous  a  appris  ce.  que  nous  igno- 
rons ,  font  fouvent  réformés  par  d'autres 
qui  leur  font  pofiérieurs ,  &  qui  ont  égale- 


Si4  C  O  N 

ment  l'avantage  d'être  ûecum^niques.  Tpfa 
concilia  (  ce  font  les  propres  termes  de  ce 
père)  quce perjingulas religiones  vel  pro- 
r-'incias  fiunty  plenariorum  conciliorum  au- 
toritati  y  quce  fiunt  ex  univerjo  orbe  chrif- 
tiano  'y  fine  ullis  ambagibus  cedunt  :  ipfa- 
que  plenâriay  fapè  pnorapofterioribus  emen- 
dantur,  cum  aliqno  expérimenta  rerum  ape- 
ritur  qiiod  claufum  erat ,  &  cognofcitur  quod 
latebat.  Quelques  -  uns  croient  écarter  la 
difficulté  que  ce  pafTage  femble  faire  naître  , 
en  l'appliquant  au  concile  général  d'une  na- 
tion ,  de  l'Afrique  par  exemple  ^  mais  cette 
conjeélure  cft  détruite  par  cela  feul ,  que 
S.  Augulfin appelle  ici  Xtsconcdes  généraux, 
ceux  qui  font  compofés  de  toute  la  chré- 
tienté. On  ne  répond  pas  avec  plus  de  fo- 
lidité  ,  en  difant  que  ces  paroles  doivent 
s'entendre  des  Hatuts  à^s  conciles  généraux , 
dans  les  caufes  de  fait  &  de  pure  difcipline , 
&  non  des  qucfîions  de  foi.  En  effet  ce  làint 
père  dans  cet  ouvrage  traite  la  fameufc  quef- 
tion ,  fi  l'on  doit  réitérer  le  baptême  con- 
féré par  les  hérétiques  ,  qui  avoit  été -agitée 
auparavant  entre  S.  Cyprien  &  le  pape 
Etienne  :  or  cette  queftion  appartient  cer- 
tainement à  la  foi  &  à  la  dodrine  de  l'églife, 
&  non  à  la  (impie  difcipline.  S.  Auguftin 
réfute  en  cet  endroit  les  Donatifîes ,  qui  ob- 
jedoient  l'autorité  de  S.  Cyprien  &  des  con- 
ciles tenus  à  l'oecafion  de  la  difpute  fur  le 
baptême ,  &  il  dit  que  les  conciles  ,  &c.  Je 
crois  donc  qu'il  faut  ici  expliquer  S.  Au- 
guftin  ,  non  par  les  noms ,  mais  par  la  chofe 
même  ,  &  la  forme  intérieure  fuivant  la- 
quelleles  conciles  ont  été  célébrés.  Il  y  a  des 
conciles  qui  paroiflent  généraux  à  caufe  de 
la  forme  extérieure  dont  ils  font  revêtus , 
mais  qui  ont  un  vice  intérieur  qui  porte 
atteinte  à  leur  validité.  Ces  conciles  ,  eu 
égard  à  ce  vice,  ne  doivent  point  être  ré- 
putés généraux  ;  ils  ne  le  font  que  de  nom 
&  nullement  d'effet  ;  tels  font  les  feux  con- 
ciles d'Ephefe  &  de  Rimini,  dont  nous 
avons  déjà  parlé  :  les  conciles  de  cette  ef- 
pece ,  peuvent  être  réformés  par  des  conci- 
les vraiment  œcuméniques,  &  qui  ne  don- 
nent aucune  prife  pour  les  attaquer.  Voilà, 
fi  je  ne  me  trompe ,  le  fens  de  Saint  Au- 
guftin  ;  ces  paroles  ,  faspe  priera  pofieriori- 
bus  emendamury  femblent  l'indiquer.  Sœpe^ 
dit-M ,  c'eft-à-dirc  que  cela  arfivoit  non  cas 


C  O  N 

quelquefois ,  mais  fréquemment  ;  &  cepen- 
dant nous  ne  trouvons  nulle  part  aucun 
exemple  que  des  conciles  reconnus  pour 
œcuméniques  par  toute  l'églife  ,  aient  jamais 
été  réformés  par  d'autres  conciles  polîé- 
rieurs  ;  ainfi  c'eft  une  entreprife  téméraire 
que  de  vouloir  jeter  des  doutes  fur  l'infail- 
libilité des  conciles  généraux.  Il  n'eft  pas 
moins  abfurde ,  &  contraire  à  l'efprit  des 
anciens  papes  ,  de  prétendre  qu'ils  n'ont  de 
validité  qu'autant  que  les  fouverains  pontir- 
fes  les  approuvent.  Les  défenfeurs  de-^ette 
opinion  ont  eu  recours  ,  pour  établir  leur 
fyflême  ,  aux  canons  de  la  diflindion  17  ; 
la  critique  que  nous  en  avons  faire  ,  fuffic 
pour  ruiner  de  fond  en  comble  les  induc- 
tions qu'on  veut  tirer  de  ces  canons.  Nous 
avons  lieu  au  contraire  de  conclure  ,  d'après 
les  pa{îâges  que  nous  avons  rapportés  ,  que 
les  conciles  tirent  d'eux-mêmes  leur  auto- 
rité ,  &  qu'ils  n'ont  pas  befoin  de  la  Confir- 
mation du  pape. 

Nous  ne  diffimulons  point  que  le  con- 
fentement  du  fouverain  pontife  ne  foit  d'un 
grand  poids,  &  qu'il  ne  foit  à  defirer  que 
l'évêquedu  premier  fiege  ,  le  chef  vifible  & 
minifîériel  de  l'Eglife  catholiqii|||  acquiefce 
à  ce  qu'elle  a  décidé  ;  afin  qu'o'n  puiite  op- 
pofer  avec  plus  de  force  &  d'une  façon  plus 
évidente  le  confentement  de  l'Eglife  univer- 
felle  à  ceux  qui  veulent  en  troubler  la  paix. 
Mais  fi  le  pape  refufe  de  fe  foufcrire  au 
concile  ,  s'il  n'adopte  point  la  décifion  de 
l'Eglife  univerfeile  ,  alors  le  concile  général 
peut  exercer  envers  lui  fon  autorité  comme 
envers  les  autres  membres  de  l'Eglife  ;  c'eft 
ce  qu'a  décidé  formellement  le  concile  de. 
Confiance,  /^^!  j.  &  celui  de  Baie  ^fejf.  z. 
Cette  décifion  ,  que  les  ultramontains  quali- 
fient d'erronée  ,  contient  la  dodrine  de  l'é- 
glife gallicane  &  des  univerfités  du  royaume, 
principalement  de  celle  de  Paris.  Elle  a>été 
ioutenue  par  Gerfon  ,  chancelier  de  cette 
univerfité  ,  par  Pierre  d'Ailly  grand-maître 
de  la  maifon  de  Navarre  ,  enfuite  évêque 
de  Cambrai  &  cardinal ,  &  par  un  nombre 
infini  de  théologiens  &  de  canonifîe?.  Char- 
les VII  roi  de  France  ,  qui  connoiffoit  bien 
les  droits  de  fa  couronne ,  l'a  fait  inférer 
I  l^ans  la  pragmatique  fandion  ,  de  l'avis  de 
tous  les  ordres  du  royaume  :  voici  les  paro- 
les tirées  tant  du  décret  du  concile  de  Bâle  , 

qu9 


C  O  N 

que  (îe  la  pragmatique-fanâion.  Et  prlrnb 
déclarât  quodipf a  fynodus ,  in  Spiritufanao 
légitimé  congregata  y  générale,  conciliumfa- 
ciens,  &  ecclejîam  militant em  reprœfentans , 
poteflatem  habetd  Chrifio  immédiate.  Cui 
quiiwet  cujufcumquefiatùs  ,  conditionis  ,  vel 
dignitatis  ,  eriamlï  papalis  exiflat  ,  ohedir& 
tenetur  in  his  quœ  pertinent  adfidem  ,  &  ex- 
tirpationem  fchifmatis ,  &  generalem  re- 
formationem  fchifmatis  ,  &  generalem  re- 
formationem  ecclejiœ  Dei  ,  in  capke  &  in 
membris.  prag.  fand.  tit.  j.  pag.  j  ,  èc  4.. 
On  trouve  cette  doârine  mifc  dans  tout  Ton 
jour  dans  le  chapitre  douzième  des  preuves 
des  libertés  de  l'ëglife  ga:llicanc  ,  &  dans  M. 
Dupin ,  dofteur  de Sorbonne,  dijjert .'G ,  de 
antiquâ  ecclcjicv  difciplinâ  ;  &  l'etuflijfimce 
difciplinœ  monumentis  ,  où  il  démontre  i**. 
que  l'autorité  du  concile  général  eft  Tupéneure 
à  celle  du  pape  :  2°.  que  le  concile  général  a 
la  puiflîince  de  faire  des  canons  qui  aftreigncnt 
même  le  pape:  3°.  que  le  concile  général  a 
le  droit  de  juger  le  pape  ,  &:  de  le  dépofer 
s'il  erre  dans  la  foi.  Il  eft  donc  fuivant  nos 
mœurs  permis  d'appellcr  des  décifions  du 
pape  au  concile  général ,  comme  d'un  juge 
inférieur  à  un  fupérieur  ,  chap.  z  z  ,  des 
mêmes  preuves ,  où  l'on  rapporte  des  exem- 
ples très-remarquables  de  ces  fortes  d'ap- 
pels ,  tels  que  celui  de  Philippe-Ie-Bel  de  la 
bulle  de  Boniface  VIII ,  celui  des  prélats  , 
des  fujets  &  des  univeriités  du  royaume  dans 
la  même  caufe  ;  tels  ibnt  encore  les  appels 
au  futur  concile  ,  interjetés  par  les  procu- 
reurs généraux  ,  lorfqu'il  fut  queftion  d'a- 
broger la  pragmatique-fandion ,  &  plufieurs 
autres  de  cette  efpece  interjetés  en  diverfes 
occafîons  par  l'univerfité  de  Paris  ,  &  con- 
çus dans  les  termes  les  plus  forts.  Nous  ren- 
voyons le  leéteur  aux  lources  que  nous  ve- 
nons d'indiquer. 

Au  refte  ,  ce  que  nous  avons  dit  de  l'au- 
rorité  fuprême  à^s  conciles  ne  regarde  qu^e 
la  foi  qui  eft  immuable  ,  &  non  la  difcipline 
qui  peut  changer  ;  &  c'eft  pourquoi  les  dif- 
férentes églifcs  ont  reçu  ou  rejeté  divers  ca- 
nons des  conciles  ,  fuivant  qu'elles  les  ont 
jugés  conformes  ou  contraires  à  leurs  ufages. 
Par  exemple  ,  l'églife  de  Rome  a  reçu  les 
canons  du  concile  de  Sardique ,  en  vertu 
defquels  ri  étoit  permis  à  un  év^êque  qui  fè 
icroyoitinjuikment  coadamaé  ,  de  s'adref- 
Tome  Vin, 


C  O  N  815 

Ter  au  pape,  •&  et  faire  examrnor  de  nou- 
veau fa  caafe  ':  les  Orientaux  ■&:  iu  Grâcs 
n'ont  point  voulu  les  admettre  ,  cofrime 
étant  contraires  au  canon  des  conciles  de 
Nicée  &  d'Antiocke.  De  même  ceux  du 
concile  d*AntioGhe  ,  ont  été  adoptés  par  l'E- 
glife  univerfelle  ,  quoiqur'elie  ait  conftam»- 
ment  rejeté  la  foi  de  ce  concile  ^  où  les  Ariens 
furent  ks  maîtres.  D'un  autre  côté  ,  l'églife 
romaine  a  foufcrit  au  fymbole  du  fécond 
concile  général ,  mais  elle  a  toujours  refufë 
d'admerti'e  le  cinquième  canon  de  ccconcile^ 
qui  ordonne  que  l'évêque  dé  Conflantino- 
ple  aura  la  place  d'honneur  après  l'évêque 
de  Rome  ,  attendu  que  Conftantinople  étoit 
la  nouvelle  Rome.  Le  canon  vingt-huitième 
àuconcile  de  Chalcédoine  ,  par  lequel  on 
étend  &  l'on  augmente  les  privilèges  déjà 
accordés  à  l'églile  de  Conflanrinople  ,  dé- 
plut pareillement  aux  Romains  ;  les  lé-gats 
du  pape  S.  Léon  réfiHerent  vigoureufement 
à  ce  décret ,  &  S.  Léon  lui-même  témoigna 
beaucoup  de  zèle  contre  cette  entreprife. 
A  l'égard  de  la  définition  de  foi,  il  fe  hâta 
d'en  faire  part  aux  églifès  d'Occident ,  de 
leur  apprendre  que  la  vérité  avoit  triomphé  , 
&  que  l'hérelie  avoit  été  condamnée  avec 
(es  auteurs  &  lès  partifans.  Enfin  la  loi  du 
concile  de  Trente  a  été  reçue  par  l'égUfe  gal- 
licane ;  mais  elle  en  a  rejeté  tous  les  points 
de  difcipline  qui  ne  s'accordent  ni  avec  l'an- 
cienne ni  avec  nos  mœurs. 

Après  avoir  rempli  les  diflerens  objets 
que  nous  nous  étions  propofés  par  rapport 
aux  conciles  généraux  ,  il  nous  refie  à  parler 
des  conciles  particuliers  ,  fur  lequels  nous 
nous  étendrons  peu  ,  cette  matière  étant  & 
plus  fimple  &  moins  importante.  Ces  con- 
ciles font  de  trois  fortes  ,  fàvoir  les  natio- 
naux ,  les  provinciaux ,  &  les  diocéfains.  • 

Les  conciles  nationaux  font  ceux  qui  font 
convoqués  ,  foit  par  le  patriarche  ,  Ibit  par 
le.primat ,  &  où  l'on  raflemble  les  évêques 
de  toutes  les  provinces  du  royaume.  Nou^ 
difons  que  ccsconcilesj omcorivoqués foitpar 
le  patriarche ,  ou  même  le  primat  ;  car  iln'efl 
pas  douteux  que  ce  droit  n'appartieniie  aux 
(buverains  ,  nos  conciles  de  France  fournif^ 
fènt  à  ce  fujct  une  foule  d'exemples.  Du 
temps  de  l'empire  romain  ,  nous  voyons  les 
conciles  des  Gaules  convoqués  parles  empe- 
reurs ,   comme  le  concile  d'Arles  qui  fiît 

XlUl 


Si6  C  O  N 

convoqué  par  Conftantin  l'an  3^4  »  ^^^^  la 
caufe  des  Donatifîes;  celui  d'Aquilée  ,  qwi  eft 
plutôt  un  concile  d'Italie  que  des  Gaules  , 
convoqué  par  Gratien  Tan  '^Si.  Nous  lifons 
dans  les  ades  de  ce  concile  ces  paroles  de  S. 
Ambroile  :  Nés  in  occidentis  partibus  conf- 
tituti  ,  convenimus  ad/iquileienjium  civita- 
tem  jjiixta  impera.toris  praceptum.  Et  dans 
la  \tnut  fynodale  du  même  concile  adreflée 
aux  empereurs  ,  les  pères  les  remercient  de 
ce  que  pour  terminer  les  difputes  ils  ont  eu 
foin  de  les  aflèmbler.  Cette  forme  de  con- 
voquer les  conciles  de  France  a  lubfiflé  fous 
nos  rois.  Le  premier  concile  d'Orléans  a  été 
convoqué  par  Clovis  l'an  5 1 1  ;  le  fécond  , 
par  Childebert  &  les  rois  ïes  frères  ,   l'an 
^33  ;  le  concile  d'Auvergne  ,  par  Théode- 
berr,  l'an  ^49  i  pour  ne  rien  dire  des 'autres 
qui  fe  font  tenus  fréquemment  fous  la  pre- 
mière race  ,  &  qui  ont  été  indiqués  par  nos 
rois.  Mais  fous  la  féconde  race  principale- 
jiient ,  la  puiflance  royale  a  paru  à  cet  égard 
dans  tout  fon  éclat  :  c'eft  dans  les  conciles 
tenus  fous  cette  race  qu'ont  été  faits  nos 
capitulaires  ;  &  non-feulement  nos  rois  con- 
voquoient  ces  conciles  ,  mais  même  ils  y 
affifloient  ,  &  étoient  les    arbitres  &  les 
moteurs  de  tout  ce  qui  s'y  paflbit.   Nous 
nous  contenterons  de  citer  V action  première 
du  concile  de  Rome  fous  Léon  III ,  contre 
Félix  évêquc  d'Urgel  ,  qui  prouve  que  nos 
rois  ,  pouj*  lors  maîtres  de  l'Italie ,  ont  pa- 
reillement indiqué  les  conciles  dans  ce  pays  , 
&  que  les  papes  ,  conformément  aux  ordres 
du  prince,  yontafiîfté.  Depuis  que  latroi- 
lîeme  race  a  commencé  à  régner  ,  les  rois 
ont  continué  de  jouir  de  la  même  préroga- 
tive ,    ils   ont  convoqué    tous  les  conciles 
qui  le  font  tenus  ;    enlbrte   que  c'eft  une 
règle  certaine  parmi  nous  ,  que  les  évêques 
ne  peuvent  s'aÂèmbler  ni  délibérer  entr'eux 
fur  quoi  que  ce  foit  ,  fana  la   permiflion 
du  prince.  Les  papes   les  plus  recomman- 
dables  par  leur  fainteté  ont  reconnu  ce  droit 
dans  la  perfonne  de  nos  rois  ;  entr'autres 
S.  Grégoire  le  grtuid  ,  liv.  vij.  reg.  ep,   z  i  j 
&  ?  / 4.  Dans  la  première  de  ceslçttres ,  il 
fupplie  la  reine  Brunehaut    d'ordonner  la 
len-.e  d'un  concile  ;  &  dans  la  féconde  ,  il 
fait  la  même  prière  aux  rois   Théodoric 
&  Théodebert ,  afin  qu'on  y  puiflfè  pren- 
iit  les  moyens  d'abolir  la  pernicieufe  cou- 


C   O  N 

tumc  qui  sVtoit  introduite  dans  le  royau- 
me ,  de  vendre  les  ordinations.  Le  ledeur 
peut  confulter  fur  ce  droit  de  nos  rois  le 
chap.  xj  ,  des  preuves  des  libertés  de  Véglife 
gallicane  ;  &  M.  de  Marca  ,  lib.  VI,  de 
concordiâfacerdotii  &  imperii ,  cap.  fpij  & 
fuir. 

L'autorité  des  conciles  nationaux  efl  con- 
lidérable  dans  l'Egiife  ;  comme  ils  en  font 
une  partie  ,  ils  approchent  beaucoup  des 
conciles  œcuméniques  ,  &  c'ell  pour  cela 
qu'on  leur  a  donné  quelquefois  ce  nom. 
Cette  autorité  eff  plus  grande  dans  le  royau- 
me où  ils  ont  été  célébrés ,  que  chez  les 
autres  nations  de  la  Chrétienté.  En  effet, 
une  nation  n'ayant  aucun  empire  fur  une 
autre  nation  également  libre  &  indépen- 
dante ,  elle  ne  peut  l'aflreindre  par  les  loix; 
&  les  règles  qu'elle  établit.  Néanmoins  les 
conciles  nationaux  de  France  ont  été  en 
grande  vénération  chez  les  peuples  étran- 
gers ,  &  leur  ont  fouvent  fervi  de  modèles  : 
c'efl  le  fruit  de  la  fagefle'  de  l'églife  gal- 
licane ,  &  de  l'attachement  inviolable  qu'elle 
a  témoigné  dans  tous  les  temps  pour  l'an- 
cienne difcipline. 

Les  conciles  provinciaux  font  ceux  qui 
font  convoqués  par  le  métropolitain  ou  l'ar- 
chevêque ,  &  dans  lefquels  il  raffemble  tous 
les  évêques  &  autres  clercs  de  fa  province. 
La  lettre  du  clergé  de  Rome  à  S.  Cyprien  y 
&  qui  efl  la  vingt-fixieme  parmi  celles  de 
ce  père  ,  nous  apprend  que  les  prêtres  ,  les 
diacres  ,  &  autres  clercs ,  aififfoient  &  opi- 
noient  anciennement  à   ces  conciles.   Con^ 
fultis ,  dit  la  lettre  ,  epifcopis ,  presbyteris  y, 
diaconis  y   confejjoribus  ,  &  ipjis  ftamibus 
laïcis.  On  agite  &  l'on  décide  dans  ces  conci- 
les les  queflions  qui  s'élèvent  fur  la  foi  ;  on 
y  fait  des  ffatuts  concernant  la  difcipline  , 
l'adminifîration  des  biens  eccléfiafliques  ,  la 
réformatron  àt^  abus  ,  &  la  perfeûion   dés. 
mœurs.  Ils  doivent  être  convoqués  par  les 
métropolitains ,  canon  xx  du  concile  d'An-' 
tioclie  ;    enforte  qu'il  n'efl  pas  permis  aux 
évêques  de  la  province  de  célébrer  un  con- 
cile faris  le  confentemenf  de  l'archevêque. 
Mais  d'un  autre  côté  ,  fi  celui-ci  ne  le  con- 
voque pas  au  moins  une  fois  de  l'année-^ 
il  encourt  les  peines  canoniques.  Le  canoiu 
vj  du  feptieme  concile  général ,  excepte  ce- 
pendant les  cas  où  la  nécellité  ,  la  violence.. 


C  O  N 

bu  quelqu'autfe  raiibn  légitime  ,  l'ont  em- 
pêché de  le  faire. 

Lorfque  le  métropolitain  veut  convo- 
quer un  concile  provincial  ,  il  avertit  cha- 
cun de  Tes  fuflragans  de  s'y  trouver  y  & 
cela  par  des  lettres  qu'on  appclioit  autre- 
iois  tracloires  ou  traclatoires ,  du  même  nom 
que  les  ordonnances  qu'on  dclivroit  à  ceux 
qui  voyagoient  par  ordre  du  prince  ,  &  en 
vertu  defqueiles  on  leur  fournifloit  libéra- 
lement les  voitures  ,  les  chevaux  ,  &  la 
commodité  de  ce  que  les  Romains  appel- 
loient  la  courfe  publique.  Depuis  on  a  donné 
à  ces  lettres  du  métropolitain  le  nom  de 
lettres  évacuatoires  ,  encycliques  ou  circu- 
laires. 

Les  évêques  de  la  province  convoqués 
par  le  métropolitain  font  obligés  de  fe 
trouver  au  concile  y  canon  xL  du  concile  de 
Laodice'e  ;  &  ce  concile  en  donne  une  raifon 
qui  mérite  d'être  remarquée  ,  favoir  que 
les  évêques  qui  négligent  de  le  faire  paroif- 
fent  s'accufer  eux-mêmes  ,  c'eft-à-dire  , 
avoir  été  détournés  d'aller  au  concile  par 
les  remords  de  leur  conlbience  ,  qui  leur 
font  craindre  qu'on  n'y  découvre  les  fautes 
qu'ils  OTît  commifes  ,  &  qu'on  ne  leur  in- 
flige la  peine  qui  leur  elï  due.  Le  canon 
vj  du  concile  de  Chalcédoine  prefcrit  la 
même  chofe  ;  &  il  ajoute  que  ceux  qui 
ne  s'y  trouveront  pas  ,  fubiront  l'admoni- 
tion de  la  charité  fraternelle.  Les  conciles 
d'Afrique  ont  été  plus  féveres  ,  comme  il 
paroît  par  le  canon  xxj  du  quatrième 
concile  de  Carthage  ,  &  le  canon  x  du  cin- 
quième. Suivant  ces  canons  ,  ceux  qui  n'au- 
ront point  eu  d'obftacle  légitime  ,  ou  qui 
n'en  auront  point*  fait .  mention  dans  la 
lettre  circulaire  ,  ou  enfin  qui  n'en  auront 
point  rendu  compte  au  primat ,  font  me- 
nacés de  l'excommunication  épifcopale. 
Nous  l'appelions  épifcopale  ,  parce  qu'il  ne 
s'agit  point  ici  d'une  véritable  excommu- 
nication ,  qui  retranche  le  coupable  de  la 
communion  des  fidèles  &  du  corps  de 
l'Eglife  ,  ou  le  prive  de  la  participation  des 
facremens  ;  fnais  d'une  forte  d'excommu- 
nication qui  étoit  en  ufage  alors  entre  les 
évêques  ;  de  façon  que  celui  qui  l'avoit 
encourue  ne  coranaunioit  avec  aucun  évê- 
que  ,  fi  ce  n'étoit  dans  l'étendue  de  fon 
diocefe  ;  ktt.  no^  de  S.  Auguft.  n.  8  j  ôc 


C   O    N  827 

pour  me  fervir  des  termes  du  canoîi  x  du 
cinquième  concile  de  Carthage  ,  il  devoit 
fe  contenter  de  la  communion  de  fon  églifè. 
Nous  avons  un  exemple  de  cette  efpece 
d'excommunication  dans  la  lettre  40  (nouv. 
(^édit.  60^.  )  de  faint  Léon ,  adrefîée  à  Ana- 
tole de  Conftantinople.  Ce  pape  ordonne 
dans  cette  lettre  que  les  évêques  qui  au- 
ront eu  part  au  faux  concile  d'Ephefc  ,  fè 
reftreignent  à  la  communion  de  leur  églife. 
Nous  en  trouvons  un  autre  exemple  dans 
le  canon  Ixxxvij  du  code  des  canons  de  l'é- 
glife  d' Afrique  ,  dans  l'affaire  de  Quod 
vult  deus  :  Placuit ,  dit  le  canon  ,  omnibus 
epifcopis  ut  nullus  ei  communicet  ^  donec 
caùfa  ejus  terminum  fumât. 

L'églife  gallicane  a  tenu  une  conduite 
auflî  rigoureufè  à  l'égard  des  évêques  qui 
manquoient  dé  venir  au  concile  de  leur  pro- 
vince ,  canon  xvij  du  concde  d'Arles  ,  Van 
4-5^*  ^^^^^  févérité  s'eil:  étendue  à  ceux  qui 
abandonnoient  le  concile  avant  qu'il  fût  ter- 
miné ,  canon  xxxi^  du  concile  d'Agde  ;  Van 
£06.  Ce  qui  a  pareillement  étéflatué  dans 
le  premier  canon  du  deuxième  &  troifiemc 
concile  de  Tours.  L'Efpagne  a  embrafîé  la 
même  dilcipline  dans  (es  conciles  ,  &  on  y 
a  décidé  que  Tévêque  qui  étant  averti  par 
{ox\  métropolitain  négligeroit  de  venir  au 
concile  ,  feroit  privé  julqu'à  la  tenue  du 
concile  fuivant  de  la  communion  de  tous 
\qs  évêques  ,  canon  vj  du  concile  de  Tarra- 
gone  ,  Van  £iS.  Les  caufes  qui  peuvent  di(^ 
penfer  un  évêque  mandé  au  concile  de  s'y 
trouver  ,  font  exprimées  dans  cts  difFérens 
conciles  :  telles  font  l'urgente  néceflité ,  l'âge 
avancé  ,  l'infirmité  habituelle  ,  la  maladie  , 
les  ordres  du  roi  qui  retiennent  l 'évêque 
dans  un  autre  endroit. 

Les  conciles  provinciaux  ,  fuivant  le  ca- 
non v  du  concile  de  Nicée  ,  fe  tcnoient 
deux  fois  tous  les  ans  ;  une  fois  au  prin- 
temps ,  une  fois  à  l'automne.  Le-  premier 
devoit  le  tenir  avant  le  carême  ,  afin  ,  dit 
le  concile  ,  que  toute  animofité  étant  effa- 
cée ,  on  préfente  à  Dieu  une  offi-ande  pure» 
Ce  canon  a  été  long-temps  en  vigueur  ;  &  il 
n'étoit  pas  difficile  de  l'obferver  ,  parce  que 
le  nombre  àts  évêques  étoit  grand  fous 
chaque  raétropoHtain  ,  enforte  qu'ils  pou- 
voient  venir  tour-à-tour  ,  leurs  confrères 
réfidant  pendant  ce  temps-là  ,  &  prenant 
LllUa      •        ^ 


SiS 


C  O  N 


foin  de  l'cglife  des  abfens.  Les  coneiles  fij- 
rent  négligés  dans  la  fuite  :  les  évêques  les 
moins  zélés  craignoienr  la  fatigue  &  k  dé- 
penfe  de  ces  fréquens  voyages  ;  &  vers  le 
viij  fiecle  on  (e  réduifit  à  les  obiiger  de  te- 
nir au  moins  un  concile  par  an  ;  c'eft  l'or- 
donnance du  concile  de  Trulle ,  qui  fut  con- 
firmée par  les  feptieme  &  huitième  conciles 
oecuméniques.  En  Occident  les  conciles 
provinciaux  furent  rares  fous  la  féconde  race 
de  nos  rois  ,  tant  A  caufe  des  aflcrablées 
d'état  qui  fe  tenolent  deux  fois  par  an  ,  & 
où  tous  les  évêques  étoient  obligés  de  fe 
trouver  ,  qu'à  cr.ufe  des  guerres  civiles  ,  des 
iiicurfions  des  Normands  qui  infefierent  le 
royaume  depuis  Charles-le-Chauve  ,  &  de 
la  divifion  des  petits  feigneurs  qui  fut  un 
nouvel  obflacle.  Ainfi  dans  les  onzième  & 
douzième  fiecles  on  ne  tint  prefque  pas  de 
ces  conciles.  Néanmoins  Innocent  ÎII  au 
concile  de  Latran  renouvella  la  règle  des 
conciles  annuels  ,  mais  elle  fut  mal  obl'ervée. 
Dans  le  fiecle  fuivant  un  concile  de  Valence 
en  Efpagne  les  ordonna  feulement  tous  les 
deux  ans  ,  jufqu'A  ce  qu'enfin  le  concile  de 
Baie  réduifit  à  trois  ans  l'obligation  de  les 
tenir  ;  ce  que  le  concile  de  Trente  a  confirmé 
fous  les  peines  portées  par  les  canons.  En 
France  l'édit  de  Melun  ,  celui  de  1610  ,  & 
une  déclaration  de  1646  ,  ont  ordonné 
l'exécution  du  décret  du  concile  de  Trente. 
Des  loix  audî  Images  ont  été  fans  aucun 
fruit  &  n'ont  pu  faire  revivre  la  coutume 
de  célébrer  ,  linon  tous  les  trois  ans ,  du 
moins  fréquemment  ,  des  conciles  provin- 
ciaux. De  nos  jours  il  ne  s'en  eu  point  tenu 
d'autre  que  celui  d'Embrun  en  1728  ,  où 
un  des  prélats  les  plus  diflingués  parmi  les 
appellans  de  la  conflitution  Unigenitus  ,  fut 
condamné ,  fufpendu  des  fondions  d'évê- 
que  &  de  prctre  ,  &  réduit  à  k  communion 
Jaïque. 

Les  conciles  diocéfains  ,  qu'on  appelle 
proprement  .(ynot/é-j-  ,  fuivant  l'ufage  mo- 
derne ,  font  ceux  qui  font  célébrés  par  cha- 
que évêque  ,  &  compofés  des  abbés  ,  des 
prêtres  ,  diaa^s  ,  &  autres  clercs  de  fon 
diocefe.  Le  canon  v]  du  feizieme  concile  de 
Tolède  nous  apprend  la  raifon  pour  laquelle 
on  tient  ces  fortes  de  conciles  ;  c'eft  afin  , 
dit-il  ,  que  l'évêque  notifie  A  fon  clergé  & 
-  â  fes  ouailles  tout  ce    qui  s'efl    pafle    & 


C  O  N 

tout  ce  qui  a  été  décidé  au  concile  pro- 
vincial ;  &  l'évêque  qui  manque  à  ce 
devoir  efl  privé  de  k  ccunmunion  pen- 
dant deux  mois.  Mais  quoique  les  conciles 
provjnciiiux  ne  foient-plus  en  ufage ,  néan- 
moins on  tient  encore  les  fynodes  ,  &  l'on 
doit  les  célébrer  tous  les  ans  dans  chaque 
diocele  ;  c'efl-là  principalement  que  les  pré- 
lats veillent  à  réformer  ou  à  prévenir  les  abus. 

Nous  n'en  dirons  pas  davantage  fur  les 
conciles  particuliers.  Au  refle  nous  croyons 
n  avoir  rien  avancé  dans  tout  cet  article  des 
conciles  (  telle  a  été  du  moins  notre  inten- 
tion )  ,  qui  ne  foit  conforme  à  l'efprit  de 
la  religion  ,  aux  maximes  du  royaume  ,  & 
qu'on  ne  puiiTe  concilier  avec  le  vrai  refped 
dû  au  faint  fiege.  Cet  article  efi  de  M.  Bo  u-^ 
CHA  UD  y  docltur  agrégé  en  la  faculté  de 
Droit. 

CONCILIABULE,  (  Jitrifp. ) diminutif 
de  concile  ,  i^oje:^  CoNCILE.  Il  fe  dit  en  gé- 
néral de  petits  conciles  tenus  par  des  héré- 
tiques ,  contre  les  règles  &  les  formalités 
ordinaires  de  la  difcipline  de  l'Eglife. 

*  Conciliabule  ,  f  m.  (  Bifl.  anc.  ) 
conciliabulum ,  endroit  d'une  province  où. 
les  prêteurs  ,  proconfuls  ,  propréteurs  ,  fai» 
loient  affembler  le  peuple  des  pays  adja— 
cens  ,  pour  leur  rendre  la  juflice.  On  y  te- 
noit  auffi  des  marchés  indiqués  par  les  me- 
mes  magiftrats  ,  &  on  appelloit  ces  lieux 
conciliabula  ,  &  non  fora.  Par  la  fuite  cç 
droit  fut  réfervé  aux  villes  municipales. 

*  CONCLAMATION ,  f  f  [Hifl.  anc.y 
On  appelloit  ainfi  le  fignal  qu'on  donnoit 
aux  foldats  romains  pour  plier  bagage  & 
décamper  ,  d'où  Ton  fit  l'exprefîîon  concla^ 
mare  vafa  :  conclamari  ad  arma  étoit  au  con-- 
traire  le  fignal  de  fe  tenir  prêts  à  donner  ; 
les  foldats  répondoient  par  des  cris  à  cette 
conclamacion,  Coriclamen  a  encore  une  autre- 
acception  dans  les  aiiciens  auteurs  ktins  : 
lorfque  quelqu'un 'étoit  mort  ,  on  l'appel- 
loit  trois  fois  par  fon  nom  ;  &  pour  figni- 
fier  qu'il  n'avoit  pas  répondu  parce  qu'il  étoit 
décédé  ,  on  difoit ,  conclamatum  cfl. 

C'efl  dans  ce  fens  ,  pris  au  figuré  ,  que 
quelques  auteurs  ont  dit  ,*de  republicâ  ro-^ 
mand conclamatum  eft;  pour  dire  k  républi- 
que romaine  n'eff  plus. 

CONCLAVE ,  f  m.  ( Hifl.  mod.  ecclef.  ) 
aiïèmblée  de  tous  les  cigc^uix  <^ui  foaÇ  à 


C  O  N 

Rome  poi:r  faire  l'éleâion  du  papt.  yqye\ 
Pape,  Election,  ùc. 

Le  conclave  n'a  commencé  qu'en  32.7©. 
Clément  IV  étanr  mort  à  Virerbe  en  12.68  , 
\zs  difficultés  qui  fiirvinrent  à  roccalîon  de 
i'éledion  die  Ton  fucceffeur,  déterminèrent 
\ts  cardinaux  à  fe  iépivrer  &  à  abandonner 
Viterbe.  Les  habitans  de  cette  ville  ayant 
eu  connoifl^mce  de  cette  réfolution  ,  fermè- 
rent les  portes  de  la  ville  par  le  confeil  de 
S.  Bonaventure ,  enfermèrent  les  cardinaux 
dans  le  palais  ,  &  leur  rirent  favoir  qu'ils 
n'en  fortiroient  point  que  l'éledion  ne  tût 
faite.  C'efl  de-là  qu'eft  venue  la  coutume  de 
renfermer  les  cardinaux  dans  un  feul  palais 
pour  l'éledion  d'un  pape. 

Le  conclave  eft  aufli  le  lieu  où  fe  fait 
î'éledion  du  pape.  C'efl:  une  partie  du  palais 
du  Vatican  que  l'on  choilir,  félon  la  diver- 
iité  des  faifons.  Il  eil:  compofé  de  falles  , 
de  chambres  ,  &  de  corridors  qui  fe  ren- 
contrent en  cet  endroit ,  &  \ç:s  (ailes  &  les 
chambres  font  partagées  en  plufieurs  petites 
cellules  pour  les  cardinaux ,  telle  falle  con- 
tiendra fix  chambres  ,  &  autant  pour  les 
jconclavifles ,  &  on  en  laifTe  quelques-unes 
de  hbres  pour  y  faire  du  feu  ,  de  Ibrtc  que 
les  chambres  des  cardinaux  n'ont  point  de 
cheminée  :  elles  font  toutes,  meublées  fort 
modeftement ,  d'une  même  ferge  verte  ou 
violette  :  les  armes  font  fur  la  porte  des 
chambres ,  qui  font  prefque  toutes  obfcures 
à  cauie  que  toutes  les  fenêtres  font  murées  , 
à  la  réferve  du  panneau  d'en-haut.  Il  y 
a  plufieurs  officiers ,  comme  médecins ,  & 
chaque  cardinal  a  deux  conclavifles  ,  ou 
trois  s'il  ejl  malade  &  qu'il  le  demande.  Ils 
font  ferment  de  ne  point  révéler  les  fecrets 
du  conclave.  On  les  reconnoît  le  lendemain 
de  la  clôture.  Il  y  a  d'autres  ferviteurs  avec 
une  cafaque  violette  pour  les  ufages  com- 
muns. Les  conclavifles  ont  tous  une  rob& 
de  chambre  conforme.  Il  y  a  un  guichet  à 
la  porte  du  conclave  que  l'on  ouvre  pour 
donner  audience.  Il  y  a  cinq  maîtres  de 
cérémonies  qui  jouifîent  de  ce  bienfait  ;  cha- 
que cardinal  leur  donne  tous  les  jours  deux 
piftoles  ,  outre  quelque  plat  de  régal.  Rela- 
tion du  conclave  d'Alexandre  VII. 

D^ns  l'interrègne ,  le  facré  collège  pré- 
tend qu'il  lui  eft  dû  plus  de  refped  qu'à 
la  perfofti^e  même  du  pape ,  parce  q^'éîâat 


C  O  N  %i^ 

comporé  de  toutes  les  nations  chrétien- 
nes ,  il  rcpréTente  toute  la  hivrarchiç  de 
rEdilc.  C'efl  pour  •  cette  raifcn  que  les 
ambafladeurs  allant  à  l'audience  àv.  collège 
metrcnt  un  genou  en  terre  ,  &  ne  fe  lèvent 
qu'après  que  le  cardinal  doyen  leur  a  fait 
ligne. 

Le  chef  de  la  maifon  Savelli  garde  leç 
clés  du  conclave  ,  comme  maréchal  héré- 
ditaire de  l'Eglife.  Mais  les  clés  du  dedans, 
font  gardées  par  le  cardinal  Camerlingue 
&  par  le  m^itte  des  cérémonies.  Me'm.  de 
M.  Anielot  de  la  Houiîaye ,  tom.  II.  au 
mot  conclave. 

CONCLAVISTE  ,  f.  m.  (Jurl/prud.) 
efl  un  domeflique  qu'un  cardinal  enfermé 
dans  le  conclave  pour  l'éleétion  d'un  pape, 
tient  avec  lui  pour  le  fervir.  Chaque  car- 
dinal en  peut  avoir  deux  ,  &  même  trois 
s'il  efl:  prince. 

Quoique  la  qualité  de  domeflique  pré- 
fente une  idée  humiliante ,  les  fondions 
d'un  conclavijîe  ne  le  font  pas.  Ces  places 
font  fort  recherchées ,  &  nos  jeunes  abbés 
françois  de  la  plus  haute  diflindion  ne  font 
pas  difficulté  de  s'y  alTujettir,  la  connoif- 
l^nce  du  conclave  étant  néceflaire  à  ui^ 
homme  qui  peut  prétendre  aux  dignités 
eccléfiaffiques  les  plus  émlnentes.  Quand  le 
conclave  eil  fini ,  on  leur  accorde  ordinai- 
rement le  gratis  pour  les  bulles  d'un  des 
bénéfices  confilloriaux  qu'ils  pourront 
obtenir  par  la  fuite. 

CONCLURE ,  v.  ad.  &  neut.  a  plu- 
fieurs acceptions  :  quelquefois  il  eil  fyno- 
nyme  à  terminer  ,  &  l'on  dit  terminer  (j 
conclure  une  affaire  >  il  fignifie  quelquefois 
tirer  une  confèquence  des  propojitions  qUon 
a  avancées.  En  Junf prudence^  c'eil  prendre 
àt^  conclufions  dans  ime  caufe  ,  inilance  , 
ou  procès.  V.  ci-après  CONCLUSIONS. 

Conclure  un  procès  par  écrit  ,  ou  conclure 
un  procès  )  c'eil  paiîer  ,  c'efl -à -dire  fi- 
gner  un  appointement  appelle  appointe- 
ment  de  conclufion  fur  l'appel  d'une  fen-. 
tence  rendue  en-  procès  par  écrit  :  cet' 
appointement  porte  que ,  le  procès  par  écrit 
d'entre  tel  &  tel,  eil  reçu  &  conclu  pour 
juger  en  la  manière  accoutumée  ,  &  que 
les  parties  font  appointées  à  fournir  griefs  » 
réppniès  ,  faire  productions  nouv^les  ,  Sic 
icelles  contredire  s'il  y  échet ,  &:f^uf  à  f^ôre 


8;o  CON 

collation.  Cette  dernière  claufe  vient  de  ce 
qu'anciennement ,  lorfque  les  parties  met- 
toient  au  greffe  leur  produdion  principale  , 
avant  de  conclure  le  procès ,  le  greffier  la 
collationnoit  pour  voir  fi  elle  étoit  com- 
plète ;  ce  qui  ne  fe  fait  plus  préfentement. 
Congé  faute  de  conclure,  efi  le  défaut  qui 
eft  donné  à  l'intimé  lorfque  l'appellant  refufe 
de  conclure  le  procès  par  écrit.  Le  profit 
de  ce  défaut  emporte  la  déchéance  de  l'ap- 
pel ,  &  la  confirmation  de  la  fentence. 

Défaut  faute  de  conclure  ,  ell  le  défaut 
qui  efi  accordé  à  l'appellant  lorfque  l'intimé 
refufe  de  conclure  le  procès  par  écrit  :  le 
profit  de  ce  défaut. eft  que  l'intimé  eft  dé- 
claré déchu  du  profit  de  la  fentence.  {A) 
*  CONCLUSION ,  f.  f  (LogLq.)  c'eft 
ainfi  qu'on  appelle  la  propofition  qu'on  avoit 
à  prouver  ,  &  qu'on  déduit  des  prémifles. 
Voyei  Syllogisme. 

On  donne  aufll  le  même  nom  générale- 
ment ee  Logique ,  Métaphyfique ,  Morale  , 
"&:  Phyfique  fcholaftiques  ,  aux  différentes 
propofitions  qu'on  y  démontre  ,  &  aux 
démonftrations  qu'on  emploie  à  cet  effet. 
Ainfi  l'exiftence  de  T3ieu  eft  une  conclufion 
de  Métaphyfique.  On  intitule  en  ce  fens 
les  thefes  qui  ne  font  que  des  pofitions  de 
Philofophie  rédigées  par  paragraphes  ,  con- 
clufions  de  Philofophie  y  conclujiones  Phi- 
iofophiiV. 

CONCLUSION)  dans  Vart  Oratoire,  c'eft 
la  dernière  partie  du  difcours  ,  celle  qui  le 
termine.  Elle  comprend  elle-même  deux 
parties  ,  ou  pour  mieux  dire  elle  a  deux 
fortes  de  fondions  :  la  première  confifte  à 
faire  une^  courte  récapitulation  des  princi- 
pales preuves  ;  la  féconde  confifte  à  exciter 
dans  i'ame  des  juges  ou  des  auditeurs  les 
fentimens  qui  peuvent  conduire  à  la  per- 
fuafion.  La  première  partie  demande  beau- 
coup de  préclfion  ,  d'adreffe ,  &  de  difcer- 
nement ,  pour  ne  dire  que  ce  qu'il  faut  ,  & 
pour  rappeller  en  peu  •  de  mots  &  par  des 
tours  variés  l'effentiel  &  la*  fubftance  des 
preuves  qu'on  a  déployées  dans  le  difcours. 
Mais  l'éloquence  rélerve  fa  plus  grande 
force  pour  la  féconde  partie  :  c'eft  par  le 
/ecours  du  pathétique  qu'elle  domine  & 
qu'elle  triomphe.  V.  AnacÉPHALÉOSE  , 

Péroraison,  Passion^  Récapitu- 


CON 

Conclusions  ,  (Jurifp.)  font  les  fins 

auxquelles  tend  une  demande   formée    en 
juftice. 

Un  huiffier  prend  des  conclujions  par  un 
exploit  de  demande. 

Les  procureurs  en  prennent  par  des 
requêtes  verbales  &  autres  ,  même  par  des 
défenles ,  dires  ,  brevets ,  &  autres  procé- 
dures ;  mais  au  parlement ,  où  la  procédure 
fe  fait  plus  régulièrement  que  dans  la  plu- 
part des  autres  tribunaux ,  on  ne  reconnoit 
de  conclujions  wd[^\ts  en  la  forme  que  celles 
qui  font  prifes  par  une  requête ,  &  qui  (ont 
dans  la  dernière  partie  de  la  requête  deftinéc 
à  contenir  les  conclujions. 

Les  avocats  prennent  aufll  des  conclu- 
jions en  plaidant  &  en  écrivant. 

Le  miniftere   public  prend  pareillement 
des  concluions  verbalement  &  par  écrit. 
^  Enfin  il  y  a  difïerentes  fortes  de  conclu- 
Jions  que  nous  expliquerons  chacune  fépa- 
rément. 

La  forme  des  conclujions  eft  auffi  dift'é- 
rente  ,  félon  les  divers  objets  auxquels  elles 
tendent. 

On  peut  corriger,  changer,  augmenter 
ou  reftreiiidre  fes  conclu/ions  tant  que  les 
choies  font  entières  ,  c'eft-à-dire  tant  que 
la  partie  adverfe  n'en  a  pas  demandé  adé  , 
ou  qu'il  ne  lui  a  pas  été  odroyé. 

Il  y  a  encore  un  cas  où  l'on  ne  peut  pas 
changer  fes  conclujions ,  c'eft  lorfqu'on  s'eft 
reftreint  à  la  fomme  de  loo  liv.  pour  être 
admis  à  la  preuve  teftimoniale  ;  on  ne  peut 
plus  demander  l'excédant  lorfque  la  preuve 
eft  ordonnée. 

Celui  qui  varie  dans  fes  conclujions  & 
occafione  par  -  là  des  dépens  ,  doit  les  fijp- 
porter  comme  frais  fruftratoires. 

Conclusions  alternatives  ,  font 

celles  où  l'on  donne  à  la  partie  adverfe  l'op- 
tion de  deux  chofes  qu'on  lui  demande. 

Conclusions  des  Avocats  font  de 
deux  fortes  ;  les  unes  qu'ils  prennent  en 
plaidant ,  les  autres  en  écrivant. 

Ils  ne  peuvent  à  l'audience  prendre  d'au- 
tres conclujions  que  celles  qui  font  portées 
par  leurs  pièces  ,  à  ^moins  qu'ils  ne  foient 
alCftés  de  la  partie  ou  du  procureur  ;  au- 
quel, cas  ils  peuvent  prendre  de  nouvelles 
conclujions  fur  le  barreau  ,  qu'on  appelle 
aulïï  conclùfwns  judiciaires  f  parce  qu'elles 


C  O  N 

font    prifes    en   jugement  ,    c'eil-à-dire  à 
l'audience. 

Anciennement  nu  parlement  de  Paris  Jes 
avocats  ne  prenoienr  point  les  çondujîons 
des  caufes  qu'ils  plaidoient  ;  c'étoit  le  pro- 
cureur qui  afiiftoit  à  la  plaidoirie ,  lequel 
à  la  fin  de  la  caufe  prenoit  les  concluions  y 
&  l'on  n'alloit  aux  opinions  qu'après  que 
\qs  conclu/ions  avoient  été  prifes  ;  ccû  ce 
que  l'on  voit  dans  les  anciens  arrêts  rédigés 
en  latin,  où  immédiatement  avant  le  dif- 
pofitif ,  il  eft  dit  poftquam  conclufum  fuit  in 
caufâ. 

Mais  depuis  long-temps  il  eft  d'ufage  que 
les  conclujions  fe  prennent  au  commence- 
ment de  la  plaidoirie  ;  ce  qui  a  été  intro- 
duit afin  que  les  juges  connoiflent  tous  d'a- 
tord  quel  eft  l'objet  des  faits  &  des  moyens 
qui  vont  leur  être  expofés;  &  pour  faciliter 
l'expédition  des  affaires  ,  on  a  dilpenfé  les 
procureurs  d'aflift|r  à  la  plaidoirie  des  avo- 
cats ,  lefquels  en  conféquence  prennent 
eux-mêmes  les  conclujions  au  commence- 
ment de  la  plaidoirie  ;  &  comme  en  cette 
partie  ils  fuppléent  le  procureur  abfent ,  il 
eft  d'ufage  qu'ils  foient  découverts  en  pre- 
nant les  conclujions  ,  au  lieu  qu'en  plaidant 
ils  font  toujours  couverts. 

Il  eft  néanmoins  demeuré  quelques  vef- 
tiges  de  l'ancien  ufage ,  en  ce  que  quand 
les  juges  veulent  aller  aux  opinions  avant 
que  les  plaidoiries  foient  finies  ,  le  préfi- 
dent  ordonne  aux  avocats  de  conclure  , 
fur-tout  pour  ceux  qui  n'ont  pas  encore 
parlé  ;  &  dans  les  caufes  tlu  grand  rôle , 
quoique  les  avocats  prennent  leurs  conclu- 
jions en  commençant  à  plaider  au  barreau , 
ils  les  reprennent  en  finiflant ,  &  pour  cet 
eflfèt  defcendent  du  barreau  où  ils  plaident , 
dans  le  parquet  ou  enceinte  de  l'audience. 

Les  avocats  prennent  auffi  des  conclu- 
jions dans  les  écritures  qui  font  de  leur 
miniftere  ;  mais  pour  la  validité  de  la  pro- 
cédure ,  il  faut  qu'elles  foient  reprifes  par 
requête  ,  parce  que  le  procureur  efl  domi- 
nus  litis ,  &  a  feul  le  pouvoir  d'engager  fa 
partie. 

Conclusions  sur  le  bap.reau  , 

font  celles  que  les  avocats  ou  les  procureurs 
prennent  verbalement  fur  le  barreau  ,  fans 
qu'elles  aient  été  prifes  auparavant  par 
requête,  ni  par  aucune  autre  procédure^ 


Ç  Q  N  831 

VoyeTi  ce  qui  en  eft  dit  dans  l'article  pré- 
cédent par  rapport  aux  avocats. 

Conclusions  conditionnelles  , 
font  celles  que  l'on  ne  prend  que  relativement 
aux  cas  &  conditions  qui  y  font  exprimés. 

Conclusions    définitives  ,  font 

celles  qui  tendent  à  la  décifion  du  fonci^e 
1  affïiire ,  au  lieu  que  \^s  conclujions  inter- 
locutoires ou  préparatoires  ne  tendent  qu'à 
faire  ordonner  quelque  -inftrudion  ou  pro- 
cédure qui  paroît  préalable  à  la  décifion 
du  fond. 

Le  terme  de  conclujions  déjinitives  n'eft 
guère  ufité  qu'en  matière  criminelle  ,  où 
le  miniftere  public  ,  après  avoir  donné  de 
premières  co;2c/r{/ro/2jpréparatoires,en  donne 
enfuite  de  défini  tire  s, \or{'<\ut  le  procès  eft  inii^ 
truit.Ces  conclHjionsàoxvQ-cw.  être  données  par 
écrit  &  cachetées  ,  &  elles  ne  doivent  point 
expliquer  les  raifons  lùr  lefqueiles  elles  ibnt 
fondées.  Ordonnance  de  zèjo^  tit.  xxii: 

Quand  ces  conclujions  font  à  la  décharge 
de  l'accufé  ,  elles  commencent  par  ces  mots, 
je  n'empêché  pour  le  roi;  &  lorfqu'elles 
tendent  à  quelque  condamnation  ,  elles- 
commencent  en  ces  termes ,  je  requiers 
pour  le  roi  ,•  &  fi  ces  conclujions  tendent  à 
peine  affliclive  ,  l'accufé  eft  interrogé  fur  la 
feîette.  Voye^  ci-après  CONCLUSIONS 
PRÉPARATOIRES. 

Conclusions' JUDICIAIRES  ou  Sur 

LE  BARREAU,  i'oye7^^ci-devantCoiiCl.\J^ 

sions  sur  le  barreau. 

Conclusions  des  Gens  du  Roi  ^ 
ou  DU  Ministère  public,  ou  du  Par- 
QUET  ,  ou  du  Procureur  général, 
ou  DU  Procureur  du  roi  ,  font  celles 
que  le  miniftere  public  prend  dans  les  caufes 
&  procès ,  foit  civils  ou  criminels  ,  dans 
lefquels  le  roi  ,  l'églife ,  ou  le  public  font 
intéreftes.  Il  y  a  àes.  tribunaux  où  le  miniftere 
public  donne  auffi  des  conclujions  dans  les 
affaires  des  mineurs  ;  mais  cela  n'eft  pas 
d'utàge  au  parlement  de  Paris.  «K^  CON- 
CLUSIONS DÉFINITIVES  ù  Conclu- 
sions PRÉPARATOIRES. 

Conclusions     préparatoires  ^ 

font  celles  qui  ne- tendent  qu^5un  interlocu- 
toire ,  &  à  faire  ordonner  quelque  inftruc^ 
tion  ou  procédure  :  ce  terme  eft  principale- 
ment ufité  pour  les  conclujions  prifes  par 
le   miniftere  public   avant  Ç^  condujioj^ 


831  C  O  N 

définitives.    Fy/e^j  CONCLUSIO^îS  DÉFI- 
NITIVES. 

Conclusions  principales  ,  font 
les  premières  que  l'on  prend  pour  une 
partie  ,  &  dont  on  demande  radjudication 
par  préférence  aux  conclujions  qui  font 
enfuite  prifes  fubfidiairement. 

Conclusions  subsidiaires  ,  font 
oppofées  aux  conclujions  principales  ,  &  ne 
font  prifes  que  pour  le  cas  où  le  juge 
feroit  difficulté  d'adjuger  les  premières  :  on 
peut  prendre  différentes  conclujions  fubji- 
diaires  les  unes  aux  autres  ;  elles  font  prin- 
cipalement uiitées  dans  les  tribunaux  qui 
jugent  en  dernier  refîbrt ,  parce  qu'il  faut 
y  défendre  A  toutes  fins  ou  événeraens.  [A) 

CONCOMBRE,  f.  m..{HiJl.  nat.  bot.) 
cucumis ,  genre  de  plante  à  fleurs  monopé- 
tales faites  en  forme  de  cloche  ,  ouvertes 
&  découpées.  Les  unes  font  flériles  &  n'ont 
point  d'embryon  ;  les  autres  font  fécondes 
&  portées  fur  un  embryon  qui  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  charnu  ,  ordinairement 
fort  alongé  ,  qui-  eft  divifé  en  trois  ou  qua- 
tre loges  ,  &  qui  renferme  des  femences 
oblongues.'  Tournefort ,  infUt.  rei.  herb. 
V.  Plante,  (/) 

CoNCOMBFvi::  ,  {Pharmac.  &  Diète.)  le 
concombre  ordinaire  eil  beaucoup  plus  em- 
ployé dans  nos  cuihnesque  dans  les  bou- 
tiques des  apothicaires  :  on  les  fait  entrer 
dans  les  potages  &  dans  difîerens  ragoûts. 
La  chair  de  ce  fruit  efl  réellement  un  peu 
alimenreufe  ;  rnais'  il  ell  peu  d'cflomacs  à 
qui  fa  fadeur  &  fon  inertie  ne  devinfTent 
nuifibles  à  la  longue  :  il  efl:  vrai  qu'on 
corrige  ordinairement  ces  qualités  par 
divers  afTaifonnemens  ,  mais  cette  précau- 
tion eft  le 'plus  fouvent  infuffifante.  V^oye\ 
Légumes  &  Digestion. 

Quelques  médecins  recommandent  l'ufage 
interne  des  concombres  dans  les  maladies 
des  reins  &  de  la  vefiie  ,  &  fur-tout  dans 
le  calcul  :  mais  il  ne  paroît  pas  qu'on  doive 
compter  beaucoup  fur  cette  vertu  lython- 
triptique  ;  au  moins  peut-on  avancer  que 
fi  cette  qualité  eil  réelle  ,  elle  eil  aiTurément 
très-occulte. 

La  pulpe  de  concombre  ap'pliquée  exté- 
rieurement lur  la  tête,  eil  fort  vantée  pour 
la  phrénéfie  par  Bartholet  &  Borelli. 

La  graine  de  concombre ,  qui  ell  émulfive, 


C  O  N 

efl  une  des  quatre  femences  froides.  V, 
Semences  froides. 

hcs  concombres  verds  ,  &  lorfqu'ils  ne 
font  encore  gros  que  comme  le  pouce  ou 
à-peu-près ,  font  appelles  cornichons.  Dans 
cet  état  ,  on  les  conferve  dans  le  vinaigre 
&  le  fel ,  ou  dans  la  fliumure  ,  pour  s'en 
fervir  dans  le  courant  de  l'année. 

On  mange  les  cornichons  en  falade,  feuls 
ou  avec  d'autres  plantes  ;  on  les  fait  entrer 
aufii  dans  diflérens  ragoûts. 

A  ce  degré  d'immaturité  le  concombre 
ne  peut  guère  paiTer  que  pour  un  afîàifon- 
nement ,  en  général  aiîëz  indiflerent- quant 
à  l'utilité  ou  aux  inconvéniens  diététiques  , 
qui  ne  convient  point  cependant  aux  eito- 
macs  foibles  &  relâchés ,  ou  peu  familia- 
riiés  avec  les  légumes  ,  je  dirois  prefque 
avec  les  cornichons  ;  car  iljr  cette  matière 
nous  fommes  extrêmement  pauvres  en  pré- 
ceptes généraux ,  &  l'expérience  de  chaque 
particufier  fur  chaque  aliment  particulier  , 
efl  prefque  le  feul  fondement  fur  lequel 
nous  pulflions  établir  encore  les  loix  diététi- 
ques. Voye\  DiETE,  LÉGUME  ,  AsSAI* 
SONNEMENT.  {b) 

Concombre  sauvage  ,  voye^  Eza^ 

TERIUM. 

CONCOMBRE  marin,  f.  m.  {HiJ^oire 
nat.Zoophyte.yLQ  livre  intitulé  Diclionnaire 
d'hifloire  naturelle  ,  dit  que  cet  animal  efl 
un  poifTon  ;  mais  ce  que  tous  les  narurahfles 
connoilTcnt  fous  le  nom  de  poilTon  a  du 
fang ,  de  la  chair  ,  des  arêtes ,  &  comme 
des  membres  ou  des  nageoires  ;  cet  animal 
efl  à  proprement  parler  un  zoophyte,  c'efl- 
à-dlre  ,  un  animal-plante  de  la  famille  des 
holothuries  qui  n'ont  ni  fang  coloré ,  ni 
arêtes  ,  ni  aucuns  membres. 

Le  nom  de  concombre  marin,  cucumis  ma- 
rinas, que  lui  a  donné  Rondelet,  lui  vient 
à  caufe  de  fa  forme,  qui  repréfente  un  de 
ces  concombres  appelles  cornichons  que  l'on 
confit  au  vinaigre  ;  cette  cômparallon  toute 
groflîere  qu'elle  paroît  au  premier  abord  , 
donne  cependant  une  idée  afTez  jiifle  de  cet 
animal  ;  car  il  refîemble  à  une  pyramide 
renverféc ,  pointue  à  fon  extrémité  infé- 
rieure ,  arrondie  en-deflus  ,  relevée  fur  toute 
fa  longueur  de  cinq  côtes  femées  de 
tubercules. 

Mœurs.  Cet  animal   d(l  commun  fur  Te 

rivage 


a  pointe  en  bas  ,  Tes  tuber- 


G  O  N 

rivage  dans  la  mer  méditerrane'e  ,  où  il  refl 
enfoncé  verticalement  jufqu'aux  trois  quarts 
de  la  longueur 
cules^rvant  à  le  retenir. 

Qualités.  C'cft  encore  une  erreur  que  de 
dire  ,  comme  l'auteur  du  didionnaire  inti- 
tulé ,  dicHonnaire  d^hifloire  naturelle  y  que 
cet  animal  a  la  couleur  &  l'odeur  du  con- 
combre :  il  eft  d'un  blanc  fale  tant  qu'il  eft 
vivant  ,  &  Ton  odeur  eit  i'aline  ,  fort  appro- 
chante de  celle  des  plantes  marines  qu'on  ap- 
pelle varoes  ou' fucus.  {M.  Adansojv.) 

CONCOMITANT  ,  adj.  (  Granim.  & 
Théol  )  qui  accompagne  ,  fe  dit  particuliè- 
rement en  Théologie  ,  d'une  grâce  que  Dieu 
nous  donne  durant  le  cours  d'une  adion  pour 
la  faire  &  la  rendre  méritoire.  K.  G  RACE. 

CONCORDANCE  ,  f.  f.  Grammaire. 
Ce  que  je  vais  dire  ici  iiir  ce  mot  ,  &  ce 
que  je  dis  ailleurs  fur  quelques  autres  de 
même  ei'pece  ,'  n'eft  que  pour  les  perfonnes 
pour  qui  ces  mots  ont  été  faits ,  &  qui  ont  à 
en  enfeigner  ou  en  étudier  la  valeur  &  l'ulage  ; 
les  autres  feront  mieux  de  pafîer  à  quelque 
article  plus  intéreffant.  Que  fi  malgré  cet 


G  O  N  835 

Les  Grammairiens  dillingucnt  plufieurs 
fortes  de  concordance^^. 

1°.  La  concordance  ou  convenance  de 
l'adjedif  avec  fon  fubrtantif:  Deus  faji3us  y 
Dieu  faint  ;  fancla  Maria  ,  fainte  Marie. 

2^*.  La  convenance  du  relatif:  avec  l'anté- 
cédent :  Deus  quem  adoramus ,  le  Dieuquc 
nous  adorons. 

3"^.  La  convenance  du  nominatif  avec  foa 
verbe  :  Petrus  legit ,  Pierre  lit  ;  Petrus  <J 
Paulus  legunt  ,  Pierre  &  Paul  lifent. 

4°.  La  convenance  du  refponfif  avec  Tin- 
terrogatif ,  c'eft-à-dire  ,  de  iaréponiè  avec  la 
demande  :  D.  Quis  te  redemit  ?  R.  Chriflus. 

5°.  A  ces  concordances  ,  la  méthode  de 
P.  R.  en  ajoute  encore  une  autre  ,  qui  efl 
celle  de  l'accu ("atlf  avec  l'infinitif  ,  Petruni 
ejje  doclum  ;  ce  qui  fait  un  fens  qui  eit  ,  oti 
le  fil] et  de  la  propofition  ,  ou  le  terme  de 
l'acfion  d'un  verbe.  On  en  trouvera  des 
exemples  au  mot  CONSTRUCTION. 

A  l'égard  de  la  lyntaxe  de  régime  ,  régir  y 
difent  les  Grammairiens  ,  ceft  lorfqu'unmot 
en  oblige  un  autre  à  occuper  telle  ou  telle  pla- 
ce dans  le  dif cours  ,  ou  qu'il  lui  impofe  la. 


avis ,  ils  veulent  s'amufer  à  lire  ce  que  je  cj|w/oz  de  prendre  une  telle  terminai/an  y  &  non 


fur  la  concordance  ,  je  les  prie  de  fonger 
qu'on  parle  en  anatomifîe  à  S.  Cofme  ,  en 
jurifconfulte  aux  écoles  de  Droit ,  &  que  je 
dois  parler  en  grammairien  ,  quand  j'expli- 
que quelque  terme  de  grammaire. 

Pour  bien  entendre  le  mot  de  concordance , 
il  faut  obferver  que  félon  le  fyfîême  com- 
mun des  Grammairiens  ,  la  fyntaxe  fe  di- 
vife  en  deux  ordres  ;  l'un  de  convenance  , 


l'autre  d< 


méthode  de  P.  R.  à  la 


le  reg'ime  , 

tête  du  traité  de  la  fyntaxe  ,  pag.  j  ^  ^.hn 
lyntaxe  de  convenance  ,  c'efl  l'uniformité 
ou  refîemblance  qui  doit  fe  trouver  dans 
la  même  propofition  ou  dans  la  même  énon- 
ciation  ,  entre  ce  que  les  Grammairiens  ap- 
pellent les  accidens  des  mots  ^  diclionum  ac- 
cidentia  ;  tels  font  le  genre  ,  le  cas  (  dans 
les  langues  qui  ont  des  cas  )  le  nombre  & 
la  perionne  ;  c'efl-à-dire  ,  que  fi  un  fubf- 
tantif  &  un  adjedif  font  un  fens  partiel  dans 
une  propofition  ,  &  qu'ils  concourent  en- 
fèrable  à  former  le  fens  total  de  cette  pro- 
pofition ,  ils  doivent  être  au  même  genre  , 
au  même  nombre ,  &  au  même  cas.  C'elf  ce 
que  j'appelle  uniformité  d' accidens  y  &  c'cfi 
ce   qu'on  appelle  concordance  ou  accord. 

Tome   VIII.  ' 


"une  autre.  Ceft  ainfi  que  amo  régit ,  gouverne 
l'accufatif ,  &  que  les  prépofitions  de  y  ex , 
pi'Of  &c.  gouvernent  l'ablatif. 

Ce  qu'on  dit  communément  fur  ces  deux 
fortes  de  fyntaxes  ne  me  paroît  qu'un  lan- 
gage métaphorique  y  qui  n'éclaire  pas  l'ef- 
pritdes  jeunes  gens  ,  &  qui  les  accoutume  à 
prendre  des  mots  pour  des  chofes.  Il  eft  vrai 
que  l'adjedif  doit  convenir  en  genre,  en 
nombre  &  en  cas  avec  fon  fubftantif  :  mais 
pourquoi  ?  Voici  ce  me  femble  ce  qui  pour- 
roît  être  utilement  fdbftitué  au  langage  com- 
mun des  Grammairiens. 

Il  faut  d'abord  établir  comme  un  principe 
certain ,  que  les  mots  n'ont  entr'eux  de  rap- 
port grammatical  ,  que  pour  concourir  k 
former  un  fens  dans  la  même  propofition, 
&  félon  la  conftrudion  pleine  ;  car  enfin  les 
terminaifons  des  mots  &  les  autres  fignes  que 
la  Grammaire  a  trouvés  établis  en  ch-aque 
langue ,  ne  font  que  des  fignes  du  rapport 
que  l'efprit  conçoit  entre  les  mots  ,  félon 
le  fens  particulier  qu'on  veut  lui  faire 
exprimer.  Or ,  dès  que  l'enfemble  des  mots 
énonce  un  fens  ,  il  fait  une  propofition  ou 
un^  énonciation. 

M  m  m  m  m 


.'^34  C  ON 

Ainfi  celui  qui  veut  faire  entendre  la  rai-  ) 
fon  grammaticale  de  quelque  phrafe  ,  doit 
commencer  par  ranger  les  mots  félon  l'ordre 
fucceiîîf  de  leurs  rapports  ,  par  lefquels  feuls 
on  appcrçoit ,  après  que  la  phrafe  eft  finie  , 
comment  chaque  mot  concourt  à  former  le 
fens  total. 

Enfui  te  on  doit  exprimer  tous  les  mots 
fous-cutendus.  Ces  mots  font  la  caufe  pour- 
quoi un  mot  énoncé  a  une  telle  terminaifon 
ou  une  telle  pofition  plutôt  qu'une  autre. 
AdCafioris  il  cft  évident  que  la  caufe  de  ce 
génitif  Cafloris  n*efl  pas  ad ,  c'efl  œdem  qui 
efl  Ibus-cntendu  ;  ad  œdem  Caftoris  ,  au 
temple  de  Caflor. 

Voilà  ce  que  j'entends  ^^lt faire  la  conftruc- 
tion  ;  c'efl  ranger  les  mots  félon  l'ordre  par  le- 
quel feul  ils  font  un  fens. 

Je  conviens  que  félon  la  conflruâion 
ufuelle  ,  cet  ordre  cit  fouvent  interrompu  ; 
mais  obfervez  que  l'arraiagement  le  plus  élé- 
gant  ne  formeroit  aucun  fens  ,  fi  après  que 
la  phrafe  efl  finie  l'efprit  n'appercevoit  l'or- 
dre dont  nous  parlons.  Serpentem  vidi.  La 
terminaifon  àtferpentem  annonce  l'objet  que 


C  O  N 

2.' A  l'égard  du  rapport  de  détermination  > 
comme  nous  ne  pouvons  pas  communément 
énoncer  notre  penfée  tout-d' un-coup  en  une 
feule  parole  ,  la  nécefîité  de  l'élocuti^in  nous 
fait  recourir  à  plufieurs  mots  ,  dont  l'un 
ajoute  à  la  fignification  de  l'autre  ,  ou  la 
reflreint  &  la  modifie  ;  enforte  qu'alors  c'efl 
l'enfemble  qui  forme  le  fens  que  nous  vou- 
lons énoncer.  Le  rapport  d'indentité  n'exclut 
pas  le  rapport  de  détermination.  Quand  je 
dis  V homme  faï/ant ,  ou  [q  f avant  homme  , 
/avant  modifié  détermine  homme  ;  cepen- 
dant il  y  a  un  rapport  d'identité  entre  homme 
&  favant  ;  piùfque  ces  deux  mots  n'énon- 
cent qu'un  même  individu  qui  pourroit  être 
exprime  en  un  feul  mot ,  docîor. 

Mais  le  rapport  de  détermination  fe  trou- 
ve fouvent  fans  celui  d'identité.  Diane  étoit 
fceur  d* Apollon  ;  il  y  a  un  rapport  d'identité 
entre  Dîne  &ifœur  ;  ces  deux  mots  ne  font 
'  qu'un  feul  &  même  individu  ;  &  c'efl  pour 
cent  feule  raifon  qu'en  laùn  ils  font  au 
même  cas ,  Ùç.  Diana  erat  foror.  Mais  il 
n'y  a  qu'un  rapport  de  détermination  encre 
/(jciir  &  Apollon  :  ce  rapport  eft  marqué  en 


pofition  de  ce  mot  qui  efî  après  le  verbe  ,  efl 
le  figne  qui  indique  ce  que  j'ai  vu. 

Obfervez  qu'il  n'y  a  que  deux  fortes  de 
rapports  entre  ces  mots  ,  relativement  à  la 
conflruâion. 

I.  Rapport ,  ou  raifon  d'identité  (  id.  )  le 
même). 

IL  Rapport  de  détermination. 

I.  A  l'égard  du  rapport  d'identlré,  il  efl 
évident  que  le  qualificatif  ou  adjeûit ,  auilî 
bien  que  le  verbe  ,  ne  font  au  fond  que  le 
fubflantif  même  confidéré  avec  la  qualité 
que  i'adjedif  énonce  ,  ou  avec  la  manière 
d'être  que  le  verbe  attribue  au  fubflantif  : 
ainf  i  l'adjeâif  &  le  verbe  doivent  énoncer  les 
mêmes  accidens  de  Grammaire  ,  que  le  fubf- 

mtif  énoncé  d'abord  ;  c'efl-à-dire  ,  que  fi  le 


je  dis  avoir  vu  ;    au  lieu  qu'en  françois  laj  latin  par  la  terminaifon  du  génitif  delHnée 
__/:.! i„ ^  _..:  „A x„  i L,     „n     i  j: : j'„/: r ^_-7 


tantil 


fublkntif  elt  au  fmguiier  ,  l'adjedif  &  le 
verbe  doivent  être  au  fingulier  ,  puifqu'ils 
ne  font  que  le  fubflantif  même  confidéré 
fous  telle  ou  telle  vue  de  Fefprit. 

Il  en  efl  de  même  du  genre  ,  de  la  per- 
fqnne  &:  du  cas  ,  dans  les  langues  qui  ont 
des  cas.  Tel  efl  l'effet  du  rapport^d'identité , 
&  c'eft  ce  qu'an'  appelle  concordance» 


à  déterminer  un  nom  d'efpece  ,/orc»r-^/>o/- 
linis  ;  au  lieu  qu'en  françois  le  mot  d'Apol- 
lon efl  mis  en  rapport  avec  fœur  par  la  pré- 
pofition  de  ,  c'efl-à-dire  ,  que  cette  prépo- 
fition  fait  connoître  que  le  mot  qui  la  fuit 
détermine  le  nom  qui  la  précède. 

Pierre  aime  la  venu  :  il  y  a  concordance  ou 
rapport  d'identité  entre  Pierre  &  aime  ;  & 
il  y  a  rapport  de  détermination  entre  aime  6c 
vertu.  En  françois  ,  ce  rapport  efl  marqué 
par  la  place  ou  pofition  du  mot  ;  ainfi  venu 
efl  après  aime  :  au  lieu  qu'en  latin  ce  rap- 
port efl  indiqué  par  la  terminaifon  virtutem  , 
&  il  efl  indittérent  de  placer  le  mot  avant 
ou  après  le  verbe  ;  cela  dépend  ou  du  caprice 
&  du  goût  particulier  de  l'écrivain  ;  ou  de 
l'harmonie  ,  ou  du  concours  plus  ou  moins 
agréable  des  fyllabes  des  mots  qui  précèdent 
ou  qui  fuivent. 

Il  y  a  autant  de  fortes  de  rapports  de 
détermination  ,  qu'il  y  a  de  queflions  qu'un 
mot  à  déterminer  donne  lieu  de  faire  :  par 
exemple  ,  le  roi  a  donné  y  hé  quoi?  une  pen-^ 
Jion  :  voilà  la  détermination  de  la  chofe- 
donnée  ;  mais  comme  penjion  ell  un  nom 
1  appeilatif  ou  d'efpece  ,  ou  le  déterminô 


C  O  N 

encore  plus  précilément  en  ajourant ,  une 
penjion  de  cent  pifioles  :  c'eft  la  détermina- 
tion du  nom  appellatif  ou  d'efpece.  On  de- 
mande encore  ,  à  qui  ?  on  répond  ,  à  N. 
c'eft  la  détermination  de  la  perfonne  à  qui  , 
c'eft  le  rapport  d'attribution.  Ces  trois  fortes 
de  déterminations  font  auflî  diredes  Tune 
que  l'autre. 

Un  nom  détermine  i°.  un  nom  d'efpece  , 
foror  Apollinis. 

2.°.  Un  nom  détermine  un  verbe ,  amo 
Deum. 

3°.  Enfin  un  nom  détermine  une  propo- 
iifion  ;  d  morte  Ccefaris  y  depuis  la  mort  de 
Céfar. 

Pour  faire  voir  que  ces  principes  font  plus 
féconds,  plus  lumineux  ,  &  même  plus  aifés 
à  faifir  que  ce  qu'on  dit  communément , 
faifons-en  la  comparaifon  &  l'application  à 
la  règle  commune  de  concordance  entre 
l'interrogatif  &  le  rcfpoi^f. 

Lerefponfif ,  dir-on  ,  doit  être  au  même 
cas  que  l'interrogatif.  D.  Quis  te  re démit  ? 
R.  Chrijius  :  Chrijlus  eft  au  nominatif, 
dit-on  ,  parce  que  l'interrogatif  ^'U/V  efl  au 
nominatif. 

D.  Cujus  efi  liber  ?  R.  Pétri  :  Pétri  efl  au 
génitif,  parce  que  cujus  efl  au  génitif. 

Cène  règle ,  ajoute-t-on  ,  a  deux  excep- 
tions, i**.  Si  vous  répondez  par  un  pro- 
nom, ce  pronom  doit  être  au  nominatif.  D. 
Cujus  efl  liber  ?  R.  Meus.  2°.  Si  le  refponfif 
efl  un  nom  de  prix  ,  on  le  met  à  l'ablatif.  D. 
Quanti  emifli  ?  R.  Decem  ajjïbus. 

Selon  nos  principes,  ces  trois  mots quis 
te  redemit ïont  un  fens  particulier,  avec  le- 
quel les  mots  de  la  réponfe  n'ont  aucun  rap- 
port grammatical.  Si  l'on  répond  Chriflus  , 
c'efl  que  le  répondant  a  dans  Fefprit  Chrif^ 
tus  redemit  me  :  ainfi  Chriflus  eff  au  nomi- 
natif, non  à  caufe  de  quis  y  mais  parce  que 
Chriflus  efl  le  fujet  de  la  propofîtion  du 
répondant ,  qui  auroit  pu  s'énoncer  par  la 
voix  pafCve ,  ou  donner  quelque  autre  tour 
à  fa  réponfe  fans  en  altérer  le  fens. 

D.  Cujus  efl  liber  ?  R.  Pétri  y  c'efl-à-dire  , 
hic  liber  efl  liber  Pétri. 

D.  Cujus  efl  liber?  R.  Meus  y  c'efl-à- 
dire  ,   hic  liber  efl  liber  meus. 

D.  Quanti  emifli  ?  R.  Decem  aJJibus. 
Voici  la  conflrudion  de  la  demande  & 
eclie  de  la  réponfç, 


C  O  N  ^3î 

D.  Pro  prcetio  quanti  ceris  emifli  .?  R. 
Emi  pro  decem  'aJJlbus. 

Les  mots  étant  une  fois  trouvés,  &  leur 
valeur  aufîi  bien  que  leur  deflination  ,  & 
leur  emploi  étant  déterminés  par  l'ufage  , 
l'arrangement  que  l'on  en  fait  dans  la  pro- 
pofîtion félon  l'ordre  fiicceffif-  de  leurs  rela- 
tions ,  eft  la  manière  la  plus  fmiple  d'ana- 
lyfer  la  penfée. 

Je  fais  bien  qu'il  y  a  des  Grammairiens 
dont  l'efprit  efl:  aifez  peu  philofopîiiquc 
pour  défapprouver  la  pratique  dont  je 
parle  ,  comme  fî  cette  pratique  avoit  d'au- 
tre but  que  d'éclairer  le  bon  ufage,  &  de 
le  faire  fuivre  avec  plus  de  lumière ,  & , 
par  conféquenr ,  avec  plus  de  goût  :  au  lieu 
que  fans  les  connoifîances  dont  je  parle  , 
on  n'a  que  èes  obfervations  méchaniques 
qui  ne  produifent  qu'une  routine  aveugle , 
&  dont  il  ne  réfulte  aucun  gain  pour 
l'efprit. 

Prifcien ,  grammairien  célèbre  qui  vivoit 
à  la  fin  du  v.  fiecle  ,  dit  que  comme  il  y  a 
dans  l'écriture  une  raifon  de  l'arrangement 
des  lettres  pour  en  faire  àes  mots ,  il  y  a 
également  une  raifon  de  l'ordre  àes  mots 
pour  former  les  fèns  particuliers  du  dif^ 
cours  ,  &  que  c'efl  s'égarer  étrangement  que 
d'avoir  une  autre  penfêe. 

Sicut  recla  ratio  fcripturœ  docet  littera- 
rum  congruam  juncturam  y  fie  etiam  reclam 
orationis  compofitionem  ratio  ordinationis 
oflendit.  Solet  qiiceri  caufa  ordinis  elemen- 
torum  ,  fie  etiam  de  ordinatione  cafuum  ^ 
ipfarum  partium  orationis  folet  qiiceri.  Qui- 
dam fuae  folatium  imperitiœ  quœremes  y 
aiant  non  oportere  de  hujufcemodi  rebuj 
quœrere  ,  fufp ic âmes  for tuitas  effe  ordina^ 
tionis  pofitiones  y  quod  exiflimare  penitus 
flulmm  efl.  Si  autem  in  quibufdam  conce- 
dunt  effe  ordinationem  y  neceffe  efl  etiam 
in  omnibus  eam  concedere.  (Prifcianus  de 
conflruclione  y  lib.  XVII.  jub  initio.  ) 

À  l'autorité  de  cet  ancien  ,  je  me  con- 
tenterai d'ajouter  celle  d'un  célèbre  gram- 
mairien du  XV.  fiecle  ,  qui  avoit  été  pen-. 
dant  plus  de  trente  ans  principal  d'un  col- 
lège d'Allemagne. 

In  grammatica  diSionum  Syntaxi  y  pue- 

rorum  plurimum  interefl  ut  inter  exponen- 

dnm  non  modo  fenfum  pluribus  verbis  ut-, 

cunquè  ac  confufè  coacert'atis  reddant  yfed 

Mmmmm    2» 


s  ^6  C  O  N 

dirigant  etiam  ordine  grammatico  voces 
aîicujiis  periodi  qiix  alioqui  apiid  autores 
acri  aurium  judicio  confidentes  ,  Rhetoricâ 
compojitione  ccmmiflce  funt.  Hune  verbo- 
Tiim  ordinem  à  pueris  in  interpretando  ad 
iinguem  exigere  quidnam  utilitatis  ajferaty 
ego  ipfe  qui  duos  Ù  triginta  jam  annos 
phrontifierii  fardes  ^  molefiias  ac  curas 
pertuli  y  non  femel  expenus  fum  illi  enim 
hac  via  y  fixis  ,  m  aiunt  ^  oculis  intuentur 
accuratiufque  animadvenunt  quot  voces fen- 
fum  ahfoh'ant  y  quo  pacio  diclionum  fîruc- 
tura  cohœreaty  quot  modis  fingulis  omnibus 
fingula  verba  refpondeant  ;  quod  quidem 
Jieri  nequit ,  prœcipuê  in  longius  aula  pe- 
riodo  y  niji  hoc  ordine  veluti  per  fcalarum 
gradus  y  perfingulas  periodi  panes  progre- 
diantur.  (  Grammaticœ  artis  infiitutio  per 
Joannem  Sufenbrotum  Ravenfpurgii  Ludi 
magiftrum  y  jam  denuo  accuratè  conjignata. 
Bafileœ  y  anno  i  ^^S-) 

C'efI  ce  qui  fait  qu'on  trouve  fi  fouvent 
dans  les  anciens  commentateurs  ,  tels  que 
Cornutus ,  Servius  ,  Donat ,  ordo  efl  ;  &c. 
C'ell  auflî  le  confeil  que  le  P.  Jouvenci 
donne  aux  maîtres  qui  expliquent  des  au- 
teurs latins  aux  jeunes  gens  :  le  point  le 
plus  important ,  dit-il ,  eft  de  s'attacher  à 
bien  faire  la  conftrudion.  Explanatio  in 
duohus  maxime  confijlit  :  i°.  in  exponendo 
verborum  ordine  ac  ftruclura  orationis  :  2°. 
in  vocum  obfcuriorum  expofuione.  (  Ratio 
difcendi  Ù  docendi  Jof  Jouvenci  S.  J.  Pa- 
rijiis  y  272.5.)  Peut-être  feroit-il  plus  à 
propos  de  commencer  par  expliquer  la 
valeur  des  mots  ,  avant  que  d'en  faire  la 
conflruftion.  M.  Rollin  ,  dans  fon  traita 
des  études  y  infifle  auffi  en  plus  d'un  en- 
droit fur  l'importance  de  cette  pratique , 
&  fur  l'utilité  que  les  jeunes  gens  en  reti-- 
rent. 

Cet  ufage  efl  fi  bien  fondé  en  raifon, 
qu'il  efl  recommandé  &  fuivi  par  tous  les 
grands  maîtres.  Je  voudrois  feulement  qu'au 
lieu  de  fe  borner  au  pur  fentiment ,  on 
s'éleva  peu-à-peu  à  la  connoilTance  de  la 
propofition  &  de  la  période  ;  puifque  cette 
connoifTance  efl  la  raifon  de  la  conflrudion. 
V.  Construction.  (F) 

Concordance  ,  (  Théolog.  )  efl  un 
diûionnaire  de  la  bible ,  où  l'on  a  mis  par 
ordre   alphabétique  tous  les    mots  de   la 


C  O  N 

bible  ,  afin  de  les  pouvoir  conférer  enfem- 
ble ,  &  voir  par  ce  moyen  s'ils  ont  la  même 
fignification  par-tout  où  ils  font  employés. 
Ces  fortes  de  concordances  ont  encore  un 
autre  ulage  ,  qui  efl  d'indiquer  les  paffages 
dont  on  a  befoin  ,  lorfqu'on  ne  les  fait  qu'en 
partie. 

Ces  didionnaires  qui  fervent  à  éclaircir 
bien  des  difficultés  ,  &  qui  font  difparoître 
les  contradidions  que  les  incrédules  &  les 
prétendus  efprits  forts  croieiit  trouver  dans 
les  livres  faints  ,  font  d'une  extrême  uti- 
lité :  auffi  il  n'y  a  guère  de  langues  favantes 
dans  lefquelks  on  n'en  ait  compofé.  Il 
y  en  a  en  latin  ,  en  grec ,  en  hébreu ,  6'c. 
Voje7^-en  le  détail  dans  le  dictionnaire  de 
Trévoux.  (G) 

CONCORDANT,  adj.  {Rhétorique.) 
Vers  concordans  y  ce  font  certains  vers 
qui  ont  quelques  mots  communs  ,  &  qui 
renferment  un  fens  oppofé  ou  différent , 
formé  par  d'autres  nibts  :  tels  que  ceux-ci. 

E^  [canis  ,  "I   ■    c;   "    Tvcnatur  ,  l  /.  •       f  fervat.  T 

t  lluFus  ,  J  '"^^"^  '  [nuctUur  \  J  ^  «'"""'  '  [  "./?««.  J 

Dicl.  de  Trév. 
Concordant  ou  Basse -taille. 

(  Mufiq.  )  barytonans  :  celle  des  parties  de 
la  Mufique  qui  tient  le  milieu  entre  la  taille 
&  la  balie.  K.  Partiçs.  (S) 

A  l'opéra  de  Paris  &  dans  les  concerts , 
on  donne  proprement  à  la  baffe  le  nom  de 
baffe-taille  y  &  quelquefois  celui  de  baffe- 
contre  y  lorfqu'elle  defcend  fort  bas  ;  & 
on  appelle  concordant  y  la  voix  moyenne 
entre  la  taille  &  la  baffe-taille.  La  clé  du 
concordant  efl  la  clé  de  fa  fur  la  troifieme 
ligne  ;  celle  de  la  taille  efl  la  clé  d'«f  fur  la 
quatrième  ,  &  celle  de  la  baife-taille  ,  la  clé 
de  fa  fur  la  quatrième. 

La  plupart  de  nos  bafîès-tailles  de  l'opéra 
ne  font  que  êits  concordans  :  il  en  faut  ex- 
cepter le  fieur  Chafîey ,  dont  ia  voix  a  eu 
une  étendue  fmguhere  tant  en  haut  qu'en 
bas.  (O) 

CONCORDAT,  f.  m.  {Jurifpr.  )  en 
général  lignifie  accord _,  tranfaclion\ce  terme 
n'efl  guère  ufité  qu'en  parlant  d'ades  fort 
anciens.  On  qualifie  de  concordats  y  quel- 
ques traités  faits  entre  des  princes  féculiers  ; 
par  exemple  ,  il  y  en  a  un  du  2  5  janvier 
1571  pour  le  Barrois  ,  paffé  devant  deux 


C  O  N 

nofaires  au  Chatelet  de  Paris  ,  entre  le  roi  | 
&  le  duc  de  Lorraine  comme  duc  de  Bar  : 
néanmoins  le  terme  de  concordat  efl  plus 
ufité  en  matière  bénéficiale ,  pour  exprimer 
d'anciens  accords  qui  ont  été  faits  pour 
régler  la  difpofition  ou  les  droits  fpiritucls 
&  temporels  de  quelques  bénéfices.  Ces 
fortes  de  concordats  doivent  être  faits  gra- 
tuitement ,  autrement  ils  font  fymoniaques  ; 
c  eft  pourquoi  s'ils  contiennent  quelque  re- 
ferve  de  penfion  ou  autre  droit ,  il  faut  qu'ils 
foient  homologués  en  cour  de  Rome.  Ils  font 
cependant  bons  entre  ceux  qui  les  ont  paiTés  , 
lefqueis  ne  peuvent  pas  le  taire  un  moyen 
d^  leur  propre  turpitude.  Voye\  Louet  & 
Brodeau  ,  lett.  C.  n"".  j-O  .  &  lett.  P. 
nP.  55.  Duperray ,  de  l'état  b  capacité  des 
ccclejiafiiques  ,  tcm.  II ,  lii^.  IV y  chap. 
V y  pag.  Z37  Ù  fuiv.  {A) 

Coi^ CORDAT  pour  la  Bretagne  y  eftla 
même  chofe  que  ce  qu'on  appelle  plus  com- 
rauném^ent  Compact.  Breton.  Voye\  ci-de- 
vant Compact  Breton.  {A) 

Concordat /a/>  entre  le  pape  Léon  X 
&  le  roi  François  I  y  qu'on  appelle  com- 
munément fimplem^ent  le  concordat,  cû  un 
traité  fait  enrr'eux  à  Boulogne  en  Italie  ,  en 
1516  ,  dont  le  principal  objet  a  été  d'abolir 
la  pragmatique-fan6lion  qui  fut  faite  fous 
Charles  VII  à  Bourges  ,  en  1438. 

Les  états  aflembles  à  Bourges  par  ordre 
de  Cbarles  VII ,  ayant  examiné  les  vingt- 
trois  décrets  que  le  concile  de  Baie  avoit 
faits  jufqu'alors  ,  les  acceptèrent  tous ,  & 
en  modifièrent  feulement  quelques  -  uns  : 
ce  fut  ce  qui  compofa  la  pragmatique- 
fandion  ,  qui  entre  autres  chofcs  rétablit 
les  éledions  des  bénéfices  ,  prive  le  pape 
àts  annates  ,  &  foutient  que  les  conciles 
généraux  ont  le  pouvoir  de  réformer  le  chef 
&  les  membres. 

Depuis  CharlesVII,  tous  les  papes  avoient 
foUicité  la  révocation  de  cette  pragmatique. 
Louis  XI  y  avoit  confenti  ;  mais  les  lettres 
de  révocation  ne  furent  point  vérifiées  dans 
les  parlemens.  Le  clergé  s'oppofa  auffi  for- 
tement à  la  révocation  de  cette  pragmatique , 
&  fur-tout  les  univerfités.  Charles  VIII  & 
Louis  XII  firent  obferver  la  pragmatique  , 
&  ce  fut  un  des  fujets  du  différend  entre 
Jules  II  &  Louis  XII. 

Jules  II  cita  ce  prince  au  concile  de  La- 


C  O  N  837 

tran  pour  défendre  la  pragmatique ,  &  étoit 
fur  le  point  de  la  condamner  lorfqu'il 
mourut. 

François  I  étant  pafTé  en  Italie  en  1515  , 
pour  reprendre  le  duché  de  Milan  qui  lui 
appartcnoit ,  &  ayant  pris  la  ville  de  Milan  , 
fut  par  fon  ambafladeur ,  que  le  pape  &  le 
concile  de  Latran    avoient  décerné  contre 
S.  M.  une  citation  finale  &  péremptoire  , 
pour  alléguer  les  raifons  qui  empêchoient 
d'abolir  la  pragmatique.  Il  réfolut  de  traiter 
avec  Léon  X ,  lequel  de  fon  côté  chercha  à 
faire  fa  paix  avec  ce  prince  ,    &  pour  cet 
effet  fe  rendit  à  Boulogne  ,  où  ils  eurent 
une  entrevue  le  1 1  décembre  1 5 1 5  ;  après 
quoi  François  I  retourna  à  Milan  ,   lailTant 
le  chancelier  du  Prat  pour  convenir  des  con- 
ditions du  traité  avec  les  cardinaux  d'An- 
cone    &   Sandiquatro  que    le   pape   avoit 
commis  pour  cette  négociation.  Le  concor- 
dat fut  ^.inù  conclu  le  15  août  i^iéj;  &  in- 
féré dans  les  ades  du  concile  de  Latran  , 
comme  une  règle  que  les  François  doivent 
fuivre  à  l'avenir  en  matière  eccléfiaffique  & 
bénéficiale. 

Ce  traité  ne  parle  point  de  l'autorité  des 
conciles.  la  pragmatique-fandion  fut  abo- 
lie ,  non  pas  en  entier  ,  mais  le  nom  de 
pragmatique  qui  étoit  odieux  aux  papes  ,  fut 
aboh ,  aufli  bien  que  les  articles  qui  étoient 
contraires  aux  prétentions  des  papes.  La 
plupart  des  autres  articles  ont  été  con- 
fervés. 

Le  concordat  efl  divifé  en  douze  rubri- 
ques ou  titres. 

Le  premier  abolit  les  éledions  des  .évê- 
ques ,  abbés  &  prieurs  conventuels  ,  qui 
étoient  vraiment  éledifs  ,  &c  accorde  au 
pape  le  droit  d'y  pourvoir  fur  la  nomination 
du  roi  ;  &  dit  que  quand  ces  mêmes  béné- 
fices vaqueront  en  cour  de  Rome ,  le  pape 
y  pourvoira  fans  attendre  la  nomination  du 
roi. 

Le  fécond  abolit  les  grâces  expedatives , 
fpéciales  ou  générales  ;  &  les  réiërves  pour 
les  bénéfices  qui  vaqueront ,  font  abolies. 
Le  troilieme  établit  le  droit  des  gradués. 
Le  quatrième  réferve  à  chaque  pape  la 
faculté  de  donner  un  mandat  apoflohque , 
afin  de  pourvoir  d'un  bénéfice  fur  un  col- 
lateur  qui  aui'a  dix  bénéfices  à  fà  colla- 
tion ;  &  il  efl  dit  que  dans  ks  provifions  des 


S^^  C  O  N 

bénéfices  ,   on  exprimera  leur  vraie  vakur 
ordinaire. 

Le  cinquième  ordonne  que  les  caufès  & 
appellations  fbient  terminées  fur  les  lieux 
par  les  juges  qui  ont  droit  d'en  connoître 
par  coutume  ou  privilège  ,  excepté  les  caufes 
majeures  qui  font  dénommées  dans  le  droit  ; 
&  pour  les  appellations  de  ceux  qui  font 
fournis  au  S.  fiege  ,  il  ei\  dit  que  l'on  com- 
mettra des  juges  fur  les  lieux  jufqu'à  la  fin 
du  procès. 

Les  6^^  y^y  8^,  ^e  ^  loe  titres  qui 
traitent  des  podèfleurs  pailibles  ,  des  con- 
cubinaircs  ,  des  excommuniés  ,  des  inter- 
dits ,  de  la  preuve  que  l'on  peut  tirer  de 
ce  qui  eu  énoncé  dans  les  lettres  ou  bulles 
du  pape  ,  font  conformes  A  ce  qui  cfl  porté 
parla  pragmatique-fandion. 

Le  onzième  titre  eu  pour  l'abolition  de  la 
Clémentine  lineris. 

Et  le  dernier  elt  pour  alîlircr  l'irrévoca- 
bilité  du  concordat. 

Le  pape  envoya  à  François  I  la  révoca- 
tion de  la  pragmatique  &  le  concordat  y  & 
demanda  que  ces  deux  ades  fufïènt  enré- 
gifîrés  par  les  parlemens  de  France.  Le  roi 
ne  voulut  pas  que  l'on  publiât  la  revoca- 
tion de  la  pragmatique  ;  mais  il  alla  lui- 
même  au  parlement  de  Paris  pour  y  faire 
enrégiflrer  le  concordât ,  ce  que  le  parlement 
refui'a  alors  de  faire  :  il  y  eut  auffi  de  fortes  i 
oppofitions  du  clergé  &  de  l'univerfité. 

Les  motifs  des  oppofitions  étoient  les  in- 
convéniens  que  l'on  trouvoit  dans  l'aboli- 
tion des  élevions  ,  l'évocation  des  caufes 
majeures  à  Rome  ,  &  dans  l'obligation  d'ex- 
primer la  vraie  valeur  des  bénéfices  dans  les 
provifions. 

Ces  motifs  furent  expliqués  dans  des 
remontrances ,  &  envoyés  au  roi  :  mais  le 
chancelier  du  Prat  répondit ,  que  fi  l'on 
n'avoit  pas  fajt  le  concordat ,  la  pragmati- 
que n'auroit  pas  moins  éré  révoquée  par  le 
concile  ,  que  la  nomination  du  roi  aux 
grands  bénéfices  n'étoit  pas  un  droit  nou- 
veau ,  que  nos  rois  en  avoient  joui  (bus  les 
deux  premières  races;  que  le  roi  nommoit 
prefque  toujours  aux  évêchés  ;  le  droit  de 
nomination  qui  étoit  d'abord  commun  à 
tous  les  fidèles ,  ne  s'exerçant  pas  bien  en 
çomrpun  ,  pafta  ^  fouvcrain  comme  ayant 


C  O  N 

le  gouvernement  de  l'état,  dont  TEglifc  fait 
partie. 

En  conféquence  le  roi  n'eut  point  d'é- 
gard aux  remontrances  du  parlement;  il 
envoya  par  le  feigneur  de  la  Tremoille  un 
ordre  précis  au  parlement  d'enrégiftrer  le 
concordat  (ans  délibérer  davantage  :  ce  qiri 
fut  fait  enfin  le  2.2  xMars  1517  ,  mais  avec 
proteftation  que  c'étoit  du'  très-exprè» 
commandement  du  roi  réitéré  plufieurs  fois  ; 
&  que  l'on  continueroit  d'obferver  la  prag- 
matique. 

En  effet  ,  dans  les  conteftations  qui  fe 
prélenterent  enlijite  concernant  les  nomi- 
nations aux  évechés  &  abbayes  ,  le  parle- 
ment jugeoit  fuivant  la  pragmatique  ;  au 
contraire  ,  le  grand-confeil  auquel  Louife 
de  Savoie  ,  régente  du  royaume  pendant 
la  prifon  de  François  I ,  renvoya  ces  eau-" 
fcs  ,  les  jugeoit  fuivant  le  concordat  :  c'efl 
pourquoi  le  roi  ,  lorfqu'il  fut  de  retour , 
par  une  déclaration  de  15^5  attribua  pouf 
toujours  la  connoifîance  de  ces  fortes  de 
matières  au  grand-confeil ,  ce  qui  contri- 
bua beaucoup  à  augmenter  cette  jurifdic- 
tion. 

Par  diverfes  bulles  poflérieures  au  concor- 
dat ,  les  difpofitions  par  rapport  à  l'expref^ 
fion  de  la  valeur  des  bénéfices  &  aux  man- 
dats ,  furent  révoquées  ;  la  nomination  du 
roi  fut  étendue  ,  même  aux  évêchés  &  ab- 
bayes qui  avoient  privilège  d'élire. 

Le  parlement ,  le  clergé  &  les  états  aA 
femblés ,  ont  fait  de  temps  en  temps  diverfes 
inftances  pour  le  rétablifîèment  des  élec- 
tions ;  on  a  même  fait  long-temps  des  prières 
publiques,  pour  demander  à  Dieu  l'aboli- 
tion du  concordat  :  mais  le  concordat  efl  de»- 
meuré  dans  le  même  état ,  &  eft  préfente- 
ment  obfervé  fans  auaine  contradiction. 

Dans  les  pays  conquis  &  autres  qui  ont 
été  réunis  à  la  France  poftérieuremen»-  au 
concordat)  le  roi  nomme  aux  bénéfices  en 
vertu  d'induits  particuliers  ,  qui  ont  été  ac- 
cordés tn  divers  temps  par  les  papes. 

Plufieurs  auteurs  ont  écrit  contre  le  con- 
cordat &  contre  le  chancelier  du  Prat , 
avec  lequel  il  fut  conclu. 

Il  feut  néanmoins  convenir  ,     comme 
l'obferve  M.  le  préfident  Henaut ,  que  les 
annates  contre  lefquelles  on  s'eit  beaucoup  ' 
récrié  ,    n'ont    point   été    établies  par  io 


C  O  N 

concordat  y  mais  par  une  bulle  qui  fuivit  de 
près  ;  &  elles  furent  depuis  rellreintes  aux 
bénéfices  confiftoriaux  ;  qu'à  l'égard  du  con- 
cordat p  il  eft  jufte  en  ce  que  pour  la  no- 
mination aux  grands  bénéfices  ,  il  n'a  fait 
que  rendre  au  roi  un  droit  dont  {&s  pré- 
décefleurs  avoient  long-temps  joui  ;  que  nos 
rois  ayant  fondé  la  plupart  des  grands  bé- 
néfices ,  la  collation  doit  leur  en  apparte- 
nir ;  que  c'eli  au  roi  à  exercer  les  droits 
qu'exerçoient  les  premiers  fidèles  ,  &  qu'ils 
lui  ont  remis  lorfque  l'Eglife  a  été  reçue 
dans  l'état  pour  prix  de  la  protedion  que 
le  roi  accordoit  à  la  religion  ;  que  les  élec- 
tions étant  devenues  une  fimonie  publique  , 
les  grands  fieges  étoient  fouvent  remplis 
par  des  gens  de  néant  peu  propres  à  gou- 
verner ;  &  qu'à  chofes  égales ,  il  vaut  mieux 
que  ce  foit  la  noblefîê.  V^oycT;^  les  hiftoriens 
de  France  aux  années  l  ^i  ^  Ù  fuivantes  ; 
le  texte  du  concordat ,  le  commentaire  de 
RebufFe  &  les  traités  de  Genebrard  & 
Dupuy.  (j4) 

Concordat  entre  Sixte  IV &  Louis 
XI  eft  un  accord  qui  fut  fait  entr'eux  en 
14.72.  Il  eft  rapporté  dans  les  extravagantes 
communes  ,  ch.  j.  de  trenga  &  pace  ,  ch.j. 
&  commence  par  ces  mots  :  ad  univerfalis 
ecclejits.  Par  ce  concordat  Sixte  lY  voulant 
pacifier  les  diflêntions  qui  lubfiftoient  entre 
la  cour  de  Rome  &  la  France ,  à  l'occafion 
de  la  pragmatique-faaclion  ,  donna  aux  col- 
lateurs  ordinaires  lix  mois  libres  pour  con- 
férer les  bénéfices;  favoir  ,  février,  avril , 
juin,  août  ,  odobre  &  décembre,  au  lieu 
qu'ils  n' avoient  auparavant  que  quatre  mois 
libres ,  pendant  lefqueis  ils  n'étoient  pas 
fijjets  aux  grâces  expectatives  ;  il  le  réferva 
néanmoins  la  faculté  d'accorder  fix  grâces  ; 
il  le  relerva  auiîi  jufqu'à  un  certain  temps 
ladifpofition  des  bénéfices  de  France  ,  pof- 
fédés  par  les  cardinaux  &  par  leurs  fami- 
liers ;  il  fit  aufii  quelques  réglemens  fiar  le 
jugement  des  caufes  &  appellations ,  &  or- 
donna que  les  taxes  faites  par  Jean  XXII 
pour  les  bénéfices  feroient  obfervées  ;  mais 
ce  concordat  ne  fut  pas  exécuté  :  le  procu- 
reur général  de  Saint-Romain  s'y  oppola, 
comme  étant  contraire  aux  décrets  des  con- 
ciles de  Conilance  &  de  Balle  ,  félon  la 
remarque  &  note  marginale  de  Dumoulin 
fur  l'extravag.  ad  uniyerfalis  3  fur  le  met 


C  O  N  8^9 

proh  dolor.  Vojc^  les  notes  fur  les  induits  , 
par  F'nfon  ,    tome I y  p.  ^z.  {A) 

Concordat  Germanique,  eftun 
accord  tait  en  1447  entre  le  légat  du  faint 
fiege  ,  l'empereur  Frédéric  III  &  les  princes 
d'Allemagne ,  pour  raifon  des  églifes  ,  mo* 
nafieres  &  autres  bénéfices  d'Allemagne  , 
confirmé  par  le  pape  Nicolas  V. 

V^ï  et  concordat  y  le  pape  le  réferve  tous 
les  bénéfices  mentionnés  dans  les  extrava- 
gantes eX'Ccrabilis  ^  &  ad  regimen  z  j  aux 
modifications  fuivantes. 

I®.  Il  conièrve  ou  plutôt  il  rétablit  la  li- 
berté des  éledions  dans  les  égliiès  cathedra-  ' 
les  ,  métropolitaines  &  monallefes  ,  &  s'obli- 
ge de  les  confirmer  ,  à  moins  que  pour  de 
jufles  caufes  &  de  l'avis  des  cardinaux  ,  il 
ne  fut  néceffaire  de  pourvoir  un  lujet  plus 
digne  &  plus  capable. 

2°.  Il  laifle  les  confirmations  des  éledions 
dans  l'ordre  commun  aux  fupérieurs  ,  & 
promet  qu'il  ne  différa  point  des  préla- 
tures  des  moniales  ^fk  moins  qu'elles  ne 
Ibient  exemptes  ,  auquel  cas  même  il  n'en 
difpofera  que  par  commifiion  ad  partes. 

3°.  Il  abolit  les  expectatives  pour  tous 
les  autres  bénéfices  inférieurs ,  &  en  donne 
aux  ordinaires  la  libre  difpofition  pendant 
fix  mois ,  femblable  à  l'alternative  des  évê- 
ques  de  Bretagne. 

4°-  Si  dans  les  trois  mois  du  Jour  que  la 
vacance  fera  connue  ,  le  pape  n'a  pas  pourvu 
pendant  ics  mois  qu'il  s'dt  réferve ,  il  fera 
permis  à  l'ordinaire  de  pourvoir. 

5^.  Il  elt  dit  que  le  temps  pour  accepter 
cette  alternative  commencera  à  courir  à 
l'égard  du  pape  ,  à  compter  du  premier 
Juin  lors  prochain  ,  &  durera  à  l'avenir, 
s'il  n'en  eii  autrement  ordonné  du  conlèn- 
tement  de  la  nation  germanique  dans  le 
prochain  concile. 

6^.  Les  fruits  de  la  première  année  des 
bénéfices  vacans  feront  payés  par  forn>e 
d'annate ,  luivant  la  taxe  délivrée  par  la 
chambre  ,  appeliée  communs  ferpice s. 

7".  Que  fi  les  taxes  font  exceffives  ,  elles 
feront  modérées  ,  &  qu'à  cet  effet  il  fera 
nommé  des  commiffaires  qui  informeront 
de  la  qualité  des  choies  ,  des  circonllances  , 
des  temps  &  des  lieux. 

8°.  Que  les  taxes  feront  payées  moitié 
dans  l'an  du  jour  de  la  pofleiiîon  palfibie , 


840  C  O  N 

&  l'autre  dans  l'année  fuivante  ;  &  que  fi 
le  bénéfice  vaque  plufieurs  fois  dans  une 
année ,  il  ne  fera  néanmoins  dû  qu'une 
feule  taxe. 

9".  Que  celle  des  autres  bénéfices  infé- 
rieurs fe  paiera  pareillement  dans  l'an  de  la 
polîeifioQ  paifible  ;  mais  qu'on  ne  paiera 
rien  pour  les  bénéfices  qui  n'excéderont 
point  vingt-quatre  florins  ou  ducats  d'or 
de  la  chambre. 

Enfin  ce  concordit  veut  que  pour  l'ob- 
fervation  de  ce  qui  y  eft  réglé  ,  l'Allemagne 
proprement  dite  ne  foit  point  dillingu^e  de 
la  nation  germanique  en  général. 

Il  y  eut  en  157^  une  déclaration  du  pape 
Grégoire  XIII  au  fujet  de  la  reverfion  du 
droit  de  conférer ,  en  cas  que  le  pape  n'ait 
pas  pourvu  dans  les  trois  mois  ,  par  la- 
quelle il  efl  dit  que  les  trois  mois  commen- 
cent du  jour  que  la  vacance  eil:  connue  au 
iàint  fiege. 

Le  bénéfice  doit  ê^  obtenu  dans  les  trois 
mois ,  &  conféré  pdP^  faint  fiege  ;  mais  il 
faut  que  la  publication  foit  faite  dans  les 
trois  mois  du  jour  de  la  vacance ,  comme 
dans  le  lieu  du  bénéfice. 

L'empereur  Maximilien ordonna  en  15 18 , 
que  ce  concordat  feroit  reçu  à  Liège;  & 
Charles-Quint ,  par  édit  de  Février  i)54, 
en  ordonna  l'exécution  dans  l'éghfe  de 
Cambrai. 

L'églife  de  Metz  efî:  auflî  comprife  fous  ce 
concordat ,  en  vertu  d'un  induit  ampliatif. 

Il  y  a  eu  de  lèmblables  induits  accordés 
par  difFérens  papes  ,  pour  d'autres  églifes  , 
dont  il  eft  fait  mention  dans  le  recueil  des 
principales  decijions  fur  les  bénéfices  y  par 
Drappier,  tome  II.  cli.  xxij.p.  2.34;  les 
œuvres  de  Cochin  ,  tom.  I.  5.  confult.  [A) 

Concordat  triangulaire  ,  eitun 
accord  fait  entre  trois  bénéficiers ,  par  le- 
quel le  premier  réfigne  fon  bénéfice  au  fé- 
cond ;  celui-ci  réfigne  un  autre  bénéfice  à 
un  troifiemc^  bénéficier  ,  lequel  en  réfigne 
aufïi  un  en  faveur  du  premier  des  trois  ré- 
gnans  :  ces  cercles  de  réfignations  qu'on  ap- 
pelle concordats  triangulaires  ^  ne  font  point 
conlidérés  comme  des  permutations  cano- 
niques 4  parce  que  chacun  des  réfignans  re- 
çoit bien  un  bénéfice  ,  mais  il  ne  le  tient 
pas  de  celui  auquel  il  réfigne  le  fien.  11  fe 
tait  auffi  de  ces  concordats  quatriangulaires , 


C  O  N 

c'efî-à-dire  ,  entre  quatre  bénéficiers.  Sou- 
vent ces  concordats  ne  font  point  portés  A 
Rome ,  mais  en  conféquence  chacun  àts 
réfignans  pafl'e  une  procuration  que  l'on 
fe  contente  de  faire  admettre  en  cour  de 
Rome  y  ce  qui  ne  fufiît  pas. 

En  effet ,  ces  fortes  de  concordats  ne  font 
point  licites  ;  c'eit  une  elpece  de  fimonie  , 
quce  ex  paâo  oritur ,  à  moins  que  pour  des 
confidérations  particulières ,  ils  ne  foient  ad- 
mis en  cour  de  Rome.  Le  concile  de  Ma- 
lines  tenu  au  commencement  de  ce  fiecle  , 
les  a  réprouvés.  Les  dodeurs  les  appellent 
des  contrats  innommés  ,  &  tous  les  dodeurs 
françois ,  efpagnols  ,  italiens  les  condam- 
nent. Gonzalès  dit  que  de  (on  temps  le  pape 
les  rejetoit ,  &  n'en  admettoit  aucun ,  ainli 
qu'il  l'afîùre  fur  la  règle  de  menjihus  &  al- 
ternativâ  ^  &c  il  y  a  des  arrêts  qui  les  ont 
profcrits  :  ils  ne  peuvent  donc  avoir  leur 
effet ,  A  moins  qu'ils  n'aient  été  admis  en 
cour  de  Rome  ,  &  non  pas  feulement  les 
procurations.  Voye^  Duperray ,  de  l'état  Ù 
capacité  des  ecclefiajliq.  tom.  Il  y  liv.  IV  y 
ch.  V  y  page  i  ^i.  {A)     ■ 

Concordat  Vénitien  ,  efî  un  ac- 
cord fait  entre  le  pape  &  la  république  de 
Venife ,  pour  la  nomination  des  principaux 
bénéfices  de  cet  état  ;  ce  concordat  efi  à-peu- 
près  femblablc  à  celui  qui  tut  fait  entre 
Léon  X  &  François  I.  Voye\  Thuana  y  p, 

354-'  U) 

*  CONCORDE  ,  f  f  déefTe  :  les  Grecs 
l'adoroient  fous  le  nom  de  y-ovu.  Elle  avoit 
un  culte  à  Olimpie  ;  les  Romains  lui  éle- 
vèrent un  temple  fuperbe  dans  la  huitième 
région ,  à  la  perfuafion  de  Camille  ,  lorf- 
qu'il  eut  rétabli  la  tranquillité  dans  la  ville. 
Ce  temple  fut  brûlé  ,  &  le  fénat  &  le  peu- 
ple le  firent  réédifier.  Tibère  l'augmenta  & 
l'orna  :  on  y  tenoit  quelquefois  le  confeil 
ou  les  afiêmblées  du  lënat  ;  il  en  refle  en- 
core des  vefîiges  ,  entre  autres  lept  colonnes 
très-belles  avec  leurs  chapiteaux;  on  doute 
cependant  qu'elles  aient  appartenu  à  ce 
temple.  La  Concorde  avoit  encore  deux  au- 
tres temples,  l'un  dans  la  troifieme  région , 
&  l'autre  dans  la  quatrième.  On  célebroit 
fa  fête  le  16  Janvier,  jour  auquel  on  avoit 
fait  la  dédicace  de  fon  temple.  Elle  étoit 
repréfentée  en  femme  en  longue  drape- 
rie, entre  deux  étendards,  quand  elle  étoit 

militaire  ; 


C  O  N 

militaire  ;  mais  la  Concorde  civile  ^toît  une 
femme  aflîfe  ,  portant  dans  fes  mains  une 
branche  d'olivier  &  un  caducée  ,  plus  or- 
dinairement une  coquille  &  un  fceptre  ,  ou 
une  corne  d'abondance  dans  la  main  gau- 
che. Son  fymbole  étoit  les  deux  mains  unies , 
ou  plus  fimplement  le  caducée. 

C  ON  c  O  R  D  E  (  le  pays  delà)  ^  Géog.  mod. 
les  Hollandois  la  nomment  t'iand  van  een- 
racht  ;  c'eft  un  pays  fur  la  côte  des  terres 
auftrales  ,  fous  le  tropique  du  capricorne , 
au  midi  de  l'île  de  Java. 

§  CONCORDE  (  l'Ordre  de  la  ) , 
fut  inftitué  par  Erneft  ,  margrave  de  Bran- 
debourg en  1660. 

Les  chevaliers  ont  une  croix  d'or  à  huit 
pointes  pommetées  &  émaillées  de  blanc  ; 
à  chaque  angle  il  y-  a  deux  C  ,  entrelacés 
en  fautoft"  ;  au  centre  de  cette  croix  eft  une 
médaille  d'or  émaillée  ,  &  deux  rameaux 
d'olivier  adofîés  ,  dont  les  extrémités  fupé- 
rieures  &  inférieures  palîênt  dans  deux 
couronnes  auffi  d'olivier  ,  avec  ce  mot  à 
l'entour  ,  concordant  ;  une  couronne  élec- 
torale 'fur  les  deux  pointes  d'en  haut  ,  & 
un  ruban  orangé  ;  au  travers  de  la  croix  eft 
le  nom  du  margrave  de  Brandebourg,  & 
la  date  de  l'inflitution.  {G.  D.  L.  T.  ) 

CONCORDiA,  i.Geog.  mod)  petite  ville 
d'Italie  ,  au  duché  de  la  Mirandolé  ,  fur 
la  Sechia.  Long.  2.8  ,  54  ,•  lat.  4/^  ,  52. 

CONCOURANTES  (Puissances)  , 

Méchanïq.  font  celles-  dont  les  diredions 
concourent  ,  c'eft-à-dire  ne  font  point  pa- 
-  ralleles  ,  foit  que  les  diredions  de  ces  puif- 
fances  concourent  eftedivement,  foit  qu'elles 
tendent  feulement  à  concourir  ,  •  &  ne 
concourent  en  eifet  qu'étant  prolongées.  On 
appelle  âuSi  puijfances  concourantes  celles 
qui  concourent  à  produire  un  effet ,  pour  les 
diftinguer  des  puiffances  oppofées  ,  qui  ten- 
dent à  produire  des  effets  contraires.  V^oy. 
Puissances  conspirantes.  (  O) 

CONCOURIR.  On  dit  en  Géométrie 
que  deux  hgnes  ,  deux  plans  concourent  , 
lorfqu'ils  fe  rencontrent  &  fe  coupent  ,  ou 
du  moins  lorlqu'ils  font  tellement  difpofés 
qu'ils  fe  rêncontreroient  étant  prolongés. 
^07f;j Concours.  (O) 

CONCOURS ,  Géométrie.  Point  de  con- 
cours de  plujieurs  lignes  ,  efl  le  point  dans 
lequel  elles  fe  rencontrent  ,  ou  dans  lequel 
Tome  VIII. 


C  O  N  84r 

elles  fè  rencontreroient  ,  fi  elles  étoient 
prolongées.  Point  de  concours  de  plufieurs 
rayons.   Voye^  FoYER.  (  O) 

Concours  ,  f.  m.  (  Métaphyfiq.  )  Le 
concours  efl  l'adion  réciproque  de  diffé- 
rente;- perfonnes  ,  ou  chofes  ,  agifîant  en- 
fembie  pour  un  même  effet  &  pour  une 
même  fin.  Les  fcholafflques  diflinguent 
deux  fortes  de  concours  ,  le  médiat  ,  &  l'im- 
médiat ;  le  premier  qui  confiffe  à  donner 
le  pouvoir  ,  ou  la  faculté  d'agir  ;  le  fécond 
qui  efl  l'infîuence  contemporaine  de  deux 
caufes  pour  produire  un  effet  ;  ainfi  l'aïeul 
concourt  médiatement ,  à  la  produdion  du 
petit-fils  ,  parce  qu'il  a  donné  au  père  la 
puiffance  d'engendrer  :  mais  le  père  concourt 
immédiatement  avec  la  mère  pour  le  pro- 
duire. On  convient  généralement  que  Dieu 
concourt  médiatement  avec  toutes  les  créa- 
tures ,  pour  les  rendre  capables  d'agir  :  nous 
ne  penfons ,  nous  ne  parlons  ,  &  nous  n'a- 
giiîons  que  parce  que  Dieu  nous  en  a  don- 
né la  faculté  ,  &"  fans  cette  providence  contre 
laquelle  les  impies  s'élèvent ,  ils  fcroient  en- 
core dans  le  néant  ,  &  la  terre  ne  fèroit 
pas  chargée  du  poids  de  ces  ingrats.  Mais 
on  diipute  dans  les  écoles  ,  fi  le  concours 
médiat  efl  fufîîfant  ,  &:  s'il  n'eff  pas  de  plus 
nécefîàire  qu'elle  concoure  immédiatement 
avec  les  créatures  par  une  nouvelle  influence , 
pour  la  produélion  de  chaque  ade  ,  de  la 
même  manière  que  le  père  concourt  avec  la 
raere  pour  la  produdion  de  l'enfant.^  Le 
torrent  des  fcholaftiques  eft  pour  l'affirma- 
tive. Durand  de  S.  Portien  évêque  de  Meaux , 
affez  hardi  pour  le  temps  où  il  écrivoit ,  & 
d'autant  plus  hardi  que  tous  les  efprits 
étoient  fubjugués  ,  fe  déclara  pour  le  con- 
cours médiat  ;  voici  les  railons  fur  lefquelles 
il  appuie  fon  fentiment.  Si  Dieu  concou- 
roit  immédiatement  avec  les  créatures  ->  ou 
ce  feroit  par  la  même  adion  numérique  , 
ou  ce  feroit  par  une  adion  différente  ;  on 
ne  peut  dire  ni  l'un  ni  l'autre,  i*.  Ce  n'efl 
point  par  la  même  adion  numérique  que 
Dieu  concturt  avec  les  créatures  ,  parce  que 
l^  même  adion  numérique  ne  peut  éma- 
ner de  deux  agens  ,  à  moins  qu'elles  n'aient 
la  même  faculté  numérique  ,  telle  qu'elle 
efl  dans  le  Père  &  dans  le  Fils  qui  produi- 
fent  le  Saint-Efprit  par  la  même  afpiratioa 
numérique.  En  fécond  lieu  ,  Dieu  ne 
Nnnnn 


S4i  C  O  N 

concourt  point  par  une  adio»  qui  lui  feroit 
perfonnelle  ;  car  ou  l'adion  de  Dieu  pré- 
cëderoit  l'adion  de  la  créature  ,  ou  elle  en 
feroit  précédée  ,  ou  ces  deux  adions  fc- 
roient  iimultanées.  Si  l'aâion  de  Dieu  pré- 
<;ede  l'adion  de  la  créature  ,  il  ne  refte  donc 
rien  à  faire  pour  la  créature  ;  dcmême  fi 
c'eft  'l'adion  de  la  créature  qui  précède  celle 
de  Dieu  ,  l'influence  de  Dieu  eft  inutile , 
parce  que  l'effet  eff  produit  par  l'adion  qui 

Î recède  ,  foit  que  cette  adion  vienne  de 
)ieu  ,  foit  qu'elle  appartienne  à  la  créature. 
Enfin  ,  fi  les  deux  adions  font  fimultanées , 
l'une  des  deux  devient  inutile  ,  parce  qu'une 
feule  fuffit  pour  produire  l'effet.  Voilà  ap- 
paremment ce  que  nieront  les  auteurs  qui 
îbutiennent  le  concours  immédiat  ;  ils  en  fon- 
dent la  néceflité  fur  le  fouverain  domaine 
que  Dieu  a  fur  toutes  les  créatures  ,  &  plus 
encore  fur  la  confervation  qui  ,  félon  eux  , 
elt  une  création  continuée.  Voici  comme 
ils  raifonnent.  La  confervation  étant  une 
création  continuée ,  Dieu  ti\  obligé  de  pro- 
duire des  iublfances  dans  tous  tes  inffans. 
Or  Dieu  ne  peut  pas  produire  des  fublfan- 
ces  qu*il  ne  les  produife  revêtues  de  leur 
modificarion  ;  il  ne  les  produitpas  làns  doute 
comme  des  êtres  fans  forme  &  comme  des 
cfpeces ,  ou  quelqu' autre  des  univerlaux  de 
Logique.  Or  parmi  les  modifications  dont 
les  fubflanees  font  douées  ,  on  y  doit  com- 
prendre tous  les  ades  par  lelquels  elles  fe 
modifient  ;  donc  Dieu  les  produit  immédia- 
tement avec  les  créatures  :  donc  il  faut  ad- 
mettre le  co/zcoarj-  immédiat.  Mais  ce  fen- 
timent  parott  bleffer  la  liberté  ,  c'efl  du- 
moins  la  conféquence  que  tire  M.  Bayle  ; 
jugez  s'il  efl  conféquent  dans  fon  railonne- 
ment.  Il  me  femble  ,  dk  ctt  auteur  ,  qu'il 
en  faut  conclure  que  Dieu  a  fait  tout  ce  qui 
n'av%it  point  dans  toutes  les  créatures ,  des 
caufes  premières  ,  fécondes  ,  &  même  oc- 
cafionelles  ,  comme  il  efî*  aifé  de  le  prou- 
ver ;  en  ce  moment  où  je  parle  ,  je  fuis  rel 
que  je  fuis  avec  mes  circonfîanees  ,  avec 
telle  penfée  ,  avec  telle  adion  ,*  aflis  ou  de- 
bout r  que  li  Dieu  m'a  créé  ay  commetce- 
ment  tel  que  je  fuis  ,  comme  on  doit  né- 
cefîairement  le  dire  dans  ce  fyflême  ,  il  m'a 
créé  avec  telle  penfée  ,  telle  adion  ,  telmour- 
vement ,  &  telle  détermination  ;  on  ne  peut 
«dire  que  Dieu  m'a  créé  exiftant^      qu'il  ne 


C  O  N 

produife  avec  moi  mes  mouvemens  &  mes 
déterminations.  Cela  efl  inconteflable  pour 
deux  raifons.  La  première  efl  que  quand  il 
me  crée  &  me  conferve  à  cet  infiant  ,  il  ne 
me  conferve  pas  comme  un  être  fans  for- 
me ,  comme  une  efpece ,  ou  quelqu'autre 
des  univerlaux  de  Logique  ;  je  fiiis  un  indi- 
vidu ,  il  me  crée  &  me  conferve  comme  tel  y 
étant  tout  ce  que  je  fuis  dans  cet  infiant. 
M.  Bayle  poufîê  encore  davantage  cette  ob- 
jedion.  Quoi  ,  dit-il  ,  rejetterons-nous  la 
fubfiflance  continue  des  créatures  à  caufe 
des  fâcheufes  conféquences  ?  Sont -elles  à 
comparer  avec  celles  dont  nous  venons  de 
parler  ci-defîus  ?  L'hypothefe  de  ces  gens- 
là  efl  une  pure  imagination  inconcevable. 

Il  vient  au  concours  immédiat  ,  qui  efl 
une  "fuite  de  la  création  fans  celîe  renou- 
vellée  ,  &  dit  que  fi  l'on  veut  que^ieu  foit 
l'auteur  immédiat  de  toutes  les  determinai- 
fons  &  de  toutes  les  adions ,  il  (èra  vrai  aufS 
que  nous  ferons  de  purs  automates  ,  de  fin>- 
ples  fujets  purement  paflifs  ,  &  incapables 
d'aucun  penchant  ,  ni  d'aucune  détermina- 
tion ;  &  fi  cela  efl  ,  que  deviendra  le  pé- 
ché ?  Car  enfin  qu'il  foit  néant  tant  qu'il 
voudra  ,  l'homme  ne  fera  néant  que  par 
fon  inadion  qui  lui  efl  elfentielle  ,  &  Djai 
ne  lui  peut  demander  compte  du  mauvais 
ufage  d'une  faculté  qu'il  ne  lui  a  jamais  don- 
née ;  ainfi  ce  fentiment  n'efl  pas  compatible 
avec  l'idée  la  plus  fàine  qu'on  puifîè  avoir 
du  péché. 

Telles  font  les  objedions  de  M.  Bayle 
contre  [q^  concours  immédiat.  Il-  efl  cer- 
tain que  quelque  fyflême  qu'on  fuive  fur 
cet  article  ,  il  refiera  toujours  de  l'obf- 
curité  ;  mais  il  efl  encore  plus  certain 
que  la  toute-purfîànce  de  Dieu  &  la  li- 
berté de  l'homme  /ont  deux  vérités  in— 
conteflables» 

Le  fyflême  qui  attribue  aux  âmes  le*poa- 
voir  de  remuer  les  corps  ,  outre  qu'il  n'sft 
pas  chargé  de  fiicheuiés  conféquences  ,, 
efl  un  f  ntiment  fi  naturel  &  fi  géné- 
ral ,  qu'on  ne  devroir  point  s'y  oppofer  , 
à  moins  qu'il  ne  fût  combattu  par  des  rai- 
fons convaincantes  ,  ou  tirées  de  la  cpeflion^ 
en  elle-même  ,,  ou  prifes  de  la  gloire  de- 
Dieu.  Mais  ,  dira -r- on  ,  nous  ne  pou- 
vons concevoir  comment  une  ame  qui  efl 
intelligente  ,  peut  remuer  la  matière  qui  efl: 


■        C  O  N 

ime  fubfl'ance  étendue.  Mais  conçoit-on 
mieux  le  concours  ?  D'ailleurs  eft-ce  une 
raifon  fuffirante  pour  nier  une  chofe  ,  de 
dire  je  ne  la  conçois  pas  ?  Savez-vous  com- 
ment l'ame  forme  Tes  volitions  ?  Vous  ne 
la  dépouillerez  pas  fans  doute  de  ce  pou- 
voir ,  à  moins  que  vous  n'en  faflîez  une 
lîmple  machine. 

Les  anges  font  appelles  dans  l'Ecriture 
les  exécuteurs  de  la  loi  divine.  Quand  Dieu 
envoya  l'ange  exterminateur  qui  fit  mourir 
tous  les  premiers  nés  d'Egypte  ,  dans  la  fup- 
polition  que  Dieu  eft  le  principe  de  l'adi- 
vité  des  intelligences  &  du  mouvement  du 
cofps  ,  que  faifoit  ctt  ange  ?  Son  defTein 
ctoit  de  tuer  tous  les  premiers  nés  ,  il  venoit 
de  l'ordre  de  Dieu  immédiatement  ,  l'ac- 
tion phyfique  qui  fit  mourir  les  premiers 
nés  n'en  venoit  pas  moinsi;  c'étoitdoncDici 
qui  aglflbit  alors  immédiatement  ;  encor;^ 
un  coup  ,  qu'y  faifoit  la  préfence  de  l'ange  ? 
S.  Paul  nous  dit  que  la  loi  a  été  donnée 
par  le  miniftere  ies  anges  ;  fi  les  intelligen- 
ces n'ont  aucun  pouvoir  de  remuer  la  ma- 
tière ,  ce  fut  Dieu  lui-même  qui  immédia- 
tement fit  paroître  ces  éclairs  ,  cts  tonner- 
res ,  cette  voix  éclatante  qui  a  prononcé  la 
loi  ;  les  démons  même  font  repréfentés 
comme  ayant  le  pouvoir  de  remuer  la  ma- 
tière :  ferez-vous  intervenir  Dieu  dans  tou- 
tes les  aûions  machinales  du  démon  ?  fera- 
ce  Dieu  qui ,  à  l'occafion  àts  polfédés  ,  les 
obligera  à  le  jeter  fur  les  pafTans  ?  Si  cela  efî , 
lorfque  le  diable  par  des  prelliges  tente  tous 
les  hommes  ,  ce  fera  par  le  miniftere  de 
Dieu  même  ,  puifque  c'eft  le  preftige  qui 
féduit  les  hommes.  Voici  toutes  \t^  confé- 
quences  que  je  tire  de  tout  ce  que  je  viens 
de  dire.  Si  les  intelligences  qui  ne  font  pas 
réunies  à  la  matière  ont  le  pouvoir  de  la  re- 
muer ,  pourquoi  le  refufcr  à  l'ame  ?  Une 
autre  conléquenee  qui  fuit  de  ce  principe , 
eft  que  le  concours  immédiat ,  la  prémotion 
phyfique  ,  la  création  renouvellée  ,  tombent 
par-là  ,.  fe  détruifent  &  renverfent  deux 
partis  ,  qui  ne  fâchant  pas  garder  un  jufte 
milieu  ,  tombent  dans  des  excès  fous  pré- 
texte de  mieux  combattre  les  propofitions 
•de  leurs  adverfaires.  On  peut  encore  prefîêr 
ainfi  les  défenfeurs  du  concours  immédiat  : 
votre  concours  immédiat  eft  ou  fimultané  , 
ou  prévenant  \  il  n'y  a  point  U  de  iniHeu  ; 


C  O  N  S45 

or  il  ne  peut  être  ni  l'un  ni  Tautre.  1°.  l£ 
ne  peut  être  fimultané  ;  car  en  quoi  con- 
fiftele  concours  fimultané  ?  n'eft-ce  pas  dans 
deux  caufes  parallèles  ,  qui  ne  tirant  leur 
force  &  leur  adivité  que  d'elles  -  mêmes  , 
agiflent  de  concert  pour  produire  le  même 
effet ,  de  manière  pourtant  que  l'cfiTet  foit 
divifé  &  partagé  entr'elles  ?  Or  ceci  ne 
peut  point  avoir  lieu  dans  l'hypothefe  du 
concours  immédiat  ;  1°.  p^rce  que  les  créa- 
tures étant  fubordonnées  à  Dieu  ,  tirent  de 
lui  toutes  leurs  forces  &  toute  leur  adivité  ; 
2°.  parce  que  les  adions  àts  créatures  étant 
fpirituelles  ,  &  par-là  fimples  &  indivifibl^s  , 
Dieu  les  produit  par  l'influence  qu'il  verl'e 
dans  les  créatures  ,  il  faut  nécefîairement 
qu'il  \qs  produife  toutes  entières  ;  deux  con- 
féquences  qui  renverfent  abfolument.  la 
concours  immédiat.  Il  refte  donc  que  le 
concours  immédiat  foit  prévenant  ou  déter- 
minant. Or  ce  concours  le  confond  avec  la 
prémotion  phyfique  ,  &  par  conféquent  il 
doit  être  enveloppé  dans  les  ruines.  V  oye:^ 
Varticle  PrÉMOTION. 

Concours  ,  (  Jurifpr.  )  en  matière 
civile  ,  fe  dit  lorfque  plufieurs  perfon- 
nes  prétendent  chacune  avoir  .droit  au 
même  objet. 

Le  concours  de  privilèges  attributif  de 
JurifdJdion  opère  que  fi  l'un  des  privilèges 
eft  plus  fort  que  l'autre  ,  le  premier  l'em-i 
porte  ;  s'ils  font  égaux  ,  ils  fe  détruifent 
mutuellement  :  c'eft  pourquoi  l'on  dit 
auffique,  concurfu  mutuo  fe  fç  impediunt 
partes. 

Plufieurs  adions  peuvent  concourir  en 
faveur  du  créancier  pour  une  même  créan- 
ce ;  il  peut  avoir  l'adion  perfonnelle  jointe 
à  l'hypothécaire  ,  &  dans  ce  cas  ejle  dure 
quarante  ans. 

En  cas  de  concours  de  privilèges  entre 
créanciers  ;  fi  les  privilèges  ne  font  pas  égaux  , 
les  plus  favorables  pafîènt  les  premiers  , 
chacun  félon  leur  rang  ;  s'ils  font  égaux  ,  les 
créanciers  viennent  par  contribution.  Il  en 
eft  de  même  en  cas  de  concours  d'hypothè- 
ques ,  ou  de  faifies  qui  font  du  même  jour, 
F(>yf;j Concurrence  ,  Créancier, 
Privilège  ,  Saisie. 

CONCOURS  ,  (  Mufique  )  affemblée  de 
muficiens  &:  de  connoifTeurs  autorifes  .  dans 
laquelle  une  place  vacante  de  maître  de 
Nnnnn  2, 


§44  C  O  N 

inufique  ou  d'organifte  efî  emportée  à  la 
pluralité  des  fuftrages  ,  par  celui  qui  a  fait 
le  meilleur  motet  ,  ou  qui  s'dl  diflingué 
par  la  meilleure  exécution. 

Le  concours  étoit  en  ufage  autrefois  dans 
la  plupart  des  cathédrales  ;  mais  dans  ces 
temps  malheureux  où  l'ei'prit  d'intrigue 
s'ell  emparé  de  tous  les  états  ,  il  efl:  naturel 
que  le  concours  s'aboliife  infenfiblement  , 
&  qu'on  lui  fubflitue  des  moyens  plus  aifés 
de  donner  à  la  faveur  ou  à  l'intérêt ,  le  prix 
qu'on  doit  au  talent  &  au  mérite.  (S) 

Concours  ,  en  matière  bénéficiale  y  ar- 
rive de  'eux  manières  différentes  ;  lavoir  lors- 
qu'un coUateur  a  donné  le  même  bénéfice 
à  deux  perlonnes  le  même  jour  &  lur  le 
même  genre  de  vacance ,  ou  lorfque  deux 
coUareurs  difFérens  ont  pourvu  en  même 
temps. 

Au  premier  cas  ,   c'eff-à-dire  quand  les 

{)rovifions  font  du  même  coUateur  ,  &  que 
'on  ne  peut  juflifier  par  aucune  circonl- 
.  tance  laquelle  àts  deux  eft  la  première  , 
les  deux  provifions  le  detruiient  mutuel- 
lement ,  fuivant  la  maxime  qui  a  été  rap- 
portée ci- devant  en  parlant  du  concours  de 
privilèges» 

Il  en  feroit  de  même  de  deux  fignatures 
ou  provifions  de  cour  de  Rome  ;  &  l'on  ne 
donne  pas  plus  de  privilège  en  France  à  cel- 
les qui  Ibnt  émanées  du  pape  même  ,'  qu'à 
celles  qui  ibnt  faites  par  le  chancelier  ou 
vice-chanceher. 

Une  lignature.ou  provifion  nulle  ne  fai' 
pas  de  concours  ;  mais  il  faut  que  la  nul- 
lité foit  intrinièque  à  la  provifion. 

Pour  ne  pas  tomber  dans  Fmconvénienr 
du  concours  dans  les  vacances  ,  par  mort 
ou  par  dévolut ,  il  eft  d'ufage  de  retenir  en 
cour  de  Rome  plufieurs  dates  ,  afin  que  fi 
plufieurs  impétrans  ont  obtenu  des  provi- 
fions du  même  jour  &  fur  un  même  genre 
de  vacance ,  on  puiiîe  enfin  en  obtenir  lur 
une  date  pour  laquelle  il  n'y  ait  point  de 
concours^ 

En  cas  de  concours  entre  le  pape  & 
^ordinaire  ,  le  pourvu  par  l'ordinaire  eft 
préféré. 

De  deux  pourvus  le  même  jour  ,,  l'un 
par  l'évêque  ,  l'autre  par  fon  grand  vi- 
caire ,  le  premier  eft  préféré  ;  mais  fi  le 
l^urvu  par  le  grand-vicaire  a  pris  poiîeP 


c  0  M 

fion  le  premier  ,  il  fera  préféré.  Quelques 
auteurs  font  néanmoins  d'avis  que  le  pour- 
vu par  l'évêque  eft  toujours  préféré.  Cap, 
Ji  âfede  de  prcebend.  in  6°.  Paflor  ,  lib.  II. 
lit.  xi'ij.  Chopin ,  de  facrâ  polit,  lib.  I.  tit. 
rj.  Bouchel  ,  fomm.  bénéf.  verbo  prife  de 
pojfejjîon.  Cailel  ,  defin.  can.  au  mot  con- 
cours. Brodeau  fur  Louet ,  let.  M.  n.  z  o. 
Papon  ,  Rebufîè  ,  Gonzalès  ,  Drappier  , 
des  bénéf.  tome  I.  ch.  x. 

Concours  pour  les  cures  ,  eft  en 

quelques  provinces  un  examen  que  l'évê- 
que ou  les  commiiîaires  par  lui  nommés 
font  de  tous  ceux  qui  fe  préfentent  pour 
remplir  une  cure  vacante  ,  à  l'effet  'de 
connoître  celui  qui  en  eft  le  plus  digne  &: 
le  plus  capable. 

Il  fe  pratique  dans  les  évêchés  de  Metz 
&  de  Toul  ,  lorfqu'une  cure  vient  à  va- 
quer au  mois  du  pape  ;  l'évêque  lait  pu- 
blier dans  la  ville  de  fon  fiege  le  jour  au- 
quel il  y  aura  C£>/zcoz/rj' ,&  l'heure  à  laquelle 
il  commencera. 

Le  concours  fini  ,  l'évêque  donne  ade  au 
fujèt  qu'il  eftime  le  plus  capable  ,  foit  fur  fa 
propre  connoiflance  ou  fur  le  rapport  de 
ceux  qu'il  a  commis  pour  aflifter  au  con- 
cours ;  &  fur  cet  ade  ,  celui  qui  eft  préféré 
obtient  fans  difficulté  des  bulles  en  cour  de 
Rome ,  pourvu  qu'il  ne  s'y  trouve  d'ailleurs 
aucun  empêchement. 

Si  l'évêque  laiiibit  pafTer  quatre  mois  fans 
donner  le  concours  ,  la  cure  feroit  impétra- 
ble  en  cour  de  Rome. 

Ce  concours  avoit  auffi  lieu  autrefois  en 
Artois  ;  mais  depuis  que  cette  province  a 
été  réunie  a  la  couronne  ,  il  y  a  été  aboli  par 
i.rrêtdu  il  Janvier  i66o. 

Autrefois  pour  les  cures  de  Bretagne  ,  le 
concours  fe  faifoit  à  Rome  ;  mais  par  une 
bulle  de  Benoît  XIV ,  revêtue  de  lettres  pa- 
tentes dûement  enrégiftrées  au  parlement 
de  Bretagne  ,  &  fuivie  d'une  déclaration  du 
roi  du  n  août  1742.,  le  concours  doit  fe 
faire  devant  l'évêque  diocéfain  ,  &  fix  exa- 
minateurs par  lui  choifis  ,  dont  deux  au 
moins  doivent  être  gradués  ;  &  tous  doivent 
remplir  ce  miniftere  gratuitement.  Le  con- 
cours doit  être  ouvert  dans  lès  quatre  mois» 
de  la  vacance  de  la  cure  Les  originaires  de 
la  province  font  feuls  admis  au  concours  ,v 
&  en  cas  d'égalité  de  mérite ,  les  originaire* 


C  O  N 

eu  dioce^  où  efl:  la  cure  doivent  être  pré- 
férés. Nul  n'efl  admis  au  concours  d'une 
cure  vacante  ,  qu'il  n'ait  exercé  les  fonc- 
tions curiales  pendant  deux  années  au  moins 
en  qualité  de  vicaire  ou  dans  une  place  équi- 
valente ,  ou  qu'il  n'ait  pendant  trois  ans 
travaillé  au  miniftere  des  âmes  ;  &  fi  l'af- 
pirant  cû  d'un  autre  dioccfe  que  celui  où 
elt  la  cure  ,  il  faut  qu'il  prouve  quatre  ans 
de  fervice.  Les  évêques  peuvent  néanmoins 
accorder  des  difpenfes  aux  gradués  en  théo- 
logie. Ceux  qui  font  déjà  pailibles  pofïei- 
fèurs  d'une  cure  ne  peuvent  être  admis  au 
concours.  Il  faut  auffi  ,  pour  y  être  admis, 
favoir  &  parler  ailément  la  langue  breton- 
ne ,  Il  la  cure  eft  dans  un  lieu  où  l'on  parle 
cette  langue.  La  déclaration  ~  règle  aufll  la 
forme  du  concours  pour  l'examen  des  afpi- 
rans  ,  &  pour  le  choix  d'un  d'entr'eux.  En- 
fin le  roi  déclare  qu'il  ne  fera  rien  innové 
en  ce  qui  concerne  l'alternative  dont  les  évê- 
ques jouilfent  en  Bretagne  ,  ni  pour  le  droit 
des  patrons  laïques  ou  eccléfiaitiques,  &  pour 
les  maximes  &  ufages  reçus  dans  la  provin- 
ce ,  qui  feront  obfervés  comme  par  le 
paffé.  (A) 
Concours  ENTRE  gradués,  c'efî 

lorlque  plufieurs gradués  ont  tous  requis  un 
naême  bénéfice  en  vertu  de  leurs  grades. 
Vojei  Grades  &  Gradués.  (A) 

CONCRESSAUT  ,  (  Geogr.'  mod.  ) 
petite  ville  de  France  en  Berri  ,  fur  la 
Sandre. 

CONCRET  ,  adj.  {Gramm.  &  Philof.) 
e'eft  l'oppofé  &  le  corrélatif  à'abftrait.  V. . 
Abstraction. 

Le  terme  concret  marque  la  fubfîance 
même  revêtue  de  Ces  qualités,  &  telle  qu'elle 
exifte  dans  la  nature.  L'a^/?m/>défigne  quel- 
qu'une de  (es  quahtés  confidérée  en- elk- 
même  ,  &  féparée  de  fon  fujet. 

Concret  ;  nombre  concret  efl  oppofé  à 
nombre  abftraic  :  c'eil  un  nombre  par  lequel 
on  défigne  telle  ou  telle  chofe  en  particu 
lier.. Foy.. Abstrait.  Ainfi  quand  je  dis 
trois  en  géné^^al  ,  fans  l'appliquer  à  rien  , 
c'eft  un  nombre  abftrait  ;  mais  fi  je  dis  trois 
hommes  y  ou  trois  heures  .,  ou  trois  pies  ,  &c. 
trois  àe\\ent  alors  un .  nombre  concret.  On 
ne  multiplie  point  des  nombres  concrets  les 
uns  par  les  autres  ;  ainii  c'efl  une  puérilité 
<^e„de.  demander,   comme. font    certains 


C  O  N     •  §45 

arithméticiens ,  le  produit  de  3  livres  3  fous 
3  deniers  ,  par  3  livres  3  fous  3  deniers.  En 
effet,  la  multiplication  ne  confilte  qu'à  pren- 
dre un  certain  nombre  de  fois  quelque  chofe; 
d'où  il  s'enfuit  que  dans  la  multiphca- 
tion  ,  le  multiplicateur  efl  toujours  cenfé 
un  nombre  abllrait.  On  peut  divifer  des 
concrets  p^Y  des  abftraits  ou  par  des  concrets'y- 
ainfi  je  puis  divifer  6  lous  par  2,  fous, 
c'efl-à-dire  chercher  combien  de  fois  2  fous 
efl  contenu  ^ans  6  fous  ;  &  le  quotient  fera 
alors  un  nombre  abflrait.  On  peut  aufli  di- 
vifer un  concret  par  un  abflrait  :  par  exem- 
ple 6  fous  par  3  ,  c'efl-à-dire  chercher  le 
tiers  de  6  fous  ;  &  le  quotient  fera  alors  un 
nombre  concret  ,  favoir  2,  fous.  Dans  les 
opérations  arithmétiques  on  dépouille  les 
nombres  des  idées  d'ab{l:rait&  de  concret  ^ 
pour  facihter  ces  opérations  ;  mais  il  faut 
les  leur  rendre  après  l'opération  pour  fe 
former  àes  idées  bien  nettes.  Voye^  MUL- 
TIPLICATION ,  Division  ,  Arithmé- 
tique ,  ùc.  [oy 

CON  €  R  E  T ,  (  C/iy/rz,  yfynonyme  à  ^^a;^, . 
condenfé.    Voye\    CONCRÉTION. 

CONCRÉTI9N  ,  f  f.  fe  dit  en  général, 
^n  phyf^  de  l'adion  par  laquelle  des  corps 
mous  ou  fluides  deviennent  du#;  &  fe 
prend  indifféremment  pour  condenfation  , 
coagulation^  &c.  Foy.  CONDENSATION, 
Coagulation  ,.  Ùc.  Concrétion  fe  dit 
aufli  quelquefois  de  l'union  de  plufieurs  pi ■*- 
tites  particules  ,  pour  former  une  mafîè  fen- 
fible  ,  en  vertu  dequoi  cette  malle  acquiert 
telle  ou  telle  figure ,  &  a  telles  ou  telles  pro- 
priétés. Ce  mot  efl  d'ufage  fur-tout  en  hii-- 
toire  naturelle  &  en   médecine.  (O) 

*  Concrétion  ,  {Hift.  naturelle.)  on\ 
appelle  de  ce  nom  les  fubflances  terreufes , . 
pierreufes  ou  minérales  ,  dont  ks  pfarties, 
après  avoir  été  defunies  &  décompofées  fè  • 
font  rapprochées  &  raflemblées  pour  former  " 
un  nouveau  tout  ,  un  autre  corps  ;  ou  plus  ^ 
généralement  des  fubflances  qui  fe  forment: 
en  des  lieux  particuliers  de  matières  qu'on', 
n  y  foupçonnoit  pas.  Elles  ont  en  géné-- 
ral  les  propriétés  fuivantes  :•  i^i  ce  font, 
ou  des  fubllancesqui  ont  appartenu  à  quel- 
qu'une àes  clalîès  du  règne  minéral  ^  &  qui  1 
le  iont  reproduites  avec  la  confiflance  de^' 
pierres  ,.  après  avoir  fouffert  la  décomi^ofi-  • 
-tionoa.la.défuûion  ; ,  ou  des  fubfknces  apr- 


84<^  C  O  N 

partenantes  à  d'autres  règnes  ,  qui  fe  font 
unies  avec  des  matières  jdu  règne  minéral  , 
ou  des  fubftances  minérales  déguifées  par 
àes  -accidens  fous  des  formes  fingulieres 
obfervées  par  les  naturalises  ;  ou  crfin  des 
liibftances  tout-à-fait  étrangères  au  règne  mi- 
nerai ,  &  qu'on  n'appelle  concrétions  ,  que 
par  la  reflémblance  &  l'analogie  qu'elles  ont 
avec  quelques  fubftances  minérales.  2,°.  Elles 
font  toutesjd'une  compofition  ,  d'un  tifïîi  , 
&  d'une  forme  étrangère  au  règne  minéral. 
Ces  corps  ont  troc  occupé  les  Lythogra- 
phes.  On  en  peut  tormer  quatre  diviiions  , 
les  pores  ou  pierres  poreules  ,  comme  la 
pierre-ponce ,  les  incruilations  ,1a  ftalaélite  , 
la  pifolithe  ,  l'oolithe  ,  les  tufs  ,  &c.  Voye\ 
Pores.  Les  pétrifications,  comme  les  plan- 
tes ,  les  bois  ,  les  racines  pétrifiées  ,  minéra- 
lifées  ,  les  lytophites  ou  coraux ,  les  madré- 
pores ,  les  millepores  ,  la  tabulire  ,  les  af- 
troïces  ,  les  hippwites  ,  Ùc.  Voy.  PÉTRI- 
FICATIONS. Les  pierres  figurées  ,  dont  ily 
a  beaucoup  d'efpeces.  Voy.  PlERRES  FI- 
GURÉES. Et  les  calculs  ou  pierres  Wgétales 
&  animales.    V.  Van.   PlERRES. 

Concrétion  ,  (me'd.)  maladie  des  par- 
ties folides  &  des  fluides.  Parlons  d'abord  d* 
çoncrétiWi  des  folides. 

On  entend  généralement  par  concrétion , 
la  jondion  deplulieurs  molécules  d'un  corps 
réunies  en  une  mafle  prefquc  folide  ;  mais  en 
particulier  l'adhérence ,  l'union  de  nos  par- 
ties folides  qui  doivent  être  naturellement 
féparées  pour  l'exercice  aifé  de  leurs  moil- 
vemcns  ,  elt  ce  qu'on  appelle  en  médecine 
concrétion.  On  peut  citer  pour  exemple  de 
cette  concrétion  ,  l'union  des  doigts,  Aqs  na- 
rines ,  des  paupières  ,  des  parois  du  vagin  , 
fifc.  La  feule  force  vitale  eil  la  caufe  qui 
réunit*  mais  elle  efl  empêchée  dans  fon 
adion  par  l'interpofition  de  l'épiderme  ,  à 
moins  que  ce  rempart  ne  foit  détruit  par  des 
accidens,  tels  que  la  corrofion,  l'exco- 
riation ,  la  brûlure  ,  l'ulcère  ,  &C.  au  con- 
traire ,  tout  ce  qui  conferve  la  cohérence  des 
parties  nues  ,  concourt  à  produire  la  concré- 
tion. Si  elle  arrive  dans  les  ouvertures  na- 
turelles ,  elles'oppofe  àlafortie  desraatieres 
deftinées  à  pafler  par  ces  ouvertures  ;  fi  elle 
fe  fait  dans  les  vaiflTeaux,  il  en  réfulte  la 
i:eiration  de  la  circulation  ,  le  changement 
<Jw  vaiflèau  en  ligament  ;  fi  c'efl  dans  les 


C  O  N 

parties  molles,  il  en  provient  rempêchement 
de  leur  aèlion  ,  la  roideur  ,  l'anchylofe  ,  Ùc. 
Comme  la  partie  folide  qui  cft  une  fois  co- 
hérente ne  perd  point  là  concrétion  d'elle- 
même  ,  il  faut  pour  y  remédier  léparer  fon 
adhérence  par  une  fedion  artificielle.  Paf- 
fons  à  la  concrétion  àcs  fluides. 

On  nomme  concrétion  des  fluides ,  la  co- 
hérence de  leurs  parties  portée  au  point  d*^ 
la  ceflation  du  mouvement  entr'elles ,  par 
l'aclion  de  la  vie  &  de  lafanté.  h-â.  concret  ion 
de  nos  humeurs  efl:  proprement  le  change- 
ment de  la  figure  fphérique  de  leurs  par- 
ties ,  par  la  réunion  de  plufieurs  de  leurs 
molécules  en  une  feule  maffe.  Ce  défordre 
procède  d'une  infinité  de  c^fes  différentes  * 
du  repos  des  humeurs ,  de  leur  mouvement 
affoibli ,  fur-tout  fi  la  violence  de  la  circu- 
lation a  précédé  ,  de  l'évacuation  ,  de  la 
tranfpiration  ,  de  la  diflîpation  ,  de  l'abforp- 
tion  des  parties  les  plus  fluides ,  ou  du  defle- 
chement  ;  d'une  chaleur  brûlante  ,  ou  d'un 
froid  glacial-;  d'une  forte  compreffion  du 
vaiflèau ,  de  l'ufage  ou  de  l'applicadon  des 
coagulans  ;  des  aflringens  ,  des  acides  aus- 
tères ,  fpiritueux  ;  de  matières  vifqueufes  , 
huileufes  ,  aglutinantes  ;  de  poifons  ,  ^c. 
Or ,  fuivant  la  diverfité  de  la  partie  &  le 
genre  de  concrétion  ,  il  en  réfulte  un  grand 
nombre  de  différentes  maladfes  ,  mais  né- 
ceflairement  la  diminution  ou  la  deflrudion 
de  la  circulation  du  fluide ,  la  flagnation  , 
l'obflrudion  ,  l'induration  ,  &c.  La  cure 
confifte  donc  à  former  infenfiblement  ,  s'il 
efl  poffible  ,  laréfolution  de  laconcrétion,  & 
à  redonner  enfuite  aux  humeurs  leur  pre- 
mier mouvement. 

Pour  ce  qui  regarde  les  concrétions  parti- 
cuheres  de  tout  genre  ,  &  principalement 
les  deux  plus  formidables  au  corps  humain  , 
connues  fous  les  noms  de  pierre  &  de  polype  y 
voyez  ces  articles.  Cet  article  efl  de  M.  le 
Chevalier  DE  Ja  uco  ur  t. 

CONÇU ,  partie.  (  Jurifpr.  )  c'efl  une 
maxime  en  droit ,  que  ceux  qui  font  conçus 
font  cenfés  nés ,  lorfqu'il  s'agit  de  leur  in- 
térêt ;  il  fuflît  donc  qu'un  enfant  foit  conçu 
au  temps  que  la  fucceflîon  ou  fubftitution 
efl  ouverte ,  pour  qu'il  foit  habile  à  la  re- 
cueillir. 

Mais  la  conception  d'u'n  enfant  qui  n'ef! 
pas  encore  né  ,  n'efl  d'aucune   confidéra-r 


C  O  N 

don  pour  procurer  à  un  tiers  quelque  avan- 
tage. Voyei^  leg.  y  ff.  de  ftatu  hominum  ; 
Henrys  ,  tom.  II.  liv.   VI.  quefî.  x6 .  (A) 

CONCUBINAGE  ,  f.m.  {/unfprud.  & 
hift.  anc.)  ce  terme  a  deux  fignifications 
différentes  ;  il  lignifie  quelquefois'  une  çC- 
pece  de  mariage  moins  iblemnel,  qui  avoit 
lieu  chez  les  anciens  ,  &  qui  le  pratique  en- 
core en  quelques  pays.  Parmi  nous  il  figni- 
fie  ordinairement  le  commerce  charnel  d'un 
homme  &  d'une  femme  libres  ,  c'efi:-à-dire 
qui  ne  font  point  mariés  enfemble  ni  avec 
un  autre. 

Si  nous  remontons  au  prunier  âge  du 
monde ,  nous  voyons  que  quelques-uns  des 
patriarches  avoient  en  même  temps  plufieurs 
femmes.  Le  premier  qui  en  ufa  de  la  forte 
fut  Lamech  fils  de  Mathufael  (c'étoit  la  cin- 
quième génération  de  l'homme  ).  Lamech 
eut  deux  femmes  nommées  AdaÙ  Sella , 
qui  font  également  qualifiées  uxores. 

Il  paroît  que  les  defcendans  de  Seth  en 
uferent  autrement;  qu'ils  avoient  plufieurs 
femmes  à  la  fois  ,  mais  que  toutes  n'avoient 
pas  le  titre  d'epoufes  ;  car  il  efl  dit  dans  la 
genefe ,  acceperuntjibi  uxores^  ex  omnibus 
quas  elegerant'j  ce  qui  attira  laxolere  de  Dieu 
lur  l'homme  qui  étoit  charnel  ,  dit  l'écri- 
ture. 

Depuis  Noé  jufqu'^  Abraham  on  ne  voit 
point  que  la  pluralité  des  femmes  fûtufitée  : 
mais  Sara  ayant  été  long-temps  flérile  ,  ce 
qui  étoit  alors  un  opprobre  pour  une  femme, 
excita  Ton  mari  à  connoître  fafervante  Agar, 
dans  l'efpérance  qu'il  auroit  d'elle  des  eri- 
fans.  Agar  ne  devint  pas  pour  cela  l'époufe 
d'Abraham ,  elle  relia  toujours  foumife  à 
Sara  comme  là  fervante  ;  &  lorfque  Sara 
eut  mis  au  monde  Ifaac  ,  Agar  &  fon  fils 
Ifmaël  furent  chalTés  de  la  maifon  d'Abra- 
ham à  la  foUicitation  de  Sara  ,  difant  que 
le  fils  de  fa  fervante  n'hériteroit  pas  avec 
Ilàac. 

Dans  le  même  temps  il  étoit  commun 
chez  les  autres  nations  d'avoir  des  concu- 
bines ;  en  effet  on  voit  que  Sara  femme 
d' Abrahiim  y  fut  enlevée  par  Pharaon  roi 
d'Egypte ,  &  quelque  temps  après  par 
Abimelech  roi  de  Géra.  Mais  il.  paroît?  aufii 
qu'il  étoit  dès-lors  défendu  de  prendre  }^ur 
concubine  la  femme  d'autrui  ;  car  il  ne  fut 
point  attenté  à  l'honneur  de  Sara ,  parce  que 


C  O  N  847 

l'on  connut  qu'elle  éroit  femme  d'Abraham. 

Jacob  fut  le  premier  des  patriarches  qui 
eut  à-la  "fois  deux  femmes  &  deux  concu- 
bines ,  qui  étoient  lès  fervantes  de  l'es  deux 
femmes.  Il  eut  des  unes  &  des  autres  plu- 
fieurs enfans  ,  qui  furent  tous  traités  égale- 
ment. 

Efali  fon  frère  eut  à-la-fois  trois  femmes 
d'égale  condition.  Eliphas,  l'un  de  fes  fils, 
eut  une  concubine  :  c'eft  ainfi  qu'elle  ell 
qualifiée  ;  il  n'ell  pas  dit  que  ce  fut  la  fer- 
vante de  fa   femme. 

Le  concubinage  fut  depuis  commun  chez 
les  Hébreux  &  les  Juifs  ;  il  y  eut  diverfes 
loix  faites  à  ce  fujet. 

Il  eu  dit  au  chapitre  xjx  du  Lévitique, 
que  fi  un  homme  a  commerce  avec  l'efclave 
d'autrui ,  fi  elle  n'eft  pas  préalablement  ra- 
chetée ,  quoiqu'elle  fût  noble ,  tous  deux 
feront  fulfigés  parce  que  cette  efclave  n'éroit 
pas  libre  ;  que  pour  ce  délit  l'homme  oftrir» 
à  la  porte  du  tabernacle  un  bélier. 

Le  chapitre  luivant  contient  des  peines 
contre  l'adultère  &  contre  la  débauche  com- 
mife  avec  des  parentes  ou  alliées. 

On  diffinguoir  dès-lorg  les  concubines  des- 
femmes livrées  à  une  prolhrution  pubhque.- 

Le  concubinage  fut  toléré  chez  les  Juifs  à 
caulè  de  leur  endurcilfement  ;  mais  il  y  eue 
toujours  une  dillinâion  entre  les  femmes 
qui  avoient  le  titre  d'époufes  légitimes  &  les 
concubines  ,  quoiqu'alors  le  concubinage  {ùz 
une  efpece  de  mariage  moins  folemncl ,  qui 
avoit  fes  loix  particulieres.- 

Salomon  eutj'ufqu'à  fépt  cents  femmes  & 
trois  cents  concubines.  Les  premières,  quoi- 
qu'en  nombre  excefiif ,  avoient  toutes  le  ti- 
tre de  reines  ,  au  lieu  que  les  concubines  ne 
participoient  point  à  cet  honneur. 

On  vit  quelque  chofc  de  femblable  chez 
les  Perfes.  Darius  ,  outre  la  reine  fon  époufe, 
avoit  jufqu'à  365  concubines,  dont  il  fe 
faifoit  lliivrc  à  l'armée. 

Cette  coutume  a  continué  dans  tout  l'o- 
rient. L'empereur  de  la  Chine  a  dans  Cow 
palais- jufqu'à  deux  ou  trois  mille  concuBi-- 
nes.  Le  lôphi  de  Perfe  &  le  grand  leigneur' 
en  ont  aulli  un  très-gra  d  nombre.- 

Les  Grecs  en  uièrent  de  même  que  les 
Perfes.  Alexandre  roi  de  Macédoine  ,  avoir 
plufieurs  concubines ,  dont  il  céda  la  plus- 
belle  &  celle  qu'il  chérillbit  le   plus  ,,  à- 


84S  C  O  N 

Appelles  qui  en  étcit    devenu    amoureux. 

Nous  paflons  ra})ideiTierrt  iùr  tous  ces 
temps  éloignés  ,  pour  venir  à  ce  qui  fe  pra- 
tiquoir  chez  lesRomains  ,  dont  les  loix  font 
encore  partie  de  nos  ufages. 

On  diftinguoit  chez  les  Romains  deux 
fortes  de  mariages  légitimes  ,  &  deux  fortes 
de  co7icubina[res. 

Le  mariage  le  plus  honnête  ,  étoit  celui 
qui  fe  faifoit  folemnellement  &  avec  beau- 
coup de  cérémonie.  La  femme  qui  étoit 
ainfi  mariée  étoit  nommée  uxor,  jujiauxorp 
conjux  y  mater-familias . 

L'autre  forte  de  mariage  fe  contraâoit 
fans  autre  formalité  que  d'avoir  eu  pendant 
-^un  an  entier  une  femme  dans  fa  maifon;  ce 
que  l'on  app.lloit  uxorem  ufucapere.  La 
femme  ainii  mariée  s'appelloit  uxor  tanthm 
ou  matrona. 

Le  concubinage  étoit  alors  tellement  au- 
torifé  ,  qu'on  le  confidéroit  comme  un  troi- 
fierhe  efpece  de  mariage,    qu'on  appelloit 
-znjuftcs  nuptiœ. 

Mais  ce  concubinage  étoit  de  deux  fortes. 
L'un  nommé  injuflce  nuptice  &  légitimas,  c'é- 
toit  la  liaifon  que  Ton  avoit  avec  des  con- 
cubines romaines  de  naiffance ,  qui  n'é- 
toientni  fœurs  ,  ni  mères  ,  ni  filles  de  celui 
avec  qui  elles  habitoient  ,  &  qui  n'étoient 
point  de  condition   fervile. 

L'autre  efpece  de.  concubinage  ,  appellée 
injuftœ  nuptice  Ù  illegitimce  ,  s'entendoit  de 
ceux  qui  l»abitoient  avec  des  concubines 
inceflueufes  ,  étrangères  ou  efclaves. 

Numa  Pompilîus  fit  une  loi  qui  défen- 
<ioit  à  la  concubine  ,  foit  d'un  garçon  , 
foit  d'un  homme  marié  ,  de  contrader  un 
mariage  folemnel ,  &  d'approcher  de  l'autel 
4de  Junon  ;  ou  fi  elle  fe  marioit ,  elle  ne  de- 
voit  point  approcher  de  l'autel  de  Junon, 
qu'elle  n'eût  auparavant  coupé  fès  cheveux 
&  immolé  une  jeune  brebis.  Cette  concu- 
l>ine  y  efl  défignée  par  le  terme  de  peliex, 
par  lequel  on  -entendoit  une  femme  qui,  n'é- 
tant point  mariée  ,  vivoit  néanmoins  avec 
iin  homme  comme  fi  elle  l'étoit.  Il  figni- 
fioit  y  comme  on  voit ,  également  une  con- 
cubine fimple  &  une  concubine  adultère. 
On  fe  fcrvoit  encore  de  ce  terme  fous  Jules 
Céfar  &  fous  Augufle  ,  temps  auquel  on 
commença  à  fubflituer  le  mot  conçubina  à 
^'^n,çJLeii  te^-ipp  pellexi. 


C  ON 

Ainlî ,  fuivant  l'ancien  droit  le  concubin 
nage  étoit  permis  à  Rome  à  ceux  qui  ref^ 
toientdans  le  céhbat ,  ou  qui  ayant  été  ma- 
riés ,  ne  vouloient  pas  contrader  un  fécond 
mariage  j  par  coniidération  pour  leurs  en- 
fans  du  premier  lit.  Mais  depuis  que  la  loi 
des  douze  tables  &:  d'autres  loix  poftérieures 
eurent  réglé  les  conditions  pour  les  mariages, 
il  fut  ordonné  que  l'on  ne  pourroit  prendre 
pour  concubines  ,  que  des  filles  que  l'on  ne 
pouvoit  pas  prendre  pour  femmes  à  caule 
de  la  dilproportion  de  condition  ,  comme 
des  filles  de  condition  fervile  ,  ou  celles  qui 
n'avoient  point  de  dot,  &  qui  n'étoient  pas 
les  unes  ni  les  autres  defîinées  à  contrader 
alliance  avec  les  honnêtes  citoyens. 

Ainfi  les  filles  ou  femmes  de  condition  li- 
bre ,  appellées  ingénuce  ,  ne  pouvoicnt  pas 
être  prifes  pour  concubines  ,  cela  paffoit 
pour  un  viol  ;  &  il  étoit  défendu  d'habiter 
avec  elles  fur  un  autre  pié  que  fiir  celui 
d'époufes  ,  à  moins  qu'elles  n'eufTent  dégé- 
néré en  exerçant  des  métiers  bas  &  honteux, 
auquel  cas  il  étoit  permis  de  les  prendre  pour 
concubines. 

On  voit  Pi|f-Ià  que  \c  concubinage  n'étoit 
pas  ablblument  déshonorant  chez  les  Ro- 
mains. Les  concubines ,  à  la  vérité,  ne  jouif^ 
foient  pas  des  effets  civils  par  rapport  aux 
droits  de  femmes  r^ariées  ;  mais  elles  ne 
difFéroient  àts  époufes  que  pour  la  dignité 
de  leur  état  &  pour  l'habillement  :  du  refte 
elles  étoient  loco  uxoris.  On  les  appelloit 
femi-conjuges  ,  &  le  concubinage  femi-ma- 
trimonium.  Le  concubinage  fècret  n'étoit  pas 
permis  par  les  loix  romaines  ;  &  le  nom  de 
concubine ,  quand  le  concubinage  étoit  pu- 
blic ,  étoit  un  titre  honnête  &  bien  différent 
de  celui  de  maîtreffe  ,  que  l'on  appelloit 
fcortum. 

Jules  Céfar  avoit  permis  à  chacun  d'é- 
poufer  autant  de  femmes  qu'il  jugeroit  à- 
propos ,  &  Valentinien  permit  d'en  époufèr 
deux  ;  mais  il  n'étoit  pas  permis  d'avoir  plu- 
fieurs  concubines  à-la-fois.  Celle  qui  étoit  de 
condition  libre  ,  ne  devenoit  pas  efclave 
lorfque  fon  maître  la  prenoit  pour  concu- 
bine; au  contraire  celle  qui  étoit  efclave  de- 
venoit libre.  La  concubine  pouvoit  être  ae- 
cfifée  d'adultère.  Le  fils  ne*  pouvoit  pas 
époufer  la  concubine  de  fon  père.         * 

Suivant  l^anciejbi  droit  romain  ,  il  etôit 

permis 


C  O  N 

permis  <ie  donner  à  fa  concubine  ;  elle  ne 
pouvoit  pas  cependant  être  inftituée  héritière 
univerfelle  ;  mais  feulement  pour  une  demi- 
once  ,  qui  faifoit  un  vingt  -  quatrième  du 
total.  On  permit  enfuite  de  donner  trois 
onces  ,  tant  pour  la  mère  que  pour  les  en- 
fans  ,  ce  qui  fut  étendu  jufqu'à  fix  onces  ,  & 
on  leur  accorda  deux  onces  ab  imefiat,  dont 
la  mère  auroit  une  portion  virile  :  le  tout 
dans  le  cas  où  il  n'y  auroit  ni  enfans  ni  fem- 
mes légitimes. 

Les  enfans  procréés  des  concubines  n'é- 
toient  pas  fournis  à  la  puifîance  paternelle  , 
&  n'étoient  ni  légitimes  ni  héritiers  de  leur 
père  ,  fi  ce  n'efl  dans  le  cas  où  il  n'avoit 
point  d'autres  enfans  légitimes  ;  ils  ne  por- 
toient  pas  le  nom  de  leur  père  ,  mais  on  ne 
les  traitoit  pas  de  .//5Z/m\,  comme  ceux  qui 
etoient  \q5  fruits  de  la  débauche  ;  ils  por- 
toient  publiquement  le  nom  de  leur  mère  & 
le  iurnom  de  leur  père  ;  &  quoiqu'ils  ne 
fufTent  point  de  la  famille  paternelle  ,  leur 
^tat  n'étoit  point  honteux ,  &  ils  n'étoient 
point, privés  du  commerce  des  autres  ci- 
toyens. 

hQ  concubinage  y  tel  qu'on  vient  de  l'ex- 
pliquer ,  fut  long-temps  autorifé  chez  les 
Romains  :  on  ne  fait  pas  bien  certainement 
par  qui  il  fut  aboli  ;  \qs  uns  difent  que  ce 
fut  par  Conftantin  le  grand  ,  d'autres  par 
l'empereur  Léon  ;  tous  deux  en  effet  eurent 
part  à  ce  changement. 

Conflantin  le  grand  commença  à  refîrein- 
dre  indiredement  cet  ufage  ,  en  ordonnant 
aux  citoyens  d'époufer  les  filles  qu'ils  au- 
roient  eues  auparavant  pour  concubines  ; 
&  que  ceux  qui  ne  voudroient  pas  fe  con- 
former à  cette  ordonnance  ne  pourroient 
avantager  leurs  concubines ,  ni  les  enfans 
naturels  qu'ils  auroient  d'elles. 

Valentinien  adoucit  cette  défenfe  ,  & 
permit  de  laifTer  quelque  chofe  aux  enfans 
naturels. 

Ceux  qui  épouferent  leurs  concubines  fui- 
vant  l'ordonnance  de  Confîantin  ,  légitimè- 
rent par  ce  moyen  leurs  enfans  comme  l'em- 
pereur leur  en  avoit  accordé  le  privilège. 

Juffinien  donna  le  même  effet  au  mariage 
fubféquent;  mais  le  concubinage  n'étoitpoint 
encore  aboh  de  fon  temps  :  on  l'appelloit  en- 
core licita  confuetudo  ,  &  il  étoit  permis 
à  chacun  d'avoir  une  concubine. 
Tome  Vlll. 


C  O  N  849 

Ce  ^^xt.  Tempereur  Léon  qui  défendit  ab- 
folument  le  concubinage  par  fa  novelle  ^  i . 
laquelle  ne  fut  obfervée  que  dans  l'empire 
d'Orient.  Dans  l'Occident  le  concubinage 
continua  d'être  fréquent  chez  les  Lombards 
&  les  Germains  ;  il  fut  même  long-temps 
en  ufage  en  France. 

Le  concubinage  eif  encore  ufité  en  quel- 
ques pays ,  où  il  s'appelle  demi-mariage  y 
ou  mariage  de  la  main  gauche  y  mariage  à 
la  morganatique  :  ces  fortes  de  mariages  font 
communs  en  Allemagne  ,  dans  les  pays  où 
l'on  fuit  la  confeliion  d'Augsbourg. 

Suivant  le  droit  canon  ,  le  concubinage  , 
&  même  la  fimple  fornication  ,  font  expref- 
fément  défendus  :  Hccc  volumas  Domini  y 
dit  S.  Paul  aux  Thefîliloniciens  :  ut  abftineatis 
à  fornicatione  ;  &  S.  Auguflin  diffinâ:,  24. 
Fornicari  vobis  non  licet  y  fufficiant  vobis 
uxores  ;  &Ji  non  habetis  uxores,  tamen  non 
licet  vobis  habere  concubinas.  Ducange  ob- 
ferve  que  fliivant  plufieurs  épîtres  des  papes, 
\çs  concubines  paroifîcnt  avoir  été  autrefois 
tolérées  ;  mais  cela  fe  doit  entendre  des  ma- 
riages ,  lefquels  ,  quoique  moins  folemnels  , 
ne  laifToient  pas  d'être  légitimes.  C'efI  aufïï 
dans  le  même  fens  que  l'on  doit  prendre  le 
dix-feptieme  canon  du  premier  concile  de 
Tolède ,  qui  porte  que  celui  qui ,  avec  une 
femme  fidèle ,  a  une  concubine  ,  eff  excom- 
munié ;  mais  que  fi  la  concubine  lui  tient  lieu 
d'époule ,  de  forte  qu'il  n'ait  qu'une  feule 
femme  A  titre  d'époufe  ou  concubine  ,  à 
fon  choix,  il  ne  fera  point  rejeté  de  la  com- 
munion. Quelques  auteurs  prétendent  qu'il 
en  étoit  de  même  des  concubines  de  Clovis , 
de  Théodoric  ,  &  de  Charlemagne  ;  que 
c'étoient  des  femmes  époufées  moins  folem* 
nellement ,    &  non  pas  des  maîtrefîès. 

Comme  les  eccléfiaftiques  doivent  don- 
ner aux  autres  l'exemple  de  la  pureté  des 
mœurs,  le  concubinage  e{[  encore  plus  fcan- 
daleux  chez  eux  que  dans  les  laïques.  Cela 
arrivoitpeu  dans  les  premiers  fiecles  de  l'E- 
giife  ;  les  prêtres  étoient  long-temps  éprou- 
vés avant  l'ordinarion  ;  les  clercs  inférieurs 
étoient  la  plupart  mariés. 

Mais  dans  le  dixième  fiecle  le  concubinage 
étoit  (i  commun  &  li  public  ,  même  chez 
les  prêtres,  qu'on  le  regardoit  prefque  comme 
permis  ,  ou  du  moins  toléré. 

Dans  la  fuite  on  fit  plufieurs  loix  pouc 
Oooo  0 


S50  C  C  N 

réprimer  ce  dc^fordre.  li  fut  dv^fendu  au  peu- 
ple d'entendre  la  meflè  d'un  prêtre  concu- 
binaire  ;  &  l'on  ordonna  que  les  prêtres  qui 
feroient  convaincus  de  ce  crime  ,  feroient 
dépoiës. 

Le  concile  provincial  de  Cologne  ,  tenu 
en  1260,  dénote  pourtant  que  le  concubi- 
nage étoit  encore  commun  parmi  les  clercs. 

Qtt  abus  régnoit  pareillement  encore 
parmi  ceux  d'Efpagne  ,  (uivant  le  concile  de 
Valladolid  ,  tenu  en  132.2,  qui  prononce 
des  peines  plus  grieves  contre  ceux  dont  les 
concubines  n'étoient  pas  chrétiennes. 

Le  mal  continuant  toujours  ,  la  rigueur 
des  peines  s'ell:  adoucie. 

Suivant  le  concile  de  Bâle ,  les  clercs  con- 
cubinaires  doivent  d'abord  être  privés  pen- 
dant trois  mois  des  fruits  de  leurs  bénéfices , 
après  lequel  temps  ils  doivent  être  privés 
des  bénéfices  mêmes  ,  s'ils  ne  quittent  leurs 
concubines  ;  &  en  cas  de  rechute,  ils  doivent 
être  déclarés  incapables  de  tous  offices  & 
bénéfices  eccléiialHques  pour  toujours. 

Ce  décret  du  concile  de  Bâle  fut  adopté 
par  la  pragmatique  -  fandion  ,  &  enfuite 
compris  dans  le  concordat. 

Le  concile  de  Trente  a  encore  adouci  la 
peine  des  clercs  concubinaires  ;  après  une 
première  monition,"  ils  font  feulement  pri- 
vés de  la  troifieme  partie  des  fruits;  après 
la  féconde ,  ils  perdent  la  totalité  des  fruits  , 
&  font  iufpendus  de  toutes  fondions  ;  après 
la  troifieme,  ilsTont  privés  de  tous  leurs 
bénéfices  &  offices  eccléfiafiiques  ,  &  dé- 
clarés incapables  d'en  pofleder  aucun  ;  en 
cas  de  rechute,  ils  encourent  l'excommu- 
nication. 

En  France ,  le  concubinage  eft  auffi  re- 
gardé comme  une  débauche  contraire  à 
la  pureté  du  chriftianifme  ,  aux  bonnes 
mœurs  ,  non  -  feulement  par  rapport  aux 
clercs ,  mais  auffi  pour  les  laïques  :  c'eft  un 
délit  contraire  à  l'intérêt  de  l'état.  Refpu- 
Mica  enim  imerefi  Légitima  fobole  repleri 
civitatem. 

Si  les  ordonnances  n'ont  point  prononcé 
diredement  de  peines  contre  ceux  qui  vi- 
vent en  concubinage  ,  c'efl  que  ces  fortes  de 
conjondions  illicites  font  le  plus  fouvent 
cachées  ,  &  que  le  miniftere  public  n'a  pas 
f:outume  d'agir  pour  réprimer  la  débauche, 


C  O  N 

î\  moins   qu'elle    n'occafione    un  fcandale 
public. 

Mais  nos  loix  réprouvent  toutes  dona- 
tions faites  entre  concubinaires  :  c'eft  la  dil^ 
pofition  des  coutumes  de  Tours,  art.  z^.G. 
Anjou,  J43,.  Maine,  3^4--  Grandper- 
che  ,  art.  z  00.  Lodunois  ,  ch.  xxv.  art. 
zo.  Cambrai  ,  tit.  iij.  art.  y.  Celle  de 
Normandie  ,  art.  /\.'3J  6"  45^-  défend 
même  de  donner  aux  bâtards. 

La  coutume  de  Paris  n'en  parle  pas  : 
mais  V article  z8 n  défendant  aux  mari  & 
femme  de  s'avantager  ,  à  plus  forte  raifon 
ne  permet-elle  pas  de  le  faire  entre  concu- 
binaires qui  font  moins  tavoriies  ,  &  entre 
lefquels  la  lédudion  eft  encore  plus  à 
craindre. 

L'ordonnance  du  mois  de  Janvier  1629  , 
art.  z  32.  y  défend  toutes  donations  entre 
concubinaires. 

Conformément  à  cette  ordonnance  ,  tou- 
tes donations  de  cette  nature  entre-vits  ou 
par  teftament ,  font  nulles  ,  ou  du  moins 
rédudibles  à  de  fimples  alimens  ;  car  on 
peut  donner  des  ahmens  à  une  concubine  , 
&  aux  enfans  naturels  ;  on  accorde  même 
quelquefois  ,  outre  les  alimens ,  quelques 
dommages  &  intérêts  à  la  concubine  ,  eu 
égard  aux  circonfi:ances  :  par  exemple,  Çi  la 
fille  qui  a  été  léduite  efl:  jeune  ,  de  bonne 
famille  ,  &  que  fa  conduite  ibit  d'iiilleurs 
fans  reproche  \  fi  le  garçon  eft  plus  âgé 
qu'elle  ,  &c. 

Ce  que  le  mari  donne  à  fa  concubine  ne 
doit  pas  fe  prendre  fur  la  mafle  de  la  com- 
munauté ,  mais  fur  la  part  du  mari  feule- 
ment ,  ou  fur  (es  autres  biens  ;  ou  fi  cela 
efi:  pris  fur  la  maffe  delà  communauté  ,  il  en 
efi:  du  récompenfepour  moitié  à  la  feram,-. 

Si  la  concubine  donataire  efi:  une  femme 
mariée  ou  une  fille  livrée  à  une  débauche 
publique  ,  la  donation  en  ce  cas  ne  doit 
avoir  aucun  eflFet  ;  il  n'efi:  dû  ni  alimens , 
ni  dommages  &  intérêts. 

Les  reconnoiflTances  faites  au  profit  des 
concubinaires  font  nulles  ,  auffi-bien  que 
les  donations  ;  parce  que  de  telles  recon- 
noifTances  font  toujours  réputées  fimulées  , 
&  que  qui  non  potefi  dare  non  poteft  confi-^ 
teri.  Voye\  aujf.  x^.  tit.  vij  &  au  code  ^. 
tit.  xxvij.  Ricard,  des  donat.part.  I.ch.  iij, 
fecl,  8.  n.4z  6.  Dumoulin ,  fur  le  conjdl 


V 


C  O  N 

i^S de Decius.  Dupleffis ,  tr.  de  la  comm. 
l'w.  I y  chap.  iij.  Cujas  ,  fur  la  novelle  1 8. 
Louet ,  lett.  D.  fomm.  /j.^.  Dupineau  , 
nouvelle  édition  ,  lii'.  VI.  des  arrêts  ,  ch. 
xiij.  Plaid,  de  Gillet ,  tome  I.  pag.  z8o. 
L*lii(l.  ^de  la  jnrifprud.  tom.  de  Terraiibn  , 
pag.  45  &  4-8.  Caufes  célèbres  y  tom.  VII. 
pag.  ^z.  Ferrieres  fur  Paris,  art.  z^z. 
gloJP.  z.  n.  z6   &  fuLP.  {A) 

CONCUBIN  AIRE  ,  f.  m.  {Jurifpr.) 
voye\  ce  qui  efi  dit  ci-devant  au  /Tzof  CON- 
CUBINAGE. {  A  ) 

CONCUPISCENCE  ,  f.  f.  parmi  les 
Théologiens  ,  fignifie  V appétit ,  ou  le  dejir 
immodéré  ou  la  convoitife  des  chofes  {q.ïï- 
fuelles  ,  inhérent  à  l'homme  depuis  fa  chute. 
Le  P.  Mallebranche  définit  la  co/2cw/)//r^/2(:(?, 
un  efïort  naturel  que  les  traces  ,  les  impref- 
lions  du  cerveau  Font  fur  l'ame  pour  l'atta- 
cher aux  chofes  fenlibles.  L'empire  &  la 
force  de  la  concupijcence  font  félon  lui ,  ce 
que  nous  appelions  \t  péché  originel. 

Il  attribue  l'origine  de  la  concupifcence  à 
ces  impreffions  faites  fur  le  cerveau  de  nos 
premiers  parens  ,  au  temps  de  leur  chute  , 
qui  fe  font  tranfmifes  &  qui  fe  tranfmcttent 
à  leurs  defcendans  ;  car  de  même  ,  dit-il , 
que  les  animaux  produifent  leurs  femblables, 
&  avec  les  mêmes  traces  dans  le  cerveau 
(  ce  qui  produit  les  mêmes  fympathies  & 
antipathies  .  &  la  même  conduite  dans  les 
mêmes  occafions  )  ;  de  même  nos  premiers 
parens  ayant  après  leur  chute  reçu  des  tra- 
ces fi  profondes  dans  le  cerveau  ,  par  l'im- 
preflîon  des  objets  fenfibles  ,  on  peut  {uppo- 
ier  avec  raifbn  qu'ils  les  communiquèrent  à 
leurs  enfans.  Mais  on  doit  fe  borner  à  croire 
ce  myflere  ,  fans  l'expliquer. 

Les  Scholaftiques  fe  fervent  du  terme 
â^appétitconcupifcihle  y  pour  fignifier  l'f /z- 
vie  que  nous  avons  de  pofîeder  un  bien  , 
en  oppofifion  à  celui  êi  appétit  ira/cible  qui 
nous  porte  à  fuir  un  mal. 

S.  Auguftin ,  dans  fes  écrits  contre  Julien 
évêque  d'Efclane //>.  ^V.  chap.  xjp.  diflin- 
gue  quatre  chofes  dans  la  concupifcence  ;  la 
néceflité ,  l'utilité  ,  la  vivacité ,  &  le  défordre 
du  fentiment  ;  &  il  ne  trouve  de  mauvais 
que  cette  dernière  qualité.  La  concupifcence 
confidérée  fous  ce  dernier  rapport ,  .efl  ce 
penchant  que  nous  avons  tous  au  mal,  & 
q  li  refte  dans  les  baptifés  &  dans  les  juftés 


C  O  N  S51 

comme  une  fuite  &  une  peine  du  péché  ori- 
ginel ,  &  pour  fervir  d'exercice  à  leur  vertn. 
Voyei  Péché  originel.  {G) 

*  CONCURREMMENT  ,  (Jurifpr.  ) 
l'oje^  c/-a/?rfj  Concurrence. 

*  CONCURRENCE  ,  f  f.  s'emend  en 
général  de  l'exercice  de  la  prétention  que 
plufieurs  perfonnes  ont  fur  un  même  objet  : 
ièlon  la  qualité  de  l'objet  ,  la  concurrence 
s'appelle  rivalité.  Voye\  ces  acceptions  en 
Jurifprudence  &  dans  le  Commerce. 

Concurrence  ,  (  Jurifprud.  )  efl 
une  égalité  de  droit  d'hypothèque  ou  de 
privilège  fur  une  même  chofe. 

Il  y  a  concurrence  d'hypothèque  entre 
deux  créanciers  ,  lorfque  leur  titre  efi  de 
la  même  date  ,  &  qu'on  ne  peut  connoître 
lequel  efl  le  plus  ancien. 

La  concurrence  de  privilège  arrive  entre 
deux  créanciers  qui  ont  Ç.vS\  tous  deux  en 
même  temps  les  meubles  de  leur  débiteur  , 
ou  lorfque  leurs  créances  font  de  mêra'é 
nature  ,  ou  également  favorables. 

Il  y  a  certaines  matières  dont  la  connoif^ 
fnnce  efl  attribuée  à  difFérens  juges  ;  mais 
c'efi  par  prévention  entr'eux  ,  &  non  pas 
par  concurrence.  Voye^  ce  qui  efi  dit  ci-de- 
rant  au  mot  Coi>i COURS.   {A^ 

CoNCUPvRENCE  ,  en  fait  de  Com. 
Ce  mot  préfente  l'idée  de  plufieurs  perfon- 
nes qui  afpirent  à  une  préférence  :  ainfi 
lorfque  divers  particuliers  s'occupent  à  ven- 
dre une  même  denrée  ,  chacun  s'efforce  de 
la  donner  meilleure  ou  à  plus  bas  prix  , 
pour  obtenir  la  préférence  de  l'acheteur. 

On  fent  au  premier  coup-d'œil  que  la 
concurrence  efl  l'ame  &  l'aiguillon  de  l'in- 
dufirie  ,  &  le  principe  le  plus  adif  du 
commerce. 

Cette  concurrence  efl  extérieure  ou  inté- 
rieure. 

La  concurrence  extérieure  du  commerce 
d'une  nation  ,  confifie  à  pouvoir  vendre  au- 
dehors  les  productions  de  les  terres  &  de 
fon  indufirie  en  aufli  grande  quantité  que 
les  autres  nations  vendent  les  leurs ,  &  en 
proportion  refpedive  de  la  population  ,  des 
capitaux  ,  de  l'étendue  &  de  la  fertifité  des 
terres.  Celle  qui  ne  foutient  pas  cette  con- 
currence dans  la  proportion  dont  nous  ve- 
nons de  parler ,  a  immanquablement  une 
puifTance  relativement  intérieure  à  la  puif- 

Oo  000    2. 


§51  C  O  N 

fance  des  autres  ;  parce  que  Tes  hommes 
font  moins  occupés ,  moins  riches  ,  moins 
heureux  ,  dès-lors  en  plus  petit  nombre  re- 
Jativement;  enfin  moins  en  trat  ,  dans  le 
même  rapport  ,  de  fecourir  la  république. 
On  ne  peut  trop  le  répéter  ,  la  balance  du 
commerce  d\  véritablement  la  balance  des 
pouvoirs. 

Cette  concurrence  extérieure  ne  s'obtient 
point  piir  ia  force  ;  elle  eu  le  prix  des  ef- 
forts que  fait  l'induftrie  pour  faifir  les  goûts 
du  conlommateur  ,  les  prévenir  même  & 
les  irriter. 

La  concurrence  intérieure  eft  do  deux  for- 
tes :  Tune  entre  les  denrées  étrangères  de 
même  nature ,  ou  de  même  ulage  ;  &  çeUe- 
là  privant  le  peuple  des  moyens  de  fubfii- 
ter  ,  doit  en  général  être  profcrite..  Ceux 
qui  contribuent  à  l'introduire ,  foit  en  ven- 
dant ,  foit  en  achetant ,  font  réellement  cou- 
pables envers  lu  fociété  d'^augmenter  ou 
d'entretenir  le  nombre  des  pauvres  qui  lui 
font  à  charge. 

L'autre  elpece  de  concurrence  intérieure 
efl  celle  du  travail  entre  les  fujets  :  elle  con- 
liiîe  à  ce  que  chacun  d'eux  ait  la  faculté,  de 
s'occuper  de  la  manière  qu'il  croit  la  plus 
lucrative  ,   ou  qui  lui  plaît  davantage. 

Elle  e{l  bafe  principale  de  la  liberté  du 
commerce  ;  elle  feule  contribue  plus  qu'au- 
cun autre  moyen  ,  à  procurer  à  une  nation 
cette  concurrence  extérieure  ,  qui  l'enrichit 
&  la  rend  puifî'ante.  La  railbn  eil  fort 
limple.  Tout^homme  eft  naturellement  por- 
té (  je  ne  dois  peut-être  pas  dire  par  mal- 
heur à  s'occuper  )  ,  mais  il  l'ell:  du  moins  à 
fe  procurer  l'aifance  ;  &  cette  aiiance  ,  fà- 
laire  de  fon  travail  ,  lui  rend  enluite  fon 
occupation  agréable:  ainii  dès  que  nui  vice 
intérieur  dans  la  police  d'un  état  ne  met 
Aes  entraves  a  l'indujftrie  ,  elle  entre  d'elle- 
même  dans  la  carrière.  Plus  le  nombre  de 
fes  produdions  eft  confidérabie ,  plus  leur 
prix  eft  modique  ;  &:  cette  modicité  des 
prix  obtient  la  préférence  des  étrangers. 

A  mefure  cependant  que  Fargent  entre 
dans  un  état  par  cette  voie  ,  à  melure  que 
les  moyens  de  lubiifler  fe  multiplient  pour 
le  peuple  ,  le  nombre  ou  la  concurrence  des 
confommations  s'accroît,  &  les  denrées  doi- 
vent être  repréfentées  par  une  plus  grande 
fomrac  :  cette  augmentation    du  prix  de 


C  O  N 

chaque  chofe  eft  réelle  ,  &  le  premier  elTer 
des  progrès  de  Tinduftrie  :  mais  un  cercle 
heureux  de  nouvelles  concun^nces  y  apporte 
les  terapéramens  convenables.  Les  denrées 
qui  font  l'objet  de  la  confomraation  devien- 
nent journellement  plus  abondantes  ,  &  cette 
abondance  modère  en  partie  leur  augmen- 
tation ',  l'autre  partie  ie  partage  infenlible- 
ment  entre  tous  ceux  qui  tont  les  ouvra- 
ges ,  ou  qui  en  trafiquent ,  par  la  diminu- 
tion de  leurs  bénéfices  ;  la  diminution  de  ce 
bénéfice  fe  trouve  enfin  compeniée  elle-' 
même  par  la  diminution  de  Tint:  rêt  de  l'ar- 
gent ;  car  le  nombre  des  emiprunteurs  ie 
trouvant  plus  foihle  que  celui  des  prêteurs  ^ 
l'argent  perd  de  ion  prix  ,  par  une  conven- 
tion unanime  ,  comime  toutes  les  autres 
marchandifes.  Cette  baiffe  des  intérêts  ell, 
comime  on  le  voit ,  l'effet  d'un  grand  com- 
m-ercc  :  ainfi  nous  obiervons  en  paffant  que 
pour  connoître  fi  une  nation  qui  n'a  point 
de  mines  fait  autant  de  commerce  que  les, 
autres  ,  en  proportion  des  facilités,  refpec- 
tives  qu'elles  ont  pour  commercer  ,  il. 
iùffit  de^  comparer  le  taux  des  intérêts  de 
l'argent  dans  chacune;' car  il,  eu  certain 
que  li  la  concurrence  de  ces  intérêts  n'efl 
pas  égale  ,  il  n'y  aura  point  d'égalité  dans  la, 
concurrence  extérieure  des  ventes  &  de  la, 
navigation. 

Lorfqu'on  apperçoit  à  ces  fignes  évidens 
un  accroiffement  continuel  dans  le  com- 
merce d'un  état ,  toutes  Ces  parties  agifîênt, 
&  fe  communiquent  un  mouvement  égal  ; 
il  jouit  de  toute,  la  vigueur  dont  il  ef}  fuf^ 
ceptible. 

Une  pareille  fituation  eft  inféparable  d'un, 
grand  luxe;  il  s'étend  lùr  les  diverfes  claf- 
iès  du  peuple ,  parce  qu'elles  (ont  toutes 
heureufès  :  mais  celui  qui  produit:  l'aifance- 
publique,  par  l'augmentation  du  travail., 
n'efl  jamais  à  craindre  ;  l'ans  ccfle  la  con^ 
currence  extérieure  en  arrête  l'excès ,  qui  fe-^ 
roit  bientôt  le  terme  fatal  de  tant  de  proi- 
pérités.  L'induftrie  s'ouvre  alors  de  nou-» 
velles  routes  ,  elle  perfedionne  fes  métho- 
des &  fes  ouvrages  ;  l'éccnoniiç  du  temps. 
&  dès  forces  multiplie  les  hommes  en  quel- 
que façon  ;  les  beloins  enfantent  les  arts  y 
la  concurrence  les  élevé  ,  &  la  richeflè  des 
artifles*  les  rend  favans. 

Tels  font  les    effets   prodigieux  de  ce 


C  O  N 

principe  de  la  concurrence  ,  fi  fimple  a  Ton 
premier  afpeâ: ,  comme  le  font  prefque  tous 
ceux  du  commerce»  Celui-ci  en  particulier 
me  paroît  av(,>ir  un  avantage  très-  rare  ,  c'efi: 
de  n'être  fujet  à  aucune  exception.  Cet  ar- 
ticle efi  de  M.  V.  D.  F. 

CONCURRENS  ,  adj.  pi.  (  Hlfi.  & 
Chron.)  dans  l'ancienrie  chronologie,  ei\ 
le  nom  qu'on  donnoit  aux  jours  qui ,  dans 
les  années  tant  communes  que  bifïextiles  , 
font  furnuméraires  au-delà  du  nombre  de 
femaines  que  l'année  renferme.  Voici  ce  que 
c'c{î.  L'année  ordinaire  a  cinquante  -  deux 
femaines  &  un  jour  ,  l'année  biffextile  cin- 
quante-deux femaines  &  deux  jours  :  or 
ce  jour  ou  ces  deux  jqurs  furnuméraires  font 
nommés  concurrens  ,  parce  qu'ils  concou- 
rent pour  ainfi  dire  avec  le  cycle  folaire;  l^ar 
exemple  ,  la  première  année  de  ce  cycle  on 
compte  un  concurrent ^  la  féconde  deux,  la 
troifieme  trois ,  la  quatrième  quatre  ,  la 
cinquième  fix  au  lieu  de  cinq  (  parce  que 
cette  année  eft  bifléxtile  ,  la  fixieme  fept , 
la  (eptieme  un  ,  Ùc.  &  ainfi  de  fuite.  Le 
concurrent  i  répond  à  la  lettre  dominicale 
E  y  c'eft-à-dire  à  l'année  où  le  premier  jour 
de  l'an  efl  un  mardi ,  &  ainfi  de  fuite.  Ces 
concurrens  s'appellent  auflî  quelquefois  e'pac- 
tes  du  foleil..  On  n'en  fait  plus  d'ufage  de- 
puis l'invention  des  lettres  dominicales.  V^oy. 
ïiir  ce  fujet,  ïart  de  vérifier  les  dates.  Paris, 
1750.  pag.  XXX  de  la  préface.  (O) 

CONCUSSION  ,  1:  f.  {Jurifpr.y  ap- 
pelle en  droit  crimen  repetundarum  y  efl 
l'abus  que  fiiit  de  fon  pouvoir  un  homme 
confUtué  en  dignité  ,  charge  ,  commif- 
fiôn ,  ou  emploi  public,  pour  extorquer 
de  l'argent  de.  ceux-  fur  lefquelsJl  a.  quelque 
pouvoir. 

Il  en.  efl  parlé  dans  les  titres  du-  digefl-e 
&  du  code,  adlegemjuliam  repetundarum  y 
où  l'on  peut  remarquer  entr'autres  chofes , 
que  celui  qui  donnoit  de  l'argent  pour  être 
juge  au  préjudice  du  ferment  qu'il  avoit 
fait  di?  n'avoir  rien  donné  ,  pouvoit  être 
pourfuivi-  comme  coupable  ,  auili-bienque 
celui  qui  avoit  reçu  l'argent  ;  que  le  juge 
qui  fe  laiiToit  corrompre  par  argent  étoit  ré- 
puté coupable  ào^ concujjion  y  aulll-bien  que 
celui  qui  acheteroit  des  droits  litigieux.  Il 
étoit  même  défendu  à  tous  magiilrats  d'ac- 
t^hït  auGuoe.claofe  par  achat  y  donation  , 


C  O  N  855 

ou  autrement  ,  dans  les  provinces  où  ils, 
étoient  étblis  ,  pendant  leur  adminifiration  , 
fous  peine  de  concujjion. 

Cette  prohibition  d'acquérir  faite  aux: 
magiltrats  étoit  autrefois  uhtée  parmi  nous  ; 
du  moins  ils  ne  pouvoient  acquérir  dans  leur 
jurildidion  ians  permiliion  du  roi  ,  comme 
il  paroît  par  les  ordonnances  de  S.  Louis  & 
de  Philippe-lc-bel  ;  mais  cet  ulage  elt  de- 
puis long-temps  aboh  ,  attendu  que  les 
magiflratures  étant  parmi  nous  perpétuelles , 
&  non  pas  annales  ,  ou  triennales  comme 
elles  l'étoient  chez  les  Romains  ,  les  juges 
magiltrats  feroient  interdits  de  pouvoir  ja- 
mais acquérir  dans  leur  pays. 

Tout  ce  qui  nous  ell  refté  de  l'ancien 
ufage  ,  eft  la  prohibition  aux  juges  d'ac- 
quérir les  biens  qui  fe  décrètent  dans  leurs 
Ceges. 

Il  faut  encore  remarquer  que  chez  les. 
Romains  le  duc  ou  gouverneur  de  province 
étoit  tenu  de  rendre  non-1'eulement  les  exac-- 
tions  qu'il  avoit  faites  perfonnellemcnt  ,. 
mais  aufli  ce  qui  avoit  été  reçu  par  les  fubal-* 
ternes  &  domeftiques. 

Le  crime  dâ  concujjion  n'otoit  mis  au» 
nombre  des  crimes  publics  ,  que  quand  il 
étoit  commis  par  un  magiftrat  ;  &  lorfqu'il 
étoit  commis  par  une  perfonne  de  moindre 
quahté  ,  cen'étoit  qu'un  crime  privé;  mais- 
cela  n ell  point  ufité  parminous,  ce  n'eft  pas 
la  qualité  des  perfonnes  qui  rend  [qs  cri- 
mes publics  ou  privés  ,  mais-  la.  nasure  des- 
crimes. 

Les.  anciennes  ordonnances  un  peu  trop 
indulgentes  pour  les  juges  ,  leur  laifToient 
la  liberté  de-  recevoir  , certaines  chofes  „ 
comme  du  vin  en  bouteilles. 

Mais  V ordonnance  de  Moulins  art.  vcf  ET 
2.0.  défendit  aux  juges  de  rien  prendre  des 
parties ,  linon- ce  qui  leur  efl  permis  par  l'or- 
donnance ,  &  aux  procureurs  du  roi  de  rien- 
prendre  du  tout  ;  mais  cela  a  été  changé 
pour,  les  derniers... 

UOrdonnance  de  B  lois  y.  art.  124.  efî: 
conçue  en-  termes  plus  généraux  :  elle  dé- 
fend àtous.ofïîciers  royaux &' autres,  ayant 
charge  &  commiflion  de  S.  M.,  de  quelque - 
état,  quahté  &  condition  qu'ils  ibient ,  de 
prendre  nL  recevoir  de  ceux  qui  auront  af- 
faire à  eux ,  aucuns  dons  &  préfens  de  quel-- 
.que  chofe  quece  fuit,  fur  peine  de  c.ojicujjioii,. 


gc.i  C  O  N 

Il  y  a  encore  pîufieurs  autres  ordonnances 
qui  défendent  à  divers  officiers  toutes  for- 
tes d'exadions. 

L'accufation  pour  crime  de  concujjlon 
peut  être  intentée  ,  non-feulement  par  celui 
contre  qui  le  crime  a  été  commis ,  mais  aufli 
par  le  minifîere  public,  attendu  que  le  crime 
efl:  public. 

Chez  les  Romains  ,  il  falloir  que  l'accufa- 
tion fût  intentée  dans  l'année  depuis  l'ad- 
miniftration  finie  ;  mais  parmi  nous  l'ac- 
tion dure  20  ans  comme  pour  les  autres 
crimes. 

On  peut  agir  contre  les  héritiers  du  con- 
cuffionnaire  ,  pour  la  répétition  du  gain  in- 
jufte  qu'il  a  fait. 

A  l'égard  de  la  peine  qui  a  lieu  pour  con- 
cujjlon y  elle  eft  arbitraire  comme  celle  de 
tous  les  autres  crimes  :  quelques  concuf- 
fionnaires  n'ont  été  condamnés  qu'à  une 
peine  pécuniaire,  d'autres  au  bannifTement 
ou  aux  galères  ,  quelques-uns  ont  même 
-été  punis  de  mort  ;  cela  dépend  des  cir- 
conltances. 

Voye\  V ordonnance  de  t  ^39  y  article 
84.  y  celle  iS' Orléans  ,  article  45  ,  yy  , 
233,.  Blois ,  article  $^,  2  24  y  ^  57  i  le 
re'glement  du  confeil  du  mois  de  novembre 
zGo2  y  art.  45  ^  le  dich^onn.  des  arrêts  y 
tw  mox.  concujfion.  {A) 
^  *  CONDAxMNATION,  {Ilijl.  anc.) 
c'étoit  une  adion  du  préteur  qui ,  après 
avoir  vu  fur  les  tablettes  des  juges  quelles 
étoient  leurs  opinions ,  fe  dépouilloit  de 
fa  prétexte  ,  &  difoit  ,  videtur  fecijfe  ; 
ou  ,  non  jure  videtur  fecijfe.  Les  juges  qui 
dévoient  déterminer  le  préteur  ,  lorfqu'ils 
croyoient  i'accufé  coupable  ,  ne  mertoient 
qu'un  C.  fur  les  tablettes  ,  ce  qui  figni- 
fioit  condemno  ;  le  préteur  étoit  obligé  d'é- 
noncer le  crime  &  la  punition  ;  par  exem- 
ple ,  videtur  vim  feciffe  y  atque  eo  nomine 
aquœ  &  igni  y  illi  interdico.  On  appelloit 
auÛ\  condamnation  ce  qu'on  faifoit  payer  au 
coupable.  ^o>'.  Tarticle  fuivant.La  condam- 
nation des  édifices  ,  condemnatio  œdium  y 
confifloit  à  détruire  la  maifon  du  coupable  , 
après  lui  avoir  ôté  la  vie. 

Condamnation,  (/«n/pr.)  efl  un  ju- 
gement qui  condamne  quelqu'un  à  faire  , 
donner  ,  ou  payer  quelque  chofe  ,  oy  qui  le 
déclare  déchu  de  fes  prétentions. 


C  O  N 

Paffer  condamnation  y  c'eft  fe  défillcr  de 
fa  demande. 

Subir  fa  condamnation  y  fignifîe  être  oon- 
damné y  quelquefois  c'elt  acquiefcer  au  ju- 
gement ;  c'efl  en  ce  dernier  lens  qu'on 
l'entend  ordinairement  en  matière  cri- 
minelle. 

On  entend  quelquefois  aufîî  par  le  terme 
de  condamnations  ,  les  chofes  mêmes  aux- 
quelles la  partie  efl  condamnée  ,  telles 
qu'une  fomme  d'argent  ,  les  intérêts  & 
frais.  C'efl  en  ce  fens  que  l'on  dit  ,  ojf'rir  6" 
payer  le  montant  des  condamnations  y  ac- 
quitter les  condamnations. 

C'eff  un  axiome  commun  ,  qu'on  ne  con- 
damne perfbnne  ùir,&  J'entendre  ,  c'eft-à- 
dire  fans  l'avoir  mis  en  demeure  de  venir  fe 
défendre  ;  car  en  matière  civile  on  donne 
défaut  contre  les  défaillans  ,  &  en  matière 
criminelle  il  y  a  des  défauts  &  jugemens  par 
contumace  contre  ceux  qui  ne  fe  préfcntent 
pas  ;  on  peut  même  condamner  un  accule 
abfent  à  une  peine  capitale  s'il  y  a  lieu  ,  en 
quoi  notre  ufage  efl  différent  de  celui  des 
Roj|Eiains  ,  dont  les  loix  défendoient  expref- 
fement  de  condamner  les  abfens  acculés  de 
crime  capital.  L.  z .  cod.  de  requir.  reis.  l.  2 . 
ff.  eod.  l.  6.  c.  des  accuf.  &  /.  ^.ff.  de 
pœnis.  Ce  qui  étoit  autrefois  obfervé  en 
France ,  comme  il  paroît  par  les  capitulaires 
de  Charlemagne,  liv.  VIII.  cap.  2.0 z  Ù 
J54  y   rnais  depuis  l'ufage  a  changé. 

Toute  condamnation  eu  donc  précédée 
d'une  inflrudion ,  &  l'on  ne  doit  pronon- 
cer aucune  condamnation  y  même  con- 
tre un  défaillant  ou  contumace  ,  qu'il 
n'y  ait  des  preuves  fuffifantcs  contre  lui  ; 
&:  dans  le  doute  ,  en  matière  criminelle  ,  il 
vaut  mieux  abfoudre  un  coupable  que 
de  condamner  un  homme  qui  peut  être 
innocent. 

On  prononce  néanmoins  quelquefois  en 
Angleterre  une  condamnation  fans  formalité 
&  lans  preuve  juridique  ;  mais  cela  ne  fè 
fait  qu'en  parlement  ,  &  pour  critne  de 
haute  trahifon  ,  que  nous  appelions  ici  de 
lefe-majefté  :  il  faut  même  que  le  cas  foit 
prefîant  ,  &  qu'il  y  ait  des  confidérations 
importantes  pour  en  ufer  ainfi  ;  car  c'efl 
l'exercice  le  plus  redoutable  de  l'autorité 
fouveraine  :  par  exemple  ,  fi  les  preuves  ju- 
ridiques ipanquent ,    quoiqu'il  y  ait  d'ail- 


C  ON 

leurs  des  preuves  moralement  certaines; 
ou  bien  lorfquel'on  veut  éviter  un  conflit 
entre  les  deux  chambres,  fi  l'on  ne  veut  pas 
apprendre  au  public  certains  (ecrets  d'érat, 
&c.  dans  tous  ces  cas ,  fans  témoins  ouis  , 
fans  interrogatoire,  on  déclare  cet  homme 
atteint  &  convaincu  du  crime  :  i'acle  qui 
contient  cette  déclaration  &  condamnation^ 
s'appelle  un  atteinder.  Voyez  la  féconde 
fuite  des  réflex.  pour  la  maifon  d'Hanovre  ; 
à  Lancajhe  p    tj^-S. 

Il  n'y  a  que  les  juges  qui  puilfent  pro- 
noncer une  condamnation  proprement  dite, 
car  c'eft  iniproprement  que  l'on  dit  qu'un 
homme  a  été  condamné  par  les  avocats 
qu'il  a  conlultés  ,  les  avocats  ne  donnant 
qu'un  avis  par  lequel  ils  approuvent  ou  im- 
prouvent ce  qui  leur  eit  expofé  ;  mais 
des  arbitres  choilis  par  un  compromis  peu- 
vent condamner  de  même  que  des  juges 
ordinaires. 

En  Bretagne  &  dans  quelques  autres  pro- 
vinces ,  les  notaires  fe  fervent  du  terme  de 
condamnation  ,  pour  obliger  ceux  qui  con- 
tradent  devant  eux:  après  la  reconnoifïànce 
ou  promelîê  de  la  partie ,  le  notaire  ajoute 
ces  mots,  dont  nous  T  avons  jugé  ù  condam- 
né'^ ce  qui  vient  de  ce  qu'autrefois  tous  les 
ades  pubhcs  étoient  rédigés  fous  les  yeux  du 
juge  par  les  notaires  qui  faifoient  en  même 
temps  les  fondions  de  greffier  ;  c'efl  pour- 
quoi les  ades  paffés  devant  notaire  font 
encore  intitulés  du  nom  du  juge  ;  les  no- 
taires font  même  api^llés  juges  chartulaires, 
&  ont  une  jurifdidion  volontaire  fur  les 
contradans  ;  ce  quia  encore  pu  leur  donner 
lieu  de  fe  fervir  du  terme  condamner. 

Tout  juge  qui  a  pouvoir  de  condamner 
quelqu'un  ,  a  aufli  le  pouvoir  de  le  déchar- 
ger ou  abfoudre  de  la  demande  ou  accufa- 
tion  formée  contre  lui. 

On  préfume  toujours  que  la  condamna- 
tion eft  jufte,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  anéantie 
par  les  voies  de  droit ,  &  par  un  juge  i"u- 
périeur. 

Les  condamnations  portées  par  des  juge- 
mens  rendus  à  l'audience  ,  font  prononcées 
à  haute  voix  aux  parties  ,  ou  à  leurs  avo- 
cats &  procureurs.  A  l'égard  des  affaires 
qui  fe  jugent  à  la  chambre  du  confeil  ,  il  faut 
dittinguer  les  affaires  civiles  &  les  afîaires 
criminelles. 


CON  85^ 

Dans  les  affaires  civiles  ,  autrefois  on 
devoit  prononcer  les  jugemens  aux  par- 
ties auflitôt  qu'ils  étoient  mis  au  grefïè , 
à  peine  de  nuUité  ,  même  Ikns  attendre  le 
jour  ordinaire  des  prononciations  ,  fi  l'une 
des  parties  le  requéroit  ;  cette  formalité  a 
été  abrogée  comme  inutile  par  l'ordonnance 
de  2  66 j . 

Dans  les  affaires  criminelles  on  pro- 
nonce le  jugement  aux  accufés  qui  font 
préfens ,  &  les  condamnations  à  peine 
afflidive  doivent  être  exécutées  le  même 
jour. 

L'accufé  doit  tenir  prifon  jufqu'à  ce 
qu  il  ait  payé  les  condamnations  pécuniai- 
res, ,  foit  envers  le  roi ,  ou  envers  la  par- 
tie civile. 

Les  condamnations  font  ordinairement 
perlbnnelles  ;  cependant  en  matière  de  dé- 
lits ,  les  pères  font  relponfables  civi- 
lement àts  faits  de  leurs  enfans  étant  en 
leur  puifTance  ;  les  maîtres,  des  faits  de  leurs 
domefHques  ,  en  l'emploi  dont  ils  les  ont 
chargés. 

Il  y  a  même  quelques  exemples  en  ma- 
tière criminelle,  que  la  peine  a  été  éten- 
due fur  \ts  enfans  du  condamné  ,  &  fur 
toutc  fa  poftérité  ,  en  les  dégradant  de  no- 
bleflé  ou  autrement  ;  ce  qui  ne  fe  pratique 
que  dans  àts  cas  très-graves  ,  comme  pour 
crime  de  lefe-majellé.  Du  temps  de  Louis 
XI,  lorfque  Jacques  d'Armagnac  duc  de 
Nemours  eut  la  tête  tranchée  le  4  août 
1477  aux  halles  ,  on  mitfde  l'ordre  du  roi 
les  deux  enfans  du  coupable  fousl'échat'aud, 
afin  que  lefang  de  leur  père  coulât  fur  eux. 

Les  condamnaùons  à  quelque  peine  qui 
emporte  mort  naturelle  ou  civile,  n'ont 
leur  efïèt  pour  la  mort  civile  ,  que  du  jour 
qu'elles  font  exécutées  réellement  fi  l'ac- 
cufé efl  préfent  ;  ou  s'il  eft  abfent ,  il 
faut  qu'elles  foient  exécutées  par  effigie 
s'il  y  a  peine  de  mort,  ou  par  l'appofi- 
tion  d'un  tableau  feulement ,  fi  c'eft  quel- 
que autre  peine  afflidive  qui  n'emporte  pas 
mort  naturelle. 

Mais  les  condamnations  à^mort  naturelle 
ou  civile  annullent  le  teflament  du  con- 
damné ,  quoique  antérieur  à  fa  condamna- 
tion ;  parce  que  pour  tefler  valablement, 
il  faut  que  le  teflateur  ait  les  droits  de  cité 
au  temps  du  décès. 


2^6  C  O  N 

Les  lettres  de  grâce  empêchent  bien  l'exé- 
cution de  la  fentence ,  quant  à  la  peine 
affli6tive  ,  mais  elles  ne  détruifent  pas  la 
condamnation  ni  la  jflétrifTure  qui  en  refaite; 
il  n'y  a  qu'un  jugement  portant  abfolution  , 
ou  bien  des  lettres  d'innocentation  ,  qui 
efîàcent  entièrement  la  tache  des  condam- 
nations. 

Lorfque  les  condamnations  font  pour 
<iélit  militaire  ,  &  prononcées  par  le  confeil 
de  guerre  ,  elles  n'emportent  point  de  mort 
civile,  ni  de  confifcation ,  ni  même  d'in- 
famie. VojeTi  Arrêt, Condamné,  Ju- 
gement, Sentence ,  Peine. 

Condamnation  consulaire  ,  efl 
celle  qui  eit  portée  par  une  fentence  des 
confuls  ,  &  qui   emporte  la  contrainte   par 

corps.  Ko7f;(CoNSULS<S' Contrainte 
par  corps. 

Condamnation  contradictoi- 
re ,  efl  celle  qui  efl:  prononcée  contre  un 
défendeur,  qui  a  été  oui  par  lui  ou  par  fbn 
avocat  ou  procureur  ,  ou  en  matière  crimi- 
nelle contre  un  accufé  préfent. 

Condamnation  PAR  CONTUMACE, 
efl  celle  qui  efl  prononcée  contre  un  accufé 
abfent.  7^oje:{  CONTUMACE. 

Condamnation  par  corps  ,  efl 

celle  qui  emporte  la  contrainte  pai-  corps  , 
telle  que  celles  qui  font  prononcées  en  ma- 
tière civile  contre  les  fermiers  des  biens  de 
campagne  ,  lorfqu'ils  s'y  font  foumis  par 
leurs  baux  ;  en  matière  de  flellionat ,  pour 
dépens  montans  à  200  livres  &  au  dcfîîjs  , 
pour  dettes  entre  marchands  ,  &  en  ma- 
tière criminelle  pour  les  intérêts  &  répara- 
tions civiles. 

Condamnation  flétrissante  , 
efl  celle  qui  imprime  quelque  tache  au  con- 
damné ,  quoiqu'elle  ne  lui  ôte  pas  la  vie 
civile,  &  même  qu'elle  n'emporte  pas  in- 
famie ,  comme  lorfqu'un  homme  efl  ad- 
moneflé. 

Condamnation  infamante  ,  efl 
celle  qui  prive  le  condamné  de  l'honneur, 
qui  fait  une  partie  de  la  vie  civile  :  toutes 
les  condamnations  à  peine  afHidive  font  in- 
famantes. Fbyf:^  Infamie. 

Condamnation  a^o/n/iid:  citramor- 
tem,  c'efl  lorfqu'un  homme  efl  condamné  au 
fouet  ,  à  être  marqué  &  aux   galères.. 

Condamnation  pécuniaire*,  efl 


C  O  N 

celle  qui  ordonne  de  payer  quelque  fbmnic 
d'argent,  comme  une  amande  ,  une  aumône, 
desmtérêts  civils  ,  des  dommages  &  inté- 
rêts ,  des  réparaxions  civiles  ;  ce  terme  efl 
principalement  ufité  en  matière  criminelle 
pour  dillinguer  cts  (oncs  àt  condamnations 
de  celles  qui  tendent  à  peine  afflidive. 

Condamnation  a  peine  afflic- 
TivE  ,  Acy'f;^ Peine  afflictive. 

Condamnation  solidaire,  efl 
celle  qui  s'exécute  folidairement  contre  plu- 
fieurs  condamnés ,  comme  pour  dette  con- 
tradéc  lolidairement ,  ou  pour  dépens  en 
matière  criminelle.  {-A) 

CONDAMNÉ ,  partie.  (  Jurifprud.)  efl 
celui  qui  a^  fubi  fon  jugement ,  foit  en  ma- 
tière civile  ou  en  matière  criminelle. 

L,e  condamne  à  mort  naturelle  ou  civile 
efl  déchu  des  elFcts  civils  auiîi-tôt  que  fon 
jugement  lui  efl  prononcé  ,  parce  que  cette 
prononciation  ell  le  commencement  de 
l'exécution  ,  &  qu'à  l'inflant  le  condamné 
efl  remis  entre  les  mains  de  l'exécuteur  de 
la  haute-juflice. 

Mais  s'il  y  a  appel  de  la  fentence  ,  l'état 
du  condamné  demeure  en  fufpens  jufqu'au 
jugement  de  l'appel  ,  &  même  jufqu'à  ce 
que  le  jugement  qui  intervient  fur  l'appel 
lui  ait  été  prononcé. 

Si  le  condamné  meurt  avant  la  pronon- 
ciation du  jugement ,  il  meurt  integri  ftatûs. 

Si  par  l'événement  de  l'appel ,  la  fentence 
efl  confirmée  ,  en  ce  cas  la  mort  civile  a 
un  effet  rétroadii  au  jour  delà  prononcia- 
tion de  la  fentence. 

Anciennement  les  Condamnés  à  mort 
étoient  privés  de  tous  les  facremens  ;  mais 
depuis  1360  ,  on  leur  offre  le  facrement  de 
pénitence. 

Ceux  qui  font  exécutés  à  mort  font  ordi- 
nairement privés  des  honneurs  de  la  fé- 
pulture. 

A  l'égard  de  ceux  qui  font  condamnés 
par  contumace  à  mort  naturelle  ou  civile , 
ils  n'encourent  la  mort  civile  que  du  jour 
que  le  jugement  efl  exécuté  contr'eux  par 
elîîgie  ,  attendu  que  ne  pouvant  pas  leur 
prononcer  le  jugement  de  contumace  ,  il 
ne  commence  à  être  exécuté  que  par  l'ap- 
pofition  de  leur  effigie.  Voye\  ci-devant 
Condamnation.  (  A) 

CONDAPOLI ,  (  Géç^r.  mod.  )  ville 

forte 


C  O  N 

forte  d'Alie  dans  la  prefqu'île  de  Tlnde  , 
en-deçà'  du  Gange  ,  aii  royaume  de  Gol- 
-conde. 

GOND  AVERA,  {Geogr.  mod.)  ville 
d'Afie  dans  la  prefqu'île  de  l'Inde  au  royau- 
me de  Cnnate  ,  fur  la  côte  de  Malabar. 

CONDÉ  ,  (Geog.  mod.)  petite  ville  très- 
forte  de  France  aux  Pays-bas  dans  le  Hai- 
nauT  ,  près  du  confluent  de  la  Haine  &  de 
l'Efcaut.  Z.  21,  15  ,  33  ;  lat.  50,  26,  ^5. 

§CONDÉ-SUR-ITON,(Geoâ^.)  Con- 
dati ,  Condûeum  _,  bourg  de  Normandie ,  à 
£x  lieues  d'Evreux  ,  dans  le  voiiinage  de 
Breteuil  &  de  Danville  ,  donné  à  l'évêque 
d'Evreux ,  par  Richard  I,  roi  d'Angleterre  , 
duc  de  Normandie  ,  avant  de  partir  pour 
la  Terre-Sainte.  On  croit  que  ce  Condé 
€fl  celui  que  l'itinéraire  d'Antonin  marque  , 
entre  Noi'iomagum  &  Darocajfes  :  voici 
un  fait  qui  honore  l'humanité. 

Un  malheureux  ,  pourfuivi  pour  un  paie- 
ment de  loyer  de  n^iifon  ,  de  la  part  d'un 
huilfier  qui  en  étoit  propriétaire ,  étoit  fur 
k  point  de  fe  voir  enlever  fa  moifïbn  par 
fon  avide  créancier  ;  l'affaire  portée  devant 
un  juge  compatiflânt ,  fut  décidée  par  cette 
fentence  :  ^^  parties  ouies  ,  nous  avons  ac- 
cordé ade  des  offres  faites  par  le  débiteur 
de  la  fomme  de  36  livres.»  L'avocat  de 
l'huiflîer  foutient  qu'il  n'y  a  point  d'offres  ; 
le  juge  ajoute  tout  de  fuite ,  &  de  ce  qu'il  a 
préfente  ment  payé  ladite  fomme... tn  même 
t-emps  il  tire  de  fa  poche  3^  livres  qu'il  met 
fur  le  bureau  pour  le  paiement  de  l'huiffier , 
&  fauve  ainfi  un  malheureux  prêt  à  périr. 
Cet  excès  de  généroiité  furprit  beaucoup  ; 
on  le  doit  au  bailli  de  Condé  y  l'une  des 
juilices  de  l'évêque  d'Evreux ,  connu  par 
d'autres  adions  femblables  qui  mériteroient 
aufîî  d'êti'e  publiées.  Mercure  de  France  y 
Octobre  y    ^JJ3-  (C) 

CONDÉ-SUR-NOIREAL',  (Géo^.)  Con- 
datumy  Condetum  &  Conditam  ad  N  oral- 
luni  y  gros  bourg  peuplé  en  Baffe-Norman- 
die ,  chef-lieu  d'un  doyenné  rural ,  diocefe 
de  Bayeux  ,  éledion  de  Vire  ,  avec  mairie 
&  chatellenie  ,  un  des  plus  confidérables  de 
k  province  :  il  s'y  tient  fix  foires  par  an;  le 
commerce  y  coniifle  en  cuirs  ,  draps  & 
coutellerie  ;  hôpital  fondé  au  XII^.  fiecle  , 
par  N.  Turgot  :  le  terrain  affez  flérile  ne 
produit  que  du  bted  noir  ,  du  feigle  &  de 
Tome  VIII, 


C  O  N  S57 

Tavoine.  Les  proteflans  y  ont  eu  un  temple 
qui  ilit  démoli  en  1680. 

Le  bourg  de  Condé  a  eu  fhonneur  de  re- 
cevoir S.  Louis  ,  en  125(5  ;  c'eft  la  patrie 
d'Enguerrand  Signar  ,  confeffeur  de  Char- 
les ,  duc  de  Bourgogne  ,  &  depuis  évêque 
d'Aurun  ,  mort  en  1485  :  ce  bourg  qui  eft 
à  cinq  lieues  de  Falaife  &  de  Vire  ,  &  qua- 
tre de  Tinchcbray ,  appartient  à  M.  le  comte 
de  Matignon.    (  C) 

Condé  en  Lorraine ,  [Géog.)  Cond^um, 
chatellenie  en  Lorraine  ,  fur  la  Mofelle  ; 
c'étoit  autrefois  un  des  plus  beaux  châteaux' 
du  pays  ,  bâti  par  l'évêque  de  Metz  ,  Phi- 
lippe de  Florence,  en  1264.  I^  fiJt  engagé 
par  l'évêque  Adhemar  de  Monteil  ,  à 
Edouard,  comte  de  Bar,  en  132.8;  il  fut 
dans  la  fuite  uni  au  bailliage  de  S.  Michel. 
En  1473,  George  de  Bade,  évêque  de  Metz , 
vendit  au  duc  de  Bourgogne  la  faculté  de 
rachat  ,  réfervce  à  (es  prédécefîèurs  fur 
Condé  y  vingt  mille  florins  du  Rhin.  Les 
ducs  de  Lorraine  ,  depuis  156 1  ,  ont  joui 
paifiblement  de  cette  chatellenie.   (  C  ) 

CONDELVAI,  f  m.  ville  forte  d'Afie 
dans  [es  Indes  del'Indoflan,  dans  le  royaume 
de  Décan  fur  la  rivière  de  Mangera  aux 
frontières  du  royaume  de  Golconde. 

CONDENSATEUR  ,  f  m.  (  Phyfiq,  ) 
efl  le  nom  que  quelques  auteurs  donnent  à 
une  machine  qui  fert  à  condenfer  de  l'air 
dans  un  efpace  donné.  On  peut  y  faire  tenir 
3  >  4  j  5  >  &  même  dix  fois  autant  d'air , 
qu'il  en  tient  dans  un  pareil  efpace  hors  da 
la  machine.   Voy.  CONDENSATION. 

Il  y  a  différens  moyens  de  condenfer  l'air  : 
on  en  peut  voir  plufieurs  aux  art.  AR- 
QUEBUSE A  VENT  ,  Ùc.  En  général  les 
moyens  de  condenfer  l'air  font  l'invcrfe  des 
moyens  de  le  raréfier.  Voulez-vous  con- 
denfer l'air  dans  un  globe  creux  ;  faites-y 
entrer  de  l'air  avec  un  piflon  ,  &  adaptez 
à  l'ouverture  intérieure  du  trou  fait  au 
globe,  une  fbupape  qui  permette  à  l'air 
d'entrer ,  &  qui  l'empêche  de  fortir.  C'efl 
ainfi  qu'on  condenfe  l'air  dans  un  ballon  ,■ 
par  exemple.  On  pourroit  aufli  par  une 
opératioii  contraire  à  celle  dont  on  fe  fert 
pour  raréfier  l'air  dans  le  récipient  de  la 
machine  pneumatique  ,  condenfer  l'air  dans 
ce  même  récipient  ;  c'efl  ce  qu'on  verra 
avec  un  peu  d'attention  ;  mais  il  faut  pour 
.  -  •       P  pppp 


cette  opération  que,  k  récipient.  Ipit  biçn 
lutté -contre  la  platjne  ,^^  &,  qu'il,  ftit  aflez 
de  force  pour  rçùiW  ,  ^^  I^.  preffion  inté,- 
^ieure-  de  ïa'ix. ,  condenfé ,  très-çapabJe  de 
k  .brirçr  par  Ton  effort.  Voye^  MACHINE 
PNEUMATIQUE.  (Ô)  -  ,^  .  .- 
.  CONDENSATION ,  Ç  f. ,(  Phyfiguc,  ) 
a<2;iûn  par  laquelle  un  a^rpsçfl  rendu  plus 
denfe ,  plus  compade  &  plus  lourd.  Vqy. 
Densité  &  Compression^.-,  ;.  ,j,i.s_  ., 

La  condenfanon  c.onfifle  à  rapprocner  les 
parties  d'un  corps  les  unes  des.  autres,,  &ç 
augrnenter  leur  cpnrad  ,  >,a^  coritraire  de  la 
raréfaf^ioa  qui  les  écarte  les  unes  des  autres  , 
diminue ,  ,jeyr  conraâ,., .  &  par  confëqu^nt 
leurçoh^iQn,  &  rend  les  corps  plus  légers 
&:  plus.. mous.   Voye^  Raréfaction.,. 

-Woliius  &,  quelques  autres  .auteurs  r^^T 

neignent  Tufage  du  mox àtcondenifadon  -Xh 

liqle  iidion  du.  froid- ,  appellant,  ^onipvçj^r- 

Jivn  tout  ce.qwi  fe  fait  par  Tapplication  d'une 

force  extérieure.   Voy.  COMPRESSION. 

L'air  fp  condenfé  ailément ,  .{ok  par  le 
froid,  foit  artiliciellement  ;  pour  l'eau , 
elle  ne  le  condenfé  jamais  ;  &  elle  pénètre 
\ts  corps  les  plus  folides  ,  l'or  rnême ,, -plutôt 
que  de  rien  perdre  de  fon  volume.    V^oye^ 

Eau.  ^     -;     v     .x../'.; 

On  trouva  à  l'obfervatoire.rpenjd^nt,  le 
grand  froid  de  l'année  1^70  ,  que  les .. corps 
hs  plus  durs ,  jufqu'aux  métaux ,  aùvierre  , 
&  au  mc.rbre  même. ,  étoient  fenfiblement 
condenlés  par  le  froid  ,  &  qu'ils  étoient 
devenus  plus  durs  &  plus  ^cafîans  qu  au- 
paravant ;  ce  qu^  dura  julqu'au  dégel ,  qu'ils 
reprirent  leur  premier  état.       ,  r- . 

L'eau  eft  le  feul  fluide  quij  paraiffe  fe  di- 
later par  le  froid  ;  tellement  que  lorfqu'clle 
cft  gelée  ,  elle  occupe  plus  de  place  qu'elle 
n'en  occupoit  auparavant  :  mais  on  doit  at- 
tribuer cet  effet  plutôt  à  l'introduâion  de 
quelque  matière  étrangère  ,  .comme  des  par- 
ticules de  l'air  environnant ,  qu'à  aucune  ra- 
réfadion  particulière  de  l'eau  cauféepar  le 
froid.  Voy.  FROlD^Cp.NPELATî,ON.  . 
.  Si  l'on  fait  entrer  beaucoup  d!air  dans  un 
vafe  fermé ,  ce  vafe  deviendra  plus  pèfant  ; 
&  f]  enfuite  oa  laiffe  échapper  l'air  ,.;il  for- 
tira  avec  beaucoup  de  violencç  ,.  .&  le  vafe 
Reprendra  ià première  pe/àntçur.  Ôr ,  iJfuit 
de  cette  expérier^ce  ,  l?,  qu^I'aiç.étoit  réçluit 
à  un  moindre  volume  que  celui  qu'il  occupe 


V  C  O  N  . 

ordj^^aireraenr ,.  ,&  qu  il  eft  par  cQnféquçm; 
comprtfîiblc.  Pour  la  mefùre  cfe  fa  comprcf- 
fion.,  ^0}'.  Compression  fi?  Air. 

TP.  Qu'il  efl  forri  autant  d'^ir  qu'il  en 
étoit  enitré  ,  ce,  que,  prouve  le  rétabliflè- 
raent .  de  la  pçf anteur  du  vafe ,  dont  l'air 
comprimé  fe,  rejUtuç  dajis  fon.  premier  état 
fila  force  comprimante  en  ôtée  ,  ^  confé- 
quemment  il  ell  élaftique.  voye\  El'AS- 
TICITÉ,,..  ;;^;ï  V,  ,  '>./.  .'  .... 
1  3?. ...Que  puifque  le.. poicfs  d[u  vafe  efl 
augmenté  car  l'air  irijedé ,  l'air  .e,fl  par  ccn- 
féquent  pelant,  ^  qu'il  preffe  perpendicu- 
lairement,^;!, l'horizon,  les  corps  en\5irpn-r 
naçs  y,.. félon  les  Idix  de  la  gravité.  yoye\ 
Gravit^.-,       ,.       .      .,.,,,      -. , ., 

4-**^^ _Que  c'efl  uii  figne  çejt^itx delà cptri- 
prefilon  de. l'air,  quand,,,  en,,  ouvrant  l'orî- 
fice  d'un  vàifTeau  ,  on  obferve  qu'il  en  fort 

de;i'air.,  ^,^.0  ;,,,-....  ,  >..  m^,,  .;iu.» 
...Laur.^ony^/T/i?' produit  des  eSet^  direde- 
iiient.pppofes  à  ceux, 'de  l'air  raréliç.,  Le.s 
oifeaux.  y  paroiifep.t  plus  gai^  &:  plus  vivans 
que  dnjis  l'ordinnire  ,  Ùc.  Chamhers.  (  O) 
^.CONDIGNITÉ.,  f  f.XViMogXtpé^ 
rite  de  condignite  you,^  comm.e  s'expriment 
les.  fcholafl;iqu,es ,  rnériîç  de  cpndigno.  C'eft 
Iç  mérite  auquel  Dieu  ,  en  vertu  de  fa  pro- 
mefîé  de  la  proportion. des  œuvres^ avec 
fa  gr.ace  ,  doit  une  récompenfe  .A  titre  de 
i.uflice.  Cette  candignite  e^cige  des  condi- 
tions de  la  part  de  l'homme  ,  de  l'ade 
méritoire,  &  de  la  part  de  Dieu.  Delà 
part  de  l'homme,  les  conditions  font  ,  1°. 
qu'il  foit  juftc ,  1°.  qu'il  fcnt  ençoi-e  dans 
la. voie. ,  c'efl-à-dire  ,  fur  la  terre.  L'ade 
n;iéritoire  doit  être  libre ,  moralement  bon  , 
fjrnaturel  diins  fon  principe ,  c'efl- à-dire  > 
fait.par  le  mouvement  de  la  grâce  ,  &  rap- 
porté à  Dieu.  Enfin ,  de  la  part  de  Dieu  , 
il  faut  qu'U  y  ait  une  promeffe  ou  obliga- 
tion de  récpmpenfer.  De  ces  principes  , 
hs.  Théologiens  concluent  que  l'homme  ne 
peut  mériter  de  condigno  ,  ni  la  première 
grâce  fandifiante  ,  ni  le  don  de  la  perfé- 
vérance  ,  mais  que  les  juflcs  ne  peuvent 
mériter  .la  vie  éternelle  d'un  mérite  de 
condignité.  Voye\  GrACE  ,  MÉRITE  y 
&c.  (g) 

.  CONDINSKI  ou  CONDORA ,  (G^og, 
mpd.^)  pjovince  à  l'orient  de  la  RujFie  avec 
titre  de  du  chef   Elle  cfl  remplie  de  forêts 


CON 

1^  de  montagnes  ;  les  h;iDirnn.s  font  idolâ- 
tres,  &  pâïcrit  au  cziir  un  tribut  en  fourru- 
res &  pellereries. 

C0NÎ3IT  ,  T.  m.  (Pharmacie.)  on  en- 
tend par  condit  ^  eii  Pharmacie  ,  la  même 
choie  que  l'on  entend  èii  générai  par  le 
mot  dç  confiture. 

'  Les  Apothicaires  confifoient  autrefois  un 
grand  nombre  de  racines  ',  d'écorces  ,  de 
fruits  ,  ùc.  qu*ils  rcnfermoicnt  fous  la  dé- 
nomination de  condit  ;  tant  pour  les  ufages 
de  la  médecine  ,  que  pour  les  délices  de  la 
bouche. 

'Mais  i\  préfent  à  peine  trouve-t-on  deux 
ou  trois  co/24/^fj  dans  les  boutiques  àts  Apo- 
thicaires ;  Ils  rie  gardent  guère  lous  cetre 
forme  que  la  racine  à^eringium  ,  celle  de 
fatyriurfi  ,  &  celle  de  gingembre  ,  qu'ils 
j'eçoivent  toute  confite  à^s  Indes.  Voye"^ 
la  manière  de  confire  Tune  ou  l'autre  des 
deux  premières  racines. 

Prenez  àts  racines  àt  fatyrium  ou  d'erin- 
ginm  bien  nettoyées  &  bien  mondées  ,  une 
livre  ,  par  exemple  ;  faites-les  bouillir  jus- 
qu'à ce  qu'elles  foient  bien  ramollies  dans 
line  fuffifante  quantité  d'eau  commune  , 
après  quoi  vous  les  retirerez  de  feau  &  les 
égouttercz  bien.  Vous  ferez  cuire  dans  l'eau 
de  la  décodion  une  livre  &  demie  de  fucre  , 
que  vous  clarifierez  avec  le  blanc  d'œuf , 
après  q^uoi  vous  y  ajouterez  vos  racines, 
'&  ferez  bouillir  le  tout  eniêmble  Jufqu'à 
"ce  que  lé  firop  ait  une  confiiîancé  fort 
épaifîe  ;  vous  verferez  le  tout  ,  racines  & 
.firop  ,  dans  un  pot ,  que  vous  ne  fermerez 
'qu'après  un  refroidiffement  parfait."  "*'  ' 
'  Les  conferves  ,  qu*on  pourroit  ranger 
Ibus  le  nom  générique  de  condit  y  diifiê- 
rent  de  l'efpece  de  confiture  que  nous  ve- 
nons de  décrire  ,  par  le  manuel  de  leur  pré- 
paration. Voyei  Conserve.  \b) 
'  ;  *CONDITEUR,  {Myth.)^  conditor; 
dieii  champêtre  qui  veilloit  après  les  moif- 
fons  a  la  récolte  des  grains,  ainfi  que  fon 
nom  l'annonce.  On  appelloit  auffi  conditor 
'le  chef  des  fadions  du  cirque.  Voye^ 
ClïtbuE.  ' 

-    CONDITION  ,  [Gmm.  &  Jurifp.)  tû 

une    çlaufe   qui  fait  dépendre    l*exécution 

d'un  â(àe  de  quelque  événement  incertain  , 

ou  d^e  raccohîplifleniènt  dé  ijuclque  claufe 

"paruculîéré  V  t>ar' e^^         ,  'quelcju'un  s'o-j 


bîi^e  de  payer  une  fon-me  sy  c?.s  cu'ei^^ 
foit  encore*  diié  ,  '&'  qùll  né  s^bn' trouve  pr.s 
de  quittance  ;  ou  bien',  fi  celui  aii profit  dfe 
qui  l'obligation  efl  paflec  ,  achève 'lin'  ôâ- 
vrage  qu'il  a  commencé.      '  '"      '  ' 

On  peut  fuppofer  'des  conditions  dans 
une  convention,  dans  une  difpofitiori  de 
dernière  volonté,  ou  dans  un  jugement. 

II  n'y  a  point  de  forme  déterminée  pour 
établir  une  condition  ;  la  plus  naturelle  efl 
celle  qui  eft  conçue  dans  ces  termes  ,  à 
condition  défaire  telle  chofe  :  msisuhQ con- 
dition peut  auffi  être  appofée  en  d'autres 
termes  équipoliens  ,  félon  la  nature  de  la 
condition  :  par  exemple  y  fi  telle  chofe  eft 
faite  dans  uri  certain  temps  ,  ou  au  cas  que 
cela  foit  fait  dans  tel  teifips  y  ou  pouriu 
que  telle  chofe  foit  faite  y   &c. 

On  diflingue  dans  un  aéb  la  caufe  ,  le 
mode ,  &  la  démonilration  ,  d'avec  la 
condition. 

La  caufe  eft  le  principe  qui  fait  agir  ; 
par  exemple  ,  je-  donne  à  un  tel  pour  la 
bonne  amitié  qu'il  a  pour  moi  ^  cela  né 
forme  pas  un  ade  conditionnel  :  mais  la 
caufe  finale  eft  la  même  choie  qu'une  con- 
dition y  comme  lorfcju'on  donne  pour  bâtir 
une  maifon. 

Le  mode  eft  aufïî  la  même  chofe  que 
la  caufe  finale  :  c'eft  lorfqû'on  dit  je  lègue 
à  un  tel  pour  achever  f à  maifon  y  oii  afin 
'(^ii^ilpaiefès  dettes  ;  c'eft-là  un  mode,  & 
non  lihé  condition  :  la  différence  qu'il  y  a 
dé  l'un  à  l'autre  ,  eft  que  la  condition  fait 
une  partie'efientiellé  de  l'ade,  en  forte  que 
là  chofe  donnée  ou  léguée  foiis  condition 
ne  peut  être  exigée  qu'après  l'accompliiTe- 
ment  de  la  condition  ;  au  lieu  que  le  legs 
ou  la  donation  qui  ne  renferment  qu^un 
mode,  peuvent  être  demandés  fans  atten- 
dre ce  qui  pourra  être  fait  par  la  fuite  rela- 
tivement au  mode. 

Le  mode  eft  une  charge  impofée  à  la  con- 
vention ou  difpofition  ;  il  ne  diffère  point 
de  la  condition  poteftative.  Voye^  MoDE. 

La  démonftratibn  eft  une  défignation  de 
quelque  perfonne  ou  chofe.  Une  démonf- 
tration  vicieufe  ne  rend  pas  la  difpofition 
nulle  :  par  exemple  ,  fi  le  teftafeur  lègue  à 
un  tel  fon  neveu  majeur,  &- qlie  le  neveu 
foit  mineur  ,  bti  qu'il  lui  ait  légué  fon  che- 
val itôîi* ,  &  due  le  cheval  foit  d'une  adiré 
•>;«  ntAi-  u  w.     1        "-Fpppp  2  '''  -^^' 


8^0  C  O  N 

couleur  ,  le  legs  n'efl  pas  moins  valable  , 
parce  que  le  reflateur  n^a  pas  fait  dépendre 
fa  difpolition  de  la  qualité  du  légataire  ,  ni 
de  la  qualité  qu'il  a  donnée  à  la  choie  léguée; 
la  diipofition  n'efl  pas  conditionnelle. 

Dans  les  conventions  &  difpoiitions  dont 
l'accompliflement  dépend  de  l'événement 
d'une  condition ,  tout  demeure  en  fufpens 
comme  s'il  n'y  avoit  pas  eu  de  convention 
ou  de  difpolition  ,  jufqu'à  ce  que  la  condi- 
tion foit  arrivée  ou  remplie ,  &  fi  la  condi- 
tion n'arrive  pas,  la  convention  ou  difpo- 
lition ell  anéantie  par  la  claufe  même  qui 
la  fait  dépendre  de  la  condition  :  par  exem- 
ple, dans  une  vente  qui  doit  s'accomplir 
par  l'événement  d'une  condition  y  l'acheteur 
n'a  qu'un  droit  éventuel ,  &  le  vendeur  de- 
meure propriétaire  de  la  chofe  vendue  ,  & 
fait  les  fruits  fiens  jufqu'à  ce  que  la  condi- 
tion foit  arrivée. 

L^accomptiflement  de  la  condition  donne 
«fl'Ct  à  i'aâe  ,  &  cet  effet  efî:  même  queîque- 
"fois  rétro«(^if  ,  fuivant  ce  qui  a  été  convenu 
ou  ordonné  à  ce  fujet  par  l'aûe  qui  ren- 
ferme la  condition. 

Lorfque  la  convention  ou  difpolition  efl 
déjà  exécutée  ,  mais  qu'elle  peut  être  réfolue 
par  l'événement  d'une  condition  y  les  cho- 
ies demeurent  dans  l'état  où  elles  font,  fui- 
vant la  convention  ou  difpolition ,  jufqu'à 
ce  que  la  condition  foit  arrivée  ;  &  dans  ce 
cas  le  profit  &  la  perte  tombent  fur  celui 
qui  jouit  en  vertu  de  l'ade  ;  &:  quand  la 
condition  eu  accomplie ,  foit  qu'elle  con- 
firme ou  qu'elle  réfolve  la  convention  ou 
difpofition  ,  le  gain  &  la  perte  regardent 
celui  qui  fe  trouve  maître  de  la  chofê. 

Les  conditions  qui  fe  rapportent  au  pré- 
fent  ou  au  pafïe ,  produifent  leur  effet  du 
moment  même  de  l'ade  ,  de  forte  que  fi  l'on 
ignore  d'abord  l'état  des  chofes  par  rapport 
à  la  cond'uion  y  c'eft-à-dire  fi  elle  fe  trouve 
remplie  ou  non  ,  l'exécution  ou  réfolution 
de  l'ade  efl:  feulement  en  fufpens  ,  &  la 
condition  a  un  effet  rétroadif  au  jour  de 
l'ade. 

Quand,  on  a  appofé  quelque  condition  im- 
poflible  ou  contre  les  bonnes  mœurs  ,  fi 
c'efl  dans  un  tefîarnent  ,  elle  efl  regardée 
comnie  non  écrite  ;  fi  c'efl  dans  une  con-; 
xeaiion  j,  U  condition   eil  noa- feulement 


C  O  N 

vicieufe  en  elle-même  ,  mais  elle  vicie  aulîî 
le  refle  de  l'ade. 

Pour  ce  qui  efl  des  conditions  inutiles  , 
dans  quelque  ade  que  ce  foit ,  elles  font  re- 
gardées comme  non  écrites. 

Si  celui  qui  a  promis  de  remplir  quelque 
condition  y  vient  à  décéder  avant  de  l'avoir 
fait  ,  fon  héritier  efl  tenu  de  remplir  le 
même  engagement  ,  fuppofé  qu'il  foit  tel 
qu'une  perfonne  puifTe  le  remplir  pour  une 
autre  ,  autrement  il  fe  réfoudroit  en  dom- 
mages &  intérêts. 

Quoiqu'on  ait  fixe  dans  l'ade  le  temps 
dans  lequel  la  condition  poteflative  doit  être 
remplie ,  la  juflice  peut  néanmoins  proroger 
ce  délai  fuivant  les  circondances  ,  fur-tout 
fi  le  retardement  n'a  caufé  aucun  préjudice 
à  celui  qui  a  fVipulé  la  condition  y  ou  que 
le  dommage  puiiîe  être  réparé. 

Si  quelqu'une  des  parties  empêche  l'ac- 
compliflement de  la  condition  pour  éluder 
l'exécution  de  fon  engagement ,  la  condition 
fera  cenfée  arrivée  à  fon  égard ,  &  la  con- 
vention ou  difpofition  fera  exécutée. 

Le  nombre  des  d iver fes  efpeces  de  con- 
ditions que  l'on  peut'  appofer  dans  un  ade 
n'efl  pas  Hmitc  ;  il  y  en  a  autant  que  de  dif- 
férentes claufes  ;  dans  les  conventions  ,  les 
unes  font  relatives  à  des  événemens  palîés , 
ou  à  venir  ;  d'autres  tendent  à  obliger  quel- 
qu'un de  donner  quelque  chofe  ,  ou  à  faire 
ou  à  nf  pas  faire  quelque  chofe.  Nous  expli- 
querons ici  feulement  les  conditions  qui  ont 
un  nom  particulier. 

Condition  AFFiRMATivE,efl celle  qui 
efl  conçue  en  termes  pofîtifs  ou  afîirmatifs  : 
par  exemple  ,  j'infiitue  un  tel  mon  héritier 
fi  un  vaiffeau  arrive  de  VAfie  ;  elle  efl  op^ 
pofée  à  la  condition  aégative  ,  qui  efl  coa- 
çue  en  termes  négatifs  ;  comme  fi  l'on,  dit , 
j'inflitue  un  tel  mon  héritier  s'il  n'efl  pas 
;  engagé  dans  les  ordres..  Ces  fortes  de  con- 
ditions affirmatives  &  négatives  peuvent 
l'une  &  l'autre  être  poteflatives  ,  caflielles  , 
ou  mixtes  ,  &  conférées  à  la  volonté,  d'un 
tiers.    V^oyei  ci-après    CONDITION  CA,- 

suELLE,  Mixte  <&  potestative,  b 
Condition  négative. 

Conditions  alternatives  ;  elles 
font  de  cette  efpece  lorfque  i'ade  en  contient 
plufieurs ,.  &  que  celui  à  qui  elles  font  impq- 
ïéç^  a  le.  choix  de  remplir  l'une  ou  l'autre 


C  O  N 

de  ces  conditions.  Elles  font  aulîî  alternatives 
lorfque  de  deux  conditions  cafuelles  qui  font 
flipulées ,  il  fuffit  qu'il  en  arrive  une. 

Condition  casuelle,  eft  celle  dont 
l'événement  dépend  du  hazard  ,  comme  û 
un  legs  eft  fait  fous  la  condition^  nai'is  ex 
AJm  venerit  :  elle  eft  appellée  en  droit  non 
promijcuay  parce  qu'elle  dépend  entièrement 
du  hazard;  à  la  différence  delà  poteftative  , 
qu'on  appelle  en  droit  promifcua  ^  parce 
qu'elle  dépend  toujours  en  partie  du  hazard. 

Vojyei  Condition  potestative. 

Conditions  conjointes  ;  c'efl  lorf- 
qu'il  y  a  pluiieurs  conditions  qui  doivent  être 
remphes  pour  que  la  difpofîtion  ait  Ion  effet. 

Condition  dérisoire;  on  regarde 
comme  telle  une  condition  qui  n'a  point  d'ob- 
jet férieux  ,  aucun  intérêt  légitime  ,  &  .qui 
tend  à  obliger  de  faire  quelque  chofe  de  ri- 
dicule ,  comme  fi  un  homme  ordonnoit  à 
quelqu'un  de  fe  promener  dans  la  ville  avec 
des  cornes  fur  la  tête  ;  ces  fortes  de  condi- 
tions doivent  être  mifes  dans  la  clalTe  des 
Conditions  inutiles. 

_  Condition  deshonnete  ;  on  appelle 
ainfi  celle  qui  bleffe  l'honnêteté  ou  les  bonnes 
mœurs  ,  &  que  les  loix  appellent  probrofa  : 
telle  feroit ,  par  exemple  ,  la  claufê  qui  im- 
poferoit  à  un  homme  marié  la  condition  de 
faire  divorce  avec  fa  femme.  Ces  fortes  de 
conditions  font  rejetées  dans  les  tejlamens  ; 
&  Il  elles  fe  trouvent  dans  une  convention  , 
elles  annullent  l'ade.  L.  lo.  ff.de  condit.  & 
demonfir.  &  l.fiquis  112.  §.  3.  de  légat,  i. 

Condition  dividue  ,  eft  celle  qui 
porte  fur  un  fait  qui  efl  dividu;  elle  eft  oppo- 
féc  à  la  condition  individue  ,  qui  porte  fur  un 
fîiit  individu ,  c'efl-à-dire  qui  ne  fouffre  point 
de  divifion  :  tel  eu  le  cas  où  deux  légataires 
font  chargés  par  forme  de  condition  de  conl^ 
truireune  maifon;  comme  ce  fait  ne  fouffre 
*  point  de  divifion  ,  la  condition  ne  doit  pas 
êtredivifée.  ï^oye^  Dumoulin,  tr.  de  divid. 
&  individ.  part.  II.  n.  '^86  ^  les  loix  ^6 , 
Ê?  i  z  z.  au  dig.  de  condit.  &  demonfir.  Ù 
^l.  t  3'ff'  demanum.  tefiam.. 

Condition  de  Droit  ou  légale  , 

eft  celle  que  la  loi  impofe  à  quelqu'un  ;  elle 
eft  toujours  fuppléée  ,  quand  même  elle  ne 
feroit  point  écrite  dans  l'ade.  Il  y  a  des  con- 
ditions légales  pour  les  contrats  ,  d'autres 
pOMr  les  teftamens  &  autres  ades  ;  ces  condi- 


C  O  N  S5i 

tions  ne  font  pas  fufpenfives  ,  mais  négatives 
&  réfolutives.  V^qy.  le  tr.  de  Brufïèl  confeiller 
de  l'empereur  Charles  V.  de  conditionibus y 
où  il  traite  d'un  grand  nombre  de  ces  condi- 
tions légales. 

Condition  expresse,  eft  celle  qui  eft 
exprimée  dans  l'ade  ou  dans  la  loi  ;  au  lieu 
que  la  condition  tacite  qui  n'y  ei\  pas  expri- 
mée fe  fupplée.  V.  Condition  tacite. 

Condition  de  fait  ;  c'eft  ainfi  qii'on 
appelle  celle  qui  a  pour  objet  des  faits  afîir- 
matifsou  négatifs  ,  &  impofés  par  l'ade ,  tels 
que  la  condition  de  donner  ou  de  faire  quel- 
que chofe  ,  ou  au  contraire  de  ne  point  don- 
ner ou  ne  point  faire  telle  chofe  ;  ou  ii  tel 
événement  arrive  ou  n'arrive  pas.  Les  co/2- 
ditions  défait  font  oppofées  aux  conditions 
de  droit ,  lefquelles  ne  font  point  impofées 
par  la  difpofition  de  l'homme,  mais  par  celle 
de  la  loi. 

Condition  fausse  ,  fe  dit  par  op- 
polition  à  condition  vraie.  Voje:^  ci-après 
Condition  vraie. 

Condition  defaturo,  efl  celle  qui  fe 
rapporte  à  un  événement  à  venir  ,  comme 
quand  un  teftateur  ordonne  que  l'on  don- 
nera à  un  tel  une  certaine  fomrae  lorfqu'il 
fe  mariera  :  ces  fortes  de  conditions  defu- 
turo  font  les  feules  qui  ont  un  eilet  fufpenfîf. 
Le  g.  3$.  Jf.  de  reh.  crédit. 

Condition  HONNETE  oMLiciTE,  fe 
dit  de  celle  qui  porte  fur  un  fait ,  lequel  n'efl 
point  contraire  aux  bonnes  mœurs  :  elle  efl 
oppofée  ^  condition  déshonnête.  V^oyey^  ci- 
devant  Condition  deshonnete. 

Condition  impossible  ,  efl  celle  qui 
ne  peut  pas  être  accomplie  :  l'impofîlbilité 
provient  ou  ex  naturâ  rei  y  comrpe  d'empê- 
cher le  vent  ou  la  pluie  ,  ou  de  la  loi  qui  dé- 
fend de  faire  ce  qui  eft  porté  par  la  condi^ 
tion  ou  du  fait  de  celui  qui  efl  chargé  de  fa 
condition  y  comme  de  prouver  la  légitimité. 
Ces  fortes  de  conditions  font  regardées 
comme  non  écrites  dans  les  teflamens  ;  &  fi 
c^efl  dans  une  convention  ,  elles  vicient 
l'ade.  Voye^  ce  qu'il  efl  dit  au  commence- 
ment fur  les.  Conditions  en  général. 

Condition  indivïbue  ,  s'entend  Je 
celle  que  chacun  efl  tenu  d'accomplir  en 
entier,  &  qui  ne  peut  pas  fe  divifer  entre 
ceux  qui  en  font  chargés.   l^oj€\  ci^devanf 

Condition  DIVIDUE, 


i6^  C  O  N 

Condition  inept^.,  tient  quelquefois 

■beaucoup  de  la  condidoii  dérlfoire';  elle 
torme  néanmoins  encore.un  ^rnie  particulier, 
U  marque  ,plus  d'imbécillité  que  de  fqlie  : 
telle  féroit ,  par  exemple  ,  la  condition  qu'un 
tellattur  impoferoit  d'enterrer  avec  lui  lès 
babits  ti  Tes  livres  ;  ces  ibrtcs  àt  conditions 
font  rejetécs.  L.  z  2  3-JF.  de  Légat,  j. 

ÇONDITiaN  INVOJ.ONTAIRE,  .voye^ 

Condition  nécessaire. 

Condition  inutile  ;  on  qualifie  ainfi 
celle  qui  n'opère  aucun  eftct  ,  qui  cft  re- 
gardée comm«  non  écrire  ,  &  qui  ne  peut 
liilpcndre  ni  réfoudre  reftét  de  la  conven- 
tion ou  difpofition  ,  laquelle  ett  pure  & 
fnnplc  ,  nonobllant  rappofition  de  la  condi- 
tion inutile  oufupeifiiie  ;  ce  qui  arrive  lorf- 
que  la  condition  cft  rejetée  comme  impolli- 
ble  ou  comme  contraire  aux  loix  ,  à  l' hon- 
nêteté &  aux  bonnes  mœurs  ,  ou  cornme 
incapable  de  produire  Ton  eliét  naturel  ; 
quand  ce  n'efl  qu'une  exprej^ion  d'une  chofe 
inhérente  ,  &  qui  eft  toujours  tacitement 
fous-cntenduç  dans  l'ade. 

Conditions  Jointes,  voy.  Condi- 
moNS. conjointes. 

Condition  de  jurer  ou  de  faire  ferment 
fur  unfaitpafje,  préfent ,  ou  à  venir  y  étoit 
rqetée  chez  les  Romains  dans  les  teftamens 
&  autres  difpofitions  de  dernière  volonté  ; 
l.  8 .  ff.  de  condit.  inftit.  mais  elle  étoit  va- 
lable dans  les  contrats  entre-vifs.   L.  5^. 
J^.  de  jurejurando.  Parmi  nous  cette  condi- 
tion eft  rejetéc  dans  tous  les  ades  ,  foit  en- 
tre-vifs ou  à  caufe  de  mort ,  excepté  dans 
les  jugemens,  parce  que  la  religion  du  fer- 
ment ne  devant  point  être  prodiguée,  il  n'y 
a  que  le  juge  qui  puifle  impofer  cette  con- 
dition.   Les  notaires  reçoivent  néanmoins 
"le  ferment  des  parties. dans  les  inventaires  , 
"&  les  commifTaires  dans  les  procès-verbaux  , 
'enquêtes  ,  &  informations  ;  mais  la  raifon 
eft  qu'ils  font  en  cette  partie  la  fondion  de 

Condition  légale  ,  voye^  ci-devant 
'Condition  de  Droit. 

Condition  licite  ,  eft  celle  qui  n'eft 
point  prohibée  par  les  Ipix,  ;&  qui  n'eft  point 
contraire  aux  bonnes  mœurs. 

Condition  de  se  marier  ,  foit  en 

;  général ,  ou  avec  une  certaine  peffonne  ,  ou 

avec  une  'perfonne  de  tjêlle  ville  ou  tel  lieu , 


ç  0  isr 

e/l  une  condition  licite  ^  ,&  qui  o*a  rien  çorj* 
tre  les  •boi;yies  maurs ,  pourvu  que  ce  ne 
foit  pas  avec  une  perfonrie  .indigne. 

Condition  de  n^  point  se  ma- 
rier, eft  rejetée  clans  les  télJamens ,  &  elle 
annulle  les  aélcs  entre-vifs,  comme  étant 
contraire  ârintérct  public ,  qui  eft  que  l'on 
procure  desiujets  à  l'état  :  mais  hi'  condi- 
tion de  refter  pn  viduité^pçut  être  appofée, 
dans  un  afie  ,  foit  entre-vifs  qu  à  'caule  de 
mort.  -Voye^  ci-après  CoNDÏtjbN  DÉ 
VIDUITÉ. 

Condition  MIXTE  ,  eft  celle  qui^eft 
partie  cafuelle  &  partie  poteftative  ,  c'eft-à- 
dire  qui  dépend  à  la  fois  du  hazard  &:  du 
pouvoir  de  celui  auquel  elle  eft  impoféé*, 
ou  lorfqu'elle  dépend  auffi  en  partie  du  fait 
d'un  tiers.  L.  unie.  §.  j .de  caducis  tollend. 

Condition  MOMENTANÉE  ;  on  ap- 
pelle ainii  toute  condiition  qui  peut  être  ac- 
complie par  un  feul  événement,  &  qui  peut 
arriver  dans  un  inftant;  par  exemple,/^  navls 
ex  AJia  venerit  :  on  regarde  même  comme 
momentanée  celle  qui  demande  du  temps 
pour  être  accomplie,  telle  que  {^condition  de 
bâtir  une  maifon  ,  quoiqu'il  faille  un  certain 
temps  pour  la  bâtir  ;  parce  que  la  condition 
s'accompht  toujours  en  ce  cas  dans  un  feul 
inftant,  qui  eft  celui  où  la  maifon  eft  achevée. 

Condition  nécessaire  ,  eft  celle  qui 
eft  de  la  nature  de  l'adc  :  c'eft  ainfi  que  la 
fubftltution  vulgaire  doit  être  conçue  e;i 
termes  qui  marquent  que  le  premier  infti- 
tué  ne  fera  point  héritier.  y^oy£\  Fernand , 
ad  le  g.  ult.  cod.  de  poftjium,  hered.  injî. 

Condition  négative,  quieftoppo- 
fée  à  la  condition  ajfirmativè  p  eft  celle  qui  efl 
conçue. en  termes  négatifs  :  par  exemple,  /e 
donne  à  un  tel  au  cas  qii  'Une  fe  remarie  pas  ; 
au  lieu  que  l'affirmative  feroit  ^u  cas  qu*il 
fe  remarie.  La  négative  peut  être  poteflative, 
cafuelle  ,  ou  mixte  ,  de  même  que  l'affirtna- 
tive.    Voyei  Condition  casuellè  , 

MIXTE  ,   &  POTESTATIVE. 

Condition  PENDANTE ,  c'cft-à-dire 
celle  qui  n'eft  pas  encore  arrivée  ,  auinéan- 
inqins  n'a  point  manqué  ,  &  d.Qnt  Je  'f^vR^ 
n'eft  pas  expiré. 

ÇONDITIQN  possible  ;  on  ne  com- 
prend pas  fqus  ce  terme  toute  condition  q^î 
peut  ^tre  accomplie  de  fait ,  mais  feulement 
qêIIcs  qui, £çuvent  l'être  jégitimjemept,^^ 


^     .       côH 

qùî  'ne  fetît  p6int  prohîb'^'es  par  les  lôîx  ou 
Confrâîrès  aux  bonnes  mœùr^  ^. 

CôîîDiTÏQN  :foTESTÂtiVË,  elî  cette 
qui  dépend  tTu  fait  Se  'du  poûv'oîr  (i*e  œtùi.  au- 
quel elle  eft  impoiee.  y ûéîqùes-uhk  "ditthi- 
giient  deux  fortes  "de  cbnânhonspoiefiàiîvlés, 
riihë  jiufement  poteîlative  ,  Fàùtré  potçlla- 
tivè  câfijelle  ;  &  meftiè  une  tfmïièmè  forte 
qui  éfl:  la  poteflatlve  négative  ,  qui  coh- 
fifFe  dans  le  pouvoir  de  ne  pas  faire  quelque 
chofe  :  il  eft  néanmoins  certaih  qu'il  n'y  a 
point  de  conâîtioh  purement  pbtettàtivé  af- 
firmative ,  parce  que  tiialgré  l'intention  que 
l'on  petit  avoir  d'accornplir  une  "telle  condi- 
tion y  il  peut  néanmoins  arriver  qu'elle  man- 
que par  quelque  cas  fortuit  ;  c'elt  pourquoi 
cette  condition  èfl  àppelîée  en  droit /ro/n/'A 
cua  ;  il  n'y  a  que  la  négative  qui  foit  tou- 
jours poteftative  :  car  on  eil  toujours  Te  maî- 
tre de  ne  pas  faire  une  chofe  ;  au  lieu  que 
quand  on  veut  l'a  faire  ,  fouyent  on  ne  le 
peut  pias.  Çujâs,  obf.  Uv.  XlV.  ch.  ij. 

Co^jyiTlO^  c[e  pnvfenti ,  fe  rapporte 
aii  temps  préfent ,  comme  fi  l'on  dit ,  j'inf- 
titiie  mon  nevea  mon  héritier  y  au  cas  qu'il 
remporte  le  prix  de  Vacaderhie. 
_  Condition  de  pr'xttrîto  y  fe  rapporte  à 
un  événement  palîe  ,  tel  que  feroit  cette 
çlaufe  ;  je  lègue,  à  un  tel  au  cas  qu'il  ait  rem- 
porté le  p  ri  x.V  oyez  ci-demn  t  Co  ND I TI O  N 
defuturo. 

...  Condition  rtedôublée  :  ce  terme 
u(iré  en  matière  de  futilitution  ,  fe  réfère  or- 
dinairement à  la  condition yz/z/ze  liberis  def- 
cejferit.  La  condition  efl  fimple  lorfque  le 
teltareur  dit  :  pinftitae  Mc^i'ius  ;  &  s'il 
meurt  fans  enf ans  >  je  lui  fuhftitue  Sempro- 
nius.  Mais  fi  le  teftateur  dit  -.j'iriflitue  Mœ- 
vius  ;  Ù  s'il  meurt  fans  en/ans  y  &  fes  en- 
fans  fans  cnfans  ,  je  luifubflitue  y  &c.  c'efî 
ce  que  l'on  appelle  une  condition  redoublée., 
parce  qu'elle  s'applique  tant  ^u  père  qu'aux 
entans. 

Condition  réduplicatïve  ;  eflla 
même  chofe  que  redoublée. 

Condition  résolutive;  efl  celle  qui 
par  l'événement  d'un  cas  prévu,  réfbut  & 
anéantit  fade  qui  avoit  déjà  eu  fon  exécution. 
Voy.  ci-après  CONDITION  SUSPENSIVE. 

Condition  respective  ,  ell  celle 
qui  n'ell  pas  impôiée  purement  &  limple- 
ment ,  mais  relativement  à  quelqu'un. 


C  O  I^  8<^3 

J^cmôïTÏÔÏÏ  RÈSOLÙTïVë  ,  efl  celle 
d'ont  Taf  nVéé  opère  ha  réfolution  de  la  difpo- 
fitioji  ;  elle  efl  oppofée  à  la  condition  Juf-. 
pénjive  y  qui  tient  la  difpofition  en  fuipens 
jùfqu'à  ce  que  ta  condition  fbit  arrivée. 
CÔNDÏtiON  DE   SERMENT  ,  voy.  <•/- 

i/^A'a/zr  Condition  DE  jurer. 

Condition  successive  ;  efl  celle  qui 
ne  s'accomplit  pas  dans  un  feul  infiant  ni 
par  un  feul  fait ,  mais  dont  l'exécution  doit 
fe  continuer  autant  de  temps  qu'il  ell  porte 
dans  l'aâe.  Voye\  ci-dei'ant CoiiBlTlOU 
momèntanëe. 

Condition  suspensive;  on  entend 
par  ce  terme  celle  qui  fait  dépendre  l'effet  & 
la  validité  de  Tade  d'un  événement  à  venir  ; 
cette  efpece  de  Condition  efl  celle  que  les 
loix  appellent  proprement  condition  ;  car  la 
réfolutive  nefufptnd  point  l'effet  ni  l'exécu- 
tion de  l'ade ,  mais  elle  l'anéantit  lorfque  le 
cas  efl  arrivé;  &la  condition  négative  y  la 
charge  &  le  mode ,  quand  il  efl  fondé  fur 
une  caufe  finale ,  ne  font  pas  des  conditions 
proprement  dites  ,  leur  effet  n'étant  pas  de 
fufpendre  l'exécution  de  l'ade,  mais  de 
-  fanéantir. 

CoNDlTIGÔsI  TACITE  ,  efl  celle  qui  efl 
inhértnte  à  la  chofe  ,  &  qui  réfulte  de  !a  na- 
ture du  contrat  ou  de  la  loi,  de  manière 
qu'elle  efl  toujours  fous-entendue,  &  produit 
fon  effet  comme  fi  elle  avoit  été  exprimée  : 
telle  efl  dans  les  contrats  de  vente  la  garantie 
de  droit  ,  c'efl-à-dire  l'obligation  de  fmre 
jouir  de  la  chofe  vendue  ,  qui  efl  toujours 
une  condition  tacite  de  la  vente,  à  moins 
qu'il  ne  foit  dit  qu'elle  efl  faite  (ans  garantie. 

Condition  de  viduitéoz/de  ne 

POINT  SE  remarier,  efl  licite  ,  fur-tout 
lorfque  la  perfonne  a  desenfans  d'un  premier 
mariage  ;  on  préfume  que  cette  condition 
eflappofée  pour  l'intérêt  de  la  famille. 

Condition  volontaire  ,  efl  celle 
fans  laquelle  l'a^e  peut  fubfifler ,  &  qui  pro- 
cède feulement  de  la  volonté  de  celui  qui 
l'impofe  ;  la  différence  de  la  condition  invo- 
lontaire ou  nécejjaire  y  qui  efl  de  l'effence 
de  l'ade  pour  fa  validité.  Voye^  ci~dei.'ant 
Condition  nécessaire. 

Condition  vraie  ;  on  entend  par-U, 
:non  pas  celle  qui  efl  arrivée  &  qui  fe  véri- 
■fie  ,  mais  celle  qui  peut  arriver  &  fe  véri^ 
fier  ;  à  la  d!lï2rence''de  la  condition  fctujfe^ 


8^4  C  O  NT 

qui  efl  celle  où  Te  trouve  mêlé  quelque  fait 
qui  ne  peut  être  accompli  parce  qu'il  eft  im- 
pofilble. 

Condition  utile  ,  eft  celle  qui  pro- 
duit Ton  efîèt  naturel ,  qui  eft  de  fulpendre 
ou  de  réfoudre  la  convention  ou  dilpofition  : 
on  l'appelle  ainli  par  oppofition  aux  condi- 
tions inutiles.  Voyez  ci-devant  CONDI- 
TION INUTILE. 

Sur  la  qualité  &  l'effet  des  différentes  con- 
ditions ^  on  peut  voir  au  digeftele  tit.  de 
condit.  Ù  demonjîrat.  &  au  code  le  tit.  de 
condit.  infert.  légat,  ^fideicom.  &  plufieurs 
autres  où  il  en  efl  parlé.  Cette  matière  eft 
très-bien  traitée  par  M.  Furgeole  ,  dans  Ton 
tr.des  teflam.  tome  II.  ch.  i'ij.fecf.:Z.(^A) 

Condition  ,  {Jurifp.)  dans  quelques 
coutumes  où  il  y  a  des  ferfs  &  gens  de  main- 
morte ou  mortaillables  ,  fignifie  les  gens  de 
condition  feri'e  ou  la  condition  de  main- 
morte ;  par  exemple  la  coutume  d'Auver- 
gne ,  chap.  xxvij.  dit  que  toutes  perfonnes 
font  francs  &  de  franche  condition  ,  encore 
-qu'en  quelques  lieux  il  y  ait  àts  héritages 
tenus  à  condition  de  main-morte.  Cette 
même  coutume  appelle  quelquefois  condi- 
tion fimplement  le  droit  de  main-morte  ; 
droit  de  condition  y  le  droit  de  main-morte 
appartenant  au  feigneur  dired  ;  &  condi- 
tionne' ou  emphyte'ote  conditionne' y  celui  qui 
tient  en  main-morte  ;  &  héritage  conditionné 
ou  fujet  à  condition  y  celui  qui  eiî  main- 
mortable.  Voye^  CONDITIONNÉ.  (^) 

'*' Condition  ,  {Comm.)  terme  re- 
latif à  la  qualité  d'une  marchandife  ;  li  qWc 
pêche  par  quelque  endroit  ou  en  quelque 
point ,  la  condition  ,  dit-on  ,  en  eft  mau- 
vaife  ;  fi  elle  a  toute  la  perfedion  qu'on  a 
coutume  d'en  defirer  ,  on  dit  que  la  condi- 
tion en  ert  bonne.  On  a  fait  de  condition 
le  participe  conditionné. 

CONDITIONNÉ  ,  {Jurifp.  )  dans  la 
coutume  d'Auvergne  ,  efl  un  homme  de 
ferve  condition  ,  de  main  -  morte  ou  de 
fuite.  Ce  nom  paroît  venir  de  ce  que  dans 
l'origine  ,  les  ferfs  &  raain-mortables  ont 
été  foumis  aux  conditions  qu'il  a  plu  au 
feîgaeur  de  leur  impofer.  Suivant  la  cou- 
tume d'Auvergne  ,  chap.  xxvij.  toutes  per- 
fonnes étant  &  demeurans  audit  pays  font 
francs  &  de  franche  condition  ,  pofé  qu'en 
auçyns  lieux  y  ait  héritages  tenus  à  condi- 


C  O  N 

tion  de  main-morte";  mais  ah  pays  de  Coni- 
braille  y  a  aucuns  de  ferve  condition ,  de 
main-morte  &  de  fuite  ,  &  les  autres  francs 
&  af&anchis.  Le  feigneur  dired  qui  a  audit 
pays  droit  de  condition  de  main-morte , 
fuccede  à  fon  emphy téote  conditionné  de  la- 
dite condition  féparé  &  divis  de  fes  parens' 
ou  hgnagers ,  qui  trépafîé  fans  defcendans 
de  fon  corps  en  loyal  mariage,  à  l'héritage 
conditionné  de  ladite  condition  feulement;  le 
co;z^/>/o/2/2^'(i'emphy téote  conditionné)  peut 
aliéner  &  dii'pofer  dcfdits  biens  condition- 
nés  à  ladite  condition  ,  &  de  (qs  autres 
biens  par  contrat  entre-vifs  pur  &  fimpleà 
fon  plaifir  &  volonté  ;  mai§  le  conditionné 
ne  peut  par  teftament ,  contrat  de  mariage , 
afîbciation  ,  ni  autre  ade  faire  héritier  ou 
convention  de  fuccéder  au  préjudice  du 
feigneur  dired  ayant  le  droit  de  condition  / 
l'emphytéore  conditionné  efl  tenu  à  ladite 
condition  ,  depuis  qu'il  efl  parti  ou  divis  de 
fes  frères  &  fœurs  ou  autres  lignagers  ;  il  ne 
peut  faire  pade  de  fuccéder  par  contrat 
d'afîôciation  ni  autrement  avec  (qs  frères 
lignagers  ou  autres  ,  au  préjudice  du  fei- 
gneur dired  ayant  le  droit  de  condition  y 
pour  empêcher  que  ce  feigneur  ne  lui  fuc- 
cede à  défaut  de  defcendans  en-  loyal  ma- 
riage es  biens-meubles  de  ladite  condition. 
On  ne  peut  dire  ni  juger  qu'il  y  ait  eu  par- 
tage entre  le  conditionné  &  Çqs  frères  ou  li- 
gnagers ,  par  la  feule  demeure  féparée  du 
conditionné  &  de  fes  autres  frères  ou  parens 
par  quelque  laps  de  temps  que  ce  foit ,  s'il 
n'y  a  partage  formel  tait  entre  le  conditionné 
&  (qs  frères  ou  hgnagers ,  au  commence- 
ment de  partage  par  le  partement  du  chan- 
teau.  Le  feigneur  dired  ayant  le  droit  de 
condition  y  ne  lùccede  point  à  la  fille  mariée 
de  fon  conditionné  qui  meurt  fans  defcen- 
dans ,  encore  qu'il  lui  ait  été  conflitué  en 
dot  l'héritage  fujet  à  la  condition  ;  ce  font 
les  lignagers  ,  &  à  leur  défaut  le  feigneur, 
quant  à  l'héritage  conditionné  donné  en  dot.' 
Mais  aufïi  le  feigneur  n'efl  pas  préféré  en 
la  fuccefllon  de  fon  emphytéote  conditionné 
à  ladite  condition  y  à  la  fille  mariée  du  con- 
ditionné y  encore  qu'il  n'y  eût  point  d'autres 
enfans  du  conditionné  ;  &  nonobflant  que- 
la  fille  eût  été  mariée  du  vivant  de  fon  père 
&  hors  fa  raaifon ,  la  fille  eft  toujours  pré- 
férée au  feigneur  dired. \  A) 

.'  Conditionné, 


C  O  N 

Conditionné,  ÇComm.)  Voyei^  Con- 
dition (  Commerce.) 

CONDITIONNEL,  ad).  (Gramm)  ce 
qui  n'eft  point  ablplu  ;  ce  qui  eft  fujet  à  des 
reftridions  ÔC  des  conditions. 

Les  théologiens  arméniens  foutiennent 
que  tous  les  décrets  de  Dieu  ,  relatifs  au  fa- 
iut  ou  à  la  damnation  des  hommes  ,  font 
conditionnels;  les  Gomariftes  au  contraire 
foutiennent  qu'ils  font  abfolus ,  &c. 

En  Logique,  \t%propo(itions  conditionnel- 
les admettent  toutes  fortes  de  contradic- 
tions ,  comme  ,  par  exemple  ^fi  ma  mule 
tranfalpine  s'efi  envolée ,  ma  mule  tranf al- 
pine avait  des  ailes.  Koye-^  PROPOSITION. 
Chamhers. 

Conditionnel,  {Jurifp.)  fignifietout 
ce  qui  eft  ordonné  ou  convenu  fous  quelque 
condition  ,  foit  par  jugement ,  foit  par  dif- 
pofition  entre-vifs  ou  de  dernière  volonté, 
toit  par  convention  ou  obligation  verbale 
&  par  écrit  ,  fous  feing-privé  ou  devant 
notaire;  ainfi  l'on  dit  une  difpojîtion  ,  infli- 
tution  ^un  legs  conditionnels,uneoh\'iga.non 
conditionnelle ,  &:c.  /^.  CONDITION.  (^J 
^  *  CONDITIONNER,  v.ad.  CComm.) 
c'eft  donner  à  une  marchandife  toutes  les 
façons  néceflaires  pour  la  rendre  vénale  :  il 
a  encore  une  autre  acception  ,  il  fe  prend 
pour  certaines  façons  arbitraires,  qu'on  ne 
donne  à  la  marchandife  que  quand  elle  eft 
furie  point  d'être  livrée,  &:  que  l'acheteur 
exige  cette  façon  :  il  eft  encore  fynonyme 
à  ajfortir  dans  quelques  occafions.  On,  dit 
conditionner  la  foie.  Foye:^  SoiE. 

§  CONDOM,  {Géog.)  Condomium  Vaf- 
conum  ,  ville  de  Gafcogne  ,  capitale  du 
Condomois ,  avec  évêché  érigé  en  13 17 
par  Jean  Clément  XXII;  cette  ville  eft 
grande,  peu  peuplée  6c  pauvre ,  faute  de 
commerce;  elle  fut  prife  &  ravagée  en 
i>)69  par  Gabriel  de  Mongommery ,  chef 
des  proteftans  ;  c'eft  la  patrie  de  Scipion 
Dupleix,  huloriographe  de  France;  de 
Blaife  deMontluc,  dont  nous  avons  d'ex- 
cellens  méinoires  hiftoriques;  du  P.  Gai- 
chiis  de  l'oratoire  ,  théologal  de  Soiftons, 
mort  en  173 1  ,  dont  les  maximes  fur  la 
c/iair  furent  li  eftimées  lorfqii'elles  parurent 
en  1737  ,  qu'on  les  attribua  à  M.  MaftiHon  ; 
&  de  M.  Sabathier ,  auteur  d'un  dic- 
lionnaire  clajjicjue  des  antiquités,  i/j-o^. 
Tome  VIU. 


CON  865 

Se    de   plufteurs    autres    bons     ouvrages. 

MM.de  l'oratoire  y  ont  le  collège  &la 
peniion  où  a  été  élevé  M.  de  Montazet , 
lUuftre  archevêque  de  Lyon  :  le  grand  Bof- 
fuet  a  été  évêque  de  Condom. 

Le  chapitre  ne  fut  fécularifé  qu'en  i549> 
à  la  requifirion  de  Henri  &  de  l'évêque 
Charles  de  PilTeîeur. 

Le  diocefe,  qui  contient  cent  quarante 
paroift'es  &:  quatre-vingt  annexes,  eft  un 
démembrement  de  celui  d'Agen,  au-delà  de 
la  Garonne,  Se  fuffragant  de  Bordeaux.  (C) 
Long.  18  ,    2  ;  lat.  4  4 . 

CONDOM  A,  f.  m.  {kifi.  nat.  QuadrM- 
ped.)  animal  dont  on  n'a  encore  vu  en 
Europe  que  la  tête  ,  armée  de  fes  cornes. 
Les  habitans  naturels  du  cap  de  Bonne- 
Efpérance,  lui  donnent  le  nom  de  condoma\ 
Kolbe  en  fait  une  defcription  au  volume, 
III  de  fa  difcription  du  Cap  de  Bonne-Efpé- 
rance  ,  page  42  ,  fous  le  nom  de  chèvre  faU' 
vage,  nom  qui  paroit  lui  convenir  davan- 
tage que  celui  de  firepjiceros ,  que  lui  donne 
Caïus,  dans  l'ouvrage  de  Getner ,  de  qua" 
drupedibus  ,  page  2^5  ;  car  ,  félon  la  re- 
marque de  M.  de  BufFon ,  à  l'article  de  cet 
animal,  édition  i/z-ii  de  1769,  volume 
X,  pag.  40 j  ,  leftrepftcerosde  Pline  &  des 
anciens  eft  l'antilope,  que  nous  regardons 
comme  un  animal  approchant  de  !a  gazelle, 
quoique  formant  un   genre  particulier. 

Le  condoma  eft  un  animal  de  la  taille  d'un 
grand  cerf,  à  jambes  fort  longues,  mais-bien 
proportionnées  ,  à  fête  armée  de  deux 
grandes  cornes  creufes,  applaties,  portant 
deux  arêtes  longitudinales,  l'une  en-defîiis^ 
l'autre  en-deftbus ,  &  quelques  rugofités 
comme  les  cornes  du  bouc,  &c  non  pas 
Aqs  anneaux  ;  longues  de  deux  pies  à  leur 
extrémité,  droites  ,  mais  fléchies  de  deux 
tours  de  fpirale;  il  porte  au  menton  une 
barbe  grife  &  fort  longue;  fa  queue  eft 
médiocrement  longue  ôc  atteint  jufqu'aux 
genoux. 

Son  poil ,  fulvant  Kolbe ,  eft  blanc  fous 
le  ventre ,  gris  fur  le  refte'  du  corps ,  femé 
de  quelques  petites  taches  rouges ,  &  coupé 
par.  une  raie  blanche  qui  s'étend  le  long 
du  dos  ,  depuisia  tête  jufqu'à  la  queue ,  trois 
autres  raies  blanches  coupent  celle-ci  en- 
travçrs  ;  la  première  au  bas  du  cou ,  dont 
elle,  fait  le  .tour;  ia  féconde  derrière  les 

Qqqqî 


8é6  C  O  N 

jambes  de  devant  ;  &c  la  trolfieme  devant 
les  jambes  de  derrière,  en  faiCant  le  tour 
du  corps.  Le  maflacre  que  j'ai  vu  cette 
année  (1771),  chez  M.  de  Mori,  caiilier 
de  la  compagnie  des  Indes ,   à  qui  il  avoit 


C  O  N 

Ittria  parvîfolia  fzainda  cl'.nj.  Ion  hirharîum 
Amhoïnicvm  ,  volume  III  ^  p.  \yj\.  ^plan- 
che CIX^  fig.  A^  eft  un  g^rand  aîbre  qui 
s'élève  à  la  hauteur  de  foixante-dix  pies; 
Ton  tronc  a  douze  ou  vingt    pies  de  hau- 


été  apporté,    comme    venant  de   l'Ame-    teur,  fur  quatre  ou  cinq  pies  de  Ji^mefre; 
rique,  avoit  le  frontcouvertdepoils  courts,    il  eft  couronné  par  une  cime  ovoïde  d'un 


j7  ^  r  'I 

roux ,  avec  une  raie  bUnche  en  chevron 
brifé  \  dont  la  pointe  regardoitTocciput. 

Maurs.  Le  condoma  Iwbite  les  montagnes 
à\\  cap  de  Bonne-Efpérance ,  où  il  paroi; 
être  aflez  rare,  vu  ia  petite  quantité  ù.gs 
jnairacres  qui  en  font  parvenus  jufqu'icien 
Europe  malgré  leur  grande  beauté ,  & 
qui  fe  font  trouvés  dans  le  garde-meuble 
de  fa   majefté. 

Rcrnarquis.  Le  condoma  approche , 
comme  l'on  voit ,  du  bouc  par  Tes  cornes 
app'aties  &  cieufes,  &  par  la  barbe  qu'il 


porte  au  meiuon;  mais  il  en  diffère,  en 
ce  i\\xQ  ces  cornes  porrent  deux  arêtes,  & 
qu'elle;  font  droites  6«:  fléchies  feulement 
.  iaiiS  é:re  roulées  en  fpirale.  Par  ces  divers 
caraék^res  ,  cet  animal  fe  rapproche  du  gib , 
que  nous  avons  obfervé  au  Sénégal  ;  il  a 
tîîcore  la  livrée  comme  le  gib,  6c  l  on  peut 
regarder  ces  deux, animaux  comme  formant 
un  genre  particulier ,  veinn  du  bouc ,  hir- 
cus ,  qui  fe  range  naturellement  dans  la 
fam-l'eàlaquelle  je  donne  le  nom  de  fapiil/e 
des  hœu/s.  ("M.  Adanson.J 

CONDOMOIS  {\.^),Géog.  mod.  petit 
pays  de  France  en  Gafcogrte,  dans  ia  Guien- 
ne  ,  dont  Condom  eft  la  capitale. 

CONDOR,  voyei  CUNTUR. 

CONDORÉ  (Iles  de)  ,  Géog.  mod.  îles 
i'Afie  dans  la  mer  des  Indes,  au  midi  du 
royaume  de  Camtoye  ;  les  habitans  en  font 
iiLk)là:re'?.  Laf.  8  ,  4. 

GONDOUî ,  f.  m.  {Hifi.nat.  hot.)  on 
ecnnoît  fous  ce  nom,  dans  l'Inde,  depu* 
k  Chine  jufqu'au  Malabar ,  en  y  compre- 
ssant les  lies  m;;luques ,  trois  fortes  d'arbres 
qui  font  très-précieux  aux  habitans  de  ces 
pays,  parce  que  leurs  graines  ,  qui  font  d'un 
b^^au  rouge  de  corail,  leurs  fervent  de  poids 
pour  pefer  l'argent.  Caradérilbns  cts  trois 
«fpeces. 

Fremlere  tfpcu.  CoN'DOîU. 

Le  vrai  condor'i^  ainfi  appelle  par  les 
Malays,  &  tfchonghidji  par  les  Chinois, 
gravé  par  Rurnphe  fou&  le  nom  de  ce? /u/- 


afpeft  agréable  ,  une  fois  plus  loneue  qve 
large,  formée  par  un  petit  nombre  de  Ixa  fi- 
ches alternes,  k'ngi'es  ,  cylindriques ,  écar- 
tées fous  un  angle  de  quarante-cinq  degrés, 
difpofées  circulairement ,  à  bois  blanc  d'a- 
bord, à  aubier  blanc ,  couvert  d'une  ecorce 
cendrée  lilTe. 

Les  feuilles   font  alterne'? ,   longues    de 
huit  à  neuf  pouces ,    de  noitié  moins  lar- 


ges ,  pinnées  fur  deux  rangs,  clcnt  le  pre- 
mier eft  de  trois  à  quatre  p/ai-es  de  divi- 
fiorw,  chacune  de  cinq  à  f>x  paires  de  folio- 
les,  avec  une  impaire;  chaque  fobole  eft 
elliptique,  poinfue  à  fes  dtux  extrémités, 
longue  d'un  pouce  &  demi  à  deux  pouces  , 
preiqu 'une  fois  moins  large,  entière,  lilTe» 
formée,  lui  an  te,  d'un  vèrd  glauque  ou 
■i'enârre,  relevée  en-delfous  d'une  côtelon- 
ciîudinale  qui  traverié  fon  milieu  en  deux 
parties  inégales,  &  qui  jette  de  chaque 
côté  trois  nervures  ahernes  &  portées 
prefqu'horizontalement  fur  un  pédicule  cy- 
lindrique extrêmement  court;  ces  feuilles 
ont  tous  les  foirs,  au  coucher  du.loleil,. 
un  mouvement  par  lequel  eiles  fe  plient,, 
c'eft- à-dire,  fe  ferment,  les  unes  en-defius,, 
les  autres  en-deifous ,  pour  s'épanouir  de 
nouveau  le  lendemain  au  lever  duibleil. 

Les  branches  font  terminées  par  un  pa- 
nicule  à  deux  branches  en  épi ,  autTi  longues 
que  les  feuilles  ,  dont  chaque  épi  porte  cn- 
vii on  vingt-cinq  fleurs,  blanches  d'abord,, 
enfuite  jaunâtres,  ouvertes  en  étoile,  de 
quatre  à  cinq  lignes  de  diamewe  ,  portées 
fur  un  pédicule  cyJindrique  égal  à  leur 
longueur. 

Chaque  fleur  efl:  hermaphrodite ,  com- 
plète ,  poly pétale,  irréguiicre  ,  légumi- 
neufe,  pofée  au  deifous  de  l'ovaire,  loirt 
.du  diique  qui  le  fupporte.  Elle  conffte  en 
un  calice  persiflant  ,  à  tube  cylindrique  y 
court ,  divifé  en  cinq  dents,  en  une  co- 
rolle une  fois  plus  longue,  de  cinq  pé- 
tales a(lez  égaux  &  réguliers  ,  elliptiques,, 
pomtus,  une  fois  plus  lor<gs  que   larges  >, 


C  O  N 

d'abord  blancs,  enfuite  jaunâtres,  &  en 
dix  étamines  diftinéles  un  peu  plus  lon- 
gues ,  à  anthères  jaunes.  Du  fond  du  ca- 
lice s'élève  un  petit  difqae  en  pédicule  cy- 
lindrique, portant  un  ovaire  elliptique 
comprimé,  termtné  par  un  difque,  cou- 
ronné par  un  ftigmate  ovoïde,  placé  fur 
un  de  fes  côtés. 

L'ovaire  en  mûriflant  devient  un  légu- 
me elliptique  très-plat ,  courbé  en  forme 
de  fabre ,  long  de  trois  pouces  ,  quatre 
à  cinq  fois  moins  large  ,  d'abord  verd  , 
enfuite  noirâtre  extérieurement ,  jaune  in- 
téiieurement ,  s'ouvrant  en  deux  valves 
ou  battans  qui  fe  roulent  en  une  à  deux 
fpirales  ,  partagées  en  cinq  à  fix  loges ,  qui 
contiennent  chacune  une  graine  lenticu- 
laire ,  femblable  à  celle  du  lupin ,  ou  de 
la  grandeur  de  l'ongle  du  petit  doigt ,  c'eft- 
à-dire ,  de  cinq  lignes  environ  de  diamè- 
tre, liflè,  luifante  ,  d'un  rouge  de  corail , 
plus  foncé  dans  fon  contour ,  qui  eft  tracé 
par  une  ligne  circulaire  qui  y  forme  une 
efpece  d'anneau,  blanc- jaunâtre  intérieu- 
rement, attachée  d'un  côté  par  un  petit 
trait  au  bord  fupérieur  du  légume,  &  tom- 
bant facilement  fur  la  terre  qui  en  eft  fou- 
vent  couverte. 

Culture.  Le  Condori  croit  communément 
dans  les  provinces  méridionales  de  la  Chine, 
fur-tout  à  Chamchia-Hayting,  &  dans  l'île 
d'Aymyu  ;  dans  les  plaines  maritimes  ,  au 
bord  des  forêts.  Dès  que  fes  graines  tom- 
bent fur  la  terre ,  elles  germent  &  s'élèvent 
en  petits  arbrifleaux ,  qui  commencent  à 
ileurir  dès  la  quatrième  année  :  le  temps  de 
leur  fieuraifon  eft  le  mois  de  feptembre. 

Qualités.  Toute  la  plante  a  une  faveur 
douce  &  légumineufe. 

Ufages.  Sqs  graines ,  qui  portent  propre- 
ment le  nom  de  condori ,  fervent  comme 
nous  l'avons  dit,  dans  toute  l'Inde,  de  poids 
pour  pefer l'argent,  parce  qu'elles  font  plus 
égales  en  gravité  qu'aucune  autre  graine  de 
plante  :  dix  de  ces  grains  pefent  un  taél, 
c'eft-à-dire,  dix  gros  ou  une  once&  un  quart. 
Deuxième  efpece.  AylaRU. 

Les  habitans  dAmboine  appellent  du 
nom  à'aylaru  &  aylalu^  &.  lesMalays  laga- 
pophon,  une  féconde  efpece  de  condori  très- 
bien  gravée  ,  avec  une  petite  partie  de  fes 
détails ,  par  Rumphe  ,  fous  le  nom  coral- 


C  O  N  897 

larid parvifolia primaj  dans  fon  Herbarium 
Amboinicum  ,  volume  III  ^  p.  '7J  ,  plan- 
che CIX ,  fig.  I  ,  qui  ne  diffère  de  la  pre- 
mière qu'en  ce  que,  1°.  c'eft  un  arbre  un 
peu  moins  grand,  de  foixante  pies  au  plus 
de  hauteur;  1°.  fes  folioles  font  elliptiques, 
pointues  aux  deux  bouts ,  une  fois  &  demie 
à  deux  fois  plus  longues  que  larges;  3^.  le 
panicule  des  fleurs  eft  partagé  en  quatre 
branches  en  épi;  4^^.  les  légumes  ont  huit 
pouces  de  longueur,  fur  douze  à  quinze  fois 
moins  de  largeur ,  &  douze  à  quinze  loges  ; 
5*^.  fes  graines  n'ont  que  quatre  lignes  &; 
demie  de  diamètre. 

Culture,  L'aylaru  croît,  mais  en  petite 
quantité,  à  l'Ile  d'Amboine ,  fur  le  rivage 
maritime;  on  le  plante,  à  catjfe  de  fa  forme 
élégante  &  de  fon  ombre  agréable,  autour 
des  maifons,  dans  les  terrains  fablonneux 
où  il  croît  fort  vite  en  s'étendant  beau- 
coup ;  il  confervA  une  verdure  plus  vigou- 
reufe  ,  &  fes  graines  écarlatesqui  fe  mon- 
trent au  milieu  de  fes  légumes  ouverts,  pré- 
fentent  un  coup  d'oeil  agcéable. 

Ufages.  Les  orfèvres  de  ces  î'es  d'Am- 
boine emploient  ces  graines  au  défaut  de 
celles  de  l'abrus ,  pour  fouder  l'or  avec  les 
autres  métaux  ,  quoique  fa  vertu  foit  beau- 
coup moindre  pour  cet  effet. 

Ces  graines  pefent  moitié  moins  que  celles 
du  condori ,  &  il  en  faut  quinze  pour  égaler 
le  poids  de  dix  condori. 

Troifieme  efpece.  GONSII. 

l^Qgonfii  ou  gunfi  ou  gunfchidts  Brames, 
que  les  Portugais  appellent  mangelins,  &  les 
Mollandois  mangelyns  &weeg-boonen^  a  été 
fort  bien  gravé  par  Van-Rheede  ,  dans  fon 
Hortus  Malabaricus  ,  volume  VI^  planche 
XIV.  p.  z6 ,  fous  le  nom  àe  mandsjadi 
ou  mantsjadi;  c'eft  Vadenantherai paronina 
foliis  utrinque  glabris  de  M.  Linné  ,  dans 
(on  S  y ftema  naturœ ,  édition  il,/'.  ^i)4» 

Cette  troifieme  efpece  diffère  des  deux 
précédentes  parles  caraderes  fuivans  ,  i**. 
l'arbre  qu'elle  forme  eft  plus  grand  ,  c'eft-à- 
dire  ,  de  quatre-vingts  pies  de  hauteur  en- 
viron ;  2".   fon  bois  a  le  cœur  rouge;  3*. 
{qs  feuilles  ont  douze  à  quatorze  pouces  de 
j  longueur  &une  fois  moins  de  largeur  :  elles 
ont  quatre  à  cinq  paires  d'ailes,  chacune  à 
trois  ou   fix  paires  de  folioles  elliptiques , 
i  obtufes  aux  ds^x  extrémités ,  longues  d'un 
Qqqqq  2 


868  C  O  N 

pouce  &  demi,  une  fois  moins  larges  , 
minces,  molles,  verd-foncé  defTus,  clair  def- 
fous  ;  4°.  l'épi  des  fleurs  qui  fort  de  l'aifl^elle 
de  chacune  des  feuilles  fupérieures,  eft  une 
fois  plus  court  qu'elles,  &  porte  quarante  à 
cinquante  fleurS  ,  dont  les  étamines  font  à 
peine  égales  en  longueur  à  la  corolle;  5°. 
les  légumes  ont  huit  à  neuf  pouces  de  lon- 
gueur fur  une  de  largeur  huit  à  neuffois 
moindre ,  ôc  douze  à  feize  loges  ;  6*^.  fes 
graines  n'ont  que  quatre  lignes  de  dia- 
mètre. 

Culture.  Le  gonjîi  fe  trouve  communé- 
ment au  Malabar ,  fur-tout  autour  de  Man- 
gatti ,  Cochin,Beikenkour ,  dans  les  terres 
fablonneufes  :  il  eft  toujours  verd ,  il  ne  com- 
mence à  porter  fleurs  qu'à  la  vingtième 
année  feulement  après  celle  où  il  a  été  femé; 
il  fleurit  en  feptembre,  &  (qs  fruits  font 
mûrs  en  décembre  &  janvier;  il  vit  long- 
temps, &  même  au-delà  de  deux  cents 
ans. 

Qualités.  St^  feuilles  ont  une  faveur  de 
fève  ,  mais  légèrement  amere  ;  it^  graines 
ont  le  goût  de  fève. 

Ufagss.  Son  bois  eft  employé  journelle- 
ment à  divers  ufages  à  caufe  de  fa  dureté  ; 
le  bas  peuple  du  Malabar  en  mange  les 
graines  cuites  ou. pilées.  Ces  graines  pefent 
encore  moins  que  celles  d'Amboine  ;  les 
orfèvres  s'en  fervent  pour  pefer  les  ouvrages 
d'argent,  ils  les  emploient  aufti  huraedées 
dans  l'eau  &  pilées  avec  le  borax  ,  pour  re- 
'  coller  les  morceaux  brifés  des  vafes  de  prix. 
Ses  feuilles  pilées  fourniftent  une  boiflbn  qui 
appaife  les  douleurs  des  lombes. 

Remarques.  Le  cûndori  eft  li  connu  &  fi 
en  ufage  dans  toute  Tlnde ,  qu'il  m'a  paru 
fuperflu  d'employer  le  nouveau  nomà^ade- 
nanthera ,  c'eft-à-dire  anthère  glanduleufe^ 
que  M.  Linné  a  tenté  de  lui  fubftuueren  con- 
tondant ces  trois  efpeces ,  qui ,  comme  l'on 
voit,  font  très-différentes.  Ces  trois  plantes 
forment  un  genre  particulier,  qui  fe  range 
naturellement  dans  la  première  fedion  de 
la  famille  des  lé^umineufes  où  nous  l'avons 
placé.  V^.  nos  Familles  des  plantes ,  volume 
II.,  page  3/<y.  ('M.  Ad  AN  SON.) 

CONI)ORlN,  (.m.(Comm.)  forte  de 
peut  poids  dont  les  Chinois ,  particulière- 
ment ceux  de  Canton,  fe  fervent  pour  pe- 1 
fer  Ôt  débiter  l'argent  dans  Ls  commerce  : 


C  O  N 

il  eft  eftimé  un  fou  de  France.  V.  les  dicf. 
du  Comm.  6*  de  Trév. 

CONDORMANT,  f.  m.  {Tkéol.)nom 
des  feftes  ;  il  y  en  a  eu  deux  de  ce  nom.  Les 
premiers  Condormans  font  du  xiij  fîecle^ 
&  n'infefterent  que  l'Allemagne.  Ils  eurent 
pour  chef  un  homme  de  Tolède.  Ilss'aflem- 
bloient  dans  un  lieu  près  de  Cologne  ,  & 
là  ils  adoroient ,  dit-on ,  une  image  de  Lu- 
cifer ,  6>c  y  recevoient  fes  réponfes  &  {es 
oracles.  La  légende  ajoute  qu'un  eccléfiaf- 
tique  y.  ayant  porté  l'euchariftie ,  l'idole  fe 
brifa  en  mille  pièces.  On  les  appella  Con- 
dormans ,  parce  qu'ils  couchoient  tous  en- 
fèmble  ,  hommes  ,  femmes ,  dans  la  même 
chambre  fous  prétexte  de  charité. 

Les  autres ,  qui  s'élevèrent  dans  le  xvj 
fiecle ,  étoient  une  branche  des  Anabaptiftes. 
Ilsfaifoient  coucher  dans  une  même  cham- 
bre plufieurs  perfonnes  de  difFérens  (exes.^ 
fous  prétexte  de  charité  évangélique.  f^oy, 
les  diciion.  de  Moreri  ,  de  Trévoux  ,  &  de 
Chambers.  (G) 

,  CONDRIEU ,  (Géog.  mod.)  petite  ville 
de  France  au  Lyonnois ,  près  du  Rhône, 
remarquable  par  Îqs  vins.  Long.  22, 2(?.;  lot. 
4S  ,  iS. 

CONDRILLE,  f.  f.  (Hifl.  nat.  hot,) 
chondrilla\  genre  de  plante  dont  la  fleur  eft 
un  bouquet  à  demi-fleurons  portés  chacun 
fur  un  embryon  ,  &  foutenus  par  un  caUce 
qui  eft  un  tuyaucylindrique.  Lorfque  la  fleur 
eft  paflfée,  chaque  embryon  devient  une  fe- 
mence  garnie  d'une  aigrette.  Tournefort  ,. 
in^it.  rei  herb.  Voyei  PLANTE,   (jj 

CONDROZ  (le),  Géog.  mod.  petit  pays 
d'Allemagne,  au  cercle  de  Weftphalie., 
dans  le  pays  de  Liège  ,  dont  Huy  eft  la 
capitale. 

CONDUCTEUR ,  f.  m.  CGramm.J  ce- 
lui qui  en  conduit  un  autre,  qui  lui  fert 
de  guide  ds  peur  qu'il  ne  s'égare.  Ce  terme 
fe  prend  au  fimpie  &:  au  figuré.  V^oje^  les 
articles  fuinans.. 

Conducteur,  CPAj/^.J  depuis  quel- 
que temps  fe  dit  aufl[i  en  parlant  d'expé- 
riences d'éledricité,  d'un  corps  ifolé,  c'eft- 
à-dire  foutenu  fur  des  cordons  de  ioie,/ur 
duvene,  &c.  confidéré  comme  communi- 
quant ou  tranfmettant  à  un  ou  à  piufieurs 
corps  la  vertu  électrique  qvi'il  reçoit  d'uii. 
autrej  ainfl  luie  corde  mouiiiée ,  uae  chaînejf, 


C  O  N 

un  fil-d'archal ,  &  en  général  tout  corps 
ële<ftrirable  par  communication  (^voy.  ÉLEC- 
TRICITÉ), regardé  commechargé  de  tranf- 
mettre  cette  vertu  d'un  corps  à  un  ou  à 
plufieurs  autres ,   eft  dit  un  conducteur. 

D'après  cette  définition  on  pourroit  con- 
clure que  dans  un  fyftême  de  corps  é!ec- 
trifés  par  un  globe,  un  tube,  &c.  on  devroit 
appellerla  plupart  de  cqs  corps  conducteurs  ^ 
puifqu'ils  Ibntprefque  tous  dans  le  cas  de 
fe  tranfmettre  fucceflivement  l'éleclricité  ; 
cependant  ce  feroit  contre  l'ufage ,  qui  ne 
leur  donne  ce  nom  qu'autant  qu'ils  font  en- 
vilagés  ,  ainfi  que  nous  venons  de  le  dire, 
comme  chargés  de  cette  font^ion.  Dès  que 
cette  confidération  cefle,  ils  le  perdent ,  & 
rentrent  dans  la  clafle  des  corps  éleélriques 
ordinaires. 

On  appelle  encore  conducteur  ou  plutôt  le 
conducteur^  un  corps  ifoîé,  éleftrifable  par 
communication  ,  qui  reçoit  la  vertu  é'ec- 
trique  immédiatement  d'un  globe  ou  d'un 
tube  pour  fiire  différentes  expériences, 
quoique  fouvent  il  ne  ferve  nullement  à 
tranfmettre  cette  vertu  à  aucun  corps  :  mai 
comme  on  l'emploie  aufîi  à  cet  ufage ,  au- 
quel cas  il  devient  le  premier  de  tous  les 
conduclzurs  ,  les  autres  corps  quelconque^ 
éleclrilés  ne  l'étant  que  par  la  vertu  éleftri- 
qu.:  qu'il  leur  communique  ,  on  lui  a  donné 
le  nom  de  cette  fonélion  en  l'appellantfim- 
plement  le  conducteur  ^  comme  pour  dire  le 
premier  de  tous.  VoyeT^  les  Planches  de  C  élec- 
tricité ,  planches  phyjîque s. 

Avant  de  rien  dire  de  particulier  fur  z&s 
deitx  diffé.ens  conducteurs^  il  eft  à-propos 
de  rapporter  q.ielques  faits  au  moyen  def 
quels  nous  ferons  en  état  de  déterminer 
plus  précilement tout  ce  qu'il  faut  obfervei 
à  leur  égard. 

Ces  faits  peuvent  (e  réduire  aux  trois  fui- 
vans  :  1*^.  l'eau,  les  métaux  ÔsTquelques  êtres 
animés,  comme  un  homme  par  exemple  , 
font  ies  (e*iles  fubflancos  connues  qui  tranf- 
metrent  l'éleélricité  en  entier,  voy.  Élec 
TR.ICITÉ  ;  lesau'^res  la  tranfmettanr  plus  im- 
parfaitement &  pins  difficilement,  &  en 
arrêtant  d'autant  plus  qu'elles  font  plusé'ec- 
trifables  par  frottement  yvoy.  ÉLECTRICI- 
TÉ :  iP,  cians  un  corps  électrique  ,  ks  poin- 
tes, les  angles,  &  en  général  toutes  les  par- 
ties faiiltintes  fur  fafurface,  dontles  extcé- 


C  O  N  859 

mités  font  aiguës,  font  autant d'iffues,  ainfi 
que  nous  l'a  appris  M.  FranWin  ,  par  où  fe 
diffipe  le  fluide  éleftrique;  &c  les  aigrette? 
de  feu  que  l'on  voit  à  ces  parties  ne  font 
formées  que  par  ce  fluide  qui  en  fort;  car  l'é- 
leftricité  a  cela  dé    remarquable ,    qu'elle 
paflTe  &  fe  fait  jour  à-travers  les  pointes  &c 
les    angles  des  corps  ,  comme  le  font  les 
fluides   à-travers  les  ouvertures   à^s  vafes 
dans  lefquels  ils  font  retenus.  Ainfi  de  mê- 
me qu'un  réfervoir ,  dans  lequel  fe  décharge 
une  fource  qui  coule  toujours  également , 
paroîtra   plus  ou  moins  plein ,    félon  qu'il 
aura  des  fentes  ou  des  trous  plus  ou  moins 
grands,  ou  plus  ou  moins  multipliés  par  où 
l'eau  pourra  s'écouler  ;  de  même  en  regar- 
dant l'éleiftricité  fournie  par  le  globe  com- 
me confl:ante  ou  toujoijrs  la  même ,  elle 
paroîtra  plus  ou  moins  forte  dans  le  fyflêf- 
me  de  corps  éledrilés  par  ce  globe ,  (eion 
qu'ils  auront  moins  ou  plus  de  ces  parties 
aiguës  par  où  le   fluide   éîeftrique  pourra 
s'échapper.  Enfin  le  verre  &  les  autres  fubf- 
ances  éle61:rifablts  par  frottement,  ont  la 
propriété  de  repoufler ,  fi  cela  fe  peut  dire, 
le  fluide  éledrique,  de  façon  qu'elles  l'em- 
pêchent de  s'échapper.  Ainfl  une  aigrette 
partant  de  la  pointe  d'un  corps  éleftrique 
quelconque  dans  une    certaine    direAion, 
en  prendra  une  autre  dès  qu'on  en  appro- 
chera du  verre ,  &  cette  nouvelle  direftion 
fera  telle  que  l'aigrette  parœtra  comme  lé 
fuir.  On  trouve  à  la  fuite  des  lettres  de  M. 
l'abbé  Noliet ,  pag.  zSJ,  un  fait  obfervé  par 
cet  habyle  phyficien  ,  qui  confirme  pleine- 
ment ce  que  nous  venons  d'avancer.  Il  dit 
dans  cet  endroit ,  qu^il  parut  évident  par  ies 
aigrettes  que  donnoient  à  voir  les  quatre  an- 
gles d^iine  tringle  de  fer  recouverte  d'un  tuyau 
de  verre^  &  par  la  vivacité  des  étinczlUs  quon 
en  tirolt ^  que  cette  enveloppe  rendait  l'élec-- 
tricité  bien  plus  forte  quà  iordinaire^  ;  de 
forte ,  continue- t-il ,  qu'ion  peut  dire  que  cèjl 
tin  nouveau  moyen  de  faire  prendre  ou  de  con- 
fen'er  aux  conducliUTS  une  plus  grande  vertu,. 
Ces  faits  une  fois  connus,  on  voit  que 
par    rapport   aux  conducteurs  en  général*, 
ou  lortqu'on  veut  fimpleinent  tranfmettre 
•  'éleêlricité  d'un  corps  à  un   autre ,   il  faut 
employer  les  fubiî'ancês  les  plus  électrifa- 
bies  par  communication  qu'il  efl:  poflible,. 
comme  l'eau,  les  métaux,, é-c.  L'eau  mente. 


2jo  C  O  N 

a  cet  avantage ,  que  toutes  fortes  de  fuhC- 
tances,  comme  pierres,  bois,  &c.  qui  en 
font  bien  imbues ,  peuvent  devenir  par-là 
de  fort  bons  conducteurs ,  quelque  peuélec- 
tiifables  par  communication  qu'elles  foient 
d'ailleurs  ;  parce  qu'alors  elles  ne  forment 
plus,  pour  ainfidire,  que  des  efpeces  de 
i'upports  contenant  des  filets  d'eau  qui 
tranfmettent  le  fluide  éledrique  :  il  faut 
auffique  les  conducteurs  foient  cylindriques, 
cette  forme  étant  de  toutes  celles  qu'on 
peut  leur  donner,  celle  qui  a  le  moins 
de  parties  angulaires  ;  qu'ils  n'aient  en  au- 
cun endroit  de  ces  parties  aiguës ,  quelque 
petites  qu'elles  foient ,  par  où  le  fluide 
éleftrique  puilfe  fe  diffiper  ;  8>C  ainii  qu'ils 
foient  fort  lifles  ,  ce  fluide  s'échappant 
Ibuvent  par  les  plus  petites  éminences  ou 
rugofités  ;  enfin ,  pour  mieux  empêcher 
l'éleétricité  de  fe  diffiper ,  &  la  rendre  en 
même  temps  plus  forte,  il  eft  à  propos 
de  recouvrir  les  conducteurs  de  tuyaux  de 
verre  ou  de  rubans  de  foie  bien  roulés  les 
uns  pardcffus  les  autres ,  fur-tout  lorfque 
ces  conducteurs  pafl^ent  dans  des  endroits 
où  ils  ne  font  pas  aflez  éloignés  des  corps 
qui  peuvent  leur  dérober  l'éleâiricité. 

Il  fe  préfente  ici  naturellement  plu- 
fîeurs  queftions.  On  demandera  fi  quel 
que  foit  le  volume  de  ces  conducteurs^  la 
quantité  de  fluide  éledrique  tranfmife  fera 
la  même;  fi  pareillement  la  force  de  l'élec- 
tricité n'augmentera  ou  ne  diminuera  pas, 
quelle  que  foit  leur  longueur;  enfin,  fi 
cette  force  fera  la  même  dans  m\  conducteur 
fort  long ,  à  la  partie  la  plus  éloignée  du 
globe  ,  félon  le  cours  de  l'életlricité  ,  qu'à 
celle  qui  en  efl:  plus  près  félon  le  même 
cours.  Nous  répondrons ,  quant  à  la  pre- 
mière quefl:ion ,  que  le  volume  efl:  ici  in- 
différent, la  quantité  d'éleftricité  tranf- 
mife étant  toujours  la  même ,  de  quelle 
grofifeur  que  foit  le  conducteur,  comme 
nous  l'avons  prouvé  M.  le  chevalier  d'Arcy 
&  moi ,  dans  un  mémoire  inféré  dans  le 
volume  de  l'académie  de  Vannée  iy^c)  ;  en 
effet,  on  s'en  affurera  facilement  en  tranf 
mettant  alternativement  l'éleftricité  à  deux 
corps,  tantôt  par  une  barre  de  fer,  & 
tantôt  par  un  fil  de  fer  fort  délié;  car, 
on  verra  alors  que  ces  deux  corps  feront 
éledrifés  au  même  degré ,  foit  qu'ils  re- 


C  O  Nf 

çoivent  l'éleclrlci té  parla  barre,  foit  qu'ils 
la  reçoivent  par  le  fil  de  fer  ;  ce  qui  , 
pour  le  dire  en  paffant,  prouve  que  le 
fluide  éieflîique  a  la  propriété  de  tous 
les  autres  fluides  qui  <é  répandent  tou- 
jours égalem.ent ,  quels  que  foient  les  canaux 
de  communication;  c'efl-à-dire  que  dans 
plufieurs  réfervoirs  qui  communiquent  en- 
femble  ,  l'eau,  par  exemple,  efl  toujours 
de  niveau ,  de  quelle  groffeur  que  foient 
les  tuyaux  de  communication.  De  ce  prin- 
cipe de  fait  ,  on  tire  la  léponfe  à  la  troi- 
fieme  queflion  ;  favoir  ,  que  l'éledricité 
ne  peut  être  plus  forte  à  une  extrémité 
du  conducteur  qu'à  l'autre,  puifquefi  cela 
étoit ,  elle  ne  fe  diflribueroit  pas  également, 
ce.  qui  feroit  contraire  à  ce  principe  :  enfin  , 
par  rapport  à  la  féconde  queflion  ,  nous 
répondrons  que  par  toutes  les  expériences 
que  l'on  a  faites ,  on  n'a  point  remarqué  que 
l'éleftricité  diminuât,  quelle  que  fût  la 
longueur  du  conducteur ,  quoiqu'on  en  ait 
employé  qui  avoient  plus  de  1300  pies. 
Il  y  a  plus  :  félon  ce  que  dit  M.  le  Mon- 
nier  le  médecin ,  pag,  463  des  mémoires 
de  C  Académie  de  1746"^  plus  les  corps  élec- 
trifés  ont  d'étendue  en  longueur,  plus 
l'éleftricité  paroît  forte.  Quoi  qu'il  en  foit , 
il  eft  conflant  qu'à  quelque  diftance  qu'on 
ait  tranfmis  l'éleélricité  jufqu'ici  (  &  cette 
tranfmiffion  s'efl:  toujours  faite  dans  un 
temps  inaffignable) ,  on  n'a  pas  remarqué 
que  fa  force  en  fût  diminuée. 

PafTons  à  ce  qu'on  appelle  particulière- 
ment le  conducteur.  Ce  que  nous  venons 
de  dire  aies  conducteurs  en  général ,  par 
rapport  à  leur  figure  &  à  la  fubflance  dont 
ils  doivent  être  formés,  étant  également 
applicable  à  ceux  dont  il  eft  aéluellement 
queftion ,  il  s'enfuit  qu'ils  doivent  être  , 
comme  les  premiers  ,  de  métal  ou  revêtus 
d'une  fubflance  métallique  ,  de  figure  cy- 
lindrique ,  &:  auffi  lifles  qu'il  eft  poflible. 
Nous  n'ajouterions  rien  à  leur  égard  ,  fî 
ce  n'eft  que ,  devant  fervir  à  différentes 
expériences,  il  eft  à-propos  de  parler  de 
la  grandeur  qu'ils  doivent  avoir  pour  ac- 
quérir &  conferver  beaucoup  d'éleflricité, 

C'eft  un  principe  de  fait,  que  plus  ces  for- 
tes de  conducteurs  font  grands,  plus  les  étin- 
celles qu'on  en  tire  font  fortes  ;  car  il  eft: 
eflTentiel  de    remarquer  que ,    quoique  la 


C  ON 

qnsrîitc  clVkél.icité  tranruiiie  par  r.n  corp: 
f.y.t  !a  tnêmè,  qr.'il   foiî  grand    pu  peut, 
l'attraflion,  U  répn.liîon ,  &  tous  les  phé- 
nomènes de  l'ëieél.'icité  paroifTerit  cepen- 
dant p'us  conficlérables  dans  \é  grand  que 
cîan»  le  peti;.  Mais  ces  phénomènes  a;:gmèn- 
tent-î!s   fe'on  '.'aiigmentation    dé  ia  itiafTe 
du  conducîmr  ^  on  (împlement  félon  Tang- 
men^ation  de  la  fiirbce?   ou ,  en   d'autres 
mots  ,  i'huenffté    de  1  c!edric;té  dans   ks 
coj-ps,   augmcn'^e-t-el!e  dans  ia  ralfon  de 
leurs  mcuTes  ou  dans  celle  de  leurs  furface?? 
C'ef}  nne   querrion  qui    a    dcja   beaucoup 
tK^rct  les  physiciens,    ë>i   Tur    laquelle  ils 
i()nt  tort  partagés.  Les  uns  ,   comme  M. 
rab!)é    Noilet,    penfent    que    l'éleé^ricité 
augmente  avec  les  maiTes,    non  pas  à  la 
vérité  dans  la  raifon  direde  de  ces  mafîes, 
mais  cependant  dans  une  plus  g'ande  rai- 
fon   que  celle  qui   devroit   réfulter   de  la 
fimple  atigmenta'ion  ào.^  furfaces  ;  enfin, 
(f'i  une   plus  i^ande  niafle  eft   fufceptible 
d'acquérir   plus   d'éledlricité   qu'rjne     plus 
petite  ;  les  autres,  comme  M.    ]e  Mon- 
nier  le  médecin  ,  penfenr  qu'elle  augmente 
feulement  comme    les  iurfaces ,    Se    c'eft 
ce    qui  à   paru    réfulter   auflî    d'un  grand 
nombre  d'expériences  que  nous  avons  faites 
M.  d'Arcy    &    moi ,    rapportées  dans   le 
mémoire  déjà  ci'^é;  voycT^  là-deffus  V article 
ÉLECTRICITÉ.  Quoi  qu'il   en  ibit  ,  il  eft 
toujours  mieux  d'avoir  un  grand  conducinir 
cylindrique  ,  comme  nous  l'avons  dit  ;  &  , 
quand  même  il  ieroit  creux  ,  pourvu  qu'il 
ait  une  certaine  épaifltur  ,    les    étincelles 
e^ue  l'on  en  tirera  feront  très-bclîes  &  très- 
forres. 

En  Allemagne  ,  en  Hol!?:nde ,  &  en  An- 
gleterre, on  fe  fert  ordinaîreménr  pouf 
conducîâur  d  uri  canon  de  fufi  :  maii  de 
pateils  conducteurs  ne  paroiftent  pa';  devoir 
nous  donner  A^^s  phénomènes  auffi  confi 
dérabies  que  celui  de  M.  Franklin  ,  par 
c\'emp'e,  qui,  ainfi  qu'il  nous  l'apprend 
dans  fés  lettres,  a  dix  pies  de  long  h.\\n 
pié  de  dia.'netre.  Selon  cet  auteur  ^  lorf- 
que  fon  condttcicur  eft  bien  chargé,  on 
peut  en  tirer  des  étincelles  à  jirès  de  deux 
pouces  de  diftance  ,  qui  caufent  une  dou-. 
leuraftezfenfibledansla  jointure  des  doigts; 
îl  eft  compote  de  feuilles  de  carton  for- 
mant un  cylindre  j  ôc  ces  feuilles  font  re- 


CON   _  S71 

couvertes  d'un  papier  d'Hollande  reicvii 
en  bofTe  en  pîufîeurs  endroits ,  6c  doré 
prefqr.e  par-tout. 

Pour  terminer,  nous  dirons  deux  mots 
de  1^  m;inîcre  dont  le  conducluir  doir  re- 
cevoir réieflrici'.é  du  globe  ;  c'èft  à  quoi  il 
nous  paroît  qu'on  n'a  pas  fait  aftez  d'at- 
tehrion  iu.'qn*ici.  On  fê  contente  pour 
l'ordinaire  dé  faire  toucher  légèrement  au 
g'obe  du  .clinquant ,  des  galons  de  métal 
em'és,  ou  quelque  chofe  de  cette  nature, 
ékvftrifable  par  communication  ,  qui  ne 
pviifte  poiin  ^endommager,  &  qui  ne  caufe 
que  peu  ou  point  de  frottement.  Les  uns 
difpofent  ces  matières  de  façon  qu'elles 
embraïïent  une  certaine  partie  du  globe  ;; 
&  cette  pratique  paraît  la  meilleure  :  les 
autres  fe  contentent  de  le5  Taire  porter  dans 
un  petit  efpace.  Mais  l'éledricité  fe  dilii- 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut. 


pant 

par  les  parties  aiguës  &c  pointues  des  corps 
éleifi^rifés ,  il    s'enfuir  qu'il  doit  stn  dilÏÏ- 
per  beaucoup  par  tous  les  angles  &  toutes 
les  pointes  qui    fe  trouvent  au   clinquant 
&  aux  galons ,  6^.  Auftî ,  lorfqu'on  éie(51rife 
un  globe ,  voit-on  toutes  cqs  parties  briller 
d'un  grand  nombre  d'aigrettes  &  de  gerbes 
de  feu  éleétrique.   Pour   remédier  à  celte 
diftipation  de  l'élecTtricité  ,  voici  comment 
nous  nous  y  prenons.  Nous  attachons  du 
clinquant   au   bord  intx;rieur   de  la   mafîè 
d'un  entonnoir  de  fer  blanc,  dont  le  dia- 
mètre eft  égal  à  la  grandeur  delà  partie 
du  globe  qwQ  l'on   veut   embraiTer;  nous 
faiions  déb  .rder~ce  clinquant  d'un  demi- 
pouce  ou  en  iron,  &  nous  le  découpons- 
comme   à    1  ordinaire,  pour    quif    puillë 
4)ofer   fur  le  globe  &  le  toucher  dans  un 
gr.nd  nombre  de  points  fans  aucun  frot- 
remen:  confidérable  ;  enfuite  nous   recou- 
vrons le  tout  par  un  entonnoir  de  verre, 
dont  le  burd    excédé  celui  de  rentonnoir 
àc  fer-blanc,  d'un"  q.uart  de  pouce  ou  à- 
•péu-près,,  afin  qu'il  puifte  être  fort  près  d\i 
globe  fans    cependant  le  toucher.  Par  ce 
moyen,    l'éleét  iqué  ne  peut  fe    dlftiper 
pnf  les  angles  des    feuilles   du  clinquant^ 
ces  feuilles    fe   trouvant   environnées    du 
verre,   qui,   comme  on  l'a  vu  plus  haut,, 
repoufte  le  iîuide  é'edrique  &  l'empêche 
de  fe  diftîper.  Nous  ne  parlerons  point  de- 
là manière  d'adapter  cetentomioir  au  cca* 


87*  CON 

ducl:iir^  la  chofe  étsnt  trop  facile' pour  sV 
arrêter.  V.  MÉTAUX.  ÇT). 
Conducteur  DE  LA.  Foudre, fP/2>:/?J 
c'eft  le  nom  qu'on  a  donné  à  des  verges  de 
métal  érigées  ("urdes  bâîimeiis  ,  oir  clans  les 
environs ,  afin  de  les  garantir  des  coups  de 
la  foudre. 

On  n'avolt  d'abord  eu  d'aufre  deiïein  en 
érigeant  ces  verges  métalliques ,  que  celui 
de  connoître  l'éle-flriciré  naturelle  des  nua- 
ges :  mais  le  céiebre  Franklin  penfa  bientôt 
qu'on  pouvoir  fe  fervir  de  ce  moyen-là^ 
pour  préferver  les  édifices  de<^  dangereux 
eâ^ets  de  la  foudre.  En  effet  nous  voyons 
que  la  plupart  des  bâtimens  qui  ont  eu 
des  verges  de  méral,  érigées  fuivanrîes  pré- 
ceptes de  cet  ingénieux  phyficlen,  ont  é:é 
préfervés  de  tout  accident  caufé  par  la  fou- 
dre. C'ed  ce  qui  parou  bien  clairement  par 
les  obfervafions  rapportées  dans  les  Tran- 
faclions  pliilofophiques ^  fur  les  effets  delà 
foudre  :  tout  ce  qu'on  a  obfervc  à  cet  égard , 
"indique  une  loi  confiante,  qui  efl  le  fon- 
dement de  l'art  que  Franklin  a  trouvé  ,  & 
Ton  peut  dire  que  ces  obfervations  lui  fer- 
vent de  démonftration.  Voici  en  quoi  cette 
loi  confifle ,  &  ce  qu'on  a  obfervé. 

La  foudre  ne  fait  point  de  ma! ,  ou  au 
moins  fort  peu,  à  ces  édifices,  ou  à  la  par- 
tie ÔlQS  édifices  à  laquelle  répondent  àes 
verges  de  métal  ;  Se  d'autant  moins  de 
mal,  que  les  verges  font  plus  épaiffes,  hi 
que  !a  chaîne  ou  la  fuite  des  corps  métalli- 
ques eft  mieux  établie,  comme  nous  allons 
le  dire;  elle  fait  au  contraire  du  dommage 
dans  les  endroits  où  cette  fuite  eft  inter- 
rompue ,  hi  à  proportion  de  la  force  du 
coup. 

Toutes  les  expériences  Se  toutes  les  ob- 
fervations  nous  montrent  que  les  verges  de 
métal  qui  font  un  peu  élevées ,  attirent  à 
^lles  de  très-loin  le  feu  éleélrique  ou  la 
foudre.  Cependant  il  ne  faut  pas  s'imaginer, 
comme  quelques  perfonnes  l'ont  fait ,  qu'on 
puiffe  attirer  tout  le  feu  éle6lrique  des  nua- 
ges, au  moyen  de  ces' verges  érigées  fur 
de  hautes  tours ,  enfuite  qu'on  puiffe  diffi- 
per  un  orage,  &  tellement  garantir  les  en- 
virons du  lieu  où  il  y  a  de  ces  verges ,  qu'ils 
n'aient  plus  à  craindre  ni  grêle  ni  tonnerre. 
Il  faut  avouer  que  cet  art  ne  nous  eft  point 
encore  connu,  &  que  nousledefirons  en- 


CON 

core;  car  les  nuages  font  que'qucfois  fi  fort 
chargés  de  feu  éleftrique ,  &  ce  feu  a  une 
telle  violence,  qu'il  paroît  que  mille  pointes 
érigées  avec  àt$-  £Onduc?curs  très-é;endus, 
ne  fuffiroient  pas  pour  difliper  l'orage  &^ 
l'empêcher  de  nuire.  li  ne  faut  donc  pas  fe 
promettre  de  trop  grands  avantages  de  ces 
recherches  ,  qui  d'ailleurs  font  tiès-belles 
&c  déjà  très-utiles ,  6>c  qui  méritent  ainfi 
toute  l'attention  des  phyficiens. 

Cependant  fi  tout  le  monde  cherchoit 
à  fe  mettre  à  couvert  des  rifques  &  des 
dangers  communs  auxquels  on  eft  expofë, 
&:  fi  ,  pour  cela,  on  faifoit  enforte  que 
ce  torrent  immenfe  de  matière  élecfnque 
prît  cours  par  {ts  conducteurs  que  la 
même  nature  nous  offre  ,  fa  voir ,  les  fom- 
mets  des  montagnes  &  des  grands  arbres, 
&  qu'on  cherchât  à  rétablir  ainfi  l'équilibre, 
il  arriveroit  peut-être  qu'en  même  temps 
que  chacun  travailleroit  de  fon  côté  pour 
fa  fureté  propre,  on  parviendroit  enfin  à 
découvrir  l'art  de  fe  garantir  généralement. 

Ainfi  ,  pour  préferver  fa  maifbn  des  ra- 
vages que  la  foudre  peut  y  faire  ,  il  faut  éri- 
ger une  verge  de  fer,  pointue  par  un  bout, 
qui  furpafife  le  fommet  de  l'édifice  de  quatre 
ou  cinq  pies  ,  car  la  foudre  traverfant  l'ef- 
pace  qui  efl  entre  les  nuages  &:  la  verge  , 
eft  comme  un  cylindre  de  feu  très-denfe  , 
qui  fe  fraie  un  chemin  à  travers  les  airs,  ert 
les  écartant ,  ainfi  que  les  vapeurs  humides, 
qui  brûle  ,  qui  renverfe  ou  qui  ébranle  tous 
les  corps  qui  lui  réfiftent  :  c'eft  ce  qui  paroît 
bien  clairement  par  les  effets  de  la  foudre 
que  Franklin  a  obfervés  en  Amérique  ,  de 
même  que  par  les  obfervations  que  )'ai  eu 
occafion  de  faire  à  Milan  depuis  peu.  Il  con- 
vient donc  de  placer  ces  verges  le  plus  haut 
qu'on  pourra,  &:  il  ne  fera  pas  inutile  de 
,  dorer  trois  ou  quatre  pouces  de  l'extrémité 
pointue,  afin  de  la  préferver  delà  rouille. 

On  eft  ordinairement  embarraffé,  lorf- 
qu'on  veutifoler  la  verge  de  fer  au  moyen  de 
quelques  corps  életflriques ,  tels  que  le  verre 
ou  les  réfines;  c'eft-à-dire  ,  la  féparer  du 
bâtiment,  enforte  qu'elle  ne  tienne  qu'à 
des  corps  de  ce  genre,  parce  qu'd  eft  alors 
difficile  de  l'affermir  comme  il  faut.  Mais 
cet  arrangement  qui  n'eft  pas  aifé  à  exécu- 
ter ,  n'eft  utile  qu'à  ceux  qui  veulent  ob- 
ferver  l'éleélricité  des  nuages ,  &  n'eft  pas 

nécei* 


C  O  N 

néceflalre,  quand  on  n'a  deiTein  que  de  pré- 
ferver  1  editice.  C'eft  pourquoi  ii  faut  dans 
ce  cas-là  ,  faire  porter  la  verge  fur  quelque 
pierre  bien  affurée ,  ou  fur  un  tuyau  de 
cheminée,  ou  on  l'affermira  à  l'aide  de  quel- 
ques bras  de  fer  fcellés  dans  le  mur  avec 
dft  plomb.  Si  l'on  établit  enfuite  une  bonne 
communication  entre  cette  verge  &  la  terre, 
avec  du  fil  d'archal ,  il  feroit  auffi  ridicule 
de  craindre  les  effets  de  la  foudre  fur  un  tel 
bâtiment,  que  d'avoir  peur  d'être  entraîné 
par  un  fleuve  rapide,  lorfque  le  quai  fur 
lequel  on  eft,  &  qui  borde  le  fleuve,  eft 
parfaitement  folide. 

On  a  auiîi  cherché  à  découvrir  à  quelle 
diftance  horizontale  les  verges  de  Franklin 
peuvent  attirer  la  foudre ,  afin  de  connoître 
les  dangers  auxquels  les  perfonnes  ou  les 
batimens  voifins  peuvent  encore  être  expo- 
fés  ;  mais  nous  fommes  encore  à  cet  égard 
dépourvus  d'obfervations  exactes ,  &  je 
doute  fort  qu'on  puiffe  venir  à  bout  de  dé- 
terminer cela  avec  quelque  précifion,  parce 
que  l'équilibre  qui  règne  entre  le  feu  éleftri- 
que  répandu  dans  les  nuages  Se  la  terre , 
peut  être  dérangé  d'une  infinité  de  manières 
différentes ,  fuivant  les  diverfes  circonf- 
tances. 

Je  crois  aufîî  que  les  différentes  couches 
de  la  terre  ne  font  pas  également  propres  à 
tranfmettre  le  feu  éleftrique  ,  &:  à  le  répan- 
dre également  par-tout.  Il  y  a  même  des 
expériences  qui  nous  indiquent  affez  claire- 
ment, qu'au-deffous  de  la  furface  de  la 
terre,  on  trouve  des  lits  qui fe chargent  ou 
fe  déchargent  plus  facilement  du  feuéleflri- 
que  les  uns  que  les  autres;  d'autres  au  con- 
traire plus  facilement.  De-là  vient  que  cer- 
taines régions  font  fouvent  plus  frappées  de 
la  foudre  que  d'autres  ;  &  il  peut  arriver 
que  fi  l'on  n'a  pas  égard  à  ces  diverfes  cir- 
conflances ,  l'art  de  préferver  les  édifices 
deviendra  non-feulement  inutile  ,  mais 
même  dangereux. 

Cependant  il  n'efl  pas  impofîible  de  ve- 
nir à  bout  de  ces  difficultés  ,  ôc  de  parvenir 
à  fe  mettre  à  couvert  de  tout  danger ,  en 
prenant  de  bonnes  précautions.  On  fait , 
par  une  multitude  d'expériences ,  qu'après 
les  métaux ,  l'eau  Se  les  lits  de  terre  humide 
font  les  meilleurs  conducteurs  du  feu  éledri- 
que,  &  qu'ils  font  très-propres  à  le  répan- 
Tomc  VIIL 


C  O  N  S73 

dre  également  par-tout.  Tous  les  édifices 
qu'on  a  cherché  à  préferver  ainii  de  la  fou- 
dre, tant  en  Europe  que  dans  les  colonies 
Angloifes  d'Amérique  ,  l'ont  été  parfaite- 
ment. Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  à 
cet  égard,  c'efl  ce  qui  a  été  fait  au  temple 
de  S.  Paul  à  Londres  ;  voy.  Us  Tranfa-clion^ 
philofophiqms ^  année  lyGc)  ,  n°. 2/ ,  ôc  ce 
que  le  célèbre  Félix  Fontana  a  fait  exécu- 
ter depuis  peu  aux  magafins  à  poudre  de 
Florence. 

Maintenant  que  nous  avons  un  détail  de 
plufîeurs  effets  de  la  foudre ,  Se  que  nous 
avons  encore  l'expérience  de  nombre  de 
bârimens  préfervés  de  fes  coups  par  ces 
verges  ;  il  ne  nous  fera  pas  difficile  de  tirer 
de-là  les  meilleures  règles  qu'on  doit  fuivre, 
lorfqu'on  veut  exécuter  cet  appareil. 

1°.  On  érigera,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit ,  dans  l'endroit  le  plus  élevé  de  l'édifice , 
une  verge  de  fer  pointue  ;  fi  c'eft  un  vafte 
bâtiment  avec  des  ailes ,  ou  des  corps  de 
logis  qui  s'étendent  fort  loin,  comme  à  la 
diftance  de  cent  pies  &:  plus ,  il  convient 
alors  d'en  ériger  plufieurs  dans  les  endroits 
les  plus  élevés. 

2°.  Il  faut  que  toutes  ces  verges  com- 
muniquent entr'elles  par  un  fil  d'archal ,  qui 
ira  de  l'une  à  l'autre  depuis  leur  extrémité 
inférieure.  Au  refte  il  n'importe  pas  que 
ce  fil  d'archal  foit  fufpendu  en  l'air ,  ou 
qu'il  repofe  fur  les  cheminées ,  ou  fur  la 
couverture  de  l'édifice  »  pourvu  feulement 
que  ce  ne  foit  pas  fur  du  bois.  Cette  com- 
munication d'une  verge  à  l'autre  eft  très- 
utile  ,  premièrement  pour  faciliter  l'écou- 
lement du  feu  éledrique ,  depuis  les  nuages 
jufqu'à  la  terre;  enfiiite  pour  prévenir  les 
inconvéniens  qui  naîtroient ,  s'il  n'y  avoit 
qu'un  feul  fil  d'archal,  &  qu'il  vîntàcaffer. 

3°.  On  fera  enfuite  defcendre  un  fil 
d'archal  depuis  le  bas  de  la  verge,  en  fui- 
vant la  pente  du  toit ,  &  on  le  laifTera  tom- 
ber jufqu'à  terre,  depuis  le  bord  du  toîr. 
Si  le  deffus  du  mur  avoit  une  corniche  de 
bois,  ou  quelque  chofe  d'appprochant  qui 
fut  auffi  en  bois ,  il  convient  d'cloigner  le 
fil  d'archal  du  mur,  à  l'aide  d'un  bras  de 
fer  qui  le  portera  en  avant. 

4°.  Il  faut  que  les  verges  métalliques  aient 
plus  d'un  demi-pouce  d'épaiffeur,   &  que 
les  fils  d'archal  aient  au  moins  trois  hgnes. 
Rrrrr 


m         c  o  N 

Nous  favons  par  noir.bre  de  relationç ,  que 
ces  fils  trop  minces  ont  été  fondus  &  dif- 
perfés  par  la  foudre  ,  qui  endommage  alors 
beaucoup  les  bâtimens.  C'eft  pourquoi  il  ne 
faut  pas  économi^r  le  métal  ;  d'ailleurs  la 
dépenfe  que  Ton  fait  eft  bien  compenfée  par 
la  fureté  qu'on  trouve  avec  cet  appareil  , 
&  par  fa  plus  grande  durée. 

5°.  Le  fil  du  métal  doit  exaftement  tou- 
cher la  barre  ,  &  y  être  fortement  appliqué 
avec  des  vis  ou  des  rivures  :  car  on  a  des 
exemples  récens  en  Amérique,  dans  la  Ca- 
roline méridionale ,  que  les  fils  qui  ne  re- 
noient les  uns  aux  autres  que  par  des  cro- 
chets ,  ou  qui  étoient  compofés  d'anneaux, 
comme  une  chaîne,  étoient  facilement 
fondus  &  difperfés  par  la  foudre. 

6°.  Il  faut  faire  enforte  que  les  fils  qui 
vont  depuis  la  verge  jufqu'à  terre ,  paffent 
dans  les  angles  faillans  de  l'édifice.  Le  même 
a|)pareil  fert  de  cette  façon  à  préferver  le 
bâtiment  des  coups  de  foudre  ,  qui  pour- 
roient  les  frapper  par  les  côtés, 

7°.  Les  fils  d'archal  doivent  augmenter 
en  épaiffeur  ,  à  mefure  qu'ils  approchent 
de  terre,  &  le  bout  qui  les  termine  doit 
avoir  la  même  épaiiïeur  que  la  verge.  On 
les  fixera  à  quelque  pierre  fous  terre  ,  & 
on  les  prolongera  jufqu'â  ce  qu'ils  atteignent 
une  couche  de  terre  humide;  ou  ce  qui 
vaut  encore  mieux  ,  jusqu'à  quelque  eau 
courante,  fi  cela  fe  peut.  On  aura  foin  ce- 
pendant d'éloigner  leur  extrémité  de  deux 
©u  trois  pies  des  fondemens  de  l'édifice.  Si 
l'on  obferve  tout  ce  que  nous  venons  de  pref- 
crire  enétabliflfantcet  appareil,  on  peut  être 
affuré  qu'il  diifipera  très-bien  le  feu  de  la 
foudre,  &:  qu'on  fera  parfaitement  à  l'abri 
de  fes  coups.  C^-  ■^«  ) 

Conducteur,  infirumentde  Chirurgie 
dont  on  fe  fert  dans  l'opération  de  la  taille. 
On  le  fait  ordinairement  d'acier  ou  d'ar- 
gent. Il  y  en  a  de  deux  fortes ,  le  mâle 
&  la  femelle.  Ils  ont  l'un  &  l'autre  la  fi- 
gure d'une  croix,  &:  font  fort  poUs,  pour 
ne  point  hleffer  la  veflie  dans  laquelle  on. 
les  introduit,  ni  les  parties  par  où  ils  paf- 
fent.  Leur  corps  eft  large  d'environ  trois 
lignes,  arrondi  en- dehors,  plat  en-dedans. 
La  partie  poftérieure  comprend  trois  bran- 
ches applaties;  deux  font  les  bras  de  la 
croix,   6c  la    troifieme   en   compcfe    la 


C  O  N 

tête  ou  le  manche  :  celle-ci  doit  être  fort 
renverfée  en  dehors,  afin  de  donner  plus 
d'efpace  aux  tenettes  qu'on  introduit  entre 
les  deux.  Tout  le  long  de  la  face  plate  du 
corps  ou  branche  antérieure  ,  règne  une 
crête  dans  le  milieu  d'environ  deux  lignes 
de  faillie  :  cette  crête  commence  peu-a- 
peu  àès  le  milieu  du  manche  ,  afin  que 
l'opérateur  l'apperçoive  mieux.  Elle  finit 
Hifenfiblement  vers  la  fin  du  conduâcur 
mâle ,  &  fe  termine  par  une  languette  lon- 
gue de  fix  lignes  relevée  &  recourbée  en- 
dedans  ,  appîatie  fur  les  côtés  :  cette  lan- 
guette fait  l'extrémité  definftrument,  qu'ors 
place  dans  la  cannelure  d'une  fonde  qui 
doit  être  mife   auparavant  dans  la  veflie. 

La  crête  dans  l'autre  efpece  de  conducteur 
ne  s'étend  pas  fi  loin  ;  l'extrémité  antérieure 
eft  un  peu  recourbée  en-dedans,  &  termi- 
née par  une  échancrure  qui  lui  a  fait  don- 
ner le  nom  de  conduâeur  femelle.  Voyez 
Us  figures  4  ,  &  6.  PL  XI.  de  Chirurgie. 

La  manière  de  fe  fervir  de  ces  deux 
inftrumens ,  confifte  à  introduire  d'abord 
le  conducteur  mâle  dans  la  veffie ,  à  la  fa- 
veur d'une  fonde  cannelée,  la  -tête  en- 
haut,  le  dos  en-bas;  enfuite  on  retire  la 
fonde,  &  l'on  glifte  le  conducteur  femelle  par 
fon  échancrure  ,  le  dos  en-haut  fur  la  crête 
du  mal.  Ces  deux  inftrumens  ainfi  intro- 
duits >  forment  par  leurs  crêtes  parallèle- 
ment oppofées,  une  efpece  de  coulifte 
qui  fert  à  conduire  les  tenettes  dans  la  veflie 
pour  charger  la  pierre. 

On  ne  fe  fert  pas  beaucoup  de  conduc- 
teurs pour  tailler  les  hommes  ;  on  leur  a 
fubftitué  le  gorgeret.  Voye^^  GoRGERET. 
Les  conducteurs  font  enul'age  pour  la  taille 
des  femmes.  Voyei^^  Lithotomie  des 
FEMMES,    (r) 

CONDUIRE î  v.  aft.  {Gramm.)  c'eft 
indiquer  le  chemin  en  accompagnant  lur 
la  route;  mais  cette  acception  a  été  dé- 
tournée d'une  infinité  de  manières  diffé- 
rentes ;  on  a  dit  conduire  une  voiture  , 
conduire  dans  les  bonnes  voies.,  conduire  des 
eaux,  conduire  des  troupes ,  &c.  Voyei-en 
quelques-uns    ci-après. 

Conduire,  (Drapier  ou  Marchandage-' 
toffes.)  eiï  (y nony me  k  aune r.  Mener  dou- 
cement l'étoffe  Le  long  de  l'aune,  fans  la- 


C  O  N 

tirer  j  pour  la  faire  courir  davantage,  c'eft 
la  conduire  bois  à  bois. 

Conduire  les  eaux,  {Hydrauliq.) 
La  manière  de  conduire  l'eau  dans  une  viile 
n'eft  pas  la  même  que  dans  la  campagne 
&  dans  un  jardin. 

Dans  une  ville  on  n'a  d'autre  fujétion 
que  de  fe  fervir  de  tuyaux  de  plomb ,  afîez 
gros  pour  fournir  les  fontaines  publiques 
&  la  quantité  d'eau  concédée  aux  particu- 
liers ,  en  la  faifant  tomber  dans  les  cuvettes 
de  diftribution.  Si  dans  la  pente  des  rues 
l'eau  eft  obligée  de  remonter  ou  de  fe 
mettre  de  niveau  après  la  pente ,  ou  enfin , 
fi  l'on  foude  une  branche  fur  le  gros  tuyau, 
on  fait  dans  cet  endroit  un  regard  avec 
un  robinet  pour  arrêter  cette  charge  &: 
conferver  les  tuyaux  ;  cela  fert  encore  à 
les  vuider  dans  les  fortes  gelées. 

Dans  la  campagne  on  n'a  ordinairement 
à  conduire  que  des  eaux  roulantes,  après 
l'avoir  ramalfée  par  d&s  écharpes,  des  ra- 
meaux ,  des  rigoles  dans  des  pierrées , 
l'avoir  amenée  dans  un  regard  de  prife  , 
on  la  fait  entrer  dans  à^s  tuyaux  de  grès 
ou  de  bois,  félon  la  nature  du  lieu;  s'il 
y  a  des  con^re-foulemens  où  l'eau  foit 
obligée  de  remonter ,  on  la  fait  couler 
dans  des  aqueducs,  ou  au  moins  dans 
des  tuyaux  affez  forts  pour  y  r^ciifter.  On 
fent  bien  qu'il  feroit  ridicule  d'y  employer 
des  tuyaux  de  plomb  ,  qui  feroient  trop 
expofés  à  être  volés ,  ceux  de  fer  font  à 
préférer.  On  les  enfoncera  de  quatre  à 
cinq  pies,  pour  éviter  le  vol  &c  la  ma- 
lice des  payfans. 

Le  plus  difficile  à  ménager  en  condui- 
ûnt  les  eaux  pendant  un  long  chemin  , 
ce  font  les  fonds  &  les  vallées  appellées 
ventrées  ou  gorges  \  ils  fe  trouvent  dans 
l'irrégularité  du  terrain  de  la  campagne  , 
&  interrompent  le  niveau  d'une  conduite; 
alors  on  eft  obligé  de  faire  remonter  l'eau 
fur  la  montagne  vis-à-vis  pour  en  conti- 
nuer la  route;  c'eft  dans  cette  remontée 
que  l'eau  contrefoulée  a  tant  de  peine  à 
s'élever  que  les  tuyaux  y  crèvent  en  peu 
de  temps. 

Soit  la  montagne  A  Çfig.  i .  Hydrauliq.) 
d'où  defcend  l'eau  qu'on' fuppofe  amené; 
depuis  la  prife  par  un  terrain  plat ,  dan' 
des  tuyaux  de  grès  ou  des  pierrées.  B  e(l 


c  o  N  87î 

îa  féconde  montagne  où  fe  trouve  la  con- 
trepente  oppofée  à  la  pente  de  la  première 
montagne  -4,  d'où  vient  la  fource  C  con- 
duite dans  des  tuyaux  degrés.  Z>Z)  eft  le 
ventre  ou  gorge,  où  l'eau  fe  trouve  forcée 
par-tout.  jÊ  £  eft  la  ligne  de  mire  ou  ni- 
vellement pour  connoître  la  hauteur  du 
contre-foulement  B,  La  c>:)nduite  qu'on 
pofera  dans  cette  gorge  ou  fondrière  D  D  ^ 
fera  de  fer,  ainfi  que  dans  la  contrepente 
où  l'eau  force  le  plus,  jufqu'à  ce  qu'elle 
fe  foit  remife  de  niveau  fur  la  montagne 
jff  ;  on  reprendra  alors  des  tuyaux  de  grès 
ou  des  pierrées  pour  éviter  la  dépenfe  , 
jufqu'au  réfervoir ,  parce  que  l'eau  n'y 
fait  que  rouler ,  &  ne  force  que  dans  le 
ventre  &  la  remontée. 

Si  dans  un  long  chemin  il  ferencontroit 
deux  ou  trois  contrepentes,  ce  qui  peut 
encore  arriver  en  ramaftant  des  eaux  de  plu- 
fieurs  endroits ,  on  les  conduiroit  de  la 
même  manière.  Quand  la  gorge  n'eft  pas 
longue ,  comme  feroit  celle  F  F  de  U 
figure  2.  un  bout  d'aqueduc  ou  maftlf 
de  blocailles  eft  le  meilleur  parti  qu'on 
puifle  prendre,  &  l'eau  y  roulera  de  la 
même  manière  que  depuis  le  regard  de 
prife  d  ms  des  tuyaux  de  grès ,  ou  des  pier- 
rées continuées  fur  des  maflifs  de  biocail- 
les. Lorfque  cette  gorge  eft  longue  ,  &  que 


le  contrefoulemenr  eft  élevé  de  vinjttà  trente 
pies ,  les  tuyaux  de  fer  coi 
dureront  plus  long-temps 


laia  trei 
mèins, 


& 


Si  le  contrefoulement  étoit  plus  haut  que 
cent  pies,  il  faudroit  y  bâtir  un  aqueduc, 
parce  que  les  tuyaux  de  fer  auroient  de  la 
peine  à  réfifter;  alors  le  niveau  étant  conti- 
nué par  l'élévation  de  l'aqueduc  ,  l'eau  y 
rouleroit  &  y  regagneroit  l'autre-montagne, 
d'oùellerentreroitdans  des  auges  ou  tuyaux 
juiqu'au  réfervoir. 

On  peut  encore  éviter  un  contrefo^l^" 
ment,  en  faifant  fuivre  une  conduite  lelo^g 
d'un  coteau,  &  regagnant  petit-à- petit  *.s 
niveau  de  la  contrepente:  mais  il  faut  qu'il 
n'y  ait  pas  un  grand  circuit  à  faire  dans  cett^ 
fituation  a.ppe[\éQ poêle  ou  bûjfin\  parce  qcfi 
la  longueur  d'une  conduite  anifi  circulaire» 
quoiqu'en  grès  ou  en  pierrée  ,  coûte  plu* 
que  d'amener  l'eau  en  droite  ligne  pa^ 
les  tuyaux  capables  de  reiiiter  au  coatre-t 
.  roulement, 

Rrrrr  i 


§7^  C  O  N 

Dans  les  jardins,  en  Tuppcfant  l'eau  ramaf- 
fée flans  le  réfervoir  au  haut  cVim  parc,  il 
ne  fe  rencontre  pas  tant  de  difficultés  :  le 
terrain  y  eft  drefîe ,  &  les  conduites  def- 
cendent  plutôt  en  pente  douce  qu'elles  ne 
remontent.  On  fe  fervira  dans  les  eaux  for- 
cées de  tuyaux  de  fer ,  de  plomb  ou  de 
bois,  fuivant  le  pays,  &  même  de  grès 
bien  conditionnés ,  pourvu  que  la  chute 
ne  pafle  pas  quinze  à  vingt  pies.  Ces  con- 
duites étant  parvenues  jufqu'aux  balîins  , 
on  y  fera  un  regard  pour  loger  un  robi- 
net de  cuivre  d'une  grodeur  convenable  au 
diamètre  de  la  conduite  ;  on  fondera  enfuite 
debout  une  rondelle  ou  collet  de  plomb  un 
peu  large  autour  du  tuyau ,  &  dans  le  mi- 
lieu de  l'endroit  du  corroi  ou  maflif  du  baf- 
fin  où  il  pafTe  ;  afin  que  l'eau  ainii  arrêtée 
par  cette  plaque,  ne  cherche  point  à  fe  per- 
dre le  long  du  tuyau.  Quand  ce  font  des 
tuyaux  defer,onlespofe  de  manière  qu'une 
de  leurs  brides  fcit  dans  le  milieu  du  corroi , 
ce  qui  fert  de  rondelle  :  cette  règle  eft  gé- 
nérale pour  tous  les  tuyaux  qui  traverfent 
les  corrois  &  mafîifs  d'un  baffin  ;  comme 
auflide  ne  jamais  engager  les  tuyaux,  &  de 
hs  faire  paffer  à  découvert  fur  le  plafond 
d'un  bafîin. 

Dans  le  centre  du  baffin ,  à  l'endroit  mê- 
me où  doit  être  le  jet,  on  foudera  fur  la  con- 
duite un^yau  montant  appelle  foucke,  au 
bout  dulpel  on  foudera  encore  un  écrou  de 
cuivre  fur  lequel  fe  viffe  l'ajuftage  :  il  faut 
que  cette  fouche  foit  de  même  diamètre 
que  la  conduite  :  ii  elle  étoit  retrécie,  elle 
augmenteroit  le  frottement,  &  retarderoitla 
vîteffe  &  la  hauteur  du  jet.  A  deux  pies  en- 
viron par-delà  la  fouche  ,  on  coupera  la  con- 
duite, 6c  on  la  bouchera  par  un  tampon  de 
chêne  ,  avec  une  rondelle  de  fer  chaffée  à 
force  au  bout  du  tuyau,  ou  par  un  tampon 
de  cuivre  à  vis  que  l'on  y  foudera.  Ces  tam- 
pons facilitent  le  moyen  de  dégorger  une 
conduite. 

Evitez  les  coudes ,  les  jarrets ,  &  lesan- 
gles  droits  qui  diminuent  la  force  des 
eaux  ;  prenez-les  d'un  peu  loin  pour  en 
diminuer  k  roideur  :  ôc  même  il  ne  fera 
pas  mal  d'employer  des  tuyaux  plus 
gros  dans  les  coudes  pour  éviter  les  frot- 
t€mcns. 

Dans  les  conduites  un  peu   longues  & 


CO  N 

fort  chargées ,  on  place  des  ventoufes  d*ef- 
pace  en  efpace  pour  la  fortie  des  vents  : 
on  les  fait  ordinairement  de  plomb;  on 
les  branche  fur  la  tige  de  quelque  grand 
arbre  ,  en  obfervant  qu'elles  foient  de 
deux  ou  trois  pies  plus  hautes  que  le  ni- 
veau du  réfervoir ,  afin  qu'elles  ne  dépen- 
fent  pas  tant  d'eau  ;  de  cette  manière  il 
n'y  a  que  les  vents  qui  fortent.  Quand 
après  une  pente  roide  les  conduites  fe  re- 
mettent de  niveau,  il  faut  placer  dans  cet 
endroit  des  robinetspour  arrêter  cette  char- 
ge ;  ce  qui  fert  encore  à  trouver  les  fautes  , 
&  à  tenir  les  conduites  en  décharge  pen- 
dant l'hiver. 

Faites  toujours  paffer  les  tuyaux  dans  les 
allées,  pour  en  mieux  connoître  les  fautes, 
&  y  remédier  fans  rien  déplanter  ;  &  les 
conduites  fous  des  terraffes  ou  fous  des  che- 
mins publics,  pafteront  fous  des  voûtes 
afin  de  les  vifiter  de  temps  en  temps.  Les 
eaux  de  décharge  rouleront  dans  des  pier- 
rées  faites  en  chatières,  ou  dans  des  tuyaux 
de  grès  fans  chemife  ,  quand  ces  eaux  vont 
fe  perdre  dans  quelque  puifart  ou  cloaque  ; 
mais  quand  elles  fervent  à  faire  jouer  des 
baffins  plus  bas ,  on  les  entourera  d'une 
bonne  chemife  de  ciment,  ou  l'on  y  em- 
ploiera des  tuyaux  ordinaires  comme  étant 
des  eaux  forcées.  Tenez  toujours  les  tuyaux 
de  décharge,  tant  de  la  fuperficie  que  du  fond 
d'un  baffin ,  plus  gros  que  le  refte  de  la  con- 
duite ,  afin  que  l'eau  fe  perde  plus  vite 
qu'elle  ne  vient,  que  le  tuyau  ne  s'esgorge 
point  ,  &  de  peur  que  l'eau  paffant  par- 
deffijs  les  bords ,  ne  détrempe  toutes  les  ter- 
res qui  foutiennent  le  baffin ,  &  n'en  affaiffe 
le  niveau.  (K) 

Conduire,  (Jard.J  Voye\  Élever; 

Conduire  fon  cheval  étroit  ou  large  9 
terme  de  manège  :  étroit  fignifie  le  mener 
en  s'approchant  du  centre  du  manège  ;  ôc 
large,  en  s'approchant  des  murailles  du 
manège.  L'écuyer  d'académie  dit  quelque- 
fois à  l'écolier  ,  conduijci  votre  cheval^  lorf- 
que  l'écoher  laiffe  aller  fon  cheval  à  fa 
fantaifie.f^ 

Conduire,  en  peinture ,  corriger^  dif- 
tribuer.  On  dit  une  helU  conduite ,  dans 
la  diftribution  àes  objtts,  une  lumière 
bien  conduite ,  &c.  pour  marquer  que  ces 


C  O  N 

chofes  font  ménagées  avec  undifcernement 
éclairé.  C^J 

CONDUIT ,  {Phyficj.  )  canal  ou  tuyau 
de  plomb ,  de  fer ,  de  bois ,  de  pierre  ,  &c. 
fervant  au  tranfport  de  l'eau  ou  de  tout 
autre  fluide.  Voye:[  TuYAU,  AqueduC. 

On  a  expliqué  à  X article  Conduire  /« 
eaux^  ce  qui  a  rapport  à  cette  partie  de 
l'hydraulique  :  elle  eft  une  des  plus  impor- 
tantes; il  paroît  par  les  aqueducs  des  an- 
ciens qu'ils  connoifToient  bien  cette  partie, 
&  que  s'ils  étoient  moins  forts  que  nous 
fur  la  théorie,  ils  l'étoientdu  moins  autant 
fur  la  pratique. 

On  dit  qu'il  y  a  dans  la  province  du  nou- 
veau Mexique  un  conduit  fouterrain  en' 
forme  de  grotte ,  qui  s'étend  en  longueur 
l'efpace  de  loo  lieues.  Chambers  rapporte 
ce  fait  ;  nous  ne  prétendons  point  le  garan- 
iir.(OJ 

Conduit  ,  en  Anatomie  ,  nom  de  diffé- 
rentes cavités  qu'on  appelle  auffi  canal. 
Voyei  Canal. 

Conduit  auditif  (le),  meatus  au- 
Mtorius ,  eft  l'entrée  de  Toreille.  C'efl:  un 
conduit  cartilagineux  ,  divifé  irrégulière- 
ment en  plufieurs  endroits  par  des  cloifons 
charnues  &  membraneufes  ,  à-peu-près 
comme  les  bronches  des  poumons ,  fmon 
que  les  fibres  charnues  du  conduit  (ont  plus 
groffes.  La  partie  interne,  c'eft- à-dire  ,  du 
côté  du  cerveau  ,  eft  offeufe.  Il  eft  tapiflfé 
dans  toute  fon  étendue  d'une  tunique  mince 
qui  vient  de  la  peau ,  &  qui  fe  continue  juf- 
que  fur  la  membrane  du  tympan ,  où  elle 
devient  plus  mince. 

Dès  le  commencement  du  conduit  jufque 
ppelqu'à  mi-chemin  s'élèvent  quantité  de 
petits  poils  à  la  racine  defquels  fort  le  céru- 
Tnen  ou  cire  de  l'oreille,  qui  s'embarrafte 
dans  les  poils  afin  de  mieux  rompre  l'impé- 
luofité  de  l'air  extérieur ,  &  d'empêcher 
qu'il  ne  fe  jette  trop  précipitamment  fur  la 
membrane  du  tympan. 

Conduit  cysttque  ,  eft  un  conduit 
biliaire  de  la  grofleur  d^une  plume  d'oie , 
lequel  environ  à  deux  pouces  de  diftance 
de  ta  véficule  du  fiel ,  fe  joint  au  conduit  hé- 
patique ,  &  tous  deux  enfemble  forment  le 
conduit  commun  ou  cholidoque.  Voy&{^ 
Bile  &  Cystique. 
CONDUITS  LAITEUX  ^f^ntfW/72,; 


C  O  N  877 

canaux  membraneux ,  étroits  à  leur  origine , 
larges  dans  leur  milieu  ,  qui  accompagnent 
principalement  la  raafTe  blanche  des  ma-  ' 
melles  ,  &  fe  retréciftent  derechef  en  allant 
au  mamelon ,  vers  lequel  ils  forment  une 
efpece  de  communication.  Ce  font  à  pro- 
prement parler,  les  tuyaux  excréteurs  des 
glandes,  qui  compofent  les  mamelles,  &C 
filtrent  le  lait.  Non-feulement  ces  canaux 
fourniffent  le  fuc  laiteux  à  l'enfant  quand  il 
tette ,  mais  encore  ils  en  font  les  réfer- 
voirs  quand  il  ne  tette  pas.  Ils  fé  termi- 
nent dans  le  mamelon  ;  là ,  leurs  orifices  font 
ouverts  &  fort  étroits,  &:  ily  a  des  auteurs 
qui  prétendent  y  trouver  des  valvules  qui 
retiennent  le  lait.  D'autres  regardent  , 
comme  fuffifant  pour  cet  ufage ,  la  conf- 
triâ:ion  fpontanée  des  orifices,  &  rejettent 
les  valvules. 

Ces  tuyaux  en  traverfant  la  papille ,  ne 
font  pas  droits  ;  on  obferve  au  contraire 
qu'ils  font  ployésen  zig-zag  ;ce  qui  fait  que 
quand  la  papille  n'eft  point  gonflée  ,  le  lait 
ne  peut  s'échapper.  Les  différens  plis  fervent 
de  valvules.  Toutefois  quand  on  prefle  for- 
tement la  racine  du  mamelon  ,  les  vaifîeaux 
fe  redreffent ,  &  la  liqueur  peut  couler.  Cela 
arrive ,  lorfqu'en  conféquence  du  chatouil- 
lement que  la  langue  de  l'enfant  y  excite 
en  tettant ,  le  tifl^u  fpongieux  de  la  papille 
s'enfle.  Alors  les  plis  difparoilTent ,  les 
tuyaux  deviennent  droits,  &le  lait  fort  de 
leur  cavité. 

Ces  tuyaux  ,  avant  d'arriver  au  mame- 
lon, s'anaftomofent  en  plufieurs  endroits. 
Parce  moyen  le  lait ,  quand  il  eft  arrêté  dans 
quelques  vaifteaux  obftrués  peutpafter  par 
des  voies  détournées. 

Cette  importante  obfervation  eft  due  à 
M.  Nuck.  Les  conduits  laiteux  compolént 
la  plus  grande  partie  du  mamelon  auquel 
ils  aboutififent  ;  mais  cela  n'empêche  pas 
qu'il  n'y  ait  une  fubftance  fpongieufe  inter- 
pofée  entre  les  conduits. 

Conduit  urinaire  ,  dans  les  femmes , 
eft  fort  court;  il  eft  tapi fl"é  intérieurement 
d'une  tunique  très-mince  ,  &  enfuite  d'une 
autre  de  fubftance  blanche  :  cette  der- 
nière donne  partage  à  phifieurs  petits  ca- 
naux qui  viennent  de  certaines  lacunes 
qu'on  y  obferve,  &:  ces  petits  canaux  dé- 
i  chargent  une  matière  claire  &  vifqueufe. 


Syg  C    O  N 

qui  fert  à  enduire  l'extrémité  du  conduit 
urinaire.  Ckambcrs.  (L) 

CONDUIT  A  VENT ,  (  ArchiteBure.  ) 
en  bâtimens,  font  des  foupiraux  ou  lieux 
fou  terrains  oii  les  vents  fe  confervent  frais 
&  froids  ,  6c  font  communiqués  par  des 
tubes,  tuyaux  ou  voûtes  dans  les  chambres 
ou  autres  appartemens  d'une  maifon,  pour 
les  rafraîchir  dans  les  temps  où  il  fait  trop 
chaud. 

Ils  font  fort  en  ufage  en  Italie  ,  où  on  les 
nomme  vcntidotti  ;  en  France  on  les  nomme 
pri/'ons  des  vents  ,  ou  palais  d^Eole.  {P  ) 

Conduite  d'eau,  ( Hydrauli(jue.J 
eft  une  fuite  de  tuyaux  pour  conduire 
l'eau  d'un  lieu  à  un  autre  ,  que  Vitruve 
appelle  canalis  fluclilis .  Si  les  tuyaux  font 
de  fer,  on  la  nomme  conduite  de  fer  ;  s'ils 
font  de  plomb  conduite  de  plomb  ;  s'ils  font 
de  terre  ou  de  grès  cuit ,  conduit  de  terre 
ou  de  poterie  ;  enfin  s'ils  font  de  bois ,  on 
l'appelle  conduite  de  tuyaux  de  bois,  f^oyei 
.Tuyau.  fP J 

*  CONDUITE,  f.  f.  ÇGramm.)  c'eft 
l'ordre  que  l'on  mer  dans  fes  aftions ,  relatif 
au  but  que  l'on  s'eft  propofé.  Si  les  actions 
font  coniëquentes,  la  conduite  eft  bonne; 
fi  elles  ne  font  pas  conféquentes ,  la  conduite 
eft  mauvaife.  Il  eft  évident  qu'il  ne  s'agit  que 
dune  bonté  ou  d'une  méchanceté  virtuelle, 
&  non  morale.  Pour  que  la  conduite  foit 
moralement  bonne  ou  mauvaife ,  il  faut  que 
le  but  foit  bon  &  honnête  ,  ou  déshonnéte 
ou  mauvais;  d'où  il  s'enfuit  que  la  conduite 
virtuelle  peut  être  mauvaife  quoique  le  but 
foit  bon  ,  &  bonne  quoique  le  but  foit 
mauvais.  Conduite  a  encore  quelqu'autres 
acceptions  relatives  aux  verbes  conduire , 
diriger. 

Conduite,  f.  f.  terme  d^  horlogerie  ;  il 
fignifie  une  tringle  de  fer ,  qui  porte  à  (es 
deux  extrémités  des  roues  appellées  molettes, 
voye:^  MoLETTE.  Les  conduites  fervent: 
dans  les  grofies  horloges  à  transmettre  le 
mouvement  à  des  diftances  de  l'horloge 
trop  grandes  pour  qu'on  pût  le  faire  par 
les  moyens  ordinaires ,  comme  par  exem- 
ple, pour  faire  mouvoir  une  aiguille  qui 
marqueroit  l'heure  fur  un  cadran  ,  éloigné 
de  l'horloge  de  lo  à  12  toifes.  En  géné- 
ral on  appelle  dans  une  grolîe  horloge  con- 
duites ,  la  partie  qui  fert  à  faire  tourner 


C  O  N 

des  aîgijiiles  qui  en  font  fort  éloignées  ;  foit 
que  ces  conduites  fo\em  faites  comme  nous 
venons  de  le  dire  ,  foit  qu'elles  le  foient  au- 
trement. 

^  CONDUR  ,  CG^og.  modj  petite  ville 
d'Afie,  dans  la  prefqu'ile  de  l'Inde  en-deçà 
du  Gange ,  au  royaume  de  Bifnagar. 

CONDYLE  ,  f.  m.  terme  d'Anaiomie, 
c'eft  le  nom  que  les  anatomiftes  donnent  à 
une  petite  éminence  ronde,  à  Textrémité 
de  quelques  os.  Voye-^  Os.  Telle  eft  celle 
de  la  mâchoire  inférieure,  qui  eft  reçue  fur 
l'apophyfe  tranfverfe  de  l'os  des  tempes. 
Voyei^  Os  TEMPORAL. 

Quand  cette  éminence  eft  large,  on  la 
nomme  tête.  Voyei  TÊTE.  Chambers, 
(TJ 

*  CONDYLEATIS,  CMythol.J  Cur^ 
nom  de  Diane  ,  adorée  à  Condyleis  en 
Arcadie.  Ce  furnom  flit  changé  dans  la  fuite 
en  celui  à*  ap  a  ne  lie  me  n  qui  veut  à'ire  étran' 
glée,  parce  que  des  jeunes  gens  lui  mirent 
par  paft^e- temps  une  corde  au  cou;  irré- 
vérence qui  les  fit  lapider  par  les  Ca- 
phiens ,  6c  punition  qui  déplut  à  la  déefle 
qui  fil  avorter  toutes  les  Caphiennes,  ^à 
qui  l'oracle  confeilla  de  rendre  les  honneurs 
funèbres  aux  jeunes  gens,  &c  d'aopaifer 
leurs  mânes. 

CONDYLOIDE,  2ià].enAnatomieJe 
dit  àes  parties  relatives  à  des  éminences 
appellées  condyles.  Voye\  CoNDYLE. 

Les  trous  condyloidiens  ^'k 

Les  fojfes  condyloïdien-  C  de  r occipital, 
nés.,  V.  Occipital. fZ,)J 

CONDYLOME ,  f.  m.  (  Chirurgie.  )  eft 
une  excroiftance  qui  vient  quelquefois  à  la 
tunique  interne  de  l'anus ,  &  aux  mufcles 
de  cette  partie ,  ou  au  col  de  la  matrice. 

Ce  mot  vient  du  grec  kwS'\jk'(  ,  article  ou 
jointure.,  parce  qu'ordinairement  le  condy- 
lome  a  des  rides  ou  plis  femblables  à  ceux 
àts  jointures. 

Le  condylome  par  fucceflion  de  temps 
devient  charnu  ,  &  poufle  quelquefois  une 
efpece  de  tige  en-dehors  :  &  alors  on  l'ap- 
^qWq  ficus.  Voyez  ficus. 

Les  condy lorries  font  fouvent  des  fymp- 

'  tomes  de  maux  vénériens ,  &  dégénèrent  en 

chancres  û  on  les  néglige.  On  emploie  effi- 

cacem.ent  à  leur  cure  des  oublions  mercu- 

rielles ,  àc  des  efcarotiques  propres  à  les 


CON 

confumer  ;  maison  les  extirpe  encore  mieux 
par  la  ligature  ou  l'incifion ,  fi  la  firuation 
ou  la  nature  de  la  partie  le  permet.  Il  faut 
quelquefois  procurer  la  falivation  au  ma- 
lade pour  faciliter  la  cure  &  la  rendre 
complète. 

CoND  Y  LO  M  E,eflauifi  quelquefois  fyno- 
nyme  à  condyU.  F^oje:^  CoNDYLE.  C^) 

CONE  ,  r.  ni.  on  donne  ce  nom  en  géo- 
métrie ,  à  un  corps  folide ,  dont  la  bafë  ert 
un  cercle  ,  &  qui  fe  termine  par  le  haut  en 
une  pointe  que  l'on  appelleyo/;7/wcr.  f^oyei 
F/,  des  coniq.fg.  2.  Vojeiaul/i  Solide  & 
Tronqué. 

Le  càm  peut  être  engendré  par  le  mouve- 
ment d'une  ligne  droite  K  M,  qui  tourne 
autour  d'un  point  immobile  K  ,  appelle 
fommet  ,enrarant  par  fon  autre  extrémité  la 
circonférence  d'un  cercle  M  N,  qu'on 
nomm.e  fa  bafe. 

On  appelle  en  général  axe  du  cône ,  la 
droite  tirée  de  fon  fommet  au  centre  de 
la  bafe. 

Quand  l'axe  du  cône  eft  perpendiculaire 
à  la  bafe  ,  alors  ce  iblide  prend  le  nom 
de  cône  ;  fi  cet  axe  eft  incliné  ou  oblique , 
c'eft  un  cône  fcalene  :  les  cônes  fcaLenes 
fe  divifent  encore  en  obmfangles  &  acu- 
tangles. 

Si  VaxeAB  Cfig.J-J  eft  plus  grand  que 
le  rayon  C  i?  de  la  bafe ,  le  cône  eft  acutan- 
gle ;  s'il  eft  plus  petit  ,  le  cône  eft  obtufan- 
gle;  enfin  c'eft  un  cône  rectangle ,  quand  l'axe 
eft  égal  au  rayon  de  la  bafe. 

Quelques  auteurs  définiflent  en  général 
le  cône  une  figure  folide ,  dont  la  bafe  eft  un 
cercle  comme  C  D  [  fig.  j .  )  ,  &  qui 
eft  produite  par  la  révolution  entière  du 
plan  d'un  triangle  rectangle  CA  B ,  autour 
du  côté  perpendiculaire  A  B  ;  mais  cette 
définition  ne  peut  regarder  que  le  cône 
droit ,  c'eft-à-dire ,  celui  dont  l'axe  tombe 
à  angles  droits  fur  fa  bafe. 

Afin  donc  de  donner  une  defcription  du 
cône ,  qui  convienne  également  au  cône  droit 
&  à  l'oblique ,  fuppofbns  un  point  immo- 
bile A  ,  {fig.  4.  )  au-dehors  du  plan  du  cer- 
cle BDÈC ;  &  foit  tirée  par  ce  point  une 
ligne  droite  AE  ,  prolongée  indéfiniment 
de  part  &  d'autre,  qui  fe  meuve  tout-au- 
tour de  la  circonférence  du  cercle  :  les  deux 
furfaces  engendrées  par  ce  mouvement , 


CON  879 

font  ^^ptWéQS  furfaces  coniques  ;  &  quand 
on  les  nomme  relativement  l'une  à  l'autre  , 
elles  s'appellent  àç.s  furfaces  verticalement 
oppofées  ou  oppofées  par  le  fommet  ^  ou  fim- 
^\txx\^x\\  fur  faces  oppofées. 

Voici  les  principales  propriétés  du  cône. 
1°.  L'aire  ou  la  furface  de  tout  cône  droit  ^ 
faifant  abftradion  de  la  bafe  ,eft  égale  à  un 
triangle ,  dont  la  bafe  eft  la  circonférence 
de  celle  du  cône  .^  &  la  hauteur  le  côté  du 
cône.  VoyeT^  TRIANGLE.  Ou  bien  ,  la  fur- 
face  courbe  d'un  cône  droit  eft  à  l'aire  de  fa 
bafe  circulaire  ,  comme  la  longueur  de  l'hy- 
pothénufe  A  C(  fig.  3 .  )  du  triangle  reftan- 
gle  générateur  eft  k  CB ,  bafe  du  même 
triangle,  c'eft-à-dire,  comme  le  côté  du 
cône  au  demi-diametre  de  la  bafe. 

D'où  il  fuit  que  la  furface  du  cône  droit  eft 
égale  à  un  fedeur  de  cercle ,  qui  a  pour 
rayon  le  côté  du  cône,  &  dont  l'arc  eft  égal 
à  la  circonférence  de  la  bafe  de  ce  foîide  : 
d'où  il  eft  aifé  de  conclure  que  cet  arc  eft  à 
360  degrés ,  comm.e  le  diamètre  de  la  baf* 
eft  au  double  du  côté  du  cône. 

On  a  donc  une  méthode  très-fimple  de 
tracer  une  furface  ou  un  plan ,  qui  enve- 
loppe exaftement  celle  d'un  cône  droit  pro- 
pofé.  Car  fur  le  diamètre  de  la  bafe  A  B  y 
l'on  n'a  qu'à  décrire  un  cercle  ÇPL  des  ce- 
niq.fig.  6".);  prolonger  le  diamètre  jufqu'en 
C  ,  en  forte  que  A  C  {bit  égal  au  côté  du 
cône  ;  chercher  enfuite  une  quatrième 
proportionelle  aux  trois  grandeurs  z  AC^ 
AB  y  160^;  &  du  centre  C,  avec  le  rayon 
C  A ,  décrire  un  arc  Z)  £  ,  qui  ait  le  nom- 
bre de  degrés  trouvés  par  la  quatrième  pro- 
portionnelle; alors  le  fedeur  C  D  £ ,  avec 
le  cercle  A  B ,  fera  une  furface  propre  à 
envelopper  exadement  le  cSne  propofé, 

A-t-on  un  cône  droit  tronqué ,  dont  on 
voudroit  avoir  le  développement?  que  l'on 
porte  le  côté  de  ce  cône  de  A  en  F  ;  que 
l'on  décrive  un  arc  G  H  avec  le  rayon  F', 
&  que  l'on  cherche  enfuite  une  quatrième 
proportionnelle  à  360*^,  au  nombre  de  de- 
grés de  l'arc  G  H;  &;  au  rayon  C  F  ;  afin 
de  déterminer  par  ce  moyen  le  diamètre 
du  cercle  IF^  ôc  l'on  aura  une  figure 
plane  ,  dont  on  pourra  envelopper  le  cône 
tronqué. 

Car  C DB A E ,  enveloppera  le  cône 
entier;  C  G  i*^  J  .fl^  enveloppera  le  cù/ie 


S8o  C  O  N 

retranché  ;  il  faut  donc  que  DB  EHIG 
foit  propre  à  envelopper  le  cône  tronqué. 

1.°.  Les  cônes  de  même  bafe  &  de  même 
hauteur  font  égaux  en  folidité.  Foye:^  Py- 
ramide. 

Or  il  eft  démontré  que  tout  prifme  trian- 
gulaire peut  être  divifé  en  trois  pyramides 
égales;  &  qu'ainfi  une  pyramide  triangulaire 
eft  la  troifieme  partie  d'un  prifme  de  même 
bafe  &  de  même  hauteur. 

Puis  donc  que  tout  corps  multangulaire 
ou  polygone ,  peut  être  réfolu  en  folides 
triangulaires  ;  que  toute  pyramide  eft  le 
tiers  d'un  prifme  de  même  bafe  &  de  même 
hauteur  ;  qu'un  cône  peut  erre  confidéré 
comme  une"  pyramide  infinitangulatre , 
c'eft-à-dire ,  d'un  nombre  infini  de  côtés  ; 
&  le  cylindre  comme  un  prifme  infini- 
tangulaire,  il  eft  évident  qu'un  cône  eft  le 
tiers  d'un  cylindre  de  même  bafe  &  de 
même  hauteur. 

L'on  a  donc  une  méthode  très-fimple 
pour  mefurer  la  furface  &  la  folidité  d'un 
cône  :  par  exemple  pour  avoir  la  folidité  d'un 
cône,  il  n'y  a  qu'à  trouver  celle  du  prifme 
ou  d'un  cylindre  de  même  bafe  &:  de  même 
hauteur  que  le  cône  (  Voye^^  PRISME  & 
Cylindre  J  ;  après  quoi  Ton  en  prendra  le 
tiers  ,  qui  fera  la  folidité  du  cône  ou  de 
la  pyramide.  Si  la  folidité  d'un  cylindre 
eft  6o')'59i96o  pies  cubes,  on  trouvera 
que  celle  du  cône  vaut  201864320  pies 
cubes. 

Quant  aux  furfaces ,  on  a  celle  d'un  cône 
droit  en  multipliant  la  moitié  de  la  cir- 
conférence de  la  bafe  par  le  côté  de  ce 
cône  ,  &  ajoutant  à  ce  produit  l'aire  de  la 
bafe. 

Si  Ton  veut  avoir  la  furface  &c  la  foli- 
(Jité  d'un  cône  droit  tronqué  AB  CD 
{fis-  7-  )  5  ^^  hauteur  C  H  &:  les  diamètres 
des  bafes  A  B ,  CD,  étant  donnés  ,  on 
déterminera  d'abord  leurs  circonférences  : 
enfuite  on  ajoutera  au  quarré  de  hauteur 
Ç  H  le  quarré  de  la  différence  A  H  des 
rayons  ;  &  extraifant  la  racine  quarrée  de 
cjette  fomme,  on  aura  le  côté  A  C  d\i  cône 
tronqué  :  on  multipliera  enfuite  la  demi- 
fomme  des  circonférences  par  le  coté  A  C, 
^  cette  multiplication  donnera  la  furface  du 
çgnp  tronqué. 


CON 

Pour  en  avoir  la  folidité  on  fera  cVabord 
cette  proportion  ;  la  différence  A  H  des 
rayons  eft  à  la  hauteur  C^du  cône  tron- 
qué ,  comme  le  plus  grand  rayon  AF  Q(k 
à  la  hauteur  F E  à\i  cône  entier  ;  cerre  hau- 
teur étant  trouvée ,  on  en  fouftraira  celle  du 
cône  tronqué ,  &  l'on  aura  la  hauteur  £  G  du 
cône  fupérieur.  Que  l'on  détermine  pré- 
fentement  la  folidité  du  cône  CED  &:  celle 
du  cône  AEB ,  &c  que  l'on  ôte  la  première 
de  la  féconde,  il  reftera  la  folidité  du  cône 
tronqué  ACDB. 

Sur  les  ferions  du  cône ,  voye^  CONI- 
QUE; fur  le  rapport  des  cônes  &.  des  cy- 
lindres,  vojq  Cylindre  -,  &  fur  les  cen- 
tres de  gravité  &  d'ofcillation  du  co.ig, 
voyeT^  Centre. 

Le  nom  de  cône  fe  donne  encore  à  d'au- 
tres folides,  qu'à  ceux  dont  les  furfaces  font 
produites  par  le  mouvement  d'une  ligne 
autour  de  la  circonférence  d'un  cercle  :  il 
s'étend  à  toutes  les  efpeces  de  corps  que  l'on 
peut  former  de  la  même  manière ,  en  pre- 
nant une  courbe  quelconque  pour  circonfé- 
rence de  la  bafe. 

La  méthode  pour  déterminer  la  folidité 
d'un  cône  oblique ,  eft  la  même  que  celle 
pour  déterminer  la  folidité  du  cône  droit  ; 
tout  cône  en  général  eft  le  produit  de  fa 
bafe  par  le  tiers  de  fa  hauteur  ,  c'eft-à- 
dire,  par  le  tiers  de  la  hgne  menée  du 
fommet  perpendiculairement  à  la  bafe. 
Dans  les  cônes  droits  ,  cette  ligne  eft  l'axe 
même;  dans  les  autres,  elle  eft  différente 
de  l'axe. 

Mais  l'a  furface  du  cône  oblique  eft  beau- 
coup plus  difficile  à  trouver  que  celle  du 
cône  droit  ;  on  ne  peut  la  réduire  à  la  me- 
fure  d'un  feâieur  de  cercle,  parce  que  dans 
le  cône  obhque  toutes  les  lignes  tirées  du 
fommet  à  la  bafe ,  ne  font  pas  égales.  Voye^ 
le  mémoire  que  M.  Euler  a  donné  fur  ce 
fujet ,  dans  le  tome  Ides  Nouv.  mêm.  de  Pê" 
tersbourg.  Barrow,  dans  fes  Lecliones  geome- 
trlcce ,  donne  une  méthode  ingénieufe 
pour  trouver  la  furface  d'un  cône  qui  a  pour 
bafe  une  ellipfe,  lorfque  ce  cône  fait  por- 
tion d'un  cône  droit.  Voici  en  deux  mots  fa 
méthode.  Du  point  où  l'ajçe  du  cône  droit 
coupe  l'ellipfe,  il  imagine  des  perpendicu- 
laires fur  les  différens  côtés  du  cône  ;  & 
comme  ces  perpendiculaires  font  égales,il  n'a 

pas 


C  O  N 

pa?  de  peine  à  prouver  que  la  folicUté  du  c6n& 
elliptique  eft  égale  au  produit  de  fa  (urface 
par  le  tiers  de  l'une  de  ces  perpendiculaires. 
Or  cette  même  lolidité  eft  autîi  égale  au 
tiers  de  la  hauteur  du  côm ,  multiplié  par  la 
bafe  elliptique.  Donc  comme  la  perpendicu- 
laire ci-deffus  défignée  eft  à  la  hauteur  du 
ro/ze,  ainft  labafe  elliptique  eft  à  la  iurface 
cherchée. 

On  appelle  en  optique ,  cône  de  rayons , 
l'aftemblage  des  rayons  qui  partent  d'un 
point  lumineux  quelconque  ,  &  tombent 
fur  la  prunelle  ou  fur  la  furface  d'un  verre 
ou  d'un  miroir.   Voye^  Rayon,  f  OJ 

CÔNE,  terme  de  botanique;  voyez  ci- 
après  CONTFERE. 

CÔNE  (  Chymie.  )  efpece  de  moule  de  fer 
fondu  ,  dans  lequel  les  chymiftes  verfent  les 
fubftances  métalliques  (  appellées  régules 
dans  ce  cas  )  qu'ils  fe  propofent  de  fépa- 
rer  de  leurs  fcories  par  l'opération  qu'ils 
nomment  en  latin  prcecipitatio  fuj'oria. 
Foyei  RÉGULE  ,    PRÉCIPITATION,    & 

Fusion. 

Ce  moule  a  la  forme  d'un  cône  renver- 
fé  ;  &c  c'éft  de  cette  forme  qu'il  tire  fon 
nom  6c  fon  ufage.  Une  fubftance  métalli- 
que quelconque  étant  plus  pefante  que  les 
fcories  dont  on  la  fépare ,  6c  étant  immif- 
cibieavec  ces  fcories,  doit,  lorfque  l'un  &c 
l'autre  de  ces  corps  font  en  belle  fonte  dans 
un  même  vaiffeau ,  en  gagner  le  fond  ,  dès 
que  le  feu  ne  les  agite  plus.  Et  la  forme  co- 
nique du  moule  dont  nous  parlons  ,  eft 
très-propre  à  raftembler  le  régule  en  une 
mafle  qu'on  peut  facilement  féparer  des 
fcories.  (  3  ) 

CONEPATE  ,f.  m.  (  Hifl.  nat.quadr.) 
animal  quadrupède  du  Mexique  ,  décrit  & 
figuré  fous  ce  nom  ,  par  Hermandez,  dans 
fon  Hiftoire  du  Mexique  ,  /?.  3  3  2  ,  foufrle 
nom  de  conepalt.  Catesbi  en  a  fait  graver  &C 
enluminer  une  bonne  figure  ,  fous  le  nom 
et  putois  d^  Amérique^  dans  fon  Hi flaire  na- 
turelle de  la  Caroline ,  vol.  II -,p,  &  planche 
LXII.  M.  Brifton  dans  fon  Règne  animal 
des  quadrupèdes  ,  impriméen  1756 ,/».  aio  , 
le  défîgne  par  le  nom  à^ putois  rayé;  muflela 
nigra  tcenis  in  dorfo  albis  ,  .  .  .  .  putorius 
ftriatus.  Enfin  M.  de  BufFon  en  a  fait  graver 
deux  bonnes  figures ,  au  vol.  II,  page.  x^8 
de  ion  Hi flaire  naturelle^  édition  z/i-/a, 
TomeniL 


CO  N  881 

imprimée  en  177CS  fous  le  nom  de  conepate, 
C'eft,  félon  lui,  le  tepemantla  q  le  Fernan- 
dez  décrit  datis  fon  }fifloire  de  lu  Nouvelle 
Efpagne^page  6^,  ri^'  16'. 

Cet  animal  reflemble  affez  au  putois  par 
la  grandeur,  mais  il  a  le  corps  plus  ramafte, 
le  mufeau  plus  effilé  ,  à-peu-près  comme 
celui  du  rat,  ou  delà  iburis,  Toeil  très-vif. 
Sa  queue,  qui  eft  tournie  de  longs  poils, 
lîérilTés  comme  ceux  du  renard,  atteint 
jufqu  a  fa  tête  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'elle  eft 
auffi  longue  que  fon  corps,  fur  lequel  elle  fe 
relevé  en  arc  ,  à-peu-près  comme  celle  de 
l'écureuil.  Ses  doigts  font  au  nombre  de 
cinq  à  chaque  pié  ,  Sc  vraifemblablement 
tous  à  la  même  hauteur. 

Il  a  fur  fon  poil  à  fond  noir  cinq  bandes 
blanches  qui  s'étendent  longitudinalement 
de  la  tête  à  la  queue. 

Variétés.  Il  paroît  que  cet  animaléprouve 
quelques  variétés  dans  (ts  couleurs.  Celui 
qu'on  appelle  vulgairement  fcunck  ,  dans 
laNouvelle-Yorck,  &:  que  les  Anglois  qui 
font  dans  ce  pays  nomment  polekat ,  6c 
les  Suédois  fiskatte ,  eft  quelquefois  tout 
blanc  ,  &  pour  l'ordinaire  noir ,  avec  trois 
bandes  blanches.  Il  a  la  grofleur  &  la  forme 
de  la  martre  ^  &:  les  yeux  étincelans  la  nuit, 
C'eft ,  félon  M.  de  Buffon ,  cet  animal  que 
le  père  Charlevoix  appelle  enfant  du  diable  , 
bête  puante.  Hifloire  de  la  Nouvelle  France  , 
volume  III,  page  33  J.  Il  a  le  poil  gris 
avec  deux  raies  blanches ,  formant  un  ovale 
fur  le  dos. 

Mœurs.  Le  conepate  fait  (qs  petits  égale- 
ment dans  des  terriers ,  &  dans  des  creux 
d'arbres.  Les  oifeaux  font  fa  nourriture 
ordinaire  ;  il  brife  leurs  œufs  6c  mange  leurs 
petits.  S'il  entre  dans  un  poulailler,  il  y 
porte  le  ravage;  il  vit  auffi d'infeéles  6c de 
fruits  fauvages. 

Cet  animal  ne  répand  aucune  odeur  pen- 
dant qu'il  eft  tranquille ,  mais  lorfqu'il  eft 
chaffé,  foit  par  les  hommes,  foit  par  les 
chiens ,  il  court  tant  qu'il  peut ,  ou  grimpe 
fur  un  arbre ,  6c  lorfqu'il  eft  trop  preffé  , 
il  commence  d'abord  comme  les  chats  par 
hérifTer  fon  poil  ,  6c  rehaufler  fon  corpiS 
de  manière  à  le  rendre  plus  étrange  par 
fa  rondeur,  6c  plus  terrible  par  fa  gran- 
deur extraordinaire.  Si  cet  air  menaçant  ne 
uftit  pas  pour  épouvanter  fon  ennemi ,  »1 

S  ssss 


88t  CON 

emploie  un  moyen  infaillible  ;  il  lui  préfente 
le  derrière,  &:  lui  lance  tantôt  l'urine  in- 
fefte,  tantôt  une  vapeur  qui  fort  de  quel- 
ques conduits  fecrets ,  &:  qui  font  l'une  & 
l'autre  d'une  odeur  fi  forte,  que  l'ait  en 
efl;  empeftë  au  point  qu'elle  fuffoque ,  & 
que  les  chiens  font  obligés  de  lâcher  prife  ; 
il  y  en  a  cependant  qui  enfoncent  le  nez 
dans  la  terre  pour  renouveller  leurs  atta- 
ques, jufqu'à  ce  qu'ils  aient  tué  le  puant  ; 
mais  rarement  par  la  fuite  fe  foucient-ils  de 
pourfuivre  un  gibier  fi  défagréable ,  qui  les 
fait  fouffrir  pendant  quatre  ou  cinq  heures. 
Tous  les  animaux  qui  «fe  trouvent  dans 
l'atmofphere  de  cette  vapeur ,  éprouvent 
la  même  fenfation  ;  les  bœufs  èi.  les  vaches 
beuglent  en  courant  de  toutes  leurs  forces. 
Kalm  nous  apprend  qu'un  de  ces  puants, 
apperçu  la  nuit  dans  une  cave  à  fes  yeux 
ctincelans,  par  une  femme  qui  le  tua  ,  rem- 
plit la  cave  d'une  odeur  telle,  que  non, 
feulement  cette  femme  en  fut  malade  pen- 
.  dant  quelques  jours ,  mais  encore  que  le 
pain,  la  viande,  &i  les  autres  provifions 
que  l'on  confervoit  daivs  ce  fouterrain  ,  fu- 
rent tellement  infedés  ,  qu'on  n'en  put  rien 
conferver  ,  &  qu'il  fallut  tout  jeter  de- 
hors. Une  goutte  de  fon  urine  qui  jailli- 
roit  dans  les  yeux  ,  éteindroit  la  vue  ;  lorf- 
qu'il  en  tombe  fur  le«  habits ,  elle  leur 
imprime  une  odeur  ii  forte,  qu'il  eft  très- 
difficile  de  la  faire  paffer  ;  il  faut  plus  d'tin 
mois  pour  l'enlever  entièrement  d'une 
étoffe. 

Ufages.  On  apprivoife  quelquefois  ces 
animaux  quand  ils  iont  encore  jeunes  :  ils 
J&iivent  leur  maître  comme  les  animaux  do- 
meftiques ,  &  conservent  leur  vivacité  en 
devenant  doux.  Comme  ils  ne  lâchent  leur 
urine  &:  leur  odeur  infefte  que  lorfqu'on  les 
preffe ,  ou  qu'on  les  bat ,  ou  lors  que  la  peur 
eu  l'intérêt  de  leur  confervation  les  forcent 
à  avoir  recours  à  ce  moyen  de  défenfe  ,  ils 
ne  font  pas  incommodes. 

Sa  chair  eft  délicate  &  d*un  très  -  bon 
goût ,  approchant  de  celui  du  cochon  de 
feit.  Àufii  les  Américains  en  tuent-ils  quel- 
quefois ;  mais  ils  ont  la  précaution  de  les 
Yuider  auffi-tôt ,  ou  d'en  féparer  la  velîie  , 
afin  que  la  chair  ne  prenne  pas  l'odeur  de 
l'urine.  Ils  en  emploient  la  peau  à  faire  des 
kîujcjCes,  Les  Européens  n'en  font  aucun  cas 


CON 

à  caule  de  fon  épaifleur  &c  de  la  longueur  de 
fon  poil. 

Remarques.  Le  conepatc  a  comme  l'on 
voit ,  beaucoup  de  rapport  avec  le  putois, 
par  la  grandeur  ,  la  forme  &:  l'odeur ,  &  il 
en  feroit  une  efpece  ,  s'il  avoit  comme  lui 
le  cinquième  doigt  ou  le  pouce  plus  haut 
que  les  autres  doigts;  mais  comme  tous  les 
auteurs  qui  l'ont  décrit  ou  figuré ,  fe  taifent 
fur  ce  caraftere  plus  effentiel  qu'ils  ne  l'ont 
cru,  &  que  leurs  figures  les  placent  tous  à 
la  même  hauteur  ,  nous  penfons  qu'il  pour- 
roit  faire  un  genre  d'animal  particulier  , 
voifin  du  putois  &  de  la  civette,  dans  la 
famille  que  j'appelle  \a  famille  des  chats  ou 
des  lions.  {  M.  Adanson.  ) 

*  CONFARRÉATION  ,  f.  f.  (  HijL 
anc.  )  cérémonie  romaine  qui  confiftoit  à 
faire  manger ,  en  préfence  de  dix  té- 
moins ,  d'un  pontife  ,  ou  d'un  flamine 
diale ,  d'un  même  pain  ou  gâteau  aux 
perfonnes  que  l'on  marioit ,  &:  qui  defti- 
uoient  leurs  enfans  au  facerdoce.  Voye:^ 
Mariage. 

La  canfarréation  étoit  la  plus  facrée  des 
trois  manières  de  conférer  le  mariage,  qui 
étoient  en  ufage  chez  les  Romains  :  elle  étoit 
appel'îée  confarréation  ,  du  gâteau  falé  ,  à 
farre  &  molâfald.  Cette  cérémonie  fouf- 
traifoit  une  fille  à  la  puifïance  paternelle  : 
elle  ne  dura  qu'un  temps.  Quand  un  mariage 
contracté  par  la  confarréation  lé  rompoit , 
on  difoit  qu'il  y  avoit  diffarréation.  On 
offroit  auffi  dans  la  diffarréation  le  gâteau 
lalé. 

La  confarréation  &  la  diffarréation  avoient 
chacune  leur  formule  &;  leur  cérémonie.  On 
prétend  qu'on  répandoit  fur  les  viâiimes  une 
portion  du  gâteau. 

^ONFECTEUR,  cenfeâor ,  {  Hiftoirc 
ancienne.  )  forte  de  gladiateur  chez  les  an- 
ciens Romains  ,  qu'on  louoit  pour  fe  battre 
dans  l'amphithéâtre  contre  les  bctes  féroces» 
Foyei  Gladiateur. 

Les  confecieurs  s'appelloient  ainfi,  ^ coU' 
ficiendis  bejiiis^  à  caufé  qu'ils  maffacroient 
&  tuoient  les  bêtes.  Les  Grecs  les  appel- 
loient  '7rtt.§ci^K9i ,  c'eft-  à-dire  ,  téméraire  ,> 
déterminé  ;  d'où  les  Latins  ont  emprunté  les 
noms  et  p arabe lani  &:  de  parabolarii.  Les 
chrétiens  étoient  q^uelquefois  condamnés  à. 


CON 

ces  fortes  de  combats.  Voye:^^  le  Diction,  de 
Trévoux  &  Chamhtrs.  (G) 

CONFECTION ,  f.  f.  (  Pharm.  )  On  a 
donné  en  pharmacie  le  nom  de  confection 
à  certaines  compofitions  officinales  qui  font 
du  genre  des  éleéluaires  dont  elles  ne  diffé- 
rent ni  par  leur  confiftancej  ni  par  le  ma- 
nuel de  leur  préparation.  Voye\  ÉLEC- 
TUAIRE. 

On  trouve  dans  les  dirpenfaires  un  aïTez 
grand  nombre  d'éleâ:uaires  décrits  fous  le 
nom  de  confection ,  qui  prefque  tous  font 
ftomachiques  &  cordiaux  ;  ce  qui  feroit 
croire  que  c'étoit  principalement  à  ceux  de 
cette  efpece  qu'on  donnoit  originairement 
ce  nom.  Il  ^tn  trouve  cependant  auffi  ,  mais 
très-peu  ,  qui  font  narcotiques  :  il  y  en  a 
même  un  qui  eft  purgatif. 

De  toutes  les  conférions  décrites  dans  la 
pharmacopée  univerfelle  de  Lémery  (en- 
viron 30) ,  il  n'y  en  a  que  trois  qui  foient  au- 
jourd'hui en  ufage  parmi  nous  ;  fa  voir  la  con- 
fection hyacinthe  &  alkermhs  ,  qui  font 
toutes  deux  réputées  cordiales  &:  ftoma- 
chiques  ,  &  la  confection  tiamec  qui  eft  pur- 
gative. Nous  allons  donner  la  compofition 
de  ces  trois  préparations. 

Confection  hyacini/ie  réformée  de  Lémery. 
1^  des  hyacinthes  préparées ,  une  once  & 
oemie  ;  du  corail  rouge  préparé  ,  de  la  terre 
figillée,  du  fantal  citrin  ,  de  chacun  une 
once  ;  de  la  rapure  de  corne  de  cerf,  fix 
gros  ;  de  l'os  de  cœur  de  cerf,  de  la  racine 
de  tormentille ,  de  fraxinelle ,  des  feuilles  de 
diftame  de  Crète ,  du  faffran ,  de  la  myrrhe , 
des  rofes  rouges ,  des  femences  d'ofeille , 
de  citron ,  de  pourpier ,  de  chacun  trois 
gros  ;  des  yeux  d'écreviftes- préparés  quatre 
fcrupules  ;  «Jesécorces  extérieures  de  citron , 
d'orange  aigre ,  de  chaque  quatre  fcrupules  ; 
du  mufc ,  de  l'ambre-gris  ,  de  chacun  dix 
grains  ;  du  (irop  de  kermès ,  une  once  ;  du 
ifirop  d'œillet ,  trois  liv.  ^V.  B.  que  la  livre 
dont  fe  fert  Lémery  n'eft  que  de  douze 
onces. 

Si  jamais  les  médecins  galéniftes  firent  une 
préparation  monftrueufe  ,  on  peut  bien  dire 
que  c'a  été  la  confection  d'Iiyacinthe  :  tous  les 
éloges  qu'on  lui  a  donnés,  &  qu'on  lui 
donne  encore  tous  les  jours,  ne  font  rien 
en  fa  faveur  ;  &  malgré  les  corredlions  qu'on 
a  faites  à  la  defcrrption  que  nous  avoient 


C  O  N  S83 

laifTée  \e%  anciens,  on  peut  afîurer  hardi- 
ment que  cet  élecluaire  ne  peut  pas  avoir 
une  grande  vertu  ,  fur-tout  à  la  dofe  où  on 
le  donne  ordinairement  :  il  liiffit  pour  s'en 
convaincre  de  jeter  les  yeux  fur  la  nature 
des  poudres,  &  fur  la  quantité  &  la  qualité 
qui  fert  à  les  incorporer. 

La  poudre  eft  compofée  de  végétaux, à 
qui  l'on  a  accordé  une  vertu  aftrigente  , 
tels  que  la  tormentille  ,  les  rofes  rouges  ou 
cordiales ,  tels  font  la  racine  de  fraxinelle  , 
le  fantal  citrin ,  le  faflfran ,  les  feuilles  de 
diftame  ,  le  myrrhe  ;  pu  enfin  vermifuge  , 
(car  on  attribue  auifi  cette  propriété  à' la 
confection  hyacinthe  )  comme  les  fem.ences 
de  citron,  de  pourpier,  d'ofeille  :  les  autres 
poudres  font  réputées  abforbantes  ;  &C 
quelques-unes  le  font  en  efi>2t',  favoir  , 
le  corail  &c  les  yeux  d'écreviftes ,  la  corne 
de  cerf  &  l'os  du  cœur  du  même  animal , 
font  du  genre  des  remèdes  qu'on  appelle 
incrajfans. 

Il  y  a  une  autre  efpece  d'ingrédiens  dont 
les  vertus  médicinales,  je  crois  ,  ne  font  pas 
trop  bien  connues;  je  veux  dire  les  terres 
argileufes  ,  qui  font  le  bol  d'Arménie  &  la 
terre  figillée. 

Je  ne  parle  point  de  l'ambre-gris  ;  ni  du 
mufc  ;  on  ny  en  met  jamais. 

Quant  aux  pierres  précieufes  qui  entroient 
autrefois  dans  cette  préparation  ,  Lémery 
les  a  toutes  retranchées  à  l'exception  des 
hyacinthes.  Je  ne  fais  pas  trop  pourquoi  il  a 
fait  grâce  à  celles-ci  :  les  raifons  qui  ont  fait 
rejeter  les  émeraudes ,  les  faphirs ,  dévoient 
faire  rejeter  aufli  les  hyacinthes  ;  mais  fans 
doute  -que  comme  elles  donnent  leur  nom 
à  cette  confection^  il  n'a  pas  ofé  les  en  bannir. 
La  poudre  qui  réfulte  des  ingrédiens 
énoncés ,  &  qui  eft  connue  dans  les  bouti- 
ques ,  fous  le  nom  d'efpece  de  confection 
hyacinthe ,  pourroit  avoir  de  bons  effets 
dans  certains  cas  ,  donnée  au  poids  d'un 
demi-gros  ou  d'un  gros  :  mais  il  n'arrive 
jamais  qu'on  prefcrive  ces  efpeces  ;  on  a 
toujours  recours  à  la  confection^  c'eft-à-dire 
à  une  petite  portion  de  la  poudre  ,  &  une 
très-grande  au  contraire  de  firop.  En  effet, 
la  dofe  ordinaire  de  ce  remède  étant  d'un 
gros ,  le  malade  à  qui  on  le  prefcrit  ne  prencï 
que  12  grains  de  la  poudre  ,  &  60  grains 
de  iiiop.  Ajoutez  à  cela,  que  la  plupart 
Sssss  z 


884  9  ^  N. 

de  celle  qui  fe  débite  à  Paris,  &c  qui  vient 
pour  la  plupart  de  Montpellier  &  de  Lyon  , 
eu  faite  avec  le  iirop  de  limon ,  firop  acide 
qui  ne  manque  pas  de  faturer  les  alkalins 
terreux  ,  fur  la  vertu  defquels  on  ne  peut 
plus  compter.  11  eft  vrai  que  la  plus  grande 
parue  des  apothicaires  de  Paris,  conformé- 
ment à  la  defcription  corrigée  par  Lémery 
ne  fe  fervent  que  deiîrop  d'osiUet,  ou  même 
d'un  firop  blanc  ,  c'eft-à-dire  ,  fait  avec 
l'eau  commune  &  le  fucre  ;  en  ce  cas  les 
abforbans  confervent  toute  leur  propriété  : 
mais  comme  il  en  entre  une  fi  petite  quan- 
tité dans  la  dofe  que  l'on  prelcrir  ordinaire- 
ment de  cette  confidion ,  on  ne  doit  pas 
beaucoup  compter  fur  eux. 

La  cQn/ec/ionkyacinihepzffe  pour  fortifier 
le  cœur,  l'eftomac  &  le  cerveau;  elle  tue 
les  vers,  &  a,  dit-on, la  propriété  d'arrê- 
ter le  cours  de  ventre  &  le  vomiiTement. 
On  pourroit  en  faire  prendre  hardiment 
jufqu'à  une  demi-once  ;  à  cette  grande  dofe 
même  ,  le  malade  ne  prendroitque  48  grains 
delà  poudre. 

Confection  alkcrme.  La  confcciicnalkerme 
étoit  aufii  dans  fon  origine  une  préparation 
très-imparfaite  ;  &  Méfué  qui  en  eft  l'auteur , 
y  avoit  fait  toutes  les  fautes  que  feront 
toujours  ceux  qui  mélangeront  différentes 
drogues  fans  être  infiruits  des  principes 
de  la  chymie.  En  effet  cet  auteur  faifoit 
infufer  de  la  foie  crue  ,  teinte  avec  le  ker- 
mès ,  dans  du  fuc  de  pommes  &  dans  de 
l'eau-rofe  ;  il  faifoit  enfuite  cuire  avec  du 
iucre  cette  infufion  en  canfiftance  de  firop  : 
quoi  de  plus  contraire  à  l'art  que  d'em- 
ployer de  l'eau-rofe  ,  que  l'on  doit  enfuite 
faire  évaporer  ?  Pourquoi  falloit-il  que  la 
foie  fût  teinte  avec  le  kermès  }  ne  valoit-il 
pas  mieux  fe  fervir  du  kermès  lui-même.  De 
quelle  utilité  peut  être  une  infufion  de  foie  ? 
Il  y  a  long- temps  que  Zwelfera  fait  fentir  le 
ridicule  d'une  pareille  préparation ,  &:  à  pré- 
fent  il  n'eft  plus  queftion  dans  les  boutiques, 
de  la  confeclion  alkcrme  de  Méfué  ;  plufieurs 
auteurs  l'ont  corrigée  ;  nous  allons  la  donner 
telle  qu'elle  eft  dans  la  pharmacopée  de  Paris. 

If.  grains'de  kermès  une  once  ,  fantal  ci- 
trin  une  once  &  demie ,  bois  d'aloès  demi- 
once,  bois  de  rofe  un,  gros  &  demi,  des 
rofes  rouges  fix  gros,  de  la  canelle  trois 
onces  3  du  caffia-lignea  trois  gros,  ^elaco-, 


CON 

chenille  deux  gros ,  des  perles  orientales  pré- 
parée§ ,  du  corail  rouge  préparé ,  de  chaque 
une  once,  des  feuilles  d'or  un  fcrupule  ; 
faite  5  du  tout  une  poudre  fine  .-enfuite  prenez 
firop  de  kermès  quatre  onces  ,  que  vous 
ferez  chauffer  au  bain- marie  ,  &  pafferez  à 
travers  un  tamis  ;  après  quoi  ajoutez-y  fucre 
blanc  une  demi-once  ;  faites  un  peu  épaiifir 
le  firop,  &:  y  ajoutez  lorfqu'il  fera  prefque 
refroidi  de  la  poudre  fufdite  quatre  gros  : 
mêlez  bien  le  tout,  &  la  confection  fera  faite. 

On  a  rejeté  avec  raifbn  de  cette  compofi- 
tion  le  lapis  la\uli ,  toujours  au  moins  fuf- 
peâ:  par  le  cuivre  qu'il  contient ,  malgré  la 
correélion  prétendue  opérée  par  fa  calci- 
nation. 

Les  feuilles  d'or  font  fans  doute  deman- 
dées ici  pour  fuivre  un  ancien  ufage,  car 
jamais  or  ne  fut  fi  inutilement  employé. 

La  dofe  de  cette  confcBion  cft  d'un  demi- 
gros,  mais  on  pourroit  hardiment  la  poulTer 
jufqu'à  demi-once;  car  on  n'apperçoit  pas 
les  inconvéniens  qu'il  y  auroit  à  craindre 
de  l'adminifiraLion  d'une  pareille  dofe  ,  & 
l'on  peut  obferver  en  général  que  les  méde- 
cins font  trop  timides  dans  l'adminiftration 
des  remèdes  purement  altérans ,  &  que  c'eft 
parce  qu'ils  ne  \ts  donnent  qu'à  de  tiès- 
foibles  dofes,  que  ces  remèdes  font  le  plus 
fouvent  inutiles. 

•  La  confection  alkerme  efl:  un  affez  bon 
ftomachique  &  cordial  :  c'efl  à  ce  dernier 
titre  qu'elle  efi:  le  plus  communément  en 
ufage  :  elle  entre  prefque  dans  toutes  les  po- 
tions cordiales,  &:  fait  un  ingrédient  très- 
utile. 

Confection  hamec  de  Lémery  :  prenez  de 
raifins  mondés  une  demi-livre ,  du  poly- 
pode  de  chêne  concafTéune  once  &  demie  , 
de  l'épythimie  une  once,  des  feuilles  d'ab- 
fynthe ,  de  rofes  rouges  ,  de  thym  ,  des  f e- 
mences  d  anis  ,  de  fenouil ,  de  la  fumeterre  , 
de  chacun  demi-once;  du  gingembre  ôc  du 
fpicanard,  de  chacun  deux  dragmes  ;  faites 
bouillir  le  tout  dans  trois  pintes  de  petit- 
lait  &  une  pinte  d'eau  de  fumeterre  ,  jufqu'à 
diminution  de  moitié  ;  difix)lvez  enfuite 
dans  la  colature  bien  exprimée  ,  du  miel 
écume  &:  du  fucre  blanc ,  de. chacun  une 
livre  &  demie  ;  cuifez  le  tout  enfuite  jufqu'à 
la  confifiance  d'un  élecluaire  mou;  puis, 
après  avoir  retirée  la  baffine  de  defîus  le 


C  O  N 

feu  ,  di/Toîvez-y  de  la  pulpe  de  cafTe  huit 
onces ,  de  celle  de  pruneaux  fix  onces  ;  ajou- 
tez-y fur  la  fin  de  poudre  de  myrobolas  ci- 
trins  ,de  féné  mondé ,  de  chacun  trois  onces , 
de  l'agaric  trois  onces  ,  des  trochifques 
alhandal,  de  la  rhubarbe,  de  chacun  une 
once  &  demie  ;  de  la  fcammonée  ,  femence 
de  violette,  de  chacun  une  once;  du  fel 
de  fumeterre  Ôscd'abfynrhe  ,  de  chacun  trois 
gros  :  faites-en  une  conficîion  félon  l'art. 

La  confocrion  hamcc  eil  un  purgatif  hydra- 
gogue  très-efficace ,  à  la  dofe  de  deux  gros 
jufqu'à  fix  ;  elle  a  été  fur-tout  célébrée  pour 
les  maladies  vénériennes  &;  les  maladies  de 
la  peau  :  mais  fa  grande  amertume  en  rend 
l'ufage  prefque  impoffible  à  la  plupart  àts 
malades,    b) 

CONFÉDÉRATION,  f.  f.  {Gramm.\ 
Jfifi.  anc.  &  moâ.  )  alliance  ou  ligue  entre  ' 
djfférens  princes  &  états.  Voye\  LlGUE  & 
Alliance. 

Confédération  fe  dit  aufli  en  Pologne  , 
pour  les  ligues  ou  aflbciations  que  font 
entr'eux  les  nobles  &  les  grands  en  Pologne , 
même  fans  l'aveu  du  fouverain,  &:  quel- 
quefois contre  (qs  vues ,  pour  maintenir  la 
liberté  de  la  république.  Ce  mot  efl:  tiré  du 
latin  cum ,  avec  ,  enfemble  ;  &c  fœdus  ^ 
alliance  ou  traité.  ÇG^J 

CONFÉRENCE,  f.  f.  (Jurifprud.)  2. 
dans  cette  matière  deux  fignifications  diffé- 
rentes. Il  fe  prend  pour  le  rapprochement  & 
la  comparaifon  qui  eft  faite  de  différentes 
loix.  Il  y  a,  par  exemple,  des  conférences 
du  droit  romain  avec  .le  droit  françois  ,  une 
conférence à^s  ordonnances,  oiiGuenoisa 
rapproché  les  difpofitions  des  différentes 
ordonnances  qui  font  intervenues  fur  chaque 
matière  ,  une  conférence  des  coutumes  par 
le  même  auteur ,  pour  faire  voir  le  rapport 
&  la  diverfité  des  coutumes  entr'elles  ;une 
conférence  de  Bornier  fur  les  ordonnances 
de  Louis  XIV ,  où  il  a  rapporté  fous  chaque 
article  les  difpofitions  des  anciennes  ordon- 
nances ,  &;  plufîeurs  autres  conférences  feiA- 
blables. 

Conférence  fe  prend  au/fi  ,  en  termes  de 
palais ,  pour  une  ailemblée  compofée  de 
magiftrats  ou  d'avocats,  &  quelquefois  des 
uns  &c  des  autres,  dans  laquelle  on  traite 
des  matières  de  jurifprudence. 
On  peut  voir  dans  M.  Auzanet,  les  mi- 


CON  885 

moires  &  arrêtés  qui  font  fortis  des  confé- 
rences  célèbres  qui  fe  tenoient  chez  M.  le 
premier  préfidentde  Lamoignon,  pour  par- 
venir à  rendre  la  jurifprudence  uniforme  : 
les  conférences  de  la  bibliothèque  publique 
de  l'ordre  des  avocats  font  auffi  connues  ; 
une  partie  des  queffions  qui  y  ont  été 
agitées  dans  le  commencement  de  fon  infti- 
tution,  a  été  imprimée  &  inférée  dans  le 
fécond  tome  des  œuvres  de  M.  Duplefîls, 
fous  le  titre  de  confuUations.  {^  ) 

CONFÉRER,  ÇJurifpr.J on  ait  tnm2.' 
tiere  bénéhciale  conférer  un  bénéfice ,  c'eft- 
à-dire ,  en  donner  des  provifions.  Les  pa- 
trons laïques  &  eccléfiaftiques  qui  n'ont 
que  la  fimple  nomination  ou  préfeatation, 
ne  confèrent  pas  le  bénéfice  ,  non  plus  que 
ceux  q^ui.  ont  fimplement  le  droit  d'élec- 
tion ;  il  n'y  a  que  le  collateur  ordinaire  ou 
le  pape  qui  confère  véritablement,  ^oye^^ 
BÉNÉFICES  COLLATIFS  ,  &  ci-  devant 
Collateur,  Collation.  f^J 

CONFESSEUR,  f.  m.  (Hl^I.  eccléf  & 
T/î^Wo^.  J  chrétien  qui  a  profeiïé  hautement 
&:  publiquement  la  foi  de  Jéfus-Chrifi:,  qui 
a  enduré  des  tourmens  pour  la  détendre 
jufqu'à  la  mort  exclufivement,  &  qui  étoit 
difpofé  à  la  fouffrir. 

On  donne  à  un  faint  le  nom  de  confef- 
feur^  pour  le  diftinguer  des  apôtres,  des 
évangéliftes  ,   des   martyrs  ,    &c,    Voye^ 
Saint  &  Martyr. 

On  trouve  fouvent  dans  l'hiftoire  ^clé- 
fiaftique  le  mot  confejfeur ,  pour  fignifier 
un  martyr.  On  a  donné  dans  la  fuite  ce 
nom  à  ceux  qui ,  après  avoir  été  tourmentés 
par  les  tyrans,  ont  vécu  &  font  morts  en 
paix.  Enfin  on  a  appelle  confejfeurs  ceux 
qui  après  avoir  bien  vécu,  font  morts  en 
opinion  de  fainteté. 

On  n'appelloit  point,  dit  S.  Cyprien  ,du 
nom  de  confejfeur ,  celui  qui  fe  préfentoit 
de  lui-même :au  martyre  &  fans  être  cité, 
maison  le  nommoix profeffeur.  Si  quelqu'un 
par  la  crainte  de  manc/jer  de  courage  &C 
de  renoncer  à  la  foi ,  abandonnoit  fon  bien  , 
fon  pays  ,  &c.  &.  s'exiloit  lui-même  volon- 
tairement ,  on  l'appelloit  extorris  ,  exilé. 

Confejfeur  eft  auflî  un  prêtre  fécuiier  ou 
religieux,  quia  pouvoir  d'ouir  les  pécheurs 
dans  le  facrement  de  pénitence,  Si  de  leur 
donn«r  rabfolution. 


S8(5  C  O  N 

L'églife  l'appelloit  en  latin  confeffarîus , 
pour  le  diftinguer  de  confcjjor  ,  nom  con- 
facré  aux  faints.  Les  confcjj&urs  des  rois  de 
France  ,  fi  an  en  excepte  l'illuftre  M.  l'abbé 
Fleiiry ,  ont  été  conflamment  Jéfuites ,  de- 
puis Henri  IV.  Avant  lui,  les  Dominicains 
&  les  Cordeliers  étoient  prefque  toujoius 
confijjeurs  des  rois  de  France.  Les  confej- 
fcurs  de  la  maifon  d'Autriche  ont  auffi  été 
pour  l'ordinaire  des  Dominicains  &  de^ 
Cordeliers  ;  les  derniers  empereurs  ont  jugé 
à  propos  de  prendre  des  Jéfuites.  Diclionn. 
di  Trév.  &  Ckambers.  ÇGJ 

CONFESSION,  f.  f.  (Hift.  eccléf,  & 
Théolog.)  eft  une  déclaration ,  un  aveu ,  une 
reconnoiflance  de  la  vérité ,  dans  quelque 
fituation  que  l'on  ie  trouve. 

La  confejfion  ,  dans  un  fens  théologique , 
eft  une  partie  du  i'acrement  de  pénitence  : 
c'eft  une  déclaration  que  l'on  fait  à  un  prêtre 
de  tous  (e^  péché«  pour  en  recevoir  l'abfolu- 
tion.  Foye\  ABSOLUTION. 

La  confejfion  doit  être  vraie ,  entière ,  dé- 
-taillée  ,  &  tout  ce  qui  s'y  dit  doit  être  en- 
ieveii  dans  un  profond  filence  ,  fous  les 
peines  les  plus  rigoureufes  contre  celui  qui 
iera  convaincu  de  l'avoir  révélée.  VoycT^ 
RÉVÉLATION.  Elle  eftdedroitdivin  nécef- 
faire  à  ceux  qui  font  tombés  après  le  bap- 
tême. Elle  étoit  autrefois  publique  ;  mais 
l'églife  pour  de  très-fortes  raifons ,  ne  l'exige 
plus  ,  depuis  un  grand  nombre  de  fiecles , 
Ôc  n'a  retenu  que  la  confejfion  auriculaire 
qui  eft  de  toute  ancienneté. 

Les  théologiens  catholiques  &  les  con- 
troverfiftes,  comme  Bellarmin  ,  Valentia, 
&c.  foutiennent  que  fon  ufage  remonte 
jufqu'aux  premiers  fiecles.  M.  Fleury  avoue 
que  le  premier  exemple  de  la  confejfion  gé- 
nérale que  l'on  trouve ,  eft  celui  cîe  S.  Eloi  , 
qui  étant  venu  en  âge  mûr  ,  confefta  devant 
un  prêtre  tout  ce  qu'il  avoit  fait  depuis  fa 
jeuneffe.  Mais  il  paroît  par  les  pères  grecs  des 
premiers  fiecles  ,  &  même  par  l'hiftoire  de 
Neélaire ,  fi  fouvent  obje^lée  aux  catholi- 
ques ,  par  les  proteftans,  que  la  confejfion 
auriculaire  étoit  en  ufage  dans  l'églife  dès 
la  première  antiquité.  L'églife  affemblée 
dans  le  concile  quatrième  de  Latran  (^année 
121 5J  â  ordonné  que  tout  fidèle  qui  feroit 
parvenu  à  l'âge  de  difcrétion ,  confeflferoit 


CO  N 

Anciennement  les  meubles  de  celui  qui 
étoit  mort  après  avoir  refufé  de  feconfeffer, 
étoient  confifqués  au  profit  du  roi,  ou  du 
iéigneur  haui-jufticier,  ainfî  qu'il  eft  dit 
dans  les  établifiTemens  de  S.  Louis,  c.  89. 

Quand  quelqu'un  étoit  décédé  inteftat  , 
ou  fans  avoir  laifTé  quelque  chofe  à  l'églife, 
on  appelloit  cela  mourir  déconfés ,  c'eft-à- 
WxQ^fans  confejfion.  Le  défimt  étoit  pré- 
fumé  ne  s'être  point  confefTé,  ou- au  cas 
qu'il  fe  confefTât,  on  lui  refufoit  l'abfolu- 
tion,  s'il  ne  donnoit  rien  à  l'églife  :  ainfi  il 
étoit  toujours  réputé  mort  déconfés ,  c'eft- 
à-dire ,  fans  conjéffion,  Voyei  les  notes  de 
M.  de  Lauriere ,  fur  le  chapitre  Ixxxix  ci- 
devant. 

Il  étoit  d'ufage  de  temps  immémorial 
dans  les  provinces  de  France  qui  font  ré- 
gies par  le  droit  coutumier  ,  de  ne  point  ac- 
corder la  confefjîon  aux  criminels  qui  étoient 
condamnés  à  mort;  quoique  dans  les  pays 
de  Languedoc  &  ailleurs  elle  ne  leur  fût 
point  refufée. 

L'ufage  particulier  du  pays  coutumier 
fut  condamné  par  le  concile  de'^'ienne,  & 
le  pape  Grégoire  XI  en  écrivit  à  Charles  V 
pour  le  faire  abolir.  Philippe  de  Mazieres  , 
l'un  ét%  confeillers  de  ce  prince,  lui  per- 
fuada  de  faire  réformer  cet  ûfage  qui  lui 
paroifToit  trop  dur,  à  quoi  Charles  V  étoit 
toutdifpofé  :  mais  ayant  fait  mettre  lachofô 
en  délibération  dans  fon  parlement,  il  y 
trouva  tant  d'oppofition, qu'il  déclara  qu'il 
ne  changeroit  rien  là-defTus  de  fon  vivant. 

Les  repréfentations  qui  furent  faites  fur 
cette  matière  par  le  feigneur  de  Craon  à 
Charles  VI  l'engagèrent  à  afTembler  les 
princes  du  fang  ,  les  gens  dugrand-confeil , 
plufieurs  confeillers  du  parlement ,  du  châ- 
telet ,  &  autres ,  par  l'avis  defquels  il  donna 
des  lettres  le  12  février  1396,  qui  abolif- 
fent  l'ancienne  coutume ,  ordonnent  d'offrir 
le  facrement  de  pénitence  à  tous  ceux  qui 
feront  condamnés  à  mort,  avant  qu'ils  par- 
tent du  lieu  où  ils  font  détenus ,  pour  être 
menés  au  lieu  de  l'exécution;  &  il  efl 
enjoint  aux  miniftresde  la  juftice  ,  d'induire 
les  criminels  à  fe  confefTer ,  au  cas  qu'ils 
fuffent  fi  émus  de  trifteffe  qu'ils  ne  fongeafTeat 


point  à  le  demander. 

Cette  loi  fut  pratiquée  <îès  1397  pour 
fès  péchés  au  moins  une  fois  l'an,  f  ^  J 1  des  moines  qui  avoient  accufé  faufiement 


C  ON 

le  duc  d'Orléans  d'avoir  jeté  un  fort  fur 
Charles  VI. 

L'ordonnance  de  1670 ,  tu.  xxvj.  art.  4. 
porte  que  le  facrement  de  confejjlon  fera 
offert  aux  condamnés  à  mort,  &  qu'ils  feront 
affiftés  d'un  eccléfiaftique  jufqu'au  lieu  du 
fupplice. 

li  n'eft  pas  permis  à  un  confeflTeur  de  ré- 
véler la  confejjlon  de  fon  pénitent  ,  &:  il  ne 
peut  y  être  contraint.  Can.  Jacerdos ,  diji. 
vj.  &  capit.  omnis  extra  depœnit.  &  rcmlf- 
Jionib.  f^ojeiPapon  ,  liv.  XXIV.  tit.vij. 
Carondas ,  rep.  liv.  VII ^  ch.  clxxviij. 

Un  confeiïeur  n'eft  pas  non  plus  tenu , 
&  ne  doit  pas  révéler  les  complices  du  cri- 
minel qu'il  a  confefTé,  parce  qu'outre  le 
fecret  qu'exige  la  confefjîon  ,  une  telle  ré- 
vélation ne  feroit  qu'un  oui- dire  qui  ne 
feroit  pas  une  preuve  contre  les  complices  : 
M.  d'Héricourt  tient  mêifie  que  l'on  ne 
pourroit  pas  fe  fervir  contre  un  accufé  d'un 
papier  fur  lequel  il  auroit  écrit  fa  confejjion , 
quoiqu'il  s'y  reconnût  coupable  du  crime 
dont  il  feroit  accufé.  {A) 

Les  Indiens,  au  rapport  de  Tavernier, 
ont  auffi  chez  eux  une  efpece  de  confejjlon 
&  de  pénitence  publique.  Il  en  en  de 
même  des  Juifs.  Ces  derniers  ont  des  for- 
mules pour  ceux  qui  ne  font  pas  capables 
de  faire  le  détail  de  leurs  péchés  ;  ils  en  ont 
d'ordinaire  une  compofée  félon  l'ordre  de 
l'alphabet  :  chaque  lettre  renferme  un  péché 
capital,  &  qui  fe  commet  le  plus  fréquem- 
ment. Ils  font  ordinairem.ent  cette  confejfion 
le  lundi ,  le  jeudi ,  &  tous  les  jours  de  jeûne , 
aufîi  bien  que  dans  d'autres  occafions.  Quel- 
ques-uns la  difent  tous  les  foirs  avant  de  fe 
coucher,  &  tous  les  matins  quand  ils  fe 
lèvent.  Lorfque  quelqu'un  d'eux  fe  voit 
près  de  la  mort,  il  mande  dix  perfonnes 
plus  ou  moms  félon  fa  volonté,  dont  il  faut 
qu'il  y  en  ait  un  qui  foit  rabbin  ,  Se  en  leur 
préfence  il  récite  la  confejfion  dont  on  vient 
de  parler.  Voye^  Léon  àk  Modene,  cér&m. 
des  Juifs. 

Confejfion  defoi,e{ï  une  lifte  ou  dénom- 
brement &:  déclaration  des  articles  de  la  foi 
de  l'églife.  Voje^  Foi. 

La  confejjlon  d'Ausbourg  eft  celle  des 
Luthériens  ,  préfentée  à  Charles-Quint  en 
Î530.   F<?ytf{^  Au GS BOURG. 

*  £  Au  concile  de  Riraini  les  Ariens 


C  O  N  8S7 

préfenterent  aux  évêques  catholiques  une 
formule  ou  confejjlon  de  foi  ,  qui  portoit 
en  tête:  Le  21  mai  359,  fous  le  confulat 
de  ....  &  ils  vouioient  qu'on  fe  contentât 
de  cette  formule  ,  fans  avoir  égard  aux  pré- 
cédens  conciles  ,  &  à  toutes  les  autres 
formules.  Les  évêques  orthodoxes  recon- 
nurent facilement  par  l'infcription  ou  date  , 
que  c'étoit  la  dernière  formule  de  Sirmich 
qui  étoit  mauvaife.  Ils  la  rejetèrent  & 
fe  moquèrent  avec  raifon  de  l'infcrip- 
tion :  înfcriptionem  quce  prcejixa  erat  fidei 
fupra  recitatœ  magnopere  dérijerunt ,  dit 
Socrate  dans  fon  Hifioire  cccléjîafiiquc  , 
livre  II ,  chap.  37. 

Confession,  terme  de  Liturgie  &  d'hif- 
toire  eccléjiaflique ,  étoit  un  lieu  dans  les 
églifes  ,  placé  pour  l'ordinaire  fous  le  grand 
autel ,  où  repofoient  les  corps  Aqs  martyrs 
&  des  confefleurs.  Diction,  de  Trév.  & 
Chambers.  {G) 

Confession,  ( Jurifprud.J  eft  une 
déclaration  ou  une  reconnoifiance  verbale 
ou  par  écrit  de  la  vérité  d'un  fait. 

La  confejfion  faite  en  jugement  eft  appel- 
léejudiciclle  ;  elle  a  lieu  dans  les  déclara- 
tions qui  font  faites  par  une  partie  à  l'au- 
dience ou  dan5  un  interrogatoire  ,  foit  en 
matière  civile  ou  criminelle. 

Lorfqu'elle  eft  faite  hors  jugement  , 
comme  dans  un  aéle  devant  notaire,  elle 
appellée  extrajudicielle. 

En  matière  civile  ,  la  confejfion  judicielU 
fait  une  preuve  complète  contre  celui  qui 
l'a  faite  ;  confcjfus  in  judicio  pro  judicato 
habeiur ,  l.  ff.  de  confejf.  mais  elle  ne  nuit- 
point  à  un  tiers.  * 

On  ne  divife  point  ordinairement  la  con- 
fejfion en  matière  civile ,  c'eft-à-dire  ,  que 
celui  qui  veut  s'en  fervir  ne  peut  pas  en  in- 
voquer ce  qui  eft  à  fon  avantage ,  &  rejeter 
ce  qu'il  croit  lui  être  corîtraire  ;  il  faut  ou 
prendre  droit  par  toute  la  déclaration  ,  ou: 
ne  s'en  fervir  aucunement.  Henrys  rapporte 
néanmoins  dans  fa  ftxieme  queftion  pof- 
thume ,  deux  cas  où  la  confe^ion  fe  divife^ 
en  matière  civile  j  favoir  ,  lorfqu'il  y  a  une- 
forte  préfomption  contraire  au  fait  que  l'oii' 
ne  veut  pas  divifer ,  ou  lorfqu'on  a  une 
preuve  teftimoniale  de  ce  même  fait.  Ul 
*  y  a  même  la  loi  x^yC.dernier^S'.  depo^t^ 


888  C  O  N 

qui  permet  de  divifer  la  déclaration ,  cela 
dépend  des  circonftances. 

Au  contraire  en  matière  criminelle  on 
peut  divifer  la  confejjion  de  l'accu  Té  ;  mais 
elle  ne  fert  pas  de  conviftion  parfaite  contre 
lui  ,  parce  qu'on  craint  qu'elle  ne  foit  l'effet 
du  trouble  6^  du  défefpoir  ;  elle  fait  feule- 
ment un  commencement  de  preuve,  & 
peut  donner  lieu  de  faire  appliquer  l'accufë 
à  la  queflion  ,  quand  il  fe  trouve  d'ailleurs 
quelques  autres  indices  contre  lui  :  en  quoi 
notre  jurifprudence  eft  beaucoup  plus  îage 
que  ceÙe  de  bien  d'autres  nations.  Par  exem- 
ple, chez  les  Juifs  on  condamnoit  à  mort 
un  accufé  fur  fa  feule  déclaration ,  fans 
qu'il  fût  befoin  de  témoins  :  c'eft  ce  que 
nous  apprenons  dans  l'évangile ,  oii  l'on 
voit  que  Jéflis-Chrift  ayant  répondu  qu'il 
étoit  le  Fils  de  Dieu ,  les  princes  des  prêrres 
s'écrièrent:  Qiiidadhuc  dejîderamus tejiirno- 
nium  ?  ipjicnim  audivimus  de  ore  tjus.  Ce 
fut  fur  cette  réponfe  qu'ils  condamnèrent 
injuftement  comme  coupable,  celui  qui  eft 
la  juftice  &  la  vérité  même. 

Il  en  étoit  de  même  chez  les  Romains  ; 
l'accu fé  pouvoit  être  condamné  fur  ia  feule 
déclaration  ,  de  même  que  le  débiteur  en 
matière  civile. 

La  confcjfion  faite  par  un  accufé  à  la  quef- 
tion,  peut  être  par  lui  révoquée,  fans  qu'elle 
foit  confîdérée  comme  un  nouvel  indice  ni 
comme  une  variation  de  fa  part  ;  on  pré- 
fume que  la  violence  des  tourmens  a  pu 
lui  faire  dire  des  chofes  qui  ne  font  pas 
véritables. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  confejjion  que  fait 
un'criminel  condamné  à  mort ,  elle  ne  fait 
pas  preuve  contre  un  tiers ,  parce  que  le  té- 
moignage d'un  criminel  condamné  ejR:  fuf- 
peél,  &  qu'il  pourroit  par  défefpoir  &:  par 
méchanceté  chercher  à  envelopper  dans  fon 
malheur  quelques  perfonnes  auxquelles  il 
voudroit  du  mal;  fa  déclaration  fait  feule- 
ment un  commencement  de  preuve. 

Pour  que  l'on  puiffe  tirer  avantage  d'une 
conjejfion  contre  celui  qui  l'a  faite ,  il  faut 
qu'elle  ait  été  faite  librement  par  une  per- 
fonne  capable  ;  de  forte  que  fi  c'eft  un  mi- 
neur, il  faut  qu'il  foit  afllfté  de  fon  tuteur 
où  curateur  ;  fi  c'eft  un  fondé  de  procu- 
ration ,  la  procuration  doit  être  fpéciale  :  il 
faut  aufli  que  la  confejjion  foit  certaine  & 


C  O  N 

déterminée  ,  qu'elle  concerne  un  fait  qui 
ne  foit  pas  évidemment  faux,  &c  qu'il  n'y 
ait  pas  erreur  dans  la  déclaration. 

Enfin  fi  la  confejjion ,  même  en  tnatiere 
civile,  eft  faite  devant  un  juge  incompé- 
tent, elle  n'emporte  pas  condamnation, 
elle  fait  feulement  un  commencement  de 
preuve.  Il  en  eft  de  même  de  la  confejjion 
faite  hors  jugement. 

C'eft  encore  une  maxime  en  matière  de 
confejjion  ou  reconnoifiance ,  que  qui  nort 
poîijrdare ,  nonpotefl  confiteri  j  c'eft- à-dire  , 
qu'on  ne  peut  pas  avantager  par  forme  de 
recounoift^ance  des  peribnnes  prohibées , 
auxquel'esil  eft  défendu  de  donner.  V^oye:^ 
la  loi  I.  &  J.  6*  /.  J .  § 3 .Jf.  de  conjejj:  la 
loi  unique  au  code  eod.  l.  penult.  ff.  de 
cejj.  bon.  &  l.  66^.  jj.  de  re  judic  cap,  iv 
extrade  jud.  Chorier  furGuypape,/?.  j//, 
Boyer,  dlcij.  Z2)9-  Belordeau /^f/.  C.  art, 
I  '.  Henrys,  iome  I.  llv.  IV.  ch.  vj.  quefî, 
86\(A)  ^   ^ 

CONFESSIONNAL ,  f.  m.  (Hlfl.  eccU- 
faft.J  eft  une  efpece  de  niche  en  boiferie  , 
fermée  d'une  porte  à  jour  ou  grillée  ,  ÔC 
plricée  dans  une  églife  ou  une  chapelle,  où 
le  confefteur  eft  affis  pour  entendre  les  pé- 
nitens ,  qui  fe  placent  à  genoux  dans  deux 
autres  niches  en  prie-dieu ,  ouvertes ,  &  pra- 
tiquées aux  côtés  de  la  niche  du  confefteur  , 
qui  les  entend  par  une  petife  fenêtre  grillée. 

CONFESSIONISTES  ou  PPvOTES- 
TANS  ,  fub.  m.  pi.  f  ifi/?.  eccléf)  Luthé- 
riens ainfi  appelles  de  la  confeffion  de  foi 
qu'ils  préfenterent  à  l'empereur  Charles- 
Quint  à  Augsbourg  en  1530,  d'oij  on 
l'a  nommée  la  conjejjion  d" Augsbourg  , 
Sleidan.  Les  catholiques  allemands  ne  les 
nommèrent  point  autrement  dans  les  ades 
de  la  pabi  de  Weftphalie.  Voyei^  CONFES- 
SION d'AuGSBOURG,  au  mot  AuGS- 
BOURG.  Voyei  û'î/^ProTESTANS.  f  G  J 

CONFESSOIRE,  {Jurijprud.)  voyei 
Action  confessoire. 

*  CONFIANCE  ,{.i.{  Gramm.  )  eft  un 
effet  de  la  connoiffance  &:  de  la  bonne  opi- 
nion que  nous  avons  des  qualités  d'un  être 
relatives  à  nos  vues ,  à  nos  befoins  ,  à  nos 
deffeins,  &  plus  généralement  à  quelque  in- 
térêt marqué  ,  qui  confifte  à  nous  en  repofer 
fur  lui  quelquefois  plus  parfaitement  que 
fur  nous-même ,  de  ce  qui  concerne  cet 

intérêt 


C  ON 

intérêt.  Cette  définition  eft  générale  ,  & 
peut  s'appliquer  à  confiance  prifë  au  fimple , 
&  confidérée  par  rapport  aux  êtres  intelii- 
gens  &  aux  êtres  corporels. 

*  CONFIDENCE  ,  f.  t  (Gramm.)  eft 
un  effet  de  la  bonne  opinion  que  nous 
avons  conçue  de  la  difcrérion  &  des  iecours 
d'une  perlbnne,  en  conféquence  de  laquelle 
nous  lui  révélons  des  choies  qu'il  nous  im- 
porte de  laifîer  ignorer  aux  autres;  d'où  il 
s'enfuit  que  la  confidence,  perd  fon  carac- 
tère,  &  cèlfe  plus  ou  moins  à  marquer  de 
l'eftime  ,  à  mefure  qu'elle  devient  plus 
géiiéiale. 

Confidence,  (Jurifpr.)  eft  une  paftion 
fimoniaque  &  illicite  ,  &  une  elpece  de 
fidéicommis  en  matière  bénéficiale  ,  qui  a 
lieu  lorfque  le  titulaire  d'un  bénéfice  ne  l'ac- 
quiert qu'à  condition  de  le  conferver  à  un 
autre,  6>c  de  lui  réfigner  dans  \in  certain 
temps;  ou  lorfqu'il  conferve  le  titre  pour 
lui  ,  mais  à  la  charge  de  donner  les  fruits 
du  bénéfice  en  tout  ou  en  partie  au  réfi- 
gnant ,  au  collateur,  ou  à  quelque  autre 
perfonne  défignée  dans  la  convention. 

On  dit  communément  que  la  confidence 
efila  fœur  de  la  Jîmonie  ,  parce  qu'en  effet 
rien  n'approche  plus  de  la  (imonie  que  la 
confidence  ^  &:  qu'il  y  a  de  la  fimonie  dans 
ces  fortes  de  padions  ,  puifque  c'eft  traiter 
de  quelque  chofe  de  l'pirituel  pour  un  objet 
temporel. 

Le  premier  exemple  que  Ton  trouve  de 
confidence  en  matière  de  bénéfice ,  eft  celui 
du  nonce  Tryphon,  lequel  en  918  confen- 
tif ,  contre  les  règles,  de  n'être  ordonné 
que  pour  un  temps  patriarche  de  Conftan- 
tinople ,  Sl  d«  remettre  cette  dignité  à 
Théophilafte  fils  de  l'empereur  Romain  I , 
dit  Lecapcne,  quand  il  feroit  en  âge  de  la 
pofîeder.  Il  n'avoir  alors  que  leize  ans. 

On  voit  aulii  dans  Froiffart  un  autre 
exemple  fameux  de  confidence  ,  qui  eft  à 
peu  près  du  même  temps  que  le  précédent. 
Herbert, comte  de  Vermandois,  s'étant em- 
paré de  l'archevêché  de  Rieims  pour  fon 
fils  Hugues  qui  n'étoit  encere  âgé  que  de 
cmq  ans,  convint  avec  Odalric  ,  évêque 
d'Aix  ,  que  celui-ci  feroit  les  fondions 
épifcopales  de  l'archevêché  de  Rheims  juf- 
qu'à  ce  que  Hugues  fût  en  âge  ;  &  en 
actendant  on  accorda  à  Odalricla  jouiffance 
Tome  VIII, 


C  ON  889 

de  l'abbayis  de  S.  Thimothée,  avec  une 
prébende  canoniale. 

Ce  défordre  fut  fort  commun  en  France 
dans  le  xvj  fiecle,  &  fur-tout  vers  la  fin; 
plufîeurs  grands  bénéfices ,  &  même  des 
évêchés ,  étoient  poffédés  par  des  féculiers  , 
par  des  hérétiques  ,  par  des  femmes  ,  aux- 
quels certains  eccléfiaftiquesconfidenti  aires 
prêtoient  leur  nom. 

Cependant  les  loix  canoniques  &c  civiles 
fe  font  toujours  élevées  fortement  contre 
un  fi  grand  abus. 

Le  concile  de  Rouen,  tenu  en  1501  , 
oblige  les  confidentiaires  ,  &  même  leurs 
héritiers ,  à  reftituer  les  fruits  qu'ils  ont 
induement  perçus. 

Les  bulles  dé  Pie  IV  &  de  Pie  V  des 
17  oftobre  1564,  &  «5  Juin  1569,  mar- 
quent les  préfomptions  par  leCquelles  on 
peut  établir  la  confidence  ;  favoir ,  1'*'.  lorf- 
qu'après  la  réfignation  le  réfignant  continue 
à  percevoir  les  fr^iits  du  bénéfice  ;  1^.  fi  le 
réfignataire  donne  procuration  au  réfignant 
ou  à  (qs  proches  pour  padèr  les  baux  du 
bénéfice,  &  en  recevoir  les  fruits  ;  3^^.  ii 
le  réfignant  fait  tous  les  frais  des  provihons, 
&  autres  expéditions  de  fon  réfignataire  ; 
4^.  fi  celui  qui  a  employé  le  bénâ^ce  pour 
un  autre  ,  ou  qui  s'y  eft  employé,  s'ingère 
enfijite  dans  la  difpofition  des  chofes  qui 
concernent  le  bénéfice. 

Mais  comme  ces  bulles  n'ont  point  été 
reçues  en  France  ,  ni  enrégiftrées  dans  au- 
cune cour  fouveraine,  les  juges  qui  connoif^ 
fent  des  conteftations  où  il  peut  fe  trouver 
des  queftions  de  confidence  ^nQàoiVQwi  ad- 
mettre que  les  préemptions  qui  font  de 
droit  commun;  il  faut  qu'elles  foient  juris 
&  de  jure  :  or  la  troifieme  de  celles  qui  font 
marquées  dans  les  bulles  dont  on  a  parlé 
eft  fort  équivoque  ,  fur-tout  fi  c'étoit  un 
oncle  qui  eût  fait  les  frais  des  provifions 
pour  fon  neveu  ;  &  que  celui-ci  n'eût  aucun 
bien  ;  la  dernière  de  ces  préfomptions  eft 
très-foi ble  :  cela  dépend  donc  beaucoup  ûqs 
circonftances  &  de  la  prudence  du  juge. 

Le  concile  de  Bourges,  tenu  en  1584, 
déclare  les  bénéfices  ,  obtenus  ou  donnés 
par  voie  àb  confidence,  vacans  de  plein  droit, 
&:  oblige  à  la  reftitution  ceux  qui  en  ont 
perçu  les  fruits  ;  &:  non  feulement  il  prive, 
les  confidentiaires  de  tous  les  bénéfices  ou 
Ttttt 


g5?o  C  O  N  ^  C  O  N 

penfions  qu'ils  poiTcclent,  mais  même  les!  en  fcene  ;  Couvent  même  la  fimplicité  de  la 
déclare  incapables  d'en  obtenir  d'autres.        fable  ,  la  pompe  du  fpeâiacle  ,  &,  comme 


L'édit  du  mois  de  Septembre  1606,  art. 
I ,  porte  que  pour  ôter  les  crimes  de  (imo- 
nie  &  de  confidence^  qui  ne  font  que  trop 
communs  en  ce  royaume ,  fi  quelqu'un  eft 
déformais  convaincu  pardevant  les  juges 
sauxquels  la  connoiiTance  en  appartient, d'a- 
voir commis  fimonie,  ou  de  tenir  bénéfices 
en  confidence  ,  il  fera  pourvu  auxdits  béné- 
fices comme  vacans ,  incontinent  après  le 
jugement  donné;  favoir  par  nomination  du 
roi ,  fi  le  bénéfice  efl  du  nombre  de  ceux 
auxquels  il  a  droit  de  nommer  par  les  con- 
cordats ;  ou  par  les  ccllateurs  ordinaires  , 
s'ils  dépendent  de  leur  collation. 

Cette  difpofition  fe  trouve  rappellée  dans 
Y  art,  18  de  l'ordonnance  de  1669  ;  elle 
veut  de  plus  qu'il  foit  procédé  févérement 
contre  les  perfonnes  qui  auront  commis  les 


je  l'ai  dit  ,  !a  néceflité  de  remplir  un  théâ- 
tre immenfe ,  qui  fi^ns  cela  auroit  paru 
défert,  foilicitoient  ce  concours  de  témoins; 
&c'eft  ce  qui  formoit  le  chœur.  Mais  le 
chœur  n'étoit  pas  feulement  occupé  à  rem- 
plir l'intervalle  des  a£i:es  par  ks  chants  & 
fa  patitomime  ,  il  étoit  confident  de  la 
fcene ,  &  alors  un  feul  de  (ts  perfonnages 
parloit  au  nom  de  tous. 

Son  emploi  le  plus  important   étoit  de 
former  l'intermède.  Frappé  de  ce  qu'il  avoic 
il  entretenoit    par   (es  réflexions   6c 


vu 


par  fes  chants  pafiionnés  ,  l'émotion  des 
fpeélateurs;  il  réfumoit  la  moralité  de  l'ac- 
tion théâtrale  ,  &  la  gravoit  dans  les  efprirs; 
ami  des  bons ,  ennemi  des  médians ,  il  con- 
foloit  les  malheureux  ,  vifiimes  de  leiu- im- 
prudence ,  ou    jouets  de  la   deftinée.   Le 


crimes  de  fimonie  &  de  confidence ,  &c  que  i  chœur  avoir  donc  fon  avantage  comme  té 
les  preuves  de  ces  crimes.foient  reçues  (iii-  :  moin,  ou  nécefiairejou  vrairemblable;mais 
vanr  les  bulles  &  confiitutions  canoniques  ;  comme  confident  intime,  il  étoit  fouvent 
jfurce  faites;  ce  qu'il  faut  néanmoins  entendre    déplacé.  II.  eft  dans  les  mœurs  de  tous  les 


feulement  des  bulles  reçues  dans  le  royaume. 
Peleus,  ^^^y?.  i2y  y  dit  qu'on  ne  peut  con- 
traindre   un  confidenîiaire  à  réfigner   un 


pays  &  de  tous  les  temps ,  d'avoir  un  ami , 
ou  un  homme  affidé  à  qui  Ton  fe  confie  ; 
mais  il  ne  fera  jamais  vraifemblable  qu'on 


bénéfice,  à  moins  qu'il  n'y  ait  une  promefife    prenne  un  peuple  pour  confident  de    fes 


par  écrit  ;  &i  en  efi^et,  on  n'eft  pas  admis  à 
vérifier  la  confidence  par  la  feule  preuve  tef- 
limoniale  ;  mais  el!e  efi:  admile  Icrfqu'il  y 
a  un  commencement  de  preuve  par  écrit  ; 
autrement  il  feroit  prefque  toujours  impof- 
fible  de  prouver  la  confidence  ^  attendu  que 
ceux  qui  la  commettent  ont  ordinairement 
foin  de  déguifer  leurs  conventions ,  2*  de 
cacher  la  confidence. 

Le  juge  royal  peut  connoitre  de  la  con- 
fidence incidemment  au  pcfTefToire  du  bé- 
néfice. 

Le  titulaire  confidentiaire  ne  peut  pas 
s'aider  de  la  pofl^efiîon  triennale  ,  parce 
qu'il  n'eft  pas  pofi[ibIe  qu'il  n'ait  eu  con- 
noiffance  de  la  confidence.  Rebuffe  ,  de 
vacif.  poffejf.  2 ai.  (AJ 

CONFIDENT,  te,  fubft.  fPoc/T^  Dra- 
matique. )  Dans  la  tragédie  ancienne  il  y 
avoit  deux  fortes  de  corfidens  ;  les  uns  pu- 
blics, les  autres  intimes.  Parla  nature  de 
l'aftion  théâtrale,  qui  étoit  communément 
une  calamité  ou  quelqu'événement  politique, 
une  foiUe  de  témoins  y  pouvoient  être  mis 


fecrets  les  plus  intimes,  de  fes  crimes  les 
plus  cachés ,  comme  dans  l'Orefte  &  la  Phè- 
dre. Il  n'eft  pas  plus  naturel  <le  voir  une 
troupe  de  gens  témoins  des  complots  les  plus 
noirs,  &  des  crimes  les  plus  atroces,  ne  ja- 
mais s'oppofer  à  rien,  ck  fe  lamenter  (ans 
agir. 

Le  partage  étoit  fait  naturellemenr ,  &  de 
lui-même ,  i\  Euripide  eût  voulu  l'obferver^ 
entre  la  nourrice  de  Phèdre  &  le  chœur 
ô.es  femmes  de  Trézene  :  celles-ci  doivent 
être  confidentes  de  l'égarement,  de  la  dou- 
leur hc  des  remords  de  Phèdre,  fans  en 
favoir  la  caufe;  mais  la  honte  de  fa  palîion,. 
la  noirceur  de  fon  impofture,  ne  dévoient 
être  révélées  qu'à  fa  nourrice  ,  c'eft  une 
diftinflion  que  les  Grecs  n'ont  jamais  faiie 
avec  aftez  de  (bin. 

Notre  théâtre ,  en  renonçant  à  l'ufage  du 
chœur,  aconfervéles((9A-yz../f/zjllnrimes,mais 
il  en  a  porté  l'abus  jufqu  à  un  excès  ridicule. 

On  aura  de  la  peine  à  croire  que  jufqu'aux 
premières  pièces  de  Corneille ,  les  nourrices 
dans  le  tragique,  comme  les  fer  vantes  dana 


C  O  N 

le  comique,  étolent  toujours  !e  m^meper- 
fonnanie  ,  fous  le  nom  à'AUfon^  ck  qu'A- 
lifon  ccoit  un  hoinine  avec  un  mafque  & 
des  habits  de  femme. 

Depuis  Corneille  ,  le  perfonnage  des 
confidinus ,  comme  celui  des  confidcns ,  a 
été  décemment  rempli  ;  mais  fi  les.  grands 
poètes  ont  fu  y  attacher  de  l'importance  & 
de  rincérêt ,  comme  au  perfonnage  de  Néar- 
que  dans  Polieufte  ,  d*Exupere  dans  Héra- 
clius,  de  Pilade  dans  Andromaque,  d'A- 
comat  dans  Bajazet,  de  Narcille  dans  Bri- 
tannicus ,  d'Œnone  dans  Phèdre  ,  d'Omar 
dans  Mahomet ,  &c.  ils  ont  auffi  quelque- 
fois eux-mêmes  trop  négligé  ces  rôles  fu- 
balternes  ;  &  cette  négligence  efl:  de  tous 
leurs  exemples  le  plus  fidèlement  fuivi. 

Dans  la  tragédie ,  comme  dans  les  vieux 
romans  ,  prefque  pas  un  héros  ne  paroît 
fans  un  conjidint  à  fa  fuite,  &  ce  confident 
eft  communément  aufli  dénué  d'efprit  que 
d'intérêt  :  il  ne  fait  prefque  jamais  que 
penfer,  ni  que  dire  :  rien  de  plus  froid  que 
{^s,  réflexions,  rien  de  plus  mal  reçu  que 
ÎQS,  avis.  Comme  le  héros  doit  toujours 
avoir  raifon  ,  le  confident  a  toujours  tort, 
ôc  l'un  brille  aux  dépens  de  l'autre.  Le  plus 
fouvent  le  confident  ne  hazarde  quelques 
mots  que  pour  donner  heu  à  réphque  , 
&  pour  empêcher  que  la  fcene  ne  foit  un 
trop  long  monologue;  tantôt  il  fait  d'avance 
tout  ce  qu'on  lui  apprend  ,  tantôt  il  n'a 
aucun  intérêt  à  le  favoir  ;  fans  pafilions  &: 
fans  influence ,  il  écoute  pour  écouter  ;  &: 
l'on  n'a  d'autre  raifon  de  l'inftruire  de  ce 
qui  fe  paflTe ,  que  le  befoin  d'en  inllruire  le 
fpeftateur. 

Mais  c'eft  bien  pis  lorfque  le  confident 
fe  mêle  de  fe  paflionner  :  fes  furprhes , 
fes  alarmes ,   fes  exclamations  :  Quoi  fei- 

gneur! Mais  feigneuri O  cieli  eft- 

il  pofiible  ! deviennent  encore   plus 

ridicules  par  le  ton  faux  &  l'aâiion  gauche 
qu'il  y  met.  En  général  plus  une  adion  efi 
vive  6c  pleine ,  moins  e;le  admet  de  confi- 
dens.  Voy.  ci-dej[us CrœvR.  (M.Mar- 
MONTEL.) 

CONFIDENTIAIRE,  voye^  Part,  pré- 
cédent Confidence  (Jurifpmd.) 

CONFIGURATION ,  f.  f.  (Phyfiq.) 
forme  extérieure  ou  furface  qui  borne  les 


C  O  N  891 

'corps,  Scieurcionne  une  figure  particulière. 
Foj'f;^  Figure  6-  Surface. 

Ce  qui  fait  la  diifércnce  fpécifique  entre 
les  corps,  félon  plufieurs  philofophes,  c*eft 
la  ^\yex(é  confi'^uration  t<.  la  diverfe  fitua- 
lion  des  parties.  Selon  ces  phi'ofopiies ,  les 
élémens  de  tous  les  corps  font  les  mêmes  ; 
par  exemple ,  ceux  de  l'or  &  du  plomb  :  la 
différente  manière  dont  ces  élcmens  font 
arrangés ,  eft  tout  ce  qai  conftitue  la  difl^é- 
rence  de  l'or  &  du  plomb.  Voilà  pourquoi! 
Defcartes  difoit  :  Donnez-moi  de  la  matière 
&  du  mouvement  ^  &  je  ferai  un  monde -^ 
ce  que  nous  expliquerons  plus  bas. 

Le  fentîment  des  philoTophes  dont  il 
s'agir  n'eft  pas  (ans  vraifeniblance-,  quelle  au- 
tre diff^érence  pouvons-nous  imaginer  entre 
les  corps ,  que  cel!e  qui  réfulte  de  la  figure 
&  dé  la  dlfpofition  différente  de  leurs  par- 
ties? Car  en  vertu  de  cette  différence  ,  ils 
pourront,  1°.  réfléchir  des  couleurs  diffé- 
rentes, &:  par  conféquent  être  différemment 
colorés, voje^ Couleur;  2,*^.  lip^ourront 
avoir  différens  degrés  de  molefle  ,  de  du- 
reté ,  ou  d'élaflicité.  VoyeT^  ces  mets.  Ce- 
pendant cette  hypothefe  pour  expliquer  la 
différence  des  corps,  élude  la  queftion  plu- 
tôt qu'elle  ne  la  réfout  ,  il  refte  toujours 
deux  difficulrés  confidérables.  En  premier 
lieu,  on  peut  demander  quels  font  en  géné- 
ral les  élémens  ou  particules  compofantes 
des  corps  ;  fi  l'on  dit  que  ce  font  des  corps, 
on  n'avance  point  ;  car  ces  corps  auront 
eux-mêmes  des  particules  ou  élémens ,  & 
ne  feront  point  par  conféquçnt  les  particu- 
les ou  élémens  primitifs  des  corps  qui  tom- 
bent fous  nos  fens  :  fi  Ton  dit  que  ce  ne 
font  point  des  corps ,  on  dit  une  abfurdité; 
car  comment  concevoir  qu'avec  ce  qui  n'eft 
point  corps  ,  on  fafte  un  corps .''  Des  deux 
côtés  les  diflicultés  font  à-peu-prcjs  égales, 
yoye:{  CORPS. 

En  (écond  lieu ,  fuppofons  que  les  par- 
ticules des  corps  foient  des  corps  ;  ces 
particules  (uit-c'les  une  dureté  primitive, 
ou  leur  vient-elle  de  la  preflîon  du  fluide  ? 
d^ux  qucftions  également  difficiles  à  ré- 
Ibudre.   f^oye:^  l'article  DuRETÉ. 

Il  réfulte  de  ces  réflexions,  que  nous 
ne  voyons  &  ne  connoiffons ,  pour  ainfi 
lire,  que  la  furface  des  corps,  encore  très- 
imparfaitement ,  6c   que  le  tifl^u  intérieur 
Tt  ttt  1 


Spi  C  O  N 

nous  en  échappe  :  c'eft  fans  doute  parce  ' 
qu'ils  nous  ont  été  donnés  uniquement  pour 
nos  befoins  &  qu'il  neû  pas  nëceflaire  pour 
nos  befoias  que  nous  en  fâchions  davantage. 

Au  refte  ,  quand  Defcartes  difoit,  don- 
nez-moi de  la  matière^  &:c.  ce  grand  philo- 
fophe  ne  prérendoit  pas  nier,  Gommeront 
ait  quelques  impofteurs,  que  la  matière 
fût  créée ,  ni  qu'elle  eût  befoin  d'un  fou- 
verain  moteur;  il  vouloit  dire  feulement 
que  ce  fouverain  moteur  n'employoit  que 
la  figure  &  le  mouvement  pour  compo- 
fer  les  différens  corps  ;  mais  cette  opéra- 
tion eft  toujours  l'ouvrage  d'une  intelli- 
gence infinie. 

Configuration,  (Aflronom.)  fitua- 
tion  des  planètes  les  unes  par  rapport  aux 
autres,  fe  dit  principalement  des  fateltires 
tie  Jupiter  ,  que  l'on  ne  pourroit  diftinguer 
l'un  de  l'autre,  fans  le  fecours  d'une  figure 
où  leurs  fltuations  refpe6live;s  font  mar- 
quées ;  on  la  trouve  pour  tous  les  jours 
dans  Xa  ÇonnoïjJ'ance,  des  temps  ,  dans  le 
■NauiicMIf^lmanach  ,  &  dans  les  Ephémé- 
rides  de  Vimm. 

Pour  former  ces  configurations  ,  on  fe 
contente  de  calculer  ,  une  fois  le  mois , 
les  longitudes  des  fatellites  vues  de  Ji.piter, 
par  le  moyen  des  tables  qui  fe  trouvent 
clans  M.  Cafîîni,  &  dans  mon  expofition 
du  calcul  afironomique  :  le  refte  fe  fait  par 
le  moyen  d'un  inftiument  de  l'invention 
de  M.  Caffini,que.  nous  appellonsyW/7^3e, 
&  qui  eft  repréfenté  dans  nospL  d'^flron. 
fig,  6 ,  Suppl.  des  planches.  On  voit  d'a- 
bord l'éclipîique  divifée  en  douze  (^^v\es  : 
une  alidade  tranfparente,  que  l'on  fait  ordi- 
nairement de  corne  ,  &  qui  eft  repréfentée 
par  ACB  ^  tourne  autour  du  centre  CT;  elle 
ie  place  fur  le  point  ^,011  répond  la  lon- 
gitude géocentrique  de  Jupiter  ,. connue  par 
une  épiiéméride  ,  ôsc  s'arrête  au  moyen 
d'une  pince  marquée  en  -D.,  La  figure  fup»- 
pofe,  par  exemple,  la  longitude  de  Jupiter 
de  9'  li^  pour  le  premier  mai  1759.  Les 
quatre  cercles  intérieurs  font  des  cercles  de 
carton  qui  doivent  être  mobiles  autour  du 
c-entre  C;  \U  repréfentent  les  orbites  des 
quatre  fatellites,  divifées  en  jours ,  par  les 
tables  dont  nous  venon  dé  parler.  On  cal- 
cule par  ces  mêmes  tabv  s  la  longitude  jovi- 
«entrique  de.  chacun  des-quatre  fatellites, 


C  ON 

pour  le  premier  jour  du  mois  ;  on  trouve, 
par  exemple,  pour  le  premier  mai  1559, 
les  longitudes  fuivantes  ,  o^  24^^  pour  le  4* 
fatelhte;  2*  25"^  pour  le  y^  y  11^  pour  le 
2^,  &  10'  13 «1  pour  le  premier;  on  place 
le  chiffre  i  de  chaque  cercle  vis-à  vis  de  cette 
longitude  calculée;  le  chiffre  1  de  l'orbite' 
du  4«  fatellite  répond  à  o^  24^,  &c.  alors 
la  firuation  du  point  i  par  rapport  à  l'ali- 
dade ACB,  fait  voir  la  firuation  appa- 
rente à  chaque  fatellite  par  rapport  à  Jupi- 
ter ,  le  premier  du  mois ,  pour  un  obfer- 
vateur  qui  eft  fîtué  fur  le  prolongement  de 
l'alidade  ACB  toujours  dirigée  vers  la  terre. 
La  fituation  des  points  marqués  2  fur  cha- 
cune des  quatre  orbites  ,  fait  voir  la  pofî^ 
tion  des  quatre  fatellites  le  2  à  pareille  heure;: 
il  en  eft  de  même  à  tous  les  autres  jours  du 
mois.  Par  ce  moyen  l'on  formera  la  confia 
guraiion  des  quatre  fa'tellites  ,  telle  qu'on  la* 
voit  fur  la  ligne  E  F ^  au  bas  de  la  figure  5, 
où  Jupiter  eft  fuppofé  en  /;  le  point  4  de 
l'orbite  du  troificme  fatellite  étant  de  huit 
lignes  â  droite  de  l'ahdade  AB  ,  m'apprend 
que  je  dois  placer  le  troifieme  fatelhte  huit 
hgnes  à  gauche  de  Jupiter,  fur  la  ligne  des- 
bandes  E  F,  c'eft-à-dire ,  fur  le  prolonge- 
ment d'une  ligne  obfcure  que  l'on  apper- 
çoit  dans  le  miheu  du  diîque  de  Jiipiter:. 
elle  eft  dirigée  fenfiblement  dans  le  fens  de 
l'équateur  de  Jupiter.  Voye^  RoTATiON, 
&  dans  le  plan  des  orbites  des  quatre  fatel- 
lites, quiparconféquent  ne  quittent  runais^ 
fi  ce  n'eft  d'une  >  rès-petite  quantité  ,1a  ligne^ 
droite  paralte'e  aux  bandes  de  Jupiter:  l'on 
figurera  ainfi  Jupiier  accompagré  de  fes^ 
quatre  fatelliies ,  à-peu-près  ttl  qu'il  paroî^ 
dans  une  lunette  de  quinze  pies,  qui  ren-r 
verfe  les  objets.  Les  cercles  font  difpofés 
pour  une  figure,  redreflee. 

Les  fatellites  i  &  3  font  au-deftbus  de  la> 
ligne  des  bandes  ,  parce  qu  à  caufe  de  l'in-. 
clination  d&fi  orbites.,  les  fatellites  paroiA-- 
fentun  peu  vers  le  nord  dans  un  des  demi- 
cercles  de  leur  révolution  :  tant  que  le. 
fatellite  eft  entre  los  i.^^-  &  4*  15*^  de  lon^- 
gitude  ;.ou  au  defîbusde.  la  ligne  des  nœuds. 
N  N,  que  nous  avons  marquée  fur  le  jovi*» 
labe ,.  il  paroit  toujours  un  peu  plus  fep-- 
tentrional  que  l'orbite  de.  Jupiier  ,  &:  cela,-, 
d'autant  plus ,  qu'il  eft  plus  éloigné  deSi 
points  A^5, ou  de  la  ligne  NN,. 


C  O  N 

Le  chifFre  qui  indique  le  fa^ellite  fiir  la 
Egne  de  configuration ,  le  met  enn  e  Jupiter 
&  le  point  qui  marque  le  place  du  fatellite  , 
quand  on  voit  fur  le  jovilabe  que  !e  fatellite 
fe  rapproche  de  Jupiter ,  comme  da^^s  notre 
figure  :  au  contraire  ,  on  met  le  chef  au  delà 
du  point  ,  quand  le  fatellite  s'éloigne  de 
Jupiter. 

On  comprendra  la  raifon  de  ces  configu- 
rations^ 'en  confidérant  que  la  ligne  C  A 
marque  le  rayon  qui  va  de  notre  œil  au 
cçntre  de  Jupiter;  la  ligne  C B  marque  le 
rayon  qui  va  de  Jupiter  à  la  terre  :  ainfi 
les  fatellites  nous  pa-'oîtront  plus  ou  moins 
éloignés  de  Jupiter ,  fuivant  qu'ils  feront 
plus  ou  moins  éloignés  de  l'alidade  BCA 
fiir  laquelle  nous  voyons  toujours  le  cen- 
tre de  Jupiter;  il  n'importe  point  qu'ils  foient 
plus  ou  moins  avancés  le  lon'j:  de  cette  ligne 
C  ^  ;  il  ne  s'agit  que  de  leur  diftance  à  l'ali- 
dade ou  à  la  ligne.  On  marque  dins  les 
configurations  les  temps  oi!i  chaque  fatellite 
paroi:  fur  le  difque  de  Jupiter,  ou  fe  trouve 
caché  derrière  le  difque  ;  cela  eft  facile  , 
parce  que  la  largeur  de  l'alidade  eft  égale 
à  celle  de  Jupiter  même  :  ainfî  quand  le 
point  eft  fous  l'alidade  ,  on  juge  que  le 
fatellite  eft  derrière  Jupiter ,  ou  qu'il  pa- 
roît  fur  fon  difque. 

On  trouvera  dans  la  féconde  édition 
de  mon  Ajlronomic  ,  un  femblable  inftru- 
ment  pour  faire  la  configuration  des  fatel- 
tites  de  faturne  ;  mais  on  en  fait  fi  rare- 
ment ufage ,  &  on  les  voit  fi  difficilement , 
qu'il  feroit  inutile  d'en  placer  ici  la  defcrip- 
tion.  {M.  DE  LA  Lande.) 

CONFINER  un  héritage  ou  un  terri- 
toire ,  {Juri/pr.)  c'eft  en  marquer  les  con- 
fins ou  limites.  Voye^  ci-après  CoNFiNS. 
Anciennement  confiner  fignifioit  quelque- 
fois reléguer  quelqu'un  des  confins  d'un  cer- 
tain territoire.  Voye\  BanNIR.  (A) 

CONFINS  ,  f.  m.  pi  (Jurifpr.)  font  les 
hmi'.es  d'un  héritage,  d'une  paroifie  ,  ou  du 
territoire  d'u  le  dîmerie  ,  d'une  feigneurie  , 
juftice ,  &c.  fines  agrorum  feu  territorù.  Il 
ne  faut  pas  confondre  les  bornes  avec  les 
confins.  On  entend  par  confins  lei  1  mites 
d'un -héritage  ;  au  lieu  que  les  bornes  font 
à^s  figues  extérieurs  qui  fervent  à  mar- 
quer les  limites. 

La  loi  des  douze  tables  avoit  ordonné  de 


C    O    N  8;^^ 

laifter'un  efpace  de  cinq  pies  de  large  entre 
tes  héritages  appartenans  à  différentes  per- 
fonnes  ;  ce  qui  formait  un  fentier  de  com- 
munication par  lequel  chacun  pouvoir  aller 
i  fon  héritage  ,  &  même  tourner  tout- 
autour  ,  fans  palier  fur  celui  du  voifin.  Ces 
fentiers  étoient  appelles  viœ  agrariœ ,  &.  cet 
efpace  de  cinq  pies  ne  pouvoir  être  p"ef- 
crit.ll  paroit  que  l'objet  des  décemvirs,  en 
obligean' chacun  delaifl'ercet  epace  autour 
de  fon  héritage,  étoit  que  l'on  pw  faci- 
lement labourer  à  la  charrue  fans  anticiper 
fur  le  voifin  ,  &  aufli  pour  que  la  diftinc- 
tion  des  héritages  fût  mieux  nurqiiée.  Il  y 
a  apparence  que  les  deux  propriéu^.ires  qui 
avoient  un  héritage  contigu  à  l'autre,  dé- 
voient laifier  chacun  la  moitié  de  cet  efpace 
de  cinq  pies. 

Mamilius  ,  tribun  du  peuple  ,  fit  dans  la^^ 
fuite  une  loi  appellée  de  ion  nom  Ma.mUia,. 
&  par  corruption  ,  qui  conformem..'nt  à  la^ 
loi  des  douze  tab'es  ,  ordonna  qu'il  y 
auroit  un  efpace  de  cinq  à  fix  pies  entre 
des  fonds  voifins  l'un  de  l'autre  ,  &  qui 
régloit  les  différends  qui  s'élevoient  à  c© 
fujet  entre  des  particuliers. 

Il  eft  auffi  parlé  de  cet  efpace  de  cinq 
pies  dans  la  loi  dernière  au  code  Théodo- 
îien  ,  finium  regundorum.,  qui  en  ce  point 
paroit  avoir  fuivi  la-  lo^i  des  douze  tables.- 
La  loi  quinque  pedum^  nu  coàe  Jinium' 
regundorum.^  énonce  auffi  que  l'eipace  de 
cinq  pies  qui  fépare  les  héritages ,  ne  peut 
pas  fe  prefcrire  ;  ce  qui  fuppofe  que  cet 
ufage  de  laiflerun  efpace  de  cinq  pies  entre  ; 
les  héritages  étoit  encore  obfervé. 

11  étoit  cependant  d'utage  de  mettre  des  , 
bornes  chez  les  Romains;  ce  qui  femble- 
roit  fuperflu  au  m. «yen  de  cet  efpace  de  cinq 
pies ,  mais  les  bornes  pouvoient  toujours 
fervir  à  empêcher  que  l'on  ne  déplaçât  le 
fentier  de  féparation.- 

Quoi  qu'il  en  fbit ,  il  eft  certain  que 
depuis  l^ng-temps  il  n'eft  plus  d'ufage  que 
les  différens  propriétaires  d'héritages  voi- 
fins laifiént  un  eîpace  entre  leurs  hé;  itages,-. 
à  m.oins  que  l'un  ne  faileune  muraille  ou-- 
un  f()fTé,.oune  plante  une  haie  ;  hors  ce-' 
cas  ,  chacun  laboure- jgîqu'à  l'extrémité  de-' 
fon  héritage  ,  ce  qui  ne  fe  peut  faire  à  la-^ 
vérité  Ikns  que  la  m;  itie  de  ia  charrue  pofe^ 
fur  l'héruage  du  voifin  ;  ce  qyi  eft  regardé-' 


S9^  CON 

comn''e  une  fervitude  néceiTiIre  &c  réci- 
proque entre  voifins. 

Les  autres  clifpofitions  du  tkrc  fini um 
rtgundorum  ,  font  que  dans  une  vente  l'on 
ne  coniîdere  point  les  anciens  confins  ^\w?m 
ceyx  qui  ibnt  défignés  par  le  contrat ,  parce 
que  le  propriétaire  qui  vend  une  partie  de 
Ton  fonds  peut  changer  les  limites  ou  con- 
fins ,  &  les  déterminer  comme  il  le  juge  à 
propos  ;  qu'ils  peuvent  pareillement  chan- 
ger par  le  fait  &:  le  confentementdes  diffi- 
rens  propriétaires  qui  fe  fuccedent  ;  que 
quand  il  s'agit  de  régler  les  confins  ou  limi- 
tes ,  on  a  égard  à  U  propriété  &  polTeffion, 
&  que  pour  la  mefiire  des  terres  le  juge 
commet  un  mefureur  (ce  que  nous  appel- 
Ions  aujourd'hui  arpenteur ^^  l'ur  le  rap- 
port duquel  il  ordonne  enfuite  que  les  bor- 
nes feront  pofées  ;  que  fi  pendant  le  pro- 
cès l'un  des  contendans  anticipe  quelque 
choie  fur  l'autre,  il  fera  condamné  non  feu- 
lement à  rendre  ce  qu'il  a  pris ,  mais  encore 
à  en  donner  autant  du  fien  \  qu'on  peut  fe 
pourvoir  pour  faire  régler  les  C9nfins  lorf- 
qu'il  s'agit  d'un  modique  efpace  de  terrain , 
de  même  que  s'il  étoit  plus  confidérable  ; 
enfin,  que  l'on  ne  prefcrit  les  confins  ou 
limites  que  par  l'efpace  de  trente  ans. 

La  pofition  des  confins  peut  être  établie 
de  trois  manières ,  ou  par  les  bornes ,  ou 
par  titres  ,  ou  par  témoins  ;  par  bornes  , 
lorfqueron  en  reconnoît  qui  ont  été  mifes 
d'ancienneté,  voyeT^  BoRNES;  par  titres, 
lorfque  l'étendue  de  l'héritage  ou  du  terri- 
toire y  eft  marquée  ;  &  par  témoins ,  lorf- 
que les  témoins  difent  que  de  temps  immé- 
morial ,  ou  depuis  un  tel  temps  ,  ils  ont 
toujours  vu  un  tel  jouir ,  labourer ,  ou  di- 
mer  jufqu'à  im  tel  endroit. 

On  entend  auffi  fouvent  par  le  terme  de 
confins  ,  les  tenans  &:  aboutifl^ans,  c'eft-à- 
dire,  les  endroits  auxquels  un  héritage  tient 
de  chaque  côté.  Il  y  a  des  confins  immua- 
bles, tels  qu'un  chemin,  une  rivière  ;  d'au- 
tres font  fujets  à  changer,  tels  que  les  hé- 
ritages des  particuliers;  non  feulement  il 
arrive  changement  de  propriétaire  &  chan- 
gement de  nom ,  mais  fouvent  même  les 
héritages  qui  confinent  changent  de  nature  ; 
une  pièce  de  terre  eft  partagée  en  plufieurs 
portions  ,  ce  qui  étoit  en  bois  ou  vigne  eft 
mis  en  terre,  aut  contra \  c'eft  pourquoi 


CON 

on  ne  rai:ro!r  avoir  trop  d'attention  à  b'eri 
expliquer  tout  ce  qui  peut  défigner  les  cor  fins. 

Il  eft  même  bon  de  marquer  les  anciens 
&  nouveaux  conf.ns  ,  c'cft-à-dire  ,  d'expli- 
quer que  l'héritage  tient  à  un  tel  ,  qui 
étoir  au  lieu  d'un  tel.  Il  y  a  des  terriers 
où  l'on*  appelle  ainfi  les  confins  de  l'un  à 
l'autre  ,  en  remontant  jufqu'au  titre  le  plus 
ancien. 

Pour  mieux  reconnoître  \es  confins ,"  xi 
faut  les  orienter ,  c'eft-à-dire  ,  les  défigner 
chacun  parafpe(5i  du  foleil  ;  par  exemple, 
en  parlant  d'un  héritage  ou  territoire  ,  on 
dira:  tenant  d'une  part  ^  du  côté  d'orient  y 
au  chemin  qui  conduit  de  lieu  à  tel  autre  ; 
d'un  bout ,  du  côté  du  midi ,  à  la  rivière  ; 
d'autre  part  du  coté  d'occident  ,  à  Pierre 
ViaLircl  ^  au  lieu  de  Simon  Hugonet ,  qui 
étoit  au  lieu  de  Jean  ;  d"" autre  bout ,  du 
côté  du  fcptentrion  ,  a  la  terre  de  Nicolas 
Rocke ,  qui  étoit  ci-devant  en  bois. 

L'ufage  de  marquer  les  confins  dans  les 
terriers  n'a  commencé  que  vers  l'an  1300  » 
&  en  d'autres  endroits  vers  l'an  i4')0. 

L'ordonnance  de  1667  ,  tit.  ix  ,  art.  j  , 
veut  que  ceux  qui  forment  quelque  de- 
mande pour  des  cenfives  ou  pour  la  pro- 
priété de  quelque  héritage,  rente  foncière, 
charge  réelle  ,  ou  hypothèque  ,  déclarent, 
à  peine  de  nullité  ,  par  le  premier  exploit  , 
le  bourg  ,  village  ou  hameau  ,  le  terroir 
ou  la  contrée  ,  où  l'héritage  eft  fitué,  fa 
confiirance  ,  fes  nouveaux  tenans  &  abou- 
lifTans  ,  du  côté  du  feptenirion  ,  midi  , 
orient,  occident  ,  &c.  enforte  que  le  dé- 
fendeur ne  puide  ignorer  pour  quel  héri- 
tage il  eft  aftigné. 

Dans  les  déclarations  ou  reconncifl^ances, 
aveux  Si  dénombremens ,  contrats  de 
vente,  baux  à  rente  ,  échanges,  baux  à 
ferme  ,  &  autres  aftes  concernant  la  pro- 
priété ou  pofieflion  d'un  héritage  ou  ter- 
ritoire ,  il  eft  également  important  d'en 
bien  déMgner  les  confins  ,  pour  en  aflurer 
l'étendue.  (A) 

CONFIRE,  v.  aa.  (  Confifeur.  )  c'eft 
donner  à  un  fruit ,  à  une  plante ,  ou  à  une 
herbe  une  forte  de  préparation ,  en  Tin- 
fufant  dans  du  fucre  ,  firop,  eau-de-vie ,  ou 
vinaigre,  pour  leur  donner  un  goût  agréa- 
ble ,  ou  pourles  conferver  plus  long-temps. 
Voyei  CoKFiT  &  Confiture. 


CO  N 

CONPIRE  ,  terme  de  Chamoifeur ,  Pel- 
leterie ,  &c.  c'eil  donner  une  certaine  pré- 
paration aux  peaux  de  mouton,  d'agneau, 
de  lièvre  ,  &c.  dans  une  cuve  appeilée 
confit ,  avec  du  Tel  ,  de  l'eau  , de  la  farine, 
&c.  Ainii ,  l'on  dit ,  //  faut  confire  ces 
peaux  c'eft-à-dire ,  il  faut  les  mettre  dans 
le  confit  avec  les  ingrédiens  néceflaires  pour 
les  préparer.    Voyei  CfiamoiSEUR. 

CONFIRMATION,  f.  f.  (Théolog.J^ 
facremçnt  de  la  loi  nouvelle  ,  qui ,  outre  la 
grâce  fandifiante  ,  confère  à  l'homme  bap- 
tifé  des  grâces  fpéciales  pour  confeffer  cou- 
rageufement  la  foi  de  Jefus-Chrift  ;  c'efl:  la 
définition  qu'en  donnent  quelques  théolo- 
giens catholiques. 

Ils  font  divifés  fur  ce  qui  conftitue  la 
matière  effentielle  de  ce  facrement;  les  uns 
veulent  que  ce  foit  la  feule  impofition  des 
mains  ,  &:  que  l'ondlion  du  fainf  chrême 
ne  foit  que  matière  accidentelle  ou  inté- 
grante ;  c'eA  le  fentiment  du  P.  Sirmon  & 
de  M.  de  Sainte-Beuve.  Les  autres  comme 
Grégoire  de  Valence  foutiennent  que  les 
apôires  employoient  &  rimpofirion  des 
mains  &  l'ontiion  du  chrême >  mais  que 
l'ondion  eft  devenue  par  l'ufage  matière 
eifentielle,  &  l'impofition  des  mains  matière 
accidentelle  :  d'autres  réuaiffent  en  quelque 
forte  ces  deux  fentimens  ,  en  fou  tenant 
que  l'impofition  des  mains  &  l'onftion  du 
faint  chrême  font  également  matière  effen- 
tielle. Enfin  ,  un  quatrième  fentiment  veut 
que  Jefus-Chrift  ait  inftitué  l'un  &:  l'autre 
comme  matière  ,  en  laiifant  à  l'églife  à 
ufer  félon  fa.  fageiïe  de  l'une  ou  de  l'autre. 
De  ces  fentimens  le  troifieme  efi  le  plus 
généralement  fuivi. 

Selon  celui  qu'on  embralfe  fur  la  matière 
de  ce  facrement ,  on  en  prend  un  fur  f!i 
forme  ,  c'eft-à-dire ,  fur  l'oraifon  ou  la  prière 
qui  accompagne  rimpofition  des  mains  ou 
l'onction  du  faint  chrême. 

Parmi  les  Grecs  &  dans  tout  l'orient  , 
on  donne  ce  facrement  immédiatement 
après  le  baptême  ;  m;iis  dans  l'églife  d'oc- 
cident ,  on  le  réferve  jufqu'à  ce  que  les 
enfans  aient  atteint  l'âge  de  raifon. 

Quoiqu'on  trouve  des  preuves  très-fortes 
de  Ion  exiflence  dans  les  aclcs  des  apôtres  , 
ckap.  vij^verf.  74  &  fuiv.  &  chap.xlx, 
Vtrf,  i ,  Ô£  de  fa  pratique  ou  adminiftra- 


C  O  N  895 

tion  dans  Tertullien ,  /.  du  baptême ,  chap, 
vij  de  la  réfurreclion  de  la  chair  ^  ch.  vij  ; 
dans  S.  Cyprien,  épit.  73  ,  à  Jubaïen,  6* 
epifl.  y  G  2.  Janvier  dans  S.  Jérôme,  dialog. 
contre  les  lucifériens ^  dedans  S.  Auguftin, 
liv,  XV  de  la  Trinit,  ch.  xxi'j ,  les  luthé- 
riens 6>c  les  calviniftes  n'ont  pas  laiffé  que 
de  le  retrancher  du  nombre  des  facremens. 

II  paroît  par  toute  l'antiquité  ,  que  les 
évêques  ont  toujours  été  en  droit  de  con- 
férer le  facrement  de  confirmation  ;  faint 
Cyprien  &  la  plupart  des  pères  marquent 
très-diftinftement  la  tradition  &:  l'ufage  de 
la  confirmation  ^  par  l'impofition  des  prélats 
de  l'églife ,  depuis  les  apôtres  jufqu'à  eux. 
M.  Feury  ,  &  la  plupart  des  théologiens 
modernes  établiffent  comme  un  caraéltre 
diftinftif  entre  les  fondions  des  prêtres  ou 
des  diacres ,  &  celles  des  évêques  ,  que  les 
premiers  puiffent  adminiftrer  le  baptême,  au 
lieu  qu'il  n'appartient  qu'aux  évêques  de 
conférer  la  confirmation  en  qualité  de  fuc- 
cefiTeurs  des  apôtres. 

Il  eft- certain  que  parmi  les  Grecs  ,  le 
prêtre  qui  donne  le  baptême  confère  auflî 
la  confirmation',  &  Luc  Holftenius  afifure 
que  cet  ufage  eft  fi  ancien  dans  l'églife 
orientale ,  que  le  pouvoir  de  confirmer  eft 
devenu  connne  ordinaire  aux  prêtres  qui 
l'ont  reçu  des  évêques.  Delà,  pour  ne  pas 
condamner  la  pratique  de  cette  églife  ,  les 
théologiens  penfent  que  l'évêque  eft  le  mi- 
niftre  ordinaire  de  la  confirmation ,  &  que 
les  prêtres  peuvent  la  donner ,  &  l'ont  fou- 
vent  donnée  comme  miniftres  extraordi- 
naires, &  par  délégation.  La  confirmation 
eft  un  des  trois  facremens  qui  impriment 
caradere.  VoyeT^  CARACTERE. 

On  donnoit  autrefois  la  confirmation  aux 
fêtes  folemnelles  de  Pâque  &  de  la  Pente- 
côte 5  &:  aux  approches  de  la  perfécution. 
Le  concile  de  Rouen  prefcrit  que  celui  qui 
donne  la  confirmation  ,  &  ceux  qui]  la 
reçoivent  foient  à  jeum  Sur  les  cérémo- 
nies qui  appartiennent  à  l'admlniftration 
de  ce  facrement,  on  peut  voir  les  anciens 
rituels  &  les  théologiens  qui  en  ont  traité. 

{G) 
Confirmation,  {Belles-Lettres)  en 

rhétorique  ,   eft  la   troifieme  partie   d'un 

difcours  ,  félon  la  divifion  des  anciens ,  dans 

laquelle  l'orateur  doit  prouver  par  loix  > 


Sc^6  C  O  N 

raifons  ,  autorité  ou  autres  moyens ,  la 
vénré  des  faits  ou  des  propositions  qu'il  a 
avancés,  fol*^  dans  la  narration  ,  ibit  dans  fa 
divifion.  C'eftceque  nous  3.ppe]\ons preiivcs 
6c  moyens.  K.  DjscourS  6- OraiSON. 

La  co/7firmniion  ei\  direéle  ou  indireéle  : 
la  prefniere  renferme  ce  que  l'orateur  a 
avancé  pour  fortifier  fa  caufe  ou  dévelop- 
per fon  fujet  :  la  féconde  ,  qu'on  appelle 
autrement  confutation  &  réfutation  ,  eft  !a 
réplique  aux  obje^f^ions  de  la  partie  adverfe. 
Voyei  Confutation  &  Réfutation. 
On  comprend  quelquefois  ces  deux  parties 
fous  le  titre  général  de  contention. 

Cette  partie. eft  comme  l'ame  de  l'orai- 
fon  ;  c'eft  fur  elle  qu'eft  fondée  la  princi- 
pale force  des  argumens  ;  c'efl  pourquoi 
Ariilote  l'apelle  t//*;  ,  fides,  ce  qui  fait 
impreflîon  fur  l'efprit  des  auditeurs  ,  & 
concilie  leur  créance  à  l'orateur.  C'efl:  la 
partie  la  plus  effentielle  de  l'éloquence  ; 
toute  l'adrelTe  &:  toute  la  force  de  l'art  y 
font  renfermées ,  car  elle  confifte  prin- 
cipalement à  convaincre  &  à  émouvoir. 
Dans  toutes  les  quellions  qu'on  y  traire  ,  il 
faut  autant  qu'il  eft  poffible ,  remonter  à 
un  principe  lumineux  ,  le  préfenter  à  fes 
auditeurs  par  tous  les  côtés  qui  peuvent 
le  faire  connoître ,  &:  ne  le  point  quitter 
qu'on  ne  l'ait  placé  dans  fon  véritable  jour. 
On  doit  defcendre  enfuite  aux  conféqiien- 
ces  par  un  chemin  droit ,  &  par  des  liai- 
fons  naturelles  ,  enforte  que  l'on  voie  la 
conclufion  naître  du  principe  établi  dans  le 
commencement.  Ainfi,  le  but  de  la  confir- 
mation eft  de  prouver  une  cliofe  qui  paroît 
douteufe ,  par  une  autre  qui  eft  tenue  pour 
certaine. 

La  forme  des  preuves  eft  différente,  Se 
l'art  de  l'orateur  confifte  à  entremêler  les 
enthymêmes  aux  exemples ,  aux  induftions, 
aux  dilemmes  ,  &  à  les  revêtir  de  figures , 
pour  ne  leur  pas  donner  un  air  uniforme 
qui  déplairoit  inf^lliblement. 

Mais  en  raffemblant  tous  les  argumens 
qui  établiflent  fa  caufe  ,  l'orateur  doit  être 
attentif  à  les  arranger  dans  un  ordre  conve- 
nable, en  mettant  au  commencement  &  à 
îa  fin  les  meilleures  preuves ,  &  les  plus 
foibles  dans  le  milieu  ;  c'eft  le  fentiment  de 
Cicéron  dans  fon  traité  de  l'orateur.  (GJ 

CONFIRxMER ,  (  Jurifprud.  )  c'eft  aé- 


C  ON 

clarer  ou  reconnoître  valable  un  a  fie.  Une 
donation  ou  un  teftament  font  confirmés  par 
l'acquief'cement  que  l'on  donne  à  leur  exé- 
cution ;  ils  font  aufïi  confirmés,  &  d'une 
manière  plus  fbienmelle  ,  lorfqu'ayant  été 
débattus  de  nullité  en  juftice  ,  il  intervient 
un  jugement  qui  les  déclare  valables  ,  & 
en  ordonne  l'exécution. 

Le  roi  confirme  des  ftatuts  &  privilèges, 
^  autres  aifles  ,  par  des  lettres-patentes; 
mais  il  faut  obferver  qu'il  y  a  deux  maximes 
en  fait  de  confirmation  :  l'une  eft  que  ,  qui 
confirmât  nihiL  dat  ,  c'eft-à-dire  ,  que  la 
confirmation  n'ajoute  rien  à  ce  qui  efl  con- 
firme  y  fi  ce  n'eft  l'approbation  &  l'autorité 
qu'elle  y  donne. 

La  féconde  maxime  eft,  que  la  fîmple 
confirmation  d'un  aifte  qui  efi  nul  de  plein 
droit  ne  le  rend  pas  valable,  à  moins  que 
l'approbation  qui  eft  faite  de  l'afte  ne  fbit 
émanée  de  celui  qui  avoit  intérêt  de  le  con- 
tefter  ;  par  exemple  ,  fî  le  fils  exhérédé  a 
approuvé  le  teftament  de  fon  père,  il  ne 
peut  plus  intenter  la  querelle  d'inofficiolîté. 

Lorfqu'il  y  a  appel  d'une  fentence  ,  le 
juge  fupérieur  peut  la  confirmer  ou  l'infir- 
mer ,  fi  l'appel  efl  pendant  devant  une  cour 
fouve raine  :  lorfque  l'on  confirme  la  fen- 
tence, on  prononce  que  la  cour  met  l'appel- 
lation au  néant ,  &  ordonne  que  ce  dont 
el^  appel  fortira  fon  plein  &  entier  effet, 
&  elle  condamne  l'appellant  en  l'amende 
&  aux  dépens  ;  néanmoins  en  matière  de 
grand  criminel ,  la  cour  ,  lorfqu'elle  con^ 
firme,  dit  feulement  qu'il  a  été  bien  jugé, 
mal  &  fans  grief  appelle. 

Cette  dernière  forme  de  confirmer  eft  la 
feule  dont  les  juges  inférieurs  puiffent  ufér> 
fpit  en  matière  civile  ou  criminelle. 

On  peut  confirmer  un  jugement  ou  autre 
a6le,  dans  une  partie  ,  &:  l'infirmer  ou  dé- 
fapprouver  dans  l'autre. 

Voje:^  au  code  5  ,  tit.  xvj ,  /.  74,  &  ai^ 
jf.  xy,  tu.  ix,L2.  ,&  lib.  XXIX,  tit.  vij , 
/.  7,  6-  lib.  XXXVII,  tit.  xiv,  l.fin. 
Dumoulin  iwxVart.  5  de  Cane.  coût,  verbo 
dénombrement,  nn.  8 y  &f.  Mornac,  adleg, 
dcjuiifd.  &  le  Prêtre ,  cent.  4,  ch.  xlv.  {A) 

Confirmer i^/i  cheval,  [Manège.)  c'efl 
achever  de  le  drefler  aux  airs  du  manège. 
Voyei  Air  ,  Manège  ,  &c.  ÇVJ 

CONFISCATION ,  f.  f.  f /«/-//>r.)  eft 

l'adjudication 


C  O  N 

i*adiuclîcatîon  qui  fe  fait  d'une  chofe  au  pro- 
fit du  fifc ,  ou  de  ceux  qui  en  ont  les  droits  ; 
c'eft  une  peine  prononcée  par  les  loix 
contre  ceux  qui  font  coupables  de  quelque 
délit  ,  &  qui  eft  plus  ou  moins  étendue 
félon  la  nature  du  délit  :  cetre  peine  s'étend 
fur  les  héritiers  du  criminel  qui  font  privés 
<ie  Tes  biens  ;  ce  que  l'on  a  ainfi  établi  pour 
contenir  d'autant  plus  les  hommes  dans  le 
devoir ,  par  la  crainte  de  laifTerleur  famille 
dans  l'indigence. 

Ceft  un  ufage  reçu  chez  toutes  les  na- 
tions, mais  pratiqué  diverfeînent  félon  les 
temps,  les  lieux  &:les  circonftances. 

Chez  les  Romains  ,  la  confif cation  fut 
inconnue  dans  l'âge  d'or  de  la  république , 
comme  le  remarque  Cicéron  dans  l'oraifon 
pro  domofuâ  :  Tarn  modtratajudiciapopuLi 
funt  à  majorihus  conftltuta ,  ut  nepoina  ca- 
pitis  cum  pccunïa  conjungatur. 

Ce  fut  pendant  la  tyrannie  de  Sylla  que 
l'on  fit  la  loi  Cornelia,  de  profcript,  qui 
déclaroit  les  enfans  des  profcrits  incapables 
de  poiTéder  aucune  dignité  ,  &  déclaroit  les 
biens  confiqués. 

Sous  les  empereurs  la  confifcatïon  des 
Kens  avoit  lieu  en  plufieurs  cas ,  qui  ne  font 
pas  de  notre  ufage  :  par  exemple ,  tous  les 
.'biens  acquis  par  le  zx\\x\q  kiox^wK  confif qués  ; 
la  dot  de  la  femme  étoit  confifquée  pour  le 
délit  du  mari  ;  celui  qui  avoit  accufë  (  fans 
le  prouver  )  un  juge  de  s'être  Laiffé  corrom- 
pre dans  une  affaire  criminelle  ,  perdoit  fes 
biens;  il  en  étoit  de  même  de  l'accufé  qui 
avoit  laide  écouler  un  an  fans  comparoître , 
&  fes  biens  ne  lui  étoient  point  rendus, 
quand  même  par  l'événement  il  auroit 
prouvé  fon  innocence  :  la  maifon  ou  le 
champ  dans  lefquels  on  avoit  fabriqué  de  la 
fauffe  monnoie  étoient  confifqués ,  quoique 
le  délit  eût  été  commis  à  l'infu  du  proprié- 
taire. On  confifquoit  aufli  les  biens  de  ceux 
qui  n'étoient  pas  baptifés,  de  ceux  qui  con- 
fultoient  les  arufpices ,  d'un  curateur  nommé 
par  coUufion  aux  biens  d'un  mineur  ;  d'un 
décurion  qui  avoit  commerce  avec  fa  fer- 
vante  ;  les  maifons  où  l'on  avoit  tenu  des 
affemblées  illicites ,  &  où  l'on  faifoit  des 
facrifices  prohibés;  celles  où  l'on  jouoitaux 
chevaux  de  bois ,  qui  étoit  un  jeu  défendu  ; 
les  biens  de  ceux  qui  fouffroient  que  l'on 
commît  fornication  dans  leur  maifon,  ou 
Tome,  VIII, 


C  O  N  897 

dans  leur  champ  ,  de  ceux  qui  étoient  con- 
damnés aux  mines,  &  de  ceux  qui  fréquen- 
toient  les  fpe<n:acles  un  jour  de  dimanche. 

On  voit  par  ce  détail,  que  les  loix  ro- 
maines étoient  plus  féveres  que  les  nôtres 
dans  bien  des  occafions  ;  mais  la  plupart  des 
empereurs  ne  fe  prévale ient  pas  de  la  ri- 
gueur de  ces  loix.  Trajan  remettoit  entiè- 
rement la  peine  de  la  confifcatïon  ;  ce  qui 
lui  a  mérité  ce  bel  éloge  de  Pline  :  quce pm- 
cipua  tua  gloria  efi^fizpius  vincitur fifcus  ^ 
eu; us  mala  caufa  nuj'quam  e/i  ni/ifub  bono 
principe. 

Antonin  le  pieux  en  faifoit  don  aux  en- 
fans  du  condamné  ;  Marc  Antonin  leur  en 
remettoit  la  moitié.  Il  eft  fait  mention  dans 
le  digefte  de  bonis  damnât,  l.  7.  §  3.  dune 
loi  par  laquelle  Adrien  avoit  ordonné  que 
Ç\.  un  homme  condamné  à  mort  laiffoit  un 
enfant ,  on  donnât  à  cet  enfant  la  douzième 
partie  des  biens  de  fon  père  ;  &  que  fi  le 
condamné  laiffoit  plufieurs  enfans  ,  alors 
tous  les  biens  du  père  leur  appartinffent, 
fans  que  la  confifcatïon  pût  avoir  lieu. 

Valentinien  en  fit  grâce  entière  aux  en- 
fans,  ce  que  Théodofe  le  grand  étendit  aux 
petits  enfans;  &au  défaut  de  defcendans, 
il  accorda  le  tiers  aux  afcendans  :  enfin  Jufti- 
nien  par  fa  novelle  17,  abolit  entièrement 
le  droit  de  confifcatïon  ;  il  excepta  feule- 
ment par  fa  novelle  34,  le  crime  de  lefe- 
majefté. 

En  France  la  confifcatïon  a  été  établie  dés 
le  commencement  de  la  monarchie.  Dago- 
bert  I ,  dans  un  édit  de  l'an  630 ,  concer- 
nant l'obfervation  du  dimanche  ,  défend 
entr'autres  chofes  de  voiturer  aucune  chofe 
par  terre ,  ni  par  eau,  à  peine  à  l'égard  ^qs 
voitures  par  terre  ,  de  la  confifcatïon  du 
bœuf  attaché  du  côté  droit  ;  on  trouve  une 
femblable  ordonnance  de  Pépin  ,  dont 
l'année  eft  incertaine ,  mais  que  l'on  croit 
être  de  l'an  744. 

Du  temps  de  Philippe  V  &  même  avant, 
les  confifcatïons  qui  échéoient  au  roi  ,  dé- 
voient être  employées  à  payer  les  aumônes 
dues  fur  le  tréfor.  Il  n'en  pouvoit  faire 
don  à  héritage,  c'eft-à-dire,  à  perpétuité 
que  dans  fon  grand  confeil;  il  fut  même 
réglé  depuis  que  l'on  ne  donneroit  plus 
les  biens  confifqués^  mais  feulement  une 
fomme  préfixe  lur  ces  biens ,  lefquels  feroient 

V  V  TVV 


55^8  C  O  N 

vendus.  Le  roi  devolt  mettre  hofs  de  fa  maîn 
dans  l'an  &  jour  les  hxQnsconfifqués  dans  les 
terres  àQS  feigneurs  :  &  les  remettre  à  des 
perfonnes  qui  puffent  s'acquitter  des  devoirs 
féodaux  ,  ou  en  indemnifer  les  Teigneurs;  & 
quand  il  les  indemnifoit,  (qs  officiers  fai- 
îoient  hommage  pour  lui.  La  confifcation 
des  monnoies  étrangères  fut  accordée  aux 
feigneurs  hauts-] uRiciers  dans  leurs  terres , 
JoriTque  c'étoient  leurs  officiers  qui  avoient 
faifi  :  le  roi  s'en  réferva  feulement  la  moitié , 
déduélion  faite  furie  total  du  quart  accordé 
au  dénonciateur.  Le  chancelier  ne  devoir 
fceller  aucun  don  de  confifcation  qu'il  n'eût 
déclaré  au  confeil  ce  que  la  chofe  donnée 
pouvoit  valoir  par  an. 

A  Limoges  y  la  confifcation  appartenoit 
au  vicomte  ,  à  moins  que  quelques  habitans 
ne  fulTent  depuis  30 ans  en  pofïeffion  de  les 
percevoir. 

A  Ville-Franche  en  Périgord ,  les  biens 
d'un  homicide  condamné  à  mort  apparte- 
-noient  au  roi  ,  fes  dettes  préalablement 
payées  ;  mais  lorfqu'un  hoinme  y  étoit 
pendu  pour  vol,  fes  dettes  payées,  le  roi 
prenoit  dix  francs  fur  fes  biens ,  &  le  refte 
paffoit  à  (ts,  héritiers. 

A  Langres ,  la  veuve  d'un  homme  exé- 
cuté à  mort  pour  crime  repre:  ait  les  biei 
&  fon  douaire,  Se  partie  dans  les  acquêts 
&  dans  les  meubles,  comme  elle  eût  tait  ii 
fon  mari  tût  mort  naturelkment.  S\  e'étou 
une  femme  qui  fût  exécutée  à  moi  t  poui 
crime  ,  l'évêque  de  Langres  avoit  par  droit 
de  confifcation  la-  portion  des  bitns  du 
iTiari ,  que  les  héritiers  de  cette  femme  au- 
roient  eue  fi  elle  fût  morte  naturellement 
avant  lui. 

Lorfqu'un  bourgeois  ou  habitant  de  Tour- 
nay  blelloit  ou  tuoit  un  étranger  qui  l'avoit 
attaqué  ,  il  n'étoit  point  puni  ,  &  fes  biens 
n'étoient  point  confifqués  ;  parce  que  les 
biens  d'un  étranger  qui  en  fe  défendant  au- 
roit  tué  un  bourgeois  ou  un  habitant,  de 
Tournay,  n'auroient  pas  été  confifqués^  ainfi 
que  cela  eft  expliqué  dans  des  lettres  de 
Charles  V  du  iq  janvier  1370. 

A  Avefnes ,  oùlafeigneurieétoit  partagée 
entre  le  dauphin  6t  d'autres  feigneurs  ,  en 
cas  de  contravention  par  rapport  au  vin , 
Fàmande  étoit  pour  les  feigneurs  particu- 
lier sjÔC  le- vin  étoit  pour  le  dauphin. 


C  O  N 

n  y  avoît  auffi  un  ufage  finguîierà  Saînf- 
Amand-en-Peuple  ,  diocefe  de  Tournay; 
anciennement  les  maifons  des  bourgeois  qui 
étoient  condamnés  à  mort  étoient  brûlées , 
au  moyen  de  quoi  leurs  biens  n'étoient  pas 
confifqués  ;  mais  il  fut  ordonné  en  1 366  que 
les  maifons  ne  feroient  plus  brûlées ,  &  que 
leurs  héritiers  ou  ayans  caufe ,  pourroient 
les  racheter ,  payant  dix  livres  pour  une 
maifon  de  pierre ,  &  60  fols  pour  une  maifon 
de  bois  ou  d'autre  matière. 

Les  confifcations  avoient  été  deftinées 
pour  les  dépenfes  de  l'ordre  de  l'Etoile  ,  6c 
pour  les  réparations  du  palais; mais  en  1358 
Charles  V,lors  régent  du  royaume ,  ordonna 
qu'elles  feroient  employées  pour  la  rançon 
du  roi  Jean. 

L'ufage  n'eft  pas  encore  uniforme  dans 
tout  le  royaume. 

Dans  les  pays  de  droit  écrit ,  la  confifca- 
tion n'a  pas  lieu,  fi  ne  n'efl  pour  crime  de 
lefe-majefté  divine  &  humaine.  Il  faut  auffi 
en  excepter  le  parlement  de  Touloufe ,  dans 
tout  le  reffort  duquel  la  confifcation  a  lieu 
fuivant  le  droit  commun  ;  mais  ce  parle- 
ment réfervoit  autrefois  la  moitié  des  biens 
du  condamné  à  fes  enfans.  PréJentement  il 
e  leur  accorde  que  le  tiers  :  la  femme  du 
,  ondamné  eft  admiie  au  partage  de  ce  tiers 
avec  les  enfans  ;  &  quand  11  n'y  apointd'en- 
fans,  elle  profi'e  ieule  de  ce  tiers;  elle 
n'en  perd  pas  ntéme  la.  propriété  en  fe  re- 
mariant. 

A  l'égard  du  pays  ôourumier ,  on  diftin-'' 
gue  les  courûmes  en  cinq  clalîes  par  rapport 
à  la  confifcation. 

La  première  tft  compofée  de  quelques 
coutumes  ,  qui  ne  l'admettent  que  dans  le 
cas  du  crime  de  lei.e-majefté  divine  &:  hu- 
maine :  telles  lont  les  coutumes  de  Berry, 
Touraine  ,  Laudunois  ,  la  Rochelle ,  An- 
goumois  ,  Calais ,  Boulenois ,  Lille ,  Tour* 
nay ,  Cambray ,  Bayonne ,  Samt-Sever. 

La  féconde  eft  des  villes  d'Arras ,  Lille, 
&:  Saint-Omer,  où  par  un  privilège  parti- 
culier la  confifcation  n'a  lieu  qu'en  deux  cas  , 
fa  voir  pourhéréfie  &  lefe-majefté. 

La  troifieme  eft  des  coutumes  qui  admet- 
tent [-a.  confifcation  pour  les  meubles  feule- 
ment ,  &  non  pour  les  immeubles ,  telles 
;.que  les  coutumes  de  Normandie ,  Bretagne  y, 


C  O  N 

An]ou  ,  Maine  ,  Poitou  ,  Ponthîeu  V  le 
Perche. 

La  quatrième  comprend  la  coutume  de 
Paris ,  &  les  autres  coutumes  femblables  qui 
forment  le  plus  grand  nombre,  lefquelles 
polent  pour  maxime  que,  qui  confifque.  le 
corps  confifque  les  biens. 

La  cinquième  clafle  enfin  eft  compofée 
des  coutumes  qui  n'ont  point  de  difpoiition 
fur  cette  matière,  &:dans  lefquelles  laco/z- 
fifcation  n'a  point  lieu,  à  moins  qu'elle  ne 
foit  projaoncée  dans  les  pays  où  la  confifca- 
tion  efl:  admife  :  elle  a  lieu  au  profit  du  roi 
pour  les  biens  fitués  dans  l'étendue  des  jufli- 
CQs  royales ,  &:  au  profit  des  feigneurs  hauts- 
jufliclers ,  pour  les  biens  qui  font  fitués  dans 
l'étendue  de  leur  haute- juftice,  quand  même 
la  condamnation  auroit  été  prononcée  par 
le  juge  royal;  de  manière  que  les  biens 
d'un  condamné  peuvent  appartenir  partie 
au  roi  ,  &c  partie  à  différen's  feigneurs  ,  cha- 
cun d'eux  n'ayant  aucun  droit  de  prendre 
que  ce  qui  eft  firué  dans  fa  haute-juftice; 
mais  fur  les  confifcaùons  qui  appartiennent 
aux  feigneurs  hauts-] ufticiers ,  on  levé  une 
amende  au  profit  du  roi ,  pour  réparation 
du  crime  envers  le  public. 

On  prélevé  auffi  les  dettes  du  condamné 
fur  les  biens  confifqués. 

Lorfqu'un  ufufrultier  jouit  de  la  haute- 
juftice ,  il  a  les  confifcaùons ,  attendu  qu  'elles 
font  parne  des  fruits. 

11  eft  encore  à  remarquer  que  dans  cette 
matière  ,  les  dettes  aftlves  fuivent  le  domi- 
cile du  condamné  :  mais  les  meubles  ne  fui- 
vent  pas  la  perfonne  ni  le  domicile  du  con- 
damné ;  ils  appartiennent  au  roi ,  ou  autre 
feigneur  dans  là  juftice  duquel  ils  fe  trouvent 
de  fait ,  de  forte  que  s'ilyenadansplulieurs 
juftices  appartenantes  à  différens feigneurs, 
chacun  ne  prend  que  les  meubles  fitués  dans 
fa  juftice  ,  comme  cela  le  pratique  pour  les 
immeubles. 

On  trouve  cependant  une  décifion  du  con- 
feil ,  du  premier  décembre  1742,  qui  adju- 
gea au  fermier  du  domaine  de  Paris-tous  les 
meubles  d'un  condamné  domicilié  à  Paris  , 
mérae  ceux  qu'il  avoit  à  Verfailles ,  à  l'ex- 
cluiion  du  fermier  du  domaine  de  Verfailles  ; 
mais  cela  fut  fans  doute  fondé  fur  ce  que 
le  roi  eft  également  feigneur  de  Paris  &  de 
yerfailles,  ainfi   cela  ne  détruit  point  le 


C  O  N  §5,^ 

principe  que  l'on  a  pofé  ,  qui  n'a  lieu  que 
entre  deux  feigneurs  différens. 

Il  y  a  feulement  une  exception  pour  le 
crime  de  lefe-ma^efté  ,  où  la  confifcatiort 
appartient  toujours  au  roi  feul,  fans  aucun 
partage  avec  les  feigneurs  ;  elle  eft  même 
dévolue  au  roi ,  omiffo  medio ,  c'eft-à-dire  , 
à  Texclufion  du  feigneur  dans  la  juftice  du- 
quel le  procès  auroit  été  fait. 

La  confifcation  des  condamnés  pour  fauf- 
fêté  commife  au  fceau  des  lettres  de  chan- 
cellerie ,  appartient  à  M.  le  chancelier. 

Dans  les  pays  où  la  confifcation  eft  admife, 
&  où  l'on  tliit  la  maxime  ,  qui  confifque  U 
corps  confifque  les  biens  ^  toute  condam- 
nation qui  emporte  mort  naturelle  ou 
civile  ,  emporte  aufli  de  plein  droit  la  con- 
fifcation. 

Mais  pour  que  la  confifcation  dài  lieu  ,  il 
faut  que  le  jugement  foit  irrévocable ,  & 
que  la  mort  civile  foit  encourue ,  &  pour 
cet  effet  que  le  jugement  foit  commencé  à 
être  exécuté;  ce  qui  fe  fait ,  pour  les  juge- 
mens  contradiftoires ,  par  la  prononciation 
à  Taccuié  ;  &  pour  les  jugemens  par  con- 
tumace ,  par  le  procès-verbal  d'effigie ,  s'il  y 
a  condamnation  à  mort  naturelle;  &c  par 
l'appofifion  d'un  limple  tableau  ,  s'il  n'y  a 
pas  peine  de  mort  portée  par  le  jugemenr. 

Quand  il  y  a  appel  de  la  condamnation  , 
l'état  du  condamné  eft  en  fufpens ,  tant  pour 
la  confifcation  que  pour  les  autres  peines  , 
jufqu'à  ce  que  l'appel  foit  jugé. 

Si  le  condamné  meurt  dans  la  prifon  avant 
d'avoir  été  exécuté ,  ou  bien  dans  le  tranf- 
port  des  prifons  du  juge  fupérieur  au  pre- 
mier juge  ,  la  confifcation  n'a  point  liçu. 

Si  par  l'événement  la  fentence  eft  con- 
firmée ,  la  confifcation  aura  lieu  du  jour  de 
la  fentence. 

A  l'égard  des  fentences  par  contumace  , 
au  bout  des  cinq  ans  elles  font  réputées  con- 
tradiftoires,  &  la  mort  civile,  6c  par  con- 
féquent  la  confifcation  font  encourues  du 
jour  de  l'exécution  de  la  fentence  de  contu- 
mace :  le  condamné  peut  néanmoins  obtenir 
des  lettres  pour  efter  à  droit  ;  ôt  fi  le  ju- 
gement qui  intervient  en  conféquence  porte 
abfolument  ou  n'emporte  pas  de  confif- 
cation ,  les  meubles  ôc  immeubles  fur  lui 
confifqués  lui  feront  rendus  en  l'état  qu'ils 
fe  trouveront ,  fans  pouvoir  néanmoins 
Vyvfv  2. 


900  c:  O  N 

prétendre  aucune  reftitution  des  fruits  des 
immeubles ,  &c. 

Dans  le  cas  d'une  condamnation  par  con?- 
tumace ,  les  receveurs  du  domaine  du  roi , 
les  ieigneurs  ou  autres  auxquels  la  confifca- 
tion  appartient,  peuvent  pendant  les  cinq 
années  percevoir  les  fruits  &  revenus  des 
biens  des  condamnés ,  des  mains  des  fer- 
miers &  autres  redevables  ;  mais  il  ne  leur 
eft  pas  permis  de  s'en  mettre  en  pofleilion 
ni  d'en  jouir  par  leurs  mains ,  à  peine  du 
quadruple  applicable  moitié  au  roi ,  moitié 
aux  pauvres  du  lieu  ,  &  des  dépens  ,  dom- 
mages &  intérêts  des  parties. 

Le  roi  ni  les  feigneurs  hauts-jufticiers  ne 
peuven'  auffi,  pendant  les  cinq  années  de 
la  contumace,  faire  aucuadon  des  confijca- 
tions ,  finon  pour  les  fruits  des  immeubles 
feulement. 

Après  les  cinq  années  expirées  ,  les  rece- 
veurs dudoniaine,  les  donataires  &:les  fei- 
gneurs auxquels  la  confifcarion  appartien- 
dra, font  tenus  de  fe  pourvoirenjuftice  pour 
avoir  la  permiffion  de  s'en  mettre  en  pof- 
lèffion  ;  &  avant  d'y  rentrer,  ils  doivent 
faire  faire  procès-verbal  de  la  qualité  &  va- 
leur des  meubles  &  effets  mobiliaires  ^  ils 
en  jouiffent  enfuite  en  pleine  propriété. 

Dans  le  cas  de  crimes  d'héréiié  ,  lefe-ma- 
jefté  humaine  ,  péculat,  conculïion  ,  fauffe 
monnoie,  facrilege  &  apoftafie,  la  confif- 
cation  eftacquife  du  jour  du  délit. 

Le  mari  ne  confifque  que  fes  propres  & 
la  moitié  des  meubles  &:  conquêts,  quand 
il  y  a  communauté.  Il  en  eft  de  même  de 
la  femme ,  fi  ce  n'eft  dans  quelques  cou- 
tumes, où  fa  part  de  la  communauté  de- 
meure au  mari ,.  comme  dans  celle  d'Aur 
xerre,  article  2C}.  .     ' 

Sur  la  confifcation  des  biens  des  crimi- 
nels ,  l'oycT^  au  digefle ,  liv.  XL  VIII.  tit. 
XX  ^^  au  code  ^  lib.  IX ^  uhiqui  pajjîm  ; 
Carondas  ,  liv.  VU-,  rep.  //i.Deijîeifles  , 
tom.  II,pag.  ô'c}^,  è)i  tom.  Ill^p'ag.  i  iC. 
Le  Maître  lur  Paris ,  art^  i8^.  Coquille  fur 
Ni'vernois ,  chapitre  ij. 

Il  y  a  encore  plufieurs  autres  fortes  de 
confijcations  qui  ont  lieu  au  profit  de  diffé- 
rentes perfonnes;  favoir, 

X"^.  Celle  qui  a  lieu  au  profit  des  traitans , 
comme  fubrogés  à  cet  égard  aux  droits 
du  roi. 


C  O  N 

n  en  eft  de  même  de  la  confifcation  qui 
a  lieu  au  profit  des  fermiers  des  mejGTage- 
ries,  contre  ceux  qui  entreprennent  fur  leur 
privilège  &  exploitation  ,  &  de  la  confifca- 
tion qui  a  lieu  au  profit  des  communautés 
des  marchands,  d'arts  &:  métiers,  contre- 
ceux  qui  entreprennent  fur  leur  état.. 

Dans  toutes  ces  matières ,  la  confifcation 
n'eft  pas  de  tous  biens,  mais  feulement  des 
effets  trouvés  en  contravention  ,  tels  que 
les  marchandifes  &:  effets  prohibés ,  les 
inflrumens  Se  outils  qui  ont  (ervi  à  les  fa- 
briquer ,,  &  les  charrettes ,  chevaux  ,  &  au- 
tres voitures  &  inflrumens  qui  fervoient  à 
les  tranfporrer  lorfque  l'on  a  procédé  à  la, 
faifie  des  effets  trouvés  en  contravention. 

Ceux  auxquels  ct-iioxitsào. confifcations-. 
appartiennent,  ne  les  ont  ^Asjure proprio  ^, 
mais  feulement  par  conceffion  du  roi ,  &C 
en  vertu  des  flatuts  &  réglemens  par  lui 
autorifés  fur  les  marchandiies  &  effets  trou- 
vés en  contravention  aux..iég'emens. 

1^.  En  matière  féodale,  le  vaffal  confif-* 
que  fon  fief,  c'e(î-à-dire  ,  que  ion  fitf  eft 
confifque  au  profit  du  dominant ,  lor(qu'il  le- 
fait  tomber  en  commife  pour  caufé  de  félonie- 
ou  de  défaveu, 

3°.  La  commife  de  l'héritage  taillable  > 
celle  de  1-héritage  donné  à  titre  d'emphy- 
téofe  ,.la  commife  cenluelle  dans  les  coutu-- 
mes  où  elle  a  lieu  ,  font  aufîi  une  efpece  de 
.confifcation  de  l'héritage  qui  a  lieu  au  profit 
du  reig.neur.  Foyei^^  COMMISE.  (A) 

CONFISERIE,. f.  f.  L'an  de  faire  des 
confitures  de  toutes  les  efpeces  ..  &  plufieurs. 
autres  ouvrages  en  fucre,^  comme  bifcuits,. 
mafTepains  ,  macarons ,.  &c.  Il  femble  que' 
cet  art  n'ait  été  inventé  que  pour  flatter  le 
goût  en  autant  de  façons  qu'il  pioduit  d'ou- 
^vrages  différens.Jl  n'y  a  pas  de  fruits  ,  de; 
fleurs  ,     de  plantes ,   quelque   bons   qu'ils 
foient  naturellement  ,à  qui  il  ne  puiffe  donner 
im  goût  plus  flatteur   &  plus  agréable.  li 
adoucit  l'âpreté  des  fruits  les  plus  aigres ,  & 
en  fait  des  mets  délicieux.  Il  fournit  aux 
tables  des  grands   feigneurs  leur  plus  bel 
ornement.  La  confifrie  peut  exécuter  en 
fucre  toutes  fortes  de  deflins  ,  de   plans ,, 
de  figures ,  8>c  même  des  morceaux  d'archi* 
tefture  confidérables. 

CONFISEUR  ou  CONFITURIER,  f. 
mafc.  marchand  qui  fait  ôi  qui  vend  àts 


C  O  N 

confitures ,  ou  qui  en  fait  venir  des  pays 
étrangers  Si  des  provinces  du  royaume  où 
f  on  excelle  à  les  faire  ,  pour  les  débiter  en 
gros  6c  en  détail. 

A  Paris  les  confifeiirs  font  partie  du  corps 
d'épicerie  ,  qui  eft  le  fécond  des  fix  corps 
des  marchands.  Foyei  Épicier. 

CQNFIT,  f.  m.  pelletier  ,  ckamoifeur , 
maroquinier^  &c.  a  deux  exceptions  ;  il  fe 
dit  d'une  certaine  compofition  nécelTaire 
pour  la  préparation  des  peaux.  VoyeT^Us 
articles  Peaux,  ChamOIS,  Tannerie, 
Maroquin  ,  &c.  ,11  fe  dit  auffi  de  la  cuve 
où  l'on  tient  cette  prépajatioii. 

CONFITURE,  fubft.  f.  CConfifmr.) 
nom  que  l'on  donne  aux  truirs,  aux  fieurs, 
aux  racines,  &  à  certains  fucsloriqu'ils  font 
bouillis  &  préparés  avec  du  fucre  ou  du 
miel,  pour  les  rend-re  de  garde  ou  plus 
agréables  au  goût. 

Les  anciens  co/zy^/bzV/zr  feulement  avec  du 
miel,  aiîjourd'hui  oii  fe  fert  plus  fréquem- 
ment du  fucre. 

Confitures  demi-fiicrées^  font  celles  qui 
^mt  couvertes  feulement  d'un  peu  de  fucre, 
afin  qu'elles  confervent  davantage  un  goût 
de  fruit. 

On  réduit  routes  \ts  confitures  à  huit  for- 
tes; favoir  confitures  liquides  ^marmelades , 
celées ^ paies ,  confitures  fieches  ,  confierves , 
fruits  candis^  &  dragées. 

Confitures  liquides ,  font  celles  dont  lés 
fiuits  ,  ou  tout  entiers,  ou  en  morceaux, 
ou  en  graines ,  font  confits  dans  un  firop 
fluide,  tranfparent,  qui  prend  fa  couleur 
de  celle  des  fruits  qui  y  ont  bouilli;  il  y 
a  beaucoup  d'art  à  les  bien  préparer  :  ii  elles 
ne  font  pas  affez  fucrées ,  elles  fe  tournent; 
il  elles  le  font  t  op,  elles  fe  candiffent.  Les 
plus  Q^\vs\its  à&s confiitures  liquides  (omles 
prunes,  particulièrement  celles  de  mira- 
belle ,  l'épine-vinette  ,  les  grofeilles  ,  les 
abricots,  les  cerifes ,  la  fleur  d'orange,  les 
petits  citrons  verts  de  Madère ,  la  caffe  verte 
du  Levant,  les  myrobolans ,  le  gingembre  , 
&  les  clous  de  girofle,  &c.. 

Les  marmelades ïont  desefpeces^e  pâtes 
à  demi-liquides ,  faites  de  la  pulpe  des  fruits 
ou  des  fleurs,  qui  ont  quelque  confiftance, 
comme  les  abricots,  les  pommes ,  les  poires, 
les  prunes,  les  coins, les  oranges  &  le  gin- 
gembre; la  marmelade  de  gingembre  vient 


C  O  N  901 

des  grandes  Indes  par  la  Hollande;  on  la  re- 
garde comme  excellente  pour  ranimer  la  cha- 
leur naturelle  des  vieillards,  /^oje^;  Marme- 
lade. 

Les  gelées  font  faites  de  jus  de  fruits,  où 
l'on  a  fait  difl!budre  du  fucre,  &:  qu'enfuite 
on  a  fait  bouillir  jufqu'à  une  confiftance  un 
peuépaifle;  de  forte  qu'en  fe  refroidiflant 
il  reffemble  à  une  efpece  de  glu  fine  tranf^ 
parente.  On  fait  des  gelées  d'un  grand  nom- 
bre de  fruits  ,  particulièrement  de  grofeil- 
les ,  de  pommes  &  de  roins  ;  il  y  a  d'autres- 
gelées  que  l'on  fait  de  nde  ,  de  poifTon  , 
de  corne  de.  cerf,  mai  elles  ne  fe  gardent 
pas,  étant  fort  fujettes  à  fe  gâter. 

Les  pdtes  font  une  forte  de  marmelade, 
épaifîie  par  l'ébuilition,  au  point  de  garder 
toutes  fortes  de  formes ,  lorfqu'après  les 
avoir  mifes  dans  des  moules  elles  font  fé- 
chées  a||four.  Les  plus  en  ufage  font  celles 
de  grofeilles,  de  coins,  de  pommes ,  d'a- 
bricots,, de  fleur  d'orange  :  on,eftime  fort 
celle  de  piflaches;  il  y  en  a  de  gingembre 
qui  vient  des  Indes. 

Les  confitures  feches  font  celles  dont  les  : 
fruits,  après  avoir  bouilli  dans  le  firop  , 
font  tirés  ,  égouttés,  &  féchés  dans  im  four. 
Celles-ci  fe  font  d'un  fi  grand  nombre  de 
fruits,  qu'on  ne  pourroitles  nommer  tous  : 
les  plus  eftimés  font  le  citron  &:  l'écorce 
d'orange,  les  prunes,  le^ poires,  les  cerifes, 
les  abricots ,  &c. 

Les  conferves  font  une  efpece  de  confiture 
fécke  ^:hne  avec  du  fucre  &  des  pâtes  de 
fleurs  ou  de  fruits;  &  les  plus  en  ufage  font 
celles  de  bétoine,  de  mauve, de  romarin, 
de  capilaire ,  de  fleur  d'orange ,  de  vio- 
lette, de  jafmin,,de  pilîaches ,  de  citrons 
&:  de  rofes. 

Nota,  que  lés  apothicaires  entendent  fous 
le- titre  de  conferve  ,  toutes  fortes  de  confi- 
tures (tche^  ou  hquides,  préparées  avec  du 
fucre  ou  du  miel  pour  être  confervees, 
foit  de  fleurs,  de  fruits,  de  graines,  de  r;  - 
cines ,  d'écorces ,  de  feuilles,  &c.  V.  Con- 
serve. 

Les  candis  ou  plutôt  les  _//«/«  candis^ 
font  ordinairement  des  fruits  entiers,  qui, 
après  avoir  bouilli  dans  le  firop,  reftent 
couverts  de  fucre  candi ,  ce  qui  les  fait  pa- 
roitre  comme  des  cryflaux  de  différentes 
•couleurs  &  figures,  félon  les  fruits  qu'ils 


502  C  G  N 

contiennent.  Les  meilleurs  candis  viennent 
d'Italie,  f^oyei  Candir. 

Les  dragées  font  une  efpece  de  confiture 
feche ,  faite  de  petits  fruits,  ou  de  graines, 
ou  de  petits  morceaux  d'écorce,  ou  de  ra- 
cines aromatiques  &  odoriférantes,  recou- 
vertes d'un  fucre  fort  dur  ordinairement 
très-blanc.  Il  y  en  a  de  beaucoup  de  fortes  , 
diftinguées  toutes  par  leur  nom  :  les  unes 
font  faites  de  framboife,  d'autres  d'épine- 
vinette,  de  graine  de  melon  ,  depiftaches, 
d'avelines  ,  d'amandes  ,  de  cannelle ,  d'é- 
corce d'orange ,  de  coriandre ,  d'anis ,  & 
de  graines  de  carvi,  &c.  Chambers. 

CONFLAGRATION,  f.  f.  {Phyfiq.) 
fe  ditquelquefois  de  l'incendie  général  d'une 
ville  ou  de  toute  autre   place  confidérable. 

Cependant  ce  mot  eft  plus  ordinairement 
reftreint  à  fignifier  ce  grand  incendie  que 
la  foi  nous  apprend  devoir  arriver  à  la  fin 
des  fiecles ,  &  dans  lequel  la  terre  lera  con- 
fumée  par  un  déluge  de   feu. 

Les  Pythagoriciens,  les  Platoniciens,  les 
Épicuriens  &  les  Stoïciens  paroiiïent  avoir 
eu  quelques  idées  de  cet  incendie  futur  : 
mais  il  feroit  difficile  de  dire  d'où  ils  les  ont 
tirées  ,  à  moins  que  ce  ne  foit  des  livres 
facrés,  ou  des  Phéniciens,  qui  eux-mêmes 
les  avoient  reçues  des  Juifs. 

Séneque  dit  expreffément  :  Tempus  adve- 
niet  quo  Jîderafideribus  incurrent  ;  &  omni 
flagrante  materia  uno  igné  ,  quidquid  nunc 
ex  depojito  lucet ,  ardebit.  Les  Stoïciens  ap- 
pellent cette  diffolution  générale  îKTrvpacrif , 
inflammation.  Il  en  eft  aufli  fait  mention 
dans  les  écrits  de  Sophocle  ,  d'Ovide,  de 
Lucain,  &c.  Le  doileur  Burnet ,  après  le 
père  Tachard  &  d'autres  ,  rapporte  que  les 
Siamois  croient  qu'à  la  fin  du  monde  la 
terre  fera  toute  defféchée  parla  chaleur; 
que  les  montagnes  difparoîtront;  que  toute 
la  furface  de  la  terre  deviendra  plate  & 
unie  ,  &  qu'alors  elle  fera  toute  confu^née 
par  le  feu.  Déplus,  les  bramines  Siamois 
foutiennent  que  non-feulement  toute  la 
terre  fera  détruite  par  le  feu  ,  mais  encore 
qu'il  en  renaîtra  une  autre  des  cendres  de 
la  première.  Les  auteurs  ont  des  fentimens 
très-partages,  non  fur  la  caufe  première 
de  cet  incendie  qui  eft  fans  contredit  la 
volonté  divine ,  mais  fur  la  caufe  féconde. 
%t%   uns  croient  qu'il  fera  produit  par  un  ^ 


C  O  N 

miracle,  comme  par  le  feu  du  ciel.  Les  au- 
tres difent  que  Dieu  produira  cet  incendie 
par  des  caufès  naturelles  &  agiffantes  félon 
les  loix  des  méchanique<;.  Quelques-uns 
penient  que  l'irruption  d'un  feu  central  fuf- 
fira  pour  le  produire;  îk  ils  ajoutent  que 
cette  éruption  peut  arriver  de  différentes 
manières,  foit  parce  que  la  violence  du  feu 
central  fera  augmentée,  foit  parce  que  les 
parties  de  la  terre  feront  devenues  plus  in- 
flammables,  foir  parce  que  l*réfiftance  des 
couches  rerreftres  deviendra  moindre  par 
laconfommation  des  parties  centrales,  ou 
parla  diminution  de  l'adhérence  des  parties 
de  notre  globe.  D'autres  en  cherchent  la 
caufe  dans  l'atmofphere  :  félon  eux ,  une 
quantité  extraordinaire  de  météores  s'y  en- 
gendrant, &:  éclatant  avec  une  violence  ex- 
traordinaire par  le  concours  de  ditFérentes 
circonftances  ,  fera  capable  de  produire  ce 
feu.  Les  Aftrologues  l'expliquent  par  la  con- 
jonftion  de  toutes  les  planètes  dans  le  figne 
du  Cancer,  de  même  que  le  déluge  arriva  , 
félon  eux  ,  par  la  conjoiiftion  des  planètes 
dans  le  figne  du  Capricorne.  Cela  ne  vaut 
pas  la  peine  d'être  réfuté. 

Enfin,  d'autres  ont  recours  aune  caufè 
félon  eux  plus  puiffante  &:  plus  efficace.  Ils 
penfent  qu'une  comète  s'approchant  trop 
de  nous  en  revenant  du  foleil,  caufera  cet 
incendie.  A  la  vérité  on  pourroit  craindre 
de  la  part  de  ces  corps  quelques  boulever- 
femens ,  étant  capables  par  leur  mouve- 
ment au-travers  de  l'orbite  de  la  terre  ,  par 
leur  prodigieufe  grofi^eur,  &  par  Imtenfité 
du  feu  dont  ils  font  embrafés  dans  leur  re- 
tour du  périhélie  ,  de  produire  les  plus 
grands  changemens  &  les  plus  grandes  ré- 
volutions dans  notre  fyftême.  J^oye^;  Co- 
mète. ' 

M.  Newton  a  calculé  que  la  comète  de 
1680  a  dû  éprouver  dans  fon  périhéhe  une 
chaleur  2000  fois  plus  grande  qu'un  fer 
rouge  :  fi  lorfque  cette  comète  a  traverfé 
l'orbite  de  la  terre ,  la  terre  fe  î\\.x.  trouvée 
proche  du  point  de  cette  orbite  où  la  co- 
mète a  pafîe,  il  ne  paroît  pas  douteux  qu'elle 
n'eut  pu  caufer  fur  la  maffe  de  notre  globe 
de  grandes  altérations.  Whifton  a  prétendu 
que  cette  comète ,  dont  la  période  paroît 
être  d'environ  575  ans  ,  avoit  dû  paroître 
l'année  du  déluge ,  &  qu'elle  en  a  peut-étrç 


C  O  N 

ètéU  caufe. .Quoi  qu'il  en  fo'it  dé  tous  ces 
fyftêmes  phyfiques ,  il  faut  toujours  y  re- 
connoître  la  volonté  divine  comme  caufe 
première  :  Dieu  (aura  bien  réduire  notre 
terre  en  cendres  quand  il  lui  plaira;  il  n'aura 
befoin  pour  cela ,  ni  de  feu  central ,  ni  de 
comète ,  fa  feule  volonté  fuffira.  Et  pour- 
quoi ne  pas  vouloir  que  la  fin  du  monde 
&  fa  deftruflion  foit  un  miracle  ?  la  créa- 
tion en  eft  bien  un  :  il  n'eft  pas  plus  difficile 
de  détruire  que  de  conftruire.  Dieu  même, 
fuivant  plufieurs  théologiens ,  ne  fait  que 
créer  continuellement  quand  il  conferve.  Il 
n'a  qu'à  ceffer  de  créer  pour  que  tout  foit 
anéanti.  (OJ 

CONFLANS-EN-JARNISY,  (Géog.) 
petite  ville  de  France,  en  Lorraine,  fur  les 
frontières  de  la  Franche-Comté,  au  con- 
fluent des  rivières  d'Iron  &  d'Orn.  Long. 
23.  3o.  lat.  47.  45. 

'CONFLIT  DE  JURISDICTION,  {Jurifp.) 
c'eft  la  conteftation  qui  s'élève  entre  les  offi- 
ciers de  différentes  jurifdiftions,  qui  préten- 
dent refpeélivement  que  la  connoiflance 
d'une  affaire  leur  appartient. 

Lorfque  le  conflit  eft  formé  entre  deux 
jurifdiâiîons inférieures, indépendantes  l'une 
de  l'autre,  mais  reffbrtiflantes  toutes  deux 
devant  un  même  juge,  on  peut  fe  pourvoir 
devant  ce  juge  fupérieur,  pour  faire  régler 
dans  laquelle  des  deux  jurifdiélions  inférieu- 
res on  doit  procéder.  Si  ces  deux  jurifdic- 
tions  ne  reffortiffent  pas  l'une  &  l'autre  en 
une  même  cour,  il  faut  fe  pourvoir  en  rè- 
glement de  juge  au  confeil;  c'eft  ce  que  l'or- 
donnance dji68i ,  titre  commun  pour  tou- 
tes les  fermes,  art.  ^y ^  ordonne  pour  les 
conflits  qui  furviennent  entre  les  juges  ordi- 
naires &:  les  élus. 

hes  conflits  qui  furviennent  entre  les  deux 
chambres  des  requêtes  du  palais  ,  font  jugé^ 
par  les  doyens  des  deux  chambres ,  auxquels 
on  remet  les  pièces. 

Si  c'eft  entre  la  grand'chambre  &  une 
chambre  des  enquêtes  ou  entre  deux 
chambres  des  enquêtes  ,  le  conflit  fe  plai- 
de au  parquet  devant  les  trois  avocats 
généraux. 

A  l'égard  des  conflits  formés  entre  deux 
•cours ,  comme  entre  le  parlement  &  la  cour 
des  aides,  les  avocate  généraux  de  la  cour 
4es  aides  "viennent  au  parquet  dii  parle- 


CON  90Î 

ment ,  ou  la  caufe  fe  rapporte  fJar  le  minif- 
tere  d'un  fubftitut  du  procu-eur  général  du 
parlement,  &  les  avoca' s  généraux  des  deux 
cours  décident;  s'ils  fe  trouvent  partagés, 
on  fe  pourvoit  au  conleil  en  règlement  de 
juges.  Voye^^  l'ordonnance  de  166^^  tit.  ij . 
art.  I.  (AJ 

CONFLUENT,  f.  m.  (Géog.)  lieu  où 
deux  rivières  fe  joignent  &:  mêlent  leurs 
eaux.   Voyei  Rivière. 

Le  village  nommé  Conflans ,  proche  de 
Paris  ,  eft  ainft  nommé  parce  que  c'eft  pro- 
che de  ce  village  que  fe  fait  la  réunion  de  la 
Seine  &  de  la  Marne. 

Quand  deux  rivières  fe  rencontrent,  il 
faut  qu'elles  fe  joignent  pour  aller  déformais 
enfemble  avec  une  direction  commune,  qui 
ne  fera  ni  l'une  ni  l'autre  des  deux  différen- 
tes qu'elles  avoient  auparavant.  L'angle  du 
confluent^  c'eft-à-dire,  celui  fous  lequel  les 
deux  rivières  fe  rencontrent,  étant  pofé,  il 
eft  clair  que  ft  elles  fe  rencontrent  avec  des 
forces  parfaitement  égales ,  la  direction 
commune  qu'elles  prendront  divifera  cet 
angle  exaftement  en  deux  moitiés  égales  ; 
mais  hors  de  ce  cas-là,  qui  eft  unique  & 
extrêmement  rare,  l'angle  ne  fera  point di- 
viié  également,  parce  que  ladireflion  com- 
mune formée  ou  réfultante  des  deux  parti- 
cuheres  ,  tiendra  plus  de  celle  qui  aura  ap- 
partenu à  la  rivière  plus  forte  que  de  l'au- 
tre; &C  cela  d'autant  plus  que  l'inégalité  de 
forces  fera  plus  grande.  Donc  la  dire<ftion 
commune  s'approchera  plus  de  l'une  des 
deux  particulières  que  de  l'autre  ;  donc  elle 
ne  coupera  pas  en  deux  également  l'angle  du 
,  confluent  formé  par  ces  deux  direftions.  Il 
s'agit  ici  de  déterminer  en  général  quelle 
fera  la  divifion  de  cet  angle ,  ou ,  ce  qui  eft 
le  même ,  la  pofition  de  la  diredion  com* 
mune.  Voici,  félon  M.  Pitot,  comment  on 
la  détermine. 

Les  deux  rivières  ne  prennent  une  direc- 
tion, commune  ,  qu'après  avoir  en  quelque 
forte  combattu,  &:  s'être  mifes  en  équili-» 
bre  ;  de  manière  qu'il  n'y  aura  plus  de  com-" 
bat,  &;  qu'elles  fuivront  paifiblement  le 
même  cours  :  la  ligne  de  la  direction  com- 
mune eft  l'axe  de  cet  équilibre,  puifqu'il  fe 
fait  à  fes  deux  côtés  &c  fur  lui ,  comme  lur 
une  fuite  continue  de  point  d'appui.  Les 
deux  forces  des  deux  rivières  font  donc- 


9Ô4  C  O  N 

égales  aux  deux  côtés  de  la  ligne  dedireélion 
commune,  &  il  ne  faut  plus  que  les  expri- 
mer algébriquement.  Ce  font  l'une  &  l'autre 
les  produits  de  trois  quantités  :  i  *^.  la  maffe 
d'eau  de  l'une  ou  de  l'autre  rivière;  2^. 
fa  vîteffe;  3°.  fa  diftance  à  l'axe  de  l'équi- 
libre; car  cette  diftance  eft  à  confidérer  tou- 
tes les  fois  qu'il  s'agit  d'équilibre  :  or  ici  l'axe 
d'équilibre  eft  la  même  ligne  que  la  direc- 
tion commune. 

De  ces  trois  quantités  les  deux  premières 
font  connues  ,  ou  fuppofées  connues  :  refte 
la  troifteme ,  que  l'on  tirera  aifément  d'une 
équation  algébrique. 

La  diftance  de  l'une  des  rivières,  ou  plu- 
tôt celle  de  fon  aftion  fur  l'axe  d'équilibre, 
étant  perpendiculaire  à  cet  axe  ou  à  la  ligne 
de  la  diredion  commune  ,  ce  fera  aufli  le 
iinus  de  l'angle  que  fait  avec  cette  direftion 
la  direiflion  primitive  de  la  rivière.  On  aura 
donc  Tune  des  deux  parties  de  l'angle 
du  conrluent  divifé  par  la  direflion  com- 
mune ,  &c  l'on  aura  en  même  temps  l'au- 
tre partie. 

Si  les  forces  que  les  deux  rivières  ont  par 
elles-mêmes ,  c'eft-à-dire  les  produits  des 
mafles  par  les  vîteftes ,  font  des  quantités 
égales,  il  eft  évident  que  la  diredion  com- 
mune divife  en  deux  moitiés  égales  l'angle 
du  confluent. 

Pour  prendre  de  tout  ceci  une  idée  en- 
core plus  nette,  il  fera  bon  de  voir  quelle 
fera  la  pofttion  de  la  diredion  commune 
par  rapport  aux  direftions  particulières  ou 
primitives ,  toujours  dans  la  fuppofition  de 
cette  égalité  de  force  des  rivières ,  mais  en 
y  ajoutant  celle  à^s  difFérens  angles  du 
confluent. 

Si  cet  angle  eft  infiniment  petit  ou  aigu , 
la  direction  commune  fera  infiniment  incli- 
née ,  ou ,  ce  qui  eft  le  même ,  parallèle  aux 
deux  direftions  particulières ,  eu  même  con- 
fondue avec  elles. 

Si  l'angle  du  confluent  eft  droit ,  la  di- 
reftion  commune  fait  un  angle  de  45  degrés 
avec  chacune  des  deux  particulières. 

Si  l'angle  du  confluent  eft  infiniment  ob- 
tus, c'eft-à-dire  fi  les  direftions  des  deux 
rivières  ne  font  qu'une  ligne  droite,  fi  elles 
fe  rencontrent  de  front,  on  concevra,  ou 
qu'il  ne  fe  forme  point  de  diredion  com- 
mune, ou  que  s'il  y  en  a  une,  elle  traver- 


CO  N 

fera  les  deux  rivières  perpendiculairement  à 
l'une  &  à  l'autre  des  deux  direélions  par- 
ticulières. 

Doncladire(ftionayantcommencédansle 
premier  des  deux  cas  extrêmes  par  avoir  la 
même  pofition  que  les  direftions  particuliè- 
res ,  &  finifl^ant  dans  le  fécond  cas  par  en 
avoir  une  la  plus  oppofée  à  la  leur  qui  foit 
poflible ,  il  faut  que  dans  tous  les  cas 
moyens,  à  commencer  par  le  premier 
extrême,  elle  en  ait  une  toujours  plus 
différente,  &  en  un  mot  d'autant  plus 
différente,  que  l'angle  du  confluent  fera 
plus  grand. 

Si  l'on  ne  fuppofe  plus  l'égalité  des  for- 
ces naturelles  des  deux  rivières ,  il  eft  clair  en 
général  que  la  diredion  commune  n'aura 
plus  la  même  pofition  à  l'égard  des  deux  par- 
ticulières, mais  qu'elle  fe  portera  vers  le  côté 
le  plus  fort. 

La  diredion  commune  des  deux  rivières 
étant  déterminée  &  connue  ,  lavîtefi!e  com- 
mune qu'elles  prendront  ne  l'eft  pas  encore  : 
cette  vîtefte  fera ,  comme  dans  tous  les 
mouvemens  compofés ,  moindre  que  la  fom- 
me  des  deux  vîteflTes  primitives  ;  &  voici 
comment  M.  Pitot  le  prouve.  La  vîtefiTe  At% 
rivières  dépend  uniquement  de  la  pente  du 
terrain  où  elles  coulent;  que  cette  pente  im- 
médiatement après  la  jonélionfoitla  même 
qu'elle  étoit  immédiatement  auparavant ,  il 
y  aura  égalité  entre  la  fomme  des  deux  maf- 
iç.s,  d'eau  multipliée  chacune  par  la  viteflTe 
particulière  qu'elle  avoit  avant  la  jondion, 
&la  fomme  des  mêmes  deux  mafies  multi- 
pliée par  la  vîtefife  commune  qui  fera  après 
la  jon61ion.  De  cette  égalité  exprim.ée  algé- 
briquement, on  tire  la  valeur  de  la  vîtefiTe 
commune ,  moindre  que  la  fomme  des  deux 
particulières  &  primitives. 

Cela  paroît  bien  contraire  à  ce  que  M. 
Guillelmini  prétend ,  que  l'union  des  deux 
rivières  les  fait  couler  plus  vite  {yoy.  Fleu- 
ve); mais  ilneparloitque  des  caufes  phy- 
fiques  particulières,  que  nous  ne  confidé- 
rons  pas  ici  :  elles  fe  combinent  avec  le 
pur  géométrique  ,  6>c  le  dérangent  beau* 
coup.  Tout  ceci  eft  tiré  de  Vhijioire  acadé- 
mique^ ly^S. 

On  peut  rapporter  à  cet  article  les  expé- 
riences de  MM.  Dufay  &  Varignon  fur  les 
mouvemens  de  deux  liquides  qui  fe  croi- 

fent. 


CON 

fent.  Deux  tuyaux  étant  foudés  l*un  à  l*au- 
tre,  &  fe  croif'ant,  on  fuppofe  que  l'on 
poufle  une  liqueur  dans  un  des  tuyaux  ,  & 
une  liqueur  difïérente  dans  l'autre  ;  M.  Va- 
rignon  a  prétendu  ,  après  des  expériences 
qu'il  avoit  faites ,  que  chaque  liqueur  fortoit 
par  le  tuyau  par  lequel  on  l'avoir  pouffée  , 
&  qu'ainfi  les  deux  liqueurs  fe  croifoienr. 
Mais  M.  Dufay  ayant  répété  cette  expé- 
rience avec  foin  ,  a  trouvé  que  les  liqueurs 
ne  fe  croifoient  point ,  qu'elles  fe  réfléchif- 
foienî ,  pour  ainfi  dire  ,  au  point  du  con- 
cours ,  pour  fortir  chacune  par  le  tuyau  par 
lequel  elle  n'avoit  pas  été  pouflee.  Voyej^ 
mém.  acad.  des  Scienc.  '7j6".  fOJ 

CONFLUENTE ,  épithete  qu'on  donne 
en  médecine  à  cette  efpece  de  petite  vérole 
dont  les  puftules  fe  confondent  les  unes  dans 
les  autres.  J^oje/^  Petite  vérole. 

CONFOLANS,  Confoulans  , 
{Géogr.)  Conjluentes ,  petite  vil!e  du  Poi- 
tou ,  fur  la  Vienne  ,  aux  confins  de  la  Mar- 
che ,  chef-lieu  d'une  éleâiion  établie  par 
«dit  de  1714,  &  compofé  de  70  paroiiïes  , 
patrie  d'Antoine  D.  Rivet  de  la  Grange  , 
favant  Bénédiftin,  mort  à  Mans  en  1749. 
JSTous  lui  devons  neuf  volumes  iii-^.'^.  de 
rJ^iji^ire  littéraire  de  France. 

D.  Tarikndier  ,  fon  fucceiTeur  ,  lui  a 
confacré  un  élcge  bien  mérité  dans  le  IX 
tome  de  VHifl.  Liu.Yûy.  Bibl.  des  auteurs 
de  Poitou^tom.  y^pag.  i-ib\  i^'D.  le-Cerf, 
Bibl.  des  auteurs  de  la  Congrégaiion  de  S . 
Maur.Long.  /<?,  28\lat.  46^,  65.  (f) 

CONFÔRGIEN  ,  (Giogr.)  ville  du 
Morvan  ,  recette  d'Autun  ,  bailliage  de 
Saulieu ,  en  Bourgogne.  Cette  terre  a  été 
dans  la  maifon  de  Clugny ,  plus  de  trois  fie- 
cles.  Henri  de  Clugny ,  père  de  Guillau- 
me ,  évéque  de  Poitiers ,  en  étoit  feigneur 
en  1426.  Gerfon  nous  apprend  que  Hugues 
Clugny,  baron  de  Conforgicn ,  fut  fait  che- 
valier par  Louis  XI  en  1479.  Son  fils,  filleul 
de  Louis  XII ,  fut  fait  chevalier  par  ce  bon 
rx)i ,  à  la  bataille  d'Agnadel  ,  en  i  ^09  : 
mais  Guillaume  de  Clugny  s'efl:  le  plus  dif- 
tingué  fous  le  nom  de  baron  de  Conforgien. 
H  eut  part  aux  combats  &:  à  la  gloire  de 
Henri  IV,  &  fut  bîeffé  aufiege  de  Poitiers 
en  1569. 

Les  Genevois  l'ayant  demandé  au  roi 
pour  leur  général ,  contre  le  duc  de  Savoie, 
Tome  J^JIL 


CON  905 

'  en  159O,  îl  défit  fes  troupes,  tua  de  fk 
main  leur  commandant,  le  baron  de  Faure  , 
&  conferva  la  liberté  de  Genève.  Son  ar- 
mure fut  confervée  comme  un  monument 
de  valeur  dans  l'arfenal  de  la  république  , 
oii  on  en  montre  encore  aujourd'hui  les 
pièces.  Le  château  de  Conforgien  ,  fous  les 
Clugny  &:  les  Jaucourt,  fervoit  de  retraite 
aux  Calviniiîes  des  environs  ,  iufqu'en 
1685.  (C) 

CONFORMATION  ,  f.  f.  (Phy^q.) 
fe  dit  de  la  contexture  &:  confi/lance  par- 
ticulière des  parties  d'un  corps  quelcon- 
que ,  &  de  leur  difpofition  pour  former 
un  tout.   Voye^^  CONFIGURATION. 

Les  newtoniens  difent  que  \ts  corps  , 
fuivant  leur  différente  conformation  ,  ré- 
fiéchiiïent  les  différentes  couleurs  de  la  lu- 
mière. Voyei^  Couleur.  Chamhers. 

Conformation  fe  dit  auffi  principalement 
en  parlant  du  corps  humain ,  ce  qui  fait 
que  ce  mot  eft  principalement  d'ufage  en 
médecine  &  en  anatomie.  Une  boite  eft 
un  défaut  de  conformation.  Voye^  BoS€E  , 
&  f  article  fuivant.  (O) 

Conformation,  (Médecine.)  ftruc- 
ture  ,  forme  ,  arrangement  des  diverfes 
parties  qui  compofent  le  corps  humain  dans 
l'un  &  dans  l'autre  fexe. 

Cette  ftru6lure  eft  bonne  oumauvaife: 
elle  eft  bonne  ,  quand  elle  fe  rapporte  à 
l'ordre  général  de  la  nature ,  &  qu'elle  ne 
produit  aucun  mal;  elle  eft  mauvaife  quand 
elle  procure  quelque  fâcheufe  difformité  , 
cpeîque  inconvénient  confidérable  ,  quand 
elle  pèche  en  grandeur ,  en  figure,  en  nom- 
bre ,  en  lifuation,  &e.  &  c'eft  ce  qu'on 
appelle  vice  de  conformation. 

Ces  vices  de  conformation  font  de  naif^ 
fance  ou  accidentels  ;  quelles  que  foient 
leurs  caufes ,  ils  produifent  plufieurs  mala- 
dies organiques,  que  les  médecins  ont  affez 
commodément  divifées  en  quatre  claftes. 

La  première  clafife  contient  les  maladies 
qui  naiffent  de  la  grandeur  difproportion- 
née  de  quelque  partie;  telles  font  les  tu- 
meurs contre  nature ,  foit  de  naiffance  , 
foit  par  accident  :  ou  bien  ces  maladies 
émanent  de  la  petiteffe  difproportionnée 
d'une  partie ,  qui  par  cette  raifon  tombe  en 
atrophie  ;  ou  encore  lorfqu'un  bras  ou  une 
jambe  font  plus  courts  d'un  côté  que  de 

X  xxxx 


ço6  C  O  N 

l'autre.  On  voit  bien  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  * 
d'un  vice  de  proportion  arbitraire  des  par- 
ties du  corps  confidérées  réparément  ,  & 
formant  par  leur  ftruélure  ce  qu'on  appelle 
laideur ',ma\s  qu'il  s'agit  d'un  défaut  de  pro- 
portion en  grandeur  ou  en  petitefle  ,  tel , 
qu'il  en  réfulte  une  maladie  réelle. 

La  féconde  clafTe  comprend  les  maladies 
qui  procèdent  de  la  mauvaife  figure  d'une 
partie.  Cette  mauvaife  figure  peut  exifter 
de  naiffance  ,  comme  le  bec-de-lievre ,  un 
doigt  fait  comme  une  raie  ,  le  crâne  ex- 
traordinairement  alongé,  applati ,  faillant , 
enfoncé  ,  le  fternuna  creuié  en  dedans  ,  & 
l'épine  du  dos  tortueufe,  &c.  comme  dans 
le  célèbre  Mallebranche  ;  ou  être  caufée 
par  accident ,  comme  par  le  déplacement 
des  pièces  d'une  partie  fraélurée. 

La  troifieme  claffe  raffemble  les  maladies 
qui  confiftent  dans  le  nombre  extraordi- 
naire de  certaines  parties  ,  comme  dans 
celui  de  quatre  ou  cinq  lobes  de  poumon , 
de  quatre  ou  de  fix  doigts ,  d'un  feul  rein , 
d'une  double  matrice,  &c. 

La  quatrième  claffe  renferme  les  mala- 
cîies  qui  ont  leur  fource  dans  la  fituation 
déplacée  des  parties  ;  telles  font  de  naiffance 
le  nombril  qui  ne  fe  rencojitre  pas  à  fa  place 
ordinaire,  le  dérangement,  la  tranfpofition" 
de  quelque  vifcere  ;  ou  accidenteliement , 
les  luxations ,  les  hernies ,  &c. 

Mais  il  y  a  plufieurs  maladies  particuliè- 
res de  conformation ,  qu'on  ne  peut  guère 
rapporter  à  aucune  des  claffes  précédentes  ; 
telles  font ,  par  exemple  :  i'^.  les  maladies 
qui  tirant  leur  origine  d'un  défaut  d'arti- 
culation, ou  d'un  manque  de  quelque  orga- 
ne, ,  comme  du  manque  des  yeux ,  de  la 
langue ,  &c.  ou  de  robflru<f^ion  naturelle  de 
quelqu'autre  organe  ,  comme  du  nez ,  des 
creilles,  &c.  2^.  Les  maladies  qui  de  naif- 
fance ,  ou  par  accident ,  proviennent  de  la 
cohérence  des  parties  qui  doivent  être  fépa- 
rées-,  par  exemple ,  des  doigts,  des  paupiè- 
res ,  des  lèvres  unies  ,  du  conduit  de  la  pu- 
deur,  &c.  3*^.  On  connoît  des  maladies  de 
conformation  qui  réfultent  de  l'imperfora- 
tion  d'un  canal  defliné  à  être  ouvert,  d'une 
ouverture  de  ce  canal  percée  ailleurs  que 
dans  l'endroit  ordinaire ,  ou  de  deux  ouver- 
tures' au  lieu  d'une  ;  le  reftum  &:  l'urètre 
fourniffent  quelquefois  ces  trois  exemples. 


C  ON 

4**.  Dès  maladies  qui  dérivent  de  COnftruC- 
tion  ou  d'alongement  contre  nature  d'une 
partie  membraneufe;  le  prépuce  préfénte 
quelquefois  ces  deux  cas.  5*.  On  apporte 
encore  en  naiffant  des  vices  de  conforma^ 
tien  ,  qui  confiflent  en  excroiffances  de 
diverfe  figure  ,  couleur,  grandeur ,  confif- 
tance  ,  &  qui  paroiffent  fur  plufieurs  parties 
du  corps  :  ce  font-là  ces  maladies  de  pre- 
mière formation ,  dont  les  uns  penfent 
qu'on  doit  entreprendre  la  cure ,  &  d'autres 
qu'il  n'y  faut  pas  fonger  :  opinions  égale- 
ment fauffes,  pu'.fque  s'il  y  a  de  ces  fortes 
d'indifpofitions  qu'on  ne  peut  détruire  fans 
récidive  &c  fans  péril ,  l'expérience  prouve 
qu'il  y  en  a  d'autres  qu'on  traite  fans  retour 
avec  le  plus  grand  fuccès.  6°.  Enfin  on  a  vu 
àts  maladies  compliquées  avoir  pour  prin- 
cipe plufieurs  vices  de  conformation  réunis' 
dans  un  même  fujet,  à  divers  égards,  tant 
intérieurement  qu'extérieurement. 

La  cure  palliative  ou  radicale  de  ce  grand 
nombre  de  maladies  mentionnées  jufqu'ici , 
requiert  les  lumières  combinées  les  plus 
étendues  de  la  médecine,  de  la  ehirurgie  , 
&  de  l'anatomie:  tout  nous  apprend  que 
l'art  eft  long  ,  la  vie  courte,  le  corps  fujet 
à  mille  infirmités,  même  dès  fa  première' 
origine  ;  &  que  pour  comble  de  maux, 
l'efprit  partage  fouvent  fans  remède  les  vices" 
de  conformation  du  corps.  Cet  article,  efi  de 
M,  U  chevalier  de  J AU  COURT. 

Conformation,  (Chinirg.)  l'art  de 
rapprocher  dans  les  fraftures  les  bouts  des 
os  rompus ,  en  embraffant  le  membre  avec 
les  mains,  &  en  cas  d'efquilles  adhérentes 
aux  autres  parties  ,  &qui  ne  nuifent  point 
à  la  cure  ,  en  les  pouffant  doucement  dans 
leur  place  avec  les  doigts. 

Les  chirurgiens ,  après  avoir  fait  l'exten- 
fion  &  la  contre-extenfion  néceffaire  pour 
remettre  en  place  les  os  frafturés  ,  doivent 
procéder  à  la  conformation.  On  la  fait  foit 
avec  la  paume  des  mains,  le  gras  des  pou- 
ces ,  ou  les  doigts;  foit  même  dans  cer- 
tains cas  avec  les  infirumens  ,  comme  le 
tire-fond ,  l'élévatoire  &  autres.  De  quel- 
que façon  qu'on  faffe  cette  conformation  ,  il 
fautautant  qu'il  eflipofïible,  que  la  force, qui 
tend  à  replacer  lés  pièces  fraélurées,  foit  diri- 
gée de  manière  à  ne  point  pouffer  les  chairs 
contre,  des  pointes  d'os  ou  desj  efquilies  ; 


C  O  N 

on  évitera, par  cette  précaution  ,  des  folu- 
tions  de  continuité ,  &  des  divulfions  qui 
pourroient  caufer  de  fâcheux  accidens, 

A  l'égard  du  degré  de  force  qu'on  emploie 
pour  agencer  &  replacer  les  os,  il  doit  être 
proportionné  ,  i".  à  la  folidité  6c  à  l'épaif- 
leur  des  os,  qui  réfiftent  d'autant  plus  qu'ils 
font  plus  épais  &:  plus  folides  ;  i^.  à  l'épaif- 
feur  des  chairs,  puifque  cette  épaifTeur  di- 
minue l'effet  de  la  prelfion  fur  Ics  os  :  enfin  , 
la  force  de  cette  preflion  doit  être  propor- 
tionnée à  la  quantité  du  déplacement  fuivant 
l'épaiffeur.  Pour  finir  la  cure,  quand  la  con- 
formation eft  faite ,  on  maintient  l'os  réduit 
par  l'appareil  &laiîruation.  Tout  cela  s'écrit 
&  fe  conçoit  à  merveille  ;  mais  on  ne  fait 
pas  affez  combien  l'exécution  requiert  quel- 
quefois pour  le  fuccès ,  de  lumières  réunies , 
d'adreffe  &  d'habitude.  ArdcU  de  M.  le 
Chevalier  DE  JaucoURT. 

Pour  donner  à  cet  article  l'étendue  dont 
il  eft  fufceptible  ,  nous  obferverons  qu'il 
le  trouve  une  fi  grande  juftefl'e  dans  les 
proportions  du  corps  humain  ,  que  c'eft 
fur  cela  qu'eft  fondée  toute  la  (cience  des 
méchaniques.  De  là  font  venues  les  me- 
fures  de  poulies  ,  de  palme ,  de  coudée  , 
de  pas ,  &c. 

La  tête  avec  le  col  fait  la  fixieme  partie 
du  corps  ;  la  mefure  de  la  face  eft  la  lon- 
gueur de  la  paume  de  la  main.  La  hauteur 
du  front  fait  la  grandeur  du  nez.  La  gran- 
deur du  nez  fait  celle  de  l'oreille. 

Le  corps  ,  quand  il  n'eft  ni  trop  gras  , 
ni  trop  maigre ,  a  de  hauteur  cinq  fois  fa 
largeur. 

La  diftance  qu'il  y  a  du  moyen  doigt 
d'une  main  jufqu'au  même  doigt  de  l'au- 
tre main ,  le  bras  étendu  en  croix  ,.  eft  la 
hauteur  du  corps. 

Dix  fois  la  longueur  de  la  main  fait 
encore  la  hauteur  du  corps. 

Le  centre  de  la  figure  humaine  fe  trouve 
jufte  à  la  jointure  antérieure  des  os  pubis. 
De  ce  point  le  corps  fe  divife  en  deux  par- 
ties égales  ,  dont  chacune  comprend  un 
cercle  parfait.  Le  centre  du  cercle  fupérieur 
fe  trouve  à  l'endroit  qui  répond  à  la  bafe  du 
cœur ,  &  le  centre  du  cercle  inférieur  fe 
trouve  vis-à-vis  la  jointure  du  genou. 

La  même  fymmétrie  fe  rencontre  auffi 
dans  les  bras  étendus  ;  car  ft  l'on  met  la  pointe . 


C  O  N  907 

du  compas  fur  le  plis  du  bras ,  &:  que  l'on 
porte  l'autre  pointe  à  l'extrémité  du  grand 
doigt  de  la  main  ,  on  décrit  un  cercle ,  dont 
le  diamètre  va  jufqu'au  milieu  de  la  poi- 
trine ,  entre  les  deux  clavicules  ,  enforte 
que  les  bras  étendus  comprennent  deux  cer- 
cles parfaits  qui  viennent  fe  toucher  entre 
les  deux  clavicules. 

La  fymmétrie  des  os  de  la  main  de  l'en- 
fant ,  eft  dans  la  même  proportion  relative 
que  lorfqu'il  eft  parvenu  à  un  âge  parfait  : 
de  forte  qu'à  mefure  qu'il  croît ,  cette  même 
partie  porte  toujours  la  dixième  partie  de 
la  hauteur  de  fon  corps  ,  ce  qui  n'arrive 
pas  dans  les  autres  os  du  corps  ;  car  ,  ex- 
cepté ceux  du  pié  ,  ils  varient  tous  fuivant 
les  divers  accroiftemens. 

Dans  l'homme  fait ,  la  partie  fupérieure 
du  corps  eft  plus  courte  que  l'inférieure.  Le 
contraire  fe  remarque  dans  les  enfans.  Ils 
ont  la  partie  fupérieure  plus  longue. 

Une  autre  différence  entre  l'enfant  & 
l'homme  fait,  c'eft  que  l'homme  fait  a  de- 
puis la  jointure  des  épaules  jufqu'au  coude  , 
&c  depuis  le  coude  jufqu'au  haut  du  pouce  , 
auftî  bien  que  depuis  l'extrémité  d'une 
épaule  à  l'autre  ,  la  mefure  de  deux  têtes, 
au  lieu  que  l'enfant  n'a  que  la  mefure  d'une 
tête.  Une  autre  différence  encore  ,  c'eft 
que  la  tête  d'un  enfant  d'un  an ,  n'eft  qu'un 
cinquième  de  la  hauteur  de  fon  corps  ,  &C 
que  la  largeur  de  fes  épaules  eft  égale  à  la 
longueur  de  fa  tête  ,  au  lieu  que  dans  l'hom- 
me fait  ,  la  tête  eft  d'une  huitième  partie 
du  corps  ,  &  que  la  largeur  des  épaules  eft 
deux  fois  plus  grande  que  la  longueur  de 
la  tête. 

Le  point  fermé,  tant  des  perfonnes  faites 
que  des  enfans  ,  contient  en  fa  rondeur  la 
longueur  du  pié. 

La  conformation  des  parties  du  corps  , 
lorfqu'on  les  confidere  feules  &:  en  elles- 
mêmes,  eft  un  autre  genre  de  proportion. 

La  tête ,  pour  être  bien  proportionnée  en 
foi ,  doit  être  plutôt  un  peu  grofte  que  petite, 
d'une  forme  ovale  ,  plate  par  les  côtés,  mé- 
diocrement avancée  en  devant  &  en  arrière. 

Le  vifage  doit  être  plus  long  que  large  & 
avoir  du  relief.  Chez  les  anciens  les  vifages 
longs  étoient  regardés  comme  les  plus  beaux, 
c'eft  ce  qui  fe  voit  par  les  ftatues  antiques. 
Le  vifage  de  Not|-e-Seigneur  eft.  re^réfegil^ 
"'■'  ■  "        KxTixx  i  - '  " 


~jn:u  ét^-^i 


9o8  C  O  N 

fort  long  clans  tous  les  anciens  tableaux,  i 

Le  front  doit  ét;eboffu,  mais  très-peu. 

Les  fourcils  doivent  chacun  former  une 
arcade  &  être  fuffifamment  garnis  de  poils. 

Les  paupières  doivent  être  bordées  de 
poils  doux  &:  longuets. 

Les  yeux  doivent  être  grands  &  bien 
fendus. 

Les  joues  pleines ,  fermes  Se  rondelettes. 

La  bouche  petite. 

Les  lèvres  médiocrement  avancées ,  & 
leurs  bords  vermeils. 

Les  oreilles  petites  &  bien  plaquées. 

Le  menton  un  peu  arrondi. 

Le  col  dégagé  des  épaules. 

Les  épaules  plates  &  bien  couchées. 

La  poitrine  large,  ample  &  élevée  par- 
devant  en  forme  de  hotte. 

Les  bras  ronds  &  charnus,  un  peu  plats 
en  dedans,  &  allant  en  groffiiïant  depuis 
.  le  poignet  jufqu'auprès  de  la  jointure  du 
coude. 

Les  mains  im  peu  graffes  &:  longues ,  les 
doigts  grêles  &:  dégagés  ,  avec  de  petites 
foifettes  au  bas  de  chaque  doigt  fur  le  deffiis 
de  la  main  quand  elle  eft  ouverte  ,  &  de 
petites  bofTes  au  dedans  de  la  main. 

La  conformation  du  ventre  eft  d'^re 
«levé  aux  femmes  (k  moins  élevé  aux  hom- 
mes. Il  en  eft  de  même  de  ce  qu'on  ap- 
pelle la  croupe. 

Les  cuiftes  &  les  jambes  font  auffi  plus 
grofles  aux  femmes  qu'aux  hommes. 

La  taille  eft  plus  fine  aux  femmes  &  les 
hanches  font  plus  avancées ,  les  hommes 
l'ont  plus  longue  que  les  femmes. 

Les  jambes,  tant  aux  hommes  qu'aux 
femmes,  doivent  être  médiocrement  lon- 
gues, &  garnies  d'un  gras  qui  n'ait  point 
trop  de  faillie  :  les  femmes  cependant  les  ont 
ordinairement  plus  grofles  que  les  hommes, 
ce  «[ui  n'eft  pas  une  perfeélion. 

Les  pies  doivent  être  menus  &  dégagés  , 
mais  d'une  longueur  médiocre. 

La  nature  varie  beaucoup  dans  la  confor- 
mation de  chacune  de  ces  parties  ;  &c  pour 
commencer  par  la  tête ,  il  y  en  a  de  pointues 
&  pyramidales  :  on  en  voit  de  quarrées  , 
de  rondes,  d'ovales ,  de  larges ,  d'étroites , 
de  grofles  ,  de  petites  ;  il  y  en  a  de  plus 
plates  par  derrière ,  &  de  celles-là  les  unes 
îbnt  tout-à-fait  plates ,  les  autres  le  font 


C  O  N 

feulement  en  haut,  les  autres  plates  en  bas 
feulement  ;  &  d'autres  enfin  plates  en  haut 
&  en  bas ,  mais  de  manière  que  cet  appla- 
tifiement  eft  interrompu  par  une  rondeur 
horizontale,  enforte  que  ce  font  deux  ap- 
platiflemens  l'un  fur  l'autre. 

Les  fronts  font  ou  grands  ,  ou  petits,  ou 
convexes ,  ou  plats ,  ou  creux  ,  6c  parmi  les 
convexes  on  en  voit  de  bofiTus  en  forme  de 
calebafl^es.  Il  y  a  des  fronts  quarrés,  il  y  en 
a  de  bifcornus  ,  de  larges  ,  d'étroits  ,  de 
longs ,  de  courts  :  il  y  en  a  qui  ont  une 
éminence  de  chaque  côté  ,  aux  uns  plus 
apparente ,  aux  autres  moins. 

Les  fourcils  font  ou  droits  ,  ou  en  arcade, 
ou  longs ,  ou  courts,  ou  minces,  ou  épais, 
ou  unis,  ou  raboteux.  Ils  font  ou  prefque 
joints  l'un  à  l'autre,  ou  médiocrement  le- 
parés  ,  ou  très-féparçs.  » 

Les  nez  ne  font  pas  moins  différens  entre 
eux.  Il  y  en  a  de  longs ,  de  courts ,  d'en- 
foncés &  de  faillans.  II  y  en  a  de  rabattus 
jufques  fur  la  lèvre  fupérieure  ,  &  quelque- 
fois prévue  jufques  fur  l'inférieure,  comme 
s'ils  ailoient  entrer  dans  la  bouche.  Il  y  en 
a  de  droits ,  de  bofl'us,  de  ronds  &  d'aigus. 
On  en  voit  de  plats  pardeflus  comme  une 
règle  ,  de  gros  au  milieu ,  de  gros  par  le 
bout ,  de  déliés  proche  les  fourcils  ,  de 
déliés  par  en  bas ,  &  gros  par  en  haut. 
Quelques-uns  font  un  peu  appiatis  fur  le 
haut  comme  un  cachet.  D'autres  font  rabo- 
teux en  cet  endroit  comme  feroit  une  petite 
plaque  inégalement  élevée  par  les  bords.  Il 
en  eft  de  relevés  plus  haut  ou  plus  bas  qae 
le  miheu  ,  de  relevés  fur  le  milieu  ou  aqui- 
lins  ,  de  retroufles  en  pié  de  marmite  , 
de  recourbés  en  bec  de  corbin ,  &  de 
plats  ou  camus. 

Les  nez  varient  auflî  beaucoup  par  rap- 
port aux  narines;  car  elles  font  ou  évafées, 
ou  étroites ,  ou  entre  deux.  Il  y  en  a  de 
hautes  ,  de  bafles  ,  de  retrouflees,  de  ra- 
battues. On  en  voit  dont  le  defllis  ,  au  lieu 
d'être  de  niveau  avec  la  colonne  du  nez ,  eft- 
cintré  en  forme  d'arcade  ,  &  laifle  voir 
prefque  tout  le  dedans  de  la  cloifon  du  nez. 

Les  yeux  font  ou  petits  ou  grands,  ou 
médiocres.  Ils  font  ou  enfoncés,  ou  à  fleur 
de  tête  ,  ou  comme  fortant  de  la  tête,  ou 
tenant  le  milieu  entre  ces  deux  excès.  Ils 
font  ou  gris ,  ou  bleus,  roux ,  noirs  ^  6'c, 


CON 

Les  paupières  font  ou  fans  cils ,  ou  revê- 
tues de  cils  ,  &  ces  cils  font ,  ou  longs ,  ou 
courts ,  ou  toufus ,  ou  clair-fetnés. 

La  bouche  eft  grande  ,  ou  petite  ,  ou 
médiocre;  faillante  ,  ou  enfoncée. 

Les  lèvres  font  ou  relevées ,  ou  plates  , 
ou  entre  deux.  On  en  voit  d'égales ,  enforte 
que  l'une  n'avance  point  fur  l'autre  ;  d'iné- 
gales ,  enforte  que  la  fupérieure  déborde 
fur  l'inférieure  ,  ou  l'inférieure  fur  la  fupé- 
rieure. Il  y  a  des  lèvres  renverfées  en  dehors, 
d'autres  rabattues  en  dedans.  Il  y  en  a  de 
grolTod-ôc  de  menues. 

Les  joues  font  ou  pleines,  ou  creufes , 
ou  jouflues  ,  fermes  ,  mollaffes ,  &c.  La 
pomette  des  joues  eft  ou  médiocrement , 
ou  exceffivement  faillante. 

Le  menton  eft  ou  long ,  ou  court  ;  retiré 
en  arrière,  avancé  en  devant,  de  niveau 
avec  la  lèvre  inférieure.  Il  eft  avec  un  petit 
creux  au  bout,  ou  fans  ce  creux.  On  le  voit 
quelquefois  pointu  ou  rond.  La  pointe  en 
eft  relevée  en  forme  de  menton  de  bonis  , 
ou  (implement  pointue. 

Les  oreilles  font  ou  larges  ou  étroites , 
ou  médiocres  ,  ou  faillantes  ou  plaquées , 
ou  gro/fes  ou  déliées. 

Le  col  eft  long  ou  court ,  maffif  ou 
grêle. 

La  poitrine  eft  ample  o«  étroite,  plate 
ou  relevée. 

Les  épaules  font  couchées  en  arrière  ou 
voûtées ,  larges  ou  étroites. 

La  taille  eft  ou  grofle  6>c  ramaflee ,  fine  & 
déliée  ,  ou  courte  ou  longue. 

Les  hanches  font  ou  élevées ,  ou  dépri- 
mées. 

Le  derrière  eft  avancé  ou  rabattu. 

Les  jambes  font  grêles  ou  maflives,  lon- 
gues ou  courtes ,  ou  d'une  mafle  médiocre  : 
fur  quoi  il  eft  à  remarquer  que ,  lorfque  le 
col  eft  long,  les  jambes  &  les  oreilles  font 
longues  auflî. 

Les  pies  font  longs  ou  courts ,  gros  ou 
menus,  larges  d'afliette ,  ou  droits,  ou 
entre  deux. 

De  ces  différentes  conformations  ,  tant 
pour  la  tête  que  pour  le  refte  du  corps,  i; 
n'en  eft  aucune  qui  ne  foit  dans  l'ordre  de 
la  nature  par  rapport  aux  autres  parties,  & 
qui  n'ait  avec  ces  mêmes  parties  une  propor- 
tion nécefîdire.  Si,  par  exemple,  une  per- 


C  O  N  5,09 

fonne  eft  d'une  taille  groife  &  courte ,  la 
même  forme  fe  remarquera  dans  chacun  de 
fes  membres ,  on  lui  trouvera  les  bras  courts 
&  gros ,  les  mains  larges  &  groffes ,  les 
doigts  courts  &:gros.  Uneperfonnequi  fera 
grande  &  déliée  aura  les  membres  longs  & 
menus  ;  celle  qui  fera  d'une  taille  médiocre , 
les  aura  pareillement  médiocres. 

De  tous  les  hommes ,  il  eft  bien  rare  d'en 
trouver  deux  qui  fe  reffemblent  entièrement 
pour  le  vifage ,  ou  pour  la  ftature,  ou  la 
voix.  Chaque  vifage  eft  formé  de  forte  que  , 
■  quelque  laid  qu'il  paroifte  ,  pourvu  qu'il 
ne  foit  point  défiguré  par  quelque  accident, 
on  nefauroit,  fans  le  rendre  difforme,  y 
rien  changer  pour  le  rendre  plus  beau  ,  parce 
que  dans  fa  laideur  même ,  la  nature  a  ob- 
fervé  une  fymmétrie  fi  exadle  ,  qu'on  ne 
peut  raifonnablement  y  rien  trouver  à  redire. 
Si,  par  exemple,  on  prétendoit  alongerle 
nez  d'un  camus  ,  on  ne  feroit  rien  que  de 
difforme ,  parce  que  ce  nez  étant  alongé  , 
n'auroit  plus  de  fymmétrie  avec  les  autres 
parties  du  vifage  ,  lefquelles  étant  d'une 
certaine  grandeur  &:  ayant  certaines  éléva- 
tions ou  certains  enfoncemens,  demandent 
que  le  nez  leur  foit  proportionné.  Ainfi , 
félon  certaines  règles  très- parfaites  ,  un 
camus  doit  être  tel ,  &  félon  ces  règles ,  c'eft 
un  vifage  régulier,' qui  deviendroit  monf- 
trueux ,  fi  on  lui  faifoit  le  nez  aquirn. 

Ceci  fait  voir  qu'on  ne  doit  jamais  regar- 
der dans  un  homme  comme  des  défauts 
réels ,  les  défauts  apparens  de  fon  corps  , 
parce  que  fouvent  ce  qu'on  croit  un  défaut, 
eft  une  perfeélion  au  jugement  de  la  vérité. 

Quand  la  nature  forme  un  vifage,  elle  y 
garde  des  mefures  qui  ne  fauroient  com- 
pofer  qu'un  tout  très-parfait  par  rapport  aux 
deffeins  qu'elle  a.  Que  les  hommes  en  ju- 
gent ce  qu'il  leur  plaira  :  que  les  François  , 
par  exemple,  méprifent  les  nez  camus  ôc 
les  petits  yeux ,  que  les  Chinois  les  eftiment, 
ce  font  des  bizarreries  de  l'efprit  humain; 
mais  fi  l'on  en  revient  aux  principes ,  on 
trouvera  qu'il  y  a  divers  ordres  de  beauté, 
comme  il  y  a  divers  ordres  dans  l'architec- 
rure.  Ainfi  la  nature  ayant  garde  de  fçs 
règles,  le  vifage  le  plus  laid  kAios  yeux  eft 
auflî  parfait  &  régulier  dans  fon  efpece,que 
celui  qui  nous  paroît  le  plus  beau. 

Ilefttrès-vrài  que  la  nature  s'écarte  quel- 


9îo  C  O  N 

quefois  eflTentiellement  des  règles  qu'elle  fem- 
ble  fe  prefcrire  ,  &  dès-lors  il  peut  bien  ré- 
fulter  des  difFonnités  réelles.  Dans  la  forma- 
tion de  l'homme ,  par  exemple ,  il  lui  arrive 
quelquefois  de  s'arrêter  dans  fa  carrière,  & 
l'on  voit  des  extrémités  qui  n'ont  pu  fe  dé- 
velopper entièrement.  lien  eft  de  même  de 
toutes  les  autres  parties. 
*  Au  refte,  tous  les  peuples  ne  s'accordent 
pas  fur  ce  qui  fait  la  beauté  du  corps.  Les 
Tartares  félon  le  voyage  du  fieur  Aubry  de 
la  Mottraye,  en  Europe,  ne  trouvent  pas 
qu'une  perfonne  foit  belle ,  fi  elle  n'a  les 
yeux  petits  &  enfoncés ,  le  nez  large  &  plat, 
le  vifage  écrafé ,  la  taille  ramaffée ,  fur-tout 
pour  les  femmes. 

Chezles  Maures,  les  nezles  plus  à  l'uni  du 
vifage  font  les  plus  beaux  ;  les  plus  grofTes 
lèvres  paflent  auffi  pour  les  mieux  faites. 

C'eft  une  beauté  aux  dames  de  la  Chine 
d'avoir  le  pié  plus  petit  que  le  naturel  ;  & 
pour  cela ,  quand  une  fille  a  paflle  trois  ans  , 
on  lui  rabat  les  orteils  fous  la  pointe  du  pié  ; 
on  lui  applique  enfuite  une  eau  qui  confume 
les  chairs,  &  on  enveloppe  le  pié  de  plu- 
fieurs  bandages,  jufqu'à  ce  qu'il  ait  pris  fon 
pli.  Les  femmes  fe  refifentent  toute  leur 
vie  d'une  telle  opération  ,  &  peuvent  à 
peine  marcher.  Les  fouliers  proportionnés 
àleurspiés  ,  font  ficourts8>c  fi  étroits,  qu'ils 
le  feroient  trop  pour  un  enfant  de  deux 
ans. 

Les  dames  de  la  Chine  fe  piquent  auffi 
de  petits  yeux  ;  mais  en  récompenfe  elles 
aiment  à  avoir  de  grandes  oreilles^  bien 
larges  &  bien  pendantes.  Cette  prétendue 
perfeftion  eft  tellement  du  goût  des  Chi- 
nois ,  qu'une  fille  en  qui  jelle  ne  fe  ren- 
contre pas  ,  trouve  difficilement  à  fe  marier. 
Voye^^  le  voyage  autour  du  monde  par  M. 
le  Gentil. 

Il  y  a  des  peuples  (  ce  font  les  Gordiens  ) 
où  c'eft  un  fi  grand  mérite  d'avoir  un  gros 
ventre ,  que  quand  ils  choififiTent  un  roi , 
ils  prennent  garde  fur-tout  qu'il  foit  extré- 
inement  ventru. 

Il  y  en  a  d'autres  (  ce  font  les  Spartes  )  au 
contraire ,  où  l'on  n'eftime  que  les  gens 
maigres  &  décharnés.  {P) 

Co^FORMATlOî^  externe  des  os,{Anat.) 
on  entend  par-là  tout  ce  qu'on  peut  y  remar- 
quer fans  les  cafter ,  coimi^  le  volgn^ç.la; 


C  O  N 

T  figure,  les  différentes  parties  extertles,  & 
la  couleur  des  pièces  ofleufes.'  ("PJ 

CONFORMISTES  (  Non-).,  (car  on 
ne  dit  point  ce  mot  fans  la  négation  )  s'en- 
tend en  Angleterre  de  ceux  qui  fuivent  un 
rit  différent  du  rit  anglican,  tels  que  font 
les  Presbytériens  &  les  Quakers. 

*  CONFORMITÉ,  f.  f.  CGramm.J 
terme  qui  défigne  l'exiftence  des  mêmes 
qualités  dans  plufieursfujets  diflerens.  Voilà 
ce  qu'il  a  de  commun  avec  rejjemhlance^ 
Mais  rejfemblance  fe  dit  des  fujets  intellec- 
tuels &c  des  fujets  corporels.  Par  exemple  , 
ily  a  beaucoup  de  rejfemblance  entvMes  deux 
penfées ,  entre  ces  deux  airs ,  entre  ces  deux 
vif  âges  y  entre  leurs  façons  d'agir  ;  au  lieu 
que  conformité  ne  s'applique  qu'aux  objets 
intelleéluels  ,  &  même  plus  fouvent  aux 
puiftances  qu'aux  aâ:es.  Il  femble  qu'il  ne 
faille  que  la  préfence  d'une  feule  &  même 
qualité  dans  deux  fujets  pour  faire  de  la 
reffemblance  ;  au  lieu  qu'il  faut  la  préfence 
de  plufieurs  qualités  pour  faire  conformité. 
Ainfil'on  dit,  ily  a  conformité  entre  ces  deux 
projets  ;  il  y  a  conformité  entre  leur  ma^ 
niere  d*agir  &  depenfer  ;  ily  a  conformité 
dans  leurs  caractères.  Ainfi  reffemblance  peut 
s'employer  prefque  par-tout  où  l'on  peut 
fe  fervir  de  conformité;  mai^  il  n'en  eft  pas 
de  même  de  celui-ci. 

CONFORTE-MAIN ,  f.  m.  (Jurifpr.) 
Lettres  de  conforte-main ,  font  une  commif- 
fion  du  roi  obtenue  en  chancellerie  par  un 
feigneur  féodal  ou  cenfier ,  qui  n'a  point 
droit  de  juftice  attaché  à  fon  fief,  à  l'effet 
de  pouvoir,  en  vertu  de  ces  lettres,  faire 
faifir  ou  conforter  ,  c'eft-à-dire ,  corrobo- 
rer la  faifie  déjà  faite  par  le  feigneur  fur  le 
fief  de  fon  yaflal ,  ou  fur  un  héritage 
cenfuel. 

.Quelques-uns  prétendoient  autrefois  que 
le  feigneur  féodal  avoit  une  juftice  foncière , 
en  vertu  de  laquelle  il  pouvoir  fur  fon  feul 
ma.ndement  faire  faifir  par  le  miniftere  d'un 
huifller  :  mais  pour  fortifier  ce  mandement 
quelques  feigneursobtcnoient  des  lettres  de 
conforte-màin ,  &  l'huiffier ,  tant  en  vertu 
du  mandement  du  feigneur  qu'en  vertu  de 
ces  lettres ,  procédoit  à  la  faine  ;  ou  bien  la 
faifie  étant  faite  en  vertu  du  mandement  du 
feigneur ,  on  appofoit  la  main  du  roi  en 
vertu  des  lettres   de  conforu-main.  Ceft 


CO  N 

alnfi  que  l'explique  Bacquet ,  tr.  dit  droits 
dejujiicty  chap.  iv  y  n.  23.  Il  en  efi  auffi 
parlé  clans  la  coutume cl'Angoumois,tfr;.  m, 
&  dans  celle  d'Auvergne,  chap.  xxij^  art.  2 . 
Berri,«V.  v,  art.  nG.  Blois,  art.  2,^1  &: 
dansdu  Tillet,/»<zg".  2/.  On  trouve  la  formé 
de  ces  lettres  dans  des  anciens  protocoles 
de  chancellerie. 

Imbèrt  dans  ta  pratique  ,  liv.  /,  chdp.  ij., 
dit  qu'on  avoit  coutume,  &  principalement 
en  Saintonge,  d'ufer  d'une  claufe  dans  les 
conforte-mains  que  les  feigneurs  féodaux 
obtenoient  de  la  chancellerie  ou  du  iené- 
chal  de  Saintonge  ;  ce  qui  nous  fait  voir  en 
palTant ,  que  les  fénéchaux  donnoient  ÔlQs 
lettres  de  conforte- main  auffi  bien  que  la 
chancellerie.  Il  étoit  mandé  par  cette  claufe , 
de  conforter  la  main-mife  du  feigneur,  d'a- 
journer les  oppofans  ou  refufans ,  pour 
dire  les  caufes  de  leur  refus  ou  oppofition, 
l'exploit  &  la  faifîe  tenant  nonobftant  oppo- 
fition  ou  appellation  quelconque ,  &  fans 
préjudice  d'icelles  ;  fur  quoi  Imbert  remar- 
que que  cela  n'étoit  pas  raifonnable;  i''. 
parce  que  c'étoit  commencer  l'exécution  , 
1^.  que  c'étoit  procéder  nonobftant  l'appel 
dans  un  cas  oùcelan'eft  pas  permis  par  les 
ordonnances  :  qu'auffi  par  un  arrêt  du  10 
mai  1526,  rendu  fur  l'appel  de  l'exécution 
de  lettres  royaux  qui  conten'oient  une  telle 
claufe  ,  il  fut  dit  qu'il  avoit  été  mal  pro- 
cédé &  mal  exécuté  par  le  fergent,  &  dé- 
fendu de  plus  ufer  de  telles  claufes. 

Au  furplus  la  forme  de  prendre  à^s  lettres 
de  conforte-main  qui  étoit  vicieufe  &:  inu- 
tile ,  n'eft  plus  ufitée  préfentement.  Le  fei- 
gneur qui  n'a  point  de  juftice  &  qui  veut 
i'aifir ,  doit  s'adreffer  au  juge  ordinaire  du 
lieu  où  eft  iîtué  le  fief  fervant,  ou  l'héritage 
qu'il  veut  faire  faifir,  &  obtenir  de  ce  juge 
commiffion  à  cet  effet  :  cela  fuffit  pour  la 
validité  d'une  telle  faifie ,  &  le  feigneur  n'a 
pas  befoin  de  lettres  de  conforte-main.  Voy. 
la  coutume  de  Ribemont,  art.  20.  Du- 
pleffis  ,  titre  des  fief  s  ^  liv .  /^,  chap.  iij .  (A) 

CONFR AIRIE,f.  m.  (  Ififi.  eccUf  )  con- 
grégation ou  fociété  de  plufieurs  perfonnes 
pieufes ,  établie  dans  quelque  églife  en  l'hon- 
ntur  d'un  myftere  ou  d'un  faintque  ces  per- 
fonnes honorent  particulièrement.  11  y  a 
des  confrairies  du  Saint-Sacrement ,  de  la 
fainte  Vierge  ,  de  St.  Roch ,   &c.   dont 


C  O  N  9tt 

quelques-unes  font  établies  par  des  bulles 
du  pape  Se  ont  des  indulgences.  Dans  les 
provinces  méridionales  de  France ,  fur-tout 
en  Languedoc,  il  y  a  des  confrairies  de  pé- 
nitens,  de  la  paflion ,  &c.  Voye^  PÉNI- 
TENS.  {A) 

CoNFRA.iRIES,(/tt/-//^r.)el1es  peuvent 
être  établies  fans  le  confénterriént  de  l'éve- 
que  ,  ilfauterf  outre  des  lettres  patentes  du 
roi ,  bien  &  duement  vérifiées. 

Les  biens  des  confrairies  font  fujëfs  aux 
mêmes  règles  que  ceux  des  autres  commu- 
nautés poUr  leur  adminiftration  ;  mais  ces 
biens  ne  forment  pas  de  bénéfices  :  c'eft: 
pourquoi  le  juge  royal  a  droit  d'en  connoî- 
tre,  de  même  que  des  queftions  de  pré- 
féarice  entre  deux  confrairies. 

Chacun  de  ceux  qui  font  membres  d'une 
confrairie  ,  doit  porter  fa  part  des  chargés 
communes,  à  moins  qu'il  ne  foit  exempt 
de  quelques-unes  ,  comme  d'être  marguil- 
lier.  Au  refte  on  peut  en  tout  temps  fe  retirer 
d'une  confrairie,  Se  par  ce  moyen  l'on  eft 
quitte  des  charges  pour  l'avenir.  TV.  de  la 
pol.  t.  I y  liv.  II ^  tit.  xij.  (A) 

CONFRERES,  f.  m.  pi.  noni  qu'on 
donne  aux  hommes  qui  font  d'une  confrai- 
rie. Les  co/i/rerei  ont  entr'eux'des  officiers 
qu'ils  fe  choififiTent ,  comme  un  aclminiftra- 
teur  pour  régir  les  deniers  provenans  des 
réceptions,  quêtes,  &c. 

CONFRONTATIOÎSr,  f.  f.{Jurifpr.) 
eft  la  repréfentation  d'uneperfonne  ou  d'une 
chofe  vis-à-vis  d'une  autre.  Dans  le  Lan- 
guedoc &  quelques  autres  provinces ,  on' 
l'appelle  acarement  ou  acaration. 

L'ufage  le  plus  ordinaire  de  la  confron- 
tation ,  eft ,  en  matière  criminelle  ,  pour 
repréfenter  à  l'accufé  les  témoins  qui  ont 
dépofé  contre  lui,  afin  qu'ils  le  reconnoif- 
fent  &  qu'ils  déclarent  fi  c'eft  de  lui  qu'ils 
ont  entendu  parler  dans  leur  dépbfition  ; 
que  l'accufé  puiflfe  fournir  contre  eux  fes 
reproches ,  s'il  en  a ,  &  les  témoins  y  ré- 
pondre. 

C'étoit  la  coutume  chez  les  Hébreux  , 
que  les  témoins  mettoient  leurs  mains  fur  la 
tête  de  celui  contre  lequel  ils  avoient  dé- 
pofé au  fujet  de  quelque  crime ,  ce  qu'ils 
pratiquoient  en  conféquence  d'un  précepte 

1'  du  Lévitique,  cA.  xxiv ,  v.  14.  C'eft  de-là 
quedansl'hiftoiredeSufanneil  eft  dit,  que 


911  CO  N 

les  deux  v'e'illards  qui  l'accuferent  mirent  ' 
leurs  VAâ'msùir  Ùl  tcte;  cela  fervoit  de  con- 
firmation de  leur  déponiion ,  6c  teiioit  iieii 
chez  eux  de  bi  confrontation  dont  on  uie 
aujourd'hui. 

Nous  lifons  dans  Dion ,  liv.  LX,  que  du 
temps  de  l'empereur  Claude ,  un  foldat 
ayant  accufé  de  confpiration  Valérius-Afia- 
ticus,  il  prit  à  la  confrontation  pour  Afia- 
ticus  un  pauvre  homme  qui  étoit  tout  chauve; 
ce  qui  tait  voir  que  la  confrontation  étoit 
auiîi  ufitée  chez  les  Romains,  &  que  pour 
(éprouver  la  fidélité  des  témoins ,  on  leur 
confrontoit  quelquefois  une  autre  perfonne 
au  lieu  de  l'accule. 

On  en  ufa  de  même  dans  un  concile  des 
Ariens,  où  S.  Athanaié  fut  accufé  par  une 
femme  de  l'avoir  violée.  Thimothée  prêtre 
fe  préfentant  à  elle,  &  feignant  d'être  Atha- 
nafe ,  découvrit  la  fourberie  des  Ariens  & 
l'impoflure  de  cette  femme. 

Le  recollement  des  témoins  n'étoit  point 
en  ufage  chez  les  Romains  ;  mais  on  y  pra- 
tiquoit  la  confrontation. 

Elle  a  pareillement  lieu  fuivant  le  droit 
canon,  &  fe  pratique  dans  les  officiahtés; 
comme  il  réfulte  du  chapitre  prafcntium 
xxxj  extra  de  tefiihus  &  atteflationibus. 

On  pratiquoit  en  France  Va  confrontation 
dès  le  premier  temps  de  la  monarchie.  En 
effet ,  on  voit  dans  Grégoire  de  Tours  , 
liv,  VI.,  f,  363  ,  que  Chilperic ,  lequel 
coMimença  à  régner  en  450  ,  ayant  inter- 
rogé lui-même  deux  particuliers  porteurs 
deleitresinjurieufesàS.  M.  manda  un  évê- 
que  qu'on  vouloit  en  rendre  complice ,  les 
confronta  les  uns  aux  autres,  même  à  ceux 
qu'ils  chargeoient  par  leurs  réponfes. 

Il  y  a  plufieurs  anciennes  ordonnances 
qui  font  mention  de  la  confrontation  des 
témoins. 

Celle  de  François  I ,  en  i  «;.  j6 ,  chap.  ij , 
art.  4  ,  en  prefcrit  la  forme  :  mais  comme 
ce  n'étoit  qu'une  loi  particulière  pour  la 
Bretagne  ,  nous  ne  nous  arrêterons  qu'à 
celle  de  1539,  qui  eft  générale  pour  tout 
le  royaume. 

Elle  ordonne,  tfr/.  74  &  fuii/.  que  lesté- 
moins  feront  recollés  &  confrontés  à  Tac- 
cufé  dans  le  délai  ordonné  par  juftice  ,  félon 
la  diftance  des  lieux ,  la  qualité  de  la  ma- 
tière &  des  parties,  à  moins  que  l'affaire  ne 


C  ON 

fût  fi  légère,  qu*il  n'y  eût  lieu  de  recevoir 
les  parties  en  procès  ordmaire  ;  que  dans 
les  matières  fujettes  -dco-nfrontation  ,le5  ac- 
cufés  ne  feront  élargis  pendant  les  délais 
qui  feront  donnés  pour  faire  la  confronta- 
tion ;  que  ,  quand  les  témoins  comparoîtront 
pour  être  confrontés ,  ils  feront  d'abord 
recollés  enl'abfence  de  l'accu fé  ;  &:  que  fur 
ce  qu'ils  perfifteront,  &  qui  feraà  la  charge 
de  l'accufé  ,  ils  lui  feront  aufîi-tôt  con- 
frontés féparément  6ià  part  l'un  après  l'au- 
tre ;  que  pour  faire  la  confrontation.,  l'ac- 
cufé 6c  le  témoin  comparoîtront  devant  le 
juge,  lequel  en  la  préfence  l'un  de  l'autre, 
leur  fera  faire  ferment  de  dire  vérité  ;  qu'en- 
fuite  il  demandera  à  l'accufé  s'il  a  quelques 
reproches  à  fournir  contre  le  témoin  qui 
eft  préfent,  &:  lui  enjoindra  de  les  dire 
promptement ,  qu'autrement  il  n'y  fera  plus 
reçu;  que  (i  l'accufé  n'allègue  aucuns  repro- 
ches &  déclare  ne  le  vouloir  faire  ,  &  fe 
vouloir  arrêter  à  la  dépofitiondes  témoins, 
ou  s'il  demande  un  délai  pour  fournir  fes 
reproches ,  ou  enfin  s'il  a  mis  par  écrit 
ceux  qu'il  auroit  allégués  fur  le  champ;  dans 
tous  ces  cas  il  fera  procédé  à  la  lefture  de  la 
dépoiition  du  témoin  pour  confrontation , 
après  laquelle  il  ne  fera  plus  reçu  à  propolér 
aucun  reproche  ;  que  les  confroutations't^hes 
&  parfaites ,  le  procès  fera  mis  entre  les 
mains  du  miniflere  public  pour  prendre  des 
conclufions ,  &c. 

L'ordonnance  de  1670  contient  un  titre 
exprès  des  recollemens  &;  confrontations , 
qui  efl:  le  quinzième.  Il  eft  dit  que  fi  l'accu- 
(aiion  mérite  d'être  inftruite  ,  le  juge  or- 
donnera que  les  témoins  feront  recollés  en 
leurs  dépofitions ,  &  fi  befoin  èft ,  confron- 
tés à  l'accufé  ;  l'ordonnance  dilji  befoin  efi  , 
parce  que  fi  les  témoins  fe  rétraCloient  au 
recollement  &  qu  il  n'y  eût  plus  de  charges 
contre  l'accufé ,  il  feroit  inutile  de  lui  con- 
fronter les  témoins. 

Il  eft  ordonné  que  les  témoins  feront  re- 
collés &  confrontés;  la  dépofition  de  ceux 
qui  n'auront  point  été  confrontés ,  ne  fera 
point  de  preuve  s'ils  font  décédés  pendant 
la  contumace.  lien  eft  de  même  s'ils  font 
morts  civilement  pendant  la  contumace  , 
ou  fî ,  à  caufe  d'une  longue  abfence,  d'une 
condamnation  aux  galères  ou  bannifîement 
à  temps,  ils  ne  p  CUV  oient  être  confrontés, 

fuivant 


C  ON 

fuivant  ce  qui  eft  dit  Ut.  xvij ,  an.  ix&  i^. 
Voyez  aujji  ci-après  les  articles  CONFRON- 
TATION FIGURATIVE  6*  LITTÉRALE. 

Dans  les  crimes  qui  peuvent  mériter  peine 
affliftive,  le  juge  peut  ordonner  le  recol- 
lement &  la  confrontation  des  témoins  ,  fi 
cela  n'a  pas  été  fait,  &  que  les  dépofidons 
chargent  confîdérablement  l'accufé. 

En  voyant  le  procès  ,  on  fait  iedlure  de 
la  dépofition  des  témoins  qui  vont  à  la  dé- 
charge de  l'accufé,  quoiqu'ils  n'aient  été 
ni  recollés  ni  confrontés ,  pour  y  avoir  par 
les  juges  égard. 

Les  accufés  qui  font  décrétés  de  prife  de 
corps  ,  doivent-  tenir  prifon  pendant  le 
temps  de  la  confrontation  ,  &  l'on  doit  en 
faire  mention  dans  la  procédure ,  û  ce  n'efl: 
que  les  cours  en  jugeant  l'appel  en  ordon- 
naflent  autrement. 

Les  confrontations  doivent  être  écrites  en 
un  cahier  féparé  ;  &  chacune  en  particulier 
paraphée  &  (ignée  du  juge  dans  toutes  les 
pages,  par  l'accufé  &  par  le  témoin,  s'ils 
îaventou  veulent  figner,  finon  l'on  doit  faire 
mention -de  la  caufe  de  leur  refus. 

L'accufé  étant  mandé  après  le  ferment 
prêté  par  lui  &  par  le  témoin  en  préfence 
l'un  de  l'autre,  le  juge  les  interpellera  de 
déclarer  s'ils  fe  connoiflfent. 

On  fait  la  leélure  à  l'accufé  des  premiers 
articles  de  la  dépofition  du  témoin ,  conte- 
nant fon  nom ,  âge ,  qualité  &  demeure,  la 
connoilTance  qu'il  aura  dit  avoir  des  parties, 
&  s'il  eft  leur  parent  ou  allié. 

L'accufé  eftenfuite  interpellé  par  le  juge 
de  fournir  fur  le  champ  fes  reproches  contre 
le  témoin ,  û  aucuns  il  a  ;  &  le  juge  doit  l'aver- 
tir qu'il  n'y  fera  plus  reçu  après  avoir  entendu 
left ure  de  la  dépofition  ,  &  fon  doit,  en  faire 
mention. 

Les  témoins  font  enquis  de  la  vérité  des 
reproches  ,  &  tout  ce  que  l'accufé  &  eux 
difent  doit  être  rédigé  par  écrit. 

Après  que  l'accufé  a  fourni  (qs  reproches , 
ou  déclaré  qu'il  n'en  veut  point  fournir,  on 
lui  fait  letlure  de  la  dépofition  &  du  recol- 
lement du  témoin ,  avec  interpellation  de 
déclarer  s'ils  contiennent  la  vérité,  &  fi  l'ac- 
cufé eft  celui  dont  on  a  entendu  parler  dans 
{es  dépofitions  &  recollement ,  &  tout  ce 
qui  eft  dit  de  part  &  d'autre  doit  pareille- 
ment être  écriv 

Tome    VJII, 


CON  91  j 

L'accufé  n'eft  plus  reçu  à  fournir  des  re- 
proches contre  le  témoin  ,  après  qu'il  a  en- 
tendu lefture  de  fa  dépofition  ;  il  peut  néan- 
moins en  tout  état  de  caufe  propofer  des 
reproches,  s'ils  font  juftifiés  par  écrit. 

Si  l'accufé  remarque  dans  la  dépofition 
du  témoin  quelque  contrariété  ou  circonf- 
tance  qui  puiflTe  éclaircir  le  fait  &  juftifier 
fon  innocence  ,  il  peut  requérir  le  juge  d'in- 
terpeller le  témoin  de  les  reconnoître,  fans 
pouvoir  lui-même  faire  interpellation  du 
témoin  ;  &  ces  remarques ,  interpellations  , 
reconnoiffances  &  réponfes  ,  foiit  aulfi  ré- 
digées par  écrit. 

Quoique  l'accufé  refufe  de  répondre  aux 
interpellations  qui  lui  font  faites  ,  on  ne 
laifiTe  pas  de  procéder  à  la  confrontation  à\i 
témoin. 

Si  le  témoin  que  l'on  veut  confronter  eft 
malade ,  la  confrontation  fe  fait  en  fa  mai- 
fon,  &  pour  cet  effet  on  y  transfère  l'accufé. 

Les  experts  entendus  en  information  fur 
ce  qui  ellde  leur  art,  doivent  être  confron- 
tés comme  les  autres  témoins. 

On  obferve  les  mêmes  formalités  dans 
les  confrontations  qui  font  faites  des  accufés 
ou  compHces  les  uns  aux  autres.  Ils  peuvent 
fournir  des  reproches  les  uns  contre  les  au- 
tres :  mais  cette  confrontation  ne  doit  être 
faite  qu'après  celle  des  témoins. 

Lorfque  dans  un  même  procès  il  y  a  des 
accufés  laïques  prifonniers  dans  les  prifons 
royales ,  &  des  accufés  clercs  dans  les  pri- 
fons de  l'ofl^cialité ,  &  qu'il  s'agit  de  les 
confronter  les  uns  aux  autres ,  on  amené 
les  accufés  &  complices  laïques  des  prifons 
royales  à  l'officialité  ;  &  Decombes  dit  qu'en 
pareil  cas  la  confrontation  des  laïques  à^ac- 
cufé  clerc,  fut  faite  par  les  deux  juges, 
c'eft-à-dire  par  le  juge  laïque  &:  par  l'ofH- 
cial  conjointement  :  mais  que  la  confronta- 
tion de  l'accufé  clerc  aux  laïques,  fut  faite 
par  le  juge  laïque  feul ,  les  accules  étant 
laïques.  Voye:[  Imbert ,  liv.  III.  xiij.  De- 
combes, recueil  des  procédures  de  Pofficia- 
lité;  Bornier  fur  Us  titres  xv  &  xvij  de 
l'ordonnance. 

Confrontation  des  Accusés  les 

uns  aux  autres ,  voyez  ci-devant  à  la  fin  du 
mot  Confrontation. 

Confrontation  des  Complices, 
voye:^  ibid, 

Yyyyy 


^T4  C  O  N 

Confrontation  D'ÉciirTURES,ftfy. 

^/-<^ev<zn?COMPARAISON  d'écritures. 

Confrontation  d'Experts, v.a-J^- 
yantpers  lafindumotCoi^FRONT  ATIOti. 

Confrontation  FiGURATivE,eft  la 
confrontation  que  l'on  fait  d'un  témoin  à 
l'accufé,  fans  néanmoins  lui  repréfenter  ce 
témoin.  Elle  a  lieu  lorfque  le  témoin  eu 
décédé  ou  abfent  pour  caufe  légitime ,  & 
fe  fait  par  l'affirmation  tacite  de  la  dépofi- 
tion  du  côté  de  la  partie  civile ,  s'il  y  en 
a  une,  ou  à  la  requête  de  la  partie  publi- 
que; fauf  à  l'accufé  à  propofer  (es  repro- 
ches ,  s'il  en  a  quelqu'un  à  oppofer  pour 
fa  juftifîcation ,  &  pour  atténuer  la  dépo- 
sition. On  demande  donc  à  l'accufé  s'il  a 
connu  le  témoin  défunt  ou  abfent ,  s'ill'efti- 
moit  homme  de  bien,  s'il  veut  &.  entend 
s'en  tenir  à  fa  dépofition;  &  après  fes  ré- 
ponfes  à  chaque  queftion,  qui  doivent  être 
rédigées  par  écrit  avec  les  reproches ,  s'il 
en  a  propofé,  on  lui  fait  lecture  de  la  dé- 
pofition  du  témoin  :  c'eft  enfuite  à  la  partie 
civile,  s'il  y  en  a  une,  ou  au  miniftere  pu- 
blic ,  à  juftifier  s'il  fe  peut  par  a6les  ou  au- 
trement ,  ce  qui  éioit  de  bonnes  vie  & 
mœurs  du  témoin  défunt  ou  abfent,  afin 
de  faire  tomber  les  reproches.  Il  eft  parlé 
de  cette  confrontation  figurative  ,  dans  le 
jîyU  du  parUrmiit  de  Touloufc  par  Cayron, 
/.  11^.  tit.  xviij^  ce  qui  s'appelle  acaration 
figurative  ,  félon  le  bngage  du  pays.  Il  y  a 
des  exemples  que  Va  cor^rontation figurative 
s'eft  aulB  pratiquée  en  certains  cas  dans  les 
autres  parlemens  ,  ainfi  qu'il  fut  obfervé 
dans  le  procès  de  MM.  de  Cinqmars&de 
Thou,  en  1641:  on  fit  même  dans  ce  pro- 
cès une  efpece  de  confrontation  figurative, 
Mon/ieur ,  frère  du  roi ,  ayant  une  déclara- 
tion à  faire ,  avoit  obtenu  du  roi  qu'il  ne  fe- 
roit  point  confronté  aux  accufés.  M.  le  chan- 
celier reçut  la  dépolition  avec  les  mêmes  for- 
malités avec  iefquelles  on  a  coutume  de  pren- 
dre la  dépofition  des  autres  témoins  ;  on 
prit  feulement  de  plus  la  précaution  de  la 
relire  à  Monfieur  en  préfence  de  M.  le  chan- 
celier &  de  fept  ou  huit  conieillers  d'état 
ou  maîtres  des  requêtes ,  qui  la  fignerent 
avec  lui  après  qu'il  eut  perfifté  avec  fer- 
ment à  ce  qu'elle  contenoit;  &c  comme  le 
droit  &  les  ordonnances  veulent  que  tout 
témoin  foit  couffonié^L  le  procureur  gêné- 


C  O  N 

rai  crût  que  dans  ce  cas  il  fallolt  ufer  d« 
quelques  formalités  pour  fuppléer  à  la  cotz- 
Jrontation  ;  &  pour  cet  effet  il  requit  que 
la  déclaration  de  Monfieur  lui  fût  lue  après 
que  les  accufés  auroient  déclaré  s'ils  avoient 
des  reproches  à  fournir  contre  lui  ,  ce  qu'ils 
pourroient  faire  avec  plus  de  liberté  en  l'ab- 
fence  de  Moniieur,  qu'en  fa  préfence;  qu 'en- 
fuite  les  reproches  &:  réponfes  des  accufés 
lui  feroient  communiqués  :  ce  qui  fut  or- 
donné par  arrêt,  &;  exécuté  par  M.  le  chan- 
celier. 

L'ordonnance  de  1670  ne  parle  pas  nom- 
mément de  \2.  confrontation  figurative  ;  mais 
elle  dit,  tit.  xv.  art,  8.  que  la  dépofi- 
tion des  témoins  non  confrontés  ne  fera 
pas  preuve ,  s'ils  ne  font  décédés  pendant 
la  contumace  ;  ce  qui  fuppofe  que  dans  ce 
cas  il  y  a  quelque  formahté  qui  tient  lieu 
de  la  confrontation  ordinaire.  Et  dans  le 
titre  xvij,  art,  22..  &  2j.  il  cû  parlé  de  la:- 
confrontation  littérale  ^  qui  eft  la  même 
chofe  que  la  confrontation  figurative.  Voyez 
ci-après  CONFRONTATION  LITTERALE, 
&  Bornier,  fur  ïart.  8 .  du  tit.  xv. 

Confrontation  LiTTÉRALE,eft  celle: 
qui  eft  faite  à  l'accufé  de  la  dépofition  d'un 
témoin,  qui  après  avoir  été  recollé  en  fa 
dépofition,  efl  décédé  ou  mort  civilement 
pendant  la  contumace  de  l'accufé  ;  dans  ce 
cas,  au  lieu  de  confronter  à  l'accufé  la  per— 
fonne  du  témoin,  on  lui  confronte  feule- 
ment la  dépofition,  dont  on  lui  fait  lefture: 
en  la  forme  ordinaire  pour  les  confronta" 
tions.  On  en  ufe  de  même  pour  les  té- 
moins, qui  ne  peuvent  être  confrontés  à 
caufe  d'une  longue  abfence  ,  d'tne  con- 
damnation aux  galères  ou  banniiTement  à 
temps  ,  ou  quelque  autre  empêchement  lé- 
gitime ,  pendant  le  temps  de  iacontiimace. 

Dans  cette  conjrontaiion  littérale ,  les 
juges  ne  doivent, avoir  aucun  égard  aux  re- 
proches ,  s'ils  ne  font  juflifiés  par  p'eces,. 
Voyei  rordonnancede  1 6'yo  ,  tit.  xvij .  art, 
Z2&2J  ,  &:  ci-devant  CONFRONTATION 
FIGURATIVE.  f^J 

Confrontation  de  Témoins,  voj, 
a-^tv.  Confrontation.  C^J 

Confrontation  en  ToIirbe  ou 
TuRBE,  l'efaitlonqueTacculéfoupçonne  le 
temom  de  faufleié;  il  peut  requérir  qu'on 
.montre    avec    luL  d'autres    perfonnes  au. 


C  O  N 

témoin ,  afin  devoir  fi  le  témoin  reconnoîtra 
Taccufé ,  ou  fi  fauiîëment  il  accule  l'un  pour 
l'autre.  Il  dépend  de  la  prudence  du  juge 
de  le  permettre  quenquefois  ;  au  lieu  d'ufer 
-de  cette  confrontation  par  turbe. ,  on  pré- 
lente feulement  une  autre  perfonne  au  lieu 
de  l'accufé  ,  pour  voir  fi  le  témoin  le  re- 
connoîira.  Voyi'^^  Defpeiffes ,  tom.  II.  part. 
I,  lit.  vil/,  n.  1 1 .  ÇAJ 

*  CONFUS,  ad).CGram.Jl\  défigne 
toujours  le  vice  d'un  arrangement ,  foit  na- 
turel ,  foit  artificiel  de  plufieurs  objets ,  &: 
il  fe  prend  au  fimple  &  au  figuré  :  ainfi  il 
y  a  de  la  confufion  dans  ce  cabinet  d'hijfoirc 
naturelle  ;  il  y  a  de  la  confufion  dans  cespen- 
fécs.  De  l'adjedlif  confus,  on  a  fait  le  fubf- 
t2LX\ù( confufion.  ha.  confufion  n'eft  quelque- 
fois relative  qu'à  nos  facultés  ;  il  en  eft  de 
même  de  prefque  toutes  les  autres  qualités 
&  vices  de  cette  nature.  Tout  ce  qui  eft 
fufceptible  de  plus  ou  de  moins,  foit  au 
^noral ,  foit  au  phyfique,  n'eft  ce  que  nous 
€n  alTurons  que  félon  ce  que  nous  fommes 
nous-mêmes. 

CONFUSION,  ÇJurifpr.) à' actions  & 
de  étroits ,  eft  lorfqu'une  même  perfonne 
réunit  en  elle  les  droits  adifs  &  paffifs  qui 
concernent  un  même  objet.  Cette  confufion 
opère  l'extinélion  des  droits  &  allions;  elle 
a  lieu  lorfque  l'héritier  pur  &  fimple,  le 
légataire  ou  donataire  univerfel ,  fe  trou- 
vent créanciers  ou  débiteurs  du  défunt  au- 
quel ils  fuccedent  :  mais  l'héritier  béné- 
Ificiaire  a  le  privilège  de  ne  pas  confondre 
ies  créances. 

Il  y  a  aufiî  confufion  de  droits ,  lorfque 
le  propriétaire  du  îowd^  dominant  devient 
propriétaire  du  fonds  fervant.  V^oy.  leg.  de- 
bitori ,  ^\  de  fidejuff.  l.  Licet  cod,  ad  leg. 
yk/c/V.  Belordeau,  Utt.  A.  art.  22.  &  lett. 
C.  art.  2,2,  -  Defpeiftes  ,  tom.  I.  part.  IV. 
lit.  vj.  Brodeau  fur  Louet,  lett.  Y.fomm. 
»-.  (A) 

Confusion,  (C/îjm/e.)  Leschymiftes 
modernes  défignent  par  ce  mot  le  mélange 
de  plulieurs  différentes  fubftances ,  qui  ne 
contraftent  point  d'union  chymique;  tel  que 
celui  qui  conftitue  les  poudres  pharmaceu- 
tiques compoTées,  les  potions  troubles,  &c. 

Les  corps  mêlés  par  confufion  peuvent  être 
ieparés  par  des  moyens  méchaniques  ;  les 
JBgrédiens  d'une  potion  trouble ,  par  exem- 


CO  N  ^i^ 

pie,  par  la  réfidence  ou  repos,  ceux  dune 
poudre  compo'ée  ,  par  le  lavage,  &c. 

Les  différentes  fubftances  mêlées  par  con- 
fufion  ,  jouifiTent  chacune  de  toutes  leurs 
qualités  fpécifiques  ,  foit  phyfiques  ,  foit 
chymiques,  foie  médicinales. 

C'eft  par  ces  deux  propriétés  que  la  con" 
fiifion  diffère  de  la  mixtion,  qui  n'eft  pas 
difir>luble  par  les  moyens  méchan'ques,  &: 
qui  ne  laifie  fubfifter  aucune  des  propriétés 
ipécifiques  des  corps  mixtionnés.  Voye\ 
Mixtion. 

Quelques  chymiftes  emploient  le  mot  de 
confufion  pour  exprinser  la  façon  d'être  de 
différentes  fubftances  très- analogues  entre 
elles ,  &  fi  intimement  mêlées ,  qu'elles  ne 
fauroient  être  féparées  ni  par  les  moyens 
méchaniques ,  ni  par  les  moyens  chymiques: 
l'eau  &  le  vin ,  deux  diverfes  huiles  efifen- 
tielles  ,  deux  liqueurs  vineufes  différentes, 
comme  le  vin  &c  la  bière  ,  &c.  conftituent 
par  laur  mélange  une  confufion  de  cette 
claffe. 

Cette  co/2////K)/zconfifte  évidemment  dans 
une  diftribution  exafte  &  uniforme  des 
parties  d'un  des  corps ,  confondues  parmi 
les  parties  de  l'autre.  Or  cette  diftribution 
uniforme  dépendant  de  l'extrême  analogie 
des  divers  corps  confondus  ,  il  eft  clair  que 
la  confufion  dont  nous  parlons  peut  être  re- 
gardée comme  une  efpece  d'agrégation, 
puifque  le  formel  de  ce  dernier  genre  d'u- 
nion confifte  dans  l'homogénéité  à^s,  par- 
ties. Voye:^  la  nature  &  les  propriétés  de 
l'agrégé,  au  mot  ChYMIE,  pag.  ^02  & 
fuip. 

M.  Henckel ,  qui  a  compté  la  confufion 
parmi  les  elpeces  de  la  conjomftionchymi- 
que  ,  regarde  comme  des  confufions  l'union 
de  diverfes  fubftances  métalliques  entr'elies , 
celle  de  diverfes  terres  vitrifiées  enfemble, 
celle  des  huiles  effentielles  avec  les  huiles 
par  expreflion,  &c.  (  voy.  fon  appropriation^ 
(t6i.  III.  )  mais  la  plupart  de  ces  unions 
pouvant  être  détruites  par  des  précipitans  , 
elles  rentrent  dans  la  claffe  des  mixtions, 
Foye:{  MiXTîON. 

Quelques  anciens  chymiftes  ont  employé 

fort  miproprement  le  mot  de  confufion  dans 

le  même  fens  que  nous  prenons  aujourd'hui 

ceux  àefolution ,  difj'olution ,  combinaifon  ; 

-  mais  c'eftla  vraie  diifoluiionchymique  qu'ils 

Yyyyy  % 


91  (^  C  O  N 

rnt  prétendu  exprimer  'par  le  nom  de  con- 
f'ufion  :  ainfi  ce  n'eft  que  le  mot  qu'on  peut 
leur  reprocher,  hts  Phyficiens  expliquent 
la  difiblution  par  la  confujion  ;  ils  ont  afluré 
que  l'union  des  corps  folubles  n'étoit  qu'une 
confujion  ,  en  prenant  cette  expreflion  dans 
le  premier  fens  que  nous  lui  avons  donné 
dans  cet  article  :  c'eft  la  choie  qu'on  a  droit 
de  reprocher  à  ceux-ci.  (h) 

CONFUTATION ,  f.  f.  (Rhétoriq.  ) 
paitie  du  difcours  qui  ,  félon  la  divifion 
des  anciens ,  confifte  à  répondre  aux  ob- 
jeftiops  de  Ton  adverfaire,  6>c  à  réfoudre 
iès  difficultés. 

On  réfute  les  objeftions ,  foit  en  atta- 
quant &  détruifant  les  principes  fur  lefquels 
Tadverfaire  a  fondé  {^%  preuves  ,  foit  en 
montrant  que  de  principes  vrais  en  eux- 
mêmes  ,  il  a  tiré  de  faufles  conféquences. 
On  découvre  les  faux  raifonnemens  de  fon 
adverfaire,  en  faifant  voir  tantôt  qu'il  a  prou- 
vé autre  chofe  que  ce  qui  étoit  en  queftion  , 
tantôt  qu'il  a  abufé  de  l'ambiguité  des  ter- 
mes, ou  qu'il  a  tiré  une  concluiion  abfolue 
&  fans  rertriftion  de  ce  qui  n'étoit  vrai  que 
par  accident,  ou  à  quelques  égards,  &c. 

On  peut  de  même  développer  les  faux 
raifonnemens  dans  lefquels  l'intérêt,  la  paf- 
{îon  ,  l'entêtement,  &c.  l'ont  jeté;  relever 
avec  adieiTe  tout  ce  que  l'animofité  &  la 
mauvaife  foi  lui  ont  fait  hazarder  ;  quelque- 
fois il  eft  de  l'art  de  l'orateur  de  tourner 
les  obje^iions  de  forte  qu'elles  paroifTent  ou 
ridicules,  ou  incroyables ,  oucontradifloi- 
res  entr'elles,  ou  étrangères  à  la  queftion. 
Il  y  aaufli  des  occafions  où  le  ridicule  qu'on 
répand  fur  les  preuves  de  l'adverfaire,  pro- 
duit un  meilleur  effet  que  fi  l'on  s'attachoit 
à  les  combattre  férieufement.  Cette  partie 
du  difcours  comporte  la  plaifanterie,  pourvu 
qu'elle  foit  fine ,  délicate ,  &  ménagée  à 
propos.  VoyCT^  RÉFUTATION.  (G) 

CONGE,  f.m.f/T/y?.  anc.  &  Pharm.) 
en  latin  congius  ;  forte  de  mefure  des  an- 
ciens, qu'on  croit  être  la  même  que  le  chus 
ou  le  choa  attique ,  qui  contenoit  neuf  li- 
vres d'huile ,  dix  livres  de  vin  ,  &  treize 
livres  &  demie  de  miel ,  félon  Galien.  Caf- 
tel  ,  kxic. 

Les  Littérateurs  ont  diftingué  le  congé 
romain  du  congé  attique ,  &  ils  ne  font  point 
d'accord  fur  la  capacité  refpe<^ivede  cha- 


C  O  N 

cune  de  ce^  mefmes.   Rieger  ,  introducl. 

Le  galon  des  Anglois ,  qu'ils  appellent 
congius  en  latin  ,  qui  eft  une  mefure  fort 
en  ufage  chez  leurs  apothicaires  ,  &  dont  H 
eft  fouvent  quefiion  dans  l'ancienne  phar- 
macopée de  Londres  &  dans  celle  d'Edim- 
bourg, contient  huit  livres  d'eau,  ou  qua- 
tre pintes  de  Paris,  {b) 

CONGÉ  ,  f.  m.  fùramm.J  d'eu  en  gé-' 
néral  une  permiffion  qu'un  fupérieur  ac- 
corde à  fon  inférieur  de  faire  une  chofe  , 
par  laquelle  celui-ci  encourroit  un  châti- 
ment s'il  la  faifoit  de  fon  autorité   privée. 

Congé,  [Hift.anc  &mod.  &Ar(  mil.) 
c'étoit  anciennement,  comme  aujourd'hui^ 
une  permifiîon  donnée  aux  fotdats  de  s'ab- 
fenter  de  l'armée ,  ou  de  quitter  tout-à- 
fait  le  fervice.  On  en  diflinguoit  de  plu- 
fieurs  fortes  chezles  Romains ,  comme  parmi 
nous. 

Le  congé  ahfo lu  mérité  par  l'âge  &  le  fer- 
vice  ,  &  accordé  aux  vétérans ,  fe  nomraoit 
mijjiojujîa  &  honcfla  ;  ils  pouvoient  en  con- 
féquence  difpofer  librement  de  leurs  per- 
fonnes. 

Le  congé  à  temps  éidit  appelle  commeatus^ 
quicorique  abandonnoit  l'armée  fans  cette 
précaution  étoit  puni  comme  déferteur, 
c'efl-à-dire  battu  de  verges  &  vendu  comme 
efclave. 

11  y  avoit  une  efpece  de  congé  ahfolu  qui , 
quoique  différent  du  premier,  ne  laiffoit 
pas  que  d'être  de  queîqi:e  confidération  ; 
parce  que  les  généraux  l'accordoient  pour 
raifon  de  bleffures ,  de  maladies  &:  d'infir- 
mités. Tire-Live  &  Ulpienen  font  mention 
fous  le  titre  de  mijjîo  caufaria.  Ce  congé 
n'excluoit  pas  ceux  qui  l'avoient  obtenu  des 
récompenfes  militaires. 

La  troifieme  efpece  de  co/z^e  étoit  de  pure 
faveur ,  gratiofa  mijjio  ;  les  généraux  la  don- 
noient  à  ceux  qu'ils  vouloient  ménager  : 
mais  pour  peu  que  la  république  en  fouifrît^ 
ou  que  les  cenfeurs  fufTenr  de  mauvaife  hu- 
meur, cette  grâce  étoit  bientôt  révoquée. 

Enfin  il  y  en  avoit  une  quatrième  vérita- 
blement infamante ,  turpis  &  ignominiofa 
mijfio.  C'eft  ainfi  qu'au  rapport  d'Hirtms 
Panfa ,  dans  l'hifloire  de  la  guerre  d'Afrique^ 
Céfar ,  en  préfence  de  tous  les  tribuns  &c 
des  centurions ,  chaffa  de  fon  armée  A. 
Avenius^  homme  turbulent,  ôc  qui  avoi-t 


C  O  N 

commis  des  exa«£lions  ;  &  A.  Fontéius  , 
comme  maavais  citoyen  &  mauvais  officier. 

Sous  les  empereurs,  Augufte  fir  deux  de- 
grés du  co/z;^^  légitime;  il  appeila  le  pre- 
mier exaucloratio  ,  privilège  accordé  aux 
foldats  qui  avoient  fervi  le  nombre  d'années 
prefcrit  par  la  loi ,  &  en  vertu  duquel  ils 
étoient  dégagés  de  leur  ferment ,  &  affran- 
chis des  g;irdes  >  des  veilles  ,  des  fardeaux  , 
&  en  un  mot  de  toute  charge  militaire  , 
excepté  de  combattre  contre  l'ennemi  :  pour 
cet  effet,  féparés  des  autres  troupes ,  oc  vi- 
vans  fous  un  étendard  particulier,  vexillum 
vsteranorurn  ,  ils  attendoient  qu'il  plût  à 
l'empereur  de  les  renvoyer  avec  la  récom- 
penfe  qui  leuravoit  été  folemnellement  pro- 
mife;  &  c'étoit  le  fécond  degré  qu'ils  appel- 
XçnempUna  mijjîo.  Augufte  y  avoit  attaché 
une  récompenlè  certaine  &:  réglée,  foit  en 
argent,  foit  en  fonds  de  terre,  pour  empê- 
cher les  murmures  &:  les  féditions.  Mém.  de 
racad.  tom.  If^.{G) 

Congé  ,  (  Jurlfpr.  )  fignifie  quelquefois 
décharge ,  renvoi  ;  quelquefois  il  figniiie/'er- 
mijjlon;  quelquefois  auffi  il  fignifie  une  pro- 
cédure faite  pour  avertir  un  locataire  de 
Jonir  dans  le  temps  qui  efi  indiqué. 

Congé  d'adjuger,  eft  un  jugement 
portant  qu'un  bien  faifi  réellement  fera 
vendu  &  adjugé  par  décret  quarante  jours 
après  ce  jugement.  Lorfque  les  criées  font 
faites ,  Se  que  les  oppofitions  à  fin  d'annuller 
&  de  charge  ,  s'il  y  en  a ,  ont  été  jugées , 
on  obtient  le  congé  d'adjuger-^  cela  s'ap- 
pelle interpofer  le  congé  d'adjuger.  Au  par- 
lement &  aux  requêtes  du  palais  on  ne 
reçoit  plus  d'oppofition  à  fin  d'annuller , 
de  dirtraire,  ou  de  charge  ,  après  le  congé 
d'' adjuger  :  il  faut  que  la  fa i fie  réelle  foit 
enrégiilrce  un  mois  avant  l'obtention  du 
congé  d'' adjuger  ;  autrement,  &  faute  d'a- 
voir fait  cet  enrégiftrement  dans  le  temps 
qui  vient  d'être  dit,  un  privilégié  pourroit 
,  évoquer  la  faifie  réelle  aux  requêtes  du  pa- 
lais ,  nonobfiant  l'interpofition  du  congé 
d'adjuger.  Quoique  le  jugement  qui  l'ac- 
corde permette  d'adjuger  quarante  jours 
après,  Tadjudicanon  ne  fe  fait  que  fauf 
quinzaine  ,  &  après  cette  quinzaine  on 
accorde  encore  quelquefois  plufieurs  remi- 
{qs  ,  fuivantque  le  bien  paroît  porté  plus  ou 
moins  à  fa  valeur. 


CON  917 

Congé  faute  de  coNctuRF. ,  eftun 
défaut  qui  fe  donne  contre  l'intimé,  faute 
par  fon  procureur  de  figner  l'appointement 
de  conclufion  dans  un  procès  par  écrit 
dans  le  temps  &c  en  la  manière  portée  par 
l'art.  /  r).  du  tic.  xj.  de  l'ordonn.  de  1667. 

Congé  de  Cour  ,  fignifie  reni'oi  de  la 
demande  ;  cour  eft  pris  en  cet  endroit  pour 
toute  jurifdi<flion  en  général. 

Congé  déchu  de  l'appel,  c'eft  le  dé"- 
faut  que  prend  l'intimé  à  l'audience  lorfque 
l'appeilant  ne  fe  préfente  pas. Le  terme  congé 
fignifie  que  l'intimé  eft  renvoyé  de  l'inti- 
mation ;  &  décliu  de  l'appel .,  que  l'appeilant 
eft  déchu  de  fon  appel  ;  ce  qui  emporte  la 
confirmation  de  la  fentence. 

CONGÉFAUTE  DE  VENIR  PLAIDER,  eft 

un  défaut  qui  fe  donne  à  l'audience  au  dé- 
fendeur contre  le  demandeur  qui  ne  compa- 
roit  pas,  ni  perfonne  pour  lui.  Ce  congé 
emporte  décharge  de  la  demande. 

Congé  faute  de  se  présenter,  eft 
un  ad:e  délivré  au  procureur  du  défendeur 
fur  le  regiftre  des  préfentations ,  contre  le 
demandeur  qui  ne  fe  préfente  pas  dans  les 
délais  portés  par  l'ordonnance. 

Congé  d'entrée,  eft  un  acquis  que  les 
commis  des  aides  délivrent ,  à  l'effet  de  pou- 
voir enlever  des  vins  ou  autres  marchandi- 
(ts ,  &  les  faire  entrer  dans  une  ville  fujette 
aux  droits  d'aides. 

Congé  de  rExMUAGE  ,  eft  une  permif- 
fion  que  l'on  prend  au  bureau  des  aides  pour 
tranfporter  des  vins  d'un  lieu  à  un  autre  ; 
fans  ce  congé ,  les  vins  &  la  voiture  qui 
les  tranfporte  ,  pourroient  être  faifis  & 
confifqués. 

Congé  ,  en  fait  de  marine  ,  eft  une  per- 
miffion  de  l'amiral ,  ou  de  ceux  qui  font 
par  lui  prépofés ,  de  mettre  des  vaiflTeaux 
&  autres  batimens  de  mer  à  la  voile  ,  après 
que  la  vifite  en  a  été  faite ,  &  qu'il  ne  s'y 
eft  rien  trouvé  en  contravention.  Suivant 
l'ordonnance  de  la  marine ,  aucun  navire 
ne  peut  fortir  des  ports  du  royaum.e  pour 
aller  en  mer  fans  prendre  un  congé  de  l'a- 
miral ,  qui  doit  être  enrégiftré  au  greffe  de 
l'amirauté.  Ce  congé  doit  contenir  le  nom 
du  maître,  celui  du  navire,  fon  port,  fa 
charge,  le  lieu  de  fon  départ,  &  celui  de 
fa  deftination. 

CoN&£ ,  en  fait  d(  louage ,  eft  une  décla-j 


5i8  C  ON 

ration  que  le  propriétaire  ou  le  principal 
locataire  d'une  maifon  ,  ferme  ,  ou  autre 
héritage,  fait  à  un  locataire  ou  à  un  fous- 
locataire,  fermier  ou  fous-fermier,  qu'il  ait 
à  vuicler  les  lieux  pour  le  terme  indiqué  par 
ladite  déclaration. 

On  appelle  auffi  <:on^/ la  déclaration  que 
celui  qui  occupe  les  lieux  fait  au  propriétaire 
ou  principal  locataire  ,  qu'il  entend  fortir  à 
un  tel  terme. 

Le  congé  y  foit  de  la  part  du  bailleur  ou 
de  la  part  du  preneur  ,  doit  être  donné 
quelque  temps  d'avance  ;  &  ce  temps  eft 
différent  ,  félon  l'importance  de  la  loca- 
tion ,  afin  que  chacun  ait  le  temps  de  fe 
pourvoir. 

Pour  un  logement  dont  le  prix  eft  au- 
deffous  de  200  livres ,  il  fumt  de  donner 
congé  Ç\\  femaines  avant  le  terme  avant  le- 
quel on  veut  fortir  ou  faire  fortir. 

Si  le  bail  eft  de  200  livres  &  au-deffus  , 
il  faut  que  le  congé  foit  donné  trois  mois 
.d'avance. 

Si  c'eft  \ine  maifon  entière ,  ou  une  por- 
tion de  maifon  avec  boutique ,  il  faut  donner 
congéHx  mois  d'avance. 

Pour  une  ferme  de  campagne,  le  congé 
idoit  être  donné  un  an  d'avance. 

Un  congé  donné  verbalement  ne  fuffit 
pas  ,  (i  on  l'accepte  à  l'amiable  ,  il  faut  en 
faire  un  écrit  double;  fi  on  refufe  de  l'ac- 
x:epter,  il  faut  le  faire  fignifier  par  un  huif- 
iier ,  avec  affignation  devant  le  juge  du  do- 
jnicile  pour  le  voir  déclarer  valable  pour  le 
terme  indiqué. 

Quand  il  y  a  un  bail  par  écrit,  il  n'eft  pas 
.jîécefTaire  de  donner  congé  à  la  fin  du  bail , 
parce  que  l'expiration  du  bail  tient  lieu  de 
congé  :  mais  fi  le  preneur  continue  à  jouir 
j)ar  tacite  léconduftion  ,  alors  pour  le  faire 
l'ortir  il  faut  un  congé,  Voy.  Bail  TACITE , 
RÉCONDUCTION. 

Congé  DU  Seigneur, eft  la  permiffion 
flue  le  feigneur  donne  à  ion  vaftal  ou  à  fon 
renfitaire  ,  de  difpofer  d'un  héritage  qui  eft 
^nouvant  de  lui.  {AJ 

Congé  ,  (  Comm.  )  eft  encore  une  licence 
ou  une  permiffion  qu\in  prince,  ou  {q%  offi- 

■ciers  en  fon  nom  donnent  &:  accordent 
à  quelques  particuliers  de  faire  un  com- 

•^erce  qui  eft  interdit  aux  autres ,  tels  que 


C  O  N 

font  dans  le  Canada  les  congés  pour  la  traite 
du  caftor. 

Ces  congés  pour  faire  la  traite  avec  deux 
canots  ,  &  dont  le  roi  s'eft  réfervé  vingt- 
cinq  par  an  en  faveur  des  vieux  officiers 
ou  pauvres  gentilshommes  du  Canada  ,  aux- 
quels ils  font  diftribués  par  le  gouverneur 
général ,  durent  un  an  :  celui  qui  en  obtient 
\m  peut  le  faire  valoir  lui-même  ,  ou  le  cé- 
der à  un  autre  pour  le  faire  valoir  fous  fon 
nom;  &  leur  prix  ordinaire  ,  quand  on  les 
vtx\à. ,  eft  de  6co  écus.  Trévoux ,  Ckambers 
&  Dicllon.  du  com. 

Congé  AU  menu,  (Cowm.)  on  nomme 
ainfi  à  Bordeaux  les  permiflions  données 
aux  marchands  par  les  commis  des  grands 
bureaux  àç.s,  fermes  du  roi, pour  faire  char- 
ger fur  les  vaiffeaux  qui  font  en  chargement 
des  marchandifes  en  détail. 

Congé  ,  ÇComm.)  fe  dit  pareillement 
dans  les  communautés  des  arts  &:  métiers  , 
des  permiflions  par  écrir  que  les  garçons 
&  compagnons  font  tenus  de  prendre  0^^% 
maîtres  chez  qui  ils  travaillent  lorfqu'ils  en 
fortent,  pour  juftifier  que  c'eft  de  leur  bon 
gré  qu'ils  les  quittent,  que  le  temps  pour 
lequel  ils  fe  font  engagés  chez  eux  eft  fini , 
&  que  les  ouvrages  qu'ils  ont  entrepris  font 
faits  ;  &  défenfes  faites  aux  autres  maîtres, 
fous  peine  d'amende  ,  de  recevoir  les  com-» 
pagnons  fans  ces  congés.  Dicîionnaire  de 
Comm.  (G) 

Congé  Ç aller  au  J  ,  ckei  les  rubanicrs 
&  autres  artifans.  Lorsqu'un  maître  prend 
un  nouvel  ouvrier ,  il  eft  obligé  d'aller  chez 
celui  d'où  l'ouvrier  fort ,  s'informer  du  fujet 
du  départ  de  l'ouvrier,  favoir  s'il  n'eft  pas 
dû  au  maître  qu'il  quitte ,  s'arranger  au 
gré  de  tous  trois  pour  le  paiement ,  re- 
lativement au  temps  qu'il  le  gardera  :  fans 
cette  précaution,  le  maître  prenant  un  nou- 
vel ouvrier  fe  trouveroit  chargé  &c  refpon- 
fable  ,  en  fon  propre  &  privé  nom  ,  de  tout 
ce  qu'il  peut  devoir  au  précédent  maître  qu'il 
a  quitré,  depuis  le  dernier  chez  qui  l'on  a  été 
au  con^é. 

CONGÉABLE  ,  {Jurifpr.)  Foye^  I>o- 
MAINE  CONGÉABLE. 

CONGÉDIER ,  (  Vénerie.)  V.  Aban- 
donner. 

CONGÉLATION,  f.  f.  {Phyjîque.)c\h 
la  fixation  d'un  fluide ,  ou  la  privation  de 


C  O  N 

<à  nloViUté  naturelle  par  Taftion  du  froid  ; 
ou  enfin  c'eft  le  changement  d'une  fubftance 
fluide  en  un  corps  concret ,  folide  &  dur  , 
qu'on  appelle  glace.  VoycT^  Glace  & 
Froid. 

Les  Carréfiens  défînifient  la  congélation  , 
le  repos  ou  l'immobilité  d'un  fluide  durci 
par  le  froid.  Cette  définition  fuit  allez  natu- 
rellement de  l'idée  qu'ils  ont  ck  la  fluidité , 
puifqu'ilsfuppofent  que  c'eft  le  mouveinent 
continuel  des  parties  du  fluide  entr'elles  qui 
la  conftitue.  f^oye-^  Fluide. 

En.  effet ,  l'opinion  de  ces  philofophes 
fur  la  congélation  efl,  que  l'eau  ne  fe  con- 
gelé que  parce  que  fes  parties  perdent 
leur  mouvement  naturel,  &  adhèrent  for- 
tement les  unes  avec  les  autres.  VoycT^ 
Solidité. 

Les  principaux  phénomènes  de  la  congé- 
lation font  i*^.Qae  l'eau  &  tous  les  fluides, 
excepté  l'huile  ,  fe  dilatent  en  fe  congelant, 
c'efl-à-dire  ,  qu'ils  occupent  plus  d'efpace, 
&  qu'ils  font  fpécifiquement  plus  légers 
qu'auparavant. 

L'augmentation  du  volume  de  l'eau  par 
la  congélation  fournit  matière  à  beaucoup 
d'expériences;  &  il  efl  à-propos  d'exami- 
ner ici ,  &  de  fuivre  la  nature  dans  cette 
opération. 

Le  vaifTeau  B  D  ÇPl.  de  Pneiim.  fig. 
ao.)  remp'i  d'eau  jufqu'à  E  ,  étant  plongé 
dans  un  vale  où  il  y  ait  de  la  glace  mêlée  avec 
du  fel  R  ST  V,  l'eau  s'élève  d'abord  de 
£  jufqu'en  F;  ce  qui  paroi  t  venir  de  la  con- 
denfation  fubire  du  vaiffeauqui  a  été  promp- 
tement  plongé  dans  un  milieu  froid  :  bien- 
tôt après  l'eau  fe  condenfe  à  fon  tour,  &: 
defcend  continuellement  de  F  jufqu'à  ce 
qu'elle  foit  en  G,  où  elle  s'arrête  pendant 
quelque  temps  ;  mais  bientôt  elle  reprend 
des  forces ,  venant  à  fe  dilater,  elle  s'élève 
de  G  en  H;  de  là  bientôt  après  ,  parun  vio- 
lent mouvement ,  elle  s'élève  en  I;  & 
alors  l'eau  paroit  en  jff  toute  trouble  ,  ref- 
iemblant  à  un  nuage ,  &  c'efl  alors  qu'elle 
commence  à  fe  congeler,  &  fe  convertit  en 
glace.  Il  faut  ajouter  que ,  pendant  que  la 
glace  fe  durcit  de  plus  en  plus ,  &  qu'une 
partie  de  l'eau  contiguëau  cou  du  vaifîéau  j9 
fe  congelé  ,  l'eau  continue  toujours  à  s'éle- 
ver de/  vers  Z?,  &  elle  s 'écoule  enfin  du 
vaiffeau  qui  la  conterwit. 


CO  N  ^ip 

l".  Que  non-feulement  les  fluides  per- 
dent de  leurpefanteur  fpécifique  dans  la  con- 
gélation, mais  qu'ils  perdent  auffi  de  leur 
poids  abfolu  ;  de  forte  qu'après  qu'ils  font 
dégelés  on  les  trouve  fenfiblement  plus  légers 
qu'avant  leur  congélation  ;  ce  qui  peut  venir 
de  leur  diffipation ,  parce  qu'il  y  a  lieu  de 
croire  qu'il  fe  fait  une  efpece  de  tranfpiration 
même  des  corps  glacés. 

3^.  Que  l'eau  glacée  n'efl  pas  auffi  tranf- 
parente  que  quand  elle  efl  fluide ,  &c  que  les 
corps  fe  voient  moins  nettement. 

4^.  Que  l'eau  s'évapore  prefqu'autant 
quand  elle  efl  glacée ,  que  quand  elle  eft 
fluide. 

5^.  Que  l'eau  ne  fe  congelé  point  dans  le 
vuide ,  6c  qu'elle  demande  pour  fe  glacer  la 
préfence  &  le  conta(fl:  immédiat  de  l'air. 

6^.  Que  l'eau  bouillie  &:  refroidie  fe  con- 
gelé aiifli  vite  que  celle  qui  n'a  pas  bouilli. 

7''.  Que  quand  la  furface  de  l'eau  efl  cou- 
verte d'huile  d'olive  ,  elle  ne  fe  congelé  pas 
fi  promptemenî  que  quand  il  n'y  en  a  point  *, 
ôc  que  l'huile  de  noix  l'empêche  de  fe  glacer 
à  un  froid  violent,  ce  que  l'huile  d'olive  ne 
feroit  point. 

8^.  Que  Tefpritde  vin  ,  l'huile  de  noix  , 
&  l'huile  de  térébenthine  ,  fe  congèlent  ra- 
rement. 

9°.  Que  la  furface  de  l'eau  qui  fe  congelé 
paroît  toute  ridée  ;  que  ces  rides  font  quel- 
quefois parallèles ,  ik  d'autres  fois  comme 
des  rayons  qui  viennent  d'un  centre ,  &C^ 
tendent  à  la  circonférence. 

Les  théories  îk  les  hypothefes  différentes 
par  lefquelles  on  explique  ce  phénomène 
font  en  grand  nombre  :  les  principes  que  dif- 
férens  auteurs  ont  pofés  là-deffus  fe  rédui- 
Çenx  à  ceux-ci  ;  fa  voir ,  ou  que  c'efl  quelque 
matière  étrangère  qui  s'introduit  dans  les 
interfiices  du  fluide  ,  &  que  par  fon  moyen 
le  fluide  fe  fixe  &  augmente  de  volume,  &c^ 
ou  que  quelque  matière  naturellement 
connue  dans  le  fluide  en  eft  chaffée  ,  &  que  - 
le  fluide  efl  fi'ié  par  la  privation  de  cette 
matière ,  &c. 

Selon  d'autres,  c'efl  une  altération  qui 
arrive  aux  particules  qui  compofent  le 
fluide  ,  ou  d'autres  parties  que  le  fluide 
contient. 

Tous  les  fyftêmes  connus  fur  la  congéla-^- 
tion  p,euvent  fe  réduire  à  queiques-uns  de- 


9iO  C  O  N 

ces  principes  :  les  Cartéfiens  qui  l'attribuent 
au  repos  des  parties  du  fluide  qui  étoient  au- 
paravant en  mouvement ,  expliquent  la  con- 
gélation par  la  matière  fubtile  qui  s'échappe 
de  dedans  les  pores  de  l'eau;  ils  loutiennent 
que  c'eft  l'aclivité  de  cette  matière  éthérée 
ou  fubtile  qui  mettoit  auparavant  en  mouve- 
ment les  particules  des  fluides  ,  &  que  dès 
que  cette  matière  s'échappe  il  n'y  a  plus  de 
fluidité. 

Quelques  autres  phllofophes  de  la  même 
fefte  attribuent  le  changement  de  feau  en 
glace  ,  à  une  diminution  de  la  force  &  de 
Tefficaciré  ordinaire  de  la  matière  fubtile, 
eau  fée  par  le  changement  delà  température 
de  l'air;  car  cette  matière  fubtile  ainfi  alté- 
rée ,  n'aura  plus  aflez  d'énergie  pour  mettre 
en  mouvement  les  parties  du  fluide  comme 
de  coutume. 

Lqs  Gafl!endifl:es  Si  les  autres philofophes 
corpufculaires,  attribuent  avec  aflez  peu  de 
clarté  la  congélation  de  l'eau  à  l'introduâiion 
d'une  multitude  de  particule!»  frigori^ques , 
qui  s'introduifant  en  foule  dans  le  fluide  ,  & 
s'y  difl:ribuant  de  tous  côtés ,  s'infinuent  dans 
les  plus  petits  interflices  quife  trouvent  entre 
les  particules  de  l'eau ,  empêchent  leur 
mouvement  accoutumé,  &  les  fixent  en  un 
corps  dur  &  folide  qu'on  appelle  glace,  C'eft 
de  l'introduftion  de  ces  particules  que  vient 
l'augmentation  du  volume  de  l'eau,  ôc  fon 
plus  grand  froid ,  &c. 

Ils  fuppofent  cettej^ntrodudiondes  parti- 
cules frigorifiques  elientieile  à  la  congéla- 
tion^ comme  ce  qui  la  caradérife  &  la 
diftingue  de  la  coagulation  :  la  dernière  eft 
produite  indifféremment  par  un  mélange 
chaud  ou  froid,  tandis  que  la  première  ne 
doit  fon  origine  qu'à  un  mélange  froid.  Voy. 

COAGULATIOM. 

Il  eft  fort  diflicile  de  déterminer  de  quel 
genre  font  les  parties  frigorifiques ,  &  de 
quelle  manière  elles  produifent  leur  effet  : 
c'eft  aufli  cette  difliculté  qui  a  fait  produire 
plufieurs  fyftêmes. 

Quelques  -  uns  ont  dit  que  c'étoit  l'air 
commun  qui  dans  la  congélation  s'introdui- 
foit  dans  l'eau ,  &  qui  s'embarraflx)it  avec  les 
particules  de  ce  fluide ,  empêchoit  leur 
mouvement ,  &  formoit  cette  quantité  de 
bulles  qu'on  apperçoit  dans  la  glace  ;  que 
de  cette  façon  il  augmentoit  le  volume  de 


C  O  N 

l'eau,  &  par  ce  moyen  la  rendoit  fpécifi- 
quement  plus  légère.  Mais  M.  Boyle  a  com- 
battu cette  opinion ,  en  prétendant  que  l'eau 
gele  dans  les  vaifleaux  fermés  hermétique- 
ment ,  &  dans  lefquels  l'air  ne  peut  aucune- 
ment s'introduire;  cependant  il  y  a  autant 
de  bulles  que  dans  celle  qui  s'eft  congelée  en 
plein  air  :  il  ajoute  que  l'huile  fe  condenfe 
en  fe  gelant  ;  d'où  il  conclud  que  l'air  ne 
peut  point  être  la  caufe  de  fa  congélation. 

D'autres ,  ôc  c'eft  le  plus  grand  nombre, 
veulent  que  la  matière  de  la  congélation  foit 
un  fel ,  foutenant  qu'un  froid  exceflîf  peut 
bien  rendre  les  parties  de  l'eau  mobiles ,  mais 
qu'il  ne  fe  formera  jamais  de  glace  fans  fel. 
Les  particules  falines,  difent-ils  ,  diffbutes 
Si  combinées  dans  une  jufte  proportion,  font 
la  caufe  principale  de  la  congélation  ,  car  la 
congélation ,  a  beaucoup  de  rapport  avec  la 
cryftallifation.    V,    CrystallisATION. 

Ils  fuppofent  que  ce  fel  eft  du  genre  du 
nitre  ,  &;  que  l'air  chargé  ,  comme  tout  le 
monde  en  convient ,  d'une  grande  quantité 
de  nitre ,  fournit  ce  fel. 

11  eft  très-facile  d'expliquer  comment  les 
particules  du  nitre  peuvent  faire  perdre  à 
l'eau  fa  fluidité.  On  fuppofe  que  les  parti- 
cules de  ce  fel  font  des  aiguilles  roides  & 
pointues  ;  qu'elles  entrent  facilement  dans 
les  parties  ou  globules  de  l'eau  ;  ces  parti- 
cules ainfi  hériflfées  de  pointes  venant  à  fe 
mêler,  elles  s'embarraflfent  les  unes  dans^ 
les  autres,  leur  mouvement  diminue  peu  à 
peu ,  &:  il  fe  détruit  enfin  totalement. 

Cet  effet  n'eft  produit  que  dans  le  plus 
fort  de  l'hiver  :  en  voici  la  raifon  ;  c'eft  que 
dans  ce  teiTjps  les  pointes  du  nitre  ,  qui  agif- 
fent  pour  diminuer  le  mouvement ,  ont  plus 
de  force  que  la  puiffance  ou  le  principe  qui 
met  les  fluides  en  mouvement,  ou  qui  les 
difpofe  à  fe  mouvoir.  V.  Fluide. 

L'expérience  ii  connue  de  la  gîace  arti- 
ficielle confirme  cette  opmion.  On  prend  du 
falpétre  commun  ,  on  le  mêle  avec  de  la 
neige  ou  de  la  glace  pilée ,  on  fait  fondre  ce 
mélange  fur  le  feu  ,  en  plongeant  une  bou- 
teille pleine  d'eau  dans  ce  mélange  ;  tandis 
qu'il  fe  fond,  l'eau  contenue  dans  la  bou- 
teille contiguë  à  ce  mélange  fe  congèlera  , 
quand  même  on  feroit  l'expérience  dans  un 
air  chaud.  On  conclut  de  cette  expérience, 
que  les  pointes  du  fel  >  par  la  pefanteur  du 

mélange 


C  O  N 

wêlange  Se  de  ratmofphere ,  fontîntro-i 
duites  dansTeau  à  travers  despores  du  verre. 
Il  paroît  évident  que  cet  effet  eft  unique- 
ment dû  au  Tel,  puifque  nous  fommes  affû- 
tés que  les  particules  d'eau  ne  peuvent  point 
pafferpar  les  pores  du  verre.  Dans  les  co/z^^- 
lations  artificielles,  à  quelque  endroit  qu'on 
applique  le  mélange,  foit  au  fond,  aux  côtés 
ou  vers  la  furface  de  Peau  contenue  dans  le 
verre,  il  s'y  formera  une  petite  lame  de 
glace.  Ce  phénom.ene  fuit  de  ce  qu'il  y  a 
toujours  dans  tout  le  mélange  une  fuffifante 
quantité  de  particules  falines,  capable  d'em- 
pêcher l'aélion  delà  matière  ignée,  au  lieu 
que  dans  les  congélations  naturelles,reau  doit 
ie  congeler  à  fa  furface,  parce  que  les  parti- 
cules falines  y  font  en  plus  grande  quantité. 

L'auteur  de  la  nouvelle  conjecture  pour  ex- 
pliquer la  nature  de  la  glace  ,  fait  plufieurs 
objeélions  contre  ce  fyfféme.  Il  ne  paroît 
point,  dit-il,  que  le  nitre  entre  dans  la 
compoiîtion  de  la  glace  ;  car  fi  cela  étoit , 
on  rendroit  difficilement  raifon  des  princi- 
paux phénomènes.  Comment  ,  par  exem- 
ple, les  particules  du  nitre  ens'introduifant 
dans  les  pores  de  l'eau,  &  en  fixant  toutes 
fes  parties ,  pourroient-elles  augmenter  le 
volume  de  ce  fluide  &:  le  rendre  fpécifique- 
raent  plus  léger  qu'il  n'étoit  auparavant  ? 
elles  devroient  au  contraire  naturellement 
augmenter  fon  poids.  Cette  difficulté,  jointe 
à  quelques  autres,  fait  fentir  la  néceffité 
d'une  nouvelle  théorie.  L'auteur  propofe 
<lonc  la  fuivante ,  qui  paroît  fatisfaire  à  l'ex- 
plication des  phénomènes  d'une  façon  qui 
paroît  d'abord  beaucoup  plus  facile  &  beau- 
coup plus  fimple  :  elle  efl:  indépendante  de 
cette  nitroduclion  &  expulfion  de  matières 
étrangères. 

L'eau  ne  fe  congelé  que  pendant  l'hiver , 
parce  qu'alors  {t%  parties  plus  intimement 
unies  enfemble  s'embarraffent  réciproque- 
ment l'une  &c  l'autre ,  &:  perdent  le  mouve- 
ment qu'elles  avoient  auparavant.  L'air ,  ou 
pour  mieux  dire,  l'altération  de  fon  élaftici té 
&  de  fa  force ,  font  la  caufe  de  fonunion  plus 
étroite  aux  particules  de  l'eau.  L'expérience 
démontre  qu'il  y  a  une  quantité  prodigieule 
d'air  groffier  répandu  entre  les  globules  de 
l'eau  :  on  convient  que  chaque  particule 
d'air  a  une  vertu  élaftique.  L'auteur  foutient 
que  les  petits  reffbrts  de  l'air  groffier  qui  eft 
Tome   VllL 


C  o  N  9îT 

mêlé  avec  l'eau,  font  beaucoup  plus  forts 
&  beaucoup  plus  tendus  dans  Phiver  que 
dans  tout  autre  temps.  Quand  d'un  côté  ces 
reffbrts  viennent  à  fe  débander,  tandis  que 
de  l'autre  l'air  continue  à  pefer  fur  la  furface 
de  l'eau,  les  parties  de  l'eau  preffées  &  rap- 
prochées les  unes  des  autres  par  cette  dou- 
ble force,  perdront  leur  fluidité  &  forme- 
ront un  corps  folide  ,  qui  reffera  tel  jufqu'à 
ce  que  les  petits  reffbrts  de  l'air,  relâchés 
par  une  augmentation  de  chaleur ,  permet- 
tent aux  parties  du  fluide  ,  d;.'  reprendre  leurs 
premières  dimenfions ,  &:  îaiffent  affez  d'ef- 
pace  entre  les  globules  du  fluide  pour  qu'ils 
puiffent  fe  mouvoir  entr'eux.  Mais  ce  fyf- 
téme  a  fon  foible ,  &ie  principe  fur  lequel 
il  efl:  fondé  peut  être  démontré  faux.  Le  froid 
n'augmente  point  le  reffort  ni  l'élafliicité  de 
l'air,  au  contraire  il  les  diminue.  L'air  fe 
raréfie  parla  chaleur,  &  fe  condenfe  parle 
froid;  &  il  efl:  démontré  en  aérométrie  , 
que  la  force  élaftique  de  l'air  raréfié  ,  eft  à 
la  force  de  ce  même  air ,  qui  eft  dans  un  état 
de  condenfation,  comme  fon  volume  quand 
il  eft  raréfié,  eft  à  fon  volume  quand  il  eft 
condenfe.  Voyei  ÉLASTICITÉ  &  AiR. 

Je  ne  fais  pas  fi  c'eft  trop  la  peine  de  faire 
mention  de  l'hypothefede  quelques  auteurs, 
dans  laquelle  ils  expliquent  d'où  vient  l'aug- 
mentation du  volume  &  la  diminution  de  la 
gravité  fpécifique  de  l'eau  convertie  en  glace, 
ils  foutiennent  que  les  particules  de  l'eau 
dans  leur  état  naturel  approchent  de  la  figure 
cubique ,  6c  qu'ainfi  il  n'y  a  que  très-peu 
d'interftices  entre  les  parties  des  fluides  ; 
mais  que  ces  petits  cubes  font  changés  par  la 
congélation  en  autant  de  fpheres ,  qui  laiflent 
entr'elles  beaucoup  d''efpace  vuide.  Les  par- 
ticules cubiques  font  certainem.ent  beaucoup 
moins  propres  à  conftituer  un  fluide ,  que  les 
particules  fphériques;de  même  que  les  par- 
ticules fphériques  font  bien  moins  difpofées 
à  former  un  corps  folide  que  ne  le  font  les 
cubiques  ;  c'eft  ce  que  la  nature  de  la  fluidité 
&  de  la  folidité  nous  fuggere  affez  faci- 
lement. 

Au  fond,  pour  nous  faire  une  théorie  de 
la  congélation ,  nous  devons  recourir ,  foit 
aux  particules  frigorifiques  des  philofophes 
corpufculaires ,  confidérées  fous  le  jour  & 
avec  tous  les  avantages  que  leur  a  donné  la 
philofophie  de  Newton ,  foit  à  la  matière 
Zzzzz 


5)21  C  O  N 

fubtile  des  Cartéfiens ,  avec  tous  les  correc- 
tifs de  M.  Gauteron,  dans  les  mémoires  de 
Vacaiémle  royale  des   Sciences   ,    année 

Nous  joindrons  ici  l'un  &  l'autre  fyftême , 
pour  iaifîer  au  iefteur  la  liberté  du  choix. 
Je  commence  par  le  premier.  Lorfqu'une 
quantité  de  particules  frigorifiques  &  (alines 
s'eft  introduite  par  les  pores  entre  les  glo- 
bules de  l'eau  ,  elles  peuvent  être  fi  pro- 
ches les  unes  des  autres  ,  qu'elles  fe  trou- 
vent dans  leur  fphere  d'attraâion:  il  fuivra 
de-là  que  les  parties  cohéreront  enfemble 
&  formeront  un  corps  folide  jufqu'à  ce  que 
la  chaleur  les  fépare,  les  agite,  rompe  leur 
union  &  les  éloigne  affez  l'une  de  l'autre 
pour  qu'elles  ne  (oient  plus  dans  la  fphere 
d'attradion  y  mais  pour  qu'elles  foicnt  au 
contraire  expofées  à  la  force  expullive ,  & 
qu'alors  l'eau  reprenne  fa  fluidité.  Il  paroît 
probable  que  le  froid  &  la  gelée  doivent 
leur  origine  à  leur  fubftance  faline  naturelle 
qui  nage  dans  l'air  ;  en  effet  tous  les  fels, 
&  particuliérementquelques-uns  mêlés  a^ec 
de  la  neige  ou  de  la  glace ,  augmentent con- 
fidérablement  la  force  64  \ts  effets  du  froid. 
On  peut  ajouter  que  tous  les  corps  falins 
donneur  de  la  roideur  &:  de  la  rigidité  aux 
parties  des  corps  dans  lefquelles  ils  font  in- 
troduits. 

Les  obfervations  qu'on  a  faites  fur  les  fels 
avec  les  microfcopes  ,  font  voir  que  les  par- 
ticules de  quelques  fels  ,  avant  qu'ils  foient 
réduits  en  un  corps  folide ,  paroiffent  très- 
fines  ,  ôi  ont  la  figure  de  petits  coins  ;  c'eft 
pourquoi  elles  fefoutiennent  dans  l'eau  lorf- 
qu'elles  font  élevées  ,  quoiqu'elles  foient 
fpécifiquement  plus  pefaniesque  l'eau. 

Ces  petites  pointes  des  fels  introduites  dans 
les  pores  de  l'eau ,  &:  qui  font  en  quelque 
manière  foutenues  par  ce  moyen, même  dans 
l'hiver  (  quand  la  chaleur  du  foleil  n'a  pas 
affez  de  force  pour  tenir  les  fels  fufpendus 
-<ians  le  fluide  ,  pour  émouffer  leurs  pointes 
ou  pour  les  entretenir  dans  un  mouvement 
continuel  );  ces  petites  pointes  ,  dis-je  , 
venant  à  perdre  leur  arrangement  &  deve- 
nant plus  libres  de  s'approcher  les  unes  des 
autres  ,  elles  forment  alors  des  cryftaux  de 
la  manière  que  nous  l'avons  expliqué  ci- 
defîus,  qui  s'introduifant  par  leurs  extré- 
mités dans  les  plus  j)etites  parties  de  l'eau  ,, 


CO  N 

la  convertiflfent  de  cette  façon  en  un  corps 
folide  ,  qui  eft  la  glace. 

Outre  cela,  il  y  a  encore  une  grande 
quantité  de  particules  d'air  difperfées  çà  & 
là  ,  tant  dans  les  pores  des  particules  de  l'eau, 
que  dans  les  interftices  formés  par  les  glo- 
bules fphériques.  Les  particules  falines  s'in- 
troduifant dans  les  particules  d'eau  ,  en  chaf- 
fent  les  petites  bulles  d'air ,  celles-ci  s'unif- 
fant  plufieurs  enfemble,  forment  un  plus 
grand  volume  &  acquièrent  par  cette  union 
une  plus  grande  force  d'expanfionque  quand 
elles  étoient  difperfées.  De  cette  façon  elles 
augmentent  le  volume,  &  diminuent  la  pe- 
fanteur  fpécifique  de  l'eau  convertie  en 
glace. 

Nous  pouvons  concevoir  delà  comment 
l'eau  imprégnée  de  foufre  ,  de  fels  &:  de 
terre,  qui  ne  fe  diffolvent  que  difficilement  , 
peut  être  changée  en  métaux  ,  minéraux  ,. 
gommes  &  autres  foffiles  ;  les  parties  de  ces 
diflferens  mixtes  formant  avec  l'eau  une  ef- 
pece  de  ciment ,  en  s'introduifant  dans  les 
pores  des  particules  de  l'eau  ,  fe  trouvent 
changées  en  différentes  fubftances.  Voye:;^ 
Sel  &  Eau. 

Quant  au  fécond  fyfiême ,  comme  on 
fuppofe  que  la  matière  éthérée  eft  générale- 
ment la  caufe  du  mouvement  des  fluides 
(roje^ÉTHER),  &  que  Tair  ne  doit  fon 
mouvement  qu'à  ce  même  principe,  il  fuit 
de-là  que  tous  les  fluides  doivent  refter  dans 
un  état  de  repos  &  de  fixité  ,  lorfque  cette 
matière  fubnle  perd  la  force  qu'elle  doit 
avoir.  Par  conféquent  l'air  étant  moins 
échauffé  dans  l'hiver  à  caufe  de  l'obliquité 
des  rayons  du  foleil,  ilefl  piusdenfe  &:plus 
fixe  dans  ce  temps  que  dans  toute  autre  fai- 
fon.  Outre  celaons'eff  convaincu  par  plu- 
fieurs expériences,  ^ue  l'air  contient  un  fel 
qu'on  fuppofe  être  de  la  nature  du  nitre. 
Cela  accordé,  &  fuppolàntla  condenfation 
de  l'air,  il  fuit  que  les  particules  du  nitre 
doivent  erre  napprochées  par  la  condenfa- 
tion de  Tair,  &  qu'au  conrraire  elles  doi- 
vent être  diviiées  &  éloignées  les  unes  ô.qs 
autres  par  fa  raréfàêtion  &i  l'a  grande  fluidité» 
Si  la  même  chofe  arrive  à  toutes  les  liqueurs 
qui  font  faouiées  ou  qui  tiennent  un  lel  en 
difiblution,  fi  la  chaleur  de  la  liqueur  tient 
le  fel  exaêlement  divifé,  fi  la  fraîcheur  d'une 
cave  ou  de  la  glace  fait  que  les  molécules 


CON 

d*un  fel  diiïbus  fe  rapprochent  les  unes  des 
autres ,  fe  réuniflent  plufieurs  enfemble  & 
forment  des  cryftaux  ;  pourquoi  l'air  qui  eft 
reconnu  pour  un  fluide ,  feroit-il  exempt 
de  la  loi  générale  des  fluides  ? 

Il  eft  vrai  que  le  nitre  de  l'air  étant  plus 
groflier  quand  il  eft  froid  que  quand  il  fait 
chaud  ,  devroit  perdre  fa  vîtefte  ;  maisauffi 
le  produit  de  fa  mafte  par  fa  vîtefte,  qui 
refte  la  même,  augmentant,  il  aura  un  plus 
grand  mouvement  ou  une  plus  grande  quan- 
tité de  mouvement.  Il  n'en  faut  pas  davan- 
tage pour  que  le  fel  agilTeavec  plus  de  force 
fur  les  parties  des  fluides.  C'eft  aufll  proba- 
blement pour  cette  raifon  que  l'évaporation 
eft  fi  confidérable  dans  un  temps  de  gelée. 

Ce  nitre  aérien  doit  être  la  caufe  de  la 
concrétion  des  fluides  :  ce  n'eft  point  Pair 
ni  le  nirre  qu'il  contient  qui  donne  le 
nouveau  mouvement  aux  fluides  ,  puifque 
c'eft  la  matière  fubtile  :  donc  quand  cette 
matière  fubtile  perd  fa  force,  tout  le  fluide 
perd  en  même  temps  une  partie  de  fon 
mouvement. 

Mais  la  matière  éthérée,aflfezfoible  d'elle- 
même  dans  l'hiver ,  doit  de  nouveau  perdre 
beaucoup  de  fa  force,  agifl^ant  contre  un  air 
condenfé  &c  chargé  de  molécules  de  fel  aflTez 
confidérables  ;  elle  doit  donc  perdre  de  fa 
force  dans  le  temps  froid  ,  &:  pour  cela  elle 
a  moins  d'aptitude  à  entretenir  le  mouve- 
ment des  fluides  ;  en  un  mot  lorfqu'il  gelé , 
on  peut  regarder  l'air  comme  la  glace  im- 
prégnée de  fel ,  avec  laquelle  nous  faifons 
glacer  nos  liqueurs  en  été.  Probablement 
ces  liqueurs  fe  congèlent  à  caufe  de  la  dimi- 
nution du  mouvement  de  la  matière  éthérée 
par  fon  aélion  contre  la  glace  &  le  fel  mêlés 
enfemble  :  alors  l'air  malgré  fa  grande  cha- 
leur n'eft  point  en  état  d'empêcher  la  con- 
crétion. Chamhcrs.  (M) 

La  congélation  de  l'eau  diftillée  offre  des 
phénomenesfinguhers ,  qui  indiquentquela 
diftillation  produit  un  changement  notable 
dans  la  manière  avec  laquelle  les  particules 
<i'eau  &  d'air  font  entrelacées.  M.  de  Caf- 
tillon ,  profeffeur  à  Berlin,  fe  trouva  avoir 
par  hazard  deux  bouteilles  d'eau  dans  un 
laboratoire  ,  où  il  faifoit  quelques  expé- 
riences :  elles  gelèrent  toutes  deux  pendant 
l'hiver  ;  mais  il  fut  furprls  de  voir  les  figu- 
res qui  s'étoient  formées  dans  la  glace  de  la 


CON  925 

bouteille  d*eau  diftillée,  tandis  que  l'autre 
n'offroit  rien  de  finguher. 

On  voyoit  au  milieu  de  la  glace ,  un  gros 
noyau  folide  &  uni,  qui  avoit  à-peu-près 
la  figure  d'une  maflTue  ;  de  ce  noyau  partoient 
des  filets  par  étages ,  qui  s'étendoient  de 
tous  côtés ,  qui  étoient  régulièrement  in- 
clinés ,  &:  fuivoient  exaélement  la  convexité 
du  fond  de  la  bouteille  ;  ils  étoient  entre- 
mêlés de  petits  globules  d'air.  Il  y  avoit 
dans  le  même  endroit  d'autres  vafes  ouverts 
qui  contenoient  les  uns  de  l'eau  forte  ,  les 
autres  différentes  folutions  qui  répandoient 
une  odeur  aftez  forte  ,  enforte  qu'on  ne 
pouvoit  pas  douter  que  nombre  de  particu- 
les s'en  détachaflfent  &  ne  flottafîent  dans 
l'air.  Il  crut  que  ces  particules  avoient  peut- 
être  pénétré  l'eau  diftillée  qui  étoit  depuis 
long-temps  dans  ce  laboratoire ,  ou  que  ce 
mélange  s'étoit  fait  à  mefure  que  la  glace  fe 
formoit ,  &  que  cette  figure  fmguliere  ve- 
noit  de  là.  Pour  connoître  quelle  de  ces 
fuppofitions  avoit  lieu,  il  prit  ces  deux  bou- 
teilles ,  &  les  porta  dans  un  appartement 
chaud,  afin  de  faire  fondre  cette  glace;  ilex- 
pofaenfuite  l'une  &  l'autre  bouteille  au  froid 
pour  faire  geler  l'eau  derechef ,  mais  dans 
un  endroit  où  il  n'y  avoit  aucune  exhalai- 
fon  :  il  trouva  toujours  la  même  figure  fin- 
guliere  dans  la  congélation  de  l'eau  diftillée  \ 
tandis  que  celle  avec  l'eau  commune  n'a- 
voit  toujours  rien  de  particulier.  Il  reftoit 
à  favoir  fi  le  mélange  ne  s'étoit  pas  fait  à  la 
longue ,  puifqu'on  voyoit  clairement  par 
cette  expérience ,  qu'il  ne  s'étoit  pas  fait 
dans  le  temps  de  la  congélation.  Il  prit  pour 
cet  effet  de  l'eau  commune  nouvellement 
diftillée ,  qu'il  fit  geler ,  &  trouva  que 
la  congélation  de  cette  eau  donnoit  une  figure 
affez  femblable  à  celle  qui  s'étoit  formée  dans 
la  congélation  àt  l'eau  diftillée  depuis  long- 
temps, cependant  avec  cette  différence: 
les  filets  de  même  que  les  globules,  qui  fe 
trouvoient  dans  la  glace,  de  l'eau  nouvelle- 
ment diftillée  ,  étoient  plus  confidérables 
que  dans  la  plus  vieille.  Ces  filets  dans  la 
dernière  de  ces  congélations ,  paroiflbient 
partir  d'un  centre ,  &  non  pas  d'un  axe 
comme  dans  la  première.  Enfin  le  noyau 
étojt  très-petit  dans  la  congélation  à,Q  l'eau 
nouvellement  diftillée  ,  au  lieu  qu'il  étoit 
confidérable  dans  l'autre. 

Zzzzz  2 


P24  C  O  N 

Ces  différences  engagèrent  M.  J.  de  Caf- 
tlllon  à  examiner  la  naturedes  eaux  qu'il  avoit 
fait  geler  ^  &  voici  quel  en  fut  le  réfuitat. 
Il  trouva  que  l'eau  nouvellement  diftillée 
étoit  un  peu  plus  pefante  que  celle  q.uil'étoit 
depuis  long-temps  ,  &;  celle-ci  un  peu  plus 
pelante  que  l'eau  commune  ;  parce  que  la 
première  renferme  fous  un  même  volume 
plus  de  particules  d'eau  &  moins  de  parti- 
cules d'air  que  les  deux  fuivantes.  Et  quoi- 
que l'eau  diftillée  comienne  moins  d'air  que 
l'eau  commune  ,  elle  donne  cependant  une 
glace  qui  a  un  plus  grand  nombre  de  bulles 
d'air  que  l'autre  ;  parce  que  la  diftillation 
réduifant  l'eau  en  vapeurs,  dégage  les  parti- 
cules d'air  de  celles  d'eau ,  &  c'eft  fans 
doute  la  caufe  de  ces  fmgulïeres  congélaiions. 
11  obferve  encore  qu'il  ne  fuffit  pas  de  faire 
amplement  bouillir  l'eau  pour  produire 
une  telle  glace  ;  parce  que  ce  degré  de  cha- 
leur ,  quoique  aftez  violent ,  ne  fepare  point 
encore  l'air  de  l'eau ,  il  faut  pour  cela  la 
réduire  en  vapeurs  par  la  diftillation.  f^oye^ 
les  Mémoires  de  racadémie  desfciences  de 
Berlin,  pour  l'année  1762.  (+) 

Congélation  ,  en  Chy mie ^e{{ une  ef- 
pece  de  fixation  :  elle  fe  dit  du  changement 
qui  arrive  à  un  fluide  lorfqu'il  devient  une 
maffe  folide  ou  molle  en  perdant  fa  fluidité, 
foitque  ce  changement  fe  faife  par  l'air  froid, 
comme  lorfqu'un  métal  fondu  ou  de  la  cire 
fondue  au  feu  fe  congèlent ,  ou  par  de  la 
glace  qui  congeleles  liqueurs  grafles  &  aqueu- 
fes,  ou  par  quelque  autre  moyen  que  ce  foit, 
comme  par  les  acides  qui  congèlent  certaines 
liqueurs.  Fbyc;^  Coagulation,  f^^ 

Le  terme  de  la  congélation  y  en  parlant 
d'un  thermomètre  ,  eft  le  point  où  la  liqueur 
s'arrête  dans  le  tuyau,  lorfqu'on  plonge  la 
boule  dans  une  eau  mêlée  de  glace,  Voye{^ 
Thermomètre.  (M) 

CON.GELER,  c'eftôter  la  fluidité  de  ce 
qui  étoit  liquide  :  des  fels  moyens ,  des  alka- 
lis ,  des  acides ,  6ç  même  des  efprits  mêlés 
avec  de  la  neige  ou  de.  la  glace ,  peuvent 
congeler  la  plupart  des  liqueurs.  On  produit 
un  degré  de  froid  très-confidérable  par  le 
mélange  de  l'acide  du  vitriol  ou  de  celui  du 
nitre  avec  la  neige.  On  tient  cette  expérience 
de  M.  Boyle. 

M..  Homberg  obfefve  qu'on  en  fait  un 
froid  artificiel ,  en  mêlant  enfemble  parties 


con 

égalés  du  fublimé  corrofif  &  du  Tel  ammo- 
niac ,  avec  quatre  fois  autant  de  vinaigre 
diftillé. 

L'art  de  congeler  t{\.  une  chofe  fort  agréa- 
ble en  été,  &  d'un  grand  ufage  pour  faire: 
des  glaces.  {M) 

CONGENERE, ad  j.  en  Anatomie  ;  nonv 
des  mufcles  qui  concourent  tous  à  la  même 
aClion  ,  foit  à  la  flexion  où  à  l'extenfion  des. 
parties.  Voye^^  Mus  CLE. 

CoNGENERE,fi?o/i7/î.J  il  fe  dit  des  planâ- 
tes comprifes  fous  un  même  genre. 

CONGERIE,  (.Phyjîq.)  moi  dont  on. 
s'efl^  fervi  quelquefois  pour  dire  ïamas  ou 
VaJJemèlagede  plufieurs  particules  ou  corps, 
unis  dans  une  même  mafl^e.  Ce  motfignifie 
proprement  un  tas  deplujieurs  chef  es  réunies^ 
enfemblefans  ordre.  On  ne  s'en  fert  plus.(O) 

CONGESTION ,  f.  m.  {Médecine,  )  ma- 
ladie des  humeurs. 

La  congeflion  efl  l'àmas  de  quelque  mar 
tiere  morbifique  des  humeurs,  qui  fe  fait- 
lentement  dans  une  partie  du  corps. 

Les  humeurs  ne  pouvant  être  contenues 
dans  leurs  v/iiTeaux ,  qu'autant  que  la  ca- 
pacité des  vaiffeaux  le  permet ,  elles  doivent 
fuivre  dans  leur  circulation  le  cours  qui  leur- 
eft  deftiné  par  la  nature  pour  les  befoins  de.: 
la  vie.  Or  toutes  les  fois  que  ce  cours  s'ar- 
rête, elles  fe  raflTemhlent  néceffairement  en, 
plus  grande  quantité  dans  quelque  partie- 
du corps,  &  c'eft  cette  accumulation  qu'on; 
appelle  congefiion.  Elle  réfulte  1^.  ou  de: 
l'inaftion  de  la  partie  folide,  incapable  de- 
domter  &  de  chaifer  la  matière  qui  com-- 
mence  àfe  former  :  i***  ou  de  la  dérivation; 
de  la  matière  peccante,  déjà  formée  ailleurs: 
dans  la  partie  maintenant  affeélée.  Cette  dé- 
rivation fe  fait  par  diverfes  caufes  que  nous . 
allons  expofer ,  &  qui  conftituent  le  prin- 
cipe de  toutes  les  maladies  avec  matière. 

i*^.  Les  humeurs  s'accumulent  dans  les^ 
lieux  voifins  par  la  folurion  de  continuité 
des  vaiflfeaux ,  comme  par  des  blefTures, 
des  ruptures ,  des  piquures,  &descontu-- 
fions  :  2^.  elles  fe  répandent  dans  les  vaifr 
féaux  les  plus  amples,  les  plus  relâchés  ,, 
ôc  qui  manquent  de  loutien  ;  3".  elles  s'é- 
panchent au-deflus  des  parties  obftruées  ^, 
liées ,  comprimées  ;  4^,  le  défaut ,  ou  la  di- 
minution du  mouvement  dans  les  folides  6i 
danslts  liquides ,  forment  des  congelions  i: 


C  O  N 

\<*.  l'excès  du  mouvement  &  le  frottement 
produifent  le  même  effet  :  6^.  le  manque 
d'abforption  occafione  encore  des  con- 
geftions  d'humeurs. 

Quand  elles  font  faites ,  elles  caufent  Ten- 
flure  de  la  partie  dans  laquelle  elles  fe  font 
dépofées ,  aggravent  cette  partie  &  l'appe- 
fantiffent ,  fe  corrompent  &  fe  putréfient 
par  la  ftagnation  ;  elles  compriment  la  par- 
tie voifine ,  rendent  fon  aftion  plus  pénible , 
ou  la  détruifent.  Quelquefois  les  humeurs 
ainfi  accumulées,  s'endurciifent  &  forment 
des  concrétions  incurables  ;  d'autres  fois  elles 
dégénèrent  en  abcès ,  en  fuppuration ,  en 
ichorofités,  en  coUiquation,  «S't^.  En  un  mot, 
elles  produifent  mille  fortes  de  défordres. 

Dans  le  premier  genre  de  caufes  de  ce 
mal  énoncées  ci-deffus  ,  il  faut  diriger  la 
cure,  foit  à  l'ouverture  du  dépôt,  foit  à 
l'évacuation,  fuivant  les  circonftances.^Dans 
le  fécond  genre  de  caufes  ,  il  faut  mettre 
en  ufage  par  art  des  foutiens ,  des  points 
d'appui ,  &.  fe  fervir  en  même  temps  des 
corroborans.  Dans  la  troifieme,  après  avoir 
ôté  l'obftacle  qui  procuroit  l'obftruftion  ou 
là  compreflion  ,*  on  fe  conduira  comme 
dans  le  premier  cas.  Dans  le  quatrième  , 
on  doit  employer  les  ftimulans  &  les  dif- 
cufîifs.  Dans  le.  cinquième  ,  fuivre  une 
méthode  oppofée ,  diminuer  la  violence, 
du  mouvement ,  calmer  ,  évacuer.  Enfin  , 
dans  le.  fixieme  ,  rendre  la  matière  plus 
fluide  ,.  la  faire  rétrograder  dans  de.  plus 
grands  vaiffeaux,  animer  les  fibres  par  des 
Ûqueurs  chaudes  ,  tenues  ,  aromatiques  , 
appliqueras  moy.ens  qui  tendent  à.augmen- 
ter  l'abforption. 

Les  congeftions  de  matières  morbifiques 
paroiflent  ibus  tant  de  faces  ,  que  la  méde- 
cine, pour  tâcher  de  les  caraftérifer ,  fe.fert 
des  divers  termes  de  colUclion^  fluxion  ^ 
dépôt  ^  apofiême ,  délitefcence ,  métafiafe  , 
toutes  expreffions  affez  fynonymes  dans 
Tufage.,  &  dont  l'art  même  eft  embarrafle  à 
crayonner  la  différence  avec  précifion  :  voici 
L'idée  que  je  m'en  fuis  faite ,  &  que  je  fou- 
jnets  aux  lumières  des  experts. 

Je  regarde  la  colUclion  &  \k  congefllon 
comme  fignifiant  abfolument  la  même  cho- 
fe;  &c  tandis  qu'elles  fe  forment  lentement, 
\^  fluxion  fefait  promptemenr.  Le  dépôt  n\t 
paroît  un   amas  d'humeurs   dans  quelque 


C  o  N  91  j 

partie  "<,  or^linairement  accompagné  de  dou- 
leurs ,  &  fouvent  de  fluxion.  Ce  mot  eft. 
encore  particulièrement  confacré  en  chi- 
rurgie ,  pour  défigner  un  àes  accldens  qui 
fui  vent  quelquefois  la  faignée.  Je  définirois 
Yapoflêrm^  toute  tumeur  générale  Ats  parties 
molles  contre  nature ,  procédant  des  matiè- 
res humorales ,  ou  réduifibles  aux  humeurs. 
Je  crois  que  Kahces  eft  cette  tumeur  parti- 
culière contenant  du  pus  ,  &  qui  eft  une 
fuite  de  l'inflammation.  La  délite] cence^our- 
roit  être  définie  ,  une  rétroceflion  de  ma- 
tière provenant  d'épanchemens  imparfaits.. 
La  métafl.afi  me  femble  être  un  tranfport 
d'humeurs  morbifiques  d'une  partie  dans  une 
autre  ,  &  qui  prend  le  nom  de  délitefcence^ 
quand  elle  furvient  aux  apoflêmes.  Article^ 
de  M.  le  Chevalier  DE  Jaucou RT. 

CONGIAIRE  ,  f  m.  [Hifi.  anc.)  terme 
de  médaillifte^  don  ou  préfent  repréfenté- 
fur  une  médaille.. 

Ce  mot  vient  de  celui  de  congé.,  congius 
parce  que  les  premiers  préfens  que  l'on  fir 
au  peuple  confiftoient  en  huile  &  en  vin ,, 
qui  fe  mefuroient  par  congés.  V^.  CcNGE. 

Le  congiaire  étoit  proprement  un  pré- 
fent que  les  empereurs  faifoient  au  peuple 
romain/  ceux  que  l'on  faifoit  aux  foldatS 
ne  s'appelloient  point  congiaires  ^  mais  do^ 
natifs.  ^ojqDoNATiF. 

L'infcription  des  congiaires  eft  congia-r 
rium  ,  o u  liberalitas.. 

Tibère  donna  pour  congiaires  "^oo  pièces 
de  monnoie  à  chaque  citoyen;  Augufte  en 
donna.  250,  300,  400  ;  Càligula  donna 
deux  fois  trois  cents  fefterces  par  tête.  Né- 
ron en  donna  quatrexents,c'eft  le.  premier 
dont  les  congiaires  fo'ient  marqués  fur  les 
médailles..  Adrien  donna  des  épiceries,  du 
baume  ,  du  fafran  ;  Commode^.  725  de- 
niers ;  Aurélien ,  des  gâteaux  de  deux  livres, 
du  pain,  de  l'huile,  du  porc  &  d'autres 
mets.  Voje^  Sesterce.  . 

Les  enfans  n'étoient  point  exclus  de  cette 
libéralité  du  temps  d'Augufte.,  quoiqu'au- 
paravant  il  n'y.  eût  que  les  enfans  au-deffus 
de  douze  ans  qui  y  euifent  part.. 

Il  n'-eft  plus  fait  mention  des  congiaires 
dans  les  médailles  des  empereurs  depuis 
Quintillus  ,  loit  que  les  moneiaires  aient 
alors  cefte  de  repréiènter  ces  fortes  de  libé- 
ralités fur  la  monnoie,  foit  que.  ces  priiKes 


9i6  C  O  N 

n'aient  pas  eu  le  moyen  de  deftiner  à  ces 
dépenfes  leurs  revenus ,  qui  pouvoicnt  à 
peine  fiiffire  à  foutenir  les  guerres  confidé- 
rsbles  qui  ravagefVient  l'empire.  fGJ 

CONGLETON,  (  Géogr.  mod.)  ville 
d'Angleterre,  dans  la  province  de  Ches- 
hire  ,  fur  la  rivière  Dan. 

CONGLOBÉ  ,  [Médecine.  Phyfiolog.) 
glande  conglobée.  V'oyci  GLA.NDE. 

CO^GLOUEKt.ÇMédecine.  PJiyfio- 
logie.J  glande  conglomérée.  Voy.  Glande. 

CONGLUTINATION,  f.  f.  (Phyfiq.) 
à  la  lettre  fignifie  l'action  de  joindre  ou  de 
cimenter  deux  corps  enfemble,  au  moyen 
de  matières  gluantes  &  tenaces.  Voye:;^ 
Ciment ,  Glu,  &c. 

Ce  terme  s'emploie  particulièrement  en 
■médecine ,  pour  fignifier  Vappo/ition  ou 
{'adhérence  de  quelque  nouvelle  fubftance, 
ou  Vaccroijfement  de  confiftance  dans  les 
fluides  des  animaux ,  afin  de  les  rendre  plus 
nourriffans.   Voye^  ACCROISSEMENT  & 

Nutrition.  fZJ 

CONGLUTINÊ,  {Médecine.  Phyfiolo- 
g'ie.)  glande  conglutinée.  ^(t/^?  Glande. 

CONGO  ,  (  Géogr.  mod.  G*  Comm.  ) 
grand  pays  de  l'Afrique ,  qui  comprend 
plufieurs  royar.mes  ;  il  eft  borné  au  nord  par 
;la  rivière  de  Zaïre ,  à  l'orient  par  les  royau- 
mes de  Macacou  &  Anzico  ,  parles  Mon- 
foies,  les  Jagas,  &  le  Matamba  ;  au  midi 
par  la  rivière  de  Dende  ;  &  au  couchant  par 
•ia  mer.  Ce  pays  eft  habité  par  des  Nègres  , 
parmi  lefquels  il  y  a  un  grand  nombre  de 
chiétiens.  Les  Portugais  y  ont  de  grands 
érabiiffemens.  Ce  font  eux  qui  l'ont  décou- 
-vert  en  1484;  ils  s'en  emparèrent  en  1491  ; 
Jeur  réfidence  principale  eft  à  Loanda;  la 
-traite  des  efclaves  y  eft  leur  plus  important 
.^commerce.  Les  meilleurs  nègres  font  de 
San-Sa!vador  &  de  Sondy  ;  le  pays  produit 
du  morfil,  de  la  cire ,  &  de  la  civette  :  on 
♦y  porte  des  étoffes  d'or,  d'argent,  de  ve- 
lours ,  çlu  galon  ,  de  la  vaiftelle  de  cuivre , 
^^es  chapeaux ,  des  armes ,  des  eaux-de-vie, 
.des  vias  ,  &-C.  Il  y  a  dans  le  royaume  du  fer 
6c  du  cuivre  en  mines. 

CONGRE  ,  conger^  f.  m.  {Hifi.  nat. 
JchthioL)  poifîbn  de  mer  fort  alongé;  il  a 
ordinairement  quatre  ou  cinq  coudées  de 
longueur ,  &  il  eft  fouvent  de  la  groffeur 
4e  la  cu^fle  d'un  homme.  Sa  peau  eft  lifte 


C  O  NT 

&  gHft*ante  comme  celle  de  Tanguille  ,  a 
laquelle  il  refîemble  beaucoup.  L'extrémité 
du  bec  eft  charnue  *,  on  voit  au  deftiis  deux 
petits  prolongemens  de  même  fubftance. 
Les  dents  font  petites  &  les  yeux  grands; 
la  couverture  des  ouies  n'eft  pas  offeufe  , 
c'eft  une  peau  qui  ne  laiffe  que  deux  petits 
trous  fous  les  nageoires  qui  font  de  chaque 
côté.  Il  y  en  a  une  qui  s'étend  depuis  la  fin 
du  cou  jufqu'à  la  queue,  &  une  autre  de- 
puis l'anus  aufti  jufqu'à  la  queue  ,  qui  eft 
terminée  en  pointe.  Ces  deux  nageoires  font 
d'une  confiftance  ferme,  leur  bord  eftnqir  ; 
les  narines  font  petites,  rondes  &  placées 
près  des  yeux.  Il  a  une  bande  blanchâtre  , 
formée  par  un  double  rang  de  points ,  qui 
s'étend  fur  chacun  des  côtés  de  ce  poiffon 
depuis  la  tête  jufqu'à  la  queue.  Le  ventre 
eft  blanc  &  le  dos  noir  dans  les  congres 
qui  refîent  contre  les  rivages;  ceux  qui  font 
dans  la  haute  mer  on\  le  dos  blanc  comme 
le  ventre.  La  chair  de  ce  poiffon  eft  dure  , 
&  on  n'en  fait  pas  grand  cas  en  France. 
Rondelet ,  XIV'.  livre  des  poiffons.  Wil- 
lughby  ,  Hifloria  pifciurn.  Voye^  AN- 
GUILLE, PoiSSON.(T) 

*  Congre  (Pêche  du).  La  pêche  du 
congre  eft  affez  confidérable  ;  elle  fe  fait 
dans  de  grands  bateaux  qui  ne  font  alors 
montés  que  de  quatre  hommes;  elle  com- 
mence ordinairement  vers  la  faint  Jean  ,  & 
dure  jufqu'après  ia  faint  Michel.  Pendant 
les  trois  premiers  mois  de  l'été,  les  vents 
d'oueft  y  font  fort  contraires ,  parce  qu'ils 
empêchent  les  pêcheurs  de  fortir  des  ports 
&  petites  baies  qui  font  le  long  de  la  côte 
de  l'amirauté  de  Quimper  en  Bretagne ,  ou 
fe  fait  la  pêche  que  nous  allons  décrire. 

Les  congres  fe  prennent  entre  les  rochers; 
chaque  matelot  a  trois  lignes  ;  elles  font 
longues  de  cent  cinquante  braftés chacune., 
&  de  la  groffeur  des  lignes  àts  pêcheurs 
de  Terre-neuye  ;  elles  font  chargées  par  le 
bout  d'un  ploinb  du  poids  de  dix  livres 
pour  les  faire  caler  ;  depuis  le  plomb  jufqu^à 
cinquante  braftes  ,  il  y  a  vingt-cinq  à  trente 
piles  d'une  braffe  de  long  ,  éloignées  cha- 
cune d'une  brafTe  &  demie  ,  garnies  d'un 
claveau  ,  amorcé  d'un  morceau  de  la  chair 
du  premier  poifton  qu'ils  prennent  quand 
ils  commencent  leur  pêch^ ,  foit  fêchp  » 
orphie  y  aia(juereau ,  ^c. 


C  O  N 

Il  faut ,  pour  la  faire  avec  fuccès ,  une 
mer  baffe  &f  fans  agitation ,  &  que  le  bateau 
foit  à  l'ancre.  Les  pécheurs  d'Audierne , 
après  leur  pèche  finie,  reviennent  de  temps 
à  autre  à  la  maifon  ;  au  lieu  que  ceux  de 
rîle  des  Saints ,  qui  partent  de  chez  eux  le 
lundi ,  n'y  reviennent  ordinairement  que 
Ig  famedi.  Le  nombre  des  équipages  d'un 
bateau  pour  faire  cette  pèche  neû  point  li- 
mité, ils  font  tantôt  plus,  tantôt  moins,  & 
le  plus  fouventjufqu'à  fept  ou  huit  hommes. 

Quand  ils  font  leur  pèche  ,  ils  relèvent 
leurs  lignes  de  deux  heures  en  deux  heu- 
res ,  pour  en  ôter  le  poifTon  qui  s'y  trouve 
arrêté. 

Les  pécheurs  font  à  la  part  ;  le  maître  & 
le  bateau  ont  chacun  une  part  &  demie  ,  & 
les  autres  matelots  de  l'équipage  chacun 
une  part  feulement. 

Ceux  qui  achètent  des  congres  pour  les 
faire  fécher  ,  les  ouvrent  par  le  ventre  de- 
puis la  tête  jufqu'au  bout  de  la  queue  ;  on 
levir laiffe  la  tête,  on  ne  les  fale  point;  on 
fait  des  taillades  dans  les  chairs  qui  font 
épaiffes  ,  pour  faciliter  à  l'air  le  moyen  de 
les  deffécher  plus  aifément  ;  on  paffe  un  bâ- 
ton d'une  extrémité  du  corps  du  poiffon  à 
Tautre  pour  le  tenir  ouvert,  &  on  le  pend 
à  l'air.  Quand  ils  font  bien  fecs ,  on  en  fait 
des  paquets  de  deux  cents  livres  pefant  , 
qu'on  envoie  à  leur  deftination;  ils  paffent 
ordinairement  à  Bordeaux  pour  le  temps 
de  la  foire. 

Le  produit  de  cène  pêche  efî  fort  dimi- 
nué; elle  monte  cependant  année  com- 
mune à  mille  quintaux  ;  autrefois  le  congre 
ne  fe  vendoit  que  douze  à  quinze  livres  au 
plus  ;lequintalauiourd'hui  paffe  vingt  livres, 
&  le  cent  va  quelquefois  jufqu'à  dix  écus  : 
ce  poiffon  fec  déchoit  confidérablement  du 
poids  dans  la  sarde  &  dans  le  tranfport. 

CONGRÉGATION, f  f.  {Phy/iq.)  efl 
un  terme  dont  s'eft  fervi  M.  Grew  pour 
fignifîer  le  plus  petit  degré  de  mélange  des 
parties  d'un  mixte,  c'efl-à-dire,  celui  par 
lequel  les  parties  du  mix^e  n'entrent  point 
les  unes  dansles  autres ,  ou  n'adhèrent  point 
enfemble,  mais  fe  touchent  dans  un  point. 
Harris. 

Cet  auteur  penfe  que  les  particules  de 
tous  les  fluides  fe  touchent ,  ou  que  leur 
cohéfion  n'efl  qu'une  congrégation.  Quel- 


C  O  N  9^7 

que  fentiment  qu'on  fuive  fur  la  nature  des 
fluides,  on  ne  peut  fe  difpenfer  de  conve- 
nir que  les  particules  de  ces  corps  peuvent 
fe  mouvoir  librement  entre  elles  ,  &  cèdent 
avec  facilité  au  mouvement  qu'on  leur  im- 
prime ;  auffi  plufieurs  auteurs  croient- ils 
que  les  particules  ont  peu  d'adhérence  ,  &c 
fe  touchent  par  un  très  -  petit  nom'nre  de 
points.  C'efl  ce  qui  fait  que  ces  mêmes  ' 
auteurs  les  ont  confidérées  comme  des  glo- 
bules très-petits,  qui  fe  touchent,  &  qui 
peuvent  gliffer  les  uns  fur  les  autres  ,,&  être 
déplacés  facilement.  Mais  cela  ne  fufïït  pas 
pour  nous  donner  une  idée  de  la  nature 
des  fluides  ,  &  pour  expliquer  les  phéno- 
mènes qu'on  y  obferve ,  comme  l'égalité 
de  prefTion  en  tout  fens.  VoycT^  Fluide  , 
Pression,  Hydrostatique,  Adhé- 
rence, &c.(0) 

Congrégation  ,  {Hift,  mod.)  efl  ime 
affemblée  de  plufieurs  perfonnes  qui  for- 
ment un  corps,  mais  finguîiérement  d'ec- 
cléfîafliques.  VoyeT^  ASSEMBLÉE,  &c. 

Ce  terme  s'emploie  plus  particulière- 
ment des  diiFérens  bureaux  de  cardinaux 
commis  par  le  pape ,  &:  diflribués  en  plu- 
fieurs chambres  pour  la  direélion  de  cer- 
taines affaires  ;  comme  font  les  différentes 
commiflîons  ou  bureaux  des  affaires  qui  font 
portées  au  confeil  d'état  V,  Cardinal. 

La  première  efl  la  congrégation  du  Joint 
office  ^  ou  \ inquijition  ,  compofée  de  douze 
cardinaux  &  même  davantage ,  félon  qu'il 
plaît  au  pape  ;  on  y  joint  plufieurs  prélats 
&  théo'ogiens  de  divers  ordres  religieux  , 
qui  portent  le  titre  de  confulteurs  de  Cin- 
quijîtion  :  le  cardinal  qui  enefl  fe  chef,  tient 
le  cachet  ou  fceau  de  l'inquifition.  La  fé- 
conde ,  celle  qui  a  une  jurifdi(^ion  fur  les 
évêques  &  fur  les  réguliers  ;  elle  connoît 
àes  différens  qui  naiffent  en  Italie  entre 
les  évêques  &  leurs  diocéfains,  &  même 
entre  les  moines  &;  religieux,  elle  répond 
aux  confuîtations  que  lui  font  les  évêques  : 
elle  efl  compofée  de  plufieurs  cardinaux 
habiles  dans  les  matières  canoniques.  La 
troifieme  e([  celle  de  V immunité  eccléjiaf- 
tique  ,  établie  pour  favoir  fi  certains  dé- 
linquans  doivent  jouir  de  cette  immunité  , 
c'eft-à-dire ,  fi  l'on  doit  les  prendre  dans 
l'églife  ou  non,  lorfqu'ils  s'y  font  retirés  : 
outre  pluileurs  cardinaux  qui  y  préfident  y- 


928 


C  O  N 


CO  N 


«lie 
teu 


!  a  encore  un  clerc  de  chambre,  un  ^ud'i- i  grégatwns  de  Cluni ,  de  S.  Vannes,  6c  de 
r  de  rote  ,  &  un  référendaire.  La  qua-    S.  Maur,  toutes  trois  de  bénédidlns.  Voyc'^ 

Blancs- 


-trieme  eft  celle  à\x  concile^  pour  expliquer 
Jes  difficultés  qui  naiffent  fur  celui  de  Trente, 
qui  eft  leïkrnier  coniiU  général.  La  cin- 
quième eft  celle  des  coutumes  ,  cérémo- 
nies ,  préiéances ,  canonilàtion  ;  on  l'appelle 
la  congrégation  des  rits.  La  fixieme  eft  celle 
de  la  fabrique  de  S.  Pierre  ;  elle  connaît 
des  legs  pour  œuvres  pies ,  dont  une  partie 
appartient  à  l'églife  de  S.  Pierre.  La  fep- 
tien^e  eft  celle  des  eaux,  cours  des  rivières, 
ponts  &:  chauffées.  La  huitième  ,  celle  des 
fontaines  &  des  rues  ,  dont  le  chef  eft  le 
cardinal  camerlingue,  La  neuvième  celle  de 
Vindex ,  qui  eft  chargée  de  révilion  des 
livres  ou  imprimés,  ou  à  imprimer.  La 
dixième  eft  le  confeil  d'étar ,  pour  toutes 
les  affaires  qui  concernent  le  domaine  du 
pape  &:  de  l'églife,  &:  fe  tient  fouvent  de- 
vant fa  fainteté  :  on  l'appelle  la  confulte. 
L'onzième  eft  la  congrégation  de  bono  regi- 
mine  Ç àw  bon  gouvernement  :J  le  cardinal 
rieveueftlepréfidentde  ces  deux^ernieres. 
La  douzième  eft  celle  de  la  monnoie,  qui 
donne  fon  avis  fur  les  monnoies  déjà  battues 
ou  à  battre ,  &  qui  met  le  prix  à  toutes  celles 
des  princes  étrangers.  La  treizième,  celle  des 
évêques^  où  l'on  examine  les  fujetsqui  doi- 
vent être  promus  aux  évêchés  d'Italie,  elle 
iè  tient  en  préfence  du  pape.  La  quator- 
zième eft  celle  des  matières  confîftoriales  , 
dont  le  cardinal-doyen  eft  le  préfident.  La 
quinzième  eft  celle  de propaganddfide  (de  la 
propagande  )  établie  pour  régler  ce  qui 
concerne  les  miflions.  Il  y  a  encore  la  con- 
grégation des  aumônes ,  qui  a  le  foin  de  ce 
qui  concerne  la  fubfîftance  de  Rome  &  de 
tout  l'état  de  l'Eglife.  Ces  congrégations 
changent  quelquefois,  félon  la  volonté  des 
papes  ,  qui  en  établiffent  de  nouvelles  félon 
l'exigence  des  cas  ;  comme  dans  les  autres 
pays  des  fouverains  créent  des  tribunaux  ou 
commiffions  à  temps  &  pour  certaines 
affaires.   ÇG)  Ça) 

Congrégation  fe  dit  auffi  d'une  com- 
pagnie ou  fociété  de  religieux,  qui  fait  par- 
tie d'un  ordre  entier  ,  &  forme  plufteurs 
monafteres  ou  mailons  religieufes  fous  une 
môme  règle  &  fous  un  même  chef;  telles 
que  la  congrégation  de  France  pour  les  cha- 
noines réguliers  de  S.  Auguftin  ,  les  con' 


les  articles  BÉNÉDICTINS  & 
MANTEAUX  ;  nous  y  avons  parlé  des  fer- 
vices  que  l'ordre  de  S.  Benoit  a  rendus  & 
rend  encore  aux  lettres  &  à  l'églife.  Il  ne  fera 
peut-être  pas  inutile  de  donner  ici  la  hfte 
des  ouvrages  confidérables  que  font  ou 
qu'ont  fait  Aq^  Bénédiftins  actuellement 
vivans  ,  dont  la  plupart  font  de  la  congré- 
gation de  S.  Maur  ,  &  les  autres  de  celle 
de  S.  Vannes.  Voici  les  principaux  :  Ihif- 
toire  littéraire  delà  France,  la  colledlion  des 
hiftoriens  de  France  ,  le  Gallia  chriftiana  ; 
la  nouvelle  diplomatique  ,  l'art  de  vérifier 
les  dates  ,  l'hiftoire  des  Gaulois  ,  l'hiftoire 
de  Bretagne,  celle  de  Languedoc,  l'hif- 
toire des  auteurs  facrés  6c  eccléliaftiques  , 
les  ouvrages  nombreux  &:  favans  de  dom 
Calmet,  l'ouvrage  de  dom.  Charles  Wal- 
mefley  fur  le  calcul  intégral  ,  les  ouvra- 
ges de  D.  Prudent  Maran  ,  &:  plufîeurs 
éditions  des  pères  ,  &c.  Nous  n'indiquons 
ici  qu'une  partie  de  ces  travaux  ;  mais  nous 
faififfons  avec  plaifir  l'occafion  de  rendre 
juftice  à  cette  favante  congrégation,  qui  ne 
paroît  point  déchue  de  fon  ancienne  ardeur 
pour  le  travail  ,  qui  rend  à  la  littérature  de 
vrais  fervices  par  fes  ouvrages  ,  &  donne 
à  l'églife  &:  aux  autres  ordres  religieux  un 
exemple  bien  digne  d'être  imitée.  (O) 

Congrégation  fe  dit  encore  d'une 
affemblée  de  perfonnes  pieufes  en  forme 
de  confrairie,  comme  en  avoient  particu- 
lièrement les  jéfuites  en  l'honneur  de  la 
Vierge  ,   &c.    Voye^  CoNFRAlRiE. 

Congrégation   de   Pénitence  , 

voyei  PÉNITENCE. 

Congrégation  de  la  sainte  Tri- 
nité ,  voyei  Trinité. 

Congrégation  de  l'Immaculée 
Conception,  voy.  Immaculée  Con- 
ception. 

Congrégation  de  Latran  ,  voyc^ 

l'article  LatRAN. 

CONGRÈS  ,  f.  m.  (Hift.  modj  fe  dit 
d'une  affemblée  de  députés  ou  d'envoyés 
de  différentes  cours  ,  réunis  pour  traiter  de 
la  paix,  ou  pour  concerter  ce  qui  peut  être 
avantageux  à  leur  bien  commun. 

Le  congrès  de  la  Haye  qui  fe  tint  pen- 
dans  le  cours  de  la  guerre  terminée  en  1697 

par 


CO  N 

par  le  traire  de  Rirvich  ,  étoit  composé 
des  ambafladeurs  de  France,  &  des  envoyés 
de  tous  les  princes  ligués  contre  la  France. 
Nous  avons  eu  depui-^  ,  les  congrès  de 
Cambrai  &  de  Soifibns  ,  dans  lefquels 
rien  ne  fut  ni  réglé ,  ni  décidé.  Charnbirs. 

Congrès,  {Jurlfpr.)  c  etoitune  preuve 
juridique  à  laquelle  on  avoir  recours  au- 
trefois dans  les  cauTes  de  mariage,  lorf- 
qu'on  en  prérendoit  la  nullité  pour  fait 
d'impuifiance. 

Cette  forte  de  preuve ,  inconnue  dans  le 
droit  civil  auifi  bien  que  dans  le  droit  cano- 
nique, avoit  été  introduite  dans  les  ofîicia- 
lités  vers  le  milieu  du  xvj  fiecle. 

On  en  attribue  l'origine  à  l'eiFronterie 
d'un  jeune  homme  ,  lequel  étant  accufé 
d'impuiffance  ,  offrit  de  faire  preuve  du 
contraire  en  préfence  de  chirurgiens  &  de 
anatrones.  L'official  trop  facile  ayant  déféré 
à  fa  demande ,  cette  preuve ,  toute  contraire 
qu'elle  étoit  à  la  pureté  de  nos  mœurs ,  de- 
vint en  ufage  dans  les  officialités  ,  &  fut 
même  autorifée  par  les  arrêts- 

Cette  preuve  fcandaleufe  fe  faifoir  en  pré- 
fence de  chirurgiens  &  de  mairones ,  nom- 
més par  l'official. 

On  a  depuis  reconnu  l'indécence  d'une 
telle  preuve,  &  le  peu  de  certitude  même 
que  l'on  en  pouvoir  tirer  :  c'eft  pourquoi 
l'ufage  en  fut  très-fagement  défendu  par 
un  arrêt  du  parlement  du  i8  février  1677, 
rapporté  ?ix\  journal  du  palais.  ÇAJ 

CONGRIER ,  f.  m.  (  Jurifpr.  )  du  latin 
congregare.  Le  droit  de  congrier  eft  la  fa- 
cuhé  que  quelqu'im  a  de  faire  une  efpece 
de  garenne  à  poiifon  dans  une  rivière-  Le 
congrier  eft  une  enceinte  formée  par  de 
gros  pieux  enfoncés  dans  la  rivière,  joints 
l'un  près  de  l'autre ,  &:  fortant  hors  de  l'eau. 
Ce  terme  efl:  ulité  en  Anjou ,  comme  il 
paroît  par  un  aveu  du  23  novembre  i  ^98 , 
où  un  valTal  reconnoît  devoir  à  fbn  fei- 
gneur  une  certaine  redevance  ,  pour  avoir 
<lroit  de  congrier  en  la  rivière  de  Sartes, 
dont  il  eft  fait  mention  dans  le  gloj/aire  de 
M.  de  Lauriere  ;  mais  la  note  eu  de  M. 
Galland.  {AJ 

CONGRUE  ,  C  Jurifpr.  )  voye^  Por- 
tion CONGRUE. 

CONGRUENCE,  f.  f,  (MéiaphJ  éga- 
Tomc  VIII, 


C   O  N  919 

îlté  &  fimilltude  de  deux  chofes.  Par  exem- 
ple ,  deux  triangles  femblables  &:  égaux 
fontcongruens.  Suppofezpareillement  deux 
corps  humains  où  fe  trouvent  les  mêmes 
qualités  &  les  mêmes  dimenfions ,  un  tout 
correfpondra  exa<ftcment  à  l'autre ,  Se  cha- 
que partie  à  la  partie  fembiable.  La  co/z- 
gruencc  confifte  donc  dans  l'identité  des 
quantités  &:  des  qualités.  Prenons  les  deux 
triangles  congruens  ;  chaque  ligne  delà  cir- 
conférence de  l'un  eft  égale  à  la  pareille  de 
l'autre  ,  les  quantités  des  angles  font  les 
mê.mes,  &  la  grandeur  d'une  aire  couvre 
exaftement  celle  de  l'autre.  Voilà  pour  les 
quantités.  11  en  eft  de  même  pour  les  qua- 
lités, iavoir  de  l'efpece  ,  des  lignes,  de  la 
proportion  des  angles,  &c.  de  là  réildte  la 
pollîbilité  de  leur  flibftitution.  Vous  dé- 
montriez quelque  chofe  t'ur  i'un  ,  mettez 
l'autre  à  fa  place ,  votre  démonft  ration  pro- 
cédera toujours  de  même.  C'tft  ce  qu'on 
fait  fouvent  en  géométrie,  où  la  cougmence 
&  l'égalité  des  bornes  des  figures  fert  dans 
plufieurs  théorèmes.  On  appelle  borne  ou 
limite  .^  ce  au  delà  de  quoi  on  ne  conçoit 
plus  rien  qui  appartienne  au  fu  jet.  Par  exem- 
ple ,  on  ne  fuppofe  dans  la  ligne  qu'une 
étendue  en  longueur.  Ses  bornes  font  donc 
fes  deux  derniers  points;  l'un  à  une  extré- 
mité ,  l'autre  à  l'autre ,  au  delà  defquels  on 
n'en  fauroil  afîigner  d'autres  qui  appartien- 
nent à  la  ligne.  En  largeur ,  elle  n'a  point 
de  bornes  concevables ,  puifqu'cn  exclut  de 
la  ligne  l'idée  de  cette  climenfion.  Voyer^ 
Coïncidence. 

Cette  notion  de  la  coagruence  s'accorde 
avec  l'ufage  ordinaire  &  avec  la  fignifica- 
tion  reçue  par  les  mathématiciens.  Euclide 
fe  bornant  à  la  notion  confufe  de  la  con- 
gruence  ,  s'eft  contenté  de  mettre  entre  les 
axiomes  cette  propofttion  :  Qiiœjihi  mutub 
congruunt ,  ea  inter  fe  ctquaiia  funt.  Or  il 
paioît  par  l'application  de  cet  axiome  * 
qu'une  grandeur  appliquée  à  l'autre  lui  eft 
congruente  ,  lorfque  leurs  bornes  font  les 
mêmes:  ain{i,ruivanîla  penfée  d 'Euclide^ 
ime  ligne  droite  congrue  à  une  autre,  ii 
étant  po/ee  fur  elle  ,  les  points  de  fes  extré- 
mités, &:  tous  ceux  qui  font  placés  entre 
deux ,  couvrent  exactement  les  points  qui 
y  répondent  dans  la  ligne  pofée  deftbus. 
hQ.%  géomètres  donc  qui  définirent  la  con* 
Aaaaaa 


930  C  O  N 

grucnce  par  la  coïncidence  des  bornes, "fui-  | 
vent  l'idée  d'Eiiclide.  Quoique  cet  ancien 
ne  fe  ferve  de  la  congruencc  que  pour  prou- 
ver 1  égalité  des  grandeurs ,  il  Tuppcfe  pour- 
tant dans  fa  notion  la  reffemblance  jointe  à 
l'égalité  ,  car  il  ne  démontre  l'égalité  par  la 
congruencc  que  dans  les  grandeurs  fembla- 
bles ,  &  il  eft  même  impoflible  de  la  dé- 
montrer dans  d'autres  grandeurs.  Mais  il 
s'en  eft  tenu  à  la  notion  de  la  congruencc  , 
qui  répondoit  à  Ton  axiome  fufdit ,  fans 
l'approfondir  davantage.  C'eft  ce  qui  arrive 
.pour  l'ordinaire  dans  nos  idées  confufes. 
nous  ne  tournons  notre  attention  que  fur 
ce  dont  nous  avons  befoin  ;  &:  négligeant 
le  refte,  il  femble  qu'il  n'exifte  point.  Mais 
des  yeux  philofophiques  qui  fe  propofent 
d'épuifer  la  connoiffance  des  fujets  ,  cher- 
chent dans  une  notion  non  feulement  ce 
qu'elle  a  d'utile  pour  un  certain  but ,  mais 
en  général  tout  ce  qui  lui  convient  &  la 
caradérife.  C'eft-là  le  moyen  d'arriver  aux 
notions  diftinftes  &  compleîtes.  Article 
de  M.  FORMEY, 

CONGRUISME,  f.  m.  (rA<:W.)  (M 
B.  l'anglois  porte  congruit^,  que  j'ai  cru 
devoir  rendre  par  congruifmc  ;  terme  très- 
ufité  dans  nos  théologiens  ,  pour  exprimer 
le  fyftéme  dont  il  s'agit  ici;)  fyftême  fur 
l'efficacité  de  la  grâce  ,  imaginé  par  Suarez , 
Vafquez,  ôc  autres  qui  ont  voulu  adoucir  le 
lyftême  de  Molina.  Voye^  MoLiNiSME. 

Voici  l'ordre  que  ces  théologiens  mettent 
dans  les  décrets  de  Dieu ,  &  en  même  temps 
toute  la  fuite  de  leur  fyftême.  i°.  Dieu, 
de  tous  les  ordres  polîibles  des  chofes,  a 
choifi  librement  celui  qui  exifte  mainte- 
nant, &  dans  lequel  nous  nous  trouvons, 
1^.  dans  cet  ordre  Dieu  veut,  d'une  ro- 
lonté  antécédente ,  le  falut  de  toutes  fes 
créatures  libres  ,  mais  à  condition  qu'elles 
le  voudront  elles-mêmes  :  3°.  il  a  réfolu 
de  leur  donner  des  fecours  fuffifans  pour 
acquérir  la  béatitude  éternelle  ;  4'*'.  il  con- 
noît ,  par  la  fcience  moyenne  ,  ce  que  cha- 
cune de  ces  créatures  feia  dans  toutes  & 
chacune  des  circonftances  où  elle  fe  ren- 
contrera ,  s'il  lui  donne  telle  ou  telle  grâce  : 
5*^.  fuppofé  cette  prévifion,  il  en  choifit 
quelques-unes  par  une  volonté  de  bon  plai- 
fir ,  &  par  un  décret  abfolu  &  efficace  : 
é'^,  il  donne  à  celles  qu'il  a  choifies  de  la  , 


C  O  N 

forte ,  &  non  aux  autres  ,  une  fuite  de  grâ- 
ces qui  ont  un  rapport  de  convenance  ou 
une  congruité  avec  la  difpofition  de  leur 
libre-arbitre  &  de  leur  volonté  :  7*^.  il  con- 
noît  par  fa  fcience  de  viiion  ,  qui  font 
celles  qui  doivent  être  fauvées ,  qui  font 
celles  au  contraire  qui  feront  réprouvées  : 
8°.  en  conféquence  de  leurs  mérites  ou 
démérites ,  il  leur  décerne  des  peines  ou 
des  châtimens  éternels.  Tout  ce  fyflême , 
par  rapport  à  l'efficacité  de  la  grâce ,  fe 
réduit  donc  à  dire  que  Dieu  ,  qui  connoît 
parfaitement  la  nature  de  la  grâce,  &i  les 
difpofitions  futures  de  ia  volonté  dcThomme 
dans  les  clrconftances  où  il  fe  trouvera  , 
lui  donne  des  grâces  par  lefquelles  ,  en 
vertu  de  leur  congruité  ou  convenance  avec 
fa  volonté  confidérée  dans  ces  circonflan- 
ces ,  il  fera  toujours  infailliblement ,  quoi- 
que fans  être  néceffité  ,  ce  que  Dieu  vou- 
dra qu'il  fafTe  ;  parce  que  la  volonté,  félon 
le  langage  des  congruiftes ,  choifit  toujours 
infailliblement,  quoique  librement  ,  ce  qui 
paroît  le  meilleur  ,  dès  qu'elle  eft  aidée  de 
ces  fortes  de  grâces.  ÇGJ 

CONGRUISTES ,  iubft.  mafc.  pluriel , 
(Thcol.J  théologiens  auteurs  ou  défenfeurs 
du  fyftcme  appelle  congruifmc.  V.  CoN- 
GRUISME.  (G)  - 

CONGRUITÉ,  f.  f.  (rAe'o.) conformité 
ou  rapport  de  convenance  d'une  chofe  avec 
une  autre  ;  de  la  grâce  avec  la  volonté. 

Les  théologiens  diftinguent  deux  fortes 
de  congruité  :  l'une  intrinfeque,  qui  vient 
de  la  force  &  de  l'énergie  intérieure  de 
la  grâce ,  &  de  fon  aptitude  à  incliner  le 
confentement  de  la  volonté  :  cette  con~ 
gruité  eft  l'efficacité  de  la  grâce  par  ele- 
même. 

L'autre  ,  intrinfeque  ,  qui  vient  de  la 
convenance  de  la  proportion  de  la  grâce 
avec  le  génie ,  le  caractère  ,  les  penchans 
de  la  créature  ,  conjointement  avec  la  vo- 
lonté de  laquelle  la  grâce  doit  agir  ,  fuppofe 
telles  ou  telles  circonftances  prévues  dcDieu 
par  la  fcience  moyenne,  &  dans  lefquel'es 
il  accordera  telle  ou  telle  grâce,  afin  qu'elle 
ait  fon  effet.  C'eft  cette  dernière  efpece  de 
congruité  qu'admet  Vafquez  ,  elle  eft  la 
bafe  de  fon  fyftême.  Tournel ,  degrat.part, 
11^  quaft.  V.  art.  11  ,  paragr.  4.  (Cr) 

CONI ,  {Géogr,  mod.)  ville  très-forte 


CO  N 

d'Italie  dans  le  Piémont,  capitale  du  pays 
du  même  nom ,  au  confluent  de  la  Geffe  & 
de  la  Sture.  Lono;.  2jS  ,  20  ;  lut.  44,  23. 
*  CONJECTURE  ,  f.  f  (  Gram.  )  ju- 
gement fondé  fur  des  -preuves  qui  n'ont 
qu'un  certain  degré  de  vraifemblance,  c'eft- 
à-dire  fur  des  circonftances  dont  l'exiftence 
n  a  pas  une  liaifon  aflez  étroite  avec  la  chofe 
qu'on  en  conclut,  pour  qu'on  puiiïe  afl'u- 
rer  poiirivement  que  les  unes  étant,  l'autre 
fera  ou  ne  fera  pas  :  mais  qu'eft-ce  qui  met 
en  état  d'apprécier  cette  liaifon  ?  l'expé- 
rience feule.  Qu'eft-ce  que  l'expérience  , 
relativement  à  cette  liaifon  ?  Un  plus  ou 
moins  grand  nombre  d'eiïais ,  dans  lefquels 
on  a  trouvé  que  telle  chofe  étant  donnée  , 
telle  autre  l'étoit  ou  ne  l'étoit  pas;  enforte 
que  la  force  de  la  conjecture. ,  ou  !a  vrai- 
femblance  de  la  conclutîon,  eft  dans  le  rap- 
port des  événemens  connus  pour ,  aux  évé- 
ncmens  connus  contre  :  d'où  il  s'enfuit  que 
ce  qui  n'eft  qu'une  foible  conjecture  pour 
l'un  ,  devient  ou  une  conjecture  très-forte  , 
ou  une  même  démonftration  pour  l'autre. 
Pour  que  le  jugement  celTe  d'être  conjec- 
tural ,  il  n'eft  pas  néceffaire  qu'on  ait  trouvé 
dans  les  eiTais  que  telles  circonftances  étant 
préfentes  ,  tel  événement  arrivoit  tou- 
jours ,  ou  n'arrivoit  jamais.  Il  y  a  un 
certain  point  indifcernable  où  nous  cefTons 
de  conjeflurer,  &  où  nous  affurons  pofitive- 
ment;  ce  point,  tout  étant  égal  d'ailleurs, 
varie  d'un  homme  à  un  autre  ,  &  d'un  inftant 
à  un  autre  dans  le  même  homme ,  félon  l'in- 
térêt qu'on  prend  à  l'événement,  le  carac- 
tère, &  une  infinité  de  chofes  dont  il  eft  im- 
pofTible  de  rendre  compte.  Un  exemple  jet- 
tera quelque  jour  fur  ceci.  Nous  favons  par 
expérience  j  que  quand  nous  nous  expofons 
dans  les  rues  par  un  grand  vent ,  il  peut  nous 
arriver  d'être  tués  par  la  chute  de  quelque 
corps;  cependant  nous  n'avons  pas  le  moin- 
dre foupçon  que  cet  accident  nous  arrivera: 
le  rapport  des  événemens  connus  pour,  aux 
événemens  connus  contre  ,  n'efl:  pas  affez 
grand  pour  former  le  doute  &  la  conjecture. 
Remarquez  cependant  qu'il  s'agit  ici  de 
l'objet  le  plus  important  à  l'homme ,  la  con- 
fervation  de  fa  vie.  Il  y  a  dans  toutes  les 
chofes  une  uniré  qui  devroit  être  la  même 
pour  tous  les  hommes,  puifqu'elle  eft  fon- 
dée fur  les  expériences,  6c  qui  n'eft  peut- 


CON  93t 

être  la  même  ni  pour  deux  hommes ,  ni 
pour  deux  aiflions  de  la  vie ,  ni  pour  deux 
inftans  :  cette  unité  réelle  feroit  celle  qui  ré- 
fulteroit  d'un  calcul  fait  par  le  philofophe 
ftoïcien  parfait ,  qui  fe  comptant  lui-même 
&  tout  ce  qui  l'environne  pour  rien,  n'au- 
roit  d'égard  qu'au  cours  naturel  des  chofes; 
une  connoilfance  au  moins  approchée  de 
cette  unité  vraie  ,  &  la  conformité  des  fen- 
timens  &  des  actions  dans  la  vie  ordi- 
naire à  la  connoiflance  qu'on  en  a  ,  font 
deux  chofes  prefqu'indifpenfable  pour  conf- 
tituer  le  cara6lere  philofophique  ;  la  con- 
noiflance de  l'unité  confti tuera  la  philofo- 
phie  morale  fpéculative  ;  la  conformité  de 
fentimens  &  d'aélions  à  cette  connoiflance, 
conftituera  la  philofophie  morale  pratique. 

CONIFEREfARBREj,adj.  ^//?.  nat. 
bot.  Les  boraniftes  appellent  arbres  conifè- 
res tCQMTiqni  portent  des  fruits  de  figure  co- 
nique ,  comme  le  cèdre  du  Liban ,  le  pin, 
le  fapin  ,  lepicéa,  la  mélèze,  &c.  On  pré- 
tend que'  ces  arbres  font  à  l'épreuve  de  la 
corruption  &  des  imprelîions  du  temps  : 
mais  c'eft  beaucoup  trop  prétendre;  &  ce 
feroit  alTez  de  dire ,  que  ces  fortes  d'arbres 
font,  chofes  égales,  généralement  moins 
fujets  à  la  pourriture  &  à  la  corruption  que 
les  autres ,  à  caufe  que  leur  bois  eft  plus  com- 
pare, plus  fohde  ,  &  qu'ils  font  remplis  de 
fève  ,  ou  d'un  fuc  abondant,  gra«  &c  amer. 
Il  paroît  qu'ils  viennent  prefque  tous  d'une 
femence;  &  Bodœus  de  Stapel,  dans  fon 
commentaire  fur  Théophrafte  ,  dit  avoir 
fouvent  eflayé  fi  les  arbres  conifères^  ne 
pourroient  point  fe  reproduire  en  en  plantant 
un  jet  ou  une  branche  en  terre ,  mais  qu'ils 
n'ont  jamais  bourgeonné  ,  &:  que  toutes  fes 
peines  ont  été  infru^tueufes.  Il  eft  fur  qu'on 
n'a  pas  aflez  multiplié  les  expériences  en  ce 
genre ,  Oc  je  crois  que  Stapel  eft  dans  l'erreur. 

Le  fruit  des  arbres  co/zi/érci  porte  en  Bo- 
tanique le  nom  de  cône.,  qui  défigne  àts 
fruits  écailleux,  fecs  &  durs,  faits  en  forme 
de  pyramide,  contenant  pour  l'ordinaire 
deux  femences  fous  chaque  rejeton.  Ray 
comprend  aufli  fous  ce  nom  ,  fans  égard 
à  la  figure  pyramidale ,  les  fruits  qui  font 
compofés  de  plufieurs  parties  cruftacées  , 
ligncufes ,  étroitement  unies ,  &  s'ouvrant 
quand  le  fruit  eft  mCir ,  comme  celui  du 
cyprès.  Ludwig  adopte  le  fentiment  de  fon 
Aaaaaa  z 


5>3t  C  O  N 

compatriote  ,  ôc  définit  un  cône  ,  un 
fruit  compofé  d'un  amas  fort  ferré  de  cou- 
ches ligneufes ,  attachées  à  un  axe  commun, 
dont  les  interftices  font  remplies  de  femen- 
ces.  Ainfi  quoique ,  fuivant  Saumaife ,  un 
fruit  ne  mérite  le  nom  de  cône  que  lorfqu'il 
à  une  bafe  ronde ,  &  qu'il  eft  terminé  en 
pointe ,  Tufage  a  prévalu  fur  la  dénomina- 
tion tirée  de  la  figure,  &C  ce  feroh  un  grand 
bonheur  s'jI  n'étendoit  pas  plus  loin  fon 
empire  à  d'autres  égards.  Article  de  M.  le 
Chevalier  de  J AU  COURT. 

QOm\.^(Géogr.  mo^J  petite  ville  d'Ef- 
pagne  en  Andaloufie,  fur  le  golfe  de  Cadix. 
•  CONIN,  (Géogr.  mod.  )  ville  de  la  grande 
Pologne  au  palatinat  de  Pofnanie. 

CÔNING,  f  m.  (Hifl.  nat.  îchthyolog.) 
Les  habirans  à^%  Moluques  donnent  ce  nom 
&  celui  de  luccesje-coning  à  un  poiflTpn  qui 
a  été  fort  bien  gravé  &  enluminé  par  Coyett, 
au  n°.  i6y  de  la  première  partie  de  fon 
recueil  des  poljfons  d'Amboine. 

Il  a  le  corps  elhptique  ,  médiocrement 
alongé ,  &c  comprimé  par  les  côtés ,  pointu 
aux  deux  extrémiiés ,  deux  fois  plus  long 
^ue  profond ,  la  tête,  les  yeux  &c  la  bouche 
grande. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fept , 
favoir,  deux  ventrales ,  médiocres,  arron- 
dies ,  placées  au  deffous  des  deux  peélo- 
rales,  qui  font  auffi  grandes,  arrondies  ;  une 
dorfale  fort  longue,  comme  fendue  en  deux, 
plus  baffe  devant  que  derrière  ;  une  der- 
rière l'anus  triangulaire  ,  obtufe ,  un  peu 
plus  profonde  que  longue  ,  &  une  à  la 
queue, arrondie.  De  ces  nageoires  deux  font 
épineufes,  favoir  la  dorfale  ,  dont  les  onze 
premiers  rayons  font  fimples;  &  celle  de 
îanus ,  dont  le  premier  rayon  antérieur  efl 
limple. 

Son  corps  eft  blanc-jaunâtre ,  tigré  de 
taches  rondes  ,  petites ,  jaunes  plus  fon- 
cées, comme  dorées,  &  femées  de  chaque 
côté  de  quatorze  taches  en  lignes  circulai- 
res ,  noires ,  inégales  &.  fans  ordre.  Les 
rayons  épineux  de  la  nageoire  dorfafe  font 
noirs;  la  prunelle  des  yeux  eft  blanc-fale 
ou  jaunâtre  ,  entourée  d'urne  iris  verdâtre. 

Mœurs.  Le  coning  fe  pèche  dans  la  mer 
d'Amboine ,  vers  les  rivages  limoneux  & 
vaf^nix. 

Remarque.  Ce  polffou  forme  avec  l'an- 


C  O  N 

.  niko  un  genre  particulier  dans  la  famille 
des  fcares  où  nous  l'avons  placé.  (  Aï. 
Adanson ) 

CONINGINNE,  f.  m.  (Hifl.  nat.  Ich- 
thyolog.) poifTon  des  îles  Moluques,  pafta.' 
blement  deflîné  &C  enlum.iné  fous  ce  nom  , 
par  Coyett ,  au  n'^.  i6o  de  la  première  par- 
tie de  fon  recueil  des poijfons  d^Amboine, 

Il  a  le  corps  court ,  elliptique  ,  très-com- 
primé par  les  côtés ,  pointu  aux  deux  ex- 
trémités ,  une  fois  plus  long  que  profond  ; 
la  tête,  la  bouche  &  les  yeux  petits;  les 
écailles  petites,  couvrant  la  tête  ainfi  que 
le  corps. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fept> 
favoir,  deux  ventrales  petites,  pointues, 
fituées  au  deftbus  des  deux  peélorales  qui 
font  médiocres;  une  dorfale  aifez  longue^ 
plus  haute  devant  que  derrière;  une  der- 
rière l'anus  prefque  auffi  longue,  plus  bafïe 
devant  que  derrière  ,  &  une  à  la  queue  , 
fourchue  jufqu'aa  milieu  de  fa  longueur. 

Son  corps  eft  violet,  avec  une  ligne  noire 
furie  milieu  de  chacun  de  (qs  côtés.  Sa  tcte 
&  i'çs  nageoires  font  jaunes;  la  prunelle  de 
(qs  yeux  eft  rouge,entourée  d'une  iris  jaune. 

Mœurs.  Le  coninginne  eft  commun  dans 
la  mer  d'Amboine  ,  autour  des  rochers. 

Remarque.  Il  forme  avec  le  paning  wxi 
genre  de  poifTon  particulier  dans  la  famille 
des  fpares.  (  M.  AdansoN .) 

CONJOINT  ,  adj.  (Mufique.)  titra- 
corde  conjoint^  eft  dans  l'ancienne  mufique, 
celui  dont  la  corde  la  plus  grave  eft  à  l'unif- 
fon  de  la  corde  la  plus  aiguë  du  tétracorde, 
qui  eft  immédiatement  au  defîbus  de  lui. 
C'eft  ainfi  que  dans  le  fyftême  des  Grecs,  le 
tétracorde  Synnemenon  étoit  conjoint  ait 
tétracorde  Mefon.  F".  TÉTRACORDE.  (S} 

Le  fyftême  de  la  mufique  ancienne  étoit 
compofé  de  quatre  tétracordes,y?«r  re  mi^ 
mi  fa  fol  la  .fji  ut  re  mi ,  mi  fa  fol  la ,  dont 
le  premier  &  le  fécond  _,  ainfi  que  le  troi- 
fieme  &  le  quatrième,  étoient  conjoints  y 
c'eft-à-dire ,  avoientla  corde  /wi  commune; 
au  lieu  que  le  fécond  &  le  troifieme  étoient 
disjoints,  &  n'avoient  point  de  cordes  com- 
munes ,  puifque  le  fécond  finilToit  par  le  fon 
/^ ,  &  le  tr(ùfieme  commençoit  par  le  fon 
//.  Ko/f^ Gamme.  (O) 

Dans  la  mufique  moderne  on  appelle /j/ïr 
degré  conjointyia.  marche  dune  note  à  cella 


CO  N 

^uî  la  fuit  immédiatement ,  fur  le  p^us  voi- 
fm  degré  au  deffus  ou  au  defifous  d'elle.  V. 
Degré.  (S) 

Ainfi  le  chant  ut  re  mi  re  mi  fa  mi  re  mi 
fa  fol  fa  mi  n  ut ,  eft  par  degrés  conjoints. 
V.  Disjoint.  (O) 

Conjoints  ,  adj.  pris  fubft.  {  Jurifpr,) 
on  appelle  de  ce  nom  ceux  qui  font  unis  par 
le  lien  du  mariage. 

On  confiéere  leur  état  avant  &c  après  le 
mariage. 

Avant  le  mariage,  les  futurs  conjoints 
peuvent  fe  faire  tels  avantages  qu'ils  jugent 
à  propos. 

Depuis  le  mariage  ,  ils  n*ont  plus  la  même 
liberté:  dans  les  pays  de  droit  écrit,  ils  ne 
peuvent  s'avantager  que  par  teftament;  dans 
la  plupart  des  pays  coutumiers,  ils  ne  peu- 
vent s'avantager  ni  entre- vifs,  ni  à  caufe 
de  mort. 

Onconfidere  aufli l'état  des  conjoints  par 
rapport "â  la  communauté  de  biens,  quand 
elle  a  lieu  entr'eux;  par  rapport  à  l'autorifa- 
tion  de  la  femme,  &  à  la  faculté  d'efter  en 
jugement  ;  &  enfin  pour  les  reprifes  à^i con- 
joints en  cas  de  décès  de  l'un  d'eux.' f^oje:^ 
Communauté,  Douaire, Préciput, 
Reprises  ,  Donation  entre  Con- 
joints. 

Conjoints.  On  donne  auffi  cette  qualité 
à  ceux  qui  ont  droit  ou  quelque  titre  com- 
•mun ,  tels  que  font  des  colégataires  ;  ils  peu- 
vent erre  conjoints  en  trois  manières  diffé- 
rentes, fa  voir,  rt ,  vcrbis.^  ou  bien  rc  &  verbis. 

Ils  font  conjoints  re  feulement ,  lorfque 
la  même  chofe  ed  léguée  à  chacun  d'eux 
nommément,  comme  fi  le  teftateur  dit  :jc 
lègue  mx  mai  fan  de  Paris  à  Titlus  ,ye  lègue 
ma  maifon  de  Paris  à  Mœvius. 
■  Ils  font  conjoints  verbis  tantum .,  lorfque 
la  même  chofe  leur  eft  léguée  par  une  même 
phrafe ,  mais  divifément  :  par  exemple  y'e 
lègue  à  Titius  &  à  Mœvius  ma  maijbn  de 
Paris  ,  à  chacun  par  moitié. 

Enfin  ils  font  conjoints  re  &  verbis ,  lorf- 
que le  tedateur  dit  :  je  lègue  à  Titius  &  à 
M XV lus  mx  maifon  de.  Paris. 

Le  droit  d'accroidement  a  lieu  entre  ceux 
q.n  font  conjoints  re  ,  ou  re  &  verbis  ;  mais 
non  pas  en-re  ceux  qui  ne  font  joints  que 
yerbis  tantum.  Voyez  inflit.  lib.  jj,  tit.  ij , 
&  ^i«/7iO/AcC?v.OISS£?.lENT,  (Jurlfp.)  {A) 


CON  93Î 

CONJONCTIF  ,  IVE ,  adj.  :erme  de 
Grammaire ,  qui  fe  dit  particulièrement  de 
certaines  particules  qui  lient  enfembie  ua 
mot  à  un  mot,  ou  un  fens  à  un  autre  fcns  ;. 
la  conjonftion  &  eft  une  conjonclive  ^  oa 
l'appelle  auffi  copulative. 

La  disjonftive  eft  oppofée  à  la  copulative. 
Voyci  Conjonction. 

En  fécond  lieu  ,  le  mot  conjonclifs.  été 
fubftitué  par  quelques  grammairiens  à  celui 
de  fubjonftif,  qui  eft  le  nom  d'un  mode 
des  verbes ,  parce  que  fouvent  les  temps  du 
fubjon<^V!f  font  précédés  d'une  conjonélicn  -, 
mais  ce  n'eft  nullement  en  vertu  de  la  con- 
jonftion  que  le  verbe  eft  mis  au  fubion(flif , 
c'eft  uniquement  parce  qu'il  eft  fubordonné 
à  uneaflirmationdireèle,  exprimée  ou  fous- 
entendue.  L'indicatif  eft  fouvent  précédé 
de  conjonctions ,  fans  ceft^er  pour  cela  d'être 
appelle  indicatif. 

On  doit  donc  conferver  la  dénomination 
du  fubjonclif;  l'indicatifaffirme  dire(51:ement 
&  ne  fuppofe  rien ,  au  lieu  que  les  termi- 
nai fons  du  fubjonclif  font  toujours  fubor- 
données  à  un  indicatif  exprimé  ou  fous-en- 
tendu. Le  fubjonclif  eft  ai  nfi  appelle,  dit  Prif- 
cien,  parce  qu'il  eft  toujours  dépendant  de 
quelque  autre  verbe  qui  le  précède  ,  quod 
alteri  v&rbo  omnimodo  fuhjungitur.  Perilb- 
nius  dans  (qs  notes  fur  la  Minerve  de  Sanc- 
tius,obferve  que  l'indicatif  eft  fouvent  pré- 
cédé de  conjonctions,  &;  que  le  fubjonftif 
eft  toujours  précédé  &  dépendant  d'un 
verbe  de  quelque  membre  de  période.  Etiam 
indicatii'us  conjuncliones  dum  ,  quum  , 
quando  ,  quanquam  fi ^  &:c.  fibi  prczmljfas 
habet ,  &  velm^Jximcfibifubjungitalterurn 
verbum.  At  fubiunciivi  proprium  eji  omni^ 
modo.,  &  fernper  fubj  ungii'crbo  alterius  com- 
niaiis.  Perijhnius  in  Sanclii  Aîineri'd.  1. 1 , 
c.  xiij ,  n.  I.  Ainfi  confetvons  le  terme  de 
fubjonClif,  8c  regardons-le  comme  mode 
adjoint  &  dépendant ,  non  d'une  conjonc- 
tion ,  mais  d'un  fens  énoncé  par  un  indicatif, 

in 

CONJONCTION  ,  f.  f.  terme  de  Gram- 
maire. Les  conjonclions  font  de  petits  mots 
qui  marquent  que  l'efprit ,  outre  la  percep- 
tion qu'il  a  de  deux  objets,  apperçoit  entre 
ces  objets  un  rapport  ou  d'accompagne- 
ment ,  ou  d'oppofition  ,  ou  de  quelque  autre 
efpece  :  l'efprit  rapproche  alors  en  lui-même 


9M  C  O  M    ^ 

ces  objcf; ,  &  les  confidere  lun  pir  rapport 
à  l'autre  i'e\on  cette  vue  particulière.  Or  le 
mot  qui  n'a  d'autre  office  que  de  marquer 
cette  confidération  relative  de  l'efprit , 
eft  appelle  conjonction. 

Par  exemple  ,  iî  je  dis  que  Ciccron  & 
Qninti/ien  font  les  auteurs  les  plus  Judi- 
cieux de  r antiquité ^  je  porte  de  Quintilien 
le  même  jugementque  j'énonce  de  Cicéron , 
voilà  le  motif  qui  tait  que  je  rafTemble  Ci- 
céron avec  Quintilien  ,  le  mot  qui  marque 
cette  liai  Ton  èft  la  conjoncîion. 

Il  en  eft  de  même  fî  l'on  veut  marquer 
quelque  rapport  d'oppofition  ou  de  difcon- 
venance  ;  par  exemple,  fi  je  dis  qu'il  j  a  un 
avantage  réel  à  être  influât  ^  &:  que  j'ajoute 
enfuire  fans  aucune  liaifon  qu'i/  ne  faut  pas 
que  la  fcience  infpire  de  l'orgueil ^  j'énonce 
deux  fens  l'éparés  :  mais  fi  je  veux  rappro- 
cher ces  deux  fens ,  &  en  former  l'un  de  ces 
enfembles  qu'on  appelle /^/rior/e^ ,  j'apper- 
çois  d'abord  de  la  difconvenance,  &  une 
ibrre  d  eloignement  &  d'oppofition  qui  doit 
le  trouver  entre  la  fcience  &c  l'orgueil. 

Voilà  le  motif  qui  me  fait  réunir  entr'eux 
ces  deux  objets,  c'eft  pour  en  marquer  la  dif- 
convenance;  ainfi  en  les  rafifemblant  j'énon- 
cerai cette  idée  accefibire  par  la  conjonftion 
mais\,  je  dirai  donc  qu'iZ  j'  a  un  avantage 
réel  à  être  infiruit  ^  maisqiCilm  faut  pas  que 
cet  avantage  infpire  de  C  orgueil  ;  ce  mais 
rapproche  lesdeuxpropofitionsou  membres 
de  la  période,  &  les  met  en  oppofition. 

Ainfi  la  valeur  de  la  conjoncîion  confifte 
à  lier  des  mots  pour  une  nouvelle  modifica- 
tion ou  idée  accelToire  ajoutée  à  Tun  par 
rapport  à  l'autre.  Les  an.iens  grammairiens 
ont  balancé  autrefois ,  s'ils  placeroient  les 
conjonctions  au  nombre  des  parties  du  dif- 
cours  ,  &  cela  par  la  raifon  que  les  conjonc- 
tions ne  repréfentent  point  d  idées  de  chofes. 
Mais  qu'eft-ce  qu'être  partie  du  difcoiirs, 
dit  Prifcien  ?  «  finon  énoncer  quelque  con- 
»  cept ,  quelque  affeélion  ou  mouvement 
>»  intérieur  de  l'efprit:  »  Quidenim  efialiud 
pirs  orationis  ,  niji  vox  indicons  mentis 
concepium  id  ejl  cogitationcm  ?  (Prifc.  lih. 
Xî.fub  initio.)  Il  eft  vrai  que  les  conjonc- 
tions n'énoncent  pas  comme  font  les  noms , 
<\ç%  idées  d'êtres  réels  ou  métaphyfiques  , 
mr.is  elles  expriment  l'érat  ou  afFeclion  de 
rei'prit  entre  une  idée  &  un?  autre  idée, 


CON 

entre  wnt  p^opofition  Se  une  autre- propo- 
fition  ;  ainfi  les  conjonclions  fuppofent  tou- 
jours deux  idées  5c  deux  propofitions  ,  &c 
elles  font  connoître  l'efpece  d'idée  acceiïbire 
que  l'efprit  conçoit  entre  l'une  &  l'autre. 

Si  l'on  ne  regarde  dans  les  conjonclions 
que  la  feule  propriété  de  lier  un  fens  à  un 
autre  ,  on  doit  reconnoître  que  ce  fervice 
leur  efi:  commun  avec  bien  d'autres  mots  : 
i'^.  le  verbe,  par  exemple,  li» l'attribut  au 
fujet  :  les  pronoms  lui ,  illes  ,  eux.^  le^ltM^ 
les ,  leur ,  lient  une  propofition  à  une  autre  ; 
mais  ces  mots  tirent  leur  dénomination  d'un 
autre  emploi  qui  leur  efi:  particulier. 

1°.  Il  y  a  auffi  des  adjectifs  relatifs  qui 
font  l'ofiice  de  conjoncîion^  tel  eft  le  relatif 
qui^  lequel  ^  laquelle  :  car  outre  que  ce  mot 
rappelle  &c  indique  l'objet  dont  on  a  parlé, 
il  joint  encore  &:  unit  une  autre  propofition 
à  cet  objet,  il  identifie  même  cette  nouvelle 
propofition  avec  l'objet  ;  Di^u  que  nous 
adorons  e(l  tout-puiff'ant;  cet  attiîbut ,  eji 
tour-puifjant ,  efi:  affirmé  de  Dieu  en  tant 
qu'il  eft  celui  que  nous  adorons. 

Tel ,  quel ,  talis  ,  qualis  ;  tan  tus ,  quan^ 
tus^  tôt  ^  quoty  &c.  font  auffi  l'office  de 
conjonction. 

3**.  Il  y  a  Az%  adverbes  qui,  outre  la  pro- 
priété de  marquer  une  circonftance  de  temps 
ou  de  lieu,  fuppofent  de  plus  quelqu'autre 
penfée  qui  précède  la  propofition  où  ils  fe 
trouvent  :  alors  ces  adverbes  font  auffi  l'of- 
fice de  conjoncîion  :  tels  font  afn  que  :  on 
trouve  dans  quelques  anciens ,  &  l'on  dit 
même  encore  aujourd'hui  en  certaines  prt>- 
vinces  ,  à  celle  fin  que,  ^^Z  hune  finemfecun- 
diim  quem ,  où  vous  voyez  la  prépofirion  & 
le  nom  qui  font  l'adverbe  ,  &  de  plus  l'idée 
acceffiairedeliaifonik  de  dépendance.  Il  en 
eft  de  même  de  ,  à  caufe  que ,  propterea 
quod.  Parce  que  ,  quia  ;  encore,  adhuc ; 
déjà ,  jam ,  ces  mots  doivent  être  confidérés 
comme  adverbes  conjonclifs ,  puisqu'ils  font 
en  même  temps  l'office  d'adverbe  &  celui 
de  conjonction.  C'eft  du  fervice  des  mots 
dans  la  phrafe  qu'on  doit  tirer  leur  dénomi- 
nation. 

A  l'égard  des  conjonctions  proprement 
dites,  il  y  en  a  autant  de  fortes ,  qu'il  y  a 
de  différences  dans  les  points  de  vue  fous 
lefquels  notre efpritobferve  un  rapport  entre 
un  mot  &  unaiilÉifiEiOt ,  ou  entre  une  penfée 


C  O  N 

&  une  autre  penfée;  ces  différences  font 
autant  de  manières  particulières  de  lier  les 
propofitions  &  les  périodes. 

Les  Grammairiens,  lur  chaque  partie  du 
difcours ,  obrervent  ce  qu'ils  appellent  Us 
accidsns  ;  or  ^  ih  en'remarquent  deux  fortes 
dans  les  conjonctions  :  i°.  la  fimpHcité  &:  la 
compofition  ;  c'eft  ce  que  les  Grammairiens 
appellent  la  figure.  Ils  entendent  par  ce  ter- 
me ,  la  propriété  d'être  \\n  mot  fimple  ou 
d'<3tre  im  mot  compofé. 

Il  y  a  à-Q^  conjonctions  JimpUs  ,  telfts  font 
&^ou^  mais^fi^  car,  ni^  aujjl,  or,  donc,^c. 

Il  y  en  a  d'autres  qui  font  compofées,  à 
moins  que ,  pourvu  que ,  de  forte  que ,  parce 
que ,  par  confcqucnt ,  ôic. 

2°.  Le  fécond  accident  des  conjonctions , 
c'eft  leur  fignification  ,  leur  effet  ou  leur  va- 
leur ;c'eft  ce  qui  leur  a  fait  donner  les  divers 
noms  dont  nous  al'ons  parler ,  fur  quoi  j'ai 
cru  ne  pouvoir  mieux  faire  que  de  fuivre 
l'ordre  que  M.  l'abbé  Girard  a  gardé  dans  fa 
grammaire  au  traité  des  conjonctions  Çles  vé- 
ritables principes  de  la  langue  françoifc  ^ocij 
difc.  )  L'ouvrage  de  M.  l'abbé  Girard  eft 
rempli  d'obfervations  utiles ,  qui  donnent 
lieu  d'en  faire  d'autres  que  l'on  n'auroit 
peut-être  jamais  faites,  fil'on  n'avoit  point 
lu  avec  réflexion  l'ouvrage  de  ce  digne  aca- 
démicien. 

I  ''.Conjonctions  copulatives.  E^, 
/zi,  deux  conjonctions  qu'on  appelle  copula- 
tives ^à^x\v\K\  copulare  ,]o\ndre ,  afTembler, 
lier.  La  première  eft  en  ufage  dans  l'affir- 
mation ,  &  l'autre  dans  la  négative  ;  /'/  n'a 
ni  vice  ni  vertu.  Ni  vienJ5i  du  me  des  Latins , 
qui  vaut  autant  que  &~non.  On  trouve  fou- 
vent  &  au  lieu  de  ni  dans  les  propofitions 
négatives ,  mais  cela  ne  paroît  pas  exa(ft  : 
Je  ne  connoijjois  pas  Almani^or  &  V amour. 

J'aimerois  mieux  ni  l'Amour.  De  même 
la  poêfie  n  admet  pas  Us  exprejp.ons  &  les 
tranfpojltions  particulières .,  qui  ne  peuvent 
pas  trouver  quelquefois  leur  place  en  profe 
dans  le  flyle  vif&  élevé.  Il  faut  dire  avec  le 
P.  Buffier,  la  poêfie  n  admet  ni  exprejfion 
ni  tranfpofition ,  ikc. 

Obfervez  que  comme  l'efprit  eft  plus 
prompt  que  la  parole  ,  l'emprefîement  d'é- 
lioncer  ce  que  l'on  conçoit,  fait  fouvent 
fupprimer  les  conjonctions .,  ôi  fur-tout  les 
copulatives  ;  attention ,  foins  ^  crédit  y  ar- 


CON  935 

I  geniifaîtout  mis  en  ufage  pour ,  ôfc.  cette 
j  fuppreflion  rend  le  difcours  plus  vif.  On 
peut  faire  la  même  remarque  à  l'égard  de 
quelques  autres  conjonctions  ,  fur-tout  dans 
le  ftyle  poétique  ,  &  dans  le  langage  de  la 
pafllon  &  de  r-enthoofiafme. 

•2°.  Conjonctions  augmentatives 
ou  AdvEPvBES  conjonctifs-augmen- 
TATlFS.  De  plus ,  d'ailleurs  ;  ces  mots  fer- 
vent fouvent  de  tranfition  dans  le  difcours. 

3".  Conjonctions  alternatives. 
i  Ou ,  finon  ,  tantôt.  Il  faut  qaune  porte  foit 
ouverte  ou  fermée  ;  UfcT^cu  écriie\.  Pra^ 
tiquei  La  vertu,  f  non  vous  fere:^  mallieu- 
reux.  Tantôt  il  rit  ,  tantôt  il  pleure-,  tantôt 
il  veut ,  tantôt  il  ne  veut  pas. 

Ces  conjonctions  ,  que  M.  l'abbé  Girard 
appelle  û//<;r/2j/iv£i,  parce  qu'elles  manquent 
une  ahernative  ,  une  diftinflion  ou  fépara- 
tion  dans  les  clîofes  dont  on  parle  ;  ces  con- 
jonctions ,  dis-je ,  font  appellées  plus  com- 
munément disjonctives»  Ce  font  des  conjonc- 
tions ,  parce  qu'elles  uniffent  d'abord  deux 
objets ,  pour  nier  enfuite  de  l'un  ce  qu'on 
affirme  de  l'autre  ;  par  exemple ,  on  confi- 
dere  d'abord  le  foleil  6c  la  terre,  &  l'on  dit 
enfuite  que  c'eft  ou  le  foleil  qui  tourne  au- 
tour de  la  terre ,  ou  bien  que  c'eft  la  terre 
qui  tourne  autour  du  loleil.  De  ir.ême  en 
certaines  circonftances  on  regarde  Pierre  ôc 
Paulcomme  les  feules  perfonnes  qui  peuvent 
avoir  tait  une  telle  asflion  ;  les  voilà  donc 
d'abord  confidérés  enfemble ,  c'eft  la  con^ 
jonction  ;  eniuite  on  les  déiunit  ,  fi  l'on 
ajoute  c'efl  ou  Pierre  ou  Paul  qui  a  fait 
cela  ,   c'eft  Cun  ou  c'eft  l'autre. 

4°.CONJONCTIONS  HYPOTHÉTIQUES. 
Si ,  foit ,  pourvu  que  ,  à  moins  que ,  quand  , 
fauf.  M.  l'abbé  Girard  les  appelle  hypothé' 
tiques ,  c'eft-à-dire  ,  condùiionnelles  ,  parce 
qu'en  effet  ces  conjonctions  é.aoncent  une 
condition ,  une  fuppofition  ou  hypothefe. 

Si  ;  il  y  a  y?  conditionnel ,  vous  deviendre:^ 
favaiit  fi  vous  aimi\  V  étude  :  fi  vous  aime'^ 
Cétude ,  voilà  l'hypothefe  ou  la  condition. 
Il  y  auny^de  doute  ,  je  m  fo-ifi ,  &:c. 

H  y  a  encore  unyz  qui  vient  à\ifc  Aq% 
latins  ;  //  eÇt fi ftudieux ,  qu'il  deviendra  fa^ 
vant  ;  et  fi  eft  alors  adverbe  ,y^c  adeb  ,  à  ce 
point,  tellement. 

Soit  ^five  ',foit  goût ,  fait  raifon  ,foit  ca- 
price j  //  aime  la  retraite.  On  peut  aufîi  re- 


5)3<î  CO  N 

garder  (oit,/rvSy  comme  une  conjonciion 
alternative  ou  de  cllil:inâ:ion. 

SaiifàèWgnQ  une  hypothefe ,  mais  avec 
reftriftion. 

«5°.  Conjonctions  adversatives. 
Les  conjonclions  adi'crfadvts  raiTemblent 
les  idées,  &:  font  lervir  l'une  à  contreiîalan- 
cer  l'autre.  Il  y  a  îept  conjonctions  adverfa- 
tivcs  :  mais  ,  quoique ,  bien  que ,  cependant , 
pourtant ,  néanmoins ,  toutefois. 

Il  y  a  des  conjonctions  que  M.  l'abbé  Gi- 
rard appelle  extcnjives^  parce  qu'elles  lient 
par  extenfion  de  i'ens;  telles  iom  jufque  , 
encore ,  <?^///  ^  même  ,  tant  que  ,  non  plus  ^ 
enfin. 

Il  y  a  ào.^  adverbes  de  temps  que  l'on 
-peut  auifi  regarder  comme  de  véritables  con- 
jonclions ;  par  exemple  , /o7y^«e ,  quand  ^ 
des  que  ,  tandis  que.  Le  lien  que  ces  mots 
expriment,  confifte  dans  une  correfpon- 
dance  de  temps. 

6*^.  D'autres  marquent  un  motif,  un  but , 
une  raifbn  ,  afin  que ^  parce  que .,  puifaue  ^ 
car^  comme  ^  cujjl  ^  attendu  que  ^  d^ autant 
que  :  M.  l'abbé  Girard  prétend  (/.  II ,  pag. 
a^o.  )  qu'il  faut  bien  diftinguer  damant  que 
conjonthon  qu'on  écrit  {'ansapoftrophe,  & 
^'tf«^<î«r adverbe,  qui  efl:  toujours féparé de 
que  par  plus ,  mieux  ou  moins ,  d'autant 
plus  que  ^  &  qu'on  écrit  avec  l'apollrophe. 
Le  P.  Joubert,  dans  Ton  didionnaire,  dit 
aufîi  d'autant  que ,  conjond^ion  ;  on  l'écrit , 
dit-il,  fans  apoftrophe,  quia^quoniam.  Mais 
M.  l'abljé  Régnier,  dans  fa  grammaire, 
écrit  d"*  autant  que  ^zor{]ondi\on  aved'apof- 
trophe  ,  &  obferve  que  ce  mot,  qui  autre- 
fois étoit  fort  en  ufag:;,  eft  renfermé  aujour- 
d'hui au  ftyle  de  chancellerie  &:de  pratique; 
pourmDi  je  crois  que  d'' autant  que  ^  Sau- 
tant mieux  que  font  le  même  adverbe,  qui 
de  plus  fait  l'office  de  conjonciion  dans  cet 
exemple,  que  M.  l'abbé  Girard  cite  pour 
faire  voir  que  d'autant  que  eft  conjonc- 
tion fans  apoftrophe  ;  on  ne  devoit  pas  Jî 
fort  le  louzr ,  d^ autant  quHl  ne  le  méritoit 
pas-,  n'eft-il  pas  évident  que  d'autant  que 
répond  à  ex  eo  quod ,  ex  eo  mom^ento  /ecun- 
dum  quod ,  ex  eâ  ratione  fecundiim  quam  , 
&  que  Ton  pourroit  auffi  dire  ,  d'autant 
mieux  qu'il  ne  le  méritoit  pas.  Dans  les  pre- 
mières éditions  de  Danet  on  avoit  écrit 
d'autant  que  lans  apoftrophe  ,  mais  on  a  cor- 


CO  N 

rigé  cette  faute  dans  I  édition  de  17ÎI  ;  îa 
même  faute  eft  aulïl  dans  Richelet.  Nicot , 
dicfionnaire  1606,  écrit  toujours  d'autant 
que  avec  l'apoftrophe. 

7°.  On  compte  quatre  conjonclions  con^ 
c/z{/$vej,  c'eft-à-dire  ,  qui  fervent  à  déduire 
une  conféquence  ,  donc ,  par  conféqucnt  , 
ainfi^  partant  :  mais  ce  dernier  n'eft  guère 
d'ufage  que  dans  les  comptes  où  il  marque 
un  réfultat. 

S^.  Il  y  a  des  conjonclions  explicatives  , 
comme* lorfqu'il  fe  préfente  une  fimiîitude 
ou  une  conformité,  en  tant  que ,  J'avoir  y, 
fur-tout. 

Auxquelles  on  joint  les  cinq  expreffions 
fuivantes  qui  font  des  conjonclions  compo" 
fées  ,  de  forte  que,  ainflque  ,  de  façon  que  , 
c'eft-à-dire ,  Jt  bien. 

On  obferve  des  conjonclions  tranfîtives  , 
qui  marquent  un  pafl?.ge  ou  une  tranfition 
d'une  chofe  à  une  autre ,  or^au  refte  ,  quant 
à ^  pour.,  c'eft-à-dire  ,  à  l" égard  de\  comme 
quand  on  dit  :  fun  ejl  venu  ;  pour  l'autre  , 
il  eft  demeuré. 

9^.  La  conjonciion  que  :  ce  mot  eft  d'un 
grand  ufage  en  françois,  M.  l'abbé  Girard 
l'.appelle  ^conjonciion  ccnduclive ,  parce 
qu'elle  fert  à  conduire  le  iens  à  fon  complé- 
ment :  elle  eft  toujours  placée  entre  deux 
idées ,  dont  celle  qui  précède  en  fait  tou- 
jours attendre  une  autre  pour  former  un 
("ens ,  de  manière  que  l'union  des  deux  eft 
néceiTaire  pour  former  une  continuité  de 
fens  ;  par  exemple  ,  il  eft  important  que  Cort 
fait  inftruitdefes  dei^oirs  :  cette  conjonciion 
eft  d'un  grand  ufage  dans  les  comparaisons  ; 
elle  conduit  du  terme  comparé  au  terme 
qu'on  prend  pour  modèle  ou  pour  exemple  : 
les  femmes  ont  autant  d'intelligence  que  les 
komm&s,  ^lors  elle  étoit  comparative.  Enfin, 
la  conjondion  que  fert  encore  à  marquer  une 
reftrittion  dans  les  propoiitions  négatives  ;. 
par  exemple,  il  ne^fait  mention  que  d'un 
tel  prédicateur  .y  fur  quoi  il  faut  obferver 
que  l'on  préfente  d'abord  une  négation , 
d'où  l'on  tire  la  chofe  pour  la  préfenter 
dans  un  fens  affirmatif  excluiivemenrà  tout 
autre  :  //  /z'y  avait  dans  cette  affemblée  que 
tel  qui  eut  de  Vej'prit;  nous  n  avons  que  peu 
de  temps  à  vivre ,  &  nous  ne  ctierchons  qiià 
;  le  perdre.  M.  l'abbé  Girard  appelle  alors 
^  cette  conion(^ion  reftriclive, 

Àt» 


C  ON 

Au  fond  cette  conjonclion  que  n'eft  fou- 
vent  autre  chofe  que  le  quod  des  latins , 
pris  dans  le  fens  de  hoc.  Je  dis  que  vous 
êtes  fage ,  dico  quod ,  c'eft-à-dire  dico  hoc 
ncmpe^  vous  êtes  fage.  Que  vient  aufli  quel- 
quefois de  quant  ou  de  quantum  ou  enfin 
de  quot. 

Au  refte  on  peutfe  difpenfer  de  charger 
fa  mémoire  des  divers  noms  de  chaque  forte 
de  conjonclion  ,  parce  qu'indépendamment 
de  quelqu'autre  fonftion  qu'il  peut  avoir , 
il  lie  un  mot  à  un  autre  mot,  ou  un  fens 
à  un  autre  fens ,  de  la  manière  que  nous 
l'avons  expliqué  d'abord  :  ainfi  il  y  a  des 
adverbes  &  des  prépofîtions  qui  font  aufli 
des  conjonctions  compofécs^  comme  afinquc^ 
para  que  ^  à  caufc  que  ,  &c.  ce  qui  eft  bien 
différent  du  (impie  adverbe  &  de  la  (impie 
prépo(ition  ,  qui  ne  font  que  marquer  une 
circonftance  ou  une  manière  d'être  du  nom 
ou  du  verbe.  Ç FJ 

Conjonction,  en  Afironomie ,  fe  dît 
de  la  rencontre  apparente  de  deux  planètes 
dans  le  même  point  des  cieux  ,  ou  plutôt 
dans  le  même  degré  du  zodiaque.  V^oye:^^ 
Planète,  Phase,  6*c. 

Pour  que  deux  a(^res  foient  cenfés  en 
conjonclion ,  il  n'eft  pas  néce(raire  que  leur 
latitude  toit  la  même;  il  fuffit  qu'ils  aient 
la  même  longitude,  ^oj^^  Longitude  6* 
Latitude. 

Si  deux  aftres  fe  trouvent  dans  le  même 
degré  de  longitude  &:  de  latitude  ;  une  ligne 
droite  tirée  du  centre  de  la  terre ,  par  celui 
de  l'un  des  aftres ,  pa(rera  par  le  centre  de 
l'autre.  La  conjonclion  alors  s'appellera  co/7- 
jonction  vraie  &  centrale. 

Si  la  ligne  qui  paffe  par  le  centre  des 
deux  aftres ,  ne  paffe  pas  par  le  centre  de 
la  terre,  on  l'appelle  conjonclion  partiale  : 
fi  les  deux  corps  ne  fe  rencontrent  pas  pré- 
cifément  dans  le  même  degré  de  longitude, 
mais  qu'il  s'en  faille  quelque  chofe  ,  la  con- 
jonclion eft  dite  apparente.  Ain(î  lorfqu'une 
ligne  droite,  que  l'qn  fuppofe  pa(rer  par 
le  centre  des  deux  aftres ,  ne  pade  pas  par 
le  centre  de  la  terre ,  mais  par  l'œil  de  l'ob- 
fervateur ,  l'on  dit  que  la  conjonclion  eft  ap- 
parente. Du  refte  les  aftronomes  fe  fervent 
a(rez  généralement  du  mot  de  conjonclion^ 
pour  exprimer  la  (ituation  de  deux  aftres  , 
dont  les  centres  (e  trouvent  avec  le  centre 
Tome    VIIL 


CON  .       937 

de  la  terre  dans  un  même  plan  perpendr- 
culaire  au  plan  de  l'écliptique.  Voy.  ECLIP- 
TIQUE. 

On  divife  auftî  les  conjonctions  en  gran- 
des ,  &  en  très-grandes.  Les  grandes  co/z- 
j onctions  fontcellesqui  n'arrivent  qu'au  bout 
d'un  temps  con(idérab!e ,  comme  celle  de 
Saturne  &  de  Jupiter ,  qui  arrivent  tous  les 
vingt  ans. 

Les  conjonctions  très-grandes  font  celles 
qui  arrivent  dans  des  temps  extrêmement 
éloignés;  comme  celle  des  trois  planètes 
fupérieures ,  Mars  ,  Jupiter  &:  Saturne , 
qui  n'arrive  que  tous  les  «joo  ans.  Cette 
conjonction  eft  arrivée  en  1743  :  ces  trois 
planètes  furent  vues  enfemble  ,  plufieurs 
mois ,  dans  la  conftellation  du  lion  :  mais 
elles  ne  fe  trouvèrent  que  fucceflivement 
à  la  même  longitude ,  &  en  oppofitioii 
avec  le  foleil;  favoir.  Mars  le  16  Février, 
Saturne  le  21  ,  &  Jupiter  le  28  ;  ce  qui  ne 
fait  qu'un  intervalle  de  douze  jours,  &:  ce 
qui  arrive  très-rarement  :  l'œil  placé  fuc- 
ceflivement  fur  chacune  de  ces  planètes, 
auroit  donc  vu  dans  le  même  ordre  trois 
conjonctions  de  la  terre  au  foleil.  On  trouvera, 
dans  Thiftoire  &  les  mémoires  de  l'acadé- 
mie de  174]  ,  un  plus  ample  détail  fur  ce 
fujet.  Au  re(ie  on  ne  fe  fert  que  peu  ou 
point  de  cette  diftinélion  des  conjonctions 
qui  n'eft  fondée  que  (ur  des  notions  ima- 
ginaires des  prétendues  influences  des  corps 
céleftes ,  dans  tels  ôc  tels  afpefts.  Voye^  In- 
fluence. 

Il  eft  bon  de  remarquer  encore  que  pour 
que  deux  aftres  foient  en  conjon3ion  par 
rapport  à  la  terre ,  il  faut  qu'ils  fe  trouvent 
tous  deux  d'un  même  côté  par  rapport  à 
la  terre  ;  au  lieu  que  dans  Koppofition  la  terre 
fe  trouve  entre-deux.  C'eft  une  fuite  de  la 
définition  ci-de(fus. 

La  conjonclion  eft  le  premier  ou  le  prin- 
cipal des  afpefts ,  ôc  celui  auquel  tous  les 
autres  commencent  ;  comme  roppofition 
eft  le  dernier,  &  celui  où  ilsfini(fent.  Voy» 
Aspect  6-  Opposition. 

Les  obfervations  des  planètes  dans  leurs  ^ 
conjonctions  font  très-importantes  dansl'Af- 
tronomie;  ce  font  autant  d'époques  qui 
fervent  à  déterminer  les  mouvemens  des 
corps  céleftes ,  les  routes  qu'ils  tiennent  5 
6>i.  la  durée  de  leurs  cours. 

Bbbbbb 


93^  C  O  N 

Les  planètes  inférieures  ,  lavoir  Venus 
^  Mercure ,  ont  deux  fortes  de  conjonc- 
tions. L'une  arrive  lorfque  la  planète  Te 
trouve  entre  le  foleil  &  la  terre ,  &  par 
confëquent  fetrouvele  plus  près  de  la  terre; 
on  la  nommç  conjonction  inférieure  :  l'autre 
arrive  quand  la  planète  eft  le  plus  éloignée 
delà  terre  qu'il  eft  poffible,  c'eft-à-dire  que 
le  foleil  fe  trouve  entre  la  terre  &  elle  ; 
on  appelle  cette  conjorkftion  ,  conjonction 
fupéricurs. 

La  lune  fe  trouve  en  conjonction  avec  le 
foleil  tous  les  mois.  Voye:^  LuNE  &  MoiS. 
On  appelle  fes  conjonctions  &c  fes  oppofî- 
tions  du  nom  général  àQ  Jjfygies.  V'oye:^ 
Sysygie.  Il  n'y  a  jamais  d  eclipre  de  foleil 
que  lorfque  fa  conjonction  avec  la  lune  fefait 
proche  les  nœuds  de  l'écliptique  ,  ou  dans 
ces  nœuds  même.  VoycT^  ÉCLIPSE.  (O) 

CONJONCTIVE,  f.  f.  C^nat.  )  pre- 
mière tunique  de  l'œil,  autrement  nommée 
alhuginécy  parce  qu'elle  forme  ce  qu'on  ap- 
pelle le  blanc  de  l'œil  qu'elle  couvre.  Elle 
"s'unit  avec  les  deux  paupières  ,  paroît  dans 
toute  fon  étendue  après  qu'on  a  levé  les 
mufcles  orbiculaires  de  ces  voiles  des  yeux , 
&  s'avance  jufqu'au  haut  de  leurs  parties 
internes.  Faifons  connoître  un  peu  plus  au 
long  fon  origine,  fa  ftrufture  ,  &  fon 
«fage  :  nous  ferons  courts  ,  &  nous  dirons 
tout. 

La  figure  fphérique  de  nos  yeux,  &  leur 
eonnexion  libre  au  bord  de  l'orbire  par  le 
moyen  de  la  conjonâii'c  .,  leur  permet  d  être 
mus  librement  de  tous  côtés, .félon  la  (irua- 
tion  de  l'objet  que  nous  voulons  voir.  Cette 
tunique  eft  mince,  blanche  dans  fon  état 
naturel,  membraneufe,  nerveufe,  vafcu- 
leufe  ,  lâche ,  &  flexible.  Elle  prend  fon 
origine  du  périofle  qui  recouvre  les  bards 
de  l'orbite,  &  s'étend  fur  toute  la  partie  an»- 
térieure  du  globe,  jufqu'àr  l'extréir.iié  de  la^ 
fclérotique ,  où  elle  fe  joint  à  la  cornée 
qu'ele couvre  d'un  tiers  de  ligne,  ou  d'une 
demi-ligne. 

Elle  eft  el'e-méme  recouverts  extérieure- 
ment d'une  autre  membrane  très-fine  &: 
très-polie  ,  à  laqr.elle  elle  eil:  fi  étroitement 
adhérente  ,  qu'elles  paroiflent  ne  faire 
er.femble  qu'une  feule  membrane  ,  quoi- 
qu'il y  en  ait  réellement  deux  diftintles  , 
qu'il  eft  aifé  de  féparer.  L'une  d'elles  eft ,. 


C  O  M 

comme  on  Ta  dit ,  une  continuation  du  pé» 
riofle  de  l'orbite ,  &  l'autre  cje  la  membrane 
interne  des  paupières. 

Ces  deux  membranes  font  douées  d'ua 
fentiment  exquis ,  &:  entre-tiffues  de  quan- 
tité de  vaifîéaux  fanguins ,  lâchement  atta- 
chés ,  au  point  de  repréfenter  par  leur  gon- 
flement dans  les  violentes  ophtalmies  fur- 
tout,  le  blanc  de  l'œil  comme  une  exeroif- 
fance  charnue  d'un  rouge  très-vif. 

Ce  feit  mérite  d'être  remarqué ,  non 
feulement  parce  qu'il  peut  paroître  difficile 
à  concevoir  à  plufieurs  pcrfonnes  ,  mais- 
même  en  impofer  à  un  oculifle  inattentif 
ou  fans  expérience,  qui  pourroit  regarder 
cette  maladie  comme  une  excroifl^nce  incu- 
rable de  la  cornée  elle-même.  M.  "Wool-- 
houfe,  à  qui  cette  cruelle  inflammation  de: 
la  conjonctive  n'éîoit  pas  inconnue,  em- 
ployoit  d'abord  les  remèdes  généraux  pour- 
la  diffiper  ;  après  lefquels  il  mettait  en  pra- 
tique de  légères  (carifications  fur  ces  vaif- 
feaux-,  ce  qu'il  appelloit  {^.Jaignée  de  L'œil \\ 
mais  nous  n'oferions  trop  approuver  Tufage 
de  ce  rem.ede  ,  à  caufe  de  la  délicatefîe  de.: 
l'organe. 

Pour  ce  qui  concerne  la  légère  inflam- 
mation de  la  conjonctive  ,  procédant  dufim-* 
pie  relâchement  de  Çts  vaifleaux  fanguins,. 
elle  eft  facile  à  guérir  dans  fon  commence-- 
ment  ;  car  en  bafllnant  fouvent  les  yeux, 
avec  de  l'eau  fraîche,  les  vaifleaux  reflerrés  • 
par  cette  fraîcheur  repoufîent  la  partie  rouge- 
du  fang  qui  s'y  étoit  introduite  en  les  di-- 
latant. 

Voici  quel  efl:  l'ufage  de  la  conjonBive,. 
1°.  Elle  aflujettit  ou  affermit  le  bulbe  de- 
l'œil ,  fans  diminuer  aucunement  fon' ex- 
trême mobilité.  1°.  Elle  empêche  que  les 
corps  étrangers  n'entrent  dans  l'intérieur  de-. 
l'œil.  3°.  Elle  aide  par  fon  poli  à  rendre  in-- 
Isiifible  la  fridion  des  paupières  fur  les  par- 
ties de  l'œil  qu'elle  couvre.  Voye^^  ŒiL.. 
Art.  de  M.  UCh.  DE  JaUCOVRT, 

*  CONJONCTimE.,  i\  f.  [Gram.  )i 
coexiflence  dans  le  temps  de  pkifieurs  faits- 
relatifs  à  un  autre  qifils  modifient,  foit; 
en  bien  ,  loit  en  mai  ;  ff  les  faits  é.oient. 
coexiflans  dans  la  chofe ,  ce  feroient  A&s  cir- 
confl:ances  ;  celui  qui  a  profondément  exa* 
miné  la  chofe  en  elle-même  feulement,  en 
connoîtra  toutes  les  circonflances ,  mais  ii. 


C  O  N 

pourra  n'en  pas  connoître  toutes  les  conjonc- 
tures ;  il  y  a  même  telle  conjoncture,  qu'il  eft 
impoihble  à  un  homme  de  deviner,  &  ré- 
ciproquement, tel  homme  connoitra  par- 
faitement les  conjeciures  ,  qui  ne  connoitra 
pas  les  circonftances.  V.  l'article  CIRCONS- 
TANCE, &  le  corrigez l'ur  celui-ci,  en  ajou- 
tant après  ces  mots  ,  plus  ou  moins  fâcheux , 
ceux-ci,p/tti  ou  moins  agréable^les  conjonctu- 
res feroient,  s'il  étoit  permis  de  parler  ainfi, 
les  circonftances  du  temps,  &  les  circonf- 
tances  feroient  les  conjonctures  de  la  chofe. 

CONIQUE,  adj.(  Géom.  )  fe  dit  en  gé- 
néral de  tout  ce  qui  a  rapport  au  cône  , 
qui  lui  appartient ,  ou  qui  en  a  la  figure.  On 
dit  quelquefois  les  coniques,  pour  exprimer 
cette  partie  de  la  géométrie  des  lignes  cour- 
bes, où  l'on  traite  àt^feclions  coniques. 

Conique  ,  {  Géom.  )  feclion  conique ., 
ligne  courbe  que  donne  la  i'eftion  d'un  cône 
par  un  pian.  Voye^  CONE  6-  SECTION. 

hQ<ifections  coniques  font  l'ellipfe ,  la  para- 
bole &  l'hyperbole  ,  fans  compter  le  cercle 
&  le  triangle ,  qu'oapeut  mettre  au  nombre 
^t^feclions  coniques  :  en  effet  lecercleeft  la 
feftion  d'un  cône  par  un  plan  parallèle  à  la 
ba.fe  du  cône;  &:  le  triangle  en  eft  la  feftion 
par  un  pUn  qui  paife  par  le  fomtnet.  On 
peut  en  conféquence  regarder  le  triangle 
comme  une  hyperbole  dont  l'axe  tranfverfe 
ou  premier  axe  eft  égal  à  zéro. 

Quoique  les  principales  propriétés  des 
/estions  coniques  foient  expliquées  en  parti- 
culier à  chaque  article  de  l'elùpfe,  delà  pa- 
rabole &cde  l'hyperbole  ;  nous  allons  cepen- 
d  mt  les  expofer  toutes  en  général ,  &comme 
fous  un  même  point  de  vue  ,  afin  qu'en 
'le>  voyant  plus  rapprochées  ,  on  puifTeplus 
-aifément  fe  les  rendre  familières  :  ce  qui  eft 
néceffaire  pour  la  haute  géométrie ,  l'aftro- 
nomie ,  la  méchanique  ,  &c. 

i.  Si  le  plan  coupant  eft  parallèle  à  quel- 
que plan  qui  paflé  par  le  fommet  &  qui 
coupe  le  cône  ;  ou  ce  qui  revient  au  même , 
il  le  plan  coupant  étant  prolongé  rencontre 
à  la  fois  les  deux  cônes  oppofés ,  la  feftion 
de  chaque  cône  s'appelle  hyperbole.  Pour 
repréfenrer  fous  un  même  nom  les  deux 
courbes  que  donne  chaque  cône,lefqueiles 
ne  font  réellement  enfemble  qu'une  feule  & 
cîême  courbe,  on  les  appelle  hyperboles 
«^pojèes. 


C  O  N  939 

'  2.  Si  le  plan  coupant  eft  parallèle  à  quel- 
que plan  qui  pafl'e  par  le  fommet  du  cône  , 
mais  fans  couper  le  cône  ni  le  toucher,  la 
figure  que  donne  alors  cette  feélion  eft  une 
ellipfe. 

3.  Si  le  plan  pafiTant  parle  fommet,  &  au- 
quel on  fuppoiè  parallèle  le  plan  de  la  fac- 
tion, ne  fait  fimplement  que  toucher  le 
cône ,  le  plan  coupant  donnera  alors  une 
parabole. 

Mais  au  lieu  de  confidérer  lesfe&ions  co^ 
niques  par  leur  génération  dans  le  cône  , 
nous  allons ,  à  la  manière  de  Defcartes  & 
des  autres  auteurs  modernes,  les  examiner 
par  leur  defcription  fur  un  plan. 

Defcription  de T ellipfe.  H^I ,  C fiS'  '2  > 
conique.  J  étant  deux  points  fixes  fur  un  plan; 
fi  l'on  fait  pafiTer  autour  de  ces  deux  points 
un  fil  IH B ,  que  l'on  tende  par  le  moyen 
d'un  crayon  ou  ftylet  en  B  ,  en  faifant  mou- 
voir ce  ftylet  autour  des  points  H  ^  /juf- 
qu'à  ce  qu'on  revienne  au  même  point  B  , 
la  courbe  qu'il  décrira  dans  ce  mouvement 
fera  une  ellipfe. 

On  peut  regarder  cette  courbe  comme  ne 
différant  du  cercle  qu'autant  qu'elle  a  deux 
centres  au  lieu  d'un.  Auffi  fi  l'on  s'imagine 
que  les  points  H ,  I  {q  rapprochent,  l'el- 
lipfe fera  moins  éloignée  d'iui  cercle,  ik  en 
deviendra  un  exaâement  ,  lorfque  ces 
points  H  &  I  {q  confondront. 

Suivant  les  diftérentes  couleurs  que  l'on 
donnera  au  fil  B  ffl,  par  rapport  à  la  dif- 
tance  ou  longueur  HI ,  on  formera  difi^é- 
rentes  efpeces  d'eilipfes  ;  5c  toutes  les  fois 
qu'on  augmentera  l'intervalle  HI,  &  la  lon- 
gueur du  fil  HB I,  en  même  raifon  ,  l'el- 
lipfe reftera  de  la  même  efpece  ;  les  limites 
des  différentes  elîipfes  font  le  cercle ,  Ôi  la 
ligne  droite  dans  laquelle  cette  courbe  fe 
change  lorfque  les  points  H  &c  I  font  éloi- 
gnés à  leur  plus  grande  diftance  ;  c'eft-à- 
dire ,  jufqu'à  la  longueur  entière  du  fil.  La 
différence  frappante  qui  eft  entre  le  cercie, 
qui  eft  la  première  de  toutes  les  elîipfes,  &c 
la  ligne  droite  ou  ellipfe  infiniment  alongée 
qui  eft  la  dernière,  indique  allez  que  toutes 
les  elîipfes  intermédiaires  doivent  être  au- 
tant d'efpeces  d'eilipfes  différentes  les  unes 
des  autres  ;  &  il  feroit  ailé  de  le  démontrer 
rigoureufement. 

Dans  une  ellipfe  quelconque  DFKR^ 
Bbbbbb  z 


940  C  O  N 

{fig.  i4.)\q  point  Ceft  appelle /e  centre  \  les 
pomts  H^I^Us  foyers-,  D  K,  le  grand 
axe  ou  /'^-re  tranfperfe,  ou  bien  encore 
leprincipal  diamètre  ou  le  principal  diamètre 
tranjverfe  ;  FR  /^pe/i/aATé.  Toutes  les  lignes 
paiîant  par  C  font  nommées  diamètres  :  les 
lignes  terminées  à  deux  points  de  la  circon- 
férence, &  menées  parallèlement  à  la  tan- 
gente ÀîiA ,  au  ibmmet  d'un  diamètre  , 
font  les  ordonnées  à  ce  diamètre.  Les  par- 
ties comme  Mv,  terminées  entre  le  fom- 
met  M  du  diamètre  ,  &  \ef  ordonnées ,  font 
les<zÂya/7^-J.  Le  diametremené  parallèlement 
aux  ordonnées  d'un  diamètre  ,  eft  fort  dia- 
mètre conjugué;  enfin  .la  troifieme  propor- 
tionnelle à  un  diamètre  quelconque ,  &  à 
ion  diamètre  conjugué  eft  \s paramètre  de  ce 
diamètre  quelconque.  Voje^  CENTRE, 
Foyer,  Axe,  Diamètre,  &c. 

Propriété  de  Pellipfe.  i°.  Les  ordon- 
nées d*un  diamètre  quelconque  font  toutes 
coupées  en  deux  parties  égales  par  ce  dia- 
mètre. 

2°.  Les  ordonnées  des  axes  ou  diamètres 
principaux  font  perpendiculaires  à  ces  axes. 
Alais  les  ordonnées  aux  autres  diamètres 
leur  font  obliques.  Dans  les  ellipfes  de  dif- 
férentes efpeces ,  plus  les  ordonnées  font 
obliqres  fur  leur  diamètre  à  égale  diftance 
de  l 'axe,  plus  les  axesdifferent  l'un  de  l'autre. 
Dans  la  même  ellipfe,  plus  les  ordonnées 
feront  obliques  fur  leurs  diamètres,  plus 
ces  diamètres  feront  écarrés  des  axes. 

3°.  Il  n'y  a  que  deux  diamètres  conjugués 
qui  foient  égaux  entr'eux;  &  ces  diamètres 
MG,  FT^Îoni  tels  que  l'angle  FCM^ 
FCV. 

J^»  L'angle  obtus  VCM ,  des  deux  dia- 
mètres conjugués  égaux  ,  eft  le  plus  grand 
de  tous  les  angles  obtus  que  forment  en- 
tr'eux les  diamètres  conjugués  de  la  même 
ellipfe  \  c'cft  le  contraire  pour  l'angle  aigu 
VCB. 

'?''.  Les  lignes  (jlP  è>cvB  étant  des  demi- 
ordonnées  à  un  diamètre  quelconque  MG, 
le  quarré  de  y.  P  eft  au  quarré  dty  B ,  coinme 
le  reétangie  M  (Ji.  +  /t/  jff  eft  au  reélangle 
Mv-h  V  G.  Cette  propriétéeft  démontrée  par 
MM.  de  l'Hôpital,  Guifnée,  &c. 

6°.  Le  parameire  du  grand  axe ,  qui  fui- 
Yant  la  définition  précédente  doit  être  la 
.n<)i&me  proportionnelle  aux  deux  axes, 


CO  N 

eft  auflî  égala  l'ordonnée  TWJfj?^.  /j.^," 
qui  paffe  par  le  foyer  /. 

7°.  Le  quarré  d'une  demi-ordonnée 
quelconque  P/x  à  un  diamètre  M  G  (fig. 
/4.  )  ,  eft  moindre  que  le  produit  de  l'ab- 
cifte  M fz  par  le  paramètre  de  ce  diamètre, 
C'eft  ce  qui  a  donné  le  nom  à  l'ellipfe  , 
(».u4'if  ,  fignifiant  défaut. 

b''.  Si  d'un  point  quelconque  B  (fig.  ij .} 
on  tire  les  droites  B  ff  àc  B  I  aux  foyers  , 
leur  fomme  fera  égale  au  grand  axe  ;  &:  ft 
l'on  divife  parla  ligne  B  a  l'angle  75 /Tque 
font  ces  deux  lignes ,  en  deux  parties  éga- 
les, cette  ligne  B  a  fera  perpendiculaire  à 
l'ellipfe  dans  le  point  B. 

cf°.  Un  corps  décrivant  l'ellipfe  D  FK 
autour  du  foyer  H ^  eft  dans  fa  plus  grande 
diftance  à  ce  foyer  //",  lorfqu'il  eft  en  K  / 
dans  fa  plus  petite  lorfqu'il  eft  en  Z>;  6i 
dans  {qs  moyennes  diftances ,  lorfqu'il  eft: 
en  F  ^  en  È, 

10°.  De  plus  cette  moyenne  diftance- 
Fffèi.  EH  Qd  égale  à  la  moitié  du  grand- 
axe. 

11°.  L'aire  d'une  ellipfe  eft  à  celle  du 
cercle  circonfcrit  Z)/7zK  ,  comme  le  petit 
axe  eft  au  grand  axe.  Il  en  eft  de  même  de 
toutes  les. parties  correfpKjndantes  MIKy 
miK  de  ces  mêmes  aires.  Cette  propriété 
fuit  de  celle-ci ,  que  chaque  demi-ordon- 
née AfJ  de  l'ellipfe,  eft  à  la  demi-ordorr- 
née  mlà\x  cercle  dans  la  raifon  du  petit  axe 
au  grand.  Ce  feroitle  contraire,  fi  l'on  com- 
paroît  un  cercle  à  une  ellipfe  circonfcrite  ,. 
c'eft-à-dire ,  qui  auroit  pour  petit  axe  le 
diamètre  de  ce  cercle. 

12°.  Tous  les  parallélogrammes  décrits 
autour  des  diametresconjugués  des  ellipfes , 
font  égaux  entr'eux.  Le  parallélogramme 
A^yS'{fig.  ;^.J  par  exemple,  eft  égal  au 
parallélogramme  e|.,3.  M.  Euler  a  étendu- 
cette  propriété  à  d'autres  courbes.  Voyelle 
premier  volume  de  rhifloire  françoife  de  /'o» 
cadémie  de  Berlin ,  ty^S. 

13°.  Si  la  ligne  droite  5  JpafTant  par  l'urt 
des  foyers ,  fe  meut  en  telle  forte  que  l'aire 
qu'elle  décrit  foit  proportionnelle  au  temps, 
le  mouvement  angulaire  de  B  Hauteur  de 
l'autre  foyer,  lorfque  l'ellipfe  ne  diffère  pas 
beaucoup  du  cercle  ,  eft  fort  approchant 
d'être  uniforme  ou  égal.  Cardans  une  ellipfe 
qui  diffère  peu  d'un  cercle ,  les.  fedeuxs 


C  O  N 

quelconques  B  iDy  FI D,  &c.  font  entre 
eux  à  très-peu  près  comme  les  angles  cor- 
refpondans  B  HD.  Foye:{  Jnft.  Afiron.  de 
M.  le  Monnier,  pag.  Soè"  &  fulv. 

Defcription  de  la  parabole.  YLK  (^fig. 
iS.)  fecl,  coniq.  eft  une  équerre  dont  on  fait 
mouvoir  la  branche  Y L  le  long  d'une  règle 
fixe  Y I;  P/"  eft  un  fil  dont  l'extrémité  eft 
attachée  en  -X^  à  cette  équerre ,  &:  l'autre  en 
/"  à  un  point  fixe  F.  Si  pendant  le  mouve- 
ment de  cette  équerre  on  tend  continuel- 
lement le  fil  par  le  moyen  d  un  ftylet  P,  qui 
fuive  toujours  l'équerre  ,  le  ftylet  décrira  la 
courbe  appe'lée  parabole. 

La  ligne  L  /eft  nommée  la  directrice ,  F 
le  foyer  ;  le  point  T  qui  divile  en  deux 
parties  égales  la  perpendiculaire  FI  à  la 
directrice ,  eft  le  fommet  de  la  parabole. 
La  droite  T  F  ,  prolongée  indéfiniment  , 
Taxe. 

Toute  ligne  comme  n  i  parallèle  à  l'axe, 
eft  appellée  un  diamètre.  Les  lignes  comme 
H l  terminées  en  deux  points  H,  /del'el- 
lipfe,  &  menées  parallèlement  à  la  tangente 
au  fommet  d'un  diamètre  ,  font  les  ordon- 
nées à  ce  diamètre.  Les  parties  /  cj  font  les 
abfciftes.  Le  quadruple  de  la  diftance  du 
point  iau  point  F^  eft  le  paramètre  du  dia- 
mètre /  n  :  d'où  il  fuit  que  le  quadruple  de 
FTe{{  le  paramètre  de  l'axe,  qu'on  appelle 
auffi  le  paramètre  de  la  parabole. 

Propriété  de  la  parabole.  i°.  Les  ordon- 
nées à  un  diamètre  quelconque  ,  font  tou- 
jours coupées  en  deux  parties  égales  par  ce 
.diamètre. 

a°.  Les  ordonnées  à  l'axe  lui  font  per- 
pendiculaires,  &  font  les  feules  qui  foient 
perpendiculaires  à  leur  diamètre  ;  les  autres 
font  d'autant  plus  obliques ,  qiie  le  diamè- 
tre dont  elles  font  ordonnées,  eft  plus  éloi- 
gné de  l'axe. 

3°.  Le  quarré  d'une  demi-ordonnée  quel- 
conque ^  /,  eft  égal  au  redangle  de  l'ahf- 
-cifle  correfpondante  i  ^,  par  le  paramètre 
du  diamètre  i  n  de  ces  ordonnées  :  c'eft 
de  celte  égalité  qu'eft  tiré  le  nom  de  la 
parabole  ,  TjpaCofJiy  ftgnifiant  égalité  ou 
cowparaijbn. 

5^.  Le  paramètre  de  la  parabole,    c'eft- 

à-dire  ,  le  paramètre  de  l'axe  ,  eft  égal   à 

.  l'ordonnée   à  l'axe ,  laquelle  pafte  par  le 


C  O  N  941 

foyer  jp,  &  fe  termine  de  part  &  d'autre  à 
la  parabole. 

5^.  La  diftance  P  Fà^wn  point  quelcon- 
que P  de  la  parabele  au  foyer  F  y  eft  égale 
à  la  diftance  P  Z  du  même  point  à  la  di- 
redrice  L  I;  cette  propriété  fuir  évidem- 
ment de  la  defcription  de  la  courbe. 

6^.  Lorfque  l'abcift^e  eft  égale  au  paramè- 
tre ,  la  demi-ordonnée  eft  aufli  de  la  même 
longueur. 

7^.  Les  quarrés  de  deux  ordonnées  au 
même  diamètre,  qui  répondent  à  deux  difte- 
rens  points  de  la  parabole  ,  font  entre  eux 
dans  la  même  proportion  que  les  deux  abf- 
cilTes  de  ces  ordonnées. 

S^.  L'angle  k  i  n  entre  la  tangente  A  ^  au 
point  quelconque  i,  &  le  'diamètre  in  au 
même  point,  eft  toujours  égal  à  l'angle  /  / 
-F,  que  cette  tangente  fait  avec  la  ligne  i 
F  tirée  au  foyer.  Ainfi  ^{\  H  i  l  repréfente 
la  furface  d'un  miroir  expofée  aux  rayons 
de  lumière  ,  de  manière  qu'ils  viennent  pa- 
rallèlement: à  l'axe ,  ils  feront  tous  réfléchis 
au  point  F  ^  où  ils  brûleront  par  leur  réu- 
nion :  c'cit  ce  qui  a  fait  qu'on  a  nommé  ce 
point-le/q/^r.  Voye^  MlROlR   ARDENT. 

9*^.  La  parabole  eft  une  courbe  qui  s'étend 
à  l'infini  à  droite  &  à  gauche  de  fon  axe. 

10^.  La  parabole ,  à  m:;fure  qu'elle  s'éloi^ 
gne  du  fommet ,  a  une  diredion  plus  ap- 
prochante du  parallelii'me  à  l'axe  ,  Se  n'y 
arrive  jamais  qu'après  un  cours  infini. 

11*^.  Si  deux  paraboles  ont  le  même  axe 
&  le  même  fommet,  leurs  ordonnées  à 
l'axe  répondant  aux  mêmes  abfciftes,  feront 
toujours  entre  elles  en  raifon  fous-doublée 
de  leurs  paramètres,  ainfi  que  les  aires  ter- 
minées par  ces  ordonnées. 

ii"^.  La  valeur  d'un  efpace  quelconque 
/  q  H,  lenfermé  entre  un  arc  de  parabole, 
le  diamètre/^  au  point/',  &:  l'ordonnée  Hl 
au  point  H.,  eft  toujours  le  double  de  l'ef- 
pace  i  h  //"renfermé  entre  le  même  arc  i  H^ 
la  tangente  i  h,  ^  le  parallèle  h  H  à  i  q-, 
ou  ce  qui  revient  au  même,  l'efpace  i  H  q 
eft  toujours  les  deux  tiers  du  parallélogram- 
me circonfcrit. 

13^.  Si  d'un  point  quelconque  iif  de  la 
parabole  ,  on  mené  une  tangente  H  m  à. 
cette  courbe,  la  partie  /  m  comprife  jentce 
le  point  où  cette  tangente  rencontre  encore 
un  diamètre  quelconque  &  le  point  i  fora- 


94Î  C  O  N 

met  de  ce  diamètre,  eft  toujours  égale  à 
rabfcifle  ;  ^,  qui  répond  à  rordonnée  q  H 
de  ce  diamètre  pour  le  point  H, 

14^.  Toutes  les  paraboles  font  fembla- 
bles  entre  elles  &  de  la  même  efpece,  ainfi 
que  les  cercles. 

1^^.  Si  l'on  fait  paiTer  un  diamètre  par 
le  concours  de  deux  tangentes  quelcon- 
ques ,  ce  diamètre  divifera  en  deux  parties 
égales  la  ligne  qui  joint  les  deux  points  de 
contaél:  :  cette  propriété  efl:  commune  à 
toutes  les  ficiions  coniques. 

Defcription  de  C  hyperbole.  La  règle  /  B 
T  Cfîg'  16".  J  eft  attachée  au  point  fixe  /, 
autour  duquel  elle  a  la  liberté  de  tourner. 
A  l'extrémiré  T  de  cette  règle  eft  attaché 
ini  fil  H  B  T",  dont  la  longueur  eft  moindre 
que  /  T;  l'autre  bout  de  ce  fil  eft  attaché  à 
un  autre  point  fixe  H,  dont  la  diftance  au 
premier  /  eft  plus  grande  que  la  différence 
qui  eft  entre  le  fil  &  la  rx^gle  /T",  &  plus 
petite  que  la  longueur  de  cette  règle.  Cela 
pofé  ,  fi  pendant  que  la  règle  /  T  tourne 
autour  du  point  /,  on  tend  continuelle- 
ment le  fil  par  le  moyen  d'un  ftylet  qui  fuive 
toujours  cette  règle,  ce  ftylet  décrira  la 
cou'be  appelée  hyperbole. 

Les  points  H^  /font  appelles  les  foyers. 
Le  pohît  Cqui  divife  en  deux  parties  égales 
l'intervalle  I  If,  eft  le  centre.  Le  point  D 
qui  eft  celui  où  tombe  le  point  H  ,  lorfque 
la  règle  /  T  tombe  fur  la  ligne  ///,  eft  le 
fommet  de  l'hyperbole.  La  droite  D  K  dou- 
ble de  Z)  C ,  eft  l'axe  de  tranfverfe  ;  la  figure 
SKL  égale  &  femblabie  k  B  D  T,  que  l'on 
décriroit  de  la  même  manière  en  attachant 
la  règle  en  If,  au  lieu  de  l'attacher  en  /, 
feroit  l'hyperbole  oppofée  à  la  première. 

Le  rapport  qui  eft  entre  la  difiance  des 
points  //&/,  &  la  différence  du  fil  à  la 
règle  ,  eft  ce  qui  caraélérife  l'efpece  de 
l'hyperbole. 

Il  y  a  une  autre  manière  de  décrire  fhy- 
perbole  ,  qui  rend  plus  facile  la  démonftra- 
tion  de  la  plupart  de  (es  propriétés.  Voici 
^ette  méthode. 

LL^M  M  (fig.  ly.)  étant  deux  droi- 
tes quelconques  données  de  pofition  qui  fe 
<:oupent  en  un  point  C ,  ^  c  D  d  C  un 
parallélogramme  donné ,  fi  l'on  trace  une 
courbe  e  D  h  qui  ait  cette  propriété  qu'en 
inenant  de  cbacui)  de  it%  points  e  les  pa- 


C  O  N 

ralleles  e  d,  ScecklL6cMM,\e  paral- 
lélogramme c  e  d  C  ion  égal  au  parallélo- 
gramme D  c  C  d,  cette  courbe  fera  une 
hyperbole. 

La  courbe  égale  &  femblabie  à  cette 
courbe  que  l'on  décriroit  de  la  même  mar 
niere  dans  l'angle  oppofé  des  lignes  M  M  y 
L  L  ,  iéroitl'hyperbole  oppolé. 

Les  deux  hyperboles  que  l'on  décriroit 
avec  le  même  parallélogramme  entre  les 
deux  autres  angles  qui  font  les  complé- 
mens  à  deux  droits  des  deux  premiers  , 
feroient  les  deux  courbes  appellées  les 
hyperboles  conjugées  aux  premiers.  VoyeT^ 
Conjugué. 

Le  point  C  oiJ  les  deux  droites  M  M  y 
L  L,  ie  rencontrent,  eft  le  centre  de  tou- 
tes ces  hypothefes. 

Toute  ligne  paflant  parle  centre,  &  ter- 
minée aux  deux  hyperboles  oppofées ,  eft 
un  diamètre  de  ces  hypeiboles.  Toutes  les 
droites  menées  parallèlement  à  la  tangente 
au  fommet  de  ce  diamètre  &;  terminées 
par  l'hyperbole ,  font  des  ordonnées  à  ce 
diamètre  ,  &  les  parties  correlpondantes 
du  prolongement  de  ce  diamètre  ,  lefquel- 
les  font  terminées  par  le  fommet  de  ce 
diamètre  &  par  les  ordonnées  ,  font  les 
abfciftes. 

Un  diamètre  quelconque  de  deux  hyper- 
boles oppofées ,  a  pour  diamètre  conjugué 
celui  des  hyperboles  conjuguées  qui  a  été 
mené  parallèlement  aux  ordonnées  du  pre- 
mier. 

Le  paramètre  d'un  diamètre  quelconque, 
eft  la  troifieme  proportionnelle  à  ce  diamè- 
tre &  à  fon  conjugué. 

Les  lignes  L  L,  M  M  font  appellées  les 
afymptotes  ,  tant  les  hyperboles  oppofées 
que  les  conjuguées.  V.  Asymptote. 

Propriétés  de  L'' hyperbole,  i^.  Les  ordon- 
nées à  un  diamètre  quelconque  font  tou- 
jours coupées  en  deux  parties  égales  par  ce 
diamètre. 

1^.  Les  ordonnées  à  l'axCsfont  les  feu- 
les qui  foient  perpendiculaires  à  leur  dia-* 
mètre  ;  les  autres  l'ont  d'autant  plus  obli- 
ques ,  que  le  diamètre  eft  plus  écarté  de 
l'axe  ;  &  en  comparant  deux  hyperboles  de 
différentes  efpeces ,  les  diamètres  qui  feront 
à  même  diftance  de  l'axe ,  auront  des  ordon- 
nées d'autant  plus  obliques,  que  la  diitérence 


C  O  N 

de  fangk  L  C  M  à.  Ton  complément  fera 
plus  grande. 

3*^.  Le  qiiarrë  d'une  ordonnée  a  un  dia- 
mètre quelconque  eft  au  quarré  dune  autre 
ordonnée  quelconque  au  même  diamètre  , 
comme  le  produit  de  rabfciffe  correfpon- 
fiante  à  cette  première  ordonnée  par  la 
fomme  de  cette  abfciiïe  &  du  diamètre  ,  eft 
au  produit  de  l'abfcifTe  correfpondante  à  la 
féconde  ordonnée  ,  par  la  fomme  de  cette 
abfciffe  &  du  diamètre. 

4^.  Le  paramètre  de  l'axe  tranfverfe  efi 
ëgal  à  l'ordonnée  qui  pa/Te  par  le  foyer. 

5°.  Le  quarré  d'une  demi-ordonnée  à  un 
diamètre  eft  plus  grand  que  le  reftangîe  de 
rabfcifîe  correfpondante  par  le  param.etre 
de  ce  diamètre.  G'eft  de  cet  excès  appelle 
en  grec  yxrfCoA»,  qu'eft  venu  le  nom  de 
Vhj'peibole. 

6°.  Si  d'un  point  q-^elconque  B  Çfig.  iS.) 
on  tire  deux  lignes  B  H ,  B  /aux  foyers  , 
leur  différence  fera  égale  au  grand  axe  ;  ce 
qui  fuit  évidemment  delà  première  defcrip- 
tion  de  l'hyperbole. 

j^.  Si  l'on  divife  en  deux  parties  égales 
l'angle  H  B I  ^  compris  les  deux  lignes  qui 
vont  d'un  point  quelconque  aux  foyers,  la 
ligne  de  biffeftion  fera  tangente  à  l'hyper- 
bole en  B. 

8".  Les  lignes  droites  L  L  ^  MM  {^fig. 
ly.)  dans  lelquel'es  font  renfermées  les 
deux  hyperboles,  oppolées  à  leurs  conju- 
guées, lontaiymptoies  de  ces  quatre  hyper- 
boles ,.  c'eft-à-dire  qu'elles  en  approchent 
continuellement  fans  jamais  les  rencontrer, 
mais  qu'elles  peuvent  en  approcher  de  plus 
près  que  d'une  dillance  donnée ,  fi  petite 
qu'on  la  fuppofc 

9*^.  L'ouverture  de  l'angle  que  font  lès 
afymptotes  ào.^  deux  hyperboles  oppofées , 
c^srafiérife  Pefpece  de  cette  hyperbole.  Lorf-  I 
que  cet  angle  eft  droit ,  l'hyperbole  s'appelle 
cquilatere  ,  à  caufe  de  fon  axe  {latus  tvanf- 
vsrfum)  &:  fon  paramètre  '  latus  rectum^  ■ 
font  égaux  entre  eux.  Cette  hyperbole  eft 
à  l'égard  des  autres ,  ce  que  le  cercle  eft  à 
regard  àes  eliipfes.   Si  par  exemple  fur  le 
même-  axe  ,  en  variant  l'axe  conjugué  ,  on  : 
Conftruit   différentes  hyperboles  ,  les  or- 
données de  ces  différentes  hyperboles  qui 
auront  les- mêmes  abfciifes  ,  feront  à  l'or- j 
donnée  correfpondante  de  Thyperbole  équi- } 


C  O  N       ^         943 

latere  ,  comme  l'axe  conjugué  eft  à  l'axe 
tranfverie. 

io°.  Si  par  le  fommet  d'un  diamètre 
quelconque  on  tire  une  tangente  à  l'hy- 
perbole ,  l'intervalle  retianchéfur  cette  tan- 
gente par  les  afymptotes ,  eft  toujours  égal 
au  diamètre  conjugué. 

11°.  Si  par  un  point  quelconque  m  de 
l'hyperbole  CfiS-  ^9'J  ^i^  'i""^  ^  volonté 
des  lignes  K  m  H  y  r  m  R  qui  rencontrent 
les  deux  afymptotes,  on  aura  M R=m  r, 
HE  ^^  m  K  :  ce  qui  fournit  une  manière 
bienfimple  de  décrire  «ne  hyperbole,  dont 
les  afymptotes  C  Q^  CT  1  oient  données  , 
&  qui  palfe  par  un  point  donné  m  :  car  me- 
nant par  m  une  1  gne  quelconque  K  m  I/l, 
&  prenant  H  E^^m  lù^^  point  E  fera  a 
l'hyperbole.  On  troilHM  de  même  un 
autre  point  AI  de  l'hyperbole  ,  en  menant 
une  autre  ligne  rm  R  ^  hn  prenant  M  R'=' 
m  r;  &  ainfi  des  autres. 

ii*^.  Si  fur  l'une  des  afymptotes  O  M 
{fis-  '7'J  l'<^^^  prend  les  parties  CI,  Cil, 
C  II  l  ^C I  V,  c  V^  &CC.  qui  foient  en  pro- 
greftîon  géométrique,  &  qu'on  mené  par' 
les  points  Cl,  Cll\  Cl II,  CIV,  les 
parallèles  l'i.Ilx,  III  ^  ,  IF^,  V6, 
&c.  à  l'autre  afymptote,  les  eip  ces  J2  , 
7/3  ,  III  ^  ,  IV  6,  V6\  &c.  feront  tous 
égaux.  D'où  il  fuit  nue  lî  l'on  prend  les 
parties ,  C/,  C//  ,  CJ//,  &:c.  fuivant  'or- 
dre des  nombres  naturels  ;  les  eTp.ces  i 2, 
II j  ,.  77/4  ,.  &:c.  repréfenteront  le^  loga-^ 
rithmes  de  ces  nombres. 

De  toutes  les  propriétés  àes/eclions  co- 
niques, on  peut  conclure,  i^.  que  ces  cour- 
bes font  toutes  enfemble  un  fyftême  de 
figures  régulières  ,  teliénient  liées  les  unes 
aux  autres,  que  chacutie  peut  dans  le  paf- 
fage  à  l'infini ,  changer  d'efjiece  &  deve- 
nir fuccefîivement  de  toutes  les  autres.  Le 
cercle,  par  exemple  ,  en  cha'ngeant  infini- 
ment peu  le  plan  coupanr,  devient  une 
ellipfe  ;  &  l'ellipfeen  reculant  fon  centre - 
à  l'infini,  devient  une  parabole,  dont  la 
pofition  étant  enfuite  un  peu  changée,  el!e: 
devient  la  première  hyperbole  :  toutes  ces 
hyperboles  vont  enfuite  en  s'élcvant ,  jul- 
qn'à  fs  confondre  avec  la  ligne  droite  ^  qui 
eft  le  côté  du  cône. 

On  voit ,  1^.  que  dans  le  cercle  'e-pn-- 
rametreeft  doubî<î  de  .a- cliftance  du  foirv-^ 


0. 

Cela  pofé  ,  voici  comment  on  peut  réduire 
cette  équation  à  repréfenter  quelqu'une  des 
fcclïons  conique'^  e':  oarricnlier. 

Soit  y-l-  —  +  —  =;^,    on   aura  ;[  ^ 


ai 


rpq  * 


7  7 


44  C  O  N  C  O  N 

met  au  foyer  ou  centre;  dans  Tellipre ,  \t\yy'\pxy^bxx\Qx\a 

paramètre  de   tout  diamètre  eft  à  l'égard 

de  cette  diftance  dans  une  raifon  qui  eft 

entre  la  double  &  la  quadruple  ;  dans  la 

parabole ,  cette  railan   eft  précifément  le 

quadruple,    &  dans  l'hyperbole  la  raifon 

paffe  le  quadruple. 

3^.  Que  tous  les  diamètres  des  cercles 
&  des  ellipfes  fe  coupent  au  centre  6c  en 
dedans  de  la  courbe;  que  ceux  de  la  para- 
bole font  tous  parallèles  entre  eux  &  à 
l'axe  ,  que  ceux  de  l'hyperbole  fe  coupent 
au  centre ,  auifi  biep  que  ceux  de  l'ellipfe  , 
mais  avec  cette  différence  que  c'eft  en 
dehors  de  la  courbe. 

On  peut  s'inftruire  des  principales  pro- 
priétés àts  feâi^is  coniques  ^  dans  V appli- 
cation de  ra/gcWmà  la  géométrie ,  par  M. 
Guifnée  :  ceux  ^^voudront  les  apprendre 
plus  en  détail ,  auront  recours  à  l'ouvrage 
de  M.  le  marquis  de  l'Hôpital,  qui  a  pour 
titre ,  traité  analytique  desfeclions  coniques: 
enfin  on  trouvera  les  propriétés  âesfeclions 
'coniques  traitées  fort  au  long  dans  l'ouvrage 
in-folio  de  M.  de  la  Hire  ,  qui  a  pour  titre, 
fcciiones  conicœ.  in  noi.'em  libros  diftribut(2\ 
mais  les  démonftrations  en  font  pour  la 
plupart  trè;-longues  ,  &  pleines  d'une  îyn- 
thefe  difficile  6c  embarraftee.  Enfin  M.  de 
la  Chapelle ,  de  la  fociété  royale  de  Lon- 
dres ,  vient  de  publier  fur  cette  matière  un 
traité  inftmdif  6c  aiTez  court ,  approuvé 
par  l'académje  royale  des  fciences. 

Le<;fec7ions  coniques  ,  en  y  comprenant 
le  cercle ,  compofent  tout  le  fyftéme  des 
lignes  du  fécond  ordre  ou  courbes  du  pre- 
mier genre  ,  la  ligne  droite  étant  appeilée 
ligne  du  premier  ordre.  Ces  lignes  du  fé- 
cond ordre  ou  courbes  du  premier  genre, 
font  celles  xlans  l'équation  defquelles  les 


indéterminées  x ,  y,  montent  au  fécond 
degré.  Ainfi  ,  pour  repréfenter  en  général 
toutes  hsfeciions  coniques ,  il  faut  prendre 
une  équation  dans  laquelle  x,y,  montent 
au  fécond  degré ,  6c  qui  foit  la  plus  com- 
pofée  qui  fe  puiffe  ;  c'eft-à-dire ,  qui  con- 
tienne, outre  les  quarrés  x  x  ^yy,  i^.  le 
plan  xy ,  z".  un  terme  qui  renferme  x 
linéaire  ,3*.  un  terme  qui  contienne  y 
linéaire ,  oc  enfin  un  terme  tout  conftant. 
Ainfi  réquation  générale  à^s  feciions  coni- 
ques (çii.  ^  ]metr«,   &c. 


4  4     "^  b  X  X 7-+ca:  + 

a  =  o.  Equation  qu'on  peut  changer  en 
celle-ci. 

:{:{•{•  A  X  X  •\'  B  x-^  C  ===  o.  On  verra 
facilement  que  les  nouvelles  coordonnées 
de  la  courbe  font  ^ ,  6c  une  autre  ligne  u 
qui  eft  en  rapport  donné  avec  x ,  de  forte 
qu'on  peut  fuppofer  a;  =  m  w;  ainfi  l'équa- 
tion pour  les  coordonnées  {  ,  «  ,  fera 

:^  l"^  D  u  u'\'  Fu-\-  G  ^=0. 

Or,  i^.  fi  Z)  =  (9,  la  courbe  eft  une  pa- 
rabole :  2°.  fi  7)  eft  négatif,  la  courbe  efl 
une  ellipfe  ;  6c  elle  fera  un  cercle  ,  li 
Z?  =  —  I,  6c  que  l'angle  des  coordonnées 
;{  6c  M  Ibit  droit  :  3°.  fi  X)  eft  pofitif,  U 
courbe  fera  une  hyperbole.  Au  refte  ,  il 
arrivera  quelquefois  q^ue  la  courbe  fera  ima- 
ginaire ,  lorlque  la  valeur  de  ;{  en  a  fera 
nn3ginaîre. 

C'eft  ainfi  qu'on  pourroit  parvenir  à  don- 
ner un  traité  vraiment  analytique  àts/ec 
tions  coniques  ;  c^'eft-à-dire  ,  où  les  proprié- 
tés de  ces  courbes  feroient  déduites  immé- 
diatement de  leur  équation  générale  ,  6c 
non  pas  comme  dans  l'ouvrage  de  M.  le 
marquis  de  l'Hôpital ,  de  leur  defcription 
fur  un  plan.  M.  l'abbé  de  Gua  a  fait  fur 
ce  fujet  de  fort  bonnes  réflexions  dans  fon 
ouvrage  intitulé  ,  ufage  de  Vanalyfe  de 
Defcanes ,  6c  il  y  trace  le  plan  d'un  pareil 
traité. 

M.  le  marquis  de  l'Hôpital ,  après  avoir 
donné  dans  les  trois  premiers  livres  de  fon 
ouvrage  les  propriétés  de  chacune  des/^c- 
tions  coniques  en  particulier ,  a  confacré  le 
quatrième  livre  à  expofer  les  propriétés  qui 
leur  font  communes  à  toutes  :  par  exem- 
ple ,  que  toutes  les  ordonnées  à  un  même 
diamètre  foient  coupées  en  deux  égale- 
ment par  ce  diamètre  ,  que  les  tangen- 
tes aux  deux  extrémités  d'une  même  or- 
donée  aboutiffent  %u  même  point  du  dta-. 


Les 


Cp  N 

Les  anciens  avoient  confidérë  d'abord 
îes  fcctions  coniques  dans  le  cône  où  elles 
font  nées  y  &  la  meilleure  manière  de  trai- 
ter ces  courbes  ,  feroit  peut-être  de  les  en- 
vifager  d'abord  élans  le  cône,  d'y  chercher 
leur  équation  ,  &:de  les  trani'porter  enfuite 
fur  le  plan  pour  trouver  plus  facilement 
par  le  moyen  de  cette  équation  leurs  autres 
propriétés  ;  c'eft  ce  que  M.  de  la  Chapelle 
s'cft  propofé  de  faire  dans  l'ouvrage  dont 
nous  avons  parlé. 

Quelques  auteurs  ,  non  contens  de  dé- 
montrer les  propriétés  Aîtsjeciions  coniques 
fur  le  plan  ,  ont  encore  cherché  le  moyen 
de  démontrer  ces  propriéiés ,  en  confidé- 
rant  \esfec7ion:>  coniques  dans  le  cône  même. 
Ainfi ,  M.  le  Marquis  de  l'Hôpital  a  con- 
facré  le  fixieme  livre  de  fon  ouvrage  à  faire 
voir  comment  on  retrouve  dans  le  folide 
les  mêmes  propriétés  à^sfeclions  coniques 
démontrées  fur  le  plan  :  il  a  rempli  cet 
objet  avec  beaucoup  de  clarté  &  de  fim- 
plici;é.  Dans  cet  article,  nous  avons  envi- 
îagé  les  feciions  coniques  de  la  manière  qui 
demande  le  moins  d'apprêt,  mais  qui  n'eft 
peut-être  pas  la  plus  nat.ielle:  la  méthode 
que  nous  avons  fuivie  convenoit  mieux  à 
un  ouvrage  tel  que  celui-ci  ;  &  celle  que 
nous  propofons  conviendrc  it  mieux  à  un 
ouvrage  en  forme  fur  X^'^  feciions  coniques. 
Voy.  les  articles  CoURBE,  LiEU  ,  CONS- 
TRUCTION, &c. 

Pour  démon.rer  les  propriétés  des  fec- 
lions  coniques  dans  le  cône ,  il  eft  bon  de 
prouver  d*abord  que  toute  fcclion  conique 
eft  une  courbe  du  fécond  ordre  ,  c'efl-à- 
dire,  où  les  inconnues  ne  forment  pas  une 
équation  plus  haute  que  le  fécond  degré. 
Cela  peut  fe  prouver  très  -  aifément  par 
l'algèbre  ,  en  imaginant  un  cercle  qui  ferve 
de  bafe  à  ce  cône,  enfailànt  les  ordonnées 
xle  la  feclion  conique  parallèles  à  celle  du 
cercle,  &  en  formant  des  triangles  fem- 
blables  qui  aient  pour  ibmmet  commun 
celui  du  cône  ,  &;  pour  baies  les  ordonnées 
parallèles  ,  &c.  Nous  ne  faifons  qu'indi- 
quer la  méthode.  :  les  lefteurs  intelligent 
la  trouveront  fans  peine  ;  &  les  autres 
peuvent  avoir  recours  à  la  théorie  des 
ombres  dans  l'ouvrage  de  M.  l'abbé  de  Gua 
qui  a  pour  titre  ,  ufages  de  Vanalyjï  de 
De/canes,  &c. 
Tome  VIII. 


C  O  N  945 

Cela  bien  démontré,  il  eft  vifible  que  la 
fedfion  d'un  cône  par  un  plan  qui  le  tra- 
verfe  entièrement,  ne  peut  être  qu'une 
ellipfe  ou  un  cercle  ;  car  cette  fedion  ren- 
tre en  elle-même ,  &  ne  fauroit  êtfe  par 
conféquent  ni  hyperbole  ,  ni  parabole  :  de 
plus ,  fon  équation  ne  monte  qu'au  fécond 
degré  ,  ainfi  elle  ne  peut  être  que  cercle 
ou  ellipfe.  Mais  on  n'a  pas  trop  bien  dé- 
montré dans  quel  cas  la  feftion  eft  un  cer- 
cle ou  une  ellipfe. 

i*^.  Elle  eft  un  cercle ,  lorfqu'elle  eft  pa- 
rallèle à  la  bafe  du  cône. 

2*^.  Elle  eft  encore  un  cercle  ,  lorfqu'elle 
forme  une  feftion  fous-contraire,  &  lorf- 
qu'elle eft  de  plus  perpendiculaire  au  trian- 
gle paffant  par  l'axe  du  cône  ,  &c  perpen- 
diculaire lui-même  à  la  bafe  ;  cela  eft  dé- 
montré dans  plufteurs  livres.  Voye^  Sous- 
CONTRAIRE. 

3°.  Il  eft  aifé  de  conclure  de  la  démonf- 
tration  qu'on  donne  d'ordinaire  de  cette 
propofifion  ,  &c  qu'on  peut  voir  ,  (i  l'en 
veut,  dans  \q  traité  des  feciions  coniques  ^c 
M.  de  la  Chapelle  ,  que  toute  feélion  per- 
pendiculaire au  triangle  par  l'axe  ,  &  qui 
ne  fait  pas  une  feclion  fous-contraire  ,  eft 
une  ellipfe.  Mais  ft  la  feâ:ion  n'eft  pas  per- 
pendiculaire à  ce  triangle ,  il  devient  un 
peu  plus  difficile  de  le  démontrer.  Voici 
comment  il  faut  s'y  prendre. 

En  premier  lieu  ,  fi  dans  cette  hyper- 
bole la  feclion  conique  palfe  par  une  autre 
ligne  que  celle  que  forme  la  feâ:ion  fous- 
contraire  avec  le  triangle  par  l'axe  ,  il  eil 
ailé  de  voir  que  le  produit  des  fegmens 
de  deux  lignes  tirées  dans  le  plan  de  la 
courbe  ne  fera  pas  égal  de  part  &  d'au- 
tre ;  &  qu'ainiî  la  courbe  n'eft  pas  ua 
cercle ,  puifque  dans  le  cercle  les  produits 
des  fegmens  font  égaux. 

En  fécond  lieu  ,  fi  dans  cette  même 
hyperbole  le  plan  de  la  courbe  pafle  par 
une  ligne  que  forme  la  fe(îlion  ibus-con- 
traire  avec  le  triangle  par  l'axe  ,  il  n'y  a 
qu'à  imaginer  un  autre  triangle  perpendi- 
culaire à  celui-ci,  &  paflant  par  l'axe  ;  on 
verra  aifément,  i*^.  que  ce  triangle  fera 
ifocele  ;  i^.  que  la  fe^ion  de  ce  triangle 
avec  la  feftion  fous-contraire ,  fera  para- 
lelle  à  la  bafe;  3*^.  que  par  conféquent  le 
plan  dont  il  s'agit  étant  différent  de  la 
Cccccc 


^46  C  O  N, 

fea;  on  fous-contraire  (hyp.)  ,  coupera  ce 
nouveau  triangle  fuivant  une  ligne  oblique 
à  la  bafe;  &  il  eft  très-aifé  de  voir  que 
les  fegmens  de  cette  ligne  font  un  produit 
plus  grand  que  celui  des  fegmens  de  la 
ligne  parallèle  à  la  bafe.  Or  ,  ce  fécond 
produit  eft  égal  au  produit  des  fegmens  de 
la  fedion  fous-contraire  ,  puifque  cette  fec- 
tion  eft  un  cercle  ;  donc  le  premier  pro- 
duit eft  plus  grand  ;  donc  la  fedion  eft 
une  ellipfe.  Je  ne  fâche  pas  que  cette  pro- 
pofition  ait  été  démontrée  dans  aucun  livre. 
Ceux  qui  travailleront  dans  la  fuite  fur  les 
coniques  ,  pourront  faire  ufage  des  vues 
qu'on  leur  donne  ici.  (0_) 

CoMQUE,  ea  artillerie  ,  fe  dit  d'une 
pièce  d'artillerie  dont  Tame  eft  plus  large 
vers  la  bouche  que  vers  la  culaftci 

Les  premiers  canons  étoient  coniques  , 
félon  Diego  Ufano  ;  c'eft-à-dire  que  l'in- 
térieur de  l'ame  de  la  pièce  finiftbit  en 
pointe ,  &  que  l'ame  de  la  pièce  alloit  en 
augmentant  iufqu'à  fa  bouche;  Cette  figure 
h'étoit  guère  convenable  à  faire  agir  la 
poudre  fur  le  boulet  avec  tout  l'effort  dont 
elle  eft  capable.  D'ailleurs  ,  les  pièces  fe 
trouvoient ,  par  cette  conAru^ion  ,  avoir 
moins  de  métal  à  la  partie  où  elles  ont  le 
plus  de  befoln ,  c'eft-à-dire ,  à  la  culafle. 
Aufti ,  cette  forme  n'a-t-el!e  pas  duré  long- 
temps ;  on  trouva  qu'il  étoii  plus  avanta- 
geux de  faire  l'ame  également  large  dans 
toute  fon  étendue  :  c'eft  ce  qu'on  obferve 
encore  aujourd'hui.  Voye^  Canon.  CQ.J 

*  CONISALUS,  f.  m.  (Mytli.)  dieu 
des  Athéniens  dont  parle  Srrabon  >  èc  que 
Ton  conjefture  être  le  même  que  Priape. 
Voyci  Priape. 

CONISE  ,  f  f.  {Hifl.  nat.  bot.)  conyia, 
genre  de  plante  à  fleur  compofée  de  fleu- 
rons découpés  portés  fur  des  embryons ,  & 
foutenus  par  un  calice  écallleux  ordinaire- 
ment cylindrique  :  les  embryons  devien- 
nent dans  la  fuite  des  femences  garnies 
d'aigrettes.  Tournefort ,  infi.rei  heri>.  V. 
Plante.  (I) 

ComSE,CMat.  W^.J  La  fumée  de  la 
conife  chafîe  les  bêtes  vénimeufes  ,  les 
moucherons  ôcles  puces,  félon  Diofcoride. 
D'ailleurs ,  il  n'eft  d'aucun  ufage  en-  mé- 
decine ,  quoique  quelques  auteurs  lui  aient 
attribué  la  propriété  d'exciter  les-  règles  j, 


C  O  N 

de  poufter  par  les  urines  ,  &c.  &  qu'elle 
puilTe  être  de  quelque  utilité  dans  les  lo- 
tions contre  la  galle  ,  les  dartres  ,  &c.  (F) 

*  CONISTERIUM,  (Hifl.  anc.JXiA 
dans  les  gymnafes  où  l'on  raflTembloit  de  la 
poufliere  dont  les  athlètes  fe  fervoient 
après  s'être  frottés  d'huile ,  afin  de  pouvoir 
fe  prendre  plus  facilement.  On  l'appelloit 
Xw'^ft  chez  les  Grecs ,  &  chez  les  Latins^ 
pulverarium.  Celle  dont  on  fe  fervoit  ve- 
noit  d'Egypte.  Voye^  Gymnase. 

CONITZ  ,  {Géogr.  mod.)  ville  de  la 
Pruflfe  Polonoife  ,  à  quinze  milles  de  Dant- 
zic.  Il  s'y  fait  du  commerce.. 

CONJUGAISON,  f.  f.  terme  de  Gram^ 
maire,  con/ugatio  :  ce  mot  ûgmûe  Jonc- 
tion, ajjemblage.  R.  conjungere.  l^TLCon/w- 
gai/on  eft  un  arrangement  fuivi  de  toutes, 
les  terminaifons  d'un  verbe,  félonies  voix,, 
les  modes  ,  les  temps,  les  nombres,  &  les., 
perfonnes  ;  termes  de  Grammaire,  qu'il  faut- 
d'abord  expliquer. 

Le  mot  voix  eft  pris  ici  dans  un  fens. 
figuré  :  on  perfonnifie  le  verbe  y  on  liû; 
donne  une  voix  ,  comme  fi  le  verbe  par-- 
loit  ;  car  les  hommes  penfent  de  toutes 
chofes  par  refl'emblance  à  eux-mêmes  ;  ainft; 
la  voix  eft  comme  le  ton  du  verbe.  On. 
range  toutes  les  terminaifons  des  verbes 
en  deux-  claffes  différentes;  i^.  les  termi-. 
naifons ,  qui  font  connoître  que  le  fujet^ 
delà  propofition  fait  une  acl:Jon,  font  dites. 
être  de  la  voix  active  ,  c'eft-à-dire,  que 
le  fujet  eft  confidéré  alors  comme  agent  ;; 
c'eft  le  fens  afrif  :  i^-.  toutes  celles  qui  font, 
deftinées  à  indiquer  que  le  fujet  de  la  pro- 
pofition eft  le  terme  de  l'adion  qu'un  autre.- 
fait ,  qu'il' en  eft  le  patient ,  comme  difent 
les  philofophes  ;  ces  terminaifons  font  dites. 
être  de  la  voix  pajjive  ,  c'eft-à-dire  ,  que  îe. 
verbe  énonce  alors  un  fens  paftîif.  Car  il; 
faut  obferver  que  les  philoibphes  &  les 
grammairiens  fe  fervent  du  mot^^'/fV,  pour 
exprimer  qu'un  objet  eft  le  terme  ou  le  but 
d'une  action  agréable  ou  défagréable  qu'un 
autre  fait ,  ou  du  fentiment  qu'un  autre  a  : 
'  aimer  f  es  parens  ,  parens  font  le  terme  ou, 
l'objet  du  iexiiviXienX.  i!! aimer.  Amo  ,  j'aime ,, 
amavi,  j'ai  aimé,  amabo  ,  j'aimeiai,  font 
de  la  voix  aâive  ;  au  lieu  que  amor,  je  fuis 
aimé,  amahar^  j'étois.  aimé  ,  amahor ,  je 
ferai  aimé  5  font  de  la. voix  çaftive.  Amans.  , 


C  ON 

«ceîm  qui  aime ,  eft  de  la  voix  aftîve  ]  mais 
amatus ,  aimé  ,  eft  de  la  voix  paflive.  Ainfî 
de  tous  les  termes  dont  on  fe  fert  dans  la 
conjugaifon  ,  le  mot  voix  eft  celui  qui 
a  le  plus  d'étendue  ;  car  il  le  dit  de  chaque 
mot ,  en  quelque  mode ,  temps  ,  nombre 
pu  perfonne  que  ce  puifte  être. 

Les  Grecs  ont  encore  la  voix  moyenne. 
Les  grammairiens  difent  que  le  verbe 
moyen  a  la  Signification  a<flive  ô>c  paftive , 
&  qu'il  tient  une  efpece  de  milieu  entre 
Ta^lif  &  le  pafîit  :  mais  comme  la  langue 
grecque  eft  une  langue  morte,  peut-être  ne 
connoît-on  pas  aufîi  bien  que  l'on  croit  la 
voix  moyenne. 

Par  modes  on  entend  les  diflPérentes  ma- 
nières d'exprimer  l'aélion.  Il  y  a  quatre 
principaux  modes,  l'indicatif,  le  fubjonc- 
tif ,  l'impératif,  &  l'infinitif,  auxquels  en 
certaines  langues  on  ajoute  l'optatif. 

L'indicatif  énonce  l'aftion  d'une  manière 
ablblue ,  comme  faime  ,  fai  aimé  ,j^avois 
aimé^  f  aimerai;  c'eft  le  ieul  mode  qui  forme 
des  propofitions  ,  c'eft-à-dire ,  qui  énonce 
des  jugemens  ;  les  autres  modes  ne  font 
que  des  énonciations.  Voyes;^  ce  que  nous 
difons  à  ce  fujet  au  mot  Construction, 
oii  nous  faifons  voir  la  différence  qu'il  y 
a  entre  une  propofition  &  une  fimple 
énonciation. 

Le  fubjonélif  exprime  l'aiflion  d'une  ma- 
nière dépendante,  fubordonnée,  incertaine, 
conditionnelle  ,  en  un  mot,  d'une  manière 
qui  n'eft  pas  abfolue ,  &  qui  fuppofe  tou- 
jours un  indicatif:  quand / aimerais ^  afin 
que  faimajje  ;  ce  qui  ne  dit  pas  que  y  aime  , 
ni  que  faie  aimé. 

L'optatif  que  quelques  grammairiens  ajou- 
tent aux  modes  que  nous  avons  nommés  , 
«xprime  l'aftiôn  avec  la  forme  de  defir  &: 
de  fouhait  :  plût  à  Dieu  qu^il  vienne.  Les 
Grecs  ont  des  terminaifons  particulières 
pour  l'optatif.  Les  Latins  n'en  ont  point  ; 
mais  quand  ils  veulent  énoncer  le  fens  de 
l'optatif,  ils  empruntent  les  terminaifons  du 
fubjonâiif ,  auxquelles  ils  ajoutent  la  parti- 
cule du  defir  utinani ,  plût  à  Dieu  que. 
Dans  les  langues  où  l'optatif  n'a  point  de 
.terminaifons  qui  lui  foient  propres ,  il  eft 
inutile  d'en  faire  un  mode  îéparé  du  fub- 
jondif. 

L'impératif  marque  Taâiion  avec  la  forme 


c  O  N  ^^1 

de  commandement,  ou  d'exhortation,  ou 
de  prière;  prens ,  piens^  va  donc. 

L'infinitif  énonce  l'aftion  dans,  un  fens 
abftrait ,  &:  n'en  fait  par  lui-même  aucune 
application  finguliere  &  adaptée  à  un  fujet; 
aimer,  donner ,  venir;  ainfi  il  a  befoin  , 
comme  les  prépofitions,les  adjedlifs ,  &c, 
d'être  joint  à  quelqu'autre  mot ,  afin  qu'il 
puifte  faire  un  fens  fingulier  &  adapté. 

A  l'égard  des  temps,  il  faut  obferver  que 
toute  aftion  eft  relative  à  un  temps,  puif- 
qu'elle  fe  pafîe  dans  le  temps.  Ces  rapports 
de  l'aftion  au  temps  font  marqués  en  quel- 
ques langues  par  des  particules  ajoutées  au 
verbe.  Ces  particules  font  ces  ftgnes  du 
temps  ;  mais  il  eft  plus  ordinaire  que  les 
temps  foient  défignés  par  des  terminaifons 
particulières  ,  au  moins  dans  les  temps  fim- 
ples  :  tel  eft  l'ufage  en  grec  ,  en  latin  ,  en 
françois ,  &c. 

Il  y  a  trois  temps  principaux  ;  i^.  le 
préfent,  comme  amo  ^  j'aime;  iP.  le  pafte 
ou  prétérit,  comme  amavi^  j'ai  aimé;  3^. 
l'avenir  ou  futur,  comme  amaho  ,  j'aimerai. 

Ces  trois  temps  font  des  temps  (impies 
&  abfolus  ,  auxquels  on  ajoute  les  temps 
relatifs  ^  combinés,  comme ye  lifois  quand 
vous  êtes  venu ,  &c.  VoyeT^  Te  M  PS,  termi 
de  Grammaire. 

Les  nombres.  Ce  mot,  en  terme  de  Gram-* 
maire ,  fe  dit  de  la  propriété  qu'ont  les  ter- 
minaifons des  noms  ôc  celles  des  verbes  » 
de  marquer  fi  le  mot  doit  être  entendu 
d'une  feule  perfonne ,  ou  fi  l'on  doit  l'en- 
tendre de  plufieurs.  Amo  y  amas  ,  amaty 
j'aime ,  tu  aimes  ,  il  aime  ;  chacun  de  ces 
trois  mots  eft  au  fingulier  :  amamus ,  ama- 
tis ,  amant,  nous  aimons  ,  vous  aimez, 
ils  aiment  ;  ces  trois  derniers  mots  font 
au  pluriel ,  du  moins  félon  leur  première 
deftination  ;  car  dans  l'ufage  ordinaire  on 
les  emploie  aufli  au  fingulier  :  c'eft  ce  qu'un 
de  nos  grammairiens  appelle  U  fingulier 
de  politejje.  Il  y  a  aufli  un  fingulier  d'au- 
torité ou  d'emphafe  ;  nous  voulons ,  nous 
ordonnons. 

A  ces  deux  nombres,  les  Grecs  en  ajou- 
tent encore  un  troifieme ,  qu'ils  appellent 
duel  :  les  terminaifons  du  duel  font  defti- 
nées  à  marquer  qu'on  ne  parle  que  de  deux. 

Enfin  ,  il  faut  favoir  ce  qu'on  entend  par 
Us  £>erfonnes  grammaticales  ;  &  pour  cela 
Cccccc  1 


5)48  C  O  b^ 

il  faut  obferver  que  tous  \ei  objets  qui  peu- 
vent faire  la  matière  du  difcours  font  i^. 
ou  la  perfonne  qui  parle  d'elle-même  ;  amo, 
j'aime. 

2^.  Ou  la  perfonne  à  qui  l'on  adreiïe  la 
parole  ;  amas ,  vous  aimez. 

3°.  Ou  enfin  quelque  autre  objet  qui  n'eft 
ni  la  perfonne  qui  parle ,  ni  celle  à  qui  l'on 
parle  ;  rex  amat  populum ,  le  roi  aime  le 
peuple. 

Cette  confidëration  *  des  mots  ,  félon 
quelqu'une  de  ces  trois  vues  de  l'efprit ,  a 
donné  lieu  aux  Grammairiens  de  faire  un 
ufage  particulier  du  mot  de  perfonne  par 
rapport  au  difcours. 

Ils  appellent  première  perfonne  celle  qui 
parle  ,  parce  que  c'eft  d'elle  que  vient  le 
difcours. 

La  perfonne  à  qui  le  difcours  s'adreiTe 
Q^iZ^^eWée  la  féconde  perfonne. 

Enfin  ,  la  troifieme  perfonne  ^  c'eft  tout  ce 
qui  eft  confidéré  comme  étant  l'objet  dont 
-la  première  perfonne  parle  à  la  féconde. 

Voyez  combien  de  fortes  de  vues  de  l'ef- 
prit font  énoncées  en  même  temps  par  une 
feule  terminaifon  ajoutée  aux  lettres  radi- 
cales du  verbe  :  par  exemple  ,  dan«  amare^ 
ces  deux  lettres  a^m  ^  font  les  radicales  ou 
immuables  ;  fi  à  ces  deux  lettres  j'ajoute  o, 
je  forme  amo.  Or  en  difant  amo  .^  je  fais 
connoître  que  je  juge  de  moi,  je  m'attribue 
le  fentiment  d'aimer  ;  je  marque  donc  en 
même  temps  la  voix  ,  le  mode ,  le  temps , 
le  nombre ,  la  perfonne. 

Je  fais  ici  en  paffant  cette  obfervation  , 
pour  faire  voir  qu'outre  la  propriété  de 
marquer  la  voix,  le  mode,  la  perfonne, 
&c.  &  outre  la  valeur  particulière  de  cha- 
que verbe  ,  qui  énonce  ou  l'effence ,  ou 
l'exiflence,  ou  quelque  adion ,  ou  quelque 
fenriment ,  &c.  le  verbe  marque  encore 
ra(ftion  de  l'efprit  qui  applique  cette  valeur 
à  un  fujet,  foit  dans  les  propofitions,  foit 
dans  les  fimples  énonciations  ;  &  c'efl;  ce 
qui  diflingue  le  verbe  des  autres  mots ,  qui 
ne  font  que  de  fimples  dénominations.  Mais 
revenons  au  mot  conjugaifon. 

On  peut  aufli  regarder  ce  mot  comme 
un  terme  métaphorique  tiré  de  l'adlion 
d'atteler  les  animaux  fous  le  joug  au  même 
char  &;  à  la  même  charrue;  ce  qui  emporte 
toujours  l'idée  d'affemblage  ,  de  liaifon ,  & 


C  O  M 

de  jonélion.  Les  anciens  Grammainens  fe 
font  fervi  indifféremment  du  mot  de  con/w 
gaifon  ,  &  de  celui  de  déclinaifcn  ,  foit  eii"* 
parlant  d'un  verbe  ,  foit  en  parlant  d'un 
nom  :  mais  aujourd'hui  on  emploie  decLi' 
natïo  &  declinare,  quand  il  s'agit  des  noms  ;. 
&  on  fe  fert  de  conjugatio  &  de  conjugare^ 
quand  il  eft  queflion  des  verbes. 

Les  Grammairiens  de  chaque  langue  ont 
obfervé  qu'il  y  avoit  des  verbes  qui  énon- 
çoient  les  modes ,  les  temps,  les  nombres 
&:les  perfonnes,  par  certaines  terminaifons, 
&:  que  d'autres  verbes  de  la  même  langue 
avoient  des  terminaifons  toutes  différentes, 
pour  marquer  les  mêmes  modes ,  les  mêmes 
temps  ,  les  mêmes  nombres ,  &:  les  mêmes, 
perfonnes  :  alors  les  Grammairiens  ont  fait 
autant  de  claffes  différentes  de  ces  verbes  , 
qu'il  y  a  de  variétés  entre  leurs  terminai- 
fons ,  qui  malgré  leurs  différences ,  ont  ce- 
pendant une  égale  deftination  par  rapport 
au  temps  ,  au  nombre  &  à  la  perfonne. 
Par  exemple  ,  amo  ,  amavi  ,  amatum  , 
amare ;  j'aime  ,  j'ai  aimé  ,  aimé,  aimer  ; 
moneo  ,  monui ,  monitum  ,  monere  ^  aver- 
tir ;  lego ,  Ugi.^  Uctum  ,  Légère ,  lire  ;  audio  , 
audivi.,  auditum  y  au  dire .,  entendre.  Ces 
quatre  fortes  de  terminaifons  différentes- 
entre  elles  ,  énoncent  également  des  vues 
de  l'efprit  de  même  efpece  :  amavï.^  j'ai  aimé, 
monui  ,  j'ai  averti  'ylegi ,  j'ai  lu  ;  audivi.^  j'ai 
entendu  :  vous  voyez  que  ces  différentes 
terminaifons  marquent  également  la  pre- 
mière perfonne  au  fmgulier  &  au  temps 
paffé  de  l'indicatif;  il  n'y  a  de  différence 
que  dans  raâ:ion  que  l'on  attribue  à  cha- 
cune de  ces  premières  perfonnes,  &  cette 
aftion  eft  marquée  par  les  lettres  radicales 
du  verbe  ,  am.^  mon  ,  leg  ,  aud. 

Parmi  les  verbes  latins,  les  uns  ont  leurs 
terminaifons  femb'ables  à  celles  à^amo ,  les 
autres  à  celles  de  moneo  .^  d'autres  à  celles 
^ audio.  Ce  font  ces  claffes  différentes  que 
les  grammairiens  ont  appellées  conjugaifons. 
Ils  ont  donné  un  paradigme  ,  Tx^âS'ityuA, 
exemplar .,  c'eft-à-dire  un  modèle  à  chacune 
de  ces  différentes  clafTes  ;  a'mû  amare  eft  le 
paradigme  de  vocare  ,  de  nunciare ,  &:  de 
tous  les  autres  verbes  terminés  en  are  :  c'efl 
la  première  conjugaifon. 

Monere  doit  être  le  paradigme  de  la  fé- 
conde conjugaifon  ,  félon  les  rudimens  der 


C  O  M 

la  m^tho^e  de  P.  R.  à  caufe  de  Ton  Alpin 
monitum  ;  parce  qu'en  effet  i!  y  a  dans  cette 
conjugal fon  un  plus  grand  nombre  de  verbes 
qui  ont  leur  fupin  terminé  en  itum  ,  qu'il 
n'y  en  a  qui  le  terminent  comme  doclum. 

Légère  eft  le  paradigme  de  la  troifieme 
conjugaifon  ;  6c  enfin  audire  l'eft  de  la  qua- 
trième. 

A  ces  quatre  conjugaifons  des  verbes 
latins  ,  quelques  grammairiens  pratiques  en 
ajoutent  une  cinquième  ,  qu'ils  appellent 
mixte  ,  parce  qu'elle  eft  compofée  de  la 
troifieme  &  de  la  quatrième  ;  c'eft  celle  des 
"verbes  en  ère  ,  io ;  ils  lui  donnent  accipere^ 
accipio  pour  paradigme  ;  il  y  a  en  effet  dans 
ces  verbes  des  terminaifons  qui  fuivent  lé- 
gère ,  &  d'autres  audire.  On  àliaudior,  au- 
diris  ,  au  lieu  qu'on  dit  accipior  ^acciperis  ^ 
comme  legeris  ,  &  l'on  dit  accipiuntur , 
comme  audiuntur ,  &;c. 

Ceux  des  verbes  latins  qui  fuivent  quel- 
qu'un de  ces  paradigmes  font  dits  être  régu- 
liers ,  &  ceux  qui  ont  des  terminaifons  par- 
ticulières ^  font  appelles  anomaux  ^  c'efl-à- 
dire  irréguliers  ^  (R  a,  privatif,  &  ro/^of , 
règle.  )  comme  fero ,  Jers  ^  fert  ;  vola ,  vis  , 
vult  ^  &c.  on  en  fait  des  lifles  particulières 
dans  les  rudiraens  ;  d'autres  font  feulement 
défeBifs,  c'efl-à-dire,  qu'ils  m:înquent  ou 
de  prétérit  ou  de  fupin  ,  ou  de  quelque 
temps ,  ou  de  quelque  perfonne ,  comme 
oportet  y  pœnitet  ,  pLuit  ^  &c. 

Un  très-grand  non  bre  de  verbes  s'écar- 
tent de  leur  paradigme,  ou  à  leur  prétérit, 
ou  à  leur  fupin;  mais  ils  confèrvent  toujours 
l'analogie  Utine ;  par  exemple, /on^are  fait 
au  piétéritybn^i ,  plutôt  (\\xt  fonavi\  dare 
fait  dediy  hx.  non  pas  davi  ,  Sec.  On  fe 
contente  d'obferver  ces  différences ,  fans 
pour  cela  regarder  ces  verbes  comme  des 
verbes  anomaux.  Au  refle ,  ces  irrégulari- 
tés apparentes  viennent  de  ce  que  les  Gram- 
mairiens n'ont  pas  raporté  ces  prétérits  à  leur 
véritable  oiigme;  c-àxfonui  vient  dejonere^ 
de  la  troifien»e  conjugaifon ,  6i  non  defo- 
nare:  dedi  efl  une  lyncope  de  dedidi  pré- 
térit de  dedere..  Tuli ,  latum  ,  ne  viennent 
point  de  fero.  Tuli  qu'on  prononçoit  touli , 
vient  de  tollo  ;  fufiali  vient  dtfuflulo  ;  & 
latum\\^x\x  de  ta*»  par  fyncope  de  T<t«», 
Juffero  >  fubfiimo. 

L'auteur  de  Novitius  dit  que  latum  vient 


G  O  N  949 

du  prétendu  verbe  im»fité ,  lare ,  lo ,  mais 
il  n'en  rapporte  aucune  autorité.  yoyey[ 
Vos  s  lu  s  ,  de  art.  gramm.  t.  JJ^  p.  iSo. 

C'eflainfi  que /^i  ne  vient  pas  du  verbe 
fum  :  nous  avons  de  pareilles  pratiques  en 
françois;  je  vas  ^ /ai  été ,  /irai ,  ne  vien- 
nent point  d'aller.  Le  premier  vient  de  pa- 
dcre,  le  fécond  de  l'italien  ^a/a,  &  le  troi- 
fieme du  latin  ire. 

S'il  eût  été  poiîible  que  les  langues  euf- 
fentéié  le  réfuhat  d'une  affemblée  générale 
de  la  nation  ,  &:  qu'après  bien  de  difcuf- 
iions  &c  de  raifonncniens ,  les  philofophes 
y  euffent  été  écoutés  &^  euffent  eu  voix 
délibérative  ;  il  eu.  vraifemblable  qu'il  y  au- 
roifeu  plus  d'uniformité  dans  les  langues. 
Il  n'y  auroit  eu  ,  par  exemple,  qu'un  feule 
conjugaifon  &  un  feul  paradigme  ,  pour 
tous  les  verbes  d'une  langue;  mais  comme 
les  langues  n'ont  été  formées  que  par  une 
forte  de  métaphyfîque  d'inflinft  &  defenti- 
ment,  s'il  efl  permis  de  parler  ainfî;  il  n'efl 
pas  étonnant  qu'on  n'y  trouve  pas  une 
analogie  bien  exa6le  ,  &  qu'il  y  ait  des  irré- 
gularités :  par  exemple,  nous  défîgnons  la 
même  vue  de  l'efprit  par  plus  d'une  manière; 
foit  que  la  nature  des  lettres  radicales  qui 
forment  le  mot ,  amené  cette  différence  ,  ou 
par  la  feule  raifondu  caprice  &  d'un  ufage 
aveugle  ;  ainfi ,  nous  marquons  la  premiet e 
perfonne  au  fîngulier,  quand  nous  difons 
/aime  ;  nous  defignons  aufïi  cerre  première 
perfonne  en  difantyV^/z/V ,  ou  bien/«  reçois^. 
ou  je  prends ,  &c.  ce  font  ces  différentes 
fortes  de  terminaifons  auxquelles  les  verbes 
font  affujettis  dans  une  langue  ,  qui  font  les 
différentes  conjugaifons  ^  comme  nous  l'a- 
vons déjà  obfervé.  Il  y  a  des  langues  où  les 
différentes  vues  de  l'efprit  font  marquées 
par  des  particules ,  dont  les  unes  précèdent 
Se  d'autres  fuivent  les  radicales  :  qu'importe 
comment,  pourvu  que  les  vues  de  l'efprit 
foient  diftinguéeî  avec  netteté ,  &  que  l'on 
apprenne  par  ufage  à  connojtre  les  fignes 
de  ces  diftinélions. 

Parmi  les  auteurs  qui  ont  compofé  des 
grammaires  pour  la  langue  hébraïque  5 
les  uns  comptent  fept  conjugaifons ,  d'au- 
tres huit  :  Mafclef  n'en  veut  que  cinq  y 
&  il  ajoute  qu'à  parler  exactement ,  ces- 
cinq  devroient  être  réduites  à  trois.  Quin~ 
que  illa.  y  accurate  loquendo ,  ad  trcs  effint 


950  C  O  N 

rcducenitz.  Gramm.  hebraîc,  chap.  îv  ,  n. 

Nous  nous  contenterons  d  obferver  ici 
que  les  verbes  hébreux  ont  voix  aftive  S 
voix  paffive.  Ils  ont  deux  nombres,  ie  fin- 
gulier  &  le  pluriel;  ils  ont  trois  perfonncs, 
&  en  conjurant  on  commence  par  la  troi- 
fieme  perfonne ,  parce  que  les  deux  autres 
font  formées  de  celle-là  ,  par  l'addition  de 
quelques  lettres. 

En  hébreu,  les  verbes  ont  trois  genres 
comme  les  noms  ,  le  genre  mafculin  ,  le 
féminin,  &:  le  genre  commun  ;  enforte  que 
l'on  connoit  par  la  terminaifon  du  verbe ,  fi 
l'on  parle  d'un  nom  mafculin  ,  ou  d'un 
nom  féminin;  mais  dans  tous  les  temps  la 
première  perfonne  eft  toujours  du  genre 
commun.  Au  refte ,  les  Hébreux  n'ont  point 
de  genre  neutre  ;  mais  lorfque  la  même  ter- 
minaifon fert  également  pour  le  mafculin 
ou  pour  le  féminin ,  on  dit  que  le  mot  eft 
du  genre  commun  ;  c'eft  ainfi  que  l'on  dit 
en  latin ,  hic  adoUJcens  ,  ce  jeune  homme  , 
&  hcec  adoUfcens  ,  cette  fille  ;  civis  bonus , 
bon  citoyen,  &  cli-'is  hona ,  bonne  citoyen- 
ne ;  &  c'eft  ainft  que  nous  difons  ,  fage  , 
utik  ,  fideU  ,  tant  au  mafculin  qu'au  fémi- 
nin; on  pourroit  dire  aufli  que  dans  les 
autres  langues ,  telles  que  le  grec  ,  le  latin  , 
îe  françois  ,  &c,  toutes  les  terminaifons 
des  verbes  dans  les  temps  énoncés  par  un 
feul  mot  font  du  genre  commun  ;  ce  qui  ne 
{ignifîeroit  autre  chofe  finon  qu'on  fe  fert 
également  de  chacune  de  ces  terminaifons , 
foit  qu'on  parle  d'un  nom  mafculin  ou  d'un 
nom  féminin. 

Les  Grecs  ont  trois  efpeces  de  verbes  par 
rapport  à  la  conjugaifon  ;  chaque  verbe  eft 
rapporté  à  fon  efpece  fuivant  la  terminaifon 
^w'thême.  On  appelle  thême^  en  termes  de 
grammaire  greque ,  la  première  perfonne 
du  préfent  de  l'indicatif.  Ce  mot  vient  de 
^i^Y\[ji.i  pono^  parce  que  c'eft  de  cette  pre- 
mière perfonne  que  l'on  forme  les  autres 
temps  ;  ainfi  l'on  pofe  d'abord  ,  pour  ainfi 
dire,  ce  préfent,  afin  de  parvenir  aux  for- 
mations régulières  des  autres  temps. 

La  première  efpece  de  conjugaifon  eft 
celle  des  verbes  que  l'on  appelle  barytons , 
de  &a.fvi ,  grave  ,  Ôi  de  -ûvos ,  ton ,  accent , 
parce  que  ces  verbes  étoient  prononcés  avec 
i'accent  grave  fur  la  dernière  fyilabe,  ôc 


C  O  N 

'  quoique  aujourd'hui  cet  accent  ne  fe  mar- 
que point ,  on  les  appelle  pourtant  toujours 
harytom  \  ré/:  a»  tendo  ;  ti.ott«  verbero,  font 
des  verbes  barytons. 

2.  La  féconde  forte  de  conjugaifon  eft: 
cel.'e  des  verbes  circonflexes  :  ce  font  des 
verbes  barytons  qui  foutfrent  contraflion 
en  quelques-unes  de  leurs  terminaifons,  Sc 
alors  iis  font  marqués  d'un  accent  circon- 
flexe; par  exemple  «-^ctTraei  amo  ,  eft  le  ^tf- 
ryton  ,  &Ca>etTCt)  le  circonflexe. 

Les  barytons  &  les  circonflexes  font 
également  terminés  en  «  à  la  première  per- 
fonne du  préiènt  de  l'indicatif. 

3.  La  troifieme  efpece  de  verbes  grecs  ^ 
eft  celle  des  verbes  en  {h  ,  parce  qu'en  effet 
ils  font  terminés  en  ^/ ,  ùynfum. 

Il  y  a  fix  conjugaifons  des  verbes  bary^ 
tons  ;  elles  ne  font  diftinguées  entre  elles 
que  par  les  lettres  qui  précèdent  la  termi- 
naifon. 

On  diftingue  trois  conjugaifons  de  verbes 
circonflexes:  la  première  eft  des  barytons 
en  fi»  :  la  féconde  de  ceux  en  «w ,  &  la  troi- 
fieme de  ceux  en  «  :  ces  trois  fortes  de 
verbes  deviennent  circonflexes  par  la  con- 
traction en  ft». 

On  diftingue  quatre  conjugaifons  des  ver- 
bes en  ui  ;  &  ces  quatre  jointes  à  celles  des 
vQxht^barytons^  &  à  celles  des  circonflexes, 
cela  fait  treize  conjugaifons  dans  les  verbes 
grecs. 

Tel  eft  le  fyftême  commun  des  grammai- 
riens; mais  la  méthode  de  P.  R.  réduit  ces 
ixQ]zQ  conjugaifons  à  deux  :  l'une  des  verbes 
en  â  qu'elle  divife  en  deux  efpeces  :  ï.  celle 
des  verbes  qui  fe  conjuguent  fans  contrac-» 
tion  ,  &  ce  font  les  barytons  :  .celle  de  ceux 
qui  font  conjugés  avec  contra<flion ,  &  alors 
ils  font  appelles  aVco/2^^A;«5.  L'autre  conju" 
gaifon  des  verbes  grecs  eft  celle  des  verbes 
en  fjA. 

Il  y  a  quatre  obfervations  à  faire  pour  bien 
conjuguer  les  verbes  grecs:  il  faut  obferver  la 
terminaifon.  Cette  terminaifon  eft  marquée 
ou  par  une  (impie  lettre  ,  ou  par  plus  d'une 
lettre. 

1.  La  figurative ,  c'eft-à-dire  la  lettre  qui 
précède  la  terminaifon  :  on  l'appelle  aufl[i 
caraclériflique  ,  ou  Lettre  de  marque.  On  doit 
faire  une  attention  à  cette  lettre  ,  i.  au  pré- 
fent, 2.  au  prétérit  parfait,,  ôc  3.  au  futur 


CO  N 

de  rrndîcatlf  aftif  ;  parce  que  c'efl:  de  ces 
trois  temps  que  les  autres  font  formés.  La 
fu bdivifion  des  conjugaifons  ,  &  la  difiinc- 
tion  des  temps  des  verbes,  fe  tire  de  cette 
lettre  figurative,  ou  caraclériflique.. 

J.  La  voyelle  ,  ou  la  diphtongue  qui  pré- 
cède la  terminaifon. 

4.  Enfin  ,  il  faut  abferver  l'augment.  Les 
lettres  que  l'on  ajoute  avant  la  première 
fyllabe  du  thème  du  verbe  ,  ou  le  change- 
ment qui  fe  fait  au  commencement  du  ver- 
be, iorfqu'on  change  une  brève  en  une  lon- 
gue ,  eft  ce  qu^on  appelle  augmeni  ;  ainii  il 
y  a  deux  fortes  d'a-ugmens.  i.  L'augment 
fyllabique  qui  fe  fait  en  certains  temps  des 
verbes  qui  commencent  par  une  confonne, 
par  exemple,  ivT.a  ,  verbero ,  eft  le  thème 
fens  augment  ;  mais  dans  s  rvTrQw  ,  verbera- 
baniik  eft  l'augment  fyllabique  ,. qui  ajoute 
«ne  fyllabe  de  plus  à  Tt;'7rr&. 

2.  L'augment  temporel  fe  fait  dans  les 
verbes  qui  commencent  par  une  voyelle 
brève  ,  que  l'on  change  en  une  longue  , 
par  exemple 'j'-f  161,  tralio  ,  ii^u0V ,  trakcbam. 

Ainfi  ,  non  feuleinent  les  verbes  grecs 
ont  des  terminaifons  différentes ,  comme 
les  verbes  latins  ;  mais  de  plus  ils  ont  l'aug- 
ment qui  fe  fait  en  cerrains  temps.,,  ^  au 
commencement  du  mot,. 

Voilà  une  première  différence  entre  les 
verbes  grecs  &:  les  verbes  latins. 

2.  Les  grecs  ont  un  mode  de  plus  ;  c'êft 
Foptatif ,  qui  en  grec  a  des.  terminaifons 
particulières,  différentes  de  celles  du  fub- 
jonélif  ;  ce  qui  n'eft  pas  en  latin.. 

3.  Les  verbes  grecs  ont  le  duel,  au  lieu 
qit'en  latin  ce  nombre  eft'confondu  avec  îè 
pluriel,  Les  Grecs  ont  un  plus  grand  nom- 
bre de  temps;  ils  ont  deux  aoriftes,  deux 
futurs  ,  &  un  pau là- pôfi  futur  dans  le  fens 
paflïf ,  à  qpoi  les  latins  ibpplée.nt.  par.  des 
adverbes. 

4.  Enfin  ,  les  Grecs  n*ont  ni  fUplns,  ni 
gérondifs  proprement  dits;  mais  ilsen  font 
bien  dédommagés  par  les  différentes  termi- 
naifons de  l'infinitif,  &  par  les  différens 
participes.  Il  y  a. un  infinitif  pour  le  temps 
{>réfent,.un  autre  pour  le  futur  premier, 
lin  autre  pour  le  futur  fécond  ,  un  pour  le 
premier  aorifte  ,  un  pour  le  fécond,  un 
pour  le  prétérit  parfait  ;  enfin  ,  il  y  en  a 
«n.  pour  le  paulà-pofi-futur ^ ^  de  plus  il 


C  O  N  cji 

y  a  autant  de  participes  particuliers  pour 
chacun  de  ces  temps-là. 

Dans  la  langue  allemande,  tous  les  verbes 
l'ont  terminés  en  en  à  l'infinitif,  fi  vous  eu» 
exceptez  feyn  ,  être ,  dont  l'e  fe  confond 
avec  Vy.  Cette  uniformité  de  terminaifon 
des  verbes  à  l'infinitif,  a  fait  dire  aux  Gram- 
mairiens ,  qu'il  n'y  avoit  qu'une  feule  con^ 
juga'îfon  en  allemand  ;  ainfi  il  fuffit  de  bien 
favoir  le  paradigme  ou  modèle  fur  lequel  on 
conjugue  à  la  voix  active  tous  les  verbes 
réguliers ,  &  ce  paradigm.e  ,  c'eft  lieben  ,. 
aimer;  car  teile  eftla  deftinaiion  des  verbes 
qui  expriment  ce  fentiment  ,  de  fervir  de- 
paradigme  en  prefque  toutes  les  langues  t 
on  doit  enfuite  avoir  des  liftes  de  tous  les. 
verbes  irréguliers. 

J'ai  dit  que  le  lichen  étoit  le  modèle  des; 
verbes  à  là  voix  active  ;  car  les  al'emands- 
n'ont  point  de  verbes  paffifs  en  un  feul  mot: 
tel  eft  auffi  notre  ufage  ,  &:  celui  de  nos 
voifins  :  on  fe  fe.rt  d'un  verbe  auxiliaire- 
auquel  on  joint  le  fupin  qui  eft  indéclinar- 
ble,  ou  le  participe  qui  fe  décline.. 

Les  Aliemands  ont  trois  verbes  auxiliai- 
res ;  hahen  ,.  avoir  ;  feyn  ,  être  ;  werdtn  ^ 
devenir.  Ce  dernier  fert  à  former  le  futur 
de  tous  les  verbes  actif>  ;.il  fert  aufli  à  for- 
mer tous  les  temps  de.s  verbes  paffifs ,  conr 
jointement  avec  le  participe  du  verbe;  fur 
quoi  ilfaut  obferver  qu'en  allemand,  ce  par- 
ticipe ne,  change  jamais,  ni  pour  la  différence 
des  genres  >  ni  pour  celle  des  nombres;  il 
garde  toujours  la  mém.e  terminaifon. 

A^l'égard  de,  l'anglois ,  la  manière  de  con- 
juguer les  verbes  de  cette  langue  n'eft  point 
analogue  à  celle  des  autres  langues  :  je  ne  fai 
Ç\  ejle  eft  auffi  facile  qu'on  le  dit  pour  un 
étranger  qui  ne  fe  contente  pas  d'une  fim- 
ple  routine ,  &  qui  \q.\\X  avoir  une  connoif- 
fance  raifonnée  de  cette  manière  de  conju-, 
guer.  W,3.\\\s  ,  qui  étoit  anglois  ,  dit  que 
comme  les  verbes  anglois  ne  varient  point 
leur  terminaifon  ,  la  conjugaifon  qui  fait, 
dit-il ,  une  fi.grande  difficulté  dans  les  autres 
langues ,  eft  dans  la  fienne  une  affaire  très- 
aifée,.  &:  qu'on  en  vient  fort  aifément  à 
bout, avec  le  fecours  de  quelques  mots  ou 
^verbes  auxiliaires.  V^erhorum  ficxio feu  con- 
jugatio ,  qucs,  in  reliquis  Un  guis  maximam 
fonitur  difficultatem,  apudAnglos  hviffimo 
negotio  pcragitur.y.,  verborum  a/i^uot  auxir 


9u  €  O  M 

Liarium  adjumemo  ftre  totum  opus  perficî- 
îur.  W  al  lis ,  gramm.  ling.  ang.  chap.  viij 
d&  vtrho. 

C'eft  à  ceux  qwi  étudient  cette  langue  à 
décider  cette  qucftion  par  eux-mêmes. 

Chaqn^;  verbe  anglois  femble  faire  une 
claffe  à  part;  la  participe  prépofitive  to  ,  eft 
comme  une  eCpece  d'article  deftiné  à  mar- 
quer l'infinitif;  de  forte  qu'un  nom  fubftan- 
tif  devient  verbe  ,  s'il  eft  précédé  de  cette 
particule  :  par  exemple ,  murder,  veut  dire 
meurtre  ,  homicide  ;  mais  to  murder^  fignifie 
tuer:  li/t^e(?on;  toUft^  enlever:  Love  ^ 
amour,  amitié,  affeélion;  to  love ^  aimer, 
&c.  Ces  noms  fubftantifs  qui  deviennent 
ainfî  verbes,  font  la  caufe  de  la  grande  dif- 
férence qui  fe  trouve  dans  la  terminaifondes 
infinitifs  ;  on  ptut  obfeiver  prefque  autant 
de  terminaifons  différentes  à  l'mfinitif,  qu'i! 
y  a  des  lettres  à  l'alphabet,  a,  ^,  c,  ^,  e, 
/,  g ,  &c.  toflea ,  écorcher  ;  to  roh ,  voler, 
dérober  ;  to  jind  ,  trouver  :  to  love ,  aimer  ; 
to  quaff\  boire  à  longs  traits  ;  to  jog^  fecouer, 
poufîer  ;  to  cath  ,  prendre ,  faifir  ;  to  thank^ 
remercier ,  to  call,  appeller  ;  to  /<z/72, battre, 
frapper;  to  rum^  couàr;  to  help  ^  aider; 
to  wear ^  porter;  to  lojf^  agiter;  to  reft ^  le 
repofer;  to  know ,  favoir;  to  box  ^  battre  à 
coups  de  poing;  to  marry^  marier,  fe  marier. 
Ces  infinitifs  ne  fe  conjuguent  pas  par  des 
changemens  de  terminaifon  ,  comme  les 
verbes  des  autres  langues;  la  terminaifon  de 
ces  infinitifs  ne  change  que  très-rarement. 
Ils  ont  deux  participes  ;  un  participe  pré- 
fent  toujours  terminé  en  ing^  liaping^  ayant, 
being ,  étant  ;  &  un  participe  paffe  terminé 
ordinairement  en  e^ou  V,  loped  ,  aimé: 
mais  ces  pariicipes  n'ont  guère  d'analogie 
avec  les  nor-es  ;  ils  font  indéclirubles  ,  & 
font  plutôt  des  noms  verbaux  qui  fe  pren- 
nent tantôt  fubftantivement  &■  tantôt  adjec- 
tivement :  ils  énoncent  l'acfion  dans  unfens 
abftrait;  par  QXQm'^Ae^ your  marrying  Ç\^n\- 
fie  votre  marier^  l'adion  de  vous  marier 
plutôt  que  votre  mariant.  Corning  eft  le  par- 
ticipe de  to  corne ,  arriver,  &  fignifie  l'ac- 
iion  d'' arriver ,  de  venir ,  ce  que  notre  par- 
ticipe arrivant  ne  rend  point.  Les  Anglois 
difent  his  coming ^  fon  arrivée,  fa  venue, 
fon  aftion  d'arriver  ;  &.  l'idée  qu'ils  ont 
alors  dansl'efprit,  n'a  pas  la  même  force 
,^ue  cçlle  de  la  penfée  que  i)o.us  avons  quand 


CON 

nous  ^\Çon^  venant ,  arrivant.  C'eft  de  la 
différence  du  tour ,  del'ifnag'nation,  ou  de 
la  différente  manière  dont  reljjrir  eft  aff^:;clé, 
que  l'on  doit  tirer  la  différence  des  idiotif- 
mes  &  du  génie  de; langues. 

C'eft  avec  l'infini;  if&c  avec  les  deux  homs 
verbaux  ou  participes  dont  nous  venons  de 
parler,  que  l'on  conjugue  les  verbes  ang'ois, 
parle  fecours  de  certains  mots  &c  de  quel- 
ques verbes  auxiliaires.  Ces  verbes  font  pro- 
prement les  feuls  verbes.  Ces  auxiliaires  font 
to  hâve ,  avoir  \  to  be^  être  ;  to  do ,  faire ,  &c 
quelques  autres.  Les  perfonnes  fe  ma-quent 
par  les  pronoms  perionnels  i,  je  ;  ifiou ,  tu; 
he,  il  ;  j/ie,  elle  :  &:  au  pluriel  we  ,  nous  ; 
you^  vou-  ;  they  .^  Us  ou  elles ,  fans  que 
cette  différence  des  pronoms  apporte  quel- 
que changement  dans  la  terminail'cndunom 
verbal  que  l'on  regarde  communément 
comme  verbe. 

Les  grammaires  que  l'on  a  faitC'^  jusqu'ici 
pour  apprendre  l'Anglois,  du  moins  celles 
dont  j'ai  eu  connoifl^ance ,  ne  m'ont  pas  paru 
propres  pour  nous  doaner  une  idée  jufte  de 
la  manière  de  conjuguer  des  Anglois.  On 
rend  l'anglois  par  un  équivalent  françois , 
qui  ne  donne  pas  l'idée  jufte  du  tour  littéral 
anglois,  ce  qui  eft  pourtant  le  point  que 
cherchent  ceux  qui  veulent  apprendre  une 
■ingue  étrangère;  par  exemple,  i  do  dine^ 
on  traduit  je  dîne  ;  thou  dofl  dine  ,  tu  dînes; 
he  dois  dine^  il  dîne  :  i  marque  la  première 
perfonne  ;  do  ,  veut  dire  faire  ;  &  dine  y 
dîner  ;  il  faudrolt  donc  traduire  ,  je  ou  mol 
faire  dîner  ^  tu  fais  dîner  ,  //  ou  lui  fait 
dîner.  Et  de  même  there  is ,  on  traduit  au 
fingulier  ,  il  y  a  ;  there  ^  eft  un  adverbe  qui 
veut  dire  A/,  &  is  eft  la  troifieme  perfonne 
du  préferrt  du  verbe  irrégulier  ^  to  behx.  arc 
fert  pour  les  trois  perfonnesdu  pluriel  ;  ainfî 
il  falloit  traduire  there  is ,  là  eft ,  &  there  are^ 
ià  font ,  &  obfervçr  que  nous  difons  en 
françois  ,  il  y  a. 

Le  fens  paflRt  s'exprime  en  anglois  , 
ccmime  en  allemand  &  en  françois,  par  le 
verbe  fubftantif,  avec  le  participe  du  verbe 
dont  il  s'agit ,  i  am  loved,  je  fuis  aimé. 

Pour  fe  familiarifer  avec  la  langue  an- 
gloife ,  on  doit  lire  fouvent  les  liftes  des 
verbes  irréguliers  qui  fe  trouvent  dans  les 
grammaires  ,  &  regarder  chaque  mot  d'un 
verbe  çonjime  un  mot  particulier,  qui  a  une 

ijgnificatio.î> 


C  O  N 

fîgnification  propre  ;  par  exemple,  /  am ,  je 
fuis  ;  thou  art ,  tu  es  ;  he  is ,  il  eft  ;  we  are , 
nous  iommes;  je  are ,  vous  êtesj  they  are, 
ils  font ,  &c.  Je  regarde  chacun  de  ces 
mots-là  avec  la  fignification  particulière  , 
&  non  comme  venant  d'un  m3me  verbe. 
Am ,  lignifie ////.y ,  coramtfun  iigniikfokii, 
ainlî  des  autres. 

Les  Efpagnols  ont  trois  conjugaifons ,  qu^ils 
diftinguent  par  la  terminaifon  de  l'infinitif. 
Les  verbes  dont  Pinfinitif  eft  terminé  en  ar , 
font  la  première  conjugaifon  :  ceux  de  la 
féconde  fe  terminent  en  er  :  enfin ,  ceux 
de  la  troiiieme  en  /r. 


ire    c  O  N  J  U  G  A  I  S  O  N. 

J{ma,r , aimer. 

Indicatif  présent. 

Singulier, 

Jimo j'aime. 

Jimus  ,  ....     tu  aimes. 
Amat ,     ....     il  aime. 

Vlttriel. 

Jimamos ,  .  .  .  nous   aimons. 

jimais vous  aimez. 

v^m^» ,  .  .    ...   ils  aiment. 


ne  CONJUGAISON. 

Corner , 

.     .     .     .     manger 

Indicatif  présent. 

Singulier. 

Como  ,  , 
Cornes  , 
Corne  ^  . 

.     .     .  "  je  mange 

.     .     .     tu  manges 

.     .     .     il  mange 

Fluriel. 

Comemos , . .  nous  mangeons. 
Cornets ,  .  .  .  .  vous  mangez. 
Comen  ,   ...    ils  mangent. 


CON  5,53 

ils  ont  quatre  auxiliaires,  haver ,  tener, 
fer  ôc  ejîar.  Les  deux  premières  fervent  à 
conjuguer  les  verbes  adtifs ,  les  neutres  & 
les  réciproques  :  fer  &c  ejlar  font  deftinés 
pour  la  conjugaifon  des  verbes  pallifs. 

La  manière  de  conjuguer  des  Elpagnols, 
eft  plus  analogue  que  la  nôtre  à  la  manière 
des  latins.  Leurs  verbes  ne  font  précédés 
des  pronoms  perfonnels ,  que  dans  les  cas 
où  ces  pronoms  feroient  exprimés  en  latin 
par  la  raifon  de  Ténergie  ou  de  l'oppoiition. 
Cette  fuppreiTion  des  pronoms  vient  de  ce 
que  les  terminaifons  efpagnoles  font  allez 
connoîtrc  les  perfonnes. 


llle  CONJUGAISON. 

Subir  ^    ....     monter. 

Indicatif  présent. 

Singulier. 

Suho  .....  je  monte, 
Subes ,  ...  tu  montes* 
Sube ,    .     .     .     .il  mon  ce. 

Tluriel. 

Subimos  ,  .  .  nous  montons. 
Subis ,.,'..  vous  montez, 
Suben .....    ils  montent. 


Ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  de  fuivrc  toute  la 
conjugaifon ,  ce  détail  ne  convient  qu'aux 
grammaires  particulières;  je  n'ai  voulu  que 
donner  ici  une  idée  du  génie  de  chacune 
des  langues  dont  je  parle  par  rapport  à  la 
conjugaifon. 

Les  Italiens,  dont  tous  les  mots,  fi  l'on 
en  excepte  quelques  prépofitions  ou  mono- 
fyllabes ,  finiflent  par  une  voyelle ,  n'ont  que 
trois  conjugaifonsy  comme  les  Efpagnols.  La 
première  eft  en  are;  la  féconde  en  ëre  long 
ou  en  ère  bref;  Se  la  troifieme  en  ire. 

On  doit  avoir  des  liftes  particulières  de 
toutes  les  terminaifons  de  chaque  conjugai- 
fon régulière,  rangées  par  modes,  temps, 
nombres  &  perfonnes  ;  en  forte  qu'en  met- 
tant les  lettres  radicales  devant  les  terminai- 
fons, on  Conjugue  facilement  tout  verbe  ré- 
gulier. On  a  enfuite  des  Uftes  pour  les  irré- 
guliers ,  fur  quoi  Pon  peut  confulter  la  mé- 
thode italienne  de  Veneroni,  //2-4°.  1688. 

A  l'égard  du  françois,  il  fcut  d'abord  ob- 
Tome  VIII. 


ferver  que  tous  nos  verbes  font  terminés  à 
l'infinitif  ou  en  er,  ou  en  />,  ou  en  air,  ou 
en  re ,  ainfi  ce  foui  mot  technique  er-ir-oir" 
re ,  énonce  par  chacune  de  ces  (yllabes ,  cha- 
cune de  nos  quatre  conjugaifons  générales. 

Ces  quatre  conjugaifons  générales  font 
enfuite  mbdivifées  en  d'autres  à  caufo  des 
voyelles ,  ou  des  diphthongues ,  ou  des  con- 
fonnes  qui  précèdent  la  terminaifon  générale; 
par  exemple,  er  eft  une  terminaifon  générale, 
mais  fi  er  eft  précédé  du  fon  mouillé  foible , 
comme  dans  envo-yer,  ennu-yer,  ce  fon  ap- 
porte quelques  différences  dans  la  conjugai- 
fon; il  en  eft  de  même  de  re ,  ces  2  lettres 
font  quelquefois  précédées  de  confonnes, 
comme  dans  vaincre ,  rendre  ,  battre ,  Scc, 

Je  crois  que  plutôt  de  fatiguer  l'efprit  & 
la  mémoire  de  règles ,  il  vaut  mieux  donner 
un  paradigme  de  chacune  de  ces  quatre 
conjugaifons  générales ,  &  mettre  enfuite  au 
deifus  une  Mfte  alphabétique  des  verbes  que 
l'ufage  a  exceptés  de  la  règle. 

Dddddd 


^54  CON 

Je  crois  auflî  que  Ton  peut  s'épargner  la 
peine  de  fe  fatiguer  après  les  obfervations 
que  les  grammairiens  ont  faites  fur  les  for- 
mations de  temps;  la  feule  infpe6tion  du 
paradigme  donne  lieu  à  chacun  de  faire  fès 
remarques  fur  ce  point. 

D'ailleurs,  les  Grammairiens  ne  s'accor- 
dent point  fur  ces  formations.  Les  uns  com- 
mencent par  l'infinitif:  il  y  en  a  qui  tirent 
les  form.;itions  de  la  première  pcrfonne  du 
préfent  de  l'indi